Sommaire et extrait de l'ouvrage Risques et assurances de responsabilité civile

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www.argusdelassurance.com 9 SOMMAIRE Introduction .........................................................................................................................................................................7 Sommaire ..............................................................................................................................................................................9 Première Partie LE DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE Chapitre I – Les distinctions utiles en matière de responsabilité .................................................................... 13 Chapitre II – La mise en œuvre de la responsabilité civile....................................................................................31 Chapitre III – La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle. .............................................................51 Chapitre IV – La responsabilité civile contractuelle ............................................................................................... 105 Chapitre V – L’importance du droit européen ........................................................................................................ 121 Deuxième Partie LES RÈGLES COMMUNES AUX ASSURANCES DE RESPONSABILITÉ CIVILE Chapitre I – Le domaine des assurances de responsabilité civile .................................................................. 133 Chapitre II – Le contenu d’une assurance de responsabilité civile................................................................. 139 Chapitre III – Les particularités des assurances de responsabilité civile en cas de sinistre ................... 177 Chapitre IV – La situation des assurances de responsabilité civile .................................................................. 189 Troisième Partie LES PRINCIPALES FORMULES D’ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ CIVILE Chapitre I – Les assurances de responsabilité civile du particulier ............................................................... 201 Chapitre II – Les assurances de responsabilité civile des entreprises ............................................................ 227 Chapitre III – Les assurances de responsabilité civile de certaines professions ......................................... 303 Chapitre IV – L’assurance responsabilité civile des associations ...................................................................... 373 Conclusion ...................................................................................................................................................................... 393 Bibliographie.................................................................................................................................................................. 395 Table des matières ....................................................................................................................................................... 397 Index alphabétique ......................................................................................................................................................421

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Sommaire et extrait de l'ouvrage Risques et assurances de responsabilité civile Auteur : Nadia Hadj-Chaib Candeille

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SommaIre

Introduction .........................................................................................................................................................................7Sommaire ..............................................................................................................................................................................9

Première Partie LE DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

Chapitre I – Les distinctions utiles en matière de responsabilité .................................................................... 13Chapitre II – La mise en œuvre de la responsabilité civile ....................................................................................31Chapitre III – La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle. .............................................................51Chapitre IV – La responsabilité civile contractuelle ...............................................................................................105Chapitre V – L’importance du droit européen ........................................................................................................121

Deuxième Partie LES RÈGLES COMMUNES AUX ASSURANCES DE RESPONSABILITÉ CIVILE

Chapitre I – Le domaine des assurances de responsabilité civile ..................................................................133Chapitre II – Le contenu d’une assurance de responsabilité civile .................................................................139Chapitre III – Les particularités des assurances de responsabilité civile en cas de sinistre ...................177Chapitre IV – La situation des assurances de responsabilité civile ..................................................................189

Troisième Partie LES PRINCIPALES FORMULES D’ASSURANCE DE RESPONSABILITÉ CIVILE

Chapitre I – Les assurances de responsabilité civile du particulier ...............................................................201Chapitre II – Les assurances de responsabilité civile des entreprises ............................................................227Chapitre III – Les assurances de responsabilité civile de certaines professions .........................................303Chapitre IV – L’assurance responsabilité civile des associations ......................................................................373

Conclusion ...................................................................................................................................................................... 393Bibliographie .................................................................................................................................................................. 395Table des matières ....................................................................................................................................................... 397Index alphabétique ......................................................................................................................................................421

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La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle

Pour la jurisprudence, la responsabilité civile du fait des choses est régie par un texte de portée générale et trois textes spécifiques.

Le texte de portée générale est l’alinéa 1er de l’article 1384. Les textes spécifiques sont :– les alinéas 2 et 3 de l’article 1384 relatifs à la communication d’incendie ;– l’article 1385 concernant la responsabilité civile du fait des animaux ;– l’article 1386 afférent à la responsabilité civile des propriétaires de bâtiment.

Dans la pratique du droit de la responsabilité civile on doit déterminer précisément le texte visé par chaque situation : soit, elle relève d’un des trois textes particuliers dans les limites exactes qu’il prévoit, soit elle ressortit au domaine du texte de portée générale. On ne choisit pas le fondement le plus favorable.

B – La présomption de responsabilitéLa responsabilité civile du fait des choses se caractérise par l’idée d’une responsabilité objective faisant abstraction de la notion de faute.

La faute ne constitue pas une condition nécessaire à la responsabilité civile et son absence ne permet pas de s’exonérer.

Toutefois, une exception est prévue en matière de communication d’incendie où la faute est requise (voir § III infra).

II – La responsabilité civile générale du fait des chosesRemarque. La Cour de cassation a été amenée à rappeler que « la responsabilité prévue à ce texte ne vise que le dommage causé par la chose et non le dommage causé à la chose elle-même » ! (Civ. 2e, 25 nov. 1992, JCP 93-IV-335).

Code civil

Article 1384, alinéa 1er On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde.

A – Les choses viséesJamais un texte aussi laconique n’a fait l’objet d’autant d’applications et d’évolutions jurispru-dentielles.

Après l’avoir ignoré, les tribunaux l’ont appliqué pour les seules choses dangereuses mais non animées. L’avènement du machinisme et le formidable développement de l’automobile ont conduit la jurisprudence à élargir le domaine de l’article 1384, alinéa 1er.

