Sujet de culture générale n°4 - mai 2016 Concours...

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Rédacteur Gal (2S) Jean-François DELOCHRE - © Maréchal un jour – 05/2016 Sujet de culture générale n°4 - mai 2016 Concours blanc Ce corrigé constitue une copie étalon à l'attention des candidats ayant concouru et un guide pour les correcteurs L'effort a été porté sur l'organisation de la réponse à partir des règles de composition enseignées au cours de la préparation. La structure du corrigé (nombre de parties, processus de démonstration) correspond à l'une des possibilités indiquées, sans ordre de priorité, aux candidat(e)s. Les références de culture générale sont personnelles, chaque candidat(e) ayant ses propres repères en fonction de son niveau et de sa connaissance du champ couvert par le sujet. SUJET "Il ne dépend que des hommes libres d’envisager leur propre puissance en un système tel qu’il empêche la guerre." Général de Gaulle – Président de la République (1959-1969) Quelle place pour la dissuasion dans la géostratégie contemporaine ?

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Ce corrigé constitue une copie étalon à l'attention des candidats ayant concouru et un

guide pour les correcteurs

L'effort a été porté sur l'organisation de la réponse à partir des règles de composition

enseignées au cours de la préparation.

La structure du corrigé (nombre de parties, processus de démonstration) correspond

à l'une des possibilités indiquées, sans ordre de priorité, aux candidat(e)s.

Les références de culture générale sont personnelles, chaque candidat(e) ayant ses

propres repères en fonction de son niveau et de sa connaissance du champ couvert

par le sujet.

SUJET

"Il ne dépend que des hommes libres d’envisager leur propre puissance en un

système tel qu’il empêche la guerre."

Général de Gaulle – Président de la République (1959-1969)

Quelle place pour la dissuasion dans la géostratégie contemporaine ?

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REGLES DE REDACTION

Pour la rédaction de ce corrigé, les règles suivantes ont été privilégiées :

1. Tous les éléments de compréhension du sujet figurent dans le texte de la copie sans qu'il soit nécessaire à un lecteur de revenir au libellé de la question posée pour savoir de quoi l'on traite.

2. L'argumentation de la thèse retenue prend en compte les objections que peut soulever la position de l'auteur.

3. La thèse, ici l'idée maîtresse, répond précisément à la question posée. Elle reste assez synthétique pour être facilement mémorisable par le lecteur.

4. L'annonce de plan ne constitue pas une simple duplication détaillée de l'idée maîtresse. Elle constitue le fil directeur de la démonstration de la thèse.

5. La cohérence de l'introduction se trouve dans la complémentarité de ses différents constituants (préambule, idée maîtresse et plan).

6. L'ouverture en fin de devoir trace la voie d'un autre sujet, connexe à celui traité, mais ne remet pas en cause la pertinence de la thèse exposée ou (et) de sa démonstration.

7. La forme doit s'effacer derrière le fond… et pas l’inverse !1

CORRIGE PROPOSE

Comprendre le sujet

En préambule, quelques éléments clefs sur la géostratégie et la dissuasion.

« La géostratégie est l’étude, la préparation ou l’exécution d’opérations militaires à l’échelle

macrogéographique, c’est-à-dire à une dimension spatiale suffisante pour exclure la constitution d’un

théâtre unique. Son paradigme spécifique est la coordination stratégique et logistique des différents

théâtres, envisagée dans sa relation aux divers milieux physiques comme aux configurations spatiales.

La coordination stratégique envisage l’effet produit par les opérations d’un théâtre donné sur les autres

théâtres ; la coordination logistique porte sur le transfert des forces entre théâtres. » (www.stratisc.org

– 2005 et aussi www.institut-strategie.fr)

Supériorité conceptuelle de la géostratégie sur la géopolitique

« La guerre étant la continuation de la politique par d’autres moyens, la géostratégie constitue

naturellement une province de la géopolitique. Dans bien des cas d’ailleurs, les deux disciplines sont

inextricablement confondues […] Néanmoins, l’examen approfondi des concepts fait apparaître une

plus grande consistance de la géostratégie. L’influence du facteur géographique sur les affaires

politiques tend en effet à se diluer devant les progrès des moyens de transport et de communication,

alors qu’elle reste une donnée permanente et fondamentale de l’art militaire : la guerre suppose

toujours un contact physique, donc territorialisé. » (www.institut-strategie.fr)

1 L'application trop scolaire de types de plan réputés être "appréciés par les jurys", si elle conduit à des lourdeurs voire des devoirs besogneux, est sanctionnée lors de la préparation. On trouve ainsi un nombre significatif de travaux de préparation dans lesquels les candidats s'arcboutent sur des plans 3x3 les conduisant à des redondances entre les parties ou à des découpages artificiels.

