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Gerard CLEMENT Page 1DU 12 AU 17 AVRIL document.doc16/03/2022 CENTRE RHONE –ALPES D’INGENERIE SOCIALE SOLIDAIRE & TERRITORIALE REVUE DE PRESSE DU 12 AU 17 AVRIL 2017 Changer de logiciel Présidentielle : quelle place pour le dialogue social ? Et le temps de travail dans tout ça ? L’épargne salariale dans l’attente d’un développement dans les PME Renoncement aux soins, la Sécu agit Quelle politique du temps de travail ? Dispositifs et montants gérés par le paritarisme de gestion : de quoi parle-t-on ? QUAND LA TACTIQUE ÉLECTORALE MENACE LES RÉFLEXES RÉPUBLICAINS PRÉSIDENTIELLE 2017 : LA DYNAMIQUE MÉLENCHON La vertu, le bruit et la fureur… Comment guérir de la présidentiélite? La campagne s’égare en Russie Hamon: "On ne peut pas seulement gouverner pour les gens qui vont bien" Benoît Hamon : "Ce qui a échoué en 1981 marchera demain" 1

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CENTRE RHONE –ALPES D’INGENERIE SOCIALE SOLIDAIRE & TERRITORIALE

REVUE DE PRESSEDU 12 AU 17 AVRIL 2017

Changer de logiciel Présidentielle : quelle place pour le dialogue social ? Et le temps de

travail dans tout ça ? L’épargne salariale dans l’attente d’un développement dans les PME Renoncement aux soins, la Sécu agit Quelle politique du temps de travail ? Dispositifs et montants gérés par le paritarisme de gestion : de quoi

parle-t-on ? QUAND LA TACTIQUE ÉLECTORALE MENACE LES RÉFLEXES RÉPUBLICAINS PRÉSIDENTIELLE 2017 : LA DYNAMIQUE MÉLENCHON La vertu, le bruit et la fureur… Comment guérir de la présidentiélite? La campagne s’égare en Russie Hamon: "On ne peut pas seulement gouverner pour les gens qui vont

bien" Benoît Hamon : "Ce qui a échoué en 1981 marchera demain" Benoît Hamon: «Je refuse de m’accrocher au monde ancien, je me

projette» Voter : un sacré boulot !

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Changer de logiciel La campagne présidentielle est dans sa dernière ligne droite. Dans 6 jours, nous allons « choisir ». 11 candidats pour une place en finale. 11 programmes. Le choix – voter – est l’un de nos droits fondamentaux de citoyen. Il nous faut pleinement l’exercer. 23 avril – 7 mai – 11 Juin – 18 juin : 4 dates où il faudra choisir la voie de notre avenir commun. Les propositions sont sur la table après dès le 19 juin, après le choix il faudra agir. Voltaire disait : « Gouverne qui peut, après on gouverne comme on peut ». Quel peut-être notre choix ? Chacune et chacun a ses critères certes, seulement il y a des choix fondamentaux qui fondent la République et la Démocratie. Quelle politique économique pour demain ? Néolibéralisme triomphant avec plus ou moins de dose sociale, keynésianisme plus ou moins libéral, ou bien régulation volontariste. Europe simple marché commun ou Europe des peuples ou fin d’Europe. Et si le choix fondamental était aussi ailleurs ? S’il était tout simplement celui de la cohérence économique donc de celui de la production des richesses et de la redistribution de celles-ci. Rares sont les programmes qui s’interrogent sur l’évolution des modes de productions des richesses. Catalogues de mesures pour la plupart avec majoritairement la colonne vertébrale du néolibéralisme où la loi du marché est la règle d’or. D’autres, protestataires par nature, se positionnent sur les conséquences et non sur les raisons. Enfin très rare, pour ne pas dire unique, une esquisse de ce nouveau logiciel avec quelques mesures qui mises en cohérence, fondent les prémices d’une politique prenant en compte ces évolutions. L’évolution des modes de production des richesses Le progrès technologique – depuis le début de l’ère industrielle – a eu pour but de diminuer la part de l’Humain dans la production de richesses. De la machine à vapeur au numérique, nous avons eu une évolution constante de la diminution de la quantité de travail humain nécessaire dans cette production. Cela s’est traduit par une diminution forte du temps consacré dans une vie au travail, mais aussi par l’évolution des métiers, et l’intégration dans le monde du travail d’une grande partie de la population. Parallèlement, la notion de productivité – celle du capital comme celle du travail - s’est installée. L’organisation du travail s’est affinée avec le taylorisme – segmentation de la production entre les individus – avec pour résultat : la productivité lié à l’individu donc au seul travail humain. Henry Ford plus tard, ayant compris que ses voitures devaient être achetées, mis en place la redistribution. C’est cependant sur la productivité liée à l’individu, que s’est construit avec le grand pas du programme du Conseil National de la Résistance, tout notre système de redistribution des richesses en France notamment. C’est ainsi que toute notre protection sociale – Sécu, retraite, assurance-chômage etc.. Système de redistribution basé sur la solidarité se trouve alimenté par des cotisations assises sur les salaires – redistribution individuelle de richesses. Depuis donc 70 ans, notre système global de redistribution est taylorien, c’est-à-dire basé sur la productivité liée à l’individu donc alimenté essentiellement par les revenus du travail. Les Français étant d’ailleurs les champions du monde de la productivité horaire par individus. Le progrès technologique lui ne s’est pas arrêté est a engendré des gains de productivité immenses absorbés par une triple réduction du temps de travail : sur la vie de travail, sur la durée hebdomadaire, sur la précarité du travail. Ces gains de productivité sont allés – faute de négociations sociales – faute d’arbitrages – faute de régulation très majoritairement à la rémunération du capital déstabilisant le rapport capital-travail dans la redistribution des richesses. Le résultat aujourd’hui est un accroissement des inégalités de revenus, la progression de la pauvreté, le chômage de masse et l’accroissement de la précarité. Le progrès technologique ne s’arrêtant pas, si nous ne changeons pas le logiciel de pensée, cela continuera. C’est la logique néolibérale que je pourrais illustrer par ce propos d’un ancien Président de Wolskwagen qui il y a près de trente ans : « tant que je trouverai de la main d’œuvre moins chère dans le monde qu’en Europe, et moins coûteuse qu’une machine, nous serons tayloriens ». C’est toute l’illusion de la mondialisation et de la compétitivité coût du travail. Donc changeons de logiciel Changer de logiciel de pensée concrètement signifie passer de la productivité liée à l’individu à la productivité « globale » donc faire participer à la redistribution tous les éléments productifs de richesse à commencer par les « machines ». A l’ère du numérique, de l’entreprise 2.0, il est temps de construire la post-taylorisation de la production. A l’ère de l’émergence de nouvelles matières premières inépuisables telles l’information, la finance etc. il nous faut construire une autre redistribution des richesses. Il y a presque 30 ans, en 1990, j’écrivais dans une tribune : « La fin du « taylorisme » est inexorable. Il restera, sans nul doute, pour quelque temps, le modèle des pays en voie de développement, mais à terme il disparaîtra. La productivité augmentera : de nouvelles machines naîtront, et l’informatique n’en est qu’à ses débuts.Aujourd’hui, le secteur tertiaire, a priori non productif, le devient souvent à tel point que, pour désigner ces activités nouvelles, il faudrait parler de « quaternaire ». L’investissement dit productif, qui devrait créer des emplois selon certains, n’en crée pas, tout simplement parce qu’un chef d‘entreprise normalement constitué qui investit, investit pour produire plus avec moins de salariés.La création d’emplois, encore faudrait-il savoir quels emplois, ne se décrète pas. Ce qui compte c’est le solde entre les créations et les pertes. Or, ce solde sera fatalement négatif car l’évidence est bien que le travail de la machine remplace celui de l’homme. Comment ne pas s’en réjouir ! Mais aussi comment ne pas s’inquiéter car nous avons deux choix :

Où l’on emploie peu de gens, payés très chers, et à qui l’on prélève de plus en plus pour permettre aux autres de survivre. Où l’on essaie d’employer plus de monde en réduisant le temps de travail, en maintenant les ressources, bien sûr.

Mais peut-être y a-t-il une troisième voie ?Partager les richesses produites d’une autre manière, en faisant participer tous les agents de production de cette richesse, c’est-à-dire les hommes et les machines. »Oui changer de logiciel comment ? La volonté politique avec une cohérence des mesures est une évidence : quatre leviers essentiels plus deux orientations fortes. Volonté politique d’abord :

- il faut partager les gains de productivité entre investissement – rémunération du travail – rémunération du capital et introduire « la productivité globale » dans la pensée économique.

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- Substituer à la compétitivité coût du travail, la compétitivité qualité-innovation donc privilégier le levier recherche – développement.Quatre leviers essentiels :

- Introduire une contribution sociale sur la valeur ajoutée en se basant sur le ratio Masse salariale/Valeur ajoutée ce qui favorisera les industries de main d’œuvre en faisant cotiser les machines.

- Différencier les initiatives fonction de la taille des entreprises : l’artisan et sa TPE n’est pas le groupe international du CAC 40- Repenser les modes d’organisation du travail avec la poursuite de la réduction du temps de travail et la possibilité de choix des

salariés – tout en rétablissant la hiérarchie des normes.- Redistribuer du pouvoir d’achat direct de solidarité.

Deux orientations fortes : - Mettre l’humain au centre de l’économie en définissant les besoins essentiels et en y répondant concrètement par l’action publique

en priorisant le gisement d’emplois nécessaires. - Définir les biens communs d’intérêt général et les « nationaliser ».

C’est de notre capacité à construire ensemble ce « nouveau logiciel » que demain la République et la Démocratie se renouvèleront. L’essentiel est saurons-nous nous le permettre ? Retrouvons ensemble l’esprit de Jaurès : « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir. ». Gérard CLEMENT 17 Avril 2017

Présidentielle : quelle place pour le dialogue social ? Et le temps de travail dans tout ça ?mercredi 12 avril 2017Toujours difficilement appréhendé par les politiques, nous avons essayé de décrypter les propositions des candidats à la présentielle en matière de dialogue social. Quoique peu nombreuses, leurs propositions font ressortir des visions différentes du dialogue social et de la place des partenaires sociaux dans la société française d’aujourd’hui. Finalement, quelle confiance les candidats ont-ils dans les partenaires sociaux pour résoudre les questions liées au travail et à quel niveau et par qui doit être définie la norme sociale ? La question du temps de travail en est la meilleure illustration.Qui doit définir la norme et à quel niveau ?Pour Jean-Luc Mélenchon, c’est très clair : « le dialogue social n’a été que prétexte pour légitimer le pouvoir patronal » et en conséquence l’essentiel doit être réglé par la loi. Cette vision très centralisée de la définition des normes, on la retrouve chez Marine Le Pen et Benoît Hamon au travers de leur volonté de supprimer la loi El Khomri en rétablissant les principes anciens de la hiérarchie des normes et du principe de faveur. À l’inverse François Fillon veut tout renvoyer à la négociation d’entreprise y compris en supprimant la définition par la loi de la durée légale du temps de travail. Quant à Emmanuel Macron, il souhaite redéfinir les niveaux de négociation pour laisser plus de place à la négociation d’entreprise. Il y fixe toutefois des limites : la durée légale du temps de travail et la définition du salaire minimum sont toujours fixés par la loi.S’ils ne remettent pas en cause la place des syndicats, François Fillon et Marine le Pen veulent s’attaquer à leur rôle et à leur pouvoir en supprimant le monopole syndical pour le premier tour des élections des représentants du personnel et veulent remettre en cause les seuils sociaux de 10 et 50 salariés. Par ailleurs, Marine Le Pen souhaite amplifier les contrôles sur le financement des organisations syndicales, manière de jeter une suspicion certaine sur ce sujet. Quant à François Fillon, il souhaite autoriser le référendum à l’initiative de l’employeur qui, on le sait, est une manière de contourner les organisations syndicales pour la définition des règles sociales dans l’entreprise.Quel avenir pour les IRP ?Pour ce qui est des Institutions représentatives du personnel, Jean-Luc Mélenchon veut renforcer le pouvoir des comités d’entreprise jusqu’à leur donner le droit de véto sur les licenciements économiques. Benoît Hamon, quant à lui, souhaite donner dans les entreprises de plus de 2 000 salariés un droit de véto du CE sur les grands choix stratégiques de l’entreprise (délocalisation, fermeture, digitalisation, robotisation, aides publiques, etc).Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen (pour les entreprises de 50 à 300), veulent mettre en place des institutions uniques regroupant les prérogatives des CE, DP et CHS-CT. Toutefois, Emmanuel Macron laissera par dérogation la possibilité aux partenaires sociaux de maintenir les institutions actuelles ou en créer de nouvelles par accord d’entreprise.Le temps de travail :Dans ce contexte, dans le prolongement de la loi El Khomri, la question de la durée et de l’aménagement du temps de travail est revenue au premier rang dans les programmes des syndicats avec des projets évidemment très opposés.François Fillon veut mettre fin à la durée légale du temps de travail en renvoyant à la négociation d’accords sur la durée du travail dans les entreprises. Gagnants-gagnants, les accords majoritaires ne devront pas se traduire par une perte de salaire. Seule une durée de référence de 39 h sera maintenue pour les entreprises sans dispositions conventionnelles sur le temps de travail. Cette référence traduit son souhait d’une augmentation du temps de travail que l’on retrouve dans sa volonté de porter à 39h le temps de travail des fonctionnaires.Marine Le Pen ne veut pas toucher à la durée légale à 35h, mais donnera la possibilité aux branches professionnelles d’allonger le temps de travail par accord avec une compensation salariale intégrale. Elle propose aussi de défiscaliser les heures supplémentaires.Emmanuel Macron maintient aussi la durée légale du temps de travail à 35 heures. Il veut élargir les dispositions de la loi El Khomri sur les aménagements du temps de travail par la négociation d’accords majoritaires au niveau de l’entreprise. Il veut supprimer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires.Benoît Hamon veut au contraire entamer une nouvelle étape de réduction du temps de travail vers les 32 h en favorisant la négociation d’accords de réduction du temps de travail avec des aides de l’État selon le modèle des accords de Robien du milieu des années 90.Quand à Jean-Luc Mélenchon, il veut instaurer la sixième semaine de congé et proposera une conférence sociale pour discuter du passage à 32 h.Décidemment, un certain nombre de ces candidats ne semblent pas avoir retenu les leçons des présidences précédentes et continuent de faire des promesses qu’il sera pour le moins difficile de tenir…Au final, quelle place pour les partenaires sociaux ?

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On le voit, la question du dialogue social reste une question difficile à aborder pour les politiques. Mais la vraie question n’est-elle pas de savoir, une fois élus, l’attitude qu’ils auront vis-à-vis des partenaires sociaux et des syndicats en particulier notamment au travers du paritarisme et du rôle de la négociation collective. Mais, par ailleurs, quelle application feront- ils de la loi Larcher qui oblige l’État à consulter les partenaires sociaux avant de mettre en œuvre de nouvelles règles sociales et leur laisser le temps d’une négociation ? Voudront-ils leur déléguer le traitement de certains dossiers comme cela s’est fait tant bien que mal dans les quinquennats précédents ? Y-aura-t-il toujours des conférences sociales avec un agenda social entre l’État et les partenaires sociaux ? Autant de questions qui, à la lecture des programmes, n’ont pas ou peu de réponses.

