sion des Monuments histori- ques …Le château de Pierrefonds · LES CHÂTEAUX E difié vers 1400...

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LES CHÂTEAUX E difié vers 1400 à l’instigation du duc Louis d’Orléans qui est aussi à l’origine, dans le département de l’Aisne, du château inachevé de La Ferté-Milon, le château de Pierre- fonds est une résidence luxueuse et une place forte redoutable située sur un épe- ron rocheux comme un belvédère d’ob- servation privilégié. Auparavant, il y aurait eu au moins deux châteaux primi- tifs dont peut-être un vicus romain à la place duquel fut construite une résidence des rois carolingiens, le palais du Chêne. A partir du XI e siècle, les seigneurs de Pierrefonds portent le nom des Nivelon. Nivelon 1 er est connu pour avoir pos- sédé, en 1047, d’immenses richesses et le pouvoir de Pierrefonds pour avoir pu, de temps à autre, balancer le pou- voir royal. Les emplacements exacts de ces précé- dents édifices sont discutés. Certains affirment qu’il n’y avait, à l’em- placement actuel, qu’un manoir et que le château était près de l’église. Viollet le Duc, de son côté affirmait que le châ- teau des Nivelon avait toujours été là où il se trouve actuellement. Il avait retrouvé des substructions semblant dater du XII e et du XIII e siècles devant la façade sud du château actuel et la tradition voudrait que les châteaux soient toujours recons- truits sur les bases des précédents. C’est parce que le dernier des Nivelon meurt sans postérité directe que Philippe- Auguste acquiert le château en 1185. En 1392, Louis d’Orléans, devenu duc de Valois (que vient de lui donner son frère Charles VI), avait décidé la reprise des hostilités militaires contre Henri IV, roi d’Angleterre. Le château de Pierre- fonds est construit afin de surveiller la région en ces périodes de troubles politiques. En effet, Louis d’Orléans ne s’entend pas du tout, en ce qui concerne l’admi- nistration du royaume de France, avec son oncle Philippe II de Bourgogne, ni avec son frère le roi Charles VI, qui est fou. En 1407, Louis est assassiné. Il a eu le temps de faire reconstruire La Ferté- Milon, de restaurer Béthisy, Montépiloy, Coucy et Crespy (Crépy-en-Valois) et l’on suppose que Pierrefonds était achevé. En 1413, le comte de Saint-Pol, partisan des Bourguignons, officier du roi, fait capituler Pierrefonds après avoir fait de même avec Crespy. Il ne rendra le château au duc Charles d’Orléans (le poète) qu’après l’avoir brûlé. Après la défaite d’Azincourt et l’occupa- tion anglaise, Charles d’Orléans s’exile durant vingt-cinq ans. En 1424, privé de vivres, la garnison de Pierrefonds ouvre ses portes aux Anglais. A son retour, en 1440, il fait réparer les dégâts. Louis XII (Valois-Orléans) accède au trône et Pierrefonds entre dans le domaine royal. De nombreux sièges seront imposés à la place forte, dont un en 1591, mené par Henri IV, auquel il résistera. Au début du XVII e siècle, vers 1617, Louis XIII désire en finir avec les conspi- rations aristocratiques. Alors qu’il a sur- vécu aux vicissitudes de la guerre de Cent Ans, le château est en effet aux mains du gouverneur Antoine d’Estrées, marquis de Cœuvres, qui s’oppose au roi, se rangeant aux côtés du prince de Condé. Pierrefonds est assiégé par l’artillerie de Charles de Valois et 15 000 hommes. Louis XIII le fait déman- teler, on enlève la toiture et on renverse les fortifications. Il sera ensuite pillé par les villageois. Ruines romantiques Pendant deux siècles, à partir de ce moment, le château est abandonné. Des Carolingiens à la Folie Impériale…Le château de Pierrefonds En lisière de la forêt de Compiègne, contre laquelle il s’appuie au nord-ouest et dominé au sud par un plateau, Pierrefonds est un village hors du commun, que l’on pourrait qualifier d’hors du temps. Pourquoi ? Parce qu’un château le surplombe et pas n’importe quel château. Une horreur pour certains, un joyau pour d’autres, une fantaisie ou une forteresse aujourd’hui sans aucune qualité militaire, il n’en reste pas moins un témoignage historique important et une des plus belles pièces du patrimoine de notre région. Certains l’appellent le château de la Belle au Bois Dormant, mais la dernière personnalité importante à y avoir élu domicile fut Napoléon III. Viollet le Duc (Paris 1814 - Lausanne 1879) Eugène Viollet le Duc était architecte et théoricien fran- çais, il est choisi à l’âge de vingt-six ans par la Commis- sion des Monuments histori- ques, proposé par Prospère Mérimée, pour diriger la restau- ration de la Madeleine, à Vezelay (1840-1861). Jusqu’à sa mort, on lui confiera de nombreux chantiers dans toute la France. Dans notre région, il aura en charge le château de Coucy (1856-1864) et celui de Pierrefonds (à partir de 1858). Ailleurs, il restaurera les remparts d’Avignon, les fortifications de Carcassonne, entre de nombreux autres chantiers. - 1842, il remporte avec Lassus le concours ouvert pour la restauration de Notre-Dame de Paris et, dès 1845, ils entreprennent les travaux que Viollet le Duc terminera seul, Lassus étant mort. En 1849, il est architecte diocésain pour les cathédrales de Reims et d’Amiens. - 1853, il devient inspecteur général des édifices diocé- sains. - 1860, il fait partie de la Commission des Monuments historiques où il exerçait, avec Emile Bœswiliwald, les fonctions d’inspecteur général. Lorsqu’il meurt en 1879, il a encore à sa charge d’archi- tecte le château de Pierrefonds, Saint-Denis, des monuments de Toulouse, l’église d’Eu, etc. Les imposantes murailles du château, avec leurs chemins de ronde, leurs courtines (portions de remparts entre les tours)…

