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quence LEanger, CAMUS Objet d'étude : Le personnage de roman du XVII° siècle à nos jours Problématique : En quoi le personnage de Meursault est-il emblématique d’une conception absurde du monde ? Lecture d'un groupement de textes Explic n°1 L'incipit : "Aujourd'hui, maman est morte... jusqu'à "J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à parler" Explic n°2 Le meurtre (Partie I, chapitre 6) : "J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini..." jusqu'à la fin du chapitre Explic n°3 Le procès (Partie II, chapitre 3) : "L'avocat général a dit qu'à la suite des déclarations de Marie à l'instruction..." jusqu'à "aggravé du fait qu'on avait affaire à un monstre moral" Explic n°4 La dernière page (Partie II, chapitre 5) : "Lui parti, j'ai retrouvé le calme..." jusqu'à la fin Textes complémentaires - La déploration élégiaque au XX° siècle Lecture cursive d’un corpus de poèmes posant la question de comment dire l’holocauste (travail sur la QUESTION d’un Corpus de type-bac). - Le théâtre de l’absurde Lecture cursive d’un corpus de scènes de théâtre autour du thème de l’absurde (travail sur la QUESTION d’un Corpus de type-bac). Etudes d'ensemble - Mouvement littéraire : notions sur la philosophie de l’absurde - Problématique : Meursault, un personnage emblématique de l’absurde ? - Transversale : L’absurde dans L’Etranger - Transversale : Que penser du personnage de Meursault ? Histoire de l'art Un tableau pour illustrer L’Etranger Etude du tableau d’Edward HOPPER, Conference at night (1949) 1/8 Lycée Ella Fitzgerald de Vienne - Cours de Mme Barrow - Année 2013-2014

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Séquence ④  L’Etranger, CAMUSObjet d'étude : Le personnage de roman du XVII° siècle à nos jours

Problématique : En quoi le personnage de Meursault est-il emblématique d’une conception absurde du monde ?

Lecture d'un groupement de textes

Explic n°1 L'incipit : "Aujourd'hui, maman est morte... jusqu'à "J'ai dit "oui" pour n'avoir plus à parler"

Explic n°2 Le meurtre (Partie I, chapitre 6) : "J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini..." jusqu'à la fin du chapitre

Explic n°3 Le procès (Partie II, chapitre 3) : "L'avocat général a dit qu'à la suite des déclarations de Marie à l'instruction..." jusqu'à "aggravé du fait qu'on avait affaire à un monstre moral" Explic n°4 La dernière page (Partie II, chapitre 5) : "Lui parti, j'ai retrouvé le calme..." jusqu'à la fin

Textes complémentaires

- La déploration élégiaque au XX° siècleLecture cursive d’un corpus de poèmes posant la question de comment dire l’holocauste (travail sur la QUESTION d’un Corpus de type-bac).- Le théâtre de l’absurdeLecture cursive d’un corpus de scènes de théâtre autour du thème de l’absurde (travail sur la QUESTION d’un Corpus de type-bac).

Etudes d'ensemble - Mouvement littéraire : notions sur la philosophie de l’absurde

- Problématique : Meursault, un personnage emblématique de l’absurde ?

- Transversale : L’absurde dans L’Etranger

- Transversale : Que penser du personnage de Meursault ?

Histoire de l'art Un tableau pour illustrer L’EtrangerEtude du tableau d’Edward HOPPER, Conference at night (1949)

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Œuvre intégrale : L’EtrangerRappel des textes étudiés en lecture analytique

PREMIERE PARTIE, Chapitre 1L’incipit

Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C’était peut-être hier.L’asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres d’Alger. Je prendrai l’autobus à deux heures et j’arriverai dans l’après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J’ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n’avait pas l’air content. Je lui ai même dit : « Ce n’est pas de ma faute. » Il n’a pas répondu. J’ai pensé alors que je n’aurais pas dû lui dire cela. En somme, je n’avais pas à m’excuser. C’était plutôt à lui de me présenter ses condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c’est un peu comme si maman n’était pas morte. Après l’enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée et tout aura revêtu une allure plus officielle. J’ai pris l’autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J’ai mangé au restaurant, chez Céleste, comme d’habitude. Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m’a dit : « On n’a qu’une mère. » Quand je suis parti, ils m’ont accompagné à la porte. J’étais un peu étourdi parce qu’il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois.J’ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course, c’est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l’odeur d’essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J’ai dormi pendant presque tout le trajet. Et quand je me suis réveillé, j’étais tassé contre un militaire qui m’a souri et qui m’a demandé si je venais de loin. J’ai dit « oui » pour n’avoir plus à parler.