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La dissuasion : ses atouts (et ses limites)

La dissuasion fait son grand retour. Nombreux sont ceux qui considéraient la dissuasion comme une

simple relique de la Guerre froide, mais la crise russo-ukrainienne a précipité son retour sur le devant

de la scène. Les débats menés au cours des derniers mois quant à la meilleure manière de dissuader la

Russie révèlent néanmoins les ravages causés par ces vingt années de laisser-aller. Une grande partie

des connaissances qui avaient été considérées comme fondamentales semblent s’être envolées. Mais

alors, en quoi consiste la dissuasion ? Quels objectifs permet-elle d’atteindre et quelles sont ses limites ?

La dissuasion consiste à menacer un adversaire d’avoir recours à la force, afin de le décourager à

entreprendre une action indésirable, soit en le menaçant de représailles (dissuasion par représailles),

soit en le persuadant que ses objectifs sont voués à l’échec (dissuasion par interdiction). Cette définition

simplifiée conduit souvent à la conclusion qu’il suffit de faire une démonstration suffisante de ses forces

pour dissuader l’adversaire d’agir. Tant que les deux parties agissent de façon « rationnelle », à savoir

selon un calcul des coûts et des avantages, et pour autant que ni l’une ni l’autre ne soit suicidaire, elles

s’abstiendront donc d’agir militairement.

Si seulement c’était aussi simple. L’histoire regorge d’exemples de stratégies de dissuasion qui n’ont

pas abouti malgré un équilibre des forces. Dans certains cas, la partie plus faible a même attaqué la

partie plus forte. La partie plus faible a parfois misé sur l’effet de surprise. L’armée impériale japonaise,

par exemple, était parfaitement consciente de la supériorité militaire des États-Unis […] En 1973, la

Syrie et l’Égypte ont attaqué Israël, pourtant supérieur sur le plan militaire […] La guerre des Malouines

en 1982 constitue un autre exemple marquant d’échec de la stratégie de dissuasion […]

Tous ces exemples démontrent que la dissuasion n’est pas qu’une histoire d’équilibre militaire et qu’il

convient de tenir compte des intérêts des différentes parties. Si l’adversaire a davantage intérêt à

atteindre un objectif particulier que l’autre partie, la dissuasion peut échouer. La crise des missiles de

Cuba en 1962 en est un parfait exemple. Lorsque Washington a clairement montré qu’elle était prête à

défendre ses intérêts fondamentaux en matière de sécurité, l’Union soviétique a retiré les missiles

qu’elle avait commencé à déployer à Cuba. La guerre du Vietnam peut également être citée à titre

d’exemple. Bien que les États-Unis disposaient de capacités militaires largement supérieures, ils ont dû

faire marche arrière, car les Nord-Vietnamiens et les Vietcongs étaient prêts à faire de bien plus grands

sacrifices pour atteindre leurs objectifs que les États-Unis pour le Vietnam du Sud. Ces intérêts

asymétriques mettent les stratégies de dissuasion en échec, mais ils sont également synonymes de

défaite pour de grandes puissances engagées dans des conflits de faible ampleur.