Le 13 février 1930, la Cour de cassation en chambres réunies rend une décision qui a fait juris-prudence. C’est l’arrêt Jand’heur (DP 30-1-57, note Ripert).

Cour de cassation, ch. réunies, 13 février 1930, « Jand’heur »« La Cour ; –… Attendu que la présomption de responsabilité établie par l’art. 1384, al. 1er C. civ., à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause

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étrangère qui ne lui soit pas imputable ; qu’il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la faute du fait dommageable est demeurée inconnue ; – Attendu que, le 22 avril 1925, un camion automobile appartenant à la Société les Galeries belfortaises a renversé et blessé la mineure Lise Jand’heur ; que l’arrêt attaqué a refusé d’appliquer le texte susvisé par le motif que l’accident causé par une automobile en mouve-ment, sous l’impulsion et la direction de l’homme, ne constituait pas, alors qu’aucune preuve n’existe qu’il soit dû à un vice propre de la voiture, le fait de la chose que l’on a sous sa garde, dans les termes de l’article 1384, al. 1er, et que, dès lors, la victime était tenue pour obtenir réparation du préjudice d’établir à la charge du conducteur une faute qui lui fût imputable ; – Mais attendu que la loi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, ne distingue pas, suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme ; qu’il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l’article 1384 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même ; – D’où il suit qu’en statuant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué a interverti l’ordre général de la preuve et violé le texte de la loi susvisé ; – Par ces motifs, casse… »

De cet arrêt, on doit retenir au moins deux éléments :– l’article 1384, alinéa 1er établit une présomption de responsabilité à la charge du gardien de la chose ;– la présomption de responsabilité s’applique à toutes les choses actionnées ou non par la main de l’homme.

Aujourd’hui, l’article 1384, alinéa 1er vise toutes les choses, qu’elles soient immobilières (sols par exemple, Civ. 2e, 12 déc. 2002, époux Meyret et a. c./ Challeix, Bull. Civ. II n° 287) ou mobilières, animées ou inertes, dangereuses ou non. Seules demeurent exclues les choses relevant d’un texte spécial (V. 1° du A ci-dessus).

Il convient d’ajouter que la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, exclut l’application de l’article 1384 pour les accidents de la circulation dans lesquels un véhicule terrestre à moteur est impliqué.

B – Les personnes responsablesLa présomption de responsabilité pèse sur le gardien de la chose (V. arrêt Jand’heur).

Les critères de la garde ont été définis par la Cour de cassation dans le célèbre arrêt Franck (Cass. Ch. réunies, 2 déc. 1941, Consorts Connot c./ Franck, DC 42-25, rapport Lagarde, note Ripert, JCP 42-II-1766, note Mihura).

Cour de cassation, ch. réunies, 2 décembre 1941, « Franck »« LA COUR ; – Sur le moyen unique pris en sa première branche ; – Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1929, une voiture automobile, appartenant au Dr. Franck, et que celui-ci avait confié à son fils Claude, alors mineur, a été soustraite frauduleusement par un individu demeuré inconnu, dans une rue de Nancy où Claude Franck l’avait laissée en stationnement ; qu’au cours de la même nuit, cette voiture, sous la conduite du voleur, a, dans les environs de Nancy, renversé et blessé mortellement le facteur Connot ; que les consorts Connot, se fon-dant sur les dispositions de l’article 1384, al. 1er C. civ., ont demandé au Dr. Franck réparation du préjudice résultant pour eux de la mort de Connot ;

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La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle

– Attendu que, pour rejeter la demande des consorts Connot, l’arrêt déclare qu’au moment où l’accident s’est produit, Franck, dépossédé de la voiture par l’effet du vol, se trouvait dans l’impossibilité d’exercer sur ladite voiture aucune surveillance ; qu’en l’état de cette consta-tation, de laquelle il résulte que Franck, privé de l’usage de la direction et du contrôle de sa voiture, n’en avait plus la garde et n’était plus dès lors soumis à la présomption de responsa-bilité édictée par l’article 1384, al. 1er, C. civ., la cour d’appel, en statuant ainsi qu’elle l’a fait, n’a point violé le texte précité ; – Par ces motifs, déclare le moyen mal fondé en sa première branche… ».

Le gardien est donc celui qui a l’usage, la direction et le contrôle de la chose.

A contrario, il a été jugé que le grimpeur d’une paroi n’est pas le gardien de la pierre qui se détache et blesse une personne restée en dessous (Civ. 2e, 24 avr. 2003, Azur assurances et a. c./ Baujard et a. Bull. Civ. II n° 116, L’Argus, 29 août 2003, p. 32)

En pratique, on considère qu’a priori le propriétaire est gardien de sa chose et qu’il lui appartient d’apporter la preuve du transfert de la garde au moment du dommage (Civ. 2e, 14 juin 1995, Bull. Civ. II-n° 185). Par exemple, une société pétrolière reste gardienne des cuves d’une station-service dès lors qu’elle en a conservé le contrôle, la surveillance et la direction (Civ. 2e, 12 oct. 2000, Sté BP France c./ Sté France Kléber et a., RCA 00-357). De même, la propriétaire d’un esca-beau utilisé en sa présence par un aide bénévole n’a pas transféré la garde à ce dernier (Civ. 2e, 7 mai 2002, Mme Facque c./ Platel et a., Bull. Civ. II n° 93). À noter que l’admission du transfert de la garde ne nécessite pas d’identifier la personne à qui cette garde a été transférée (Civ. 2e, 7 oct. 2004, ASS. Le Cercle de voile d’Angers c./ Breton et a., Bull. Civ. II n° 448).

