Séquence 3 Le monstre (15p) · HDA analyse d'une séquence du documentaire d'animation Valse avec...

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SÉQUENCE 3 LE MONSTRE Problématique Qu'est-ce que le monstre révèle sur l'Homme ? Objet d’étude La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVI ème à nos jours Lectures analytiques Lectures cursives Travail personnel de l'élève Groupement de textes Texte 1 « La Belle et la Bête » J.M Leprince de Beaumont (1757) Texte 2 Notre Dame de Paris Victor Hugo (1831) Texte 3 Incendies Wajdi Mouawad (2003) 1. LCA les créatures monstrueuses - Théogonie Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C) - L'Odyssée Homère (fin du VIIIe siècle av. J.-C) - La Bibliothèque pseudo-Apollodore (IIe siècle av. J.-C) - Les Métamorphoses Ovide (Ier siècle ap. J.C) - Histoire Naturelle Pline l'Ancien (Ier siècle ap. J.C) HDA Représentations du monstre dans l'Antiquité : le sphinx (lécythe), Méduse (mosaïque), les sirènes (stamnos), la chimère (bronze) 2. En complément du texte 1 « la Belle et le Bête » une interprétation psychanalytique : Psychanalyse des contes de fées. B. Betteilheim (1976) HDA analyse d'une séquence du film La Belle et le Bête de Jean Cocteau(1946) 3. Le géant Gargantua – Rabelais (1534) « Le Petit Poucet » , Histoires, ou Contes du temps passé - Charles Perrault (1697) Micromégas Voltaire (1752) 4. En complément du texte 3 Incendies la guerre du Liban HDA analyse d'une séquence du documentaire d'animation Valse avec Bachir d'Ari Folman (1962) Lecture cursive intégrale imposée, sans accompagnement spécifique. Au choix dans la liste ci-dessous. A partir de la lecture cursive intégrale choisie, dans le journal de lecture : F aites une r eprésentation d'un monstre de l'oeuvre lue (dessin, photographie, collage, film...) tel que vous le percevez. Ecrivez le texte expliquant votre démarche, en citant précisément le texte Liste de lectures cursives. Surlignez l'œuvre lue Nouvelles et récits fantastiques (au sens large) GAUTIER « La morte amoureuse » 1936 MATHESON Je suis une légende 1954 MAUPASSANT « La mère aux monstres »1883 KAFKA La métamorphose 1912 KING Shining 1977 - Simetierre 1983 RICE Entretien avec un vampire 1976 SHELLEY Frankenstein 1818 STOCKER Dracula 1897 La guerre CHALANDON S. Le Quatrième mur 2013 CLAUDEL P. Le rapport de Brodeck 2007 LEVI P. Si c'est un homme 1947 Assassins CARRERE E. L'Adversaire 2000 MAURIAC F. Thérèse Desqueyroux 1927 SPORTES M L'appât 1995 SUSKIND Le parfum 1985 ZOLA E. Thérèse Raquin 1867 , La bête humaine 1890 Théâtre CORNEILLE Médée 1635 Rodogune 1647 IONESCO Rhinocéros 1961 KOLTES Roberto Zucco 1988 MOUAWAD W. Incendies 2003 RACINE Phèdre 1677

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SÉQUENCE 3 LE MONSTRE

Problématique Qu'est-ce que le monstre révèle sur l'Homme ?

Objet d’étude La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos jours

Lectures analytiques Lectures cursives Travail personnel del'élève

Groupement de textes

Texte 1 « La Belle et la Bête » J.M Leprince de Beaumont (1757)

Texte 2 Notre Dame de Paris

Victor Hugo (1831)

Texte 3 Incendies

Wajdi Mouawad (2003)

1. LCA les créatures monstrueuses- Théogonie Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C)- L'Odyssée Homère (fin du VIIIe siècle av. J.-C)- La Bibliothèque pseudo-Apollodore (IIe siècle av. J.-C)- Les Métamorphoses Ovide (Ier siècle ap. J.C)- Histoire Naturelle Pline l'Ancien (Ier siècle ap. J.C)

HDA Représentations du monstre dans l'Antiquité : le sphinx (lécythe), Méduse (mosaïque), les sirènes(stamnos), la chimère (bronze)

2. En complément du texte 1 « la Belle et le Bête »une interprétation psychanalytique : Psychanalyse des contes de fées. B. Betteilheim (1976)

HDA analyse d'une séquence du film La Belle et le Bête de Jean Cocteau(1946)

3. Le géantGargantua – Rabelais (1534)« Le Petit Poucet » , Histoires, ou Contes du temps passé -Charles Perrault (1697)Micromégas Voltaire (1752)

4. En complément du texte 3 Incendies la guerre du Liban HDA analyse d'une séquence du documentaired'animation Valse avec Bachir d'Ari Folman (1962)

Lecture cursiveintégrale imposée,sansaccompagnementspécifique. Au choix dans laliste ci-dessous.

