Stratégies de l'entreprise compétitive

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Dans la même collection

Le bilan social de l'entreprise, par Alain Chevalier, 2e édition, 2e tirage, 1979, 168 pages, 5 schémas.

Dynamique de l'auto-réforme de l'entreprise, coordonnateurs F. Dalle et N. Thiéry, 1976, 160 pages, 2 schémas.

Politique industrielle et stratégies d'entreprise, Journées d'études des 20- 21 mai 1976, 1977, 192 pages, 11 schémas.

La responsabilité pénale du fait de l'entreprise, Journées d'Études des 14-15 octo- bre 1976, 1977, 192 pages.

Compétition internationale et redéploiement géographique, Journées d'Études des 28-29 avril 1977, 1978, 144 pages.

L'investissement et le progrès, par J. Plassard et J.-M. Boussemart, 1978, 160 pages, 29 figures.

Autogestion et capitalisme, par Henri Lepage, 1978, 360 pages, 22 schémas.

Relations entre Éta t et Entreprises privées dans la CEE. Information et contrôle, Journées d'Études des 12-13 janvier 1978, 1979, 208 pages.

Analyse sociale de la ville, par H. Reichert et J.-D. Remond, 1980, 232 pages.

Du même auteur

Relations économiques internationales. Exercices de travaux pratiques. Éditions Sirey, 1961.

Croissance et monnaie en plein emploi. Éditions Cujas, 1964.

Politique de l'inovation et répartition des revenus. Éditions Cujas, 1966.

L'entreprise et le pouvoir économique. Éditions Dunod, 1969.

La croissance des entreprises. Éditions Bordas : Tome 1, Analyse dynamique des fonctions de la firme ; 1971, tome II, Analyse dynamique de la concurrence indus- trielle, 1971.

^ystemsof Highcr éducation : Fronce. Écrit en collaboration avec F. Bourricaud et S. quit'rs- V alette. Éditions International Council for Educational Development, New York, 1978.

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Institut de l'Entreprise

Stratégies de l 'entreprise

compétitive par

Alain Bienaymé

Professeur agrégé à l'Université de Pari:, Dauphine. Membre du Conseil Économique et Social

M A S S O N Paris New York Barcelone Milan

1980

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Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute repré- sentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'au- teur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa 1er de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue- rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

é) Masson, Paris, 1980

ISBN : 2-225 - 67078-1 ISSN : 0338 - 1463

MASSON S.A. 120, Bd Saint-Germain, 75280 Paris Cedex 06.

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TORAY MASSON S.A. Balmes 151, Barcelona 8

MASSON ITALIA EDITORI s.p.A. Via Giovanni Pascoli 55, 20133 Milano

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Table des matières

Avant-propos 9 In t roduc t ion 13

Chapi t re 1. L 'échange in t e rna t iona l 19

Sect ion I. Les t r ans fo rmat ions de l 'échange i n t e r n a t i o n a l 20

§ 1. La car te économique du m o n d e 20

§ 2. L 'éventa i l des commodi tés échangées 28

Section II. Les modèles explicatifs de la division in t e rna t iona l e d u t ravai l 40

§ 1. Les condi t ions de la d e m a n d e 40

§ 2. Les condi t ions de la p roduc t ion 49

Conclusion d 'é tape.

Chapi t re 2. La product ion compét i t ive 69

Sect ion I. L ' ana lyse compara t ive des sec teurs indust r ie ls 69

§ 1. Les compara isons fondées su r u n cri tère un ique de h iérarchisa- t ion 70

§ 2. Les compara isons in ter- industr ie l les c o m b i n a n t p lus ieurs cri- tères de h iérarchisa t ion 74

Conclusion d 'é tape 78

Sect ion II. La p roduc t ion 79

§ 1. Le p roduc teu r 79

§ 2. L a capaci té d ' identif ier des besoins 81

§ 3. L a maîtr ise industr iel le 84

§ 4. Conclusion d 'é tape 88

Sect ion III . La concurrence in t e rna t iona l e 89

§ 1. Les écarts «naturels» des coûts 90

§ 2. La dissymétrie des règles du j eu 93

Sect ion IV. Les coûts 99

§ 1. La relat ivisat ion du rôle des coûts 99

§ 2. L 'omniprésence des coûts 101

§ 3. Écar t s et dispari tés d 'évolut ion des coûts 103

§ 4. L ' a d a p t a t i o n des lois de var ia t ion des coû t s aux caractér is t i - ques des produi ts 123