PREMIERE PARTIE, Chapitre 6Le meurtre

J'ai pensé que je n'avais qu'un demi-tour à faire et ce serait fini. Mais toute une plage vibrante de soleil se pressait derrière moi. J'ai fait quelques pas vers la source. L'Arabe n'a pas bougé. Malgré tout, il était encore assez loin. Peut-être à cause des ombres sur son visage, il avait l'air de rire. J'ai attendu. La brûlure du soleil gagnait mes joues et j'ai senti des gouttes de sueur s'amasser dans mes sourcils. C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman et, comme alors, le front surtout me faisait mal et toutes ses veines battaient ensemble sous la peau. A cause de cette brûlure que je ne pouvais plus supporter, j'ai fait un mouvement en avant. Je savais que c'était stupide, que je ne me débarrasserais pas du soleil en me déplaçant d'un pas. Mais j'ai fait un pas, un seul pas en avant. Et cette fois, sans se soulever, l'Arabe a tiré son couteau qu'il m'a présenté dans le soleil. La lumière a giclé sur l'acier et c'était comme une longue lame étincelante qui m'atteignait au front. Au même instant, la sueur amassée dans mes sourcils a coulé d'un coup sur les paupières et les a recouvertes d'un voile tiède et épais. Mes yeux étaient aveuglés derrière ce rideau de larmes et de sel. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillé. La mer a charrié un souffle épais et ardent. Il m'a semblé que le ciel s'ouvrait sur toute son étendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon être s'est tendu et j'ai crispé ma main sur le revolver. La gâchette a cédé, j'ai touché le ventre poli de la crosse et c'est là, dans le bruit à la fois sec et assourdissant que tout a commencé. J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors, j'ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s'enfonçaient sans qu'il y parût. Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur.

DEUXIEME PARTIE, Chapitre 3Le procès

L’avocat général a dit qu’à la suite des déclarations de Marie à l’instruction, il avait consulté les programmes de cette date. Il a ajouté que Marie elle-même dirait quel film on passait alors. D’une voix presque blanche, en effet, elle a indiqué que c’était un film de Fernandel. Le silence était complet dans la salle quand elle a eu fini. Le procureur s’est alors levé, très grave et d’une voix que j’ai trouvée vraiment émue, le doigt tendu vers moi, il a articulé lentement : « Messieurs les jurés, le lendemain de la mort de sa mère, cet homme prenait des bains, commençait une liaison irrégulière, et allait rire devant un film comique. Je n’ai rien de plus à vous dire ; » Il s’est assis, toujours dans le silence. Mais tout d’un coup, Marie a éclaté en sanglots, a dit que ce n’était pas cela, qu’il y avait autre chose, qu’on la forçait à dire le contraire de ce qu’elle pensait, qu’elle me connaissait bien et que je n’avais rien fait de mal. Mais l’huissier, sur un signe du président, l’a emmenée et l’audience s’est poursuivie.C’est à peine si, ensuite, on a écouté Masson qui a déclaré que j’étais un honnête homme « et qu’il dirait plus, j’étais un brave homme ». C’est à peine encore si on a écouté Salamano quand il a rappelé que j’avais été bon pour son chien et quand il a répondu à

