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Roberto J. Payró

LA MER D’EAUDOUCE

EL MAR DULCE(tome/tomo 1)

Traduction : Bernard Goorden

1927

bibliothèque numérique romandeebooks-bnr.com

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LA MER D’EAU DOUCE

PRÉFACE

« La Nación commencera à publier demain,sous forme de feuilleton, la dernière œuvre de Ro-berto J. Payró, dont le titre est El Mar Dulce

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(chronique romancée de la découverte du Río dela Plata par Juan Díaz de Solís).

Le livre débute comme une de ces fines pluie deprintemps que la terre absorbe dès que les gouttesla touchent mais qui, ensuite, si elles sont persis-tantes, vont peu à peu redoubler au point de de-venir abondantes, torrentielles et capables de fairedéborder les cours d’eau et d’inonder les champs.

Cette similitude a été peut-être la première quinous soit venue à l’esprit, parce qu’elle fait partiede notre quotidien et est naturelle ; mais ce serasans doute plus parlant si nous comparons le déve-loppement de El Mar dulce à ces symphonies qui,commençant sur un « pianissimo » des instrumentsà cordes, se compliquent ensuite et augmentent enrythme jusqu’à atteindre les sonorités maximalesde la masse orchestrale.

Et c’est ainsi que devrait être l’« Opéra », si lamusique accompagnait et interprétait bien le « li-vret ». Le poème débute, un paisible matin, parun dialogue paisible, dans la paisible ville de Lo-

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groño, aux débuts du 16ème siècle ; il y a un dia-logue entre le chroniqueur et poète Oviedo et sonami Juan Díaz de Solís, chez qui on entrevoit déjàl’âme du héros qui, après avoir mené à bien unelongue et risquée traversée, succombe dans la plusinattendue et obscure des tragédies, en découvrantnotre grand fleuve, que lui baptisa « Mar Dulce »(« mer d’eau douce ») et qui, en fait, si l’on étaitjuste, devrait s’appeler Ensenada (baie) de Solís.

Dans les premières scènes de l’œuvre, on as-siste aux préparatifs du grand voyage, auxquelsdonne un singulier intérêt l’action en sous-maindes Espagnols et des Portugais pour violer la fa-meuse ligne de démarcation du traité de Torde-sillas, tellement mathématique et claire en appa-rence, fruit de discussions casuistiques pour samise en pratique et son interprétation.

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Deux scènes, parmi d’autres, sont remar-quables : la première où Solís engage le rusé An-dalou Diego García de Moguer et qui nous meten contact réel, dirons-nous, avec quelques per-sonnages du drame ; et la seconde, peut-être la

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plus parfaite du livre, où la rivalité hispano-lusita-nienne d’alors est dépeinte dans des tons sombreset avec la magistrale sobriété d’un Velázquez,scène où est décrite l’entrevue de Solís avec l’am-bassadeur du Portugal, Vasconcelos. Admirablessont la lutte, le duel de ces deux hommes, où Solísrésiste autant avec intégrité qu’avec ironie auxsubtils artifices du diplomate, qui, usant de la flat-terie et d’offres tentantes voire de la menace, veutconquérir à tout prix le célèbre pilote afin qu’il

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cesse de servir le Roi d’Espagne et se mette auxordres de son monarque.

Vient ensuite, et cela présente également un vifintérêt, toute la partie du livre où nous voyons selivrer une autre lutte, de nature très différente maisnon moins passionnée que la précédente, entreJuan Díaz de Solís et ces messieurs de la Casa deContratación de Séville. Les mesquins subterfugesd’une bureaucratie, recourant à une paperasserieextrême, méfiante et autoritaire, qui osait s’oppo-ser même à la volonté absolue du roi, et la satis-faction de Solís en humiliant ces fonctionnaires tê-tus et envieux, qui ne l’appréciaient pas parce qu’iln’était pas une de leurs créatures et qu’il ne se sou-mettait pas à leur capricieuse et stricte autorité ;cela nous vaut des scènes caractéristiques et sa-voureuses.

Les préparatifs du voyage dans le port de Sé-ville, au milieu de la curiosité générale, et les com-mentaires populaires, variés et drôles, avec l’en-trée en scène d’un sympathique gamin, qui attein-dra une certaine notoriété sous le nom de Francis-

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co del Puerto ; les atterrages à Sanlúcar, à Lepe,et ensuite le départ pour la grande aventure,constituent des pages pleines de charme pitto-resque et de forte émotion.

La traversée, avec une description, sans doutetrès proche de la vérité, de la vie, parfois très pé-nible et toujours fort inconfortable, à bord des na-vires ; l’escale à Tenerife, qui devient pour l’équi-page, grâce à l’hospitalité des Canaries, une fêteréjouissante ; l’entrée et le séjour dans la baie deGuanabara (Brésil), qui est prétexte d’une sobre etbelle page descriptive, tout comme l’arrivée à l’em-bouchure du prodigieux fleuve, que Solís pressent,sans doute, plus qu’il ne découvre quand il enparle à ses compagnons, alors qu’ils sont encoreen plein océan, constituent de très beaux cha-pitres, sur le fond desquels se détache la noble fi-gure de l’aumônier du bord, fray Buenaventura,grande et douce âme de missionnaire chrétien, quicondamne les cruautés commises par les conquis-tadores à l’encontre des indigènes et qui poursuitsans faillir sa mission évangélique, malgré le peu

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de considération et les moqueries avec lesquellessa parole est reçue par ces hommes cupides et in-consciemment cruels qu’il prétend instruire.

Et, enfin, après un repos sur le beau fleuvequ’ils ont appelé « de los Patos » – aujourd’huide Santa Lucía en Uruguay – la tragédie inat-tendue qui met un terme douloureux, horrible, àune aventure qui s’était déroulée jusqu’alors de lafaçon la plus heureuse, même si la majorité del’équipage était déçue de ne pas accéder aux fabu-leuses richesses qui l’avaient incité à entreprendrece grand voyage.

Telle est, fort brièvement racontée, la nouvelleœuvre dont Roberto J. Payró enrichit la littératureargentine.

C’est un beau, un noble livre, où vont de pairla vérité historique et la beauté littéraire, recher-chées l’une comme l’autre avec probité, sans plusde concessions à l’imagination que cellesqu’imposent les ornements des récits faits par lestémoins oculaires sous forme de journaux de bord,

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afin de dépeindre les atmosphères, les choses ainsique les traits caractéristiques et les mouvements dela vie des hommes. Quant au style, nous dironsseulement, à titre d’éloge, que le sujet épique et es-pagnol le requérant, il a la pureté, l’aspect bruni etla trempe d’une épée de Tolède ».

« La Nación », 8 septembre 1927.

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I

LA PLUME ET LE BÂTON DE

PÈLERIN

L’aspect et les manières de cet homme nerévélaient ni son âge ni tout ce qui agitait savie. Arrogant et résolu, bien que quadragé-naire, portant avec grâce des hauts-de-chausses et des habits tailladés, une toque gar-nie d’une plume et une épée de Tolède à laceinture, c’était un bel homme au front hautet dégarni, à la barbe brun-foncé avec le refletlumineux de l’un ou l’autre cheveu blanc, auxgrands et énergiques yeux gris bruns, à la peaubasanée et ardente, au nez effilé qui donnait à

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son visage maigre un certain air de Maure, à labouche grande, sensuelle, aux lèvres rouges ; ilavait des mains fines et nerveuses. On le disaitdoué de la double vue – parce que né le Ven-dredi Saint, à l’heure de la mort du Christ – et,à cette réputation populaire de virtuel décou-vreur de trésors et de faiseurs de miracles, onajoutait l’audace, les aventures dramatiques ethéroïques, les mœurs un peu libres et la répu-tation plus solide mais moins connue d’être, enoutre, assez versé dans les belles lettres, bonmathématicien et marin remarquable.

Les longues heures d’attente à Logroño,afin de convenir avec le roi Ferdinand le Ca-tholique – qui chassait à Mansilla – des détailsd’une expédition audacieuse, ces heures lui au-raient semblé relativement insupportables s’iln’avait partagé le sort d’un ami de son goût,appelé dans cette vieille ville, en raison d’as-pirations analogues même s’il ne s’agissait pasd’affaires identiques. Ce dernier était un mili-taire et un courtisan – mais pas l’un de ces ef-

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féminés qui allaient fleurir plus tard – ; c’étaitun homme à l’œil scrutateur, aux minces lèvresironiques et à l’expression simultanément cu-rieuse et farouche. Il maniait la plume avec au-tant d’élégance que l’épée, dont il se servait de-puis l’enfance, et on le considérait comme l’unde ceux qui cultivaient le plus remarquable-ment la langue espagnole en vers et en prose,et comme l’un des plus grands érudits de sonépoque.

Comme tous les jours depuis qu’ils s’étaientrencontrés, ils se promenaient lentement dansl’allée de peupliers qui borde l’Èbre, causant etprofitant de la fraîcheur et de la solitude quel’heure matinale leur offrait. Absorbés par laconversation, leurs regards erraient, embras-sant, sans les voir : le paysage ensoleillé, les fa-çades blanches et les toits rouges de la ville,coupée par le fleuve et dominée, parmid’autres tours vétustes, par la haute flèche sé-culaire de Santa María de Palacio ; les champsfertiles se répartissant entre vergers, vi-

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gnobles, oliviers, terres donnant du pain ; lesroutes et les chemins poussiéreux et, là-basau loin, comme voilée par les derniers tullesdu brouillard matinal, l’ondulation des mon-tagnes, sur les versants desquelles hêtres etchênes enfoncent leurs racines, et qui, àl’Ouest et au Sud, préservent la région desvents du midi.

— Répétez-moi ces vers, qui me plaisenttant – dit le marin, en s’adressant au militaireet à l’écrivain.

— Je ne les connais pas par cœur et je n’aipas apporté l’opuscule – répondit l’interpellé.

— Si pas de tous, vous vous souviendrezde quelques-uns… A fortiori qu’y sont dépeintscomme sur un retable les infortunes de décou-vreurs et conquistadores des Indes.

— Conquistadores des Indes, oui, atten-dez… – répéta l’autre, comme faisant un effortde mémoire, pour réciter ensuite, avec une cer-taine emphase moqueuse :

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Ceux qui font et apportentsans savoir compter combiennous mettent dans une si grande épouvanteque les pensées n’imaginent pas,car elles ne peuvent évaluer autant ;c’est pourquoi la Castillepeut faire figurer Séville,parmi toutes les villes de chrétiensc’est pourquoi les Castillanspeuvent l’assimiler à une merveille.Il en sort, il y vientdes citoyens laboureursdes pauvres faits seigneurs,mais ce qu’ils gagnent ils l’ontparce qu’ils sont de bons conquistadores(1)…

— Cette partie contient des perles mais ellen’exprime pas le mieux ce qui me plaît – obser-va celui qui écoutait. – Continuez, continuez,don Gonzalo, car votre mémoire n’a jamaisflanché.

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Bien que sautant çà et là l’une ou l’autrestrophe qui lui échappait, sans attendre davan-tage de suppliques, le poète récita la composi-tion :

Risquant leurs vies,ils ont fait ce qui n’était pas pensable,trouvé ce qui ne l’avait jamais été,gagné des terres inconnues,enrichi notre état,rallié à notre cause tant de peuples,de gens, auparavant inconnus,et, ainsi qu’on l’a vu,amené à se convertir au Christtant d’âmes perdues…

— Bien, vive Dieu ! – s’exclama le marin –.Allez, Oviedo, poursuivez !

— Pour ce qui suit – dit Oviedo – je parled’un certain conquistador en particulier…Mais il m’a donné tant de motifs de me fâcher

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que je ne veux pas répéter son nom désa-gréable :

… En luttant et en travaillant,ne dormant pas mais veillant,mangeant et buvant mal,voyez s’il mérite d’avoirce qu’il a ainsi gagné en se querellant !Il est vrai que ses gainsont découlé de sa constancequ’il voulut, par sa force,pourvoir à sa vieillessegrâce aux œuvres de son enfance…

— Enfance pour jeunesse – expliqua lepoète –. Le brodequin de la rime nous force ànous adapter. – Et il poursuivit :

et il gagna lors de cette expéditionde ramener sa jambe casséeavec… le reste qu’il rapportait,sans autre marchandisesi ce n’est sa personne armée…

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— Ce « le reste qu’il rapportait » doit se ré-férer au mal bien connu et malheureux quiamène à se gratter ? – demanda l’autre.

— « Tu l’as dit ! » – répondit Oviedo –. Maisavec la fameuse huile de bois de Gaïac, qui nesera jamais assez bénie, la Divine Providencea su nous donner, à côté de la maladie de cesterres, le remède qui la soigne et qui s’y trouveégalement(2).

— Il aurait pu s’épargner un tel travail, nousépargnant à nous la maladie – objecta le marinde façon enjouée.

— Vous verrez là-bas – répondit Oviedo –.Mais les allées et venues ou les malheurs desdécouvreurs et conquistadores ne s’arrêtentpas à cela, car, comme je dis dans mes mau-vaises rimes :

sur toute cette excellenceil y a mille méchants envieux,

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médisants, menteurs,qui veulent nuireaux hommes vertueux !

— Vous non plus, ils n’ont pas cessé devous dénigrer, don Juan – ajouta le poète.

— C’est bien vrai – répondit don Juan –. Etj’espère que vous devrez tailler votre meilleureplume pour le signaler également en détailsdans les livres que vous écrivez avec tant detalent.

— Merci, mais le talent ne suffit pas… Ilexiste, heureusement des ordonnances royalesdemandant aux gouvernants des Indes dem’adresser la relation exacte de tout ce quise passe et qu’ils voient dans leurs gouver-nements respectifs. Mais cela n’est pas nonplus suffisant. J’ai l’intention de me rendre per-sonnellement dans ces mystérieuses Indes, deles toucher du doigt, de connaître le secretde leurs forêts, de leurs montagnes, de leursfleuves, et même de la faune qui les peuple…

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car chétif, rabougri et sans saveur est le fruit del’écrivain qui, sans l’avoir vu, rapporte ce qued’autres lui ont raconté…

— Mais Son Altesse ne vous a-t-elle paspromis ?…

— Plus que promis ! Elle m’a confié le com-mandement d’Española(3), où je serai son in-tendant des fontes d’or, charge honorable, quirapporte et est tranquille, me permettant detout voir et de me consacrer à mes étudesde prédilections. Il me tarde de me mettre enroute ! Ce qui me motive – ici entre nous – cesont peut-être non seulement mes inclinationsde chroniqueur, mais ce qui m’attire surtoutc’est l’amour des aventures… mais, veuille leciel que, malgré ce que disent les mauvaiseslangues, je ne sois pas guidé par la convoi-tise… Ce qui est curieux, imprévu, ce qui n’apas encore été rêvé, voilà ce qui m’attire… etj’ai l’impression que ce brave paysan de JuanDíaz de Solís est affecté des mêmes maux…

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L’écrivain le dit non sans une certainegrâce, qualifiant le marin de paysan parce queleurs deux familles étaient originaires des As-turies, d’Oviedo, même si le premier était nédans la ville de l’ours et de l’arbousier, alorsque le marin affirmait être né à l’ombre de l’an-cien château de Lebrija.

— Oui – répondit don Juan – j’ai les mêmesfaiblesses, je ne peux ni ne veux le nier. Dansma bourgade arriérée de Lepe, je me sentaiscomme un poisson dans l’eau mais, ni la viedouillette et flemmarde, ni l’amour de mafemme et de mes enfants n’ont réussi à meretenir dès que j’ai entrevu la possibilité d’ungrand voyage… Il y a comme un désir ardentqui me pousse vers d’autres destinées… C’estainsi, également, qu’un jour, m’étant rendu auPortugal, il me valut ma disgrâce, me força àdéfier hommes et éléments, à défendre et la-ver l’honneur de mon nom et – seul péché quel’on ne me pardonne pas – à percevoir de mapropre main et avec violence ce que m’avait

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fallacieusement promis le Portugais(4), ayantsecrètement l’intention de me rouler…

— Je connais l’histoire – interrompit grave-ment Oviedo – et, de tout cœur, je compatis àvos infortunes… Et, à leur propos, et sans mal-saine curiosité, je souhaiterais savoir… Maisvous me qualifieriez d’indiscret et je n’ose pasvous demander de telles choses…

— Parlez ! Demandez !… Tout ce qui vientde vous à moi est permis, don Gonzalo !

— Malgré tout, malgré tout ! Enfin, si j’étaisvotre biographe, ce que je serai si Dieu meprête vie, il est important que je sache jusqu’auplus insignifiant détail, par souci de vérité… Ehbien… d’après la rumeur populaire… commentdirais-je ? les malheurs ont, à un moment don-né, été plus forts que la volonté, et vous avezcherché le moyen de les oublier… Il semblemême que, dès ce moment, on vous a affubléd’un surnom pas très reluisant…

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— « Bofes de bagazo(5) » n’est-ce pas ? –demanda Solís avec un sourire forcé.

— C’est cela, en effet… Cela ne vous blessepas trop que je l’ai répété ?

— Hé ! les dires, dont celui-ci, ont habituel-lement un fond de vérité. Par chance, on ne faitque soupçonner… Je ne fais pas la fine boucheà une bonne gorgée de vin vieux… Mais qui ce-la doit-il épouvanter sur la terre bénie du vin,ou qui peut, de nos jours et en ces lieux, me je-ter la première pierre ? Quel marin, arrivant auport, avant de lever l’ancre, ne lâche pas un ju-ron en papotant avec ses amis ? Mais, allons !on m’accorde plus de gloire que je n’en mériteen disant que mes poumons exhalent tellementque l’on me reconnaît à mon haleine. Non, donGonzalo, je ne me suis pas noyé dans le vin,ce que j’aurais pu, étant donné mes chagrins ;j’ai cherché la consolation ailleurs… et je l’aitrouvée. Mais, ensuite, ce fut en vain que, dansma solitude de Lepe, je tente de me consa-crer à l’étude des sciences et des lettres, de me

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complaire en compagnie de sages dont l’ami-tié, comme la vôtre, est séduisante et admi-rable… Les livres me semblent à présent gla-cials et creux, ombre d’ombres, par rapport àce que peut m’offrir l’aventure, et les doctesamis exaspèrent ce que j’appelle ma curiosi-té…

— Nous avons les mêmes faiblesses,comme vous disiez il y a un moment – murmu-ra Oviedo.

— Oui, don Gonzalo ! – continua Solís – Jeme vois de nouveau en voyage vers les Indes,et ce rêve suffit pour que ma poitrine se dilateet que mon cœur batte avec la vigueur de mesvingt ans.

— Dieu vous accorde de grands exploits, etque je vive pour les raconter et les chanter ! –s’exclama Oviedo.

Absorbés dans leurs pensées, ils prome-nèrent tous deux le regard sur le paysage sansl’arrêter nulle part, sans voir autre chose que

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leur rêve intérieur. Après une pause prolongée,le chroniqueur finit par parler sur le ton de laconversation familière :

— Après Colomb – dont j’ai fait la connais-sance quand les Rois(6) l’ont reçu avec tantd’honneur à Barcelone, très loin de soupçon-ner et de craindre tout le mal qu’on lui ré-servait – après un homme si remarquable quemes yeux d’enfant admirèrent et fixèrent pourtoujours dans ma mémoire, d’autres hommes,courageux comme vous, entreprirent desvoyages risqués et firent des découvertes pro-digieuses. Quelques-uns, et particulièrementvous, n’ont pas eu leur équivalent, on ne peuttrouver quelqu’un à leur comparer, à moinsd’être prince ; parce que les rois savent etpeuvent donner tout ce qui leur plaît : desvilles, des états, des seigneureries et d’autresgrandes choses ; mais à des hommes que nousavons vus pauvres hier, ce qu’ils avaient étantfort peu, le courage suffit ; j’en ai tellement que

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je n’en connais de semblable à notre époque nià d’autres !

— N’est-ce pas l’enthousiasme qui vousanime ? Car il s’amplifie habituellement de fa-çon excessive.

