SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

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SCOOP Le magazine des métiers du journalisme FÉVRIER 2012 - N°13 - Ne peut être vendu Publication réalisée par les étudiants de l’ISCPA-Paris JOURNALISTES POLITIQUES UNE ÉLITE SOUS SURVEILLANCE LA RÉSISTIBLE ASCENSION DES SITES D’INFORMATION RUE89, SLATE, MÉDIAPART... VONT-ILS DISPARAÎTRE ? GRANDS MÉDIAS SPÉCIALISTES ET TOUCHE-À-TOUT LES NOUVEAUX JOURNALISTES DERNIER BASTION DU JOURNALISME GÉNÉRALISTE PRESSE QUOTIDIENNE RÉGIONALE

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Ce magazine a été réalisé par les étudiants en troisième année de journalisme en spécialisation Presse Ecrite à l'ISCPA- Institut des Médias de Paris

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Publication réalisée par les étudiants de l’ISCPA-Paris

JOURNALISTES POLITIQUES

UNE ÉLITE SOUS SURVEILLANCE

LA RÉSISTIBLE ASCENSION

DES SITES D’INFORMATION

RUE89, SLATE, MÉDIAPART...

VONT-ILS DISPARAÎTRE ?

GRANDS MÉDIAS

SPÉCIALISTESET TOUCHE-À-TOUT

LES NOUVEAUX JOURNALISTES

DERNIER BASTION DU

JOURNALISME GÉNÉRALISTE

PRESSE QUOTIDIENNE RÉGIONALE

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SCOOP 2012 3

Etype de journaliste que les rédactions recherchent? Quelles sont les compétences les plus prisées qui font la différence lors de l’embauche ?

Dans ce contexte de mutations constantes, quelle est la part du développement du numérique et de l’évolution sociétale et économique ? On savait déjà que les journalistes actuels doivent être polyvalents, mais doivent-ils être essentiellement généralistes ou se spécialiser dans un domaine ?Dans ce numéro de SCOOP, des étudiants en troisième année de journalisme à l’ISCPA se sont penchés sur un thème qui leur parle, puisqu’ils devront bientôt affronter le marché du travail avec leur titre de journaliste en poche.C’est donc avec une curiosité mêlée d’intérêt qu’ils ont dressé cet état des lieux de la profession et de son évolution. Un constat lucide dans lequel l’implication personnelle ne l’emporte pas sur l’objectivité, démonstration

que l’on peut informer sans prendre parti. Ce n’est pas toujours le cas des journalistes politiques - en cette période électorale il fallait bien se pencher sur cette «élite» de la profession - souvent réduite à l’autocensure et accusée de connivence avec ses sources (lire p. 20 à 23.) La presse quotidienne régionale (PQR) est le dernier secteur de la presse écrite où le généraliste a toujours sa place, à l’inverse de la plupart des médias dans lesquels le journaliste d’aujourd’hui doit être à la fois spécialiste et multifonctions (voir dossier p. 18 à 27.) Mais il n’est pas toujours bon de trop se spécialiser dans un domaine, car la presse professionnelle et spécialisée, qui a longtemps été une ruche d’emplois pour de nombreux journalistes, est désormais confrontée elle aussi à la concurrence du Web (lire p. 28 à 31.) La lecture de ce numéro de Scoop vous permettra de comprendre les enjeux que doivent affronter les futurs journalistes pour pouvoir exercer sereinement leur métier. Car le journalisme n’est pas mort, loin de là, mais la profession évolue et ses changements sont porteurs de nouvelles opportunités. L’enseignement que nous dispensons prend en compte ces mutations.

EDITORIALMichel Baldi Directeur pédagogique ISCPA Paris SCOOP

Une publication réalisée par les

étudiants de l'ISCPA- Paris

Institut des Médias 12, rue Alexandre Parodi 75010 ParisTel: 01 40 03 15 56Fax +33(0)1 40 03 15 31

Direction Directeur de la Rédaction: Jean SavaryDirecteur de la Publication: Michel BaldiRédacteur en chef Pierre le Goupil Maquettiste: Gary Assouline avec Frédérique de RunzSecrétariat général de rédaction: Hicham Barrouk et Geoffrey Priol

Journalistes Akaiz Boussayna Assouline Gary Azlag Najoua Barrouk Hicham Deze Fabien Durel Jérôme Grimaux Emmanuelle Lahera Henri Lanen Marie Marie Perrin Priol Geoffrey Le Goupil Pierre Mazelier Sarah Salvat Jean-Baptiste Sekkai Kahina Sudre Sarah Vilsalmon Corentin

Les médias prisdans la toile

La saga de Libération

L’eurojournalismese fait attendre

La presse fémininerésiste en beauté

Quels enjeux pour nos métiers ?

Publication réalisée par les étudiants de l’ISCPA- Paris

Févr

ier 2

011

- N°1

2

Retrouvez toutes les éditions de SCOOP sur notre site Internet http://www.iscpa-paris.com

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4 SCOOP 2012

Les grands paquebotsde l'information dans la tourmente

6 Les grands médias vont-ils disparaître ? Par Pierre le Goupil, Jérôme Durel et Marie LanenDe TF1 au Monde en passant par L’Express et RTL, tous les grands médias traditionnels sont confrontés à l’érosion de leur audience et de leurs revenus. Le lectorat vieillit et les abonnés sont de plus en plus chers à recruter. Attaqués par les petites chaînes qui montent ou par le Web, ils peinent à se défendre. 12 La PQR dernier bastion des infos générales Par Jean-Baptiste SalvatLa PQR est le dernier secteur de la presse écrite où le journaliste généraliste a

politique, Même si les spécialistes (sport, éco surtout) sont recherchés. 14 Rue 89, Slate, Médiapart, ... nouveaux carrefours de l’info Par Kahina Sekkai, Geoffrey Priol et Sarah Mazelier On les accuse de tuer les grands quotidiens mais on ne connaît pas le mobile du crime. L'information sur Internet menace le modèle économique de la presse, mais cherche encore le sien.

SOMM AIRE

1 MÉDIAS

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SOMMAIRE

SCOOP 2012 5

2 RÉDACTIONS

Le journaliste "couteau suisse"

3 SUPPORTS

Presse spécialisée: les fruits amers de la passion

28 Tous journalistes ? Plus de journalistes... Par Henri LaheraLe pire ennemi du journaliste : son lecteur, quand il se pique d'informer lui aussi30 Presse pro, presse spé, ce qui marche, ce qui résiste, ce qui ne marche plus Par Fabien DezéLa presse professionnelle et spécialisée est elle aussi concurrencée par le Web. Comment résister ? Le déclin n'est pas une fatalité et des titres trouvent toujours leur lectorat. 32 Les sept familles des lecteursPar Najoua AzlagDans la famille "enchaînée à son canard", vous avez demandé...34 Le nouveau courrier des lecteurs Par Emmanuelle Grimmaud Il y a les trolls, les janots, les paraphraseurs, les toujours critiques... Tout un petit monde que le journaliste ne peut plus ignorer.

18 Spécialistes et touche-à-tout Par Boussayna AkaizAutrefois, un journaliste était par définition un généraliste qui, à l’exemple d’Albert Londres, se mêlait autant de politique que de grand reportage ou de fait divers. Après les globe trotters, place aux experts. 20 Journalistes politiques: une élite sous surveillance Par Kahina Sekkai, Marie Perrin et Gary Assouline Ils sont spécialistes… de la matière la plus généraliste qui soit : la politique. 22 Portraits de quatre "princes qui font l'élection"Six journalistes politiques "ténors" à la loupe.24 Se spécialiser, un travail d'experts Par Corentin VilsalmonLes journalistes experts : une spécialité pour la vie ? 26 Journalistes multi-tâches La polyvalence dans le cahier des charges Par Hicham BarroukRédacteur et SR, JRI et monteur, plus aucun journaliste ne peut ignorer les autres fonctions de sa profession.

SOMM AIRE

Page 6: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

6 SCOOP 2012

Les grands médias vont-ils disparaître ?

proposant une information toujours plus ciblée et transversale, Internet sonne-t-il le glas des grands médias ? Par Pierre le Goupil

Les grands paquebots de l'in formation

dans la tourmente

Information générale

MÉDIAS

Page 7: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP 2012 7

Avec l’apparition d’Internet en 1995 et sa montée en

puissance depuis les années 2000, les grands médias font face à un nouveau défi. Les ventes ne cessent de baisser depuis l’entrée dans l’ère du numérique. Libération qui diffusait à 170 000 exemplaires par jour en 2000, plafonne aujourd’hui à 120 000. De leur côté, les grandes chaînes de télévision généralistes sont menacées par la multiplication des chaînes de la TNT et voient leur audience baisser. TF1, qui enregistrait des records d’audience à 40 millions de téléspectateurs en 1990, ne plafonne plus "qu’à" 20 millions en 2010. Seuls résistent les JT de la chaîne toujours très suivis, avec en moyenne 6,6 millions de téléspectateurs chaque soir, pas moins qu’il y a dix ans. Mais pour voir une progression, il faut regarder du côté des sites Internet d’information générales qui sont en augmentation. Selon

de la Diffusion), le Figaro revendiquait 40 millions de visites sur son site en décembre 2011 contre 35 millions en janvier 2011, et Libération 20 millions en décembre 2011 contre 18 millions en janvier 2011. «L’info générale a besoin de se renouveler, elle doit trouver sa place entre le besoin d’immédiateté et celui de la spécialisation», constate Cégolène Frisque, sociologue des médias.

Les grands paquebots de l'in formation

dans la tourmente

MÉDIAS

Crédit: Geoffrey Priol

Page 8: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

8 SCOOP 2012

FEMININ, LE

DÉBUT DE LA FIN ?

par Marie Lanen

Jusqu’en 2010, la grosse

entreprise de la presse

féminine ne connaissait

pas la crise. Avec le

lancement cette année

de trois nouveaux titres

(Envy, Be et Grazia), le

marché du féminin faisait

Malheureusement, Envy

d’un début de crise ? Une

chose est sûre, les chiffres

2012 de l’OJD sont là,

n’y échappent pas. Quant

aux deux petits nouveaux

que la presse féminine ne

Une presse qui lasse ?

Outre les incontournables

marronniers comme

"perdre du poids" (avant

l’été, après Noël, pour la

rentrée), les unes et les

sommaires déclinent les

mêmes thèmes, et ne

personnalisent que le

dosage du cocktail sexe,

séduction, shopping et

tend la presse féminine:

une femme belle, mince,

heureuse dans son couple

et en recherche d’une

sexualité harmonieuse

«Certains

articles culpabilisent les

femme: il faut être jolie

quoi qu’il arrive et surtout

mince et sympa en toutes

circonstances», lance

Les grands hebdomadaires gé-néralistes tentent de tirer leur épingle du jeu. Alors que le Nouvel Observateur maintient depuis 2000 ses 500 000 exem-plaires par numéro en moyenne, abonnements inclus, Marianne est quant à lui passé de 184 000 exemplaires vendus en 2000 à 264 000 en 2010. Paris Match a par contre vu son nombre de ventes chuter de 40% depuis 2000.