Mais qu’en est-il de la dissuasion nucléaire ? La crainte inspirée par l’énorme puissance destructrice de

telles armes ne devrait-elle pas suffire pour garantir un effet dissuasif efficace ? La réponse à cette

question est la même que pour les exemples « conventionnels » cités plus haut : même dans le domaine

nucléaire, la dissuasion dépend des intérêts de chacune des parties. Si l’existence d’une nation est en

jeu, le recours à des armes nucléaires est crédible. La dissuasion utilisée entre États dotés de l’arme

nucléaire est considérée comme relativement « stable ». Il est en revanche bien plus compliqué

d’étendre la stratégie de dissuasion nucléaire nationale d’un État à ses alliés. Comme l’a expliqué le

ministre britannique de la Défense Denis Healey dans les années 1960, seuls cinq pour cent de

crédibilité étaient nécessaires pour dissuader les Russes d’attaquer, mais il en fallait 95 pour cent pour

rassurer les Européens. Malgré la « théorie de Healey », la dissuasion nucléaire élargie est devenue l’un

des piliers de l’ordre international. Cette affirmation est non seulement vraie pour l’OTAN, mais aussi

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pour la région Asie-Pacifique, où le Japon, la Corée du Sud et l’Australie sont sous le « parapluie

nucléaire » des États-Unis.

On peut cependant se demander si les États-Unis seraient disposés à risquer une escalade nucléaire

pour protéger l’un de leurs alliés. L’important à cet égard est le signal politique selon lequel Washington

considère la sécurité de ses alliés comme un intérêt national fondamental en matière de sécurité. Un

tel discours ne sera néanmoins convaincant que si les États-Unis sont militairement présents dans les

régions qu’ils prétendent défendre. En cas de conflit, Washington serait ainsi impliquée dès le début.

Sans cette présence, ni les Alliés, ni leurs adversaires ne percevraient cet engagement nucléaire comme

crédible.

Quelles conclusions peut-on tirer de la politique de sécurité de l’Occident ?

1. Premièrement, il convient de ne pas exagérer les mérites de la dissuasion dans les nouveaux

débats sur ce concept, une tendance pourtant déjà manifeste […] En d’autres termes, l’exemple

de l’Ukraine peut difficilement être utilisé pour affirmer ou infirmer l’utilité de la dissuasion. Au

mieux, il démontre qu’un pays plus faible sur les plans politique et militaire constitue une proie

facile pour un voisin puissant.

2. Deuxièmement, […] pour obtenir un effet dissuasif au moyen d’une défense crédible, le discours

doit aller de pair avec un dispositif militaire adapté.

3. Troisièmement, la dimension nucléaire de la dissuasion devra, elle aussi, être revisitée […] Au

vu de l’attitude de la Russie, ainsi que du risque que représente l’émergence de nouvelles

puissances nucléaires au Moyen-Orient et dans certaines régions d’Asie, l’Occident devra

« réapprivoiser » certains principes oubliés de la dissuasion.

4. Quatrièmement, la dissuasion doit également inclure un volet non militaire […] Au lieu de

sanctionner un agresseur par des représailles militaires, la « dissuasion par la résilience »

consiste à dissuader l’ennemi d’agir en démontrant la futilité de son approche.

5. Cinquièmement, les États-Unis demeurent le pilier du pouvoir de dissuasion de l’Occident. Ils

disposent d’immenses capacités militaires, mais ils ont également la volonté politique d’agir en

tant que garants de l’ordre mondial. Malgré le débat en cours sur leurs priorités nationales, les

États-Unis demeurent parfaitement conscients de cette réalité. Dès le début de la crise en

Crimée, les États-Unis se sont empressés de renforcer leur présence militaire en Europe centrale

et orientale. Ils ont ainsi assorti leurs promesses d’assistance d’un déploiement concret de

matériel militaire. (Revue de l’OTAN)

Vous pourrez utilement consulter l’intégralité du texte ici :

http://www.nato.int/docu/review/2015/Also-in-2015/deterrence-russia-military/FR/index.htm

Structure du libellé La citation éclaire la question, elle n’est pas la question. Il est donc dangereux de faire abstraction de cet élément !

Pour autant il ne faut réduire le sujet, ni à la citation ni à la question. Cette remarque n’est pas que de principe, elle est inspirée par les erreurs commises dans près de 50% des copies corrigées !

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Sens des mots2

Citation du préambule.

« Il ne dépend que des hommes libres d’envisager leur propre puissance en un système tel qu’il empêche la guerre »

Il est inutile de « découper » la citation mot à mot comme on le voit parfois dans une démarche trop scolaire. Dans l’esprit du sujet, que doit-on retenir de ce principe énoncé par De Gaulle ?

