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437 SUR L'EPITRE AUX EPHESIENS. 438 et qu'il soit comme un blanc auquel on tire pour se rebecquer : qu'il ne laisse point toutesfois de nous estre tousiours une pierre precieuse, comme sainct Pierre nous advertit au second chapitre de sa pre- miere Canonique. Voilà donc comme en oyant ces promesses que nous monstre sainct Paul, nous devons estre d'un costé attirez à nostre Seigneur Iesus Christ pour nous y adonner du tout, et pour oublier toutes les choses qui semblent estre les plus excellentes en ce monde. Et d'autre part, que nous craignions que nostre ingratitude ne soit punie, quand nous ne daignerons pas le recevoir comme une pierre precieuse, comme nous voyons que Dieu prononce que gist tout nostre bien, c'est à sçavoir que nous soyons son temple, et qu'il soit invoque au milieu de nous. Que donc nous facions nostre profit d'un tel bien et si inestimable, et que nous y crois- sions et profitions tousiours, iusques à ce que nous parvenions à cest heritage celeste, auquel nous au- rons pleine iouissance de tous les biens que main- tenant il nous fait sentir par foy. Or nous-nous prosternerons devant la maiesté de nostre bon Dieu etc. SEIZIEME SERMON. Chap. III, v. 1—6. Combien que chacun de nous confesse que la doctrine de l'Evangile apporte tousiours fascherie et persecution, pource qu'elle est haye du monde, mais que pour cela il ne nous faut point estonner ne reculer: si est-ce qu'il nous est tant difficile de prattiquer ce que nous confessons, qu'il n'y a celuy quasi qui ne se trouble et ne soit presques en branle si les ennemis de Dieu dressent quelque es- motion, ou quand nous voyons le povres fideles estre cruellement traitez par eux. Tant y a que cela nous doit servir pour confirmation de nostre foy, quand les hommes qui de nature sont fragiles, ne craignent point d'exposer leur propre vie pour rendre tesmoignage à la verité de Dieu. Quand donc la vertu du 8. Esprit apparoist toute manifeste, cela (si nous n'estions par trop aveuglez d'ingratitude) nous doit tant plus certifier: mais d'autant que nous en faisons mal nostre profit, il est besoin que nous soyons exhortez, comme 8. Paul aussi le fait en ce passage. Quand nous verrons que le diable suscite ses supposts pour exercer toute tyrannie contre les enfans de Dieu, que cela n'esbranle point nostre foy. Et mesmes si les fideles endurent patiemment tout ce qui est possible pour maintenir la verité qu'ils ont cognue, et ont aussi une vraye perse- verance sans flechir, cela (comme i'ay dit) ne doit point estre perdu. Et voilà pourquoy aussi S. Paul en d'autres passages dit qu'il souffre pour le salut de l'Eglise: non pas qu'il peust acquerir ni remis- sion des pechez, ni aucune grace par sa mort: mais pource que l'Evangile est la puissance de Dieu en salut à tous croyans, et d'autant plus que nous y sommes avancez, cela aussi nous fait approcher de Dieu et de la vie eternelle. Sainct Paul donc a souffert pour l'instruction de ceux qui auparavant avoyent esté enseignez de sa bouche: car ils cog- noissoyent que c'estoit à bon escient qu'il avoit parlé, quand il n'espargnoit point son sang et sa propre vie pour seeller et ratifier la doctrine qu'il leur avoit portee. Autant en est-il fait en ce passage: car il dit qu'il a esté ambassade pour les Payens, voire com- bien qu'il soit prisonnier de Iesus Christ. Il est vray que ces deux choses semblent bien estre di- verses, quasi comme le feu et l'eau. Car Iesus Christ ne peut-il mieux honorer ceux qu'il envoye en son nom et qui le representent, que de les ex- poser à tout opprobre et contumelie du monde? Mais sainct Paul, comme en d'autres lieux, n'a point fait difficulté de se glorifier en sa prison et en ses liens. Il est vray qu'il estoit detenu comme malfaicteur: mais cependant il avoit tesmoignage non seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes, qu'il souffroit iniustement pour avoir exercé sa charge et son office, et pour avoir, en somme, fidelement servi à Dieu. Ainsi ne trouvons point estrange que d'un costé il s'appelle prisonnier, et de l'autre costé il soit messager du Dieu vivant, voire comme representant sa personne et dignité. Or ce n'est point sans cause qu'il adiouste le nom de Iesus Christ: car la prison en general pourroit donner quelque opinion mauvaise, pource que selon l'ordre de iustice les malefices sont chastiez. Mais la cause distingue entre les malfaicteurs et entre les tesmoins de Dieu et de nostre Seigneur Iesus Christ. Voilà pourquoy S. Paul ne se nomme pas simplement et sans exception prisonnier: mais il monstre la cause pourquoy, et que Iesus Christ l'advoue, comme s'il estoit en ostage pour luy. Ainsi, nous sommes admonnestez par ceste sentence 28*

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et qu'il soit comme un blanc auquel on tire pourse rebecquer : qu'il ne laisse point toutesfois de nousestre tousiours une pierre precieuse, comme sainctPierre nous advertit au second chapitre de sa pre-miere Canonique.

Voilà donc comme en oyant ces promesses quenous monstre sainct Paul, nous devons estre d'uncosté attirez à nostre Seigneur Iesus Christ pournous y adonner du tout, et pour oublier toutes leschoses qui semblent estre les plus excellentes ence monde. Et d'autre part, que nous craignionsque nostre ingratitude ne soit punie, quand nous

ne daignerons pas le recevoir comme une pierreprecieuse, comme nous voyons que Dieu prononceque là gist tout nostre bien, c'est à sçavoir quenous soyons son temple, et qu'il soit invoque aumilieu de nous. Que donc nous facions nostre profitd'un tel bien et si inestimable, et que nous y crois-sions et profitions tousiours, iusques à ce que nousparvenions à cest heritage celeste, auquel nous au-rons pleine iouissance de tous les biens que main-tenant il nous fait sentir par foy.