— Non, non : je me borne à répéter ce quecette même main a écrit pour l’étonnement etl’admiration des gens à venir.

— Est-ce que je ne pourrais pas prendreconnaissance de ces écrits dès à présent ? Celame ferait tellement plaisir !

— Je suis en quelque sorte pieds et poingsliés et je ne peux pas vous donner satisfaction,même si je le voulais. Mais, en temps voulus,vous en prendrez connaissance. J’y parle, biensûr, de Colomb, don Cristobal, qui – primusinter pares – seulement guidé par la main deDieu et son savoir humain, découvre les Indesinsoupçonnées et ajoute à la couronne de Cas-tille des îles et des terres d’une singulière ri-chesse ; et, avec lui, j’y parle de don Diego

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et de don Fernando Colomb, comptant aunombre de mes amis très chers. Je n’y oubliepas non plus un de vos amis et de mes amisillustres, Vicente Yáñez (Pinzón), découvreurdu golfe de Paria(7) et des côtes de la Guyane,où il a mis le pied malgré de féroces indigènes :ni des autres Pinzón(8), qui l’ont concurrencésans l’éclipser…

— Comment auriez-vous pu les oublier, oud’autres, beaucoup moins renommés ?…

— Cela arrive. Que voulez-vous ? La justiceest « rara avis » en ce monde… Mais je n’ou-blie personne volontairement et il me sembledifficile que quelqu’un échappe à ma notice ou

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ne figure pas dans les documents que je pos-sède et étudie avec amour…

Il oubliait sans doute que, quelques minutesplus tôt, il avait omis délibérément le nom decelui qui lui avait inspiré ses vers…

— Diego de Lepe – poursuivit Oviedo – quidébarque sur des terres extrêmement loin-taines, à des centaines de lieues vers le Sud(9) ;Rodrigo de Bastidas(10), qui parcourt lesplages découvertes par (Alonso de) Ojeda etdébarque à Carthagène des Indes ; le mêmeOjeda, qui répète un voyage admirable et par-vient au fond du golfe du Mexique(11) ; à nou-veau le grand Amiral(12) qui, déjà âgé, traverseune dernière fois(13) l’Océan pour adresser àses Indes l’ultime au revoir… Que d’exploits etque de grandeur !…

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— Les premiers oui. Mais les autres ? Lechemin étant trouvé, est-ce que cela ne consis-tait pas, simplement, à mettre le cap ?

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— Ne vous humiliez pas par modestie, donJuan, car ce fut également un très grand ex-ploit quand vous avez atteint avec VicenteYáñez ce que (Amerigo) Vespucci a appelé lecap Saint-Augustin(14), les terres où Diego deLepe a combattu, le quarantième degré, quepersonne ne pensait atteindre… Qu’importeque d’autres aient ouvert la porte, si on trou-vait au-delà le mystère et le danger et que lesdéfier était une prouesse !…

— Cependant il y en eut d’autres qui…

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— Je sais aussi – interrompit Oviedo –, jeconnais ce qu’ont fait Ojeda et Diego de Nicue-sa en tant que fondateurs de Darién(15), JuanPonce de León, découvreur de la Floride, ettant d’autres… Oh ! l’étendard de la Castille,ami don Juan, flotte plus haut que jamais,grâce au courage de vous tous, grâce à votreintrépidité, grâce à votre pugnacité…

— Je me référais aux Portugais… – insinuaSolís avec une certaine amertume.

— Oui – répliqua Oviedo, hargneux – lesPortugais ne s’en sont pas mal tirés… On nedoit pas mépriser le concurrent car, ce faisant,loin de les rehausser, on dédaigne ses propresmérites…

Et, avec un accent ironique, où transparais-sait le dépit, il continua :

— Des coups de vents et des courants me-nèrent Pedro Alvarez Cabral à l’aveuglette versdes terres et des îles qu’il ne cherchait pas, àVera Cruz du Brésil… Amerigo (Vespucci), en

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revanche, qui sait où le bât blesse et qui ser-vait alors le roi Manuel, ne s’aventurait pas fol-lement lorsqu’il laissa derrière lui le cap Saint-Augustin et descendit à des centaines de lieuesvers le Sud, jusqu’à découvrir la baie de Tousles Saints, je ne me souviens plus si c’étaitlors de son premier ou de son deuxièmevoyage(16)… Et ils ne sont pas non plus né-gligeables les mérites du premier vice-roi desIndes portugaises(17), don Francisco d’Almei-da, ni ceux du fameux Tristan da Cunha, queDieu rendit soudain aveugle(18), comme post-posant ses desseins, seulement réalisés quandla miséricorde divine lui rendit la vue(19)…

— Vous êtes caustique, don Gonzalo – ditson interlocuteur, comme s’il n’était pasconscient de l’y avoir lui-même incité.

— Eh bien, vive Dieu ! Tout cela est-il com-parable avec ce qui a été accompli par leshommes, que j’encense dans mes écrits, sigrands que, en ne faisant que parler d’eux, monnom peut durer éternellement, comme perdure

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celui de Plutarque ?… Il est singulier l’amouravec lequel j’étudie et vis leurs exploits, maisje manque souvent de sources dignes de foi…Ainsi, au nom de notre bonne amitié, je vousprie, don Juan, de ne rien me laisser ignorer devotre vie et de ne me cacher aucun de vos pro-jets car, aboutis ou non – les grands essais sontune semence et un exemple –, ils passeront àla postérité dans mes livres…

Celui qui parlait était le capitaine don Gon-zalo Fernández de Oviedo y Valdés, écrivainau style personnel et éloquent – que l’on lit en-core de nos jours(20), comme il le présumait –,commençant à l’époque à composer la célèbre« Histoire naturelle des Indes »(21). Dans sonenfance, il avait été page et compagnon chéride l’infant don Juan ; en tant que tel il avaitassisté – il n’avait que quatorze ans en 1492 –au siège et à la prise de Grenade par les RoisCatholiques(22) et, l’année suivante, à la ré-ception solennelle qu’ils réservèrent à Chris-tophe Colomb à Barcelone. Déjà alors, le jeune

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garçon manifestait un grand amour pour leslettres, ce qui fit de lui un érudit et lui donnabientôt une telle maîtrise dans l’art d’écrireque, sans s’arrêter à son inexpérience, GonzaloFernández de Córdoba, le Grand Capitaine,l’emmena comme secrétaire en Italie, où ilguerroyait. En Italie, il fréquenta des hommessavants comme le fameux géographe vénitienGiovanni Battista Ramusio, avec qui il entre-tint, à partir de ce moment-là, une correspon-dance épistolaire concernant des sujets scien-tifiques « qui ne pouvait qu’être utile et pro-fitable pour tous les deux », à ce qu’affirmeorgueilleusement Oviedo. Accompagnant leGrand Capitaine et alternant épée et plume,plume et épée, il vit croître la réputation deson nom, grâce tant à son intelligence qu’à sahardiesse, de telle sorte que, quand en 1507– doña Isabelle étant décédée – Fernández deCórdoba regagna l’Espagne, rappelé par le ré-gent don Ferdinand, le monarque, auprès du-quel il était tombé en disgrâce, n’attendit passes sollicitations pour nommer chroniqueur du

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Royaume le savant jeune homme, le rémuné-rant avec plus de largesse que d’habitude – caril était taxé par beaucoup de ladre – et il lechargea de rédiger un grand livre sur les nou-velles Indes. En préparant cette œuvre, il avaitpris contact avec des navigateurs et desconquistadores, et parmi eux, avec un marinexpérimenté comme Juan Díaz de Solís. Dèsleur première rencontre et, bien que Oviedo fûtd’un naturel indocile et farouche – ainsi que ledémontra plus tard la cruauté de sentiments etla convoitise dont il se défendait préventive-ment –, une mutuelle inclination naquit entreeux, se transformant bien vite en amitié intime,devenue encore plus étroite lorsque des ten-dances communes et des aspirations ana-logues les réunirent à Logroño.

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Entretemps, au terme de leur promenade etpour se mettre à l’abri de la chaleur qui re-doublait, ils avaient fini par s’asseoir à l’ombred’un chêne et poursuivaient leur conversationavec intérêt.

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— Tandis que vous passiez en revue lesvoyages des découvreurs des Indes, tout enlaissant de côté ce qui me concerne – disaitSolís – vous me rappeliez la grâce austère dece Plutarque que vous avez cité. Simultané-ment, se présentaient à mon esprit les terresévoquées, jusque dans leurs moindres détails,et l’idée tenace s’imposait une nouvelle fois à

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mon cerveau qu’il manque à ce monde un traitd’union, un élément commun qui doit exister.Cela ne fait pas de doute pour moi, même s’ilnous échappe encore parce qu’inconnu.

— Dites, dites, pardieu, car je sens quenous l’entrevoyons !

— Eh bien, en y réfléchissant, j’acquiers deplus en plus la conviction que tant d’îles etde côtes comme celles qui ont été découvertesne peuvent pas être de simples accidents ca-pricieux surgis de la mer et pas davantage detristes et rares restes de l’Atlantide de Platon,mais bien – comme certains écueils qui an-noncent habituellement la proximité de la terreferme – des signes palpables d’un véritablecontinent, peut-être de cette même Atlantideperdue et non retrouvée… La raison me dit que– même si je me trompais – l’erreur elle-mêmeserait glorieuse parce que, forcément, au lieude la terre ferme que je cherche, je ferais, enme trompant, une aussi remarquable décou-

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verte que le passage vers les Indes Orien-tales…

— Bien raisonné ! – s’exclama Oviedo –. Iln’y a pas longtemps, à Madrid, en bavardantavec le pilote Andrés de Morales, compagnonde Colomb et de Rodrigo de Bastidas, et avecPedro Mártir de Anglería, chroniqueur commemoi, je leur ai affirmé, avec l’approbation deMorales que, à mon avis, les terres des do-maines de Castille là-bas ne sont pas des îlesmais bien un grand Continent… Mais conti-nuez.

— Oui. Il n’y a pas mieux : ou ce sont toutesdes îles et, forcément, il y aura un passageentre elles, ou, comme nous le pensons tousles deux, il y a là-bas un Continent qui s’étenddu tropique jusqu’au pôle…

Oviedo avait fixement regardé Solís jusqu’àce point, partagé entre l’admiration et ledoute ; mais, en entendant ses dernières pa-

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roles, se remettant involontairement debout, ils’exclama :

— Ou un passage ou de la terre ferme !Vous avez raison ! Il n’y a pas mieux !… Quandpartez-vous ?

— Dès que cela conviendra à Son Altesse…Mais pas un mot à qui que ce soit, don Gonza-lo !

— Soyez sans crainte. Je suis bienconscient que, pour le bien de tous, cela doitrester secret…

— Et a fortiori, il faut que la nouvellen’éveille pas la vigilance ou, plutôt, la convoi-tise du Portugal, qui souhaiterait se servir à sonseul bénéfice du traité de Tordesillas. Il y a icimême des yeux, rivés sur moi, qui me guettent,comme s’ils soupçonnaient…

— Il doit en être ainsi ! Vous connaissez ledicton : « Dans les champs de Logroño, le dé-mon se promène toujours librement ». Et le dé-mon qui vous montre son sabot est, sauf er-

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reur de ma part, don Juan Méndes de Vascon-celos…

— Précisément ! L’ambassadeur du roi Ma-nuel lui-même, qui se vante tellement d’êtrehabile et astucieux.

— Prenez garde ! Car don Ferdinand neveut pas mécontenter son gendre.

— Oui, mais Son Altesse veut aussi, grâceà Dieu ! que sa volonté soit faite, et il en seraainsi, malgré les manœuvres de l’ambassadeur.Il en sera ainsi, je le répète, que ce soit au prixd’une diplomatie avisée, que ce soit ouverte-ment et résolument si les subtilités de la poli-tique ne suffisent pas…

— Vous en parlez comme si c’était chosefaite…

— Elle n’est pas fort loin de l’être, effecti-vement. Aujourd’hui Francisco de Torres, frèred’Ana, mon épouse, doit arriver à Logroño…Je crois que vous le connaissez et le tenezpour un bon pilote et un homme de bien…

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Eh bien, j’ai fait appel à lui pour le chargerdes premières démarches pour l’armement devaisseaux et le recrutement d’équipages… J’at-tends, d’un moment à l’autre l’autorisation an-noncée du Roi.

— Holà, holà ! Et vous me taisiez cela !

— J’y étais contraint.

— Bon choix que ce Torres : Je l’estimebeaucoup, tant comme homme que comme na-vigateur et, en tant que parent, il sera votretrès digne second.

— Il est mon confrère plus que mon beau-frère.

— Mais ces premières démarches ne sont-elles pas prématurées ? L’ordre de Son Altessene risque-t-il pas de se faire attendre ?

— Le Roi n’attend qu’un événement quel-conque qui lui rende ou semble lui rendre sa li-berté d’action par rapport au Portugal. Mais sicela ne se produit pas, naturellement ou pro-

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voqué par le Portugais, qui nous empêche dele susciter ?… ou de l’inventer dans le pire descas ?

Oviedo hocha la tête affirmativement – luiaussi connaissait don Ferdinand – et, après uncourt silence, il demanda :

— Comptez-vous entreprendre un voyagede longue durée ?

— D’un an, aller-retour… Il ne s’agit, cettefois, que de vérifier de près laquelle de mesconjectures est la bonne et laquelle est la mau-vaise… Dans n’importe laquelle des deux hy-pothèses, je reviendrais aussitôt pour chercherdes renforts en hommes et en navires…

— Méfiez-vous des manœuvres sur terre,don Juan. Pardonnez-moi, en tant qu’ami, devous dire : vous êtes un navigateur incompa-rable mais pas un général aguerri et prudent,qui sache tout prévoir. Une chose sont lesécueils et les bancs de sable, une autre lesembuscades et les pièges à terre… Contentez-

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vous, pardonnez-moi, d’être le grand marinque vous êtes… Et, là-dessus, je prendraicongé de vous. Qui sait si nous reverrons ici-bas !… Je crois que je quitterai aujourd’huimême Logroño pour l’endroit où la Providenceme conduira. Au revoir, mon ami, et que Dieuvous accompagne…

— Prenons-nous dans les bras, Oviedo, et àtrès bientôt, j’en suis sûr !

— Qu’il en soit ainsi ! – dit le chroniqueur,en serrant Solís dans les bras.

La brise matinale était complètement re-tombée et le soleil dardait ses rayons, la cha-leur devenait étouffante. Les deux amis se sé-parèrent sans ajouter une seule parole, plongésdans de profondes réflexions, comme s’ils pré-voyaient que ce serait leur dernière rencontre.

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II

PENDANT QUE L’ADVERSAIREDORT

Sous le soleil de feu, les futaies, les terresensemencées, les herbes poussiéreuses elles-mêmes grillaient ; le courant agité de l’Èbreétait un miroir ardent. La ville, dont seul lechant strident des cigales rompait le silence, secalcinait. En voyant les tortueuses et étroitesrues désertes, abandonnées même par leschiens qui dormaient en haletant à l’abri desmurs, personne n’aurait supposé que c’était làla fameuse Logroño, clé et limite de la Castille,à la frontière de la Navarre, et à cette époque

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– depuis que don Ferdinand chassait à Man-silla, proche – résidence des courtisans de sasuite, comme l’était parfois monseigneurl’évêque Calahorra et, de tous temps, commel’étaient les auditeurs de l’Inquisition et leSaint-Office, de nombreux chevaliers de mai-sons insignes, outre les prêtres qui officiaientà Santa María la Redonda, Santa María de Pa-lacio, San Pedro, San Bartolomé et San Blas,belles églises dont les clochers donnaient, deloin, à la ville l’aspect d’une grande cité. Toutle monde, rentré chez soi, faisait la sieste, de-puis le maire et les vingt-quatre conseillersmunicipaux, jusqu’aux moines des Couventsde San Francisco, Santo Domingo et la Mer-ced, les nonnes des Monastères de la Madrede Dios, de las Dominicas, de Santa Clara, etles malheureux malades de l’hôpital. Appuyéecontre le mur et sur sa hallebarde, sous la ro-buste tour du pont qui donnait accès à la ville,même la sentinelle ronflait et, dans le vétustechâteau féodal qui défend le passage, même

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les hirondelles, hébergées pour l’été dans lescrevasses de ses murs, ne bougeaient pas…

Ni vu ni entendu par personne, comme in-différent au froid et à la chaleur, se préservantdes terribles rayons solaires, un homme dehaute stature et à l’air décidé arpentait les ruesoù même l’ombre réverbérait la chaleur, et ils’arrêta devant une maison de modeste appa-rence, puis toqua à la porte massive et ornéede clous. Pendant qu’il attendait, il retira sonchapeau pour éponger la sueur qui, dégouli-nant de son front étroit, allait se perdre dans sagrande barbe noire. Il était vêtu d’une casaque,d’un pourpoint ainsi que de chausses de toilelégère, et il portait de grosses bottes de cava-lier.

La porte ne tarda pas à s’ouvrir et un jeunehomme au visage déplaisant permit au visiteurbarbu d’entrer, comme s’il l’attendait. Le seuilfranchi, une agréable sensation de fraîcheuraccueillit l’homme qui, pénétrant dans unesalle carrelée de briques, contiguë au vesti-

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bule, passa du four de la rue à l’humide ettiède pénombre de l’intérieur, qui sentait légè-rement la moisissure. Ses yeux, encore éblouispar le soleil, mirent un instant avant de voirJuan Díaz de Solís qui venait vivement à sarencontre.

— J’espère que je ne t’ai pas fait attendre !– s’exclama Solís. Viens dans mes bras !

— Tu m’as appelé et me voici – dit l’autre,en l’embrassant. – Mais note que faire venir unmarin à marches forcées et à cheval, cela n’apas été un jeu d’enfants.

— Encore merci, Paco ! Je savais que tu fe-rais ce sacrifice… Assieds-toi.

Et il lui indiqua un fauteuil de cuir à hautdossier, tandis qu’il approchait pour lui un desrares tabourets de chêne, qu’il y avait autourde la table, dans la vaste salle dont les uniquesmeubles étaient, par ailleurs, un coffre doubléen maroquin, un coffret morisque avec de

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beaux fers forgés et une grande armoire enbois taillé.

— Nous allons voir si tu m’appelles pour ceque je suppose – commença le nouveau venu,en lui prenant le tabouret, lui laissant le fau-teuil. – Parle, je suis tout ouïe.

— Ne veux-tu pas d’abord te reposer et terafraîchir ? N’es-tu pas fatigué et assoiffé ?

— Très, mais la curiosité me dévore.

— L’un n’empêche pas l’autre – répliquadon Juan, qui cria ensuite : — Holà, Rodrigo !

Le domestique, qui devait être derrière laporte, apparut et, sur un signe de son maître,redisparut.

— Tu m’as convié avec une telle hâte quequelque chose de grave doit être en train de sepasser…

— C’est long à raconter.

— Pour ma part, j’ai tout le temps…

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— Attends que Rodrigo revienne, apportantce que je lui ai demandé, afin que nous nesoyons pas interrompus.

Le domestique entra avec un plateau, surlequel il portait deux coupes, une carafe enverre morisque remplie de vin blanc, et une al-caraza d’eau fraîche.

— Retire-toi et ferme la porte – lui dit Solís,versant à boire.

Ils burent chacun quelques gorgées et donJuan commença :

— Eh bien, comme tu le sais, le FlorentinAmerigo Vespucci étant décédé et, malgré cer-taines intrigues, le Roi, qui me connaît, a finipar me nommer son pilote principal et, il ya peu – un mois ne s’était pas écoulé –, il aconclu avec moi un accord pour un certainvoyage dont il m’avait déjà entretenu verbale-ment à plusieurs reprises, qui l’intéresse beau-coup, et moi aussi, bien entendu…

— Je suis au courant…

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— Oui, parce que je t’ai supplié alors dem’accompagner et que tu as hésité à me ré-pondre… Le moment est venu.