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LES CHÂTEAUX

Edifié vers 1400 à l’instigation duduc Louis d’Orléans qui est aussià l’origine, dans le département

de l’Aisne, du château inachevé deLa Ferté-Milon, le château de Pierre-fonds est une résidence luxueuse et uneplace forte redoutable située sur un épe-ron rocheux comme un belvédère d’ob-servation privilégié. Auparavant, il yaurait eu au moins deux châteaux primi-tifs dont peut-être un vicus romain à laplace duquel fut construite une résidencedes rois carolingiens, le palais du Chêne.A partir du XIe siècle, les seigneurs dePierrefonds portent le nom des Nivelon. Nivelon 1er est connu pour avoir pos-sédé, en 1047, d’immenses richesseset le pouvoir de Pierrefonds pour avoirpu, de temps à autre, balancer le pou-voir royal.Les emplacements exacts de ces précé-dents édifices sont discutés.Certains affirment qu’il n’y avait, à l’em-placement actuel, qu’un manoir et que lechâteau était près de l’église. Viollet leDuc, de son côté affirmait que le châ-teau des Nivelon avait toujours été là oùil se trouve actuellement. Il avait retrouvédes substructions semblant dater du XIIe

et du XIIIe siècles devant la façade suddu château actuel et la tradition voudraitque les châteaux soient toujours recons-truits sur les bases des précédents.C’est parce que le dernier des Nivelonmeurt sans postérité directe que Philippe-Auguste acquiert le château en 1185.En 1392, Louis d’Orléans, devenu ducde Valois (que vient de lui donner sonfrère Charles VI), avait décidé la reprisedes hostilités militaires contre Henri IV,roi d’Angleterre. Le château de Pierre-fonds est construit afin de surveillerla région en ces périodes de troublespolitiques. En effet, Louis d’Orléans ne s’entendpas du tout, en ce qui concerne l’admi-

