Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

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University of Calgary PRISM: University of Calgary's Digital Repository Graduate Studies The Vault: Electronic Theses and Dissertations 2017-12-21 Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en Alberta : Évolution de la référence nominative Macé, Fanny T. Macé, F. (2017). Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en Alberta : Évolution de la référence nominative (Unpublished doctoral thesis). University of Calgary, Calgary, AB. http://hdl.handle.net/1880/106235 doctoral thesis University of Calgary graduate students retain copyright ownership and moral rights for their thesis. You may use this material in any way that is permitted by the Copyright Act or through licensing that has been assigned to the document. For uses that are not allowable under copyright legislation or licensing, you are required to seek permission. Downloaded from PRISM: https://prism.ucalgary.ca

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University of Calgary

PRISM: University of Calgary's Digital Repository

Graduate Studies The Vault: Electronic Theses and Dissertations

2017-12-21

Stratégies et constructions identitaires des locuteurs

de langue française en Alberta : Évolution de la

référence nominative

Macé, Fanny T.

Macé, F. (2017). Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en

Alberta : Évolution de la référence nominative (Unpublished doctoral thesis). University of

Calgary, Calgary, AB.

http://hdl.handle.net/1880/106235

doctoral thesis

University of Calgary graduate students retain copyright ownership and moral rights for their

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UNIVERSITY OF CALGARY

Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française en Alberta :

Évolution de la référence nominative

by

Fanny T. Macé

A THESIS

SUBMITTED TO THE FACULTY OF GRADUATE STUDIES

IN PARTIAL FULFILMENT OF THE REQUIREMENTS FOR THE

DEGREE OF DOCTOR OF PHILOSOPHY

GRADUATE PROGRAM IN EDUCATIONAL RESEARCH

CALGARY, ALBERTA

DECEMBER, 2017

© Fanny T. Macé 2017

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ii

Abstract

This study focuses on the minority francophone community in Alberta, particularly the

plurality of French speakers living in Calgary and their identity repertoires. Given the

current context of globalization, the Albertan francophone history, and the types of

discourse prevailing in the francophone world, I have concentrated on studying the

evolution of nominative references in relation to the expression of certain identities

involving French. The main objective is to shed light on the interdependence between

languages, cultures, and identities among French speakers who would not necessarily be

recognized and called “francophones”: French-speaking newcomers, immersion graduates,

and francophiles. In order to carry out this project, I proceeded in three stages. First, I

critically analyzed excerpts of newspaper articles written in French representing 20th

century Albertan discursive practices. Then, I distributed a questionnaire to about 100

people and around 50 people completed it. Finally, I interviewed a sample of around 30

participants drawn from the questionnaire, who were selected for their francophone

diversity. The approach promoted throughout this research has been both sociolinguistic

and critical, since it advocates for change.

My research was therefore aimed at examining the linguistic and cultural representations

and ideologies of French speakers living in Calgary through their discourses and dynamics

of closeness and remoteness. The inclusion of various types of French speakers within the

Calgary francophonie allows us to propose a new transcultural alternative reflecting the

global sociolinguistic changes. The underlying idea was to start from the social experiences

and the meaning given to French speakers to build the knowledge needed to understand the

social, cultural and linguistic phenomena involved. From semi-structured interviews, the

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iii

voices of various French speakers resonated on themes such as bilingualism and its values:

attraction, prestige, power, language hegemony, and implication of presenting oneself as

francophone, francophile or bilingual, and as Canadian, Franco-Albertan, or Franco-

Canadian.

Keywords: Critical Discourse Analysis; Identity Strategies; Minority

Francophonie; Sociolinguistics for change; Qualitative Method; Transculturalism.

________________________________________________________________________

Résumé

Cette recherche doctorale s’intéresse à la francophonie minoritaire albertaine, en particulier

à la pluralité des locuteurs de français évoluant à Calgary et à leurs répertoires identitaires.

Compte tenu du contexte actuel, du passé francophone de l’Alberta et du type de discours

prévalent en matière de francophonie, je me suis attachée à étudier l’évolution de la

référence nominative en relation à l’expression de certaines identités impliquant le français.

L’objectif principal a été d’approfondir l’interdépendance entre langues, cultures et

identités chez les locuteurs de français que l’on ne qualifierait généralement pas de

« francophones » : les nouveaux arrivants, les finissants de l’immersion et les francophiles.

Pour mener à bien ce projet, j’ai procédé en trois temps : d’abord, à travers une analyse

critique de discours d’articles de journaux représentant les pratiques discursives albertaines

au XXe siècle, puis en proposant un questionnaire de sélection à une centaine de personnes

et enfin, une entrevue à un échantillon d’une trentaine de participants issus du

questionnaire. L’approche défendue tout au long de ce travail s’est voulue

sociolinguistique et critique puisqu’elle s’inscrit d’emblée en faveur du changement. Ma

recherche a donc pour but de se pencher sur les représentations et les idéologies

Page 5: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

iv

linguistiques et culturelles des acteurs de la francophonie vivant à Calgary à travers leurs

discours et leurs dynamiques de rapprochement et d’éloignement. L’inclusion au sein de

la francophonie calgarienne de locuteurs ayant le français en partage permet de proposer

une nouvelle alternative transculturelle reflétant les changements sociolinguistiques ayant

lieu dans une telle métropole. L’idée sous-jacente est de partir des expériences sociales et

du sens donné à celles-ci afin de construire le savoir nécessaire à la compréhension des

phénomènes sociolinguistiques en présence. À partir d’entrevues semi-guidées, la voix de

divers locuteurs de français se fait entendre sur des thématiques telles que le bilinguisme

et les valeurs qui lui sont associées : l’attraction, le prestige, le pouvoir, l’hégémonie

linguistique, et l’implication de se présenter comme francophone, francophile ou bilingue

ou comme Canadien, Franco albertain, Québécois ou Franco-Canadien.

Mots-clés : Analyse Critique de Discours; Francophonie Minoritaire; Méthode

qualitative; Sociolinguistique pour le changement; Stratégies identitaires;

Transculturalisme.

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v

Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à leur manière, de près

ou de loin, à rendre la rédaction de cette thèse possible. Cela n’a pas été sans heurt mais

c’est ce soutien indéfectible qui m’a permis de terminer ce travail de longue haleine.

D’abord, je voudrais adresser ma plus profonde gratitude à ma superviseure, Dr.

Sylvie Roy. Cela a été un privilège d’avoir l’opportunité de travailler avec une directrice

de thèse francophone sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur, la francophonie

minoritaire. Un deuxième privilège qui s’est présenté en cours de chemin, c’est d’avoir eu

la possibilité d’effectuer ce travail de recherche entièrement en français, devenant ainsi la

première étudiante au doctorat de l’École d’Éducation Werklund à rédiger ma thèse en

langue française. Pour moi, qui suis initialement venue de France pour écrire ma thèse en

anglais, cela a été une véritable révélation que d’avoir à me questionner sur la légitimité de

la langue que j’allais utiliser dans la présentation de cette recherche. Ceux qui me liront, et

qui vivent en milieu linguistique majoritaire, ne comprendront certainement pas

l’importance de la portée de cet acte. Jamais, je n’aurais cru que l’aboutissement de ce

parcours doctoral me ramènerait à la case départ en quelque sorte : je suis francophone de

naissance. Mais, en réalité, il n’en est rien! Les perspectives abordées tout au long de ce

travail de recherche m’ont ramenée à un « chez moi » ailleurs, qui est devenu mon « chez

moi ».

Je souhaiterais également exprimer mes plus vifs remerciements aux membres de

mon comité de supervision : Dr. Eileen Lohka et Dr. Ozouf Sénamin Amedegnato pour

leurs conseils et leur soutien de tous les instants. Ils ont su me guider et me rassurer lorsque

j’en ai eu besoin. Je tenais aussi à remercier chaleureusement les membres externes du

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vi

comité, Dr. Martine Cavanagh et Dr. Rahat Zaidi, qui ont accepté de nous rejoindre pour

la partie finale de ce projet – leurs remarques et suggestions ont été grandement appréciées

– ainsi que Dr. Katherine Mueller, qui a occupé le rôle de Présidente impartiale (Neutral

Chair) lors de la soutenance.

Un grand merci aussi à tous mes amis, étudiants et collègues de Werklund, de

l’École de Langues, Linguistiques, Littératures et Cultures, de la Faculté des Arts et de

l’Institut Taylor ainsi que de la communauté de l’Université de Calgary qui sauront se

reconnaître; en particulier Dr. Robinson Ayala, Nadine Bésègue, Dr. Veronika Bohac-

Clarke, Dr. Mark Conliffe, Eliana Elkhoury, Dr. James Field, Valère Gagnon, Dr. Angela

George, Dr. Kimberley Grant, Dr. Janet Groen, Dr. Richard Heyman, Riley Klassen-

Molyneaux, Michael Kudi, Patrick Ménard, Dr. Mary O’Brien, Dr. Jim Paul, Ganna

Pletnyova, Dr. Delphine Rajesky, Dr. Tom Ricento, Dr. Elizabeth Ritter, Dr. Friedemann

Sallis, Dr. Mozhdeh Shahbazi, Dr. Anthony Wall, Dr. Ian Winchester, et Brock

Wojtalewicz, qui ont cru en moi, m’ont fait confiance et m’ont chacun aidé à travers ce

parcours exigeant.

J’ai aussi une pensée spéciale pour deux professeurs qui ont su me captiver alors

que je n’étais qu’une étudiante de premier cycle à la Sorbonne-Paris IV : Dr. Liliane Gallet-

Blanchard et Dr. Jean-Claude Redonnet. De plus, les collègues s’intéressant aux questions

de francophonie minoritaire en Amérique du Nord et que j’ai pu rencontrer lors de congrès

et autres conférences méritent que je les mentionne ici car ils ont été sources de respect et

d’inspiration, et ont contribué sans aucun doute à la réflexion nécessaire à l’écriture de

cette thèse : Dr. Suzie Beaulieu, Dr. Estelle Dansereau, Dr. Yves Frenette, Dr. Lise

Gaboury-Diallo, Dr. Monica Heller, Dr. Lucie Hotte, Dr. Yves Labrèche, Dr. Thierry

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vii

Léger, Dr. Pierre-Yves Mocquais, Isabelle Monnin, Dr. Pamela Sing, et Dr. Christophe

Traisnel. Je profite également de cet espace pour revenir sur le rôle crucial des participants

à cette étude qui, par leurs remarques et leurs réflexions pertinentes, ont contribué de

manière inestimable à cette recherche.

Finalement, je dédie ce travail à ma famille ici et en France : d’abord, à mon

conjoint, Arnaud, qui m’a accompagnée et soutenue à chaque instant dans ce périple

intellectuel; ensuite, à ma grand-mère, (Marie-)Jeanne, à ma mère, Rose-Andrée, et à ma

sœur, Charlotte, trois générations de femmes qui par leurs attitudes face à la vie m’ont

aidée à me construire et ont contribué à faire de moi qui je suis aujourd’hui; enfin, à mon

père, Hervé, qui n’aura malheureusement pas vu ce travail achevé mais qui m’aura aidé, à

sa manière, à le terminer.

Fanny Macé, Décembre 2017

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viii

Dédicace

À Arnaud, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible.

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Table des matières

Abstract ............................................................................................................................... ii

Résumé ............................................................................................................................... iii

Remerciements .....................................................................................................................v

Dédicace ........................................................................................................................... viii

Table des matières.............................................................................................................. ix

Liste des tableaux ............................................................................................................. xiii

Liste des graphiques et schémas ...................................................................................... xiv

Chapitre 1 : Établir le contexte de recherche général ....................................................1

1.1 Introduction ................................................................................................................1

1.2 Problématique ............................................................................................................3

1.3 Importance et pertinence du problème .......................................................................7

1.4 Contexte particulier de l’étude ...................................................................................9

1.5 Vers une évolution dans la perception de la francophonie canadienne ...................15

1.6 Questions de recherche et positionnement de la chercheuse ...................................19

1.7 Structure de la thèse .................................................................................................21

1.8 Généralisation de l’étude .........................................................................................23

1.9 Concepts clés et définitions de travail .....................................................................24

1.9.1 Identité individuelle : entre identités personnelle et sociale. ..............................25

1.9.2 Distinction entre identités sociale et culturelle. ..................................................26

1.9.3 Représentation sociale et appartenance. .............................................................27

1.9.4 Stéréotypes et attitudes. ......................................................................................29

1.9.5 Francophone et bilingue. .....................................................................................32

1.10 Résumé du chapitre 1 .............................................................................................36

Chapitre 2 : Contexte historique et politiques linguistiques ........................................38

2.1 Contexte historique de la minorité francophone albertaine .....................................38

2.2 Le transculturalisme, alternative au multiculturalisme? ..........................................45

2.3 La politique linguistique albertaine .........................................................................49

2.4 Résumé du chapitre 2 ...............................................................................................51

Page 11: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

x

Chapitre 3 : Recension des écrits et cadre théorique ....................................................53

3.1 Du Canada français aux francophonies canadiennes minoritaires ...........................54

3.2. Discours identitaire et idéologies ............................................................................64

3.2.1 Définition du terme discours en relation avec la construction identitaire et la

représentation sociale. .........................................................................................64

3.2.2 Études de discours et analyse du discours. .........................................................66

3.2.3 L’analyse critique de discours (désormais ACD). ..............................................67

3.2.4 Idéologies, attitudes et pouvoir. ..........................................................................71

3.3 Stratégies identitaires et multiples dénominations ...................................................72

3.3.1. Entre identités individuelles et collectives. ........................................................73

3.3.2 Entre identité francophone et identité bilingue. ..................................................75

3.4 De Culture(s) à Transculturel ..................................................................................76

3.5 Résumé du chapitre 3 : Cadre théorique ..................................................................79

Chapitre 4 : Méthodologie...............................................................................................81

4.1 Construction des savoirs et posture épistémologique ..............................................82

4.1.1 Vers un savoir commun construit socialement. ..................................................82

4.1.2 L’approche constructiviste en sciences sociales. ................................................83

4.1.3 Une approche qualitative et interprétative : l’étude de cas. ................................86

4.1.4 Posture épistémologique, rôle de la chercheuse et prise en compte du

lectorat. ...............................................................................................................88

4.2 Procédures de collecte de données : Triangulation ..................................................90

4.2.1. Rôle des articles de journaux. ............................................................................92

4.2.2 Rôle du questionnaire : sélection de mon échantillon de répondants. ................93

4.2.3 Rôle des entrevues semi-structurées : construction du savoir. ...........................98

4.3 Rôle et choix des participants ................................................................................102

4.4 Limites de la recherche ..........................................................................................103

4.4.1 Détermination et délimitation du terrain de recherche. ....................................105

4.4.2 Nature de l’interrogation sur les questions relatives à l’identité et à la

culture. ..............................................................................................................105

4.4.3 Interprétation et transcription : subjectivité du chercheur?...............................106

4.4.4 Données de recensement et polysémie. ............................................................108

4.5 Résumé du chapitre 4 .............................................................................................108

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xi

Chapitre 5 : Résultats ....................................................................................................111

5.1 Ce que révèlent les journaux ..................................................................................112

5.2 Ce que révèlent les questionnaires et les entrevues ...............................................131

5.3 Données démographiques. .....................................................................................132

5.3.1 Répartition homme-femme. ..............................................................................132

5.3.2 Tranche d’âge....................................................................................................134

5.3.3 Questions de provenance. .................................................................................138

5.3.4 Identités exprimées. ..........................................................................................141

5.3.5 Langues premières et langues parlées. ..............................................................144

5.3.6 Répertoires linguistiques. ..................................................................................149

5.3.7 Répertoires ethnoculturels. ...............................................................................150

5.3.8 Influence de la scolarité. ...................................................................................152

5.4 Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne ...................154

5.5 Résumé du chapitre 5 .............................................................................................156

Chapitre 6 : Analyse et Discussion ...............................................................................157

6.1 De multiples appartenances aux appartenances uniques .......................................160

6.1.1 De la citoyenneté d’origine au gentilé de la ville d’arrivée. .............................168

6.1.2 Canadien et …...................................................................................................170

6.2 Des identités englobantes .......................................................................................175

6.2.1 Francophonie canadienne globale : de Canadien-français à Franco-canadien. 177

6.2.2 Définitions du Canadien français en fonction du contexte social. ....................177

6.2.3 Définitions du Franco-canadien en fonction du contexte social. ......................190

6.3 Francophonie canadienne locale : Franco-albertain, Acadien, et autres Franco- ..191

6.3.1 Franco-albertain : Une identité territoriale et linguistique? ..............................191

6.3.2 Acadien .............................................................................................................196

6.3.3 Franco-ontarien .................................................................................................199

6.4 Stratégies identitaires .............................................................................................200

6.4.1 La conformisation et l’anonymat. .....................................................................201

6.4.2 L’assimilation. ..................................................................................................203

6.4.3 La différenciation. .............................................................................................205

Page 13: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

xii

6.4.4 Du sentiment d’infériorité à la visibilité sociale : évolution du discours

minoritaire francophone. ...................................................................................208

6.5 Identité bilingue .....................................................................................................213

6.6 Devenir Francophone c’est possible? ....................................................................220

6.7 Résumé du chapitre 6 .............................................................................................227

Chapitre 7 : Conclusions ...............................................................................................228

7.1 Résultats particuliers à l’étude ...............................................................................232

7.2 Corrélation entre l’utilisation des références nominatives et l’idéologie en place 234

7.3 Recommandations pour les recherches futures ......................................................238

Références ........................................................................................................................241

Annexe 1 : Situer Calgary ................................................................................................284

Annexe 2 : Protocole de transcription ..............................................................................285

Annexe 3 : Questionnaire .................................................................................................286

Annexe 4 : Entrevue (questions type) ..............................................................................290

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xiii

Liste des tableaux

Tableau 1 : Nombre d’occurrences des 3 références dans les journaux entre 1928 et

2000 ......................................................................................................................... 116

Tableau 2 : Répartition des 3 références nominatives dans La Survivance entre 1926

et 1970 par tranche de 5 ans .................................................................................... 121

Tableau 3 : Répartition des occurrences par tranche de 5 ans dans Le Franco-

albertain .................................................................................................................. 126

Tableau 4 : Représentation de la population calgarienne par tranche d’âge-2011 ........ 138

Page 15: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

xiv

Liste des graphiques et schémas

Diagramme circulaire 1 : Pourcentage d’occurrences de « canadien français » dans

les journaux ............................................................................................................. 117

Diagramme circulaire 2 : Pourcentage d’occurrences de « français albertain » dans

les journaux ............................................................................................................. 118

Diagramme circulaire 3 : Pourcentage d’occurrences de « francophone » dans les

journaux .................................................................................................................. 119

Diagramme circulaire 4 : Répartition en pourcentage des 3 références dans La

Survivance ............................................................................................................... 122

Diagramme circulaire 5 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque

« canadien français » est à son paroxysme (1931-35) dans La Survivance ............ 123

Diagramme circulaire 6 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque

« franco albertain » est à son paroxysme (1946-50) dans La Survivance ............... 124

Diagramme circulaire 7 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque

« francophone » est à son paroxysme (1961-65) dans La Survivance .................... 125

Diagramme circulaire 8 : Répartition des références « canadien français » ; « franco

albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain ...................................... 126

Diagramme circulaire 9 : Répartition des références lorsque « francophone » est à

son paroxysme (1991-95) dans Le Franco-[albertain] .......................................... 127

Diagramme circulaire 10 : Répartition des références lorsque « franco albertain » est

à son paroxysme (1986-90) dans Le Franco-[albertain]........................................ 128

Diagramme circulaire 11 : Répartition des références lorsque « canadien français »

est à son paroxysme (1976-80) dans Le Franco-[albertain] .................................. 129

Diagramme en colonnes 1 : Répartition des termes « canadien français », « franco

albertain » et « francophone » dans La Survivance entre 1931 et 1966 .................. 130

Diagramme en colonnes 2 : Répartition des termes « canadien français », « franco

albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain entre 1967 et 1995 ........ 131

Diagramme circulaire 12 : Répartition questionnaires / entrevues .............................. 132

Diagramme circulaire 13 : Ratio hommes / femmes dans les questionnaires .............. 132

Diagramme circulaire 14 : Ratio hommes / femmes dans les entrevues ...................... 133

Page 16: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

xv

Diagramme en colonnes 3 : Comparaison ratio homme-femme dans les

questionnaires et les entrevues ................................................................................ 134

Diagramme en colonnes 4 : Répartition par tranche d'âge ........................................... 135

Diagramme circulaire 15 : Répartition par tranche d'âge dans les questionnaires ....... 135

Diagramme circulaire 16 : Répartition par tranche d'âge dans les entrevues............... 136

Diagramme circulaire 17 : Population calgarienne par tranche d'âge-Statistique

Canada 2011 ............................................................................................................ 137

Diagramme circulaire 18 : Représentation générale de la population calgarienne-

2011 ......................................................................................................................... 138

Diagramme en lignes 1 : Pays d'origine des répondants - Questionnaires .................... 139

Diagramme en lignes 2 : Pays d'origine des répondants - Entrevues ............................ 140

Diagramme en lignes 3 : Province d'origine des répondants - Questionnaires &

Entrevues ................................................................................................................. 141

Diagramme en colonnes 5 : Identités exprimées en fonction du temps passé en

Alberta ..................................................................................................................... 142

Diagramme circulaire 19 : Précision sur les identités exprimées ................................. 143

Diagramme circulaire 20 : Langues premières ............................................................ 145

Diagramme circulaire 21 : Langues parlées ................................................................. 145

Diagramme en colonnes 6 : Langues dans l'enfance .................................................... 147

Diagramme en colonnes 7 : Langues à présent ............................................................. 147

Diagramme circulaire 22 : Répertoires linguistiques ................................................... 149

Diagramme circulaire 23 : Autres combinaisons linguistiques .................................... 150

Diagramme circulaire 24 : Répertoires ethnoculturels ................................................. 151

Diagramme circulaire 25 : Types de scolarité .............................................................. 152

Schéma 1 : Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne ......... 155

Page 17: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

1

Chapitre 1 : Établir le contexte de recherche général

L’intervention sociale est une visée majeure d’une « science avec conscience » en général et des

travaux sociolinguistiques en particulier. (Blanchet, 2004, p. 32)

1.1 Introduction

La francophonie au Canada, définie comme une « notion aux multiples contours »

(Statistique Canada, 2011b), est une réalité sociale au sens de Sandstrom, Lively, Martin

& Fine (2014)1 qui s’inscrit, aujourd’hui, non seulement, dans les contextes canadiens de

dualité linguistique et de multiculturalisme (contextes fragilisés) mais aussi, à une échelle

plus macroscopique, dans celui du transculturalisme et de la mondialisation. Suivant cette

logique, la crise économique mondiale de 2008 (Grande Récession) et ses diverses

conséquences ont profondément modifié le paysage démographique canadien qui demeure

en constante évolution. Ainsi, en 20112, les Canadiens nés à l'étranger représentent plus de

6,5 millions de personnes, soit 20,6% de la population totale canadienne (Statistique

Canada, 2011b). Ces nouveaux arrivants apportent avec eux différentes pratiques

sociolinguistiques et culturelles puisqu’ils utilisent plus de deux cents langues quand on

comptabilise les langues maternelles et celles parlées à la maison (Statistique Canada,

2011b). Dans ce contexte pluriel, les questions d’appartenance culturelle, ethnique,

linguistique et sociale s’expriment en différents termes selon les fluctuations, les

1 Selon la perspective (psychologie sociale au sein de la discipline plus large de la sociologie) de ces

auteurs, la réalité sociale appelée aussi « interactionnisme symbolique » est « créée, négociée, et évolue au

cours des interactions sociales » (4e de couverture, 2014). 2 La présente étude se base sur les chiffres du recensement de 2011 car ils constituaient un ensemble fermé

analysable lors de la rédaction de cette thèse.

Page 18: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

2

modifications, les variations sociales auxquelles ces locuteurs de français sont confrontés.

Des négociations entre les diverses communautés de langue française et les différents

paliers de gouvernements s’avèrent indispensables car les politiques actuelles ne peuvent

souvent répondre que partiellement aux modifications culturelles, linguistiques et sociales

en cours. Par exemple, les communautés établies historiquement ne sont pas toujours en

mesure d’accueillir des nouveaux venus dont les pratiques socio-langagières et culturelles

se distinguent trop des leurs (Kymlicka, 1998). Le Canada se retrouve ainsi confronté à de

nouvelles problématiques parmi lesquelles l’inclusion non seulement de nouveaux

arrivants se réclamant des minorités de langue officielle mais aussi d’autres publics

(finissants des programmes d’immersion par exemple) utilisant la langue française à des

degrés divers.

Redéfinir ce qui constitue les identités ethnolinguistiques et culturelles des

différents locuteurs de langue française vivant en situation minoritaire au Canada se révèle

ainsi nécessaire afin de mieux cerner et appréhender la question identitaire sous l’angle de

sa construction, en prenant en compte la « constitution de nouveaux répertoires de

référents » (Labrie dans Bélanger, Garant, Dalley, & Desabrais (dir.), 2010), voire de « ses

stratégies » (Camilleri, Kastersztein, Lipiansky, Malewska-Peyre, Taboada-Leonetti &

Vasquez, 1990). Le but étant, pour ces acteurs sociaux, de s’inclure, de se sentir inclus et

d’être effectivement inclus dans la francophonie canadienne selon une logique

transculturelle. Selon Slimbach (2005),

Transculturalism is rooted in the quest to define shared interests and

common values across cultural and national borders. At its best, it comes to

Page 19: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

3

the forefront in transnational efforts to address consequential global issues

such as personal prejudice, group violence, environmental protection, and

human rights. Effective personal and collective responses to complex

quality-of-life issues have always depended upon some level of cultural

awareness.

Suivant cette perspective, j’avance ainsi que dans le contexte multiculturel

calgarien3, la notion de francophone doit être élargie afin d’accroître la visibilité de la

francophonie calgarienne et de l’inclure dans la pluralité, résultat de l’époque postmoderne

et mondialisée dans laquelle nous vivons.

1.2 Problématique

Language and culture [are] central to the evolution of a national policy of multiculturalism within

a bilingual framework. (Haque, 2012, p. 139)

À une époque où redéfinir la communauté francophone de l’Alberta s’avère

indispensable (Violette dans Leblanc, Martineau & Frenette (dir.), 2010, p. 267), il est

devenu crucial de s’interroger sur le rapport entre le fait de parler français à Calgary et la

manière de se présenter non seulement vis-à-vis de soi-même mais aussi d’autrui. En

conséquence, il s’agit de se pencher sur la question d’appartenance en relation à ses langues

et cultures affichées ou non. En d’autres termes, est-ce que le seul fait de parler français en

milieu minoritaire modifie le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle

3 Dans ce travail de recherche, j’ai choisi d’utiliser le terme « calgarien » tel que préconisé dans le

dictionnaire Termium Plus publié par le gouvernement du Canada :

http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-

fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=calgarien&index=alt&codom2nd_wet=1#resultrecs

Page 20: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

4

particulière? Quels sont les critères qui vont faire basculer le bilingue ou le multilingue

vers le francophone et vice-versa?

La communauté francophone est une construction discursive. En Alberta, en

général, et à Calgary, en particulier, le discours ayant trait à la francophonie minoritaire a

plutôt lieu en français. Comme nous le suggère Heller (2002), le chercheur doit se

questionner sur la pertinence de la diffusion de sa recherche surtout lorsque cette dernière

a lieu en français. Il faut dès lors garder présent à l’esprit que « chaque texte, chaque

communication constitue un choix politique » (Ibid., p. 3); la légitimité de la notion de

communauté passant par le discours ainsi que par la langue dans laquelle ce discours a lieu,

quelle serait la légitimité de la communauté francophone si ce dernier ne se faisait qu’en

anglais? Au final, l’appréhension de la notion de communauté n’est pas universelle et

soulève également la problématique de l’appartenance.

Communities are not necessarily place-bound, and the traditional influences

of geography, topography, and climate are much less fixed than in days past.

Increasing numbers of people are now explicitly “transnational” in their

orientation, migrating from homeland to other places for work or study, but

maintaining their ties to home. (Angrosino & Rosenberg dans Denzin &

Lincoln, 2011, p. 472).

Dans ce contexte, que signifie « francophone », « francophile » ou « bilingue »

pour des locuteurs de français dans un milieu minoritaire urbain tel que Calgary? Est-ce

que les frontières entre ces trois termes sont aussi étanches qu’il n’y paraît à première vue?

Où se placent les termes de « Canadien-français » et de « Franco-albertain » dans ce

Page 21: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

5

continuum? Est-ce que ces différents termes sont liés à des formes identitaires particulières

(cf. hybridité par exemple)?

À l’heure actuelle peu de recherches sur la francophonie albertaine s’intéressent au

milieu urbain et au particularisme de la francophonie calgarienne. Tout au plus devrait-on

mentionner les travaux de Hébert (1993, 2010, 2013); Hébert, Wanner & Acapovi (2009);

Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola (2008); Roy & Gélinas (2004) et Stebbins, (1994, 1996).

Si l’on se tourne vers les recherches sur les identifications des jeunes francophones en

milieu minoritaire elles s’entendent pour dire que les jeunes continuent de s’identifier

comme canadiens-français et comme bilingues parmi d’autres étiquettes identitaires

(Bernard, 1998; Boissonneault, 2004; Deveau & Landry, 2007; Duquette, 2004, 2006;

Gérin-Lajoie, 2003, 2004; Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola, 2008; Pilote, 2003, 2006,

2007a, 2007b, 2014; Pilote & Magnan, 2012; Pilote & Molgat, 2010). Dans le contexte de

la mondialisation plus prégnant que jamais, les nouvelles générations ainsi que les

nouveaux arrivants voient au-delà du local et se tournent vers le global quant à leur prise

de conscience identitaire et à leurs différents groupes d’appartenance. Alors que pour

certains il est toujours question de frontières, d’identité, de définition de la communauté et

du sens d’appartenance (Denis, 2006, 2008), pour d’autres, les identités s’avèrent pour

ainsi dire plus fluides et mouvantes comme le résume Braidotti (2006, cité dans Frosh &

Baraitser, 2009, p. 159) :

The effects of globalization and technology in particular mean that

according to such theorist, the fragmented and unstable subject of post-

modernity has now given way to the ‘post-human’ subject: a

Page 22: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

6

technologically mediated, fluid, ethical nomadic, simultaneously global

and locally produced subject.

La question de la diversité se pose dorénavant en différents termes dès lors que l’on

décide d’inclure dans les rangs des francophones, les finissants des programmes

d’immersion, les personnes bilingues ou multilingues (niveaux B2, Cadre Européen de

Référence, CECR ou 8, Niveaux de Compétence Linguistique Canadiens, NCLC) et les

nouveaux arrivants, dont le français constitue la première langue officielle parlée

(désormais PLOP), utilisant toujours le français au moins de manière régulière (études,

travail, maison), et que l’on décide de nommer ce nouvel ensemble « Francophones ». Le

choix du critère de compétence à un niveau B2 du CECR ou au niveau 8 de l’échelle NCLC

permet de se questionner sur la corrélation entre le fait pour un locuteur d’une langue

seconde ou additionnelle de parvenir à un certain niveau de compétence et de s’identifier

d’une manière particulière (Abdallah-Pretceille, 1991; Charaudeau, 2001). Les niveaux de

compétence retenus dans le cadre de cette recherche correspondent à ce que l’on appelle

généralement « intermédiaire/pré-avancé ». La pertinence du choix de ce niveau (B2-8)

repose sur deux facteurs : le premier est que les finissants d’immersion en Alberta

atteignent en général ce niveau (du moins dans certaines compétences) à la fin de leur

douzième année; et que ce niveau constitue un prérequis pour aller étudier dans de

nombreuses universités francophones de par le monde.

Comme nous le rappelle Charaudeau (2001), il faut bien entendu garder à l’esprit,

le fait, qu’à une certaine époque, la langue était considérée comme la clé de voute de

l’expression d’une identité collective. Ce rôle identitaire faisait que les locuteurs d’une

Page 23: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

7

même langue et surtout d’une même variété pouvaient « se reconnaître comme appartenant

à une collectivité unique » (Ibid., p. 341). Aujourd’hui, ce n’est pas seulement la langue

qui se trouve au centre de l’expression d’une identité linguistique commune mais plutôt les

discours, c’est-à-dire les usages de cette langue au sein d’une communauté que l’on

pourrait nommer discursive (Charaudeau, 2001) ou en anglais « communities of practice »

(Pyrko, Dörfler & Eden, 2017).

Afin de rendre la francophonie calgarienne plus inclusive à l’égard de catégories

qui, jusqu’à présent en étaient exclues, mon objectif principal sera de montrer comment les

nouveaux membres de cette francophonie cherchent tout d’abord à la définir afin de s’en

sentir inclus ou exclus. Dans le cadre de cette recherche, l’analyse de contenu d’anciens

numéros de journaux francophones albertains a été nécessaire puisqu’elle nous a permis de

situer la francophonie calgarienne actuelle en fonction d’une construction discursive

préexistante. Cependant, il s’est également avéré indispensable de compléter ce discours

par la trame narrative des participants à l’étude, témoignage inestimable nous permettant

de cibler les spécificités de la francophonie plurielle calgarienne actuelle. Ce faisant, cette

recherche s’inscrit donc à la fois dans le changement et dans une certaine continuité.

1.3 Importance et pertinence du problème

Depuis 2007, on assiste à un changement de paradigme en ce qui a trait à la

démographie canadienne. En effet, alors que l’Ontario a continuellement affiché la plus

forte croissance démographique entre 1979 et 2006, la situation a changé depuis,

positionnant les trois provinces des Prairies en tête de ce classement entre 2011 et 2014;

Page 24: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

8

une situation jamais expérimentée au cours des quatre décennies précédentes et

s’expliquant par une augmentation du solde migratoire international. En effet, dès 2008, le

poids démographique des provinces situées à l’ouest de l’Ontario a dépassé celui de celles

situées à l’est de l’Ontario (Statistique Canada, octobre 2015). Si l’on se penche à présent

sur la situation albertaine, on peut ajouter à ce premier élément deux autres facteurs ayant

contribué à cette croissance : une forte augmentation migratoire interprovinciale assortie

d’un fort accroissement naturel. Ainsi, la proportion de personnes nées ailleurs qu’en

Alberta (que ce soit dans une autre province ou territoire (26%) ou à l’étranger (20%))

s’élève au total à 46% (Ibid., 2015). Il est pertinent de prendre en compte ces changements

démographiques car ils commencent déjà à avoir des répercussions sur les sociétés

canadienne, albertaine et calgarienne. Cette diversité ethnoculturelle accrue nécessite déjà

une réflexion collective quant aux questions identitaires, comme le révèle, dans le cas du

Québec, le récent article4 de Danielle Beaudoin (Radio-Canada) qui reprend les

problématiques liées au fait de parler français et l’expression d’une identité culturelle

québécoise dans le contexte de 40 ans d’implémentation de la loi 1015.

Dans ce contexte de mutation démographique sans précédent il apparaît que

catégoriser à outrance dessert la francophonie en général et la francophonie minoritaire en

particulier. Mon but est de prouver que le recours à certains termes tels que « Canadien

français » et « Franco albertain » se fait aujourd’hui dans des contextes particuliers et que

4 « La crise identitaire des enfants de la loi 101 »; http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1049353/crise-

identitaire-enfants-loi-101-francais-quebec; 18 août 2017 5 La loi 101 ou Charte de la langue française mise en place en 1977 fait du français la seule langue

officielle au Québec

Page 25: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

9

d’autres termes peuvent s’avérer plus inclusifs en situation de francophonie minoritaire

urbaine. Mon objectif sera ainsi de démontrer que la prescription en matière de

catégorisation n’est peut-être plus la solution. L’expérience de la vie en français à Calgary

nous incite à voir plus loin et nous permet de comprendre en quoi la notion de stratégies

identitaires peut répondre à nos besoins de Francophones minoritaires. Ainsi, Taboada-

Leonetti (dans Camilleri et al., 1990) nous rappelle que le recours à la notion de « stratégie

identitaire » incarne « le refus des identités prescrites et des rapports sociaux qui les

légitiment […] » (p. 76).

1.4 Contexte particulier de l’étude

La présente étude s’est ainsi donné l’objectif d’étudier de plus près le contexte

francophone du sud de l’Alberta, en particulier celui de la ville de Calgary. Pour ceux qui

ne se sentiraient pas très familiers avec le contexte canadien, je me permets de dire deux

mots sur cette région de l’Ouest canadien qu’est l’Alberta6. Cette province est bordée à

l’Ouest par la Colombie Britannique, à l’Est par la Saskatchewan, au Nord par les

Territoires du Nord-Ouest et au Sud par l’État américain du Montana. L’Alberta est une

province dynamique abritant en son sein des ressources naturelles telles que le gaz et le

pétrole et comptant au recensement de 2011 plus de 3,5 millions d’habitants (Statistique

Canada, 2012a) qui se répartissent principalement entre les deux grandes villes de la

province. Au Nord, se trouve Edmonton, la capitale provinciale, et à environ 300 kms au

6 Voir cartes de l’Alberta en annexe 1 : Situer Calgary ; p. 284 de cette thèse.

Page 26: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

10

Sud, Calgary7, centre d’affaires multiculturel et dynamique situé à environ 1 heure des

Rocheuses.

L’exemple de l'Alberta illustre particulièrement bien ce phénomène de

transformation démographique puisque selon les données de recensement de 2011, « le

taux d'accroissement de la population ayant le français comme langue maternelle ou

comme langue parlée le plus souvent à la maison a été le plus important entre 2006 et

2011 » (Statistique Canada, 2012b). La population francophone (langue maternelle) de

l'Alberta croît plus vite que toute la population de langue française au Canada passant ainsi

de 68 435 à 81 085, soit une hausse de près de 13 000 personnes entre 2006 et 2011 ce qui

constitue une augmentation de plus de 18 %. À ces chiffres s’ajoutent aussi ceux des

individus ayant déclaré le français comme langue parlée à la maison (74 220 en 2011 contre

56 685 en 2006, soit une variation de 31%) ainsi que ceux dont le français constitue la

première langue officielle parlée (62 790 en 2006 et 71 370 en 2011, soit une variation de

presque 14%). Cependant, c’est lorsque l’on se réfère aux personnes capables de soutenir

une conversation en français que l’on obtient le nombre de locuteurs le plus important :

238 770 en 2011 comparé à 225 085 en 2006 mais aussi la variation la plus faible avec 6%.

L’Alberta occupe ainsi le cinquième rang de la population bilingue canadienne (Statistique

Canada, 2012). On peut sans doute expliquer ce phénomène en invoquant les fluctuations

des conditions économiques et sociales; ces dernières ayant régi la demande en matière de

compétences, en particulier linguistiques. L'Alberta affiche ainsi le taux le plus élevé de

7 Pour de plus amples informations, référez-vous à Encyclopédie canadienne;

http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/

Page 27: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

11

passation du DELF (Diplôme d'études de langue française) au Canada avec un total de 2

219 candidats évalués en 2014-15 ayant obtenu un taux de réussite de 94 % (Secrétariat

francophone, 2017).

Afin de compléter ce panorama tournons-nous maintenant vers les chiffres des

élèves fréquentant les écoles francophones et les programmes d’immersion ou de français

langue seconde (désormais FLS) : force est de constater que « le nombre d'élèves inscrits

dans les programmes de langue française en Alberta est en augmentation constante et se

chiffre à 198 264, [ce qui représente] 29 % des élèves de la maternelle à la 12e année en

2014-15 » (Secrétariat francophone, 2017). Toujours selon les chiffres de 2014-15, ces

programmes se répartissent leurs étudiants de la manière suivante : 42 285 étudiants

fréquentent les programmes d'immersion française, soit 6,3 % de la population scolaire

albertaine; 148 711 élèves suivent les programmes de FSL alors que 7 430 élèves

fréquentent les écoles francophones (Ibid., 2017). Malgré la prudence qui s’impose lors de

la lecture de ces résultats, l’on remarque que leur analyse nous permet d’affirmer que

l’Alberta a déjà amorcé des changements sociolinguistiques qui auront sans doute des

répercussions sur la manière dont on nomme et dont se nomment les locuteurs de français

dans la province. Pour finir, l’Alberta compte 3 645 257 personnes, ce qui représente déjà

une variation de 10,8 % par rapport à 2006. À titre de comparaison, la moyenne nationale

canadienne ne s’élève qu’à 5,9% (Statistique Canada, 2012). Dans ce contexte, la région

métropolitaine de Calgary comptabilise la plus forte augmentation (12,6% par rapport à

2006) de la province avec 1 214 839 habitants recensés. On peut donc imaginer que cet

accroissement démographique va avoir un impact sur le nombre de ceux que l’on peut

Page 28: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

12

identifier comme francophones. Par conséquent, définir précisément qui sont les locuteurs

de langue française aujourd’hui en Alberta s’avère-t-il un enjeu crucial. À un moment où

les locuteurs de français vivant en Alberta sont issus de contextes ethnolinguistiques et

culturels plus hétérogènes et hybrides que jamais, les notions d’identité « canadienne-

française » et « franco-albertaine » ne semblent plus fournir une représentation fidèle et

satisfaisante de l’ensemble de la minorité de langue française albertaine. Dans ce nouveau

contexte, l’on s’interrogera sur la manière d’appréhender, de définir et de nommer le

groupe de langue officielle minoritaire en Alberta. Ceci nous amène à nous interroger sur

la pertinence du seul critère linguistique. Suffit-il à insuffler un sentiment d’appartenance

à la communauté des locuteurs de français vivant en Alberta, paramètre nécessaire à

l’expression d’une identité linguistique et culturelle collective? Ou est-ce que ces locuteurs

particuliers n’ont que la langue de Molière en commun? Finalement le fait de parler une

même langue, de surcroit minoritaire en Alberta, se révèle-t-il déterminant quant à

l’expression d’une culture et d’une identité communes?

C’est dans cette optique que « le concept d'une identité collective francophone » en

Alberta tel que questionné par Thompson (2011, p. 265) peut paraitre alléchant de prime

abord ; cependant, quand on y regarde de plus près, le recours à l’utilisation de l’adjectif

« francophone » s’avère particulièrement problématique même si la gamme de définitions

correspondant à francophones ne cesse de s’accroître. Au Canada, dans l’inconscient

collectif, il semble que seuls les locuteurs de langue maternelle française puissent jouir de

la légitimité que leur confère le statut de « francophones de langue maternelle française ».

Si l’on se penche toutefois sur l’ensemble des définitions proposées par Statistique Canada,

Page 29: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

13

il peut être intéressant de les comparer. Comme le font remarquer Forgues, Landry &

Boudreau (2009) :

Deux définitions courantes permettent de définir la population francophone

du Canada. La première comptabilise le nombre de personnes dont la langue

maternelle est le français, c’est-à-dire la première langue apprise et encore

comprise. Elle exclut [ainsi] les personnes dont le français n’est pas la

langue maternelle, mais qui parlent le français le plus souvent à la maison

et même celles qui, des deux langues officielles, ne connaissent que le

français. La seconde utilise une variable dérivée à partir des données portant

sur la connaissance des deux langues officielles, la langue maternelle et la

langue la plus souvent parlée à la maison. C’est la définition dite de la

« première langue officielle parlée » (PLOP).

Pour les besoins de cette recherche, j’ai ainsi choisi de travailler avec une définition

élargie de « francophone » et que j’identifie visuellement comme Francophone (dans le

sens plus général et inclusif de ceux qui parlent et utilisent le français de manière régulière).

Ainsi, j’ai intégré à ma recherche non seulement des francophones dont le français

constitue la langue maternelle mais également des locuteurs de français dont la compétence

de production orale s’élève à un niveau B2 (CECR) ou niveau 8 (NCLC) au sens

linguistique du terme. En conséquence, les participants retenus sont-ils capables :

(…) [de] comprendre le contenu essentiel de sujets concrets ou abstraits

dans un texte complexe, y compris une discussion technique dans [leur]

spécialité. Il[s] peu[ven]t communiquer avec un degré de spontanéité et

Page 30: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

14

d’aisance tel qu’une conversation avec un locuteur natif ne comporte de

tension ni pour l’un ni pour l’autre. Il[s] peu[ven]t s’exprimer de façon

claire et détaillée sur une grande gamme de sujets (…) (B2, Description

globale, p. 25, CECR)

[De] comprend[re], dans des situations prévisibles ou imprévisibles,

tant formelles qu’informelles, les idées principales et certaines idées

secondaires de propos ou de discours qui traitent de sujets concrets ou

quelque peu abstraits liés à l’expérience personnelle ou professionnelle, à

la culture générale ou à certains domaines de spécialité. Il[s] peu[ven]t

comprend[re] l’intention de communication, les affirmations, les

explications et les exemples, releve[r] des informations explicites et

implicites, infér[er] le sens de certains mots et expressions et suivre des

conversations rapides entre locuteurs natifs qui n’ont pas un accent

prononcé et n’emploient pas de régionalismes. (Niveau 8, Performance

globale, p. 47, NCLC)

Si l’on se réfère au CECR et au NCLC, l’utilisateur B2 ou de niveau 8 est un

locuteur de langue française intermédiaire/pré-avancé indépendant; c’est-à-dire dans le

contexte de mon enquête, tout à fait capable d’interagir dans une situation de

communication visant à répondre à un questionnaire puis à participer à une entrevue en

français.

Page 31: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

15

1.5 Vers une évolution dans la perception de la francophonie canadienne

Selon Statistique Canada, en 2011, le nombre de Canadiens déclarant pouvoir

soutenir une conversation en français s’élevait à environ 10 millions de personnes, soit un

peu moins d’un tiers (30,1%) de la population canadienne totale (33,1 millions). Il est

pertinent de noter, que parmi ces 10 millions de locuteurs, 10,6 % (soit environ 1,6 million

de locuteurs) n’ont pas appris le français comme langue maternelle. Ainsi, si l’on se réfère

aux résultats du recensement de 2011, ils nous révèlent que les locuteurs de langue

française se répartissent en différents groupes en fonction de leurs expériences

ethnolinguistiques, culturelles et sociales : ceux dont le français constitue la langue

maternelle (7,3 millions), la langue d’usage à la maison au moins régulièrement (7,9

millions) et la première langue officielle parlée (7,7 millions de locuteurs) (Statistique

Canada, 2011a). Même si ces chiffres accusent une légère baisse, proportionnellement à

l’augmentation de la population canadienne générale, il est pertinent de remarquer la part

prépondérante que représentent à présent les locuteurs pouvant « soutenir une conversation

en français », ou ceux dont le français constitue soit « la principale langue d'usage à la

maison », soit « la première langue officielle parlée » (Statistique Canada, 2011a). En

suivant cette même logique, l’on est en droit de s’interroger sur la pertinence de l’inclusion

dans une telle communauté « francophone » (dans le sens plus général et inclusif de ceux

qui parlent le français et l’utilisent au moins de manière régulière que ce soit à la maison,

à l’école ou encore au travail) non seulement des nouveaux arrivants mais aussi des

étudiants canadiens issus de l’immersion française voire des programmes de français

Page 32: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

16

langue seconde (ayant atteint les niveaux de compétence précisés précédemment) et qui se

définissent souvent comme bilingues ou multilingues.

On est donc, à présent, en mesure de se demander, quel est le rapport entre la part

accordée à la langue et à la culture d’expression française et le choix des étiquettes

identitaires dont ces locuteurs se réclament. Afin de cerner la situation actuelle dans

laquelle évolue cette problématique, il conviendra d’explorer les différents contextes

historico-politiques dans lesquels s’inscrit la francophonie minoritaire canadienne en

général mais aussi la francophonie albertaine en particulier, cette dernière faisant plus

particulièrement l’objet de notre étude. Je mènerai cette entreprise en utilisant un cadre

théorique basé sur la sociolinguistique critique du changement (Heller, 2002, 2007a,

2007b, 2008, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet & Heller, 2007; Dalley

& Roy, 2008) en relation avec le post-socioconstructivisme ou plutôt « le socio-

constructivisme postmoderne » pour reprendre les mots exacts de Hottois (2005, p. 47)

dans un contexte transculturel (Cuccioletta, 2001-2; Slimbach, 2005).