A partir de la lecturecursive intégralechoisie, dans lejournal de lecture :

Faites unereprésentation d'unmonstre de l'oeuvrelue (dessin,photographie, collage,film...) tel que vous lepercevez. Ecrivez le texteexpliquant votredémarche, en citantprécisément le texte

Liste de lectures cursives. Surlignez l'œuvre lue Nouvelles et récits fantastiques (au sens large)GAUTIER « La morte amoureuse » 1936MATHESON Je suis une légende 1954MAUPASSANT « La mère aux monstres »1883KAFKA La métamorphose 1912KING Shining 1977 - Simetierre 1983RICE Entretien avec un vampire 1976SHELLEY Frankenstein 1818STOCKER Dracula 1897La guerreCHALANDON S. Le Quatrième mur 2013CLAUDEL P. Le rapport de Brodeck 2007LEVI P. Si c'est un homme 1947

AssassinsCARRERE E. L'Adversaire 2000MAURIAC F. Thérèse Desqueyroux 1927SPORTES M L'appât 1995SUSKIND Le parfum 1985ZOLA E. Thérèse Raquin 1867 , La bête humaine 1890ThéâtreCORNEILLE Médée 1635 Rodogune 1647IONESCO Rhinocéros 1961KOLTES Roberto Zucco 1988MOUAWAD W. Incendies 2003RACINE Phèdre 1677

LECTURES ANALYTIQUES

Texte 1 « La Belle et la Bête » extrait du Magasin des enfants (1757)Jeanne Marie Leprince de Beaumont

Un père de famille, perdu, une nuit se réfugie dans un palais vide où un repas semble l'attendre. En

repartant le lendemain matin, il cueille des roses pour sa fille la plus jeune et la plus belle. C'est alors qu'une

effroyable bête le surprend et, lui reprochant d'abuser de son hospitalité lui réclame sa vie, ou la compagnie

de l'une de ses filles. La Belle, bien décidée à sauver son père part dans le palais de la Bête. Arrivée au

château, elle découvre seule les lieux, et un appartement confortable qui lui est destiné. Le soir, elle

rencontre le maître des lieux.

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Le soir, comme elle allait se mettre à table, elle entendit le bruit que faisait la Bête et ne put s’empêcherde frémir.« La Belle, lui dit ce monstre, voulez-vous bien que je vous voie souper ?– Vous êtes le maître, répondit la Belle en tremblant. - Non, reprit la Bête, il n’y a ici de maîtresse que vous. Vous n’avez qu’à me dire de m’en aller si je vousennuie; je sortirai tout de suite. Dites-moi, n’est-ce pas que vous me trouvez bien laid ? - Cela est vrai, dit la Belle, car je ne sais pas mentir; mais je crois que vous êtes fort bon. – Vous avez raison, dit le monstre. Mais outre que je suis laid, je n’ai point d’esprit : je sais bien que je nesuis qu’une Bête. – On n’est pas bête, reprit la Belle, quand on croit n’avoir point d’esprit. Un sot n’a jamais su cela.– Mangez donc, la Belle, dit le monstre, et tâchez de ne point vous ennuyer dans votre maison car toutceci est à vous, et j’aurais du chagrin si vous n’étiez pas contente. – Vous avez bien de la bonté, dit la Belle. Je vous assure que je suis contente de votre coeur. Quand j’ypense, vous ne me paraissez plus si laid. – Oh ! dame, oui ! répondit la Bête. J’ai le coeur bon, mais je suis un monstre.– Il y a bien des hommes qui sont plus monstres que vous, dit la Belle, et je vous aime mieux avec votrefigure que ceux qui, avec la figure d’homme, cachent un coeur faux, corrompu, ingrat. – Si j’avais de l’esprit, reprit la Bête, je vous ferais un grand compliment pour vous remercier; mais je suisun stupide, et tout ce que je puis vous dire, c’est que je vous suis bien obligé . »La Belle soupa de bon appétit. Elle n’avait presque plus peur du monstre, mais elle manqua mourir defrayeur lorsqu’il lui dit : « La Belle, voulez-vous être ma femme ? »Elle fut quelque temps sans répondre: elle avait peur d’exciter la colère du monstre en refusant saproposition. Elle lui dit enfin en tremblant : « Non, la Bête. »Dans le moment, ce pauvre monstre voulut soupirer et il fit un sifflement si épouvantable que tout lepalais en retentit; mais la Belle fut bientôt rassurée, car la Bête, lui ayant dit tristement « Adieu donc, la Belle »; sortit de la chambre en se retournant de temps en temps pour la regarderencore. Belle, se voyant seule, sentit une grande compassion pour cette pauvre Bête.« Hélas ! disait-elle, c’est bien dommage qu’elle soit si laide, elle est si bonne ! »Belle passa trois mois dans ce palais avec assez de tranquillité. Tous les soirs, la Bête lui rendait visite etparlait avec elle pendant le souper avec assez de bon sens, mais jamais avec ce qu’on appelle esprit dans lemonde. Chaque jour, Belle découvrait de nouvelles bontés dans ce monstre : l’habitude de le voir l’avaitaccoutumée à sa laideur et, loin de craindre le moment de sa visite, elle regardait souvent sa montre pourvoir s’il était bientôt neuf heures, car la Bête ne manquait jamais de venir à cette heure-là.

Texte 2 Notre-Dame de Paris Victor Hugo (1831)

L’action se passe le 6 janvier 1482, jour des Rois et de la fête des Fous, qui marque l'ouverture du

carnaval qui durait deux mois. Le peuple de Paris va accorder le titre de pape des fous à l’homme qui fera la

plus belle grimace : les candidats, qui passent leur tête à travers la vitre brisée de la rosace au dessus d’une

petite chapelle, rivalisent de laideur.