— Attends !… Avant tout, je dois savoir s’iln’y a plus d’obstacle pour l’expédition… C’esttrès important, parce que je sais que tu nemanques pas d’ennemis et de gens ayant in-térêt à s’opposer à tes projets, quels qu’ilssoient… Et tu comprendras que, comme l’onme fait des propositions à mon entière conve-nance, je ne dois pas lâcher la proie pourl’ombre. Je te dirai bien plus : si ce n’était pastoi…

— Tu dirais catégoriquement que tu re-fuses, n’est-ce pas ? Eh bien, le voyage est dé-cidé.

— Doña Ana m’écrit pourtant qu’il y a degrandes chances pour qu’il ne se fasse pas…

— Madame ta sœur et ma digne épouse au-rait mieux fait de taire ces secrets qui, sans êtresecrets d’alcôve, peuvent être secrets d’État…

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Mais à ton égard, la première indiscrétion n’estpas d’elle mais de moi…

— Ana n’ignorait pas que tu devais m’enparler et elle n’a fait que s’avancer… Entre-temps, tu laisses la réponse en suspens.

— Non, car elle était donnée d’avance. Jejoue gagnant ! Personne n’osera empêcher, nimême retarder le voyage…

— Des bruits courent que l’ambassadeurportugais, cet obstiné et intrigant Mendes deVasconcelos…

La courageuse franchise qui, à premièrevue, semblait caractériser le visiteur – à en ju-ger par sa prestance et le regard ouvert deses petits yeux noirs – faisait place à une atti-tude de réserve visiblement forcée, sans dimi-nution de la déférence et de l’affection, commesi l’homme jouait un rôle inadéquat à son ca-ractère. Solís l’interrompit :

— Son Altesse – dit-il – a décidé que levoyage aurait lieu, malgré les prétentions du

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Portugal et les ruses de Vasconcelos, et tu saisbien que Don Ferdinand n’est pas de ceux quise laissent influencer. Ce qu’il veut est ce quis’accomplit, de gré ou de force.

L’autre respira fortement, ce qui était sa fa-çon de soupirer.

— Oui, oui – marmotta-t-il. Il a arraché auxMaures l’Andalousie, il nous a débarrassés desinfidèles et des Juifs, il a ajouté à sa couronnele royaume de Naples, la Sardaigne, le Rous-sillon, une partie de l’Afrique, et même si sareine lui manque – Dieu ait son âme –, il couveà présent la Navarre… Il peut bien se rire descriailleries d’un ambassadeur portugais et dessautes d’humeurs de son fils, ou plutôt de songendre, au Portugal(23).

— Comme il l’a déjà fait…

— Par exemple, lors de ton voyage de 1508.

— Chut ! Les murs ont des oreilles…

— Ton domestique n’est-il pas fiable ?…

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— Il y a d’autres personnes dans la maison.

— Mais, aussi discret que l’on soit, ceschoses transpirent, Juan… Personne n’a étédupe du procès qu’ont prétendu te faire les offi-ciels de Séville, ni du fait que le Franciscain Lo-renzo Pinedo te conduise à la Cour où l’on pou-vait vous voir, ni de la colère que le Roi sem-blait avoir éprouvée envers toi… Tout ce bruitconcordait mal avec les faveurs qu’il t’a accor-dées par la suite… Et, ce que tout le mondesait, Vasconcelos est-il censé l’ignorer ?

— Il ne pouvait en être autrement – répli-qua Solís, en souriant – parce que le procès aprouvé que je m’en étais tenu aux instructionsdu Roi.

— Mais qui a assisté à ce procès ?

— Le Roi, et c’est suffisant. Son Altesseelle-même a entendu le réquisitoire et toutesles sommations, et, comme il n’y avait pas deraison pour me condamner, mon incarcération

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n’a duré que le temps de l’instruction… Je suislavé des accusations.

— Hum ! Naturellement. Mais Vasconcelosdoit continuer à se demander, comme tout lemonde, s’il ne le sait pas déjà parfaitement,jusqu’où ont été les caravelles Santa Magda-lena et San Benito, qui ne peuvent pas avoirpassé plus d’une année à avaler des mouchesdans le golfe de Paria(24) ?… Et cela n’a pasdû lui faire très bonne impression que tes équi-pages, sous prétexte d’éviter des frais inutiles,aient été dispersés dès ton arrivée ; pas plusque la hâte avec laquelle Don Ferdinand s’estsaisi de ton procès et de ta personne, sans quel’on ait eu des nouvelles du premier jusqu’à au-jourd’hui et sans que l’on sache rien de toi pen-dant un bon bout de temps…

Don Juan accompagnait les observationsde son beau-frère de grands éclats de rire, touten remplissant leurs coupes.

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— Tu as raison, tu as raison – répétait-il ré-joui.

— Bah ! ce que je dis circule dans les ruesdepuis un bon moment.

— Oui, oui, la calomnie se répand commeun incendie.

— La calomnie ? Tu veux m’embobiner,moi aussi ? Je ne prétends pas bénéficier de tesconfidences, si tu ne me les fais pas spontané-ment, et à vrai dire je n’en ai pas besoin, parceque tous ne sont pas aussi secrets que vousl’êtes, toi et Vicente Yáñez… Il n’en manquepas d’autres qui…

— D’autres ? – s’exclama Solís, sursautant.Bah ! il n’y avait avec moi – parce que VicenteYáñez est meilleur soldat que marin – personnequi aurait été capable de situer un port…

— Allons, Juan ! Lorsque l’on navigue delongs jours, des mois entiers, avec la même di-rection plus ou moins et que l’on voit que le so-leil se lève toujours à bâbord et qu’il se couche

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à tribord du navire, le plus ignorant et le plusstupide sait que, après avoir accosté à Españo-la(25), on arrive forcément fort au Sud de laCastille d’Or. En plus d’un an, avec des ventsfavorables, des bateaux à voiles comme tescaravelles et un navigateur aussi expérimentéque Juan Díaz de Solís, on va très loin… peut-être jusqu’au quarantième degré, si le pilotePedro de Ledesma, qui vous accompagnait,n’est pas sot ou ne ment pas sciemment…

— Il prouve que le voyage fut tel que je l’aidit et pas plus ; les preuves consistent en cesindiens que j’ai ramenés, afin que l’on en disele plus grand bien, et en ces échantillons d’orde bas aloi…

— Indiens et or de bas aloi auraient trèsbien pu être pris tout simplement à la Españo-la, lors de l’escale… Et l’on en est resté à endire le plus grand bien…

— N’insiste pas, Paco – s’exclama Solís, enfaisant une moue.

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— Allons, Juan, allons ! Je n’ai pas l’inten-tion de te mettre la pression mais de détermi-ner si je dois aller avec toi ou pas. Ce n’est pasl’envie qui me manque, mais je me refuse caté-goriquement à m’engager à l’aveuglette… J’aiconfiance en toi mais toi tu dois aussi me faireconfiance.

Solís défronça les sourcils et, après s’êtreservi et avoir bu une troisième coupe, qui sem-bla le rendre plus animé et plus communicatif,il se releva soudain, alla retirer de l’armoire enbois taillé une liasse de papiers non rognés gar-nis de grands sceaux en cire et la tendit d’ungeste satisfait à son visiteur :

— Prends, Francisco de Torres, mon frère –dit-il. Lis cette convention et tu en sauras au-tant que moi.

Torres prit le manuscrit et le déchiffra visi-blement avec peine. Ensuite, secouant la têted’un air dubitatif, il grogna :

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— Que peut signifier ceci ? D’après ce queje vois, il s’agit seulement d’une démarcationentre les terres qui reviennent à la Castille etcelles qui échoient à la Couronne du Portugal.Même si c’est important, ce n’est pas ce que jesupposais et espérais…

— Eh bien avec cela, comprends-le bien– s’exclama Solís – nous pouvons aller aussiloin que Vasco de Gama, et même beaucoupplus loin… Mais écoute. Avec ce sauf-conduit…

— Achève !

— Eh bien nous pourrons, si nous en avonsenvie, et sans que personne s’en aperçoive,changer de direction à mi-chemin et naviguer

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en toute liberté vers le Couchant, parexemple… ou vers n’importe quel autre point.

— Veux-tu dire que… ? – murmura Torresen regardant fixement Solís. Et, après un si-lence, il s’exclama : — Allez ! Je commence àcomprendre… Tu as trouvé un passage !

— Peut-être pas mais rien n’empêche quenous puissions en trouver un.

— Tu as au moins récolté des indices.

— Ou je présume qu’il existe, rien de plus.

— Hé ! Tu le sais et tu te tais !

— Je ne peux rien dire de plus par pru-dence… Viens-tu avec moi ?

— Ta réserve ne m’y incite pas… mais jedevine et cela me suffit… Tu ne dois pas parlerainsi à Son Altesse car, autrement, cette entre-prise ne serait plus celle du Roi.

— Bref, viendras-tu, oui ou non ?

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Francisco de Torres médita un instant et,ensuite, se levant de son tabouret, il s’excla-ma :

— Marché conclu !

— Je n’en espérais pas moins de toi et je t’airéservé une surprise. À ma demande, le Roi t’anommé pilote de la flottille, et tu seras secondà bord.

— Second… après les sempiternels officiersroyaux, créatures de la Casa de Contratación.

— Tranquillise-toi… Ce seront des gens pa-cifiques, qui feront tout ce que je déciderai…J’y veillerai et Son Altesse me l’a promis…Grâce à Dieu, ils ne seront pas l’instrumentde ces messieurs de Séville qui me cherchentla petite bête, comme s’ils étaient des agents« grippe-deniers » du Vasconcelos et de donManuel !… Et il se peut même que ces soup-çons ne soient pas fondés…

— Ce serait une noire trahison. Mais, parles temps qui courent, on peut s’attendre à tout

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ou tout craindre de la part de courtisans etd’ambassadeurs…

— Les gens vont où sont leurs intérêts…Mais don Ferdinand n’est ni sourd ni manchot,ni aveugle, ni une girouette. Rien ne luiéchappe, même s’il a perdu un auxiliaire aussiprécieux, décidé et discret que la reine Isa-belle(26).

Il parut perplexe, fronça les sourcils et, à lafin, désignant une lettre qui était restée ouvertesur le buffet, ajouta :

— Avec ce pli, cela fait déjà dix invitationsque m’adresse l’ambassadeur du Portugal pourque j’aille m’entretenir en privé avec lui… Jesais bien ce qu’il a derrière la tête… Il a com-mencé un travail de sape et, voyant qu’il nepeut pas me nuire dans l’esprit du Roi, ilchange à présent son fusil d’épaule… Il va rem-placer les attaques par les tapes amicales etles offres… J’ai déjà reçu, sûrement grâce àson influence, un sauf-conduit que m’a apporté

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mon frère Blas, pour me rendre au Portugal, sije le désire… Il veut m’attirer, me détourner,en me faisant miroiter la perspective de tou-cher tout ce que me doit la Casa da Guiné(27),considérant comme non perçu ce que j’ai récu-péré « manu militari ». Et sans doute Vascon-celos pense-t-il me faire de nouvelles avances,m’offrant un appât tel que je morde à l’hame-çon. Mais, tout doux ! Je connais mes Portu-gais !

— De sorte que tu ne te rendras pas au ren-dez-vous…

— Attends ! Il veut à tout prix m’empêcherd’effectuer le voyage au profit de la Castilleet il me proposera de le faire pour le Portugalmais, bien sûr, il ne parle pas de cela dans seslettres…

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— Il pense donc clairement qu’un autre nepourrait pas faire la même chose que toi, quetu connais… des choses qu’ignorent les autrespilotes… Voilà ce que j’en dis !…

— C’est possible. Ce qui est certain, c’estqu’il insiste sur le fait qu’il doit me commu-niquer quelque chose qui, d’après lui, meconvient vraiment.

— Mais tu n’iras pas…

— Bien sûr que j’irai, que nous irons, Paco,parce que tu m’accompagneras, tu seras de lapartie… Il faut connaître le fond de sa penséeet de celle du roi Manuel, pour leur causer en-suite une vive déception.

— Pourquoi as-tu besoin de ma compa-gnie ? Je ne peux en rien t’être utile.

— Tu te trompes… Tu peux, au moins, luiconfirmer ce que je lui dirai, et ajouter pourta part, d’autres petites choses, comme l’élé-ment du sauf-conduit du Roi du Portugal etcelui du montant que l’on nous doit, à mon

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frère et à moi, à la Casa da Guiné… Et puisquequatre yeux voient plus que seulement deux, tuanalyseras aussi minutieusement, de ton côté,ce que nous dira l’ambassadeur, et tu tenterasde percer ses pensées intimes… Mais il faut,avant tout, que tu te reposes et que tu quittesces vêtements de voyage. As-tu un gîte ?

— J’ai laissé mon cheval avec le reste demes affaires à l’auberge de Paredes.

— Je le supposais mais il vaut mieux queje t’accorde l’hospitalité ici afin de ne pas tropéveiller la curiosité avec tes allées et venues.Rien de plus naturel que de loger chez tonfrère, même à titre précaire.

— Cela me convient.

— Holà, Rodrigo ! – cria Solís. Il ira cher-cher ton cheval et tes bagages pendant que tute reposeras dans la pièce que je t’ai réservée.

Le garçon au visage déplaisant entra, reçutles ordres de don Juan et partit aussitôt pour

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l’auberge de Paredes, qui se trouvait à faibledistance.

— Je vais te guider jusqu’à ta chambre – ditSolís.

— Avant cela… Dans ta dernière lettre, tume demandais de te chercher un homme habileet résolu, ayant une expérience de la mer et ca-pable de diriger des marins.

— Oui. L’as-tu trouvé ?

— Et il est prêt à nous rejoindre.

— Est-ce que je le connais ? Qui est-ce ?

— Un certain Diego García, natif de Mo-guer…

— Il me semble avoir entendu évoquer sonnom.

— C’est un bon navigateur, rustaud, rude,sans beaucoup de manières, mais brave etloyal.

— Énergique ?

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— L’énergie faite homme.

— Puisqu’il est recommandé par toi, il mesemble clair que cela te ferait plaisir de l’avoirà ton service.

— Ce n’est pas peu dire.

— Est-il discret ? Peut-il garder un secret ?

— Une tombe.

— Fais-lui alors savoir que je le nommequartier-maître d’un de mes vaisseaux.

— Tu ne le regretteras pas, ni lui parce qu’ilne peut pas aspirer à davantage : bien que dansla mer il soit un dauphin, il ne sait pas lire etnavigue à l’aveuglette mais toujours avec suc-cès. Il est comme les épagneuls à terre qui, euxnon plus ne savent pas lire, mais qui chassentpar instinct naturel.

— Mettra-t-il longtemps à recevoir tonmessage ? Où est-il ?

— Il se restaure à l’auberge. Je l’ai amenéavec moi, à toutes fins utiles.

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— Eh bien, lorsque Rodrigo reviendra, jelui demanderai d’aller le chercher. À présent,gagne ta chambre qui, aussi modeste soit-elle,est toujours plus confortable qu’un grabat demarin. Dors quelques heures pour être ensuitemon second contre Vasconcelos et don Ma-nuel, si pas dans une passe d’armes, dans unejoute oratoire.

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III

REVIVANT LE PASSÉ

Juan Díaz de Solís regagna la salle et s’assitdans le haut fauteuil en cuir. Il semblait som-noler, fatigué après tant d’animation. En réali-té, il méditait en se remémorant des faits pas-sés et en évoquant des événements futurs,comme dans un songe ou un examen deconscience où serait mêlée la vision de l’ave-nir. Mais il y avait peu d’éléments sentimen-taux dans ses pensées.

Marin rompu aux longues traversées et àd’interminables absences, n’ayant en rien lecœur tendre, le souvenir qui l’occupait le plus

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n’était pas celui de son honnête épouse doñaAna de Torres, ni celui de ses enfants Luisilloet Diego, qui étaient restés avec elle à Lepe.En des temps aussi rudes et âpres, de passionmais pas de douceur, des hommes comme luisavaient aimer à leur façon, d’en haut et deloin, la famille, propriété à peine plus jalou-sement gardée et protégée que les matériaux,tant que l’honneur n’était pas en jeu. Ilsn’étaient habituellement pas l’époux ou le pèremais, plutôt, le maître, le chef. Solís pensait,donc, aux siens, avec la partie subconscientede son esprit, comme on pense à des abstrac-tions qui ne parviennent pas pour le moment àexercer une influence sensible sur la vie maisqui dépendent d’elle et se subordonnent à elle :très différents étaient les personnages et lesfaits qui le préoccupaient dans la trame de sondestin.

Il revivait des événements passés et extra-ordinaires – pouvant presque les toucher dansson imagination, comme personne à part lui ne

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pouvait les voir, débarrassés de leur mystère etde leur côté secret –, passant en revue, à la lu-mière de fugaces évocations tout ce qui étaitarrivé depuis cette année 1492, début de sespassions et de ses malheurs, là-bas au Portu-gal…

Jeune encore, il était pilote du Roi. Il avaitrapidement fait carrière ; il pouvait espérerhonneurs et fortune… Mais la « Casa da Gui-né », au service de laquelle il était, se mit àle négliger, à lui témoigner une certaine mal-veillance que son sang chaud ne pouvait sup-porter sans colère. Ils en arrivèrent à lui de-voir, pour sa solde de pilote, la somme ron-delette de huit cents ducats, équivalant à plusde sept cents mille maravédis(28), et on ne lalui payait pas, malgré ses réclamations insis-tantes et les ordres réitérés de Jean II. Solíscrut que, d’accord avec la Casa da Guiné, leRoi se moquait de lui, ne faisant pas le néces-saire pour que ses ordres fussent suivis d’effetou les désavouant traîtreusement à peine émis.

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En s’en souvenant, Solís en avait le visage quise crispait. Mais lui succédait, immédiatement,un sourire moqueur.

C’est qu’il n’avait pas tardé à trouver unemanière de donner satisfaction à son amour-propre blessé et de sauvegarder ses intérêts.Une indiscrétion « en prenant un verre » lui per-mit d’apprendre que certains corsaires fran-çais, avec qui il avait noué des contacts lorsd’un de ses voyages, préparaient un coup demain productif au détriment de la Casa da Gui-né. Il n’hésita pas à s’y associer, car il croyaitévidemment et indiscutablement juste de récu-pérer son dû, quelle qu’en fût la manière. Uniaux corsaires, il s’embarqua avec eux et, en-semble, ils s’emparèrent en haute mer d’unecaravelle portugaise qui revenait de La Mi-na(29) avec vingt mille doublons d’or(30). Lorsde la répartition du butin, il reçut plus que cequ’on lui devait et il hésita avant d’emporter lesurplus mais il laissa de côté ses scrupules etne se borna pas à « récupérer son dû ». Que ce-

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la compensât les désagréments subis, n’était,tous comptes faits, que légitime !…

Son sourire moqueur s’accentua : les chosesn’en étaient pas restées là mais avaient débou-ché sur une étrange comédie.

