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Latitude, longitude et mesure du temps. Roger Marlin École Polytechnique de l’Université de Nice Sophia Antipolis Mars 2018

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Latitude, longitude et mesure du temps.Roger Marlin

École Polytechnique de l’Université de Nice Sophia AntipolisMars 2018

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De nos jours.Trouver sa position, suivre son chemin jusqu’à sa destination, trouver un lieu n’est pas un problème… on a

un GPS, ne serait-ce que dans le smartphone que nous avons dans lapoche !Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Comment se repérer à la surfaceterrestre ?Pour repérer un lieu à la surface de la terre, on lui associe deux angles :

• la latitude f donne un positionnement Nord-Sud, elle varie de90°Nord pour le pôle Nord à 90°Sud pour le pôle Sud en passantpar 0° pour l’équateur (la latitude de Paris est 48°51’Nord),

• la longitude l donne un positionnement Est-Ouest, elle varie de180°Est à 180°Ouest en passant par 0° pour Greenwich à Londres (la longitude de Paris est 2°18’Est).

Un parallèle est un cercle à la surface terrestre constitué de points à une latitude donnée. Un méridien est un demi-cercle allant d’un pôle à l’autre et constitué de points à une longitude donnée. Le méridien passant par Greenwich est appelé « méridien de référence ».Nous allons voir que la mesure de la position à la surface terrestre est intimement liée à la mesure du temps.

Latitude - longitude

Smartphone

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Fin du XVième siècle.En 1492 Christophe Colomb traverse la mer océane et découvre l’Amérique. Comment ne s’est-il pas perdu au milieu de l’immensité des flots ?

Depuis les Canaries jusqu’au nord de Cuba, il a pratiquement fait une route Est-Ouest.Il a pu conserver cette route en relevant chaque nuit la hauteur de l’étoile polaire à l’aide de sonastrolabe. Si l’étoile polaire semblait plushaute, il était trop Nord, si elle semblaitplus basse, il était trop Sud. Il se déplaçait

sur un parallèle, à latitude constante. Au retour, il est remonté en faisant uneroute au Nord-Est jusqu’à atteindre la latitude de Lisbonne. A partir de là,route plein Est, à latitude constante. La mesure de la latitude (position Nord-Sud) n’était donc pas un problème àl’époque. On peut mesurer (avec un astrolabe) la hauteur de l’étoile polaireou, plus tard, avec un instrument plus précis (le sextant) la hauteur deculmination du soleil en milieu de journée. Inutile de disposer de l’heure !

Christophe Colombet son astrolabe

Astrolabe

Premier voyage de Christophe Colomb

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Problème de la longitude.Il en va tout autrement de la mesure de la longitude (positionnement Est-Ouest).Quand le soleil se lève à Cuba (A) il est déjà haut dans le ciel aux Canaries (B).En connaissant le temps de décalage du lever du soleil en deux points de mêmelatitude, on en déduit une information sur le décalage de leur longitude.Mais comment savoir quelle heure il est à Londres ou à Paris quand on voit lesoleil se lever au milieu de l’Atlantique ? Le problème de la mesure de lalongitude reste donc à résoudre, un enjeu crucial pour les géographes, les navigateurs et les conquérants de terres nouvelles.Au XVI° siècle, Philip II d’Espagne offre 6 000 Ducats à qui résoudra la problème de la longitude.Au XVII° siècle, un prix de 10 000 Florins est offert par les États Généraux de Hollande.L’Académie Royale des Sciences (fondée en 1666 par Louis XIV) propose également des incitations...

Lever de soleil

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Au début du XVIIIième siècle.L'Angleterre était atterrée par les désastres dus à des erreurs de longitude.Le 22 octobre 1707 l'escadre anglaise de Cloudesley Shovell, qui rentre deMéditerranée (quinze vaisseaux de ligne) se perd dans les récifs des Sorlingues(îles Scilly, sud-ouest de la Cornouailles) suite à une erreur de navigation.L’escadre se croyait entrer dans la Manche alors qu’elle était bien trop Ouest…Grosse erreur de longitude. Quatre vaisseaux sombrent, dont celui de Shovellqui se noie avec plus de 1 400 hommes.

La compétition est intense sur les océans.Afin de calculer leur longitude, les marins ont besoin de faire des calculs précis en s’appuyant sur des heures fiables. Facile à terre. Saufqu’à l’époque, à bord d’un navire, l’exactitude des montres laisse à désirer, il faut les régler quotidiennement. Impossible de les utiliser pour un long voyage. Seules les horloges à pendule sont assez précises. Problème : lorsqu’on est en mer, le mouvement du pendule est troublé par les vagues.Du coup, l’heure est fausse (un quart d’heure par jour), les calculs

précis sont impossibles.

France-Angleterre le 21 avril 1806

Naufrage de l’escadre – îles Scilly

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À Londres, au XVIIIième siècle.A Londres, en 1714, le parlement britannique lance un concours, le « Longitude Act »,récompensant celui qui mettra au point " toute méthode capable de déterminer lalongitude en mer ". Le concours est doté d’une prime de 10 000 livres pour un résultatn’excédant pas un degré d’erreur, 15 000 livres pour ¾ de degré et 20 000 livres pourune précision atteignant le demi-degré (des sommes considérables pour l'époque).