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- Noël ! Noël ! Noël ! criait le peuple de toutes parts.C’était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace.

Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s’étaient succédé à cette lucarne sans réalisercet idéal du grotesque1 qui s’était construit dans les imaginations exaltées par l’orgie, il ne fallait rien moins, pourenlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d’éblouir l’assemblée. Maître Coppenole lui-mêmeapplaudit ; et Coplin Trouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvaitatteindre, s’avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n’essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce neztétraèdre2, de cette bouche en fer à cheval, de ce petit œil gauche obstrué d’un sourcil roux en broussailles tandisque l’œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là,comme les créneaux d’une forteresse, de cette lèvre calleuse3 sur laquelle une de ces dents empiétait comme ladéfense d’un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélangede malice, d’étonnement et de tristesse. Qu’on rêve, si l’on peut, cet ensemble.

L’acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureuxpape des fous. Mais c’est alors que la surprise et l’admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.

Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deuxépaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par-devant ; un système de cuisses et de jambes siétrangement fourvoyées qu’elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient àdeux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avectoute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d’agilité et de courage ; étrange exception à larègle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l’harmonie. Tel était le pape que les fousvenaient de se donner.

On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large

que haut, carré par la base, comme dit un grand homme, à son surtout mi-parti rouge et violet, semé decampaniles4 d’argent, et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-le-champ, et s’écria d’unevoix :- C’est Quasimodo, le sonneur de cloches ! C’est Quasimodo, le bossu de Notre-Dame ! Quasimodo le borgne !Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël !On voit que le pauvre diable avait des surnoms à choisir.- Gare les femmes grosses ! criaient les écoliers.- Ou qui ont envie de l'être, reprenait Joannes.Les femmes en effet se cachaient le visage.- Oh ! le vilain singe, disait l'une.- Aussi méchant que laid, reprenait une autre.- C'est le diable, ajoutait une troisième.- J'ai le malheur de demeurer auprès de Notre-Dame ;toute la nuit je l'entends rôder dans la gouttière.- Avec les chats.- Il est toujours sur nos toits.- Il nous jette des sorts par les cheminées.- L'autre soir, il est venu me faire la grimace à ma lucarne.Je croyais que c'était un homme. J'ai eu une peur !- Je suis sûre qu'il va au sabbat. Une fois, il a laissé un balai sur mes plombs. Charles Laughton dans Quasimodo

- Oh ! la déplaisante face de bossu ! Film de William Dieterle (1939)

- Oh ! la vilaine âme !- Buah !

1 Grotesque : qui fait rire par son apparence étrange 2 Tétraèdre : à quatre faces3 Calleux : épais et rugueux4 Campanile : petit clocher

Texte 3 Incendies (scène 25 Amitiés)Wajdi Mouawad (2003)

Incendies est le second volet d’une trilogie, qui comprend deux autres pièces Littoral et Forêts, trois

textes centrés autour de la recherche d’identité et la quête des origines. Au début de la pièce, Nawal

Marwan vient de mourir, et dans son testament elle demande à ses deux enfants d’aller à la recherche de

leurs origines, de quitter le Canada pour retourner au Liban, où se trouvent encore un frère et un père qu’ils

m’ont jamais connus. Ainsi la pièce va s’organiser autour du voyage entrepris par les deux jeunes gens , mais

aussi avec des retours en arrière permettant aux spectateurs de connaître la vie troublée de Nawal .

Ainsi, Nawal a été séparée du fils qu'elle a eu avec son amour de jeunesse quand elle avait 16 ans.

Trois ans plus tard, elle part à sa recherche sur les route du Liban, dévasté par la guerre civile. Sawda,

réfugiée du Sud, l'accompagne dans sa quête, elle souhaite que Nawal lui apprenne à lire.

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NAWAL. Réfléchis, Sawda! Tu es la victime et tu vas aller tuer tous ceux qui seront sur ton chemin, alors tuseras le bourreau, puis après, à ton tour tu seras la victime ! Toi tu sais chanter, Sawda, tu sais chanter.