La presse magazine menacée

elle aussi

Autre secteur qui connaît des fortunes diverses, la presse spé-cialisée. Selon Cégolène Frisque, «la presse "mag" est de plus en plus spécialisée, les presses pro-fessionnelles et techniques sont même hyperspécialisées. En télé on voit bien que les chaînes spé-cialisées se développent, alors que celles d’infos générales ren-contrent des dif-

. L’essor d’Internet a éga-lement permis à des passionnés de créer de nou-veaux sites dans un domaine bien précis. Jeuxvideo.com est l’exemple type de site d’ama-teurs passionnés, devenus pro-fessionnels depuis, ayant dépassé en terme d’audience les médias professionnels. Il est aujourd’hui un des 20 sites les plus visités du web français. Allociné a connu le même succès durant la dernière décennie, faisant chuter la diffu-sion des « historiques » Pariscope

Racheter pour résister

La baisse d’audience des chaînes généralistes ne signifie pas forcément une fin pour elles. TF1 a racheté certains de ses concurrents de la TNT comme NT1 et TMC et a réalisé 11% de

millions d’euros. Dans le même genre, le Nouvel Observateur a racheté Rue 89, un de ses plus gros concurrents du Web. La radio elle aussi tire son épingle du jeu malgré une baisse d’audience vertigineuse depuis l’apparition d'Internet. A titre d’exemple, en 1990, RTL ras-semblait près de 26 millions d’auditeurs en moyenne par jour, alors qu’elle n’atteint "que" la moyenne de 6,6 millions en 2011. Mais la radio reste tout de même le média préféré des Fran-çais avec 40 millions d’auditeurs par jour dans la semaine, toutes radios confondues.

Une presse généraliste qui

tente de survivre sur le Net

Tous les grands quotidiens ont leur site. Le journal semble n’être plus qu’un supplément pour

a p p r o f o n d i r l ’ a c t u a l i t é . C e r t a i n s j o u r n a u x c o m m e France-Soir ne survivent que sur Internet .

Le Web est une nouvelle façon de consommer l’information, permettant au lecteur non plus de lire son journal, mais d’avoir directement une interaction avec le journaliste, et souvent entre lecteurs, via le système de commentaires. Le site Lemonde.fr, par exemple enregistre en moyenne 1, 8 millions de visites par jours, alors que la version papier ne se vend qu’à 286 000 exemplaires. Le Figaro lui, tourne à 1, 2 millions de visites par jour sur son site pour 317 000 ventes papier. La presse généraliste ne meurt pas, elle se transforme et migre sur la Toile. Reste à y trouver de quoi remplacer les recettes de diffusion qu'apportait l'édition papier. Autrement dit répondre à la question : Comment

La presse mag est de plus en plus spécialisée voire hyperspécialisée

RTL reste la première radio de France, avec plus de 6 millions d’auditeurs chaque matin. Malgré le fait que ce média ait perdu 75 % de ses auditeurs en 20 ans, elle reste, en tant que radio généraliste, la plus écoutée de France.

MÉDIAS

Page 9: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP 2012 9

de magazines féminins.

Trois euros pour se sentir

grosse et moche, on peut

cher.

Les résistants

On peut dégager trois

modèles de féminins qui

résistent tout de même

magazine féminin «qui

ne prend pas les femmes

pour des quiches»,

aurait multiplié par cinq

ses ventes depuis son

en proposant une ligne

éditoriale originale, «un

magazine féminin du

cerveau plus que du

capiton»

parvient à équilibrer

ses comptes tout en ne

prenant que très peu de

pages de publicité. Autre

modèle, sans doute plus

lucratif,Vogue Paris qui

fait toujours autant rêver.

de 90 ans ne fait pas son

âge! Mais le record, avec

est attribué à Top Santé,

considéré comme un

magazine féminin. Les

nombreux scandales liés

à la santé (Médiator,

prothèses PIP), n’y sont

sans doute pas étrangers.

numéro payée par

acheteur

LES NEWS MAGAZINES (en diffusion France payée)Paris Match 1990: 1 000 000 ex. 2010: 626 178 ex.Courrier International 2002: 150 433 ex. 2010: 202 557 ex.Le Nouvel Observateur 2000: 471 000 ex. 2010: 503 401 ex.L’Express 1990: 700 000 ex. 2010: 432 418 ex.

RADIO (en % audience)RTL 2000 15,1%2010 12,3%France Inter 2000 10,9% 2010 10%Europe 1 2000 10,9% 2010 9,7%France Info 2000 11,5% 2010 8,2%

LES QUOTIDIENS NATIONAUX (en diffusion France payée)Le Figaro 2000: 360 909 ex2010: 318 909 ex.Libération 2000: 169 011 ex. 2010: 115 952 ex.Le Monde 2000: 392 772 ex. 2010: 269 990 ex.Le Parisien 2000: 486 145 ex. 2010: 285 400 ex.

TÉLÉVISION (en % audience)TF1 2000: 32% 2010: 25%France 2 2000: 21% 2010: 18%France 3 2000 18% 2010: 10%

ÉVOLUTION DE LA DIFFUSION DE 2000 À 2010

A l'opposé l'un de l'autre, Causette et Vogue enregistrent des hausses importantes depuis 2010. C'est l'inverse pour le magazine Glamour.

MÉDIAS

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10 SCOOP 2012

Sur tablette on connaissait déjà l’application qui permet de

lire le site web de son journal pré-féré. Il est maintenant possible de s’abonner pour recevoir chaque matin un exemplaire de son quo-tidien au format électronique. Le modèle a partiellement convain-cu aux Etats-Unis, où l’étude du MPA (Magazine Publisher of America) montre que 41% des possesseurs de tablettes décla-rent s’être abonnés à un journal. De plus, avec le lancement de l’IOS 5 en septembre dernier, l’achat de journaux et la possibi-lité de les stocker avec l’applica-tion kiosque incite les utilisateurs à mettre la main à la poche. En revanche, l’ensemble des syn-dicats de la presse française ont décidé de boycotter l’iPad en précisant dans un communiqué commun que: "Les conditions commerciales imposées par Apple sont aujourd’hui inacceptables. Elles fragilisent le modèle éco-nomique de la presse et réduisent à terme les choix proposés aux internautes.” Ils dénoncent no-tamment l’impossibilité d’offrir des abonnements couplés compre-nant papier, web et tablettes. Les éditeurs regrettent également de ne plus avoir les coordonnées des clients, les organes de presse étant ainsi privés de données marketing essentielles.

iCher

Cette brouille ne doit pas occulter le fait que le format électronique

iPad : Pourquoi la presse ne met pas

les pieds sur la tablette ?

A la sortie de l’iPad en 2010, la presse écrite avait beaucoup misé sur cette nouvelle façon de consommer l’information. Bilan deux ans après.

Par Jérôme Durel et Geoffrey Priol

40MILLIONS, C'EST LE NOMBRE D'IPAD VENDUS SUR TERRE EN 18 MOIS

La presse sur tablette est un marché potentiel énorme. A condition de se soumettre aux conditions d'Apple : l’iPad à lui seul, représente 66% des tablettes vendues.

pourrait bien être l’avenir de la lecture des quotidiens et maga-zines comme du livre. Le lecteur y gagne en terme d’archivage, de poids, de multimédia (vidéo et/ou son) et, en principe, de prix. Car pour l’éditeur, si développer une version iPad représente un inves-tissement, les coûts de fabrication disparaissent, tout comme ceux d’envoi aux clients. Mais si l'on n'assiste pas au défer-lement annoncé des abonnements à des journaux sur iPad, c'est que

la tablette est d'avantage utili-sée comme accès facile et ma-niable à Internet que comme liseuse. Pourquoi payer pour s’abonner à un magazine si son contenu est disponible pour l'essentiel gratuitement sur le Web à partir du même outil ?Poser cette question, c'est poser celle du modèle économique des quotidiens et magazine et de leurs sites web: peut-on vendre d'un côté ce qu'on donne de l'autre ?

MÉDIAS

Page 11: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

"L'ARRÊT DU PAPIER EST PLUS QU'ENVISAGEABLE"Par Geoffrey Priol

Vincent Truffy, journaliste à

la presse : de quoi les journaux

PQN qui meurt à petit feu.

des quotidiens nationaux ?

L’une des raisons est la perte du

lien qui unissait un titre de presse

nationale à son lecteur. Un journal,

via ses articles, était un média

donner à son lecteur une opinion.

Aujourd’hui, les quotidiens natio

naux sont plus dans une optique

économique et commerciale. Les

chefs d’éditions sont plus intéres

sés par la vente à court terme. Ils

proposent des articles qui vont

faire le buzz. Il y avait une volonté

d’informer dans les articles qu’on

écrivait auparavant alors que

maintenant nous sommes plus

dans une optique de divertisse

lecteur à prendre le journal ? Il n’y

a plus de grands articles de fond,

ni de reportage de qualité qui

étaient vecteurs d’un lien politique

et social.

Le support papier pour la PQN

L’arrêt du papier est plus qu’envi

sageable. Il n’est pas dans les

possibilités des titres quotidiens

de supplanter les plateformes

Internet et tablettes. L’activité

papier perd systématiquement

son lectorat qui va vers le sup

ventes des quotidiens ne permet

plus d’équilibrer les comptes et

toutes les principales rédactions

doivent penser à un basculement

complet vers le numérique. Et

certains titres de presse y pensent

déjà comme Libération.

La PQN peut-elle se passer de l'iPad ?En dix ans, près des trois quarts des titres de la presse quotidienne nationale ont vu leurs diffusions totales payées chuter. Si l’Humanité résiste (-4,36%) Libération, Le Monde et Le Figaro sont à la peine avec respectivement -30,18%, -22,26% et -10,88% de baisse en 10 ans. Parmi les quotidiens qui sortent leur épingle du jeu, La Croix s’offre une progression de presque 15%. Les journaux qui ont une baisse assez faible, voire nulle pour certains, sont des journaux marqués par une ligne éditoriale

pour La Croix ou bien encore l'engagement comme l’Humanité. Pour certains quotidiens comme France-Soir, la baisse de plus de moitié a eu raison du support papier dont le dernier numéro est sorti en décembre 2011. La baisse des recettes publicitaires a accentué la crise de la presse. En 2009, la publicité a reculé de 10% à 30% en moyenne selon les

(Source: OJD)

Diffusion 2001 Diffusion 2011 Evolution Le Parisien Aujourd hui en France

513 585

462 535

- 9,94%

Le Figaro 372 661 332 120 -10,88% Le Monde 415 324 322 872 -22,26% Libération 174 310 121 707 -30,18% Les Echos 153 048 121 203 -20,81% La Tribune 102 097 75 070 -26,47% La Croix 91 662 105 363 14,95% France-Soir 82 314 71 290 -13,39% L Humanité 51 518 49 271 -4,36%

SCOOP 2012 11

MÉDIAS(cc Ophelia Noor/Ow

ni.fr)

Page 12: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

12 SCOOP 2012

Le phénomène de spécialisa-tion concerne l’ensemble du

monde médiatique, tous supports confondus, mais s’est accéléré depuis les deux dernières décé-nies. L’arrivée des nouvelles technologies a rendu l’informa-tion encore plus immédiate et le public, de mieux en mieux informé, est devenu plus exigeant. «En télé on voit bien que les chaînes spécialisées

se développent, alors que celles d’info généraliste rencontrent des

explique Cégolène Frisque, Maître de conférence en sociologie à l’Uni-versité de Nantes. La PQR résiste à ce phénomène, car « même s’il existe aussi des grosses rédactions en ré-

gion, où l’on observe une forme de spécialisation thématique,

poursuit-elle. Si la PQR se porte

mieux que la PQN au regard des tirages, (Ouest France, est le seul titre français dans les 100 premiers quotidiens payants mondiaux, à la 76ème place), le manque de

capables d’écrire vite et bien sur différents thèmes.

