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  • SECOUER L'ARBRE DU YOGA

    Une rencontre avec T.K.Sribhashyam, fils de T.Krishnamacharya Par Bndicte Niogret

    T.K .Sribhashyam reste une figure mconnue du yoga en France, o il vit pourtant depuis plus de 40 ans. Le documentaire Le souffle des dieux , lui a donn la parole aux cts de BKS Iyengar et de Pattabhi Jois. C'est Cimiez, sur les hauteurs de Nice, o il est install avec sa femme franaise, que nous l'avons rencontr. La vie de Sribhashyam est depuis toujours lie l'univers du yoga que son pre lui a transmis dans l'enfance et que lui mme a commenc enseigner en Inde, Madras, dans les annes 60, avant de venir en France. Son point de vue sur la transmission du yoga en Occident est trs clair : cette transmission n'a pas encore eu lieu et reste venir. C'est maintenant l'Occident de secouer l'arbre du yoga pour qu'il donne ses fruits. Un septuagnaire joyeux Rencontrer Sribhashyam, c'est rencontrer un septuagnaire joyeux... et un peu dsabus quant la transmission du yoga l'Occident jusqu' prsent. Pour lui, cette transmission s'est construite sur une sorte de mprise historique et l'Occident ne sait toujours pas ce qu'est rellement le yoga. Cette mprise a repos sur un consensus accept aussi bien par les enseignants indiens que par les premiers Occidentaux ayant dcouvert le yoga. Et c'est ainsi que l'Occident a assimil le yoga aux postures qui ne sont pourtant qu'un des aspects, une seule des branches de l'enseignement du yoga. Les origines du yoga Pour comprendre comment le yoga est venu en Occident, il faut remonter loin, bien avant l'indpendance de l'Inde. Les Anglais avaient alors impos une sorte de couvre-feu sur la pense indienne en cherchant diffuser leurs propres croyances par les missionnaires chrtiens. Les Indiens sont alors devenus mfiants par crainte d'tre rprims. Cela a abouti une forme de secret indien dans la diffusion de la pense vdique qui peut s'expliquer de deux manires. D'abord, selon la tradition, le yoga ne s'enseigne pas n'importe qui mais doit correspondre une qute profonde et sincre d'un enseignement avant tout spirituel ; et ensuite, la crainte de reprsailles. Aussi quand les Occidentaux, toujours attirs par ce qui est nouveau, ont dcouvert un ventail de postures corporelles qu'ils ne connaissaient pas, cela a arrang les Indiens de laisser penser aux Occidentaux que le cur du yoga tait reprsent par des postures difficiles comme sirsasana (la posture sur la tte) ou padmasana (le lotus) et qu'ils en viennent mme assimiler le yoga au challenge de ces postures ! Selon Sribhashyam, l'Inde s'est alors dit intrieurement : l'Occident n'est pas prt pour apprendre autre chose.

  • Une qute existentielle reposant sur la dvotion En Inde, surtout cette poque, raconte Sribhashyam, il en allait tout autrement. Les gens avaient l'habitude de pratiquer certains exercices quotidiens de gymnastique et s'ils allaient trouver un professeur de yoga c'tait aprs une longue rflexion car ils savaient ce que cela impliquait. C'tait un engagement ayant pour but d'assouvir une qute existentielle reposant sur la dvotion. C'est le fondement de cette qute, son cur, c'est l qu'elle trouve son enracinement. Les asanas ne sont qu'un moyen. Pour Sribhashyam, partir de ce moment, il y a eu comme une scission entre un yoga avec et un yoga sans (Dieu). C'est dire un yoga trs traditionnel en Inde o rien ne se fait sans prire et un yoga qui est venu en Occident dans lequel l'aspect physique est prpondrant. D'ailleurs, beaucoup des premiers enseignants de yoga en Occident avaient pratiqu auparavant la gymnastique sudoise et avaient des corps souples et entrans. Sribhashyam a t confront lui-mme dans sa vie cette double approche. En effet, aprs avoir fait des tudes commerciales en Inde et travaill dans le management, il a galement commenc enseigner le yoga dans les annes 60 Madras. Parmi ses lves, il avait beaucoup de disciples occidentaux. Quand, en 1969, il a reu une bourse amricaine pour poursuivre ses recherches lies au yoga et qu'il a eu le choix du pays o s'installer, il a choisi la France car il y avait des lves trs motivs. Mais quelle ne ft sa surprise et sa dconvenue de constater que l'coute sur place y tait toute autre et qu'on l'empchait en quelque sorte de replacer l'enseignement des asanas dans l'approche globale dvotionnelle du yoga. On lui donnait la parole condition qu'il ne parle ni de philosophie ni de spiritualit. C'tait peu aprs 1968. Encore aujourd'hui, il a l'impression que les Franais pensent que parler de Dieu est devenu une faiblesse. Il a constat que cette rserve fondamentale vis--vis de la religion tait particulirement marque en France par rapport aux autres pays europens o il s'est dplac comme la Suisse, l'Italie, l'Allemagne ou les pays nordiques. C'est devenu pour Sribhashyam un obstacle dans l'enseignement du yoga et il n'a pas pu mener les recherches qu'il escomptait. Le succs du yoga est all vers une orientation de plus en plus physique qui faisait plaisir aux lves. Alors qu'autrefois, en Inde, ce n'tait pas le nombre d'lves qui faisait la valeur de l'enseignant mais ses connaissances, ce qu'il donnait. Tel l'exemple tutlaire de son pre T. Krishnamacharya. Loptimisme de Sribhashyam Mais qu'en est-il prsent, alors que le yoga est devenu la mode depuis surtout 10 ans ? Et l, Sribhashyam se montre trs optimiste et espre beaucoup des femmes. Certes, on ne sait pas ce que nous rserve l'avenir et si l'Occident qui aime toujours le changement va garder son attachement pour le yoga. Mais, si c'est le cas, les femmes peuvent y jouer un rle dterminant. On sait qu'elles sont beaucoup plus nombreuses que les hommes pratiquer le yoga. Et leur motivation est souvent diffrente. Selon

  • l'exprience de Sribhasyam, elles peroivent qu'il s'agit d'autre chose que d'un dveloppement purement corporel. Elles ont souvent une qute intrieure que le yoga leur permet d'panouir. Pour Sribhashyam, si seuls les hommes avaient pratiqu le yoga en Occident, il serait devenu un sacr sport et rien d'autre. C'est grce aux femmes que la face cache du yoga commence apparatre. Pour cela, pour redonner au yoga sa vraie valeur, il faudrait que l'Occident retrouve sa curiosit et ne reste pas dans le confort de l'apprentissage de certaines sensations physiques et corporelles. L'Occident doit secouer l'arbre du yoga. Et Sribhashyam rpte : pourquoi l'Occident, rput si curieux, n'a-t-il pas envie d'en savoir davantage ? Va-t-il sortir de sa lthargie ? Oui, il est temps : il faut secouer l'arbre du yoga pour qu'il puisse ici, en Occident, donner ses fruits et laisser s'panouir son vrai but : la paix mentale. T.K.Sribhashyam a fond l'cole de yoga Yogakshemam. Il a publi en franais Emergence du yoga et La voie de la libration, un itinraire dans la philosophie indienne aux ditions Yogashemam.