Stress, depression, joie de vivre et infarctus

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15/12/2011 STRESS, DEPRESSION, JOIE DE VIVRE ET INFARCTUS Les rôles du stress, de la dépression, des facteurs psycho-émotionnels et sociaux dans la survenue et le pronostic des accidents coronariens aigus, ne sont plus discutés. Les études consacrées aux modes d’apparition, à l’évolution des cardiopathies ischémiques, constatent dans près de 30 % des cas des facteurs déclenchants ou favorisants, liés à des émotions particulièrement intenses, une détresse majeure, un découragement soudain. Dans la presse cardiologique récente et au dernier congrès de l’AHA une série de publications a été dédiée au retentissement neuro hormonal, biologique et cardiaque du stress et de la dépression impliqués dans la survenue et le pronostic des SCA. out d’abord une peur intense, la crainte de mourir, une angoisse extrême, lors de l’hospitalisation pour un infarctus, sont très défavorables (1). Dans une série récente, cette terreur soudaine, constatée dans près de 30 % des cas, au sein d’une cohorte comprenant 280 patients, particulièrement prononcée chez les patients les moins âgés, célibataires, avec un faible niveau socio économique , est associée à une intense stimulation sympathique, une activation plaquettaire, mais aussi à un syndrome inflammatoire très délétère avec des élévations pathologiques significatives et persistantes des cytokines, TNF alpha, IL 6, une réduction de la variabilité sinusale, une diminution de la sécrétion de cortisol, facteur d’adaptation au stress (1). Tous les stress psychologiques influencent de manière significative le pronostic des atteintes coronaires. La survenue d’au moins deux événements majeurs dans la vie d’un coronarien, décès d’un proche, conflit familial, licenciement, chômage, maladie grave sont des facteurs prédictifs de complications secondaires dans l’année qui suit, avec une augmentation de 40 % du risque d’hospitalisation après correction tenant compte des autres facteurs de risque. Un score de stress psychologique et de difficultés psycho sociales élevé est corrélé avec un risque de surmortalité chez les coronariens stables. Chez 248 patients stables, le stress évalué selon un questionnaire validé était mesuré dans 3 domaines. La mortalité fut la plus élevée chez les patients ayant le score de stress le plus haut. Après correction tenant compte de l’âge, du sexe, de la FE, des pics de VO2 à l’effort, le stress psychosocial, toutes les émotions négatives apparaissent comme un facteur de risque indépendant de mortalité. Il est bien confirmé qu’une dépression majeure est un facteur de risque de décès après un infarctus. Carney et col ont comparé la survie à 3 ans de 370 patients ayant un syndrome dépressif validé par les psychiatres et de 408 patients non déprimés (2). Ceux qui ont une dépression majeure, liée a la survenue de l’infarctus, ont une mortalité globale de 18 % vs 3 ,6 % par rapport aux patients non déprimés. Ceci est indépendant de l’état cardiaque initial, des facteurs de risque et d’une pathologie cérébro-vasculaire associée. Dans une méta analyse, Van Melle constate qu’une dépression post infarctus était associée à une augmentation de la mortalité globale (OR : 2,38, IC 95 %, 1,76-3,22, p< 0,0001), une augmentation de la mortalité cardiaque et des événements cardiovasculaires. (OR 2, 49, IC 95%, 1,77- 3,77 p< 0,0001) (3). La Heart and Soul Study, fut une étude prospective menée chez 1017 coronariens stables soumis à la recherche d’un syndrome dépressif par un questionnaire validé (4). 341 événements cardiovasculaires survinrent pendant un suivi de 4 900 patients années. Après correction tenant compte des autres facteurs, les symptômes dépressifs sont associés à une majoration de 31 % du nombre d’événements cardiovasculaires par rapport aux patients non déprimés. Les auteurs pensent que le mode de vie, le mauvais suivi des traitements, l’inactivité physique peuvent expliquer cet effet défavorable. Un stress mental ayant un fort retentissement émotionnel induit une série de réactions vasculaires et biologiques délétères avec une vasoconstriction, une tachycardie, l’augmentation des facteurs thrombogènes, une stimulation sympathique, une activation plaquettaire avec formation d’agrégats monocytes plaquettes. La rupture de plaques et une thrombose in situ sont facilitées. …/… T

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STRESS, DEPRESSION, JOIE DE VIVRE ET INFARCTUS

Les rôles du stress, de la dépression, des facteurs psycho-émotionnels et sociaux dans la survenue et le pronostic des accidents coronariens aigus, ne sont plus discutés. Les études consacrées aux modes d’apparition, à l’évolution des cardiopathies ischémiques, constatent dans près de 30 % des cas des facteurs déclenchants ou favorisants, liés à des émotions particulièrement intenses, une détresse majeure, un découragement soudain. Dans la presse cardiologique récente et au dernier congrès de l’AHA une série de publications a été dédiée au retentissement neuro hormonal, biologique et cardiaque du stress et de la dépression impliqués dans la survenue et le pronostic des SCA.

out d’abord une peur intense, la crainte de mourir, une angoisse extrême, lors de

l’hospitalisation pour un infarctus, sont très défavorables (1). Dans une série récente, cette terreur soudaine, constatée dans près de 30 % des cas, au sein d’une cohorte comprenant 280 patients, particulièrement prononcée chez les patients les moins âgés, célibataires, avec un faible niveau socio économique , est associée à une intense stimulation sympathique, une activation plaquettaire, mais aussi à un syndrome inflammatoire très délétère avec des élévations pathologiques significatives et persistantes des cytokines, TNF alpha, IL 6, une réduction de la variabilité sinusale, une diminution de la sécrétion de cortisol, facteur d’adaptation au stress (1). Tous les stress psychologiques influencent de manière significative le pronostic des atteintes coronaires.