En revanche, il a été décidé qu’il y avait transfert au client de la garde du chariot mis à sa dispo-sition par le magasin (Civ. 2e, 14 janv. 1999, Lesage c./ Leroy Merlin, Bull. Civ. II n° 13) et transfert de la garde de l’immeuble loué au locataire (Civ. 2e, 12 déc. 2002, Guilouchi c./ Deplano et a., Bull. Civ. II n° 288).

NB. Le gardien d’une chose n’est pas responsable lorsque la victime l’utilise sciemment à des fins détournées de son usage (Civ. 2e, 24 févr. 2005, n° 03-18 135, n° 301 P+B+R, Thisong, RCA 05-121, D. 2005, p. 1395, note Damas, à propos d’un tremplin installé au bord d’un étang pour effectuer des sauts à VTT et utilisé par la victime comme plongeoir).

Selon la Cour de cassation la notion de gardien suppose une certaine indépendance : ainsi, le préposé n’est pas, en principe, le gardien des choses qu’il utilise dans l’exercice de ses fonctions car il ne dispose pas du pouvoir de contrôle et de direction (Civ. 2e, 1er avr. 1998, RCA 98-223).

Ainsi être détenteur d’une chose ne signifie pas automatiquement en être gardien.

La qualité de gardien peut être reconnue à toute personne physique ou morale.

La capacité de discernement n’est pas requise : un dément ou un enfant mineur, même en bas âge, peut être gardien d’une chose. Un des arrêts rendus par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1984 nous fournit une parfaite illustration de nos propos (Cass. Ass. plén., 9 mai 1984, épx Gabillet c./ Noye, Bull. Civ. Ass. plén. n° 1, D. 84-525, note Chabas, JCP 84-II-20255, note Dejean de la Bâtie).

Cour de cassation, Assemblée plénière, 9 mai 1984, pourvoi n° 80-14.994, « Gabillet » « LA COUR ; – Sur le moyen unique : – Attendu, selon l’arrêt attaqué (Agen, 12 mai 1980), que le 30 juin 1975, l’enfant Éric Gabillet, alors âgé de 3 ans, en tombant d’une balançoire improvisée constituée par une

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planche qui se rompit, éborgna son camarade Philippe Noye avec un bâton qu’il tenait à la main ; que M. Lucien Noye, agissant en qualité d’administrateur légal des biens de son fils, assigna ses parents, les époux Gabillet, en tant qu’exerçant leur droit de garde, en responsa-bilité de l’accident ainsi survenu ; – Attendu que les époux Gabillet font grief à l’arrêt d’avoir déclaré Éric Gabillet responsable sur le fondement de l’article 1384, al. 1er, C. civ., alors, selon le moyen, que l’imputation d’une responsabilité présumée implique la faculté de discernement ; que la cour d’appel a donc violé par fausse application l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil ; – Mais attendu qu’en retenant que le jeune Éric avait l’usage, la direction et le contrôle du bâton, la Cour d’appel qui n’avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement, a légalement justifié sa décision ; Par ces motifs : – Rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 12 mai 1980 par la cour d’appel d’Agen ; – Condamne les demandeurs, envers le défendeur, aux dépens ».

Cette solution a été confirmée par la Cour de cassation, par exemple à propos d’une fillette blessée à l’œil par une balle de tennis lors d’un jeu collectif improvisé et inspiré du base-ball. Le jeune mineur qui a lancé la balle doit être considéré comme gardien de la raquette (Civ. 2e, 28 mars 2002, Omar c./ Abdulkarim El F., RCA 02-192, Bull. Civ. II-n° 67).

Dans certains cas, la jurisprudence décide qu’il y a garde commune de plusieurs personnes et retient leur responsabilité in solidum.

Exemples :- Trois jeunes enfants achètent ensemble des cigarettes qu’ils vont fumer dans un entrepôt un utili-sant une boîte d’allumettes trouvée dans la rue. Leurs manipulations provoquent l’incendie du local. La Cour de cassation relève que les trois enfants étaient gardiens collectifs des objets instruments du dommage et les condamne in solidum, ainsi que leurs parents (Civ. 2e, 14 juin 1984, GP 84-II-Pan. 299).- Sont co-gardiens de l’arbre à l’origine des dommages, les quatre personnes qui participent ensemble à son abattage, sans qu’il y ait une direction assumée par l’une d’elles (Civ. 2e, 25 nov. 1999, Bull. Civ. II-n° 181, RCA 00-40).Cette deuxième affaire met en exergue une conséquence de la garde en commun d’une chose : la victime, elle-même co-gardienne de la chose instrument du dommage, ne peut pas invoquer l’article 1384, alinéa 1er à l’encontre des autres gardiens en commun. Elle doit agir au titre de la responsabi-lité personnelle et prouver la faute, au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.

La jurisprudence a été amenée, dans des situations exceptionnelles, à opérer une subtile distinc-tion entre garde de la structure et garde du comportement.