§ 5. L a grille de sensibilité à la concurrence in t e rna t iona l e . . . . 132

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Chapi t re 3. L 'act ion industr iel le l :;fj

Section I. Le pari sur l 'infoi-mation i:is

§1. Le besoin d ' in format ion l is

§ 2. Les déficiences du réseau français d ' in format ions sur la concurrence in te rna t iona le 14 1

Sect ion II. Le pari sur les h o m m e s 14(5

§ 1. Valoriser l 'expérience 1.t 7

§ 2. Miser sur la Reche rche -Déve loppemen t l.t,1.\

§ 3. Améliorer l 'o r ienta t ion professionnelle 150

Section III. Le pari sur le déve loppement indust r ie l 151

§ 1. Pourquo i l ' industr ie f rançaise investi t-elle si peu ? 152

§ 2. Quels marchés aborder ? 154

§ 3. C o m m e n t invest i r ? 156

§ 4. Faut- i l in tégrer les act ivi tés ? 156

§ 5. La France dispose-t-elle des moyens de f inancer la conversion de son apparei l industr ie l ? 156

Sect ion IV. Une poli t ique industr ie l le adap tée 159

§ 1. Renforcer la fonct ion s t ra tég ique dans l 'entreprise 160

§ 2. Déplacer le centre de gravi té de la poli t ique industr iel le de I 'P,tat 163

Conclusion Généra le ./".*• 167

Tab le des Annexes . . . . . . . . . I". \ „ . . £ t i..'.) 169

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Préface

Il n'est pas nécessaire d'insister auprès de nos lecteurs sur l'importance de la dimension internationale des problèmes de notre temps. Notre avenir dépend totalement de notre capacité, donc de notre résolution,de nous adap- ter à ce fait. Car si nous y trouvons en partie les causes de nos difficultés, nous y puiserons aussi nos raisons d'espérer, à condition de savoir maîtriser les obstacles. Comment notre économie peut-elle devenir plus compétitive ? Comment nos choix industriels peuvent-ils être plus cohérents avec l'état du monde ? Telles sont quelques-unes des questions qui se posent.

Le groupe économique de l'Institut de l'Entreprise, en collaboration avec le Commissariat au Plan, a entrepris de s'intéresser aux circonstances dans lesquelles les firmes françaises résistent ou succombent à la concurrence internationale. Les contacts établis entre deux mondes complémentaires qui s'ignorent, dit-on parfois, celui des entreprises et celui de la recherche théo- rique, ont été fructueux. Un groupe de réflexion s'est constitué, réunissant autour d'A. Bienaymé, Ch. Allais, J. Allouche, J. Bounine, M. Drancourt, J.D. Lecaillon, J.D. Lefranc, A. Madec, J. Marcovici, A. Merlin, N. Thiéry, D. Voillereau.

Ce groupe a invité des responsables d'entreprises ou de l'administration, des experts en stratégie, à faire part de leurs réactions et de leur expérience sur le thème de la concurrence internationale. C'est ainsi qu'au cours de l'année 1979 nous avons reçu successivement MM. Ch. Sautter, V. Dmitrieff, F. Mer, F. de Carbonnel, B. Cazes, J. Lesourne, G.Y. Kervern, J.M. Treille, E.J. Guigonis.

Alain Bienaymé a rédigé, à partir de ces entretiens, et se basant sur les théories existantes, un ouvrage qui présente une qualité majeure : la rigueur. Il n'a pas visé la facilité. Le sujet ne s'y prêtait guère et l 'Institut de l'Entre- prise s'honore d'être à l'origine d'un ouvrage de grande qualité théorique.

L'auteur consacre la première partie de son ouvrage à étudier dans quelle mesure on peut trouver un cadre d'analyse pour expliquer les choix des pro- ducteurs et le sens des échanges économiques internationaux.

Le principal enseignement que nous pouvons en tirer est le suivant :

Différentes théories jalonnent l'histoire de la pensée économique dans le domaine de la division internationale du travail, la théorie de Linder dite de la demande de différence, la théorie des créneaux de G. Lafay, la théorie des coûts comparatifs énoncée au siècle dernier par David Ricardo et l'ana- lyse d'Elie Eckscher et B. Ohlin. Quel qu'en soit l'intérêt scientifique, aucune ne paraît avoir un pouvoir prédictif suffisant pour les prochaines années. Aucune, de plus, n'est susceptible de guider efficacement les entreprises dans

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leur choix. Toutes recèlent néanmoins une part de vérité tant il est vrai qu'entreprendre consiste à réduire les coûts des produits dont les marchés révèlent les meilleures opportunités.