Or nous-nous prosternerons devant la maiestéde nostre bon Dieu etc.

SEIZIEME SERMON.Chap. III, v. 1—6.

Combien que chacun de nous confesse que ladoctrine de l'Evangile apporte tousiours fascherieet persecution, pource qu'elle est haye du monde,mais que pour cela il ne nous faut point estonnerne reculer: si est-ce qu'il nous est tant difficile deprattiquer ce que nous confessons, qu'il n'y a celuyquasi qui ne se trouble et ne soit presques enbranle si les ennemis de Dieu dressent quelque es-motion, ou quand nous voyons le povres fideles estrecruellement traitez par eux. Tant y a que celanous doit servir pour confirmation de nostre foy,quand les hommes qui de nature sont fragiles, necraignent point d'exposer leur propre vie pour rendretesmoignage à la verité de Dieu. Quand donc lavertu du 8. Esprit apparoist toute manifeste, cela(si nous n'estions par trop aveuglez d'ingratitude)nous doit tant plus certifier: mais d'autant que nousen faisons mal nostre profit, il est besoin que noussoyons exhortez, comme 8. Paul aussi le fait en cepassage. Quand nous verrons que le diable susciteses supposts pour exercer toute tyrannie contre lesenfans de Dieu, que cela n'esbranle point nostrefoy. Et mesmes si les fideles endurent patiemmenttout ce qui est possible pour maintenir la veritéqu'ils ont cognue, et ont aussi une vraye perse-verance sans flechir, cela (comme i'ay dit) ne doitpoint estre perdu. Et voilà pourquoy aussi S. Paulen d'autres passages dit qu'il souffre pour le salutde l'Eglise: non pas qu'il peust acquerir ni remis-sion des pechez, ni aucune grace par sa mort: maispource que l'Evangile est la puissance de Dieu ensalut à tous croyans, et d'autant plus que nous ysommes avancez, cela aussi nous fait approcher deDieu et de la vie eternelle. Sainct Paul donc a

souffert pour l'instruction de ceux qui auparavantavoyent esté enseignez de sa bouche: car ils cog-noissoyent que c'estoit à bon escient qu'il avoitparlé, quand il n'espargnoit point son sang et sapropre vie pour seeller et ratifier la doctrine qu'illeur avoit portee.

Autant en est-il fait en ce passage: car il ditqu'il a esté ambassade pour les Payens, voire com-bien qu'il soit prisonnier de Iesus Christ. Il estvray que ces deux choses semblent bien estre di-verses, quasi comme le feu et l'eau. Car IesusChrist ne peut-il mieux honorer ceux qu'il envoyeen son nom et qui le representent, que de les ex-poser à tout opprobre et contumelie du monde?Mais sainct Paul, comme en d'autres lieux, n'apoint fait difficulté de se glorifier en sa prison eten ses liens. Il est vray qu'il estoit detenu commemalfaicteur: mais cependant il avoit tesmoignagenon seulement devant Dieu, mais aussi devant leshommes, qu'il souffroit iniustement pour avoir exercésa charge et son office, et pour avoir, en somme,fidelement servi à Dieu. Ainsi ne trouvons pointestrange que d'un costé il s'appelle prisonnier, etde l'autre costé il soit messager du Dieu vivant,voire comme representant sa personne et dignité.Or ce n'est point sans cause qu'il adiouste le nomde Iesus Christ: car la prison en general pourroitdonner quelque opinion mauvaise, pource que selonl'ordre de iustice les malefices sont là chastiez.Mais la cause distingue entre les malfaicteurs etentre les tesmoins de Dieu et de nostre SeigneurIesus Christ. Voilà pourquoy S. Paul ne se nommepas simplement et sans exception prisonnier: maisil monstre la cause pourquoy, et que Iesus Christl'advoue, comme s'il estoit en ostage pour luy.Ainsi, nous sommes admonnestez par ceste sentence

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de recevoir la doctrine de S. Paul en plus grandeauthorité, veu qu'il Ta si bien ratifiee. Si seule-ment ii eust executé la commission qui luy estoitdonnee en preschant, desia nous devrions estimerl'obeissance qu'il a rendue à Dieu: mais il y ales miracles, il y a tant de troubles et fascheriesqu'il a endurees, finalement la prison et la mort:quand nous voyons qu'en tout cela il n'a pointlaissé de perseverer constamment, et qu'il a vaincutous les combats que Satan et les malins de cemonde luy ont peu susciter, il est certain que nousavons confirmation plus ample de la doctrine la-quelle auiourd'huy sert à nostre usage. Et ainsin'estimons pas, quand il nous est parlé de sainctPaul et de tant d'alarmes qu'il a soustenuës, quecela soit superflu ni inutile: car c'est tousiours pourapprobation plus certaine de sa doctrine, à fin quenous sçachions qu'elle n'est point d'un hommemortel, mais qu'elle est du Dieu vivant, lequelaussi l'avoit fortifié par son sainct Esprit d'uneconstance invincible. Or cela est bien dit de lapersonne de sainct Paul: mais il le faut estendreplus loin. Car Dieu a voulu et ordonné que lesautres Apostres souffrissent aussi bien. Et mesmesil est dit de sainct Pierre, que quand il sera deve-nu vieil, qu'on le ceindra d'une façon qu'il n'avoitpoint accoustumee, qu'il sera tenu en liens estroicts,et qu'on le menera où il ce voudra point, voireselon l'infirmité de sa chair, combien qu'il eust uneaffection spirituelle d'obeir à Dieu. Nous voyonsdonc en somme comme les serviteurs de Dieu ontsouffert, non point seulement deux ou trois, mais àfin qu'il y eust comme une grosse nuee et espesse:ainsi que l'Apostre en parle au douzieme chap. del'Epistre aux Hebrieux. Puis qu'ainsi est donc,que nous facions valoir telles aides: car il est cer-tain que Dieu a voulu supporter nostre foiblesse,d'autant qu'il a adiousté avec sa parole (qui devoitestre assez authentique de soy-mesme) telles aides,à ce qu'elle ne fust plus en doute ni question.

