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- Flammarion - Si nous voulions - 130 x 200 - 14/4/2014 - 10 : 3 - page 3

Si nous voulions


DÉJÀ PARUSDANS LA COLLECTION CAFÉ VOLTAIRE

Jacques Julliard, Le Malheur français (2005).Régis Debray, Sur le pont d’Avignon (2005).Andreï Makine, Cette France qu’on oublie d’aimer (2006).Michel Crépu, Solitude de la grenouille (2006).Élie Barnavi, Les religions meurtrières (2006).Tzvetan Todorov, La littérature en péril (2007).Michel Schneider, La confusion des sexes (2007).Pascal Mérigeau, Cinéma : Autopsie d’un meurtre (2007).Régis Debray, L’obscénité démocratique (2007).Lionel Jospin, L’impasse (2007).Jean Clair, Malaise dans les musées (2007).Jacques Julliard, La Reine du monde (2008).Mara Goyet, Tombeau pour le collège (2008).Étienne Klein, Galilée et les Indiens (2008).Sylviane Agacinski, Corps en miettes (2009) ; nouvelle édi-

tion (2013).François Taillandier, La langue française au défi (2009).Janine Mossuz-Lavau, Guerre des sexes : stop ! (2009).Alain Badiou (avec Nicolas Truong), Éloge de l’amour (2009).Marin de Viry, Tous touristes (2010).Régis Debray, À un ami israélien, avec une réponse d’Élie

Barnavi (2010).Alexandre Lacroix, Le Téléviathan (2010).Mara Goyet, Formules enrichies (2010).Jean Clair, L’Hiver de la culture (2011).Charles Bricman, Comment peut-on être belge ? (2011).Corrado Augias, L’Italie expliquée aux Français (2011).Jean-Noël Jeanneney, L’État blessé (2012).Mara Goyet, Collège brutal (2012).Shlomo Sand, Comment j’ai cessé d’être juif (2013).Régis Debray, Le bel âge (2013).Alain Badiou (avec Nicolas Truong), Éloge du théâtre (2013).Édouard Launet, Écrivains, éditeurs et autres animaux

(2013).Sylvie Goulard, Europe : amour ou chambre à part ? (2013).Michel Schneider, Miroirs des princes (2013).Marie-Josèphe Bonnet, Adieu les rebelles ! (2014).Jacques Julliard, Le choc Simone Weil (2014).Christiane Taubira, Paroles de liberté (2014).


Bernard Attali

Si nous voulions

Flammarion


« La fatalité, c’est l’excuse desâmes sans volonté. »

Romain Rolland


Jorge Luis Borges a écrit un jour : « Il y atoujours deux hommes en chacun d’entre nous,et le vrai, c’est l’autre. » J’assume volontierscette ambivalence. Les réflexions qui suiventviennent d’un homme qui a exercé des métierstrès différents, au service de l’État et dans lemonde des affaires, en France comme à l’étran-ger. Je dois tout à la République, qui m’apermis de rester un homme libre. Cela m’au-torisera quelques jugements qui paraîtrontsévères. Mais la franchise sera ma façon deremercier le pays que j’aime. En confessant quema génération a manqué de volonté en poli-tique je veux surtout dire à celle qui nous suit :relevez la tête ! La France a besoin d’un sur-saut mais elle n’est pas en sursis. L’optimismeest un sport de combat.

Suivant la légende, le premier conseil donnépar Confucius à un nouvel empereur était de« repenser les mots ». Sage précaution. J’aime

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les mots, au point de détester leur mauvaisusage. Le mot de crise, en particulier. Enfant,de l’autre côté de la Méditerranée, j’entendaismes aînés évoquer la crise algérienne, alors quece que je voyais était une vraie guerre. Étudiantà Paris, au printemps 1968, j’entendais parlerd’une crise de jeunesse, alors que nous vivionsune profonde transformation de la société.Plus tard, responsable de l’aménagement duterritoire, je travaillais sur des bassins d’emploien crise, alors que des régions entières affron-taient déjà une reconversion complète d’éco-nomies trop concentrées depuis des décenniessur le charbon et l’acier. Patron d’Air Francedans les années 1990, j’entendais parler d’unecrise conjoncturelle, alors que nous traversionsla plus grande récession depuis la guerre.Enfin, aujourd’hui, où je vis dans le mondebancaire, je constate que la « crise » financièrerecouvre un mal plus profond qu’on ne le ditgénéralement. Faiblir sur les mots, c’est fuir laréalité. À chaque fois, une rupture historiquese cachait derrière une fracture momentanée.