Inclure « la sociolinguistique pour le changement » (Auger, Dalley, & Roy, 2007;

Dalley & Roy, 2008) dans mon cadre conceptuel, révèle un double objectif : introduire,

d’une part, une dimension discursive et critique à mon analyse et permettre, d’autre part,

l’émergence d’une réalité co-construite dont l’objectif serait le changement à travers la

discussion et le débat. Afin de mieux comprendre ce qui constitue le socle de « la

sociolinguistique pour le changement » et suite à ce qu’en disent Auger, Dalley, & Roy

(2007), je me donc suis penchée sur un article de Heller (2014) dans lequel elle nous

rappelle que l’approche sociolinguistique critique (Heller, 2002, 2007a, 2007b, 2011) se

Page 33: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

17

situe dans la lignée de ce qui constitue la sociolinguistique pour Gumperz : une

sociolinguistique intrinsèquement interactionnelle, puisqu’elle se base sur des indices

contextuels et qu’elle cherche à comprendre comment les locuteurs co-construisent le sens

en interaction, lui conférant ainsi une dimension dynamique, voire constructiviste. Dans un

deuxième temps, l’approche socioconstructiviste que j’ai souhaité privilégier est le « socio-

constructivisme postmoderne » d’Hottois (2005). Pour cet auteur, le postmodernisme est

fondé sur six principes :

(1) [l’]hyperculturalisme (valorisation de la richesse culturelle et

historique); (2) [le] refus des différences hiérarchisantes et des dichotomies

qui y sont associées (aucune préférence ne peut être universalisée et

objectivement fondée); (3) [l’]abandon des grands récits de légitimation; (4)

[un] projet politique favorable à la démocratie et au cosmopolitisme; (5)

[une] prise de distance par rapport à toute revendication de la Raison, de

l’Absolu, de la Vérité, etc.; (6) [l’]importance du consensus pour gérer les

conflits inévitables engendrés par la diversité des perspectives (Hottois,

1998 cité dans Jacquemain & Frère (dir.), 2008, p. 112)

De plus, suivant les principes énumérés ci-dessus, Hottois ajoute, dans son ouvrage

de 2005, que la démarche socioconstructiviste postmoderne « valorise les mélanges, les

métissages, l’hybridation généralisée » (p. 47) et se doit de ne pas extérioriser les contextes

historico-culturels mais plutôt les intégrer au processus étudié. Dans un troisième temps,

j’ai décidé d’ajouter l’aspect transculturel à ce cadre conceptuel car il permet d’aborder les

thématiques à l’étude sous un angle valorisant les intérêts collectifs et les valeurs

Page 34: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

18

communes au-delà des frontières nationales et culturelles (Slimbach, 2005). De plus, le

transculturalisme ou « multiculturalisme social » (Cuccioletta, 2001-2) propose une vision

pluraliste de la société canadienne dans laquelle l'un des principaux objectifs est de « se

voir dans l'autre » [seeing oneself in the other] ce multiculturalisme a aussi été appelé

« critique » sous la plume de Dubé (2009, p. 26). Il le définit d’ailleurs comme suit : « [le]

Multiculturalisme critique […] valorise la diversité dans sa fécondité pour une véritable

inclusion de l’autre dans la structuration sociale et identitaire de l’avenir francophone ».

Cette progression de la vision du multiculturalisme permet d’envisager le transculturalisme

comme alternative.

L’outil conceptuel ainsi développé me permettra de revisiter et de mettre en relation

les notions d’appartenance, de stratégie identitaire et d’idéologie linguistique. À travers

une analyse critique des différents discours composant mon corpus constitué à la fois de

sources écrites (journaux albertains de langue française et questionnaires) et de sources

orales (entrevues individuelles), je proposerai une grille d’analyse permettant d’interroger

la relation entre le fait de parler français et les références nominatives linguistiques et

culturelles dont se réclament ces locuteurs dans la situation socio-culturelle et linguistique

calgarienne actuelle. Cette entreprise me permettra ainsi d’explorer sous un jour nouveau

l’identité francophone albertaine contemporaine en me penchant en particulier sur le

contexte urbain et pluriel de la ville de Calgary.

Page 35: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

19

1.6 Questions de recherche et positionnement de la chercheuse

C’est à travers mon cheminement identitaire de nouvelle arrivante francophone à

Calgary qu’a commencé ce parcours doctoral. Je me suis rapidement demandé si le fait

d’être francophone (critère de langue maternelle) et de vivre en Alberta faisait

nécessairement de moi une Franco-albertaine. Cette question s’est tout d’abord posée à ma

propre échelle; est-ce que je me présentais en utilisant le terme de Franco-albertaine? Est-

ce que le fait de parler français et de vivre dans un certain lieu où cette langue est utilisée

(même de manière minoritaire) sont des critères suffisants quant à l’expression, dans notre

cas, d’une culture francophone? Est-ce que l’utilisation de certaines étiquettes telles que

« Canadiens-français, Franco-albertain » ne se limite-t-elle pas qu’à certains contextes très

spécifiques? Je voulais en apprendre davantage sur ces questions et c’est pour cela que j’ai

décidé dans un premier temps de me pencher sur des articles de journaux communautaires

dans lesquels ces deux mots en particulier étaient utilisés. Dans un deuxième temps, j’ai

voulu explorer ce que les gens concernés en pensaient (Francophones calgariens définis

selon les critères précédemment énoncés). La deuxième partie de mon cheminement s’est

faite en relation à mon expérience d’enseignante de français langue seconde et de

coordinatrice de l’examen international du DELF-DALF à l’Université de Calgary. Y-

avait-il une corrélation entre le niveau qu’un locuteur atteint dans une langue et le sentiment

d’appartenance à une quelconque forme de culture en relation avec cette langue? À partir

de quelle compétence est-ce que ce sentiment s’exprime? Est-ce un critère propre à chacun

ou y-a-t-il une forme de consensus quant au moment où l’on peut se targuer de l’appellation

« francophone »? De plus, est-ce que l’inclusion de certains acteurs sociaux remplissant

Page 36: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

20

les critères linguistiques permettent d’affirmer l’expression d’une culture particulière? Par

ailleurs, on est donc en droit de se demander, quel est le rapport entre la part accordée à la

langue et à la culture d’expression française et le choix des étiquettes identitaires dont on

se réclame? Finalement, est-ce que le concept de stratégie identitaire peut permettre aux

finissants d’immersion et aux francophiles ayant atteint une certaine compétence

linguistique et continuant à utiliser le français au moins régulièrement de s’auto-catégoriser

comme francophones? En d’autres termes se sentent-ils francophones? Et surtout leur

permet-on de se sentir francophones?

La question du positionnement du chercheur pose d’emblée la question de la langue

dans laquelle il va choisir de diffuser son savoir. En effet, comme Heller (2002, p. 3) le

souligne : les chercheurs sont confrontés à un véritable « problème de diffusion […] [dès

lors qu’ils] travaillent sur la frontière linguistique au Canada : dans quelle(s) langue(s)

écrire, et pour quel(s) public(s)? Chaque texte, chaque communication constitue un choix

politique ». De plus, dans le cadre de notre recherche, l’importance donnée à la voix des

participants par rapport à celle de la chercheuse a fait l’objet d’un effort constant; non

seulement, pendant les entrevues, lors desquelles il fallait laisser de l’espace au participant

ou à la participante afin qu’il/qu’elle puisse s’exprimer sans trop de contraintes, mais aussi

lors des transcriptions où il fallait veiller à restituer autant que possible la parole des

participants de manière objective.

Ainsi, je propose de répondre aux deux questions suivantes :

Page 37: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

21

1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que

« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue

maternelle) et l’idéologie en place?

2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que l’identité francophone peut

s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la PLOP, soit une langue

seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au

moins de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail / université?

1.7 Structure de la thèse

Cette thèse s’articule en sept chapitres, s’organisant eux-mêmes en trois grandes

parties. Tout d'abord, la première partie comprend les chapitres 1 & 2. Le premier chapitre

établit le contexte général nécessaire à l’étude. Il présente ainsi la problématique, son

importance et sa pertinence. De plus, il propose un plan général de la structure de la thèse

et se termine sur la généralisation de l’étude ainsi que les concepts-clés et définitions qui

s’avèreront utiles à mesure que cette recherche se déploiera. Le deuxième chapitre explore

le contexte historico-politique nécessaire à la recherche.

La deuxième partie comporte le troisième et le quatrième chapitres soit la recension

des écrits permettant de circonscrire le cadre théorique dans lequel va s’ancrer mon

approche méthodologique et mon analyse (chapitres 4 et 6) ainsi que l’approche

méthodologique. La littérature qui a guidé la rédaction de cette recension comporte

notamment des écrits relatifs au concept de Canada français, aux questions de

francophonies canadiennes en situation minoritaire, aux problématiques identitaires et à

Page 38: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

22

leurs représentations. Cette recension des écrits me permet également d’expliciter et de

justifier mes choix conceptuels sous-tendant la démarche méthodologique à l’œuvre dans

cette recherche. Ainsi, j’ai choisi de retenir en particulier les concepts de sociolinguistique

critique (Heller, 2002, 2007a, 2007b, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet

& Heller, 2007; Dalley & Roy, 2008), de post-socioconstructivisme (Hottois, 2005), et de

transculturalisme (Cuccioletta, 2001-2; Slimbach, 2005) pour ce cadre théorique. Dans

cette perspective, les notions de culture, de langue et d’identité ainsi que d’idéologie, de

pouvoir et de représentation constitueront les principaux concepts sur lesquels mon étude

s’appuiera. Le quatrième chapitre se concentre sur les aspects épistémologique et

méthodologique à l’œuvre et couvre la conception de la recherche dans son entièreté. Il

débute par la construction des savoirs et posture épistémologique, puis aborde les concepts-

clés ainsi que les définitions de travail nécessaires à l’analyse (chapitre 5). Ensuite, il

s’intéresse aux procédures multimodales de collecte de données (pratiques discursives

relevées à la fois dans des journaux de langue française albertains, dans les questionnaires

[sélection de l’échantillon de Francophones calgariens] et dans les entrevues [participants

Francophones à l’étude]) et se termine par les limitations rencontrées. La méthode retenue

est de type qualificatif et interprétatif et s’apparente à une étude de cas utilisant l’analyse

critique de discours circonscrite à l’exemple de la francophonie calgarienne.

Les résultats de ma récolte de données sont ainsi présentés dans le cadre de la

troisième partie constituée par les chapitres 5 et 6. Le chapitre 5 brosse un portrait des

francophones d’hier, grâce à l’analyse des journaux, et nous informe sur les Francophones

d’aujourd’hui grâce aux données issues de mon échantillon de participants.

Page 39: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

23

L’interprétation et l’analyse des résultats exposés dans mon chapitre 5 font l’objet du

chapitre 6 et s’articulent autour des thématiques suivantes : les appartenances multiples

liées à la pluralité des répertoires ethnolinguistiques et culturels et au rattachement à une

francophonie canadienne inscrite dans la mondialisation; les stratégies identitaires

déployées par les f/Francophones en Alberta en fonction des époques; et l’identité bilingue.

Ainsi, son rôle consiste à contextualiser ces résultats à la lumière de la recherche

sélectionnée dans ce domaine afin de mettre en évidence les hypothèses soulevées en début

de recherche. Dans cette optique, cette discussion s’appuiera en particulier sur les

représentations et valeurs du bilinguisme en Alberta, et sur les stratégies identitaires des

minoritaires. Le septième et dernier chapitre de conclusion clôt cette thèse en résumant les

résultats de mes analyses et discussions et propose également des recommandations pour

les recherches futures.

1.8 Généralisation de l’étude

À cette époque de pleine redéfinition de la francophonie albertaine, il m’a semblé

judicieux de m’intéresser à un contexte urbain et d’inclure dans cette étude différents

représentants de ceux que je nomme « Francophones » calgariens et ainsi de donner une

voix à un échantillon des membres de cette francophonie que l’on entend peu; en

particulier, les étudiants issus de l’immersion et les nouveaux arrivants dont la première

langue officielle parlée est le français (et qui continuent d’utiliser le français de manière

régulière que ce soit à la maison et/ou dans le cadre de leurs études, ou encore de leur

travail). Cette recherche inscrite plutôt au niveau micro (étude de cas à l’échelle de la ville

Page 40: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

24

de Calgary) n’a pas vocation à être répliquée en tant que telle à l’échelle canadienne,

compte tenu de la diversité des contextes. Son but est avant tout de faire comprendre

l’importance de la particularité du contexte calgarien et réside plutôt dans l’élargissement

de la perception et de la représentation de ceux qui se présentent et qui sont « ressentis »

comme francophones en Alberta dans un but inclusif. Ainsi la réplicabilité de l’étude

pourrait être envisagée à plusieurs niveaux, notamment dans d’autres villes albertaines ou

de l’Ouest; elle pourrait également concerner une réplication au niveau du cadre théorique

et/ou de l’approche méthodologique adoptés.

1.9 Concepts clés et définitions de travail

La problématique autour de laquelle s’articule cette recherche doctorale en mettant en

relation les concepts de stratégie identitaire (ethnolinguistique et culturelle), de référence

nominative et d’utilisation du français, va nous amener progressivement à nous intéresser

aux notions d’appartenance et de catégorisation, de communauté et de frontière, et de

représentation identitaire (Deschamps & Moliner, 2012), de compétence, ainsi que de

minorité. Cependant, à ce stade de mon étude, il conviendra principalement de définir ce

que l’on entend par les notions d’« identité et de représentation sociale » ainsi que

d’« idéologie et d’attitude », socle définitoire sur lequel s’appuiera mon analyse.

Classiques du domaine de la sociolinguistique, ces notions s’avèrent indispensables à une

bonne compréhension de la nature de la démarche que je vais entreprendre et dont le

principal objectif s’ancre dans la sociolinguistique puisqu’il s’agit de « décrire et

Page 41: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

25

d’expliquer les rapports entre, d’une part, la société et, d’autre part, la (…) fonction de la

langue » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 15).

1.9.1 Identité individuelle : entre identités personnelle et sociale.

Le concept d’identité, comme le mentionnent fort justement Deschamps & Moliner

(2012), suscite un intérêt grandissant, probablement attribué à l’importance accordée à

l’individu dans nos sociétés occidentales mais aussi à la multiplication des conflits de tout

ordre qu’ils soient de nature ethnique ou religieuse. La problématique de l’identité se

situant au carrefour de plusieurs disciplines issues des sciences sociales et humaines elle

échappe à un traitement unidisciplinaire de la psychologie sociale dans la mesure où elle

puise ses traditions à la fois dans les domaines de la psychologie et de la sociologie (Ibid.,

2012) :

[…] Il résulte de cette situation spécifique une pluralité d’approches, de

définitions et de significations de l’identité. Toutefois, au-delà de cette

pluralité, subsiste un invariant dans les différentes définitions de la notion.

Cet invariant réside dans le postulat d’une dichotomie, mais aussi d’une

complémentarité, entre identité sociale et identité personnelle (p. 8 ;

Mon soulignement).

La notion de complémentarité est celle qui m’intéresse particulièrement ici car elle me

permet d’appréhender la notion d’identité dans une perspective transculturelle. En effet,

« l’identité sociale concerne un sentiment de similitude à (certains) autrui alors que

l’identité personnelle concerne un sentiment de différence par rapport à ces mêmes autrui

Page 42: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

26

[…]. L’identité individuelle se construit donc sur la distinction-complémentarité entre

identité personnelle et identité sociale » (Ibid., 2012, p. 8). Oscillant entre individuel et

collectif, entre différences et similitudes, ces formes de dualité constituent ainsi l’essence

de l’identité. L’identité sociale (ou indifférenciations jusqu’à un certain niveau) et l’identité

personnelle découlant justement des différenciations sont alors conçues le plus souvent

comme deux pôles entre lesquels les conduites sociales vont et viennent sans cesse.

« Dans cette perspective, l’identité peut se concevoir comme un phénomène

subjectif et dynamique résultant d’un double constat de similitudes et de différences entre

soi, autrui et certains groupes » (Deschamps & Moliner, 2012, p. 9). Finalement, ce qui

ressort de ces pérégrinations sémantiques c’est que « la notion d’identité […] semble

s’acheminer vers une approche moins substantialiste et plus dynamique, plus

interactionniste, [en d’autres termes] plus sociale » (Camilleri et al., 1990, p. 8). Pour

pourvoir à cette dimension dynamique et fluide l’on ne parle plus simplement d’identité

mais plutôt de construction, de développement ou encore de stratégie identitaire. Afin de

signaler le caractère pluriel de ces répertoires, j’ai choisi d’utiliser le terme de « stratégies

identitaires » (Camilleri et al., 2002) qui, à mon sens, reflète davantage les pratiques

linguistiques et culturelles des acteurs sociaux qui nous intéressent.

1.9.2 Distinction entre identités sociale et culturelle.

Dès le tournant des années 70 et 80, c’est le champ de la linguistique appliquée qui

commence à établir une distinction entre identité sociale et identité culturelle. En effet,

alors que l’identité sociale fait référence à la relation entre l’apprenant individuel et le

Page 43: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

27

monde social plus large (Norton dans Nunan & Choi, 2010, p. xii), l’identité culturelle

renvoie à la relation entre l’individu et les membres d’un certain groupe ethnique,

partageant avec ce dernier une histoire commune et une langue (Valdes, 1986).

Aujourd’hui, les frontières entre identités sociales et culturelles ne sont plus aussi strictes

que par le passé; le concept d’identité est généralement envisagé comme multiple et

conflictuel et il est possible d’embrasser une multitude d’identités tout en cherchant un

« chez soi » et une appartenance (Choi dans Nunan & Choi, 2010).

1.9.3 Représentation sociale et appartenance.

Comme le relève Moscovici (1988), le concept de représentation sociale est parfois

difficile à cerner dans la mesure où il puise dans deux traditions : la sociologie et la

psychologie, ce qui donnera la psychologie sociale.

Selon Jodelet (2003),

[les représentations sociales] nous guident dans la façon de nommer et

définir ensemble les différents aspects de notre réalité de tous les jours,

dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas échéant, prendre

une position à leur égard et la défendre (p. 47; Mon soulignement).

Il s’agit, toujours selon la même auteure,

[…] d’une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée,

ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité

commune à un ensemble social […] [nous donnant accès à des] systèmes

d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orient[ant]

Page 44: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

28

et organis[ant] les conduites et les communications sociales (Ibid., 2003, p.

53).

Dans cette perspective, les représentations sociales sont nécessaires à l’élaboration d’une

réalité co-construite. Cependant, leur caractère presque trop systématique – on les désigne

aussi sous les termes de « savoir de sens commun », « savoir naïf », ou encore « naturel »,

a eu tendance à les éloigner un temps du champ scientifique (Ibid., 2003). Aujourd’hui, la

situation a évolué dans la mesure où les représentations sociales jouissent d’une certaine

légitimité compte tenu « de leur importance dans la vie sociale, [notamment] de l’éclairage

qu’elles apportent sur les processus cognitifs et les interactions sociales » (Ibid, 2003, p.

53).

Jodelet (2003) nous rappelle également que la représentation ne peut avoir lieu sans

référent qu’elle nomme objet car « représenter ou se représenter correspond à un acte de

pensée par lequel un sujet se rapporte à un objet » (Ibid., 2003, p. 54). La représentation

mentale constitue en cela un acte symbolique d’interprétation dans la mesure où elle permet

de rendre compte d’une certaine réalité de cet objet que ce dernier soit présent ou non.

Ainsi, les représentations sociales agissent également comme phénomènes cognitifs dans

la mesure où elles régissent l’appartenance sociale des acteurs sociaux. La représentation

en tant que savoir partagé est en effet élaborée par l’individu à l’aide de schèmes de la

pensée sociale, elle est intégrée dans son système de valeurs dépendant de son histoire, de

ses expériences antérieures, de ses appartenances, du contexte social (Haas, 2006, p. 12).

C’est en cela que les représentations sociales donnent également naissance aux stéréotypes

et aux attitudes.

Page 45: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

29

1.9.4 Stéréotypes et attitudes.

Lorsque l’on s’intéresse aux problématiques des représentations identitaires, en

particulier dans les contextes minoritaires, il est nécessaire de revisiter les notions de

stéréotypes, de préconstruits et d’attitudes qui découlent de la notion même de

représentation. Amossy & Herschberg-Pierrot (2005) nous rappellent qu’entre le XIXe et

le XXe siècle le concept de stéréotypie devient une référence de choix à la fois pour les

sociologues qui s’intéressent aux problématiques relatives aux collectivités et pour les

linguistes dont la recherche s’articule autour de la notion d’argumentation. Et comme entre

stéréotype et préjugé il n’y a qu’un pas, « […] il ne faut pas considérer les stéréotypes

comme corrects ou incorrects, mais comme utiles ou nocifs » (Amossy & Herschberg-

Pierrot, 2005, p. 36). Ainsi, le chercheur ne peut-il pas se permettre de s’arrêter à « des

schèmes collectifs figés ». Conséquemment, il est désormais invité à se questionner sur

« l’interaction entre [collectivités] concernées par ces stéréotypes » (Bordas, 1999, p. 126).

Ainsi,

[l]e stéréotype est une partie de la signification qui répond à l’opinion

courante associée au mot dans une culture donnée (Amossy & Herschberg-

Pierrot, 2005, p. 90) […] [qui] se fonde sur une représentation

sociolinguistique idéale, celle d’une communauté linguistique et sociale

homogène, coopérant pour ‘établir les moyens d’une communication

Page 46: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

30

optimale et transparente8’ unie par la reconnaissance d’une norme

commune (Ibid., p.39; Mon soulignement).

Cette définition nous permet de revenir un instant sur le contexte initial de la communauté

francophone albertaine qui se caractérisait alors par une relative homogénéité ethnique

(caucasienne et dans une certaine mesure métisse), religieuse (catholique) et

démographique (rurale). Les représentations et les stéréotypes associés à l’endroit de la

communauté canadienne-française puis franco-albertaine ont continué à se perpétuer

comme en témoigne par exemple la difficulté pour l’ACFA de changer de nom en passant

de l’Association Canadienne-française de l’Alberta à l'Association de la Communauté

Francophone de l'Alberta (problématique récurrente depuis 2006)9. En effet, même si

certains opposants au changement de nom argumentent « qu'il [est] important de rendre

hommage aux pionniers canadiens-français qui ont fondé l'ACFA [en gardant le nom initial

de l’organisme]10, d’autres se positionnent en faveur du changement, comme Alphonse

Ndem Ahola, Président de l’association Francophonie Albertaine Plurielle, qui avance

que :

Les organisations comme l'ACFA, si elles veulent rester, durer, elles

doivent toujours se recréer. Je pense que cette évolution est la preuve que

8 Fradin & Marandin, 1979, p. 82 9 À ce propos, vous pourrez lire avec profit plusieurs articles signés par Étienne Alary ; Julie Fortier et Paulin

Mulatris au cours de l’année 2006. Un très bon article récapitulatif a d’ailleurs été écrit à ce sujet toujours

par Mulatris en 2009. Plus récemment, la question est réapparue dans les médias albertains : voir par exemple

les articles de Radio Canada respectivement du 18 octobre 2016 et du 28 août 2017; http://beta.radio-

canada.ca/nouvelle/809326/acfa-francophonie-changer-nom-association;

http://beta.radio-canada.ca/nouvelle/1052752/changement-nom-acfa-vote-alberta 10 Ibid., Radio Canada, 18 octobre 2016

Page 47: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

31

l'ACFA est dynamique, cette discussion est une preuve qu'il y a de la vie à

l'ACFA.

Pour conclure le débat, Jean Johnson, ancien président de l’ACFA (2004-2009 et 2013-

2017) et nouveau président de la Fédération des communautés francophones et acadiennes

(FCFA) depuis le 10 juin 2017, tranche et tente d’établit le consensus :

On ne parle pas de changement, on parle d'adaptation pour s'assurer de

garder, de préserver quelque chose qui semble être important pour les

gens. C'était aussi important de s'assurer de tisser des liens entre le passé,

le présent et le futur en gardant ACFA (Radio Canada, 18 octobre 2016;

Mon soulignement).

Ces différents exemples visent ainsi à démontrer que les représentations et les stéréotypes

sont bien ancrés et que les changements de mentalité ne peuvent s’opérer qu’avec une

ouverture d’esprit et une propension à l’écoute des divers acteurs qui composent à présent

notre francophonie albertaine et calgarienne puisque que « le stéréotype ne se contente pas

de signaler une appartenance, il l’autorise et la garantit » (Amossy & Herschberg-Pierrot,

2005, p. 44). Le stéréotype nous dévoile globalement sa dimension idéologique dans la

mesure où il incarne « l’acception et la reconduction d’une parole autre dans la locution

individuelle » (Bordas, 1999; Italiques de l’auteur). Finalement, on peut en conclure que

pour dépasser les stéréotypes et les attitudes qui leur sont associées, il faut explorer la

problématique des dénominations avec une perspective transculturelle.

Page 48: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

32

1.9.5 Francophone et bilingue.

Aujourd’hui, ce qui caractérise les minorités officielles de langue française c’est la capacité

qu’elles ont à effectuer « [des] va-et-vient constant[s] d’une frontière linguistique et culturelle à l’autre.

(Gérin-Lajoie, 2006, p. 1).

À Statistique Canada, nous ne donnons pas de définition unique de ce qu’est un francophone, car

il n’y a pas de consensus, explique Jean-Pierre Corbeil, directeur adjoint, Programme du recensement de la

population, à Statistique Canada11.

Lorsque le chercheur est confronté au contexte de la francophonie en situation

minoritaire, plusieurs définitions du terme « francophone », mettant en jeu différentes

variables, telles que la langue maternelle, la première langue officielle parlée, la langue

parlée le plus souvent ou le plus régulièrement à la maison ou encore au travail, s’offrent à

lui, comme le démontrent les résultats et les publications de Statistique Canada.

D’apparence simple, la question du choix des variables demeure problématique dans la

mesure où cela va avoir des conséquences directes sur la recherche effectuée ainsi que sur

ses résultats. Ainsi, compte tenu des changements démographiques et du nombre accru de

nouveaux arrivants dont le français constitue la première langue officielle parlée, le

gouvernement ontarien a pris la décision, dès juin 2009, d’élargir sa définition de

francophone. Partant de la définition initiale qui ne considérait comme francophones que

ceux dont le français constituait la langue maternelle, le gouvernement ontarien a jugé

pertinent d’y inclure ceux dont le français constituait la première langue officielle parlée

11 Vachet, B. (23 août 2017). Comment définir la francophonie canadienne ? Repéré à

https://www5.tfo.org/onfr/comment-definir-la-francophonie-canadienne/

Page 49: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

33

(PLOP) et utilisée régulièrement à la maison. Faisant cela, une part non négligeable des

nouveaux arrivants qui ont choisi de s’installer en Ontario se sont vu octroyer l’appellation

de « francophone ».

Suivant la même logique, j’ai décidé pour les besoins de ma recherche d’utiliser

une définition de francophone élargie (locuteurs que je nomme Francophones) dans

laquelle j’englobe non seulement les nouveaux arrivants qui parlent français comme

première langue officielle apprise (PLOP) mais aussi les finissants de l’immersion ou les

francophiles ayant atteint un niveau de compétence B2 ou 8 et qui continuent d’utiliser le

français à la maison ou au travail de manière régulière. En effet, ce choix se justifie car

nous nous trouvons à un moment charnière où les locuteurs de français vivant en Alberta

semblent issus de contextes culturels plus hétérogènes et hybrides que jamais. Comme le

suggère déjà Thompson en 2011, « le concept d'une identité collective francophone » (p.

265) en Alberta peut être interrogé car c’est la notion même de « francophone » (critère de

langue maternelle ici) qui apparaît comme réductrice dans la mesure où elle semble exclure

les locuteurs de français dont le français ne constitue pas la langue maternelle. Ainsi,

Guignard-Noël, Forgues & Landry (2014) soulignent l’importance du choix des variables

dans leur rapport « qui sont les francophones? ». Selon eux, l’accent doit être mis sur le

type de variables retenues en fonction de la nature de la recherche. Suivant la manière dont

nous avons procédé pour la définition de francophone, il convient à présent de préciser ce

que l’on entend par « bilingue » dans le contexte de notre étude.

Page 50: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

34

Dans l’imaginaire collectif, la notion de bilinguisme individuel réfère généralement

à deux langues (ou deux monolinguismes) que le locuteur idéal maîtriserait à compétences

égales. Ainsi, Gadet & Varro (2006) expliquent la raison pour une telle croyance :

Le bi- ou plurilinguisme, longtemps traité par des spécialistes relevant de

différentes disciplines selon un éclairage mettant en évidence sa péjoration

face à l’idéal supposé de monolinguisme, se trouve aujourd’hui en

position de réévaluation, avant tout pour des raisons d’évolutions

historiques et sociales qui ébranlent les conceptions traditionnelles des

situations de contacts de langues (p. 9).

Toutefois, la représentation du bilinguisme individuel est en mutation et se doit

d’être réappréhendée. Par conséquent, la définition que j’ai choisie est celle de Grosjean

(1984, 2008, 2010) selon laquelle « […] est bilingue la personne qui se sert régulièrement

de deux langues dans la vie de tous les jours et non qui possède une maîtrise semblable

et parfaite des deux langues » (Grosjean, 1984, p. 16; Mon soulignement). Elle s’aligne

avec ce qui est retenu par Statistique Canada depuis 1901 dans la définition de bilingue,

c’est-à-dire « […] la capacité de soutenir une conversation en français et en anglais »

(2013). Dans cette perspective, il faudra garder présent à l’esprit que « le bilingue est un

être communicant à part entière qui se sert de ses deux langues (séparément ou ensemble)

pour communiquer » (Grosjean, 1984, p. 20). De plus, « [l]e bilinguisme n’est pas deux

monolingues mais un tout qui a sa propre compétence linguistique et qui doit donc être

analysé en tant que tel » (Ibid., p. 20).

Page 51: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

35

Dans ce contexte, il ne faut pas oublier de dire un mot sur le bilinguisme officiel ou

dualité linguistique préconisée à l’échelle fédérale depuis 2008. D’abord, que signifie

« dualité linguistique »? Selon la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne

2008-2013 : Agir pour l’avenir,

[la] dualité repose sur la synergie de deux grandes communautés et

s’exprime notamment dans le dynamisme des nombreuses communautés de

langue officielle en situation minoritaire à travers le pays. Cette dualité est

aussi façonnée par un grand nombre de personnes qui, grâce à leur

connaissance et leur appréciation du français et de l’anglais, jettent des

ponts entre les communautés linguistiques d’un bout à l’autre du pays

(p. 9). […]

Le gouvernement du Canada considère que la dualité linguistique est non

seulement à la base de l’identité canadienne, mais qu’elle est aussi un

outil essentiel à l’ouverture des Canadiens au monde qui les entoure

(p. 11) […]

Dans un marché de plus en plus mondialisé et axé sur le savoir, la dualité

linguistique représente un avantage concurrentiel clé, susceptible de

favoriser l’essor économique du pays (p. 16).

La dualité linguistique telle qu’interprétée par le gouvernement Harper n’a laissé que peu

de place aux contributions multiculturelles reposant davantage sur la synergie entre les

« deux nations fondatrices » qui façonnent seules l’identité canadienne. Toujours selon ce

document, la contribution des peuples autochtones et des communautés ethnoculturelles

Page 52: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

36

est à peine évoquée par l’expression « jettent des ponts entre les communautés linguistiques

d’un bout à l’autre du pays ». L’aspect culturel n’est pas mis en avant, seul l’aspect

linguistique, vu comme un avantage économique, ou encore un moyen d’intégration

(« perception instrumentale » selon Normand Martin, politologue à l’Université d’Ottawa

12) compte. Peu de changements sont intervenus depuis la mise en place du gouvernement

Trudeau. Ce dernier semble perpétuer la vision du gouvernement précédent : le citoyen

canadien est idéalisé comme étant un citoyen bilingue parlant le français et l’anglais.

Martin ajoute que cela serait peut-être dû à une méconnaissance, chez Justin Trudeau, de

la façon dont les langues interagissent sur le terrain. Finalement, ce qui ressort de cette

notion de dualité linguistique c’est une « vision idéalisée de ce que seraient les langues

officielles plutôt qu’une vision campée sur la réalité [canadienne] »13.

1.10 Résumé du chapitre 1

Ce premier chapitre de contextualisation a eu pour objectif principal d’introduire

ma problématique et sa signification ainsi que de servir de ligne directrice à la thèse qui

suit. En me basant sur les recherches et la littérature actuelles, je tâcherai de répertorier les

manques en ce qui concerne les études mettant en relation les locuteurs de français vivant

au Canada, plus particulièrement en Alberta, et leurs rapports à leurs identités

ethnolinguistiques et culturelles. Puis je répondrai aux deux questions de recherche

suivantes : 1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que

12« Langues officielles : Trudeau sur les traces de Harper? » http://www5.tfo.org/onfr/langues-officielles-

trudeau-sur-les-traces-de-harper/ ; Normand Martin, politologue, Université d’Ottawa, 17 janvier 2017 13 Ibid., 17 janvier 2017

Page 53: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

37

« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue

maternelle) et l’idéologie en place? 2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que

l’identité francophone peut s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la

PLOP, soit une langue seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition

d’utiliser le français au moins de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail /

université?

Mon approche étant de nature qualitative, j’utiliserai mes données desquelles

j’extrairai des thèmes permettant de discuter puis de co-construire la réalité de mes

participants. Ainsi, l’objet de mon questionnement sera-t-il basé sur les représentations

découlant de l’interaction entre les définitions en cours et les discours des journaux et des

participants, le but étant au final d’informer sur comment s’auto-définit un locuteur de

langue française vivant à Calgary dans la première moitié du XXIe siècle, c’est-à-dire dans

un contexte francophone minoritaire albertain urbain.

Le prochain chapitre vise à approfondir un tant soit peu les contextes historico-

linguistiques canadien et albertain nécessaires à mon étude.

Page 54: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

38

Chapitre 2 : Contexte historique et politiques linguistiques

Il m’a donc paru essentiel de commencer par répertorier les éléments

sociohistoriques, et politico-linguistiques nécessaires à la compréhension du contexte

actuel dans lequel s’ancre la francophonie minoritaire albertaine. Dans cette optique, je me

suis attachée, dans un premier temps, à expliquer comment l’histoire et la mémoire de la

collectivité franco-albertaine participent aux perceptions et aux représentations sociales

nécessaires à l’élaboration d’une identité francophone albertaine. Parce que cette identité

se construit aussi dans un discours national et mondial, je tâcherai d’inclure, dans un

deuxième temps, un récapitulatif des différentes politiques linguistiques canadiennes ayant

influencé l’expression des droits collectifs de la minorité de langue française en Alberta ;

de la politique du « multiculturalisme dans un cadre bilingue » (Trudeau, 1971 repris dans

Haque, 2012) à celle de la dualité linguistique dans le cadre transculturel de la

mondialisation.

2.1 Contexte historique de la minorité francophone albertaine

Historiquement, en milieu minoritaire francophone, c’était d’abord l’aspect

ethnolinguistique qui revêtait son importance : on était Canadien français et la langue que

l’on parlait était le français; il ne semblait pas y avoir d’autres alternatives possibles du

moins dans le discours. Aujourd’hui, ce passé a été relégué aux oubliettes et lorsque l’on

interroge les Albertains sur la francophonie albertaine il y en a peu qui savent que les

francophones étaient plus nombreux que les anglophones jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Page 55: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

39

En effet, si l’on remonte au début du XVIIIe siècle, les Français et les Canadiens

français ont été les seconds (après les populations autochtones) à établir des communautés

à la fois dans le Nord-Ouest et dans le Sud de l’Alberta. Par conséquent, le français a été

la première langue européenne parlée dans cette région. Par exemple, l’établissement de

forts, tels que celui de La Jonquière en 1751, et dont les historiens se disputent encore

l’emplacement – certains avançant qu’il aurait pu se trouver au confluent des rivières de

l’Arc (Bow) et du Coude (Elbow) dans la ville actuelle de Calgary – a contribué, dans une

certaine mesure, à l’expansion de la langue française et ce jusqu’en 1785 environ, date à

laquelle le Fort de La Jonquière a été abandonné14.

Selon Donald B. Smith (dans Kermoal, 2003), trois périodes distinctes sont à

l’origine du peuplement francophone en Alberta : d’abord, l’époque de la traite des

fourrures, dès l’entrée dans le XVIIIe siècle, puis celle des migrations du Québec et de

Nouvelle-Angleterre dans la seconde moitié du XIXe siècle (vers 1870) et enfin le passage

de l’Alberta dans l’ère moderne, qui correspond au début du XXe siècle (1905, date de

l’indépendance de la province). Ces trois époques vont marquer chacune à leur manière

l’identité francophone albertaine. Ainsi, la première époque se caractérise-t-elle par une

mixité interraciale entre Caucasiens (Français et Canadiens-français) et Amérindiens, ce

qui conduira à la naissance de la nation métisse. Il est important de souligner qu’au tournant

du XIXe siècle, le groupe métis constitue le groupe le plus important dans le Nord-Ouest

(Smith, 2003). À mesure que l’on avance dans le XIXe siècle, l’arrivée de missionnaires

14 Calgary; http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/

Page 56: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

40

catholiques « renfor[ce] le caractère français des groupements métis » (Ibid., 2003. p. 16)

et fera ainsi de la langue française l’idiome européen le plus parlé dans ce coin de pays.

Dès lors, l’histoire des francophones albertains peut être qualifiée d’épopée « la plus

longue […] de celles […] de toutes les ethnies non aborigènes de la province […] » (Ibid.,

2003, p. 13). La deuxième période, celle des migrations du Québec et de Nouvelle-

Angleterre va favoriser durablement l’établissement et l’expansion de colonies

canadiennes-françaises au détriment des communautés métisses initiales, qui désormais ne

constituent plus « l’élément essentiel de la présence francophone […] » (Ibid., 2003, p. 18).

Aux quelques milliers de colons québécois et américains15 que l’Abbé Morin persuade de

s’installer sur les terres fertiles du nord de l’Alberta viennent s’ajouter « un petit nombre

d’immigrants français et belges » (Ibid., 2003, p.24). Alors que l’expansion de la

population canadienne-française se poursuit dans le nord de la province, en particulier à

Edmonton où la population d’origine non autochtone est française à 60% (Ibid., 2003), le

sud de la province et la ville de Calgary ne bénéficient pas du même développement. Tout

au plus est-il intéressant de mentionner la construction du Fort Calgary (d’abord appelé

Fort Brisebois du nom de l’inspecteur de la Police Montée des Territoires du Nord-Ouest

ayant contribué à sa construction avec des ouvriers métis) en 1875 sur le site de l’ancien

Fort La Jonquière16. Déjà, ce qui caractérise la population francophone du sud de la

province est sa diversité et sa dissémination, comme le souligne fort justement Smith dans

le passage qui suit (Ibid., 2003, p. 25) :

15 Il s’agit ici de Canadiens français vivant et travaillant en Nouvelle-Angleterre 16 Smith, 2003, p. 18; Calgary Herald, 3 septembre 1953 & Calgary;

http://encyclopediecanadienne.ca/fr/article/calgary-6/

Page 57: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

41

Des anciens officiers de cavalerie s’improvi[sent] ranchers [à Trochu], au

nord de Calgary. D’autres vétérans suiv[ent] avec leurs familles; de même

qu’un certain nombre de colons de classe bourgeoise aisée. Huit religieuses

françaises des Sœurs de la Charité […] fond[ent] un couvent et un hôpital à

Evron. Quelques aristocrates français [s’installent] aussi pendant un court

laps de temps au sud de Calgary, dans la région de Millarville, adonnés au

travail de ranch et à l’élevage des chevaux.

Il ajoute : « Quoique peu nombreux, les immigrants français en Alberta représentent[ent]

des horizons variés et inhabituels » (Ibid., 2003, p. 25). Finalement, les immigrants

francophones en provenance de l’Europe ont joint les communautés canadiennes-

françaises et se sont, en majorité, installés dans les régions fertiles du nord et du centre de

l’Alberta, et ce, avant la première guerre mondiale. À l’époque, et jusqu’à la fin du XXe

siècle, seuls les francophones du nord de la province « avaient des chances réelles de survie

linguistique, telles que n’eurent jamais les petits groupes ruraux du sud de la province »

(Ibid., 2003, p. 26). Si l’on se tourne vers le contexte urbain du sud de la province, il

apparaît que la ville de Calgary abrite bien en son sein quelques francophones : Métis et

Canadiens-français qui travaillent comme interprètes, conducteurs de convois de chariots

ou bien encore comme manœuvres mais c’est surtout Edmonton qui demeure « le centre

réel de la vie francophone en Alberta » (Ibid., 2003, p. 27).

Le début du XXe siècle marque ainsi l’achèvement de l’organisation de la

communauté franco-albertaine qui peut se targuer d’avoir réussi à asseoir sa culture

commune, catholique de langue française, non seulement à travers l’instauration d’un

Page 58: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

42

réseau de paroisses catholiques francophones bien organisé fournissant également une

mission éducative et hospitalière, mais aussi grâce à la publication de plusieurs journaux

francophones hebdomadaires tels que L’Ouest Canadien, auquel succèdera le Courrier de

l’Ouest (1905-1916)17. Cependant cette période est rapidement marquée par de nouvelles

difficultés telles que le recul du nombre d’immigrants francophones et l’effritement du

sentiment communautaire de la collectivité franco-albertaine. Afin de pallier le manque de

francophones, les instances religieuses québécoises favorisent dès lors la migration vers

l’Ouest. Ainsi, parmi les

200 familles francophones ayant gagné Jean-Côté (une des nouvelles

colonies francophones de la rivière la Paix), soixante-quinze pour cent

d’entre eux [viennent] du Québec, quinze pour cent d’ailleurs au Canada et

d’Europe, et seulement dix pour cent des États-Unis (Mabru, 1978, p. 40

cité dans Smith, 2003, p. 30)

À cela il faut ajouter la dissolution du caractère francophone de l’Église catholique

albertaine surtout avec de nouvelles nominations de prêtres anglophones dans des régions

telles que Calgary ou encore Saint-Albert. (Smith, 2003). Un net clivage se fait également

ressentir dans la sphère politique « suite [à] l’entrée en scène d’un nouveau parti politique

en 1919, les Fermiers Unis de l’Alberta (United Farmers of Alberta) » (Ibid., 2003, p. 31).

En résulte une réduction du pouvoir politique des Franco-Albertains qui pour certains

reviennent à leurs premières amours en votant pour les libéraux pendant que d’autres

17 Suivi par La Survivance (16 novembre 1928-8 novembre 1967) qui deviendra Le Franco-Albertain (15

novembre 1967-16 février 1979) puis Le Franco (depuis le 2 mars 1979 jusqu’à aujourd’hui); Smith, 2003,

p. 27 [notes de bas de page]

Page 59: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

43

soutiennent « le Crédit social, le nouveau parti de réforme monétaire » (Ibid., 2003, p. 31).

Dans ce contexte, il devient urgent de reconstituer une élite franco-albertaine. On

s’organise alors avec la création de programmes en français financés par des fonds privés,

puis avec l’ouverture du Juniorat Saint-Jean-Apôtre d’Edmonton – première esquisse de

l’actuel Campus Saint-Jean – dont le but était de former des missionnaires. Des études

universitaires de premier cycle en partenariat avec l’Université Laval sont également

offertes sur place (Edmonton) (Smith, 2003, p. 33). De plus, la création de l’Association

Canadienne-Française de l’Alberta (désormais ACFA) en 1926, qui vient remplacer la

Société Saint-Jean Baptiste, puis la parution du premier numéro de l’hebdomadaire La

Survivance, deux ans après, témoignent des efforts de lutte à l’endroit de la minorité franco-

albertaine (Ibid., 2003, p. 34). Ainsi, alors que l’objectif du nouveau journal est de

constituer « [un] organe officiel, [un] agent de liaison bien à elle, pour la population

française », le but affiché de l’ACFA est, comme le relève Motut (cité dans Smith, 2003,

p. 32), « de détruire le complexe d’infériorité qui trop souvent existe chez les Canadiens

français de l’Alberta comme d’ailleurs chez les groupes minoritaires ». Ces efforts visant

à promouvoir une vie en français en Alberta se cristalliseront finalement lors de « la

campagne de l’ACFA pour créer un poste radiophonique français au début des années 1940

[…] » (Ibid., 2003, p. 35). Toutefois, ces démarches seront quelque peu vaines puisque

l’entre-deux guerres va progressivement voir la communauté franco-albertaine reléguée au

4e rang des communautés « ethniques » albertaines passant « derrière les Allemands et les

Ukrainiens » (Ibid., 2003, p. 32). L’attitude de la nouvelle génération franco-albertaine,

plus ouverte à la mixité culturelle – résultant de ses expériences avec les anglophones et

Page 60: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

44

les immigrants – laisse présager d’un changement sans précédent compte-tenu de son

désintérêt pour « [les] causes traditionnelles » (Ibid., 2003, p. 32; Italiques de l’auteur),

prérogatives de ses parents et de ses grands-parents. En effet, la jeune génération développe

de nouveaux centres d’intérêt apportés par la modernité diminuant, de surcroît, la

fréquentation dans les organismes francophones ainsi que la participation aux activités

paroissiales et communautaires : « L’ancien sentiment des Franco-Albertains de constituer

une forte collectivité identifiable s’affaiblit » (Ibid., 2003, p. 32).

D’autres épreuves attendent la minorité franco-albertaine dans les décennies qui

vont suivre. Tout d’abord, il convient de mentionner que l’Alberta a été incorporée en tant

que province anglophone en 1905 et qu’il est désormais quasi-impossible pour la minorité

franco-albertaine de prétendre au moindre statut distinct qui leur permettrait une

reconnaissance de leurs droits linguistiques et culturels (Ibid., 2003). Dans ce contexte,

l’objectif de l’ACFA est d’obtenir les mêmes droits pour les franco-albertains que les droits

obtenus pour la minorité anglophone du Québec, une requête qui restera sans réponse18.

L’entrée de plain-pied du Québec dans la modernité durant les années 60 puis surtout 70,

sous fond de Révolution tranquille, marquent toutefois une progression des mentalités en

matière de bilinguisme et de biculturalisme. La commission Laurendeau-Dunton, voulue

par Lester Pearson et son gouvernement en juillet 1963, a pour objectif d’explorer le degré

de bilinguisme et de biculturalisme à l’échelle canadienne. Cette commission royale

d’enquête, coprésidée par André Laurendeau et Davidson Dunton, aidés dans leur réflexion

18 « Conférence du président de l’ACFA donnée à la Chambre de Commerce d’Edmonton »; Le Franco; 27

février 1981, p. 4 cité dans Smith, 2003, p. 38.

Page 61: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

45

par dix commissaires représentant les dix provinces du Canada va proposer des

recommandations, parmi lesquelles la reconnaissance des langues des « peuples

fondateurs » (Mackey, 2010 cité dans Landry (dir.), 2014, p. 1), qui apparaissent dans le

rapport final publié en 1969. Cette démarche du gouvernement Pearson en faveur du

bilinguisme et du biculturalisme va permettre aux Canadiens anglophones d’un peu mieux

comprendre le contexte québécois et le degré de mécontentement de ses habitants

francophones (Smith, 2003, p. 38). Elle va également permettre de jeter les bases d'une

véritable politique linguistique à l’échelle fédérale dont l’évolution mènera dès le début

des années 70 à la politique du multiculturalisme.

2.2 Le transculturalisme, alternative au multiculturalisme?

Multiculturalism is a prodigious movement, but its limitations are increasingly apparent

(Hollinger, 1995, p. 1)

Selon Kymlicka (1998), le Canada apparaît comme le pays « le plus ambitieux » en

matière de politique d’immigration puisqu’à la veille de l’entrée dans le XXIe siècle, il

s’affiche déjà comme l’un des pays les plus variés ethno-culturellement parlant, au monde.

En effet, depuis sa mise en place en 1971 suite aux recommandations de la Commission

royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (ou Commission Laurendeau-

Dunton), la politique canadienne du multiculturalisme semble avancer « main dans la

main » avec celle du bilinguisme officiel. Ces deux visions politiques « (…) operate

together as a contemporary national narrative » (Haque, 2012, p. i) comme semble si bien

le rappeler la formule consacrée de Pierre Trudeau qui souligne que le Canada est avant

tout « un pays multiculturel dans un cadre bilingue » (cité dans Haque, 2012).

Page 62: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

46

Dès son instauration, le multiculturalisme apparaît comme particulièrement

innovant dans la mesure où le Canada fait figure de pionnier (Johnston cité dans Tchandem

Kamgang, 2017). Cette vision politique pluraliste a pour but de « préserver la liberté

culturelle des individus » ainsi que d’« offrir une reconnaissance des contributions

culturelles des divers groupes ethniques à la société canadienne19 ». Selon les définitions

présentes dans le rapport final de la Commission Bouchard-Taylor (2008), le

multiculturalisme serait « un système axé sur le respect et la promotion de la diversité

ethnique dans une société », qui, dans sa mise en place et son application canadienne,

conduit à l'idée que l'identité commune d'une société se définit exclusivement par référence

à des principes politiques plutôt qu'à une culture, une ethnicité ou une histoire. Une

vingtaine d’années plus tard, soit dans le courant des années 90, il apparaît toujours, pour

certains, comme une solution prometteuse face aux problèmes d'intégration propres aux

états pluriculturels et pluriethniques contemporains (Kymlicka 1991, 1995, 1998; Spinner

1994; Taylor 1992). Toutefois, le multiculturalisme est tout de même décrié (Bissoondah,

1995; Moodley, 1983) car il est perçu comme une voie dangereuse pour la cohésion sociale.

Hollinger (1995, p. 1) nous rappelle d’ailleurs que:

[…] [Multiculturalism] has not provided an orientation toward cultural

diversity strong enough to process the current conflicts and convergences

that make the problem of boundaries more acute than ever. (Mon

soulignement)

19 La politique canadienne du multiculturalisme de 1971, n.d.

Page 63: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

47

Le multiculturalisme est désormais ressenti comme une perversion fondamentale de l'idéal

démocratique, comme une « ethnicisation » des rapports sociaux, enfin comme une remise

en cause de la notion même de citoyenneté (Barry 2014; Hollinger 1995). Hollinger (1995)

propose ainsi une nouvelle perspective au multiculturalisme qu’il qualifie de post-

ethnique :

A postethnic perspective favors voluntary over involuntary affiliations,

balances an appreciation for communities of descent with a

determination to make room for new communities, and promotes

solidarities of wide scope that incorporate people with different ethnic and

racial backgrounds. A postethnic perspective resists the grounding of

knowledge and moral values in blood and history, but works within the

last generation’s recognition that many of the ideas and values once taken

to be universal are specific to certain cultures. A postethnic perspective is

not an all-purpose formula for solving policy problems, but it is a

distinctive frame within which issues in education and politics can be

debated. (Hollinger, 1995, p. 3)

Dans sa vision post-ethnique, Hollinger propose d’adopter un multiculturalisme qui prenne

en compte l’équilibre entre communautés de souche et nouveaux arrivants. Il préconise

également de ne pas se limiter aux valeurs de la société initiale mais plutôt de tirer avantage

des apports culturels apportés par les nouvelles générations. Selon lui, ce type de

perspective devrait être en mesure d’initier le dialogue surtout dans les domaines ayant trait

Page 64: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

48

à l’éducation et à la politique. Ces propositions de Hollinger (1995) laissent déjà présager

de l’évolution de la politique du multiculturalisme.