De Gaulle attire l’attention sur le prix à consentir à sa défense avec pour objectif de préserver la paix. C’est un plaidoyer pour la force de frappe nucléaire développée par la France dans la décennie 1959-1969. Il faut se replacer dans le contexte tendu de la guerre froide et des menaces de conflagrations du moment (1961, mur de Berlin ; 1962, missiles de Cuba et 1963 début de la guerre du Vietnam). Cet appel valide la primauté à accorder à la dissuasion face aux autres formes de « puissance ». Pour la France il s’agissait de développer une dissuasion du « faible au fort ».

Question posée

La forme de la question qui suit est essentielle car elle détermine celle de la réponse. Cette remarque peut sembler banale, pourtant de nombreux candidats « partent » sur une impression, un a priori, sans avoir vraiment lu le sujet (peur du temps qui passe !)

« Quelle place pour la dissuasion dans la géostratégie contemporaine ? »

« Quelle place pour … ? » : la dissuasion n’est qu’une composante. La réponse sur la place occupée sera nécessairement à moduler en fonction de situations ou scénarios. On notera que la forme de la question autorise une réflexion personnelle. L’approche serait différente avec « Quelle place a la dissuasion… ? »

« Dissuasion » : ce terme est éclairé par l’extrait de la revue de l’OTAN repris plus haut. Il est cependant capital de noter que la question ne parle pas de « dissuasion nucléaire ». Tout développement qui ne traiterait que de ce point serait, « en creux », partiellement hors sujet. La question porte bien sur les différentes formes de cette dissuasion armée ou non armée.

« Géostratégie » : une approche de définition a également été donnée plus haut. La difficulté va être de déterminer la place des différentes formes possibles de dissuasion dans « l’étude, la préparation ou l’exécution d’opérations militaires à l’échelle macrogéographique ». De même l’analyse des différentes facettes de cette géostratégie sera au cœur du sujet et déterminera la richesse du traitement choisi. Si j’ai ici détaillé cette phase, c’est pour attirer votre attention sur la nécessité de consacrer suffisamment de temps à l’analyse du sujet afin de ne pas s’enfermer dans un développement indigent de la question posée !

Cadrer le sujet La position à argumenter se réfère au monde contemporain avec un éclairage nécessairement historique. La problématique est celle des formes de puissance susceptibles de contenir les conflits au niveau d’un théâtre unique et localisé, voire de les empêcher d’éclater.

2 Les termes retenus et les réflexions faites n’ont pas de valeur exhaustive. Ils montrent simplement l’intérêt, et au-delà la nécessite, de passer un temps significatif sur le sens et la portée du sujet.

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Reformuler le sujet Je dois définir comment, et à quel prix pour les démocraties (référence à la citation), les rapports de force, militaires et non militaires, interviennent -ou devraient intervenir- (référence à « quelle place

pour… ») aujourd’hui dans le confinement des conflits (référence à la dissuasion) à un niveau local ou régional tout en tenant compte des interactions possibles entre les théâtres (référence à la

géostratégie).3

Cette reformulation personnelle conclut les 00:35 premières minutes4 de réflexion sur le sujet.

Cette étape est trop souvent menée au pas de charge et conduit à des restrictions voire des contre-sens sur la nature et le périmètre du sujet.

Étudier le sujet - La construction d'un tableau d'études pose souvent problème aux candidats. L'approche est

pourtant relativement simple. On peut considérer que les domaines décomposent le thème général que l'on a défini ici comme celui de la dissuasion dans les rapports de forces. Les DOMAINES retenus sont donc les différentes formes de dissuasion. Les RUBRIQUES permettent quant à elles d'analyser la question posée que l'on peut réduire ici à ce qui renforce ou affaiblit la dissuasion. J’ajoute toujours par habitude mes 2 colonnes R3 et R4 qui poussent à s’interroger sur la valeur des éléments retenus, en évaluant d’une part l’impact de l’actualité, d’autre part leur rôle dans un continuum historique.

- Ce tableau est indispensable, c’est un extracteur d’idées.

