SUB-SAHARIENNE LA TRANSHUMANCE EN AFRIQUE

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LES SYNTHÈSES DE l'OERI LA TRANSHUMANCE EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE Source de conflit et victime de la situation sécuritaire régionale Giles CoulonTranshumance, mobilité à risques (2016) ANDRZEJEWSKI Jade, BOUDOT Laura, BURGAIN Lucas, HEUBERGER Salomé, MARTI Eric, MAZARS Agathe 22 novembre 2019

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LES SYNTHÈSESDE l'OERI

LA TRANSHUMANCE EN AFRIQUE SUB-SAHARIENNE

Source de conflit et victime de la situation sécuritaire régionale

Giles CoulonTranshumance, mobilité à risques (2016)

ANDRZEJEWSKI Jade, BOUDOT Laura, BURGAIN Lucas, HEUBERGER Salomé, MARTI Eric, MAZARS Agathe22 novembre

2019

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La transhumance : quels acteurs ? La transhumance engage une démographierurale éloignée du centre national. Un rapport de l’Organisation des NationsUnies pour l’alimentation et l’agriculture(FAO) de 2008 souligne qu'au Sahel :

Les cheptels des éleveurs transhumantscomptent pour 50%  de la production deviande. Il faut distinguer deux groupes: Les éleveurs nomades, acteurs constantsde la transhumance. Les éleveurs sédentaires, qui ont recoursde manière ponctuelle voire exceptionnelleà la transhumance, afin de surmonter deslimitations fluctuantes de leurs lieuxhabituels d’élevage.

Il est difficile d'établir de façonprécise tous les itinéraires detranshumance. La FAO  distingue néanmoinsen Afrique de l'Ouest deuxphénomènes :

La “Petite Transhumance”dont le parcours est restreint.

La “Grande Transhumance”,qui oblige la traversée desfrontières durant la saison dela sécheresse, de janvier à mai.

Itinéraires de la transhumance

Aux origines de la transhumance Logique de rendement qui influence ledéplacement des pasteurs.

L'aléa climatique.

Des sources sociales, politiques etéconomiques. Croissance démographique, l’agriculturede masse et l’élevage extensif

DéfinitionTranshumance

"Ensemble de mouvements saisonniers,

de rythme pendulaire et de caractère

cyclique, intéressant la totalité de la masse

pastorale qui l'effectue à l'intérieur des

pâturages coutumiers."

(O.Brémaud, Nomadisme et transhumance enAfrique subsaharienne, 1955 )

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Co> Comment expliquer le mode de vie mobile ? L’élevage mobile permet aux populationstranshumantes d’accéder à des ressourcespastorales dispersées, aléatoires et de plus en plusrares, ainsi que de s’adapter aux contraintesclimatiques saisonnières. Si ce système permetaussi d’entretenir des alliances avec lesagriculteurs et des liens de cordialité, c’est bienl’accès aux ressources qui rend nécessaire lamobilité. > Comment l’accès aux ressources s’organise-t-il ?

Des alliances multiformes entre éleveurs etagriculteurs

Les accords entre populations transhumantes etpopulations sédentaires sont multiformes. Ils visentà une utilisation partagée et pacifiée de l’espace.Les Arabes Salamat Sifera par exemple,communauté du Tchad central particulièrementmobile, tissent des alliances avec les communautéssituées sur leur parcours d’itinérance se basant surla réduction des dommages (dévastation deschamps, blessures des animaux...), sur deséchanges intercommunautaires de service, vraissymboles de leur complémentarité (comme parexemple le transport des récoltes des agriculteurspar les éleveurs et leur vente sur les marchés) ouencore sur l’annulation ou la diminution de la dia.

Un droit coutumier Les agriculteurs et les éleveurs passent desaccords pour régler leurs différends pacifiquement,la dia en est un exemple. La dia (droit du sang), quise caractérise par un dédommagement, souvent entête de bétail, fait concurrence à la justice étatique,plus chère et moins adaptée à la réalité du terrain,car plus institutionnalisée.

> Le délitement de la régulationtraditionnelle comme source de désordre La dérégulation de l’accès aux ressources dansdes zones de concentration telles que le lacTchad, le lac Fitri et le lac Iro au Tchad est à lasource de problèmes d’insécurité. Aujourd’hui, l’accès au Fitri n’est plus soumis àcondition, ce qui crée une surexploitation del’espace, ce dernier n'étant plus soumis aucontrôle du sultan. On y observe de grandestensions, pouvant déboucher sur des conflitsarmés, entre éleveurs, agriculteurs etpêcheurs. Ces conflits d’usage se couplentavec des conflits entre les éleveurs, justifiablespar la pauvreté (vol de bêtes, vol de denrées,tensions pour l’accès aux puits, aux pâturages,etc.) Ainsi, la forte pression sur les ressources,ajouté au climat de tension, de peur et de rejetnécrose les relations, auparavant cordiales,entre éleveurs.