L’épargne salariale dans l’attente d’un développement dans les PMEmercredi 12 avril 2017La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances du 6 août 2015, dite loi Macron, présente de nombreux avantages pour les salariés et les employeurs. Plusieurs mesures visent à inciter les petites entreprises (moins de 50 salariés) à mettre en place un dispositif d’épargne salariale : obligation pour les branches de négocier un accord de participation ou d’intéressement avant le 30 décembre 2017 ; alignement des délais de l’intéressement et de sa participation, possibilité d’abonder unilatéralement le PERCO, réduction du forfait social de 20 % à 8 % pendant 6 ans pour la mise en place d’un premier accord de participation ou d’intéressement ou sa renégociation après plus de 5 ans, meilleure information des salariés…L’épargne salariale concerne aujourd’hui 8,7 millions de salariés et représente 10,2 millions de comptes pour un encours de 122,5 milliards d’euros. Proposée par environ 300 000 entreprises en France à travers les dispositifs d’intéressement et de participation investis dans les PEE (plan d’épargne entreprise) et PERCO (plan d’épargne pour la retraite collectif), l’épargne salariale reste insuffisamment connue, les salariés ne profitant pas assez de ses atouts.Les branches sont en retard dans la négociation. Sauf pour celles dont les entreprises sont en bonne santé et/ou dont les salariés présentent une capacité d’épargne suffisante. Nombreuses sont les entreprises qui n’ont pas encore déployé ces dispositifs : 17 % seulement des salariés des entreprises de moins de 50 salariés bénéficient d’un accord d’intéressement, de participation, ou d’un plan d’épargne salariale.La semaine de l’épargne salariale vient de se dérouler du 27 au 31 mars 2017 . Face à ce constat, une trentaine d’acteurs se sont mobilisés pour faire de la semaine de l’épargne salariale un rendez-vous annuel.Un site internet dédié est créé : www.epargnesalariale-france.frDe nombreux événements à destination des épargnants comme des entreprises ont été organisés avec une dimension pédagogique et un objectif commun : mieux faire connaître l’épargne salariale. Convaincus que le besoin d’information est réel, tant au profit des épargnants-salariés que des entreprises, les acteurs du marché français ont souhaité s’impliquer pour répondre concrètement aux attentes :

Mieux faire comprendre les atouts de cette épargne aux salariés de façon pratique ; Les rendre acteurs de cette épargne en leur apportant les clés pour mieux connaître, s’informer et gérer leurs dispositifs ; Encourager les entreprises à mieux communiquer auprès de leurs salariés et à intégrer ce dispositif dans leur politique managériale ; Convaincre les entreprises et associations qui n’en disposent pas encore.

Les principaux acteurs sont : L’AMF (autorité des marchés financiers) Autorité publique indépendante, elle est chargée de veiller à la protection de l’épargne

investie en produits financiers, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés. L’AFG, (Association française de la gestion financière), elle représente et promeut l’industrie de la gestion de portefeuille pour

compte de tiers. La DGT (Direction générale du travail) élabore, anime et coordonne la politique du travail afin d’améliorer les relations collectives et

individuelles et les conditions de travail dans les entreprises. La Direction générale du Trésor, administration qui, sous la responsabilité du ministre, travaille à la politique économique française,

y compris en Europe et dans le monde. La Finance pour tous, est une association d’intérêt général, agréée par le ministère de l’Education Nationale, qui a pour objectif de

favoriser et promouvoir la culture financière du grand public .Mais aussi de nombreuses branches et leurs institutions (OPCA), des assurances et des mutuelles.

Renoncement aux soins, la Sécu agitmercredi 12 avril 2017La CNAM (caisse nationale d’assurance maladie) vient d’annoncer la généralisation de plateformes départementales pour lutter contre le renoncement aux soins. Un Français sur quatre serait concerné, principalement des femmes et des personnes seules. Le renoncement est lié à des raisons financières ou à des défauts d’explication et des problèmes de compréhension du système. L’accès aux soins est garanti par la Constitution et reconnu comme un droit. Et si, à court terme, la lutte contre le renoncement aux soins peut apparaître comme une dépense supplémentaire, à long terme, c’est en réalité un investissement « rentable » pour la Sécurité Sociale et l’ensemble de la société.Des chiffres qui révèlent un véritable problèmeUne étude menée, en 2016, dans 18 départements par l’Observatoire des non-recours aux droits et services (Odenore) indique que plus d’un quart des assurés interrogés dans les accueils de l’Assurance maladie seraient concernés par cette situation. L’étude s’est appuyée sur 29 000 assurés. Parmi ceux-ci figurent principalement des femmes (58,6 %), des personnes seules (36,6 %) ou des familles monoparentales (17,7 %). Ces chiffres corroborent la première enquête qui fut menée dans le Gard et qui montra que dans 94 % des cas, ces personnes avaient un réel besoin de soins.

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On renonce d’abord aux soins dentaires, auditifs et optiquesLe renoncement aux soins concerne surtout les soins dentaires, auditifs et optiques. Mais on constate aussi au cours de l’étude que les consultations de spécialistes voire l’accès à un généraliste peuvent faire l’objet d’un renoncement.Quels sont les obstacles principaux ?Ils sont avant tout financiers, trois cas sur quatre, mais d’autres causes peuvent intervenir. Une méconnaissance des droits ou la complexité des démarches à effectuer peuvent décourager les assurés, tout comme des délais de rendez-vous parfois très longs ou un éloignement géographique. L’Odenore a identifié « un manque de guidance » : « Je suis perdu. Si on me disait à quelle porte frapper, peut-être que je m’en sortirais mieux. »En annexe, les causes évoquées du renoncement aux soinsL’Assurance maladie se veut proactiveLa CNAM mise sur des plateformes d’intervention départementale pour l’accès aux soins et à la santé (Pfidass), pour offrir un « accompagnement sur mesure » à l’ensemble des personnes renonçant à se soigner pour des raisons financières ou par manque d’information et de guidance. La CNAM indique que le renoncement aux soins est devenu « un défi » qui concerne la collectivité dans son ensemble, la Sécurité Sociale mais aussi l’ensemble des institutions. Il est, selon elle, « source d’inégalités et de dépenses supplémentaires à moyen et long termes ». Elle veut désormais être proactive en la matière en sortant de son rôle habituel de guichet qui délivre des droits ou des prestations. La Pfidass ne se substitue pas aux interlocuteurs existants, mais elle orchestre leur coordination pour l’assuré. D’autant plus que certains assurés sont autonomes et veulent juste être orientés, par contre d’autres ont besoin qu’on remplisse les dossiers avec eux.La mise en place de plateformes départementalesLancé sous forme d’expérimentation depuis novembre 2014, le dispositif va être généralisé à l’ensemble du territoire à travers trois vagues successives du 1er avril 2017 à la mi-2018, au plus près des assurés. Pour fonctionner, la Pfidass doit s’appuyer sur un réseau de détecteurs efficace et étayé, comme les agents d’accueil au guichet. Ils sont aussi externes comme les professionnels de santé, les services sociaux, les services d’insertion professionnelle, les associations…Lorsqu’une difficulté d’accès aux soins est repérée, la réponse de l’Assurance maladie consiste en un accompagnement à trois niveaux. D’abord un bilan exhaustif des droits aux prestations intégrant une explication approfondie de leurs usages, puis une orientation dans le système de soins (par exemple comment trouver un spécialiste) et, enfin, un accompagnement au montage financier. Celui-ci peut être construit le cas échéant par cofinancement de plusieurs partenaires pour faire face à des restes à charge insurmontables pour la personne en particulier avec les complémentaires.La CNAM compte sur une coopération étroite avec les autres acteurs du tissu local (professionnels de santé, collectivités territoriales, hôpitaux, associations et organismes complémentaires…).ConclusionIl faut se féliciter de cette initiative qui rétablit bien des vérités sur « les traitements de confort » que l’on attribue à certaines catégories sociales et qui arment les assurés. À la suite de l’intervention de la Pfidass dans les départements expérimentaux, certains ont par exemple recommencé à se rendre à des entretiens d’embauche et ont retrouvé un bien-être physique et moral.Annexe :

Quelle politique du temps de travail ?samedi 15 avril 2017Dans une note publiée en janvier 2017, France Stratégie tente d’apporter des réponses à l’amélioration du marché du travail en France en considérant qu’une « politique de temps de travail peut se concevoir pour y parvenir ». Avec un taux de chômage élevé et un taux d’activité en trop faible progression, la France est en retard vis-à-vis de ses principaux partenaires de l’Europe du nord (Allemagne, Autriche, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède). Trois leviers peuvent être utilisés pour améliorer le marché du travail : augmenter le taux d’activité ; réduire le taux de chômage en jouant sur la durée du travail ou améliorer la qualité de l’emploi. On le verra, les solutions envisagées peuvent susciter des interrogations à la fois sur leur pertinence et leur possibilité de mise en œuvre. En tous cas, elles peuvent alimenter le débat de l’élection présidentielle.Depuis 30 ans, des actions multiples et contradictoires sur le temps de travail :La question du temps de travail et de son organisation a fait l’objet de nombreux débats souvent passionnés depuis le début des années 80. Après le passage à 39 heures hebdomadaires et la cinquième semaine de congés payés en 1982, c’est le temps partiel associé à des allégements de cotisation qui est privilégié au début des années 90. Puis, c’est autour de 2000 que sont mises en œuvre les 35 h avec des

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allégements de cotisations centrés sur les bas salaires conjointement au relèvement progressif du Smic horaire. Entre 2007 et 2012, on encourage, à l’inverse, l’augmentation de la durée du travail par des exonérations de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires. Par ailleurs, depuis la fin des années 90, des dispositifs pour aménager le temps de travail se sont développés (forfaits en jour, annualisation, modification du contingent d’heures supplémentaires).Toutes ces politiques ont eu un impact sur le marché du travail plus ou moins contesté par les différentes parties prenantes mais ont pesé aussi sur les finances publiques. Pour les rédacteurs de la note de France Stratégie, l’amélioration du fonctionnement du marché du travail français passera à la fois par la hausse du taux d’activité, la réduction du taux de chômage et l’amélioration de la qualité de l’emploi ». Mais pour que cette politique soit efficace, il faut clarifier l’objectif prioritaire auquel on souhaite qu’elle réponde.Favoriser le temps partiel et les cumuls emploi formation ou emploi retraite pour accroître le taux d’activitéPour France Stratégie, si l’on veut augmenter le taux d’activité, il faut faire en sorte que le plus grand nombre d’individus en âge de travailler puisse accéder à l’emploi même si ce n’est pas un emploi à temps plein. « C’est un facteur de dynamisme économique et d’intégration sociale ».Contrairement à nos voisins européens, la France a toujours privilégié le travail à temps plein, notamment pour les femmes d’âge médian. C’est un choix de société. Pour éviter le développement des travailleurs pauvres a été fixé le temps minimum à temps partiel à 24h en 2014 sauf dérogation par accord de branche. Les rédacteurs proposent, avec beaucoup de précautions dans la rédaction du texte, de se réinterroger sur la possibilité de développer un temps partiel court en France « pour permettre à certaines personnes éloignées du marché du travail d’accéder ou ré-accéder à l’emploi ». Cette politique devrait être associée à un renforcement des mécanismes de la prime d’activité et donner la possibilité de regrouper plusieurs contrats en allégeant les contraintes (déplacements, gardes d’enfants, etc..). France Stratégie propose aussi aux entreprises de se servir du temps partiel « pour moderniser » leur organisation en développant, notamment pour les cadres (10 % à temps partiel seulement) les « job sharing » c’est-à-dire faire occuper un temps plein par deux personnes à temps partiel.Par ailleurs, la note avance aussi l’idée de développer, notamment pour les 15-24 ans, le cumul emploi-formation par la formation en alternance. Dans le même registre, une sortie du marché du travail plus progressive pour les séniors favoriserait la transmission des savoirs.Faire d’une modification de la durée du travail un instrument de lutte contre le chômageDans le débat sur les moyens de réduire le taux de chômage, la question de la durée légale du temps de travail reste encore centrale mais l’avertissement des rédacteurs de la note est clair : qu’elle soit à la hausse ou à la baisse, une politique de modification du temps de travail doit veiller à maîtriser les coûts salariaux unitaires pour qu’elle parvienne à réduire de façon durable le taux de chômage. La note balaie ensuite les deux hypothèses.Baisser le temps de travail peut avoir un effet positif sur l’emploi à court terme mais pour que l’effet soit durable elle doit s’accompagner d’une forme de modération salariale et d’une action sur l’organisation du travail afin de générer des gains de productivité. Il faudrait pour diminuer les coûts salariaux au bas de l’échelle soit diminuer le niveau du Smic mensuel ou baisser les prélèvements sociaux, ce qui supposerait probablement de réduire les cotisations d’assurance chômage ou de retraite complémentaire…Augmenter le temps de travail, aurait à court terme un effet négatif sur l’emploi mais, à condition de ne pas augmenter les salaires à due proportion, pourrait à moyen terme stimuler la production, les marges, l’investissement et donc l’emploi. La note s’interroge toutefois sur la motivation des salariés et leur productivité s’il n’y a pas de contrepartie salariale. Il faudrait donc envisager des systèmes de compensation de la part des pouvoirs publics...Quelle que soit la politique envisagée, les rédacteurs notent qu’elle aurait un coût pour les finances publiques.Aménager les temps de travail tout au long de la vie pour améliorer la qualité des emploisDans ce domaine, les attentes sont nombreuses et une telle politique vise d’abord à « améliorer la qualité de l’emploi en permettant une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée pour les salariés et la compétitivité des entreprises grâce à une plus grande flexibilité interne ».Diverses mesures sont citées pour cet objectif :L’élargissement des possibilités de travailler le dimanche, sous couvert d’accord d’entreprise issu de la loi d’août 2015, devra faire l’objet d’un bilan avant de procéder à de nouvelles évolutions.Les pratiques d’individualisation des horaires et le travail à distance pourraient être développés. Seulement 30 % des salariés français sont concernés aujourd’hui alors qu’ils sont entre 50 et 60 % en Allemagne et les Pays nordiques. La note prend l’exemple d’expériences développées en Europe et aux États-Unis associées à l’utilisation du télétravail : horaires décalés en Suède, à la carte au Danemark, banques de temps ou encore « temps choisi » en Allemagne, abandon de la référence horaire dans certaines entreprises aux États-Unis pour se focaliser sur le résultat obtenu.Les rédacteurs de la note considèrent qu’au regard de ces exemples « des marges de manœuvre existent en France ». Ainsi, une flexibilité du travail sur des temps longs pourrait s’envisager en organisant le remplacement des salariés par exemple en formation de longue durée par des chômeurs formés aux postes vacants.Enfin, France Stratégie évoque la généralisation du compte épargne-temps et son intégration dans le Compte Personnel d’Activité pour répondre aux attentes des salariés qui peuvent être différentes suivant les âges de la vie.En conclusion, le débat sur le temps de travail n’est pas clos et les mesures préconisées par France Stratégie peuvent susciter des interrogations. Quoi qu’il en soit, il faudrait sortir des postures idéologiques pour trouver les solutions les mieux adaptées à la réalité de la société française dans son ensemble mais surtout aux réalités des salariés et des entreprises dans leur quotidien. C’est pourquoi, même si ces questions doivent nécessairement avoir un cadrage par la loi, elles doivent être traitées au plus près du terrain et par le dialogue social c’est-à-dire la recherche du meilleur compromis entre les attentes des salariés et les contraintes des entreprises.

Référence

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Lien : http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2017-2027-actions-critiques-temps-de-travail-web-ok.pdf

Dispositifs et montants gérés par le paritarisme de gestion : de quoi parle-t-on ?samedi 15 avril 2017Les partenaires sociaux mettent en œuvre et gèrent chaque année des dispositifs sociaux, basés sur les cotisations des salariés et des entreprises, qui représentent près de 150 Mds€ de recettes en 2015, dont :Retraites complémentaires Arrco-Agirc : 57,950 Mds€Assurance chômage Unedic : 34,1 Mds €Formation professionnelle, Opca : 6,7 Mds€Prévoyance : 13,1 Mds€Logement Action logement : 4,1 Mds€

Sources- Agirc-Arrco : http://www.agirc-arrco.fr/ressources-documentaires/chiffres-cles/ Unedic : http://www.unedic.org/publication/rapport-d-activite-2015 « Jaune » 2017 de la formation professionnelle :

http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/.../jaune2017_formation_professionnelle.pdf Ctip : https://ctip.asso.fr/ctip/les-chiffres-cles/ Action Logement : https://groupe.actionlogement.fr/nos-chiffres-cles

QUAND LA TACTIQUE ÉLECTORALE MENACE LES RÉFLEXES RÉPUBLICAINS13/04/2017 3’ Chloé Morin, Adelaïde ZulfikarpasicFavorisDepuis de nombreux mois, les Français semblent avoir intégré que la candidate du Front national accèderait au second tour de l’élection présidentielle en 2017. Cette situation a des conséquences directes sur les stratégies de campagne adoptées par les différents candidats depuis le début de la campagne, à savoir l’affaiblissement du « front républicain ». Analyse par Chloé Morin et Adélaïde Zulfikarpasic, pour l’Observatoire de l’opinion, d’un phénomène qui pourrait s’avérer risqué.Depuis de nombreux mois, les Français semblent avoir intégré que la candidate du Front national accèderait au second tour de l’élection présidentielle en 2017. Semaine après semaine, les sondages se succèdent et donnent en revanche tous Marine Le Pen perdante au second tour, quel que soit son opposant. Et malgré l’expérience du Brexit et de l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis, les Français semblent assez confiants dans la victoire du candidat qui se trouverait confronté à Marine Le Pen.