Le corsaire improvisé ne retourna évidem-ment pas au Portugal à la suite de son exploit.La Casa da Guiné ne l’aurait pas accueilli àbras ouverts. Il se réfugia en Castille, pour yconsommer sa part de butin, tout en trouvantune nouvelle application à son activité et à sesconnaissances. C’est là qu’il apprit que Jean IIrendait la France entièrement responsable dece que lui et les corsaires avaient fait. À titrede représailles et par mesure de précaution, ilvenait d’ordonner(31) que l’on saisisse deux na-vires français ancrés dans le port de Lisbonne,qu’on les prive de vergues et de gouvernailsafin qu’ils ne tentent pas de fuir, que l’on li-cencie l’équipage en le remplaçant par des ma-rins portugais et que l’on mette en dépôt àla Douane les précieuses marchandises qui se

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trouvaient à bord. Et il menait bien la danse, lePortugais parce qu’il ordonna également, quel’on s’emparât de tous les navires français àcale à Setubal, Algarve, Porto et Aveiro !…Mais cela ne fut pas du tout du goût des mar-chands, armateurs et propriétaires des navires,qui accoururent précipitamment pour seplaindre auprès du Roi de France. Charles VIIIqui, à l’époque, était surtout préoccupé par sesaudacieux projets de guerre et de conquête enItalie ; désireux d’avoir la paix de l’autre côtédes Pyrénées, il trancha dans le vif, faisant res-tituer à Jean II la caravelle prise par ses cor-saires, lui remboursant rubis sur l’ongle l’équi-valent de ce qui avait été dérobé et présentant,par l’intermédiaire de ses ministres, ses plusplates excuses au monarque portugais.Lorsque cela se fit, comme Charles VIII l’or-donnait, Solís dit en riant :

— On m’a payé, oui, mais avec de l’argentfrançais. La dette existe toujours et il se peut,qu’un jour, je me la fasse rembourser !…

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Tout s’arrangea, donc, à la satisfaction desarmateurs et marchands, mais il n’en était pasde même pour le pilote. Jean II était indemnisématériellement mais pas moralement : le ser-viteur, qui s’était moqué de lui, restait impuni,et cela n’était pas tolérable pour le prestige desa couronne… Les Rois Catholiques furent in-formés, en son nom, de l’acte de piraterie com-mis par Solís, afin que, en accord avec les trai-tés, ils concèdent l’extradition du sujet portu-gais « Joao Dias », pilote de la Casa da Guiné.

Ce souvenir divertissait Solís. Son ami lemaire de Lepe lui avait, un jour conseillé dechercher un refuge secret jusqu’à ce que leschoses se tassent, s’il voulait faire de vieux os,ailleurs que dans une prison portugaise. Et il luifit lire confidentiellement, pour sa gouverne,un ordre royal daté du 29 octobre 1495, si-gné dans la ville d’Alfaro, par don Ferdinand etdoña Isabelle, et communiqué à tous les « ma-gistrats, assistants, maires, huissiers et tousautres auxiliaires de justice de n’importe quelle

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ville, villages et lieux de nos royaumes et sei-gneuries », stipulait le document en question.Le navigateur, qui s’empressa de le dérober,connaissait presque par cœur le confus et, enmême temps, savoureux texte de la circulaire,chef-d’œuvre des fonctionnaires del’époque(32) :

« Sachez – disait l’ordre – que le sérénis-sime Roi du Portugal, notre frère, nous fait sa-voir que Juan Diaz, pilote, surnommé Boufféesde Bagasse, natif de son royaume du Portugal,ayant agi de concert avec certains Français,ils ont volé une caravelle du Roi en questionqui venait de La Mina, sur laquelle ils ont dé-robé plus de 20.000 doublons, dont ledit pi-lote a prélevé sa part ; et on a appris qu’il setrouve en nos royaumes, ce qui résulte d’uneenquête que l’on y a menée ; on nous demandede nous conformer aux traités de paix conclusavec le Roi en question, notre frère, que nousle fassions arrêter et le livrions, afin que dansson royaume de Portugal il le fasse passer en

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justice ; et puisque ladite enquête qu’il Nous acommuniquée semble correspondre à la vérité,nous accédons à cette demande et vous adres-sons cette lettre pour cette raison, vous ordon-nant, étant requis par ledit Roi, notre frère, surbase de notre lettre, de vous emparer de lapersonne dudit Juan Diaz, pilote, et de placersous séquestre tous ses biens, meubles et im-meubles, où que vous que le trouviez, et quevous le remettiez et le fassiez livrer avec tousses biens à la personne que ledit Roi, notrefrère, a envoyée pour lui, afin qu’elle puissel’emmener et le conduire au royaume du Por-tugal et que, là-bas, on le traduise en justice :à cette fin, nous vous donnons le pouvoir d’ac-complir l’objet de notre lettre avec ses inci-dences et dépendances, urgences, annexes etconnexes… »

Le Roi du Portugal, qui, en effet, avait faitvérifier par des agents secrets le lieu de ré-sidence de Solís, s’empressa d’envoyer quel-qu’un pour le capturer avec l’aide de la justice

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espagnole. Grand était le danger mais l’épée,suspendue, ne s’abattit pas sur la tête du pilote.Il n’avait pas même besoin de la mise en gardede son ami le maire. Quoique justiciers, lesRois Catholiques – et tout particulièrementdoña Isabelle, qui fut pour son Royaume, ence qui concerne le gouvernement et l’admi-nistration, ce qu’une incomparable maîtressede maison est pour sa famille – étaient tropbien informés pour ne pas le tirer d’embarrasen prévision de futurs services – sachant ceque chacun des vassaux et habitants de leurRoyaume valait, parce que – comme le ditGalíndez de Carvajal(33) – « (…) afin d’agir enconnaissance de cause lors des élections, ilsavaient un livre, où étaient renseignés leshommes les plus habiles et ayant le plus demérites pour les charges à pourvoir (…) ».

Non seulement, ils n’attisèrent pas le zèledes magistrats et consorts afin que fût exécutéleur royal ordre mais ils admirent même sansdifficulté comme bien fondé le plaidoyer que

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Solís leur fit parvenir depuis sa cachette. Afinde ne pas tomber aux mains de Jean II, peut-être au péril de sa vie, le navigateur se pré-valait de sa nationalité espagnole : ses parentsétaient originaires de Santa María de Solís, oùles Solís possédaient une « noble demeure, an-cienne et patrimoniale, depuis l’époque du RoiDon Pelayo », ce dont pourrait attester, si né-cessaire, García Dei, maître d’armes de LeursAltesses. Ils avaient émigré au Portugal, aprèsla naissance à Lebrija(34) de Juan Díaz, vassalnaturel des Rois Catholiques et ne relevant, entant que tel, que de leur juridiction et de leurjustice…

Le Portugais avait obtenu satisfaction, aumoins sur la forme ; les Rois et leur justiceétaient indifférents à un procès qui ne concer-nait pas les intérêts du Royaume, Juan Díaz deSolís pouvait être un serviteur de la Couronnetrès utile… Tout conseillait d’enterrer cette af-faire et le seul obstacle disparut de lui-même :Jean II décéda en octobre de cette année 1495.

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Mais les Rois Catholiques ne jugèrent pasopportun de se servir immédiatement de Solís,même s’ils connaissaient ses grands mérites.La série de malheurs du navigateur n’était pasterminée. À Jean II venait de succéder sur letrône du Portugal Manuel Ier, désirant vive-ment surpasser en éclat et en gloire celui queses contemporains avaient surnommé le« Prince Parfait ». Il caressait surtout l’idéed’étendre ses domaines, d’abriter à l’ombre dela croix – sous le sceptre portugais, bien sûr –de nouvelles et vastes terres encore sauvagesou inconnues et, à cette fin, essayait-il d’attirerà son service tous les hommes de valeur et desavoir, pilotes experts ou guerriers héroïques,qui fussent capables de sillonner des mers etdéfier des dangers, poursuivant, en rudeconcurrence avec la Castille, la série glorieusedes découvertes qui avaient tant fait la renom-mée de son prédécesseur. Parmi eux, il fixa lesyeux avec une préférence visible sur celui que,depuis sa fuite, on avait commencé à appelerJuan Díaz de Solís, et il lui fit offrir, outre une

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amnistie pour le passé, la charge de pilote de laflotte portugaise, avec des gages tentateurs. Lenavigateur, qui n’avait pas l’embarras du choix,accepta, repassant au Portugal.

Ces souvenirs, plus fugaces, traversaientcomme des éclairs la mémoire de Solís. Mais,en arrivant à ce stade, son sourire, sa sérénitédisparurent brusquement. Son visage exprimade la douleur et de la colère…

Peu après être entré au service de ManuelIer, il tomba amoureux d’une damoiselle deLisbonne, aussi coquette que belle, et ils netardèrent pas à se marier. Cet épisode de sa viefut court et dramatique… Quelques mois aprèsses noces, le marin recevait l’ordre d’embar-quer comme pilote sur la caravelle « Cisne »qui, avec quatre autres vaisseaux commandéspar le Duc Alfonso de Albuquerque comme ca-pitaine général, faisaient partie de l’escadre del’amiral Tristan da Cunha. La grande figured’Albuquerque était la seule lueur dans les té-nèbres de ce souvenir. Il lui semblait encore le

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voir avec sa majestueuse stature, sa barbe à laMoïse, ses yeux de feu, son beau profil marqué,son front large et haut, des traits révélateurs desa valeur, de sa loyauté, des nombreuses ver-tus que le firent appeler « Le Grand ». Il l’avaitreçu avec une sévère bienveillance, lorsqu’ilétait allé occuper son poste, lui faisant l’hon-neur de le connaître à fond et lui témoignant laplus grande confiance en son habileté, commeon se disait alors. Il lui communiqua la date àlaquelle ils lèveraient l’ancre du mouillage deBelem, près de Lisbonne, et il lui donna la per-mission de se retirer… Ce fut la première et ladernière fois qu’il vit le Duc.

La petite escadre d’Albuquerque, ancré surle Tage, ne suivit pas la flotte de Tristan daCunha qui mit les voiles à la date indiquée. Onattendit, deux longs jours durant, le pilote dela « Cisne ». Au troisième jour, on leva l’ancresans lui. Le bruit était parvenu aux oreillesde l’équipage des caravelles, à celle du Ducmême, que, fou de jalousie, estimant néces-

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saire de laver son honneur, Solís, à juste titreou pas, avait poignardé à mort son épouse et,ensuite, était allé se réfugier en Castille, aban-donnant tout… Était-ce vrai ? Ce devait l’êtresi un regard égaré et un front renfrogné etsombre reflètent le drame de l’amour, de la fo-lie et de la mort…

Le navigateur disparut mais, deux ans plustard, en 1508(35), messieurs les officiels de laCasa de Contratación de Séville recevaientavec un relatif déplaisir une ordonnance signéepar Don Ferdinand – la Reine Isabelle n’existaitplus – et légalisée par Lope Conchillos, leur fai-sant savoir : « mon plaisir et ma volonté sontde prendre et recevoir Juan Díaz de Solíscomme notre pilote », à raison de quarantemille maravédis annuels tant qu’il sera à terre,quarante-huit mille lorsqu’il naviguera, et deuxcahíces de blé(36) par an, pour l’approvisionne-ment de sa maisonnée.

Don Ferdinand avait émis cette ordonnancele 22 mars(37) afin de signer le lendemain un

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contrat convenu déjà avec Solís et VicenteYáñez, pour un important voyage de décou-verte aux Indes Occidentales. Les deux marinsétaient obligés de partir de Cadix sur deux ca-ravelles et de naviguer vers le Couchant « sansdébarquer sur une île ou terre ferme, selonla démarcation, appartenant au Roi du Por-tugal », gendre pour la deuxième fois du RoiCatholique(38). On sait que les souverains desdeux royaumes avaient accepté la décision duPape Alexandre VI, qui donnait à l’Espagnetout ce qu’elle pourrait conquérir à l’Ouest etau Portugal tout ce qu’il pourrait conquérir àl’Est d’une ligne imaginaire « de démarcation »qui, passant par l’île de Fer, dans les Canaries,et par les deux pôles, divisait en deux le globeterrestre ; on sait que, un peu plus tard la lignefut éloignée de trente degrés à l’Ouest de lamême île – ce qui ne mit pas fin, loin de là,aux litiges entre les deux couronnes : la cé-lèbre ligne, donc, passait alors, avec cette mo-dification, à quelque trois cents vingt lieues àl’Ouest de la dernière île du Cap Vert, se pro-

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longeant jusqu’aux pôles. Et c’était celle-là queJuan Díaz de Solís et Vicente Yáñez Pinzóndevaient respecter. Leurs caravelles navigue-raient sans s’arrêter dans des ports déjà connusplus que le temps nécessaire pour se ravitailleren vivres et en eau potable, jusqu’au momentoù ils trouveraient le passage qui, selon Solís,permettrait d’arriver par l’Occident aux Mo-luques et à la région des épices, sans devoirdoubler le Cap de Bonne-Espérance.

Le Portugal n’avait apporté à Solís que desdéceptions ayant tourné en tragédie. Dans sonfor intérieur, malgré sa clairvoyance, le marinrendait, avec une profonde rancœur, respon-sables de son malheur, non seulement le Roidu Portugal et ses ministres, mais jusqu’aupays lui-même. Il haïssait le Portugal tout en-tier, voulait se venger de lui et, au profit del’Espagne, le priver de tout ce qu’il aurait pului apporter, résolu aussi à lui prendre tout cequ’il pourrait. L’homme, éternel enfant, mauditla terre qui ne lui a pas souri.

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IV

JUSQU’AU BOUT DU RÊVE

Les caravelles ne partirent pas de Cadix,comme le stipulait le contrat(39), mais deSanlúcar de Barrameda, le 29 juin 1508. Celuiqui les commandait était Solís, seul chef surmer, comme Vicente Yáñez (Pinzón) devaitl’être sur terre, en tant que capitaine du Roi.

Dans son involontaire méditation, le marinse souvenait de nombreux événements decette expédition, fort importants, de ceux quel’on n’avait assurément pas tenus pour no-toires. Le peuple n’en avait jamais su plus quece que lui et Yáñez Pinzón avaient bien voulu

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en raconter, même s’il subodorait un mystère.À ce qu’ils disaient tous deux, ils avaient fran-chi sans incident les Canaries, gagné ensuitela Española(40) et, parcourant de l’Est au Cou-chant la côte méridionale de Cuba, avaienttouché à d’autres terres à l’Ouest de l’île puis,changeant de cap, étaient arrivés à las Bocasdel Dragón et au golfe de Paria(41).

Ils ajoutaient que, après un séjour assezprolongé dans ces parages, ils avaient suivila côte vers le Levant, apercevant des terresdépeuplées et parsemées de lagunes, jusqu’àparvenir, au septième degré de latitude, à unpromontoire, à partir duquel ils traversèrent ànouveau l’Atlmoantique en direction de l’Es-pagne, où ils revenaient un an et quatre moisaprès leur départ, le 27 octobre 1509. Ilsavaient tenté de ramener avec eux quelquesindiens, pour en faire des interprètes, mais ilsavaient dû les laisser à la Española ; ils rappor-taient en revanche plusieurs échantillons de« bas » or et des « figures » ou des cartes des

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seules mers que, selon eux, ils avaient sillon-nées et des seules côtes qu’ils avaient longées.

Solís souriait à nouveau en s’en souvenantmême si, alors, éclata un autre conflit : la lutteque, durant de très longs mois, les officiersroyaux – et, tout particulièrement, don PedroIsásaga – soutinrent contre lui, mécontents etmalveillants depuis que le Roi l’avait nommépilote, et irrités par la faveur croissante dont ilbénéficiait sous leurs yeux. Ces « messieurs deSéville », comme il avait l’habitude de les ap-peler, mis sur leur garde par l’attitude du co-mendador mayor de la Española(42), ayant rete-nu les indiens interprètes, et ayant des doutesquant à l’exactitude du journal de navigationde Solís, entamèrent une instruction, firent ar-rêter le pilote et, hâtivement et secrètement,firent part au Roi de leurs soupçons. La Course trouvait, à l’époque, à Madrid, où don Fer-dinand reçut les plis confidentiels de ses offi-ciers. Et, à ce stade-ci, il se produisit quelquechose d’aussi inattendu que de significatif :

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sans perdre un instant, Son Altesse ordonnaque prisonnier et instruction fussent transférésà Madrid, parce que c’était sa volonté de s’oc-cuper personnellement de l’affaire, en excluantla Casa de Contratación de Séville. Cela réjouitautant Solís que cela déplut aux officiers. Ilétait certain que le Roi n’allait pas lui reprocherson mystérieux échec sur la mer du Sud, car ils’agissait bien de cela ; Vicente Yáñez, qui n’enétait pas responsable, n’avait pas été inquiété,ou si peu, et il jouissait de sa liberté.

Intéressés par ces faits et leur cherchantune explication, les gens en conclurent que leprocès était né d’un désaccord entre les chefsde l’expédition, mésentente arrivée auxoreilles supérieures et provoquée par Solís, vi-siblement sanctionné. D’aucuns, toutefois, ré-fléchirent au fait que l’équipage des navires, li-cencié dès qu’il avait touché terre, avait dispa-ru, comme escamoté par un jongleur ; on l’ex-pliqua en disant que, convoqué pour faire unedéclaration, il était en route pour Madrid ; tou-

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jours est-il qu’aucun des marins ne fut jamaisvu à la Cour…

Pas davantage que Solís. Personne ne sutplus rien de lui avant une ordonnance royaledu 14 février 1510 : « Il est prisonnier dans unegeôle de la Cour et on doit déterminer quellejustice doit lui être appliquée(43)… » Personnenon plus ne sut ce qu’il advint de l’instructionsi jalousement entamée par les messieurs deSéville.

Solís s’agita dans son fauteuil et sa bouchese contracta dans un éclat de rire silencieux.Il riait sous cape d’Isásaga et des autres. Maisla sérénité revint sur son visage en se rappe-lant, avec nostalgie, les agréables lectures decette époque de repos forcé, jusqu’à ce qu’ilsourît à nouveau en revivant le dénouementinattendu de la comédie, les soixante-six millecent quatre-vingt-deux maravédis(44) – ni plus nimoins – que Son Altesse ordonna à cette mêmeCasa de Contratación de lui payer « à titre d’in-demnités et pour le préjudice subi durant les

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vérifications concernant son voyage en com-pagnie de Vicente Yáñez Pinzón(45) ».

À partir de ce moment-là, tout lui sourit.Même la lutte ne lui faisait pas peur pour don-ner à sa vie de l’intérêt. Ce fut à cette époque,dans la pittoresque et paisible ville de Lepe,qu’il fit la connaissance et aima doña Ana deTorres, sœur de son ami Francisco de Torres,pilote comme lui. Damoiselle craintive et d’unphysique agréable, elle séduisit Juan qui viten elle la femme digne d’être sa compagne.Doña Ana ne resta pas longtemps sourde à sesavances, bien qu’elle sût – car on dirait quemême le vent véhicule de telles nouvelles –tout ce que l’on disait concernant la mort de lapremière épouse de Solís. Et il est fort possibleque – comme dans nombre de cas analoguesde ces temps de violence – la vengeance ou lechâtiment dont la main de l’époux s’était faitel’exécutrice, ait dans son esprit et son cœurdavantage embelli la personne que les compé-tences du marin. Que pouvait-elle craindre de

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lui, elle qui était l’honnêteté personnifiée ?…La réputation d’adepte de Bacchus, exagérée,de Solís ne l’arrêta pas davantage : en en par-lant, Francisco lui avait certifié qu’une telle in-clination, fort répandue parmi les hommes demer et de guerre, ne dépassait jamais chez luiune mesure discrète.

Doña Ana de Torres et Juan Díaz de Solísne tardèrent donc pas à célébrer leurs noces, àla grande satisfaction du frère et ami. La lunede miel fut plus placide qu’agitée, en raison ducaractère de l’épouse et de l’âge et de l’amèreexpérience de l’époux. Ils s’installèrent à Lepe,où ils menaient une vie retirée, jouissant desa position flatteuse, toujours ensemble, tantque les obligations maritimes ne réclamaientpas le pilote. Doña Ana, comme la majoritédes femmes de l’époque, était ignorante mais,en revanche, elle était dotée d’une intelligenceclaire, sagace, et de capacité réflexive, qui, endiverses occasions, avaient fait d’elle laconseillère de son frère, comme elle le fut en-

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suite de Solís, l’apaisant, car il était toujoursexubérant, fougueux et passionné pour tout cequi concernait ses ambitions. Doña Ana n’es-sayait pas d’accroître son influence mais del’utiliser avec mesure : elle était plutôt la maî-tresse de maison, taciturne et modeste, sou-mise à son mari, se préoccupant uniquementdes besoins du ménage, ne sortant que pour serendre à l’église, pratiquant ce que l’on consi-dérait à l’époque comme étant toutes leshautes vertus féminines. De cette paisibleunion naquirent deux beaux et forts garçons :Luisillo, en 1510, et Diego, qui n’avait quequelque mois lorsque, rappelé par Son Altesse,Solís dut accourir à Logroño.