De plus, progressivement limité par la portée de son action, le modèle multiculturel

canadien, qui est censé s’adresser aux diverses problématiques pluralistes présentes sur son

sol, commence à faire l’objet de violentes critiques surtout dans le Québec du milieu des

années 1990. Ainsi, cette province revendique sa distinctivité en se positionnant contre la

politique du multiculturalisme et choisit l’interculturalisme pour se distinguer des

politiques linguistiques multiculturelles fédérales et pour continuer d’asseoir sa spécificité

de société distincte au sein du Canada anglophone (Bouchard, 2014). Cette autre alternative

se révèle pertinente en ce sens où elle va plus loin, car elle se veut une politique ou un

modèle préconisant des rapports harmonieux entre cultures, fondés sur l'échange intensif

et axés sur un mode d'intégration qui ne cherche pas à abolir les différences, tout en

favorisant la formation d'une identité commune. Certains chercheurs avancent que cette

définition pourrait être le fondement d’une identité canadienne que les auteurs trouvent en

général si difficile à cerner. En 2015, Sinha a ainsi écrit un rapport pour Statistique Canada

intitulé « Identité canadienne » en se basant sur les résultats de l’Enquête sociale générale.

Les renseignements récoltés, parmi lesquels l’appréciation des symboles nationaux, les

perceptions des valeurs partagées par les Canadiens ainsi que la fierté envers les

réalisations canadiennes, ont permis l’ébauche d’une identité collective canadienne. Parmi

les faits saillants propres à cette étude, il est intéressant de noter que la valeur accordée au

multiculturalisme variait en fonction de plusieurs facteurs tels que l’appartenance

culturelle; l’âge et la province habitée. Dans ce contexte, l’on est en droit de s’interroger

Page 65: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

49

sur la pertinence d’une transition vers un modèle plus adéquat au regard de l’évolution de

la société canadienne de ces vingt dernières années. En effet, ailleurs au Canada, le

multiculturalisme semble aussi être à présent en transition (Guo & Wong, 2015).

C’est ici que le transculturalisme ou « multiculturalisme social » proposé par

Cuccioletta (2001-2) entre en scène dans la mesure où il s’oppose en quelque sorte à la

vision proposée non seulement par le modèle multiculturel fédéral mais aussi interculturel

québécois, en cela qu’il se projette au-delà en proposant une vision pluraliste de la société

canadienne dans laquelle l’un des principaux objectifs est de « se voir soi-même dans

l’autre ». C’est ce modèle de transculturalisme qui me paraît davantage convenir au

contexte urbain d’une ville aussi diverse culturellement que Calgary, terrain de notre

enquête.

2.3 La politique linguistique albertaine

La politique linguistique albertaine ne se distingue pas nécessairement de celles des

autres provinces canadiennes dans la mesure où elle apparaît aussi comme sectorielle,

c’est-à-dire qu’elle se limite principalement au secteur de l’éducation dans la langue

minoritaire ainsi que dans une moins large mesure au secteur juridique. En effet, c’est suite

à la Révolution tranquille québécoise et ses conséquences que la province de l’Alberta

accorde partiellement des droits à sa minorité francophone. Alors que jusqu’en 1964 la part

accordée à la langue française se limite à une seule heure quotidienne, la loi scolaire de

1964 permet de « désigner le français aussi bien que l’anglais comme langue

d’enseignement de la première à la neuvième [année] » (Smith, 2003, p. 39). La prochaine

Page 66: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

50

loi passée en 1968 autorise l’utilisation du français à hauteur de 50% dans les écoles

désignées comme bilingues (Ibid., 2003) puis finalement en 1976, le gouvernement

albertain autorise les programmes d’immersion à proposer l’ensemble des matières,

excepté l’anglais, en français. Cependant, ces écoles ne conviennent pas à un public

francophone qui semble se diriger de plus en plus vers l’assimilation. Il faudra attendre

1982 avec la Charte des droits et des libertés, et en particulier son article 23, pour que la

minorité francophone albertaine ait accès « là où le nombre le justifie » aux écoles

françaises, comme on les appelle alors (Smith, 2003).

Dans le contexte législatif albertain, la Cour suprême du Canada a tout de même

reconnu aux francophones le droit de s'exprimer en français devant un juge (Loi 60; 6 juillet

198820). Cependant, nombre d’affaires juridiques (les affaires Paquette, Bugnet, Piquette,

Caron, Marquis et Pooran) impliquant la province de l’Alberta ont prouvé que cette loi (en

particulier son article 4) est loin d’être systématiquement implémentée. En général, au

Canada, les communautés de langues officielles en situation minoritaire (désormais

CLOSM) bénéficient d’une reconnaissance de leurs droits dans le cadre de la Charte

canadienne des droits et libertés de 1982 et de la Loi sur les langues officielles (désormais

LLO) adoptée en 1969. En 1988, le législateur fédéral a en effet révisé la LLO et a ajouté

la partie VII qui se lit comme suit :

41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement

des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur

20 Loi 60 ; https://salic.uottawa.ca/?q=alberta_loi_linguistique

Page 67: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

51

développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et

l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Dans ce contexte « avéré » de bilinguisme officiel,

(2) [i]l incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises

des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement […] dans le

respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces (Mon

soulignement).

Dans la lignée de ce qu’avance Forgues (2010), il semble que la partie VII de la LLO révèle

tout de même une évolution dans la vision adoptée par le fédéral à l’endroit des minorités

de langue officielle, surtout dans son intention d’inscrire des actes à ses paroles.

Simplement, le palier fédéral du gouvernement ne se prononce pas encore totalement

puisqu’il laisse le soin à la province de circonscrire la portée de son action (« dans le

respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces »). Dans le contexte

albertain, l’on constate que la politique et les droits linguistiques accordés à la minorité

francophone se bâtissent « à coup de jugements » de la Cour d’appel de l’Alberta et de la

Cour suprême du Canada comme le démontrent les affaires précédemment citées qui sont

à l’origine des droits linguistiques en Alberta.

2.4 Résumé du chapitre 2

Le chapitre 2 a eu pour objectif d’approfondir la notion de contextualisation en

proposant un éclairage sur les questions historiques et linguistico-politiques afin de mieux

présenter la totalité du contexte calgarien. La démarche critique insiste sur l’importance et

Page 68: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

52

la pertinence de fournir un contexte aussi précis que possible afin d’avoir le maximum de

cartes en main lors de l’étape de l’analyse.

Dans le chapitre suivant, je ferai une recension des écrits afin de répertorier les

problématiques liées à la francophonie minoritaire canadienne et les auteurs qui traitent de

ces sujets puis je m’intéresserai aux discours émergeant de ces francophonies avec leurs

idéologies mais aussi leurs stratégies.

Page 69: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

53

Chapitre 3 : Recension des écrits et cadre théorique

Les études traitant des francophonies minoritaires canadiennes constituent un

domaine de recherche riche et complexe dans lequel l’Alberta demeure une province

relativement peu représentée car comme d’autres provinces ou territoires la situation de sa

francophonie minoritaire passe à peu près inaperçue (Stebbins, 2004a). Mon projet

doctoral, en proposant d’explorer la construction discursive de l’identité francophone

albertaine en fonction du déploiement de stratégies identitaires et de la variabilité des

dénominations à disposition des locuteurs de langue française, a pour objectif de pallier ce

manque. Mon intérêt pour un tel sujet trouve tout d’abord son origine dans mon expérience

personnelle d’immigrante francophone à Calgary et se trouve également lié au

questionnement sur la francophonie minoritaire qui a cours au Canada depuis la fin des

années 60.

Les années 90 mais surtout l’entrée dans le XXIe siècle avec l’expansion des

politiques de mondialisation a eu pour effet paradoxal de revenir à des questions plus

locales qui s’inscrivent toutefois dans cette nouvelle donne sociale. De plus, la publication

des résultats du recensement de 2011 nous invite à nous questionner constamment et à

affiner la perception et la représentation de la francophonie minoritaire albertaine. Ainsi, il

apparaît de plus en plus légitime de prendre en compte les diverses contributions

identitaires (linguistiques et ethnoculturelles) des locuteurs de français résidant en Alberta

si l’on veut réellement inclure notre francophonie dans la pluralité.

La démarche que je propose d’entreprendre, dans le cadre de ce troisième chapitre,

est la suivante : après avoir répertorié les recherches articulant les concepts de Canada

Page 70: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

54

français et de francophonies minoritaires canadiennes, je m’attacherai à circonscrire les

problématiques identitaires de ces francophonies minoritaires canadiennes et de leurs

représentations. À partir de cette recension des écrits, je serai en mesure d’expliciter les

raisons pour lesquelles j’ai choisi de retenir les concepts de sociolinguistique critique, de

post-socioconstructivisme et de transculturalisme pour mon cadre théorique.

3.1 Du Canada français aux francophonies canadiennes minoritaires

Pour le néophyte, la question de la francophonie canadienne se résume souvent au

contexte québécois; à l’extrême rigueur, sera-t-il conscient que la langue française n’est

pas seulement parlée dans la belle province. Ainsi, pour les plus avertis, la question des

francophonies canadiennes en situation minoritaire se résume aux communautés

francophones les plus « visibles », c’est-à-dire, les plus importantes d’un point de vue

quantitatif : de manière peu surprenante, celles de l’Acadie (Nouveau-Brunswick,

Nouvelle-Écosse et Île du Prince Édouard) et celles de l’Ontario (francophone). Dans cette

perspective, si l’on s’intéresse aux ouvrages collectifs, l’on se rend compte que la part

accordée à ces régions constitue la majorité des articles, des chapitres et des livres sur la

question (Allain, 2004). Trois critères essentiels permettent d’expliquer les raisons d’une

telle primauté : la proximité avec le Québec, seule province officiellement monolingue

francophone; le pourcentage important de locuteurs francophones résidant dans ces deux

provinces (Castonguay, 2004); le développement de réseaux artistiques et de publication

qui verront l’expansion des réseaux de recherche en particulier sur les francophonies

minoritaires (CEFAN) (Gervais, 1995; Harvey, 2002). De plus, si l’on se penche sur le cas

Page 71: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

55

de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, seule province bilingue, force est de constater

également que l’importance du nombre de publications sur la question francophone tient

sans doute à l’unicité du régime linguistique néo-brunswickois. En effet, il lui a permis de

se positionner de manière spécifique dans le débat sur le fédéralisme canadien et quelques-

uns de ses principes normatifs tels que l’existence de « deux peuples fondateurs » et la

reconnaissance de l’égalité du bilinguisme officiel canadien (Caron & Martel (dir.), 2016).

Dans ce contexte et afin de situer ma recherche dans l’ensemble francophone nord-

américain et d’en comprendre les dynamiques historiques et contemporaines, il m’a paru

nécessaire de mentionner l’objectif principal qui caractérise les premiers ouvrages

collectifs traitant de la question de la francophonie et publiés au Canada entre les années

60 et 80 : faire connaître la francophonie canadienne hors Québec et élargir le champ de la

francophonie québécoise et acadienne à l’ensemble de l’Amérique française. Cette

première époque charnière sonne le glas de l’unité que constituaient les communautés

francophones minoritaires à l’intérieur du Canada français (Cardinal, 1994; Martel, 1997),

« unité […] surestimée voire […] imaginée » (Langlois & Létourneau, 2004, p. ix). Ainsi,

la fin de cette inclusion dans le Canada français marque pour certains le passage des

recherches sur les francophonies minoritaires « de l’intérieur à l’extérieur des études

générales sur le Canada français incluant le Québec » (Harvey, 2002, p. 12).

Un premier recueil a ainsi particulièrement suscité mon attention, il s’agit de

Situation de la recherche sur le Canada français (1962). Réalisé sous la direction de

Dumont et Martin, ce livre s’inscrit dans la lignée de la publication, dix ans plus tôt, d’un

autre collectif intitulé Essais sur le Québec contemporain. Alors que ce dernier ne se

Page 72: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

56

préoccupait que des questions « québécoises », ce nouvel ouvrage dessine déjà les

prémices d’un élargissement de la problématique francophone à l’échelle canadienne. Dans

cette même logique, l’on pourra relever deux autres recueils pertinents : d’abord, publié en

1983 sous la direction de Louder & Waddell, le collectif Du continent perdu à l’archipel

retrouvé nous dévoile une approche géoculturelle et demeure un « important outil pour

comprendre toute la complexité des rapports entre le Québec et ce qui reste de l’Amérique

française » (Laforest, 1988, p. 213). Puis, dans un deuxième temps, le projet du

Dictionnaire de l'Amérique française qui est mis sur pied dès 1982 et qui s’achève par la

publication de l’ouvrage en 1988. Écrite sous la direction de Dufresne, Grimard, Lapierre,

Savard et Vallières, cette encyclopédie sur la francophonie nord-américaine hors Québec

se propose d’explorer le devenir des diasporas acadiennes et québécoises en Amérique du

Nord sous l’angle historique et mémoriel. Les auteurs, en mentionnant dès l’introduction

leur souci de représenter équitablement les quatre grandes régions dans lesquelles se

concentrent les minorités francophones, à savoir l’Acadie, l’Ontario, l’Ouest canadien et

les États-Unis (Louisiane et Nouvelle-Angleterre) se situent également dans cette

mouvance de reconnaissance de l’existence de minorités francophones en dehors non

seulement du Québec mais aussi du Canada. Cet attrait pour la francophonie hors Québec

semble par conséquent reposer sur trois éléments historiques particuliers; la tenue des États

généraux du Canada français de 1966 à 1969, résultant de l’éclatement de la nation

canadienne-française, les conséquences de la Révolution tranquille et les résultats du

premier référendum sur l’avenir de la souveraineté du Québec (1980) (Laporte, 2013). Ces

événements, en ayant précipité les francophonies canadiennes dans une quête identitaire,

Page 73: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

57

suite à leur statut nouvellement acquis de « déterritorialisés » (Deleuze & Guattari, 1972)

vont donc logiquement chercher à se définir, en premier lieu, territorialement (Martel,

1997). En effet, ces communautés minoritaires finissent par tenter de se (re)positionner

territorialement puisque, pour reprendre les mots de Thériault, Gilbert & Cardinal (dir.,

2008, p. 9), « bien des francophones se considéraient toujours ‘sans pays’ [dans les années

1970 et 1980] » (guillemets des auteurs) et seront à la recherche d’une certaine identité

territoriale à partir de ce moment-là.

La décennie suivante (1990) s’inscrit, d’une part, dans la continuité, avec la

parution d’un certain nombre de publications proposant un état des lieux des francophonies

minoritaires canadiennes (voir par exemple, Allaire, 1999; Boudreau & Nielsen, 1994;

Thériault, 1999) et d’autre part, dans la rupture, dans la mesure où certains écrits se

concentrent davantage sur les spécificités territoriales de certaines de ces francophonies

(cf. pour l’Acadie, Daigle (dir.), 1993; pour l’Ontario français, Jaenen (dir.), 1993 ou

encore Cotman, Frenette & Whitfield (dir.), 1995). Avec la contribution d’une quarantaine

de spécialistes, Francophonies minoritaires au Canada : L’état des lieux sous la direction

de Thériault (1999) nous offre un panorama extrêmement riche des contextes francophones

minoritaires de l'Acadie, de l'Ontario et de l'Ouest canadien dans lequel les auteurs dressent

un portrait non seulement des anciennes mais aussi des nouvelles réalités pré et post années

60 (Bélanger, 2001). En effet, la pluralité de ces nouveaux contextes sont explorés sous

l’angle de la postmodernité et des défis que cette dernière pose à toutes ces communautés,

notamment la remise en question des idéologies prégnantes résultant de décennies

« d’affiliation » au Canada français. Même si un certain dialectisme entre continuité et

Page 74: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

58

rupture semble caractériser les francophonies minoritaires des années 90, le renouveau

semble toutefois prendre le pas. Ainsi, compte tenu du contexte social dans lequel ces

publications paraissent (redéfinition des identités des francophones vivant hors Québec),

les thèmes retenus gravitent désormais autour des notions de changement, de diversité, et

de fractionnement malgré un ancrage qui se veut territorial.

Conséquemment, les écrits qui paraissent dans les années 2000 nous permettent de

préciser notre perception de ce que l’on entend désormais par l’expression « francophonies

canadiennes hors Québec ». Que l’on choisisse de la traiter sous forme de

« fractionnement, [ou de] fragmentation identitaire » (Allain, 2004; Martel, 1998;

Thériault, 1999), de « francophonie plurielle » (Allaire & Gilbert (dir.), 1998), de

« francophonies minoritaires » (Bélanger, 2001; Harvey, 2002) ou bien, plus simplement,

par celle de « francophonie canadienne » (Allaire, 2004; Martel, 1997) ou encore de

« francophonies canadiennes » (Frenette, 2004; Harvey, 2002; Juteau, 1994; Traisnel,

2010), l’abondance des choix révèle à la fois une absence de consensus (Denis, 1996) ainsi

qu’une « évolution majeure […] [de cette notion] » (Langlois & Létourneau (dir.), 2004,

p. ix). Il faudra tout de même attendre le tournant du XXIe siècle pour que le premier

ouvrage de synthèse sur la problématique de la fragmentation des francophonies en

situation minoritaire ne paraisse. Ainsi, le collectif Francophonies minoritaires au

Canada : l’état des lieux (1999) publié sous la direction de Thériault dresse un bilan

exhaustif de la situation linguistique et culturelle de la langue française en situation

minoritaire au Canada. La question que les auteurs posent en début d’ouvrage demeure

plus que jamais d’actualité en 2017, à une époque où la mondialisation bat son plein : « Que

Page 75: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

59

sont les communautés francophones canadiennes non québécoises? » (Thériault (dir.),

1999, p. 9).

Publié sous la direction de Langlois & Létourneau (2004), l’ouvrage Aspects de la

nouvelle francophonie canadienne se positionne d’emblée, comme son titre nous le

suggère, dans cette perspective de changement et de renouveau préconisée par les auteurs

dès la préface : « notre objectif est d’apporter au moulin de la connaissance empirique des

situations identitaires émergentes et de l’interprétation qu’il est possible d’en donner, des

éléments de compréhension pertinents » (Ibid., 2004, p. xii). Thériault (2007) nous propose

également de « faire peau neuve » en revisitant les notions de mémoire, de tradition et

d’histoire absentes des problématiques identitaires des années 60-90 à la lumière de cette

(post-)modernité, résultant entre autre de la mondialisation. Le but étant à présent d’insérer

non seulement une certaine « continuité mémorielle » (Ibid., p. 6) mais aussi une spécificité

locale dans les thématiques identitaires.

À mesure que l’on s’approche des années 2010, les thématiques et les approches

privilégiées dans les publications sur les francophonies canadiennes mettent l’accent sur

les questions de francophonies minoritaires au pays (Landry (dir.), 2014) et notamment

l’exploration de leurs nouveaux enjeux, défis et mobilisations (Thériault, Gilbert &

Cardinal, 2008). Ainsi, le collectif précédemment cité, La vie dans une langue officielle

minoritaire au Canada (Landry, (dir.), 2014), mérite que l’on s’y arrête un instant afin de

mieux comprendre l’évolution des recherches en ce qui a trait aux communautés de langue

officielle en situation minoritaire (ou CLOSM). Cet ouvrage, dans lequel pas moins de dix-

neuf auteurs s’interrogent sur les réalités quotidiennes des deux minorités de langue

Page 76: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

60

officielle canadiennes, tout en privilégiant les questions relatives à l’éducation (de la

garderie aux contextes universitaires), à la santé, aux médias et à l’engagement social, vient

ainsi faire écho à une autre publication, l’Enquête sur la vitalité des minorités de langue

officielle (Corbeil, Grenier & Lafrenière, 2007). Force est de constater que les

problématiques qui font l’objet d’explorations et d’études dans ces derniers recueils sont

celles articulant particulièrement les questions de démographie, d’éducation, d’identité et

de vitalité linguistique et culturelle. Parmi ces dernières problématiques, je m’intéresserai

plus spécifiquement à celles relatives aux identités ainsi qu’à leurs représentations. Ce

court relevé des écrits sur les francophonies minoritaires canadiennes loin d’être exhaustif

ne serait pas « complet » sans que je me penche un instant sur les publications relatives aux

francophonies minoritaires « de l’Ouest » parfois aussi appelées « des Prairies ».

Les contours de ces francophonies dites « de l’Ouest » demeurent flous et incluent,

selon les publications, l’ensemble ou une partie des provinces suivantes : le Manitoba, la

Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique et parfois même les territoires se

situant au nord de ces régions. Il s’agit donc d’un espace englobant comme ne manque pas

de l’avancer Bélanger (2001) : « il est utile de rappeler que […] l'Ouest canadien,

comprend l'ensemble des provinces et des territoires à l'ouest de l'Ontario » (Bélanger,

2001, p. 159). Ainsi, si l’on se penche sur les ouvrages collectifs traitant de l’Ouest, l’on

pourrait commencer par mentionner le Dictionnaire des artistes et des auteurs

francophones de l'Ouest canadien (Morcos (dir.), 1998) avec la collaboration de Cadrin et

Page 77: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

61

Dubé21. Ce recueil à visée encyclopédique et à vocation culturelle a pour objectif de

répertorier les francophones qui d’une manière ou d’une autre se sont illustrés ou ont œuvré

en faveur de la reconnaissance du fait francophone dans l’Ouest. De plus, un deuxième

recueil, Répertoire littéraire de l'Ouest canadien (1984), propose, contrairement à ce que

son titre laisse supposer, une variété d’entrées non seulement littéraires (auteurs de poésies,

de romans) mais aussi des notices dont les sujets s’avèrent plus sociaux (anthropologie,

journalisme). En effet, Saint-Pierre (1984) ne manque pas de nous rappeler que le mot

« littéraire » est pris « en son sens large pour englober aussi bien les littérateurs que les

historiens, les essayistes que les folkloristes » (CEFCO, 1984, p. ix). À ces ouvrages de

types encyclopédiques, l’on pourra ajouter le chapitre 8 du collectif de Thériault (1999)

précédemment cité. En effet, cette section écrite par Gratien Allaire nous invite à

appréhender l’évolution de la francophonie de l’Ouest en fonction de son rapport à

l’altérité; cet autre (italiques de l’auteur, p. 163) se décline au gré des époques et prend

successivement, et parfois même simultanément, le visage de l’Amérindien, de

l’Anglophone, de l’Européen, du Francophone, de l’Asiatique, de l’Africain, etc.

Additionnellement, il est intéressant de mentionner deux numéros relativement récents de

la revue Francophonies d’Amérique qui traitent de deux thématiques intimement liées à

mon sujet d’étude soit le numéro 32 publié à l’automne 2012, « Recherches & réflexions

sur les identités francophones dans l’Ouest canadien » et le numéro 35 au printemps 2013

intitulé « Les journaux des communautés francophones minoritaires en Amérique du

21 Et le soutien du Campus St Jean, Université de l’Alberta

Page 78: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

62

Nord ». Malheureusement, même si l’ensemble de ces ouvrages et numéros spéciaux

traitent de problématiques relatives à l’Ouest, peu voire aucun ne traitent spécifiquement

des problématiques albertaines.

Dans ce contexte des francophonies de l’Ouest, si l’on se tourne à présent vers les

publications spécifiques à une région, le Manitoba remporte sans surprise la palme du

nombre d’écrits, compte tenu de la riche histoire de la province en matière de francophonie

et du nombre de chercheurs impliqués dans ce genre de recherches. Ainsi, en ce qui a trait

à la francophonie minoritaire, la construction identitaire, et l’immigration, l’on pourra lire,

avec profit, certains écrits des auteurs suivants, en particulier : Frenette, 1998; Hébert, R.-

M.; 2012; Ka, 2007; Lafontant, 2007; Marchand, 1997, 2004; Martin, 2005; Piquemal &

Bolivar, 2009; Piquemal, Bolivar & Bahi, 2009; Piquemal & Labrèche, 2011. Parmi ces

quelques suggestions de lecture, la posture adoptée par Piquemal & Labrèche, 2011, dans

leur article intitulé « Parcours identitaire des minorités involontaires au Manitoba français :

Vers une éthique en matière de dialogue, de réciprocité et d’éducation interculturelle » m’a

particulièrement interpelée dans la mesure où les auteurs proposent une réflexion basée sur

la réciprocité et le dialogue entre minorités involontaires (métis et réfugiés francophones)

dans le but d’instaurer un « décloisonnement » nécessaire au « vivre ensemble » (p. 187)

ou au besoin de « faire société » (Thériault, 2007). Cette piste de réflexion nous permet

d’envisager la situation calgarienne sous un jour différent comprenant une inclusion de

différents types de locuteurs de français dans une perspective transculturelle. En effet, à

l’instar de la francophonie manitobaine plurielle, la francophonie albertaine, et de surcroît

calgarienne, se caractérise par une véritable « mosaïque linguistique et identitaire, [qui

Page 79: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

63

s’est] regroupée […] au niveau politique pour la sauvegarde de ses droits (Marchand, 2004,

p. 147).

Comparée d’une part à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick et d’autre part au

Manitoba, l’Alberta compte peu de recherches sur sa minorité francophone malgré le fait

qu’elle soit démographiquement la troisième province comptant le plus de locuteurs de

français après ces deux provinces situées de part et d’autre du Québec et qui hébergent à

elles seules 77% du quelque million de francophones minoritaires pour qui le français

constitue la langue maternelle (Zaninetti, 2013). Les auteurs ayant contribué à faire

connaître un peu plus les problématiques identitaires albertaines sont les suivants : Abu-

Laban & Couture, 2010; Couture & Bergeron, 2002; Dubé, 1994; Maddibo, 2010; Mulatris,

2009, 2010; Mulatris & Skogen, 2012; Thompson, 2011. Par exemple, l’ouvrage,

L’Alberta et le multiculturalisme francophone : témoignages et problématiques, publié en

2002, sous la direction de Couture & Bergeron, propose une collaboration entre la

communauté et l’université franco-albertaine afin de réfléchir et d’apporter des réponses

aux questions relatives à la cohabitation du bilinguisme officiel et du multiculturalisme au

Canada. Cette collection de témoignages révèle sans surprise, une tension inhérente au sein

d’une minorité déjà fragilisée. En effet, la délimitation des frontières identitaires est

problématisée à travers les difficultés d’intégration dans la communauté d’accueil

exprimées par les nouveaux arrivants. Cependant, grâce à la collaboration constituée par

les témoignages des participants et les analyses des auteurs, l’on parvient à entrevoir une

esquisse des modalités d'aménagement de la pluralité culturelle et linguistique à venir.

Page 80: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

64

En ce qui concerne l’inclusion des minorités visibles dans les milieux scolaires

francophones albertains, l’on pourra lire avec profit Dalley (2008); Dalley & Roy, (2008);

Dubé (2002); Jacquet (2009); Piquemal & Bolivar (2009); Roy (2010) puisqu’ils analysent

les enjeux de la diversité dans l’école francophone albertaine. De plus, Dubé (2008, 2009)

et Dubé & Mulatris, (2012) abordent la question de l’interculturel et du transculturel en

rapport avec l’immigration francophone en Alberta. Concernant le contexte urbain

calgarien, on consultera aussi les travaux de Hébert (1993, 2010, 2013); Hébert, Wanner

& Acapovi (2009); Hébert, Wilkinson, Ali & Oriola (2008) ; Roy & Gélinas (2004) et

Stebbins, (1994, 1996). Ces dernières publications montrent déjà l’évolution de la réflexion

en ce qui concerne la francophonie albertaine et la manière dont on va chercher à la définir

dans les années à venir.

3.2. Discours identitaire et idéologies

3.2.1 Définition du terme discours en relation avec la construction identitaire

et la représentation sociale.

Le travail discursif […] s’exerce à la frontière du texte et du monde (Rizkallah & Colette, 2015, p.

33)

Il y a presque autant de définitions de discours que de chercheurs qui s’y intéressent.

Ainsi, il convient de proposer une définition en adéquation avec l’usage que l’on veut en

faire. Suivant ce précepte, la notion de discours au sens large et telle que définie par Gee

(1996) se lit comme suit :

Page 81: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

65

Discourses are ways of being in the world, or forms of life which integrate

words, acts, values, beliefs, attitudes and social identities, as well as

gestures, glances, body positions, and clothes. A Discourse is a sort of

identity kit, which comes complete with the appropriate costume, and

instructions on how to act, talk and often write so as to take on a particular

social role that others will recognize (p. 127; Mon soulignement).

Cette définition met en parallèle deux notions absolument cruciales dans le cadre de mon

analyse : la perception du monde, c’est-à-dire les réalités dans lesquelles l’acteur social

évolue en relation à son répertoire linguistico-culturel et à sa capacité d’adaptation au

contexte; l’acteur social n’est plus perçu comme ayant une identité fixe mais plutôt un

ensemble d’identités qu’il peut tour à tour revêtir en fonction du type d’interaction (écrite,

orale, non-verbale) dans laquelle il se situe. Il est ainsi capable d’adapter son comportement

linguistique et culturel aux circonstances sociales.

De plus, il y a une dimension supplémentaire à cette définition de discours que je

voudrais ajouter : l’idée de sens commun et de construction telle qu’avancée par Grize

(1990) et selon laquelle : « […] l’activité de discours sert à construire des objets de pensée,

qui serviront de référents communs aux interlocuteurs […] et j’ajouterai que, pour avoir

ce sens en commun, il le faut construire » (p. 22; Mon soulignement).

Page 82: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

66

3.2.2 Études de discours et analyse du discours.

Les principes de l’AD nous convient à postuler que tout le sens n’est pas donné à la

surface du texte, celui-ci est plutôt pavé de traces qui en orientent le sens (Rizkallah & Colette,

2015, p. 33)

Délimiter et répertorier le champ des études de discours aujourd’hui est

extrêmement complexe car il s’agit d’un domaine vaste et les diverses approches

théoriques et méthodologiques découlent d’une multitude de traditions scientifiques

(Angermuller, Maingueneau & Wodak, 2014). Le terme d’analyse du discours a commencé

à émerger dans les années 60. Aujourd’hui, il s’agit d’un champ d’étude particulièrement

prolifique si l’on en croit la tendance à nommer plus globalement ce champ « les études de

discours » (Ibid., 2014). Dans ce cadre extrêmement large des études de discours, son

versant critique a donné naissance à l’analyse critique de discours que van Dijk, dès 1986,

définit comme une « science critique » qui :

[b]eyond description or superficial application […] asks further questions,

such as those of responsibility, interests, and ideology. Instead of

focusing on purely academic or theoretical problems, it starts from

prevailing social problems, and thereby chooses the perspective of those

who suffer most, and critically analyses those in power, those who are

responsible, and those who have the means and the opportunity to solve

such problems (p.4 cité dans Wodak & Meyer, 2001).

Page 83: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

67

3.2.3 L’analyse critique de discours (désormais ACD).

L’analyse critique de discours est un paradigme à présent bien établi en linguistique

et sa création en tant que mouvement international remonte à il y a un peu plus de 25 ans

avec la rencontre entre Norman Fairclough, Ruth Wodak et Teun van Dijk et la publication

d’ouvrages incontournables tels que, Language and Power (Fairclough, 1989), Language,

Power and Ideology (Wodak, 1989) et Prejudice in Discourse (van Dijk, 1984). Avant la

discipline se mélangeait avec la linguistique critique (CL) pour finir par s’en détacher dès

le début des années 2000 (Wodak & Meyer, 2001). Le développement et la base de

l'analyse critique de discours sont surtout représentés dans les publications de Fairclough

(notamment, 1989, 1992, 1995, 2003) et avec des liens plus récents aux théories

sociologiques dans Chouliaraki & Fairclough (1999). Alors que certains auteurs tels que

Toolan, 2002; van Dijk, 2008a, 2008b; Wodak, 1996; Wodak & Meyer, 2001; Wodak &

Ludwig, 1999; Weiss & Wodak (2003) choisissent de présenter l’ensemble des acceptions

représentées au sein de l'ACD; d’autres tels que Jørgensen & Philipps, 2002 et Titscher,

Wodak, Meyer & Vetter, 2000 préfèrent s’en tenir à des résumés des postures nécessaires

à l’éclairage de leur recherche. Ainsi, Billig & Schegloff (1999) discutent-ils en particulier

des relations entre ACD et analyse conversationnelle. Wodak & Chilton (2005) dans leur

ouvrage introduisent de nouvelles perspectives en ACD; van Leeuwen (2008) établit des

parallélismes entre la sémiotique et l’analyse de données visuelles.

La perspective que j’ai voulu adopter lors de cette étude a été celle de l’analyse

critique du discours (ACD). Qu’entend-on par analyse critique du discours et quelles sont

Page 84: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

68

les perspectives offertes lorsque le chercheur décide d’utiliser une méthodologie qualitative

incluant ce type d’outil?

CDA is a – critical – perspective on doing scholarship: it is, so to speak,

discourse analysis “with attitude”. It focuses on social problems and

especially on the role of discourse in the production and reproduction of

power abuse and domination (van Dijk, 2001, p. 96).

La particularité de « l’analyse critique de discours » repose dans la perspective

justement critique d’une telle analyse, il s’agit d’analyser les discours avec une certaine

posture épistémologique présupposant une envie irrépressible de changement sociétal.

Comme nous le rappelle Maingueneau (2012) : « L’analyse du discours n’est en effet

réellement critique que si elle n’autonomise pas les textes, qu’elle les rapporte à des

pratiques sociales et à des intérêts situés » (p. 14). En cela, c’est une discipline qui s’inscrit

dans la continuité de la linguistique critique (LC; discipline à la base de l’ACD mais qui

s’en est détachée) et a des liens avec la sociolinguistique critique (Heller, 2002, 2007a,

2007b, 2011; voir aussi Auger, Dalley & Roy, 2007; Boutet & Heller, 2007; Dalley & Roy,

2008) qui s’intéresse aux processus idéologiques à l’œuvre dans le discours et qui ne se

borne pas à décrire les pratiques linguistiques en surface. En effet, l’analyse de discours

critique implique non seulement une interrelation de départ mais surtout des va-et-vient

constants entre les discours, l’agent et la société. « L’intérêt de l’analyse du discours est

d’appréhender le discours comme articulation de textes et de lieux sociaux »

(Maingueneau, 2012, p. 4). Comme le souligne Gee (2014), six éléments ou plutôt

« outils » (« six theoretical tools », p. 156) issus de plusieurs domaines voisins

Page 85: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

69

(anthropologie et psychologie culturelles; changement social; critique littéraire; histoire;

philosophie et philosophie politique [notamment ce que constitue la nature du débat social];

psychologie cognitive et sociale; sociolinguistique) sont en prendre en considération

lorsque l’on décide de « faire » de l’analyse (critique) de discours, révélant ainsi sa

dimension interdisciplinaire. Dans le cadre de cette étude, je me suis attachée à certains de

ces aspects, plus particulièrement à la notion de « situated meaning », selon laquelle l’agent

construit littéralement ce qu’il souhaite signifier au fur et à mesure qu’il émet son discours

dans un contexte particulier (« […] humans actively build meanings ‘live on line’ when we

use language in specific contexts », Ibid., p. 156) et de « Conversations » (avec un C

majuscule) signifiant : « Discourses – historically different kinds of people enacting and

recognizing different socially significant identities – use people, texts, and media to carry

on historically significant Conversations (debates) among different themselves ». Ces deux

points me paraissent particulièrement pertinents dans la mesure où ils permettent

l’articulation entre continuité et changement.

Ainsi, lorsque le chercheur s’intéresse à l’ACD, il doit garder présent à l’esprit

quelques caractéristiques propres à cette discipline. Ainsi, selon Kress (1989) et Wodak &

Meyer (dir., 2001), la langue est un phénomène social, c’est pourquoi les individus ainsi

que les groupes et les institutions développent des significations et des valeurs spécifiques

qui s’expriment systématiquement dans le langage qu’ils utilisent; les textes [oraux et

écrits] représentent des unités pertinentes dans le processus de communication et leurs

lectorats / auditeurs ne sont pas passifs quant à leurs relations avec ces différentes formes

de textes, que l’on peut nommer intertextualité. En outre, comme le relève Meyer (dans

Page 86: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

70

Wodak & Meyer, dir., 2001), il n’existe pas à proprement parler de méthode associée à la

collecte des données lorsque l’on utilise une approche de ACD : « there is no typical CDA

way of collecting data : first data collection, first analysis, finding indicators for particular

concepts, expanding concepts into categories, collecting further data » (p. 23). En

revanche, quelques principes nous éclairent sur ce que l’on devrait attendre d’une analyse

critique de discours : d’abord, en tant que discipline linguistique, elle devrait s’appuyer

fortement sur les catégories linguistiques et notamment sur l’analyse de marqueurs

linguistiques tels que l’usage d’actes de langage, de certains pronoms, d’un certain lexique,

de la modalité, de métaphores, de différents registres, de structures syntaxiques

particulières et des notions d’agentivité / passivité, (Fairclough, 1989) mais aussi sur les

acteurs sociaux en présence, ainsi que sur le contexte spatio-temporel (historicité) et

l’aspect argumentatif du discours (Wodak & Meyer, 2001). Plusieurs autres

caractéristiques propres au discours pourront également être prises en compte durant

l’analyse; par exemple, les macrostructures sémantiques, c’est-à-dire le traitement et la

façon dont le sujet suggéré par la question est traité (explication, relation entre plusieurs

aspects du sujet) ou pas, dans le cas d’une déviation par rapport au sujet initial; la

signification locale, en particulier les occurrences où le sens se construit à travers des

tournures implicites, contournées, indirectes, ou suggérées ou dont l’un des mots prend un

sens local. Pour finir et en relation directe avec l’ACD se situent les notions de pouvoir et

d’idéologie qui feront l’objet de la partie suivante (Wodak & Meyer, 2009).

Page 87: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

71

3.2.4 Idéologies, attitudes et pouvoir.

Le concept d’idéologie renferme « l’ensemble des représentations mentales qui

apparaissent dès lors que des hommes nouent entre eux des liens. Les mythes, les religions,

les principes éthiques, les us et coutumes, les programmes politiques sont, dans cette

acception, des idéologies » (Baechler, 1976, p. 18-19). Dans le domaine de la

sociolinguistique, le concept d’idéologie renvoie ainsi à des croyances ingrates et

« inquestionnées » sur la façon dont le monde est […] et devrait être, en particulier en ce

qui concerne la langue (Rickford & Wolfram, 2009).

C’est en particulier le contexte de la mondialisation qui a vu un changement sans

précédent en ce qui a trait aux idéologies linguistiques et à la gamme d’identités disponibles

pour l’individu bilingue voire multilingue (Pavlenko & Blackledge, 2004). En effet, les

changements sociaux, économiques et politiques relatifs à la mondialisation en apportant

avec eux des changements sans précédent modifient les éventails d'identités offerts aux

individus. De plus, ce sont les idéologies véhiculées à travers certains discours comme

celui de la Survivance dans le cas du Canada français présentes à une époque donnée qui

rendent légitimes et valorisent plus particulièrement certaines identités. À ce propos, on

pourra par exemple se référer à l’article de Martel & Villeneuve (1995) qui apporte un

éclairage sur les idéologies liées à la nation, et à l’éducation en relation à l’identité du

locuteur majoritaire ou minoritaire.

Lorsque l’on s’intéresse aux idéologies linguistiques au Canada, les domaines de

prédilection dans lesquels les auteurs traitent plus particulièrement de la notion d’idéologie

linguistique sont en particulier les études sur l’éducation et la littératie (Auerbach, 1991;

Page 88: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

72

Dionne, 2017; Gee, 1992, 1996; Mahé, 1999; Moodley, 1999; Roy, 2015); les discours sur

la langue, et en particulier celui sur les langues officielles (Hébert, 2002; Jedwab, 2002;

Kymlicka, 1998, 2003, 2007; Kymlicka & Patten, 2003; Mackey, 2014; Pavlenko &

Lantolf, 2004) ainsi que les politiques de bilinguisme et de multiculturalisme (Haque,

2012; Hébert, 2013; Houle, 1999). Ainsi, dans les contextes multilingues, le choix et les

attitudes face aux langues sont inséparables des arrangements politiques, de la relation du

pouvoir, des idéologies de langage et des opinions des interlocuteurs sur leurs propres

identités (Pavlenko & Blackledge, 2004).

3.3 Stratégies identitaires et multiples dénominations

Se rapprochant plus précisément de la problématique à l’œuvre dans mon projet de

recherche, Heller & Labrie (dir., 2003), dans l’ouvrage Discours et identités : La francité

canadienne entre modernité et mondialisation, se proposent d’explorer le rapport entre ce

que veut dire être francophone dans les contextes ontarien et acadien et parler les deux

langues officielles. En outre, le livre Comment un peuple oublie son nom : La crise

identitaire franco-ontarienne et la presse française de Sudbury (1960-1975) écrit par Bock

en 2001 présente la question de la dénomination comme un « dilemme identitaire » (p. 9),

caractéristique de l’Ontario français contemporain. De plus, deux articles de

Boissonneault, respectivement publié en 1996 (« Bilingue/francophone, Franco-

Ontarien/Canadien français : choix des marques d'identification chez les étudiants

francophones ») et en 2004 (« Se dire… mais comment et pourquoi? ») participent de cette

même mouvance. En nous fournissant une réflexion sur les marqueurs d’identité, l’auteure

Page 89: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

73

revisite ainsi la problématique de l’évolution de la cohésion identitaire en Ontario français;

l’angle adopté étant celui de l’articulation entre la mémoire (souvenance) et la

fragmentation (dispersion et diversité). Cette problématique de la mémoire de l’Ontario

français se retrouve également dans le Dictionnaire des écrits de l’Ontario français : 1613-

1993 (Gervais & Pichette, 2010, p. ix), ouvrage dont la perspective historique contribue à

l’affirmation de l’identité franco-ontarienne en dotant, d’une part, cette communauté d’une

présence publique et en valorisant, d’autre part, les études sur l’Ontario français ayant pour

but la consolidation de sa communauté universitaire. Ces publications, dans leur tentative

d’expansion de la définition de francophone, permettent de lancer le débat entre identités

linguistique et culturelle. En effet, si l’on part du principe qu’un individu peut user de

« stratégies identitaires » (Camilleri et al., 1990) et revêtir tour à tour une panoplie

d’identités sociales diverses mais aussi manifester des « résistances identitaires » (Haas,

2006, p. 15), il en résulte une complexification quant à l’acception des termes utilisés pour

définir les locuteurs de français vivant au Canada.

3.3.1. Entre identités individuelles et collectives.

Traitant de thématiques relatives à l’articulation des identités individuelles et

collectives en milieux francophones canadiens, l’ouvrage La question identitaire au

Canada francophone : Récits, parcours, enjeux, hors-lieux, sous la direction de Letourneau

avec la collaboration de Bernard (1994), s’inscrit également dans ce renouveau initié par

la fin de l’État-nation et la reconnaissance de l’identité, ou plutôt devrai-je dire des

identités, qui en résulte; identités qui sont désormais perçues comme « plurielle[s],

Page 90: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

74

confuse[s], hétérogènes[s] et mouvante[s] » (Létourneau dans Létourneau (dir.), 1994, p.

ix). Ces identités sont désormais envisagées comme résultant de « processus s’établissant

par/avec/contre les autres, c’est-à-dire comme une tension constante entre l’individuel et

le collectif, l’être et le devenir, le soi (axe biographique) et autrui (axe relationnel) (Mulatris

& Skogen, 2012, p. 334).

De plus, le rapport Qui sont les francophones? Analyse de définitions selon les

variables du recensement préparé par Guignard-Noël, Forgues & Landry, 2014) mérite

également que l’on s’y attarde quelques instants car son objectif principal était lors de sa

première mouture dès 2006 de réfléchir à « la façon de définir les francophones vivant en

situation minoritaire et, conséquemment, de quantifier leur poids démographique à des fins

de recherche et d’interventions en matière de santé (Guignard-Noël, Forgues & Landry,

2014, p. 11). Les différents experts qui se sont alors penchés sur la question étaient issus

des organismes suivants : Statistique Canada, Santé Canada, le Commissariat aux langues

officielles, le Consortium national de formation en santé (CNFS), la Société Santé en

français (SSF), la Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) et

Patrimoine canadien. Ce rapport révèle l’importance des variables utilisées dans les

définitions en relation au type de recherche effectuée. De la même façon, la revendication

d’une identité particulière doit être étudiée en fonction du contexte dans lequel elle

s’exprime.

Page 91: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

75

3.3.2 Entre identité francophone et identité bilingue.

Dans le contexte francophone minoritaire, les dénominations utilisées pour se

référer aux locuteurs de langue françaises sont loin d’être fixes et se déclinent sous diverses

appellations (Pilote, 2007) en fonction des traits identitaires déployés ou pas. En effet,

« […] certains traits identitaires deviennent significatifs seulement dans

certaines situations pertinentes […] parce qu’ils s’inscrivent dans une

transaction ou une négociation où ils constituent tantôt des symboles ou des

arguments, tantôt des marqueurs de frontières et des repères discriminants

pour justifier l’appartenance ou l’exclusion (Assayag, 2001 cité dans

Gingras, 2005, p. 238).

Ainsi, est-on confronté à une multitude d’étiquettes identitaires telles que « identité

bilingue » utilisée notamment comme identité affichée chez de nombreux finissants des

programmes d’immersion française (Gérin-Lajoie, 2001, 2006 ; Landry, Deveau, & Allard,

2006c) ou encore « identité francophone » (Cardinal, 1994; Charron, 2017; Dallaire, 2004;

Dallaire & Roma, 2003; Deveau, 2008; Fourot, 2016; Frenette, 2015; Jacquet, Moore &

Sabatier, 2008; Jacquet, Moore, Sabatier, & Masinda, 2000; Madibbo, 2010 ; ou certaines

de ses variantes plus locales comme « franco-albertaine » (Parent, 1994 ; Roberto, 2013 ;

Thompson, 2011).

Avec le phénomène de mondialisation engendrant de nombreux déplacements l’on

remarque que les marques identitaires se complexifient ou au contraire se simplifient à

l’extrême en fonction de l’individu qui les utilisent. D’autres référents font ainsi leur

Page 92: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

76

apparition comme « identité franco-canadienne » par exemple sous la plume de Moïse,

McLaughin, Roy, & White, 2006.

3.4 De Culture(s) à Transculturel

Ainsi, nourries par le vacillement des identités et menacées dans leur intégrité, les cultures mettent en

œuvre autant de stratégies de résistance que d’accommodement. (Paré, 2003, p. 9-10).

Lorsque l’on s’intéresse de près à la notion de culture, l’on constate le nombre

saisissant de définitions dont le chercheur dispose. Dans ce contexte, il m’a paru important

de commencer ce défrichage par la citation de Paré, en épigraphe, qui, d’emblée, situe la

culture dans un moment de transition clé lié aux transformations identitaires. La pluralité

accordée à la notion même de « cultures » renforce ce sentiment d’oscillation entre

indécision et résolution. En s’inscrivant à la fois dans « des stratégies de résistance » autant

que « d’accommodements » il me semble que l’auteur situe bien le concept de « cultures »

dans l’ère postmoderne qui caractérise notre époque globale transculturelle.

Toutefois, le caractère transculturel doit puiser ses sources à la fois dans l’apport

que constitue la culture de l’altérité mais aussi dans le respect d’une certaine mémoire de

la population initiale. Ainsi, selon El Tibi (2001, p. 17), la notion originelle de culture

renferme, d’une part,

[…] tout ce qui concerne l’évolution historique d’un peuple : le capital qu’il

a accumulé au fil des siècles, le passé commun d’un groupe d’hommes

réunis dans une société distincte, un atavisme qui se traduit dans son

quotidien […] [et] qui contribue le mieux à l’identifier.

Page 93: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

77

Elle constitue en cela une histoire voire une mémoire commune; en d’autres termes, « son

bien le plus précieux » (Ibid., p.17). Cette inscription habituelle de la culture dans la

mémoire, telle que l’on peut aussi la retrouver chez Dumont (1995, pp. 17-18), fait que la

culture correspond,

selon son acception la plus large, […] [à] un stock de codes, de manière

d’être et de faire indispensables à nos actions comme à l’existence en

commun. […] La culture est donc un héritage. Voilà en quoi elle pose,

comme enjeu primordial, le problème de la mémoire.

