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DENYS ROMAN

A LA GLORIEUSE MMOIRE DES DEUX

SAINTS JEAN

C'est toi d'abord dont nous clbrerons la mmoire, Jean-Baptiste, fils de Zacharie, toi qui asrendu tmoignage la Lumire. En recevant ton nom rvl par un ange, tu as permis ton pre deretrouver la parole qu'il avait perdue. Tu es revtu de l'esprit et de la vertu d'lie, le prophte quimonta au ciel dans un char de feu, et qui doit revenir, avec Hnoch, porter tmoignage avant le der-nier jour. Car tu es un prophte, et plus qu'un prophte. Celui qui tu rendis tmoignage t'a rendu

tmoignage en ces termes : Parmi ceux qui sont ns de la femme, il n'en est pas de plus grand.Nous clbrerons maintenant le fils de Zbde, Jean Boanergs, que la Vraie Lumire a aimentre tous. Il est le fils du tonnerre, le dpositaire des secrets cachs au cur de la Sagesse, le fils dela mre du Verbe, l'vangliste de la Lumire et de l'Amour, le voyant de Patmos. Il est l'ami fidleet parfait qui, l'heure sombre o les brebis du troupeau sont disperses, a le privilge d'couter lavoix du Pasteur au pied mme de la croix.

Heureux notre Ordre, auquel il a t donn d'avoir au ciel de tels protecteurs !

Ces honneurs utiliss par des Maons gunoniens, runis l'occasion des ftes solsticialespour la clbration pararitulique de la Loge de table (1), rassemblent les principaux traits quifont du prcurseur et du disciple prfr du Christ les types parfaits du vritable initi. On re-

marquera tout d'abord que les noms mmes de ces deux saints personnages ont pour initiales les let-tres J et B, qui sont inscrites sur les deux colonnes des Loges maonniques, rappel des noms (JakinetBooz) des colonnes du Temple de Salomon. Indpendamment de cette signification originelle, ceslettres ont aussi des interprtations adventices en Maonnerie, quelques unes fort intressantes. El-les sont les initiales des mots Juda et Benjamin , nom des deux tribus qui lors du schisme deJroboam, constiturent le royaume de Juda, restant ainsi fidles la descendance de David. Maissurtout B est l'initiale de Bethlem et J celle Jrusalem, les cits qui virent la naissance et la mort duChrist. Cette dernire signification est capitale, puisque le rle jou par les deux saints Jean dans laMaonnerie souligne le fait que cette institution est la plus importante des voies initiatiques ouver-tes aux chrtiens. La lgende qui fait de Jean-Baptiste et de Jean l'vangliste des Grands-Matressuccessifs de l'Ordre maonnique exprime trs probablement la facilit relative avec laquelle les

collges de constructeurs, originellement vous Minerve-Athna (2) commencrent se christia-niser avant mme la conversion de Constantin (3).

DENYS ROMAN, Ren Gunon et les destins de la Franc-Maonnerie, Les Editions de l'uvre, Paris, 1982, ch.VIII, pp. 121-129.

(1) Gunon pensait que la Loge de table tait d'origine oprative, mais que les gens de 1717 lui avaient donnune importance dmesure. Il conseillait nanmoins de la pratiquer, surtout aux ftes solsticiales, car cela, disaitil, estassurment bien prfrable un banquet profane .

(2) On trouve dans l'Anthologie palatine le texte d'une sorte d'exvoto qui dit : Un niveau avec le fil plomb, uneforte hache pour fendre les souches, un cordeau rouge rsonnant sous le doigt qui le soulve, voil ce que te consacre lecharpentier Lontique, jeune desse aux yeux pers, car les ans lui ont enlev la force de s'en servir . Minerve tait la

desse la fois de la sagesse, de la guerre et des arts ; ces trois attributions correspondent exactement aux trois piliersdu Temple : Sagesse, Force, Beaut.

(3) Le patronage sur la Maonnerie des Quatre Saints Couronns , honors comme martyrs, fait allusion aucontraire aux luttes entre l'ancienne et la nouvelle foi. On a remarqu que le mot quatre correspond au carr, le mot

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D'autre part les deux Jean sont fils, l'un de Zacharie et l'autre de Zbde, noms dont l'initiale Zest l'hiroglyphe de l'clair. Jean-Baptiste serait-il donc lui aussi fils du tonnerre ? Cela est vi-dent, puisqu'il tait revtu de la vertu d'lie, lequel fit descendre la foudre qui consuma l'obla-tion qu'il offrait au Seigneur sur le mont Carmel, prodige que les 450 prtres de Baal ne purent ob-tenir par leurs incantations (4).