Et le marin revécut en une seconde l’annéequ’il considérait comme décisive pour sa vie,1512 où, en février, le 22, décédait le célèbreVespucci – Amerigo Vespucci – laissant va-cante la charge de pilote principal du Roi, queles messieurs de Séville convoitaient pourleurs parents ou leurs protégés. Mais don Fer-

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dinand avait déjà fait son choix et, faisant lasourde oreille aux insinuations et suppliquesde quelques-uns de ses officiers, le 25 mars,il nomma Juan Díaz de Solís, avec la soldeannuelle de cinquante mille maravédis nomi-naux, car il allait devoir en verser un cin-quième, à titre de pension alimentaire, à laveuve d’Amerigo(46). Cette nomination, qui enmécontenta beaucoup à la Casa de Contrata-ción, ruinant leurs espoirs, n’était pas une fa-veur gracieuse mais bien une mission de tra-vail et un sacrifice : le jour-même où il l’accor-da à Solís, Son Altesse concluait avec lui uncontrat par lequel le marin s’engageait à navi-guer vers l’Orient, en tant que capitaine du Roi,avec deux vaisseaux, afin d’établir la ligne dedémarcation entre les terres, récemment dé-couvertes, revenant respectivement aux cou-ronnes de Castille et du Portugal(47). Commeon en avait pris l’habitude dans ces cas-là etcomme l’auraient exigé les officiers royaux,Solís serait accompagné d’un contrôleur, inter-venant dans les achats et rachats, et d’un gref-

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fier, chargé d’informer directement le Roi desdétails du voyage et de la façon dont s’établis-sait la ligne de démarcation.

Don Ferdinand avait conversé longuementavec le marin, lui demandant des avis et luidonnant des instructions extrêmement confi-dentielles, qui n’ont jamais transpiré dans lesdocuments publics. D’après ces derniers, Solísdevait lever l’ancre précisément un an plustard, se diriger vers la Gomera(48), le Cap deBonne Espérance et l’île de Ceylan, afin de vé-rifier si celle-ci se trouvait dans la partie reve-nant à la Castille et, si c’était le cas, en prendresolennellement possession, y assurant sa do-mination. Il devait ensuite se rendre « aux Mo-luques, qui se trouvent dans la zone de dé-marcation de la Castille », et à « Sumatra, Pé-gou(49), terre des Chinois et terre desjonques(50) », prenant possession de tout cequi se trouverait en deçà de la démarcation es-pagnole.

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Mais, pendant que les messieurs de Sévilleruminaient leur colère, l’ambassadeur de donManuel, toujours aux aguets, en profitait pourvérifier, ne fût-ce qu’en partie, ce qui se faisait,par l’intermédiaire de ses agents. Il ne tardapas à comprendre que c’était grave pour lesintérêts de son souverain et décida de com-pliquer, autant que possible, la tâche de Solís,croyant disposer d’une arme suffisante en rap-pelant ses écarts de conduite au Portugal, ap-partenant au passé mais pas amnistiés… Il fal-lait éviter que, se servant d’un pilote aussi ex-périmenté, le roi de Castille prenne de l’avancedans la conquête de ce que le Portugal ambi-tionnait, et don Juan Mendes de Vasconcelosn’hésita pas à se présenter devant don Ferdi-

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nand, pour se plaindre et protester contre l’ex-pédition projetée.

Monsieur l’ambassadeur était astucieux ethabile mais il allait affronter un adversaire depremière force. Aux dons caractéristiquementdiplomatiques de l’astuce et de l’habileté, leroi Ferdinand le catholique alliait une facultéde dissimulation frisant souvent la perfidie. Ilécouta l’ambassadeur avec une déférence ami-cale, se dit surpris en entendant qu’il accusaitSolís d’être un criminel et un ennemi des Por-tugais, lui promit de préserver les droits etmême les intérêts de son « bien-aimé » fils Ma-nuel(51) ; quant à l’expédition projetée, il en-dormit sans difficulté sa méfiance en promet-tant de donner aux officiers de la Casa deContratación les ordres les plus sévères afinque Solís se conforme strictement à ses ins-tructions. Il acheva de le tranquilliser,quelques jours plus tard, en lui laissant voir enpartie une ordonnance, qu’il envoyait aux offi-ciers et dans laquelle il disait : « Nous étions et

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sommes d’accord d’envoyer, avec notre piloteprincipal Juan Díaz de Solís, une personne deconfiance et extrêmement prudente, qui doitêtre secrètement nantie de pouvoirs excédantceux dont ledit Juan Díaz de Solís est inves-ti(52)… »

Cette sorte d’espionnage et d’occulte subor-dination, à laquelle allait être soumis le pilote,présenta le double avantage de satisfaire d’uncôté Vasconcelos et, de l’autre, les officiers deSéville. Mais ces derniers ne furent pas aus-si contents des autres points que l’ordonnancecontenait.

Elle commençait par faire allusion aux ac-cusations et aux soupçons de l’ambassadeurdu Portugal, se référant à « certains obstaclesque pourrait rencontrer ledit Juan de Solís encours de route », et leur recommandait instam-ment d’en parler avec le pilote « afin qu’il vousdonne son avis les concernant tous – les obs-tacles – et quelle solution il y apportera ou quelcrédit il y accorde comme empêchements ». Il

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se montrait ensuite désireux que l’expéditioneût lieu mais aussitôt disposé, également, à lasuspendre en cas de force majeure car, tandisqu’il ordonnait de donner à Solís les moyens fi-nanciers nécessaires, il recommandait que toutce que l’on achèterait fût « d’une qualité telleque, si on était amené à ne pas faire ce voyage,on pût le restituer ou le vendre sans y perdrebeaucoup ». Mais ce qui irrita le plus les of-ficiers ce fut la fin de l’ordonnance, où donFerdinand leur ordonnait d’œuvrer « avec lemoins de bruit et d’altercations possibles », in-sistant, de toute son autorité sur le fait que« il convient que vous dialoguiez et aidiez JuanDíaz de Solís à mener sa mission à bien(53)… »

Le navigateur apprit tout cela, en partie dela bouche du souverain lui-même, en partie pardéductions ou en le devinant. Il s’était réjouien imaginant la tête des messieurs de Séville,et du mauvais tour dont allait être victime l’ar-rogant Vasconcelos, mais il ne manqua de semettre en colère lorsqu’il apprit que – faisant,

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consciemment ou non le jeu du Portugais – lesofficiers soulevaient de nouvelles difficultés àla réalisation du voyage dans une lettre adres-sée à Son Altesse le 12 mai. L’une de ces dif-ficultés, et pas la moindre, était la personne-même de Juan Díaz de Solís, mal vu au Portu-gal, où il était condamné à mort « pour pirate-rie et homicide », et une autre de taille, à la-quelle ils croyaient : la faiblesse de la flottilleavec laquelle on se proposait de partir, trop pe-tite pour une telle entreprise.

— Imbéciles ! – pensait Solís, mi-irrité, mimoqueur – Ni Son Altesse ni moi ne pouvonsleur dire que deux caravelles suffisent ample-ment pour l’objectif qu’Elle et moi voulons at-teindre !

Mais une autre idée le turlupinait :

— Vasconcelos s’efforce à me neutraliser ouà m’attirer à nouveau au service du Portugal…Alors que, d’une part, il me démolit aux yeuxdu Roi, de l’autre, il me convie pour me dé-

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baucher avec des promesses, des présents etdes honneurs… C’est évident. Mais use-t-il desmêmes ressorts pour manipuler ceux de la Ca-sa de Contratación ? Ce serait bien de le sa-voir… Ces messieurs iraient-ils jusqu’à s’acca-parer et usurper des droits d’autrui, voire àprovoquer des conflits avec un autre pays plusfaible ? Allons ! Il doit y avoir anguille sousroche !…

Une telle délicatesse n’était pas dans lamentalité de l’époque, ni dans celle du souve-rain lui-même. Mais le fait est que les officiersne voyaient pas d’un bon œil son influencecroissante, ne favorisaient pas ses projets etne rataient pas une occasion de lui tendre despièges pour le paralyser. Ce groupe d’hommesde robe et de gentilhommes – ayant l’habitudede favoriser leurs proches, de manipuler à leuravantage les grandes ou les petites affaires desIndes, à exercer une sorte de droit de regardmême sur la correspondance qui allait et ve-nait entre l’Amérique et l’Espagne, à invalider

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de leur propre autorité les dispositions du Gou-vernement qu’ils considéraient dangereuses ouinadéquates – ce groupe presque omnipotentne pouvait pas permettre ni tolérer sanscontrariété et sans lutte qu’un Juan Díaz deSolís marche sur ses plates-bandes, faisant fide la Casa de Contratación. Mais, cette fois, lemonarque n’était pas de leur côté…

Le navigateur finit par s’endormir sur cespensées et ces souvenirs, qui lui avaient briè-vement traversé la tête, comme un tourbillon.Enfoncé dans son fauteuil de cuir, il dormaitet rêvait… Il progressait, toutes voiles dehors,sur une mer inconnue, qui n’était peut-être pasune mer, sur une mer nouvelle parmi lesmers…

Le jeune homme au visage ingrat, qui avaitaccueilli Francisco de Torres apparut à la porteet s’approcha sur la pointe des pieds. Sonénorme bouche esquissa ce qui voulait être unsourire mais qui ne dépassa pas le stade de lagrimace, parce que le malheureux, non seule-

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ment bigleux, était si marqué par la petite vé-role, lippu et pourvu d’un nez si long, qu’ilsemblait porter un masque vivant. Celacontrastait, au demeurant, avec son corps visi-blement robuste, au point que la délicatesse deses mouvements pour approcher Solís, se révé-lait comique.

— Monsieur, monsieur – répéta-t-il à plu-sieurs reprises, en élevant progressivement lavoix afin de ne pas l’éveiller en sursaut.

— Que se passe-t-il, Rodrigo ? – demandale pilote, s’arrachant à ses mers fantastiques. –As-tu ramené le cheval ?

— Il est dans l’écurie.

— Qu’on le soigne bien.

— L’homme, que je suis allé chercher surordre de don Francisco et qui dit s’appeler Die-go García, m’a accompagné…

— Fais-le entrer.

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V

L’AMBASSADEUR DE MANUEL Ier

Le domestique réapparut au bout d’un ins-tant, amenant un homme dont l’aspect n’étaiten rien commun. Petit de stature et auxépaules robustes, il avait un torse athlétique,d’énormes pieds chaussés de cuir grossier, degrosses mains courtes et calleuses, dont l’arti-culation des doigts se mouvait avec une gau-cherie plus apparente que réelle. Il portait unemoustache fournie à l’espagnole, d’un noir-roux, comme roussie par le soleil, et une barbede soldat, qui accentuaient le hâle de son vi-sage de bronze brun ; cela, complété par l’éclat

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de ses petits yeux de jais, postés derrière detrès épais sourcils, lui conférait une expressionplus que martiale : menaçante. Arrivé en trans-pirant, les cheveux ébouriffés et le nez camus,on aurait dit un lion de mer qui venait de sortirde l’eau.

— Êtes-vous Diego García ? – demandaSolís en se levant à peine pour le recevoir.

— De Moguer, votre seigneurie – réponditl’homme avec un accent andalou très pronon-cé, pendant qu’il avançait en saluant et en sebalançant comme s’il avait été à bord d’un na-vire.

— Francisco de Torres, mon beau-frère, ditque vous êtes un bon marin…

Diego García plissa son front entre sessourcils et, agitant le béret qu’il tenait à lamain, aboya plus qu’il ne dit, en zézayant :

— Votre beau-frère me connaît bien ! Jesais tout ce que dans la pratique, peut savoirun navigateur et, en pleine mer de même

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qu’entre entre des caps, je défie les plus pé-dants qui attendent tout des étoiles et qui, dèsque le ciel se couvre, sont perdus ; ils n’aurontpas mon expérience pour faire franchir à unnavire le chas d’une aiguille, comme je l’ai faitplus d’une fois… J’ai fait mes preuves et n’endis pas plus, car ce n’est pas bien de se van-ter…

— Avez-vous déjà exercé un commande-ment ?

Un énorme sourire tordit le visage du ma-rin.

— Plus d’un mousse a dit que suis fait pourêtre capitaine – dit-il avec ironie – mais j’aicommandé de grandes embarcations et qui nese balançaient pas sur de l’eau douce, Dieum’en soit témoin !

Solís, qui l’avait observé avec une grandecuriosité, ajouta – cela se voulait plus une affir-mation qu’une question :

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— Convainquez-moi que vous êtes un ser-viteur loyal et un ami sûr.

— Je mets un point d’honneur à être loyalet quant à l’autre point… Il vaut mieux m’avoircomme ami que comme ennemi.

— Vous y entendez-vous bien à la ma-nœuvre ? – insista Solís pour le faire parler,amusé par sa façon âpre de s’exprimer.

— Que Saint-Diego, mon patron, m’en soittémoin ! Je vous l’ai déjà dit : j’ai plongé dansla mare tout jeune et, grâce à Dieu et à mespoings, j’ai été matelot, gabier, patron, secondmaître d’artillerie, contremaître, maître d’équi-page et beaucoup plus, même sans titre, carpour moi les titres cela ne me paie pas s’ilsne sont pas bien mérités, comme les vôtres…Donc, votre seigneurie, la manœuvre et moiformons un tout !…

— Comme une seule personne !… Mais, ve-nons-en au fait. Cela vous plairait-il de navi-

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guer sous mes ordres dans une certaine expé-dition qui peut être longue et difficile ?

— Peu m’importe qu’elle soit longue et dif-ficile… Tout dépend de ce que cela me rappor-tera…

— Ce n’est pas non plus de tout repos…Vous gagneriez comme maître d’équipage…

— Sur un navire de votre seigneurie ?… Ce-la me plaît ! N’en dites pas plus…

— … mille cinq cents maravedis par mois.

— Cela me convient aussi.

Et, après une très courte pause, il demandatrès tranquillement :

— Quand lève-t-on l’ancre ?

— Ne voulez-vous pas savoir dans quellesconditions et pour quelle destination ?

— Savoir que votre seigneurie commandeme suffit. Je ne suis pas très curieux ; plus loinon ira, mieux ce sera et plus cela rapportera. Et

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puis… on murmure que vous songeriez à pro-gresser très loin vers le Sud…

— Il ne faut pas se fier aux racontars.

— Veuille Saint-Diego que ce soit la vérité !

— Pouvez-vous enrôler des gens valables,quelque dix hommes éprouvés ? – l’interrompitSolís, changeant de sujet. Je dispose déjà dequelques vieux marins, des gens que je connaiset sur qui je peux compter mais il m’en fautplus… soixante en tout.

— Vous les aurez, votre seigneurie. Il n’y apas, dans tous les ports espagnols de la Mé-diterranée et de l’Océan, un seul homme – àmoins qu’il ne soit novice – capable de prendreun ris, que Diego García de Moguer neconnaisse pas.

— Parfait ! Francisco de Torres vous don-nera de l’argent pour les arrhes. Allez à Sévilleet négociez avec les vaillants que vous ren-contrerez, tant là qu’à Palos et ailleurs, maisne parlez ni de destination ni de date pour

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l’embarquement… Torres vous donnera égale-ment des lettres afin que mes armateurs vouscomptent, dès aujourd’hui, le salaire de maîtred’équipage ; quant aux autres conditions, ras-surez-vous : elles seront à votre convenance…Mais, chut ! Ne vous laissez pas mener en ba-teau et renforcez la ralingue !

— Ne vous inquiétez pas, votre seigneurie,Saint-Diego m’en soit témoin ! Tel maître, telvalet !

— Eh bien, au revoir, Diego García…

— De Moguer… Que Dieu préserve votreseigneurie.

— Pourquoi répétez-vous toujours de Mo-guer ? – demanda par curiosité Solís, en l’arrê-tant.

— Eh bien… parce que je suis né à Mogueret que, malgré cela, de mauvaises languesveulent absolument faire de moi un Portugaispour me brouiller avec les seigneurs d’ici ; afind’améliorer mon pain quotidien, je me suis ef-

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forcé de bien mettre les choses au point… Parailleurs, il existe autant de Diego García que decigales dans un verger.

— As-tu, par hasard, servi de l’autre côté ?

— Hé ! Suffisamment pour connaître de vueet de réputation un certain navigateur espa-gnol surnommé là-bas, par malveillance, Bouf-fées de bagasse…

— Je vois, je vois, Diego García.

— … De Moguer !

Solís sourit légèrement mais n’ajouta pas unmot, se bornant à répondre d’une inclinaisonde tête à la révérence maladroite par laquelle,déjà sur le seuil de porte, prit congé l’hirsuteDiego García de Moguer(54).

Le soleil commençait à décliner et on en-tendait, parvenant de la rue, la rumeur de voixet de pas. Juan de Solís ceignit son épée, pritson chapeau à plumes et, se caressant la barbed’un geste mi-préoccupé mi-ironique – qui cor-

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respondait à sa pensée profonde –, il alla frap-per à la porte de la chambre de son beau-frère.Ce dernier, déjà debout et ayant revêtu des ha-bits de couleur, s’empressa d’en gagner la sor-tie.

— Me voici, prêt à entrer en lice – déclaraTorres.

— Allons-y donc, mon frère, puisque le mo-ment est venu – répondit Solís.

Il se rendait, enfin, au rendez-vous fixé àplusieurs reprises par l’ambassadeur Vascon-celos, avec l’intention secrète de donner unepetite leçon aussi inattendue que savoureuseau maître ès diplomaties. Il avait l’esprit revan-chard.

Vasconcelos ne séjournait pas dans l’au-berge de Paredes, la seule acceptable à Lo-groño, remplie à l’époque d’une nuée de cour-tisans qui suivaient avec acharnement le Roidans ses continuels déplacements, courtisansqui n’avaient pas trouvé à se loger sur son lieu

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de séjour champêtre de Mansilla. Vasconcelosavait investi ses reales dans une demeure pa-trimoniale que ses propriétaires, absents, luiavaient cédée ; et si son aménagement n’étaitpas luxueux, elle lui offrait toutes les commo-dités que l’on pouvait désirer dans une vieilledemeure d’une ville de province, sans que fîtdéfaut l’indispensable de la vie quotidienne : niles domestiques prévenants, outre les siens, niles montures et attelages, même si, ayant l’ha-bitude de se rendre à la Cour, il avait amenéson carrosse.

Dès qu’on lui eut annoncé sa visite, il reçutSolís et son beau-frère dans la salle qui luiservait de bureau, dont les meubles, prenantpresque tous appui contre les murs, étaient ali-gnés dans une formation correcte. La grandetable en chêne près du pan de mur avec sanappe verte, sa lampe en cuivre, son écritoireet son sablier en étain, garnie de quelques groslivres et de liasses de papiers, ainsi que la nattede joncs qui couvrait en partie le pavement ru-

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gueux et inégal, ne parvenaient pas à atténuerla sensation de vide, de sévérité, de tristesse etde vétusté de la vaste pièce.

Don Juan Méndez de Vasconcelos était unquinquagénaire de haute taille, mince, deconstitution forte et sèche comme un hommedestiné à connaître la longévité, au visagemaigre et olivâtre, aux grandes moustachesdites alors « en garde de poignard », à la barbenoire et bouclée avec l’une ou l’autre touffede poils chenus, aux mains longues, ligneusescomme du bois, et aux petits yeux gris bruns,inquiets et inquisiteurs. Il était vêtu de noir, ar-borait, croisée sur sa poitrine la bande rougede la grande croix de l’ordre militaire portugaisdu Christ, et, brodée en relief du côté gauchedu pourpoint, la croix rouge fleur-de-lysée del’ordre espagnol de Calatrava, que don Ferdi-nand et doña Isabelle lui avaient décerné pouravoir négocié le mariage de l’infante doña Isa-belle d’abord avec le prince don Alfonso dePortugal – dont elle se retrouva veuve – et,

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plus tard, avec le roi Manuel, dont le fils(55),s’il avait vécu, aurait régné sur toute la pénin-sule ibérique… À la Cour, par moquerie, on di-sait que le hautain Vasconcelos ne quittait passes distinctions même pour dormir.