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une question sur ma mère et sur moi en disant que je n’avais plus rien à dire à maman et que je l’avais mise pour cette raison à l’asile. « Il faut comprendre, disait Salamano, il faut comprendre. » Mais personne ne paraissait comprendre. On l’a emmené.Puis est venu le tour de Raymond, qui était le dernier témoin. Raymond m’a fait un petit signe et dit tout de suite que j’étais innocent. Mais le président a déclaré qu’on ne lui demandait pas des appréciations mais des faits. Il l'a invité à attendre des questions pour répondre. On lui a fait préciser ses relations avec la victime. Raymond en a profité pour dire que c'était lui que cette dernière haïssait depuis qu'il avait giflé sa sœur. Le président lui a demandé cependant si la victime n'avait pas de raison de me haïr. Raymond a dit que ma présence à la plage était le résultat d'un hasard. Le procureur lui a demandé alors comment il se faisait que la lettre qui était à l'origine du drame avait été écrite par moi. Raymond a répondu que c'était un hasard. Le procureur a rétorqué que le hasard avait déjà beaucoup de méfaits sur la conscience dans cette histoire. Il a voulu savoir si c’était par hasard que je n’étais pas intervenu quand Raymond avait giflé sa maîtresse, par hasard que j’avais servi de témoin au commissariat, par hasard encore que mes déclarations lors de ce témoignage s’étaient révélées de pure complaisance. Pour finir, il a demandé à Raymond quels étaient ses moyens d'existence, et comme ce dernier répondait : « Magasinier », l'avocat général a déclaré aux jurés que de notoriété générale le témoin exerçait le métier de souteneur. J'étais son complice et son ami. Il s'agissait d'un drame crapuleux de la plus basse espèce, aggravé du fait qu'on avait affaire à un monstre moral.

DEUXIEME PARTIE, Chapitre 5La fin

Lui parti, j'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis jeté sur ma couchette. Je crois que j'ai dormi parce que je me suis réveillé avec des étoiles sur le visage. Des bruits de campagne montaient jusqu'à moi. Des odeurs de nuit, de terre et de sel rafraîchissaient mes tempes. La merveilleuse paix de cet été endormi entrait en moi comme une marée. À ce moment, et à la limite de la nuit, des sirènes ont hurlé. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant m'était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman. Il m'a semblé que je comprenais pourquoi à la fin d'une vie elle avait pris un « fiancé », pourquoi elle avait joué à recommencer. Là-bas, là-bas aussi, autour de cet asile où des vies s'éteignaient, le soir était comme une trêve mélancolique. Si près de la mort, maman devait s'y sentir libérée et prête à tout revivre. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais pour la première fois à la tendre indifférence du monde. De l'éprouver si pareil à moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais été heureux, et que je l'étais encore. Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.

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CORPUS DE TYPE-BAC : L’absurde au théâtre

Documents A. Eugène IONESCO, La Cantatrice chauve (1950). B. Jean TARDIEU, Un Mot pour un autre (1951). C. Samuel BECKETT, En attendant Godot (1953).

QuestionEn quoi chacune de ces scènes est-elle représentative de l’absurde ?

Après avoir répondu à cette question, les candidats devront traiter au choix l’un des trois sujets suivants.Ecriture Sujet 1 : CommentaireVous ferez le commentaire du texte de Ionesco (Document A). Sujet 2 : DissertationSelon vous, les moments où les personnages sont dans l’attente présentent-ils de l’intérêt dans la représentation théâtrale ? Sujet 3 : Ecriture d’inventionImaginez les conseils que pourrait donner un metteur en scène aux acteurs interprétant Vladimir et Estragon (intonation, mimiques, gestes, déplacements...)

Document A

On s’est beaucoup interrogé sur la signification du titre énigmatique de la pièce, qui apparaît une seule fois dans le dialogue. Ionesco lui-même a répondu : “Une des raisons pour lesquelles La Cantatrice chauve fut ainsi intitulée, c’est qu’aucune cantatrice, chauve ou chevelue, n’y fait son apparition”.Situé au début de la scène 1, l’extrait présente une scène d’exposition.

Scène 1Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils anglais. Soirée anglaise. M. Smith, Anglais, dans son fauteuil et ses pantoufles anglaises, fume sa pipe anglaise et lit un journal anglais, près d'un feu anglais. Il a des lunettes anglaises, une petite moustache grise, anglaise. À côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme Smith, Anglaise, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence anglais. La pendule anglaise, frappe dix-sept coups anglais.

MME SMITH Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson, des pommes de terre au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l'eau anglaise. Nous avons bien mangé, ce soir. C'est parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith...