SAWDA. Je ne peux pas ! Je ne veux pas me consoler, Nawal. Je ne veux pas que tes idées, tes images, tesparoles, tes yeux, ton amitié, toute notre vie côte à côte, je ne veux pas qu'ils me consolent de ce que j'aivu et entendu! Ils sont entrés dans les camps comme des fous furieux. Les premiers cris ont réveillé lesautres et rapidement on a entendu la fureur des miliciens! Ils ont commencé par lancer les enfants contrele mur, puis ils ont tué tous les hommes qu'ils ont pu trouver. Les garçons égorgés, les jeunes filles brûlées.Tout brûlait autour, Nawal, tout brûlait, tout cramait! Il y avait des vagues de sang qui coulaient desruelles. Les cris montaient des gorges et s'éteignaient et c'était une vie en moins. Un milicien préparaitl'exécution de trois frères. Il les a plaqués contre le mur. J'étais à leurs pieds, cachée dans le caniveau. Jevoyais le tremblement de leurs jambes. Trois frères. Les miliciens ont tiré leur mère par les cheveux, l'ontplantée devant ses fils et l'un d'eux lui a hurlé : « Choisis ! Choisis lequel tu veux sauver. Choisis! Choisis ouje les tue tous ! Tous les trois! Je compte jusqu'à trois, à trois je les tire tous les trois ! Choisis ! Choisis ! »Et elle, incapable de parole, incapable de rien, tournait la tête à droite et à gauche et regardait chacun deses trois fils ! Nawal, écoute-moi, je ne te raconte pas une histoire. Je te raconte une douleur qui esttombée à mes pieds. Je la voyais, entre le tremblement des jambes de ses fils. Avec ses seins trop lourds etson corps vieilli pour les avoir portés, ses trois fils. Et tout son corps hurlait : « Alors à quoi bon les avoirportés si c'est pour les voir ensanglantés contre un mur! » Et le milicien criait toujours: « Choisis! Choisis!»Alors elle l'a regardé et elle lui a dit, comme un dernier espoir : « Comment peux-tu, regarde-moi, jepourrais être ta mère ! » Alors il l'a frappée : « N'insulte pas ma mère ! Choisis » et elle a dit un nom, elle adit « Nidal. Nidal ! » Et elle est tombée et le milicien a abattu les deux plus jeunes. Il a laissé l'aîné en vie,tremblant ! Il l'a laissé et il est parti. Les deux corps sont tombés. La mère s'est relevée et au cœur de laville qui brûlait, qui pleurait de toute sa vapeur, elle s'est mise à hurler que c'était elle qui avait tué ses fils.Avec son corps trop lourd, elle disait qu'elle était l'assassin de ses enfants!

NAWAL Je comprends, Sawda, mais pour répondre à ça on ne peut pas faire n'importe quoi. Ecoute-moi.Ecoute ce que je te dis : le sang est sur nous et dans une situation pareille, les souffrances d'une mèrecomptent moins que la terrible machine qui nous broie. La douleur de cette femme, ta douleur, la mienne,celle de tous ceux qui sont morts cette nuit ne sont plus un scandale, mais une addition, une additionmonstrueuse qu'on ne peut pas calculer. Alors, toi, toi Sawda, toi qui récitais l'alphabet avec moi il y alongtemps sur le chemin du soleil, lorsque nous allions côte à côte pour retrouver mon fils né d'unehistoire d'amour comme celle que l'on ne nous raconte plus, toi, tu ne peux pas participer à cette additionmonstrueuse de la douleur. Tu ne peux pas.

SAWDA. Alors on fait quoi ? On fait quoi ? On reste les bras croisés ? On attend ? On comprend ? Oncomprend quoi ? On se dit que tout ça, ce sont des histoires entre des abrutis et que ça ne nous concernepas ! Qu'on reste dans nos livres et notre alphabet à trouver ça « tellement » joli, trouver ça « tellement »beau, trouver ça « tellement » extraordinaire et « tellement » intéressant ! « Joli. Beau. Intéressant.Extraordinaire » sont des crachats au visage des victimes. Des mots ! À quoi ça sert, les mots, dis-moi, siaujourd'hui je ne sais pas ce que je dois faire ! On fait quoi, Nawal ?

Lectures cursives - Littérature et culture de l'Antiquité Les créatures monstrueuses

Texte 1 Théogonie Hésiode - VIIIe siècle av. J.-C

traduction_Bignan - http://fr.wikisource.orgLe terme « théogonie » vient du nom theós qui signifie « dieu » et du verbe gennáô qui

signifie « engendrer ». Il s'agit donc d'un récit de l'origine des dieux. Elle joue un rôle fondateur

dans l’élaboration de la mythologie grecque.

Callirhoë1, au fond d'une caverne, produisit un autre enfant monstrueux, invincible et nullementsemblable aux hommes ou aux dieux, la divine Échidna au coeur intrépide, moitié Nymphe auxyeux noirs et aux belles joues, moitié serpent énorme et terrible, marqué de taches diverses et nourride chairs sanglantes dans les entrailles de la Terre sacrée. Ce monstre habite un antre profond dansle creux d'un rocher, loin des hommes et des Immortels : c'est là que les dieux lui assignèrent uneglorieuse demeure. Renfermée dans Arime, la fatale Echidna vivait sous la terre, toujours affranchiede la vieillesse et du trépas. Typhon, ce vent fougueux et redoutable, s'unit, dit-on, avec cetteNymphe aux yeux noirs [...] Échidna fit naître aussi la Chimère qui, exhalant des feuxinextinguibles, monstre terrible, énorme, rapide, infatigable, portait trois têtes, la première d'un lionfarouche, la seconde d'une chèvre, la troisième d'un dragon vigoureux ; lion par le haut de soncorps, dragon par derrière, chèvre par le milieu, elle vomissait avec un bruit affreux les tourbillonsd'une dévorante flamme. La Chimère succomba sous Pégase et sous le brave Bellérophon. Échidna,s'accouplant avec Orthos, engendra la Sphinx.