— Bienvenue – dit l’ambassadeur, en portu-gais, d’une voix profonde et sourde. – Je com-mençais à croire que je devrais aller vous cher-cher moi-même, bien que ce soit votre intérêtqui vous appelle… Et je vous attendais moins,si bien accompagné.

— Celui qui m’accompagne, Excellence, estmon beau-frère, Francisco de Torres, pour quije n’ai pas de secrets… Dans une de ses mis-sives, Votre Excellence me faisait savoir qu’elleverrait volontiers mon frère, qui rapporte desnouvelles du Portugal ; mais le malheureux estau plus mal, ne peut pas se déplacer pour lemoment, et mon beau-frère qui, selon moncœur, est autant mon frère que l’autre, sinonplus, vient pallier cette lacune.

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— C’est bon – grommela l’ambassadeur, vi-siblement contrarié.

— Votre Excellence me pardonnera den’être pas venu plus tôt – continua Solís – carelle ne doit pas ignorer mes nombreuses obli-gations, ma présence passagère à Logroño etles fréquents voyages auxquels me contraint leservice de Son Altesse. On n’aura pas manqué,car on ne manque jamais d’informer Votre Ex-cellence à ce sujet, ce qui ne m’excuse pas…Mais, dès que cela m’a été possible, je me suisempressé de me rendre au service de Votre Ex-cellence…

Préparant son exorde, Vasconcelos tarda àprendre place à la table, comme pour présider,tout en indiquant d’autres sièges aux Espa-gnols.

— Donc, en ce qui vous concerne, je peuxparler ouvertement en présence de votre beau-frère ?

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— De ce que dira Votre Excellence, il n’y arien que Francisco de Torres ne sache déjà ou,du moins, qu’il ne devinera.

L’ambassadeur s’éclaircit la gorge et, d’unevoix encore plus profonde, il se lança :

— Avec un homme comme vous, JuanDíaz, les subtilités et les détours ne serventà rien. C’est pourquoi je vais vous parler, da-vantage que comme un ambassadeur, commequelqu’un qui vous veut du bien et cherche cequ’il y a de mieux pour vous.

Solís ébaucha une révérence.

— Eh bien… don Manuel, mon roi etmaître, désire naturellement – comme c’est no-toire, parce qu’il ne tente de le dissimuler àqui que ce soit – étendre et consolider sesconquêtes, rien de plus que ses conquêtes légi-times, aux Indes et en Afrique. Pour cela, il abesoin de marins et de soldats à toute épreuve,des gens énergiques et capables… Parmi cesderniers, qui ne sont nombreux ni au Portugal

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ni ailleurs, il ne lui est pas possible d’oublierceux qui, comme vous, ont rendu des milliersde services à son royaume… Et si Son Altessene s’en était pas souvenue, j’étais ici pour luirafraîchir la mémoire… Ce ne fut pas néces-saire. De sa propre initiative, elle a daigném’envoyer à votre recherche et vous proposede revenir au Portugal, où l’on vous traitera etfavorisera comme vous le méritez.

— Votre Excellence semble oublier – répli-qua Solís avec une candeur simulée – que SonAltesse le Roi d’Espagne m’a dispensé il y apeu la faveur de me nommer son pilote princi-pal et que je suis le premier Espagnol nomméà une charge aussi élevée… Ce serait répondrehonteusement à une telle faveur et, en outre,Votre Excellence conviendra avec moi que SonAltesse le Roi Manuel ne voudrait ni ne pour-rait rien m’offrir d’analogue…

Le regard inquisiteur de Vasconcelos tentade pénétrer les pensées intimes de Solís. Au

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bout d’une seconde, il dit, avec un calme gla-cial :

— Mais, n’êtes-vous pas portugais ?

— Je suis né à Lebrija : alors que j’étais enbas âge, mes parents ont émigré au Portugal…Tout le reste est sans fondement – rétorquaSolís.

— Laissons ce point… Je voudrais vousdire que les faveurs royales ne peuvent pasavoir de limites pour les bons serviteurs. Sivous étiez au Portugal – que je continue àcroire votre patrie – vous ne perdriez rien ence qui concerne les honneurs et les avantages,et votre avancement serait plus grand que toutce que vous imaginez… Quoi que vous deman-diez, ce ne sera pas une vaine prétention. J’ailes pleins pouvoirs de Son Altesse et je sais ceque vous valez… Dans le pire des cas, votre si-tuation au Portugal, quant au pouvoir, aux ri-chesses et aux titres, surpassera de loin l’ac-tuelle, parce que vous savez bien qu’ici – que le

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roi Ferdinand me pardonne ! – promettre n’estpas donner, comme dit le proverbe castillan.

Vasconcelos se tut pour voir venir mais lenavigateur resta impassible.

— Il me serait extrêmement difficile – finit-il par dire – de quitter le service d’un maîtrequi m’honore de sa confiance et beaucoup plusmaintenant car, comme Votre Excellence doittrès bien le savoir, il veut me mettre à la têted’une expédition importante pour lui et dontles difficultés m’attirent et me stimulent. Mêmevenant de Son Altesse le Roi son gendre, qu’ilappelle « fils » et veut considérer comme tel,ce serait une noire trahison, que seuls l’intérêtet la convoitise pourraient justifier ou, plutôt,expliquer…

Le ton de Solís était tellement insinuant queVasconcelos se dit : « Celui-là, je vais lui tirerles vers du nez et, ensuite, je le mène par lalonge au pâturage. » Et, à voix haute :

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— Mais si le roi Ferdinand veut vousconfier une telle expédition, il est clair qu’il nevous l’a pas encore confiée et il se peut qu’àmi-chemin…

Francisco de Torres qui, jusqu’alors, avaitobservé, muet et immobile, s’agita sur sachaise comme pour donner l’alerte à Solís, sûrque le Portugais lui tendait un piège, pas trèssubtil, dans lequel ce dernier parut, pourtant,tomber en toute innocence.

— Monsieur l’ambassadeur se trompe !– s’exclama-t-il avec une apparente légèreté –Les préparatifs de l’expédition sont déjà encours…

— Et où se rend l’expédition ?

— Son Altesse veut garder le secret…

— Vous savez que je suis votre ami.

— Hé, il ne s’agit que d’une petite flottilleque je dois piloter pour savoir et découvrir cequ’il y a là-bas.

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— Votre destination n’est-elle pas Malac-ca ?

— Non, Excellence ; je vais seulement dé-terminer la ligne de démarcation(56).

Vasconcelos se leva et se mit à arpenterla pièce à pas lents. Solís et Torres se mirentdebout. C’était ce que cherchait l’ambassadeurcar, prenant immédiatement Solís à part, il luimurmura à l’oreille :

— Ne seriez-vous pas plus prudent en pen-sant que la faveur d’aujourd’hui peut, enquelques jours, s’évanouir comme de la fu-mée ?… Don Ferdinand a la réputation de ne

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pas être très ferme ni très constant… Vousavez, à l’affût, des ennemis puissants. Les of-ficiers de Séville ne cesseront pas leurs hos-tilités, ils continueront à vous opposer toutessortes d’obstacles, ils n’arrêteront pas tant quevous ne serez pas bloqué à terre…

— Votre Excellence a raison en ce quiconcerne les buts de ces messieurs – murmurasourdement Solís.

— Bien sûr que j’ai raison ! Largement rai-son ! J’en sais plus que vous ne savez vous-même… Je sais que « ces messieurs », commevous dites, ont fait mener au Portugal une en-quête secrète sur votre conduite passée et, toutparticulièrement, sur la prise d’une caravelleroyale, dont on vous a accusé en 1494…

Solís, sarcastique, l’interrompit :

— Ici, entre nous, cette enquête n’aurait-elle pas été commanditée par certain ambassa-deur, à qui cela conviendrait que je sois écar-té du service de don Ferdinand ? Ce haut per-

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sonnage ne voudrait-il pas utiliser ce prétenduacte de piraterie contre le Portugal afin que,ensuite, ce même Portugal me récompense,m’honore et me glorifie… soit par des charges,soit tout simplement par un gibet ?

— Vous pouvez être sûr que…

— Je le suis déjà autant que possible… En-voyée par Son Altesse en personne, j’ai en mapossession une ordonnance de sécurité avectoutes les conditions requises…

— Une ordonnance de sécurité !

— Comment ? Votre Excellence l’ignorait ?Mais c’est indubitable – S’adressant à sonbeau-frère : — Francisco, dis à son excellencece que mon frère Blas m’a rapporté du Portu-gal.

— Une ordonnance signée par le roi donManuel afin que, si tu le souhaites, tu puissesentrer, circuler dans le royaume sans que per-sonne ne t’importune, et en ressortir librementet tranquillement quand cela te plaira.

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— Vous voyez bien – dit Solís à Vasconce-los.

— Vous voyez bien – répéta Vasconcelos àSolís.

— Il n’empêche que je n’irai pas au Portu-gal. Malgré l’ordonnance, je crains beaucoupque l’on me tienne pour suspect et que Son Al-tesse me fasse arrêter le jour où je m’y atten-drai le moins.

— Comment ! Vous osez mettre en doute laparole et la signature du Roi mon seigneur !

À ce stade de la conversation, Francisco deTorres monta au créneau :

— Il a ses raisons ! Nous avons nos rai-sons !… On doit à Blas trois cents ducats àla Casa da Guiné, et à Juan, ici présente, pasmoins de huit cents… On n’a pas donné suiteà toutes ses réclamations. Le Roi lui a remis,à plusieurs reprises, des ordonnances signéesde sa main afin qu’on les lui paie et… choux

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blanc ! Cela nous fait une belle jambe la signa-ture, si l’intention n’est pas suivie d’effet !…

Vasconcelos devint vert mais, se contenantet essayant de se calmer, il dit à Solís :

— Pour parler franchement, votre sauf-conduit prouve, plus d’autres papiers, que nousavons besoin de vous… Son Altesse est résolueà vous gracier pour la piraterie et l’homicide…

— Piraterie, homicide ! Votre Excellence,également, croit à ces fables ? Si homicide ily avait, tel que le relatent les commères etles imbéciles, en l’occurrence pour laver monhonneur, je mériterais d’être applaudi, pascondamné… Ce sont des contes de vieillesfemmes…

— … et à vous confier – poursuivit Vascon-celos, comme s’il n’avait pas été interrompu –une grande et forte flotte ainsi que la gouver-nance de tout ce que vous découvrirez… Alors,vous pourrez dire à plus forte raison : « hormisle roi, personne(57) »…

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— La proposition, bien que vague, est flat-teuse – dit Solís avec beaucoup de calme –.Elle en tenterait plus d’un, en ces temps oùl’on accourt sans déshonneur où vous appellevotre intérêt… Mais je répète à Votre Excel-lence qu’il ne m’est pas facile de servir unmaître qui m’a privé de salaires durement ga-gnés, Dieu m’en est témoin, et qui a permis undéni de justice, sur base duquel on m’a pour-suivi au Portugal…

— Les salaires peuvent être payés, on peutfaire taire la calomnie, et la faveur est le granddédommagement de l’injustice – fit remarquerVasconcelos, toujours davantage déconcerté –« Après la pluie vient le beau temps », dit leproverbe.

Torres, à nouveau silencieux, riait souscape.

— Il est certain – reprit Solís – que les Offi-ciers de Séville peuvent beaucoup ; il est cer-tain, aussi, qu’ils m’aiment peu, mais… le roi

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me soutient. Et, si Votre Excellence ne le prendpas pour un manque de courtoisie, il vaudraitmieux mettre fin ici à cette conversation, quine mène à rien et qui n’a pas même le méritede la franchise.

— Halte-là ! – s’exclama Vasconcelos. Jevous ai déjà dit que je peux vous faire des pro-positions concrètes… Je vais vous les faire…

— Votre Excellence sait aussi bien que moique ce serait inutile. Je ne me sens pas disposéà écouter davantage de propositions. Etj’avoue à Votre Excellence que si je suis venuet que je vous ai écouté, c’est uniquement pourfaire honneur à votre personne, qui mérite dema part le plus grand respect…

Vasconcelos, furieux, fit une légère inclina-tion de la tête.

— Même s’il n’y avait pas de litige entremoi et le Portugal et son souverain – poursuivitSolís – même si je devais leur témoigner de lagratitude et non de la rancœur, la confiance

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de mon roi suffit à m’arrêter. Quant à l’argent,j’en ai assez pour moi et les miens, et il en en-trera dans ma poche sans que je doive couriraprès…

— Mais, sans porter préjudice à qui que cesoit, vous pourriez me dire… Cette flottille…ce voyage…

— Allons ! Vous avez de bons espions à laCour et à la Casa de Contratación… Vous-même l’avez avoué. Vous en savez plus quemoi.

— Voyons : On m’assure que…

— La démarcation convenue dans le traitéde Tordesillas doit passer du papier à la réalité,sur les mers et sur les terres… Vous savez tout.

— Si c’est votre dernier mot…

— Et le premier.

— Peut-être aurez-vous à le regretter.Quand les rois se donnent l’accolade, les vas-saux doivent progresser à tâtons.

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— Votre roi m’importe peu.

— Cette audace ! – s’exclama l’ambassa-deur, indigné.

— M’avancerais-je en disant la même chosede Votre Excellence ? À l’abri de sa fonction,Votre Excellence tente de corrompre et d’ache-ter un vassal du roi Ferdinand, un de seshommes de confiance…

Vasconcelos se mordit les lèvres et, ne dis-simulant plus sa colère, rugit en portugais :

— Tu n’iras pas très loin, Joao Dias !

— Pas plus que nécessaire… Partons, Fran-cisco, mon frère.

Et après avoir balayé la natte de joncs avecles plumes de son chapeau, dans une très pro-fonde révérence, Solís sortit de la pièce, puisde la maison, suivi de Francisco de Torres, lais-sant l’ambassadeur déconcerté et perplexe.

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VI

LA CONDESCENDANCE DEFERDINAND

LE CATHOLIQUE

La perplexité de Vasconcelos ne dura paslongtemps. Si déconcertante que fût l’attitude

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de Solís en dédaignant ses offres et en se mo-quant de ses tentations, il ne considérait pasperdue une partie qui, en résumé, ne dépendaitqu’accessoirement du pilote. Le facteur prin-cipal et décisif était le roi don Ferdinand lui-même, dans l’esprit de qui l’ambassadeuréveillait, depuis un certain temps, la méfianceet une malveillance à l’encontre du navigateur,en qui il avait toujours vu un ennemi du Por-tugal – à double titre puisqu’il était mû par larancœur et l’intérêt. Et Son Altesse lui avait ac-cordé une audience privée dans sa demeure deMansilla précisément ce jour-là.

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Don Juan Mendes de Vasconcelos était sûrde connaître à fond le soupçonneux et astu-cieux Roi d’Aragon, devenu un grand mo-narque depuis son mariage avec Isabelle deCastille et grâce à des coups de chance suc-cessifs, car – sans compter l’incomparable ca-deau des « Indes », dont on pouvait presquedire qu’il était tombé du ciel – il avait unifié

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le royaume et ajouté à sa couronne celle deGrenade, l’arrachant aux Maures, alors que laSardaigne et le Roussillon étaient récupérés,Naples conquise, la Navarre prise aux d’Albret,

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ralliant à son sceptre des terres et villes afri-caines, tout en mariant pertinemment ses fillesaux grandes maisons royales d’Autriche, d’An-gleterre, du Portugal… Il le savait politiqueprofond, sans autre boussole que son ambition,habile s’il le fallait jusqu’à la perfidie – qui, ences temps vertueux, était courante en politiquecar, d’après ce qu’écrivait à l’époque, Frances-co Guicciardini, ambassadeur, à ses mandantsde Florence, « il n’y avait rien à lui reprocher…sauf son manque de générosité et le fait qu’ilne proposait aucune réparation pour avoirmanqué à sa parole(58) » – et il était, en outre,froid et même implacablement cruel – fût-ceau nom de hauts intérêts –, comme le démon-trait l’expulsion des Juifs et des Maures et,sans compter la fondation de la Santa Herman-dad, le pouvoir formidable octroyé à l’Inquisi-tion, poursuivant des hérétiques et provoquantd’efficaces confiscations, qui contribuaient àalimenter ses caisses. Il n’ignorait pas non plusque le roi Ferdinand V(59) était fort chiche enmatière de récompenses, comme le disait le

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Florentin, et il avait l’habitude d’en priver, mal-gré des services parfois très importants, ceuxdont il pensait ne plus avoir besoin à l’avenir. Ille tenait pour avare et mesquin, sans examinerpour quels buts utiles il réservait les deniersde la Couronne, se rappelant seulement la pau-vreté de ses vêtements et l’histoire fameuse duvieux pourpoint élimé dont Son Altesse disaitaux courtisans :

« Voyez-vous la bonne toile que c’est ? Jem’en suis offert trois jeux !(60) »

Et Vasconcelos ne comptait pas beaucoup,dirons-nous, sur l’influence que son maître leRoi du Portugal accordait au fait d’être deuxfois gendre de Ferdinand le Catholique, dansun jeu que l’on pourrait qualifier de la fortune,du mariage et de la mort… Il avait pu comptersur cette influence, c’est vrai, lorsque doña Isa-belle(61), fille du Roi Catholique et veuve duprince Don Alfonso, épousa en secondes nocesle roi Don Manuel et fut reconnue, à la mortde son frère le prince Don Juan(62), comme hé-

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ritière, avec son époux, du trône d’Espagne ;mais, malheureusement, doña Isabelle étaitmorte en donnant naissance au prince Don Mi-guel(63), qui, désigné comme héritier des cou-ronnes d’Aragon, de Castille et du Portugal,mourut également, avant l’âge de deux ans,ruinant de nombreux et très grands espoirs,dont le majeur était l’unification, sous un seulsceptre, de toute la péninsule ibérique… Lemariage de Don Manuel avec l’infante doñaMaría(64), sœur de sa première épouse(65),n’avait amélioré que momentanément la situa-tion, car la mort fit à nouveau son office etle cas du premier petit infant du Portugal nepouvait pas se répéter. Ferdinand le Catholiquelui-même contracta un second mariage avec sanièce Germaine de Foix(66) et, si le premier filsqu’il eut d’elle, l’infant Don Juan(67), avait vé-cu fort peu de temps, il était possible qu’unautre vînt le remplacer, malgré l’âge du Roi etsa santé, qui était précaire… Il ne fallait dèslors pas être surpris, comme on l’a déjà vu au-paravant et que l’on continuait à le voir, que,

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même s’il qualifiait affectueusement le roi DonManuel de « fils très aimé », Don Ferdinandcontinuât à veiller sur ses intérêts aux Indes,visiblement au détriment du Portugal…

Mais Vasconcelos était résolu à disputer leterrain pied à pied et, sans plus hésiter, il ga-gna Mansilla et se fit annoncer à Son Altesse.

Don Ferdinand le reçut dans un salon àpeine meublé, sans luxe ni décorations,presque sans confort, ressemblant, si on enavait retiré la longue table, à l’office de pay-sans aisés. On voyait bien que la reine Isabelle

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de Castille n’était plus de ce monde, elle quiveillait tant à la grandeur de son mari, l’entou-rant d’une pompe sévère qui imposait le res-pect, alors que la jeune reine Germaine de Foixse préoccupait plus de ses fêtes et de leurs ma-gnificences que de la splendeur du royaume.

Des pièces de monnaie et des médailles deson temps nous ont laissé l’image du grandRoi, son nez un peu aplati prolongeant le frontavec une légère inflexion, de grosses lèvres, unbout de menton rond et proéminent, de grandsyeux, inexpressifs sous des sourcils partant àl’ascension des tempes, un visage massif etglabre une chevelure couvrant les oreilles et

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même le robuste cou, un béret simple garnid’un étroit diadème royal.