Yannick Jouan-Jan, fondateur du site Orleansinfos.fr il y a trois ans,

On reste touche-à-tout, on n'a pas forcément les moyens de sortir tous les jours un papier écrit par un spécialiste. Mais on ne

La Presse quotidienne régionale parvient à se maintenir en tant que grand média généraliste et se pose en dernier refuge des journalistes d'"info géné".Crédit: JB. Salvat

La PQR: dernier bastion des

infos générales ?

Les nouvelles générations de journalistes se spécialisent de plus en plus. Une évolution qui touche également la Presse Quotidienne Régionale (PQR), mais

Par Jean-Baptiste Salvat

AVEC PRÈS DE 760 000 EXEMPLAIRES PAR JOUR, OUEST FRANCE FAIT AUSSI BIEN QUE LE FIGARO, LE MONDE, LIBÉRATION ET L’HUMANITÉ RÉUNIS.

MÉDIAS

Page 13: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP 2012 13

s’interdit pas de faire appel à des journalistes spécialisés, notam-ment pour des piges en sport ou

Dans le même temps, il défend l' aspiration à une forme de liberté qu’offre encore la profession, une certaine vision du journalisme, et se montre formel : « Je ne pourrais pas rester toujours sur la même thématique ! Cela ne me dérange pas de faire un fait divers. Un des avantages du métier est qu’on ne sait pas toujours de quoi est fait

renchérit-il. La journée du journaliste de PQR ne commence pas toujours par la lecture des leads de l’AFP ou de Reuters comme dans une rédac-tion nationale. Il faut se tenir au courant de tous les évènements et connaître le who’s who local. Dans une même journée, le journaliste peut interviewer l’entraineur de l’équipe de foot local qui monte d’une division, rencontrer un édile

conseil municipal du chef-lieu.

Pour Cégolène Frisque, on observe en réalité -

ce que Denis Ruel-lan décrit comme «une fragmen-

Albert Londres, Joseph Kessel, Ernest Hemingway… ou même Tintin (!), c’est du passé ! Le tra-

vail du journaliste n’est plus aussi homogène que le laisse penser la représentation que la profession se fait d’elle-même. Aujourd’hui, et de plus en plus, une plume est au service d’une rubrique, parfois d’une sous-rubrique, où les journa-listes spécialistes sont cantonnés. Les infos générales elles, donnent le tempo de l’actualité chaude et

lequel chaque élément prend sa place.

de presse pour la Presse Quoti- ironise Nicolas

Desroches, journaliste au Journal de Saône et Loire et vainqueur du Trophée du Scoop 2011 aux Vic-toires de la presse, organisées par l’Association mondiale des jour-naux (Wan-Ifra), pour son article qui lancera l’affaire Médiator, près d’un mois avant que le Figaro ne le reprenne (sans avoir d’ailleurs

la délicatesse de le mentionner.) « C ’ e s t u n a v a n t a g e e t u n d é s a v a n t a g e d ’ ê t re

, lance-t-il. Le journaliste d’infos généralistes a l’avantage d’«avoir une approche transversale, moins restrictive,

Si près de 60% de ses articles concernent l’économie, il écrit aussi en santé ou en culture et réalise des interviews en dehors de son domaine de prédilection. «J’ai fait ce boulot parce que je suis curieux et que j’aime

explique-t-il. «On est de plus en plus cross-media, on écrit pour le Web qui nous permet de faire de la photo, de la vidéo et du son, on publie sur les réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. On est au plus proche des gens, c’est ça qui est

LE WEB RÉGIONAL, UN EXEMPLE À SUIVRE

« Internet nous offre les outils

nécessaires pour rendre l’infor-

mation accessible. » Il y a trois

Orleansinfos.fr, et le succès est

de rentabilité commencent à être

atteints. Il part d’un constat simple:

«On a du Web tout le temps dans

sa poche ! », avec le développe

ment des smartphones et autres

tablettes numériques. Il s’agit

presque d’un mariage de raison :

le Web permet la proximité avec le

lecteur, et cette proximité est jus

tement une des forces de la PQR.

La presse écrite a d’abord trans

posé le journal et ses contenus en

ligne, mais quel intérêt d’acheter

le papier dès lors ? Depuis, la

plupart des titres ont compris qu’il

faut différencier l’info, exploiter la

richesse du Web 2.0 et que l’offre

Web doit être complémentaire du

papier. Le journaliste a la possi

bilité de faire de la vidéo, du son,

du texte, de la photo, mais aussi

d’être présent sur les réseaux

sociaux et d’interagir avec le lec

torat.

Le principal, c’est d’innover. La par

ticularité d’Orleansinfos.fr? Rendre

l’info accessible aux malvoyants.

mais un atout également puisque

l’offre de PQR pour malvoyants

est quasi inexistante. Le Web

permet plus de proximité, plus de

réactivité, et un enrichissement

considérable du contenu.

avantage et un désavantage d’être

Nicolas Desroches, Journal de Saône-et-Loire

La presse régionale se

propose son contenu sur les tablettes tactiles. DR

MÉDIAS

Page 14: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Depuis le début des années 2000, les sites d’information

généraliste sur Internet croîssent et se multiplient, tandis que la diffusion des grands quotidiens ne cesse de se réduire. Pourtant, qu’il s’agisse des sites « pure players », dont l’activité est menée uniquement sur la Toile, ou bien des sites de titres de presse existants, le succès d’audience n’a pas débouché sur la réussite

publicité, ces sites tuent le modèle économique de la presse écrite, mais sans en proposer de nouveau en remplacement.

Si les sites spécialisés dans l ’automobi le , le c inéma, l’immobilier ou la musique sont

ou aux petites annonces, marché qu’ils ont littéralement phagocyté, les sites dits « généralistes » sont presque tous à la recherche de leurs revenus. Seul Lemonde.fr dit être rentable, avec une formule semi-payante : pour six euros par mois, l’internaute a accès à des articles plus complets et aux archives. Mais le site existerait-il encore sans l’appui du quotidien du soir? De quoi remplirait-il sa home et ses newsletters quotidiennes s’il n’était pas adossé à l’équipe d’un des quotidiens les plus vendus ?Délivrer de l’information au moindre coût, c’est le dilemme des sites pure players qui, eux,

ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Tendance montante, les internautes en deviennent les auteurs, bénévoles

ce système crée un sentiment d’appartenance, comme Rue89 et ses «riverains», communauté d e l e c t e u r s - b l o g u e u r s . Dernier-né généraliste, le Plus, addition participative au Nouvelobs.com, compte 24 000 inscrits depuis son ouverture, en mai 2011. Pourtant, la

rédactrice en chef, Aude Baron, dit

. Le travail des équipes du Plus se divise en trois axes : «d’abord la sélection parmi les articles envoyés, […], ensuite la

et la mise en forme. Le participatif est une autre façon de faire du

Le site prévoit même de mettre en place un «système pour récompenser les meilleurs

. Rien «des bons

La résistible ascension des sites généralistesL’assassinat de la presse écrite par Internet est annoncé depuis des années.

le mobile du crime reste inconnu : les sites peinent à trouver leur équilibre

Par Kahina Sekkai

14 SCOOP 2012

MÉDIAS

Crédit: J.B Salvat

Page 15: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

. Pour la journaliste, le problème de ces sites est qu’ils sont trop généralistes : «La différence entre un site spécialisé et un site généraliste, c’est la valeur ajoutée. Aujourd’hui, sur Internet, il vaut mieux être très bon sur deux ou trois choses que

Cette envie de ne louper aucun secteur de l’actualité

dépêche, pratique qui «ne marche , de plus en plus

demandeur d’une information de qualité, crédible et approfondie.

La question de la crédibilité se pose différemment pour les sites issus de rédactions papier. «Un site adossé à une maison

explique Johan Hufnagel, rédacteur en chef de Slate.fr. «La maison mère est une marque,

auprès des lecteurs. Les lecteurs qui ont découvert Slate, Rue89 ou Médiapart accepteraient de sauter dans l'inconnu alors que ceux de Liberation.fr ou Lemonde.fr savaient ce qu'ils allaient trouver. Du côté des sites attachés à un titre de presse existant, la question du modèle économique reste la même. Certains magazines proposent des offres d’achat de publicité liées papier et Web. Mais cette synergie n’est qu’une façon de camoufler un phénomène de vases communicants : toujours plus de pub sur la Toile, de moins en moins sur le papier. Pour Aude Baron, rédactrice en chef du Plus, l’appui d’une maison mère est fondamental :«On ne pourrait pas exister sans l’Obs. Au quotidien, nous sommes sept, ce qui serait impossible sans le soutien La jeune femme poursuit : «Aujourd’hui, tout l’enjeu, c’est exister seul, c'est très compliqué. Il n’y a pas de vrai modèle économique sur

, déplore-t-elle.Du coup, le rachat de Rue89 par le « Nouvel Obs », sonne comme un aveu d’échec de la nouvelle économie, incapable de trouver seule les moyens de son émancipation. Car tout se vend et tout s’achète sur le Web… sauf l’information.

Internet

Pour Johan Hufnagel, «réussir à faire payer les gens sur

de par la fonction première du Web, «un lieu de circulation de l’information sans le mur

. Mediapart, qui se «un

journal d’information numérique, ,

coûte neuf euros par mois. Dans «Le projet Mediapart», l’équipe

que ni l’offre papier existante ni l’offre en ligne ne satisfont aujourd’hui ». Et les journalistes d’évoquer cette période entre crise de la presse papier et croissance du Web, en manque de modèle économique stable. Un modèle de développement payant, tenté par de nombreux titres de presse, mais qui a échoué à de nombreuses reprises, y compris outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, le «New York Times» et le «Wall Street Journal», deux mastodontes américains

leurs tentatives après des échecs

SCOOP 2012 15

Arianna Huffington

a créé le Huffington Post

en 2005Crédit:

trulyrightview.com

MÉDIAS

LE HUFFPO.FR SE LANCE AVEC LE MONDEPar Sarah Mazelier

Un nouveau site

d’information a fait son

dans le paysage du web

fr. Fruit d'un partenariat

entre le banquier

Mathieu Pigasse, Arianna

site américain et le journal

fusionné avec Le Post, site

participatif du quotidien.

Il est calqué sur le modèle

repose sur la participation

bénévole de contributeurs,

de journalistes. Si ce site

avait pour vocation de

donner la parole à tous

les partis politiques on

lui a un temps reproché

sa proximité avec le

Tea Party, aile droite

du parti républicain. De

nombreuses célébrités

que Barack Obama, David

Anne Sinclair est devenue

directrice éditoriale,

David Kessler le directeur

de la publication et Paul

Ackermann le rédacteur en

chef.

De même que pour la

version américaine du

mélangera informations,

divertissement, opinions

et blogs écrits par toutes

sortes d'intervenants, dont

des célébrités. Il traitera

l'actualité et la politique,

mais aussi la culture, les

médias ou le "lifestyle".