L'histoire de Zacharie perdant la parole cause de son incrdulit et la retrouvant par son obis-sance est trop connue pour qu'il soit besoin d'y insister. Son application la Parole perdue puis re-trouve des Francs-Maons est vidente.

L' loge de Jean-Baptiste que nous avons cit au dbut de ce chapitre parle non seulementd'lie, mais aussi d'Hnoch. Ce dernier personnage (parfois qualifi de hros solaire , parce que,selon la Gense, il ne parut plus, ayant t enlev par Dieu l'ge de 365 ans) joue un grand rledans les lgendes de la Maonnerie. Selon la plus connue, il aurait appris que le monde allaitbientt prir, mais il ne savait pas si ce serait par le feu ou par l'eau ; il construisit deux colonnes,une de briques pour rsister au feu, une de bronze pour rsister l'eau. Il grava sur ces colonnes lesprincipes de toutes les sciences, c'est--dire ce qui subsistait, depuis la chute, de la rvlation pri-mordiale. Sous No, arrire petit-fils d'Hnoch, le dluge survint, et ce fut la colonne de bronze qui

subsista. Elle fut dcouverte par Herms, d'autres disent par Osiris. Michel Vlsan, dans un remar-quable article sur les hauts grades de l'cossisme (5), a relev et comment les trs curieuses allu-sions faites Hnoch dans le rituel du 33e degr.

Nous rappellerons enfin qu'on a sous le nom d'Hnoch un livre plus long qu'aucun de ceux quicomposent la Bible, et que la presque totalit des glises chrtiennes ne savent si elles doivent leconsidrer comme apocryphe ou comme semi-canonique . En effet, un passage de ce livre estformellement cit dans l'ptre de saint Jude, universellement reue comme canonique (6). Cepen-dant, ceLivre d'Hnoch est admis dans le canon officiel des critures par l'antique glise copted'thiopie. Mais ce qui importe surtout notre point de vue, c'est que ce livre relate, avec de nom-breux dtails, la descente des anges sur le mont Hermon pour sduire les filles des hom-mes , pisode auquel il n'est fait dans la Bible que deux fugaces allusions (7). Certains des gantsqui naquirent de ces unions contre nature chapprent au dluge, et c'est d'eux que descendaient les enfants d'nac qui pouvantrent les douze observateurs envoys par Mose dans la terre de Ca-naan. La plupart de ces missaires, leur retour, dissuadrent les Hbreux de s'attaquer de tels ad-versaires, ct desquels ils ne paraissaient que des sauterelles . Heureusement deux d'entre euxtinrent un autre langage, et la conqute de la Terre promise put s'effectuer assez facilement.

Un autre survivant des gants fut Goliath, qui mprisait tellement son petit adversaire David.Pour triompher du monstre, le pre de Salomon n'eut besoin que d'un jouet d'enfant : une fronde. Sinous avons rapport ces traditions sur les gants, c'est que Gunon considrait l'histoire de la des-cente des anges sur le mont Hermon comme l'expression symbolique de l'origine antdiluvienne dela contre-initiation (8). Et tout ce que la Bible dit des gants est porteur d'une leon de la plus

haute importance. Les serviteurs de la Vrit trouvent souvent en face d'eux d'autres enfants d'nac

saint au triangle ( cause du Dieu trois fois Saint ) et le mot couronns au cercle. Le carr, le triangle et lecercle voquent l'opration hermtique de la quadrature du cercle , laquelle fait allusion un sixain clbre de l'Ata-lante fugitive.

(4) IIRois, XVIII.(5) Les derniers hauts grades de l'cossisme et la ralisation descendante , dans les tudes Traditionnelles de

1953.(6) Voici ce passage : C'est d'eux [les faux docteurs) qu'Hnoch, qui est le huitime patriarche partir d'Adam a

prophtis en disant : Voici que le Seigneur vient avec ses saintes armes pour les faire passer en jugement , etc. (Jude,versets 14 et suivants).

(7) Lorsque les hommes eurent commenc se multiplier sur la terre, les enfants de Dieu, voyant que les filles des

Hommes taient belles, prirent pour pouses celles qui leur avaient plu. [...] Or il y avait cette poque des gants sur laterre ; car aprs que les enfants de Dieu se furent unis aux filles des Hommes, il en naquit une race d'hommes puissantsdans les anciens jours (Gense, VI, 2 et 4).