Le point de départ de cette remarquable construction prétorienne est la célèbre affaire Oxygène Liquide jugée en 1956 et 1960 par la Cour de cassation (Civ. 2e, 5 janv. 1956, D. 57-261, note Rodière, JCP 56-II-9095, note Savatier et Civ. 2e, 10 juin 1960, D. 60-609, note Rodière, JCP 60-II-11824, note Esmein).

Une bouteille de gaz liquéfié avait explosé lors d’un transport et blessé deux ouvriers. Les causes de l’explosion sont demeurées inconnues. Dans un souci d’équité, il a été décidé que le transpor-teur était gardien du comportement de la bouteille et que le fabricant était gardien de la struc-ture. Autrement dit, le transporteur ne disposait pas du pouvoir de contrôle sur le contenu de la chose. Oxygène Liquide a été reconnue responsable sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er.

Cette jurisprudence demeure exceptionnelle et ne peut concerner que des choses ayant un dyna-misme propre capable de se manifester dangereusement.

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La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle

La distinction entre garde du comportement - ou garde externe - et garde de la structure - ou garde interne - a été appliquée, par exemple, à propos de dommages provoqués par l’explosion de bombes aérosol (Civ. 2e, 29 avr. 1982, GP 82-II-pan. 33), de bouteilles de boisson gazeuse (Civ. 2e, 20 juin 1981, JCP 82-II-19848, note Chabas), de bouteilles de butane (Civ. 2e, 4 nov. 1987, GP 87-I-som. obs. Chabas) ou encore à la suite de l’implosion de postes de télévision (Civ. 2e, 3 oct. 1979, D. 80-325, note Larroumet ; Civ. 2e, 30 nov. 1988, Bull. Civ. II n° 240.).

Elle a aussi été retenue pour un échafaudage dont le plateau était affecté d’un vice interne ; l’entreprise ayant prêté cet échafaudage reste gardienne de sa structure (Civ. 2e, 23 sept. 2004, Alcantara c./ Caisse d’assurance maladie régionale des artisans commerçants de Picardie et a., RCA 04-317).

A contrario, la distinction ne vise pas :– les pneumatiques d’une automobile qui n’entrent pas dans la catégorie des objets vendus par le fabricant animés d’un dynamisme propre, et dont le gonflage et le regonflage sont décidés par les utilisateurs (CA Versailles, 27 janv. 1983, JCP 83-II-20094, note Dupichot) ;– les portes automatiques d’un supermarché (CA Pau, 1re ch., 14 mai 1997, Zurich Ass. et a. c./ Castells frères et a., JCP éd. G 97-IV-2422) ;– les chariots d’un magasin libre service (Civ. 2e, 14 janv. 1999, Bull. Civ. II n° 13) ;– les cigarettes (Civ. 2e, 2 nov. 2003, Cts G c./ Seita, Bull. Civ. II n° 355, JCP 04-I-163, n° 6).

C – Les conditions de la responsabilité civile du fait des choses

1° La chose, instrument du dommageIl appartient à la victime d’établir que la chose a été l’instrument de son dommage, c’est-à-dire sa cause génératrice.

À défaut, la responsabilité ne pourra être retenue (Civ. 2e, 16 déc. 2004, Caisse des dépôts et consignations c./ SNCF et a., RCA 05-84, à propos d’une victime prétendant être tombée d’un train).

La chose doit avoir joué un rôle actif dans la réalisation du préjudice mais le contact matériel ne constitue pas une condition nécessaire. Ainsi, l’article 1384, alinéa 1er a été appliqué pour des dommages imputables à des ondes sonores (du bruit) ou encore à des parasites électromagné-tiques troublant la réception d’émissions de radio.

La Cour de cassation a retenu la responsabilité d’un grand magasin en qualité de gardien d’un portique de détection électronique ayant provoqué un dommage moral à un client à la suite de son déclenchement intempestif. Le client avait été soupçonné de vol à tort (Civ. 2e, 5 juin 1991, GP 93-I-208, note Jourdain).

2° Distinction entre les choses inertes et les choses en mouvementSelon la jurisprudence dominante, il convient de distinguer les choses inertes et les choses en mouvement.

a) Choses inertes

Si la chose était inerte au moment de l’accident, la victime doit prouver son rôle actif, à savoir son caractère anormal ou défectueux.

Faute d’établir ces éléments, les victimes sont déboutées dans leur action :