Cependant cette vision unique de la culture comme mémoire ne suffit plus à appréhender

les stratégies et les constructions identitaires complexes résultant des flux incessants de la

mondialisation et de la postmodernité. C’est pour cette raison que la deuxième partie de la

définition de El Tibi prend toute son importance quand l’auteure écrit : « [la culture] [c]’est

le désir de se faire connaître, ou reconnaître, de l’Autre, le non-soi, et la capacité de

s’ouvrir à lui » (Ibid., p. 17; Mon soulignement) car cette précision permet désormais de

positionner le culturel dans une perspective et une réflexion trans-. Cette approche n’est

pourtant pas si nouvelle puisque l’on en décèle les premières esquisses dans un article de

Lafontant intitulé « Adieu ethnicité, bonjour minorité » qui a été publié dans les Cahiers

Franco-Canadiens de l’Ouest à l’automne 1992, soit quelques 25 ans auparavant. Dans cet

article, l’auteur avance, entre autre, qu’il ne croit pas « qu’il y ait quelque caractéristique

culturelle qui soit indélébile » (p. 220) puisqu’il s’agit d’ajouts même lorsqu’il est question

de la langue. Il propose ainsi une définition relativement innovante pour l’époque puisqu’il

voit la culture comme un ensemble de panoplies interchangeables. Cependant, il reconnaît,

Page 94: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

78

tout de même, le caractère prégnant de la culture initiale à travers l’usage d’une métaphore

vestimentaire puisqu’il la compare à un vieux vêtement que l’on continuerait de préférer

au neuf quelles que soient les circonstances. Ainsi, le cheminement des questions

culturelles et linguistiques au Canada a clairement suivi, à travers les époques, un sentier

jalonné par des politiques mettant en avant la dualité linguistique et/ou le

multiculturalisme. L’évolution du multiculturalisme vers ce que l’on peut appeler le

« multiculturalisme social » ou le « transculturalisme » se retrouve à l’échelle des

définitions proposées de la culture et en cela fait évoluer par la même occasion la notion

d’identité.

Dans le domaine éducatif, cette problématique de la définition de la culture se

repose aussi de façon constante comme le souligne fort justement Gérin-Lajoie (2010, p.

375; Mon soulignement) lorsqu’elle propose de

[…] réfléchir collectivement à la question de la culture. Il faut susciter une

réflexion chez les intervenants et les intervenantes scolaires, et non pas

seulement chez les enseignantes et les enseignants, pour arriver à une

définition commune de la culture, qui reflète davantage la réalité des écoles

de langue française en Ontario.

À travers cet exemple, l’auteure soutient deux idées fondamentales quant à l’expression du

concept de culture : le fait qu’il faille la définir en groupe et en fonction d’un contexte local

particulier.

Page 95: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

79

3.5 Résumé du chapitre 3 : Cadre théorique

Ce troisième chapitre de recension des écrits s’intéressant au champ de la

francophonie minoritaire canadienne a eu pour premier objectif de répertorier les manques

concernant les recherches mettant en relation les locuteurs de français et leurs rapports à

leurs identités ethnolinguistiques et culturelles. Il m’a notamment permis de constater une

quasi absence de recherches articulant les problématiques identitaires dans les contextes

pluriels des métropoles canadiennes de l’Ouest. C’est pour cela que mon étude de cas s’est

concentrée sur l’exemple de la ville de Calgary.

Le second objectif a été d’extraire de cet exercice de recension des écrits le matériel

théorique nécessaire à la construction de mon cadre conceptuel d’analyse. Cet outil qui sera

à l’œuvre dans ma partie interprétative et analytique (chapitre 6) s’appuie sur la

sociolinguistique critique pour le changement, le post-socioconstructivisme et le

transculturalisme. Cet outil conceptuel me permettra de revisiter et de mettre en relation

les notions d’appartenances, de constructions et de stratégies identitaires et d’idéologies

linguistiques. À travers une étude de cas s’appuyant sur une analyse critique des différents

discours composant mon corpus constitué à la fois de sources écrites (journaux albertains

de langue française et questionnaires) et de sources orales (entrevues individuelles),

j’interrogerai la relation entre le fait de parler français et les références nominatives

linguistiques et culturelles dont se réclament les locuteurs de français à l’étude dans les

situations socio-culturelles et linguistiques calgariennes actuelles. À travers cette

démarche, j’étudierai ainsi sous un nouvel angle l’identité francophone calgarienne

Page 96: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

80

contemporaine. Dans le chapitre qui suit je présenterai l’approche méthodologique que j’ai

choisie pour analyser les données recueillies et répondre à mes questions de recherche.

Page 97: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

81

Chapitre 4 : Méthodologie

L’objet d’étude de la sociolinguistique n’est pas donné au chercheur, mais construit par lui et cette

construction est le premier pas de toute enquête (Calvet dans Calvet et Dumont, 1999, p. 11)

Ce chapitre a pour principal objectif de préciser la posture épistémologique ainsi

que les choix méthodologiques qui sous-tendent cette recherche. En effet, Creswell (2014)

avance que le choix d’une approche méthodologique particulière repose sur un grand

nombre de critères tels que la posture philosophique du chercheur, les procédures

méthodologiques générales (conception et démarche de recherche), les méthodes plus

spécifiques de collecte, d’analyse et d’interprétation des données mais aussi sur la nature

de la problématique, l’expérience personnelle du chercheur ainsi que le lectorat. C’est pour

ces raisons que je m’attacherai à présenter les modalités de collecte de données et

rappellerai brièvement le cadre théorique sur lequel se fonde mon analyse et mon

interprétation des données. La présentation de cette démarche se fera en trois temps :

d’abord, je présenterai ma conception du savoir en tant que construction sociale et ce que

j’entends par approche « qualitative et interprétative » ainsi que ce que cela implique quant

à ma posture et mon rôle de chercheuse; puis, je m’attarderai sur le choix du type de sources

utilisées lors du processus de création du corpus et sur le cadre d’analyse spécifique

(sociolinguistique critique, post-socioconstructivisme et transculturalisme) adopté lors de

l’analyse et de la phase d’interprétation.

Page 98: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

82

4.1 Construction des savoirs et posture épistémologique

4.1.1 Vers un savoir commun construit socialement.

Le savoir, selon la perspective du socioconstructivisme (Creswell 2014; Berger &

Luckmann, 1991; Lincoln & Guba, 1985), repose sur une compréhension et une

interprétation individuelles du monde. Cependant, il faut garder présent à l’esprit que

même si le savoir que j’ai construit en tant que chercheuse est empreint de ma propre

conception du monde, j’ai essayé, autant que faire se peut, de le baser sur une co-

construction impliquant d’abord les diverses expériences des acteurs sociaux présents et

passés (relevés dans les discours des journaux, des questionnaires et des entrevues). Ainsi,

ces différents discours attribuent une signification et un sens aux choses et aux objets qui

les entourent et développent en cela un savoir commun, source de la réalité co-construite

(participants et chercheuse).

C’est cette multiplicité de sens et de significations qui m’a encouragée à me

confronter à cette variété de focalisations et de points de vue afin d’offrir un panorama

aussi exhaustif que possible de la francophonie calgarienne actuelle. Ce faisant, je n’ai pas

manqué de remarquer que cette subjectivité se retrouvait également à ma propre échelle

dans la mesure où j’incarnais, avec mon propre discours, mon vécu d’actrice sociale. Loin

d’être négative, cette subjectivité m’a amenée à pousser mon propre questionnement au-

delà de mes expériences sociales personnelles. En me confrontant à l’altérité, mon propre

savoir s’est retrouvé parfois bousculé, ce qui m’a amenée en définitive à m’interroger de

manière plus fine et à proposer des réponses plus nuancées, base inéluctable d’une réalité

Page 99: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

83

co-construite. En accomplissant ces va-et-vient successifs, je suis parvenue peu à peu à

façonner et refaçonner ma vision du monde en partenariat avec le reste des acteurs sociaux.

4.1.2 L’approche constructiviste en sciences sociales.

Dans le domaine des sciences « dures », le concept de constructivisme est plus

empreint de tradition scientifique et se définit par une vision de la réalité comme

« construction intellectuelle […] dépendant [de] prérequis conceptuels et théoriques […]

façonnée par des équations de départ [hypothèses] » (Mucchielli, 2004, p. 8). En revanche,

la vocation du socioconstructivisme s’avère profondément différente dans la mesure où il

s’intéresse davantage à la compréhension de phénomènes observés au fil des interactions

à un niveau micro, censé mieux rendre compte de la complexité d’un phénomène social.

De plus, l’accent n’est pas mis sur un besoin impérieux de réplication mais vise plutôt à

une certaine transférabilité en proposant une représentation de la réalité co-construite à

partir de l’expérience sociale du chercheur et de celle des participants. Additionnellement,

le socioconstructivisme se combine souvent avec l'aspect interprétatif de la recherche

(Berger & Luckmann, 1991; Crotty 1998, Lincoln & Guba, 1985, 2000). Sur ce point,

Creswell (2014, p. 9) nous rappelle que :

Humans engage with their world and make sense of it based on their

historical and social perspective we are all born into a world of meaning

bestowed upon us by our culture. Thus, qualitative researchers seek to

understand the context or setting of the participants through visiting this

context and gathering information personally. They also make an

Page 100: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

84

interpretation of what they find, an interpretation shaped by the

researchers' own experiences and backgrounds (Mon soulignement).

L'objectif primordial de la recherche qualitative en général et socioconstructiviste en

particulier est donc de s'appuyer autant que possible sur les points de vue des participants

concernant la situation étudiée. Pour ce faire, j’ai veillé par exemple, comme le suggère

Crotty (1998, cité dans Creswell, 2014), à ce que les questions proposées lors du

questionnaire et de l’entrevue soient ouvertes ou semi-ouvertes (dans la mesure du

possible) et aient trait à des thèmes généraux afin de privilégier la construction du sens des

participants dans une situation donnée. Souvent, ces significations subjectives sont

négociées socialement et historiquement. En d'autres termes, ces acceptions ne sont pas

simplement assignées à des individus mais se forment et se reforment par interaction avec

autrui, en relation aux normes historiques et culturelles. De plus, je reconnais également

que mes propres antécédents façonnent mon interprétation et qu'il a fallu à chaque étape

me « positionner » dans la recherche pour reconnaître comment l’interprétation des acteurs

sociaux résulte des expériences linguistiques et culturelles, et historiques propres à chaque

participant. L'intention du chercheur est alors de construire un sens (ou d’interpréter) les

significations que les autres ont sur le monde. Plutôt que de commencer avec une théorie

(comme dans le post-positivisme), les socioconstructivistes génèrent ou développent de

manière inductive une théorie ou un motif de signification et c’est de cette manière que j’ai

choisi de procéder.

La démarche scientifique sous-tendant mon projet de recherche s’inscrit ainsi dans

une conception « socio-constructivisme postmoderne » au sens de Hottois (2005) qui

Page 101: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

85

résume particulièrement bien les points précédemment évoqués, en particulier une

approche qui prend pour point de départ les processus dynamiques dans lesquels l’objet de

l’étude, le locuteur de langue française calgarien, se construit et ce, dans un contexte

« historicisé », soit contextualisé à la fois temporellement mais aussi spatialement

(Gadamer). Cette construction s’opère ainsi dans un cadre spatio-temporel spécifique avec

un but particulier intégré ; le savoir se situant à plusieurs niveaux, comme Gergen (1985)

nous le rappelle : « social constructionism is principally concerned with elucidating the

processes by which people come to describe, explain or otherwise account for the world in

which they live » (p. 3-4). Contrairement à la conception positiviste-empiriste, selon

laquelle le savoir est universel et la science une discipline descriptive basée sur

l’observation, l’approche socioconstructiviste postmoderne permet une remise en question

de la réalité construite par la modernité (Hottois, 2005) entraînant par là-même une

discréditation de la théorie scientifique et sa façon unique de rendre la réalité du monde :

« What we take to be knowledge of the world is not a product of induction, or of the

building and testing of general hypotheses » (Ibid., p.4). Le savoir n’est donc pas universel

mais se construit plutôt au fil des expériences de chacun selon une mélodie et à une cadence

qui lui sont propres : « what we take to be experience of the world does not in itself dictate

the terms by which the world is understood » (Ibid., p.4).

Page 102: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

86

4.1.3 Une approche qualitative et interprétative : l’étude de cas.

[…] qualitative research is all about discovery (Bloomberg & Volpe, 2008, p. 96)

Afin de comprendre le pourquoi du recours à la démarche qualitative dans mon

projet, je propose d’abord d’explorer ce que l’on entend par approche qualitative et

interprétative lorsque l’on utilise une étude de cas. Selon Paillé & Mucchielli (2016),

« l’analyse qualitative est une activité de l’esprit humain tentant de faire du sens face à un

monde qu’il souhaite comprendre et interpréter voire transformer » (p.2). De plus, Creswell

(2014), ajoute que cette démarche s’avère particulièrement pertinente lorsque le but est

d’« explorer et de comprendre le sens que des individus ou des groupes attribuent à une

problématique sociale ou humaine22 » (p. 4). En outre, toujours selon Creswell (2015), la

recherche qualitative se caractérise par trois paramètres principaux : (1) les questions de

recherche sont plutôt générales et (2) la collecte de données se présente sous la forme de

textes ou d’enregistrements recueillis par questionnaires ou lors d’entrevues semi-guidées.

Pour finir, Creswell ajoute que l’approche qualitative comprend également (3) une analyse

thématique des données se présentant sous forme de texte narratif. Merriam (1998)

souligne que la particularité d’une étude de cas de nature qualitative consiste en une

description puis en une analyse intensive voire holistique de l’objet à l’étude et que ce

dernier peut être soit un exemple ou un phénomène unique ou encore une unité sociale. Il

s’agit dans le cadre de mon étude, d’explorer et d’expliquer les stratégies du construit

identitaire proposé : « Francophones ». Comme Merriam (1998), Stake (1995) nous

22 Ma traduction; « exploring and understanding the meaning individuals or groups ascribe to a social or

human problem ».

Page 103: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

87

rappelle que le but principal de l'étude de cas consiste à créer une description riche d'un

phénomène en étudiant à la fois sa complexité et sa particularité mais il ajoute également

le besoin pour le chercheur d’intégrer de multiples sources d'information. Recourir ainsi à

une étude de cas m’a permis de me concentrer sur une problématique dont l’échelle a été

réduite à la ville de Calgary et à un échantillon de 27 participants. En effet, « case studies

concentrate attention on the way particular groups of people confront specific problems,

taking a holistic view of the situation. They are problem centered, small scale,

entrepreneurial endeavors » (Shaw, 1978, p. 2 cité dans Merriam, 1998, p. 29).

Le type de recherche que j’ai voulu entreprendre est donc de style qualitatif et

interprétatif avec une dimension sociolinguistique critique; il s’agit en d’autres termes

d’une étude de cas s’appuyant sur une démarche empirico-inductive « qualitative » qui,

selon les termes de Blanchet (2012, p. 29), « accorde une priorité chronologique,

méthodologique et théorique aux pratiques et aux faits par rapport aux constructions

intellectuelles et théoriques ». Mais qu’entend-on au juste par démarche empirico-

inductive? Cette approche se définit en opposition à une démarche hypothético-déductive

dans laquelle le chercheur démarre sa démonstration en partant de ses hypothèses ou de ses

questions de recherche; la démarche consistant à valider ou invalider ces dernières. Au

contraire, la procédure de recherche qualitative se veut plus inductive et implique les points

suivants : des questions et des procédures émergentes c’est-à-dire découlant du processus

même de recherche, des analyses de données s’organisant peu à peu à partir du thème le

plus particulier au plus général et des interprétations générées par le chercheur grâce à ses

expériences personnelles (Creswell, 2014). En outre, sa validité ne requiert ainsi ni

Page 104: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

88

comptage, ni quantification et ne repose ni sur une proportion ni sur une quantité mais

plutôt sur une qualité, une dimension, une extension, une conceptualisation de l’objet

(Paillé, 2009 cité dans Paillé & Mucchielli, 2016, p.2). Au final, « [l]’analyse qualitative

[…] peut être définie […] comme une démarche discursive de reformulation, d’explication

ou de théorisation de témoignages, d’expériences ou de phénomènes » (Ibid., p. 2) visant

à la construction du sens.

4.1.4 Posture épistémologique, rôle de la chercheuse et prise en compte du

lectorat.

La posture épistémologique que j’ai adoptée a permis de privilégier une

construction discursive des savoirs à partir de la construction du sens fourni par

l’interaction entre les discours des journaux et ceux des participants. De plus, dans une

logique transculturelle, j’ai voulu que mon approche soit émique, c’est-à-dire que la

perspective adoptée soit celle du sujet. Comme nous le rappelle Kottak (2006), « the emic

approach investigates how local people think: how they perceive and categorize the

world, their rules for behavior, what has meaning for them, and how they imagine and

explain things ». Cette posture spécifique a une influence sur le rôle du chercheur comme

le résume l’extrait qui suit :

These ebbs and flows have led to changing conceptions of the researcher;

as objective and so able to access objective knowledge about the

interviewee and their social world; as implicated in the processes at play

in the interview in a range of ways that affect their understanding of the

Page 105: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

89

knowledge that can be produced in the interview; or as an advocate

speaking for or giving voice to the interviewee (Edwards & Holland,

2013, pp. 1-2).

Ainsi le rôle du chercheur ne réside pas uniquement dans son objectivité, il se veut

plutôt le garant et le co-constructeur du savoir généré par les voix des agents sociaux.

Comme nous le conseille également Creswell (2014, p. 23), le chercheur doit veiller

à s’adresser au lectorat susceptible de s’intéresser et de lire la recherche en question, y

compris les membres de la communauté et les participants à la recherche qui en feraient la

demande : « Finally, researchers are sensitive to audiences to whom they report their

research. These audiences may be journal editors, journal readers, graduate committees,

conference attendees, or colleagues in the field ». Finalement, suivant les préceptes de

Creswell (2014), le choix méthodologique adopté pour cette recherche s’appuie donc

logiquement sur les trois critères énoncés précédemment : la problématique relative à ma

recherche, mes expériences personnelles de jeune chercheuse, et le public auquel ce travail

s’adresse.

L’aspect qualitatif de ma recherche repose donc à la fois sur la méthodologie

employée lors de la collecte de données et lors de leur analyse et peut se définir comme

« cyclique » dans son approche (Hennink, Hutter & Bailey, 2011) ou encore comme

« herméneutique », c’est-à-dire dont la progression s’inscrit dans des étapes marquées par

des efforts de compréhension et d’essais d’interprétation afin de rendre compte de manière

aussi approfondie que possible du phénomène à l’étude (Paillé & Mucchielli, 2016). En

effet, ce cheminement intellectuel et méthodologique s’est fait de manière échelonnée alors

Page 106: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

90

qu’avançait mon parcours doctoral. Ce projet a en fait commencé à germer quelque temps

après mon arrivée au Canada. En tant que nouvelle arrivante de langue française en Alberta,

il n’allait pas de soi que je pourrais m’intégrer dans la communauté francophone sans

comprendre où, moi-même, je me situais. Pour ce faire, il fallait que je comprenne le

nouveau contexte sociolinguistique et culturel dans lequel je me trouvais; c’est pourquoi

j’ai voulu explorer les différentes catégories linguistico-culturelles que je percevais dans

les discours ambiants : ce que voulait dire des termes tels que bilingue, canadien-français,

français, franco-albertain, francophile, et francophone et quelle était leur portée. Qui

décidait de leur donner une légitimité? Et à qui? Et surtout selon quels critères? Ces

différentes interrogations m’ont amenée à m’intéresser progressivement à l’évolution de la

référence nominative des locuteurs de langue française en Alberta à la fois dans la sphère

publique (journaux) et la sphère privée (questionnaires et entrevues).

4.2 Procédures de collecte de données : Triangulation

En tant que chercheuse en sociolinguistique utilisant une méthodologie qualitative

couplant l’étude de cas à l’analyse critique du discours, il m’a paru légitime de rassembler

des données aussi variées que possibles afin de constituer le corpus qui serait ensuite

soumis à l’analyse. Ce principe que l’on appelle aussi « triangulation méthodologique » ne

s’exprime pas seulement dans la variété de la nature des documents à l’étude mais à de

nombreux autres niveaux aussi. Ainsi, cette triangulation des données se manifeste-t-elle à

plusieurs degrés : d’abord, je me suis attachée à utiliser des types de discours variés : écrits

(articles de journaux, questionnaires) et oraux (entrevues); représentatifs de la sphère

Page 107: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

91

publique et de la sphère privée; produits à différentes époques (entre 1928-2000 pour les

journaux puis questionnaires et entrevues informant la période de 2000-2017). Cette

différence s’exprime par ailleurs par le fait que le type de questions posées à la fois dans

le questionnaire et l’entrevue sont de type différent (fermées, semi-ouvertes ou encore

ouvertes). Compte tenu du grand nombre de données en présence (surtout en ce qui

concerne les journaux) et dans un souci d’approfondissement, j’ai également poussé la

randomisation jusqu’à tirer au sort les articles dont je me servirai dans mon corpus. Mon

objectif tout au long de ma collecte de données a donc bien été d’enrichir et d’approfondir

ma connaissance de l’objet de recherche à l’étude, c’est-à-dire les stratégies et les

constructions identitaires des Francophones vivant à Calgary. Finalement, j’entends la

triangulation des données comme une méthode consistant à tester les données les unes

contre les autres à la recherche de motifs de pensées communs. C’est la raison pour

laquelle, durant les différentes étapes de classement de données, j’ai eu recours à de

nombreux tableaux et schémas synoptiques notamment en ce qui concerne les données

issues des articles de journaux et les entrevues dans lesquels j’ai dégagé les thématiques et

les motifs récurrents (Wolcott, 1994).

Cette recherche porte sur un corpus constitué à la fois d’une cinquantaine d’articles

issus de la presse albertaine écrits pour la plupart en français, d’une centaine de

questionnaires et d’une trentaine d’entrevues. J’ai effectué mon analyse selon une approche

qualitative et interprétative (Creswell, 2013, p. 197) lors de laquelle j’ai procédé par

thématique en fonction des réponses reçues à la fois lors de la recherche et de l’analyse des

articles de journaux, des questionnaires et des entrevues.

Page 108: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

92

Je voudrais également ajouter un dernier point en ce qui concerne la taille du

corpus, compte tenu du fait que j’ai choisi de travailler en utilisant une méthodologie

comprenant de l’analyse de discours critique, il a fallu restreindre la taille du corpus. En

effet, comme nous le rappelle van Dijk (2001, p. 99): « a full analysis of a short passage

might take months and fill hundreds of pages. Complete discourse analysis of a large

corpus of text or talk, as we often have in CDA research, is therefore totally out of the

question ».

4.2.1. Rôle des articles de journaux.

Le choix des journaux en français s’est naturellement fait car il me semblait qu’il

serait intéressant d’explorer comment la communauté canadienne-française « de souche »

se percevait / se perçoit et se représentait / se représente afin de comprendre comment

l’inclusion de nouveaux types de Francophones pourrait se faire. L’on ne peut répondre à

la problématique de la francophonie albertaine sans recourir à la perception et à la

représentation que ses membres initiaux s’en font. Le corpus définitif sur lequel a porté

l’analyse se compose ainsi d’une cinquantaine d’articles issus soit de La Survivance, soit

du Franco-(Albertain) écrits entre 1928 et 2000. Ces articles s’échelonnent donc du début

du XX e au début du XXIe siècle, époque à laquelle l’utilisation des termes « canadien-

français », « franco-albertain » et « francophone » ont été examinés. Avant de commencer

mon investigation, j’imaginais que les termes précédemment cités le seraient en adéquation

avec certaines thématiques et dans un contexte spatio-temporel spécifique. Je me suis donc

penchée sur plusieurs phases clés de l’histoire canadienne en particulier la fin des années

Page 109: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

93

20-30, date de création du journal coïncidant avec la Grande Dépression; la fin des années

60, en particulier l’année 1967 marquant les États Généraux du Canada français et l’amorce

de la Révolution tranquille, ainsi que la période des deux référendums au Québec (1980 et

1995), en faveur de l’indépendance du Québec; ces différents évènements historiques en

remettant en question et en contribuant aux changements de la représentation de l’identité

canadienne-française puis québécoise sont susceptibles de nous informer quant à

l’utilisation de ces termes.

La première partie du corpus a donc été constituée en utilisant les archives du site

internet Les Prairies selon Peel [Peel's Prairie Provinces], développé par l’Université de

l’Alberta. Cette base de données – en évolution constante et contenant plus de 66 000

articles de presse, soit 4,8 millions d'articles [dernière mise à jour en 2013] – répertorie,

parmi d’autres ressources, quelques journaux albertains en langue française tels que La

Survivance et Le Franco-(albertain). La manière de procéder a été la suivante : j’ai d’abord

sélectionné les mots-clés qui constituaient la base de mon questionnement; c’est-à-dire les

dénominations utilisées en français lorsque l’on réfère aux francophones au Canada en

général et en Alberta en particulier. Les termes retenus dans la recherche initiale ont donc

été les ethnonymes culturels suivants : « canadien français »; « franco albertain »; et

« francophone » et leurs variantes orthographiques.

4.2.2 Rôle du questionnaire : sélection de mon échantillon de répondants.

« L’entretien [et] l’enquête par questionnaire […] sont autant de moyens pour

cerner une pratique sociale et linguistique qu’il convient ensuite […] d’analyser » (Calvet

Page 110: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

94

dans Calvet & Dumont, 1999, p. 13). De plus, la sociolinguistique, qui est la discipline

dans laquelle ma recherche s’inscrit, préconise le recours à l’enquête qui en constitue le

« dispositif central » (Boutet & Heller, 2007). En outre, « les questionnaires font partie des

instruments d’enquête que l’on considère comme relevant de l’observation indirecte : en

effet, ils ne permettent pas à l’enquêteur d’assister à une performance langagière » (Maurer,

dans Calvet & Dumont, 1999, p. 115) en cela il faut garder présent à l’esprit que leur

interprétation demeure un peu plus subjective que celle relative aux entrevues.

Afin d’établir mon échantillon représentatif de participants pour les entrevues, j’ai

commencé par créer un questionnaire comportant deux parties principales : la première,

intitulée « information générale » et comportant des « questions de fait », c’est-à-dire

« relatives aux phénomènes observables, aux faits vérifiables sur le plan empirique »

(Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 16). Ces questions de fait visent à donner des

renseignements biographiques sur les participants afin de les situer dans la francophonie

canadienne, albertaine puis calgarienne. Ainsi, commence-t-on par des critères généraux

ou démographiques tels que le sexe (1), la tranche d’âge (2), le niveau d’éducation (3),

le(s) lieu(x) d’origine (villes, provinces, territoires, pays) (4) dont ceux où le participant a

vécu durant l’enfance (5) pour progressivement s’intéresser à la vie à proprement parler au

Canada (6) puis en Alberta (7). Avec une transition amorcée dès la question (8), les

questions de fait font peu à peu place aux « questions d’opinion » (Boukous dans Calvet &

Dumont, 1999, p. 16), d’abord sous forme de questions « semi-fermées » (8-12), dans la

mesure où les réponses se basent sur des critères de catégorisation proposés puis

progressivement sous forme plus ouvertes (questions 13-15). Toutefois, afin de limiter les

Page 111: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

95

réponses automatiques, un espace vierge intitulé « Préciser » invite le participant à

expliquer ses choix plus en détail. La question (8) joue ainsi le rôle de transition et permet

d’entrer dans la deuxième partie du questionnaire afin de laisser entendre la voix des

participants. Dans cette seconde partie appelée « Langues », le but est de parvenir,

graduellement, à cerner les perceptions et les représentations relatives aux identités

ethnolinguistiques et culturelles des répondants et ainsi permettre d’obtenir un échantillon

caractéristique de la diversité linguistique et culturelle des locuteurs de français à Calgary.

Pour ce faire, j’ai proposé d’abord deux questions concernant les langues apprises,

entendues ou parlées dans l’enfance (9) et (10) puis une question récapitulative sur

l’identité linguistique (11) impliquant un (ou plusieurs) choix d’étiquettes parmi les

suivantes : anglophone, francophone, bilingue (anglais/français), bilingue (français-autre

langue), trilingue (anglais/français/autre langue), et/ou autres combinaisons. Finalement,

la question suivante (12) se présente sous trois volets : le premier (a) propose d’inviter le

participant à choisir la/les références nominatives correspondant le plus à ses identités

culturelles et à les classer selon l’importance accordée (b). Parmi les dénominations

proposées se trouvent : acadien, canadien-français, franco-albertain, autre franco-canadien,

franco d’un autre pays, québécois, autres combinaisons. La troisième et dernière partie de

la question (c) se veut un tant soit peu récapitulative puisqu’elle appelle le participant à

préciser les contextes dans lesquels il a déjà utilisé les qualificatifs choisis pour définir ses

identités. Les questions suivantes (13), (14), qui interrogent successivement les identités

ethnolinguistiques puis culturelles des participants, ont un format beaucoup plus ouvert

que les précédentes puisqu’elles ont été pensées comme une sorte d’aboutissement réflectif

Page 112: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

96

sur l’identité individuelle de chacun. Les réponses attendues sont de type narratif et se

prêteront à une analyse interprétative (analyse critique de discours). La dernière partie de

l’enquête (15) se présente comme un espace libre de contraintes dans lequel les participants

peuvent ajouter des commentaires, des précisions, et/ou des remarques et proposer des

suggestions; il a été pensé comme une possibilité supplémentaire pour les participants de

s’exprimer, de laisser entendre leurs voix. Comme nous pouvons le constater, le

questionnaire établi pour les besoins de mon enquête est plutôt de type structuré puisque la

plupart des premières questions (1 à 10) entraînent des réponses de type fermé ou semi-

fermé (choix parmi plusieurs réponses fournies par le chercheur; 11 et 12). Cependant, j’ai

voulu aussi inclure dans ce questionnaire des questions qui se voulaient plus ouvertes (13),

(14) et (15) pour les raisons évoquées ci-dessus. Consciente du fait que partager ne serait-

ce que quelques éléments de leurs identités culturelles et linguistiques serait perçu comme

une démarche intrusive par certains, j’ai pensé qu’il serait plus judicieux de les mener

progressivement vers les questions ouvertes, situées, pour cette raison, en fin de

questionnaire. En outre, pour éviter la crispation de certains répondants, la durée du

questionnaire a été fixée à 15 minutes et je me suis efforcée d’être aussi neutre que possible

dans la formulation des questions.

Le but ultime de ce questionnaire était de retenir un échantillon représentatif des

locuteurs de français vivant à Calgary afin, dans un deuxième temps, d’interroger cet

échantillon de manière plus approfondie lors d’entrevues semi-guidées. Comme le précise

Boukous dans Calvet & Dumont (1999), j’ai veillé, dans un souci de représentation

optimale ou mesurabilité, à ce que le questionnaire comprenne les mêmes questions pour

Page 113: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

97

tous les participants et qu’il soit administré dans des conditions similaires. De plus, bien

d’autres paramètres ont été pris en compte lors de la rédaction de ce questionnaire; le

premier ayant été celui du choix de la langue dans laquelle il se déroulerait. Alors qu’au

début de mon entreprise je comptais offrir la possibilité de répondre au questionnaire soit

en français, soit en anglais, je me suis vite rendu compte que cette entreprise ne saurait être

menée à bien pour les raisons suivantes : complexification de traitement des données liée

à un travail supplémentaire de traduction; problème de subjectivité accrue en raison de

l’exercice de traduction/interprétation; limite du temps accordé dans le cadre d’un projet

doctoral; problème de représentation en fonction de la langue dans laquelle a lieu

l’enquête/l’entrevue. De plus, je me devais également de situer, d’historiciser (au sens de

Gadamer) ma recherche dans le contexte de l’Alberta et de Calgary, contexte où les acteurs

de la francophonie albertaine minoritaire valorisent leur « développement identitaire » au

moyen de stratégies.

Dans ce contexte, il m’a paru important de questionner la légitimité de la notion de

« frontières » à l’endroit de la francophonie calgarienne; qui est francophone et qui ne l’est

pas et sur quels critères? En effet, toujours dans la logique du développement identitaire,

la définition de qui choisit de se nommer « francophone » devrait être fluide, mouvante et

sujette à changements, en fonction des expériences rencontrées par les acteurs sociaux au

cours de leur existence. Tout comme les compétences linguistiques évoluent au cours d’une

vie, les pratiques culturelles sont empreintes de nos expériences sociales multiples. Par

conséquent, certains des critères retenus quant à l’expression d’une identité francophone

méritent que l’on s’y arrête. Alors que les deux premières variables (« langue maternelle »

Page 114: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

98

et « première langue officielle parlée ») semblent plutôt stables en apparence, les trois

derniers (« langue utilisée le plus souvent ou régulièrement à la maison » ; « langue utilisée

au travail » et « langue dont la compétence langagière se maintient au moins à un niveau

B2/8 ») semblent plus volatiles. En effet, qu’il s’agisse de la langue utilisée à la maison, au

travail, ou du maintien d’une compétence langagière à un niveau B2/8, ces éléments

peuvent évoluer au cours d’une vie en fonction des circonstances; de plus, même si le

français constitue la langue maternelle pour certains cela ne signifie pas nécessairement

qu’ils soient toujours capables de l’utiliser c’est pour cela qu’il semblerait logique

d’appréhender les locuteurs Francophones sous forme de continuums ainsi que de garder

en tête les problématiques soulevées par Guignard-Noël, Forgues & Landry (2014) en ce

qui concerne le choix des variables en général.

4.2.3 Rôle des entrevues semi-structurées : construction du savoir.

Même si l’entrevue qualitative s’est avérée indispensable dans le cadre de mon

projet, il faut cependant garder à l’esprit que l’implication et la signification présentes de

manière sous-jacente change avec le temps et en fonction de l’importance de certaines

approches philosophiques menant à des traditions scientifiques diverses en fonction des

époques (Edwards & Holland, 2013).

La posture philosophique du chercheur sous-tendant le cadre théorique et

l’approche méthodologique adoptés sont autant de paramètres déterminants quant au choix

du type d’entrevue (Edwards & Holland, 2013). Ainsi, le type d’entrevue que je propose

d’effectuer dans le cadre de mon projet de recherche s’apparente à ce que l’on nomme

Page 115: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

99

communément l’entrevue individuelle semi-structurée. Ce type d’entrevue se présente sous

la forme suivante : un échange préétabli entre moi (la chercheuse) et le participant ; un

ensemble de thématiques mettant en relation les questions d’appartenance, de

catégorisation, d’identité, de construction identitaire et les pratiques langagières et

culturelles dont la structure se veut aussi fluide et flexible que possible et dont l’approche

s’appuie sur un savoir situé et contextualisé. Le sens, la signification et la compréhension

sont créés en interaction, ce qui suppose une négociation voire une co-production

impliquant la construction ou la reconstruction du savoir (Mason, 2002 cité dans Edwards

& Holland, 2013). De plus, les négociations linguistiques et culturelles ayant lieu entre le

chercheur et les participants lors de l’entrevue permettent d’approfondir le sens et la

signification des réponses apportées. Le rôle des répondants s’avère particulièrement

crucial dans la mesure où :

They are involved in the study as individuals, who are expected to

contribute their experiences and views from their particular life

situations. There is scope for what they see as essential, for approaching

questions differently and for providing different kinds of answers with

different levels of detail. The research situation is designed more as a

dialogue, in which probing, new aspects and their own estimations find

their place (Flick, 2011, p. 12)

En outre, le choix des entrevues semi-structurées permet de donner de l’espace, de

l’ampleur à la voix des participants qui, en ayant recours aux modalités de l’interaction

orale, (re)négocient et (re)construisent leurs compréhensions du monde, leurs sens, leurs

Page 116: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

100

significations à partir de catégories préétablies. Dans un premier temps, le recours à des

termes clés a permis de contenir, de délimiter le champ dans lequel évolue le discours sur

l’identité francophone en Alberta et a permis, dans un deuxième temps, de (re)définir ce

qui faisait d’eux des locuteurs de français et ce qu’était leur identité de locuteur de français

ici à Calgary. De plus, l’avantage préconisé par une approche narrative définie par son

caractère qualitatif et interprétatif est la validation d’une histoire passée, d’une expérience

vécue (Norton dans Nunan & Choi, 2010). Cette approche, véritable témoignage social,

peut donc se prévaloir d’apporter un éclairage quant au développement identitaire d’un

individu mais aussi d’une collectivité. D’ailleurs, Brès, cité dans Calvet & Dumont (1999),

nous rappelle que l’interaction produite lors de l’entrevue entre le participant et le

chercheur demeure un moyen privilégié d’accéder à la voix des participants tout en gardant

présent à l’esprit le fait que cette interaction a lieu dans un cadre particulier.

La troisième phase de collecte de données a donc consisté en des entrevues semi-

guidées, effectuées en face-à-face avec la chercheuse durant lesquelles « [l]e sujet [a été]

invité à répondre librement, à livrer ses commentaires, à donner des détails, à nuancer sa

pensée, à formuler des jugements à sa guise » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999,

p. 17). Les participants ont tous eu l’opportunité de parcourir les questions avant

l’entrevue. Cette dernière étant semi-structurée, elle avait donc une trame générale

permettant de ne pas perdre de vue les questions de recherche mais l’un des buts principaux

était aussi de laisser assez d’espace aux participants afin d’entendre leurs voix et de

permettre l’émergence de nouvelles idées ou thématiques (Creswell, 2013). Le temps

relatif à chaque entrevue s’est échelonné de 45 minutes à 2 heures environ selon les

Page 117: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

101

participants et leur propension à développer leurs points. En cela, ces entrevues constituent

des « big stories » au sens de Freeman (2007) dans la mesure où elles se révèlent

particulièrement valables en tant que données car elles permettent au participant qui

raconte son récit de prendre de la distance et de l’inviter ainsi à réfléchir sur la signification

de ses expériences de vie.

Afin de constituer la trame de l’entrevue, je me suis servie des réponses apportées

dans le questionnaire pour personnaliser les questions de l’entretien semi-guidé. Ainsi, la

procédure de génération des questions repose-t-elle sur les réponses aux questionnaires. De

plus, j’ai aussi fait en sorte, lorsque cela était possible, de rebondir sur les réponses

apportées durant les entrevues tout en gardant en tête le fil conducteur de mes questions

initiales. Au départ, lors de l’élaboration des questionnaires, j’avais pour objectif

d’identifier différents types de locuteurs de français pour parvenir à proposer un échantillon

de participants aussi diversifié que possible. Finalement, mon but a été, à la fois, d’être

capable de comparer les différentes réponses apportées par les participants mais également

de faire émerger et de laisser entendre la voix de chacun des participants à travers ces

entretiens.

D’un point de vue transculturel et afin de faire sens des témoignages de mes

participants, il m’a semblé judicieux de chercher à retrouver dans leurs récits des

similitudes non seulement dans leurs expériences de vie mais aussi dans les thématiques

abordées. Ce faisant, je me suis ensuite attachée à relever, dans un contexte équivalent, les

paramètres qui avait contribué à rendre l’expérience de certains différente. En procédant

de cette manière, mon but a été de renforcer ma compréhension des différents thèmes

Page 118: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

102

introduits et de proposer une analyse aussi solide que possible (Freeman, 2007). Au final,

le but ultime des entretiens est de permettre d’approfondir la signification des discours des

participants ; ce faisant ces entrevues contribuent à la co-construction du savoir entre les

différents discours en présence.

4.3 Rôle et choix des participants

S’intéresser aux locuteurs Francophones vivant à Calgary revient à englober un

grand nombre de « locuteurs de français » au sein du groupe généralement « admis » de

« francophones ». Dans mon enquête, j’ai fait le choix de recourir à des personnes

« capables de soutenir une conversation en français » afin d’interroger leur degré

d’inclusion dans la francophonie canadienne, albertaine et calgarienne.

De plus, il me semblait pertinent compte tenu du contexte mondialisé dans lequel

nous nous trouvons à présent d’aller au-delà des discours dans lesquels ces deux

populations (« locuteurs de français parfois aussi appelés « francophiles » et

« francophones issus de l’immigration ») sont parfois mises de côté même quand elles

veulent participer à la vie calgarienne en français. Dans cette perspective, j’ai décidé

d’inclure ces deux communautés de « parlants français » dans ma discussion sur la

francophonie calgarienne – celle issue de l’immigration (langue maternelle et PLOP) et

celle issue de l’immersion (de niveau B2/8 utilisant le français au moins régulièrement).

Leur inclusion avec la population de souche francophone albertaine m’apparaît comme

particulièrement pertinente surtout dans une ville plurielle comme Calgary généralement

perçue comme monolingue anglophone.

Page 119: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

103

La raison pour laquelle j’ai désiré inclure des personnes issues des écoles

d’immersion dans mon échantillon de participants relève du fait que pour mesurer la vitalité

d’une communauté linguistique on doit observer les institutions scolaires accessibles à ces

communautés. Ainsi, même si ces institutions ne peuvent pas être tenues pour entièrement

responsables, elles contribuent, cependant, à la vitalité linguistique et culturelle de ces

communautés dont elles sont parties intégrantes. Suivant cette même logique, j’ai trouvé

pertinent de questionner des personnes issues du système d’immersion française vivant à

Calgary pour voir si une relation existait entre la compétence langagière et le sentiment

d’appartenance à une communauté se définissant en partie par la langue française. En

d’autres termes, est-il suffisant d’atteindre une compétence intermédiaire-pré-avancée dans

une langue pour se sentir partie intégrante d’une communauté culturelle qui la parle?

J’ai veillé à ce que le nombre de répondants à l’entrevue représente à peu près un

tiers de l’effectif initial des questionnaires envoyés. De cette manière, « l’échantillon

comprend un nombre de sujets nécessaire et suffisant aux besoins de la recherche, sa taille

est fonction du nombre de questions de recherche, des variables à examiner, du volume de

la population ciblée, du caractère macroscopique ou microscopique de l’approche adoptée

[…] » (Boukous dans Calvet & Dumont, 1999, p. 16).

4.4 Limites de la recherche

Comme je l’ai mentionné préalablement, le fait d’avoir choisi une approche

méthodologique qualitative afin d’explorer l’évolution de la référence nominative des

Francophones vivant à Calgary en relation à leurs parcours identitaires présente plusieurs

Page 120: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

104

avantages mais aussi quelques inconvénients. Ainsi, comme l’avance Creswell (2015), une

telle approche présente les avantages suivants :

[It] provides detailed perspectives of a few people; [it] captures the voices

of participants; [it] allows participants’ experiences to be understood in

context; [it] is based on the views of participants, not of the researcher; [it]

appeals to people’s enjoyment of stories

Cependant l’approche qualitative a aussi les défauts de ses qualités puisque les

recherches effectuées selon cette perspective :

ha[ve] limited generalizability; provid[e] only soft data (not hard data, such

as numbers) ; stud[y] few people ; [are] highly subjective ; minimiz[e] use

of researcher’s expertise due to reliance on participants (Ibid., 2015)

Ainsi, les données propres à notre recherche nous permettent de parvenir à des

conclusions à partir des réponses des participants à l’enquête ; toutefois, ces conclusions

ne pourront faire l’objet d’une généralisation à l'ensemble des communautés francophones

en situation minoritaire même si certains des aspects méthodologiques développés dans ce

chapitre pourraient sans aucun doute être répliqués dans une étude similaire.

Plusieurs autres paramètres viennent aussi contrecarrer le projet de recherche et

constituent ainsi des formes de contraintes que le chercheur se doit d’anticiper. Parmi ces

différents facteurs, l’on pourra s’arrêter un instant sur trois points particulièrement

pertinents en relation à mon projet de recherche : d’abord, la détermination et la

délimitation du « terrain » de recherche, puis la manière d’aborder les questions relatives à

la culture et à l’identité et enfin la subjectivité dont le chercheur doit avoir conscience

Page 121: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

105

durant les diverses étapes de sa recherche, que ce soit lors de sa récolte de données, durant

l’exercice de transcription, ou encore pendant l’analyse et l’interprétation des résultats.

4.4.1 Détermination et délimitation du terrain de recherche.

Selon Blanchet (2012) le terrain de recherche est constitué à la fois par l’objet de

l’étude ainsi que par les moyens de parvenir aux résultats. L’envergure du terrain peut vite

se révéler particulièrement intimidante pour le jeune chercheur qui ne s’en représente pas

d’emblée les contours. L’attitude préconisée par Duranti (1997) est d’appréhender ce

terrain de recherche comme une expérience continue dans laquelle le chercheur peut

continuer à puiser des informations pertinentes. Compte tenu de la richesse de mon corpus,

j’ai personnellement trouvé réconfortant d’adopter cette attitude face à l’ampleur du projet

auquel il fallait que je m’attèle.

4.4.2 Nature de l’interrogation sur les questions relatives à l’identité et à la

culture.

Choisir d’interroger des participants à propos de leur identité est un exercice

difficile exigeant une prise de distance vis-à-vis de soi et d’autrui et auquel certains

participants ont choisi de ne pas participer. Ainsi selon Anthias (2002, p. 492),

« researchers in the field often know that they cannot find useful or interesting answers by

asking direct questions about identity » (Mon soulignement). Les chercheurs dans ce

domaine savent souvent qu'ils ne peuvent pas trouver de réponses utiles ou intéressantes

en posant des questions directes sur l'identité. Il faudra donc au chercheur faire preuve

d’ingéniosité quant à la formulation de ses questions et également veiller à ce que le temps

Page 122: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

106

imparti puisse permettre aux répondants de développer leurs points aussi souvent que

nécessaire car c’est souvent dans ces réponses longues que se situent les réponses les plus

pertinentes.

4.4.3 Interprétation et transcription : subjectivité du chercheur?

« Comment observer, recueillir des données sans modifier le comportement des

locuteurs? De l’enregistrement à la transcription, du questionnaire à l’entretien, la

constitution du corpus est ainsi le premier problème méthodologique auquel est confronté

l’enquêteur » (Calvet dans Calvet & Dumont, 1999, p. 14). En ce sens, il est important pour

le chercheur de rester conscient à toutes les étapes de son étude des limites que constituent

non seulement les données elles-mêmes mais aussi le rôle joué par la subjectivité imputable

au chercheur. Ainsi, Treece & Treece (1986) nous rappelle qu’il faut rester vigilant en tant

que chercheur surtout lorsque l’on débute dans la pratique de l’entrevue. À la lumière de

ce conseil, il a fallu veiller à ce que les conditions non seulement lors de la rédaction des

questions mais aussi lors de l’exercice de passation des entrevues ainsi que lors de l’étape

de transcription s’effectuent dans des conditions aussi semblables que possibles afin de

limiter les biais, les parti-pris et la subjectivité. Dans cet état d’esprit, l’exercice de

transcription s’avère en fait n’être qu’une représentation imparfaite d’un discours oral. Sur

ce point, Green, Franquiz & Dixon (1997, p. 172) nous éclairent:

Transcribing [should be seen] as an interpretive process and as a

representational process. Central to these conceptualizations is the

understanding that a transcript is a text that “re”-presents an event; it is

Page 123: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

107

not the event itself. Following this logic what is re-presented is data

constructed by a researcher for purpose, not just talk written down.

L’acte de transcription reste ainsi un acte triplement situé, en ce sens qu’il est partie

intégrante d’un projet de recherche particulier s’inscrivant lui-même dans un cadre

théorique et une démarche méthodologique unique (Green et al., 1996; van Dijk, 1985).

De plus, le rôle incarné par le chercheur qui adopte une démarche qualitative est toujours

celui d’un « acteur critique » dans la mesure où il s’agit à la fois d’un acteur social porteur

de certaines expériences, d’idées préconçues et de stéréotypes, mais aussi d’un chercheur

dont la mission demeure de relever des faits, de les analyser, de les interpréter en vue d’un

changement éventuel (sociolinguistique critique). Comme le souligne Wolcott (1994, p.

36), il faut toutefois garder à l’esprit, que le chercheur, dès lors qu’il entreprend une étude

interprétative d’un groupe ethnoculturel, ajoute une dimension supplémentaire aux

données préalablement récoltées en cherchant à en comprendre la signification. Ainsi faut-

il que le chercheur adopte une attitude de réflexion afin de prendre conscience des biais

susceptibles d’exister à différentes étapes de l’entretien. Je tiens également à préciser que

puisque mon étude de cas met en relation les langues, les cultures et les identités dans les

discours relevés, je n’ai pas jugé pertinent de me pencher sur les variations linguistiques

de mes participants (que ces variations soient d’ordre lexical, structural ou phonétique, ou

encore qu’elles concernent les registres de langue utilisés).

Page 124: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

108

4.4.4 Données de recensement et polysémie.

Deux limites supplémentaires méritent également d’être relevées; il s’agit d’abord

de la question de l’utilisation des statistiques de recensement de Statistique Canada 2011

et 2016. Compte tenu de l’échéance de mon projet doctoral et du caractère incomplet des

données du recensement 2016 au moment de la rédaction de la thèse, j’ai dû me résoudre

à utiliser les données issues des statistiques de 2011 car elles constituaient un ensemble de

données clos à ce moment-là. Il faudra bien entendu vérifier si les tendances notées dans

les statistiques de 2011 perdurent en 2016 et ajuster ces données ainsi que les conclusions

tirées de ces dernières le cas échéant lors du processus de publication de ce doctorat. Il

s’agit ensuite du terme « franco-canadien » utilisé à plusieurs reprises par les participants

à l’étude et que je n’ai pas incorporé à ma recherche de données initiales dans les journaux.

Cette dénomination devrait faire l’objet d’une analyse de contenu à part entière dans des

recherches futures. Considérant le caractère polysémique de l’adjectif « franco » qui peut

selon les contextes référer à « qui vient de France » ou « francophone » il se pourrait que

ce facteur complexifie la procédure de cueillette et d’analyse des données. Je suggère donc

dans cette perspective d’avoir recours à une méthodologie mixte (qualitative et

quantitative) incluant de la linguistique de corpus (analyse de discours comprenant

l’utilisation de logiciels d’analyse tels que NVivo).

4.5 Résumé du chapitre 4

Questionner l’identité ethnolinguistique et culturelle de mes participants découle

au départ du fait que je partage un certain nombre de traits avec eux : parler français et

Page 125: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

109

vivre à Calgary. Le fait de retrouver certains de mes attributs personnels chez les

participants m’a naturellement amenée à me questionner sur l’objectivité de ma recherche.