Ce constat inspire les observations de cepetit carnet de bord, issu d’expériences quej’assume, sans en être toujours très fier.

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La crise, quelle crise ?

L’affaire est entendue : en dépit de ses défauts,le modèle capitaliste est bien le seul qui fonc-tionne. Mais cette évidence cache deux consé-quences moins méditées : la disparition desutopies alternatives et l’affaissement des valeurscollectives. Les plus pessimistes diront : unmonde sans rêve et livré au culte de l’argent.Crise économique et crise morale sont les deuxfaces d’une vilaine histoire.

C’est un fait : avant le grand choc de 2008la mondialisation et les marchés ont apportéd’immenses bienfaits. Des continents entiersont profité d’une croissance continue, des mil-liards d’hommes sont sortis de la pauvreté, desprogrès scientifiques et technologiques consi-dérables ont été accomplis. La paix elle-mêmea gagné du terrain : l’Europe vient de vivre laplus grande période sans guerre depuis…Charlemagne ! Hegel disait déjà : « L’histoiren’est pas le lieu de la félicité. Les périodes debonheur y sont ses pages blanches. »

Et pourtant, chacun sent bien que notremonde hésite. Le système a généré des iné-galités proprement insupportables entre pays,entre générations, entre classes. Des mou-vements migratoires incontrôlés ont jeté surles routes et les mers des millions de miséreuxen quête d’une vie meilleure. Le système a

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précipité dans une compétition impitoyable deshommes qui n’y comprenaient rien. Un mondeoù les chômeurs de Roubaix et de Bombay sontbrutalement amenés à se combattre, servitudecontre servitude, devient inacceptable pourceux qui souffrent ! Tandis qu’une minorités’est enrichie, une majorité a vécu un inexorabledéclassement et une angoissante précarisation.Il est loin le temps du « doux commerce » cherà Montesquieu.

Longtemps, la croissance a anesthésié cesoubliés du système : ils conservaient l’espoird’un sort meilleur pour leurs enfants. Mais aufil du temps cet espoir même s’évanouit.Aujourd’hui 72 % de nos concitoyens pensentque la prochaine génération vivra moins bienqu’eux. Et cette génération-là, de son côté,comprend avec stupeur que les vieux ont piquédans la caisse en leur faisant payer leursretraites. Ils voient bien le poids des dettesfinancières et écologiques qui vont peser surleurs épaules. Ils savent aussi que leur combatindividuel pour accéder à une vie meilleure est,dans le monde qui leur échoit, un combat sou-vent perdu d’avance.

Dans ce contexte, les propos célèbres deTocqueville prennent une résonance toute pro-phétique. Il écrivait en 1840 : « Je veux ima-giner sous quels traits nouveaux le despotismepourrait se produire dans le monde : je vois

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TABLE

La crise, quelle crise ? ................................... 11La terre tremble ............................................ 16Le Veau d’or .................................................. 23Économistes et astrologues ........................... 32L’Europe à la peine ...................................... 36La France à la traîne ..................................... 40Bonnets rouges et maillots bleus ................. 48Si le gibier savait parler… ............................ 52La politique du pitre ..................................... 57Une saison en enfer ....................................... 60Une matière inflammable .............................. 71Les héros sont fatigués ................................. 76L’apostasie est un droit ................................ 82L’Europe, quand même ................................ 87West Side Story .............................................. 97Si nous voulions… ........................................ 102La fin des habitudes ..................................... 110

Références bibliographiques ........................... 123

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