Les témoignages d'un certain nombre de praticiens confrontés aux problè- mes de la compétition internationale donnent des indications sur les thèmes de réflexion à approfondir. Ils peuvent contribuer à l'amélioration de l'outil théorique.

Cinq points importants ressortent des entretiens que nous avons eus :

1. Les difficultés d'ordre méthodologique

Il n'est pas facile d'aborder correctement la question de la concurrence internationale. D'abord, il n'y a pas de réponse unique en matière de compéti- tivité. Toute schématisation doit être considérée avec précaution.

Ensuite, les problèmes politiques ou sociaux (différence des niveaux de vie ou des conditions de travail d'un pays à l'autre, des procédures financières, etc.) sont au cœur du débat. «Les analyses en termes de position concurren- tielle relative sont impuissantes lorsque la concurrence n'est pas symétrique». (G.Y. Kervern). Bref, les paramètres en cause sont multiples parce que ce sont des êtres humains qui font les entreprises. L'identification des facteurs comparés de coût et de productivité est donc nécessaire mais non suffisante.

Enfin, il semble impossible de distinguer un secteur compétitif et un autre qui ne le serait pas. Le raisonnement à ce niveau est trop aléatoire.

Nous retiendrons deux objectifs concrets à partir de ces expériences. Le premier consiste à diffuser une information efficace et à développer chez les individus l'envie de s'y référer. C'est une question de manière de raisonner, d'état d'esprit en face des problèmes. Le second est d'obtenir que les études de prospective sectorielle se situent à un niveau suffisamment fin et intègrent les réalités politiques.

2. La place de la technique et de l'innovation

L'hypothèse d'un ralentissement du progrès technologique ne semble pas vérifiée dans les faits au niveau mondial. De ce point de vue, l'affadissement de la créativité technologique en France serait inquiétant s'il se confirmait. La force du Japon, d'après nos interlocuteurs, c'est, bien avant d'améliorer les produits anciens, de mettre au point des modèles nouveaux et des techno- logies nouvelles. Quant aux pays en voie de développement, on peut se demander s'ils ne vont pas, à brève échéance, accroître leurs capacités d'inno- vation dans des techniques particulièrement bien adaptées au Tiers-Monde.

Parmi les critères d'appréciation des situations, la diffusion de la technolo- gie et sa vitesse d'évolution occupent donc une place de choix. Leur poids varie évidemment. On distinguera par exemple les secteurs qui connaissent des transformations lentes et ceux pour lesquels elles sont rapides : «il est plus facile de rattraper un handicap de coût si la technologie é\"olue» (F. Mer).

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L'objectif de la recherche doit être de déterminer les techniques concernées par la croissance future. C'est un problème de dimension optimale pour cha- que technique, et de conciliation des techniques entre elles. Ainsi, certaines entreprises se condamnent à ne faire que des produits peu rentables en ne maîtrisant pas toutes les techniques indispensables. Cette incapacité les em- pêche d'accéder au système permettant de vendre plus efficacement le pro- duit. Dans le même sens, la dépendance vis-à-vis des tiers pour certaines fournitures peut avoir de graves conséquences : l'information risque d'arriver trop tard et l'avantage qui pourrait en résulter disparaît.

3. Le rôle des coûts proprement dits

Dire qu'il faut partir des coûts ne remet pas en cause l'importance du monopole d'innovation. Simplement, quand on vend de l'innovation, il faut se préparer à vendre du coût très vite. Plus précisément, chaque fois qu'on vend un produit rodé, c'est le coût de production qui fait la différence. Le créneau porteur n'est donc pas suffisant pour déterminer la compétitivité : «on s'introduit par l'innovation, mais on tient par le coût» (D. Voillereau). «L'innovation d'aujourd'hui est le coût de demain» (Ch. Sautter). On peut même craindre que les retards en termes de coûts soient plus difficiles à rat- traper que les retards technologiques.

La référence aux coûts est indispensable pour orienter les initiatives indivi- duelles vers l'optimum. Toute la difficulté est d'avoir une conception globale du prix de revient incluant par exemple le taux de crédit ou le salaire ouvrier comparé, et d'apprécier correctement certains critères difficilement quantifia- bles. Sans oublier qu'une bonne connaissance des coûts n'est pas toujours suffisante car l'existence de règles politiques fait que les prix réels ne corres- pondent pas aux vrais coûts.