nistration du royaume de France, avecson oncle Philippe II de Bourgogne, niavec son frère le roi Charles VI, qui estfou.En 1407, Louis est assassiné. Il a eu letemps de faire reconstruire La Ferté-Milon, de restaurer Béthisy, Montépiloy,Coucy et Crespy (Crépy-en-Valois) etl’on suppose que Pierrefonds était achevé.En 1413, le comte de Saint-Pol, partisandes Bourguignons, officier du roi, faitcapituler Pierrefonds après avoir faitde même avec Crespy. Il ne rendra lechâteau au duc Charles d’Orléans (lepoète) qu’après l’avoir brûlé. Après la défaite d’Azincourt et l’occupa-tion anglaise, Charles d’Orléans s’exiledurant vingt-cinq ans. En 1424, privé devivres, la garnison de Pierrefonds ouvreses portes aux Anglais.A son retour, en 1440, il fait réparer lesdégâts. Louis XII (Valois-Orléans) accèdeau trône et Pierrefonds entre dans ledomaine royal.De nombreux sièges seront imposés àla place forte, dont un en 1591, menépar Henri IV, auquel il résistera.Au début du XVIIe siècle, vers 1617,Louis XIII désire en finir avec les conspi-rations aristocratiques. Alors qu’il a sur-vécu aux vicissitudes de la guerre deCent Ans, le château est en effet auxmains du gouverneur Antoine d’Estrées,marquis de Cœuvres, qui s’oppose auroi, se rangeant aux côtés du prince deCondé. Pierrefonds est assiégé parl ’art i l ler ie de Charles de Valois et15 000 hommes. Louis XIII le fait déman-teler, on enlève la toiture et on renverseles fortifications. Il sera ensuite pillé parles villageois.

Ruines romantiquesPendant deux siècles, à partir de cemoment, le château est abandonné.

Des Carolingiens à la Folie Impériale…

…Le château de PierrefondsEn lisière de la forêt de Compiègne, contre laquelle ils’appuie au nord-ouest et dominé au sud par unplateau, Pierrefonds est un village hors du commun,que l’on pourrait qualifier d’hors du temps. Pourquoi ?Parce qu’un château le surplombe et pas n’importequel château. Une horreur pour certains, un joyau pourd’autres, une fantaisie ou une forteresse aujourd’huisans aucune qualité militaire, il n’en reste pas moinsun témoignage historique important et une des plusbelles pièces du patrimoine de notre région. Certainsl’appellent le château de la Belle au Bois Dormant,mais la dernière personnalité importante à y avoir éludomicile fut Napoléon III.

Viollet le Duc(Paris 1814 - Lausanne 1879)

Eugène Viollet le Duc étaitarchitecte et théoricien fran-çais, il est choisi à l’âge devingt-six ans par la Commis-sion des Monuments histori-ques, proposé par ProspèreMérimée, pour diriger la restau-rat ion de la Madele ine, àVezelay (1840-1861).

Jusqu’à sa mort, on lui confiera de nombreux chantiersdans toute la France. Dans notre région, il aura en charge le château de Coucy (1856-1864) et celui dePierrefonds (à partir de 1858). Ailleurs, il restaurera lesremparts d’Avignon, les fortifications de Carcassonne,entre de nombreux autres chantiers.- 1842, il remporte avec Lassus le concours ouvert pourla restauration de Notre-Dame de Paris et, dès 1845, ilsentreprennent les travaux que Viollet le Duc termineraseul, Lassus étant mort.En 1849, il est architecte diocésain pour les cathédralesde Reims et d’Amiens.- 1853, il devient inspecteur général des édifices diocé-sains.- 1860, il fait partie de la Commission des Monumentshistoriques où il exerçait, avec Emile Bœswiliwald, lesfonctions d’inspecteur général.Lorsqu’il meurt en 1879, il a encore à sa charge d’archi-tecte le château de Pierrefonds, Saint-Denis, desmonuments de Toulouse, l’église d’Eu, etc.