1. Callirhoë : fille de l'Océan

Texte 2 L'Odyssée (Chant XII v. 39 à 54) – Homère - fin du VIIIe siècle av. J.-Ctrad. Philippe Jaccottet (la découverte poche p199)

La magicienne Circé donne des conseils à Ulysse qui s'apprête à repartir en mer

D'abord tu croiseras les Sirènes qui ensorcellenttous les hommes, quiconque arrive en leurs parages.L'imprudent qui s'approche et prête l'oreille à la voixde ces Sirènes, son épouse et ses enfantsne pourront l'entourer ni fêter son retour chez lui.Car les Sirènes l'ensorcellent d'un chant clair,assises dans un pré, et l'on voit s'entasser près d'ellesles os des corps décomposés dont les chairs se réduisent. Passe devant sans t'arrêter ; bouche l'oreille de tes gens d'une cire de miel pétrie, afin qu'aucun d'entre eux n'entende ; écoute, toi, si tu le veux, mais que dans le navire ils te lient les pieds et les mains debout sur l'emplanture, en t'y attachant avec cordes, et tu pourras goûter la joie d'entendre les Sirènes. Mais, si tu les enjoins, les presses de te détacher, qu'ils resserrent alors l'emprise de tes liens

Texte 3 La Bibliothèque (Livre III, 5, 8) pseudo-Apollodore - IIe siècle av. J.-C.

« Pseudo-Apollodore » est le nom donné à l'auteur de la Bibliothèque, anciennement attribué

à Apollodore d'Athènes. On ne sait rien de sa vie ni de ses éventuelles autres œuvres. On s'accorde à penser

que l'œuvre a été écrite au Ier ou IIe siècle av. J.-C. La Bibliothèque est une sorte d'abrégé de la mythologie

grecque. C'est l'une des sources les plus complètes et les plus utiles sur le sujet, et il semble que le pseudo-

Apollodore ait été très fidèle à ses source :

Laïos fut enseveli par Damasistratos, le roi de Platées ; à Thèbes, Créon, fils de Ménécée, s'emparadu trône. Pendant son règne, Thèbes fut frappée d'un grave fléau. La déesse Héra y envoya le Sphinx, filsd'Échidna et de Typhon ; il avait le visage d'une femme, la poitrine, les pattes et la queue d'un lion, et lesailes d'un oiseau. Les Muses lui avaient appris une énigme. Installé sur le mont Phicium, il posait cetteénigme aux Thébains. Il disait : " Quel être est pourvu d'une seule voix, qui a d'abord quatre jambes, puis

deux jambes, et trois jambes ensuite ? " Les Thébains avaient reçu un oracle, selon lequel ils seraientdélivrés du Sphinx, seulement lorsqu'ils auraient résolu cette énigme. Aussi souvent se réunissaient-ils pouren deviner la signification. Mais comme ils n'y parvenaient pas, le Sphinx se saisissait de l'un d'eux et ledévorait. Nombreux étaient ceux qui avaient ainsi péri, et le dernier en date, Hémon, le fils de Créon. AlorsCréon proclama que celui qui réussirait à résoudre l'énigme du Sphinx obtiendrait le royaume et la veuve deLaïos comme épouse. Ayant entendu cela, Oedipe trouva la solution : il s'agissait de l'homme. De fait,lorsqu'il est enfant, il a quatre jambes, car il se déplace à quatre pattes ; adulte, il marche sur deux jambes ;quand il est vieux, il a trois jambes, lorsqu'il s'appuie sur son bâton. Le Sphinx se jeta du haut de son rocher.Oedipe obtint le règne et, sans le savoir, il épousa sa mère ; il eut deux fils, Étéocle et Polynice, et deuxfilles, Ismène et Antigone. Certains soutiennent qu'il eut ses enfants d'Euryganie, la fille d'Hyperphas.

Texte 4 Les Métamorphoses (livre quatrième) Ovide - Ier siècle ap. J.C. trad. G Fafaye ldp p161-162

Persée , fils de Danaé et de Jupiter, raconte au cours d'un banquet comment il a vaincu Méduse.

« Au pied de l'Atlas glacé, il est un lieu que protège un solide rempart de rochers ; à l'entréehabitaient deux soeurs, filles de Phorcys, qui n'avaient qu'un seul oeil, dont elles se servaient à tour de rôle ;pendant que l'une le remettait à l'autre, je le dérobe par une ruse habile, en substituant ma main à celle quidevait le recevoir ; puis, à travers des retraites cachées à tous les regards, inaccessibles, à travers desrochers hérissés, je parviens à le demeure des Gorgones ; ça et là, dans les champs et sur les routes, j'avaisvu des figures d'hommes et d'animaux qui; ayant perdu leur forme première avaient été changées en pierreà l'aspect de Méduse ; mais je ne regardai que le reflet de son visage hideux dans le bronze du bouclier quetenait ma main gauche et, quand un lourd sommeil se fut emparé d'elle et de ses couleuvres, je détachai satête de son cou « . Persée raconte comme Pégase aux ailes rapides et son frère naquirent du sang deMéduse [...] Alors l'un des nobles convives prend à son tour la parole ; il lui demande pourquoi, seule entreplusieurs soeurs, Méduse portait des serpents entremêlés à ses cheveux. L'hôte du roi lui répond : « Ce quetu me demandes mérite d'être rapporté ; apprends donc la cause du prodige qui provoque ta question.Célèbre par sa beauté, Méduse fut recherchée par un grand nombre de prétendants qui se la disputaientjalousement ; il n'y avait dans toute sa personne rien de si admirable que ses cheveux ; j'ai connu quelqu'unqui assurait l'avoir vue. Le souverain des mers la déshonora, dit-on, dans un temple de Minerve ; la fille deJupiter se détourna, couvrit de son égide son chaste visage et, pour ne pas laisser puni un tel attentat, ellechangea les cheveux de Gorgone en serpents affreux. Aujourd'hui encore, pour frapper ses ennemisd'épouvante et d'horreur, elle porte devant sa poitrine les serpents qu'elle a fait naître ».