Voilà donc ce que nous avons à retenir, c'estque le sang qui a esté espandu et des Apostres etdes Martyrs pour ratifier la doctrine de l'Evangile,nous est comme une centaine de seaux, voire unmillion, à ce que nous recevions en pleine certitudetout ce qui est contenu en leur doctrine. Vray estque nostre foy doit estre fondee sur l'authorité dusainct Esprit: et quand Dieu n'eust eu nul martyrpour monstrer que la verité de l'Evangile estoitferme et certaine, cela nous devroit contenter quec'est luy qui parle. Et puis nous avons veu cidessus, que la verité sera tousiours en doute, iusquesà ce que le sainct Esprit la seellé en nos coeurs.Et pour ceste cause aussi il est appelé nostre arre,pource qu'il nous certifie de l'heritage que nous es-perons, selon qu'il nous est promis, et qu'il nous a

esté acquis si cherement par le sang de nostreSeigneur Iesus Christ. Maintenant pour le dernierdegré il nous faut venir à l'experience que nousavons auiourd'huy: car encores le sang des Mar-tyrs coule: et Dieu pourroit bien empescher queles meschans ne se ruassent point ainsi à brideavallee sur les povres fideles : il pourroit bien chan-ger toute leur felonnie et rebellion: et combienqu'ils soyent loups ravissans, il les pourroit rendrecomme moutons et brebis: il est bien certain. Maisd'un costé il ordonne que Satan les pousse et in-cite à une telle rage, et puis il leur donne licenceet congé de molester les fideles. Et pourquoy?A fin que nous cognoissions quelle est la vertu deson sainct Esprit, quand il luy plaist de nous con-duire et gouverner. Car (comme desia nous avonsdeclaré) la foiblesse des hommes est telle, qu'il nefaut qu'une fueille se remuer en un arbre pour lesfaire trembler: et puis nous sçavons que la mortde soy est horrible. Il faut donc conclure queDieu desploye une grace admirable, quand il fortifieainsi les siens, et qu'ils ne sont point estonnez pournulle menace, quand ils voyent les feux allumez,et que les ennemis et les tyrans ne se contententpas d'une mort simple, mais qu'ils adioustent à celales tormens les plus tyranniques qu'on peut inven-ter. Quand donc les Martyrs perseverent en telleconstance, là cognoit-on que Dieu y a mis la main.Et ainsi, ne laissons point tumber ce sang à terre,quand nous oyons dire qu'on les traitte si cruelle-ment pour la parole de Dieu, et que les uns s'ilsreschappent, se sont toutesfois preparez a mourir:les autres cognoissent que leur mort sera precieusedevant les yeux du Seigneur et s'offrent là en sa-crifice d'un courage alaigre. Quand nous oyonstoutes ces choses, gardons bien de laisser perir ceque Dieu a ordonné pour nostre edification, et quenous soyons d'autant plus confermez en nostre foy.Car combien que nous devions estre enseignez parla predication, si est-ce que nous devons estre bienconfermez, quand la parole de Dieu non seulementse prononce, mais aussi qu'elle est ainsi seellee. Iln'est pas donc question qu'elle soit revoquee endoute pour en disputer comme d'une chose incer-taine: mais ceux ausquels Dieu a fait ceste graceet qu'il a poussez par son S. Esprit iusques là, desouffrir pour sa verité, sont fideles tesmoins queleur sang est pour donner pleine signature à saparole, à fin que nous y soyons tant mieux resolus.Voilà donc ce que nous avons à retenir de ce pas-sage. Et combien que les ennemis de l'Evangilefacent leurs triomphes, et qu'ils desgorgent le feu,qu'ils ayent leurs grandes bravetez pour obscurcirtout ce qui est de Dieu : que nous ne laissions pastoutesfois de nous glorifier, voyant que tous cescombats qui sont dressez par l'astuce de Satan

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contre les fideles, sont convertis de Dieu en cou-ronnes, et leur fait surmonter tout ce qui sembleestre pour les aneantir et pour les mener à perdi-tion. Yoilà donc en somme ce que nous avonsencores à observer, c'est que nous ne soyons pointdesbaucbez, voyant que les meschans et les con-tempteurs de Dieu, et toutes gens profanes se mo-quent de nostre simplicité, quand nos freres endu-rent: mais que nous sçachions que les prisonsausquelles ils sont detenus, les feux pleins d'igno-minie sont plus dignes et plus excellens que nesont pas tous les sieges où sont tant de iuges quisont comme supposts de Satan et comme brigans:mesmes plus que tous les sieges des Rois et desPrinces, combien qu'ils se magnifient en leurgrandeur.