Vasconcelos le trouva assis dans un fauteuilaux accoudoirs en chêne taillé, le visage hâlépar le soleil, plus faible et jaunâtre que d’habi-tude, la poitrine haletante en raison de la ma-ladie chronique qui l’oppressait, le faisant suf-foquer et provoquant chez lui des évanouis-sements et un mal au cœur. Il n’était plus lechasseur vigoureux, le cavalier émérite parmiles courtisans et les soldats, le paladin des ba-tailles et des tournois, l’homme toujours en ac-tion, le travailleur infatigable qui se reposaitd’une tâche en se consacrant à une autre. Lepoids des années – il frisait les soixante ansà l’époque – n’était, vraisemblablement, pas laseule cause d’un si rapide déclin : à la Cour,on parlait d’un breuvage que la reine Germainelui faisait prendre, le croyant nécessaire pouravoir des enfants – sa grande ambition – maisqui, malheureusement, avait compromis à ja-mais la santé du Roi(68). Cependant, ces pro-

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blèmes n’ôtaient à Ferdinand V ni sa courtoisieni son art de séduire et il reçut Vasconcelosavec des manifestations de satisfaction quel’on ne réserve qu’à un ami très cher.

Il répondit aux compliments de l’ambassa-deur avec la voix fluette, dont devait hériterson petit-fils Charles-Quint, mais non sans ver-bosité, et le dialogue commença par de vagueset banales généralités : ils parlèrent du beautemps, si favorable à la chasse ; de la santé duRoi, espérant le voir promptement rétabli ; duvoyage à Valladolid, qu’il projetait mais que,

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sans doute, il reporterait à l’été suivant – caril se sentait très bien à Mansilla – afin de pas-ser l’hiver à Madrid et ensuite revenir où ils setrouvaient, toujours suivi par la Cour.

— Je vous fais beaucoup voyager, Vascon-celos, car, en raison de votre charge, vous de-vez me suivre partout, comme mon ombre.

— Lors des années précédentes, lesvoyages de Votre Altesse étaient plus fré-quents… Cette année, nous n’avons en sommedû la suivre qu’à Burgos et à Logroño, où nousnous trouvons…

— Ce ne sera probablement pas pour long-temps mais qu’y faire ! Le Roi se doit à sonroyaume et à ses vassaux et je vous avoueraice que tout le monde sait déjà : les change-ments, pas tant sur le plan des affections et desamitiés mais au niveau de mes lieux de séjour,me sont agréables… Les villes et les grandsvillages me fatiguent ; je préfère la solitude etla joie paisible des champs, la vie inconstante

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à l’air libre, le rude exercice de la chasse, mecontentant du simulacre maintenant que, pourmoi, les guerres ont pris fin…

Tous deux savaient parfaitement – Vascon-celos parce qu’il les avait préparées, le Roiparce qu’il les voyait venir – que d’autres af-faires réclamaient son attention et exigeaientson intérêt ; mais, à les entendre, n’importe quiaurait dit qu’il ne s’agissait là que d’une simplevisite de courtoisie. Ce fut finalement l’ambas-sadeur qui entra en matière.

— Je dois dire à Votre Altesse – commença-t-il – que mon seigneur le roi Don Manuel,votre fils, m’a écrit il y a quelques jours pourm’annoncer une lettre destinée à Votre Altesse,courrier que je viens de recevoir.

— Mon fils aimé se porte-t-il bien ? – de-manda le Roi avec un sourire forcé.

— Grâce à Dieu, il jouit d’une parfaite santéet se prosterne à vos pieds royaux, comme ildoit le dire dans la présente lettre.

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Et l’ambassadeur fit un pas, qui était une ré-vérence, en direction du fauteuil du Roi.

— Attendez, Vasconcelos. Ne me la donnezpas. Lope Conchillos et l’évêque Fonseca nesont pas aujourd’hui avec moi et vous me trou-vez sans secrétaires… Étant donné que vousdevrez connaître le contenu de la missive, sivous ne le connaissez pas déjà, lisez-la-moi, s’ilvous plaît.

Le Portugais s’inclina profondément, rom-pit le cachet d’un geste respectueux, retira lessceaux et ouvrit la missive.

— La lettre est datée de Coimbra, le vingt-deux septembre courant – commença Vascon-celos avec sa grosse voix sourde – et dit ce quisuit : « Très haut et excellent Prince et notretrès puissant père : Juan Mendes de Vasconce-los, de mon conseil, m’a signalé comme il vousl’a dit ce que je lui demandé de vous dire, entreautres concernant la flottille, dont on m’a ditque certains navires se rassemblaient à Séville

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et que les envoyiez à Malacca ; et comme vouslui répondiez que cette flottille ne se rendaitpas à Malacca mais partait seulement à la dé-couverte d’autres choses, au sujet desquellesvous lui répondriez. »

— Je vous ai dit la vérité – déclara Fernan-do –, vous pouvez poursuivre.

— « Et que ce soit dans ce cas qui m’inté-resse tant – poursuivit Vasconcelos – ou danstout autre qui me touche, je n’en attends pasmoins de vous pour les nombreuses raisons etobligations qui existent entre nous, justifiantde devoir agir ainsi ; et c’est avec un plaisirtout particulier que je reçois votre réponse… »

— C’était la moindre des choses – coupa leRoi. Continuez !

— « Et il est certain que, pour les matièresdont nous traitons, j’ai consenti de très fortesdépenses et fait couler beaucoup de sang demes serviteurs, chevaliers et vassaux, et queje dois assurer les recettes qui me parviennent

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avec ma flotte, mes forteresses et mes gens, dela façon que je vous ai fait rapporter par le-dit Juan Mendes, que l’on ne doit pas me tou-cher ni me faire quelque chose que l’on ne doitpas et, tout particulièrement vous et vos en-treprises, dont j’espère que vous les garderezet les considérerez toujours comme les vôtres,parce qu’il en sera toujours ainsi pour moi etpour les miennes regardant tout ce qui voustouche… »

— Cela a été, est et sera de tout temps maferme intention – confirma Ferdinand – et leRoi mon fils peut avoir confiance, comme je l’aidans ses projets et volontés. Continuez.

— « Mais – lut l’ambassadeur, en insistantsur les mots – étant donné que Juan Díaz, pi-lote portugais – que j’ai d’abord fait exiler il y ades années, et poursuivre ensuite pour ses dé-lits qui le condamnent à la peine de mort – va,me dit-on, comme pilote dans cette flottille, adit et dit publiquement qu’il se rend à Malac-ca, et qu’il est une personne mal intentionnée,

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se disant, sans raison, lésé par moi ; et, étantdonné que c’est de notoriété publique ce quedit son second, qu’ils partent avec la volontéet l’objectif déterminé de voir Malacca, je nepeux plus trouver le repos s’il exécutait la mis-sion que vous lui confieriez même si je crois,indubitablement, ce que vous avez dit à JuanMendes ».

— Qui est ce second auquel se réfère monseigneur de fils ? – demanda le Roi. Si l’on a ef-fectivement évoqué le nom de Juan Díaz pourcommander une flottille, on n’a pas même son-gé à un second…

— On dit que c’est un pilote du nom deJuan Anríquez, portugais, bon marin, à ce quel’on assure(69).

— Rien de cela n’est fondé. Nous en repar-lerons… Poursuivez, je vous écoute.

— « Et je ne voudrais pas, Monseigneur,qu’il en résulte, ni maintenant ni jamais,quelque scandale, car les personnes de cette

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qualité (de celle de Juan Díaz de Solís) ne té-moignent pas le respect qu’elles devraient, afinde se prémunir contre une occasion d’agir mal– et il serait scandaleux à mes yeux de toucherà Malacca ; je vous prie, très affectueusement,de ne pas envoyer à bord de cette flottille leditJuan Díaz comme pilote car, pour découvrir ceque cette flottille va chercher, comme vous ledites, il doit y avoir nombre d’autres pilotes enCastille qui pourront faire la même chose etmieux que lui ».

— Mais si cela revient au même, objectaFerdinand, si d’autres peuvent le faire mieuxque lui, quel intérêt a monseigneur notre fils àce que je ne l’envoie pas, lui ?

— Vous comprendrez Votre Altesse que, vules antécédents de ce Juan Díaz au Portugal,le Roi mon seigneur ne peut pas voir d’un bonœil qu’il soit honoré, récompensé et favoriséailleurs, a fortiori dans les royaumes de VotreAltesse, son père.

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— Vous avez raison de l’évoquer et je pren-drai en compte le ressentiment du Roi mon fils.Continuez, car vous n’avez pas encore tout lu.

— Les quelques lignes restantes sont la ré-pétition de ce qui a été dit auparavant : « Eten l’évinçant – Juan Díaz – on désamorceraitce qui pourrait résulter de sa mauvaise inten-tion. Ce faisant, vous préviendriez de gravesinconvénients, comme dans toutes les situa-tions analogues ; je suis sûr que vous deveztoujours vous réjouir de le faire pour tout cequi me touche et vous touche autant et je le re-cevrai de vous avec un plaisir tout particulier,très haut et excellent prince, notre très puis-sant père… Signé : Manuel ».

— C’est bien et nous répondrons dûment auroi Manuel – dit Ferdinand le Catholique. Mais,avant, je veux que m’éclaircissiez le point rela-tif à cet Anríquez ou Enríquez, dont il me parle.

— C’est comme je l’ai déjà dit à Votre Al-tesse, un pilote portugais qui vit près de las

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Rejas de Séville avec son épouse, égalementportugaise. Anríquez s’est déjà rendu aux Indespour le compte de mon seigneur et, commeJuan Díaz, se prétend lésé par ce qu’on luidoit et parce que l’on ne lui paie pas certainessommes… Votre Altesse voit bien que je nelui dissimule rien, car j’ai toujours eu une pro-pension à la plus grande franchise, malgré ceque ma charge exige habituellement de moi…Avec Anríquez vit son fils, un mousse semble-t-il prometteur et, à ce que l’on affirme, tant luique le jeune garçon, son fils, sont plus expéri-mentés que Juan Díaz.

— Ils doivent être des hommes prodi-gieux… Mais que dit d’autre cet Enríquez ?

— Eh bien qu’il vient de conclure un arran-gement avec Votre Altesse et qu’il fera officede capitaine sur l’une des trois caravelles quel’on prépare à Lepe – mon maître évoque parerreur Séville, en raison d’une information pré-maturée – et que commandera Juan Díaz deSolís, d’après des personnes bien informées ; il

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parle même des salaires qu’on lui a signalés,révélant son montant : vingt-cinq mille mara-védis annuels pendant qu’il naviguera et vingtquand ce ne sera pas le cas. Il indique le moisde mars prochain comme étant la date de dé-part…

Vasconcelos disait la vérité, mais il n’exa-gérait pas la franchise dont il s’était vanté :il taisait qu’il avait vu Enríquez et reçu sesconfidences ; que selon le pilote, Malacca setrouvait effectivement du côté de la ligne dedémarcation relevant de la Castille, que celal’avait fait pleurer de rage, que Enríquez luiavait soutiré de l’argent en échange de ses in-formations ; et, finalement, depuis Séville, ilavait écrit au roi Manuel pour que ce dernierlui envoie un pilote ou quelqu’un qui connût lamer pour lui donner des conseils, qui seraienttrès importants pour le service du Roi du Por-tugal. Il ne dit pas non plus que, ayant obte-nu l’argent, Enríquez venait de quitter Logroñoet qu’il n’avait plus de nouvelles de lui, même

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s’il continuait à croire que Enríquez était prêtà passer au Portugal dès qu’on lui ferait uneoffre, car c’est ce qu’il avait insinué bien clai-rement après que l’ambassadeur lui eut assu-ré que les contrats en question étaient beau-coup mieux payés au Portugal qu’en Espagne,et qu’ils ne restaient pas au stade de simplespromesses.

— Il me semble – dit le Roi, avec un souriremi-moqueur mi-amène – que la parole de cetAnríquez ou Enríquez ne vaille pas de l’or, etje dois faire vérifier ses dires, au pis-aller pourcompenser… Revenons-en à l’essentiel : écri-vez au Roi mon fils que – comme je vous l’aidéjà assuré en d’autres occasions – Juan Díazde Solís, s’il embarque, ne sera pas seul nicomme véritable pilote principal(70), et queSon Altesse peut être certaine que, c’est mavolonté – et on veillera bien à la respecter età y obéir – que l’on ne touche pas à ses dé-marcations. Le premier impératif à ma Casa deContratación de Séville, pour ceux qui partent

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sur une flotte ou à la découverte, est qu’ils netouchent pas à ce qui appartient au Roi monfils. Mon plus vif désir est que l’on parvienne àétablir la démarcation de tout afin qu’il n’y aitjamais la moindre dissension entre le Portugalet la Castille. Écrivez-lui, également, de penserà une solution afin que nous puissions l’établir,et j’y penserai de mon côté, et je me réjouiraiinfiniment que l’on y parvienne, car moi, étantdéjà vieux, il me reste peu de jours à vivre ;Dieu m’en est témoin, j’espère que la trêve nesera pas rompue, et je m’en irai vers l’autre vied’autant plus apaisé si tout est si clair que mespetits-enfants et tous mes descendants à venirne trouvent jamais le moindre prétexte pour larompre…

Vasconcelos fit une révérence, resta un mo-ment silencieux et dit ensuite :

— Pardonnez-moi, Votre Altesse, mais vousne me dites pas ce qui empêchera le départ deJuan Díaz comme le demande mon roi…

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— Votre seigneur, mon fils, n’a rien àcraindre de moi ni de mes vassaux et servi-teurs, vous pouvez l’en assurer une fois deplus, en raison de l’amour que j’éprouve pourlui et en fonction des souhaits que je viens devous exprimer et qui reflètent le fond de moncœur. Quant à vous, Vasconcelos, vous savezcombien je vous estime et avec quel plaisir jevous écoute.

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idée, il ajouta, avec une affectueuse expressionde son visage désormais tuméfié :

— Afin que mon fils Don Manuel voie com-bien je veux lui être agréable, dites-lui enfinque je vais ordonner de suspendre le voyagequi le préoccupe tant et que les matériaux déjàassemblés et les préparatifs déjà faits sont des-tinés à des découvertes sur la terre ferme… Jecrois que je ne peux lui donner davantage sa-tisfaction… Que Dieu vous accompagne.

Hésitant entre la méfiance et la joie, l’am-bassadeur du Portugal Don Juan Mendes deVasconcelos se retira et, pendant qu’il s’éloi-gnait, Don Ferdinand ordonna que l’on fît venirauprès de lui, sans retard, son pilote princi-pal…

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Et, se levant, il signifiait la fin de l’audiencequand, comme quelqu’un qui vient d’avoir une

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VII

LA TACTIQUE DE SON ALTESSE

Dans l’intérêt de sa santé, recherchant unesolitude propice à la méditation, ou dans unbut de simple distraction, don Juan Mendes deVasconcelos avait l’habitude de faire à pieds delongues promenades matinales. Après un petitdéjeuner frugal, il emprunta la rue principale,la descendant à pas lents jusqu’à atteindre lefleuve, coulant entre les deux rangées inégalesde grosses maisons basses, aux toits en saillieet aux grilles en fer forgé ; les arbres fruitiers,curieux, pointaient leurs cimes au-dessus desmurs de clôture en torchis, foulant de leurs ra-

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cines des pierres dures et pointues ou les bai-gnant à plus d’une reprise dans le lit bourbeuxd’un cours d’eau débordant après une pluied’orage. Pestant contre le chemin mal entrete-nu, il suivit la rive peu habitée de l’Èbre et, arri-vé près du vieux château, dont la lourde massenoire et la tour dominent la ville, il franchitle pont en pierre aux piliers massifs qu’avaitconstruit, il y a plusieurs siècles, frère Juande Ortega, le dominicain maître d’œuvre. Ils’arrêta un moment pour regarder couler l’eauet profiter de sa fraîcheur. Se mouvant à unrythme, entre mécanique et solennel, il finitpar atteindre les bornes qui marquent la limitede la Castille, à une portée d’arbalète du pont,pour apercevoir au loin, blanc sur le fond vert,le village de Viana, situé sur le sol récemmentconquis de Navarre ; ou bien, en suivant desyeux la teinte claire des chemins, il voyait sur-gir des lieux et des métairies entourés degrands jardins, des vignes, des vergers, des oli-viers, des prés où paissaient de nombreusesbrebis et la moisson de blés récemment fau-

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chés… Avec l’indifférence des hommes decette époque à l’égard du paysage, il regardaittout cela distraitement, absorbé par des consi-dérations diplomatiques, tentant de se livrer àdes conjectures quant aux buts du Roi, de dé-nouer les fils d’une intrigue, d’ourdir des com-plots afin de séduire tel ou tel favori du sou-verain ; ce n’était qu’à l’approche de l’heure oùil regagnait habituellement son domicile que,sortant de ses préoccupations, il voyait réelle-ment les tours dominant la ville ; et il ne savaitfranchement pas, si c’étaient les cloches ou sonestomac qui l’incitaient à aller manger.

Mais ce jour-là, bien avant le moment ha-bituel, ce qui le fit sortir de son abstraction,ce fut un cavalier, passant au trot de son che-val, suivi d’une sorte d’écuyer au visage ingrat.À première vue, il lui sembla reconnaître JuanDíaz de Solís, mais il ne put dissiper ses doutesen examinant à loisir celui qui passait. Il par-vint seulement à voir qu’il était vêtu commepour un voyage, que l’écuyer avait en croupe

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le porte-manteau correspondant et qu’ils sem-blaient être très pressés.

Je devrai vérifier, et plutôt aujourd’hui quedemain, s’il s’agit bien de Juan Díaz – se ditl’ambassadeur. Si c’est effectivement lui, il estindubitable que le Roi agit en sous-main… Dedeux choses l’une : soit don Ferdinand, tenantsa promesse, lui a fait suspendre son voyageet l’homme, boudant, se retire dans ses quar-tiers d’hiver ; soit il lui a ordonné d’accélérer ledépart et Solís, joyeux, s’empresse de s’embar-quer… L’un et l’autre cas de figure sont du do-maine du possible… Mais duquel s’agit-il ?…Son Altesse n’a pas l’habitude de s’arrêter àdes vétilles et ce ne serait pas la première foisqu’Elle me joue un mauvais tour…

Il revint automatiquement sur ses pas, re-nonçant à la suite de sa promenade.

Le hasard m’a fait découvrir ce matin – son-geait-il – ce que mes agents m’auraient com-muniqué dans je ne sais combien de temps.