- Avec cette matrice on a 12 à 16 idées, ce qui est suffisant pour un devoir de 5 à 6 pages. On notera aussi dans les cellules les exemples pertinents.

A ce stade, il n'est plus question de revenir en arrière sur la compréhension du sujet et les définitions retenues.

Rubriques Domaines

R1. Les facteurs qui renforcent la dissuasion

R2. Les facteurs qui fragilisent la dissuasion

R3. Poids de l'actualité dans l’interprétation des faits5

R4. Tendances et évolutions dans la perspective historique6

D1. Dissuasion nucléaire

D2. Dissuasion classique (forces conventionnelles)

D3. Dissuasion économique (Menaces de […])7

3 Cette reformulation prend en compte la citation et la question dans une approche personnelle. Ce n’est pas LA réponse à l’analyse du sujet. 4 Temps moyen passé au brouillon lors de ce type de travail. 5 Le but est de mesurer l’impact de l’actualité dans l’interprétation des faits (ne pas déterminer l’importance en fonction de l’actualité ou de l’antériorité). Peut se résumer à des signes ˜ ++ " ou ˜ - ˜ 6 Complète la rubrique précédente pour essayer de donner une « valeur absolue » à ses arguments (par ex. « s’inscrit dans la continuité », « marque une rupture » 7 Ici il faudra bien se mettre dans l’esprit « dissuasion » et non pas mise en œuvre des menaces…

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D4. Dissuasion politique (Menaces de […])

D6. Autre

Le contenu du tableau d’analyse n’a pas été reproduit ici, ses éléments se retrouvent dans les synthèses ci-dessous et dans le travail rédigé. Chacun(e) pourra retravailler cette approche avec ses propres éléments et mesurer, éventuellement, les lacunes de son travail initial.

Aborder la construction du devoir

Ce qui précède constitue une partie incontournable du travail qui doit vous conduire à 01:30 environ

sur les 04:00 allouées.

Il faut maintenant se lancer dans l’élaboration du devoir.

À mon sens Il n’y a plus, à partir de là, à se couler avec rigidité dans une méthode aussi processionnelle que celles que préconisent les documents de méthodologie. En effet, le plus souvent, si les premières étapes détaillées plus haut ont été suivies avec rigueur, la construction s’est faite progressivement « dans la tête ». Car, heureusement, nous n’avons pas un fonctionnement séquentiel rigide mais nous sommes assez itératifs an cours de réflexion.

A ce stade donc, deux choix se présentent :

1. J’ai une bonne idée de ce que je vais dire et je passe à la rédaction de l’IM et de la trame de plan. C’est le cas ici. Au cours de la construction du tableau ont émergé les idées suivantes :

1.1. « L’asymétrie qui est presque devenue la règle dans les conflits contemporains change en

partie le paradigme de la dissuasion « conventionnelle ». L’équilibre numérique et technologique n’a jamais été un critère dominant dans ce type de confrontation (Vietnam, Afghanistan, Daesh…). En revanche cet équilibre garde sa valeur entre grandes puissances (USA, Chine, Russie) » [D2]

1.2. « La place de la dissuasion nucléaire entre grandes puissances est appelée à reculer dans la hiérarchie des critères de puissance occidentaux. La surenchère technologique n’est plus acceptable dans le contexte économico-social des démocraties. Les choix de certains régimes « durs », aux opinions publiques bridées ou manipulées, peuvent cependant être différents, ce qui interdit l’abandon de cette filière. » [D1]

1.3. « La dissuasion nucléaire gardera un rôle clef dans les conflits régionaux (Inde Pakistan, Moyen et proche Orient) » [D1]

1.4. « La fin de la bipolarisation éloigne le spectre d’une conflagration et avec lui celui d’apocalypse nucléaire. » [D1]

1.5. « Les menaces d’embargo économique et politique et les combats menés sur le terrain du soft power semblent aujourd’hui dominer les rapports de force entre puissants. » [D3 – D4]

1.6. « Des formes nouvelles de dissuasion pourraient naître des nouvelles formes de guerre. Par exemple on peut envisager une cyber dissuasion (menacer de paralyser les réseaux) »

1.7. « Des critères transversaux viennent perturber cette logique : la dialectique des volontés (opinion publique occidentale globalement pacifiste), le déséquilibre des intérêts vitaux »

