Sous les Sables de la zone...

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Sous les Sables de la zone industrielle… Jenny Kaurin, archéologue (chercheur associé UMR 6298 – arteHis) Depuis le début du projet d’aménagement, la zone industrielle des Sables fait l’objet d’un suivi archéologique par l’Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives). Les parcelles fouillées en 2008 et 2009 ont livré une découverte aussi inattendue qu’exceptionnelle. En effet, là où le diagnostic archéologique fait en 1997 avait cru reconnaître les traces d’un habitat de l’époque gallo-romaine, se trouvait en réalité une nécropole. Avec plusieurs centaines de sépultures et autres structures liées au déroulement des funérailles, cette nécropole s’est vite révélée l’une des plus importantes connues pour la région. Une partie du site a ainsi été fouillée, l’autre a bénéficié d’une mesure conservatoire par le Service Régional de l’Archéologie Lorraine pour empêcher sa destruction. Vue en cours de fouille de la nécropole (photo Inrap) La fin de la fouille en juillet 2009, loin de marquer l’arrêt des travaux des archéologues, a marqué le début de nouvelles recherches, tout aussi riches en découvertes. En effet, après la fouille, il a fallu laver, inventorier, identifier et étudier la totalité des vestiges. Anthropologue (restes humains), céramologue (vaisselle en céramique), carpologue (graines) et spécialistes des autres types d’objets manufacturés (en métal et en verre) ont analysé les milliers d’éléments recueillis lors de la fouille. Puis il a fallu croisé toutes ces informations pour tenter de restituer l’histoire de la nécropole. Nos indices les plus anciens font débuter l’histoire de la nécropole au milieu du Ier s. av. J.-C. Les Gaulois viennent tout juste de perdre leur indépendance et d’intégrer l’Empire Romain. A cette époque, le rite funéraire majoritaire est la crémation, à Rosières-aux-Salines comme dans le reste de l’Empire Romain, même si l’on peut observer des traditions régionales différentes. La fouille de la nécropole de la zone des Sables a permis de révélé toute la complexité des funérailles à l’époque romaine dans notre région. La découverte de deux bûchers permet ainsi d’affirmer que la crémation avait lieu dans l’espace de la nécropole. Comme le montrent les nombreuses traces de surexposition au feu relevées sur les objets, les restes d’os animaux incinérés et les graines carbonisés, de nombreux éléments accompagnaient les défunts sur le bûcher funéraire : vaisselle en céramique, en verre, objets en bois assemblés à l’aide de quincaillerie en fer, aliments (céréales, légumineuses, fruits, viande, pain, etc…). A l’issue de la crémation, qui devait durer plusieurs heures, et après refroidissement des cendres, les funérailles se poursuivaient par le ramassage et l’enfouissement des restes. Une partie des restes du défunt et des objets qui l’ont accompagné sur le bûcher était soigneusement disposée dans une petite fosse qui s’apparente, par le soin accordé à sa mise en scène, à une sépulture.

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Sous les Sables de la zone industrielle… Jenny Kaurin, archéologue (chercheur associé UMR 6298 – arteHis)

Depuis le début du projet d’aménagement, la zone industrielle des Sables fait l’objet d’un suivi archéologique par l’Inrap (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives). Les parcelles fouillées en 2008 et 2009 ont livré une découverte aussi inattendue qu’exceptionnelle. En effet, là où le diagnostic archéologique fait en 1997 avait cru reconnaître les traces d’un habitat de l’époque gallo-romaine, se trouvait en réalité une nécropole. Avec plusieurs centaines de sépultures et autres structures liées au déroulement des funérailles, cette nécropole s’est vite révélée l’une des plus importantes connues pour la région. Une partie du site a ainsi été fouillée, l’autre a bénéficié d’une mesure conservatoire par le Service Régional de l’Archéologie Lorraine pour empêcher sa destruction.