Plutôt que d’occulter la dimension subjective de mon projet doctoral, j’ai préféré la

considérer dès le début et me suis ainsi rapidement questionnée sur la nature du rapport

que j’entretenais avec ma recherche. La posture que j’ai adoptée n’a donc pas été

nécessairement de chercher et de fournir une vérité absolue, chère au courant positiviste,

mais plutôt, en tant que partie prenante de l’objet à l’étude, de participer activement à la

construction de la réalité observée (Gobo, 2008).

En tant que chercheuse utilisant une approche interprétative et qualitative mêlant

étude de cas et analyse critique des discours, je me suis rendu compte qu’il fallait que je

veille à ce que ma méthodologie soit aussi rigoureuse que possible. Comme nous le rappelle

Gohier (2004) : « dans le cas d’une conception néo-positiviste de la science, on parlera de

validité scientifique alors que dans le paradigme interprétatif, on fera référence à la rigueur

méthodologique » (p. 3). Ainsi, ai-je tenté tout au long de ce cheminement de m’attacher

particulièrement aux points suivants : le type d’approche utilisée en fonction des questions

de recherche posées; la pertinence des questions posées dans le questionnaire en fonction

de nombreux paramètres parmi lesquels l’adéquation entre le questionnaire et les questions

de recherche initiales, et les différences culturelles des participants; le travail d’éthique en

amont de la collecte de données lors duquel il a fallu essayer autant que faire se peut

d’anticiper le type de réponses suscitées par les questions posées en relation aux questions

de recherche; la tension existant quant au nombre de participants; au type de données

récoltées; à l’organisation des différents corpus comme étape préalable à l’analyse; à la

Page 126: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

110

qualité de l’analyse (du général au particulier et du plus descriptif/explicite au plus

implicite). Suivant ce que Creswell (2014) préconise, j’ai voulu, en engageant ma

recherche sur la voie qualitative, mettre l’accent sur l’aspect inductif d’une telle approche,

et me concentrer sur la signification du sens individuel mais surtout m’atteler à rendre plus

compréhensible la complexité de la situation sociolinguistique des Francophones vivant à

Calgary. Malgré ces quelques limites indéniables, il s’avère que la nature de ma recherche

peut être toutefois répliquée si l’on s’en tient par exemple à l’approche méthodologique ou

utilisée, c’est ce qui la rend transférable à d’autres contextes canadiens de francophonie

minoritaire urbaine. Dans le chapitre cinq, je présenterai les résultats issus de ma récolte

de données en suivant l’approche méthodologique développée et expliquée dans le chapitre

quatre.

Page 127: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

111

Chapitre 5 : Résultats

Ce chapitre comprend une présentation des résultats de l’ensemble de mon corpus

composé à la fois des articles de journaux sélectionnés, des questionnaires et des entrevues.

Plutôt que de m’attacher à laisser s’exprimer les voix du passé en opposition à celles du

présent dans une relation dichotomique plus que dépassée, mon objectif a été de faire

entendre les différentes voix d’hier et d’aujourd’hui afin de comprendre les interactions et

les négociations existant au sein de ces discours; l’idée sous-jacente étant de parvenir à

exprimer ce qu’est la francophonie albertaine et surtout calgarienne dans sa continuité et

ce qu’elle est dans sa contemporanéité. Ce faisant, j’ai ainsi cherché à m’inscrire dans la

logique de la francophonie albertaine telle que perçue par certains de ces acteurs sociaux.

Ces deux éléments s’avèrent nécessaires quant à l’appréhension d’une cohésion future de

la francophonie calgarienne. De plus, les journaux sont en cela intéressants qu’ils

représentent de manière presqu’entrelacée les discours officiels (des institutions et de leurs

représentants) et non-officiels (des acteurs sociaux) d’une certaine époque. Ils constituent,

au même titre que les données récoltées auprès des participants à ma recherche, de riches

témoignages indispensables à la compréhension de la problématique de la francophonie

albertaine en situation minoritaire.

Avoir choisi d’utiliser un corpus mixte dont les éléments proviennent de contextes

sociaux variés m’a incité à explorer mes questions de recherche sous un angle plus large

que celui qui aurait été permis par les seules réponses à un questionnaire et à une entrevue.

En effet, grâce à ce corpus mixte couplée à une approche diachronique, je me suis attachée

à retracer l’évolution des dénominations utilisées en référence aux locuteurs de français et

Page 128: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

112

ayant prévalence en Alberta entre la fin des années 20 et aujourd’hui. Cette démarche

particulière m’a permis de moduler et de nuancer ce que je pensais qui ressortirait de mon

étude, à savoir que la référence nominative en Alberta avait suivi une évolution linéaire et

non interrompue. En outre, les questions de perception et de représentation se trouvant au

cœur de ma problématique, je trouvais pertinent d’inclure une diversité de sources

susceptibles de dresser un panorama plus large des interrogations qui étaient les miennes.

Bien que l’approche méthodologique à l’œuvre dans cette recherche s’ancre dans

la tradition qualitative, j’ai eu tout de même recours à une démarche que l’on pourrait

qualifier de quantitative à deux reprises : lors de l’étape de sélection des articles de

journaux destinés à mon corpus et lors de la présentation de certains des résultats,

notamment ceux des données démographiques de mon échantillon de participants. Compte

tenu du fait que mes questions de recherche articulent les notions de stratégies et de

constructions identitaires, il m’a semblé indispensable de compiler ces résultats de cette

manière afin de mieux appréhender l’influence de certains facteurs sur les réponses

proposées.

5.1 Ce que révèlent les journaux

Des informations pertinentes pour mon étude ont été relevées dans les journaux et

ce dès l’entrée dans la phase de recherche initiale. Ainsi, concernant le journal La

Survivance, j’ai relevé quelques points saillants relatifs au contexte de création du journal

issus d’un article (« Le Congrès de l’ACFA ») de ce même journal, en date du 25 juillet

Page 129: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

113

1929 (p. 3), soit presque 10 mois après la sortie du premier numéro, et écrit par Rodolphe

Laplante, c’est-à-dire le rédacteur-en-chef du journal à l’époque :

En octobre dernier [1928], la crise du journal français éclata. L’association

était mise sur le pavé. L’Exécutif riposta en manifestant son intention de

fonder un journal indépendant, comme nos frères en possèdent en

Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick. Nous

n’avons pas provoqué cette crise. Laissez-moi dire ici que la présence à la

tête de notre association du docteur J.-E. Petitclerc fut l’une des causes de

notre succès. Qu’aurions nous fait si nous avions eu un esprit timoré,

peureux, incapable de prendre décision sur une question aussi vitale?

Cet extrait nous informe en effet que le journal La Survivance a été créé grâce à la bonne

volonté du docteur Petitclerc et dans la perspective de pallier un manque : l’absence de

journal en français à l’Ouest de la Saskatchewan, l’Alberta ne voulant plus être en reste.

En s’identifiant comme partie de l’endogroupe des francophones de l’ouest incarnés par

« nos frères », le journaliste vise à inscrire l’Alberta francophone dans la mouvance

d’autres journaux de langue française de l’époque tels que Le Patriote de l’Ouest (Duck

Lake, Saskatchewan) ou encore La Liberté (Winnipeg). De plus, Laplante poursuit en

précisant les objectifs principaux de ce journal :

Chaque semaine votre journal ira porter dans vos familles la directive des

chefs, le fruit de l’expérience des associations-sœurs, l’indication du

danger. Il apportera en autant que faire se peut, les correctifs pour réagir

contre l’anglicisation. Il protestera, avec calme et dignité, contre tout

Page 130: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

114

empiètement. Il rappellera la nécessité de commissaires de notre langue

partout où c’est possible […]

Le fait que le journal La Survivance se présente d’emblée comme un véritable « guide » de

la vie en français en Alberta est particulièrement mis en avant à travers l’exemple ci-dessus

dans lequel les points essentiels garants de cette vie en français sont résumés avec l’idée

que l’anglais et surtout « l’anglicisation » constitue le danger rampant contre lequel il faut

lutter grâce notamment à l’action conjuguée « des chefs », de « l’expérience des

associations-sœurs », et des « commissaires de notre langue ». Il préconise tout de même

une lutte mais ayant toujours lieu dans le « calme et [la] dignité ». Quelques mots sur la

qualité et le nombre de pages du journal viennent compléter ce portrait :

Je n’ai pas à vous dire ce qu’il vaut, mais je sais qu’il est indépendant, qu’il

ne sert personne en particulier et qu’il n’a en vue, en pensée et pour tout

programme que de travailler pour l’Église, la race, la sauvegarde de nos

traditions, pour le prolongement intégral du passé […] Le journal n’est

à huit pages que depuis février. Que sera-ce quand nous aurons dix pages

voire même douze pages?

Il est intéressant de noter le caractère « indépendant » du journal car en tant que publication

hebdomadaire officielle de l'Association canadienne-française de l'Alberta (ACFA)

œuvrant en particulier pour « l’Église, la race, la sauvegarde de nos traditions, [et] pour

le prolongement intégral du passé » (discours de la survivance), on pourrait avoir

quelques doutes quant à son objectivité et à son côté non partisan. Cependant, il offre aussi

sans conteste un témoignage indiscutable et incontestable de la communauté francophone

Page 131: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

115

albertaine de l’époque. Ainsi, le journal communautaire La Survivance se présente-t-il

comme un double acteur de la construction identitaire de la communauté francophone

albertaine dans la mesure où, entre le 16 novembre 1928 (date de première parution du

journal) et le 8 novembre 1967 (date de changement de nom du journal), cet hebdomadaire

a, d’une part, incarné le rôle de « porte-parole » de la communauté canadienne-française

et, d’autre part, celui de « gardien de la mémoire » en Alberta. En cela, ce journal a permis,

à travers le discours instauré, une construction identitaire collective reposant à la fois sur

la mémoire et sur la voix commune de ceux identifiés comme « Canadiens-français » et ce

pendant près de quarante ans.

Succédant à La Survivance dès novembre 1967, l’hebdomadaire Le Franco-

albertain, va porter ce titre pendant une dizaine d'années (de novembre 1967 à décembre

1978), pour devenir Le Franco en janvier 1979. Il continue de garder ce nom jusqu'à ce

jour [2017]. Si l’on regarde d’un peu plus près l’évolution du nom de ce journal, l’on

remarque que, sans surprise, il suit les différences de perception et de représentation

exprimées dans la ligne éditoriale du journal en relation à la transformation de son lectorat.

Les trois tableaux qui suivent offrent une vue d’ensemble des premiers résultats

obtenus après la recherche de données dans les journaux albertains de langue française (La

Survivance et Le Franco[-albertain]). Ils visent déjà à montrer que les termes retenus

peuvent apparaître sous différentes formes (en particulier lorsqu’ils comportent des signes

diacritiques suscrits ou souscrits mais aussi lorsqu’ils apparaissent successivement au

singulier, au pluriel, au masculin et au féminin).

Page 132: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

116

Mots-clés & variantes La Survivance

1928-1967

Le Franco-(albertain)

1967-2000

« canadiens francais »/« canadiens

français »

« canadiennes francaises »/« canadiennes

françaises »

« canadien francais »/« canadien français »

« canadienne francaise »/« canadienne

française »

7947+7866=15813

936+928=1864

2950+2910=5860

3591+3534=7125

1676+1655=3331

461+440=901

591+581=1172

2717+2649=5366

Total: 30662 soit

74%

Total: 10770 soit

26%

« franco albertains »/« franco albertain »

« franco albertaines »/« franco albertaine »

653+192=845

69+218=287

2059+1252=3 311

223+2853=3076

Total: 1132 soit 15% Total: 6387 soit 85%

« francophones »/« francophone » 211+116 13568+10025

Total: 327 soit 1% Total: 23593 soit 99%

Tableau 1 : Nombre d’occurrences des 3 références dans les journaux entre 1928 et

2000

Ce premier tableau s’attache ainsi à nous présenter l’évolution de l’utilisation des

références nominatives suivantes : « canadien français », « franco albertain », et

« francophone » ainsi que leurs variantes orthographiques respectives, telles qu’elles

apparaissent dans le tableau, en fonction du journal et de son époque de diffusion. Voici,

pour plus de clarté, une représentation graphique de ces résultats dans La Survivance et Le

Franco[-albertain] entre 1928 et 2000 :

Page 133: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

117

Diagramme circulaire 1 : Pourcentage d’occurrences de « canadien français » dans

les journaux

Ce premier graphique nous permet de remarquer, comme anticipé, que les

occurrences « canadien français » (1) se retrouvent majoritairement dans La Survivance (à

hauteur de 74% contre 26% dans Le Franco[-albertain]). Cela corrobore l’hypothèse de

départ selon laquelle la majorité des occurrences de « canadien français » devraient plutôt

se retrouver dans La Survivance (idéologie de la survivance).

74%

26%

La Survivance

Le Franco[-albertain]

Page 134: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

118

Diagramme circulaire 2 : Pourcentage d’occurrences de « français albertain » dans

les journaux

Le deuxième graphique nous permet de repérer que la répartition des occurrences

« franco albertain » (2) se fait cette fois-ci au profit du Franco[-albertain] puisque ce

dernier accumule 85% des occurrences là où La Survivance n’en affiche que 15%. Comme

dans le premier graphique, ce résultat n’est guère surprenant, vu que l’époque de parution

du premier numéro du Franco[-albertain] correspond à la fin des années 60, c’est-à-dire

une période marquée par la fin du paradigme du Canada-français au profit de celui basé sur

la territorialité (Cardinal, 1994 ; Thériault, Gilbert & Cardinal, 2008 ; Martel, 1997).

15%

85%

La Survivance

Le Franco[-albertain]

Page 135: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

119

Diagramme circulaire 3 : Pourcentage d’occurrences de « francophone » dans les

journaux

Enfin, le troisième graphique s’intéresse à la répartition des occurrences de

« francophone » (3). C’est Le Franco[-albertain] qui comptabilise la presque totalité des

pourcentages avec respectivement 99% des occurrences de « francophone » laissant un

maigre 1% à La Survivance. Ces résultats ne paraissent pas très surprenants car la

terminologie utilisée dans chacun des journaux correspond à l’idéologie véhiculée par le

journal en question et son appellation représente bien un certain contexte socio-historique.

Ainsi l’année charnière que constitue 1967 est à cet égard particulièrement pertinente

puisqu’elle correspond à l’apogée de la Révolution tranquille au Québec et surtout à celle

des États généraux du Canada français, comme le souligne un article du Devoir daté de

201023 :

23 « Les États généraux du Canada français en 1967 – le jour où le Canada français a disparu », Le Devoir,

20 novembre 2010, http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/311368/les-etats-generaux-du-

canada-francais-en-1967-le-jour-ou-le-canada-francais-a-disparu

1%

99%

La Survivance

Le Franco-[albertain]

Page 136: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

120

Les États généraux de 1967 n'avaient aucune commune mesure avec les

assises préliminaires tenues en 1966 ou les congrès de la langue française

organisés à Québec en 1912, 1937 et 1952. […] À l'offensive sur tous les

plans, le Québec était alors en pleine Révolution tranquille. Le nouveau

premier ministre Daniel Johnson ne réclamait rien de moins que « l'égalité

ou l'indépendance ». Le mouvement indépendantiste québécois et le

nationalisme acadien étaient en pleine ascension. Le « Vive le Québec

libre! » du général de Gaulle avait quatre mois à peine. Avec le rapport

Laurendeau-Dunton, l'avenir du français devenait une préoccupation

majeure.

Le changement de nom du journal La Survivance en Franco-albertain le 15

novembre 1967, soit presque quarante ans après la date de sa première édition (16

novembre 1928), marque bien la rupture du Canada-français avec le reste de ses

communautés hors-Québec et l’entrée des francophones albertains dans une francophonie

désormais déterminée par sa territorialité (Thériault, Gilbert & Cardinal, 2008 ; Martel,

1997). Ce changement de donne va se répercuter sur le passage de la référence nominative

« canadien français » à « franco albertain », qui va de surcroit devenir le nom du journal

albertain communautaire de langue française. Le tableau (2) qui suit répertorie les périodes

de 5 ans qui ont vu l’utilisation maximale d’une certaine occurrence en comparaison aux

deux autres exclusivement dans La Survivance.

Page 137: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

121

Mots-clés &

variantes;

Total

1926-

30

1931-

35

1936-

40

1941-

45

1946-

50

1951-

55

1956-

60

1961-

65

1966-

70

canadiens

francais

canadienne

francaise

11538

589

355

=944

1307

576

=1883

1088

374

=1462

1286

476

=1762

1054

682

=1736

938

405

=1343

564

253

=817

817

330

=1147

304

140

=444

franco

albertains

franco

albertaine

845

40

11

=51

86

16

=102

76

36

=112

55

11

=66

125

43

=168

80

21

=101

55

13

=68

81

19

=100

55

22

=77

francophones

211

0 1 0 3 1 6 4 103 93

Tableau 2 : Répartition des 3 références nominatives dans La Survivance entre 1926

et 1970 par tranche de 5 ans

En procédant de cette manière, j’ai voulu voir l’impact de l’utilisation d’une

certaine étiquette sur les deux autres. De plus, cette démarche m’a permis de me faire une

idée plus précise du moment correspondant aux changements de références, traces de

l’évolution des idéologies. Afin de rendre les données du tableau précédent plus explicites,

je les ai représentées grâce aux quatre graphiques suivants :

Page 138: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

122

Diagramme circulaire 4 : Répartition en pourcentage des 3 références dans La

Survivance

Lorsque l’on observe les chiffres relatifs à l’emploi de l’occurrence « canadien

français » de manière globale, l’on constate que ce terme représente 91% des occurrences

alors que les termes « franco albertain » et « francophone » représentent respectivement

7% et 2% des occurrences sur l’ensemble des périodes observées soit une période d’un peu

plus de 40 ans (42 ans pour être précise). Ces résultats ne sont pas étonnants compte tenu

de l’orientation idéologique du journal La Survivance dont le nom même suffit à le

positionner. L’idéologie de la survivance prône, en effet, la survie de la nation canadienne

française grâce à sa culture, sa langue, sa religion, sa mémoire du passé et ses traditions; la

formule consacrée s’exprimant à travers le slogan : « langue gardienne de la foi ».

91%

7%

2%

canadien français

franco albertain

francophone

Page 139: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

123

Diagramme circulaire 5 : Répartition en pourcentage des 2 autres références

lorsque « canadien français » est à son paroxysme (1931-35) dans La Survivance

Alors que nous nous penchons sur la répartition des étiquettes « franco albertain »

et « francophone » lorsque l’occurrence « canadien français » est à son paroxysme (1931-

35 ; Diagramme circulaire 5), l’on constate que la part octroyée par cette occurrence au

reste des références (« franco albertain » et « francophone ») ne représente que 5%

attribués en totalité à « franco albertain » ne laissant rien à la dénomination

« francophone ». Ces proportions me permettent de constater qu’entre 1931 et 1935, la

référence utilisée le plus souvent par le journal La Survivance était « canadien français » ;

correspondant ainsi aux idéologies du Canada français de l’époque marquées par la

persistance des valeurs traditionnelles et des termes qui s’y rattachent. Il faut toutefois

garder présent à l’esprit que les années 30 qualifiées de « première Révolution tranquille »

par certains chercheurs (Dumont, Hamelin & Montminy, 1978, p. 1) marquent un

changement progressif de paradigme qui verra son apogée dans les années d’après-guerre

comme en témoigne le schéma suivant (Diagramme circulaire 6).

95%

5% 0%

canadien français

franco albertain

francophone

Page 140: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

124

Diagramme circulaire 6 : Répartition en pourcentage des 2 autres références lorsque

« franco albertain » est à son paroxysme (1946-50) dans La Survivance

Les années suivant la fin de la seconde guerre mondiale se caractérisent désormais

par l’augmentation des occurrences de « franco-albertain » passant ainsi de 5% à 9% en 20

ans (1931-35 et 1946-50). Lorsque l’occurrence « franco albertain » est à son « apogée »

(9% durant la période 1946-50), la répartition des autres étiquettes est la suivante :

« canadien français » représente encore 91% des occurrences et « francophone », toujours

0%. Cette période de l’après-guerre marque donc un détachement graduel pour la référence

« canadien français » au profit, du moins temporairement, pour la dénomination « franco

albertain ». On verra, dans le schéma suivant (Diagramme circulaire 7) représentant les

résultats des occurrences pour la période du début des années 60 (1961-65), que

l’utilisation de l’étiquette « franco albertain » laissera très vite la place à la référence plus

englobante de « francophone ».

91%

9%

0%canadien français

franco albertain

francophone

Page 141: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

125

Diagramme circulaire 7 : Répartition en pourcentage des 2 autres références

lorsque « francophone » est à son paroxysme (1961-65) dans La Survivance

Le schéma ci-dessus nous informe encore de la prépondérance de la référence

« canadien français » malgré la présence de la dénomination « franco-albertain » qui

accuse une légère baisse par rapport à l’exemple précédent (de 9% à 7%). La nouveauté

qui apparaît sur ce diagramme circulaire est la présence d’occurrences pour la

dénomination « francophone » (8%) ce qui la positionne légèrement au-dessus de « franco-

albertain ».

D’emblée, l’utilisation de l’étiquette « francophone » à hauteur de 8% semble aller

de pair avec celle de « franco albertain » qui se hisse presque au même niveau en affichant

7% des occurrences. Pendant ce temps, la référence « canadien français » continue à être

encore la norme dans le discours de ce journal puisque le pourcentage de ses occurrences

s’élève à un solide 85% entre 1961 et 1965, soit au début de la Révolution tranquille

québécoise. Nous allons à présent nous tourner vers Le Franco[-albertain] afin de voir si

85%

7%8%

canadien français

franco albertain

francophone

Page 142: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

126

la transition à ce journal a affecté l’utilisation de la référence laissant transparaître un

changement d’idéologie.

Mots-clés &

variantes

Total

1966-70 1971-75 1976-80 1981-85 1986-90 1991-95 1996-00

canadiens

francais

canadienne

francaise

4393

226

127

=353

306

260

=566

405

547

=952

249

501

=750

244

439

=683

141

411

=552

105

432

=537

franco

albertains

franco

albertaine

3311

46

17

=63

166

87

=253

339

119

=458

424

106

=530

569

242

=811

339

367

=706

176

314

=490

Francophones

13568

315 1082 1808 1895 3426 3547 1495

Tableau 3 : Répartition des occurrences par tranche de 5 ans dans Le Franco-

albertain

Diagramme circulaire 8 : Répartition des références « canadien français » ; « franco

albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain

Lorsque l’on observe les chiffres relatifs à l’emploi de l’occurrence

« francophone » de manière globale, l’on constate que ce terme représente 64% des

occurrences alors que les termes « canadien français » et « franco albertain » représentent

21%

15%64%

canadien français

franco albertain

francophone

Page 143: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

127

respectivement 21% et 15% des occurrences sur l’ensemble des périodes observées soit

une période d’un peu moins de 35 ans (entre le 15 novembre 1967 et 2000).

Diagramme circulaire 9 : Répartition des références lorsque « francophone » est à

son paroxysme (1991-95) dans Le Franco-[albertain]

Si l’on regarde de plus près la répartition des termes « canadien français » et

« franco albertain » lorsque l’occurrence « francophone » est à son paroxysme (74% en

1991-95) l’on constate que la part restante pour les deux autres occurrences, « canadien

français » et « franco albertain », ne représente que 15% pour « franco albertain » et 11%

pour « canadien français ».

11%

15%

74%canadien français

franco albertain

francophone

Page 144: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

128

Diagramme circulaire 10 : Répartition des références lorsque « franco albertain »

est à son paroxysme (1986-90) dans Le Franco-[albertain]

Lorsque la référence « franco-albertain » atteint son plus haut point, c’est juste pour

constituer 16% des occurrences enregistrées. Si on la compare aux deux autres références,

le terme « francophone » apparaît dans 70% des utilisations alors que « canadien français »

constitue tout de même 14% des occurrences.

14%

16%

70%

canadien français

franco albertain

francophone

Page 145: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

129

Diagramme circulaire 11 : Répartition des références lorsque « canadien français »

est à son paroxysme (1976-80) dans Le Franco-[albertain]

Même si cette période est marquée par le plus grand nombre d’occurrences en ce

qui concerne le terme « canadien français », c’est encore une fois l’étiquette

« francophone » qui représente la plus grande part, soit 56% des occurrences relevées.

En essayant un tant soit peu de compiler l’ensemble des données révélées dans les

tableaux et les graphiques précédents, deux faits saillants méritent d’être mentionnés ;

d’abord, le fait que l’occurrence « canadien français » constitue la référence de choix du

journal La Survivance qui prône à travers cette utilisation un rassemblement autour de la

nation canadienne française, avérée ou imaginaire. Avec pour principe la foi gardienne,

voire garante, de la langue française ainsi que les valeurs traditionnelles qu’elle véhicule

et qui sont aussi incarnées par la ruralité albertaine. De plus, l’utilisation de ce terme

s’inscrit dans une époque particulière : celle de l’avant Révolution tranquille. Le deuxième

point qu’il est intéressant de noter est le virage opéré par le journal lors du changement de

30%

14%

56%canadien français

franco albertain

francophone

Page 146: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

130

nom en particulier. Ce qui est très saillant à travers nos résultats de données c’est le fait

que le passage du terme « canadien français » à « francophone » va s’opérer de manière

beaucoup plus rapide que ce que j’avais envisagé compte tenu du soi-disant tournant

territorial pris par les minorités francophones hors Québec. En effet, je pensais que

l’utilisation de « franco albertain » aurait davantage marqué les années suivant la fin de la

Révolution tranquille. J’avais imaginé que cette dernière référence se serait davantage

trouvée en situation de concurrence avec le terme « francophone ». Or, ce n’est pas ce que

révèlent mes données puisqu’une dizaine d’années après le changement de nom du journal

le nombre d’occurrences de « francophone » a été multiplié par plus de 5 passant ainsi de

315 à 1808 occurrences.

Diagramme en colonnes 1 : Répartition des termes « canadien français », « franco

albertain » et « francophone » dans La Survivance entre 1931 et 1966

33

45

34

98

21

60

15

91

21

4

23

4

16

9

17

7

1 4 10 1

96

1 9 3 1 -4 0 1 9 4 1 -5 0 1 9 5 1 -6 0 1 9 6 1 -7 0

canadien français franco albertain francophone

Page 147: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

131

Diagramme en colonnes 2 : Répartition des termes « canadien français », « franco

albertain » et « francophone » dans Le Franco-albertain entre 1967 et 1995

En observant de plus près ces derniers graphiques, l’hypothèse de départ selon

laquelle la référence « canadien-français » serait plus présente dans le journal La

Survivance est démontrée ainsi que la progression rapide de celle de francophone dès la

période charnière que constitue la fin des années 60, en particulier l’année 1967. Ce que je

n’avais pas appréhendé en revanche est la quasi-équivalence du nombre d’occurrences

entre « canadien-français et « franco-albertain » sans progression notoire de cette dernière.

Cela révèle que le journal continue de propager l’idéologie de nation canadienne-française.

5.2 Ce que révèlent les questionnaires et les entrevues

Sur une centaine de questionnaires envoyés, j’ai reçu en tout 53 réponses qui se

répartissent de la façon suivante : 44 réponses positives (formulaires de consentement et

questionnaires remplis) et 9 réponses partielles qui n’ont jamais abouti malgré de multiples

91

9

17

02

12

35

31

6 98

8 15

17

13

97

37

03

69

73

1 9 6 6 -7 5 1 9 7 6 -8 5 1 9 8 6 -9 5

canadien français franco albertain francophone

Page 148: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

132

relances. Sur ces 44 réponses, 27 personnes ont été interviewées (entre 45 min et 2h00

environ).

Diagramme circulaire 12 : Répartition questionnaires / entrevues

5.3 Données démographiques.

5.3.1 Répartition homme-femme.

Diagramme circulaire 13 : Ratio hommes / femmes dans les questionnaires

62%

38%

Questionnaires

Entrevues

36%

64% Hommes

Femmes

Page 149: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

133

Diagramme circulaire 14 : Ratio hommes / femmes dans les entrevues

Mon objectif, lors de cette enquête, a été de parvenir à une représentation homme-

femme relativement « équilibrée ». Comme le démontrent les deux graphiques ci-dessus,

le ratio hommes-femmes, que ce soit pour les questionnaires ou les entrevues, se situe

sensiblement au même niveau. Ainsi, pour les questionnaires reçus, le ratio homme-femme

est de 64% en faveur des femmes contre 36% pour les hommes. Pour les entrevues, la

répartition est de 63% contre 37%. Voici ce que cela donne si l’on compare les réponses

reçues au questionnaire avec celles reçues pour l’entrevue sur un graphique global :

37%

63%Hommes

Femmes

Page 150: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

134

Diagramme en colonnes 3 : Comparaison ratio homme-femme dans les

questionnaires et les entrevues

5.3.2 Tranche d’âge.

En ce qui a trait à l’âge des participants au questionnaire et à l’entrevue, l’on note

une majorité d’individus situés dans la tranche 18-28 et une minorité en ce qui concerne la

tranche 62-72. Les tranches supérieures (73-83 et 84+) n’ont pas fait l’objet de réponses,

ce qui constitue une forme de limitation. Entre la phase du questionnaire et la période de

l’entrevue, j’ai essayé de réduire ces écarts en favorisant les répondants des tranches les

moins représentées comme en atteste le schéma qui suit. Cependant, même si la tranche

18-28 semble accuser une baisse du nombre de participants, elle reste surreprésentée par

rapport aux autres tranches d’âge.

16

10

28

17

0

5

10

15

20

25

30

Questionnaires Entrevues

Hommes Femmes

Page 151: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

135

Diagramme en colonnes 4 : Répartition par tranche d'âge

Dans cette même logique, et afin de donner quelques précisions supplémentaires,

les deux schémas qui suivent proposent de représenter les pourcentages correspondant aux

différentes classes d’âge pour les questionnaires et pour les entrevues :

Diagramme circulaire 15 : Répartition par tranche d'âge dans les questionnaires

17

6

9

10

2

11

3

4

7

2

1 8 -2 8 2 9 -3 9 4 0 -5 0 5 1 - 6 1 6 2 -7 2

Questionnaires Entrevues

18-28

39%

29-39

14%

40-50

20%

51-61

23%

62-72

4%

18-28

29-39

40-50

51-61

62-72

Page 152: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

136

Diagramme circulaire 16 : Répartition par tranche d'âge dans les entrevues

Afin de questionner les identités, le critère de la variété des tranches d’âge me paraît

important car il permet d’inclure une plus grande diversité d’expériences sociales au sein

de mon échantillon de participants. Ainsi, nous remarquons que les tranches d’âge « 18-

28 » et « 51-61 » sont celles qui, en dépit du fait que le nombre de participants soit passé

de 17 à 11 pour la première et de 10 à 7 pour la seconde, affichent une légère augmentation

de leur pourcentage passant respectivement de 39 à 42% et de 23 à 26%. Pour les deux

autres tranches situées entre celles que nous venons de mentionner (soit 29-39 et 40-50) le

nombre de participants a baissé entre la participation au questionnaire et à l’entrevue. Ainsi,

le nombre de répondants pour la catégorie « 29-39 » s’élève à 6 pour le questionnaire et à

3 pour l’entrevue ce qui correspond à une baisse de 3% entre les deux étapes (14 à 11%).

Pour la tranche « 40-50 », le nombre de participants passe dans ce cas-ci de 9 à 4 (soit de

20 à 15%). Seule la catégorie « 62-72 » a gardé le même nombre de participants, 2, ce qui

18-28

41%

29-39

11%

40-50

15%

51-61

26%

62-72

7%

18-28

29-39

40-50

51-61

62-72

Page 153: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

137

correspond à 4% des individus ayant répondu aux questionnaires et 7% des participants à

l’entrevue. Ceci étant, je suis tout à fait consciente que ces proportions par tranches d’âge

ne sont pas totalement représentatives de la répartition de la population calgarienne en 2011

comme l’atteste le schéma suivant qui représente la répartition de la population calgarienne

par tranche d’âge selon les chiffres de recensement fournis par Statistique Canada (2012a) :

Diagramme circulaire 17 : Population calgarienne par tranche d'âge-Statistique

Canada 2011

Je note à ce sujet qu’il s’est avéré difficile de contrôler le nombre de participants

dans chaque catégorie par manque de moyens temporels et financiers. En effet, certains

des répondants au questionnaire que je souhaitais interviewer n’ont soit pas donné suite,

soit ont indiqué qu’ils ne désiraient pas faire partie de la cohorte des interviewés. En

revanche, la cohorte étudiée correspond tout de même à la tranche d’âge la plus

représentative de la population calgarienne en 2011, comme en atteste le tableau et le

graphique qui suivent :

28%

21%20%

18%

13%15-29

30-39

40-49

50-59

60-74

Page 154: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

138

Tranche d’âge Hommes-femmes

0-14 18,3%

15-64 71,9%

65 et plus 9,8%

Tableau 4 : Représentation de la population calgarienne par tranche d’âge-201124

Diagramme circulaire 18 : Représentation générale de la population calgarienne-

2011

5.3.3 Questions de provenance.

Afin de comprendre comment l’origine peut influer sur l’expression d’un élément

du répertoire linguistique et/ou ethnoculturel et sur les catégories utilisées, je vous propose

24 Statistique Canada. (2012b). Série « Perspective géographique » : Recensement de 2011. (Produit no 98-

310-XWF2011004). Ottawa, ON. Produits analytiques. Repéré à http://www12.statcan.gc.ca/census-

recensement/2011/as-sa/fogs-spg/Facts-cma-fra.cfm?Lang=fra&GK=CMA&GC=825

18%

72%

10%

0-14

15-64

65 et plus

Page 155: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

139

de répertorier plusieurs données dans les trois diagrammes qui suivent. Le premier et le

deuxième graphique représentent ainsi respectivement la proportion de répondants au

questionnaire (Diagramme en lignes 1) et à l’entrevue (Diagramme en lignes 2) en fonction

de leur pays d’origine. Le troisième graphique se veut un peu plus précis et présente « les

provenances canadiennes » selon leurs provinces d’origines.

Diagramme en lignes 1 : Pays d'origine des répondants - Questionnaires

1

1

1

1

1

7

1

1

1

1

24

1

1

1

1

0 5 10 15 20 25 30

TURQUIE

MAROC

LIBAN

INDE

ÎLE MAURICE

FRANCE

ESPAGNE

EL SALVADOR

CÔTE D'IVOIRE

COLOMBIE

CANADA

BELGIQUE

ARGENTINE

ALGÉRIE

AFRIQUE DU SUD

Page 156: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

140

Diagramme en lignes 2 : Pays d'origine des répondants - Entrevues

Le Canada est le pays d’origine le plus représenté parmi les pays dont sont

originaires les participants à l’entrevue. La France est le deuxième pays le plus représenté

dans mon échantillon; on peut sans doute expliquer cela du fait que je suis moi-même

française et il s’agit sans doute d’une forme de biais. Je pense en effet que l’origine du

chercheur a une influence sur certains participants qui vont décider de participer ou pas à

une certaine étude. Dans la même lignée, j’ai pu aussi remarquer qu’il m’était difficile

d’atteindre des personnes susceptibles de s’identifier comme franco-albertaines.

111

3111

15111

0 2 4 6 8 10 12 14 16

MAROC

LIBAN

INDE

FRANCE

ESPAGNE

CÔTE D'IVOIRE

COLOMBIE

CANADA

BELGIQUE

ALGÉRIE

AFRIQUE DU SUD

Page 157: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

141

Diagramme en lignes 3 : Province d'origine des répondants - Questionnaires &

Entrevues

5.3.4 Identités exprimées.

La première question mentionnant l’identité est la question 8 du questionnaire; j’ai

voulu résumer les différentes identités qui apparaissent à ce premier stade du

questionnement afin que l’on comprenne un peu plus la démarche qui a été la mienne lors

des étapes suivantes du questionnaire et surtout durant l’étape cruciale de l’entrevue. Pour

cette raison, je me suis cantonnée à présent à ne prendre en compte que l’échantillon

définitif de répondants; les participants à l’entrevue. Voici donc ce que ces premiers

résultats donnent :

8

21 1 1 1

10

5

20 1 0 0

7

QC ON NÉ NB MB CB AB

Page 158: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

142

Diagramme en colonnes 5 : Identités exprimées en fonction du temps passé en

Alberta

Ces premiers résultats quant à la question identitaire montrent que la dénomination

« albertain » n’est pas utilisée par les répondants de mon échantillon qui vivent en Alberta

depuis moins de 10 ans à ce stade du questionnement. Ce que l’on peut aussi noter c’est la

propension à donner plusieurs réponses ce qui démontre déjà l’idée de la pluralité du

répertoire ethnoculturel des Francophones vivant à Calgary. Ainsi, plutôt que de fournir

des réponses uniques les individus qui vivent en Alberta, depuis au moins une dizaine

d’années, choisissent de se présenter différemment en fonction du contexte. Cette tendance

s’accroît nettement avec les répondants qui vivent en Alberta depuis plus de 20 ans, en

particulier ceux qui vivent en Alberta depuis plus de 27 ans. Afin de creuser un peu ce

phénomène de répertoires d’identités plurielles je vous propose un autre schéma explicatif

2

4

1 1

5

7

1 1

4 4

2

3

1

2

8

1

1--4 5--9 10--14 15-20 21-26 27+

canadienne albertaine autres N/A

Page 159: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

143

visant à présenter la multiplicité des réponses comprises sous la dénomination « autres »

(Diagramme circulaire 19).

Diagramme circulaire 19 : Précision sur les identités exprimées

Afin d’étayer un tant soit peu la représentation ci-dessus, je tiens à ajouter quelques

éléments relevés lors des entrevues pour expliquer ce qui apparaît sous la dénomination

« double appartenance » par exemple (Grosjean, 1993 utilise « double personnalité »). Les

identités exprimées sous cette catégorie correspondent à diverses réalités en fonction des

répondants. Ainsi, pour la participante 18 l’identité déployée s’exprime-t-elle par le recours

à une double identité « canadienne et algérienne » séparée par une barre oblique

canadienne / algérienne (choix de la participante) alors que dans le cas de la participante

20, la multiplicité des étiquettes auto-catégorisantes se déclinent sous plusieurs références

nominatives ethniques : canadienne, française, puis « française d’Afrique du Nord » pour

finir par « franco-canadienne ». Dans les différentes ethnicités exprimées, j’ai pu relever

6%6%

13%

25%13%

31%

6%

Acadienne

Calgarienne

Québécoise

Franco-canadienne

Double appartenance

Éthnicité

Immigrante

Page 160: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

144

en plus de « canadienne » (P. 3; P. 4; P. 6; P. 7; P. 10; P. 14; P. 15; P. 16; P. 17; P. 19; P.

22; P. 24; P. 26, seule occurrence; P. 18; P. 21; P. 27, deux occurrences) l’utilisation de :

« française » (P. 1, seule occurrence; P. 20, une occurrence parmi deux), « belge » (P. 2,

seule occurrence), « espagnole » (P. 13, seule occurrence) et « indienne » (P. 28, seule

occurrence). En ce qui concerne les appellations ethniques canadiennes : j’ai relevé à ce

stade du questionnaire, les dénominatifs « acadien » à une reprise et « québécois » à deux

occasions; je précise en ce qui concerne la référence « québécois » que le participant 27

pose d’emblée les jalons de son utilisation du terme dans la mesure où il précise : « mais

Canadien de préférence ». J’ai également noté que l’un des participants (P. 23) qui va

s’identifier comme « québécois » dans la suite des réponses a omis (volontairement ou pas)

de répondre à la question 8, ce que j’ai identifié dans mes données par N/A. L’analyse et

la discussion du chapitre 5 approfondiront les thèmes sous-jacents ayant contribué à

l’utilisation des référents identitaires choisis.

5.3.5 Langues premières et langues parlées.

La suite du questionnaire nous permet d’en apprendre un peu plus sur l’éventail

linguistique des répondants. Ainsi, grâce aux réponses apportées sommes-nous en mesure

de répertorier les langues apprises, parlées et utilisées par les participants en relation à

l’expression de leur identité linguistique. Les résultats sont compilés dans les schémas qui

suivent :

Page 161: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

145

Diagramme circulaire 20 : Langues premières

Diagramme circulaire 21 : Langues parlées

Les participants ayant répondu « le français » « comme langue première »

représentent 27% alors que ceux ayant coché « le français » comme « langue parlée en

27%

9%

27%

9%

14%

9%5%

Français

Français & autre(s)

Français-anglais

Français-anglais & autre(s)

Anglais

Anglais & autre(s)

Autre(s)

36%

9%23%

9%

9%

5%9%

Français

Français & autre(s)

Français-anglais

Français-anglais & autre(s)

Anglais

Anglais & autre(s)

Autre(s)

Page 162: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

146

grandissant » représentent 36% de mon échantillon. Ceci peut s’expliquer par le fait que

certains ont déclaré plusieurs langues sous la case « langues premières » dans la mesure où

celles-ci incluent aussi les langues entendues dans l’enfance. Le deuxième point qu’il est

intéressant de noter est la proportion de participants ayant déclaré les deux (français-

anglais) comme langues premières (27%) et comme langues parlées (23%). Encore une

fois, il semble que le choix d’avoir inclus les langues entendues dans l’enfance peut

expliquer ces pourcentages. Ce qu’il est également pertinent de remarquer c’est la

proportion de Francophones pour qui le français ne constitue que l’un des éléments du

répertoire linguistique puisque 9% ont soit choisi « français et autres » ou « français,

anglais et autres » pour définir leurs langues premières. On remarque aussi qu’un certain

nombre de francophiles font partie de la cohorte qui nous intéresse puisque pas moins de

28% (respectivement 14%, 9% et 5%) ont inscrit « anglais; anglais & autre(s) ou autre(s))

en ce qui a trait aux langues premières. De plus, si l’on se tourne vers la/les langues(s)

parlées en grandissant les catégories « français, anglais & autre(s); anglais; anglais &

autre(s) ou autre(s) » représentent 32% des répondants avec respectivement 9%, 9%, 5%

et 9%.

Page 163: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

147

Diagramme en colonnes 6 : Langues dans l'enfance

Diagramme en colonnes 7 : Langues à présent

Dans cette même logique identitaire, l’importance accordée aux langues parlées à

la maison, mais aussi dans une certaine mesure à l’école ou au travail, prend tout son sens.

En effet, même si l’on remarque une baisse dans le nombre de répondants parlant français

le plus souvent à la maison entre la période de l’enfance et de l’âge adulte, on peut aussi

voir cette pratique monolingue donner lieu à des pratiques multilingues. Il faut garder

15

4 0 2 2 3

16

11

4

Maison École

68 8

1 2 2 0

7

1

13

2 1 0 0

Maison Travail/université

Page 164: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

148

présent à l’esprit que plusieurs de mes participants ont grandi dans des régions ou pays

majoritairement francophones; ils parlaient français à la maison et à l’école même si c’était

parfois en complément d’autres langues, telles que l’alsacien, l’arabe, le créole, le nouchi,

ou encore certains dialectes belges. Vivant à présent à Calgary, ville où le français a un

statut de langue minoritaire, leurs pratiques langagières se sont diversifiées ou au contraire

simplifiées à l’extrême pour ceux qui utilisent majoritairement l’anglais.

Intéressons-nous à présent à ce que les répondants ont partagé concernant leurs

identités ethnolinguistiques et ethnoculturelles : en ce qui a trait au déploiement des

identités ethnolinguistiques, le terme que nous retrouvons le plus souvent est

incontestablement celui de « bilingue » (13 répondants parmi 27, soit presque la moitié),

ce qui est prévisible en situation de francophonie minoritaire. Quelques participants ont

tout de même inscrit « francophones » (3) et une personne s’est identifiée comme

« anglophone ». Pour contrer la difficulté liée à la variété des réponses, j’ai rassemblé

toutes les réponses qui différaient des 3 catégories mentionnées ci-dessus sous le terme

« autres ». Dans un deuxième schéma, j’ai détaillé les réponses classées sous cette

catégorie.

Page 165: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

149

5.3.6 Répertoires linguistiques.

Diagramme circulaire 22 : Répertoires linguistiques

La répartition par pourcentage nous indique la prépondérance de la réponse

« bilingue » (48%), référant au bilinguisme « français-anglais ». La catégorie « autres »

atteint un score tout à fait honorable de 37%. Les identités singulières ne se révèlent pas

aussi populaires puisque « francophone » et « anglophone » obtiennent respectivement

11% et 4%. À présent nous allons explorer un peu plus en détail ce qui se cache sous cette

catégorie « autres » :

11%4%

48%

37%

Francophone

Anglophone

Bilingue

Autres

Page 166: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

150

Diagramme circulaire 23 : Autres combinaisons linguistiques

Dans la catégorie « autres », la dénomination « bilingue » (français & autres) ainsi

que « francophone et autres » se partagent la part du lion puisqu’elles atteignent 60% des

réponses (30% chacune, soit 3 répondants). Le reste des catégories proposées correspond

à une réponse unique dans chaque cas.

5.3.7 Répertoires ethnoculturels.

Dans le cas des identités culturelles, il est plus difficile de rassembler le type de

réponses obtenues car une plus large gamme de termes a été utilisée par les participants du

fait de la pluralité de leurs répertoires culturels et des réponses qui en résultent. J’ai tout de

même rassemblé mes données dans le graphique suivant :

10%

10%

30%30%

10%

10%

Allophone

Bilingue & autres

Francophone & autres

Bilingue (français & autres)

Bilingue (anglais & autres)

Multilingue

Page 167: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

151

Diagramme circulaire 24 : Répertoires ethnoculturels

Il faut toutefois rester prudent et critique quant aux résultats présentés : même si les

pourcentages les plus importants, respectivement 18% pour une réponse contenant

« Franco+provinces » et 11% pour « canadien-français », je me suis vite aperçue avec la

suite du processus de récolte de données (en l’occurrence l’entrevue) que ces termes ne

représentaient pas forcement la même réalité sociale pour l’ensemble de mon échantillon

de répondants et que chaque dénomination pouvait faire l’objet de représentation non

consensuelle (ex : « canadienne-française » pour la participante 1 qui, lors de l’entrevue,

m’a expliqué ce qu’elle entendait par ce terme : canadienne et française (originaire de

France). Le chapitre 5 me permettra d’approfondir l’analyse des données extraites des

journaux, des questionnaires et des entrevues.

14%

11%

14%

18%

5%

2%5%

5%

12%

9%5%

Canadien

Canadien français

Franco canadien

Franco+provinces

Acadien

Québécois

Albertain

Calgarien

Ethnicité d'origine

Canadien/Albertain+ethnicité

Linguistique

Page 168: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

152

5.3.8 Influence de la scolarité.

Afin de compléter les résultats de la cueillette de données, je me suis ensuite

attachée à répartir les répondants en fonction du type de scolarité suivie. En effet, dans les

processus de construction identitaire, la recherche canadienne, en particulier dans le milieu

francophone minoritaire, s’attache à dire qu’il s’agit de l’un des piliers fondamentaux de

la construction identitaire de l’individu (Landry, Deveau & Allard, 2006c) alors j’ai voulu

voir s’il y avait un impact dans mon échantillon de participants.

Diagramme circulaire 25 : Types de scolarité

Les données recueillies dans les entrevues m’ont permis de répertorier les types de

scolarité que mes participants ont suivis. Pour certains, surtout quand le français n’est pas

la langue de la majorité, les parcours sont variés et comprennent plusieurs modalités

d’enseignement du français; français langue maternelle, français langue étrangère ou

langue seconde; écoles francophones ou encore programmes d’immersion; écoles de

langue française dans un pays où le français constitue la langue majoritaire, ou l’une des

51%

26%

10%

13%

francophone

immersion française

anglophone

autres

Page 169: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

153

langues officielles; écoles situées dans des pays où le français bénéficie encore d’un certain

prestige (Côte d’Ivoire, Ile Maurice, Inde, Liban par exemple). Les programmes ainsi que

le nombre d’heures allouées peuvent ainsi varier du tout au tout. On peut toutefois noter

que plus de la moitié de mes répondants ont tout de même fréquenté une école de langue

française a un moment ou à un autre de leur parcours scolaire. De plus, les étudiants ayant

suivi les programmes d’immersion ont été rassemblés dans un même groupe qu’ils aient

fréquenté les programmes d’immersion partiellement ou en totalité. En réalisant ce

graphique j’ai voulu me concentrer sur la pluralité des parcours individuels; c’est pour cela

que j’ai additionné les différentes expériences car elles font partie des répertoires

linguistiques et culturels des répondants.

L’analyse des journaux ainsi que des extraits proposés par certains participants va

nous permettre de mieux comprendre ce que l’on entend généralement par « canadien-

français » dans le contexte qui nous intéresse, c’est-à-dire celui de la francophonie

minoritaire hors Québec, en particulier le paysage sociolinguistique de l’Alberta et de la

ville de Calgary en cette première moitié du XXIe siècle. Tout d’abord, afin de parvenir à

une compréhension aussi globale que possible du terme « canadien-français » il a fallu

effectuer une recherche diachronique de ce dernier dans les journaux La Survivance et Le

Franco-albertain, grâce aux archives en ligne du site Peel’s Prairie Provinces. Dans La

Survivance ce terme apparaît ainsi à 2910 reprises entre le 16 novembre 1928 [date de

parution du journal] et le 1er novembre 1967 [avant-dernier numéro avant de passer au

Franco-albertain], avec un pic à 536 dans les années 30; il serait intéressant d’aller y voir

un lien possible avec la crise économique de 1930 et ses conséquences (démarche qui ne

Page 170: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

154

fera pas l’objet de la présente étude). Si l’on se penche vers Le Franco-albertain, la même

recherche n’indique que 581 occurrences avec un nombre plus important d’occurrences se

situant dans les cinq années 1976-1980. Encore une fois, nous pouvons émettre l’hypothèse

que ces résultats seraient en relation avec l’atmosphère post-Révolution tranquille et

préréférendaire soufflant sur l’ensemble du pays et à l’œuvre en particulier dans les

communautés francophones minoritaires.

