Sur les flancs du Chimborazo - amotsdelies.com · Antonio, le gardien du refuge, arrivait à notre...

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C hiquita , notre fidèle 4L, nous avait amenés jusqu’au refuge Darrel, à 4800 m d’altitude. Au sommet du Mont-Blanc ! Certes, elle avait eu un peu de mal : elle n’était pas encore habituée à de telles grim- pettes. Il avait fallu faire de multiples pauses et même changer de gicleur. Mais nous étions arri- vés. Le soleil et le vent nous avaient accompa- gnés tout au long de la route. Le sommet arrondi du Chimborazo, le plus haut sommet d’Équateur, scintillait dans le ciel bleu et nous attirait comme un aimant. - Vous arrivez d’où, avec cette voiture ? Découvrir l’ Équateur 10 Globe-trotters n° 117 Dans la ouate blanche à nulle autre pareille, au plus haut sommet de l’Équateur, magie et silence rivalisent de beauté. Sur les flancs du Chimborazo De jour en jour, nous étions montés plus haut. Le beau temps et les passages réguliers de groupes d’alpinistes aidant, la trace était bien marquée jusqu’au sommet © Annes Junges et Bénédicte Bazaille

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Chiquita , notre fidèle 4L, nousavait amenés jusqu’au refugeDarrel, à 4800 m d’altitude. Ausommet du Mont-Blanc ! Certes,elle avait eu un peu de mal : elle

n’était pas encore habituée à de telles grim-pettes. Il avait fallu faire de multiples pauses etmême changer de gicleur. Mais nous étions arri-vés. Le soleil et le vent nous avaient accompa-

gnés tout au long de la route. Le sommet arrondi du Chimborazo, le plus haut sommetd’Équateur, scintillait dans le ciel bleu et nousattirait comme un aimant.- Vous arrivez d’où, avec cette voiture ?

Découvrir l’Équateur

10Globe-trotters n° 117

Dans la ouate blanche

à nulle autre pareille,

au plus haut sommet

de l’Équateur, magie et

silence rivalisent de beauté.

Sur les flancs du Chimborazo

De jour en jour,nous étions

montés plushaut. Le beau

temps et lespassages

réguliers degroupes

d’alpinistesaidant, la trace

était bienmarquéejusqu’ausommet

© Annes Jungeset Bénédicte Bazaille

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Antonio, le gardien du refuge, arrivait à notrerencontre et s’étonnait de cette plaque d’imma-triculation inconnue. La France ? Où cela pouvait-il bien être ?

Attablés devant un thé chaud, nous lui avonsraconté notre voyage, cette vie sur la route quenous menons depuis un an déjà. Antonio necomprenait pas très bien ce qui pouvait nouspousser à errer de la sorte, mais il était heureuxd’avoir de la compagnie. La solitude lui pesait.Aussi fut-il enthousiaste quand nous lui deman-dâmes si nous pouvions bivouaquer quelquesjours devant le refuge.- Bien sûr ! Aussi longtemps que vous voulez !Mais vous n’allez pas dormir dans la voiture,quand même. Vous auriez froid !Impossible de le convaincre… Il avait fallu ins-taller nos duvets à l’intérieur.

Seuls sur les flancs de la montagne, nous étionsmontés au refuge Whymper, à 5000 m. La dis-tance était courte… Notre souffle aussi ! Unléger mal de tête nous avait fait redescendre. Ilallait falloir s’habituer à l’altitude.De jour en jour, nous étions montés plus haut.Le beau temps et les passages réguliers degroupes d’alpinistes aidant, la trace était bienmarquée jusqu’au sommet. Nous l’avions suiviemaintes fois aux jumelles : toutdroit dans la pente jusqu’à uneparoi rocheuse qui se contournaitpar la droite, puis direction lacrête… et tout droit jusqu’au som-met. Facile ! Mais plus de 6300 mà l’arrivée, quand même…Munis de nos seules chaussures demarche, nous n’avions pas pu dépasser la paroirocheuse mais passions nos journées à arpenterla montagne, partageant la vie de Luis, le gar-dien du refuge Whymper et d’Antonio. Desvisiteurs venaient bien de temps en temps enmilieu de journée, mais le reste du temps était ànous. Les petits matins frais avant le lever dusoleil, l’océan de nuages qui recouvrait la valléecertains jours, les longues soirées au coin dupoêle…Dans cet univers minéral et silencieux, où leseul bruit était celui de l’écoulement de l’eau (laneige fondait peu à peu au soleil) nous avionsvite pris l’habitude, comme Luis et Antonio, detendre l’oreille au moindre bruit de moteur.Avec eux, nous bondissions à la fenêtre dèsqu’un véhicule approchait.

Ce matin-là, tout avait changé. La veille au soir,la neige avait commencé à tomber et nous nousétions réveillés au milieu d’une immensitéblanche. Un manteau de neige d’une bonnevingtaine de centimètres recouvrait tout : lerefuge, la piste désormais inutilisable, les flancsde la montagne… Les avalanches se succé-daient : aucune ascension ne serait possibleavant plusieurs jours.

- Personne ne va venir, aujourd’hui, nous ditAntonio. Venez, on va faire un tour.

À pied, nous étions descendusjusqu’à un relais radio, unedemi-douzaine de kilomètresplus bas. En file indienne,dans la ouate blanche, dansun silence que plus aucunbruit de moteur n’allait venirtroubler… Peu à peu, la

couche de neige avait diminué. Nous avionsatteint la dernière crête avant le relais radioquand un troupeau de vigognes nous était appa-ru. Douze bêtes, dont plusieurs petits. Saisis parla finesse et la grâce de ces animaux, nousn’osions plus bouger… Mais un guetteur avaitsenti notre présence. Les têtes s’étaient tournéesvers nous…Instants magiques que ces regards échangés depart et d’autre ! Yeux grand ouverts, oreillesbien droites, les vigognes nous observaient,comme étonnées de nous voir là. Sans peur. Etpuis le charme s’est rompu. Le groupe s’estéloigné au petit trot. Les yeux brillants, Antonios’est tourné vers nous :- Vous avez vu ?Et c’est le cœur réchauffé par cette rencontreque nous étions remontés au refuge.Le lendemain matin, la neige avait fondu sur lapiste. Bientôt, les premiers bruits de moteur seferaient de nouveau entendre. C’est avec émo-tion que nous avions fait nos adieux à Antonioet Luis. Alors que nous repartions avec Chiquita, lesommet du Chimborazo scintillait derrière nousau soleil. Texte Florence Blanchet

http://familleautourdumonde.free.fr

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Le sommet arrondidu Chimborazo

scintillait dans le cielbleu et nous attiraitcomme un aimant

© Françoise Quillier

© Rémi Clerfeuille

© Annes Junges

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