« Je pense qu’elle sera au second tour, mais qu’elle ne sera pas élue présidente » (femme, 48 ans, employée, Nord, centre) « Marine peut accéder au deuxième tour, l’emporter je pense que ce sera difficile, seule contre tous » (homme, 60 ans, retraité,

Nord, extrême droite)Cette situation a des conséquences directes sur les stratégies de campagne adoptées par les différents candidats depuis le début de la campagne. Les débats en ont apporté la preuve : ils ont vu certains candidats cibler Emmanuel Macron ou François Fillon – les deux prétendants les plus probables au second tour, aux côtés de la présidente du Front national, du moins jusqu’ici – plus que Marine Le Pen. Mais bien peu d’attention a jusqu’ici été accordée aux conséquences électorales potentielles de ces stratégies, à savoir l’affaiblissement historique de ce qu’on appelait jadis le « front républicain » et que Marine Le Pen – et même certains candidats de « partis de gouvernement » – nomment « UMPS » ou « système ».En effet, les données quantitatives et qualitatives à notre disposition semblent indiquer qu’à ce jour, le rejet de Marine Le Pen est mis pour nombre d’électeurs de gauche sur le même plan – voire moindre – que celui dont François Fillon fait l’objet. De même, chez nombre d’électeurs de droite, les attaques de François Fillon venant amplifier une tendance amorcée par la stratégie du « ni ni » sarkozyste, il semble que le rejet de François Hollande, ou de tout candidat perçu comme son héritier, soit au moins aussi puissant que celui qui vise la candidate frontiste. Pour illustrer cela, nous nous appuierons sur trois séries de données.Tout d’abord, l’analyse des données quantitatives du dernier baromètre politique ViaVoice nous indique que dans bien des cas, les électeurs rejettent autant voire plus que la candidate du Front national les adversaires « républicains » de leur propre camp. Ainsi, à l’extrême gauche, 68 % estiment que Marine Le Pen ferait un « très mauvais » président de la République, soit seulement deux points de plus que François Fillon. À droite, 32 % estiment que la candidate ferait un très mauvais président, contre 30 % pour Emmanuel Macron, 34 % pour Benoît Hamon. C’est à peine moins que le rejet donc Jean-Luc Mélenchon fait l’objet (37 %). Chez les sympathisants du Parti socialiste, cette « égalisation des détestations » est également perceptible : 74 % estiment que Marine Le Pen ferait un très mauvais président, et 70 % s’agissant de François Fillon. Seul Emmanuel Macron semble se soustraire à cette tendance : ses sympathisants rejettent bien plus Marine Le Pen que François Fillon, et leur rejet de François Fillon est plus de deux fois supérieur à celui dont Jean-Luc Mélenchon fait l’objet.Deuxième série de données : les seconds tours testés par les différents instituts. À ce jour, dans la perspective d’un second tour opposant François Fillon et Marine Le Pen, une proportion inédite d’électeurs de gauche refusent de se prononcer. Avec plus d’un tiers d’électeurs du premier tour qui déclarent avoir l’intention de s’abstenir, c’est la valeur même de la victoire prêtée au candidat de droite dans une telle configuration qui peut être mise en doute.Enfin, les données qualitatives issues de la communauté en ligne BVA-POP2017 viennent appuyer la thèse d’un affaiblissement historique des réflexes dits « républicains » – bien que, pour certains et notamment des électeurs de Macron, le choix du candidat de premier tour soit encore dicté par la capacité qu’ils lui prêtent à faire barrage au FN au second.

« Vote utile au premier tour : barrage au FN » (raison donnée par un électeur pour expliquer son vote en faveur d’Emmanuel Macron au premier tour)

« Pour ne pas avoir un second tour Le Pen/Fillon » (raison donnée par un électeur pour expliquer son vote en faveur d’Emmanuel Macron au premier tour)

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« Je pense qu’il peut concurrencer Marine Le Pen » (raison donnée par un électeur pour expliquer son vote en faveur d’Emmanuel Macron au premier tour)

Côté partisans de François Fillon, les journalistes qui assistent régulièrement aux meetings du candidat l’auront noté : on critique ses adversaires, et notamment Emmanuel Macron, avec une virulence parfois extrême. Cette tendance dépasse malheureusement le cercle des militants les plus engagés :

« Voilà un candidat qui se dévoile impertinent, orgueilleux, suspect... » (femme, 68 ans, retraitée, Alpes-Maritimes, droite) « Il n’a autour de lui que des requins qui ne savent plus où aller comme lui... on va retrouver le système que l’on ne veut plus ! (...) Il

ne s’intéresse qu’à la haute finance, à l’Europe, à la mondialisation mais pas du tout à la France et encore moins aux Français alors que c’est la principale motivation de Fillon » (femme, 57 ans, cadre DRH, Loire-Atlantique, centre-droit)

« Fillon est le meilleur, Macron c’est du vent » « Je ne veux pas de Hollande II = Macron » « Fillon est le seul à avoir la stature. Quant aux autres ce sont tous des guignols ou des voyous » « Fillon pour éviter Macron et sa démagogie »

On note, à gauche, une même tendance à rejeter de manière très violente les autres candidats et notamment celui de la droite, quitte à le mettre sur le même plan que la candidate frontiste.

« Mélenchon est le plus intègre, les autres sont des pourris » « Mélenchon par peur des autres candidats » « Je ne vois aucun autre candidat à la hauteur » « Fillon, pitoyable. Le salaire de son épouse à plus de 3000 euros par mois (...) c’est a minima de la malhonnêteté » « Par élimination plus que par conviction il ne reste que Macron comme candidat acceptable »

Face à cette égalisation des rejets, certains commencent d’ailleurs, ici et là, à exprimer une inquiétude quant à la capacité de l’opposant à Marine Le Pen à l’emporter à l’issue du second tour. Les choses ne sont-elles pas allées trop loin ? La campagne n’a-t-elle pas trop dérapé ? Les candidats n’ont-ils pas surestimé leur capacité à vaincre la candidate du Front national ?

« Malheureusement, Marine Le Pen passerait si en face d’elle il y a Mélenchon ou Hamon car ni l’un ni l’autre ont un programme qui pourrait se réaliser » (sympathisant de droite)

On retrouve, dans les données qualitatives, l’idée exprimée plus haut à partir des intentions de vote. La force des rejets exprimés dans le cadre « républicain » a pour conséquence d’inciter nombre d’électeurs à déclarer ne pas compter voter au second tour : à force d’attaquer François Fillon, un électeur de gauche préfère ne pas se mobiliser au second tour que de voter pour le candidat de droite pour faire barrage à l’extrêmedroite ; de la même manière, les électeurs de droite (et même certains de gauche) déclarent qu’ils n’iraient jamais voter dans le cas d’un second tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. C’est l’idée même du front républicain qui est enterrée sous une abstention potentiellement forte.On rétorquera, à juste titre, que les surnoms tels que « super menteur » n’ont pas empêché la gauche de voter massivement pour Jacques Chirac en 2002 – mais bien des élections ont démontré depuis que la gauche avait de plus en plus de mal à se rallier à la droite pour battre le Front national. On rappellera la violence de certaines attaques ciblant Nicolas Sarkozy en 2012 – mais il avait alors face à lui un candidat de gauche au second tour. On dira aussi que Jean-Luc Mélenchon ou Benoît Hamon ne peuvent être tenus pour seuls responsables de la détestation dont François Fillon semble faire l’objet à gauche, et qui trouve avant tout ses origines dans les « affaires » et sa manière d’y répondre. Ou que ce n’est pas le surnom donné à Emmanuel Macron par le candidat de la droite qui explique à lui seul le désir de rupture radicale avec la politique menée par François Hollande. Il n’en reste pas moins qu’à force de renvoyer dos à dos le programme de leurs adversaires et celui du Front national, à coup d’attaques ciblées et virulentes telles que déployées par les uns et les autres depuis des mois, tous ou presque ont incontestablement participé à affaiblir ce qui fut, lors des régionales de 2015, le dernier rempart contre un accès du Frtont national au pouvoir : le réflexe républicain.

PRÉSIDENTIELLE 2017 : LA DYNAMIQUE MÉLENCHON10/04/2017 5’Chloé Morin, Esteban PratvielI - Les forces de la candidature d’Emmanuel Macron à travers la menace du « vote utile »Un second tour Jean-Luc Mélenchon/Marine Le Pen est-il possible ? Où s’arrêtera Jean-Luc Mélenchon ? Emmanuel Macron peut-il s’effondrer d’ici le premier tour ? Les réponses de Chloé Morin, directrice de l’Observatoire de l’opinion de la Fondation, et Esteban Pratviel, chef de groupe au département Opinion et Stratégies d’entreprises de l’Ifop. Beaucoup a été dit et écrit sur les conséquences électorales de l’individualisation du vote des Français, procédant d’une émancipation par rapport aux carcans partisans, sociaux et idéologiques hérités. L’incertitude et la volatilité qui en résultent invitent à la prudence quant aux pronostics qui pourront être établis ici.Les derniers sondages publiés font état d’un resserrement des intentions de vote entre les quatre principaux candidats à l’élection présidentielle. Emmanuel Macron et Marine Le Pen font l’objet un léger tassement depuis quelques jours, et la dynamique en faveur de Jean-Luc Mélenchon lui permet de talonner, voire de rejoindre François Fillon qui a pourtant repris quelques couleurs. Ces dernières tendances viennent désormais relativiser la probabilité importante, jusqu’ici bien installée dans l’opinion, d’un second tour opposant Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et vont même jusqu’à laisser envisager la qualification conjointe de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen.Alors que le candidat de La France insoumise et celui des Républicains sont séparés au plus d’un point et demi dans les mesures d’intentions de vote, ils focalisent l’attention sur eux depuis ce week-end. Nous identifions cependant un certain nombre d’indicateurs qui invitent à relativiser la faiblesse actuelle de la candidature d’Emmanuel Macron et à penser que la dynamique en faveur de Jean-Luc Mélenchon, bien qu’elle soit tout à fait réelle, est moins solide et sera plus difficile à concrétiser dans les urnes que celle, certes plus modeste, en faveur de François Fillon. Dès lors, la possibilité d’une confrontation de second tour entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, passant donc par un effondrement du candidat d’En Marche ! qui s’était jusqu’ici installé comme favori de la présidentielle, nous paraît peu probable.I - LES FORCES DE LA CANDIDATURE D’EMMANUEL MACRON À TRAVERS LA MENACE DU « VOTE UTILE »Pour la première fois sous la Ve République, le Parti socialiste semble se voir confisquer, par la candidature de Jean-Luc Mélenchon, le « vote utile » de gauche. Depuis qu’il a dépassé Benoît Hamon dans les intentions de vote, le candidat de La France Insoumise se fait fort de renvoyer au candidat vainqueur de la primaire de la Belle Alliance populaire l’argument du désistement en faveur du mieux placé pour accéder au second tour. Pour autant, l’ensemble des électeurs de gauche peuvent-ils venir consolider cette dynamique dans les jours qui viennent ?

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Il convient tout d’abord de prendre la mesure de la fracture idéologique qui s’est installée entre les électeurs de centre-gauche – qui ont plutôt soutenu l’action gouvernementale et portent aujourd’hui majoritairement leurs suffrages vers Emmanuel Macron – et les électeurs issus du Front de gauche ou de la gauche du Parti socialiste. Les péripéties du quinquennat ont peu à peu éloigné les seconds de la ligne social-démocrate. Cette fracture semble difficilement réconciliable sous la bannière du candidat de La France Insoumise, et il est peu probable que les personnes représentant plus de 40 % de l’électorat de François Hollande en 2012 et socialistes, qui jugeaient Benoît Hamon trop à gauche depuis la primaire et se reportent aujourd’hui vers Emmanuel Macron, basculent demain vers Jean-Luc Mélenchon pour une qualification possible de la « vraie gauche » au second tour.Ensuite, rappelons que le « vote utile » s’exerce depuis des mois non pas en faveur du candidat socialiste (comme ce fut le cas pour François Hollande en 2012), mais en faveur du candidat d’En marche !, qui reste malgré sa baisse des derniers jours solidement installé dans le duo de tête. À ce titre, il convient de mesurer à quel point Emmanuel Macron dispose encore de réserves de « vote utile » à gauche, si tant est qu’il soit capable de consolider sa position de « seul progressiste capable de mettre en échec la droite et le Front national ». L’analyse des résultats détaillés du rolling Ifop-Fiducial pour Paris Match, CNews et Sud Radio fait en effet état d’un décalage inédit entre les pronostics et les souhaits d’une victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. En se concentrant sur la période du 21 au 31 mars 2017, le candidat d’En Marche ! domine ainsi très nettement les prévisions (41 % de citations), tandis qu’il est également en tête des souhaits de victoire, mais à un niveau bien en-dessous (21 % de citations, soit un niveau à peu près stable depuis trois semaines). Ce décalage inédit – alors que souhaits et pronostics étaient assez proches s’agissant du duel Sarkozy-Hollande en 2012 – semble être la résultante d’un manque d’enthousiasme ou d’une résignation parmi les électeurs, qui semble les orienter vers une décision stratégique et non vers un choix de conviction. C’est ainsi qu’il est selon Ipsos le candidat pour lequel on vote le plus « par défaut » (52 %).Sur fond d’indécision, d’intérêt pour la campagne contrarié par sa piètre qualité, de participation très en retrait par rapport à 2012 et d’intériorisation de la défaite à venir par une bonne partie de la gauche, le décalage entre pronostics et souhaits traduit le comportement d’électeurs se comportant en stratèges, plus disposés qu’à l’accoutumée à se positionner sur un vote utile.Les électeurs de gauche, en grand nombre, semblent avoir intégré dans leurs décisions de vote à la fois la présence de Marine Le Pen au second tour et son incapacité à l’emporter (se rappelant les échecs du Front national aux élections départementales et régionales de 2015). Il n’est pas certain que la remontée tardive de Jean-Luc Mélenchon, candidat qui ne fait pas l’unanimité à gauche sur sa ligne, soit en mesure de convaincre le plus grand nombre des électeurs progressistes de sa capacité à former une alternative plus enviable que le candidat d’En Marche !. Emmanuel Macron s’est à ce titre imposé comme le référent le plus solide.Or, l’analyse détaillée des données de l’Ifop permet d’observer que, contrairement aux idées reçues, Emmanuel Macron est encore loin d’avoir activé pleinement ce réflexe du « vote utile » de gauche. Aujourd’hui seulement 10 % de ses électeurs privilégieraient pourtant la victoire d’un autre candidat, lui apportant ainsi environ 2,5 points d’intention de vote. Il existe parallèlement encore des réserves de voix potentielles chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, parmi des électeurs de gauche tellement convaincus qu’Emmanuel Macron sera au second tour – tenant ainsi la perspective d’un second tour entre François Fillon et Marine Le Pen à distance – qu’ils se permettent un vote « de cœur ». Ainsi, Emmanuel Macron pourrait venir piocher dans respectivement 30 % et 38 % des électorats de La France insoumise et du Parti socialiste pronostiquant sa victoire mais ne la souhaitant pas. Ce réservoir de voix serait alors plutôt constitué de femmes, de personnes âgées de 35-49 ans et de professions intermédiaires, classées plutôt parmi les classes moyennes.Si Emmanuel Macron se donnait pour objectif de brandir le risque d’un second tour entre François Fillon et Marine Le Pen dans la dernière ligne droite de la campagne, il pourrait donc disposer de réserves suffisantes pour mettre à distance Jean-Luc Mélenchon.II - DES MARGES DE MANŒUVRE DE FRANÇOIS FILLON PARAISSANT SUPÉRIEURES À CELLES DE JEAN-LUC MÉLENCHONAjoutons qu’il existe d’autres éléments permettant de relativiser le succès actuel du candidat de La France insoumise. Sa personnalité, qui joue aujourd’hui comme un atout, a souvent été un repoussoir pour nombre d’électeurs. À la fois érudit, tribun, honnête, sincère et passionné, mais aussi colérique, emporté, sans corde de rappel. Les commentaires soulignent souvent la « métamorphose » récente du candidat, soudainement mué en « sage ». Mais en matière d’opinion, la mémoire des travers du candidat ne s’effacera pas si rapidement. Les souvenirs négatifs restent latents, et la moindre erreur de Jean-Luc Mélenchon – un emportement, un acte dont la symbolique renverrait à ses traits de caractère les moins populaires – pourrait venir les réactiver. Il souffre en outre d’un manque de stature présidentielle, 54 % des Français interrogés par l’Ifop pour Le Journal du Dimanche du 31 mars au 1er avril ne l’imaginant pas à l’Élysée à partir de mai prochain.Son programme est également jugé irréaliste par beaucoup, notamment en ce qui concerne la maîtrise des déficits. Il n’est par ailleurs pas certain qu’à ce stade, des électeurs qui nous répètent jour après jour ne pas disposer de suffisamment d’éléments sur les programmes des uns et des autres aient bien mesuré la part d’aventure que comporte le projet européen du tribun de La France insoumise. Les Français sont aussi partagés s’agissant de sa capacité à réformer le pays (mise à son crédit par 49  % d’entre eux), alors que le désir de réforme n’a jamais été aussi fort.C’est d’ailleurs en partie pour ces raisons que les électeurs face aux difficultés de l’exécutif sous le quinquennat de François Hollande ne se sont reportés qu’avec parcimonie sur les offres politiques situées à gauche de la majorité gouvernementale, que ce soit lors des scrutins municipaux et européens en 2014 ou lors des scrutins départementaux et régionaux en 2015. Le réservoir de voix de la « gauche radicale » semble ainsi insuffisamment fourni pour envisager une qualification de ce camp politique à un second tour d’élection présidentielle, qui plus est dans un scrutin où la participation est plus élevée que lors des scrutins intermédiaires. Le Parti communiste a d’ailleurs toujours été confronté à cet obstacle sous la V e République, notamment à ses débuts.À droite, au plus haut dans les sondages au sortir de la primaire organisée en décembre par Les Républicains et même à la suite de la victoire de Benoît Hamon à la primaire organisée par le Parti socialiste, François Fillon a vu son élan coupé par l’éclatement d’affaires judiciaires mettant en cause son intégrité. Les affaires ne l’ont pas disqualifié pour autant, son socle étant resté stable depuis le début du mois de février en dépit de la succession des révélations. Depuis quelques jours, le candidat Les Républicains a même légèrement progressé (1 à 2 points en moyenne). Il obtient désormais selon les instituts de sondage entre 18,5 et 20 % des intentions de vote, lui conférant une position solide – avec une certitude de choix de ses électeurs au moins dix points supérieure à celle dont bénéficie Jean-Luc Mélenchon – résultant d’une bonne utilisation des leviers de vote à sa disposition.François Fillon semble en outre encore disposer de marges de progression, et celles-ci sont sans doute plus importantes que celles de Jean-Luc Mélenchon. Selon BVA, autour de 25 % des hésitants positionnés aujourd’hui sur Emmanuel Macron et Marine Le Pen déclarent pouvoir in fine voter pour lui au premier tour de l’élection présidentielle et il reste par ailleurs plus d’un tiers des électeurs de Nicolas Sarkozy en 2012 qui se réfugient aujourd’hui dans l’abstention ou ne se prononcent pas. L’approche du 23 avril 2017 pourrait les faire revenir vers l’offre soutenue par Les Républicains, à l’instar de la captation tardive des « mécontents de droite » par Nicolas Sarkozy en 2012. Les résultats des dernières élections intermédiaires permettent d’accréditer cette thèse. Malgré la pollution du débat par d’autres affaires – victoire controversée de Jean-François Copé dans sa quête de la présidence de