Une compétition pour les ressourcesréglementée par des accords entre tribus

C’est en cela que l’on reconnaît la dia commefacteur décisif dans les formes d’alliances entreles communautés : moins elle est élevée, plusl’entente entre communautés est réelle.

Berger Arabe Nawala dans la plaine de Matala, réservée à cette communauté après un conflit

et sous l’autorité administrative du chef de canton Djaatné

Photo de Christine Raimond, plaine de Matala, Tchad, février 2016

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> Le changement climatique entraîne unchangement des itinéraires habituels  Ces problèmes contemporains liés auchangement climatique viennent aggraverdes conflits existants. On peut d’ailleursdéjà mesurer l’impact de ce changementsur l’environnement au Sahel, comme lemontrent ces chiffres sur la situation auSoudan.

Une compétition aggravée par le changementclimatique

Baisse des précipitations de 0,5% par anentre 1941 et 2000. Elles sont égalementde plus en plus variables, causant desépisodes de sécheresse ou d’inondation àla fois plus fréquents et plus intenses.

Avancée du désert de 50 à 200 km vers leSud depuis 1930, réduisant l’étendue desterres disponibles pour l’agriculture et lepastoralisme.

Cette modification de l'environnementengendre des déplacements depopulation. Les régions plus hospitalièresse retrouvent alors affectées par unepression démographique grandissante,qui diminue à son tour la disponibilité desressources.

Variation de la pousse de la végétation, au Sahel, en 2011

> La compétition pour ces ressourcess’intensifie et les tensions aussi  À cette compétition viennent se greffer destensions ethniques, religieuses ou politiques,qui peuvent ensuite dégénérer enconflits violents. De plus, les terres sont de plus en plusutilisées pour l’agriculture, au détrimentd'anciens pâturages. De nombreuxagriculteurs s’accaparent des hafirs, destrous d’eau creusés par les éleveurs etdestinés au bétail, afin de subvenir à leurconsommation personnelle ainsi qu’auxbesoins de l’agriculture. Du fait du réchauffement climatique, lesressources viennent à manquer plusrapidement et forcent des migrations plusprécoces. De ce fait, lors de l'arrivée deséleveurs dans les régions agricoles du Sud,les récoltes ne sont pas terminées, et unegrande quantité des cultures est ruinée parle bétail. Les agriculteurs abattent alors lebétail en représailles, ce qui crée desconflits d’une grande violence avec leséleveurs.

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> Quels enjeux ? Les populations nomades sont confrontéesà de multiples enjeux en Afrique sub-saharienne et sont parfois victimes de leurenvironnement. Au niveau sécuritaire, ils sont exposés à desviolences directes (vols à main armée,coupeurs de route...) mais aussi indirectes,comme des conflits sur les axes detranshumance. Par ailleurs, leur mode de vie les contraint àquitter certaines zones à la saison sèche, enquête de pâturages pour le bétail. C'est lecas au Tchad, où les nomades quittentchaque année le Nord désertique pour leSud tropical, puis remontent lorsque lasaison des pluies débute dans le Sud. Or, en l'absence des nomades, les espacessont de plus en plus investis par lesagriculteurs pour leurs cultures. Lespopulations nomades sont alors contraintesd’occuper des espaces de plus en plusrestreints, ce qui a un impact direct sur leursressources pécuaires.

> Les limites au déplacement des nomades Dans certaines zones pastorales et sur lesaxes de transhumance, on observe undéveloppement du phénomène des coupeursde route et des vols à main armée. Lesnomades ne se sentent donc plus en sécurité. De plus, des conflits intercommunautairesperturbent le bon fonctionnement de latranshumance et menacent directement la viedes nomades et éleveurs. Par exemple, en 2006, les Arabes SalamatSifera, qui se dirigeaient vers des pâturages,ont dû traverser deux conflits ouverts: unconflit d'exploitation de champs entre lessédentaires Kouka et les Oulad Tourki à Saraf ;et un conflit foncier entre les arabes Salmaniéet les sédentaires Bilala à Chiguègue. Malgréleur neutralité, ils ont été forcés de quitter cesterritoires.  

Certaines régions sont contrôlées par desgroupes armés ou sont délimitées par desfrontières étatiques. Ces espaces sont le lieude tensions et conflits, qui eux aussiinfluencent la transhumance.