En définitive, les coûts sont essentiels même s'ils ne sont pas toujours le facteur principal.

4. L'influence des aspects s t ructurels ou sociologiques

L'organisation de la production influence aussi la compétitivité. L'objectif dans ce domaine doit être d'acquérir l'expérience maximum sur un nombre suffisant d'éléments importants, ce qui suppose de déterminer le niveau d'in- tégration optimum.

Les conversions successives opérées par le groupe Herlico sont une bonne illustration. Elles consistent à choisir des biens industriels dont la production est compatible avec les habitudes de la main-d'œuvre et des bureaux d'études, grâce à une bonne convertibilité des actifs humains et matériels. Concernant un autre secteur d'activité, la réaction de F. Mer est également significative : «Pour être compétitif, il suffit d'avoir deux outils de taille indi- viduellement compétitive, si possible pas trop loin l'un de l'autre. Au-delà, la taille crée plus de problème...» Finalement, au regard de la compétitivité, l'intégration ne se justifie que si une technologie particulière vient ajouter quelque chose à chaque phase. A ce sujet, le poids du passé peut être très lourd.

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L'aspect politique ou culturel concerne les règles du jeu in ternat ional . Ainsi, le décollage industriel est une source de déstabil isat ion qui risque d'en- t raver l'effort d ' innovat ion. Le vrai problème est l 'existence d 'un système de valeur vis-à-vis de l 'activité professionnelle différent selon les pays.

La mise en a v a n t de l 'aspect sociologique de la compéti t ivi té conduit à souligner les graves lacunes exis tant au niveau de l ' information. En a l lan t au fond des choses, c'est un problème d 'éducat ion : l ' a t t i tude réservée vis- à-vis de l 'avenir, le m a n q u e de mot iva t ion ou de ressort psychologique, entraî- nen t une réticence à l 'échange d ' information.

Les handicaps d 'un pays se s i tuent au niveau : — de la s t ruc ture sociale et des menta l i t és ; — de l 'existence ou non d 'une complémentar i té int ime du tert iaire et du se- condaire ; — de l'âge de l 'équipement ( sur tou t quand le produi t est banalisé).

Les facteurs qui inf luencent l ' env i ronnement commercial sont : — les phénomènes politiques, — les contra intes administrat ives, — les taux de change, — les charges sociales, - la réussite passée, — la flexibilité de la main-d 'œuvre, — les sources de f inancement , - l 'accessibilité du marché.

Il s'agit en définitive de dé terminer la sensibilité des produi ts à ces diffé- rents facteurs et de t radui re ces obstacles en termes de coût.

5. Le problème de l'information

Le recueil des informations est indispensable pour avoir des entreprises capables de réagir dans des situations dont l'ampleur géographique et la complexité sont de plus en plus grandes. Or, les Français connaissent souvent mal le terrain sur lequel ils manœuvrent.

Plus qu'une bonne utilisation technique des informations, c'est une prise en compte personnalisée qu'il convient de rechercher en étudiant les réactions les plus intimes des habitants auxquels on cherche à vendre des produits. Malheureusement, le bilan n'est pas très positif en ce qui concerne les sources d'information. On entend souvent dire que «lorsque le Français a une infor- mation, il se sent plus compétent que celui qui ne l'a pas, donc il la garde pour lui». Cette remarque, qui est aussi un jugement, a sans doute un fond de vrai. Toute une réflexion doit être menée sur le rôle qui pourrait être tenu par les organismes professionnels : fournir des données, des analyses de marché, savoir ce qui se passe à l'étranger. Nous ne pensons pas que de telles informations ne doivent servir qu'aux membres de la profession. Quant a l intégration du qualitatif, elle est encore plus délicate. Le développement des activités de CEPII en ce sens devrait être encouragé. Dire que la rentabi- lité commence par une bonne connaissance des besoins du marché, c'est re- connaître la place centrale du critère de qualité.

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Finalement, nous retiendrons qu'une bonne information permet d'être à jour sur ce qui se fait au niveau des techniques, des besoins. L'expérience facilite alors le développement d'un système en réduisant les coûts.