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l’UMP, rejet des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy par le Conseil constitutionnel et affaire Bygmalion ayant mis en cause la probité de plusieurs responsables –, la droite républicaine s’est toujours adjoint de soutien d’un socle solide, représentant au moins un quart des votants. C’est une partie de cet électorat qui manque aujourd’hui à François Fillon, et c’est à eux que va certainement s’adresser le député de Paris dans les jours qui viennent.Son positionnement et son offre politique lui confèrent en outre des atouts de séduction. Il utilise de manière constante et efficace les – seuls – leviers de vote à sa disposition : le désir à droite d’une rupture franche avec la politique menée par François Hollande, et d’une politique de droite « décomplexée », allant au bout de ses idées notamment sur la réduction de la dépense publique ou la fin des 35 heures. L’argument du « cabinet noir » n’est dans cette stratégie qu’assez anecdotique ; mais il permet de réintroduire le « meilleur adversaire » François Hollande dans une campagne dont il s’était dérobé, en l’agitant comme un chiffon rouge face à une droite qui le hait. Par ailleurs, l’idée de complot peut, même si les électeurs de Fillon n’y croient pas, offrir une excuse utile, et permettre à ces électeurs d’assumer sans complexe leur vote, mettant au même niveau l’image ternie de François Fillon et celles des autres candidats. Ajoutons que la possibilité d’une humiliation du candidat de droite, si celui-ci était relégué en quatrième place derrière un candidat d’extrême gauche dont la vision est l’exacte opposée du sang et des larmes promis par Fillon, pourrait sait-on jamais réveiller quelques électeurs.À la lumière des données recensées ici, nous pouvons affirmer que la dynamique en faveur de Jean-Luc Mélenchon, qui s’exerce à ce stade essentiellement au détriment de Benoît Hamon (et dans une moindre mesure d’Emmanuel Macron), ne lui permettrait cependant probablement pas de dépasser durablement François Fillon. Et sans doute pas davantage d’installer avec suffisamment de certitude la possibilité d’une victoire de la gauche pour amener les sociaux-démocrates à surmonter leurs réticences idéologiques, et faire fonctionner le vote utile de gauche à son profit. Si la tendance favorable à Jean-Luc Mélenchon, en affaiblissant Emmanuel Macron, venait à trop accréditer l’hypothèse d’un second tour opposant François Fillon à Marine Le Pen, elle finirait probablement par provoquer en retour un réflexe de vote utile en faveur du candidat d’En Marche !, et trouverait donc naturellement ses limites.Le courant qui porte aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon est à la confluence de ce qui a fondé la dynamique de Benoît Hamon pendant la primaire et du besoin de radicalité et de renouveau qui porte également Marine Le Pen et Emmanuel Macron. C’est un vent puissant, qui souffle sur la politique depuis plusieurs années déjà, mais que pour la première fois les deux principaux partis de gouvernement ne parviennent pas à récupérer (il n’y a pas d’équivalent chez Benoît Hamon ou François Fillon à la rupture sarkozyste ou au « Changement, c’est maintenant » de François Hollande). La seule manière dont il pourrait éventuellement mettre en danger les trois candidats qui font la course en tête depuis des semaines serait en ancrant l’idée de son possible accès au second tour suffisamment fortement pour dégonfler l’ensemble du vote utile de gauche aujourd’hui positionné sur Emmanuel Macron. Les points (autour de 2,5 selon nos calculs) que perdrait alors Emmanuel Macron ne seraient cependant pas suffisants pour le reléguer en troisième position. Mais l’écart avec le troisième, qu’il s’agisse de Jean-Luc Mélenchon ou de François Fillon, serait alors tel que l’incertitude quant à l’ordre d’arrivée au premier tour serait immense.S’agissant de François Fillon, si la perspective de son accès au second tour n’est pas tout à fait exclue, elle semble en tout état de cause moins éloignée que celle de l’accès de Jean-Luc Mélenchon au second tour. Il n’en reste pas moins que la stratégie de radicalisation de sa campagne qui lui aura permis de franchir cette marche fait peser une grave incertitude sur l’issue d’un second tour, si celui-ci le voyait affronter Marine Le Pen.

La vertu, le bruit et la fureur… Alain Bergounioux 15 avril 2017

Nous vivons un « moment Mélenchon » comme le disent les médias. Faut-il en être surpris ? Cela avait été, pourtant, déjà le cas en 2012 dans les dernières semaines de la campagne. Il est vrai, à un niveau moindre, 14-15 % des intentions de vote, avant un résultat final moindre. Mais le niveau, aujourd’hui, est plus haut, 18-19 %. Il crée une incertitude sur les qualifications au second tour.On en voit les causes clairement. Pourquoi la France ne connaîtrait-elle pas les mêmes phénomènes qui se produisent, parallèlement dans les Pays d’Europe du Sud, l’Espagne avec Podemos, l’Italie avec le mouvement « Cinq étoiles », la Grèce avec Syriza, le Portugal également ? Notre privilège, si l’on peut dire, est que nous éprouvons aussi une poussée forte de l’extrême droite. Il y a un terrain commun à tout cela, les fractures de nos sociétés, avec des inégalités trop fortes, sociales, culturelles, territoriales, avec des politiques qui ne paraissent pas avoir suffisamment de prise sur le réel et une colère contre la corruption, les « affaires », qui trahit un monde fait de connivences et de mépris de la loi commune. On ne dira jamais assez, de ce point de vue, le mal fait par François Fillon qui, par son attitude, a corroboré l’extrême défiance actuelle dans l’opinion vis-à-vis de la politique. La division des socialistes et leurs incertitudes, en France mais également en Espagne, a laissé place à une nouvelle offre politique, à gauche, qui reconstitue à gauche un néo-communisme, et crée un centre, avec le mouvement En Marche.Jean-Luc Melenchon n’est donc pas là par un concours de circonstances. Il est temps de considérer avec sérieux ce qu’il propose et ce qu’il représente. Cette préoccupation est un peu trop tardive. Car les cartes sont sur la table depuis longtemps. Le programme de la « France insoumise », L’avenir en commun, est disponible depuis la fin de l’année 2016. Les essais, théorisant son positionnement, L’Ere du Peuple, Le Hareng de Bismark, Qu’ils s’en aillent tous, etc. depuis plus longtemps. Et peu ont mené des critiques argumentées prenant la peine de lire les textes. Henri Weber a été bien seul, chez les socialistes, pour mener cette confrontation.Il est dit, souvent, que Jean-Luc Melenchon propose une « rupture », comme François Mitterrand en 1981. Il est vrai que le Président socialiste fait partie de son panthéon revendiqué. Et l’on peut, effectivement, retrouver, les éléments du Programme commun de gouvernement de 1972 et des « 110 propositions » de 1981 : nationalisations, planifications, autogestion sont des termes que l’on retrouve, peu ou prou, en écho dans la structure du programme. Il parle plutôt, cependant, aujourd’hui, de « pôles publics » et de « réquisitions d’entreprise », de « planification écologique », de « démocratie citoyenne ». Mais, en fait, ce qui est avancé est beaucoup plus brutal que ce qui était pensé dans les années 1970 et mis en œuvre en 1981. D’abord par la hausse massive de la dépense publique, au total environ 200 milliards d’euros. Alors que la « relance » de 1981 était d’un montant inférieur à celle pratiquée par Jacques Chirac en 1975… L’accroissement de la fiscalité n’a pas non plus de mesure commune (environ 85 milliards d’impôts nouveaux) avec celle de 1981. Et, surtout, François Mitterrand, et cela avant le dit « tournant » de 1983, était profondément européen. Il avait même joué de sa possible démission, en 1973, pour contraindre son parti, en pleine période du programme commun, à poursuivre la construction européenne. Or, là, avec Jean-Luc Melenchon, il s’agit bien, comme le souligne justement Benoît Hamon, de sortir effectivement de l’Europe. Car vouloir mettre dans la négociation avec l’Allemagne et la plupart des autres pays européens la fin de l’indépendance de la Banque Centrale européenne, c’est vouloir dire simplement qu’il n’y aura pas de négociations sérieuses… Et ne parlons pas de la politique étrangère, qui, après 1981, veillait à un équilibre, repris du Général de Gaulle, sans complaisance aucune envers Moscou, comme l’a montré l’intervention de François Mitterrand dans la crise des « euro-missiles », en mars 1983 : « Les missiles sont à l’est, les pacifistes sont à l’ouest ». Se revendiquer de François Mitterrand demanderait, pour le moins, de ne pas se contenter d’une image pieuse et de prendre en considération l’entièreté d’une action politique…

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Mais cela Jean-Luc Melenchon le sait pertinemment. S’il propose des politiques qui s’inscrivent en faux contre l’essentiel de l’action de François Mitterrand, en tout cas, explicitement depuis 1983, c’est qu’il n’a pas ni les mêmes convictions politiques, ni les mêmes références idéologiques. Et, à côté de l’analyse concrète des 83 engagements, avec des centaines de mesures avancées, il vaut la peine de voir les fondements théoriques et culturels du « système » Melenchon. Il est composite, inévitablement, avec des apports différents au fil des années, mais il est tout à fait clairement structuré.Le dernier livre récemment publié, De la vertu, en mars, offre une première clef de compréhension. Ce clin d’œil à Robespierre ne veut pas dire qu’il en fait un modèle. Mais il y a une conviction en commun – avec nombre des révolutionnaires de 1793 – que le « monde est radicalement neuf ». « L’histoire n’est pas notre code », disait Rabaut Saint Etienne… L’homme est, de part en part, un être social qui peut et doit reconnaître l’intérêt général. Cela explique la volonté de construire une « société vertueuse ». On connaît les apories historiques de ce constructivisme. Son intention humaniste incontestable (et il y a d’ailleurs de belles pages dans cet ouvrage sur la liberté de conscience, le droit à mourir dans la dignité, la fraternité, etc.) peut être (et a été) contredite par la volonté d’apprendre aux citoyens d’être vertueux malgré eux… l’autoritarisme n’est alors pas très loin face aux contradictions du réel.Le second fondement des convictions politiques de Jean-Luc Melenchon vient – et ce n’est pas surprenant – du marxisme. De formation trotskyste, il en a la culture et en épouse la critique fondamentale du capitalisme. Il développe donc une triple dénonciation, aux sources mêmes de l’œuvre de Marx, avec une critique sociale, le scandale des inégalités, une critique morale, la condamnation de « l’argent-roi », une critique rationnelle, la mauvaise utilisation des forces productives, que les nécessités d’un développement durable aujourd’hui, ravivent. Il n’est, alors, pas surprenant que l’entreprise soit l’objet de la plus grande méfiance : il faut la surveiller, la contrôler, la ponctionner, voire la réquisitionner. L’ancien mirage d’une économie planifiée est, toujours, à l’arrière plan – sans qu’à aucun moment, dans ses livres, pourtant nombreux, Jean-Luc Melenchon n’ait fait l’inventaire raisonné des échecs de l’URSS, de la Chine de Mao ou plus proche de nous, du Cuba de Castro ou du Venezuela de Chavez qui a conduit à un pays riche à être, aujourd’hui, exangue… Au fond, c’est parce qu’il n’a jamais fait sienne la culture authentique de la social-démocratie européenne telle qu’elle s’est définie, à partir des années 1930, après la rupture fondamentale sur la question de la violence avec le communisme léniniste… et trotskyste. L’apport propre, en effet, de la social-démocratie a été de comprendre et d’expliquer que la démocratie politique et l’économie de marché ont deux légitimités propres et qu’elles doivent trouver un équilibre pour le bien même des sociétés. Leur bilan peut être, certes, critiqué, mais elle n’en a pas moins présidé aux sociétés les moins malheureuses dans l’histoire et la géographie humaine. Jean-Luc Melenchon a appartenu à un gouvernement socialiste, avec Lionel Jospin venu lui-aussi de la même organisation trotskyste, mais il n’a pas admis, comme son Premier ministre, au vu de l’histoire du XXème siècle, que le socialisme démocratique ne pouvait pas être un mode de production propre. D’où les nostalgies, qui peuvent séduire, parce qu’elles permettent de se venger du réel, mais qui en l’escamotant amène à de graves (et douloureux) mécomptes pour les peuples.Mais, la troisième donnée – et peut être la plus importante actuellement – pour comprendre la stratégie de Jean-Luc Melenchon et sa force de séduction, est plus récente. Elle vient d’un populisme assumé et revendiqué politiquement. L’Amérique latine est à l’arrière fond. Les essais de Ernest Laclau et de Chantal Mouffe (voir, notamment Hégémonie et stratégie socialiste.  Vers une politique démocratique radicale,  2009) inspirent Jean-Luc Melenchon comme Pablo Iglesias, la figure dominante de Podemos en Espagne. Il s’agit, recyclant des concepts gramsciens, de constituer un « bloc historique populaire », dépassant les notions de droite et de gauche, qui s’appuie sur les mobilisations sociales et culturelles. Il est illustratif que Jean-Luc Mélenchon n’utilise plus ces notions, à la différence de 2012 où il se présentait comme le leader du « Front de Gauche ». Il a réussi, aujourd’hui, à neutraliser les communistes, conscients pour beaucoup de leur marginalisation, et qui n’en peuvent mais, et à attirer une part de socialistes. Ce ne sont plus les partis qui comptent, mais le lien que crée le leader avec le mouvement. La stratégie suivie en Espagne, au moment des élections municipales, par Podemos, qui s’est fondu dans des alliances avec des associatifs, des écologistes, des communistes, est caractéristique. Evidemment, les contradictions ne sont pas minces et apparaissent assez rapidement dès que la question du pouvoir est réellement posée. Podemos s’est déchiré sur ce débat dans son dernier congrès de février 2017. La réalité démocratique de ces mouvements est, également sujette à caution. Les débats sont multiples mais la centralisation du pouvoir n’en est pas moins une réalité, comme le montrent tous les régimes d’Amérique Latine de ce type. Il s’agit de conquérir les institutions pour les subvertir, en utilisant (vieille référence aux « journées » de la Révolution française) l’intervention populaire pour peser sur les élus et les révoquer si besoin est. La proposition phare du programme, L’Avenir   en  Commun, de convoquer immédiatement une Assemblée constituante, dès l’élection présidentielle achevée, dont on ne dit pas les objectifs, est caractéristique de cette ambivalence, réminiscence, des anciennes conceptions du « double pouvoir ».Tout cela – malgré la part de « bricolage » idéologique que créent ces différentes inspirations – dessine, malgré tout, un « système » de pensée. On aurait tort de ne pas y consacrer le temps nécessaire pour la réfutation. Il y a, eu déjà, trop de légèreté, dans les années passées, à ne pas prendre au sérieux le débat idéologique et culturel, pour continuer les mêmes erreurs. L’appel à la « vertu » de 2017 ne doit pas cacher le « bruit et la fureur » de 2012…