Les nomades : victimes des conflits liés à la transhumance

En seulement 20 ans,les chameaux desnomades ont été

forcés de descendredu 13ème au 9ème

parallèle pour pouvoircontinuer de se

nourrir.

Collectif Régional Pour la Coopération Nord-Sud

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> Trois réactions du côté des éleveurs :

1. La fuite : 250 000 éleveurs centrafricains etpeuls migrent au Cameroun entre 2013 et 2018. 2. La miliciarisation : Les 3R (Retour, Réclamation,Réhabilitation) est une milice créée en 2015dirigée par le général Sidiki ayant pour but desécuriser les couloirs de transhumance des deuxcôtés de la frontière (Cameroun /RCA). 3. Se joindre aux groupes armés : une partie desjeunes éleveurs décide de rejoindre les groupesarmés, leur connaissance des routes detranshumance étant un atout.

> Les facteurs clés des conflits liés à latranshumance  1- L’insécurité régionale / nationale 2 - La perturbation des normes formelles etinformelles : non-respect des cheminstraditionnels de transhumance et non-respect du dispositif coutumier

Dans les régions où l'Etat n'arrive pas àasseoir son autorité, la vengeance etl’armement des transhumants peuvents’imposer comme seul moyen de se protégerou de régler un conflit.

La transhumance peut-elle engendrer un conflitarmé d’ampleur ?

> La dimension ethnico-religieuse :

Dans ce conflit en RCA, 90% des éleveurs sontdes peuls musulmans et les agriculteurs sonten majorité chrétiens. Des représailles entreseux sont donc fréquentes. Les éleveurs étantconsidérés comme des conquérants ou desétrangers, la cohésion sociale reste menacée,malgré l’accord de paix de Karthoum (2019).

> La transhumance au coeur des conflitsarmés :

La hausse du nombre de transhumants aoccasionné une hausse des tensions au XXIesiècle, ce qui a poussé les éleveurs à s'armerpour faire face aux coupeurs de route.Lorsque la guerre civile éclate en RCA en2012, le discours de certains groupes armésse base sur les conflits entre éleveurs etagriculteurs.

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> André Kiema, Ghislain Bambara Tontibomma et Nouhoun Zampaligré, « Transhumance et gestion des ressourcesnaturelles au Sahel : contraintes et perspectives face aux mutations des systèmes de productions pastorales », VertigO- la revue électronique en sciences de l’environnement, volume 14, 2014 (URL :http://journals.openedition.org/vertigo/15404 ; DIA, Abdoulaye (dir.) > DUPONNOIS, Robin (dir.), « La Grande Muraille Verte : Capitalisation des recherches et valorisation des savoirs locaux.», IRD Éditions, 2012 > Elhadji Maman Moutari et Frédéric Giraut , Le corridor de transhumance au Sahel : un archétype de territoiremultisitué ?, L’Espace géographique, volume 42, pp 306-323, 2013 (URL: https://doi.org/10.3917/eg.424.0306) > FAO, « République Centrafricaine : stratégie d’appui à la résilience 2018-2023 », Rapport Afrique n°215 , 2018 > Grégoire Leclerc et Oumar Sy, « Des indicateurs spatialisés des transhumances pastorales au Ferlo », Cybergeo :European Journal of Geography, document 532, 2013 (URL: http://journals.openedition.org/cybergeo/23661) > Guy-Florent Ankogui-Mpoko et Thierry Vircoulon, « La transhumance en Centrafrique : une analysemultidimensionnelle », Fonds Bekou et Landell Mills, Mars 2018 > International Crisis Group, « Afrique Centrale : les défis sécuritaires du pastoralisme », 2014, > International Crisis Group, « Centrafrique : les racines de la violence », septembre 2015 > Joint field report CRS/DRC/FAO, “The situation of transhumance following the 2013‒2014 crisis in the Central AfricanRepublic”, Juin 2015 > Maman Moutari, E. & Giraut, F., « Le corridor de transhumance au Sahel : un archétype de territoire multisitué ? »,L’Espace géographique, tome 42(4), 306-323, 2013 > Salomé Bronkhorst, « Rareté de ressources et conflit entre pasteurs et agriculteurs au Sud-Kordofan, Soudan »,Cultures & Conflits, mars 2014 > Serigne Bamba Gaye, « Conflits entre agriculteurs et éleveurs dans un contexte de menaces asymétriques au Mali etau Burkina Faso », Sécurité collective, FES, 2017 > Zakinet, D., « Des pasteurs transhumants entre alliances et conflits au Tchad: Les Arabes Salamat Sifera et les ArabesDjaatné au Batha ». Afrique contemporaine, 127-143, 2015

Giles CoulonTranshumance, mobilité à risques (2016)SOURCES