Il ressort des entretiens que nous avons eus que l'étude de la compétitivité des entreprises françaises doit être abordée de façon suffisamment fine. Il est nécessaire d'enrichir le catalogue des critères de compétitivité en tenant compte de tout ce qui intervient dans la définition du prix d'un produit. Ce sont les composants qui sont facteurs de compétitivité. L'objectif à atteindre est d'obtenir un maximum de variétés pour l'utilisateur et le mini- mum pour le fabricant.

On peut se résigner, dans un premier temps, à voir les productions délocali- sées au bénéfice des pays en voie de développement, à condition d'accélérer la venue du deuxième temps caractérisé par le rattrapage des niveaux de protection sociale, salaires inclus, de ces pays par rapport à l'Europe et aux Etats-Unis. C'est l'élaboration de politiques de recherche, de politiques en matière de charges sociales, de politiques fiscales... qui permettra de défendre plus ou moins facilement nos atouts.

Il s'agit enfin de promouvoir un système d'information efficace.

Il faut surtout créer un choc dans l'opinion, changer les attitudes et les comportements qui handicapent les industries françaises.

En conclusion, si tous les efforts sont concentrés sur le peignage des coûts concernant les technologies actuelles, les résultats risquent d'être catastro- phiques. Cependant, à force d'insister sur la référence aux règles politiques, aux systèmes de valeur différents, et non aux problèmes des coûts, la néces- sité d'être dynamique en matière de productivité et modéré en matière de revenus disparaît. Cela revient à abandonner les critères d'une bonne gestion industrielle.

En d'autres termes, ce qui est nécessaire n'est pas obligatoirement suffi- sant.

L'étude d'A. Bienaymé mérite une attention particulière. Elle constitue un document de référence non seulement en ce qui concerne le contenu, mais aussi la méthodologie. A. Bienaymé ne se contente pas de souligner l'influen- ce omniprésente des coûts. Il le fait à partir d'un renouvellement du concept de production qui lui permet de relativiser la notion de coût et de prendre en compte des variables qualitatives.

Il peut ainsi faire des recommandations au niveau de la politique économi- que et des stratégies d'entreprise, étudier en profondeur comment faire un bon diagnostic et comment les professions s'informent.

La principale leçon qui s'en dégage est que le redéploiement de nos indus- tries ne saurait sortir tout droit d'une doctrine préconçue. Quels que soient les raffinements des comparaisons entre secteurs industriels et les services rendus à cette occasion par les batteries de critères utilisés, l'industrie françai- se ne redéploiera ses activités dans les bonnes directions qui si les initiatives de la base - groupes industriels, filiales et PME indépendantes - sont

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éclairées par des réflexions s t ratégiques adaptées aux par t icular i tés des mé- tiers, des marchés et des concurrents. En ce sens, on peut affirmer que le redéploiement des industr ies const i tue avan t t ou t une véritable entreprise. Cet te leçon doit être méditée pa r nos adminis t ra t ions de tutelle.

En cette période de l 'Histoire par t icu l iè rement heurtée, les entreprises peu- vent et doivent adap te r leurs stratégies aux turbulences de l 'environnement . A l ' E t a t d ' adap te r ses propres in tervent ions si l 'on veut rendre notre appareil industriel plus compétitif, créer une base solide pour augmente r les emplois.

Nicolas T H I E R Y Vice-Président de l ' Ins t i tu t de l 'Entrepr ise

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Avant-propos

L'Univers n 'es t pas bien ba layé Henry -James

L a s c i e n c e é c o n o m i q u e m a n i f e s t e s o n i n t é r ê t p o u r l e s e n t r e p r i s e s d e p u i s

p e u . O n p e u t s e d e m a n d e r p o u r q u o i n o t r e c o n n a i s s a n c e a s i t a r d i v e m e n t p r o -

g r e s s é e n c e d o m a i n e .

N o u s y v o y o n s p l u s i e u r s r a i s o n s . L e s u n e s t i e n n e n t a u f o n d e m e n t d e l ' a n a -

l y s e é c o n o m i q u e . L e p o i n t d e d é p a r t l o g i q u e d u s y s t è m e d e c o n n a i s s a n c e é c o -

n o m i q u e e s t e n e f f e t l a l u t t e c o n t r e l a r a r e t é . P o u r l ' é t u d i e r , il f a l l a i t e n

i d e n t i f i e r l e s m a n i f e s t a t i o n s e t l e s e x p r i m e r s o u s l a f o r m e o p é r a t i o n n e l l e d e s

l o i s d e l ' é c h a n g e e t d e l a f o r m a t i o n d e s p r i x . L ' e n t r e p r i s e s e t r o u v e e n a m o n t ,

à l a s o u r c e d e s c o n d i t i o n s d e l ' o f f r e ; m a i s l ' é c o n o m i s t e n e r e s s e n t a i t p a s l e

b e s o i n d ' y v o i r a u t r e c h o s e q u ' u n s i m p l e r o u a g e d a n s l ' a x i o m a t i q u e d e l a d é c i s i o n r a t i o n n e l l e .