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

MME SMITHLes pommes de terre sont très bonnes avec le lard, l'huile de la salade n'étaient pas rance. L'huile de l'épicier du coin est de bien meilleure qualité que l'huile de l'épicier d'en face, elle est même meilleure que l'huile de l'épicier d'en bas de la côte. Mais je ne veux pas dire que leur huile à eux soit mauvaise.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

MME SMITHPourtant, c'est toujours l'huile de l'épicier du coin qui est la meilleure…

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

MME SMITH Mary a bien cuit les pommes de terre, cette fois-ci. La dernière fois elle ne les avait pas bien fait cuire. Je ne les aime que lorsqu'elles sont bien cuites.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

MME SMITHLe poisson était frais. Je m'en suis léché les babines. J'en ai pris deux fois. Non, trois fois. Ça me fait aller aux cabinets. Toi aussi tu en as pris trois fois. Cependant la troisième fois, tu en as pris moins que les deux premières fois, tandis que moi j'en ai pris beaucoup plus. J'ai mieux mangé que toi, ce soir. Comment ça se fait ? D'habitude, c'est toi qui manges le plus. Ce n'est pas l'appétit qui te manque.

M. SMITH fait claquer sa langue.

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MME SMITHCependant, la soupe était peut-être un peu trop salée. Elle avait plus de sel que toi. Ah, ah, ah. Elle avait aussi trop de poireaux et pas assez d'oignons. Je regrette de ne pas avoir conseillé à Mary d'y ajouter un peu d'anis étoilé. La prochaine fois, je saurai m'y prendre.

M. SMITH, continuant sa lecture, fait claquer sa langue.

MME SMITHNotre petit garçon aurait bien voulu boire de la bière, il aimera s'en mettre plein la lampe, il te ressemble. Tu as vu à table, comme il visait la bouteille ? Mais moi, j'ai versé dans son verre de l'eau de la carafe. Il avait soif et il l'a bue. Hélène me ressemble : elle est bonne ménagère, économe, joue du piano. Elle ne demande jamais à boire de la bière anglaise. C'est comme notre petite fille qui ne boit que du lait et ne mange que de la bouillie. Ça se voit qu'elle n'a que deux ans. Elle s'appelle Peggy. La tarte aux coings et aux haricots a été formidable. On aurait bien fait peut-être de prendre, au dessert, un petit verre de vin de Bourgogne australien mais je n’ai pas apporté le vin à table afin de ne pas donner aux enfants une mauvaise preuve de gourmandise. Il faut leur apprendre à être sobre et mesuré dans la vie.

Eugène IONESCO, La Cantatrice chauve (1950).

Document B

Dans Un mot pour un autre, le poète Jean TARDIEU imagine des situations théâtrales où s’opère un détournement du langage.Dans cette scène, Madame reçoit son amie, Mme de Perleminouze, pour prendre le thé. Mais voici qu’entre M. de Perleminouze, qui est l’amant de Madame...

A ce moment, la porte du fond s'entrouvre et l'on voit paraître dans l'entrebâillement la tête de M. DE PERLEMINOUZE, avec son haut-de-forme et son monocle. Mme DE PERLEMINOUZE l'aperçoit. Il est surpris au moment où il allait refermer la porte.

M. DE PERLEMINOUZE, à part. Fiel !... Ma pitance !

Mme DE PERLEMINOUZE, s'arrêtant de chanter. Fiel !... Mon zébu !... (Avec sévérité) : Adalgonse, quoi, quoi, vous ici ? Comment êtes-vous bardé ?

M. DE PERLEMINOUZE, désignant la porte. Mais par la douille !

Mme DE PERLEMINOUZE. Et vous bardez souvent ici ?

M. DE PERLEMINOUZE, embarrassé. Mais non, mon amie, ma palme..., mon bizon. Je... j'espérais vous raviner.... c'est pourquoi je suis bardé ! Je...

Mme DE PERLEMINOUZE. Il suffit ! Je grippe tout ! C'était donc vous, le mystérieux sifflet dont elle était la mitaine et la sarcelle Vous, oui, vous qui veniez faire ici le mascaret, le beau boudin noir, le joli pied, pendant que moi, moi, en bien, je me ravaudais les palourdes à babiller mes pauvres tourteaux... (Les larmes dans la voix :) Allez !... Vous n'êtes qu'un...

A ce moment, ne se doutant de rien, MADAME revient.