Or là dessus S. Paul adiouste, Aussi vous avezouy la dispensation de Ia grace de Dieu qui m'aestê commise, selon que ie vous Vay escrit en bref,ainsi que par revelation il m'a declaré le secret: etvous pourrez mieux entendre la cognoissance du secretque Vay de Iesus Christ Ici S. Paul veut approu-ver qu'il a esté constitué Apostre, non point qu'ilse soit ingeré par temerité ou folie, non point qu'ilait esté avancé par faveur des hommes, ou qu'ilait esté poussé par cas fortuit, mais ç'a esté par labonté gratuite de Dieu. Or ce n'est point seule-ment ici qu'il combat pour sa vocation, c'est à direpour monstrer qu'il estoit Apostre envoyé de Dieuet approuvé: mais en plusieurs passages il insistelà dessus. Il est vray qu'il ne luy chaloit point desa personne: mais la certitude des fideles dependoitde là. Quand nous venons pour ouir l'Evangile,si nous n'avons cela bien persuadé que celuy quiparle est envoyé de Dieu, il est certain que nouspourrons bien concevoir quelque opinion volage:mais iamais nous ne serons asseurez et n'auronsnul repos. Il faut bien donc que ceci aille devant,c'est à sçavoir que ceux qui nous enseignent soyentapprouvez, et que nous cognoissions que Dieu lesemploye pour nostre salut et qu'ils sont instrumensde son S. Esprit: car sans cela un homme pourradire, Et qui est-il? Oar il n'y a en nous que vanitéet mensonge de nature. Et d'autre part, qu'unhomme soit bien habile, qu'il soit entier et qu'iln'y ait que rondeur et integrité en luy, si est-ceneantmoins qu'il ne sera pas suffisant pour nousasseurer de la remission de nos pechez: c'est unechose trop grande et trop haute, pour dire que noussoyons reconciliez à Dieu et qu'il nous reçoive àsoy, là où il n'y avoit qu'inimitié mortelle aupara-vant. Tous les Anges de Paradis, quand ils parle-royent d'une bouche, ne pourront pas nous rendretesmoignage de cela, sinon qu'ils soyent authorisezde Dieu. Ainsi donc notons bien que sainct Paulnon sans cause travaille tant pour monstrer qu'il

ne s'est point ingeré d'estre Apostre: mais qu'il aesté envoyé, et qu'il tient cest offìce-là de Dieu, etqu'en tout ce qu'il fait il ne l'attente point ni parpresomption ni par temerité : mais selon que nostreSeigneur Iesus l'avoit éleu auparavant et qu'il avoitvoulu se servir ainsi de luy. C'est donc l'argumentqu'il traite en ce passage. Or il dit que les Ephe-siens devoyent bien avoir cognu le mystere ou se-cret qui luy avoit esté revelé, voire à fin qu'ilssceussent qu'il estoit commis et ordonné pour dis-penser la grace de Dieu et pour annoncer le saluteternel des ames à ceux qui avoyent esté aupara-vant retranchez et bannis du royaume des cieux.

Or ici nous avons à noter en premier lieu, quece n'est pas le tout d'ouir et d'entendre ce qui nousest presché de l'Evangile: mais que nous devonsmonter un peu plus haut, c'est à sçavoir, que Dieua voulu que nous fussions asseurez de sa volontépar le tesmoignage des hommes: car si cela estoitinventé ici bas, il seroit trop foible. Et ainsi, no-tpns quand l'Evangile se publie et que nous sommesassemblez pour estre enseignez en commun, quec'est une police que les hommes n'ont point forgeeet qui n'est point venue de leur fantasie ou inven-tion: mais que Dieu l'a ainsi establi, et que c'estune loy permanente, et contre laquelle il n'est pointlicite d'y rien attenter. Quand nous avons cela,d'autant plus nous faut-il venir en sobrieté et mo-destie comme à l'escole de Dieu, et non point deshommes, pour ouir la predication. Il est vray quenous devons examiner la doctrine, qu'il ne nousfaut pas recevoir indifferemment tout ce qui estpresché, voire estans là abrutis (ainsi que les Pa-pistes appellent simplicité d'estre sans aucune atten-tion), mais tant y a que nous devons porter cesthonneur au nom de Dieu, que quand on nous pro-pose la doctrine de l'Escriture saincte, chacun s©doit retirer du monde et renoncer à son propresens, pour nous assubietir en vraye obeissance ethumilité à ce que nous cognoissons estre procedéde Dieu. Quand nous y viendrons avec une telleaffection estans ainsi preparez, il est certain queiamais Dieu ne permettra que nous soyons seduits:mais il nous guidera tellement par son S. Esprit,que nous serons certifiez que nostre foy vient deluy, qu'elle est fondee sur sa verta et qu'elle neprocede point des hommes. Voilà donc pour un item.

Au reste, quand sainct Paul dit que ç'a estéun secret que les Payens fussent appelez à la cog-noissance de l'Evangile, pour estre conioincts à ceuxqui auparavant estoyent prochains de Dieu: ici nousavons à noter que Dieu a voulu humilier le mondeet le tenir comme en bride, à fin que nous appre-nions d'adorer son conseil, combien qne les raisonnous en soyent incognue» et les moyens cachez.Dieu dés la creation du monde, ou bien apres la