AFP, Martin Bureau

Page 16: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

MÉDIAS

comme celui de succès restent à

est-il un succès ? La question se pose également en France, depuis qu’Edwy Plenel, président et directeur de la rédaction de Mediapart, a annoncé «ne plus perdre d’argent» depuis l’automne dernier. Plus de 47 000 personnes sont désormais abonnées au site lancé par l’ancien du Monde.

Les derniers instants du papier ?

Internet, coupable désigné dans la chute des ventes des journaux, devrait les pousser à l’évolution selon Aude Baron, rédactrice en chef du Plus. «Il faut trouver une valeur ajoutée. Il faut que le papier s’adapte, avec des articles peut-être

. Le problème posé est également celui de l’immédiateté «qui est maintenant

, causant du tort aux quotidiens. «Mais des titres comme "XXI" montrent qu’avec une forte valeur ajoutée, il y a des acheteurs. La pratique de la presse écrite ne disparaîtra pas, parce que la lecture sur Internet n’a pas cette facilité, ni

Et pour l’ancienne journaliste du Post.fr, le prix des tablettes et liseuses en fait un produit que tout le monde ne peut posséder. Malgré l’absence de pérennité é c o n o m i q u e pour les sites web, les journaux meurent. La d i s p a r i t i o n d’un quotidien emblématique, «France Soir», en est encore une

«C’est une période

, perçoit Johan Hufnagel, optimiste. Mais selon lui, «ériger des modèles tout payant ou tout gratuit est une erreur,

16 SCOOP 2012

rédacteur en chef

Enchaîné

Sans revenus publicitaires

Le coût de fabrication

est très faible: pas de

papier glacé, seulement

huit pages. Ensuite,

nous sommes une petite

équipe de rédaction.

Avec un million

d'abonnements et de

ventes en kiosque, le

journal s'en sort très bien.

médias, nous sommes

taux de marge sur chiffre

millions d'euros en 2011.

Enchaîné refuse une

version Web ?

Tous les sites

d'informations sont

déficitaires, pas forcément

en déficit grave, mais

déficitaires tout de

même. Nous n’avons

pas envie de nous lancer

équipe de spécialistes

informaticiens, agrandir

l'équipe de rédaction

nous coûterait plus

cher. Or, on sait que les

journaux qui déclinent

une version Web sont

doublement perdants :

les lecteurs se contentent

de la version Web au

détriment des journaux

papiers. Même si on ne

mettait qu'une personne

sur le site, il n'y a pas de

garantie que la personne

suive la ligne éditoriale.

Un article engage

toujours le journal où il

paraît. Trop risqué...

Les nouveaux sites dits

d’investigation tels que

concurrence dangereuse ?

Non, absolument pas.

Leur apparition n’a en

rien affecté nos ventes.

Si on regarde la courbe

de nos ventes, ces sites

ne nous font aucun

tort. L’information

dite d’investigation est

comme une fête, plus

on est nombreux sur

ces sujets, plus ont rit.

nous stimule !

Par Sarah Mazelier

Délivrer de

l’information au

moindre coût,

c’est le dilemme

des sites pure

players

Louis-Marie Horeau, rédacteur

en chef adjoint au Canard

Enchaîné, lors d'une perquisition

au siège du journal, dans le

cadre de l'affaire Cleastream, le 11

mai 2007. Crédit: AFP

Un canard pas enchaîné à la Toile

Page 17: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

MÉDIAS

RUE89: DU SITE AU MAG Par Boussayna Akaiz

anciens de Libération, le

site web d’information

en juin 2010 un magazine

mensuel. «Notre motivation

est d’espérer toucher un

lectorat différent avec le

magazine» déclare Yann

Guégan, rédacteur en chef

adjoint. Le contenu ne

diffère pas vraiment d’un

support à un autre: «Il y a

un travail de réadaptation

des textes du Web au

magazine, mais le contenu

est le même. On a une

première partie composée

d’articles à venir sur le site

et une seconde d’articles

déjà parus»

Du fait de cette similitude

de contenu seulement

trois personnes ont rejoint

version papier : un éditeur/

maquettiste, un iconographe

et un correcteur. Et ce ne

sont pas les ventes qui

permettront d’étoffer cet

effectif : «Le nombre de

ventes pour le magazine

varie entre 16 000 et 20 000

par mois, c’est assez stable

mais on a du mal à dépasser

ce chiffre» avoue Yann

Guégan.

TWITTER, NOUVEAU SUPPORT D’INFORMATION ?Par Geoffrey Priol

d'utilisateurs, dont

devenu en à peine

six ans un sérieux

concurrent des sites

Internet généralistes

d’information. En une

semaine le nombre

de tweets envoyés

dépasse le milliard.

Ici les journalistes

ne sont plus les

principaux acteurs de

l’information, mais de

simples spectateurs

qui tentent de dénicher

de l’information dans

caractères. «Pour

les journalistes,

Twitter est une source

d’informations et

comme toute source

C’est devenu un

véritable support de

travail »,

Mettout directeur

éditorial du site

l’Express.fr. Le procès

de Dominique Strauss

Kahn est le parfait

exemple d’une des

utilisations de Twitter

par les journalistes.

Durant le jugement de

Monétaire International,

les journaux télévisés

des chaînes comme

journaliste à l’intérieur

du tribunal même,

suivaient les tweets des

personnes présentes

dans la salle. A la

télévision, le journaliste

découvrait l’information

en même temps que

le spectateur, une

première.

Face à cette déferlante,

les journalistes doivent

prendre la vague

mais avec précaution.

Pour Eric Mettout,

ce réseau social est

«un moyen d’attirer

les lecteurs vers les

articles des sites

généralistes mais c’est

surtout un immense

carnet d’adresses. Ici

plus besoin

d’inviter une

personne à

dîner pour

maintenir

son contact,

de retweeter ses

messages et établir

une relation, une

(la personne qui

envoie des tweets).

Cela permettra au

informations sur cette

personne qu’elle nous

donnera en privé ou

bien qu’elle révèlera

à tous ses followers

(les abonnés à son

compte ) ». De plus

pour l’éditorialiste du

site Internet, il n’existe

pas en soit une écriture

journalistique propre

à Twitter où l’on ne

caractères. «C’est une

utilisation de Twitter

qu’il faut apprendre

comme par exemple

comment retweeter,

suivre des twittos de

qualité et tweeter à des

personnes précises. »

L’une des principales

rencontre le journaliste,

lorsqu’il a un compte

Twitter professionnel,

est de prendre du recul

face à ce qu’il écrit.

«Twitter est un lieu

où l’on prend plaisir à

échanger des messages

mais il faut faire

attention à ce que ce

soit le journaliste et non

la personne qui tweete.

Il ne faut pas que le

personnel prenne le pas

sur le professionnel»,

IL N’EXISTE PAS UNE ÉCRITURE JOURNALISTIQUE PROPRE À TWITTER OÙ L’ON NE PEUT ÉCRIRE QUE 140 CARACTÈRES

SCOOP 2012 17

Page 18: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Spécialistes et touche-à-toutAlors qu’autrefois le journaliste se devait d’être cet étonnant dilettante capable de parler de tout et de traiter tous les sujets, on lui demande à présent de devenir un expert dans son domaine, tout en étant capable de remplir toutes les fonctions de son métier. Par Boussayna Akaiz

18 SCOOP 2012

Pointus et multifonctions

Les journalistes "cou teau suisse"

RÉDACTIONS

Page 19: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP 2012 19

LE JOURNALISTE, EXPERT DE SON DOMAINE ET MULTI-FONCTIONS

Pointus et multifonctions

Les journalistes "cou teau suisse"Al’époque où les grands

médias traditionnels domi-naient, le reporter se devait d’être « généraliste », capable de pouvoir intervenir sur différents domaines. C’était même la définition du métier. Il devait pouvoir écrire aussi bien sur la politique, que la mode, les faits divers ou de

tutélaire du journaliste français, incarnait parfaitement ce cliché. Du Tour de France à la guerre en Chine, en passant par le bagne de Cayenne, les asiles, le terrorisme Balkanique ou la prostitution, il a tout traité. Il y a trente ou quarante ans encore, le journaliste spécia-lisé était rare, c’était le laborieux qui, à longueur d’année, essayait des voitures ou commentait les cours de la Bourse. Si les domaines d’intervention du journaliste généraliste étaient multiples, en revanche la polyva-lence, elle, ne faisait pas partie de ses qualités : il était un homme de presse écrite, de radio ou de télévision et s’y cantonnait. On pardonnait à un journaliste de presse écrite de bafouiller face à la caméra et au journaliste de télé ou de radio d’écrire un français parlé. On leur pardonnait surtout d’être des pachas. L’homme de plume dictait son article au téléphone ou tendait négligemment ses feuil-lets manuscrits à une secrétaire dactylo. Taper à la machine était

-sée » et même rédiger un chapô ou une légende était du ressort d’une autre race de secrétaire : le secrétaire de rédaction. Quant au journaliste de télévision, pour la moindre interview, il partait avec chauffeur, preneur de son et caméraman. Si on lui avait dit qu’un jour, son successeur parti-

rait seul à scooter et s’occuperait du montage au retour, il ne l’aurait pas cru.

A présent le journaliste tend à devenir un spécialiste à qui l’on demande d’avoir des connais-sances assez pointues sur un, voire deux thèmes : de l’économie au sport, en passant par la culture, la santé, les transports, le high tech. Ce « rubriquage » des équipes de rédaction n’est pas nouveau mais l’émergence du Web et la place qu’y prend le lecteur via les fo-rums ou les « réagir à cet article » font que le journaliste ne dominant pas son sujet est immanquable-ment jeté aux fauves. A la télé et à la radio aussi, le lecteur/téléspectateur/auditeur est aujourd’hui plus présent et ne se prive pas de pouvoir réagir instantanément à une information donnée, parfois de manière viru-lente. Cette irruption du lecteur, et pire, du lecteur « spécialiste de son sujet » oblige les médias à faire appel à des journalistes ayant une parfaite maîtrise de leur(s) domaine(s) de prédilection. Du coup, l’école de journalisme ou l’apprentissage par la pige ne sont plus des viatiques : beaucoup ont des diplômes provenant d' uni-vers aussi divers tels que sciences humaines, médecine, cinéma, éco-nomie ou ingénieur. Le casque et la plume

En même temps qu’il devient spé-cialiste d’un domaine, le journa-liste doit devenir un généraliste dans sa profession, et en maîtriser toutes les fonctions. Un rédac-teur doit écrire aussi bien pour la version papier que la version web, savoir prendre des photos

par nécessité économique, des vidéos pour le Web. Un journa-liste radio ou télé doit aujourd’hui pouvoir tenir son blog ou écrire pour un site. Le rédacteur fait de l’editing sur le logiciel de PAO, le JRI du montage. Tout journaliste doit désormais maîtriser les outils techniques mis à sa dispostion.