5.4 Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne

La compilation des discours des participants m’a ainsi permis de dégager plusieurs

pistes de réflexion initiales quant à la représentation de la diversité existant au sein de

l’identité francophone calgarienne. Le schéma qui suit a été créé en prenant compte de cette

perspective transculturelle25 dans son sens propre ; c’est pour cela que les éléments

représentés s’entrelacent comme autant de matières complémentaires nécessaires à la

pleine expression d’une telle identité plurielle :

25 Le transculturel étant marqué par les flux perpétuels, j’ai donc choisi de le représenter à travers les

diverses intersections présentes sur le schéma plaçant ainsi l’identité Franco en résultant au cœur de tous

ces apports et échanges.

Page 171: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

155

Schéma 1 : Représentation transculturelle de l’identité francophone calgarienne

Identité bilingue

Culture francoPLOP

LangueÉducation

Langue Travail

Langue maternelle

Languemaison

IdentitéFranco

Page 172: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

156

5.5 Résumé du chapitre 5

Ce défrichage des articles de journaux couplé à celui des questionnaires et des

entrevues m’a permis de relever plusieurs thématiques récurrentes dans les différents

discours en présence : d’abord, l’épineuse question de l’appartenance identitaire (Gingras,

2005), des identités englobantes aux identités plus locales, puis celle des stratégies

identitaires déployées par les acteurs sociaux interrogés, notamment dans leur façon

d’appréhender leurs répertoires linguistiques et ethnoculturels, puis la perspective du

minoritaire et l’évolution de son discours, et enfin la problématique des identités bilingues.

Tout au long de ces divers contextes, la perspective transculturelle semble émerger des

discours et sert de dénominateur commun à la compréhension de certains phénomènes

sociaux comme je ne manquerai pas de le montrer lors de l’analyse. Ces différents thèmes

m’ont amenée à me questionner sur la question de l’appropriation sémantique de catégories

préexistantes en fonction des répertoires linguistiques et ethnoculturels des acteurs sociaux.

Dans le chapitre suivant, je m’attacherai à exploiter les résultats présentés dans le chapitre

cinq à travers une analyse critique de discours basée sur la sociolinguistique critique du

changement, la théorie des stratégies identitaires ainsi que sur le transculturalisme.

Page 173: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

157

Chapitre 6 : Analyse et Discussion

L’identité personnelle et la culture sociale d’une communauté ne se mesurent pas à l’aune d’une

ou de deux caractéristiques. Les appartenances sont rarement singulières, souvent multiples et plurielles,

tantôt complémentaires, tantôt contradictoires (Bernard, 1998, p. 33).

Comme je l’ai mentionné dans le chapitre précédent, les discours des journaux et

des participants à l’étude ont révélé l’existence de trois axes principaux : d’abord, dans un

premier temps, les divers types d’appartenances revendiquées. Pour certains, il s’agira de

l’appartenance à la communauté ethnique (d’origine, que ce soit celle de l’individu lui-

même ou de sa famille), à la francophonie (locale et globale), et/ou à la société canadienne

ou encore à des combinaisons plus ou moins complexes de toutes ces appartenances; puis,

dans un deuxième temps, le rapport au bilinguisme et au multi- voire transculturalisme

canadiens et enfin, dans un troisième temps, les stratégies identitaires dont les répondants

font preuve. L’idée principale derrière ces différents types de questionnements a donc été

de dresser un portrait des diverses postures sociolinguistiques des Francophones calgariens

afin de comprendre en quoi leur participation à cette étude a permis de faire la lumière sur

les enjeux propres à leur éventuelle inclusion dans les francophonies minoritaires

calgarienne et albertaine.

Si l’on se tourne à présent vers les questions qui sous-tendent cette recherche,

l’objet de ce chapitre sera donc de chercher à démontrer si une corrélation existe entre

l’utilisation des références nominatives telles que « canadien-français », « franco-

albertain » et « francophone » (critère initial de langue maternelle) et l’idéologie en place

selon les époques. De plus, dans le contexte calgarien actuel, j’ai aussi cherché à montrer

Page 174: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

158

que l’identité Francophone peut s’exprimer chez des individus dont le français constitue

soit la première langue officielle parlée (PLOP ; Statistique Canada, 1989), soit une langue

seconde ou additionnelle (compétence B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au

moins de manière régulière, que ce soit à la maison ou au travail / université.

En effet, la promotion de la langue et de la culture françaises dans l’expression

d’une identité canadienne ne date pas d’hier et elle se place également dans la logique des

politiques linguistiques canadiennes qui promeuvent une perspective multiculturelle

inscrite dans la dualité linguistique (Haque, 2012). Ainsi en est-il de la position exprimée

dans cet extrait de La Survivance daté du 17 juin 1964 et qui précise : « […] the French

language and culture can be powerful factors in preserving a rich and distinctive

Canadian identity in which the various cultures complement and strengthen each

other ». On retrouve ici les prémices d’une vision transculturelle dans laquelle la langue

et la culture françaises vont jouer le rôle de catalyseurs et d’instruments de cohésion quant

à l’inclusion d’autres langues et cultures dans l’expression d’une identité canadienne

nationale. Cet article, qui s’inscrit dans un contexte de début de Révolution tranquille – le

premier article faisant mention de la Révolution tranquille au Québec date du 12 février de

la même année – insiste sur le fait que le monde a changé et que, par conséquent, les

chances de devoir faire face à toujours plus de diversité sont bien réelles. Au lieu de voir

en cela une menace, la position de Jean-Louis Lebel, porte-parole des Canadiens français

de Calgary à l’époque, reflète plutôt une ouverture d’esprit dans la mesure où le lecteur est

invité à embrasser cette posture pour le maintien de la paix et de la tolérance dans le monde,

Page 175: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

159

ce faisant il en profite pour présenter le Canada comme un champion, un leader en la

matière :

[…] We are living in an age where the methods of transportation and

communication are improving continually. Our world is becoming

smaller and smaller, and the need for tolerance and understanding

between people of different language, races, creeds, nationalities and

cultures is becoming a requisite to the survival of the human race. We

in Canada pride ourselves as being a progressive and enlightened

nation26.

Dans cette perspective d’expansion des moyens de communication, les langues, moyens

de communication par excellence, sont d’abord perçues dans leur aspect pragmatique et

utilitaire, c’est-à-dire qu’elles sont la preuve d’une certaine compétence transférable. Ainsi,

l’article suivant, issu du Franco-albertain (1977), nous apporte quelques précisions quant

à ce que cela va avoir comme impact au niveau individuel :

Cette même personne a en outre la possibilité d’élargir son champ

d’activité. Au Canada et dans le monde. Ainsi en est-il des carrières dans

le domaine culturel, dans les services gouvernementaux, en politique,

dans les entreprises et les affaires internationales ou encore dans le

secteur du tourisme. Pour faire carrière dans ces secteurs d’activité au

26 La Survivance, 17 juin 1964, p. 3.

Page 176: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

160

Canada ou à l’étranger, la connaissance du français et de l’anglais est

particulièrement précieuse27.

Certains champs d’expertise sont privilégiés et constituent ainsi les domaines de

prédilection pour lesquels la compétence bilingue s’avère pertinente sinon nécessaire.

Cependant, le fait de parler telle ou telle langue à un certain niveau fait aussi, dans certains

cas, basculer l’identité du locuteur en fonction du recours à certaines stratégies identitaires.

6.1 De multiples appartenances aux appartenances uniques

Compte tenu de mes résultats de données, j’ai décidé de me pencher, en premier

lieu, sur l’exemple des combinaisons identitaires multiples, résultant d’une variété de

répertoires et d’appartenances linguistiques et ethnoculturels. L’expression du

multilinguisme par les répondants permet d’inscrire leurs pratiques langagières au-delà des

contextes calgarien, albertain et canadien, c’est-à-dire au niveau, pour certains d’entre eux,

de la francophonie internationale mais aussi, pour d’autres, au-delà de l’utilisation de la

langue française, c’est-à-dire à l’échelle mondialisée des pratiques langagières. L’exemple

de la participante 5, libanaise d’origine, nous éclaire sur ce point :

P. 5 : […] lorsque je rencontre quelqu’un pour la première fois et que l’on

me demande qui suis-je et quelles langues je parle je réponds que je suis

une immigrante libanaise multilingue / il faut que je dise Libanaise

immigrante multilingue/peut-être lorsque je vais avoir mon passeport je

vais dire je suis canadienne d’origine libanais et qui parle trois langues

27 Le Franco-albertain; « Les langues officielles et le citoyen canadien »; 26 octobre 1977; p. 21.

Page 177: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

161

/ […] je ne sais pas pourquoi j’ai besoin d’une permission autoritaire d’un

agent qui est beaucoup plus grand que moi pour me donner

l’autorisation que / voilà maintenant tu es Canadienne //

Le fait, pour cette participante, de recourir d’abord à son statut d’« immigrante », puis à sa

citoyenneté d’origine « libanaise », pour enfin dire « multilingue » nous aide un peu à

jalonner le parcours identitaire (Gérin-Lajoie, 2003; Piquemal & Labrèche, 2011) suivi par

cette immigrante, parcours qui est totalement modulable puisqu’elle alterne l’utilisation

d’immigrante et de libanaise dans la même phrase. Ce changement semble indiquer une

difficulté quant au choix de cette première appartenance, qui est le pays de l’enfance, celui

de la langue maternelle, l’arabe, le répertoire linguistique de l’enfance qui comprend

surtout l’arabe et le français dans un premier temps puis l’anglais dans un deuxième temps,

et l’actuelle, la canadienne. La répondante continue et mentionne deux points qui vont

probablement l’inciter à utiliser le référent « canadienne », utilisation qu’elle ne s’octroie

pas encore [elle habite à Calgary depuis seulement 1-4 ans au moment de l’entrevue] :

l’obtention du passeport canadien et la permission d’autrui. L’hésitation quant aux multi-

appartenances de cette répondante nous rappelle les recherches de Breton, 1994; Dallaire,

2010; Migeon, 2015 mais aussi de Tajfel (1970, 1981) qui avance que l’identité sociale se

fonde sur les connaissances ou les croyances (idéologie et stéréotypes) dont disposent les

individus à propos des catégories sociales auxquelles ils pensent appartenir ou auxquelles

ils sont assignés par autrui.

L’utilisation de l’adjectif « multilingue » se retrouve aussi dans d’autres contextes

qui apparaissent au fil de mes analyses. Le participant 9, par exemple, pense avoir atteint

Page 178: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

162

le seuil de compétence à partir duquel il devrait avoir la légitimité de se positionner lui-

même comme trilingue anglais-espagnol-français : « je pense que maintenant je peux me

considérer trilingue peut-être ». Toutefois, son incertitude se fait telle qu’il utilise « peut-

être » à la fin de sa phrase et qu’il me demande mon avis voire mon aval de francophone

avant d’oser inclure le français dans son répertoire linguistique. Ce locuteur parle aussi

italien mais le niveau qu’il a atteint dans cette langue et le statut dont elle jouit au Canada

font qu’il décide de ne pas placer l’italien au même niveau que les trois autres langues :

P. 9 : [l’italien] ça s’ra plutôt secondaire c’est pas vraiment une force /

je parle italien je le comprends très bien / donc je l’utilise dans la classe au

travail et j’ai aussi des amis sur Skype avec lesquels je parle une fois par

semaine / on fait / disons un échange de langue anglais-italien mais mon

français est plus fort que mon italien //

Cela révèle ici une certaine posture concernant la valeur que l’on accorde aux langues;

c’est un peu comme si certaines langues avaient droit de cité pendant que d’autres sont

reléguées au second plan : en effet, il apparaît que les langues ont tendance à être

catégorisées suivant le statut accordé aux groupes parlant ces langues dans un contexte

sociétal précis (Duquette, 2004, 2006; Heller, 2011).

Le répondant 9 poursuit un peu plus tard concernant le type d’éducation qu’il pense

offrir à ses enfants. La réponse est sans équivoque : elle sera multilingue, mais la façon

dont ce multilinguisme va se mettre en place s’avère un peu plus complexe à mettre en

œuvre, en particulier pour la première situation qui illustre l’exemple du Canada

Page 179: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

163

[anglophone], contexte sociolinguistique dans lequel il ne précise pas si la langue de la

maison sera aussi l’anglais comme dans les deux cas suivants :

P. 9 : C’est une question intéressante / ce sera une éducation multilingue

mais ça dépend aussi où je vis / si je vis au Canada ce sera bien de les

envoyer dans une école française ou espagnole / si j’habite dans un pays

hispanophone alors ce sera une école française parce qu’à la maison je

parlerai en anglais / si c’était en France ou au Québec / ça serait

probablement dans une école espagnole parce qu’à la maison aussi je

parlerai en anglais //

Finalement, dans ce passage, le participant passe à l’adjectif « multilingue » même s’il

renvoie une fois encore aux langues précédemment mentionnées. Néanmoins, les situations

présentées incluent des pratiques multilingues diverses, c’est peut-être pour cette raison

que le répondant décide d’utiliser cette terminologie plutôt que celle de « trilingue ». De

plus, il faut garder en tête le fait que très souvent l’adjectif « multilingue » est utilisé pour

signifier « plus que deux langues ou plus que bilingue ». D’ailleurs, le sens plus englobant

de « multilingue » permet aussi une certaine marge de manœuvre concernant le futur de ce

participant, futur qui comprendra sans aucun doute plusieurs langues et une vie possible en

dehors du Canada.

Dans ce contexte de multilinguisme, les identités s’expriment de manière différente

en fonction des expériences de chacun. Ainsi, le profil du participant 30 est

particulièrement intéressant puisqu’il s’agit d’un francophone né en Nouvelle Écosse, à

Page 180: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

164

Halifax et qui a grandi non seulement à Vancouver mais aussi en France. Il partage

quelques traits de son identité linguistique avec nous :

P. 30 : [Je suis] francophone mais quand même assez anglicisé; […] mon

identité est assez complexe; c’est un mélange. Je me mets dans des

situations linguistiques et quand j’en ai marre, je change; Vive la

variété!

Ce nouvel exemple, issu des questionnaires cette fois-ci, illustre parfaitement la

notion de « construction identitaire » comme relevant de vécus langagiers issus de la sphère

privée tels que définis par Landry, Allard et Deveau (2006b, 2006c, 2013). La dernière

phrase en particulier nous permet d’aller jusqu’à dire que dans le cas de ce participant, son

parcours personnel s’apparente à un véritable « itinéraire identitaire » qui, selon

l’Association Canadienne d’Éducation de Langue Française (désormais ACELF; 2011),

se manifeste par des avancées et des arrêts, des accélérations et du sur-

place, et permet même des retours en arrière, du moins apparents. Les

freinages et les détours font partie intégrante du parcours identitaire.

Ceux-ci permettent l’ouverture à de nouvelles perspectives et

encouragent des expériences innovatrices.

Cette idée de parcours caractérise aussi particulièrement la construction identitaire de la

participante 35 (questionnaire) pour qui, au premier abord, l’identité ne semble pas poser

de problème particulier puisqu’elle est née en Alberta dans une famille francophone, puis

a passé son enfance et son adolescence à St Hyacinthe au Québec. Bien qu’elle soit

francophone, qu’elle parle français à la maison sauf avec sa sœur [anglais] et qu’elle parle

Page 181: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

165

pratiquement exclusivement anglais à l’extérieur de la maison – comme c’est souvent le

cas dans les contextes francophones minoritaires – cette répondante se présente tour à tour

comme Québécoise [avec les Français et les Québécois] ou comme Canadienne française

[avec la majorité des Canadiens]; cependant, elle poursuit en disant qu’elle utilise rarement

l’étiquette « Franco-albertaine » bien que techniquement elle devrait se dire Franco-

albertaine (critère de naissance). Elle conclut en disant : « ça fait des années que je cherche

comment m’identifier mais la recherche continue à ce jour » comme si elle venait de

faire table rase de tous les référents qu’elle avait choisis pour s’identifier jusqu’alors.

Une autre participante exprime aussi sa difficulté à se nommer « canadienne », elle

semble avoir recours à une stratégie d’évitement (Camilleri, 1989, 1990) : « euh°/°on en

parlera après » et choisit d’utiliser sa citoyenneté d’origine même si elle dit ne plus

vraiment se sentir française; ses mots semblent trahir sa pensée lorsqu’elle dit plus loin :

« je suis française », toutefois elle nuance un tant soit peu son propos :

P. 1 : Je sais pas pourquoi je m’appelle pas canadienne euh / on en

parlera après car je sais qu’il y avait des questions du ni-ni / j’me sens plus

vraiment française / mais je me sens toujours pas canadienne / si je suis

française parce que c’est un peu une fierté quand même pour moi / et

puis c’est important pour moi d’être française […]

Elle continue un peu plus tard en exprimant le fait que sa difficulté à sentir et à exprimer

son appartenance canadienne peut être mise sur le compte du peu de références communes

qu’elle a avec les Canadiens, vu qu’elle n’a pas passé son enfance dans ce pays. Cependant,

elle ajoute également qu’elle ne se sent plus « tout à fait française » et mentionne à ce sujet

Page 182: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

166

qu’elle se sent « ni-ni », qu’elle a l’impression de se trouver dans un « no man’s land »,

encore une fois à cause du fossé causé par le manque de références communes existant non

seulement entre elle et les Français restés sur place; elle n’est plus au courant, par exemple,

des émissions qui passent à la télévision française :

P. 1 : Culturellement parfois / j’me sens ni à l’aise ici tout à fait / ni en

France / quand j’y rentre parce qu’il s’est passé des choses / y’a […] des

émissions de télé qui sont passées et que moi j’ai pas vues donc ils font des

références à ça / chais pas moi / j’en sais rien moi / l’amour est dans le pré

c’est apparemment une émission que tout le monde regarde / et moi on en

parle et chui là / hein quoi / des références des trucs que j’comprends pas

[…] bon on en parle et ça m’parle pas / du langage qui est en rapport à ça

[…] et surtout Facebook / tous mes amis ils me marquaient ça / puis moi

j’étais de quoi ils parlent / t’es obligée de faire des recherches Google pour

voir de quoi ils parlent quoi / culturellement j’dis pas que c’est si mal que

ça / que ça m’manque pas le côté télé-réalité française / parce que c’est

lamentable / mais eux ici non plus / surtout au niveau de c’qu’ils ont vu

dans leur enfance / des émissions de télé ouais de l’enfance quoi donc

voilà//

Alors que certains répondants préfèrent exprimer leur appartenance plutôt en termes

d’entre-deux, d’hybridité (« ni-ni ») voire de non-appartenance, certains choisissent

d’exposer leurs multi-appartenances. C’est ce qui caractérise le discours du participant 9

Page 183: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

167

qui utilise l’expression de « citoyen du monde » (utilisée plus tard avec une autre

interprétation par le participant 3). Il nous en donne son interprétation :

F : Que veut dire « citoyen du monde » pour toi?

P. 9 : Ça veut dire que je considère que je suis capable de vivre dans plus

d’un pays sans aucune difficulté / ça dépend du pays bien sûr / je pourrais

aller en France j’y suis déjà allé 6 fois donc ça va pas vraiment être un choc

pour moi / je pense la même chose si je vais en Belgique / alors c’est bien

si je vais au Japon alors ce sera plus un choc culturel / donc ça veut dire

que peut-être je ne peux pas vivre dans tous les pays du monde

parfaitement / mais il y a un certain nombre dans lesquels je serais capable

au moins de survivre / peut-être de ne pas m’angoisser […]

Le participant 9 nous propose son acception de « citoyen du monde », selon laquelle la vie

dans plusieurs pays est possible sans ressentir de difficultés majeures. Il précise tout de

même que ce serait plus facile s’il s’agissait d’un pays francophone puis après avoir évoqué

l’exemple du Japon il finit par se rendre compte qu’il pourrait ressentir de l’angoisse dans

certains contextes moins familiers. Le point soulevé par le participant 9 ici est la crainte

plus ou moins avouée d’être en mesure de se sentir bien dans un tel pays et se sentir bien

pour lui passe avant tout par la capacité à survivre et par l’absence d’angoisse; en effet,

alors que pour certaines personnes le fait de s’installer dans un nouveau pays ou une

nouvelle région est source d’aventure, de dépaysement et de renouveau, d’autres individus

expérimentent cela plus comme un déracinement, source d’angoisse et de stress. C’est ce

que des chercheurs tels que Sam & Berry (2006) nomment l’acculturation. Le concept

Page 184: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

168

d’acculturation implique un contact se déroulant à la fois au niveau collectif et individuel

et conduisant l'individu à effectuer des changements affectifs, comportementaux et

cognitifs, aussi appelés changements comportementaux et stress acculturatif, menant à long

terme à la modification de l’adaptation psychologique et socioculturelle28 » (Sam, 2006, p.

21). Ce phénomène psychologique s’accompagne ainsi de « stress lié à l’acculturation »

[acculturative stress]; il s’agit d’un concept introduit par Berry en 1970 pour remplacer

celui de « choc culturel » [culture shock] inventé par Oberg en 1960.

Contrairement à l’exemple que l’on vient d’analyser, certains participants ne

choisissent pas de se présenter en utilisant des appartenances multiples ou englobantes et

préfèrent s’en tenir à leur citoyenneté d’origine ou encore au gentilé de la ville où ils ont

choisi de s’installer et vivre.

6.1.1 De la citoyenneté d’origine au gentilé de la ville d’arrivée.

Plusieurs répondants choisissent d’utiliser une dénomination faisant référence à

leur citoyenneté d’origine plutôt que la citoyenneté du pays dans lequel ils vivent à présent.

Dans certains cas, ces participants associent cette nationalité d’origine à la province ou à

la ville dans laquelle ils habitent désormais. C’est notamment le cas de la participante 2 qui

se présente à la fois comme « albertaine et belge » avec parfois le recours à l’étiquette

« calgarienne », qui inscrit tout de même cette répondante dans une catégorie géographique

et linguistique particulière.

28 « involves contact that takes place at both group and individual levels leading to changes which for the

individual entail affective, behavioral and cognitive changes (or what may be referred to as behavioral

changes and acculturative stress) and subsequent long-term modification of psychological and sociocultural

adaptation » (Sam, 2006, p. 21; Traduction libre).

Page 185: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

169

P. 2 : C’est intéressant / comme je vis au Canada et que je ne suis pas

canadienne / je suis albertaine et je suis calgarienne / mais avant tout je

suis belge parce que ma nationalité est belge //

L’étiquette « calgarienne » permet une identification purement géographique et

implique de manière implicite une certaine anglophonie, l’anglais étant la langue

dominante à Calgary. En utilisant cette appellation, la participante 2 veut non

seulement se détacher d’autres références nominatives telles que « francophone »

ou « bilingue », mais elle veut également se présenter et montrer que

« francophone » n’exclut pas nécessairement « anglophone », une position que l’on

retrouve chez la participante 4 qui a grandi en milieu francophone minoritaire. La

posture de la participante 4 se résume comme suit :

P. 4 : Au Centre français [de l’Université de Calgary] / j’me considère plus

comme calgarienne que francophone / parce que les autres / leur

français est beaucoup plus fort que le mien / donc je me considère plus

anglophone qu’eux […]

Ces quelques lignes illustrent parfaitement le continuum sur lequel se situe la francophonie

minoritaire canadienne, en tension entre francophonie et anglophonie. Ainsi, la répondante

établit, sans doute de manière inconsciente, une frontière entre sa francophonie qu’elle

qualifie de calgarienne, et donc incluant presque de surcroît son anglophonie, à la

francophonie des autres, qu’elle perçoit comme étant plus monolingues et donc « plus

francophones » qu’elle. Sa représentation du monolinguisme révèle un ancrage

idéologique lié à l’idée dépassée qu’à une nation doit correspondre une seule langue (voir

Page 186: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

170

contexte européen notamment français). Selon cette logique, les locuteurs ayant évolué

dans des contextes plus monolingues, notamment en France et au Québec, auraient

d’emblée un meilleur niveau en français que les locuteurs issus de milieux bilingues ou

plurilingues, comme l’Alberta et Calgary. Cependant, le sentiment d’infériorité suscité par

ce soi-disant meilleur niveau en français se dissipe rapidement grâce à l’affirmation par la

participante d’un meilleur niveau d’anglais qu’eux. La partie suivante va s’intéresser aux

participants qui se sont dissimulés dans un premier temps derrière la dénomination large

de « canadien ».

6.1.2 Canadien et …

Le premier exemple que j’ai choisi afin d’illustrer l’utilisation du terme

« canadien » est extrait d’un article du Franco-albertain daté du 15 juillet 1988 (p. 4). Dans

cet article, Guy Lacombe, alors qu’il écrit un panégyrique de Monseigneur Baudoux, en

profite pour démontrer que l’utilisation de la référence nominative « canadien » ne

s’oppose pas nécessairement et ne s’utilise pas qu’au détriment d’étiquettes telles que

« canadien-français », « franco-albertain » ou encore « francophone » :

Certaines gens, même parmi les francophones, estiment que se déclarer

Franco-albertain, Fransaskois ou Franco-Manitobain constitue une

certaine étroitesse, qu’il faut viser d’abord et avant tout à être « Canadien ».

(…) Mais cela n’a jamais empêché [Mgr Baudoux] d’être d’abord et avant

tout Canadien-français (…). Est-on moins Canadien quand on est Franco-

albertain? Est-on moins Canadien quand on travaille à maintenir dans

Page 187: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

171

l’Ouest les institutions qui aideront les gens à conserver leur identité propre?

Est-on moins Canadien quand on travaille à être fidèle à l’histoire qui a

façonné cette province? (Le Franco-albertain; 15 juillet 1988, p. 4).

En proposant ce premier extrait à l’analyse, j’ai voulu montrer que les différentes

dénominations ne s’excluaient pas nécessairement les unes les autres. Ainsi, un même

locuteur peut avoir recours selon les situations et les contextes sociaux à diverses

appellations. Ainsi, les répondants au questionnaire et à l’entrevue ont utilisé le qualificatif

« canadien » à de nombreuses reprises, notamment lorsque les participants ne souhaitaient

pas trop se dévoiler identitairement. C’est par exemple le cas du répondant 9 qui dit pour

justifier de son choix : « c’est difficile, simplement je suis né ici; j’ai seulement la

nationalité canadienne donc j’ai pas le choix de dire quelque chose d’autre ». Ce répondant

se présente comme défavorisé dans la mesure où sa citoyenneté lui impose le choix de la

catégorie. Comme on l’a vu auparavant, le participant 9 a aussi recours à d’autres procédés

d’identification tel que « citoyen du monde ».

Les réponses comportant le terme « canadien » se retrouvent surtout utilisées à la

question 8 du questionnaire dans laquelle les répondants s’identifient pour la première fois;

trois options sont possibles : « canadien », « albertain » ou « autre » (suivi de la mention :

« préciser »). Par la suite, les entrevues, m’ont permis de me pencher sur le sens attribué à

ce mot et surtout pourquoi les participants y ont eu recours ou pas. À ce sujet, les

participantes 5 (« j’ai besoin d’une permission autoritaire d’un agent qui est beaucoup

plus grand que moi pour me donner l’autorisation que / voilà maintenant tu es

Canadienne ») et 2 (« je ne suis pas canadienne / je suis albertaine et je suis calgarienne

Page 188: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

172

/ mais avant tout je suis belge parce que ma nationalité est belge ») nous informent

qu’elles n’auront pas recours à ce terme tant qu’elles ne seront pas officiellement devenues

citoyennes canadiennes. De plus, à la question, « qu’est-ce que tu donnerais comme

définition au mot « canadien29 » ? », voici ce que nous propose le participant 3 :

P. 3 : […] dire que je suis canadien peut-être oui et non / moi je me définis

comme « citoyen du monde » / ma culture elle a beaucoup varié et avec les

nombreux voyages (rires) / c’est plusieurs étapes de la vie / donc j’ai

beaucoup voyagé beaucoup travaillé dans beaucoup / différents pays donc

ça te donne une autre appréhension ou bien une autre vision du monde

/ et […] c’est pas moi qui le dis / donc c’est les autres qui me voient

différemment donc je ne peux pas aujourd’hui dire que j’ai une culture

ivoirienne […] concernant mon origine je dirais que je suis d’origine de la

Côte d’Ivoire parce que ma couleur de peau déjà (rires) [inaudible] / mais

j’ai un problème / en fait pas vraiment un problème / j’ai du mal à me

définir à force d’entendre de ce que disent les autres j’ai du mal à me

définir je sais pas //

[…]

Être canadien aujourd’hui / j’ai une nationalité canadienne donc je dis

que je suis canadien / pour moi c’est un gros avantage [d’avoir vécu dans

plusieurs pays] mais souvent tu ne t’identifies plus dans quelle société tu

29 Le participant 3 a indiqué « canadien » comme l’une des réponses concernant son identité culturelle.

Page 189: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

173

t’identifies réellement […] c’est pas que je refuse / je suis Ivoirien pour

moi mais pas vraiment de culture / je ne pense pas que ma culture

demeure encore ivoirienne […] / je reste dans ma tête ivoirien parce

qu’il y a des trucs qui a / des aspects de la société que j’apprécie

l’hospitalité et tout ça / la fraternité cette chaleur humaine / […] / quand

on voyage y’a des choses à prendre / des choses à laisser //

Les tâtonnements ethnoculturels du participant 3 illustrent parfaitement ce que l’on entend

par itinéraire identitaire (ACELF30, 2011). Même si le répondant 3 utilise un raccourci

lorsqu’il répond « canadien » au début de son discours, sous prétexte qu’il détient la

citoyenneté, il joue le jeu de l’entrevue et accepte de dérouler le fil de son parcours et nous

embarque à partager son récit personnel. Tout au long de son explication, il nous facilite le

voyage en nous aiguillant, en nous fournissant des éléments suffisamment précis pour que

l’auditeur soit en mesure de suivre sa démonstration; notamment en ce qui concerne son

identité ivoirienne, il insiste sur le fait qu’il ne peut plus se définir comme il était sans tenir

compte de l’opinion d’autrui sur qui il est devenu. Ces propos ne vont pas sans rappeler les

travaux sur l’identité sociale de Tajfel & Turner (1979) et Tajfel (1970, 1972), dans

lesquels l’identité sociale est définie comme découlant à la fois de l’image de soi que se

fait un individu de lui-même mais aussi dérivant des catégories sociales auxquelles il

comprend qu’il appartient grâce à la confrontation avec autrui. Il reconnaît également que

se définir constitue une entreprise difficile (« c’est pas que je refuse ») dans la mesure où

30 Association canadienne d’éducation de langue française ; http://www.acelf.ca/ressources/serie-

comprendre.php#

Page 190: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

174

il termine son témoignage en avouant qu’il a recours à l’étiquette « ivoirien » mais si l’on

creuse un peu l’on peut se rendre compte que cette référence nominative reste une étiquette

de surface dans la mesure où il dit « je ne pense pas que ma culture demeure encore

ivoirienne ». Cette identité de surface joue peut-être le rôle de couvercle d’un réceptacle

renfermant beaucoup d’autres identités.

Un autre passage intéressant quant à l’utilisation de l’appellation « canadien »

émerge de l’entrevue du participant 7, dans laquelle ce terme est préféré à celui de

« canadien-français », afin de ne pas avoir à préciser son appartenance linguistique et/ou

géographique [provinciale]; le parcours personnel de ce répondant est marqué par de

nombreux déménagements et aussi par de nombreuses rencontres avec des gens de milieux

ethnoculturels et linguistiques différents ce qui explique probablement la raison de ce

choix :

P. 7 : Parce que j’ai vécu dans cinq provinces / je m’identifie plus comme

canadien que comme canadien-français […] parce que j’rencontre

beaucoup de gens de différents pays / et c’est plus facile d’utiliser le

terme Canada ou Canadien que de spécifier une région //

De plus, il faut aussi garder présent à l’esprit, surtout dans le contexte québécois, la

spécificité de l’utilisation du terme « canadien » comme référence à l’appartenance

collective au groupe ethnique « de souche » que l’on peut trouver aussi sous le vocable

« pur laine » et sans rapport avec « canadien » renvoyant simplement à quelqu’un vivant

au Canada.

Page 191: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

175

6.2 Des identités englobantes

La francophonie calgarienne actuelle vécue par les répondants est plurielle car elle

s’inscrit sans aucun doute dans un contexte mondialisé laissant cependant entrevoir une

dimension locale. Ainsi, les références nominatives sont en constantes négociations à

travers les multiples discours qui s’entremêlent. Ainsi, certains des participants

s’identifient-ils comme Francophones mais une fois de plus cette étiquette revêt une

dimension différente en fonction de la réalité sociale dans laquelle ces participants

s’insèrent. Par exemple, le participant 3 se présente comme Francophone et nous explique

ce qu’il entend par-là :

P. 3 : Je suis francophone c’est tout […] les cultures c’est pas les mêmes

mais la base de la culture c’est la langue donc moi je suis francophone /

je ne peux pas être franco-albertain parce qu’il y a des cultures franco-

albertaines que je ne connais pas / y’a des cérémonies / je mange pas comme

les Franco-albertains / je mange pas comme les Franco-ontariens / je ne

mange pas comme les Français / je ne mange pas comme les Ivoiriens tout

le temps y’a un mélange de tout donc je suis francophone / la culture

pour moi / ce qui nous rassemble c’est la langue […] avec une variété

de cultures en fonction d’où tu viens / je me définis comme francophone

/ je ne suis pas Franco-albertain / pour moi naturellement pour être Franco-

albertain il faut être né ici ou avoir des parents Franco-albertains //

Pour ce répondant, il s’agit surtout de mettre en avant la langue comme élément central à

la base d’une culture voire d’une identité commune francophone. Dans le cas d’identités

Page 192: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

176

multiples, il semble que les répondants aient tendance à privilégier des identités pour le

moins englobantes et correspondant à la situation sociolinguistique dans laquelle ils se

sentent le plus à même d’exprimer leurs cultures. Être Francophone pour le participant 3

se distingue ainsi fondamentalement du fait d’être Franco-albertain ce qu’il explique, par

deux fois, par l’absence de pratiques culturelles franco-albertaines. Il ajoute aussi que

« Francophone » est une étiquette assez large, inclusive qui lui permet d’incorporer « un

mélange de tout ». Toutefois, dans la suite de l’entretien, ce répondant précise aussi ce

qu’un Francophone n’est pas, en opposant ce dernier terme à celui de francophile :

P. 3 : [Concernant les apprenants de FLS] ils ne sont pas francophones /

ils sont francophiles car ça [francophone] dit que ta langue de base c’est

la langue française […] est-ce qu’ils parlent français chez eux / est-ce

que c’est leur première langue / est-ce qu’ils ont cette culture

francophone / non / ça dit que°/°un anglophone albertain ne peut pas

dire parce que je parle français je suis francophone / je ne pense pas

qu’il le dirait / il dirait peut être qu’il est francophile / ça dépendrait de

la manière dont tu vis°/°si tu vis en français tu es un francophone […]

y’a quand même une certaine base [de français] pour être défini comme

un francophone //

Dans cet extrait le participant 3 questionne donc le degré de « francophonie » des étudiants

de FLS et propose le critère de langue parlée à la maison ou si la manière dont la personne

vit implique l’utilisation régulière du français indispensable à l’expression d’une culture

francophone, selon lui. Après avoir confronté ces deux points, il est intéressant de

Page 193: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

177

comprendre que même si le critère de langue semble fondamental dans la définition de qui

est Francophone, il l’est peut-être encore davantage en ce qui concerne ceux qui ne le sont

pas. Comme l’avance le participant 3, le fait de parler le français comme langue première,

le fait de vivre en français (du moins à la maison ou au travail) ainsi que le critère culturel

semble deux conditions sine qua non quant à l’expression d’une identité Francophone. Si

l’on s’intéresse d’un peu plus près à la relation entre langue et culture telle qu’exprimée

par ce répondant, l’on peut noter que « la langue est un aspect de la culture qui peut être

utilisé pour représenter la quasi-totalité de la vie culturelle »31.

Cependant à côté de la dénomination « Francophone » d’autres références globalisantes

elles aussi émergent des données de mon corpus, notamment des étiquettes telles que

« canadien-français » ou encore « franco-canadien ».

6.2.1 Francophonie canadienne globale : de Canadien-français à Franco-

canadien.

6.2.2 Définitions du Canadien français en fonction du contexte social.

Dans un article de La Survivance, en date du 9 mars 1932, Thérive propose la

définition suivante de « Canadiens français » : il s’agit de « ceux qui sont venus de la

province de Québec vers l’ouest du Dominion ». Il précise également qu’ils ont été

« poussés par leur instinct migrateur et l’ambition d’enrichir leur nombreuse famille »

(p. 8). Le portrait est complété, grâce à un nouvel extrait de La Survivance daté du 27

31 « Language is an aspect of culture that can be used to represent virtually the whole of cultural life […] »

(Roy, W., 2016, p. 115; Ma traduction).

Page 194: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

178

janvier 1965 (p. 2), et écrit cette fois-ci par Beriault qui ajoute : « […] le Canadien-français

est de culture française et catholique et comme tel il appartient à cette civilisation qui

a Dieu comme clé de voûte. Mme Miquelon-Molyneaux, toujours dans un article de La

Survivance du 23 avril 1941 brosse un profil ethnique des Canadiens français, se

distinguant à la fois des Français, leurs ancêtres, et du reste des Canadiens [anglophones]

prémices à l’expression d’une identité ethnique distincte, lorsque, par exemple, elle dit :

Même quand les Français occupaient ce pays qu’ils avaient établi, on

apercevait déjà dans le caractère des Canadiens, d’évidentes tendances et

caractéristiques qui les distinguaient de leurs ancêtres. Ces marques de

différences sont déjà si prononcées et nombreuses que les Français et les

Canadiens, dont la séparation ne date que d’un demi-siècle, ne pourraient

être reconnus autrement que par leur langue, comme étant du même peuple.

[…] Nous sommes par notre position géographique destinés à former un

peuple différent, des Français et même différents de nos voisins » (p. 7).

En effet, l’idée de nation canadienne-française repose sur une identité ethnique, c’est-à-

dire une identité ayant pour composantes une culture, une langue, une religion et des

traditions collectives. L’expression d’une telle identité ethnique constitutive d’une nation

peut susciter des polémiques car il faut tout de même garder présent à l’esprit qu’une ethnie

n’est qu’une construction, qu’elle peut parfois reposer sur des stéréotypes et ainsi altérer

une certaine vision de la réalité. Dans le passé, cela a donné lieu, par exemple, à l’utilisation

de la notion de race, concept repris par les promoteurs d’une nation canadienne-française

à une certaine époque. Cependant, il faut aussi quelque peu nuancer le propos car tous les

Page 195: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

179

protagonistes en faveur du Canada français n’utilisent pas le concept de race de la même

façon et ce n’est pas qu’une question d’époque. Ainsi dès 1929, Lavoie écrit :

Pour nous descendants des quelques milliers de Canadiens, qui ont fondé

le Canada français, il n’y a pas de doute que nous avons un droit

incontestable d’exister comme race. Or, le droit d’exister comme race

ne va pas sans le droit de conserver la langue maternelle, qui porte

l’empreinte de la race. Il reste donc à assurer à la langue française la

place qui lui revient. C’est le rôle de la famille et de l’école (La

Survivance; 3 janvier 1929, p. 1).

Dans ce passage, le journaliste met non seulement l’accent sur la préservation de la race

qui passe sans aucun doute par celle de la langue française mais aussi sur le rôle de la

mémoire et de l’histoire des Canadiens français, en particulier lorsqu’il fait référence à

« l’empreinte de la race ». On se rend compte ici que certaines des valeurs chères au

discours de la Survivance sont bien présentes et notamment la conservation de la tradition

à travers les pratiques familiales et éducatives.

L’article « L’Unité canadienne et notre fierté nationale : Une lutte de races » de

Mme Miquelon-Molyneaux s’inscrit en 1943, dans une perspective de cohésion et de

rassemblement. Son but est de promouvoir l’idée de nation canadienne-française autour de

deux points fondamentaux de l’idéologie de la survivance : la langue et la religion. De plus,

l’utilisation à deux reprises du verbe « rester » semble suggérer l’abandon, par certains, de

l’un voire des deux traits caractérisant les Canadiens-français :

Page 196: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

180

Par les temps troublés que nous traversons il est impossible à tout

Canadien-français bien né de ne pas être angoissé par l’avenir qui sera

fait à nos descendants. Il est entendu que le fait français en Amérique

est une réalité. Ce sont nos ancêtres qui ont découvert et évangélisé le

pays que nous habitons. Et tous, malgré les divergences d’opinions que

nous pouvons entretenir nous comptons bien d’un océan à l’autre, rester

catholiques et rester français. (La Survivance, 4 août 1943, p. 2 & 7)

Cette thématique des difficultés rencontrées par les Canadiens-français quant à

l’expression de qui ils sont, se retrouve également formulée dans un extrait de

l’hebdomadaire de La Survivance en date du 13 novembre 1946. Dans cet article sont repris

quelques passages d’un discours de M. le chanoine Lionel Groulx prononcé lors du 10e

congrès de la Société St Jean Baptiste de Québec et que je cite ci-après :

[…] Restons Canadiens français, nom historique pour nous, que quatre

ou cinq générations ont arboré avec fierté. Les Canadiens tout court,

soit dit sans calembour, seraient dans notre cas des Canadiens trop courts.

Tous les Canadiens ne peuvent être ramené [sic] au même commun

dénominateur32

En particulier, l’on pourra noter que conseil est donné concernant l’utilisation de

l’ethnonyme « Canadiens français », usage qui ne doit en aucun cas se faire au détriment

de ce qu’il représente ou plutôt de ce qu’il incarne au plus profond, c’est-à-dire une certaine

32 « Restons ce que nous sommes : Des Canadiens français », La Survivance, p.1, 13 novembre 1946.

Page 197: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

181

fierté et mémoire des ancêtres. De plus, M. le chanoine Lionel Groulx va un peu plus loin

puisqu’il énumère les causes du mal dont souffrent les Canadiens français dans la suite de

l’article :

Pour d’aucuns, la crise de la conscience nationale est imputable à notre

régime politique. Nous n’avons pas une notion nette de la patrie. À qui

devons-nous allégeance : à la province, au pays ou au Commonwealth?

Laquelle de nos multiples patries a préséance sur nous, surtout nous

d’origine française? Faut-il s’obstiner à s’appeler Canadiens français?

Ne devrait-il pas exister uniquement de vrais Canadiens qu’on appelle, en

terme « élégants », Canadiens tout court? Qu’exige de nous la

Constitution de 1867?

La référence ici à « vrais Canadiens » ou « Canadiens tout court » vise à rappeler le sens

initial de « Canadien » c’est-à-dire « de souche » ou dont les ancêtres sont considérés

comme « fondateurs » de ce pays et s’opposant ainsi à « Canadian ». Selon cette logique,

la collectivité canadienne-française se résume d’abord par l'élément fondateur : la

Nouvelle-France qui deviendra par la suite le Québec, puis viennent ensuite la langue

française, l'Église catholique et la famille qui s’ancrent elles-mêmes dans la tradition,

l’histoire, la filiation et la mémoire. L’ambiguïté principale en ce qui a trait à l’appellation

« Canadien français » réside dans le fait que deux collectivités, à présent distinctes, se

partagent le même nom : d’une part, la collectivité canadienne-française d'ascendance

française [celle à l’origine de la « création » de la Nouvelle-France dans la première moitié

du XVIe siècle] et d’autre part, la collectivité québécoise [en particulier celle d’après la

Page 198: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

182

Révolution tranquille des années 1960]. Toutefois, depuis le rapatriement de la Charte

canadienne des droits et libertés en 1982, le terme « Canadien français » tend à faire

davantage référence aux francophones vivant en situation minoritaire. Ainsi, en

s'identifiant au terme « Canadien français », les Canadiens d'origine française [de Nouvelle

France] hors Québec cherchent davantage à exprimer une identité ethnolinguistique et

culturelle plutôt qu’une identité purement civique. Dans cette perspective, l’utilisation de

la référence nominative « Canadien français » chez les francophones vivant en situation

minoritaire a tendance à compléter plutôt qu'à remplacer l’identité francophone attachée à

la province. À titre d’exemple, certaines de mes données révèlent que l’étiquette

« Canadien français » renvoie à différentes réalités sociales en fonction de l’utilisateur et

de ses expériences personnelles. Ainsi, le participant 27, dont la vision s’inscrit dans un

contexte plus québécois, nous propose le point de vue suivant :

P. 27 : Ça existe plus vraiment maintenant French Canadian / c’est un

vieux mot / ça existe encore / y’a des gens qui l’utilisent et les

anglophones vont l’dire pour les gens qui parlent français […] c’est

surtout les personnes âgées //

Pour ce répondant, l’utilisation de l’anglais pour désigner l’étiquette « Canadien-français »

est particulièrement significative. L’alternance codique à l’endroit même de l’expression

French Canadian vient renforcer l’idée exprimée par les mots employés : « ça existe plus

vraiment maintenant French Canadian°/°c’est un vieux mot », comme si en utilisant une

autre langue que le français pour exprimer cette réalité il pouvait mieux s’en détacher. De

plus, de par l’utilisation de « French Canadian » en anglais, le locuteur nous informe sur

Page 199: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

183

le contexte dans lequel il positionne son discours d’abord dans le contexte québécois où

nous comprenons que le mot n’est plus guère utilisé puis dans le contexte plus global de la

francophonie minoritaire lorsqu’il se reprend et renchérit : « y’a des gens qui l’utilisent

et les anglophones vont l’dire pour les gens qui parlent français […] c’est surtout les

personnes âgées ». Grâce à cette volte-face et à l’explication qui suit, le participant 27

nous permet de mieux comprendre ce qu’il entend par « French-Canadian » et pourquoi il

a recours à l’anglais quand il en parle :

P. 27 : French Canadian pour moi fait référence à « tu viens d’la France »

dans le contexte québécois / Et dans le domaine du passeport / quand on

faisait notre demande de passeport au Québec / y’avait°/°t’étais Canadian

ou t’étais French-Canadian / […] ça / ça l’a changé avec la pseudo

Révolution tranquille [...] avec les changements au Québec durant les cinq

premières années / des années 70°/°alors là / c’est là qu’le mot

« Québécois » est sorti / avant c’était French-Canadian en référence

aux Français / on utilisait Canadien-français et quelquefois on entendait

Canadien-anglais / en français, quand on utilisait Canadien-français on

disait Canadien-anglais.

Si l’on regarde de plus près cet extrait, on remarque que le participant 27 réfère à French-

Canadian pour signifier les ancêtres des « Canadiens francophones de souche » et qu’il

utilise également ce terme en opposition à Canadian ou Canadien-anglais. Il s’explique à

ce sujet dans la suite de la discussion :

F : C’était exprès d’avoir un mot pour eux aussi?

Page 200: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

184

P. 27 : Oui mais c’est qu’en anglais on disait / You’re Canadian or you’re

French Canadian? […] nous c’est parce que ta langue / le français le

précise plus que l’anglais / alors si t’avais un French-Canadian / c’est tout

à fait normal que t’aies un English-Canadian […] Canadian et la langue

maternelle après […] mais c’est vieillot maintenant Canadien-français

/ Canadien-français et Canadien-anglais c’est plutôt une vieille

nomenclature / maintenant c’est plutôt francophone-anglophone / et

même ça / ça devient compliqué maintenant parce que si t’es né d’une

famille russe mais que tu parles anglais dans la rue et que tu parles russe

dans la maison / est-ce que tu es un anglophone?

Pour conclure et corroborer mon propos initial, le participant 27 nous informe

particulièrement sur deux points : premièrement que l’utilisation de « canadien-français »

ne se fait pas de la même façon que l’on se trouve dans le contexte québécois ou hors

Québec et deuxièmement que la connotation de ce terme peut être perçue par certains

comme désuète [« ça existe plus vraiment maintenant French Canadian / c’est un vieux

mot »; « c’est vieillot maintenant Canadien-français / Canadien-français et Canadien-

anglais c’est plutôt une vieille nomenclature / maintenant c’est plutôt francophone-

anglophone »].

La réalité de la participante 10 va nous apporter un éclairage diffèrent dans la

mesure où son témoignage s’appuie sur une expérience exclusive en milieu francophone

minoritaire que ce soit en Ontario, en Alberta ou lors de vacances ponctuelles dans sa

famille en Acadie :

Page 201: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

185

P. 10 : Quand je vais ailleurs souvent les gens me demandent / si j’suis dans

un autre pays / en France / s’ils pensent que je suis québécoise / j’dirai que

je suis Canadienne-française //

F : Ils savent ce que ça veut dire?

P. 10 : Non peut-être pas / j’sais pas (rires)

F : Pour toi ça veut dire quoi?