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– une automobile heurte des poutres en béton entreposées sur le terre-plein central. Elles étaient suffisamment signalées et protégées et n’apparaissaient pas, ainsi, anormales (Civ. 2e, 8 juill. 1992, RCA 92-389) ;– une fillette âgée de 11 ans heurte une barrière en bois lors d’un cours collectif de ski. Le père de l’enfant ne prouve pas une position anormale ou un mauvais état de la barrière (Civ. 2e, 25 nov. 1992, RCA 93-29) ;– un client d’un grand magasin chute sans que soit établi le caractère anormal du sol (Civ. 1re, 1er mars 2001, Simon c./ Grands Magasins de la Samaritaine et a., RCA 01-215) ;– une future cliente chute dans l’escalier d’un hôtel où elle s’apprêtait à y réserver une chambre, alors que cet escalier ne présentait aucun caractère dangereux et était normalement éclairé (Civ. 2e, 7 mai 2002, Mme Victor c./ Malki et a., n° 455 FS + P + B) ;– un vacancier plonge dans un étang et se blesse en raison de sa faible profondeur, alors que l’étang n’avait aucun caractère anormal et a joué un rôle passif (voir motivation un peu mala-droite, Civ. 2e, 14 déc. 2000, épx Delalande c./ Sté Le Paradou et a., RCA 01-76, 1re espèce) ;– un client chute dans l’escalier se trouvant chez son avocat : aucune anomalie des marches et aucun caractère glissant n’étant relevés, la chose n’a pas été l’instrument du dommage (Civ. 2e, 25 nov. 2004, Caucanas c./ SCP Avocats conseils réunis et a., RCA 05-48) ;– pas de responsabilité d’un garagiste après la chute d’un client dans la fosse de vidange alors que ce dernier n’a pas été autorisé à pénétrer dans le garage (Civ. 2e, 2 juin 2005, arrêt n° 863 D, Belounis c./ MMA et a.).- pas de responsabilité d’un exploitant de parking de supermarché suite à la chute d’une cliente alors que le caddie qu’elle poussait s’était coincé dans un rail coulissant à la sortie du parking ; la seule hauteur du rail, estimée à 5 cm environ, ne suffisait pas, en l'absence de tout autre élément, à affirmer qu'il avait pu être en totalité ou en partie l'instrument du dommage (Civ. 2e, 16 oct. 2008, n° 07-17.485) ;- n’est pas responsable le propriétaire d’une piscine dans laquelle un invité a chuté après avoir perdu l’équilibre sur la margelle. La charge de la preuve du caractère anormalement glissant de la margelle incombe à la victime. Les projections d'eau des baigneurs sur une margelle qui entoure le bassin sont normales et de par sa fonction antidérapante, une margelle de piscine composée d'un matériau poreux ne revêt normalement aucun caractère dangereux. Il n'est justifié par aucun élément que la margelle était composée d'un matériau non conforme et inadapté à sa fonction, dans des conditions d'utilisation normales (Civ. 2e, 10 nov. 2009, n° 08-18.781).

En revanche, le rôle actif, de la chose inerte a été retenu dans les espèces suivantes :– fil de fer tendu à 10 centimètres du sol sur une voie privée et provoquant la chute d’un moto-cycliste (Civ. 2e, 30 nov. 1994, Bull. Civ. II-n° 249) ;– sol d’un hall rendu glissant par une plaque d’huile (Civ. 2e, 16 févr. 1994, RCA 94-164) ;– présence anormale de feuilles mortes dans le sas d’entrée d’un bureau de poste (Civ. 2e, 18 mars 1999, La poste c./ Bottéon et a., RCA 99-167) ;– un adolescent monté sur les épaules d’un camarade tente d’accéder à une terrasse en s’accro-chant à une jardinière en béton qui était mal fixée et sans protection (Civ. 2e, 14 déc. 2000, épx Barbier de la Serre c./ de Miollis et a., RCA 01-76, 2e espèce) ;– chute d’un piéton sur un plot en ciment situé à la sortie d’un magasin à grande surface (Civ. 2e, 18 sept. 2003, Mme Duran c./ CPAM des Landes et a., arrêt 1263 P+B, 003, RCA 05-286) ;– boîte aux lettres qui déborde sur le trottoir, heurtée par un passant (Civ. 2e, 25 oct. 2001, Taieb c./ Aubert, Bul ; civ. II-n° 162, D. 2002, p. 140, note Prat).

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La responsabilité civile délictuelle ou quasi-délictuelle

On relève une jurisprudence particulière se rapportant aux portes et baies vitrées. Lorsque la vitre se brise lors du contact avec la victime, la Cour de cassation n’exige pas la preuve du caractère anormal de la chose ou de sa dangerosité. Elle décide que le bris de la vitre implique que cette dernière a été l’instrument du dommage (Civ. 2e, 29 avr. 1998, Bull. Civ. II-n° 142 ; Civ. 2e, 15 juin 2000, RCA 00-292).

Le bris des vitres établit leur anormalité et engage la présomption de responsabilité de leur gardien (Civ. 2e, 24 févr. 2005, arrêt n° 302 P+B+R, Dayde, D. 2005, p. 1395, note N. Damas, L’Argus 18 mars 2005, p. 46, JCP G 2005, act. n° 130). Le non fonctionnement de la porte auto-matique d’une pharmacie établit son caractère anormal (Civ. 2e, 29 mars 2006, Melle Francillette c./ Pharmacie Renaison et a. RCA 06-184).

b) Choses en mouvement

Si la chose était en mouvement au moment de l’accident et s’il y a eu contact, la victime est dispensée de la preuve de son rôle actif.

La jurisprudence a instauré une véritable présomption de causalité pour les choses en mouve-ment à condition qu’elles aient heurté la victime. Il suffit alors à la victime de prouver qu’il y a eu contact avec la chose en mouvement pour mettre en jeu la présomption de responsabilité du gardien (Civ. 2e, 28 nov. 1984, Bull. Civ. II-n° 184).