Vue en cours de fouille de la nécropole (photo Inrap)

La fin de la fouille en juillet 2009, loin de marquer l’arrêt des travaux des archéologues, a marqué le début de nouvelles recherches, tout aussi riches en découvertes. En effet, après la fouille, il a fallu laver, inventorier, identifier et étudier la totalité des vestiges. Anthropologue (restes humains), céramologue (vaisselle en céramique), carpologue (graines) et spécialistes des autres types d’objets manufacturés (en métal et en verre) ont analysé les milliers d’éléments recueillis lors de la fouille. Puis il a fallu croisé toutes ces informations pour tenter de restituer l’histoire de la nécropole.

Nos indices les plus anciens font débuter l’histoire de la nécropole au milieu du Ier s. av. J.-C. Les Gaulois viennent tout juste de perdre leur indépendance et d’intégrer l’Empire Romain. A cette époque, le rite funéraire majoritaire est la crémation, à Rosières-aux-Salines comme dans le reste de l’Empire Romain, même si l’on peut observer des traditions régionales différentes. La fouille de la nécropole de la zone des Sables a permis de révélé toute la complexité des funérailles à l’époque romaine dans notre région. La découverte de deux bûchers permet ainsi d’affirmer que la crémation avait lieu dans l’espace de la nécropole. Comme le montrent les nombreuses traces de surexposition au feu relevées sur les objets, les restes d’os animaux incinérés et les graines carbonisés, de nombreux éléments accompagnaient les défunts sur le bûcher funéraire : vaisselle en céramique, en verre, objets en bois assemblés à l’aide de quincaillerie en fer, aliments (céréales, légumineuses, fruits, viande, pain, etc…). A l’issue de la crémation, qui devait durer plusieurs heures, et après refroidissement des cendres, les funérailles se poursuivaient par le ramassage et l’enfouissement des restes. Une partie des restes du défunt et des objets qui l’ont accompagné sur le bûcher était soigneusement disposée dans une petite fosse qui s’apparente, par le soin accordé à sa mise en scène, à une sépulture.

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Tombe 13002 : une partie des restes incinérés ont été déposés dans urne en verre, protégée par des fragments d’amphore en céramique (photo Inrap)

Une autre partie des résidus du bûcher était déversés pêle-mêle dans d’autres fosses, sans que l’on comprenne le sens de ces gestes. La dernière partie, enfin, a disparu sans laisser de trace aux archéologues.

Vues en cours de fouille de la structure 13129 : cette fosse contient une partie des résidus du bûcher funéraire, déversés pêle-mêle sans intention apparente (photo Inrap)

Nous avons trouvé à Rosières-aux-Salines la trace d’autres rites, qui n’impliquent pas directement le corps du défunt. Ils mettent en scène des objets et des aliments détruits par le feu sur des bûchers particuliers et correspondent peut-être à des rites commémoratifs. La nécropole des Sables fut ainsi utilisée jusqu’au début du IIIe s. ap. J.-C.

Bûcher 130057 : sur cette structure ont été détruit par le feu de la vaisselle en céramique et en verre, ainsi que de la viande et d’autres restes d’aliments (céréales, légumineuses, fruits, pain, etc..). Peut-être les restes d’un banquet commémoratif ?(photo Inrap)

Après plusieurs siècles d’abandon, le lieu anciennement occupé par la nécropole gallo-romaine fut à nouveau utilisé pour installer un cimetière carolingien. Avec la christianisation, les rites funéraires ont beaucoup évolué. L’inhumation a remplacé la crémation. Les sépultures, très simples, sont dépourvues de tout objet d’accompagnement. Le cimetière est à nouveau abandonné, probablement vers le XIe s. ap. J.-C. Il aura fallu attendre le développement de la zone industrielle et l’intervention des archéologues pour retrouver la mémoire de ces occupations.

Vue en cours de fouille de la tombe carolingienne 13309 (photo Inrap).

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