D ' a u t r e s r a i s o n s t i e n n e n t à l a t i m i d i t é d e s é c o n o m i s t e s d e v a n t d e s p h é n o -

m è n e s q u e l e p a r a d i g m e t h é o r i q u e d e r a t i o n a l i t é , a p p r é h e n d e m a l . L ' i n c e r t i -

t u d e d a n s l a q u e l l e l e s d i r i g e a n t s p r e n n e n t l e u r s d é c i s i o n s e n t r e d i f f i c i l e m e n t

d a n s u n c a d r e d e p e n s é e d o m i n é p a r l a r e c h e r c h e d é t e r m i n i s t e d e l a p o s i t i o n

d ' é q u i l i b r e . L a t e x t u r e d e s p o u v o i r s d a n s l ' e n t r e p r i s e e t s u r l e s m a r c h é s

c o n t r e d i t p o i n t p a r p o i n t c e t t e c o n s t r u c t i o n d e l ' e s p r i t q u e r e p r é s e n t e l a

c o n c u r r e n c e p u r e e t p a r f a i t e .

L ' a x i o m a t i q u e d e l a d é c i s i o n r a t i o n n e l l e q u e l e t h è m e d e l a c o n c u r r e n c e

p u r e e t p a r f a i t e a , s i l ' o n p e u t d i r e , p o p u l a r i s é e s u r l e s b a n c s d e l ' u n i v e r s i t é ,

e x e r c e a u j o u r d ' h u i u n i m p e r i u m d e p l u s e n p l u s c o n t e s t é . L ' i n c e r t i t u d e , l e s

d e g r é s d e l i b e r t é q u ' e l l e i n t r o d u i t d a n s l e s c o m p o r t e m e n t s , l ' i n é g a l i t é d e s

h o m m e s d e v a n t l ' i n f o r m a t i o n , l a d i s t r i b u t i o n d e s r e l a t i o n s d e p o u v o i r s o n t

a u t a n t d e p h é n o m è n e s l i é s à l a v i e d e s o r g a n i s a t i o n s e t a c c u s e n t l e s o m b r e s

q u e l e s l u m i è r e s d u c a l c u l é c o n o m i q u e r a t i o n n e l l a i s s e n t s u b s i s t e r .

M a i s l ' e x p l o r a t i o n d u m o n d e d e s e n t r e p r i s e s s u s c i t e a u j o u r d ' h u i u n e p r o f u -

s i o n d e d i s c o u r s s c i e n t i f i q u e s o u s e v o u l a n t t e l s .

D e s é c o n o m i s t e s t h é o r i c i e n s é t e n d e n t l e c h a m p d e l e u r s o b s e r v a t i o n s e t

a c c u e i l l e n t à l a b a s e d e l e u r s r é f l e x i o n s d e s d o n n é e s n o u v e l l e s p l u s p r o c h e s

d e s r é a l i t é s d e l a v i e d e s e n t r e p r i s e s . C ' e s t a i n s i q u e s e m u l t i p l i e n t l e s s c h é m a s

d ' a n a l y s e s u r l e s s t r u c t u r e s d e m a r c h é s , l e s c o m p o r t e m e n t s d e s e n t r e p r e n e u r s ,

l e s p e r f o r m a n c e s d e l ' e n t r e p r i s e , e t c . D e s o n c ô t é , l ' é c o n o m é t r i e t r o u v e d a n s

l é c o n o m i e i n d u s t r i e l l e e t l e s d o n n é e s i s s u e s d e s c e n t r a l e s d e b i l a n s m a t i è r e

à v é r i f i c a t i o n e m p i r i q u e d ' h y p o t h è s e s e n p u i s a n t d a n s l a p a n o p l i e d e s m é t h o -

d e s e n v i g u e u r : r é g r e s s i o n s m u l t i p l e s , a n a l y s e d e d o n n é e s , p r o g r a m m a t i o n

l i n é a i r e , p r o g r a m m a t i o n d y n a m i q u e , e t c .