Un secteur en crise

Cette nécessité de polyvalence est d’origine essentiellement écono-mique : les ventes sont en baisse tout comme les recettes publicitaires, ce qui entraine des réductions d’effect i fs . Aux quelques grandes rédactions aux effec-tifs pléthoriques d’autrefois ont succédé des myriades de micro équipes. Dans ces rédactions peau

telles que secrétaire de rédaction et photographe n’ont guère d’ave-nir. Les rédacteurs font de plus en plus leur editing et cherchent ou prennent les photos.L’omniprésence d’Internet est aussi pour beaucoup dans ces changements. Les sites web dé-livrent aussi bien du texte, que du son ou de l’image. La presse traditionnelle tente de suivre cette surenchère sur ses sites, sans pour autant avoir les moyens de recruter. On est donc passé d’un modèle à un autre. Pour surnager, le jour-naliste doit posséder plusieurs aptitudes, tout en étant spécialiste dans un domaine. Cette nécessité se ressent jusque dans la forma-tion des journalistes de demain, les écoles ayant le devoir de jon-

RÉDACTIONS

Page 20: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

«C déclare Michel Revol,

journaliste politique au magazine Le Point, « pour un journaliste politique, couvrir les élections du futur président de la république

. Bertrand Delais, journaliste politique pour France Culture compare cette élection au plus grand événement sportif : «C’est comme les Jeux Olympiques pour un journaliste sportif, c’est le même enjeu pour nous. Ce n’est pas le plus impor-tant, mais c’est le plus intense

Mais les journalistes politiques peuvent-ils traiter librement des informa-tions concernant les hommes du pouvoir ?

Tous s’accordent à dire que l’auto censure est de mise dans ce mi-lieu. « Il faut savoir se retenir. Si on ne divulgue pas certaines

informations gênantes sur leur vie, les politiques nous en sont reconnaissants et n’hésiteront pas

donneront plus facilement des in-formations. C’est un cercle fermé

déclare Michel Revol. Certains

puissants. C’est le cas de Bertrand Delais. En 2002, le journaliste s’entretient avec Lionel Jospin, alors Premier Ministre et candidat à la présidentielle : «Je parlais avec lui de manière informelle. A un moment il m’a dit qu’il faisait un très bon bilan de ces derniers mois. Je lui ai répondu qu’un bon bilan ne garantissait pas qu’il se fasse élire en tant que Président. Il s’est braqué et n’a plus rien dit. Mais les conséquences de mes paroles ont été immédiates. Quelques jours plus tard, un petit-déjeuner de presse était organisé

et je n’étais pas convié. Je n’ai plus jamais été invité et Lionel Jospin m’a clairement mis à l’écart. Nous sommes face à des gens puissants, qui ont du pou-voir et peuvent décider de notre

Maintenir un rapport de

Cette anecdote montre que la liberté n’est pas le maître mot de cette profession où le compromis est permanent. Le lien qu’éta-blissent les journalistes avec les hommes politiques nécessite un

absolument conserver. « C’est un équilibre fragile, il faut savoir donner autant qu’il faut savoir

, explique Michel Revol. Pour autant, les journalistes ne privilégient pas forcément leur carrière : «Je ne ferais pas le choix de ma carrière si j’avais

Entrée de Ségolène Royal puis de Laurent Fabius au Marriott à Paris le 25 mars 2008

Crédit photo:

tibotanguy/Flickr

20 SCOOP 2012

Journalistes politiques, une élite

sous surveillance

Entre tutoiement, déjeuners informels et SMS, les relations entre journalistes et politiques sont parfois ambigües. A l'approche des élections présidentielles, la question de la connivence se pose plus que jamais. Par Marie Perrin

RÉDACTIONS

Page 21: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

une info en exclusivité. Après bien sûr, tout dépend de l’infor-mation. Par exemple je ne vois pas l’intérêt de parler des frasques sexuelles de DSK, ça ne va pas faire avancer les choses de savoir que cet homme a un comportement sexuel déviant. Il fait ce qu’il veut avec qui il veut. Tant qu’il ne se serait pas présenté, jamais je n’en aurais parlé. Par contre dès qu’il devient candidat, là c’est intéres-

Les journalistes politiques, bien que spécialistes dans leur domaine, sont amenés à traiter toutes sortes de sujets, de l’ONU aux impôts en passant par les mœurs, la sécurité ou encore les retraites. Ils sont donc des généralistes spécialisés en politique. Michel Revol déplore d’ailleurs ce côté si hétérogène du métier : «Quelque part, c’est décevant car on nous demande vraiment tout et rien. On ne fait pas forcément que suivre tel ou tel parti. Il faut qu’on soit apte à parler de n’importe quel

Autrefois considéré comme l’élite du journalisme, ils sont désormais de moins en moins perçus comme les meilleurs. La dépolitisation et la crise du journalisme sont passées par là et le métier a perdu l’aura qu’il avait autrefois. «Le prestige du journaliste disparaît. En même temps la qualité des professionnels

laisse parfois à dési-, regrette Michel

Revol.

Un manque de recul

pour les journalistes

Pour Bertrand De-lais, le manque de distance qui carac-térise les relations entre journalistes et politiques reste le point faible du métier. «Le vou-voiement qui était de mise avant ne l’est plus aujourd’hui. On se tutoie tous, quelles que soient nos fonctions. Il n‘y a plus de respect, mais une grande brutalité, une trop grande franchise dans nos paroles. La pression est énorme sur nous, les journalistes, car quelque part nous devenons les

, déclare Michel Revol. Mais ce qui dérange le plus ces professionnels de l’information politique, c’est le manque de liberté des hommes politiques eux-mêmes. Toutes leurs paroles et leurs moindres faits et gestes sont contrôlés. « Les politiques ont une énorme maîtrise d’eux-mêmes. Avant de nous parler ils endossent leur

blindage car ils ne veulent faire -

liste de France Culture. Mais la question la plus récurrente pour les journalistes politiques est celle de l’objectivité. Est il réellement possible pour ces spécialistes de mettre de côté leurs opinions per-sonnelles et de garder une parfaite neutralité face aux différents par-tis qu’ils côtoient ? La plupart sont tentés de répondre « oui », mais tous l’avouent, la neutralité n’existe pas. «On prend forcément un peu parti dans nos

SCOOP 2012 21

ACRIMED, LE GENDARME DU JOURNALISME Par Kahina Sekkai

Médias) se donne

pour mission d’être

un observatoire des

médias. L’association

s’est lancée après

un appel suite aux

et qui débute ainsi:

«Nous soussignés,

citoyens, responsables

associatifs, politiques

et syndicaux,

intellectuels

et chercheurs,

journalistes, voulons

réagir à la manière

détestable dont la

plupart des rédactions

des grands médias

rendent compte de

la réalité. » Depuis,

Acrimed ne manque

pas de relever chaque

irrégularité dans la

presse, sur tous les

sujets, encore plus à

l’occasion d’élections

politiques. Pour 2012,

comme pour 2002 et

en veille permanente

et n’épargne aucun

média. Depuis les

six derniers mois,

LeMonde.fr , «VSD» ou

encore l’émission de

Laurent Ruquier «On

n’est pas couché», ont

été épinglés pour leur

traitement de l’actualité

politique. L’association

reproche à l’animateur

de France 2 d’avoir

"tourné en ridicule"

le candidat du NPA

Philippe Poutou. Le site

d’Acrimed consacre

même une rubrique

intitulée «Journalisme

et politique» à propos

du « journalisme

de révérence », où

l’association dénonce

les tentatives de

déformations de

l’information au service

d’entités politiques.

présidentielles pour nousc’est comme les Jeux Olympiques pour un journaliste sportif, c’est le même enjeu . Michel Revol, journaliste politique au Point.

RÉDACTIONS

Crédit photo: tibotanguy/Flickr

Page 22: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

22 SCOOP 2012

Portrait de quatre "princes qui

font l'élection"

A l’approche de l’élection présidentielle, quelques journalistes politiques sortent du lot. Dans le métier depuis des dizaines d’années, ils ont su durer et naviguer entre les médias malgré des parcours différents. Zoom sur quatre tenors.

Par Kahina Sekkai

Jean-Michel Aphatie

Du matin jusqu’au soir, Jean-Michel Aphatie ne pense qu’à la politique. De l’antenne de RTL pendant la matinale au «Grand Journal» de Canal+, le journaliste à l’accent basque reconnaissable est devenu un passage incontournable pour

les politiques. Pour autant, le parcours de Jean-Michel Aphatie est à part dans le journalisme, car il n'est pas issu de la pépinière Sciences Po, dont provient nombre de ses collègues. Le natif des Pyrénées-Atlantiques n’a obtenu son bac qu’à 24 ans, après avoir abandonné l’école à 14 ans. Il est entré à

l’hebdomadaire «Politis» après une maîtrise en droit public et un diplôme de journalisme à l’IUT de Bordeaux. Avant de devenir directeur adjoint de la rédaction de RTL, il est passé par diverses rédactions prestigieuses: Libération, Le JDD, L’Express, Le Monde et France Inter. Il est aujourd’hui le plus connu des journalistes politiques et a même sa propre marionnette aux Guignols de l’Info.

La rédactrice en chef du service politique du « Point » a un parcours atypique. Avant de rejoindre « L’Express » en 1976, toute droit sortie de Sciences Po, elle était en charge des relations avec la presse de Françoise Giroud durant un an, quand la co-créatrice du news magazine était ministre de la Condition féminine. Elle l’a ensuite suivie au ministère de la Culture en tant que conseillère technique. Rédactrice en chef de la rubrique France-actualité jusqu’en 2007, elle est devenue chef du service politique du « Point » après le départ de Catherine Pégard, devenue conseillère du président nouvellement élu Nicolas Sarkozy.

Jean-Pierre Elkabbach

Intervieweur politique d’Europe 1, dont il a été le patron pendant trois

anciennes du journalisme politique. Diplômé de Sciences Po Paris et de l’Institut Français de Presse, il

Jean-Michel Apathie

Copyright site Internet Médias

Sylvie

Pierre-Brossolette copyright DR

Jean-Pierre

Elkabbach copyright Eric

FougereVIP Images- Corbis

RÉDACTIONS

Page 23: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP 2012 23

JOURNALISTES ET POLITIQUES: LES LIAISONS DANGEREUSES

Par Gary Assouline

intellectuelle et morale,

qui peut amener à

faire abstraction

d’entorses à la morale

commises par l’autre.»

du Larousse pourrait

à certains articles

d’analyse politique.

Les relations entre

journalistes et

hommes politiques

l’examen de la critique,

notamment sur les

forums de discussion

en ligne où l’on

dénonce allègrement le

«cul et chemise» des

uns et des autres. S’ils

exercent chacun un

métier intrinsèquement

différent, l’un ne peut

vivre sans l’autre et les

deux s’alimentent voire

s’aimantent.

La connivence

de proximité. Les

journalistes qui suivent

au quotidien les partis

et hommes politiques

dînent dans les mêmes

restaurants et dorment

dans les mêmes

hôtels lors de leurs

déplacements. A force

de vivre ensemble, le

rapprochement est

inévitable. Tutoiement,

vouvoiement, la

frontière est assez

mince, au risque que

les relations évoluent.

Récemment, Valérie

Trierweiler, Audrey

Pulvar ou encore

Béatrice Schonberg,

liées respectivement

Arnaud Montebourg

ont dû mettre entre

parenthèse leur

carrière de journaliste

politique le temps

de la campagne

présidentielle. Entre

la liaison amoureuse

et amicale, le public

a l’impression

que journalistes

et politiques sont

redevables les uns des

autre. La connivence,

c’est l’histoire d’une

rencontre qui vise à

séduire l’autre dans un

dessein professionnel

et qui suit son propre

intérêt.