(8) Cf. notamment le chap. XXXVIII duRgne de la quantit et les Signes des Temps.

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et d'autres Goliath qui s'efforcent de les intimider et de les dcourager par leurs rodomontades. Ilsne doivent pas en tenir compte. Quand le vainqueur de Goliath revint chez son peuple, les Israliteschantaient : Sal en a tu mille, et David dix mille . Le nombre dix mille doit tre pris ici,comme dans l'expression la mre des dix mille tres du Tao-te-King, comme signifiant un nom-bre indfini, c'est--dire l'ensemble des tres donc le monde entier. Et l'on peut appliquer tout ce

que nous venons de dire la devise initiatique : Vincit omnia Veritas.*

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Quant Jean l'vangliste, s'il est fils du tonnerre , c'est que le Christ lui-mme lui a donn cenom Mystrieux au moment o il constituait le Collge des douze aptres ( 9). Mais Jean est aussi fils de la Vierge , et c'est encore le Christ qui l'a fait tel, quelques instants avant sa mort, en luidisant de Marie : Voil ta mre , et en disant Marie : Voil ton fils . Il faut remarquer qu'ilne s'agit pas l d'une filiation par adoption et par grce , mais bien d'une filiation par nature .Le Christ tant le Verbe de Dieuper quem omnia facta sunt, sa parole est cratrice, et l'on peut direque saint Jean - l'heure solennelle o son Matre prononait la plus importante sans doute des sept paroles qu'il a profres sur la croix - est devenu le fils de Marie d'une manire aussi effec-tive que, lors du repas final pris la veille au soir par Jsus et par les douze, le pain et le vin taientdevenus le corps et le sang du Christ.

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La Vierge Marie, dans la liturgie catholique, est parfois appele gloriosa Regina mundi. Le titrede Roi du Monde , selon Ren Gunon, s'applique une fonction qui s'exerce en ralit dansles trois mondes (10). Cependant, si Marie est frquemment appele Reine des Cieux et si sadomination sur le globe ne saurait heurter la pit chrtienne, nous ne pensons pas qu'elle ait jamais

t qualifie officiellement de Reine des Enfers . Mais ce que l'exotrisme na pas os faire, ilse pourrait bien que l'sotrisme l'ait fait, si toutefois on admet que Villon, comme Gunon l'a sug-gr (11), tait rattach quelque organisation hermtique du type de celles que frquenta Rabelais,organisations qui se reconnaissaient par l'utilisation de l' argot de la coquille .

Ainsi, dans la clbre Balade que Villon fit la requte de sa mre pour prier Notre Dame,l'envoi est constitu par un acrostiche sur le nom mme de Villon (12). Or l'emploi de l'acrostichetait familier aux coles hermtiques : il suffit de rappeler le mot VITRIOLUM, qui est pass dansla Maonnerie. L'acrostiche n'est en somme qu'une variante du procd traditionnel dont parle Gu-non propos de Cesare della Riviera (13).

La ballade dont nous parlons commence ainsi : Dame des cieux, rgente terrienne, - Emperiredes infernaux palus. Il est fort probable que seul un initi pouvait ainsi qualifier Marie d' Imp-

(9)Marc, III, 17.(10) Les trois mondes sont les Enfers, la Terre et les Cieux . (L'sotrisme de Dante, chap. VI).(11) A propos des plerinages , dans les tudes sur la Franc-Maonnerie, Tome I.(12) Voici le texte de cet envoi :

Vous portates, Vierge, digne princesse,Jsus rgnant, qui n'a ni fin ni cesse ;Le Tout Puissant, prenant faiblesse,Laissat les cieux et nous vint secourir,Offrant mort sa trs claire jeunesse.

Notre Seigneur tel est, tel le confesse.En celle foi je veux vivre et mourir.

(13) Cf. Comptes rendus de Ren Gunon, p. 7. (Le Monde magique des hros par C. della Riviera, prsent par Ju-lius Evola. ditions Arch).

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ratrice des marcages infernaux , o elle veille sans doute sur les fidles de son fils Jean pour leurviter les prils de la chute dans le bourbier .