La guerre fait rage entre les astronomes (qui préconisaientl’utilisation de tables lunaires) et les horlogers. C'est finalementJohn Harrison, un horloger britannique autodidacte, qui vaemporter l’avantage. Dès 1761, il obtient une montre qui dévie deseulement 5 secondes sur une traversée de l’Atlantique. Cetteerreur correspond à un écart de l’ordre de 2 kilomètres dans le sens Est-Ouest. Mais on lui reproche d’avoir eu de la chance ! Il a commencé à travailler au projet en 1730, remporté la première prime en 1751 et remporté la seconde prime en… 1773 ! La troisième prime ne fut jamais accordée.Les quelques 60 années qui se sont écoulées entre le lancement du concours

et cette deuxième proclamation, malgré l’importance considérable de la récompense, montrent ladifficulté du problème posé.Ce prodige a été rendu possible par l’ingéniosité de John Harrison qui, en 1722, inventel’échappement dit « grasshopper » (sauterelle), puis, en 1759, par l’utilisation d’avancéestechnologiques sur des alliages de métaux qu’il utilise dans un ressort bilame rendu moinssensible aux variations de température.Grâce à leur chronomètre très précis, les anglais peuvent enfin déterminer, de manière fiable, la différence entre l'heure solaire du lieu et l'heure du méridien de référence (l’heure de Greenwich), et ainsi obtenir avec précision la longitude de la position d’un navire en mer.

Grasshopper

Le chrono de John Harrison

John Harrison et son chrono.

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Fin du XVIIIième siècle.Notre meilleur ennemi ayant pris un tour d’avance, il fallait réagir. Après audition d'un rapport lu par l'abbé Grégoire, le « Bureau des Longitudes » a été créé par une loi de laConvention Nationale du 7messidor an III (25 juin 1795). Ils'agissait de reprendre « la maîtrisedes mers aux Anglais », grâce àl'amélioration de la déterminationdes longitudes en mer. Chargé dela rédaction de la « Connaissancedes Temps » et duperfectionnement des tablesastronomiques, il avait sous saresponsabilité l'Observatoire deParis, l'Observatoire de l'ÉcoleMilitaire et tous les instrumentsd'astronomie qui appartiennent à laNation.

Chaque année, le Bureau des Longitudes publie les« Éphémérides Nautiques ». Cet ouvrage permet heure par heureet jour par jour de connaître la position dans le ciel du Soleil, dela Lune et des principales planètes. Ces données et lechronomètre permettent de calculer, à partir de la mesure dehauteurs d’astres au sextant, la position en Latitude et Longitude. Page des éphémérides nautiques (1 juillet 2018)

Hermione – Frégate de la liberté

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Méthode des tables lunaires.De 1687 jusqu’à la fin de sa vie en 1726, Isaac Newton publie « Philosophiae naturalisprincipia mathematica » qui va permettre de comprendre et de prédire en particulier le

mouvement de la Lune autour de la Terre.En 1731, l’octant est inventé par John Hadley. C’est l’ancêtre de nos sextantsmodernes. Grâce à lui, des mesures d’écarts angulaires très précis sontpossibles. Le mouvement de la Lune dans la voûte céleste est relativementrapide (un tour en 29,5 jours), et la Lune est très proche de la terre comparée au fond stellaire. Des différences d’alignement sont donc visibles en fonction de la position de l’observateur sur le globe terrestre. Des tables donnant les écarts angulaires (à partir du centre de la terre) entre la Lune et des étoiles ou des planètes remarquables sont dressées. La

comparaison des mesures de ces écarts à partir du point d’observation et des valeurs contenues dans les tables permettent de calculer laposition. James Cook effectua ses navigations en utilisant detelles tables (1768-1771 rouge, 1772-1775 vert et 1776-1779bleu).Cette méthode n’a pas permis des résultats de très grande

précision. Mais, les astronomes qui la préconisaient ont longtemps retardé lareconnaissance de l’avantage du chronomètre de l’horloger autodidacte John Harrison dansla compétition « Longitude Act ».Toutefois la totalité du prix ne fut jamais attribuée bien que John Harrison ait reçu au total23 000 Livres.

Sextant moderne

Les trois navigations de James Cook

Octant

Isaac Newton

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Jusqu’au milieu du XXième siècle. L’entretien des chronomètres occupe des officiers de marine à bord desbâtiments tant civils que militaires. Le point se faisait au sextant.La recherche du trésor de Rackham le Rouge est facilité parl’unification des méridiens de référence (Paris, Greenwich).Le 13 mai 1908, à la suite des nombreuses expériences réussies detransmission de l’heure par TSF, en France et à l’étranger, le Bureaudes Longitudes émet le vœu qu’un service journalier d’émission de

signaux horaires depuis la Tour Eiffel soit mis en place en vue de servir à la détermination des longitudes.Aujourd’hui l’utilisation du GPS a remisé les montres, les sextants et les éphémérides au placard… La navigation y a perdu un de ses charmes… Mais quelques irréductibles persistent à faire de la navigation astronomique.

Écart de temps, écart de longitude.

La terre fait un tour en 24h, elle tourne donc de 15° par heure soit une minute d’angle toutes les 4 secondes. Une minute d’angle au niveau de la surface terrestre c’est la définition d’un mille marin (1852m)… Faire une erreur de 4 secondes dans la mesure du temps c’est donc se tromper de 1852m dans la direction Est-Ouest au niveau de l’équateur !

Capitaine HaddockChronomètres marins