P. 10 : Canadienne-française? / j’suis partie d’un / j’suis francophone du

Canada puis à cause du fait que j’suis pas seulement franco-ontarienne,

puis là que j’vis en Alberta / c’est juste comme un mélange de touT /

(rires) au lieu de dire juste franco-ontarienne ou juste franco-albertaine//

L’approche de cette répondante est intéressante car elle met l’accent sur une représentation

de minoritaire. Dans ce sens, elle semble plutôt rejoindre ce que j’ai relevé dans les

journaux notamment en ce qui concerne la problématique de la nation canadienne-française

et de l’unité nationale. En cela, ces résultats révèlent et confirment que l’on ne peut

absolument pas envisager une perspective en fonction d’une seule époque ou d’une tranche

d’âge particulière. Ce sont les répertoires linguistiques et ethnoculturels qui vont influer

sur les stratégies identitaires déployées par les acteurs sociaux. Il demeure donc important,

pour le chercheur, de veiller à rester vigilant et objectif en tout temps en proposant plusieurs

alternatives à la réalité sociale qui semble prédominante :

[w]hat we take to be experience of the world does not in itself dictate the

terms by which the world is understood. What we take to be knowledge of

Page 202: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

186

the world is not a product of induction, or of the building and testing of

general hypotheses (Gergen & Gergen (Eds.), 1985, p.4).

Ainsi, bien qu’elle soit environ âgée d’une vingtaine d’années, la participante 10 ne

considère pas le terme « Canadienne-française », qu’elle utilise d’ailleurs pour se qualifier,

comme désuet ou connoté. Le sens révélé par le participant 27 semble absent du

commentaire de la participante 10. En outre, le terme est utilisé, comme nous l’avions

mentionné précédemment en complément d’autres termes [« francophones du Canada;

j’suis pas seulement Franco-ontarienne, puis là que j’vis en Alberta »] avec lesquels il

ne rivalise pas. Il faut aussi ajouter qu’en général chez les francophones issus des

communautés minoritaires, le terme « Canadiens français » peut être utilisé, dans un

contexte actuel, afin de référer à l’ensemble des Canadiens francophones, ce que précise la

participante 10 lorsqu’elle dit : « c’est juste comme un mélange de touT au lieu de dire

juste Franco-ontarienne ou juste Franco-albertaine ».

Le commentaire de la répondante 17 [québécoise d’origine] résume, à travers son

cheminement de Canadienne-française à bilingue, la perspective québécoise d’une certaine

époque [« ma mère me disait quand j’étais très petite que j’étais une Canadienne-

française »] mais aussi l’attraction que peut constituer une langue seconde et la perspective

de son apprentissage [« on avait une voisine anglophone / c’était des personnes âgées elle

et son conjoint / puis ils étaient très très chaleureux avec nous et on les enviait de pouvoir

parler anglais / donc j’me disais un jour moi dans ma vie j’vais peut-être être bilingue »].

Son exemple nous révèle que la notion de « Canadienne-française » dans le sens québécois

Page 203: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

187

peut aussi finir par inclure la notion de « bilingue » dépendant une fois de plus de

l’expérience individuelle :

P. 17 : J’ai toujours été éduquée en français par mes parents / ma mère me

disait quand j’étais très petite que j’étais une Canadienne-française /

alors sans trop savoir ce que ça voulait dire moi j’la croyais / alors je disais

ça aux gens et / euh je parlais toujours français / sauf que / on avait une

voisine anglophone / c’était des personnes âgées elle et son conjoint / puis

ils étaient très très chaleureux avec nous et on les enviait de pouvoir

parler anglais / donc j’me disais un jour moi dans ma vie j’vais peut-

être être bilingue / alors c’était quand même important pour moi non

seulement d’être fière d’être francophone mais aussi de possiblement

parler une deuxième langue à l’aise //

Il faut bien se rendre compte du contexte dans lequel les Québécois âgés aujourd’hui de 45

à 60 ans ont grandi. L’ouverture à l’apprentissage d’une autre langue que le français ne

semblait pas particulièrement encouragé comme l’illustre le passage qui suit et qui dévoile

le point de vue de la participante 25 :

F : Et ensuite l’intérêt a fait que toi tu t’y [l’anglais] es intéressée toi

personnellement?

P. 25 : Oui

F : C’était pas vraiment la norme?

P. 25 : Je dirais que non / non ce n’était pas la norme / et il faut penser

aussi que dans / nous / on / j’ai grandi avec la loi 101 sur les langues

Page 204: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

188

officielles / il y avait beaucoup plus d’emphase sur l’idée de garder

notre langue que d’aller en apprendre d’autres / alors j’dirais qu’on était

un peu à contre-courant ceux qui voulaient apprendre l’anglais à ce

moment-là //

Alors qu’elle entame son explication concernant la perception et la représentation de

l’apprentissage de la langue anglaise au Québec dans le contexte des années 70, la

répondante 25 hésite entre l’utilisation des pronoms personnels « nous, on et je ». Elle se

positionne d’abord explicitement comme représentante de l’endogroupe « québécois » et

implicitement comme « francophone » lorsqu’elle réfère à son enfance : « nous / on / j’ai

grandi avec la loi 101 sur les langues officielles »; « l’idée de garder notre langue ». Puis,

dans un deuxième temps, elle se détache de l’endogroupe « québécois » qu’elle oppose à

l’exogroupe « ceux qui voulaient apprendre l’anglais » mais elle indique tout de même

qu’elle fait partie de cet exogroupe en utilisant une fois encore le pronom « on » : « j’dirais

qu’on était un peu à contre-courant ceux qui voulaient apprendre l’anglais à ce moment-

là ». À travers cet extrait, cette répondante nous permet de nous rendre compte de

l’incongruité d’apprendre des langues secondes dans le contexte québécois pourtant déjà

post Révolution tranquille. De plus, ses va-et-vient entre endogroupe et exogroupe révèlent

les stratégies identitaires qui ont été les siennes. Alors que le dialogue avec la participante

25 progresse son acception de la terminologie « canadien-français » se déploie et vient

nous apporter un angle non encore abordé par le reste des participants. En effet, bien que

québécoise d’origine, la répondante se présente parfois sous l’étiquette de Canadienne-

française. Elle nous dévoile dans les lignes qui suivent les raisons de ce choix :

Page 205: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

189

P. 25 : Je pense que si on dit « canadien-français » dans ma tête y’a un

sens de d’ouverture / d’ouverture vers le côté anglais canadien-anglais /

qu’il n’y a pas nécessairement une ouverture mais comme une proximité /

en fait tu veux faire une distinction entre « canadien-français » et

« canadien-anglais » mais que y’a t’as vécu ou tu vis cette proximité des

deux cultures […] je les vois comme complémentaires […]

Dans la première partie de son témoignage, cette participante se range un peu du côté du

répondant 27 quant à l’idée d’une complémentarité qui fait que si l’on mentionne le côté

français alors on envisage son pendant anglais. Cependant, elle poursuit et ajoute un point

intéressant :

P. 25 : […] dans le contexte aussi politique si je dis Canadienne-française

je m’identifie comme faisant partie du Canada / alors que si je dis

Québécoise ça s’oppose presque à Canadien / alors ça c’est une chose qui

fait que / parfois je vais dire Canadienne-française parce que moi je ne veux

pas être associée à l’idée politique que le Québec ne peut pas continuer

à fonctionner à l’intérieur du Canada / alors et / j’évite les questions de

politique autant que possible / ça ne m’intéresse pas de me retrouver dans

des / dans des arguments politiques mais euh pour éviter ça parfois / je vais

m’associer / m’identifier plus comme Canadienne-française pour donner /

comme information / j’espère que je donne ça comme information / que je

suis très heureuse de demeurer Canadienne //

Page 206: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

190

Dans ce cas particulier, la répondante souligne le fait qu’elle utilise une stratégie

d’évitement et de remplacement en ce qui concerne la manière de se présenter

culturellement. En effet, lorsque le terme « québécoise » peut engendrer la polémique elle

lui préfère la dénomination « canadienne française ».

Les exemples que je viens de présenter montrent une variation quant à l’usage et

au sens de canadien français en fonction du contexte sociolinguistique et du locuteur qui

l’utilise. À présent nous allons nous tourner vers le terme de « Franco-canadien » qui a lui

aussi fait l’objet de quelques-unes des réponses de mes participants.

6.2.3 Définitions du Franco-canadien en fonction du contexte social.

Dans la même lignée, j’ai remarqué qu’un autre terme englobant revenait dans des

contextes sociolinguistiques différents, dans la mesure où il a pu constituer le terme

préférentiel pour certains participants. Ce référent nominatif est « franco-canadien ». Ainsi,

comme pour le reste des références nominatives utilisées pour définir initialement une

certaine catégorie de Francophones, le terme « franco-canadien » renvoie à différentes

réalités en fonction de l’acteur social et de son expérience individuelle. Ainsi, pour la

participante 4, il s’agit :

P. 4 : [d]es Québécois qui sont déménagés en Alberta ou n’importe où dans

le Canada mais c’est pas les Québécois comme les Québécois j’trouve c’est

à part / les Franco-Canadiens c’est le reste du Canada qui parle le

français //

Page 207: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

191

Quand on s’attache à la définition produite par cette participante, il est intéressant de noter

la progression du groupe auquel elle fait référence car elle retrace le chemin suivi par la

nation canadienne-française. En effet, partant au départ du groupe « québécois », qu’elle

ne définit pas, et qui se serait installé ailleurs au pays, la participante dévoile le changement

identitaire qu’auraient subi ces groupes en allant s’installer loin de l’ancienne mère patrie;

ce faisant elle élargit de manière consciente ou non sa définition lorsqu’elle conclut en

disant : « c’est le reste du Canada qui parle le français », soit toutes les communautés

francophones sauf le Québec. En cela, la définition de cette répondante semble être un

synonyme de « canadien français », dénomination étudiée lors des exemples précédents.

Trois autres participants (8, 11, et 20) utilisent la dénomination « franco-canadien » pour

signifier à la fois qu’ils sont originaires de France et qu’ils vivent à présent au Canada. Le

profil de ces participants est relativement identique dans la mesure où le nombre d’années

passées en Alberta s’échelonnent de 15-20 ans à plus de 27 ans. Encore une fois, le sens

des catégories est défini par l’utilisation qu’en fait le locuteur en fonction de ses

expériences sociales. Dans ce contexte, je vous propose d’observer à présent les différentes

utilisations d’étiquettes de la francophonie canadienne locale.

6.3 Francophonie canadienne locale : Franco-albertain, Acadien, et autres Franco-

6.3.1 Franco-albertain : Une identité territoriale et linguistique?

D’abord, la recherche du terme « Franco albertain » sur le site des archives Peel’s

Prairie Provinces, nous informe que 218 occurrences du terme sont répertoriées. Elles sont

issues d’articles publiés entre le 14 février 1929 et le 8 novembre 1967, soit presque

Page 208: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

192

pendant toute la durée de vie du journal La Survivance. Il est donc intéressant de noter que

le recours à la référence nominative « franco albertain » n’a pas seulement commencé à

faire son apparition comme conséquence de la Révolution tranquille québécoise. Dès 1929,

ce référent, dans son utilisation surtout adjectivale, s’accompagne de substantifs tels que

« groupe » à 57 reprises ainsi que dans 2 articles des 30 mai et 3 juin 1929 et du 24 avril

1930. Peu à peu cette utilisation va évoluer vers le substantif « Les Franco-albertains »

notamment dans l’article de La Survivance du 14 juillet 1937 qui dépeint un portrait des

Franco-Albertains d’alors :

Mais, il est une dette dont les Franco-Albertains ne tiennent pas à se

libérer, c’est bien cette dette héréditaire et imprescriptible envers la vieille

province de Québec, qui a donné à l’Alberta ses enfants, c’est aussi cette

dette plus lointaine, mais sans cesse renouvelée et toujours vivante envers

la France qui a prêté aux Franco-Albertains sa langue et son idéalisme.

Les Franco-Albertains se rappellent aussi avec gratitude la dette qu’ils ont

contractée envers leurs premiers missionnaires, principalement les héros

qui furent les Pères Oblats […]. Les Franco-Albertains veulent être

fidèles à leurs traditions, et cette persévérance française que montre un

petit peuple qui vit à 2,000 milles de Québec et à près de 5,000 milles de

Paris, cette persévérance française doit être méritoire33 […]

33, « Notre dette envers Québec », La Survivance, 14 juillet 1937, p. 1.

Page 209: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

193

Ainsi, le journaliste nous rappelle que le groupe franco-albertain est défini par son

caractère « idéaliste » et « persévéran[t] », et par son isolement (« un petit peuple qui vit

à 2,000 milles de Québec et à près de 5,000 milles de Paris »). En outre, et contrairement

à une perception fort répandue, l’utilisation « franco-albertain » ne se fait pas toujours au

dépend de l’utilisation du terme « canadien-français ». Dans un article de La Survivance,

daté du 21 avril 1937, le journaliste ajoute à ce profil la notion de « responsabilité » qui

vient avec le fait d’être minoritaire :

Avec quelle force, avec quelle persévérance, avec quel cœur ils sauront

aussi le défendre, et, au besoin, l’accroître […] Le projet était à peine

lancé par l’A.C.F.A. que déjà plusieurs offraient leurs souscriptions et

disaient à nos jeunes : Allez à Québec, avec le bagage de fierté nationale

que vous possédez déjà et puisez-y, aux sources de ces démonstrations de

la vigueur d’une grande race, de nouvelles convictions, une nouvelle

fierté que vous communiquerez à tous les Franco-albertains34.

Un autre article vient compléter l’information sur le groupe franco-albertain qui est

d’emblée qualifié de « minorité » :

La minorité franco-albertaine s’est accrue numériquement depuis 1937,

par le fait de sa natalité et par la venue d’un certain nombre de familles

émigrées de Québec ou des autres provinces. […] La majorité de la

population franco-albertaine vit en campagne ou dans les centres ruraux.

34 « Un Congrès de toute la race française : Faisons connaître notre jeunesse dans la province de Québec »,

La Survivance, 21 avril 1937, p. 1.

Page 210: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

194

Elle est groupés [sic] en trois noyaux assez solides : au nord d’Edmonton,

dans le diocèse de St-Paul et à la Rivière-la Paix35 […]

À présent, j’ai décidé de vous présenter des points de vue de répondants qui ne

s’identifient pas comme franco-albertain (membre de l’exogroupe; P. 27) alors que d’autres

s’identifient et se définissent comme « franco-albertain » (membres de l’endogroupe, P. 4;

P. 6) :

F : Est-ce que tu pourrais être appelé Franco-albertain par des gens ici ? Ça

t’es déjà arrivé ?

P. 27 : Non / mais j’ai pas le besoin d’être identifié comme un Franco-

albertain / parce que pour moi Franco-albertain c’est la naissance plutôt

/ Je parle français / j’suis francophone / j’suis albertain mais d’aller à

Franco-albertain / est-ce que ça m’donne un 10% de plus sur mon rapport

d’impôt / non alors j’ai pas besoin de cette étiquette-là / Franco-albertain

définirait que peut-être je ne parle que français et l’anglais avec une

difficulté //

Le participant 27 nous propose sa définition de franco-albertain, lui-même ne se qualifie

pas comme « franco-albertain » mais nous donne tout de même des critères de définition :

« pour moi Franco-albertain c’est la naissance; […] Franco-albertain définirait que

peut-être je ne parle que français et l’anglais avec une difficulté »

35 « La vie française en Alberta », La Survivance, 9 juillet 1952, pp. 2-3.

Page 211: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

195

En revanche, comme nous le rappelle la participante 4, ce qui caractérise l’identité

franco-albertaine par rapport à l’identité québécoise c’est non seulement une dimension

territoriale (le fait d’être né en Alberta) qui a également été relevé par les participants 35

(questionnaire) et 27 (entrevue) mais aussi plutôt que d’avoir une identité linguistique fixe

francophone, il s’agira plutôt d’avoir une identité linguistique bilingue français-anglais :

P. 4 : On est de souche québécoise vivant en Alberta / on connaît

l’anglais très bien / ils sont très enfermés dans leur petite province / nous

[les Franco-Albertains] on est plus ouverts / on veut explorer le monde //

La participante prend aussi l’exemple de sa propre parenté québécoise qui ne leur

rend pas souvent visite en Alberta, peut-être à cause de leur difficulté à parler

correctement anglais pour ajouter « on est plus ouverts, on veut explorer le

monde ».

Un autre point intéressant a été soulevé par la participante 6 qui présente le caractère

bilingue comme placé sur un continuum avec l’une des extrémités représentant le pôle

« francophone » alors que l’autre serait le pôle « anglophone ». Cela ne va pas sans nous

rappeler le modèle conceptuel développé par Landry, Allard & Deveau (2013). Ainsi, elle

définit « bilingue » comme suit :

P. 6 : Le Québec ça nous tient à cœur […] on veut être capable d’interagir

avec notre famille […] quand j’étais jeune j’étais moins bilingue parce

qu’on était très francophone […] ça dépend d’où on est dans notre vie

/ aussi comme / quand j’étais à l’école francophone / peut être que j’étais

Page 212: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

196

plus bilingue mais du côté français / mais maintenant j’pense que ça

s’rait plus fort du côté anglophone //

La partie suivante va s’intéresser à l’étiquette choisie par deux de mes

participantes : « acadienne ».

6.3.2 Acadien

Dans mon échantillon total de répondants (questionnaire et entrevue), deux

participantes, 21 et 10, ont mentionné l’adjectif « acadienne » dans leurs réponses.

Toutefois, il y a beaucoup de différences entre ces deux participantes même si quelques

similitudes méritent aussi d’être relevées. La participante 21, est en fait la seule à s’être

uniquement présentée comme acadienne. Voici ce qu’elle dit à propos de son identité :

« Ben j’crois qu’être acadienne pour moi c’est d’être élevée dans les provinces maritimes

/ du Canada / pis de parler un français qui est pas toujours / propre […] ». Elle nous donne

sa définition de ce que cela signifie pour elle que d’être acadienne : un certain territoire et

une certaine langue, le chiac. Puis, elle ajoute la notion de culture qui, pour elle, passe aussi

par une certaine nourriture : « ben c’est une culture à mon avis l’Acadie c’est une culture /

la nourriture qu’on mange ».

De plus, dans mon échantillon de participants, il est intéressant de noter le rôle

identitaire que joue la nourriture qui est perçue chez plusieurs (voir par exemple

participante 10) comme un acte que l’on pourrait qualifier de transculturel dans la mesure

où il permet de se connaître d’abord soi-même à travers une pratique culturelle familière

nous permettant dans un deuxième temps une ouverture vers la culture de l’autre : l’idée

Page 213: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

197

de culture passe ici par la notion de partage et se trouve au centre de ces pratiques

culinaires. C’est une constante que j’ai retrouvée chez plusieurs autres participants s’étant

auto-identifié comme Francophones (participants 10 et 3 par exemple) à travers des notions

telles que l’hospitalité (voir ; participant 3). Cette idée de partage est particulièrement bien

exprimée dans la suite du témoignage de la participante 21. En effet, suite à ma question,

« c’est quoi la nourriture qu’on mange par exemple en Acadie? », la répondante s’engage

dans une explication relativement exhaustive de ce que l’on entend généralement par

nourriture en Acadie :

P. 21 : Ben on mange des poutines râpées / et on mange du râpé / des crêpes

râpées / beaucoup de râpé /

F : C’est quoi le râpé? //

P. 21 : Râpé c’est quand tu prends une patate cruT / pis tu la râpes t’utilises

la râpure / on fait des crêpes / on fait des carrés comme ça / ça ressemble à

des gâteaux aux patates / on fait des poutines râpées / c’est des patates cuites

/ des patates crues pis de la viande salée / du fricot / ben y’en a comme d’la

tarte aux coques / des coques comme / des clams / les coques c’est comme

des moules mais blanc / on mange beaucoup de coques / Ok beaucoup de

crustacés […]

Plus tard dans l’entrevue, la participante explique ce qu’elle entend par caractère français :

P. 21 : not’ sang / on a un caractère comme fort / et ça / ça vient des

Français (rires) / chais pas / c’est toujours ça qu’j’ai cru (rires) […] en fait

j’pense que c’est parce qu’on est passionnés / les Français on a un

Page 214: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

198

caractère passionné / pis têtu [elle martèle du poing sur la table comme

pour appuyer ce fait] / ben nous autres comme en Acadie on n’a pas eu le

choix d’être têtu parce que si tu regardes dans notre collectivité / on a

été chassés de notre pays / et on est revenus [elle frappe à nouveau du

poing sur la table] […] 1755 ils nous ont touT chassés mais on est revenus

nous autres s’installer / allo / ça c’est têtu comme y’en a pas d’autres

(rires) / j’crois qu’c’est en collectif pis parce qu’on a été / c’est pauvre /

c’est très pauvre / on travaille dur / on s’bat pour la survie quoi / pis j’pense

qu’en collectif on est (inaudible) //

Ici la répondante explique ce qui fait l’identité acadienne : la référence à la mémoire

collective du Grand Dérangement, la capacité et la force de la nation acadienne de revenir

sur leurs terres et de se battre pour leur langue et leur identité distinctes. De plus, elle met

aussi l’accent sur la force de leur communauté notamment grâce aux actions collectives

menées. La deuxième participante ayant eu recours à l’étiquette « acadienne » (P. 10) l’a

surtout utilisée en référence à l’identité de sa famille du côté de sa mère, accordant plutôt

un rôle symbolique à cette identité acadienne ancrée dans la mémoire de l’histoire

familiale. Compte tenu du fait qu’elle soit née en Ontario et que sa famille paternelle soit

franco-ontarienne, il semble que ce soit l’identité privilégiée par la participante, comme

elle l’explique dans l’extrait qui suit :

P. 10 : À l’école j’avais vraiment appris du côté franco-ontarien / et ma mère

même si elle avait vécu tellement en Ontario qu’elle / elle aussi commençait

à se voir comme franco-ontarienne //

Page 215: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

199

F : Et acadienne?

P. 10 : J’avais vraiment plus appris du français en Ontario / et l’Acadie

c’était quelque chose qu’on parlait parfois / mon père / ils travaillaient dans

des groupes qui faisaient touT pour garder le français dans la communauté//

6.3.3 Franco-ontarien

La lecture de l’extrait suivant illustre le point selon lequel le recours à l’acte de

catégorisation sociale ne se révèle pas toujours aussi pertinent qu’il n’y paraît :

P. 10 : C’est intéressant parce que quand j’étais en Ontario / j’disais souvent

que j’étais Franco-ontarienne mais là que j’vis plus en Ontario j’me vois

toujours comme Franco-ontarienne / mais là j’vois que comme chui

canadienne / parce que c’est pas que j’parle juste le français en Ontario /

puis j’ai rencontré plusieurs francophones qui viennent pas de l’Ontario ou

pas du Québec / so j’trouve ça plus simple de juste dire que je viens du

Canada / parce c’est pas comme tellement nous mettre dans des p’tites

catégories […]

Le participant 27 va aussi un peu dans le sens de la participante 10 lorsqu’il dit :

P. 27 : Non (rires) / j’aime pas l’étiquette Franco-albertaine […] / j’aime

pas ces étiquettes Franco depuis mon jeune âge j’étais French Canadian //

Dans le contexte actuel caractérisée par une mobilité accrue, il semble de plus en

plus critique de se cantonner à une appellation unique. Telles des cartes que l’acteur social

Page 216: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

200

extrairait de son jeu virtuel, la référence nominative n’a pas toujours lieu d’être comme

nous le rappelle fort justement les participants 10 et 27.

6.4 Stratégies identitaires

Selon Kastersztein (1990), la notion de « stratégies identitaires » est d’abord liée à

celle de « victoires identitaires ». En d’autres termes, elles se rapportent aux objectifs ou

« finalités » que les acteurs sociaux se fixent en matière d’acceptance, de reconnaissance

et de valorisation de leurs composantes identitaires par autrui. Il s’agit ainsi de processus

d’adaptations, c’est-à-dire de constantes (re)négociations ou plutôt de « tactiques »

interactives au cours desquelles

les acteurs [sociaux] vont réagir en fonction de la représentation qu’ils se

font de ce qui est mis en cause dans la situation [sociale], des enjeux et des

finalités perçus, mais également en fonction de l’état du système dans lequel

ils sont impliqués et qui fait peser sur eux une pression constante à agir dans

tel ou tel sens (Kastersztein, 1990, p. 31).

Dans cette perspective d’évaluation, Kastersztein (1990), nous présente différents

types de stratégies identitaires parmi lesquelles l’acteur social ou le groupe social

va puiser au gré des événements et des époques : 1) la conformisation; 2)

l’anonymat; 3) l’assimilation; 4) la différenciation; et 5) la visibilité sociale

(Goffman, 1959 & Moscovici, 1979 cité dans Kastersztein, 1990, p. 32).

Finalement, le recours aux stratégies identitaires a pour visée la

reconnaissance de l’existence de l’acteur social dans le contexte dans lequel il

Page 217: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

201

évolue et interagit. En ce sens, cela comprend non seulement la reconnaissance de

son appartenance mais aussi la perception subjective de cette reconnaissance. Dans

cette perspective, Kastersztein ajoute que « ce double aspect : appartenance et

spécificité (ou singularité) est un élément majeur pour la compréhension des

comportements identitaires finalisés » (Ibid., p. 32). Ainsi, la notion d’appartenance

se trouve-t-elle au cœur des préoccupations des chercheurs s’intéressant à la notion

de stratégies identitaires puisqu’ « appartenir à une culture, une nation [ou encore

à un] groupe implique qu’on soit reconnu comme semblable aux autres sur quelques

caractéristiques jugées essentielles, mais rarement explicitées » (Ibid., p. 32).

La suite de ce chapitre nous propose d’explorer comment les discours des

journaux et ceux des participants à mon enquête révèlent l’utilisation de stratégies

identitaires.

6.4.1 La conformisation et l’anonymat.

Lorsque la finalité de l’acteur social est la conformisation, la stratégie identitaire

associée consiste à « évaluer consciemment ou inconsciemment le degré de similitude qui

existe entre un acteur [social] et son environnement » (Kastersztein, 1990, p. 33).

Il est évident qu’avec notre traditionnel complexe d’infériorité, nos pseudo-

intellectuels formés à l’étranger n’ont pas voulu demeurer en marge de ces

idées […] et, la peur aidant, ont vite fait de jeter par-dessus bord les

valeurs traditionnelles. Il faut être de son temps, de son époque. Puis

les idées de la grande libération des préjugés anciens ont fait leur

Page 218: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

202

chemin. C’est la crise du Canada français. […] Dans l’un comme dans

l’autre cas, le Canadien français se tourne contre lui-même; les valeurs

qui l’avaient marqué, sa culture, sa foi, disparaissent chaque jour

davantage; la fierté de l’une et l’autre, il n’en a plus; il n’en a même

plus que faire36.

Ce passage, issu de La Survivance du 27 janvier 1965, illustre la prise de conscience

des Canadiens français qui ne veulent plus nécessairement s’afficher comme différents. Ils

se conforment aux nouvelles valeurs et idéologies découlant des changements induits par

la Révolution tranquille. Ils jettent au feu les traditions qui faisaient d’eux des Canadiens

français en particulier, la religion catholique.

Le deuxième type de stratégie mise en œuvre quand les acteurs et groupes sociaux

se trouvent dans une situation où leurs actions peuvent avoir des conséquences négatives

est l’anonymat. Dans le contexte des groupes minoritaires, le but avoué est de « se fondre

dans la foule » afin de conserver une situation un tant soit peu confortable (Kastersztein,

1990, p. 35). Dans cette perspective, on va veiller à ce que l’individu ou le groupe ne se

fassent pas trop remarquer. Un exemple de stratégie d’anonymat est issu de La Survivance

du 9 novembre 1966 :

Il est difficile de reconnaître dans la rue un Canadien français dans la foule

des autres citoyens et c’est ainsi qu’ils le veulent. Il n’y a pas de raison

pour eux de devenir un groupe rébarbatif […]37

36 La Survivance, « Les Canadiens français contre eux-mêmes », 27 janvier 1965, p. 2. 37 La Survivance, « Les Canadiens français de Calgary vus par un journaliste de The Albertan »; 9

Novembre 1966, p. 1; Ashley Ford.

Page 219: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

203

La stratégie de l’anonymat consiste en particulier à ne pas parler français dans l’espace

public, plusieurs de mes participants ont mentionné des anecdotes qui parlaient de cette

pratique, en particulier les participantes 4 et 10.

6.4.2 L’assimilation.

Dans le contexte de l’assimilation, « les acteurs sociaux impliqués vont non

seulement tenter de faire admettre leur appartenance mais faire en sorte qu’elle ne puisse

plus être remise en cause. Ils vont prétendre avoir oublié les caractéristiques historiques et

culturelles qui les rendaient distincts et accepter l’ensemble des valeurs et des normes

dominantes » (Kastersztein, 1990, p. 35). Cependant, l’individu qui trahit sa culture

d’origine est fortement sanctionné par les membres de cette dernière. S’assimiler c’est

[aussi] accepter de subir cette sanction, sans avoir la certitude d’une bonne acceptation de

la culture d’accueil […]. Lorsque les individus […] ne parviennent pas à atteindre l’un de

ces objectifs leurs stratégies évoluent et changent (Kastersztein, 1990, p. 36).

Le parcours de la participante 19 est intéressant puisqu’il est jalonné de diverses

expériences; elle a en effet quitté la Colombie (Cartagena dans la province de Bolivar),

pour les États-Unis (New York) pour s’établir dans un premier temps à Montréal et

finalement arriver à Calgary (elle y habite depuis 5-9 ans). Cet itinéraire ne semble pas se

refléter dans l’identité exprimée : canadienne. Peu de choses sont dites sur le pays d’origine

en relation à la langue et la culture. Après presqu’une heure d’entretien, voilà ce que la

participante me confie :

Page 220: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

204

P. 19 : Je me demande pourquoi je vais aller à la Colombie / pourquoi […]

/ ça ne m’a jamais manqué / pourquoi / je te dis vraiment depuis que je suis

petite je n’aime pas mon pays / je n’aime pas ma ville / je n’aime pas

l’environnement / j’aime beaucoup les gens mais je n’aime pas la

CULTURE / je me sens vraiment différente / je me demandais toutes les

fois si j’ai été mise par accident là-bas […] pourquoi je me sens tellement

différente? […] et quand je suis arrivée au Québec la culture c’était quelque

chose qui m’a fait me sentir bien / j’ai beaucoup aimé New York […] mais

quand je suis arrivée au Québec je me suis tout de suite identifiée avec les

gens qui parlent français / plus qu’avec les gens qui parlent espagnol à New

York ou anglais / anglais je l’aime beaucoup mais pas comme le français //

[…] Moi je m’exprime beaucoup mieux avec le français [que l’anglais] / je

suis plus confortable d’avoir un environnement francophone / aussi, je

demande dans les institutions d’avoir mes services en français //

Le désarroi de cette répondante en ce qui a trait à sa culture d’origine est un peu

déroutant et peut sans doute expliquer les raisons de son immigration au Canada. Dans un

deuxième temps, cependant, elle partage avec nous son amour pour la langue et la culture

française lorsqu’elle est arrivée au Québec, ce qui constituait sa première destination

d’immigration au Canada. Dans le deuxième extrait plus court, elle précise que même dans

un espace public anglophone comme Calgary, elle s’arrange toujours pour obtenir le

service en français là où c’est possible. Cette participante nous permet de comprendre le

sentiment d’appartenance aux communautés québécoise puis francophone de Calgary.

Page 221: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

205

La partie suivante s’intéresse au dernier type de stratégie identitaire déployé par

certains acteurs sociaux.

6.4.3 La différenciation.

La stratégie identitaire que l’on nomme « différenciation » a été définie par

Lemaine (1974 cité dans Kastersztein, 1990, p. 37) comme

un ensemble de phénomènes par lesquels des personnes se déplacent vers

de nouvelles conduites, de nouveaux espaces de vie, inventent de nouvelles

dimensions de jugements ou d’évaluation relatives aux modes de faire et

d’être avec autrui.

Il est intéressant de noter que le premier exemple choisi pour illustrer la

différenciation comme un type de stratégies identitaires est extrait du même article que

l’exemple utilisé pour montrer la stratégie identitaire de l’anonymat. Ce choix prouve que

le recours à divers types de stratégies va être dicté par divers contextes et acteurs sociaux.

En effet, le devenir d’une communauté est également marqué par son propre parcours

identitaire qui n’est pas linéaire et qui est marqué par des mouvements de va-et-vient,

d’hésitations, qui contribuent à son enrichissement linguistique et culturel.

Il faut toutefois reconnaître que beaucoup plus de gens parlent

maintenant ou désirent parler leur langue et un plus grand nombre aussi

sont conscients de leur existence au sein de la cité. Ce fait encourage le

meilleur optimisme pour l’avenir.

[…]

Page 222: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

206

Mais ces Canadiens français sont-ils différents des autres citoyens de la

ville? ‘Il est vrai que nous parlons une autre langue mais tout ce que nous

demandons, c’est le droit de vivre notre vie comme nous le voulons et

selon la façon dont nous avons-nous-mêmes [sic] été élevés. Et le docteur

fait aussitôt remarquer qu’il ne veut pas ainsi critiquer les Canadiens

d’expression anglaise et admet que les Canadiens français sont bien

acceptés […] ‘Quelquefois même, nous sommes très surpris de nous

adresser en français et de nous entendre répondre dans la même langue,

cela est d’ailleurs très bon’38.

Cette partie de l’article de La Survivance du 9 novembre 1966 nous permet ainsi de montrer

l’évolution des stratégies identitaires ayant eu cours au sein de la communauté francophone

de Calgary. Comme il s’agit de la période de la Révolution tranquille on perçoit déjà une

certaine transition dans le discours : de l’anonymat on est désormais passé à la

différenciation.

Dans ce type de stratégie identitaire, l’appartenance revendiquée s’avère en général

être celle d’une différence ou d’une origine spécifique. Dans le cas du pays d’origine par

exemple, il semble que les participants revendiquant leur appartenance ethnique d’origine

soient en mesure de le faire car ils perçoivent le Canada comme une société multiculturelle

où leur origine a sa place surtout en l’absence de « légitimité » canadienne comme c’est le

cas pour les participantes 2 et 5. Toutefois, la participante 1 semble se placer dans un autre

38 La Survivance, « Les Canadiens français de Calgary vus par un journaliste de The Albertan »; 9

Novembre 1966, p. 1; Ashley Ford.

Page 223: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

207

contexte puisqu’elle s’appuie plutôt sur sa « fierté d’être française » et non pas sur le fait

d’être ou de ne pas être canadienne. Ceci a à voir avec le pouvoir, l’hégémonie dont la

variété « français de France » jouit surtout auprès de la majorité anglophone. À ce propos,

le discours de cette même participante va un peu plus loin lorsqu’elle mentionne, cette fois-

ci dans son questionnaire, le fait que ses collègues la qualifient en lui disant : « oh real

French! » (P. 1)

L’exemple de la participante 21 qui se présente comme acadienne répond elle aussi

à cette finalité de différenciation par rapport à quelqu’un qui ne s’identifierait que comme

albertain. En effet, en nous expliquant ce qu’elle entend par identité acadienne, elle ne

manque pas d’insister sur deux aspects : « le français qui n’est pas propre », en référence

au chiac et « l’utilisation de la patate dans la cuisine acadienne ». De plus, elle se positionne

aussi comme différente des Québécois en expliquant l’attitude que certains ont pu exprimer

à son égard. De manière intéressante, elle place les Québécois originaires de Gaspésie à

part, un peu comme si cette région entre Nouveau Brunswick et Québec jouait le rôle d’un

pont entre deux cultures : l’acadienne et la québécoise :

F : Et avec ta colocataire québécoise?

P. 21 : Avec elle aussi / au début j’me forçais beaucoup / elle est

Gaspésienne / ça c’est entr’le Québec et l’Acadie / alors elle aussi elle a des

expressions / sa mère elle a des expressions qui sont similaires aux nôtres /

so c’est un p’tit peu comme un pont entre l’Acadie pis l’Québec / la

Gaspésie //

Page 224: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

208

Ce pont que la participante 21 établit met encore une fois l’accent sur l’existence d’une

perspective transculturelle au cœur de toutes ces réflexions identitaires.

6.4.4 Du sentiment d’infériorité à la visibilité sociale : évolution du discours

minoritaire francophone.

Comme l’avance Williams (1992), évoluer dans un milieu minoritaire implique, au

préalable, la légitimité du dominant, favorisant ainsi une identité négative du groupe

minoritaire. Dans ce contexte où une communauté se retrouve minorisée, ce sentiment

d’infériorité s’exprime. Ce discours du minoritaire constitue la trame narrative des discours

issus des journaux de manière relativement explicite comme les extraits qui suivent en

témoignent. Ainsi, ce premier passage extrait de La Survivance du 4 août 1943 nous

présente-t-il deux aspects fondamentaux mais aussi, à première vue, antithétiques de la

nation canadienne-française. En effet, cette dernière fait montre, selon les circonstances,

d’un sentiment de fierté jumelé à l’expression d’un sentiment d’infériorité parfois non

contenu :

Or pour nous, Canadiens-français, le premier élément de force c’est la fierté

nationale. Trop des nôtres complexe [sic] d’infériorité. Ils sont portés à se

considérer comme des intrus en pays étranger et semblent vouloir

s’excuser ou presue [sic] se faire pardonner d’être canadiens-français39

Ce double sentiment s’explique par l’histoire et la mémoire de la nation canadienne

française qui a dû lutter pour garantir quelques-uns de ses droits qui lui avaient été abrogés.

39 « L’Unité canadienne et notre fierté nationale : Une lutte de races » ; La Survivance, 4 août 1943, p. 2 &

7.

Page 225: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

209

Cette oppression couplée à des situations sociolinguistiques inégalitaires à l’échelle du

pays font que ces sentiments s’expriment différemment en fonction du contexte et de

l’acteur social qui l’utilise; il faut en effet se souvenir que la mort de Duplessis au Québec

met fin à la période de la Grande Noirceur déclenchant par là-même une série de

modifications profondes de la société canadienne-française d’alors qui finira par s’appeler

« québécoise »; la quinzaine d’années qui va suivre va voir les conséquences de ces

changements, qui ont lieu d’abord au Québec, modifier profondément le paysage politico-

linguistique du pays tout entier, en particulier les régions francophones vivant en situations

minoritaires. Dans ce contexte de Révolution tranquille, Beriault écrit le 27 janvier 1965,

dans La Survivance :

Il est évident qu’avec notre traditionnel complexe d’infériorité, nos

pseudo-intellectuels formés à l’étranger n’ont pas voulu demeurer en marge

de ces idées […] et, la peur aidant, ont vite fait de jeter par-dessus bord

les valeurs traditionnelles. Il faut être de son temps, de son époque. Puis

les idées de la grande libération des préjugés anciens ont fait leur chemin.

C’est la crise du Canada français. […] Dans l’un comme dans l’autre cas,

le Canadien français se tourne contre lui-même; les valeurs qui l’avaient

marqué, sa culture, sa foi, disparaissent chaque jour davantage; la fierté

de l’une et l’autre, il n’en a plus; il n’en a même plus que faire40.

40 La Survivance, « Les Canadiens français contre eux-mêmes », 27 janvier 1965, p. 2.

Page 226: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

210

Dans ce passage, l’auteur met l’accent sur l’abandon de certaines valeurs que l’on jugeait

jusque-là comme intrinsèques à l’identité canadienne française, sa langue et sa culture

françaises et sa foi catholique. En effet, dans les années 80, en Alberta, la terminologie

« canadien-français » peut encore être utilisée à des fins inclusives même si elle semble

avoir été « abandonnée » quelques années auparavant, comme le souligne Mme Côté-

Baillargeon, dans un article du Franco du 17 février 1982 :

Et en Alberta, il y a des Canadiens-français à Calgary mais il y a aussi la

Société Franco-canadienne de Calgary et puis il y a des Québécois qui sont

arrivés en hordes pour trouver du travail! C’est ce que les journaux de

Calgary prétendent. On y voit un sujet de grande discrimination envers nos

frères canadiens-français qui arrivent du Québec tout récemment.

[…]

Au diable l’histoire d’être Franco-albertain ou Franco-ontarien ou

Québécois. Redevenons ce que nous étions il y a quinze ans. Redevenons

Canadiens-français et appelons-nous Canadiens-français, rien

d’autre41.

Dès la fin des années 60-début des années 70, conséquence de la Révolution tranquille au

Québec, l’on abandonne progressivement la terminologie « canadien-français » pour se

détacher de la mère patrie et laisser peu à peu place à des ethnonymes basés sur le lieu

géographique tels que Franco-albertain. Cependant les analyses des articles de journaux ne

41 Le Franco, « Dorénavant, Canadiens français et non Franco-albertains ou Québécois », 17 février 1982,

p. 8.

Page 227: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

211

semblent pas tout à fait corroborer cela puisque comme on l’a vu dans le chapitre précédent

la stratégie qui semble prévaloir dans le contexte francophone minoritaire est de chercher

un terme rassembleur; c’est pour cela que dans l’extrait qui suit l’auteure, Mme Côté-

Baillargeon, préconise plutôt un retour à l’utilisation de la terminologie « canadien

français » afin d’éviter la fragmentation de la nation canadienne-française :

Pour solutionner le problème, je propose qu’on fasse l’unité canadienne-

française. Et le Canada français, c’est partout au Canada où on parle

français. Alors en Alberta, comme ailleurs, pourquoi pas laisser tomber

le régionalisme mené à son plus haut degré. Redevenons Canadiens-

français.

En suggérant ainsi un retour à la référence « canadien français » plutôt que « franco

albertain », l’auteure propose le rassemblement avec une définition large du Canada

français basée sur l’aspect purement linguistique « partout au Canada où on parle français »

et ne s’attache absolument pas aux spécificités de certains groupes qui se perçoivent

comme distincts tels que celui des Québécois. Elle continue et précise que même si la

francophonie canadienne connaît une période d’émoi, il faut quand même viser l’unité y

compris avec le Québec. Cette posture qui n’est pas forcément celle adoptée par le reste

des minorités francophones à travers le pays demeure plutôt marginale. En effet, comme

Frenette l’a précisé lors d’une table ronde en 2014 : en général, ces minorités vivant en

situation minoritaire revendiquent plutôt « une forme de modernité s’exprimant par une

volonté de se distinguer de la mère patrie québécoise ». Cette différence de position vaut

Page 228: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

212

toutefois droit de cité afin de démontrer la division sous-jacente au sein de la francophonie

canadienne :

La grande famille canadienne-française est troublée. Certains agitateurs

venant de je ne sais quels pays, essaient de nous détruire. Réveillons-nous

avant qu’il soit trop tard. Rentrons au Canada où nous appartenons

depuis 3 siècles et faisons vite avant que les Anglais nous mettent dehors

pour de bon. Hors du Canada, plus jamais, hors du Québec plus jamais! (Le

Franco, 17 février 1982; p. 8)

Dans ce contexte, le discours minoritaire connaît des soubresauts en fonction des

époques et des leaders communautaires qui font varier les stratégies identitaires. Ainsi,

dans un article de La Survivance daté du 25 juillet 1929, concernant le Congrès de l’ACFA,

la stratégie de l’auteur consiste à présenter la minorité franco-albertaine comme forte et

puissante. Pour ce faire, il établit un parallèle avec la minorité acadienne et cite à ce propos

Mgr Pâquet. Voici ce qu’il relève :

Mgr Pâquet dit quelque part, en parlant des minorités acadiennes, et de leur

réveil : « L’histoire de ce peuple est un prodige de ténacité religieuse et

nationale. Fidèles aux croyances et aux vieilles traditions françaises, les

Acadiens ont grandi dans l’épreuve et vaincu les plus rudes obstacles, et

l’énergie vitale par laquelle ils se multiplient en a fait une minorité vraiment

imposante. « La Providence se joue des calculs des hommes; et elle marque

souvent son action par d’éclatants retours de justice. Elle venge, dans

l’existence bénie des fils, l’honneur et la fortune des ancêtres ». N’est-ce

Page 229: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

213

pas là, le cas de la minorité Franco-Albertaine? L’heure du grand réveil

a tardé mais s’annonce grandiose, réconfortant, magnifique.

La stratégie de la visibilité sociale semble correspondre à la stratégie de choix des

représentants de la francophonie calgarienne de mon échantillon. En effet, plusieurs de mes

participants ont fait référence d’une manière ou d’une autre à cette finalité et notamment

les participants 4, 6 et 10, comme on l’a déjà vu à travers plusieurs extraits.

Compte tenu que ma recherche a pour contexte l’expression de la francophonie

minoritaire à Calgary, il est peu surprenant que le dénominateur commun à ma recherche

soit l’identité bilingue. C’est pour cette raison que je lui consacrerai la dernière partie de

ma discussion.

6.5 Identité bilingue

L’expression d’une identité bilingue individuelle étant au cœur des problématiques

de francophonie minoritaire canadienne, ce type d’identité se retrouve ainsi logiquement

parmi les réponses fournies par nos participants et fera donc l’objet de la présente analyse.

Landry, Allard & Deveau (2006c, 2013) ont démontré le caractère singulier de l’identité

bilingue quand il s’agit de jeunes élèves fréquentant une école francophone et ont même

proposé un modèle conceptuel intitulé « Bilinguisme et métissage identitaire ». L’on peut

s’attendre, dans le cas de mon étude, qui s’est attachée à interroger le degré de francophonie

de plusieurs types de locuteurs de français (nommés Francophones), à une variété de

définitions en ce qui a trait à l’identité bilingue.

Page 230: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

214

Plusieurs participants à cette étude ont mentionné l’importance d’être bilingue au

Canada (notamment P. 3, P. 9, P. 15, P. 22). Je rapporte ici ce que dit à ce propos les

participants 16 (immersion et famille anglophone), 9 (immersion tardive, famille

hispanophone) et 4 (école francophone et immersion, famille francophone) :

P. 16 : Je pense que comme canadienne c’est très important de développer

notre identité française / être bilingue est important pour moi et c’est une

grande partie de mon identité / je suis fière de pouvoir être une membre de

la communauté franco-albertaine //

Il est intéressant de préciser que cette répondante est la seule de mon échantillon à

s’identifier comme « bilingue et franco-albertaine » alors qu’elle ne parle pas français

comme langue maternelle et qu’elle ne le parle pas à la maison. Cependant, en discutant

un peu plus en profondeur, j’ai appris que l’un de ses grands-parents était francophone, ce

qui peut constituer une forme d’attachement symbolique à la langue et à la culture

françaises. Toutefois, la culture « francophone » développée au sein de l’école

d’immersion [La Série Les Cités d’Or regardée chaque vendredi ainsi que l’intérêt pour la

musique et la littérature francophones; Quand elle a terminé l’école secondaire, elle a

cultivé son français en participant au programme d’échange Explore et est allée aussi suivre

un semestre de printemps en France] encouragée par ses parents et ses frères [les parents

peuvent un peu communiquer en français et les frères de la participante ont eux aussi suivi

les cours d’immersion] ont sans aucun doute contribué à l’expression de cette identité

bilingue et franco-albertaine.

Les deux participants suivants parlent plutôt du bilinguisme à l’échelle du pays :

Page 231: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

215

P. 9 : Je trouve que c’est important [que le Canada soit un pays bilingue]

même si dans la pratique c’est pas la réalité au moins ici [à Calgary] ça fait

du bien d’aller à l’étranger pour pouvoir parler les deux langues. Bien sûr

c’est pas l’accent canadien mais c’est le français quand même //

P. 4 : Je trouve ça dommage que la plupart du Canada parle seulement en

anglais […] non la plupart de mes amis sont jaloux que je parle 2 langues

et qu’eux ils en parlent seulement une / mes amis d’immersion […] ils ont

tout oublié de leur français et ils trouvent ça plaT //

Ces deux exemples montrent une différence de paradigme en ce qui concerne le

Canada : en effet, alors que le participant 9 présente le Canada comme un pays bilingue, la

participante 4 le présente plutôt comme un pays anglophone ce qui montre qu’elle a déjà

intériorisé le statut de minoritaire de la langue française à l’échelle du pays. Toutefois, le

participant 9 avoue qu’il faut voyager en dehors de l’Alberta pour avoir l’opportunité de

parler français.

L’identité bilingue s’exprime un peu différemment chez la participante 6 qui

conclut son questionnaire dans la partie intitulée, « ces dernières lignes sont les vôtres »

par la phrase : « je suis fière d’être francophone et anglophone en Alberta » exprimant

ici une forte identité bilingue qui peut traduire un double sentiment d’appartenance. Cela

est d’autant plus surprenant que cette répondante a commencé son questionnaire en s’auto-

désignant comme « francophone ». Le fait que le parcours de cette participante fasse

osciller son identification entre francophone et anglophone peut sans doute s’expliquer par

le fait qu’elle ait grandi à Calgary en milieu francophone minoritaire, milieu dans lequel

Page 232: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

216

l’anglais est toujours présent même s’il n’est pas la langue privilégiée dans la sphère privée

ou familiale. De plus, si l’on revient sur certains des commentaires faits par la participante

10, on se souvient aussi de sa difficulté de trancher entre « francophone et bilingue ».

Comme le soulignent (Landry, Allard & Deveau, 2013, p. 58-59), c’est parce qu’ils sont

capables de communiquer dans une deuxième langue qu’ils se considèrent comme

bilingues. Pour d’autres, enfin, l’identité bilingue pourrait combiner autant des sentiments

d’appartenance que des sentiments de compétence.