Deux importantes décisions rappellent et confirment ce principe. Les deux arrêts, rendus le même jour, visent des dommages subis par un enfant de 2 ans accompagné, dans les deux cas, par sa mère :– accident survenu sur un escalator installé dans un hôtel (Civ. 2e, 2 avr. 1997, arrêt n° 390 P+B, Gatti c./ Hôtel Méridien, Bull. Civ. II-n° 109, arrêt n° 2) ;– ascenseur en mouvement dans lequel un petit garçon se prend la main entre le plancher et la paroi lisse de la cabine (Civ. 2e, 2 avr. 1997, arrêt n° 369 P+B, Ghergah c./ SIEMP, Bull. Civ. II-n° 109, arrêt n° 1).

Si la chose en mouvement n’a pas heurté la victime, la preuve de son rôle actif est exigée, comme pour les choses inertes.

3° Acceptation des risques par la victime

Jusqu’à un arrêt rendu le 4 novembre 2010, la Cour de cassation admettait que l’acceptation des risques par la victime qui participait à une compétition sportive pouvait exclure l’application de l’article 1384 alinéa 1er. La Cour de cassation a cependant opéré un revirement de jurisprudence et retient que la victime d'un dommage causé par une chose peut invoquer la responsabilité résultant de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil, à l'encontre du gardien de la chose, instru-ment du dommage, sans que puisse lui être opposée son acceptation des risques (Civ. 2e, 4 nov. 2010, n° 09-65.947). Ce principe a été confirmé avec un nouvel arrêt en date du 12 avril 2012 (Civ. 2e, 12 avr. 2012, n° 10-20.831 et 10-21.094).

Remarque. Antérieurement la Cour de cassation avait écarté la théorie d’acceptation des risques au motif que l'enfant victime participait à une activité pédagogique sous l'autorité et la surveillance d'un moniteur (Civ. 2e, 4 juill. 2002, n° 00-20686). De même, il n’y pas acceptation des risques d’une fillette blessée à l’œil par une balle de tennis lors d’un jeu collectif improvisé et inspiré du base-ball (Civ. 2e, 28 mars 2002, Omar c./ Abdulkarim El F., RCA 02-192).

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D – Les cas d’exonérationLa preuve de l’absence de faute ne constitue jamais un moyen d’exonération. Il y a présomption de responsabilité.

Le gardien d’une chose en mouvement peut invoquer son rôle passif pour s’exonérer.

Dans la logique de ce que nous venons d’exposer, ce moyen d’exonération n’est envisageable que lorsque la victime est dispensée de la preuve du rôle actif de la chose. En effet, pour les choses inertes, ou lorsqu’il n’y a pas eu contact matériel, la présomption de responsabilité suppose que la preuve du rôle actif ait été rapportée.

L’exonération est, bien entendu, possible par la preuve de la cause étrangère englobant le cas de force majeure (ou cas fortuit), le fait de la victime et le fait d’un tiers.

Ces cas d’exonération totale sont très rarement admis.

En pratique, se pose souvent le problème de la faute de la victime : il s’agit alors de décider s’il a exonération partielle ou totale.

1° L’exonération partielle par la faute de la victimeL’exonération du fait de la victime est à l’origine d’une très abondante jurisprudence relative aux accidents d’automobiles. Si on se réfère à l’arrêt Jand’heur (voir ci-avant au A), seuls les agisse-ments de la victime revêtant les caractères de la force majeure (imprévisibles et insurmontables) permettent l’exonération. Mais pendant un demi-siècle la jurisprudence a admis des exonérations partielles, lorsque le fait de la victime n’était pas totalement imprévisible ou insurmontable.

Le 21 juillet 1982, dans la perspective de la loi Badinter, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rend le célèbre arrêt Desmares prohibant l’exonération partielle (D. 82-449, conclusions Charbonnier, note Larroumet, JCP 82-II-19861, note Chabas, GP 82-II-391). C’est le système du tout ou rien : la responsabilité totale ou l’exonération totale.

Cour de cassation, 2e ch. civile, 21 juillet 1982, pourvoi n° 81-12.850 « Desmares »« LA COUR ; – Sur le moyen unique pris en ses quatre premières branches, telles qu’énoncées au mémoire ampliatif :– Attendu, selon l’arrêt infirmatif attaqué, qu’à la tombée de la nuit, dans une aggloméra-tion, la voiture automobile de Desmares heurta et blessa les époux Charles qui traversaient la chaussée à pied ; que lesdits époux Charles ont réclamé à Desmares et à son assureur, la Mutualité Industrielle, la réparation de leur préjudice ; que la SNCF, agissant comme Caisse autonome de Sécurité sociale, et la Caisse primaire d’assurance maladie des Ardennes sont intervenues ; – Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir, par application de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, retenu la responsabilité de Desmares ; Attendu qu’après avoir énoncé, par une appréciation souveraine, que l’on ne pouvait accorder grand crédit aux affirmations d’un témoin qui n’avait pas vu l’accident, mais seulement ses suites ; que les époux Charles avaient été projetés à quelques mètres du passage protégé et retient, au vu des traces laissées sur la chaussée, que compte tenu du « temps de réflexe » ayant précédé le freinage et du fait que Desmares n’avait vu les piétons qu’à l’instant du choc, celui-ci ne pouvait s’être produit qu’au niveau du passage réservé ou à proximité immédiate de celui-ci ; que, par ces constatations et énonciations la cour d’appel, qui ne s’est pas déterminée par un motif hypothétique ou dubitatif et qui, en les rejetant, a répondu aux conclusions, a légalement justifié sa décision