Texte 5 Histoire Naturelle, (livre VII) Pline l'Ancien – Ier siècle ap. J.C.http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/pline_hist_nat_07/ligne05.cfm?numligne=3&mot=ob

Dans L’Histoire naturelle, œuvre en prose de 37 livres, Pline l'Ancien, compile le plus grand nombre

possible d’informations et de culture générale indispensables à l’homme romain cultivé. Cette

monumentale encyclopédie a longtemps été la référence en matière de connaissances scientifiques et

techniques. Pour la réaliser, Pline dit avoir consulté 2 000 ouvrages dus à 500 auteurs différents. Livre VII est

consacré à l'Anthropologie et à la physiologie humaine.

Ctésias a écrit que dans beaucoup de montagnes une race d'hommes à têtes de chien s'habille avecdes peaux de bête, aboie au lieu de parler, et, armée de griffes, se nourrit du produit de sa chasse sur lesquadrupèdes et les oiseaux : il ajoute qu'il y en avait plus de 120.000 en moment où il écrivait ; il rapporteaussi que dans une certaine nation indienne les femmes n'engendrent qu'une fois dans leur vie, et que leursenfants prennent aussitôt une chevelure blanche. Il parle aussi d'hommes appelés Monocoles (monos,unique, kôlon, jambe), qui n'ont qu'une jambe et qui sautent avec une agilité extrême ; il dit qu'on lesnomme aussi Sciapodes (skia, ombre, pous, pied), parce que dans les grandes chaleurs, couchés par terresur le dos, ils se détendent du soleil par l'ombre de leur pied ; qu'ils ne sont pas loin des Troglodytes ; et queprès d'eux, à l'occident, se trouvent d'autres hommes qui, privés de cou, ont les yeux dans les épaules. Il y ades satyres dans les montagnes indiennes situées au levant équinoxial : le pays est dit des Catharcludes. Cessatyres sont très rapides ; ils courent tant à quatre pattes que sur leurs deux pieds : ils ont la face humaine,et leur agilité fait qu'on ne les prend que vieux ou malades. Tauron donne le nom de nation desChoromandes à une race sauvage, privée de sois, poussant des cris horriblement stridents, ayant le corpsvelu, les yeux glauques, des dents de chien. Eudoxe prétend que dans le midi de l'Inde les hommes ont lepied long d'une coudée, et les femmes si petit qu'on les appelle Struthopodes (stroudos, moineau, pous,pied, pied de moineau). Mégasthène mentionne une nation d'entre les Nomades de l'Inde qui n'a que destrous pour narine, et des pieds flexibles comme le corps des serpents ; on la nomme les Scyrites .

HISTOIRE DES ARTS : Le monstre dans l'Antiquité

A - Un Lécythe – vase antique destiné à stocker de l'huile parfumée

(Ve s. av. J.C.) - Thèbes – musée du Louvres___________________________________

B- mosaïque

(IIe siècle ap J. C.)Hadrumète – musée archéologique de Sousse (Tunisie)_________________________

D- Statue en bronze (Ve siècle av. J.C)

Arezzo – Musée archéologique de Florence

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C- Un Stamnos – vase grec

destiné à mélanger du vin (Ve s. av. J.C.) Vulcie – Bristish Museum

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HISTOIRE DES ARTS

La Belle et la Bête - Jean Cocteau (1946)https://www.youtube.com/watch?v=0aUKrOMrtPk

analyse d'une séquence : la rencontre entre la Belle et la Bête

Corpus : le géant

Texte 1 Gargantua François RABELAIS 1534Translation en français moderne de Guy Demerson – édition Points Seuil p279-281

Chapitre XVIII - Comment Gargantua mangea six pèlerins en salade

Gargantua relate la naissance, l'éducation et les aventures d'un géant. Le héros éponyme est nommé ainsi

par son père, qui remarquant à sa naissance la grande faim du nourrisson, s'exclame : « Que grand tu

as ! », faisant référence au gosier.

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Notre sujet veut que nous racontions ce qui arriva à six pèlerins qui venaient de Saint-Sébastien, près de Nantes. Pour se loger, cette nuit-là, de peur des ennemis, ils s'étaient cachés aujardin sur les fanes1 de pois, entre les choux et les laitues.

Gargantua, qui se sentait quelque peu l'estomac creux, demanda si l'on pourrait trouver deslaitues pour faire une salade; apprenant qu'il y en avait qui étaient parmi les plus belles et les plusgrandes du pays, car elles étaient grandes comme des pruniers ou des noyers, il voulut y aller lui-même et ramassa à la main ce qui lui sembla bon. En même temps, il ramassa les six pèlerins quiavaient une si grande peur qu'ils n'osaient parler ni tousser.