Comment guérir de la présidentiélite? Jérôme Perrier 13 avril 2017

À lire une partie de la presse, certains leaders de la droite française ont déjà tiré un trait sur l’élection présidentielle de mai 2017 et se projettent, qui sur les législatives de juin, qui sur 2022 ! Il en est d’ailleurs de même à gauche, et notamment au Parti socialiste (où par exemple M. Valls semble jouer l’après-Hamon et peut-être même l’après-Macron) ; tout comme il n’est pas exclu qu’à l’extrême droite certain(e)s responsables du FN planchent déjà sur l’après-Marine… À peine passée l’élection d’un chef de l’État, l’échéance suivante point déjà à l’horizon – de la classe politique et des journalistes hexagonaux – dans un maelstrom d’autant plus étourdissant qu’il a été aggravé par l’instauration du quinquennat et par la précarité croissante des lunes de miel entre l’exécutif et l’opinion. La France se retrouve en campagne électorale permanente et notre vie politique est phagocytée par la question de savoir qui sera calife à la place du calife. Tous les débats ; toutes les prises de position partisanes ; tous les calculs électoraux ; toutes les analyses fournies par le complexe médiatico-sondagier ; bref toute la dramaturgie politique française tourne désormais autour de cette échéance devenue la clé de voûte de notre vie publique. Avec des conséquences particulièrement fâcheuses.D’abord, il est bien difficile de ne pas deviner une arrière-pensée présidentielle tapie derrière le moindre positionnement (on se souvient par exemple du ralliement inattendu de Laurent Fabius au camp du non lors du référendum européen de 2005, où beaucoup ont vu un pur mouvement tactique en vue de la présidentielle suivante). Ensuite, une fois désignés, les candidats rivalisent aussitôt de démagogie en multipliant à l’envi les promesses inconsidérées ; ne serait-ce que parce qu’ils doivent « tenir » durant de très longs mois de campagne, et n’ont donc d’autre choix que de multiplier les annonces (chèque à l’appui) chaque fois qu’ils sentent un trou d’air sondagier. Tout le monde se souvient ainsi de l’inénarrable taxe à 75% (« Cuba sans le soleil », selon une formule devenue fameuse) sortie du chapeau de François Hollande le 27 février 2012 sur un plateau de télévision dans le but à peine dissimulé de relancer sa campagne en remobilisant le peuple de gauche. Aujourd’hui, d’aucuns soupçonnent Emmanuel

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Macron d’un calcul de même nature lorsqu’il annonce de larges exonérations de taxe foncière ou l’instauration d’un ersatz de service militaire ; soit deux mesures aussi impromptues qu’onéreuses. Il s’agit moins ici d’incriminer les candidats que d’évoquer une donnée structurelle de notre vie politique : comment un aspirant élyséen peut-il arpenter le pays pendant six mois (au bas mot) et s’adresser successivement à tous les pans de la société, sans se sentir obligé d’accumuler les promesses sectorielles ? N’est-ce pas la configuration même de notre présidentielle-fleuve (a fortiori depuis qu’il faut y ajouter les primaires !) qui est destinée à générer structurellement une prodigalité publique sans limite ? D’autant que ce mode d’élection présente ce paradoxe étonnant d’être tout à la fois un scrutin ultra-personnalisé (la rencontre d’un destin individuel et d’un pays toujours en quête de sauveur, quoi qu’il en dise) et un concours Lépine du catalogue de promesses le plus détaillé (qu’on se souvienne du procès fait naguère à Emmanuel Macron sur le thème du candidat sans programme) et le plus généreux. Une double réalité engendrant tout à la fois des dépenses publiques déraisonnables et des déceptions post-électorales éternellement recommencées.  Or cette dérive démagogique et dépensière n’a rien d’inévitable, comme le confirment du reste les réactions médusées de maints observateurs étrangers. On peut en effet aisément trouver ailleurs en Europe des systèmes électoraux inclinant à plus de raison (ou tout au moins plus de parcimonie), notamment dans les régimes parlementaires ; à commencer par le plus ancien d’entre eux, outre-Manche. Précisons d’emblée, et par souci d’honnêteté, que l’auteur de ces lignes est de très longue date un fervent admirateur du système de Westminster, qu’il considère sinon comme le meilleur au monde, en tous les cas comme le moins mauvais. Essayons de dire pourquoi en quelques mots. Au risque de heurter quelques bonnes consciences républicaines, nous dirons qu’une monarchie parlementaire offre l’avantage d’avoir un chef de l’État placé par nature au-dessus de la mêlée ; ce que bon nombre de Français ont le plus grand mal à comprendre, comme le montre le reproche que d’aucuns ont cru devoir faire l’an dernier à Élizabeth II de ne pas avoir pris parti lors de la campagne du Brexit, alors même qu’il lui était tout bonnement interdit de le faire par une pratique institutionnelle remontant à l’époque victorienne. C’est précisément parce qu’il ne peut  jamais exprimer une position politique que le souverain britannique est l’objet d’un respect universel, ou tout au moins très largement majoritaire, et qu’il peut donc incarner aisément l’unité du Royaume ; là où notre Président – qu’on le veuille ou non – est élu par une partie des Français (contre une autre). On se souvient des sifflets destinés à François Hollande à l’occasion du 14 juillet, et qui ont choqué ceux pour qui il est nécessaire de toujours distinguer la fonction du chef de l’État, symbole de l’union nationale, et le président en place, élu par une simple fraction du pays. En réalité, notre système présidentialiste conduit inéluctablement à une forme de schizophrénie, alors que le régime parlementaire (qu’il soit monarchique ou républicain) permet au contraire de distinguer clairement le chef de l’État, personne d’expérience restant au-dessus de la mêlée et donc apte à présider avec neutralité aux grandes cérémonies officielles dont toute vie civique a besoin ; et le chef de gouvernement, issu d’un courant donné, et donc cible inévitable de critiques partisanes. Croire que le Président de la Ve République peut être l’un et l’autre (sage, arbitre et leader) s’avère ainsi une pure illusion, comme le montre du reste la véritable détestation (le mot n’est pas trop fort) que MM. Sarkozy et Hollande ont chacun suscité dans le camp adverse.Le système britannique présente cet autre avantage que le Premier ministre, véritable chef de l’exécutif (à la tête du Cabinet), doit en permanence rendre des comptes, à la différence de notre monarque républicain qui daigne tout juste s’adresser de temps à autre à ses sujets, à l’occasion de solennelles interventions télévisées prononcées depuis les salons dorés du palais de l’Élysée. Deux fois par semaine, le locataire du 10 Downing Street doit faire face à une houleuse séance de questions à la Chambre des Communes, à l’occasion de laquelle il est interpellé sans ménagement, notamment par le leader de l’opposition, situé en face lui, à moins de trois mètres. Il suffit ainsi de lire les mémoires d’Anthony Eden ou de Tony Blair pour se rendre compte qu’il ne s’agit pas là d’une simple formalité, mais bien d’une véritable épreuve physique, qui se trouve être au cœur même du régime de liberté qu’a été et que reste le parlementarisme britannique. L’exécutif y doit en effet continuellement s’expliquer et, tel un étudiant passant un oral d’examen, montrer tous les égards nécessaires envers une Chambre des Communes qui est tout sauf un club de députés godillots (que l’on pense par exemple au camouflet reçu il y a quatre ans par David Cameron lorsque des élus issus partiellement de son propre parti ont interdit à son gouvernement d’engager les forces britanniques en Syrie).Mais le modèle britannique comporte une dernière vertu, peut-être encore plus riche d’enseignements pour nous Français ; à savoir que les campagnes électorales y durent en moyenne six semaines (et non pas six mois ou davantage comme chez nous !). En effet, il est admis outre-Manche que la date des prochaines élections générales est une prérogative du Premier ministre sortant qui peut décider de dissoudre les Communes lorsque le moment lui paraît le plus propice à la reconduction de sa majorité. Cette dissolution de convenance a dès lors comme conséquence que l’opposition doit être prête à tout moment à affronter une véritable « blitzkrieg » électorale ; ce qui implique que la question du leadership (et du programme) doit être réglée immédiatement après une élection générale. Le parti ayant perdu ladite élection remplace alors illico celui ou celle qui l’a conduit à la défaite, si bien que le nouveau leader et son Shadow Cabinet peuvent se mettre tout de suite au travail, c’est-à-dire mener une opposition constructive au pouvoir en place, au lieu de s’entre-déchirer comme chez nous durant cinq ans pour savoir qui décrochera finalement la timbale – ce qui, une fois encore, fausse la sincérité de tous nos débats.Michel Debré, l’un des principaux inspirateurs de la Constitution de 1958, était un fervent admirateur du régime britannique (et notamment de son mode de scrutin majoritaire qu’il jugeait comme le moyen le plus sûr d’asseoir l’autorité du gouvernement, tout en offrant à l’opposition un statut et une tribune propres à limiter le pouvoir en place par le droit d’interpellation). C’est dans cet esprit qu’il a conçu le texte de 1958, même si celui-ci apparaît fort éloigné de la pratique institutionnelle inaugurée par le général de Gaulle, et théorisée dans la célèbre conférence de presse du 31 janvier 1964 – soit presque deux ans après l’adoption de la réforme qui a radicalement changé la nature de nos institutions : l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct. Cela veut-il dire pour autant que la Ve République est définitivement devenue un régime présidentialiste (et non présidentiel, ce qui supposerait un Parlement autonome et bien plus puissant que le nôtre) ? Ce serait oublier qu’il existe des pays (comme le Portugal ou l’Autriche) où le Président est élu comme chez nous par l’ensemble des citoyens, sans pour autant détenir les rênes du pouvoir, placées entre les mains du gouvernement et de son chef. Ce serait aussi négliger que les élections législatives – via la cohabitation – peuvent transformer le présidentialisme français en un système primo-ministériel (ou plus exactement en un « exécutif à deux têtes », pour reprendre une expression jospinienne). Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si cette année plus que jamais dans notre histoire récente, nombre d’observateurs estiment que l’avenir politique du pays se jouera in fine à l’issue de quatre tours de scrutin (et non de deux), dès lors qu’aucun des prétendants à l’Élysée n’est assuré d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale au mois de juin prochain. Si tel était le cas, il est probable que nous nous acheminerions vers une forme de Ve République-bis, aux contours certes incertains mais dont l’un des principaux mérites serait sans doute de remédier à la « présidentiélite » qui empoisonne depuis tant d’années notre vie politique.