La survenue d’au moins deux événements majeurs dans la vie d’un coronarien, décès d’un proche, conflit familial, licenciement, chômage, maladie grave sont des facteurs prédictifs de complications secondaires dans l’année qui suit, avec une augmentation de 40 % du risque d’hospitalisation après correction tenant compte des autres facteurs de risque. Un score de stress psychologique et de difficultés psycho sociales élevé est corrélé avec un risque de surmortalité chez les coronariens stables. Chez 248 patients stables, le stress évalué selon un questionnaire validé était mesuré dans 3 domaines. La mortalité fut la plus élevée chez les patients ayant le score de stress le plus haut. Après correction tenant compte de l’âge, du sexe, de la FE, des pics de VO2 à l’effort, le stress psychosocial, toutes les émotions négatives apparaissent comme un facteur de risque indépendant de mortalité. Il est bien confirmé qu’une dépression majeure est un facteur de risque de décès après un infarctus. Carney et col ont comparé la survie à 3 ans de 370 patients ayant un syndrome dépressif validé par les psychiatres et de 408 patients non déprimés (2). Ceux qui ont une dépression majeure, liée a la survenue de l’infarctus, ont une mortalité globale de 18 % vs 3 ,6 % par rapport aux patients non déprimés. Ceci est indépendant de l’état cardiaque initial, des facteurs de risque et d’une pathologie cérébro-vasculaire associée.

Dans une méta analyse, Van Melle constate qu’une dépression post infarctus était associée à une augmentation de la mortalité globale (OR : 2,38, IC 95 %, 1,76-3,22, p< 0,0001), une augmentation de la mortalité cardiaque et des événements cardiovasculaires. (OR 2, 49, IC 95%, 1,77-3,77 p< 0,0001) (3). La Heart and Soul Study, fut une étude prospective menée chez 1017 coronariens stables soumis à la recherche d’un syndrome dépressif par un questionnaire validé (4). 341 événements cardiovasculaires survinrent pendant un suivi de 4 900 patients années. Après correction tenant compte des autres facteurs, les symptômes dépressifs sont associés à une majoration de 31 % du nombre d’événements cardiovasculaires par rapport aux patients non déprimés. Les auteurs pensent que le mode de vie, le mauvais suivi des traitements, l’inactivité physique peuvent expliquer cet effet défavorable. Un stress mental ayant un fort retentissement émotionnel induit une série de réactions vasculaires et biologiques délétères avec une vasoconstriction, une tachycardie, l’augmentation des facteurs thrombogènes, une stimulation sympathique, une activation plaquettaire avec formation d’agrégats monocytes plaquettes. La rupture de plaques et une thrombose in situ sont facilitées. …/…

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De même, chez les déprimés, on a constaté une dysfonction du système nerveux autonome, une réduction de la variabilité sinusale, une désynchronisation de la repolarisation avec des réponses anormales à la stimulation ventriculaire programmée créant des circonstances favorables aux arythmies ventriculaires et à la mort subite. Certains auteurs constatent une inflammation au long cours avec des taux élevés de CRP, d’interleukine et des molécules d’adhésion cellulaire qui influencent le pronostic des cardiopathies associées. (5) Mais le découragement, le désintérêt des sujets pour leur état, une mauvaise observance des traitements, des effets réduits des traitements anti dépresseurs, sur ce terrain, peuvent intervenir (3).

Par contre, fait réjouissant, la satisfaction, l’optimisme et la joie de vivre sont associés a un faible risque cardiovasculaire Chez 2076 membres inclus dans White hall II study, l’angor, les événements coronariens et les décès sont associés, après correction tenant compte des facteurs classiques à des faits positifs : la satisfaction au travail, la vie familiale réussie, des activités de loisir réjouissantes, un optimisme devant les aléas de la vie quotidienne diminuent les risques d’événements coronariens ! (6). Tenons en compte !

Pr Jean-Paul BOUNHOURE,

Toulouse

1) Steptoe A et col Fear of dying and inflammation following acute coronary syndromes. Eur Heart J 2011;32:2405-11. 2) Carney RM et col History of depression and survival after acute myocardial infarction Psychosomatic Med 2009;71:253-59. 3) Van Melle. Prognosis of post myocardial depression Psychosomatic medicine 2004;66:814-8. 4) Moretti R. Depression in cardiovascular pathologies Vascular health and risk management 2011;7:433-443. 5) Whooley MA et al. Depressive symptoms, health behaviours, and cardiovascular events in coronary disease. JAMA 2008;20:2079-83. 6) Boehm J et al. Heart Health when life is satisfying : evidence from the Whitehall II cohort Study. Eur Heart J 2011;32:2672-7.