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tsheute d'Adam, pouvoit desia publier l'Evangile:or il a attendu l'espace d'environ deux mille ans:et puis encores outre le deluge, il attend que cesera, combien que le monde fust renouvelé. Voilàdonc seize cens ans ou environ qui passent devantqu'Abraham soit appelé: et quand Dieu le choisitavec tout son lignage, ce n'est pas encores l'Evan-gile: et toutesfois Dieu prend un homme en sonvieil aage, qui est desia caduque et à demi mort,comme s'il enstoit enseveli, et cependant il laissetout le monde aller en perdition. Or voilà quatrecens ans qui se passent, et la Loy se publie: maisce n'est seulement qu'à ceste lignee d'Abraham.Les Payens estoyent en plus grand nombre beau-coup: tant y a qu'ils en sont exclus. Ceste chosesemble estrange de prime face: et ceux qui vou-droyent tenir Dieu bridé à leur appetit, trouverontici assez pour iargonner, comme de faict ils le font.Car ils voudroyent bien que Dieu fust obligé d'ap-peler tout le monde sans exception. Or il ne leveut pas faire. Mesmes la Loy est elle donnee?Yoilà si long temps qui s'escoule devant que IesusChrist apparoisse au monde. Bref, voilà environquatre mille ans qu'il a passé un nombre infini degens comme estans povres aveugles, s'esgarans çàet là et cheminans en l'abysme de mort, et Dieules y a laissez, comme il est dit au dixseptiemechapitre des Actes. Soudain la trompette sonne, et,la paroy estant rompue, Dieu rassemble ceux quiauparavant avoyent esté esgarez de luy, qui avoyentdespité son nom : ii les reçoit en grace par le moyende nostre Seigneur Iesus Christ, en la personneduquel l'empire souverain de Dieu est estendu partout le monde.

Voilà donc des choses (comme i'ay dit) qui nepourroyent entrer en nostre sens. Ainsi ce n'estpoint sans cause que sainct Paul nomme un tel or-dre, secret qui a esté incognu en tous aages et quia ebté revelé en son temps. Mais en premier lieuil nous faut soudre ceste question qu'on pourroitici faire: pource que les Patriarches n'ont pas estédu tout ignorans de ce qui devoit advenir, les Pro-phetes en ont esté tesmoins. Car quand il est parléque les Payens devoyent estre conioincts au peupleéleu, que Dieu avoit choisi et adopté auparavant, ilest dit que Moyse Fa predit et publié, que les Pro-phetes ont tous dit que les nations estranges vien-droyent adorer Dieu et faire hommage à sa maiesté.Ce n'estoit donc pas là une chose du tout incognue,comme sainct Paul en parle. Mais notons que toutes cesPropheties-là n'ont pas laissé d'estre obscures, pourceque les moyens estoyent cachez. Il est vray quel'esperance des fideles estoit bien que Dieu recueil-leroit le monde qui estoit dispersé en ceste horribledissipation que nous avons veue: mais qu'on sceusten quel temps, qu'on sceust que la Circoncision et

toutes les figures de la Loy deussent estre abolies,que Dieu deust estre servi d'une façon plus cognue,que Iesus Christ fust comme le soleil de iustice etqu'on se deust contenter de luy, qu'il n'y eust plusque le Baptesme et la Cene pour signes visibles, àfin de nous confermer en tous les dons spirituelsque nous obtenons auiourd'huy: tout cela, di-ie,estoit incognu. Et mesmes voilà les Apostres quisont demeurez en ceste ignorance si lourde, combienque nostre Seigneur Iesus les eust advertis de cequi estoit prochain. Il est vray qu'en les envoyantpar le pays de Iudee, il leur dit, Ne parlez pas en-cores aux Payens : mais c'estoit pource que le tempsopportun n'estoit pas encores venu. Quand il ap-proche de sa mort, I'ay encores d'autres brebis(dit-il) qui ne sont point de ce bercail, lesquelles ilfaut assembler. Là il declare que plusieurs estoyenteleus de Dieu son Pere, qui toutesfois n'estoyentpas compris en la nation des Iuifs. Et estant res-suscité des morts, il dit, Allez, publiez l'Evangileà toutes creatures. Voilà donc le commandementqui leur est donné, de publier l'esperance de salutà ceux qui en estoyent du tout alienez.

Or quand sainct Pierre fut adverti que Dieule vouloit envoyer vers un Payen, les cheveux luydressent en la teste quasi, qu'il est là estonné: Etcomment est-il possible? Il faut que Dieu luy en-voye une vision du ciel, à fin qu'il approche d'unhomme qu'il pensoit estre pollu. Ainsi donc cen'est point sans cause que S. Paul parle ici de sihaut et de si grand secret, qu'il a este incognu auxPatriarches et Prophetes: ils en ont bien eu quel-que sentiment, mais ç'a este selon leur mesure etsous ombrages et figures. Il n'y a point donc eucognoissance certaine, iusques à ce que Dieu ait de-claré par effect ce qu'il avoit retenu en son conseil.Et de faict, S. Paul a voulu reiterer ce mot de-Seeret, à fin que les uns n'incitassent point lesautres à estre plus opiniastres, ainsi que nous avonsaccoustumé de faire. Car si une chose nous estdifficile, l'un dira, Cela passe mon esprit : et l'autren'en voudra tenir conte. Et voilà comme les hom-mes se destournent de l'obeissance de Dieu et met-tent là comme un scandale, tellement que le cheminet passage est fermé, que nul n'approche de la ve-rité de Dieu, qui seroit assez patente moyennantqu'on luy prestast l'aureille: mais nous sommespreoccupez de ceste opinion, que c'est chose trophaute et trop profonde. Là dessus il nous sembleque ce n'est pas pour nous que Dieu a parlé. Etvoilà qui est cause de nous faire dedaigner sa Pa-role, et la laissons là comme une chose qui ne nousappartient pas et mesme l'audace et le malice deshommes est telle, qu'ils condamnent ce qui ne leurvient point à gré. Ici sainct Paul pour corriger untel vice, dit que ce qui nous est incognu ne laisse

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pas d'estre plein de maiesté devant Dieu. Carvoulons-nous mesurer à nostre fantasie le conseilde Dieu? Où sera-ce aller? Il est dit que ses iuge-mens et ses actes sont un abysme si profond, quenous y pourrions estre cent mille fois engloutis.