Comme il commençait par les laver à la fontaine, les pèlerins se disaient l'un à l'autre à voixbasse : « Que faut-il fait? Nous nous noyons ici, au milieu de ces laitues. Parlerons-nous? Mais si nousparlons, il va nous tuer comme espions. » Comme ils délibéraient ainsi, Gargantua les mit avec seslaitues dans un plat de la maison, grand comme la tonne de Citeaux2 , et commença à les mangeravec huile, vinaigre et sel pour se rafraîchir avant de souper. Il avait déjà avalé cinq des pèlerins. Lesixième restait dans le plat, caché sous une laitue et seul son bourdon3 dépassait. En le voyant,Grandgousier dit à Gargantua : « Je crois que c'est là une corne de limaçon. Ne mangez pas ça.- Pourquoi ? dit Gargantua. Il sont bons tout ce mois-ci. »

Et, tirant le bourdon, il souleva en même temps le pèlerin et il le mangeait bel et bien. Puis ilbut une effrayante rasade de vin de pineau et ils attendirent que l'on apprêtât le souper.

Les pèlerins ainsi dévorés s'écartèrent du mieux qu'ils purent de la meule de ses dents ; ilspensaient qu'on les avait jetés dans quelque basse fosse des prisons et, quand Gargantua but sagrande rasade ils crurent se noyer dans sa bouche : le torrent de vin faillit les entraîner jusqu'augouffre de son estomac. Toutefois, en sautant avec leurs bourdons comme le font les pèlerins deSaint-Michel, ils se dégagèrent à la lisière des dents. Mais, par malheur, l'un d'eux, tâtant le terrainavec son bourdon pour savoir s'il était en sécurité, frappa rudement dans le creux d'une dent gâtéeet heurta le nerf de la mâchoire, ce qui causa une très vive douleur à Gargantua qui commença àcrier, sous l'effet de la rage qu'il endurait. Donc, pour soulager son mal, il fit apporter son cure-dentet, sortant sous le noyer grollier, il vous dénicha messieurs les pèlerins, car il en extirpait un par lesjambes, un autre par les épaules, un autre par la besace, un autre par la bourse, un autre parl'écharpe ; quant au pauvre hère qui l'avait frappé de son bourdon, il l'accrocha par la braguette ;toutefois, ce fut une chance pour lui, car il lui perça une enflure chancreuse 4 qui le martyrisaitdepuis qu'il avait dépassé Ancenis.

C'est ainsi que les pèlerins dénichés s'enfuirent à travers les vignes au grand trot et ques'apaisa la douleur.

1. les fanes : les tiges2. La tonne de Cîteaux : l'énorme Cuve de l'abbaye bourguignonne de Cîteau était très célèbre3. bourdon : bâton de pèlerin, dont la partie supérieure a la forme d'une crosse4. chancreux : blessure souvent causée par la syphilis

Texte 2 «Le Petit Poucet », dans Histoires, ou Contes du temps passé Charles PERRAULT 1697

Abandonnés par leurs parents, le Petit Poucet et ses frères sont perdus dans la forêt. Ils trouvent

refuge dans une maison, qui est celle d'un Ogre.

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Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent heurter trois ou quatre grands coups à la porte: c’était l’Ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le lit, et alla ouvrir la porte. L’Ogredemanda d’abord si le souper était prêt, et si on avait tiré du vin, et aussitôt il se mit à table. Lemouton était encore tout sanglant, mais il ne lui en sembla que meilleur. Il reniflait à droite et àgauche, disant qu’il sentait la chair fraîche. « Il faut, lui dit sa femme, que ce soit ce veau que je viensd’habiller que vous sentez – Je sens la chair fraîche, te dis-je encore une fois, reprit l’Ogre enregardant sa femme de travers, et il y a ici quelque chose que je n’entends pas. » En disant ces mots, ilse leva de table, et alla droit au lit. « Ah ! dit-il, voilà donc comme tu veux me tromper, mauditefemme ! Je ne sais à quoi il tient que je ne te mange aussi : bien t’en prend d’être une vieille bête.Voilà du gibier qui me vient bien à propos pour traiter trois ogres de mes amis qui doivent me venirvoir ces jours ici. » Il les tira de dessous le lit l’un après l’autre. Ces pauvres enfants se mirent à genouxen lui demandant pardon ; mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui bien loin d’avoirde la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce serait là de friands morceaux,lorsqu’elle leur aurait fait une bonne sauce. Il alla prendre un grand couteau, et en s’approchant deces pauvres enfants, il l’aiguisait sur une longue pierre qu’il tenait à sa main gauche. Il en avait déjàempoigné un, lorsque sa femme lui dit : « Que voulez-vous faire à l’heure qu’il est ? N’aurez-vous pasassez de temps demain? – Tais-toi , reprit l’Ogre, ils en seront plus mortifiés. – Mais vous avez encorelà tant de viande, reprit sa femme, voilà un veau, deux moutons et la moitié d’un cochon ! – Tu asraison, dit l’Ogre, donne-leur bien à souper afin qu’ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher. »La bonne femme fut ravie de joie, et leur porta bien à souper, mais ils ne purent manger tant ilsétaient saisis de peur. Quant à l’Ogre, il se remit à boire, ravi d’avoir de quoi si bien régaler ses amis. Ilbut une douzaine de coups de plus qu’à l’ordinaire ; ce qui lui donna un peu mal à la tête, et l’obligea àaller se coucher. L’Ogre avait sept filles, qui n’étaient encore que des enfants. Ces petites ogressesavaient toutes le teint fort beau, parce qu’elles mangeaient de la chair fraîche comme leur père ; maiselles avaient de petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu et une fort grande bouche, avec delongues dents fort aiguës et fort éloignées l’une de l’autre. Elles n’étaient pas encore fort méchantes ;mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang.