La campagne s’égare en Russie Gilles Andréani 12 avril 2017

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« Je veux être le président de la paix et faire une conférence de sécurité de l’Atlantique à l’Oural. Il faut qu’on rediscute de toutes les frontières  issues de l’ancienne Union soviétique. Rien ne sert de se montrer armé jusqu’aux dents contre la Russie, mieux vaut discuter », a dit Jean-Luc Mélenchon lors du débat entre les cinq principaux candidats le 20 mars.François Fillon l’a approuvé et ajouté: « Nous-mêmes nous avons modifié des frontières. [« Pas par la force ! », interrompt un journaliste.] Si, le Kosovo par exemple. Parce que nous sommes des Occidentaux, nous pensons que nous pouvons tout faire, envahir l’Irak, régler l’ordre dans toute une partie du monde, parce qu’on est des combattants de la liberté. Il y a un principe fondamental qui est le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il y a des frontières qui ont été tracées dans des conditions inacceptables pour les peuples, et ce débat-là, on ne peut pas refuser de le voir s’ouvrir. »Pressé par Benoît Hamon, qui relevait que « la question des frontières est la plus sensible de toutes », de préciser sa pensée sur la conférence qu’il proposait, Jean-Luc Mélenchon répondait : « Il faut qu’on rediscute de toutes les frontières. La frontière entre la Russie et l’Ukraine, est-elle à la fin de la Crimée ou avant ? Je n’en sais rien. On doit en parler. »Marine Le Pen n’est pas intervenue dans cette phase du débat sinon par des signes approbateurs mais ses positions sur ce point étaient connues. Elle avait déclaré le 3 janvier sur BFM : « Je ne crois absolument pas qu’il y a eu une annexion illégale. Il y a eu un référendum, les habitants de  la Crimée souhaitaient  rejoindre la Russie ». Ces propos, qu’elle a réitérés le 17 janvier dans une interview aux Izvestia (« la Crimée n’a jamais été ukrainienne »), faisaient suite à une longue suite de prises de positions favorables à la Russie, où l’on relève à propos de la destruction de l’avion KLM- Malaysia Airlines au-dessus de l’Est de l’Ukraine un communiqué de la présidente du Front national du 17 juillet 2014 mettant en garde contre les conclusions hâtives tendant à « accuser les séparatistes du Donbass et même la Russie et à exonérer donc les forces armées ukrainiennes. »Reçue à Moscou par Vladimir Poutine quelques jours après le débat, le 24 mars, elle a déclaré à cette occasion : « Nous ne croyons pas en une diplomatie de menaces, de sanctions ou dans une diplomatie de chantage que l’Union européenne, malheureusement, applique de plus en plus contre la Fédération de Russie et contre ses propres membres ». Elle a réitéré son « point de vue sur l’Ukraine qui coïncide avec celui de la Russie. »Résumons. En France, trois des cinq principaux candidats à la présidentielle estiment qu’il y a deux explications au comportement international de la Russie et aux tensions actuelles avec elle : la première explication est le deux poids deux mesures de l’Occident envers elle ; la seconde est le problème des frontières entre la Russie et ses voisins, qu’on aurait dû réviser après la fin de la guerre froide, ce que l’Occident a refusé tout en ne se privant pas de modifier les frontières en Europe quand cela l’arrangeait, « par exemple » (François Fillon) au Kosovo. Et quand l’un des candidats propose une conférence de l’Atlantique à l’Oural – donc sans les Américains – pour rediscuter de toutes les frontières issues de l’ancienne URSS, seul l’un d’entre eux (Benoît Hamon) conteste l’idée au cours du débat, alors que le candidat de la droite modérée approuve.La proposition de Jean-Luc Mélenchon n’est pas susceptible d’avoir de conséquence pratique : l’idée d’une conférence visant à redéfinir les frontières post-soviétiques n’est pas sérieuse, car tous les Etats au détriment desquels ces révisions sont susceptibles d’être opérées la refuseront, ce qui inclut potentiellement tous les voisins de la Russie, et plus particulièrement l’Ukraine, la Moldavie, les pays baltes, la Géorgie et l’Azerbaïdjan (à moins qu’on ne remette en cause certaines des acquisitions de Staline pendant et après la deuxième guerre mondiale et qu’on n’autorise la Roumanie à revendiquer la Bukovine du nord, la Finlande la Carélie, l’Allemagne Kaliningrad, mais l’on peut penser que ce n’était pas ce que Jean-Luc Mélenchon avait en vue). Au demeurant, les Russes, qui ont une diplomatie sérieuse, n’endosseraient jamais cette proposition, qui risquerait de les faire apparaître comme perturbateurs de l’ordre territorial européen, d’affoler leurs voisins et de les unir contre eux.Cette idée extravagante ne vaut d’être relevée que par ce qu’elle révèle : de la provincialisation du débat de politique étrangère en France, et de la singularité de notre pays, unique en Europe pour une russophilie excessive, mal informée et dévoyée.Sur le premier point, même ceux qui comme l’auteur de ces lignes estiment que l’Occident a commis des fautes envers la Russie après la guerre froide, que l’élargissement de l’OTAN était hasardeux, et franchement dangereux lorsqu’on a fait miroiter de façon irresponsable à l’Ukraine et à la Géorgie la perspective d’une adhésion, savent qu’il faut mettre ces erreurs –heureusement corrigées depuis 2008- en balance avec d’autres faits : la réticence de l’Ouest face à l’éclatement de l’URSS qu’il aurait préféré conserver unie (aux Baltes près, et encore), le biais favorable à la Russie avec lequel il a géré la succession de l’URSS, le soutien qu’il a apporté à Boris Eltsine, notamment dans la guerre de Tchétchénie, dans ses relations avec l’Ukraine et dans la crise financière de 1997.Que l’Ouest ait cherché à humilier et diminuer la Russie après 1991 est un mythe. Quant aux frontières, il faut rappeler que la Russie n’en a pas fait un sujet prioritaire et les a librement confirmées dans les années qui ont suivi la guerre froide (la confirmation du statu quo territorial et notamment des frontières allemandes était la vraie priorité pour elle). Les frontières étaient un sujet dormant, qui n’a été réveillé que parce qu’il a plus tard servi les desseins nationalistes de Vladimir Poutine. Si l’on veut améliorer ses relations avec la Russie, de multiples sujets s’imposent, mais les frontières sont le dernier auquel on peut raisonnablement penser, et il n’y a qu’en France qu’on peut en parler comme les candidats l’ont fait le 20 mars.De fait, et c’est le deuxième point, il y a une proximité ancienne et singulière de la France avec la Russie, que renforce l’idiosyncrasie de certains candidats. Ancienne, et plus vive en France qu’ailleurs, est la double tradition russophile, gaulliste d’une part, communiste de l’autre, dont François Fillon et Jean-Luc Mélenchon peuvent apparaître comme les héritiers.Chacun y apporte cependant sa touche personnelle : chez le premier a pu jouer la fidélité à Philippe Séguin, qui était particulièrement attaché à l’alliance franco-russe, même dans ses manifestations les plus incertaines comme la « belle et bonne alliance » de décembre 1944 ; a pu jouer aussi son expérience de la coprésidence avec Vladimir Poutine, quand ils étaient tous deux Premiers ministres, de la grande commission franco-russe, expérience qui a dû représenter pour lui des moments de satisfaction et de sérieux contrastant avec le rôle réduit que Nicolas Sarkozy lui avait laissé à Matignon.Chez Jean-Luc Mélenchon, la russophilie s’enrichit d’une fascination pour certains impérialismes civilisateurs, qui lui fait célébrer ce que les grands – exception faite naturellement des Etats-Unis – apportent aux petits peuples qu’ils asservissent, comme la Chine, par lui vantée pour ses valeurs universelles et les lumières qu’elle a apportées au Tibet.En sens inverse, on se souvient de sa sortie sur la Lituanie, dans le contexte du référendum de 2005 sur le traité constitutionnel européen, alors qu’on lui faisait remarquer que l’Europe avait accueilli les Lituaniens : « Eh bien, qu’ils aillent se faire foutre ! Lituaniens ? T’en connais, toi, des Lituaniens ? J’en ai jamais vu un moi ! » Il a par la suite affirmé de façon inexacte que les autorités lituaniennes avaient refusé la citoyenneté à 400 000 membres de la minorité russophone, et versé des pensions aux anciens SS lituaniens (tous les résidents de la Lituanie indépendante ont obtenu la citoyenneté et il n’y a pas eu d’unités SS lituaniennes –pas davantage que polonaises ! – à la différence de la Lettonie).

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Enfin, chez Marine Le Pen, la russophilie procède de racines idéologiques qu’il faut rattacher, non au gaullisme ni au communisme, mais au culte du chef et à l’aspiration à un régime fort, l’un et l’autre identifiés à Vladimir Poutine. Sur le plan géopolitique, Marine Le Pen qui prône comme Jean-Luc Mélenchon le retrait de la France de l’OTAN, a annoncé qu’elle rechercherait une alliance stratégique avec la Russie, et « une union paneuropéenne des Etats souverains incluant la Suisse et la Russie » qui aurait vocation à remplacer l’Union européenne.Voilà donc le décor planté : trois candidats dont l’affinité avec la Russie a des racines variées, mais qui ont en commun de l’estimer maltraitée par l’Occident et de souhaiter que la France s’en rapproche, en particulier sur le dossier syrien. Selon François Fillon, toujours le 20 mars, « il faut moins engager les armées que ne l’a fait Hollande… Deuxièmement, la politique française contre l’Etat islamique est un échec. Nous avons laissé la liberté d’action à la Russie et à l’Iran, alors que nous aurions pu mener cette lutte avec ces nations. »En face, Benoît Hamon et Emmanuel Macron : le premier est seul à assumer la ligne diplomatique du président sortant, qui a conduit à une détérioration des relations franco-russes ; le second critique également l’alignement sur les positions russes. Il a dit à Marine Le Pen le 20 mars « contrairement à vous, je ne veux pas pactiser avec Poutine » ; le 24 mars, dans une interview à Libération, il adoptait une position encore plus nette : « c’est un de mes grands désaccords avec Mme Le Pen, M. Fillon et M. Mélenchon :  leur  fascination pour  la Russie de Poutine est délétère. Il faut certes discuter avec la Russie pour assurer la stabilité du Moyen-Orient. Mais n’oublions pas qui ils sont, ce qu’ils font, et la nature de leur régime. »Cependant, Emmanuel Macron est plus nuancé sur la politique à suivre et la coopération avec la Russie, sujets où il exprime plus que des nuances avec François Hollande : « le désaccord que j’aurais avec certains, c’est l’interventionnisme. Une indépendance dans l’Europe, non pas pour s’y fondre, s’y confondre mais pour renforcer nos partenariats. J’aurais cette politique de crédibilité, de responsabilité car notre histoire, c’est une histoire séculaire. Nous avons ensemble construit la paix dans le monde, avec des alliances économiques, même parfois avec la Russie. »Sur le site d’En Marche on trouve une analyse favorable au dialogue avec la Russie et à une levée progressive et conditionnelle des sanctions de l’UE contre elle. Enfin, sur la Syrie, Emmanuel Macron considère comme une erreur d’avoir fait du départ de Bachar Al-Assad un préalable – c’est l’évidence-même – et juge nécessaire de coopérer avec la Russie à la résolution de la crise.Ces positions des candidats vis-à-vis de la Russie étaient relativement stables et, il faut le dire peu visibles, jusqu’aux frappes américaines sur une base aérienne syrienne en réponse à une attaque au gaz sarin le 6 avril. Les trois candidats les plus favorables à la Russie ont manifesté un désaccord allant de la condamnation (Jean-Luc Mélenchon), à l’étonnement (Marine Le Pen) et au scepticisme : « compréhensible  mais dangereuse », a dit François Fillon de la réaction américaine.Jean-Luc Mélenchon a détourné le communiqué franco-allemand approuvant l’opération américaine (« Bachar   al-Assad  porte   l’entière responsabilité de ce développement. Son recours continu aux armes chimiques et aux crimes de masse ne peut en effet rester impuni ») qu’il a transformé en un tweet : « Hollande et Merkel portent l’entière responsabilité de donner à Trump le pouvoir solitaire de frapper qui il veut quand il veut » (comme s’il était en leur pouvoir de conférer au président américain quelque pouvoir que ce soit qu’il n’eût déjà en matière d’emploi de la force!).L’embarras est palpable dans la position de Marine Le Pen, dont la proximité avec Vladimir Poutine et Bachar Al-Assad, le soutien à Donald Trump ainsi que l’hostilité à l’OTAN, se trouvaient jusque là légitimées par l’alignement Poutine-Trump et l’isolationnisme de ce dernier : les frappes américaines, avertissement à Poutine, réaction à un crime d’Assad redevenu infréquentable, et signe d’une présidence Trump engagée en politique étrangère, dérangent ces calculs. Les circonstances banalisaient les positions de politique étrangère de Marine Le Pen : avec les frappes du 8 avril, celles-ci redeviennent excentriques.L’embarras est moindre pour François Fillon, qui, à la différence de Marine Le Pen, n’avait pas défendu Donald Trump. Il a cependant pris ses distances avec l’opération américaine, peut-être par souci de ne pas pratiquer un « alignement sur les Etats-Unis » qui lui semble le péché capital de la politique étrangère de François Hollande : il craint que les frappes américaines n’empêchent la réalisation du front uni incluant la Russie qu’il appelle de ses vœux sur l’affaire syrienne, et ne mènent à une confrontation américano-russe.Alain Juppé, qui avait demandé après l’attaque aux gaz si « les tenants de la realpolitik [allaient] encore oser nous expliquer que le régime de Bachar Al-Assad est un partenaire fréquentable ? », a soutenu l’opération américaine, avec la plupart des leaders des Républicains. En refusant le constat d’évidence que ce n’est pas en laissant le champ libre à Bachar Al-Assad que l’on les amènera les Russes à coopérer, François Fillon s’est singularisé par rapport à son camp et aux partenaires européens de la France ; il s’avance ainsi plus que nécessaire, ce qui donne la mesure de la force de ses convictions sur la Russie.Dans le camp opposé, Benoît Hamon a approuvé sans réserve l’opération américaine, et invité « tous ceux qui trouvent des excuses à M. Poutine à réviser leur jugement ». Emmanuel Macron s’est contenté de « prendre note » de l’opération américaine ; il s’était déclaré le 7 avril sur France 2 – juste après l’attaque chimique – favorable à une action internationale contre Bachar Al-Assad sous l’égide de l’ONU, à laquelle il souhaitait que la France prenne part (sans expliquer comment il amènerait les Russes à y consentir, alors qu’ils ne partagent selon lui « ni nos valeurs ni nos préférences »). Au rebours de François Fillon ou de Benoît Hamon, il ne souhaite sans doute pas s’exposer sur cette affaire.L’affaire syrienne a pris à contre-pied les candidats les plus favorables à la Russie de Vladimir Poutine ; elle n’a cependant pas affaibli leurs convictions ni modifié leurs positions. Elle a aussi démenti les formules consensuelles d’Emmanuel Macron – intervention internationale sous l’égide de l’ONU, et coopération dans ce but avec la Russie – qui se sont trouvées aussitôt dépassées par les événements.Au total, sur la Russie, la position la plus lucide revient à Benoît Hamon, c’est-à-dire au plus petit des grands candidats, en passe d’être abandonné par son électorat. Il a choisi de rompre sur ce sujet le pacte de non-agression conclu avec Jean-Luc Mélenchon, et l’on se demande à quelle fin, la fermeté sur la Russie n’étant sans doute guère plus populaire chez les électeurs qu’elle n’est partagée chez les candidats.Quoi qu’il en soit, on doit l’approuver quand il dit : « Quand on discute avec Poutine mieux vaut arriver avec quelques arguments. » Disons-le autrement : nous devons chercher à améliorer nos relations avec la Russie. Cela ne se fera pas seulement avec de la bonne volonté ou en reconnaissant nos fautes passées, réelles ou imaginaires, mais sur la base d’un rapport de forces qui oblige la Russie à tenir compte de notre point de vue.Les frappes de Donald Trump en Syrie vont peut-être y contribuer. Et, qui sait ? les candidats qui se réclament du réalisme vont peut-être payer un prix politique pour s’être obstiné, au nom d’une coopération que chacun souhaite avec la Russie, à ne lui dispenser que des gages d’ouverture et à refuser de les accompagner des signes de fermeté sans lesquels Vladimir Poutine n’aura aucune raison de coopérer avec nous.

Hamon: "On ne peut pas seulement gouverner pour les gens qui vont bien" 17h25, le 16 avril 2017"Ça ne marche pas, ça s'appelle le libéralisme", a attaqué le candidat PS à l'élection présidentielle, en déplacement dans un quartier populaire d'Angoulême.

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Benoît Hamon a poursuivi dimanche sa série de déplacements dans l'Ouest de la France en passant par un quartier populaire d'Angoulême, où il a réaffirmé sa volonté de ne pas "seulement gouverner pour les gens qui vont bien". Parti de Niort et avant de rallier Bordeaux, le candidat socialiste s'est arrêté deux heures au quartier de Basseau, "un quartier qui ressemble à beaucoup de quartiers en France où les Français font l'expérience de ne pas avoir les mêmes droits que les autres".Face aux habitants qui lui ont réservé un accueil chaleureux et musical autour d'un pique-nique, Benoît Hamon s'est refusé à "rentrer dans une formule du type 'd'ici à la fin de mon quinquennat il n'y aura plus de problèmes'". "Mais en tout cas j'y aurai mis toute mon énergie et tous les moyens de la puissance publique pour réduire ces inégalités. Il en restera, ce serait absurde de penser qu'elles seront toutes éteintes, mais ma priorité ce sera cela", a-t-il promis."Il est temps de tourner la page". Benoît Hamon, qui a multiplié cette semaine les visites dans les quartiers populaires, en Ile-de-France et en banlieue lyonnaise, a souligné qu'on "ne peut pas seulement gouverner pour les gens qui vont bien en espérant que cela entraînera les autres". "Ça ne marche pas, ça s'appelle le libéralisme. Ça fait 25 ans qu'on raconte ce genre de sornettes, il est temps de tourner la page", a-t-il martelé."Moi, je parle garantie de services publics, police des discriminations, politique du logement, des conditions qui permettront de monter son projet grâce au revenu universel d'existence. J'ai des propositions extrêmement concrètes, cohérentes", a-t-il encore vanté à une semaine du premier tour de l'élection présidentielle.