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du chef critiqué ; – Sur le moyen pris en ses deux dernières branches : – Attendu qu’il est reproché à l’arrêt d’avoir statué comme il l’a fait alors, d’une part, que la cour d’appel n’aurait pas répondu aux conclusions soutenant que les victimes ne s’étaient pas conformées à l’article R. 219 du Code de la route qui les obligeait à ne traverser la chaussée qu’après s’être assurées qu’elles pouvaient le faire sans danger immédiat et alors, d’autre part, que la cour d’appel aurait omis de réfuter les motifs des premiers juges selon lesquels les époux Charles avaient commis une seconde imprudence en entreprenant la traversée de la chaussée sans s’assurer qu’ils pouvaient le faire sans danger et sans tenir compte que la vitesse et de la distance à laquelle se trouvait la voiture de Desmares était insuffisante pour permettre aux piétons de traverser sans danger et que ceux-ci n’auraient donc pu s’engager sur la chaussée dans de telles conditions d’autant que leur présence avait été masquée aux yeux de Desmares par la voiture se trouvant à droite de celui-ci ; Mais attendu que seul un événement constituant un cas de force majeure exonère le gardien de la chose instrument du dommage de la responsabilité par lui encourue par application de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, que, dès lors, le comportement de la victime, s’il n’a pas été pour le gardien imprévisible et irrésistible, ne peut l’en exonérer, même partiellement ;– Et attendu qu’après avoir relevé que l’accident s’était produit à une heure d’affluence, dans un passage réservé aux piétons ou à proximité de celui-ci, sur une avenue qui, dotée d’un éclairage public fonctionnant normalement, comprenait quatre voies de circulation, deux dans chaque sens, l’arrêt retient que, circulant sur la voie de gauche, la voiture de Desmares avait heurté les époux Charles, lesquels traversaient la chaussée de droite à gauche par rap-port au sens de marche de l’automobilisme ; que, par ces énonciations d’où il résulte qu’à la supposer établie, la faute imputée aux victimes n’avait pas pour Desmares le caractère d’un événement imprévisible et insurmontable, la cour d’appel, qui, par la suite, n’était pas tenue de rechercher en vue d’une exonération partielle du gardien l’existence de ladite faute, a légalement justifié sa décision. Par ces motifs : – Rejette… ».

La Cour de cassation a voulu renforcer la protection des victimes d’accidents d’automobile, à qui on imputait régulièrement une part de responsabilité en admettant l’exonération partielle. Mais l’arrêt Desmares a été très controversé et environ la moitié des cours d’appel refusait son appli-cation. Parfois même, la jurisprudence Desmares conduisait au résultat inverse : là où on avait admis un partage de responsabilité, on retenait une exonération totale de l’automobiliste.

De plus, relevons que les juridictions pénales n’étaient absolument pas tenues d’appliquer cette jurisprudence civile.

La loi du 5 juillet 1985 a mis un terme à cette situation confuse, tout au moins pour les dommages causés par les véhicules terrestres à moteur.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par la suite, de manière logique, aban-donné la jurisprudence Desmares qui ne subsistait plus que pour des domaines pour lesquels elle n’avait pas été voulue. Trois arrêts du 6 avril 1987 ont sonné le glas de l’arrêt Desmares, dont l’arrêt Chauvet ci-dessous rapporté (Civ. 2e, 6 avr. 1987, D. 88-32, note Ch. Mouly).

Cour de cassation, 2e ch. civile, 6 avril 1987, pourvoi n° 85-16.387, « Chauvet »« – Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (CA Nîmes, 9 juill. 1984) que la bicyclette de la mineure Marie-Ève Lutgen a heurté et blessé Mme Chauvet qui, à pied, circulait sur la chaussée en agglomération ; que Mme Chauvet a demandé à Marie-Ève Lutgen et à sa mère la réparation de son préjudice ; que la caisse primaire d’assurance maladie du Gard est inter-

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venue à l’instance ; – Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir exonéré pour partie Mlle Lutgen de la responsa-bilité de gardien, alors que, d’une part, la cour d’appel n’aurait pu déclarer la faute de Mme Chauvet imprévisible et irrésistible pour Mlle Lutgen, qui avait elle-même commis une faute en relation de cause à effet avec l’accident, et alors que, d’autre part, l’arrêt n’aurait pas expli-qué en quoi la faute de Mme Chauvet aurait été imprévisible et irrésistible pour la cycliste ; – Mais attendu que le gardien de la chose instrument du dommage est partiellement exo-néré de sa responsabilité s’il prouve que la faute de la victime a contribué au dommage ; Et attendu que la cour d’appel ayant retenu, en des motifs non critiqués, que Mme Chauvet avait commis une faute ayant concouru à la réalisation du dommage, a pu décider, justifiant ainsi légalement sa décision, que cette faute exonérait Mlle Lutgen de sa responsabilité de gardien dans une proportion, qu’elle a souverainement appréciée ; Par ces motifs : – Rejette le pourvoi. »

Après 1987, l’exonération partielle du fait de la victime a été admise. Ainsi, une personne, en visite chez des parents, monte sur une chaise pour décrocher un tableau. La chaise s’effondre et la personne est blessée. Il y a lieu de retenir pour moitié la responsabilité de la victime, qui a négligé de veiller à sa propre sécurité : la chaise provenait d’une cour exposée aux intempéries et la victime savait qu’elle pouvait s’y altérer rapidement (Civ. 2e, 8 mars 1995, Bull. Civ. II-n° 82). A aussi été retenue pour un tiers la faute de la victime ayant heurté par inattention la paroi vitrée d’un centre commercial (Civ. 2e, 19 févr. 2004, Liebrand et a. c./ GIE Centre commercial Chambord et a., RCA, Étude n° 14 par L. Bloch).