Le risque de proximité

ne caractérise

toutefois pas les

seuls journalistes

politiques mais tous

les journalistes

spécialisés. Voyages

tous frais payés

pour des tests

et conférences

à l’étranger,

étroitesse du milieu

professionnel, tout

concourt à favoriser

le syndrôme de la

connivence.

Alain Duhamel, source CAPE

devient correspondant de la Radio française à Alger en 1960. Dix ans plus tard, il devient le présentateur du journal de la Première chaîne. Il entre à Europe 1 après la présidentielle de 1981 et obtient le poste de directeur d’antenne en 1987. Six ans plus tard, cet Algérien de naissance est élu président de France 2 et France 3. En 1999, il fonde la chaîne Public Sénat et en devient président. Il occupe ce même poste à Europe1 en 2005 mais est contraint de le quitter en 2008 pour avoir annoncé par erreur la mort de Pascal Sevran.

Alain Duhamel

Journaliste multi-médias, Alain Duhamel entame en 2012 sa neuvième couverture d’une élection présidentielle, ou plutôt sa huitième car il a, en 2007, été écarté de l'antenne pour avoir pris parti en faveur de François Bayrou devant ses étudiants.

Diplômé de Sciences Po en 1962, il devient éditorialiste pour Le Monde dès 1963. Sept ans plus tard, le jeune prodige est aux commandes de l’émission télévisée « A armes égales », sur la Première chaîne. Depuis la

France 2 pour diverses émissions («Cartes sur tables», «L’heure de vérité», «Mots croisés») et participe occasionnellement au «Grand Journal». Après des passages à Europe 1 et France Culture, Alain Duhamel rejoint RTL en 1999. Ses talents de chroniqueur le mènent dans de nombreux titres : « Libération », «Les Dernières Nouvelles d’Alsace », «Nice-Matin» et «Le Point». La politique est le cœur de ses papiers et de ses livres. Un de ses derniers ouvrages, Cartes sur table*, traite des relations

Renaud Revel, Editions Plon, 2010

RÉDACTIONS

Page 24: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Que choisir ? Presse généraliste ou presse spécialisée ? Si le

journalisme politique ou généra-liste dans un grand quotidien reste la voie royale, beaucoup de débutans choisissent d’exercer dans le secteur spécialisé, représenté en grande ma-jorité par des magazines mensuels.C’est le cas de nombreux étudiants en journalisme, passionnés par la

-sée que l’Ecole du Journalisme, basée à Nice, a créé une formation

étudiants qui veulent se diriger vers la presse sportive pour rejoindre des magazines comme l’Equipe Mag ou encore So Foot.La passion, c’est ce qui a motivé

étudiant à l’ISCPA Paris et actuel-lement journaliste pour le bimen-suel Moto Revue. Passionné par ce domaine, il s’est instinctivement dirigé vers la presse spécialisée : «C'est plus agréable qu’un support de presse généraliste parce qu’on bosse sur ce qu’on aime, mais c'est quand même parfois répétitif jus-tement parce qu’on traite toujours

Selon lui « la première raison qui pousse les journalistes à choisir la presse spécialisée c’est qu’elle est le secteur le plus épargné par la crise de la presse écrite par rap-port aux autres supports comme les quotidiens et hebdomadaires

Il insiste sur le fait que le turn-over dans les rédactions étant important, il est plus facile pour de nouveaux rédacteurs d’intégrer un support spécialisé. Il relativise pourtant et

Se spécialiser, un travail d’expertDe plus en plus de journalistes se dirigent vers le journalisme spécialisé. Le choix de la passion, ou de la raison, à condition de ne pas s'enfermer.

Par Corentin Vilsalmon

Travailler au sein d'un magazine spécialisé est un bon moyen de commencer une carrière pour les jeunes journalistes. DR

24 SCOOP 2012

insiste sur le fait qu’il reste malgré tout du travail dans les rédactions généralistes. «Par contre si on cherche à rester stable il faut plutôt

Trop pointu, pas assez pointu ?

Pour Jean-Michel Bossuet, jour-naliste pour la revue Aviation & Pilote depuis une dizaine d’années, «la spécialisation permet de conso-lider sa place dans le métier. Si l'on est très pointu il y a plus de chances de se faire contacter par d’autres journaux pour un avis d’expert ou

Dès lors il s’agit de faire atten-tion à la spécialisation à outrance.

A terme, le journaliste spécialiste et/ou passionné peut risquer de perdre le recul et l’objectivité nécessaires pour traiter l'informa-tion. Il risque également de devenir trop pointu pour le lecteur profane qui ne suit pas forcément de façon assidue la parution des magazines. Le rôle du journaliste étant d’expli-quer clairement, de vulgariser un sujet, le risque d’une spécialisation à outrance serait alors de perdre le lecteur lambda avec un jargon trop

-venir le porte-parole de son secteur. « Il ne faut pas voir la spécialisation comme quelque chose d’exclusif, explique Jean-Michel Bossuet. Il faut regarder l’actualité, observer tous

RÉDACTIONS

Page 25: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

les domaines et ne pas être mono sujet, contrairement à la presse pro-fessionnelle d’entreprise. Mais il faut

C’est d’ailleurs ce que cherchent les employeurs, à savoir des sala-riés pointus qui ont les contacts et les connaissances appropriées dans un domaine mais qui demeurent capables de se convertir à un autre.Mais le principal risque est de tom-ber dans la connivence avec les acteurs de son secteur d'activité, ce qui peut aboutir à l’auto-censure, soit par peur de déplaire à une rela-tion soit dans le but de favoriser ou caresser dans le sens du poil tel ou tel annonceur.

Comment réussir à se reconvertir lorsque l’envie prend de changer

la reconversion est possible, mais il faut pour cela montrer qu’on peut également écrire sur d’autres sujets qui ne font pas partie de sa spécialité. « Faire des piges en

une porte de sortie vers un média plus général. Les journalistes qui gardent plusieurs domaines d'action

La clé est donc de posséder plu-sieurs domaines d’expertise.«Je pense que je ne ferai pas ça toute ma vie, explique Pascal qui évoque une possible reconversion dans plusieurs années. Peut-être que je me tournerai vers l'enseignement comme activité annexe en plus de me diriger vers un média plus géné-raliste. Dans mon milieu (NDRL : la moto) les journalistes qui cherchent à se reconvertir partent le plus sou-

les importateurs de moto notam-

Se spécialiser, un travail d’expert

Exemple d'une

infographie réalisée à partir

d’informations extraites

d’une base de données.

SCOOP 2012 25

DATA : ENTRE SPÉCIALISATION ET GÉNÉRALISME

Le data journalisme,

c'est l’art de savoir

décoder des données

chiffrées pour en extraire

de l’information et

l’organiser sous forme

d’infographies parfois

interactives. Pas encore

très développée dans

les rédactions de presse

écrite, cette pratique

s’est nettement ancrée

dans les pages des sites

web.

Pour Nicolas Patte, data

journaliste pour le site

internet Owni.fr, «le

data journalisme est un

procédé éditorial qui

me paraît dépasser la

question du spécialiste

opposé au généraliste.

Un journaliste de

données peut tout aussi

internationale que le

hockey sur glace.»

Une question «centrale»

du data journalisme

et qui pourrait voir

se transformer les

rédactions web est le

métissage possible

entre le journaliste qui

récolte les données,

les recoupe et en tire

une information, et le

graphiste, qui met en

forme ces informations.

Un métissage entre deux

professions qui pourrait

accoucher d’un nouveau

type de journaliste,

qui oscille toujours

entre spécialité web et

généralisme dans les

sujets abordés.

RÉDACTIONS

Page 26: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Il y a encore une dizaine d’an-nées, un journaliste de télévision

était accompagné d’un preneur de son et d’un caméraman lors de ses déplacements sur le terrain. Un équipage devenu obsolète avec le développement du nombre de chaînes de télévision et de la puissance des outils numériques. Dorénavant le journaliste reporter d’images (JRI) assure de plus en plus la fabrication complète de son sujet. Tournage, prise de son, mon-tage, le JRI se doit d’être autonome mais surtout polyvalent. Dans les grandes rédactions audiovisuelles telles que TF1 ou France Télévi-sions, le JRI n’est chargé que de

la prise de vue et parfois du com-mentaire, mais la réalité est toute autre dans les petites rédactions.Cette nouvelle polyvalence exigée des journalistes n’est pas seule-ment le fait du JRI. La capacité à occuper toutes les fonctions tend à devenir la règle dans un métier en crise.Au sein même des rédactions « papier », le journaliste ne se contente plus de rédiger ses ar-ticles. De plus en plus, il en écrit

secrétaire de rédaction (SR) que la coupe et la correction. Quand il y a correction... La plupart des sites d’informations se passent de cor-

recteurs et la tolérance aux fautes et coquilles semble peu à peu ga-gner les versions papier. Quel est le destin du SR ? Pas rose. Leurs effectifs fondent déjà comme neige au soleil. « S’ils n’étaient pas aussi syndiqués, leur nombre

été encore plus réduit», DRH d’un grand groupe de presse. Aujourd’hui, nous nous posons la question de leur reconversion en journalistes rédacteurs.» Au delà de l’éditing, un journa-liste de la presse écrite se doit désormais de maîtriser les outils du Web. L’écriture d’un article sur Internet est bel et bien différente

La pénurie d’embauches et les exigences des médias ont poussé les journalistes à devenir à la fois polyvalents et de plus en plus spécialistes d’un sujet.

Par Hicham Barrouk

Les rédactions sont de plus en plus hétéroclites. Cette image d'illustration extrapole le phénomène des journalistes polyvalents.Photo: Geoffrey Priol

26 SCOOP 2012

RÉDACTIONS

Page 27: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

de celle du “papier“ mais le déve-loppement de ce “nouveau média“ oblige les journalistes à s’adapter et à faire le saut. Plus qu’une alter-native, c’est une nécessité.