Benoît Hamon : "Ce qui a échoué en 1981 marchera demain"PIERRE-ALAIN FURBURY RENAUD HONORÉ ETIENNE LEFEBVRE DOMINIQUE SEUX Le 12/04 à 06:25Mis à jour à 09:36 Benoît Hamon, ancien ministre, candidat à la présidence de la République, dans son QG parisien, le 10 avril 2017. - Alexandre ISARD / PASCO pour Les EchosINTERVIEW - Le candidat socialiste promet un million d’emplois grâce à la relance. Il se dit en "désaccord profond" avec Jean-Luc Mélenchon sur l’Europe et étrille le projet d'Emmanuel Macron sur le plan social.Regrettez-vous d'avoir affiché votre préférence pour Jean-Luc Mélenchon plutôt qu'Emmanuel Macron ou François Fillon pour barrer la route à Marine Le Pen, au cas où vous seriez éliminé au premier tour ?Dans l'absolu, je préfère Benoît Hamon ! Mais j'ai eu l'honnêteté de répondre à la question que l'on me posait, rompant avec l'hypocrisie habituelle face à ce genre de questions. De toute façon, je ne crois pas à la victoire de Marine Le Pen dans cette élection. En revanche, je crains qu'elle gagne la prochaine fois si on continue à mettre en oeuvre des politiques libérales qui réduisent les services publics et rendent les Français plus vulnérables. Ces politiques favorisent la montée des extrêmes partout en Europe. Je ne vois pas en quoi le programme d' Emmanuel Macron aurait des résultats différents. Il ne propose pas une seule mesure sociale dans ses 100 premiers jours. Rien, le néant absolu ! Il veut aussi tirer un trait sur la démocratie sociale en étatisant l'Unedic, notamment, alors qu'il faudrait aller vers un modèle de cogestion à l'allemande.Mais vous êtes plus proche d'Emmanuel Macron que de Jean-Luc Mélenchon sur l'Europe !Moi je veux une autre Europe, ni la quitter, ni continuer comme avant, mais si comme le demande la Commission on continue à faciliter les licenciements et à démanteler le droit du travail comme le propose Emmanuel Macron, on fabriquera plus de désespérance que de croissance. C'est ce que je redoute plus que tout.Et j'assume un désaccord profond avec Jean-Luc Mélenchon sur la question européenne. Je ne crois pas à son plan A, parce qu'il place beaucoup trop haut le niveau de ses exigences de renégociation des traités pour que celui-ci soit réaliste. Donc, en réalité, il n'y a chez lui que le plan B, à savoir la sortie de l'Union européenne. Et moi, je ne souhaite pas une telle issue.L'Europe d'aujourd'hui est critiquable, il faut changer son orientation. Mais en sortir serait un constat d'échec absolument terrible. Au-delà des turbulences économiques évidentes, les effets politiques seraient considérables sur l'état d'esprit du pays, sa capacité à faire influer ses idées dans le monde. Et cela installerait un climat belliqueux en Europe.Votre projet de démocratisation de la gouvernance de la zone euro a-t-il plus de chances auprès des Allemands ?Les réticences sont moins fortes que ce que je ne craignais en Allemagne et au Parlement européen, où on m'a davantage parlé de la composition de l'assemblée de la zone euro que du bien-fondé de cette avancée démocratique. Angela Merkel, que j'ai vue, s'inquiète aussi de la montée des idées populistes. Je lui ai dit : réduire le déficit de la France de 0,5% de plus vaut-il le risque que Marine Le Pen dirige la France un jour ?Vous voulez une relance par les dépenses publiques, mais celles-ci atteignent déjà un niveau record à 56% du PIB...C'est une illusion due à la crise. 56% de dépenses publiques, c'est le niveau post-crise dû avant tout au ralentissement du PIB ; avec le retour de la croissance, elles se réduiront automatiquement en pourcentage du PIB. La vérité, c'est les services publics sont moins forts aujourd'hui. Qui peut nier les bureaux de postes ou les gares qui ferment, la politique culturelle qui disparaît ? Nous sommes arrivés à la limite de ce qu'on peut raboter dans les administrations dites non prioritaires...Quel est le bon niveau, pour vous, de ces dépenses publiques ?Il n'est pas question de baisser la garde sur les services publics. Cela ne veut pas dire que rien ne doit changer. Si vous prenez l'exemple de la petite enfance, je ne pense pas que cela doive nécessairement reposer sur l'Etat. Dans certains secteurs, ces services publics, que je préfère qualifier de services d'intérêt général, peuvent être remplis par des acteurs privés.Il faut mener un audit global, pour identifier les secteurs dans lesquels l'intervention de la seule puissance publique n'est plus aussi opportune. De la même façon il faut voir les raisons du dysfonctionnement de certains services publics. Dans l'hôpital, cela est dû à la tarification à l'activité et à la situation de sous-effectifs dans beaucoup d'hôpitaux. Dans d'autres services, comme la police nationale, cela peut être lié à une question de redéploiement.Pourquoi une politique de relance par la dépense publique fonctionnerait-elle aujourd'hui ?Ceux qui critiquent cette proposition font comme s'il n'y avait aucun effet multiplicateur, en positif ou négatif, des dépenses publiques. On nous ramène à l'exemple de la relance ratée de 1981, alors que la situation économique est radicalement différente.Aujourd'hui nous sommes face à une sous-utilisation de nos capacités productives, suite à une crise de 10 ans, quand on observait le contraire en 1981. Nous avons un écart (« output gap ») extrêmement important par rapport à la croissance potentielle (d'au moins 2 points de PIB) et tout l'enjeu est de permettre aux entreprises d'utiliser leurs capacités productives de façon beaucoup plus forte par la relance. Ce qui a échoué en 1981 marchera donc demain parce que nous ne sommes pas en 1981. Il y a aujourd'hui un très fort déficit de demande.Cela ne va-t-il pas profiter avant tout aux importations et aux entreprises étrangères ?Environ un quart seulement de ce que nous consommons est lié aux importations. La relance, supérieure à 100 milliards d'euros sur cinq ans, aura aussi un effet positif sur nos exportations. Je récuse l'idée que ma politique de relance creusera le déficit commercial.La politique dite de l'offre menée sous le quinquennat Hollande a donc échoué ?

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Les entreprises ont restauré en partie leurs marges : tant mieux. Vous remarquerez que je ne reprends que 10 milliards d'euros sur les 40 milliards du Cice et du Pacte de Responsabilité, ce qui reste relativement raisonnable. Il faut désormais mettre l'accent sur la compétitivité hors coût.Quand c'est flou, il y a un loup et en l'occurrence, Macron, c'est même un loup garou !C'est pour cela que je souhaite porter l'effort de recherche et développement à 3% du PIB et investir très fortement dans l'université et la formation tout au long de la vie. Mon dispositif n'est donc pas seulement en faveur du pouvoir d'achat. Par ailleurs, ma relance via le revenu universel ne pèsera pas sur la compétitivité des entreprises puisque pour les salariés il s'agit d'augmenter le salaire net.La réforme de la taxe d'habitation d'Emmanuel Macron va-t-elle dans le bon sens ?Toutes les mesures qui privent les collectivités locales d'une source de financement créent des problèmes et de l'incertitude. Quand c'est flou, il y a un loup et en l'occurrence, c'est même un loup garou ! Moi, je préfère mettre en oeuvre une grande réforme de la taxe foncière : la taxe foncière ne portera plus que sur les actifs nets de dette.Si vous avez consenti un emprunt, il est normal que vous payez moins de taxe foncière. Cela permettra par exemple pour un ménage qui possède une maison d'une valeur de 300.000 euros mais a 290.000 euros de dette auprès de sa banque d'économiser 1.500 euros par an. Un vrai gain de pouvoir d'achat Je suis également favorable à un rapprochement entre taxe foncière et ISF avec la création d'un impôt unique sur le patrimoine.Votre réforme fiscale fusionnant IR et CSG est-elle abandonnée ?Non. Cela fait partie des réformes que je conduirai, comme je m'y suis engagée devant les Français.Où créez-vous le million d'emplois promis ?Là où il y a des investissements stratégiques : dans l'habitat (140.000 emplois dans les rénovations thermiques et urbaines et la construction de logement), les transports (4.000 emplois), l'énergie renouvelable et la chimie verte (125.000 emplois), l'agro-écologie (20.000 emplois), les services à la personne (accompagnement des personnes âgées - 112.000 emplois ; petite enfance - 109.000 emplois ; handicaps), dans les PME grâce au Made in France et le fait que leur sera réservé 50% de la commande publique, etc.Ma relance via le revenu universel ne pèsera pas sur la compétitivité des entreprisesDans la fonction publique aussi, même si - je tiens à rassurer tout le monde - ce n'est pas le principal contingent. Tout cela a été très précisément chiffré. Un million d'emploi, ça me parait raisonnable avec une politique de relance aujourd'hui, avec une croissance qui serait, je pense, plus riche en emplois. Ce chiffre ne vise pas à toiser Pierre Gattaz.Au passage, je juge choquantes, honteuses, les attaques du président du Medef contre moi. Faire le lien entre ma candidature, qui conduirait selon lui à la ruine et la désolation, et Le Pen est affligeant. Ça en dit long sur l'état de décrépitude du Medef. Sur la jeunesse, les banlieues, l'emploi, Gattaz n'y connait rien.Souhaitez-vous aller vers les 32 heures ?Sans toucher à la durée légale actuelle, il faut avoir des mécanismes d'incitations, sur le modèle de la loi de Robien. Je ne suis pas opposé à ce qu'on puisse ainsi alléger les cotisations patronales en contrepartie d'une baisse du temps de travail, ou de créations d'emploi.Qu'est-ce qui l'emporte, dans cette campagne présidentielle ? Les personnalités ou les projets ?Aujourd'hui, les récits l'emportent sur les conséquences concrètes des programmes sur la vie des gens : certains de mes concurrents racontent de jolies histoires. Moi, on ne peut pas me reprocher de ne pas avoir mis sur la table des propositions nouvelles, sur la raréfaction du travail ou la manière de repenser le financement de notre protection sociale. L'idée du revenu universel s'est installée, même si tout le monde ne l'a pas comprise.D'autres ont en revanche choisi la facilité. Jean-Luc Mélenchon, avec son « dégageons les tous ». Emmanuel Macron, avec son « je ne suis ni droite ni de gauche, je prendrai le meilleur des deux côtés ». François Fillon , qui vante sa « thérapie de choc ». Marine Le Pen qui répète sur tous les tons qu'elle est « victime du système ». Dans cette campagne, il y a trop de comportements immatures et puérils.Lesquels ?Trop de candidats ne parlent que d'eux-mêmes, se mettent en scène. Si c'est pour recycler les vieilles idées, renouveler les visages ne mène à rien. On a déjà si souvent changé de castings que la France aurait dû être sauvée depuis longtemps. S'il s'agit d'installer au pouvoir tous ceux qui auraient bien aimé être dans le gouvernement de Hollande et n'y ont pas été et tous ceux qui auraient bien aimé être dans le gouvernement de Sarkozy et n'y ont pas été, je crains une sévère gueule de bois...Vous ne parlez jamais du bilan... Vous sentez-vous plus proche de Mélenchon ou de Hollande ?Avec François Hollande, mon désaccord date de 2014 : je considère, à ce moment-là, que le déséquilibre sur la politique de l'offre va être dommageable et que la courbe du chômage ne va pas s'inverser... Je ne pense pas m'être complètement trompé. Le leader des sociaux-démocrates allemands, Martin Schulz, le dit aujourd'hui à sa manière : « Nous ne pouvons pas continuer à nous enrichir par le fait que tous les autres Européens s'appauvrissent ».Je note qu'il m'a encore apporté son soutien ce week-end et qu'il en fait plus pour ma candidature qu'une vingtaine de dirigeants socialistes ou ministres français de premier rang. Tous ces petits calculs, c'est la vieille politique, c'est déjà fini. Une génération de responsables économiques et politiques, de commentateurs aussi, ne perçoivent pas les mutations qui sont à l'oeuvre. Nous assistons aux ultimes convulsions d'un monde éteint. A droite comme à gauche.En savoir plus sur https://www.lesechos.fr/elections/benoit-hamon/0211964212883-benoit-hamon-ce-qui-a-echoue-en-1981-marchera-demain-2079290.php#AZWI4avsZDtUHE5v.99

Benoît Hamon: «Je refuse de m’accrocher au monde ancien, je me projette»Par Grégoire Biseau , Lilian Alemagna et Rachid Laïreche — 14 avril 2017 à 20:36A une semaine du premier tour, le candidat socialiste, donné cinquième dans les sondages, réaffirme qu’il ira jusqu’au bout et entend préparer la reconstruction du PS. Il défend sa campagne qui «parle à l’intelligence des citoyens», tout en dénonçant «l’imposture» de Macron et le plan B européen «pas désirable du tout» de Mélenchon. Benoît Hamon: «Je refuse de m’accrocher au monde ancien, je me projette»Il n’abdiquera pas. A une semaine du premier tour de la présidentielle, Benoît Hamon n’a jamais été aussi loin du quatuor de tête. Détendu, sous la verrière d’un ex-atelier du Xe arrondissement de Paris retapé en espace de coworking, lieu de son QG de campagne, le candidat PS explique à Libération pourquoi sa candidature reste «utile», critique Macron et Mélenchon et commence déjà à régler quelques comptes au PSLe 13 février, vous avez dit : «Hamon est le nom de mon père, de mon grand-père et je ne veux pas que mon nom et celui de mes enfants soit associé à la débâcle de la gauche où à la victoire du FN.» Deux mois plus tard, votre nom ne risque-t-il pas d’être associé à une défaite historique ?