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En même temps que l 'économiste affine la formalisat ion des problèmes d'entreprise, la psychologie et la sociologie des organisat ions proposent de nouveaux schémas théoriques et mul t ip l ient les investigations empiriques ; enquêtes, sondages, observations cliniques, analyses multivariées, consulta- tions.

Le monde des affaires et le monde syndical n 'assis tent pas sans réagir aux assertions émises par les différentes écoles de pensée. Assertions qui sont par- fois ressenties comme de véritables agressions. Les acteurs du système indus- triel en tenden t faire par t de points de vue qui, pour être sans doute en part ie «intéressés», n 'en bénéficient pas moins de ce privilège du vécu qu 'a l 'homme d'act ion sur l 'observateur «irresponsable». Il est difficile de faire comprendre que pour bien parler d 'Austerli tz, il n 'est point abso lument nécessaire d'y avoir été. S'il est sans doute préférable d 'avoir été en Chine pour en t ra i ter per t inemment , convenons cependant que la connaissance in t imement vécue d 'un phénomène ne préserve en aucune façon l 'observateur et son lecteur de leurs subjectivités. Car, qui peut se van te r d 'être t o t a l emen t libre de tou t intérêt qu'il soit financier ou idéologique ?

Ce débat suscite des incompréhensions marquées en France et progresse d ' a u t a n t plus l en tement que le monde des affaires y cède, semble-t-il plus qu'ailleurs, à la t en ta t ion du secret. Bref, l 'esprit de libre recherche qui est dans la vocation de t o u t chercheur comme dans la mission de l 'Université rencontre des obstacles majeurs. S'il est vrai qu 'en économie comme dans les au t res sciences de la société la neut ra l i té appa ren te recouvre des choix implicites, une certaine conception de la science comba t t an t e , apologétique ou contes ta ta i re provoque des réact ions de rejet de la par t des groupes qui s 'est iment a t taqués . Les cibles présumées re t iennent une informat ion don t elles r edou ten t qu'elle se re tourne contre elles. Mais ni la c o m m u n a u t é scien- tifique ni la société ne gagnent à la discrétion qui règne dans de nombreux domaines de l 'économie industrielle, pa r exemple les condit ions concrètes de la formation des prix, les stratégies pat r imoniales des entreprises, les politi- ques de r ec ru temen t du personnel, la stratégie des revendicat ions syndicales et politiques dans l 'entreprise, etc.

Ce livre est rédigé par un économiste formé à l'origine essentiel lement à la théorie économique des années cinquante, puis à l 'analyse économique des organisations. Mais il doit beaucoup aux contac ts établis par le t ruche- ment du Commissar ia t du Plan et de l ' Ins t i tu t de l 'entreprise avec ceux que préoccupent le choix des or ientat ions s t ratégiques des entreprises et qui se soucient d'en faire évoluer les pratiques.

Nous avons dél ibérément limité les recherches à l ' identification du rôle des coûts, des prix de revient et des prix dans la réflexion s t ratégique des entreprises soucieuses de demeurer ou de devenir compétitives. Il nous est apparu nécessaire de circonscrire ainsi les informations de manière à les concentrer sur des réalités économiques consistantes et si possible mesura- bles. Ce rôle, on le verra, n 'exclut pas que les dirigeants préservent une liberté de manœuvre à l'égard des rigueurs du contrôle budgétaire ; mais il en est de la stratégie et des coûts un peu comme de la poule et de l 'œuf : l 'entreprise vit dans un cont inuum historique où contra intes et libertés a l te rnent et se complètent selon des dosages variés.

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Il est certes extrêmement difficile de s'adresser simultanément aux diri- geants d'entreprise et à leurs collaborateurs, aux fonctionnaires engagés dans l'administration économique et aux universitaires et chercheurs. Mais le thè- me choisi doit favoriser la confrontation des points de vue et, si possible, quelques rapprochements. Nous tentons de le faire en dégageant de la subs- tance des entretiens un noyau commun d'expériences transférables et en confrontant ce noyau aux acquis de l'analyse économique. Le décalage que nous constatons comporte des leçons qu'il convient de tirer tant sur le plan des relations d'interdépendance entre les niveaux d'analyse micro et macro- économique que sur le plan de l'action individuelle.