Toutefois, depuis quelques années, les décisions ayant retenu une exonération partielle appa-raissent rarissimes…

2° L’exonération totale par la faute de la victimeEn ce qui concerne l’exonération totale par la faute de la victime, les arrêts de la Cour de cassa-tion se réfèrent au principe que « la faute de la victime n’exonère totalement le gardien de la chose instrument du dommage que si elle présente les caractères d’un événement de force majeure » (Civ. 2e, 23 oct. 2003, Office national des forêts c/ Barbier, RCA 03-314 ; Civ. 2e, 18 mars 2004, Cts Y c./ Agence Tortel et a., RCA 04-172, Civ. 2e, 25 décembre 2005, MACSF et a. c./ SNCF et a., RCA 06-75, décisions refusant l’exonération totale).

NB. L’assemblée plénière de la Cour de cassation, a récemment réaffirmé les caractères de force majeure que doit revêtir cette faute : imprévisibilité et irrésistibilité (Cass. Ass. plén. 14 avr. 2006, arrêt n° 537, X. c./ RATP, D. 2006, IR p. 1131, décision précitée au chapitre II).

Cette importante décision se rapporte à la responsabilité de la RATP en qualité de gardienne du train, suite à la découverte d’un corps sans vie entre le quai et la voie, après passage de la rame. En appel, les juges ont retenu que la chute ne pouvait résulter que d’un acte volontaire. Selon la Cour de cassation : « si la faute de la victime n’exonère totalement le gardien qu’à la condition de présenter les caractères d’un événement de force majeure, cette exigence est satisfaite lorsque cette faute présente, lors de l’accident, un caractère imprévisible et irrésistible ». L’exonération totale est ici admise.

Rappelons que l’assemblée plénière de la Cour de cassation a été saisie afin de mettre un terme à une divergence de jurisprudence entre la 1re chambre et la chambre commerciale.

Désormais les deux conditions, imprévisibilité et irrésistibilité sont requises, alors que la chambre commerciale s’attachait au seul critère d’irrésistibilité.

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3° Incidence du fait du tiersLa question peut se poser de savoir si le gardien de la chose instrument du dommage peut s’exonérer à l’égard de la victime en invoquant le fait du tiers ayant contribué à la réalisation du dommage.

La Cour de cassation retient que hors le cas où il est établi un évènement de force majeure totalement exonératoire, le gardien de la chose est tenu, dans ses rapports avec la victime, à réparation intégrale, sauf son recours éventuel contre le tiers qui aurait concouru à la production du dommage (Civ. 2e, 15 juin 1977, n° 76-11.225, JCP. 1978. II.18780, note Baudoin). Ce principe a été réaffirmé dans une affaire où le gardien d’un escalator tentait de s’exonérer partiellement à l’égard de la victime en invoquant la faute de surveillance des parents de l’enfant blessé à la suite d’une chute d’une quinzaine de mètres de l’escalator. La Cour de cassation précise à cette occasion que la faute des parents alléguée était qualifiable de fait du tiers dans les rapports entre la société gardienne de l’escalator et l’enfant victime, elle n'avait pu avoir d'effet partiellement exonératoire de la responsabilité du gardien (Civ. 2e, 11 juin 2009, n° 08-14.287).

4° Résumé des cas d’exonération du gardien de la choseEn résumé, on constate que le gardien d’une chose instrument d’un dommage, peut s’exonérer par la preuve :– du cas de force majeure (tempête, Civ. 2e, 5 janv. 1994, Bull. Civ. II-n° 13) ;– du fait d’un tiers (qui peut être partiellement exonératoire, Civ. 2e, 29 mars 2001, Bull. Civ. II-n° 68) ;– du fait de la victime entraînant une exonération totale (Civ. 2e, 6 oct. 1998, Bull. Civ. II-n° 209) ou partielle.

III – La responsabilité civile en cas de communication d’incendie

Code civil

Article 1384 alinéas 2 et 3 (loi du 7 novembre 1922)Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Cette disposition ne s’applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du Code civil.

A – Exception et justificationDans l’hypothèse où un incendie se communique d’un bien à un autre, la responsabilité du gardien de la chose où l’incendie a débuté n’est plus présumée. Les victimes de la communication d’incendie devront prouver sa faute ou la faute des personnes dont il est responsable.

Cette exception résulte de la loi du 7 novembre 1922, adoptée pour éviter qu’une seule personne puisse être aisément responsable d’un incendie ravageant tout un ensemble de maisons, voire un quartier entier d’une agglomération. À défaut de cette disposition les occupants, pour se

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