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Non. Je suis un combattant. Que ce soit bien clair, je suis en campagne jusqu’au bout pour convaincre et éviter que les électeurs soient tentés de choisir un «bon candidat», alors que l’enjeu est de choisir un bon président. Je suis confiant dans le fait que c’est l’intelligence et pas l’émotion ou les sondages qui guideront le choix des électeurs de gauche.Pourquoi ne pas se ranger derrière Mélenchon pour donner une chance à la gauche d’être présente au second tour ?D’abord, la politique, ce n’est pas de l’arithmétique. Ensuite, ce combat que nous menons séparément ira jusqu’au 23 avril parce que, je le dis, on ne gouverne pas ou on ne reconstruit pas la gauche sur la sortie de l’Europe. Qu’elle gouverne ou qu’elle soit dans l’opposition, la gauche ne peut pas proposer aux générations futures d’envisager son destin hors de l’UE.Il y aura donc bien un bulletin Hamon…Bien sûr qu’il y aura un bulletin de vote Benoît Hamon ! La France a besoin de la gauche que je représente : sociale, écologiste, européenne et ouverte. Celle qui a apporté l’essentiel du patrimoine des droits sociaux et démocratiques de notre pays. Vous savez, des milliers d’élus locaux, des milliers d’activistes, de citoyens me soutiennent. Ce sont des gens qui font le boulot et ils m’importent plus que d’autres.Revenons un peu en arrière. Votre meeting de Paris Bercy a été salué comme un succès, mais il n’a créé aucune dynamique. Comment l’expliquez-vous ?Parce que j’ai été moins bon dans le débat télévisé du lendemain, j’avais probablement perdu mon influx la veille. J’ai aussi privilégié la démonstration sur mes propositions, de manière parfois trop académique. Peut-être ai-je oublié que nous étions ce soir-là dans ce que Guy Debord appelait «la société du spectacle»… Finalement, dans ce débat, il importait davantage de montrer en quoi le candidat avait les «bons mots» que de laisser à voir en quoi le président serait compétent.C’est un regret ?Je fais une campagne qui parle à l’intelligence des citoyens. Pour moi, la question aujourd’hui pour la gauche est moins de se lover dans une fable nouvelle que de dire le projet politique qui est le sien. Des fables, on en a écrit beaucoup et nos bibliothèques en sont remplies. Je ne parle pas à des «foules», dans un rapport césariste au peuple, je parle à des citoyens, dans leur singularité.Les deux débats télévisés ont probablement été décisifs dans cette campagne. Comment l’expliquez-vous ?Seul le vote est décisif. Le premier débat a eu lieu à un moment où les électeurs étaient incertains. Les messages portés par Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon ont correspondu à une disponibilité des Français de gauche. Pourquoi ? Parce que le pays est au bord de la crise de nerfs. Parce que les électeurs sont déboussolés. Parce que les comportements n’ont jamais été aussi erratiques… Encore que certains dirigeants socialistes partis chez Macron, eux, sont cohérents ! Ce n’est pas surprenant de voir Manuel Valls ne pas respecter la démocratie puisque c’est l’homme du 49.3. Il y a d’ailleurs un point commun entre la gauche de Valls et celle de Mélenchon : la question démocratique.Pourquoi Mélenchon ?Il fait preuve de beaucoup d’indulgence, en matière de politique étrangère, à l’égard de pays qui restreignent les libertés publiques. Toute cette zone grise qu’il a volontairement entretenue sur la Russie de Poutine et sur Al-Assad participe de la confusion de notre époque.Pourquoi alors avoir décidé un pacte de non-agression avec lui ?Mes adversaires sont Marine Le Pen et François Fillon. Mélenchon n’a occupé qu’une fraction minime de mon temps de parole. Sauf sur la question européenne, pour m’en distinguer. Mais je ne peux pas avoir fait ma campagne sur un futur désirable et faire l’impasse sur le fait qu’il propose de sortir de l’Europe et de l’euro ! Ce n’est pas désirable du tout.Vous ne croyez pas au plan A de Jean-Luc Mélenchon, la renégociation des traités européens ?Non. Si le plan A était raisonnable peut-être. Mais il ne l’est pas ! Le passage d’une Europe allemande à une Europe française, personne n’y croit. Cette stratégie est vouée à l’échec. Et si c’est le plan B [la sortie de l’Europe, ndlr], comment fait-on, demain, pour appliquer son programme national ? Prenons un sujet : l’écologie. Je ne doute pas que Jean-Luc soit aussi écolo que moi, mais comment fait-on demain pour engager la conversion écologique de l’économie à l’échelle nécessaire pour qu’elle ait un impact sur le réchauffement climatique ? Si nous ne le faisons pas à l’échelle européenne, il n’y a pas de transition écologique donc pas de lutte contre le réchauffement de la planète. Avec quel fonds, demain, finance-t-on la transition énergétique sans Banque européenne d’investissements ? Son plan B, c’est une feuille blanche. J’ai une démarche différente : je propose un traité de démocratisation de la zone euro avec Thomas Piketty, et des juristes qui ont bossé ! C’est du concret. J’ai le soutien de Martin Schulz et du SPD allemand. Au passage, je rappelle que le très conservateur M. Schäuble, en Allemagne, soutient M. Macron. Si vous voulez un brevet d’austérité, le voilà : il a mis un tampon pour dire «le jeune Macron, c’est le gars qu’il nous faut». Et après on nous parle de «renouvellement» ? C’est une autre fable de cette campagne…Vous faites référence à la sortie de François Hollande : quelle a été votre réaction à ce soutien à peine voilé ?On a passé assez de temps à commenter les soutiens francs, alors les soutiens «voilés»… C’est trop compliqué pour moi. Je fonce pour faire gagner la gauche qui veut gouverner en restant de gauche.Pendant cette campagne, vos propositions sont apparues en décalage avec les attentes - notamment de l’électorat de gauche - sur l’emploi, le pouvoir d’achat…Le revenu universel concerne directement le pouvoir d’achat. Sur l’emploi, j’entends la critique sur la confusion qui a pu s’installer. Mais il a fallu lutter contre toute une série de vents contraires ! J’ai été accusé de vouloir préparer une  «société du farniente» par une partie de mes amis politiques. Mais enfin je ne veux pas «la fin du travail» ! J’ai expliqué qu’il y aurait une raréfaction du travail si nous n’anticipions pas les transitions. Cela nécessite de regarder les secteurs dans lequel le travail va disparaître et imaginer les solutions dans des secteurs où le numérique bouleverse tout. Ainsi, je propose de créer un million d’emplois, en investissant dans les secteurs qui en ont besoin - énergies renouvelables, services à la personne, santé, éducation, industrie… - en réservant aussi 50 % de la commande publique aux entreprises locales, qui compenseront les dizaines de milliers de suppressions d’emplois dans des secteurs où les machines, les algorithmes, l’intelligence artificielle remplacent déjà les hommes.De plus, pendant ce temps-là, nous avons été mobilisés par le feuilleton qui tenait du supplice chinois consistant à organiser mon affaiblissement : celui des défections. Cela n’a pas changé mon axe de campagne mais a perturbé les électeurs.N’étiez-vous pas, vous aussi, méfiant à l’égard du PS ?A l’égard de certains de ses dirigeants. Je n’avais peut-être pas tort, non ?Que dites-vous aux électeurs de gauche tentés par le vote Macron ?Son agenda économique et social se situe dans les clous du dogme austéritaire bruxellois. Il n’a aucune ambition en matière environnementale. Si son projet, c’est «et de droite et de gauche», où sont les «consciences» de gauche pour lui dire que, sur la question du droit du travail a minima, on ne procède pas par ordonnances après le traumatisme qu’a été le 49.3 sur la loi travail ? Laurent Berger [le patron de la CFDT] s’en est ému. S’il subsiste un tout petit peu de conscience politique à tous ces dirigeants qui se disent de gauche et soutiennent Macron, où sont-ils ? Voilà un homme qui dit «vive la négociation sociale !» mais met fin au paritarisme. C’est de l’imposture. Emmanuel Macron n’est pas prêt à gouverner. Prenez ses propos sur la colonisation : dire à Paris, dans un livre, qu’il y a du bon et que c’est un «crime contre l’humanité» quand on est à Alger, où est la vérité ? Lorsqu’il est

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dans l’avion au-dessus de la Méditerranée ? Où est le vrai Macron ? Les dirigeants qui soutiennent Macron ont brûlé leurs derniers vaisseaux. La gauche favorable à la fin de l’ISF, au contrôle des chômeurs, à l’augmentation de la CSG, à la retraite par points, à la fin du compte pénibilité… Ce n’est plus la gauche.La CSG a été inventée par Michel Rocard… Ce que propose Macron pourrait être de gauche aussi ?Je ne suis pas favorable à ce qu’une augmentation de la CSG finance la baisse de l’ISF.Non… Dans son programme, la hausse de la CSG financerait des baisses de cotisations des bas salaires.Peut-être. Mais je conteste le fait que les 6 millions de personnes qui ont des retraites tout juste supérieures à 1 400 euros vont être directement touchées par la hausse de la CSG ! Lorsqu’on continue à défiscaliser les actions gratuites, quand on veut baisser l’ISF, baisser de 60 milliards d’euros la dépense publique, oui, ce sont encore les mêmes qui paieront. Il y aura moins de services publics, moins de protection sociale. Avec Emmanuel Macron, les classes moyennes et populaires seront plus faibles dans cinq ans qu’elles ne le sont aujourd’hui. C’est incontestable. Je ne vois pas en quoi cela fera baisser le FN quand ce type de programmes fait grimper l’extrême droite partout en Europe. Pour moi, Marine Le Pen a peu de chance de gagner en 2017. La question est de savoir si les électeurs s’achètent seulement un délai en continuant les politiques libérales ou bien s’ils choisissent un projet politique de nature à extraire ce poison logé dans la tête de beaucoup de Français.Pourquoi le vôtre et pas celui de Jean-Luc Mélenchon ?Sortir de l’Europe n’améliorera pas les choses, au contraire.Vous dites vouloir être l’«architecte de la gauche de demain». Mais certains de vos camarades au PS, opposés à votre ligne, aimeraient reprendre la main…Ceux-là, je les ai croisés alors que je faisais ma campagne aux Antilles, dans le même hôtel que moi… Mais eux étaient en vacances. Honnêtement : qui va croire une seconde que la gauche française peut se reconstruire avec ceux qui ont posé comme acte fondateur, comme message à la nation, le non-respect d’un vote démocratique. Est-ce bien raisonnable de vouloir lutter contre le FN en posant cela comme acte de naissance de cette «résistance» ? Nous sommes dans une crise morale. Pas seulement politique. Moi, je continue à penser que les mots ont un sens.Que vous a appris cette campagne ?Mon déplacement de quarante-huit heures en banlieue m’a marqué. A Vaulx-en-Velin, à Villeurbanne, j’ai rencontré une banlieue lucide sur les constats, exigeante vis-à-vis du politique, engagée. J’ai rencontré un pays vivant, innovant, créatif, solidaire, et en même temps pas du tout idyllique. A La Courneuve, Sarcelles, Trappes, il y a une France mobilisée. J’assume de parler à cette France-là. De lui dire : «Ne ratez pas cette élection pour peser dans les choix et grandir encore.» Oui, je suis le candidat de la France métissée. Je l’assume. Quand les fachos m’ont fait le cadeau de m’appeler Bilal, ils ont touché ce que je veux incarner : la France laïque aux racines multiples. Loin des pâles figures de la déchéance de nationalité, de l’interdiction du voile à l’université et cette instrumentalisation de l’islam pendant cinq ans, hélas, au cœur du débat sur l’identité. Nous avons affronté le terrorisme de manière remarquable lors des manifestations de janvier 2015 pour ensuite voir cette formidable homogénéité se disloquer. La faute à des calculs politiciens. La déchéance de nationalité, c’est quoi sinon couper l’herbe sous le pied de la droite ? Dans cette campagne, j’ai vu une France à la fois au bord de la crise de nerfs, à la recherche de solutions pour s’en sortir.Elle vous a plutôt rassuré ou inquiété ?Sur une campagne longue, on voit les deux faces d’une même pièce. La question est de savoir laquelle choisir. Je choisis la bonne pour répondre à la mauvaise. En clair, quand je vais dans le quartier de Saint-Jean à Villeurbanne des gens nous disent :  «La seule ligne de bus que l’on connaît, c’est la numéro 11 : nos deux jambes pour marcher.» Ils posent un constat lucide sur les services publics qui disparaissent. Alors ? On en reste au diagnostic et on se contente d’un discours négatif ou bien on se préoccupe du fond, du monde dans lequel nos enfants grandissent ? La France ne se choisira pas un futur sinistre avec le FN. Autant les responsables politiques, souvent, me désespèrent, autant les Français, même si parfois ils me mettent en colère, me redonnent de l’énergie.Comment expliquez-vous alors le vote FN chez les jeunes ?Là où la République est défaillante se nichent des réponses nationalistes pour certains, fanatiques et religieuses pour d’autres. Ils se disent : «Puisque le vivre ensemble est impossible, vivons entre nous, cherchons des identités de consolations, qui se déterminent contre quelqu’un.» Dans cette jeunesse, il y a de la radicalité vers les extrêmes mais, au milieu, il y a tout pour résister et balayer ces idéologies-là, pour construire de la fraternité. Ce sera le sens de mon grand rassemblement, mercredi soir, place de la République à Paris.L’étiquette PS n’a-t-elle pas été un handicap pour vous ?Le socialisme démocratique n’a jamais été aussi nécessaire. Je ne crois pas que le socialisme soit une vieille idée. Vouloir concilier la justice et l’égalité avec celle d’un développement protégeant nos espaces vitaux, la nature, la biodiversité, c’est une idée furieusement moderne. La question est de savoir si le PS est à la hauteur de ce socialisme à travers l’incarnation de ses dirigeants.Le PS n’a pourtant jamais été aussi près de mourir…Depuis des années, je théorise le fait que nous sommes dans une crise, avec un monde déjà mort et un autre, pour citer Gramsci, qui aspire à naître. Cela concerne aussi la gauche française. De ce clair-obscur, que va-il naître ? Un monstre ou un projet plus lumineux ? A travers la transition écologique, les mutations du travail, la révolution démocratique, je porte une perspective nouvelle et bienveillante. Je refuse de m’accrocher au monde ancien. J’ai décidé de me projeter. C’est ce qui a déstabilisé beaucoup de mes propres camarades. C’est ce qui m’a probablement fait gagner à la primaire.Ne pensez-vous pas qu’il est difficile de «se projeter», dans un pays rongé par des inquiétudes, des peurs, des angoisses ? A Villeurbanne, une dame vous a demandé si vous n’étiez pas «trop en avance»…Je ne pense pas. Mes réponses sont faites pour aujourd’hui. Pas pour un avenir lointain. La transition écologique adaptée à la transition du travail, le revenu universel… C’est pour maintenant. C’est même urgent. J’ai eu l’exigence intellectuelle de me sortir de figures simples et démagogiques. Moi aussi, j’aurais pu dire «qu’ils dégagent tous !», dire que tout est de la faute de l’Europe. Mais cela n’aurait pas été rigoureux. L’adversité me mobilise. Je finis la campagne en très grande forme. L’emballement final commence.Grégoire Biseau   , Lilian Alemagna   , Rachid Laïreche

Voter : un sacré boulot !par Danielle Kaisergruber - 14 Avril 2017En ces temps d'élections (encore quatre temps devant nous), nombreux sont ceux qui parlent « au nom de... ». Les instituts de sondage qui, bien que très critiqués, donnent l'illusion « d'exprimer » nos opinions, nos intentions de vote. Les candidats qui répètent en boucle « les Français pensent que... », « les Français veulent que... », « le peuple dit que... ». Comme s'ils étaient dans un autre monde (c'est bien le problème !) et regardaient de loin ces petits Français qui s'agitent et dont ils dépendent, mais qui finalement en si grand nombre, n'iront

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peut-être pas voter. Ceux qui ont cru que les primaires exprimaient la volonté des « citoyens » en ont largement surestimé la portée démocratique.Faudrait-il voter en calculant, en analysant les résultats des sondages, en les confrontant aux décryptages des messages circulant sur les réseaux sociaux devenus l'arrière-cour des médias ? Voter en s'appuyant sur des « aides à la décision » comme dans les manuels de management ou les théories de la décision politique ? Faudrait-il voter en oubliant ses convictions, ses préférences habituelles pour « construire » un vote stratège digne du pari pascalien ? Oublier les programmes, leur pertinence par rapport aux problèmes à résoudre, leur réalisme, pour des coups de billards à plusieurs bandes ? A trop vouloir calculer, et nous faire calculer, c'est le coup de cœur et le ras-le-bol abstentionniste qui pourraient bien l'emporter !Beaucoup de sujets ont été abordés, de nombreuses idées nouvelles ont été proposées et discutées : contrairement à ce qui est souvent répété, je ne crois pas qu'il n'y ait pas eu de débat. Deux grands sujets en particulier ont traversé tous les débats : l'Europe et le travail. Metis Europe dont le fil conducteur est le travail en Europe ne peut pas y être insensible. L'Europe comme bouc émissaire, plusieurs des candidats affirment vouloir « en sortir ». Etre ou ne pas être la France au sein de l'Union européenne est une ligne de clivage très forte : elle traduit l'échec d'une certaine Europe. Celle qui a donné « la priorité au droit de la concurrence », la primauté du marché, empêchant stupidement la construction de grands groupes européens ou de politiques fortes d'innovation technologique, traitant le travail comme une circulation de marchandises et d'intérimaires. Celle qui « jointe à l'union monétaire, a conduit à une concentration industrielle dans les pays qui possédaient déjà des avantages comparatifs, au dépérissement dans les régions désindustrialisées, à la divergence macroéconomique au lieu de la convergence attendue » (Michel Aglietta - The Conversation, 11 avril 2017). Sur fond d'Europe des marchés, l'Etat français a laissé tomber pour cause de décentralisation mal conduite, son rôle d'aménageur du territoire, des territoires au pluriel, laissant se créer des périphéries, des villes moyennes et des zones rurales où se cumulent de grandes difficultés. Les Régions dont le poids financier est trop faible, à raison du trop grand nombre de niveaux, n'ont pas suffisamment pris le relais. Alors oui il s'agit bien d'assumer une « puissance publique européenne » avec des Etats qui jouent leur rôle, dont un Etat français fort et des collectivités territoriales bien moins nombreuses, mais puissantes et en responsabilité.Le travail : sa circulation en Europe, sa qualité et sa reconnaissance, la possibilité d'avoir pour chacun des parcours, des chances de sortir des moments de chômage, de sortir de la désaffiliation engendrée par l'inactivité. Quelles règles du jeu pour l'assurance-chômage, pour la formation tout au long de la vie, pour davantage de mobilité (les outils créés, tels le Compte personnel d'activité, existent, il faut les faire vivre...) ? Quels encouragements pour de nouvelles initiatives d'insertion, quelle liberté de faire, quel « permis de construire » selon le beau titre du livre de Laurent Berger ? La société française est beaucoup moins malade que ce que décrivent les tribuns faiseurs de négatif ou les thatchériens en retard d'une guerre. Elle est beaucoup plus riche que ce que laissent à croire « les opinions et récriminations », riche d'initiatives (dans les domaines du travail, de l'emploi et de la formation, Metis en propose régulièrement des récits), riche de compétences et d'expériences, riche de projets à faire vivre et à faciliter.C'est bien cela « la démocratie d'exercice », à côté de la démocratie de représentation qui va (et doit) nous conduire dans les bureaux de vote !

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