Dans ce contexte de bilinguisme, la participante 10 commence par exprimer ce que

signifie francophone pour elle et pourquoi elle se sent bilingue aussi :

P. 10 : Et pour nous [francophones] c’est tellement une partie de notre

identité / de notre culture / puis de notre histoire en tant que famille / qu’on

est francophone / c’est très important pour nous / de le maintenir / de nous

quatre (frères et sœurs) on veut tous mettre nos enfants en écoles

francophones parce que c’est vraiment quelque chose d’important pour

nous / c’est pas comme si c’est juste on est francophone / notre histoire

/ c’est francophone des deux côtés / ma mère et mon père / c’est comme les

gens qui sont très fiers d’être Irish ou quelque chose (rires) / c’est pour nous

la même chose //

F : Alors si t’es très fière d’être francophone alors pourquoi on dit bilingue?

P. 10 : Parce que je sais pas [très bas] / je pourrais avoir une identité

francophone en étant bilingue / chui comme les deux : bilingue avec une

influence francophone plus forte // […]

Page 233: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

217

P. 10 : À la maison on parlait juste le français et parfois c’était un peu /

quand on était plus jeune on voulait parler anglais entre nous mais nos

parents voulaient vraiment qu’on parle français / si y’en avait eu un [des

parents] qui n’aurait pas parlé français ça aurait très difficile de nous

convaincre à parler français à la maison // […]

P. 10 : […] pas juste francophone parce que j’appartiens des DEUX côtés /

parce que n’importe quoi j’ai des amis qui sont seulement anglophones / so

j’aurais toujours une connexion avec des anglophones / so dans ce sens-là

j’trouve que je serai toujours bilingue / je vais jamais pas parler le français

ou pas parler l’anglais / c’est comme […] je texte mes amis ça s’fait en

anglais //

F : Tu textes jamais en français?

P. 10 : Non / je texte en français mais certains amis parlent seulement

l’anglais […] c’est pas tout le monde dans ma vie qui est seulement un / une

langue […]

P. 10 : Mon identité était tellement … jusqu’à ce que je suis venue en

Alberta / […] ils voulaient forcer que c’était quelque chose de séparé /

c’est difficile dans ma tête / j’pense toujours / comme chui francophone et

anglophone alors ça devient bilingue mais jamais comme touT mélangée

/ […] c’est drôle parce que nos copains et copines sont touT francophones

enfin bilingues / ma sœur est mariée avec un Québécois / ils parlent touT en

français / mais chui aussi de même quand je vois sa vie c’est comme / c’est

Page 234: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

218

des choses très francophones / puis là il faut vraiment faire un effort de

comme garder le francophone / c’est pas comme si c’est juste mélangé / je

sais pas [très bas] //

Ce long passage que nous propose la participante 10 est très instructif parce qu’il nous

permet de nous rendre compte de la contrainte que peut constituer le fait d’être francophone

en milieu minoritaire; on peut percevoir l’inquiétude de la participante quand elle essaye

d’expliquer qu’elle est à la fois francophone et bilingue et qu’elle s’empresse de justifier

« ils voulaient forcer que c’était quelque chose de séparé » en référant aux enseignants

de l’école francophone où elle a été scolarisée jusqu’en 12e année. Elle renchérit en

spécifiant : « chui francophone et anglophone alors ça devient bilingue »; dans la

dernière partie de la phrase on sent l’urgence de se justifier : « mais mais jamais comme

touT mélangée »; la peur de l’alternance codique ou « code switching » se fait sentir.

Le participant 9, qui est un ancien étudiant issu de l’immersion tardive nous

donne sa définition de ce qu’il entend par bilingue :

P. 9 : Ça veut dire que tu peux fonctionner dans les deux langues presque

parfaitement / bien sûr parfois on manque de vocabulaire mais c’est ça on

peut changer d’âme si je peux dire […] pour moi / c’est être capable de

franchir la frontière linguistique sans / pas beaucoup de difficultés

Mon étude de cas couplée à une analyse des discours des journaux permet de

soutenir que l’identité bilingue se situe sur un continuum identitaire tel que défini par

Allard, Landry & Deveau (2006c). La tension entre le pôle francophone et anglophone fait

que l’une de ces deux identités « francophone et bilingue » va avoir tendance à s’exprimer

Page 235: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

219

davantage que l’autre en fonction des contextes et des expériences vécues par les locuteurs.

Au final, les identités ethnolinguistiques francophones ou bilingues représentant mon

échantillon de participants se déclinent selon la gamme suivante : Allophone; Bilingue &

autres; Francophone & autres; Bilingue (français & autres); Bilingue (anglais & autres);

Multilingue. L’étape de l’entrevue m’a permis d’en apprendre un peu plus sur ce que mes

participants entendaient par ces dénominations ainsi que sur la possibilité de recourir à une

multitude de références linguistiques en fonction d’un contexte particulier. Certains

participants ont également insisté sur le caractère extrêmement mouvant et flexible de

l’identité bilingue.

P. 11 : Je pense que je suis modeste et je ne me qualifie pas de bilingue

parce que je sais qu’avec l’anglais je suis toujours en apprentissage […]

pour moi / bilingue veut dire que je suis aussi bon en français qu’en anglais

/ et dans ma tête à moi je ne suis pas aussi bonne en anglais que je le suis en

français […] [je me considère bilingue] si je vais en vacances mais je vis

professionnellement avec une langue / si j’avais un travail en anglais toute

la journée […] je me qualifierai de bilingue parce que dans la société on

aura reconnu ma langue seconde / pour moi c’est avant tout le français / et

l’anglais c’est ma langue d’utilisation de tous les jours //

Lorsque cette participante se trouve dans un contexte où l’anglais ne constitue pas

la langue majoritaire alors elle se sent suffisamment à l’aise pour se dire bilingue mais

comme en Alberta cette participante enseigne le français dans un programme d’immersion,

elle ne se sent pas aussi légitime pour affirmer son bilinguisme.

Page 236: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

220

Même si au départ beaucoup de participants proposent une définition de l’identité

bilingue basée sur l’idéologie selon laquelle un individu ne peut se déclarer bilingue que

s’il fait preuve d’une compétence quasi égale dans les deux langues et justifier d’un haut

niveau dans les deux langues, au fil des discours les langues se délient et les discours se

font moins idéologiques.

6.6 Devenir Francophone c’est possible?

Au Canada, la diversité marquée par la pluralité des répertoires linguistiques et

ethnoculturels des locuteurs de langue française utilisant le français de manière régulière

doit plus que jamais susciter la réflexion et le débat. Selon Guignard-Noël, Forgues &

Landry (2014), « l’actualité de cette question renvoie aux diverses répercussions politiques

et organisationnelles qu’engendre le nombre de francophones ». En Alberta, par exemple,

les locuteurs capables de soutenir une conversation en français ainsi que les nouveaux

arrivants pour qui le français constitue la PLOP sont toujours plus nombreux comme nous

l’a encore rappelé le Très Honorable Kent Hehr (Ministre des Sports et des personnes

handicapées) lors de la célébration du 20e anniversaire de la Cité des Rocheuses le samedi

21 octobre 2017. Dans ce contexte, de nouvelles stratégies s’avèrent nécessaires quant à

l’inclusion de ces nouveaux venus.

Ainsi, la question de l’inclusion de nouvelles catégories de locuteurs parlant

français au sein de la catégorie « francophone » a été amorcée par de nombreux chercheurs

tels que Forgues & Landry, 2006; Gérin-Lajoie, 2004; Magnan & Pilote, 2003, 2007;

Thompson, 2011 et Violette, 2010.

Page 237: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

221

Si l’on réfère à la définition initiale de « francophone », l’on se rend compte que la

notion a tout de même évolué en particulier au cours des quatre dernières décennies.

Comme le rappelle fort justement Allaire (2015), cette notion se veut plus inclusive comme

le montrent les initiatives à la fois de Statistique Canada qui introduit la notion de langue

d’usage dès le recensement de 1971, mais aussi du gouvernement de l’Ontario qui propose

une catégorie élargie de qui est francophone. De plus, le recensement de 2011 a également

introduit de nouvelles variables telles que la langue de travail et la PLOP (Première Langue

Officielle Parlée). Comme nous le fait remarquer Violette (2010), la tendance au Canada a

toujours été d’établir les catégories linguistiques à partir de catégories ethniques plutôt qu’à

partir de compétences linguistiques, compte tenu du statut de communauté historique de sa

minorité francophone. Depuis 2011, le critère initial de langue première n’est donc plus le

seul à être pris en compte puisque le questionnaire de recensement comporte en plus de la

question de la langue maternelle deux questions sur la langue ayant respectivement trait à

la connaissance des langues officielles ainsi qu’à la langue parlée à la maison (Statistique

Canada, 2012). Le caractère plus inclusif de ces démarches a déjà permis d’ajouter des

personnes pour qui le français ne constitue pas la langue maternelle ou l’unique langue du

répertoire linguistique. En outre, l’ajout de la variable « le plus souvent parlée à la maison »

permet de conférer à la langue française et aux locuteurs pour qui cette langue ne constitue

pas la langue maternelle une légitimité accrue. Ainsi, dans mon échantillon de participants,

j’ai noté par exemple que le contexte sociolinguistique dans lequel évolue la participante

19 correspond à la situation énoncée ci-dessus : le français ne constitue pas sa langue

maternelle puisqu’il s’agit de sa première langue officielle apprise. En effet, son parcours

Page 238: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

222

l’a amené à vivre quelques années au Québec avant de s’installer en Alberta.

Conséquemment, cette répondante utilise le français non seulement le plus souvent à la

maison notamment avec ses enfants mais aussi au travail puisque son emploi implique une

utilisation partielle du français. De plus, c’est une personne qui tend aussi à privilégier les

interactions en français dans la sphère publique calgarienne à chaque fois que l’occasion

se présente. L’exemple présenté permet de comprendre les processus dynamiques sous-

tendant le processus d’inclusion.

À ce sujet, le discours de la participante 10 est particulièrement instructif. Selon

cette répondante, l’inclusion ne peut en effet avoir lieu que si les efforts viennent des deux

parties :

P. 10 : [À propos de canadien français] Oui parce que tu peux devenir

même si tu n’es pas né dans la culture là / si j’déménage au Québec puis

que j’vis au Québec / j’fais partie de la culture / j’peux I guess devenir

québécoise si j’voulais //

F : C’est toi qui décide ou les autres doivent te laisser devenir aussi? //

P. 10 : Un peu des deux dans le sens que tu dois vouloir faire partie de la

culture […] je trouve que si t’essayes assez tu peux en faire partie / c’’est

toi de manière individuelle qui doit chercher à en faire partie //

Elle nous rappelle aussi, un peu plus loin, qu’il ne va pas s’agir d’un processus

toujours facile et que c’est seulement aux prix de nombreux efforts que la

communauté Francophone calgarienne deviendra plus inclusive et ainsi plus

soudée :

Page 239: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

223

P. 10 : Un peu des deux dans le sens que tu dois vouloir faire partie de la

culture / comme si tout le monde dit tu ne peux pas faire partie de ça ou de

ça / ça devient difficile de faire partie de la culture des groupes

communautaires ou comme ça mais je pense que c’est toi qui doit faire

l’effort / je trouve que si t’essaye assez tu peux en faire partie / c’est toi

de manière individuelle qui doit chercher à en faire partie//

[…]

P. 10 : Si un immigrant vient et qu’il apprend le français j’dirais / il

pourrait devenir francophone ou bilingue / spécialement parce qu’il y a

des gens que j’ai vu qui viennent de familles anglophones puis eux ils y

ont devenu francophones / comme je pense que ça c’est très possible /

ça l’est rare / ils étaient / ils voulaient devenir francophones //

Le commentaire de cette participante se conclut sur une note très positive

puisqu’elle nous démontre que l’inclusion est possible, en particulier lorsqu’elle dit : « […]

il y a des gens que j’ai vu qui viennent de familles anglophones puis eux y ont devenu

francophones / comme je pense que ça c’est très possible ». Le contraste d’une part entre

l’utilisation de « viennent de familles anglophones » et « eux », marqueurs de l’exogroupe,

se trouve atténué, d’autre part, par l’utilisation de « devenu francophones » qui montre la

possibilité pour le locuteur initial de se positionner différemment en fonction de son

parcours identitaire. L’opportunité qu’offre cette participante à l’Autre par ce discours fait

montre d’une ouverture transculturelle telle que préconisée par Slimbach (2005) et

Cuccioletta (2001-2). Elle ne va pas sans rappeler, d’ailleurs le modèle conceptuel de

Page 240: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

224

compétences transculturelles développé par Lussier (2015). Cet exemple met aussi en

avant, la possibilité pour les personnes se situant déjà dans une perspective d’ouverture à

l’autre de servir de médiateurs sociaux et de favoriser les discours et les changements de

mentalités. De plus, sa réponse nous éclaire quant à la possibilité de passer d’une catégorie

à une autre et quant à la flexibilité des frontières. On comprend à travers sa réponse que

cela ne va pas être le cas pour tout le monde, qu’il faudra être assez motivé « ça l’est rare

/ ils étaient / ils voulaient devenir francophones // ».

Pour finir cette partie, j’aimerais aussi ajouter quelques mots sur la question de la

compétence B2/8 qui pour certains apprenants de français langue seconde marque

incontestablement un seuil leur permettant l’appréhension de la langue et des cultures

française et francophones. Elle constitue donc pour de nombreux apprenants un point de

départ mais cette question de seuil de compétence ne s’est pas révélée une variable aussi

intéressante que j’aurais pu imaginer car elle n’est au fond que peu reliée à la question de

l’appartenance. Cela a pu être démontré tout au long de ma recherche, notamment à travers

l’exemple de la participante 19 qui ne parlait pas français du tout à son arrivée au Québec

mais qui s’est sentie immédiatement attirée et partie intégrante de la communauté

francophone, sa langue et sa culture.

Ces différentes réflexions nous amènent à nous questionner sur la pertinence du

processus de catégorisation. Intrinsèquement lié à la notion de frontières et à leur

étanchéité, le processus de catégorisation et d’auto-catégorisation n’est peut-être plus aussi

adapté à une époque mondialisée se définissant plus que jamais par des échanges

translinguistiques et transculturels ou « translanguaging » selon Garcia & Wei (2013) cité

Page 241: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

225

dans Roy (2015). Selon ces auteures, il s’agit d’un espace dans lequel les jeunes bilingues

et multilingues co-construisent leurs identités discursives mêlant la francophone, la

bilingue et d’autres encore que ces locuteurs possèdent dans leurs répertoires linguistiques

toujours plus variés. Dans ce contexte, le recours systématique à la catégorisation peut

même s’avérer néfaste à terme, comme ne manquent pas de nous le rappeler les participants

10 et 27, chacun avec leurs propres mots :

[…] Il y a des gens qui parlent français au Canada / mais ils s’identifient

pas à comme une catégorie […] so j’trouve ça plus simple de juste dire

que je viens du Canada parce c’est pas comme tellement nous mettre dans

des p’tites catégories (P. 10)

[…] j’aime pas l’étiquette Franco-albertaine […] / j’aime pas ces

étiquettes Franco depuis mon jeune âge j’étais French Canadian » (P.

27).

Ce qui ressort finalement de ces commentaires c’est que l’imposition de catégories

mènent nécessairement à un rejet de ces mêmes dénominations. De plus, l’on a remarqué

chez les participants qui avaient des parcours pluriels une simplification de la

dénomination, notamment avec l’exemple de « canadien » pour le participant 3 ou encore

de « calgarien » (participante 2 ou 4).

D’ailleurs, les derniers résultats de recensement (2016) concernant le bilinguisme

ont montré que le Canada n’avait jamais connu une proportion de Canadiens bilingues

aussi importante, leur pourcentage s’élevant désormais à 17,9%. De plus, « contrairement

à ce qui a été observé entre 2006 et 2011, tous les groupes de langue maternelle contribuent

Page 242: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

226

à la croissance de la population bilingue entre 2011 et 2016 » (Statistique Canada, 2017).

Ce « nouveau sommet » (Statistique Canada, 2017) semble marquer une évolution vers un

nouveau contexte bilingue au Canada, un contexte marqué par plus de pluralité, sans aucun

doute. Ainsi, comme certains chercheurs le soulignent le discours sur le bilinguisme,

malgré le fait qu’il existe toujours, est en changement (Cardinal & Denault, 2008). On traite

beaucoup plus de plurilinguisme, surtout dans les grandes villes dans lesquelles les

populations multilingues coexistent depuis plusieurs années (Moore & Castellotti, 2008).

García & Wei (2013) parlent de « translanguaging ». Toutefois, les traces dans les discours

d’expressions ou de termes dénigrant la qualité de la langue que l’on parle, surtout quand

il s’agit du français, restent courantes et semblent ancrées dans les esprits, comme nous

avons pu le voir chez certains de mes participants (« parler un français qui est pas

toujours°/°propre » [P. 21]). L’idée aussi de « maîtrise parfaite » dans le cas du bilinguisme

est un exemple que l’on rencontre encore souvent.

De plus, l’un des points sur lequel je voudrais me pencher l’espace d’un instant est

la notion de fierté que l’on a rencontrée sous diverses formes tout au long de l’analyse, non

seulement dans les articles de journaux à l’étude (articles de La Survivance du 21 avril

1937; du 4 août 1943; du 13 novembre 1946; du 27 janvier 1965) mais aussi à travers la

voix de nombreux participants (notamment P. 1, P. 16 et P. 10). En effet, être francophone

et bilingue en Alberta ou dans d’autres contextes francophones minoritaires canadiens

semble susciter l’expression d’une certaine fierté; fierté que l’on retrouve à tous les niveaux

chez les Francophones de mon étude. Fierté d’avoir appris le français jusqu’à avoir atteint

un niveau B2/8 pour les finissants de l’immersion et les francophiles; fierté d’être

Page 243: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

227

désormais bilingue; fierté d’un peuple qui a pu préserver sa langue à travers les épreuves

de l’histoire parfois au prix d’idéologie telle que celle de la survivance. C’est ce

dénominateur commun empreint de transculturalisme qu’il faut garder à l’esprit lors de

futures discussions et débats sur le caractère inclusif et pluriel de la francophonie albertaine

et calgarienne.

6.7 Résumé du chapitre 6

Si l’on revient un moment sur les différents aspects de ce dernier chapitre d’analyse,

l’on remarque la diversité des stratégies, des parcours et des constructions identitaires

revendiqués par les participants. La plupart déploient un certain nombre d’identités

ethnolinguistiques et culturelles en fonction des interactions dans lesquelles ils se situent,

révélant des combinaisons plus ou moins complexes en fonction des appartenances qu’ils

revendiquent : acadienne; albertain/e; belge; bilingue; calgarien/ne; canadien/ne;

canadien/ne français/e; citoyen du monde; français/e; franco-albertaine; franco-ontarienne;

francophone; immigrante; ivoirien; multilingue; québécois/e sont autant de dénominations

qui se déclinent au gré des discours. Le rassemblement de ces diverses postures

sociolinguistiques rapportées par les Francophones calgariens participant à cette étude

permet de comprendre en quoi leur inclusion au sein de la francophonie calgarienne est

pertinente : elle va permettre à la multitude de leurs voix et de leurs discours de se faire

entendre et ainsi œuvrer peu à peu en faveur du changement pour que les mentalités et les

idéologies évoluent grâce aux discussions et aux débats.

Page 244: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

228

Chapitre 7 : Conclusions

Ce travail de thèse a eu pour objectif principal de contribuer au champ de la

francophonie minoritaire canadienne, en particulier dans le contexte albertain urbain de

Calgary. En m’interrogeant sur le rapport entre le fait de parler français à Calgary et la

manière de se présenter non seulement vis-à-vis de soi-même mais aussi d’autrui, cette

recherche doctorale m’a permis de me pencher sur les questions d’appartenance en relation

aux langues et cultures affichées ou non par les divers locuteurs. Quelques questionnements

initiaux ont permis d’affiner la problématique : Est-ce que le seul fait de parler français en

milieu minoritaire modifie le sentiment d’appartenance à une communauté culturelle

particulière? Quels sont les critères qui vont faire basculer le bilingue ou le multilingue

vers le francophone et vice-versa? Est-ce que le recours à l’utilisation de références

nominatives particulières, telles que « canadien français », « franco albertain » et

« francophone » influence l’identité des locuteurs qui en font l’usage?

En me basant sur les définitions habituelles de francophone qui prennent

généralement en compte les critères de langue maternelle mais aussi parfois de première

langue officielle parlée (PLOP), j’ai décidé d’élargir encore un peu plus la portée de ces

variables afin d’explorer la possible inclusion de locuteurs de français habituellement

écartés de la définition de « francophone ». Dans cette perspective, j’ai donc cherché à

montrer que l’identité francophone pouvait s’exprimer chez des individus dont le français

constituait soit la première langue officielle parlée (PLOP), soit une langue seconde ou

additionnelle, si le niveau dans cette langue atteignait un certain niveau de compétence.

Pour ce faire, j’ai choisi d’appeler « Francophone » ce groupe élargi de locuteurs dont les

Page 245: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

229

compétences langagières en langue française se caractérisent par un niveau intermédiaire

à pré-avancé (compétence B2, CECR ou niveau 8, NCLC).

Afin de contextualiser mon étude, je me suis attachée à présenter les discours

albertains du passé grâce à un corpus d’articles de journaux issus des journaux albertains,

La Survivance et Le Franco[-albertain] publiés entre 1928 et 2000. Les discours

contemporains ont été récoltés grâce aux données issues de questionnaires (44 répondants)

et d’entrevues (27 participants). L’approche menée lors de cette étude a été

sociolinguistique et critique dans la mesure où elle s’est inscrite dans une perspective de

changement. Ainsi, le cadre théorique retenu pour l’analyse comprend les notions de

« sociolinguistique pour le changement » (Auger, Dalley, & Roy, 2007; Dalley & Roy,

2008), de post-socioconstructivisme (Hottois, 2005) et de transculturalisme (Cuccioletta,

2001-02; Slimbach, 2005). Le choix d’un tel cadre conceptuel m’a permis d’introduire,

d’une part, une dimension discursive et critique et d’autre part, de co-construire une réalité

selon une perspective transculturelle.

Les questions ayant jalonné mon parcours de recherche ont été les suivantes :

1) Y-a-il une corrélation entre l’utilisation des références nominatives telles que

« canadien français », « franco albertain » et « francophone » (critère initial de langue

maternelle) et l’idéologie en place?

2) Si oui, dans le contexte calgarien actuel, est-ce que l’identité francophone peut

s’exprimer chez des individus dont le français constitue soit la PLOP, soit une langue

seconde ou additionnelle (niveaux B2 ou 8) à la condition d’utiliser le français au moins

de manière régulière que ce soit à la maison ou au travail / université? Ainsi, s’avère-t-il

Page 246: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

230

pertinent de proposer une catégorie élargie de « francophone » que l’on nommerait «

Francophone »?

L’idée a été, en premier lieu, de choisir d’incorporer de nouveaux types de locuteurs

dans la francophonie calgarienne locale42. Le projet doctoral visait en effet à inclure ces

nouveaux locuteurs afin de comprendre leur apport dans le discours actuel sur la

francophonie minoritaire calgarienne. C’est cette inclusion qui a permis à la démarche

transculturelle et sociolinguistique critique de se concrétiser dans cette étude et de prendre

tout son sens. L’objectif étant, grâce à la réalité co-construite par les différents acteurs de

la francophonie calgarienne d’hier et d’aujourd’hui, de faire entendre les voix

Francophones actuelles et de laisser peu à peu émerger de nouveaux discours identitaires,

propices aux changements de mentalités. Les différents parcours et répertoires identitaires

résultant d’expériences sociales diverses tendent peu à peu à modifier les discours originels

« canadiens-français » « franco-albertain » et leurs idéologies sous-jacentes. Cette étude

doctorale nous a ainsi proposé d’explorer la pluralité des représentations linguistiques et

culturelles des participants et ainsi de questionner certaines idéologies, notamment à

propos du bilinguisme, de la catégorisation et de la possibilité de « devenir francophone ».

En deuxième lieu, ce projet m’a également permis d’explorer et d’appréhender le rôle joué

par la catégorisation et le recours aux étiquettes identitaires. Il s’est avéré que l’utilisation

de ces différentes dénominations se fait toujours en fonction d’un contexte

42 Francophones=les finissants des programmes d’immersion, les personnes bilingues ou multilingues

(niveaux B2, Cadre Européen de Référence, CECR ou 8, Niveaux de Compétence Linguistique Canadiens,

NCLC) et les nouveaux arrivants, dont le français constitue la première langue officielle parlée (désormais

PLOP), utilisant toujours le français au moins de manière régulière (études, travail, maison)

Page 247: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

231

sociolinguistique et culturel particulier. D’ailleurs, l’utilisation de ces références

nominatives se caractérise par sa flexibilité et son caractère mouvant, comme de nombreux

exemples issus des discours des participants à l’étude nous l’ont révélé. Ainsi en revêtant

tour à tour des panoplies différentes les Francophones calgariens demeurent relativement

peu visibles, tout comme leurs homologues vivant dans de grandes villes telles que Toronto

(Forlot, 2008).

La suite de ce chapitre de conclusion a pour principal objectif de mettre l’accent

sur les principaux résultats issus de cette recherche. À cette fin, je reviens un instant sur le

format global de cette thèse. Elle est articulée en sept chapitres, s’organisant eux-mêmes

en trois grandes parties. La première partie (chapitres 1, 2) avait pour objectif d’informer

le lecteur sur le contexte minoritaire canadien en général et albertain en particulier. Ainsi,

l’idée retenue a-t-elle d’abord été (chapitre 1) de circonscrire l’objet à l’étude : les discours

des Francophones de Calgary en relation à leur construction identitaire. De plus, en

proposant de contextualiser l’étude historiquement et politiquement (chapitre 2), j’ai

cherché à inscrire les discours sur la francophonie albertaine à la fois dans la mémoire et

la continuité. Puis, la deuxième partie de cette étude, comportant les chapitres 3 et 4, m’a

permis, grâce au travail de recension des écrits (chapitre 3), de délimiter et de construire le

cadre théorique dans lequel s’est ancrée mon approche méthodologique, nécessaire à la

production de mes résultats et de mes analyses (chapitres 4 et 5). Cette recension des écrits

m’a également servi à justifier mes choix conceptuels sous-tendant la démarche

méthodologique à l’œuvre dans cette recherche. Par la suite, le chapitre 4 s’est penché plus

particulièrement sur la méthodologie, avec des procédures multimodales de collecte de

Page 248: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

232

données (pratiques discursives relevées à la fois dans des journaux de langue française

albertains, dans les questionnaires [sélection de l’échantillon de Francophones calgariens]

et dans les entrevues [participants Francophones à l’étude]) et se termine par les limites

rencontrées. La méthode retenue est de type qualificatif et interprétatif et s’apparente à une

étude de cas (Merriam, 1998) utilisant l’analyse critique de discours. La troisième partie

de cette recherche doctorale comporte deux chapitres (chapitres 5 & 6). Les résultats issus

de mes données sont ainsi présentés dans le chapitre 5, qui brosse un portrait des

francophones d’hier, grâce à l’analyse des journaux, et nous informe sur les Francophones

d’aujourd’hui, grâce aux données issues de mon échantillon de participants. Le chapitre 6

correspondant à l’analyse et à la discussion s’articule autour de thématiques issues des

résultats de mes participants et des journaux telles que les appartenances multiples liées à

la pluralité des répertoires ethnolinguistiques et culturels des participants ainsi qu’au

rattachement à une francophonie canadienne inscrite dans la mondialisation; les stratégies

identitaires déployées par les f/Francophones en Alberta en fonction des époques; et la

problématique de l’identité bilingue. Enfin, le septième et dernier chapitre clôt cette thèse

en résumant les résultats de mes analyses et discussions et en proposant également quelques

recommandations pour des recherches futures.

7.1 Résultats particuliers à l’étude

Dans un premier temps, l’analyse des journaux a permis d’offrir un contexte

historique et discursif à l’étude que j’ai entreprise puis de comprendre dans quels contextes

les différentes dénominations étaient utilisées. Cependant, cette analyse critique a permis

Page 249: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

233

d’identifier la représentation d’une identité collective « canadienne-française », « franco-

albertaine » puis « francophone » avec leurs valeurs idéologiques associées (surtout pour

les deux premières). Comme je le faisais remarquer précédemment le nombre

d’occurrences de « franco-albertain » s’est avéré plus faible que les deux autres types de

références, comme le signe d’une communauté moins solide. D’ailleurs, cela a été

corroboré par le fait que je n’ai eu que trois participantes ayant utilisé cette dénomination.

L’opportunité de partager des éléments de cultures francophones semble avoir contribué à

développer le sentiment d’appartenance d’une des participantes ayant fréquenté

l’immersion à la communauté francophone (Dallaire, 2004, 2008, 2010; Dallaire & Roma,

2003). En s’auto-identifiant comme francophone, avec l’appellation « franco-albertaine »,

cette participante nous propose une construction identitaire particulière et qui ne semble

pas encore apparaître dans la littérature. En effet, la seule fréquentation de l’école

d’immersion ne semble pas favoriser le sentiment d’appartenance francophone mais a

plutôt tendance à développer des identités hybrides (Dallaire & Denis, 2003, 2005) ou

bilingue (Deveau & Landry, 2007; Duquette, 2004, 2006; Gérin-Lajoie, 2003, 2004 ;

Landry, Deveau, & Allard, 2006c). Cependant, cette conclusion est prometteuse car elle

permet de dire que les répertoires identitaires, véritables résultats d’itinéraires, de parcours

et surtout de stratégies pluriels, amènent les acteurs sociaux à appréhender ces questions

sous des formes nouvelles empreintes de transculturalité, produit de notre époque

mondialisée.

Toutefois, l’analyse des journaux en relation aux discours générés par mes

participants m’a également poussé à me questionner quant à l’acception de certains termes.

Page 250: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

234

Je pense ici à l’exemple de « canadien-français » qui loin de ne pas avoir été utilisé chez

mes participants a plutôt révélé une polysémie quant aux différents sens et connotations

qu’il pouvait revêtir. Cependant, dans la bouche d’autres participants ces termes

(« canadien français » et « franco-albertain ») semblent comporter une dimension bien trop

ethnique impliquant le critère de naissance pour pouvoir être utilisé. Finalement, le point

sur lequel je veux revenir un instant est que les participants à l’étude ont également

démontré qu’ils s’étaient réappropriés certains des termes et qu’ils les utilisaient selon leur

propre acception (« canadien français » et « franco-canadien » notamment, par exemple).

Cette pratique semble particulièrement bien ancrée dans une époque postmoderne et

transculturelle comme la nôtre. De plus, on a vu à travers les résultats présentés que la

langue française à Calgary est aujourd’hui perçue comme dénominateur commun à

l’expression d’une identité et d’une appartenance partagée, comme nous l’a fait justement

remarquer le participant 3 qui se présentait comme francophone. Le passage de l’une à

l’autre des catégories d’identification possibles nous a permis de nous interroger sur leur

nécessité.

7.2 Corrélation entre l’utilisation des références nominatives et l’idéologie en place

À la lumière de mes résultats et de mes analyses, deux thématiques particulières

semblent émerger. D’abord, l’utilisation d’une référence nominative en fonction d’une

époque et d’une idéologie particulière n’a pas été totalement démontrée à travers mes

analyses et ensuite, la question de l’inclusion au sens large, que ce soit au niveau des

discours des journaux ou des participants démontre un caractère relativement consensuel.

Page 251: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

235

Premièrement, si l’on s’intéresse à la question de la corrélation entre l’utilisation

de certaines dénominations en relation à une époque et à une certaine idéologie, il faut se

pencher à nouveau sur les résultats proposés dans le chapitre 4. Ces derniers nous informent

que les dénominations utilisées « canadien-français », « franco-albertain » et

« francophone » (ainsi que leurs variantes orthographiques) ne l’ont pas nécessairement été

en fonction d’une période particulière mais plutôt en fonction de l’idéologie véhiculée par

le journal (La Survivance / Le Franco[-albertain]) produisant ces discours. Ainsi, il

convient d’explorer, par exemple, les contextes discursifs dans lesquels l’utilisation du

terme « franco-albertain » prend place. Contrairement à ce que l’on aurait pu penser au

premier abord, la période de la Révolution tranquille n’a pas vu une augmentation

significative de l’utilisation de la référence « franco albertain » du moins dans le corpus

d’articles de journaux ayant fait l’objet de notre étude. Il semble que l’idéologie générale

de la Survivance (la survie de la nation canadienne-française grâce à la langue et à la foi

catholique) a prévalu au-delà des époques dans lesquelles elle semblait ancrée initialement

(période pré-Révolution tranquille). Afin de vérifier cet argument et de prouver que cette

tendance se retrouve, encore faudrait-il, dans le cadre d’un projet de plus large envergure,

comparer les discours en présence dans différents genres de publication de l’époque afin

de déceler les traces de cette idéologie à d’autres niveaux. Ainsi, le recours à une

méthodologie mixte qui inclurait des analyses issues de la linguistique de corpus (NVivo)

pourrait sans doute affiner ces résultats.

Dans un deuxième temps, si l’on observe le caractère relativement consensuel de

la question de l’inclusion au sens large et que l’on revient un peu sur les discours de La

Page 252: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

236

Survivance et du Franco [-albertain], la tendance générale est plutôt à l’inclusion que ce

soit, selon les époques, au sein de la nation canadienne-française ou francophone, le but

sous-jacent étant la survivance/la survie de la communauté. L’espace restreint accordé à la

dénomination « franco-albertain » dans les journaux et dans les réponses de mes

participants tend à démontrer encore une fois que le discours a tendance à privilégier

l’ampleur du groupe en utilisant des références nominatives englobantes telles que

« canadien-français », « francophone » ou encore « franco-canadien ». Ce faisant, les

discours en évitant le recours à la dénomination plus restreinte de « franco albertain »

relègue cette dernière à une assise identitaire purement territoriale.

De plus, l’on peut noter que tout au long de l’histoire de la province et de ses

contraintes, la communauté francophone albertaine a fait et continue de faire preuve de

stratégies identitaires. Les tactiques utilisées à travers les époques et selon les circonstances

révèlent le caractère minoritaire (Taboada-Leonetti, 1990) de cette communauté. Tour à

tour et selon les acteurs sociaux en présence, ces stratégies ont eu pour finalité l’anonymat,

l’assimilation, la conformisation, la différenciation, la singularisation (individuation) ou

encore la visibilité sociale (Kastersztein, 1990) ; l’objectif ultime n’étant pas le repli sur

soi à long terme mais plutôt la survie future du groupe. L’utilisation des stratégies

identitaires se reflètent également dans les discours des participants qui eux aussi ont

recours à ces différentes tactiques sans en avoir toujours conscience. Finalement, les

discours issus des journaux et des répondants ne sont pas aussi différents que ce que l’on

aurait pu imaginer, preuve de la perpétuation de l’idéologie. D’ailleurs, l’utilisation de la

référence nominative « franco-canadien » pour se définir chez un certain nombre de mes

Page 253: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

237

participants avec une définition personnelle de « franco » reflète l’idée de transculturalité

à la fois entre les discours journalistiques et ceux des Francophones calgariens à l’étude.

Suivant la perspective transculturelle, le concept de « communauté imaginée »

(Anderson, 1991) ne semble plus aussi imaginé qu’il n’y paraît. En effet, même si les

grands récits mythiques qui ont fondé la nation canadienne-française ne sont pas

aujourd’hui connus par l’ensemble de la communauté Francophone de Calgary, ils

constituent une mémoire importante du passé albertain dans la mesure où en tant que

communauté minorisée, les francophones albertains ont dû lutter pour préserver quelques

traces de leur histoire. Ces racines historico-culturelles se retrouvent dans les discours de

la communauté et constituent en cela une filiation indéniable qu’on ne saurait taire.

Cependant, il ne faudrait pas pour autant négliger le caractère pluriel de la Francophonie

calgarienne actuelle et ouvrir davantage le dialogue pour une meilleure cohésion de cette

communauté en envisageant un futur commun incluant d’une part la trame narrative de la

communauté initiale et d’autre part l’ouverture à l’Autre Francophone. Notre époque

mondialisée marquée plus que jamais par les parcours identitaires pluriels comme autant

d’hésitations, de va-et-vient mais aussi d’enrichissements linguistiques et culturels devrait

permettre les échanges dans une perspective transculturelle, c’est-à-dire avec des

interactions, des (re)négociations non seulement entre la société d’accueil représentée par

les membres de la communauté francophone établis à Calgary depuis plus longtemps et les

nouveaux membres qu’ils soient de langue maternelle française, que le français constitue

leur première langue officielle parlée ou encore qu’il s’agisse de francophiles désireux

d’intégrer la grande famille Francophone.

Page 254: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

238

7.3 Recommandations pour les recherches futures

L’étude « Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de langue française

en Alberta : Évolution de la référence nominative » a fait l’objet dans le cadre de ce projet

doctoral d’une étude de cas comprenant des données issues à la fois des discours

d’hebdomadaires de langue française albertains et sur des locuteurs Francophones vivant

exclusivement à Calgary. C’est une recherche qui pourrait être dupliquée à d’autres lieux

urbains en Alberta pour voir comment s’expriment les identités Francophones ailleurs dans

la province et en particulier dans d’autres villes. Dans ma recherche, les personnes qui se

sont nommées « franco-albertaines » sont très peu nombreuses. Elles se limitent à 3

participantes, En explorant le contexte de la Francophonie calgarienne dans sa version la

plus englobante et inclusive, cette étude m’a permis de continuer la discussion sur la

question de la francophonie albertaine et de poser les jalons d’un nouveau dialogue. La

perspective de la sociolinguistique pour le changement (Auger, Dalley & Roy, 2007;

Dalley & Roy, 2008) s’est déjà révélée prometteuse et œuvre pour que les discours

empreints d’idéologies fassent peu à peu place à de nouveaux discours promouvant une

inclusion plus large. Essayer de se comprendre soi-même aussi dans son rapport à l’Autre

est la voie que nous a enseigné le transculturalisme (Cuccioletta, 2001-02). La synergie

engendrée par la sociolinguistique pour le changement et le transculturalisme ne va pas

sans faire écho à ce que Dubé a avancé dès 2009 : « L’interculturel constitue une action

structurante qui produit une véritable texture sociale reconstituante de l’identité; ce

processus débouche sur le transculturel, entendu comme « une traversée de langues, de

cultures, d’expériences, de mémoires, etc. » (Dubé, 2009, p. 26). Les voix transculturelles

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239

semblent engageantes et nous encouragent vers des voies témoignant de la volonté de

transformation de la francophonie calgarienne en offrant la possibilité pour le locuteur de

français évoluant à Calgary de se projeter au-delà de catégories préétablies.

Ainsi, l’identification plus inclusive de « Francophone » que j’ai proposée permet

au Francophone de se joindre à l’ensemble de la Francophonie calgarienne afin de se

rassembler et de construire un projet d’appartenance commun. Comme le rappellent

Langlois et Létourneau dans la préface de leur ouvrage (2004, p. xii) : « notre objectif est

d’apporter au moulin de la connaissance empirique des situations identitaires émergentes

et de l’interprétation qu’il est possible d’en donner, des éléments de compréhension

pertinents ». Dans cette perspective, la consultation pancanadienne qui a eu lieu l’année

dernière (2016) a été une initiative qui a permis le dialogue entre différents acteurs de la

francophonie albertaine mais aussi à l’échelle du pays. Certaines des recommandations

s’avèrent encourageantes puisqu’elles s’inscrivent dans ce discours mêlant

sociolinguistique critique et transculturalisme : « créer des ponts entre les communautés

minoritaires et majoritaires au moyen d’activités [trans]culturelles ; soutenir le

recrutement, l’accueil, l’établissement et la rétention des immigrants francophones partout

au Canada ; faire la promotion active de l’importance de nos langues officielles auprès des

nouveaux arrivants et les encourager à suivre de la formation linguistique »43

Enfin, le dernier point sur lequel j’aimerais clore cette thèse c’est le fait que l’ACFA

évoque depuis une dizaine d’années un changement de nom de leur association. Le dernier

43Patrimoine canadien. (juin 2016). Consultations pancanadiennes. Direction générale des

langues officielles. Ottawa. Repéré à http://ouvert.canada.ca/data/fr/dataset/374c5f4e-952e-40ea-8f4e-a7a69aea2675?_ga=2.94832220.1504064912.1511167279-1748569906.1506908371

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240

vote en date est demeuré en faveur de l’ancien nom, soit, « Association Canadienne-

Française de l’Alberta ». Toutefois plusieurs membres de la communauté, y compris Jean

Johnson, ex-président de l’ACFA et nouveau président de la Fédération des communautés

francophones et acadiennes (FCFA), avaient proposé l’alternative suivante : « Association

de la communauté francophone de l’Alberta », afin d’être plus inclusif. Il semblerait que

la communauté ne soit pas encore tout à fait décidée à faire le pas. Il faut toutefois garder

présent à l’esprit que le visage de la francophonie albertaine est en constante évolution et

mutation et que le nom de l’ACFA devra tôt ou tard refléter ces changements. Puissent ma

recherche et d’autres faire évoluer les mentalités dans le bon sens et faire de la visibilité de

la Francophonie à Calgary le fer de lance de notre communauté élargie.

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Annexe 1 : Situer Calgary

Carte 1 : La province de l’Alberta

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Carte 2 : Situer Calgary sur la carte de l’Alberta

Source : Gouvernement du Canada. Régions économiques de l'assurance-emploi d'Alberta.

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Page 301: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

285

Annexe 2 : Protocole de transcription

La présente partie que j’ai intitulée « protocole de transcription » vise à éclaircir les

choix qui ont été les miens lors du travail de transcription, représentation des discours ayant

émané des entrevues.

1) La barre oblique marque les découpages rythmiques des interventions, en particulier les

hésitations et les interruptions. La double barre oblique marque la fin du passage.

2) Les crochets permettent de ne pas reproduire une partie du discours ayant été jugée

comme peu pertinente par rapport à l’objet de l’analyse.

3) Les italiques ont été utilisées pour refléter l’usage de l’anglais lors des échanges.

4) Quand un mot est écrit en majuscules, cela signifie que le participant a mis de

l’importance sur ce mot.

5) Lorsque les majuscules sont présentes à la fin de certains mots, elles servent à montrer

la réalisation sonore de consonnes qui dans d’autres contextes sociolinguistiques seraient

silencieuses.

6) Les parenthèses servent à contextualiser les tours de parole si nécessaire.

Page 302: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

286

Annexe 3 : Questionnaire

I) INFORMATION GÉNÉRALE [ENTOURER LES RÉPONSES QUI

CONVIENNENT]

1) Vous êtes un(e) Femme Homme

2) Âge

18-28 29-39 40-50 51-61 62-72 73-83 84+

3) Éducation [Entourer la réponse correspondant à votre plus haut niveau scolaire]

Élémentaire (1-6) Secondaire (7-9) Secondaire (10-12 [13]) Post-

Secondaire (Collège/Université)

4) Où êtes-vous né(e) ?

Au Canada Dans un autre pays

Préciser Ville ___________________ Province ___________ Territoire

___________ Pays ___________________

5) Où avez-vous grandi ?

Au Canada Dans un autre pays

Préciser Ville ___________________ Province ___________ Territoire

___________ Pays ___________________

6) Avez-vous vécu dans d’autres provinces/territoires avant de vous installer en Alberta ?

Non Oui, Préciser

________________________________________________________________________

7) Depuis combien de temps vivez-vous en Alberta ?

Moins d’un an 1-4 ans 5-9 ans 10-14 ans 15-20 ans 21-26

ans 27+

8) Vous vous identifiez comme [Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]

Canadien(ne) Albertain(e) Autre préciser

__________________________________________________

Page 303: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

287

II) LANGUES [ENTOURER LES RÉPONSES QUI CONVIENNENT]

9) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) première(s) que vous avez apprise(s) ou entendue(s)

pendant votre enfance ?

L’anglais Le français Les deux Autres combinaisons

Préciser

________________________________________________________________________

10) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) que vous parliez en grandissant ?

L’anglais Le français Les deux Autres combinaisons

Préciser

________________________________________________________________________

11) Si on discutait de votre identité linguistique aujourd’hui, vous diriez que vous êtes

[Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]

Anglophone Francophone Bilingue (anglais/français) Bilingue

(français/autre langue)

Bilingue (anglais/ autre langue) Autres combinaisons, Préciser

_______________________________________

12) Si on discutait de votre identité culturelle aujourd’hui, vous diriez que vous êtes

[Entourer la/les réponse(s) qui s’applique(nt)]

Acadien(ne) Franco-Albertain(e) Autre Franco-Canadien(ne) Franco d’un autre

pays

Canadien-français Québécois Autres combinaisons, Préciser

________________________________

Si vous avez plusieurs réponses veuillez les classer selon l’importance accordée

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

Donner des exemples de contextes dans lesquels vous utilisez certains labels pour vous

auto-identifier

Page 304: Stratégies et constructions identitaires des locuteurs de ...

288

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

13) Qui êtes-vous au niveau linguistique ?

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

________________________________________________________________________

14) Qui êtes-vous au niveau culturel ?

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15) Ces dernières lignes sont les vôtres. Vous pouvez ajouter des commentaires,

remarques ou suggestions qui viendront compléter cette enquête.

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Annexe 4 : Entrevue (questions type)

I) LANGUES : CONTEXTE GÉNÉRAL

1) Quelle(s) est/sont la/les langue(s) que vous parliez en grandissant ? Aujourd’hui,

quelle(s) langue(s) parlez-vous le plus souvent ?

2) Quelle est votre définition d’un anglophone ? D’un francophone ? D’un bilingue ?

II) LANGUES : SPHÈRE PRIVÉE

1) Donner des exemples d’utilisation du français à la maison ? (Ex : pendant les repas,

les programmes de télévision, les réunions de famille, tout le temps).

2) Utilisez-vous d’autre(s) langue(s) à la maison ? Si oui, dans quels contextes

particuliers ?

3) Est-ce que vous lisez fréquemment en français, en anglais, dans les deux langues

officielles ou dans d’autres langues ? Quels types de lecture et de support (version

papier ou en ligne) ?

4) Est-ce que vous regardez des programmes de télévision en français ? Si oui, lesquels

et à quelle fréquence ?

5) Quelles sont les fêtes et coutumes francophones que vous et votre famille célébrez ?

6) Quand vous organisez des fêtes ou des événements sociaux, est-ce que vous parlez

plus souvent français ou anglais ? Est-ce que ces événements ont lieu à la maison ou

ailleurs ? À quelle fréquence ?

III) LANGUES : SPHÈRE PUBLIQUE

Donner des exemples de l’usage du français en dehors de la maison (Ex : à l’école, au

travail, dans des organismes culturels).

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ÉCOLE

1) Est-ce que vos enfants fréquentent une école francophone, une école anglophone

avec un programme de français langue seconde, avec un programme d’immersion ou

sans enseignement de français ?

2) Participez-vous à des activités organisées par l’école ? Si oui, auxquelles en

particulier ?

3) Si cela s’applique, pensez-vous que vos enfants seront bilingues ?

TRAVAIL

1) Quelle est votre profession actuelle ?

2) Utilisez-vous le français, l’anglais ou les deux le plus souvent à votre travail ?

Expliquer dans quels contextes vous utilisez le français.

ORGANISMES CULTURELS ET SERVICES EN FRANÇAIS

1) Êtes-vous membres d’organismes culturels francophones ou anglophones ? Si oui,

lesquels ? À quelle fréquence participez-vous à leurs réunions, activités régulières et

événements spéciaux ?

2) Pensez-vous que les organismes francophones ainsi que leurs événements et activités

contribuent à votre vie en français ? Pourquoi ?

3) Quels sont les services francophones que vous utilisez ? (Ex : communautaire,

municipal, provincial, fédéral)

LOISIRS ET VOYAGES EN RÉGIONS FRANCOPHONES

1) Quels sont vos loisirs? Quels sont ceux que vous faites principalement en français ?

Quels sont ceux que vous faites avec les membres de votre famille, vos amis ou vos

collègues ?

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2) Est-ce que vous voyagez régulièrement dans des régions francophones ? Seul(e) ou

en famille ? Pour le travail ou le tourisme? Pourquoi privilégiez-vous ce type de

séjours ?

3) Est-ce que vous rendez visite à de la famille ou à des amis qui habitent dans des

régions ou pays francophones ? Si oui, à quelle fréquence ?

INTERPRÉTATION GÉNÉRALE

1) L’utilisation du français ou de l’anglais est-elle problématique à la maison ?

2) Est-ce que vous ou votre famille avez déjà fait l’objet de discrimination, reçu des

insultes ou été tourné(es) en ridicule parce que vous parliez français ? Dans quels

contextes ?

3) Est-ce que ces expériences négatives ont influencé la fréquence d’utilisation du

français dans votre famille par la suite ?

4) (Si bilingue, français/anglais) Aimez-vous votre style de vie bilingue ? Êtes-vous

fier/fière de votre capacité à parler les deux langues officielles du Canada ? Pourquoi ?

Trouvez-vous qu’être bilingue est un avantage dans votre vie quotidienne ? Pourquoi ?

5) Comment est-ce que vous vous définissez linguistiquement (anglophone,

francophone ou bilingue) et culturellement (Acadien(ne), Franco-Albertain(e), Autre

Franco-Canadien(ne), Franco d’un autre pays, Canadien-français, Québécois) ?

Donner des exemples de contextes dans lesquels vous utilisez certains labels pour vous

auto-identifier.

6) Est-ce que les identités linguistiques et culturelles que vous revendiquez ont déjà été

contestées par d’autres personnes ? Si oui dans quels contextes ?

7) Place à vos commentaires, remarques et suggestions : ils viendront complémenter

cette enquête !