Apprenons donc de tellement magnifier la sa-gesse de Dieu, combien que son conseil nous soitobscur, que pour cela nous ne le reiettions point,mais que nous l'adorions en toute humilité. Il estvray que les choses qui semblent estre les pluscommunes, nous les devons recevoir en telle sorte,que nous sçachions que Dieu nous en donne quel-que goust tant seulement, et que nous n'en avonspoint parfaite cognoissance: ie di de toute la doc-trine de l'Evangile: il n'y a là article de si petiteimportance, ce semble, qui ne surmonte tous nossens. Mais encores il y a quelque partie là où Dieuse reserve la raison de ce qu'il dit et nous veuttenir par ce moyen-là en bride, à fin que nous con-fessions que tout ce qu'il prononce est iuste: com-bien que nous ne puissions pas nous y accorderselon nostre fantasie naturelle, et que nous ne com-prenions point en nostre cerveau la raison pour-quoy ceìa doit ainsi estre. Or si ceste doctrine aiamais deu estre prattiquee, auiourd'huy elle en abesoin: car en general nous voyons comme lespovres incredules se ferment la porte pour ne pointapprocher de Dieu. Qui est cause qu'en la Pa-pauté ces povres gens cropissent là en leur igno-rance, et quelque chose qu'on leur propose, quetousiours ils monstrent qu'ils sont comme ensorcelezde Satan? Ils diront que la parole de Dieu est unechose trop haute. Voire, mais est-ce à dire pour-tant que nous ayons iuste occasion de la reietter?Plustost il nous faloit observer ce qui est dit, quela sagesse de Dieu se comprend par la seule humi-lité. Et puis que Dieu veut enseigner les humbleset petis, il faloit que tout orgueil fust abatu ennous, et nous eussions experimenté comme nostreSeigneur n'a point donné sa parole en vain.

Ainsi donc, puis qu'auiourduy nous voyonsque beaucoup ne prennent nul goust à l'Evangile,d'autant que ce leur est comme un langage bienestrange, que nous soyons incitez par ce que nousdit et remonstré S. Paul, de recevoir en toute mo-destie ce que Dieu nous declare, voire combien quecela soit trop haut pour nous: et que nous prionsceluy qui a toute clairté en soy, de nous en eslar-gir ce qu'il cognoist nous estre expedient. Car«omme Dieu parle à nous et fait resonner sa doc-trine en nos aureilles : aussi au dedans il besongnepar son sainct Esprit. Et pourtant, que nous ve-nions nous ranger à luy, et que nous soyons prestsde recevoir ce qui nous est en verité proposé enson nom. Voilà donc ce que avons à retenir«ous ce mot de Secret. Et au reste, quand nous

trouverons quelque chose en l'Evangile qui noussemblera dur et difficile à digerer, que nous nefacions point comme beaucoup d'enragez, qui re-iettent tout ce qui ne leur vient point en fantasie:mais adorons (comme i'ay dit) ce qui nous est en-cores caché, attendans que Dieu nous avance, etqu'il approche de nous plus privement, et qu'ilaugmente la mesure de nostre foy. Voilà commeen lisant l'Escriture saincte, il nous faut avoir cestesobrieté de nous tenir en bride. Ie n'entens pointun tel passage. Or il n'est point question toutes-fois dele plaquer là, comme s'il estoit inutile: maisie prieray Dieu qu'il supporte mon ignorance: etpuis quand le temps sera venu, qu'il m'ouvre laporte, et que luy, qui tient la clef de toute intel-ligence et discretion, m'en monstre autant que tonluy semblera et qu'il sera utile. Et puis quandnous viendrons au sermon aussi bien, si nous necomprenons pas tout ce qu'on nous dit, que chacunse reserve, et que nous adorions nostre Dieu ce-pendant, et que nous luy facions hommage en ce quiest plus haut que nos sens n'y peuvent point par-venir. Et en cela voyons-nous que ceux qui vou-droyent clorre la bouche à tous les vrais serviteursde Dieu, à ce qu'ils ne parlent de ce qui leursemble estre trop haut, sont vrais diables enchar-nez. Car quelle fureur est ceci, que si nous necomprenons pas pourquoy Dieu en a éleu les unset qu'il a reprouvé les autres: apres, comment c'estque Dieu gouverne le monde: et que le diablemesme ne peut rien faire sans son congé, que lesmeschans sont instrumens de sa iustice: si nous nocomprenons pas cela, faut-il que des vers de terre,et des charongnes puantes usurpent ceste authoritéde dire qu'il faut racler de l'Escriture saincte ceque non seulement nous a este revelé par le S.Esprit, mais qui a este seellé par le sang du Filsde Dieu? Ne faut-il pas que le diable les possededu tout, quand ils se viennent eslever iusques là?Detestons donc tels monstres, et prions Dieu qu'ilmette la main dessus, pour leur declarer qu'ilssont comme des poux, des puces, des punaises, etdes choses qui sont les plus vileines et les pluscontemptibles de ce monde, quand ils viennentainsi heurter à l'encontre de Dieu, voire d'une fu-reur tyrannique et plus que barbare. Or de nostrecosté, cognoissons que voici l'honneur que nous de-vons à nostre Dieu: toutesfois et quantes que nousoyons qu'il y a des secrets en la parole de Dieu,lesquels ne peuvent estre cognu ni apprehenderdes hommes sinon par la revelation du S. Esprit,que nous attendions patiemment que Dieu nousaugmente la cognoissance qu'il nous a donnee. Etau reste, quand P un aura plus ample mesure defoy que l'autre et plus d'intelligence, qu'il se con-forme aux petis, et qu'il les supporte, et mette

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peine de Ies faire profiter de plus en plus: etque Ies petis aussi de leur costé ayent ceste mo-destie de se tenir en leur rang et ne passer pointleur mesure, et qu'ils pratiquent ce que dit 8. Paulen l'autre passage, Si vous pensez autrement, atten-dez que Dieu vous le revele, et que cependant vouscheminiez en concorde et qu'il n'y ait point detroubles entre vous. Yoiîá donc ce que vous avonsà retenir de ce passage.