Avec la multiplication des sites Internet, le journalisme web est devenu un métier à part entière où il faut maîtriser les outils mul-timédias tout en ayant les capacités rédactionnelles d’un journaliste de presse écrite. Gary Assouline, étudiant en 3ème année de journalisme a réalisé de nombreux stages sur des sites tels que 20minutes.fr et est bien conscient de cette nouvelle demande. «J’ai vraiment appris sur le Web à me servir de nouveaux outils informatiques que je ne pensais jamais avoir à utiliser. Et l’écriture n’est pas la même que dans la presse papier. On nous demande de traiter l’information plus rapidement, il n’y a pas forcement d’analyse comme pour le "papier". C’est de l’information brute et instantanée. Le travail n’est donc pas le même mais ce fut vraiment enrichissant». Maquettiste et utilisateur assidu des

Les élèves journalistes

de l'ISCPA sur le terrain lors de l'exercice

Coalition à l'Ecole Militaire

en avril 2010. Crédit: Victor Ponti

SCOOP 2012 27

outils 2.0, Gary voit le journalisme web comme un métier d’avenir. « Avec le Web, je ne me suis plus contenté de faire de la rédaction, j’ai aussi fait du montage vidéo et des retouches photos. Le journaliste web, c’est une sorte de couteau

s u i s s e . Avec le problème q u e c o n n a î t la presse

écrite, le Web est devenu un acteur majeur dans le traitement

Savoir faire le lien entre le Web

et le papier

Cette polyvalence présente dans le journalisme web et qui s’étend aux autres médias est de plus en plus enseignée dans les écoles de journalisme. Savoir

être autonome, compétent et polyvalent, voilà les nouveaux défis des futurs journalistes. Pour Ludovic Blecher, rédacteur en chef du site Liberation.fr, cette nouvelle demande était encore impensable il y a 10 ans. «Le métier a vraiment changé. Avec l’émergence d’Internet, les attentes ne sont plus les mêmes. Il faut savoir faire le

. Ne pas confronter ces deux médias n’est pas simple et les tenants du "papier" ne voient pas toujours d’un bon œil l’émergence de ce journalisme web. «Le Web est souvent perçu comme un concurren t pour l e s journalistes de la presse écrite mais en réalité, il est de plus en plus difficile de

"SAVOIR ÊTRE AUTONOME, COMPÉTENT ET POLYVALENT"

LA FORMATION CONTINUE INDISPENSABLE POUR ÉVOLUER Par Hicham Barrouk

Encore un luxe il y a quelques années, la polyvalence est devenue indispensable aujourd’hui. L’entrée dans le journalisme 2.0 a accéléré la formation aux nouveaux outils technologiques. Ancien étudiant à l’EFJ, Walid Dziri, aujourd’hui

reporter free lance, a connu cette nouvelle exigence du métier. «Je pensais faire de la presse écrite au départ mais j’ai dû me spécialiser dans la télé car si je voulais trouver du boulot, on m’a fait comprendre qu’il fallait savoir être multi-tâches». Pas forcement disposé à faire du documentaire, Walid Dziri a dû se former à cette spécialisation bien particulière. «Les écoles

de journalisme forment de plus en plus à tous les médias. Grâce à cette multi formation, j’ai pu m’orienter vers la télé et plus particulièrement vers le métier de reporter». Une opportunité qui a permis à ce jeune journaliste de 25 ans de partir en reportage en Libye, en pleine guerre civile. Mais Walid Dziri n’est pas un cas à part. De plus en plus de jeunes journalistes

qui ont connu cette multiformation se retrouvent désormais sur un marché du travail qui exige d’eux une polyvalence à toute épreuve. Même s'il est conseillé aux journalistes de demain de se spécialiser dans un domaine, tel que la politique, le sport ou encore l’économie, il faut savoir être capable de travailler sur tous les supports.

RÉDACTIONS

Page 28: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Si la santé actuelle de la presse généraliste inquiète, la presse professionnelle et la presse spécialisée sont, elles aussi, confrontées à la concurrence du Web. Comment résister ? Avec une information à forte valeur ajoutée. Par Henri Lahera

Presse spécialisée

Une presse qui récolte les fru its amers de la passion

28 SCOOP 2012

SUPPORTS

Page 29: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Presse spécialisée

Une presse qui récolte les fru its amers de la passion

SCOOP 2012 29

LES PASSIONNÉS DE HIGH-TECH SONT N AT U R E L L E M E N T PASSÉS SUR LE MÉDIA INTERNET

Avec presque 1400 publica-tions imprimées, la presse

professionnelle représente un gros pourcentage du paysage de l’information. Elle pèse plus de deux milliards d’euros de chiffre d’affaire et emploie 15 700 sala-riés. Si la presse écrite subit un revers important, et souffre de la concurrence d’Internet, la presse professionnelle subit cette crise de manière disparate. Certains secteurs ont vu leur nombre de parutions chuter, d’autres arri-vent à maintenir des chiffres de vente satisfaisants (magazines juridiques, touristiques ou in-dustriels). Catherine Chagniot, directrice de la communication à la FNPS (Fédération Nationale de la Presse d'Information Spé-cialisée) apporte des précisions sur ce marché hétéroclite : «Il est certain qu’Internet a touché la presse de manière générale. De nombreux annonceurs ont dimi-nué leurs budgets publicitaires. Les pure player (sites d’informations œuvrant unique-ment sur le Web) proposent un modèle écono-mique nouveau, alors que les sites de nos journaux professionnels ne font souvent office que de vitrines.»

Mais cette crise ne semble pas uni-quement liée à Internet. «Chaque secteur n’est pas touché de la même façon, de nombreux élé-ments entrent en jeu. La presse agricole, riche de 150 titres, voit sa diffusion baisser inexorable-ment, et ce n’est pas seulement à cause du Net. Cela s’explique aussi par la diminution du nombre

d’agriculteurs en France. En re-vanche, il est vrai que la presse Informatique et Electronique a vraiment subi une forte baisse du papier (- 35, 55 % sur l'année 2011) et que plusieurs journaux ont mis la clé sous la porte. Encore une fois, c’est explicable. Les pas-sionnés de High-tech sont naturel-lement passés sur le média Inter-net » L’IDG (pour International Data Group), un immense groupe de presse américain qui possède de nombreuses parutions infor-matiques s’est d’ailleurs retiré de plusieurs d’entre elles.

«De nombreux secteurs se main-tiennent bien. La presse juridique est un bel exemple de constance. C’est évidemment dû à un sujet très technique, où les connais-sances nécessaires ne sont pas à la portée de tous. Mais aussi grâce à des articles précis et sans cesse

renouvelés.» Les chiffres de l’OJD (Orga-nisme de Jus-tification de la Diffusion) p e r m e t t e n t même de voir de belles pro-gressions. La

presse technique et industrielle croît de 20%. Un secteur qui remonte même la pente après quelques années moroses. Le Journal du textile, Voyages d’af-faires… autant de publications qui ont la côte auprès des cadres. Un bilan moins alarmiste que ce-lui de la presse spécialisée grand public qui souffre d’avantage de la gratuité du Net. La presse informatique n’est hélas pas un cas isolé. Le sport et l’automobile subissent également le désaveu du

SUPPORTS

Page 30: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

SCOOP : Dans quel état se

trouve la presse imprimée fran-

J.M. Charon : De nombreux sec-teurs se dégradent. La plupart des contenus sont attaqués par Inter-net comme la presse TV ou les magazines féminins populaires. Des hebdomadaires sont devenus bimensuels, les contenus ont dû être repensés. Le basculement s’est fait encore plus rapidement en ce qui concerne la presse pro-fessionnelle.

Cela signifie-t-il la fin de la

presse papier ?

Non, il y a toujours de la place pour certains contenus. Par exemple les nouveaux magazines féminins arrivent à se faire une place au soleil car les thématiques

-blic accorde plus de crédibilité aux infos sur le papier qu'à celles que l’on trouve sur Internet même si cela a tendance à changer avec la nouvelle génération.

Quelle stratégie doivent adopter

les groupes de presse dans les

années futures ?

Ils doivent davantage jouer sur la complémentarité entre le numé-rique et l’imprimé en couplant les abonnements papier avec le Web. Un groupe comme Lagardère a mis du temps à se mettre à Internet mais depuis 2006, il rachète de nombreux sites pure player.

Quel est votre sentiment face à

cette évolution ?

Ce n’est pas un drame que la presse papier bascule sur le numé-rique. Des sites comme Médiapart ou Rue 89 développent une vraie information, travaillée avec un contenu fort.

Le Web peut être

l'allié du papier

Pour le spécialiste des médias Jean-Marie Charon, le passage de l'écrit du papier à l'écran n'est pas un drame.

Propos recueillis par Fabien Dezé

30 SCOOP 2012

public. Jadis prospères, les maga-zines automobiles ont divisé leurs diffusions par deux et peinent à accrocher un lectorat qui trouve l'information technique gratuite-

-santes il y a une dizaine d’années, les revues cinématographiques se comptent désormais sur les doigts de la main. Au delà de la presse gratuite ciné-ma (Kinémag, Illimité…) il faut bien sûr compter sur la Toile. Voilà déjà une vingtaine d’années que des sites sur le 7ème art existent, mais ils ne sont plus seulement consultés pour les bandes annonces ou les horaires des séances. Ils concur-rencent directement le média papier en offrant fiches des-criptives, critiques, reportages et surtout avis de spectateurs. Avec plus de six millions de vi-sites mensuelles, Allocine.fr est le principal acteur de ce boulever-sement. Racheté en 2007 par un fonds américain pour 120 millions d’euros, le site réunit des membres passionnés et consommateurs de cinéma et vit d’une publicité ciblée vers ce "lectorat" recherché car jeune et nomade. De même, les nombreux blogs indépendants sont venus agrémenter le contenu déjà présent. Ces passionnés ajoutent

aussi les cinéphiles.

Comment lutter ? « Il faut proposer un contenu plus dense, des analyses qu’un amateur ne pensera pas à suggérer. Mais surtout proposer une valeur ajou-

pourra obtenir : mettre en avant une interview exclusive, un festival ou un colloque réservé aux pros, du conte-

» explique Catherine Chagniot. Une différencia-tion qui semble actuellement le seul moyen de conserver ses clients, mais qui semble aujourd’hui à la portée

LA VALEUR AJOUTÉE: UN CONTENU DENSE, DES INTERVIEWS EXCLUSIVES, DES ANALYSES DE PROFESSIONELS

LES TOP ET FLOPSEN 2011

Presse écrite

Web+62,59%

de visites

+30,98%

de visites

-3,84%

de visites

-16,26%

de visites

+8,27% de ventes

-10,46%

de ventes

+19,27%

de ventes

-23%

de ventes

SUPPORTS

Page 31: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

et consorts. La presse sportive est

(France Football baisse de 23, 45% en 2011 et Onze Mondial de 29, 83 %).

spécialisés.

Moins concurrencée par le web gratuit, l’information profession-nelle pure conserve sa valeur marchande. Là, le danger ne vient pas des amateurs éclairés, ni de sites «pure-player» (nés sur Internet) mais des entreprises, associations et syndicats du sec-teur qui trouvent sur la Toile un moyen très peu onéreux de diffu-ser leur bonne parole tout en déli-vrant gratuitement l’essentiel de l’actualité du secteur. Ainsi, dans le domaine du poids-lourds, des magazines comme les Routiers ont affaire au site de la chambre syndicale des fabricants de ca-mions, à celui des syndicats de conducteurs et de patrons, aux newsletters des affréteurs, char-

Dans la crise que traverse la presse écrite, les magazines

spécialisés ne sont pas épargnés. Seuls certains secteurs arrivent encore à se faire une place au soleil. C’est le cas de la presse culinaire avec des magazines comme Régal, Maxi Cuisine ou encore Mar-miton (issu du site du même nom) dont les c o u r b e s d e vente persistent à grimper. La cuisine est devenue l'un des premiers loisirs et un des principaux centres d'interêt des français commme le montre le succès de plusieurs émissions de télévision. Ce n’est pas le cas de la presse automobile qui doit se résoudre à la diminution de la pas-sion portée à la chose automobile, mal qui frappe bien d'autres sec-teurs de cette presse dite à «centre d’intérêts». Les centres d’intérêts vont et viennent. Qui se souvient qu’il y eut un magazine consacré aux Pin’s ? La presse auto, comme la presse moto, bateaux, vélo est en prime confrontée à l’éclosion de nombreux sites attirés par le lucratif marché des petites an-nonces. Des sites qui ont peu à peu étoffé leurs actus et essais et

véritables concurrents de l’Auto Journal, l’Automobile Magazine

SCOOP 2012 31

La presse spécialisée

face à la crise

Du sport à la culture, en passant par la mode, presque tous les secteurs sont sous le feu du Web. Ou s'en servent...