En crivant ces dernires lignes, nous pensons un pisode de la Divine Comdie (14). Dante,traversant en barque avec Virgile et avec Charon le marcage nomm Styx , y esten butte auxattaques d'un damn qui s'efforce de l'attirer avec lui dans la bourbe o il demeura. Virgile re-

tient son compagnon, et aussitt aprs il l'embrasse en lui disant : me noble (15

), bni soit le seinqui t'a port . Paroles tranges, car premire vue on n'aperoit pas le rapport entre la mre deDante et le pril couru par son fils. A notre avis, on doit oprer ici, l'gard de la mre charnelledes initis, une transposition analogue celle qu'effectuaient les Fidles d'Amour l'gard de leur dame . De mme que les vritables chrtiens, au dire de saint Jean, ne sont pas ns du sang, nide la volont de la chair, ni de la volont de l'homme, mais de Dieu , - on peut dire que la vritablenaissance (la seconde naissance ) des initis chrtiens les fait enfants, non de leur mre selon lachair, mais de Marie ; et ils deviennent, par cette adoption , les frres de saint Jean (les John'sbrothers de la Maonnerie anglaise). L'initi est fils de la Vierge , a rappel Gunon, qui men-tionne par ailleurs les liens particuliers de Marie avec la Shekinah (16).

Dans certains cas exceptionnels, la maternit spirituelle de la Vierge est symbolise par le privi-

lge de la lactation dont fut notamment favoris saint Bernard, selon une lgende longtempsen honneur dans l'Ordre cistercien. Le symbolisme du lait est multiple. Il voque d'une part, l' tatd'enfance (blya) de la tradition hindoue (17). D'autre part, dans le langage de l'Ancien Testament,la Terre promise (substitut du Paradis terrestre) est la terre o coulent le lait et le miel . Ces deuxnourritures correspondent au nectar et l'ambroisie de la tradition grco-latine, dont la manducationconfrait l'immortalit. Et il faut remarquer que saint Bernard a un rapport particulier la fois avecle lait (par le privilge de la lactation de la Vierge) et avec le miel, car il est appelDoctor mel-lifluus, Docteur d'o ruisselle une doctrine douce comme le miel.

Dans la tradition hindoue, l'amrita (l'ambroisie des Grecs) est produit par le baratement de lamer de lait . Et il faut aussi rappeler le rle important jou en hermtisme par le lait de laVierge (18).

Ces quelques lignes sur les deux saints protecteurs de la Maonnerie ne sont videmment qu'unefaible bauche de ce qui pourrait tre dit sur un sujet en troit rapport avec le symbolisme de Janus,dont Gunon a soulign l'importance et la complexit. Les considrations qu'on trouve dans lesSymboles fondamentaux de la Science sacre ouvrent la voie maintes dcouvertes dans ce champde recherches, par exemple sur les multiples significations des deux colonnes, en rapport notam-ment avec les douze travaux de cet autre hros solaire que fut Hercule. Saint Jean-Baptiste pr-side la porte des Hommes oJanua Inferni : c'est pourquoi il est dit que lorsque le Christ des-cendit aux enfers, le premier juste qu'il y dlivra fut Jean-Baptiste, mis mort effectivement peude temps avant la Passion ; saint Jean l'vangliste prside la porte des dieux ou Janua Caeli.Et ce nom de Porte du Ciel est, dans le Christianisme, donn par excellence la mre de Jean,

notamment dans ses litanies , o ce terme figure entre ceux d' Arche d'Alliance (lieu de ma-

(14) Enfer, chant VIII, vers 43-45.(15) Nous pensons qu'il faut donner ici ce mot le sens qu'il a dans la doctrine hindoue o, en principe du moins,

seules les trois castes suprieures ont droit au titre d'Arya, et en consquence peuvent recevoir l'initiation. Il est bienvident que depuis fort longtemps, et en Orient aussi bien qu'en Occident, le mlange des castes a rendu une telledistinction uniquement thorique.

(16) Le langage secret de Dante et des Fidles d'Amour , I, dans lesAperus sur l'sotrisme chrtien.(17) On peut rappeler aussi le texte chrtien bien connu : Comme des enfants nouveaux-ns, dsirez avec ardeur le

lait spirituel qui vous fera crotre (I Pierre, II, 2).(18) Le lait de la Vierge est aussi appel lait virginal ou encore lait de la lune . Il est en rapport avec l'op-

ration du Grand-Oeuvre appele multiplication , et cela peut faire penser la conception de la Vierge Marie mre detous les Chrtiens (dans la vision exotrique du Christianisme) et mre de tous les initis (dans la vision sotrique).

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nifestation de la Shekinah) et d' toile du matin (signe de la leve et de la croissance dujour) (19).