Cependant notons que Dieu a par ce moyenvoulu donner plus de lustre à sa misericorde, quanden la fin il a publié la doctrine de son Evangile,alors il a desployé sur nous les richesses infiniesde sa bonté. Et combien que nous ne sçachionspas toutes les raisons que Dieu a euës en son con-seil, quand il a ainsi long temps differé et sus-pendu la publication de l'Evangile: si est-ce toutes-fois qu'il nous est bien aisé et facile de iuger qu'ila voulu nous ouvrir les yeux, qu'il nous a vouluesveiller et eslever tous nos esprits, à fin que cha-cun s'appliquast tant mieux â cognoistre combiennous sommes tenus et obligez à luy. Car sommes-nous meilleurs que nos peres? Ou bien quandl'Evangile a este publié par le monde, à sçavoir siles Payens estoyent plus dociles qu'auparavant?Mais il sembloit que le comble de toute iniquitéfust alors venu, qu'il n'y avoit qu'un deluge demespris de Dieu. Quand donc le monde estoitainsi du tout endiablé, voilà Iesus Christ qui ap-paroist, voilà le message de salut qui est apportéà tous hommes. Et mesme quand sainct Paulparle aux Corinthiens apres avoir dit que les meur-triers, les paillars, les yvrongnes, les larrons, lesperiures, et gens semblables, voire qui ont commisencores des crimes plus enormes, n'heriteront pointle Royaume des cieux, il leur dit, Vous avez estesemblables à ceux-là: pour monstrer* que l'Evan-gile n'estoit point presché en Corinthe pour lesvertus qui y fussent, ni pource que les habitansfussent plus adonnez à Dieu, ne qu'ils eussent rienmerité: mais le tout procedoit de la bonté gratuitede Dieu.

Voilà donc à quoy c'est qu'il nous faut appli-quer ce secret dont parle S. Paul, c'est d'autantque Dieu a voulu que le peché fust en tous sansexception: et que là dessus il a mis le remede deea grace. Comme aussi de nostre temps nous nepouvons pas dire que nous ayons este meilleurs quenos peres, comme i'ay desia touché. Car si on re-garde à l'estat commun, ii y avoit plus d'integritébeaucoup il a 50 ans qu'il n'y a auiourd'huy: il yavoit plus de sobrieté aux vivres, les pompes n'es-toyent pas si excessives ni superflues: brief, leshommes n'estoyent pas comme chiens et chats. Ilest vray qu'ils ont tenu tousiours de leur naturel,ne valans rien: mais si est-ce qu'il sembloit que

Satan fust alors enchainé. Mais depuis trente ansles choses sont allees de mal en pis, elles se sontdesbordees, tellement que c'estoit une horreur. Etlà dessus voilà* la grace de Dieu qui se presche, laremission des pechez est annoncee, Dieu appelleceux qui estoyent cent mille fois perdus. Qu'est-cequ'on pourra alleguer, sinon qu'en telle extremitéDieu a voulu donner tant plus grand lustre à sagrace et misericorde? Ainsi, cognoissons commentil nous faut faire nostre profit des secrets admira-bles de Dieu: c'est d'adorer ce qui nous est incognu,et recevoir ce qu'il plaira à Dieu de nous monstrer,et accepter sans contredit ce que nous cognoistronsestre procedé de luy. Et mesmes que nous regar-dions si nostre foy ne peut pas estre edifiee, et sinous ne devons pas estre plus enflammez en l'amourde nostre Dieu, en ce qu'auiourd'huy il a vouluque l'Evangile sortist comme du profond des abys-mes: qu'apres que nous avons vague comme povresbestes errantes de costé et d'autre, que nous avonsesté plongez en superstitions et idolatries, que nousn'avions plus quasi nul sentiment de religion, queDieu nous est derechef apparu, non pas en personne,mais par sa doctrine qui nous est auiourd'huypreschee, laquelle estoit du tout ensevelie. Quedonc nous regardions à cela: et combien que lemonde ne comprenne pas du premier coup pour-quoy Dieu besongne ainsi d'une façon estrange,que nous ne laissions pas pourtant d'en faire nostreprofit, et que nous ne regardions pas à nostre con-dition pour estre asseurez de la volonté de nostreDieu: mais que nous venions au chef, c'est àsçavoir à nostre Seigneur Iesus Christ, et que nouscognoissions, puis que nous sommes reunis à luypar l'Evangile, que Dieu nous advoue tousiourspour ses enfans: combien que nous ayons esté lesplus miserables du monde, et qu'encores auiourd'huynous soyons dignes d'estre bannis et retranchez desa maison et de son Eglise, quo neantmoins nousne laissions pas d'esperer tousiours qu'il nous ap-pelle à cest heritage qu'il nous a promis de touttemps. Cela donc nous doit bien suffire, que Dieunous veut assembler en son corps, combien qu'au-paravant nous ayons esté dissipez, et qu'il parferason conseil envers nous, quand nous souffrironsd'estre gouvernez par nostre Seigneur Iesus Christ,Et d'autant qu'il nous a esté ordonné pour nostre^°y> ( l u o nous luy venions faire hommage volon-taire, nous submettant à luy en vraye obeissancede foy, ne doutans pas qu'il ne nous revele ce quinous a esté caché auparavant, et que nous sen-tions que ce n'est point sans cause que sainct Pauldit en la seconde aux Corinthiens, que combienque Dieu ait son conseil secret et que nous nepuissions pas parvenir si haut, que neantmoins ilnous declare en l'Evangile ce qui est incomprehen-

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sible à tous hommes: et que là il nous desployeson coeur, et nous revele pleinement sa volonté,iusques à ce que nous parvenions à la pleine iou-issance des choses que nous esperons auiourd'huy.