A partir de ces idées, un fil directeur apparaît : « La dissuasion par les forces conventionnelles devrait prendre le pas sur celle, nucléaire, entre les grandes puissances. L’affrontement se développant sur les terrains du soft power. Les forces conventionnelles gardent alors leur rôle

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stratégique (dissuasif entre « grands ») et tactique (offensif dans les conflits asymétriques). La menace nucléaire subsiste cependant au niveau local ou régional là où la dissuasion des grands ne peut se fonder sur cette composante. Les interactions entre théâtres (géostratégie) sont difficiles à contrôler et s’ouvre alors le champ des formes de « soft » dissuasion ».

Autrement dit : « le nucléaire devrait progressivement quitter le champ de la dissuasion pour gagner celui de la menace. La dissuasion restera déterminante mais s’exercera par d’autres vecteurs comme celui des forces conventionnelles, ceux du soft power ou encore par la menace de nouvelles formes d’agressions sur les intérêts vitaux des adversaires ; la dissuasion n’a de rôle que quand des intérêts de même niveau sont en jeu ; la géostratégie et la dissuasion en son sein doivent donc englober aujourd’hui de nouveaux théâtres : idéologique, culturels voire religieux ».

En bouclant avec la question, je note un risque de dérive qu’il faudra contrôler. La question porte sur la place de la dissuasion dans la géostratégie et mes idées vont vers les différentes formes de dissuasion dans la géostratégie contemporaine. La rédaction

devra me ramener à la question et ne pas « m’embarquer » dans un hors sujet partiel.

2. C’est encore flou et alors seulement je poursuis par un travail de synthèse pour dégager des idées plus générales à partir des éléments du tableau8.

Il ne faut pas dépasser les 02:00 pour parvenir à une ossature solide : IM – PLAN – OUVERTURE. J’ai

limité à ces 3 éléments car ils constituent les clefs de la logique du devoir :

1. L’IM apporte une réponse pertinente et concise à la question posée ; 2. Le PLAN vient démontrer la valeur de cette position : 3. L’OUVERTURE projette la réflexion vers un sujet connexe sans remettre en cause ce qui vient

d’être développé.

Le choix a été fait de rédiger un devoir complet au lieu de se limiter à de seules orientations. Les « plans flash » utiles en préparation ne rendent en effet qu'imparfaitement compte de la cohérence d'ensemble du travail, notamment en ce qui concerne les enchaînements IM-PLAN et CONCLUSION-OUVERTURE. Le travail proposé, réalisé au brouillon en 5h009 pour rester cohérent avec la nature de l'épreuve, figure ci-après.

8 De fait, vous l’avez expérimenté, on ne segmente pas sa démarche avec autant de rigidité. Les aller-retours tableau-synthèses sont fréquents… 9 Mise en forme du brouillon toujours consommatrice de temps !

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INTRODUCTION 0

Préambule

Dans une forme d’écho au « Discours sur la servitude volontaire » de La Boétie et plus de quatre siècles plus tard, le général De Gaulle, alors président de la République, déclarait

: « Il ne dépend que des hommes libres d’envisager leur propre puissance en un système tel qu’il empêche la guerre. » Le développement d’une force nucléaire autonome dans laquelle s’engageait la France face aux superpuissances est pourtant aujourd’hui source de débats. Mais on ne peut, sans risque, réduire la dissuasion à sa seule forme « atomique ». Quelle place la confrontation régulée des volontés et des puissances, sous toutes ses formes, conserve-t-elle dans les interactions entre les principaux théâtres d’affrontement contemporains ?

114

Idée maîtresse Dans un monde qui a abandonné le schéma de la bipolarisation avec la chute de l’URSS, la dissuasion voit sa nature et sa place évoluer, sans cependant perdre son rôle majeur, dans un jeu de puissance échappant souvent aux critères traditionnels.

41

Annonce du plan

Le nucléaire devrait progressivement quitter le champ de la dissuasion, où il pourrait être relayé par les forces conventionnelles, pour gagner celui de la menace. Par ailleurs, les nouveaux théâtres sont aujourd’hui en interactions économiques et sociétales. L’échelle des intérêts vitaux y est éclatée. Les affrontements échappent ainsi aux équilibres obtenus par la dissuasion militaire. C’est donc surtout dans le champ informel des valeurs que la « dialectique des volontés » trouve toute sa place.