Par Fabien Dezé

publ

icité

L’AJE est la section française de l’AEJ (Association of european journalists), association née en 1961 qui rassemble des professionnels des médias de tout l’Europe. La mission de l’AEJ est de sensibiliser les journalistes, les étudiants en journalisme, aux questions européennes et de promouvoir une information européenne de qualité dans les médias. En France, l’AJE organise des séminaires dans les écoles de journalisme, le prix Louise Weiss du journalisme européen, des conférences-débats, et une mise en réseau des compétences. Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, a été élu président en 2008.L’AEJ est aussi engagée dans le combat pour la liberté de la presse en Europe, et a publié le rapport «Goodbye to media freedom ?»Avec plus d’un millier de membres et 27 sections nationales (janvier 2011), l’AEJ peut être considérée comme le plus grand club de journalistes d’Europe. Elle est reconnue par le Conseil de l’Europe et par l’Unesco, et a le statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe.

L’AJE, POUR UNE INFORMATION EUROPÉENNE DE QUALITÉ

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Page 32: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Le radin

Le radin a souvent l’œil dans le Li-bération de son voisin. S’il lit son propre journal, c’est Métro, Direct Matin ou 20 Minutes car le radin ne lit "que" la presse gratuite et ces journaux n’ont plus de secret pour lui. Il lit tout dans ces trois quoti-diens, absolument tout, même la rubrique l’inconnu du métro. Il écoute aussi la radio et regarde la télé. Son budget info: l’électricité et la redevance. Il est tellement pingre qu’il n’abandonne pas ses précieux journaux dans le métro, comme le font certains, histoire de faire tourner l’info. Oh non, il les rapporte chez lui pour allumer le feu ou emballer les épluchures.

Comme son nom l’indique il ne lit qu’un seul journal, le seul qu’il

Enchaîné bien sûr, auquel il est abonné depuis le lycée. En vrai

passionné, il lui est impossible de jeter un seul numéro. Il lit son canard parce qu’il trouve un trai-tement différent de l’information. Différent de quoi ? Il ne sait pas, il ne lit que le Canard. Mais il est sûr que le sarcasme des auteurs et le sens de l’humour avec lequel est traité un sujet aussi grave que l’af-faire Karachi ne se trouve «nulle part ailleurs». Son canard il l’aime au point d’y découper des articles, des citations, des illustrations qu’il met dans son album collector. Un jour, il a même écrit à la rédaction pour dénoncer les agissements de son maire et les turpitudes de son patron. Sa correspondance débutait par: «mon cher Canard». 1,20 € ce n’est pas excessif.

Casque ultra design vissé sur les oreilles, il est informé en conti-nu par des alertes infos sur son smartphone. Les alertes c’est bien,

mais après, les articles il les lit directement sur sa tablette. Ultra connecté, il se promène avec son iBook dans l’attaché case et le moindre temps mort est une plage

fr, jelistout.org, jeminforme.net, sans oublier twitter bien sûr. Au courant de tout, mais ne compre-nant rien, il aimerait avoir le temps

veut pas prendre de retard dans la lecture de ses newsletters. L’hyper branché sur-connecté surfe sur la vague d’info mais celle-ci lui passe souvent au-dessus dans un grand buzz d'écume.

La curieuse

Adepte de la presse people, elle épluche plus qu’elle ne lit Be, Closer, Public, Voici et autre Oops. Lorie, Sharon ou Kelly, ne rate aucun épisode de la vie des stars, mais lorsqu’on lui demande qui est le président des Etats Unis elle répond « Brad Pitt, euh, non, Georges W. Clooney» ! Habillée comme ses icônes, elle est avide de potins, de photos divertissantes, et de télé-réalité.

Dresser un panorama des lecteurs de presse à travers des portraits, des clichés du lecteur d’aujourd’hui: un vrai exercice de style et d’observation. Et vous, quel type de lecteur êtes-vous ?

Par Najoua Azlag

Son Canard Enchaîné, il le chérit et attend chaque semaine son seul et unique journal pour trouver les véritables informations avec toujours la pointe de sarcasme qu’il aime tant. Crédit: Najoua Azlag

Crédit: Najoua Azlag

32 SCOOP 2012

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Page 33: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

La presse féminine est devenue accro à ce lectorat autant attiré par la vie des stars que par le nouveau sac à la mode. Ni Elle ni Marie-Claire ne se permettent plus de faire l’impasse sur les émois de Nolwenn ou le nouveau nez de Scarlett.

Le procrastinateur

Comme son nom l’indique, le pro-crastinateur lira demain ce qu’il ne peut lire aujourd’hui, à moins qu’il ne lise ce qu’il devait lire hier, ou avant hier. Le procrasti-nateur rêverait d’ «avoir le temps» et que l’on instaure des journées de 48 heures. Le procrastinateur amasse, entasse, accumule, empile magazines et journaux, leur greffe des post-it et les laisse en vue, ou-verts à la page qu’il faudra absolu-ment lire. Il vit dans un véritable capharnaüm entre les piles des divers titres de presse qu’il achète. Mais pourquoi les achète-t-il sans les lire ? Parce qu’en vacances, il aura le temps. Le bon côté de la

avec le temps. Ainsi, depuis que l’armée américaine a quitté l’Iraq, ça fait un paquet de quotidiens à jeter sans remords.

Baguette sous le bras, pipe au bec,

papy a cette habitude quotidienne, non, plutôt cette tradition quasi religieuse, de se rendre tous les matins à la même heure, chez son marchand de journaux. Il le connaît depuis toujours, papote volontiers pluie et beau temps, dernière collection presse spéciale 2CV, et demande « Alors qu’est-ce qu’il y a de bon aujourd’hui à lire». Il regarde la Une de son journal, y découvre les gros titres et se dit que devant son bol de café et sa tartine il aura

SCOOP 2012 33

de quoi s’occuper l’esprit jusqu’au déjeuner. Le papy est un amateur de faits-divers, surtout lorsque ceux-ci se déroulent dans sa commune de 3000

-tagonistes. Chez lui, il commente chaque article à sa compagne qui apprécie sa concision dans l’analyse pendant qu’elle épluche les pommes de terre.

Le décorateur

Dans le kiosque de la place de la Madeleine, le décorateur, bien habillé bien coiffé, balaye d’un coup d’œil les présentoirs et arrête son choix sur Beaux Arts Magazine. Il sait à l’avance que le dossier sur les « grandes expositions de 2012 » ne l’intéresse pas plus que cela, mais ça en jette. Le décorateur aime décorer son intérieur de jolies revues, celles que l’on appelle « coffee table magazine ». Sa table basse, envahie de XXI, de Magazine du Monde, d’Archéologia et de Géo, décrit celui qu’il aimerait

être, cultivé, curieux et

Ne laissant rien passer des actualités people du moment, la curieuse ne perd pas une miette sur les amours et les petits défauts de ses idoles. Crédits DR

SUPPORTS

Page 34: SCOOP - Le magazine des métiers du journalisme

Gaston Lagaffe, qui croule sous le courrier des lecteurs et en

fait des cocottes, c'est une époque révolue. Désormais, le courrier

du placard ou à la poubelle. Le lecteur étant devenu rare et cher, son courrier mérite donc la plus grande considération. L'hebdo-madaire Marianne en fait même une rubrique vedette sur quatre pages. Mais c’est sur la Toile que le lecteur a vraiment pris le pouvoir avec les commentaires au bas des articles. Véritable baromètre du succès ou de l’échec d’un article, le nombre de réactions détermine sur certains sites le hit parade de ce qu’il faut lire.

récurrent

Calomnier les journalistes par le biais de commentaires incongrus est devenu monnaie courante. Les auteurs ne peuvent plus ignorer les trolls qui critiquent à tout va et polluent le débat. Mais qu’est-ce qu’un troll ? À l’origine, le terme fait allusion au trolling, une tech-nique de pêche utilisée par les cha-lutiers qui consiste à attraper le plus de poissons possible en laissant

En argot Internet ce n’est ni plus ni moins qu’un lecteur qui vient casser une discussion, tuer le dé-

polémique. Le plus souvent dans un français approximatif. Ainsi à en croire « OSEF » (acronyme de «On s’en fout »), « les journalistes devraient un peu plus chercher la

Le courrier des lecteurs

revient en forceAvec l’info en ligne, le journaliste ne peut plus ignorer son lecteur. Ce dernier le commente en bas de page, l’interpelle, le critique. Trolls, paraphraseurs et autres jamais contents apportent-ils un plus à l’information ? Parfois oui.

Par Emmanuelle Grimaud

le visage du troll, symbolise la critique non constructive et est devenu le personnage récurrent du net. Le site français jetetroll.com regroupe tous les comics réalisés sur le web dédié au trollface. Crédit photo: Geoffrey Priol

34 SCOOP 2012

petite bête avant de véhiculer au mieux des informations imprécises, au pire des manipulations », ou encore « pourquoi traiter de ce sujet alors que des gens meurent en Indonésie ». Pour Grégoire de Villepoix, rédacteur en chef du site meltyStyle.fr, « deux types de com-mentaires dérangent la rédaction: les spams qui sont des liens vers des pubs et les critiques parfois insultantes. Dans les deux cas les internautes sont immédiatement bannis du site.» Comment gérer les

commentaires ?

Internet étant un espace de liberté quasi absolue, le dilemme se pose: faut-il privilégier le volume et laisser en ligne les commentaires stupides ? Ou bien faut-il supprimer les commentaires qui n’apportent ni fond ni discussions, ou qui n’ont rien à voir avec le sujet. Reuters a créé un statut de «commentateur VIP». Les commentateurs passent

des niveaux et obtiennent des «pouvoirs » au fur et à mesure de leur progression. Au début, ils sont de «nouveaux utilisateurs» et leurs commentaires sont systématiquement modérés par la rédaction. Ils gagnent des points à chaque fois qu’un commentaire est validé. Au bout d’un certain nombre de points, ils deviennent «utilisateurs reconnus». A partir de là, leurs commentaires sont validés sans intervention du modérateur. Les commentaires sur le site d’information Rue89 sont, quant à eux, soumis à un classement. La rédaction sélectionne les commentaires les plus intéressants. Ceux-ci

que les autres demeurent moins visibles. Les internautes peuvent également voter pour une réaction. Slate.com a, pour sa part, choisi de ne pas publier de commentaires

la possibilité de commenter les

compte de leur choix (Facebook, Twitter, Google, Yahoo !, etc). Une chose est sûre, le journaliste ne

-fois. Mais est-ce un mal ? Grégoire

il nous est déjà arrivé d’étoffer un article grâce aux connaissances d’un lecteur aguerri. C’est fabuleux. Le journaliste doit accepter que le lecteur en sache par-fois plus que lui sur certains sujets pointus. Qu'il puisse améliorer un article est une des plus grandes évo-lutions apportées par le Web

SUPPORTS