Or nous-nous prosternerons devant la maiestéde nostre lon Dieu etc.

DIXSEPTIEME SERMON.Chap. III, v. 7—9.

Nous avons declaré par ci devant que S. Paula regardé deux choses, monstrant qu'il estoit vraye-ment constitué Apostre pour publier l'Evangilepar tout le monde, et mesmes entre les Payens.Car nul ne doit attenter en l'Eglise d'usurper officequelconque: mais Dieu doit avoir ceste authorité,selon qu'il a mis un ordre perpetuel, qu'aussi nousregardions de le suivre, à fin que ceux qui sevoudront avancer soyent deboutez, et que nul n'aitestat sinon celuy qui sera appelé. Voilà donc pourun item, que sainct Paul s'est voulu excuser detemerité, en monstrant qu'il ne s'est point ingerépour estre Apostre: mais qu'il avoit bon tesmoig-nage et certain que Dieu l'avoit establi. Or cepen-dant aussi il vouloit asseurer les Payens, à finqu'ils rcceussent le message de leur salut commeprocedant de Dieu, et non point d'un homme. Caril nous faut tousiours venir là, que la remissiondes pechez est une chose trop precieuse pour enestre certains par l'authorité des hommes. Il fautdonc que nous soyons bien resolus que c'est Dieuqui parle, à fin que nous coucluyons que tout cequi sera deslié en terre, est aussi deslié au ciel.Et pource que sainct Paul avoit esté auparavantennemi de l'Evangile et avoit persecuté les Chres-tiens, avoit blasphemé contre Dieu,, il sembloit quecela empeschast qu'il ne fust receu pour Apostre,et qu'il n'eust telle reputation comme il est requis.Il previent donc ce qu'on pouvoit alleguer pourluy oster toute reverence, et dit qu'il ne faut pointregarder à sa personne, ni à ce qu'il a merité,d'autant que Dieu l'a ainsi eslevé par sa grace etpar une vertu qui n'est point accoustumee entreles hommes. Il est vray que sainct Paul tousiourss'humilie tant qu'il peut, à fin que la bonté gratuite deDieu soit mieux cognue des hommes. Et aussi voilàquelle reigle il nous faut tenir, d'autant que Dieu veutque toute bouche soit close, et que nous n'avons dequoynous glorifier. Car il est certain que tousiours nousravirons à Dieu son honneur, sinon en confessant quenous tenons tout de luy, et que nous n'avons rienqui nous soit propre. Mais (comme desia nousavons touché) il a voulu ici oster toute difficulté,

Calvini opera. Voi. LL

à fin qu'on ne peust pas luy reprocher qu'il estoitindigne d'une dignité si excellente et si grande,d'estre au reng des Apostres. Il a donc voulumonstrer que la grace de Dieu a surmonté tousles empeschemens qui pouvoyent estre auparavanten luy. En premier lieu, il met ie don de grace.C'estoit bien assez d'avoir attribué à Dieu cesteauthorité, qu'il tenoit tout de luy : mais encores iimet ici deux mots pour exclure tout ce qu'on pour-roit requerir de luy: Comment? il faloit telle con-dition en un Apostre: as-tu telle vertu? Voilà doncpourquoy il ne s'est point contenté de mettre ledon simplement: mais il veut adiouster, gratuit.

Et puis il a encores plus magnifié ce don-là,disant que Bleu y a besongné selon l'efficace desa puissance. Bref, il advertit ici qu'il faut qu'oncontemple en luy une bonté singuliere et admirablede Dieu, et puis une vertu qui n'est point accous-tumee entre les hommes: voilà les deux poinctsque nous avons à noter. Or d'autant qu'en la pre-miere à Timothee il dit aussi qu'il nous est etnous doit servir à tous d'un miroir, apprenons d'ap-pliquer ceci à nous. Et en premier lieu, tout ceque nous demandons à Dieu, cognoissons qu'il nousprocede de ceste source de sa pure misericorde etfranche liberalité, à fin d'oublier toute opinion demerites: car c'est nous fermer la porte quand nousvenons à Dieu, si nous cuidons rien apporter denostre costé. Voilà pour un item. Et puis ensecond lieu, pour corriger toute deffiance, esperonsque Dieu fera plus que tous nos sens ne compren-dront. Car ce n'est point aussi à nous de mesurersa vertu qui est infinie: et cependant, tout ce quedesia Dieu nous a eslargi, que nous le tenions desa bonté, que nous luy en facions hommage, quela louange luy en soit rendue comme elle luy ap-partient. Voilà ce que nous avons à retenir del'exemple de sainct Paul, c'est qu'en toute humiliténous requerions à Dieu qu'il besongne par sa puregrace en telle sorte qu'il en soit glorifié, d'autantqu'il n'aura point cerché aucun merite en nous.Et aussi que nous soyons confermez que sa vertusurmontera toute nostre apprehension, à fin que etau long et au large nous puissions luy donner lieuet ouverture, et que nous ne soyons point resserrée

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