80

DÉVELOPPEMENT 0

ID1

La place de la dissuasion nucléaire entre grandes nations est appelée à reculer dans la hiérarchie des critères de puissance. Les forces conventionnelles devraient en revanche voir leur rôle dissuasif croître alors que la menace nucléaire, elle, continuera d’être agitée par des États ou groupes en quête de reconnaissance.

49

IS11

Pratiquement née lors de la conférence de Postdam en 1945 et avec le bombardement d’Hiroshima quelques jours plus tard, la dissuasion nucléaire aura été le « couvercle » de la guerre froide entre l’Est et l’Ouest pendant près de 50 ans. Les négociations SALT puis START, ont marqué la prise de conscience d’un nécessaire déclin de son rôle. La fin de la bipolarisation, le contexte économique rendent enfin l’escalade technologique hasardeuse et plaident pour une baisse de priorité de cette forme de coercition dans les rapports de force.

88

IS12

En revanche, la confrontation entre États et nations reste un élément structurel du monde contemporain. Son maintien en dessous du seuil de conflagration nécessite de disposer de moyens crédibles susceptibles de faire courir des risques inacceptables aux adversaires. C’est là le principe même de la dissuasion. Le renforcement des forces conventionnelles russes, celui de l’armée populaire de libération chinoise (APL) ou encore l’appel du président Obama aux Européens pour qu’ils renforcent leur défense commune, montrent le rôle croissant accordé à une dissuasion plus « conventionnelle ».

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9

IS13

Cette inflexion ne doit pas faire oublier les risques, liés à la prolifération, mais échappant au fait régulateur de l’inacceptable « apocalypse nucléaire ». En dehors des grandes puissances, les États nucléarisés, ou envisageant de l’être, visent avant tout une suprématie régionale : Pakistan, Israël, Corée du Nord, voire Iran. De la part de certains d’entre eux il y a plus à craindre le passage à l’acte que l’équilibre de la terreur. On ne peut de même négliger le recours possible aux « bombes sales » par des groupes comme Daesh. Cette hypothèse était déjà évoquée dès 1980 par Larry Collins et Dominique Lapierre dans « Le cinquième cavalier ». L’obscurantisme ignore la dissuasion.

114

Transition Reprenant l’esprit de la citation de Lucien Febvre sur l’Europe dans les années 50, on peut donc dire que « la dissuasion c’est en fonction du monde qu’il faut la faire ».

32

ID2

La mondialisation des échanges de toute nature n’a pas réduit les fractures économiques et sociétales. Les intérêts vitaux défendus par les adversaires de la « guerre froide » ont changé en partie de nature et l’égalité des risques encourus, cœur de la dissuasion nucléaire, s’efface dans les conflits asymétriques. Pour autant les dangers dissuasifs n’ont pas disparu.

59

IS21

La mondialisation ne traduit pas une homogénéisation des échanges et des niveaux atteints en tout domaine. Elle a, au contraire, approfondi les fossés entre nations et peuples. Le libéralisme et la finance ont accru le différentiel entre les pays. Ainsi le revenu national brut (RNB) par habitant variait de 380 $ pour la RDC à plus de 100 000 $ pour la Norvège en 2014. De même les modèles, comme la démocratie, montrent leurs limites dans un monde soumis aux aspirations identitaires voir communautaires.

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IS22

Ces fractures bouleversent la notion d’intérêts vitaux qui prévalaient lors des alliances des blocs, en dépit des modèles idéologiques opposés : sécurité des approvisionnements, sauvegarde des populations, développement économique et social, préservation du tissu industriel. La variété des besoins et des objectifs de croissance actuels, la diversité culturelle ont crée une mosaïque dont chaque élément vit dans son propre référentiel. Dans ce cadre morcelé et hétérogène, les risques encourus lors d’une confrontation n’ont plus de valeur comparable. L’asymétrie interdit la dissuasion.