Gravure de Gustave Doré pour l'édition de 1862

Texte 3 Micromégas VOLTAIRE 1752

Chapitre V : expériences et raisonnements des deux voyageurs

Micromégas,un géant de huit lieues de haut (environ 40 km) originaire de la planète Sirius rencontre un

habitant de Saturne (haut de 6000 pieds). Ils voyagent ensemble jusqu'à la planète Terre qui leur semble

déserte : ils n'arrivent pas à apercevoir les habitants. Ils utilisent un diamant comme microscope et

examinent d'abord une baleine dans la mer Baltique. Ils aperçoivent alors un navire qui revient du cercle

polaire.

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Micromégas étendit la main tout doucement vers l'endroit où l'objet paraissait, et avançant deuxdoigts, et les retirant par la crainte de se tromper, puis les ouvrant et les serrant, il saisit fortadroitement le vaisseau qui portait ces messieurs, et le mit encore sur son ongle, sans le trop presser,de peur de l'écraser. « Voici un animal bien différent du premier », dit le nain de Saturne ; le Sirien mitle prétendu animal dans le creux de sa main. Les passagers et les gens de l'équipage, qui s'étaient crusenlevés par un ouragan, et qui se croyaient sur une espèce de rocher, se mettent tous en mouvement ;les matelots prennent des tonneaux de vin, les jettent sur la main de Micromégas, et se précipitentaprès. Les géomètres prennent leurs quarts de cercle, leurs secteurs, et des filles laponnes5, etdescendent sur les doigts du Sirien. Ils en firent tant qu'il sentit enfin remuer quelque chose qui luichatouillait les doigts : c'était un bâton ferré qu'on lui enfonçait d'un pied dans l'index ; il jugea, par cepicotement, qu'il était sorti quelque chose du petit animal qu'il tenait ; mais il n'en soupçonna pasd'abord davantage. Le microscope, qui faisait à peine discerner une baleine et un vaisseau, n'avaitpoint de prise sur un être aussi imperceptible que des hommes. Je ne prétends choquer ici la vanité depersonne, mais je suis obligé de prier les importants de faire ici une petite remarque avec moi : c'estqu'en prenant la taille des hommes d'environ cinq pieds6, nous ne faisons pas sur la terre une plusgrande figure qu'en ferait sur une boule de dix pieds de tour un animal qui aurait à peu près la sixcent millième partie d'un pouce7 en hauteur. Figurez-vous une substance qui pourrait tenir la terredans sa main, et qui aurait des organes en proportion des nôtres ; et il se peut très bien faire qu'il y aitun grand nombre de ces substances : or concevez, je vous prie, ce qu'elles penseraient de ces bataillesqui nous ont valu deux villages qu'il a fallu rendre.

Je ne doute pas que si quelque capitaine des grands grenadiers lit jamais cet ouvrage, il nehausse de deux grands pieds au moins les bonnets de sa troupe ; mais je l'avertis qu'il aura beau faire,et que lui et les siens ne seront jamais que des infiniment petits.

Quelle adresse merveilleuse ne fallut-il donc pas à notre philosophe de Sirius pour apercevoirles atomes dont je viens de parler ? Quand Leuwenhoek8 et Hartsoeker9 virent les premiers, ou crurentvoir la graine dont nous sommes formés, ils ne firent pas à beaucoup près une si étonnantedécouverte. Quel plaisir sentit Micromégas en voyant remuer ces petites machines, en examinant tousleurs tours, en les suivant dans toutes leurs opérations ! comme il s'écria ! comme il mit avec joie unde ses microscopes dans les mains de son compagnon de voyage ! « Je les vois, disaient-ils tous deux àla fois ; ne les voyez-vous pas qui portent des fardeaux, qui se baissent, qui se relèvent. » En parlantainsi les mains leur tremblaient, par le plaisir de voir des objets si nouveaux et par la crainte de lesperdre. Le Saturnien, passant d'un excès de défiance à un excès de crédulité, crut apercevoir qu'ilstravaillaient à la propagation. Ah !, disait-il, j'ai pris la nature sur le fait. Mais il se trompait sur lesapparences : ce qui n'arrive que trop, soit qu'on se serve ou non de microscopes.

5 quart de cercle : instrument, qui sert à prendre les hauteurs, secteur astronomique : instrument d'observation des astres - 6 un pied : environ 0,324 mètre, donc 1m607 un pouce : environ 0,027 mètre

8Leuwenhoek naturaliste hollandais (1632- 1723) qui, le premier, démontra, la circulation du sang, et décrivit la forme des globulesqui le composent. Il fit connaître la structure lamellaire du cristallin et en donna d'excellents dessins.

9 Haktsoeker savant hollandais (1656 -1725) perfectionna le microscope et le télescope.

HISTOIRE DES ARTS

Etude d'une séquence de Valse avec Bachir documentaire d'animation – Ari Folman – 2008

Le témoignage de Dror Harazi