Nous adressons nos remerciements à l'Institut de l'Entreprise sans lequel nous n'aurions pu mener à bien une telle enquête, au Commissariat Général du Plan qui a manifesté son intérêt pour notre initiative. Notre reconnaissan- ce s'adresse tout particulièrement à ceux qui, autour de Nicolas Thiéry, nous ont aidé à conduire les entretiens : MM. C. Allais, J. Allouche, J. Bounine, M. Drancourt, J.D. Le Franc, A. Madec, J. Marcovici, A. Merlin, D. Voille- reau.

Ce livre a bénéficié d'informations substantielles qu'ont bien voulu nous communiquer MM. de Carbonnel, Cazes, Dimitrieff, Guigonis, Kervern, Le- sourne, Mer, Plassard, Sautter, Treille.

Nous devons aussi exprimer notre gratitude à l'égard de MM. J.D. Lecail- Ion et Silicani dont l'aide fut précieuse pour établir la documentation de l'ouvrage. Enfin, nos remerciements s'adressent à Madame Noël qui a assuré avec compétence et gentillesse la frappe du manuscrit.

En reconnaissant notre dette à l'égard des personnes citées, nous n'enten- dons pas engager leur responsabilité.

Les erreurs que cet essai comporte nous sont entièrement imputables et les opinions qui y sont exprimées sont propres à l'auteur.

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Introduction

Lorsqu'au début des années soixante, Pierre Massé eut l'intuition que l'ou- verture de la France à l'échange international allait scinder notre économie en deux catégories de secteurs selon leur degré d'exposition à la concurrence étrangère, lorsque Raymond Courbis formalisa cette intuition et forgea l'ins- trument économétrique qui allait devenir le modèle physico-financier, non seulement la théorie économique s'affranchissait des schémas keynésiens mais elle se faisait plus accueillante aux problèmes de l'entreprise et de son financement1.

Cependant, en distinguant secteurs «abrités» de la concurrence étrangère et secteurs «exposés», on tendait à accréditer l'impression, sans doute «réalis- te», que la France, pays de moyenne puissance, nation intermédiaire, prise en tenailles entre la croissance de nations plus avancées ou plus dynamiques au plan technologique, et celle de jeunes États du Tiers-Monde surgissant brutalement sur la scène industrielle, avait à subir la concurrence, non à en jouer pour gagner. Le choix des mots, «économie concurrencée», corres- pondait bien d'ailleurs à l'intention de R. Courbis pour qui rares sont les secteurs dans lesquels les entreprises françaises font figure de leaders et peu- vent fixer à leur guise les prix sans craindre de voir leurs marchés passer à la concurrence. Mais à l'ignorance mutuelle dans laquelle s'entretenaient autrefois en France les managers et les économistes, risquait de se substituer un malentendu fondé cette fois sur la nature de réalités sociales, que les premiers vivent et contribuent directement à façonner et dont les seconds analysent, commentent et s'efforcent de supputer les chances d'évolution. Entre le déterminisme des statistiques rétrospectives qui laisse entrevoir la concurrence qu'affronte notre pays et le volontarisme des manœuvres straté- giques de nos firmes les plus entreprenantes, un hiatus s'établit qui nourrit les incompréhensions.

De plus, à trop insister sur la distinction analytique entre secteurs exposés et abrités, d'autres aspects de la réalité économique se trouvaient d'être négli- gés. Même si les entreprises ne supportent pas toutes également le poids de la contrainte de compétitivité internationale, elles sont, bon gré mal gré, soli- daires comme le sont dans une bataille, les hommes du front et ceux de l'arrière, les activités opérationnelles et le support logistique. En raisonnant aujourd'hui en termes de spécialisations, de choix et donc de sacrifices, il ne faut jamais perdre de vue ce que l'on gagne et ce que l'on perd en aval

1. Voir par exemple : P. Massé, R a p p o r t é tabl i à la sui te de la «Conférence des Revenus , D o c u m e n t a t i o n française 1964. R. Courbis, Compéti t ivi té e t c ro i ssance économique concur ren- cée, D u n o d 1975 tomes 1 et 2. A. Bienaymé, Le passage cr i t ique de l 'économie concur rencée à l 'économie compéti t ive, Revue économique, ma i 1970.

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Annexe V COUT HORAIRE DE LA MAIN-D'ŒUVRE DANS L'INDUSTRIE 1975-1977

Ouvriers + employés En monnaie nationale aux prix courants

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