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IS23

Pour autant, des dangers nouveaux apparaissent dont la menace se développe sous une forme universelle. Ils peuvent, au moins à court terme, contribuer ainsi à restituer toute sa place à une nouvelle forme de dissuasion en redonnant vie au principe d’équivalence des risques. Parmi eux, l’exploitation sans retenue des ressources naturelles et la dérive climatique sont des domaines de confrontation où, malgré des avancées limitées, la raison pourrait prévaloir sur la fuite en avant. Cette dissuasion s’impose cependant aux stratèges plus qu’ils ne la maîtrisent.

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Transition Mais ces adaptations prennent surtout en compte un contexte « tactique », certes important dans un monde qui avance vite, mais insuffisant pour développer une géostratégie pertinente dans le long terme.

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ID3 C’est donc surtout un profond changement de paradigme qui caractérise aujourd’hui la dissuasion et détermine sa place dans les interactions entre les théâtres d’affrontement.

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Après avoir été essentiellement militaire puis avoir exploité les fragilités de la mondialisation, la dissuasion investit des champs informels nécessitant de développer de nouvelles coercitions.

IS31

La dissuasion, née des ruptures consécutives à la seconde guerre mondiale, s’est de fait développée sur un modèle culturel aux racines occidentales. L’appel, attribué au général de Gaulle dans un autre cadre, à une Europe « de l’Atlantique à l’Oural » montre le poids historique de cette unité continentale. Ce paradigme ne définit plus aujourd’hui une conception valable en termes géostratégiques. Continuer à fonder une dissuasion sur ce modèle constituerait une hérésie. Les schémas ne peuvent plus rendre compte de la complexité.

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IS32

En effet, les approches militaires du « hard power » ou celles économiques, les contournements par les formes de « soft power » traduisent une vision avant tout tactique des rapports de force entre les États et les peuples. Cette approche néglige l’horizon stratégique dessiné par des phénomènes de fond qu’ont imaginés Huntington et Fukuyama. Si l’alternative n’est pas tranchée entre un universalisme occidental prééminent et la dissolution dans un relativisme multiculturel, elle trace au moins le périmètre général de la réflexion.

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IS33

C’est donc bien dans ces champs informels, que sont les valeurs héritées de l’histoire et des cultures, que doit se développer aujourd’hui en priorité la « dialectique des volontés » chère au général Beaufre. C’est là que la dissuasion trouve toute sa place car ce sont les lieux où interagissent les influences décisives. A défaut d’y affirmer des principes et de tracer des lignes rouges dans une opposition du fort au fort, le choix serait entre la conflagration et la soumission.

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CONCLUSION 0

Reprise de la thèse

La dissuasion reste un régulateur irremplaçable des conflits majeurs. Si le principe est connu et incontesté, les règles qui en découlent sont mouvantes. Après s’être formalisée dans le monde figé de la guerre froide, la coercition réciproque des adversaires s’applique aujourd’hui de manière dynamique dans des champs meubles et souvent informels.

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Élargissement

Les menaces croissantes, et qui parfois se concrétisent, constituent paradoxalement une chance pour nos sociétés abusées par trop de mirages. Elles leur éviteront peut-être d’être victimes de l’aphorisme de Vauvenargues : « La paix rend les peuples plus heureux, et les hommes plus faibles », au moment où les défis à relever n’ont plus pour horizon que quelques décennies.

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TOTAL (pour information) 134310

10 Le décompte de mots est indicatif et réalisé en partie avec l’outil « statistiques » de WORD. Il correspond au conseil donné aux candidats de procéder à cet exercice pour se familiariser avec le volume de la fiche synthèse. La rédaction proposée correspond à environ 6 pages manuscrites sur copie type concours.

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Dans cette rédaction « étalon », j’ai volontairement repris un certain nombre d’éléments tirés de devoirs antérieurs. De même, j’ai utilisé une ouverture assez

classique, que vous pouvez mettre dans votre bibliothèque car elle est facilement adaptable (!), pour montrer le double aspect de ces travaux, tout à la fois de

méthode et de développement d’un fonds11 de références et d’idées… C’est un peu cela la culture générale !

11 Ce qui, au point de vue physique, moral, intellectuel, constitue une sorte de capital (Larousse)