Les imposantes murailles du château, avecleurs chemins de ronde, leurs courtines(portions de remparts entre les tours)…

Dès le XVIIe siècle, les artistes viennentimmortaliser les ruines romantiques. La Révolution française verra sa ventecomme bien national.En 1810, Napoléon 1er ordonne sonrachat par l’Etat.En 1832, Louis-Philippe marie sa filleavec le roi des Belges Léopold 1er àPierrefonds et célèbre la noce avec ungrand banquet dans les ruines.En 1848, le château est inscrit sur laliste des Monuments historiques donts’occupe Prospère Mérimée.Napoléon III, qui est déjà venu à Pierre-fonds en 1850, décidera en 1857 deconfier les travaux de restauration dudonjon à l’architecte Viollet le Duc.Quatre ans plus tard, il lui confie lareconstruction complète de l’édifice.En 1858, les travaux commencent parle colmatage des tours et des murailleséventrées, la reconstruction des logisdévastés et par la création d’un décor,d’un mobilier pour le couple impérial etla cour. Le concept de ruines pitto-resques est abandonné pour celui derésidence impériale pour devenir, dansles faits, une fol ie romantique et impériale.Viollet le Duc, partant des techniquesmoyennageuses dont il s’inspire sansles reprendre servilement, reconstruitle château en créant une architectureoriginale.En 1866, le gros-œuvre est terminé. Ony installe une collection d’armes etd’armures (aujourd’hui aux Invalides, àParis) qui seront évacuées en 1870.Ils ne s’arrêteront qu’à la guerre contrela Prusse en 1870.La reconstruction n’est pas terminéemais s’avère laborieuse. L’Empire esttombé et Pierrefonds n’est donc plusrésidence impériale. Viollet le Duc meurt en 1879, laissantles travaux à son gendre, l’architecteOuradou, qui achève la chapelle et lasalle de garde. Le décor intérieur reste

inachevé. L’architecte Lisch, en 1885,termine la restauration.Aujourd’hui, le château appartient à laCaisse Nationale des Monuments Natio-naux (CNMN : www.monum.f r ) , i laccueille des expositions temporaires etdes milliers de touristes tous les ans.

Petit avant-goûtSi vous n’avez pas encore mis les piedsà Pierrefonds et donc, si vous n’avez pasencore succombé au charme de l’im-mense bâtisse guerrière tout droit sortiede contes de fées et de l’imaginaire deViollet le Duc, voici une petite idée deslieux qui, nous l’espérons, vous attireravers Pierrefonds.L’extérieur du château, ses murs épaissemblant invincibles, peut encore rap-peler la forteresse de Louis d’Orléansmais pas l’intérieur où le décor estpurement imaginaire. On trouve même,dans la cour, entre Louis d’Orléans etson épouse Valentine Visconti, au tru-meau du portail, Viollet le Duc lui-mêmereprésentant Saint-Jacques le Majeur !Dans la chambre de l’impératrice, parexemple, au-dessus de celle de sonimpérial mari, voûtée et de forme octo-gonale, on trouve des lambris sculptéset un superbe manteau de cheminée.Le donjon dévoile l’avant-gardisme(peut-être involontaire) de Viollet le Ducqui annonce le modern style (style 1900)avec ses figures ou animaux fantas-tiques sculptés dans les lambris.La salle des Preux, celle des gardesavec sa belle cheminée et ses étrangesbalcons, sa belle cheminée aux armesde Louis d’Orléans et quelques frag-ments remarquables, vestiges d’unpassé réel, vous entraîneront dans uneféerie, largement teintée d’histoire, quine manquera pas de vous séduire.

Le grand corps de logis allongé faisantface à la chapelle et au donjon qui, àPierrefonds, est adossé à la façade.

Le perron d’angle aux rampes portantd’étranges animaux, la statue équestrede Louis d’Orléans (bronze) de Fremiet.

DE NOTRE REGION

Sources : Centre des Monuments Nationaux. Quid édi-tion 2000. Sur internet : • http://napoléontrois.free.fr • www.média-theque-patrimoine.culture.gouv.fr • Plaquettes et pan-neaux sur place.

Sur la façade principale, les “fioritures”dues à Viollet le Duc. Quelques élémentsne sont que de pseudo défenses.

Le château des mille et uns contes de féesurplombant le village aux modestes, maisbelles habitations. Toute une atmosphère…