Les portes solsticiales - Gunon l'a soulign (20) - dterminent, dans le cercle qui reprsente lecycle annuel, ce qu'on peut appeler son axe vertical , qui correspond - si l'on passe du symbo-

lisme temporel au symbolisme spatial - l'axe du monde. Dans les traditions hindoue et thibtaine,l'axe du monde est reprsent par le vajra, symbole ayant la fois la nature de la foudre (par son ca-ractre de lumire cleste ) et celle du diamant (par ses caractres de puret et de duret). La du-ret, et plus prcisment la stabilit, est en effet l'attribut essentiel de l'axe du monde, et aussi dechacune des intersections de cet axe avec les plans successifs qui symbolisent les tats multiples del'tre : l'intersection avec le plan humain est le Paradis terrestre.

Revenons aux deux qualits essentielles du diamant : sa puret et sa duret. La tradition chr-tienne a toujours attribu aux deux Jean la puret absolue, sous la forme de la virginit. Quant laduret, ou plutt la stabilit, apanage par excellence de l'axe et du centre, c'est l'criture sainteelle-mme qui en porte tmoignage l'gard des deux protecteurs de l'Ordre maonnique. Au dbutde l'vangile selon saint Luc, l'archange Gabriel, annonant Zacharie la naissance de Jean-

Baptiste, lui prdit que ce fils unira le cur des pres au cur des enfants . Or, cette expressionse trouve galement tout la fin de l'Ancien Testament, dans ce verset du prophte Malachie : Voici que je vous envoie lie le prophte, avant que vienne le jour redoutable du Seigneur. Et ilunira le cur des pres celui des enfants. Si l'on se souvient de l'analogie symbolique entre lecur et le centre, on voit que l' union du cur des parents avec celui des enfants , dont parlentMalachie et saint Luc, n'est que la spcification , l'gard des gnrations successives de l'hu-manit, du rle jou par l'axe du monde, qui effectivement unit en leur centre les tats successifs del'tre, et c'est pourquoi le conflit des gnrations , dont on parle tant notre poque, n'est ensomme qu'une consquence trs naturelle de la mise sous le boisseau des principes traditionnels.

Quant au fils de Zbde, Jsus a dit de lui : Je veux qu'il demeure jusqu' ce que je vienne .Cette expression : Je veux qu'il demeure est rpte par deux fois dans l'vangile, sans aucundoute pour en souligner l'importance. La fonction particulire de Jean ne saurait prir, elle de-meure jusqu' la fin du cycle : c'est pourquoi il est dit que la Loge de saint Jean se tient dans lavalle de Josaphat . Et ds lors, il est parfaitement conforme au symbolisme traditionnel que l'or-ganisation lue pour abriter une telle fonction ait eu pour activit originelle la constructionen pierres, c'est--dire l'art de btir les difices les plus propres assurer la stabilit de la de-meure des humains.

19 Ce n'est pas seulement dans les litanies de Lorette que Marie est appeleJanua Coeli. Dans un grand nombrede textes qui furent trs populaires avant les rcents bouleversements liturgiques, on trouve des expressions quiva-lentes. Citons par exemple : felix coeli porta (dans l'hymne Ave maris stella) ; quae pervia coeli porta manens (dansl'antienne Alma Redemptoris) ; fulgida coeli porta (dans la prose Inviolata). L'pithte fulgida est particulirement considrer en raison des rapports intimes de l'clair (fulgur) avec l'influence spirituelle communique par l'initiation. Ily aurait toute une tude faire - et qui rserverait sans doute des surprises - sur les rmanences initiatiques dans lesliturgies chrtiennes, tant occidentales qu'orientales. Gunon pensait que le culte du Sacr-Cur avait l'origine un ca-ractre sotrique. Il pourrait bien en tre de mme pour certains aspects du culte de Marie, dont on sait par ailleursl'importance qu'il avait pour le courant spirituel auquel appartenaient saint Bernard et Dante. Pour ce dernier, qui-conque dsire l'effusion de la grce sans passer par Marie, celui-l veut voler sans ailes . Une telle expression est

rapprocher des paroles mises dans la bouche d'Ulysse au chant XXVI de l'Enfer: De rames nous nous fimes des ailespour un vol fou . Dans le langage des Fidles d'Amour, la folie (antithse de la Sagesse) est, en mme temps quel' ennui (noia), une des marques de la vision exclusivement profane des choses.

(20) Cf. Symboles fondamentaux de la Science sacre, chap. XXXV XXXVII.