MADAME, finissant de donner des ordres à la cantonade. Alors, Irma, c'est bien tondu, n'est-ce pas ? Deux petits dolmans au linon, des sweaters très glabres, avec du flou, une touque de ramiers sur du pacha et des petites glottes de sparadrap loti au frein… (Apercevant LE COMTE. A part :) Fiel ! ... Mon lampion ! (Elle fait cependant bonne contenance. Elle va vers LE COMTE, en exagérant son amabilité pour cacher son trouble.) Quoi, vous ici, cher Comte? Quelle bonne tulipe ! Vous venez renflouer votre chère pitance ?... Mais comment donc êtes-vous bardé ?

LE COMTE, affectant la désinvolture. Eh bien, oui, je bredouillais dans les garages, après ma séance au sleeping, je me suis dit : Irène est sûrement chez sa farine. Je vais les susurrer toutes les deux !

MADAME. Cher Comte (désignant son haut-de-forme), posez donc votre candidature !... Là... (poussant vers lui un fauteuil) et prenez donc ce galopin. Vous devez être caribou ?

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LE COMTE, s'asseyant. Oui, vraiment caribou ! Le saupiquet s'est prolongé fort dur. On a frétillé, rançonné, re-rançonné, re-frétillé, câliné des boulettes à pleins flocons : je me demande où nous cuivrera tout ce potage !

Mme DE PERLEMINOUZE, affectant un aimable persiflage. Chère ! Mon zébu semble tellement à ses planches dans votre charmant tortillon… que l'on croirait… oserai-je le moudre ?

MADAME, riant. Mais oui !... Allez-y, je vous en mouche!

Mme DE PERLEMINOUZE, soudain plus grave, regardant son amie avec attention. Eh bien oui ! l'on croirait qu'il vient souvent ici ronger ses grenouilles : il barde là tout droit, le sous-pied sur l'oreille, comme s'il était dans son propre finistère !

Jean TARDIEU, Un Mot pour un autre (1951)

Document C

Là encore, la signification du titre a fait couler beaucoup d’encre, “Godot” étant interprété comme une déformation du mot God (Dieu, en anglais).Nous sommes dans les premiers moments de la pièce, dans un passage dit “d’exposition”. Vladimir et Estragon viennent de se retrouver ; ils se connaissent depuis longtemps, mais leur passé commun n’est pas davantage expliqué.

ESTRAGON Qu'est-ce que nous avons fait hier ?

VLADIMIRCe que nous avons fait hier ?

ESTRAGONOui.

VLADIMIRMa foi... (Se fâchant) Pour jeter le doute, à toi le pompon1.

ESTRAGONPour moi, nous étions ici.

VLADIMIR, regard circulaireL'endroit te semble familier ?

ESTRAGONJe ne dis pas ça.

VLADIMIRAlors ?

ESTRAGONÇa n'empêche pas

VLADIMIRTout de même…. Cet arbre…. (se tournant vers le public) Cette tourbière…

ESTRAGONCa n'empêche pas. Tu es sûr que c'était ce soir ?

VLADIMIRQuoi ?

ESTRAGON Qu'il fallait attendre ?

VLADIMIRIl a dit samedi (Un temps) . Il me semble.

ESTRAGON

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1 = pour jeter le doute, tu es très fort

Après le turbin.

VLADIMIRJ'ai dû le noter. (Il fouille dans ses poches, archibondées de saletés de toutes sortes )

ESTRAGONMais quel samedi ? Et sommes-nous samedi ? Ne serait-on pas plutôt dimanche ? Ou lundi ? Ou vendredi ?

VLADIMIR, regardant avec affolement autour de lui si la date était inscrite dans le paysage.Ce n'est pas possible.

ESTRAGONOu jeudi.

VLADIMIRComment faire ?

ESTRAGON S'il s'est dérangé pour rien hier soir, tu penses bien qu'il ne viendra pas aujourd'hui.

VLADIMIRMais tu dis que nous sommes venus hier soir.

ESTRAGONJe peux me tromper. (Un temps.) Taisons-nous un peu, tu veux ?

William Shakespeare, Hamlet, acte III, scène 2, 1600.

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Séquence ④ : L’Etranger, de CAMUSObjet d’étude : Le personnage de roman du XVII° siècle à nos jours

Etude de tableauEdward HOPPER, Conference at night (1949)

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