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Mais qu’y gagnons-nous ?… Bah ! La meilleurechose à faire est de m’empresser de communi-quer à don Manuel ce que don Ferdinand m’adit et promis… Je dois aussi lui parler de ce pe-tit évêque de Palencia, de ce Juan Rodríguezde Fonseca de mon cœur qui, en raison d’uncaprice du Roi, tient dans une main les affairesdes Indes et, dans l’autre, les sanctions… oui,les sanctions pour autrui. Lui et Lope Conchil-los ne me disent rien qui vaille. Est-il vrai,comme me l’assure Anríquez, que ce truand deSolís a promis au maraud à mitre de Fonse-ca, la moitié de ce qu’il gagnera dans l’expédi-tion ? Il est indubitable que l’évêque l’appuie,tout comme Lope, et que don Ferdinand nevoit plus qu’avec leurs yeux… Le Roi est fortdiminué par sa maladie ; mais alors vraimentbeaucoup… Il ne fait plus les choses lui-même,comme avant ; mais il faut avouer que ses dé-cisions antérieures ne nous étaient pas plus fa-vorables… Quoi qu’il en soit, je dois tout direà don Manuel, et aujourd’hui même, afin qu’ilanalyse et avise… Si don Ferdinand veut que

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le voyage se fasse, rien, pas même sa parole,ne pourra l’empêcher… Mais rien n’empêche,non plus, que don Manuel fasse surveiller lesnavires de Solís, afin de lui créer des difficultéset de préserver nos droits. Nos droits ! Malgrétant d’efforts et d’insomnies, nous ne sommespas encore parvenus à les faire reconnaître etétablir de manière à ne laisser aucun douteni à engendrer d’autres complications… Ah, sidoña María n’était pas morte(71) ! Si les deuxroyaumes en avaient formé un seul, comme ce-la a failli se produire !… Mais quelle est la so-lution maintenant ?… Il faut tisser une trametrès fine et ne dormir que d’un œil, afin de nepas perdre le peu de bénéfices engrangés… Ah,ce Juan Díaz me vaudra encore des maux detête !…

Le cavalier était effectivement Solís qui,après son entrevue de la veille avec don Fer-dinand avait fait avertir Diego García de Mo-guer et dit à Francisco de Torres que, dans lasoirée du lendemain, ils devraient se réunir à

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Laguardia. Il était chargé de papiers, parmi les-quels un premier ordre de don Ferdinand afinque la Casa de Contratación de Séville lui re-mette trente-sept mille maravédis à titre d’in-demnisation, et un second pour que le tréso-rier lui rembourse tout ce qu’il avait avancéaux marins comme salaires et déboursé dansdes achats et autres préparatifs de voyage(72).Voulant couper court à tous les soupçons quele report pouvait faire naître et à ceux que,s’agissant de Solís, les officiers de Séville se-raient enclins à nourrir, le Roi soulignait qu’ille tenait pour un très bon serviteur, ordonnaitqu’on le traitât et le considérât comme tel, et ilajoutait que le servir revenait à servir sa proprepersonne royale. Et afin que ces recommanda-tions inhabituelles aient encore plus de poids,don Ferdinand les réitérait indirectement enécrivant à Solís, entre autres choses(73) :

« J’ai ordonné de suspendre le voyage enquestion afin de m’entretenir à son sujet avecle sérénissime Roi du Portugal, mon très cher

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et très aimé fils, pour qu’il se fasse de manièreque la couronne royale de ces royaumes, dontcelle du Portugal, ne subisse pas de préjudice ;et parce que – ayant pris cette disposition – j’aila volonté qu’il soit effectif, je vous assure etvous promets que, ce voyage devant se faire,vous serez la personne à qui j’en confierai lecommandement, et on vous conservera jusqu’àce moment tout ce que j’ai stipulé dans cetteordonnance, sans faute. »

Lors de cette entrevue, don Ferdinand avaittémoigné à Solís son affabilité particulière,même s’il se sentait fort incommodé en suffo-quant, ce qui lui coupa la parole à plus d’unereprise. Aux côtés de Son Altesse se trouvaientl’évêque de Palencia et le secrétaire Lope deConchillos (y Quintana) pour qui – comme lepensait l’ambassadeur portugais – il n’avait pasde secrets, ni, parfois, la moindre objection.Ces deux secrétaires ou, plutôt ministres, duRoi catholique, contrastaient nettement, mêmesi leurs manières à tous deux étaient égale-

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ment froides et mesurées. Lope Conchillos,portait un habit à longues manches et deschausses noires, était de stature moyenne,avait un visage rond, brun, des yeux vivaces etmarrons, des paupières rosées et épaisses quiles rendaient plus petits, mais l’ensemble sug-gérait un caractère bienveillant si pas faible.En revanche, avec son costume ecclésiastique,simple comme une tunique, don Juan Rodrí-guez de Fonseca, chapelain principal du Roi,membre de son Conseil, évêque de Palencia– il avait auparavant été au chapitre de la ca-thédrale de Séville, évêque de Badajoz, de Cor-doue, comme il devait l’être plus tard de Bur-gos, et même archevêque « in partibus » (deRossano) – semblait le dépasser de plus d’unempan et, sur son visage sec, ses yeux noirsdégageaient une lueur phosphorescente aufond de leurs orbites violacées, tandis que seslèvres minces et pâles, serrées quand il ne par-lait pas, laissaient deviner un homme passion-né et dénué de bonté. Lorsque l’on introduisit

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le marin dans la salle, l’un était debout à ladroite et l’autre à la gauche du souverain.

Don Ferdinand, pour entrer en matière, dità Solís que, comme il devait l’avoir vu bienclairement, il ne lui était pas possible de renon-cer à l’expédition de découverte prévue et qu’ilne la confierait à personne d’autre. Ensuite,changeant de ton et avec une certaine légère-té ironique, que ses difficultés à respirer sem-blaient rendre sarcastique, il ajouta que descirconstances très particulières – purement ledésir et la nécessité de garder les meilleuresrelations avec le Roi du Portugal – luiconseillaient de repousser pour un temps indé-terminé la réalisation de l’entreprise à laquelleil tenait tant.

— C’est un cas de force majeure ou à peinemoins – ajouta-t-il en soupirant. Il s’agit demon fils bien-aimé don Manuel, à qui, en tantque père, je dois satisfaction.

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Et comme s’il se parlait à lui-même, il mur-mura :

— D’autres viendront, et très bientôt, qui nedevront pas user de tels ménagements…

Don Ferdinand fut un prophète, si l’on inter-prète ses paroles dans un certain sens, car sonpetits-fils, Charles Ier d’Espagne et Charles Vd’Allemagne(74), ne prit pas autant de gantsavec le Portugal.

Mais il n’insista pas sur sa prophétie, si c’enétait une ; il demanda à Solís de se rappeler,dans ses grandes lignes, l’accord qu’il avaitconclu avec lui, afin qu’il fût dûment exécuté,sur tous ses points, le moment venu.

Le pilote principal faisait des efforts surhu-mains pour dissimuler sa colère. Ses brillantsespoirs s’évanouissaient quand ils allaient êtreréalisés ! Le sournois Portugais triomphait enle faisant échouer au port ! Il émit, du bout deslèvres une malédiction à l’encontre de Vascon-celos et son maître, mais se borna – grave ir-

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révérence – à frapper du pied sur le sol. DonFerdinand toléra la faute en feignant de ne pasla remarquer, alors que Lope Conchillos tentaitde sortir le navigateur du mauvais pas en s’ap-prochant de lui et en lui murmurant à l’oreille :

— Tranquillisez-vous. Tout va s’arranger.

L’évêque de Palencia qui, à la dérobée, ob-servait Solís déconcerté et furieux, serra da-vantage les lèvres dans un semblant de sourireet finit par intervenir, lui aussi :

— Si vous le permettez, Sérénissime Sei-gneur – dit-il gravement et sèchement, ens’adressant au Roi – je serai celui qui, en peude mots, rappellerai l’accord dont, si je com-prends bien, (et il est utile de le répéter), laconcrétisation ne sera différée que de quelquesmois.

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— C’est bien cela – répondit Son Altesse enlui accordant d’un geste la permission deman-dée, pour porter ensuite la main à sa poitrinesouffreteuse.

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— Monsieur le pilote principal pourra mecorriger si je me trompe… Mais j’ai ici les notesde Lope et c’est un bon aide-mémoire – pour-suivit le chapelain du Roi, dès lors arbitre desdestinées des Indes Occidentales même si,quelque vingt ans plus tôt, il avait failli empê-cher leur découverte en traitant de « fous » Co-lomb et tous ceux qui lui prêtaient une oreillebienveillante.

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Il jeta un coup d’œil au papier et continuasur le même ton sec :

— Juan Díaz de Solís s’engage par l’accordà partir avec trois navires, suffisants pour lesbesoins du voyage (qui sera de découverte etnon de conquête, il faut insister sur ce point),laissant derrière lui la Castille d’Or(75) où setrouve Pedrarias Dávila(76), c’est-à-dire du cô-té de la mer(77) découverte par Vasco Núñezde Balboa(78)…

— Cela ne doit pas être situé – déclara leRoi en faisant un effort pour l’interrompre.

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— Et ce n’est pas consigné, SérénissimeSeigneur – expliqua tranquillement l’évêque. Sije le dis, c’est seulement pour mémoire, « entrenous »… Mais si le voyage n’est pas deconquête, une telle clause ne doit pas être nine se veut un empêchement pour la prise depossession de nouvelles terres ou de nouvellesmers, le cas échéant, et afin d’assurer la prio-rité… Un des navires que doit emmener Juande Solís – il continua en changeant de ton eten parlant rapidement – aura une capacité desoixante tonneaux et les deux autres en aurontune de trente tonneaux chacun. Ils emporte-ront au total un équipage de soixante hommeset de quoi subsister pendant deux ans et demi,navigation et relâches comprises(79). Tout celaau vu et au su de la personne que Votre Altessevoudra bien désigner.

— Qui doit être mon répartiteur Juan Lópezde Recalde, de la Casa de Contratación, n’est-ce pas ? – demanda le Roi.

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— C’est bien lui, et Votre Altesse – poursui-vit l’évêque – ne sera pas obligée de payer, nià l’aller ni au retour, des soldes de gens ni quoique ce soit, à part quatre mille ducats que laCasa de Contratación remettra à Solís(80)…

Ce dernier, qui avait recouvré son sang-froid, sourit à son tour, s’exprimant intention-nellement :

— Il va de soi que mon « armateur princi-pal(81) » – et il pesa ces mots – sera toujours lemême grand seigneur dont m’a parlé si souventVotre Altesse…

— Oui, oui – coupa le Roi, un peu grognon.Il va de soi que l’on taira son nom.

— Afin d’éviter des indiscrétions possibles,même de la part des officiers de la Casa deContratación – fit remarquer Lope Conchillos –on établit dans l’accord que cet armateur…(ou ces armateurs…) ne sait pas ni ne doitconnaître la destination du voyage… On ne de-mande rien à qui ne sait rien ou… passe pour

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ne pas le savoir… et d’autant moins lorsque ce« quelqu’un » reste inconnu.

Don Ferdinand acquiesça d’un signe detête.

— De tout ce qu’il plaira à Dieu, Notre Sei-gneur, de donner à Juan Díaz lors de ce voyage– continua Fonseca – le tiers reviendra à SonAltesse, un autre tiers à Juan Díaz et ses arma-teurs, et le dernier tiers aux hommes qui pren-dront part à l’expédition, que ce soit à titre depilotes, d’officiers ou de simples marins.

— Votre Altesse n’a pas encore déterminécomment il faudra répartir ce dernier tiers – fitobserver Solís.

— Vous le répartirez comme bon vous sem-blera et en concertation avec eux – réponditdon Ferdinand.

— Votre Altesse – poursuivit l’évêque –promet de ne pas prélever, à part ce qu’il a étédit, ni « le cinquième royal » ni un quelconqueautre droit…

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— Hormis ce qui se réfère à l’armateur ; ce-la est d’autant plus à l’ordre du jour – dit lepilote – que ce voyage, pour autant qu’il aitlieu…

— Il aura lieu ! – s’exclama don Ferdinand.

— … ne rapportera des bénéfices qu’à lacouronne, puisqu’il s’agit de découverte et qu’ilse fera avec si peu d’investissements – pour-suivit Solís. Je vais seulement ouvrir un grandchemin que, peut-être plus tard, je n’emprunte-rai plus, alors que devenu productif, il ne pour-ra plus l’être pour moi…

— Quelles faveurs souhaitez-vous que jevous accorde ? – demanda le Roi, avec unepointe de lassitude.

— Votre Altesse voudra bien se souvenir– répliqua Solís – que je n’ai sollicité aucune fa-veur, ni voulu consigner ni conclure un accordà ce sujet, car je me fie aveuglément à la bontéde Votre Altesse.

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— Mon pilote principal ne sera pas mécon-tent ni frustré, pas plus qu’il ne l’a été jusqu’àprésent… même s’il laisse voir qu’il ne secontente pas de peu.

Le Roi faisait allusion aux nombreuses fa-veurs déjà accordées à l’exigeant Solís, avecqui, dès le début, il s’était montré d’une excep-tionnelle largesse.

— J’ai tenu les promesses que je vous aifaites – poursuivit don Ferdinand – et je vousferai donner le titre d’Adelantado, pour vouset vos successeurs, pour tout ce que vous dé-couvrirez et assurerez à la couronne, comme,dès à présent, je vous nomme gouverneur àvie et administrateur de justice des terres enquestion. Et, puisque vous m’avez dit avoir unegrande dévotion pour notre saint patronl’Apôtre Jacques, revenez et vous recevrez dema main l’habit de chevalier de son ordre,Saint Jacques de l’épée(82).

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— Je baise les pieds de Votre Altesse pourune telle faveur.

— Notez également, Lope Conchillos, quele salaire de mon pilote principal est augmentéà partir de ce jour, passant à vingt-cinq millemaravédis, et faites-le savoir à ma Casa deContratación.

— Je ferai ce qu’ordonne Votre Altesse – ditLope.

— Mais je suppose – fit remarquerl’évêque – que l’on continuera à en déduire lesdix mille maravédis annuels destinés à laveuve de Vespucci(83).

— Bien entendu – répondit le roi.

— Je vous félicite – dit Conchillos à Solís.Cela vous fait soixante-cinq mille maravédispar an, ce qui équivaut à une rente de grandseigneur.

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— De grand seigneur très pauvre – lui mur-mura à l’oreille le navigateur. Si je ne comptaisque là-dessus…

La conférence dura encore un long momentet Juan Díaz de Solís, rebuté au début, en sortitradieux, se précipita à Logroño et y préparatout afin de partir le lendemain matin.

Et lorsqu’il avait croisé Vasconcelos, qu’ilavait parfaitement reconnu, tout en feignant dene pas le voir, il prenait la direction de l’Èbre,dont il longea la rive droite au galop, pour nes’arrêter qu’à une petite auberge, aux portes deLaguardia, sur la route de Bilbao. Il y atten-dit Francisco de Torres et Diego García de Mo-guer, qui n’arrivèrent qu’à la tombée de la nuit.

— Mais, diantre, que se passe-t-il, et où al-lons-nous dans cette direction, si l’on peut sa-voir, par Saint Diego ! – s’exclama García, queles voyages à cheval, même courts, avaient ledon d’exaspérer, après lui avoir broyé les os.

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— Par ma foi, ces ennuis donnent à pen-ser… et à se gratter ! – ajouta Francisco deTorres, qui, en bon marin, se déplaçait jambesécartées mais pour autant que le dos d’un che-val ne se trouvât pas entre elles.

— Buvons tranquillement un coup – ditSolís, les invitant à entrer dans l’auberge. Lefait est que tout va mal… et que tout évolue àmerveille.

— Le diable te comprenne ! – dit Torres.Tout va mal et tout va bien. Explique-moi ceparadoxe !… Quel est ce mystère et vers où,par tous les diables, nous dirigeons-nous ?

— Pour le moment, vers Bilbao… Et le mys-tère est que le Portugal croit avoir emportéla partie en pipant les dés. Heureusement quenous avions dans notre jeu de meilleures cartespour la revanche.

— Donc, à l’improviste, nous nous empres-sons de nous embarquer pour l’expédition ?…

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— On se calme !… Nous embarquer, oui,mais pas pour le grand voyage… Lui, ce seraune autre paire de manches.

— Le diable s’en serait-il, d’aventure, occu-pé ?

— Il s’y est attaqué mais il n’a pas encorefait naufrage. Nous devons d’abord nous em-barquer à Bilbao, d’où nous gagnerons un portquelconque d’Andalousie. Nous affréterons unnavire de petit tonnage et mettrons le cap surles Canaries.

— Et qu’avons-nous à faire dans ces îlesmaudites ou favorisées par la fortune ? – de-manda Francisco de Torres, d’humeur encoreplus mauvaise.

— Par Saint Diego, pourvu que l’on nedoive pas se déplacer à cheval, tout sera bonpour moi – dit celui de Moguer, résigné.

— Il suffira de gagner encore Bilbao.

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— Ne t’irrite pas d’avance – conseilla Solís,en tapotant de la main l’épaule de son beau-frère.

Et, mettant à profit un moment où Garcías’écartait d’eux, les laissant seuls, le piloteprincipal fut plus explicite :

— En somme – dit-il à Torres, Son Altesseveut simplement tranquilliser le Portugais…L’expédition est suspendue en apparence maisnous devons continuer à la préparer subrepti-cement, sans que personne ne le soupçonne.Une promenade jusqu’aux Canaries n’est pasgrand-chose ; là-bas ou un peu plus loin…nous aurons les instructions et cet ambassa-deur – que Dieu trouble ses pensées ! – seradans la plus grande confusion lorsqu’il ne sau-ra plus rien de moi ou de toi… et il finira pro-bablement par croire abandonné un voyage quin’est que postposé.

— Oui, jusqu’aux calendes grecques.

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— Ne te noie pas en eau peu profonde,mauvais marin !… Je suis sûr de Son Altesse,qui vient de me combler de faveurs, et de pro-messes que ces faveurs renforcent. Quant à toi,tu en tireras certainement profit si tu veux ser-vir le Roi et te fier à ton frère…

— Tu sais combien il m’est désagréabled’avancer dans le brouillard. Mais, après tout,il s’agit de toi et je ne dois pas être davantagerétif cette fois. Mais si tu me disais…

— Je ne te dirai rien tant que le momentne sera pas venu. De la patience et de laconfiance, c’est ce que je te demande et ce que,d’une certaine façon, tu me dois. Appelle lebrave García. Nous devons manger et aller dor-mir aussitôt après, afin d’être frais et dispos de-main et nous rendre d’une traite jusqu’à Vito-ria.

Quand ils arrivèrent à Bilbao, après deux outrois journées pénibles pour Torres et, surtout,pour Diego García de Moguer, leur chance

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voulut qu’une petite galère fût sur le point delever l’ancre à destination de Sanlúcar de Bar-rameda. Moyennant rémunération, le capi-taine, honoré, accepta de les transporter enqualité d’amis. Ils laissèrent les chevaux à unaubergiste, embarquèrent leurs rares bagages,les galériens ramèrent avec brio et le beautemps les accompagna jusqu’à leur destina-tion. À Sanlúcar, Solís quitta ses compagnons,qui prirent une autre route, et il se dirigea versSéville. Il séjourna une semaine entière dansla ville, rendant à plusieurs reprises visite à laCasa de Contratación. Il gagna ensuite Lebrija,comme pour bénéficier d’un repos bien méri-té auprès de son épouse et de ses fils mais, aubout de six ou sept jours, il disparut brusque-ment, sans que personne sût où il était allé.

L’ambassadeur don Juan Mendes de Vas-concelos, alarmé, avait beau demander avecinsistance, à ses agents de Séville et à toutesles personnes qui auraient pu l’informer, desnouvelles concernant le lieu où se trouvait et

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sur ce que faisait le pilote principal du Roi,on ne le découvrit nulle part. Dans un premiertemps, on lui dit que, d’après les officiers dela Casa de Contratación, le navigateur étaiten train de dresser l’inventaire de son navire,la Santa María de la Merced, afin de liquiderles comptes du voyage suspendu ou abandon-né(84). Vasconcelos voulut connaître lemouillage du navire en question, afin de suivreSolís à la trace, mais ses efforts se révélèrentinutiles, de la plus complète inutilité. Il ne sutjamais où se trouvaient ni le pilote ni le navire,jusqu’au moment où, longtemps après, le pre-mier réapparût, fier et satisfait de lui-même,dans la ville loyale et en liesse, où l’écheveauavait été tissé.

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VIII

REVANCHE DE SOLIS

En cette chaude et lumineuse journée del’été 1515, où le ciel ressemblait à une im-mense pierre précieuse, l’atmosphère ausouffle d’une forge et le soleil à cette forge elle-même, trois caravelles entrèrent lentementdans le port de Séville et surgirent en face dela marina, à proximité des deux bâtiments descollecteurs et de la massive Torre del Oro. Le

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mouvement de la marina, où des forçats etdes jeunes miséreux chargeaient des vivres surdeux galères, se fit plus intense et plus animédès que l’on aperçut les navires qui arrivaientde l’aval, cela en raison de l’afflux de gens cu-rieux attirés sur le rivage par les mystérieux etimperceptibles signaux qui convoquent la fouleaux endroits où quelque chose se passe. Et si,du côté de Séville, bourdonnait un essaim tou-jours plus serré et plus nombreux, un autre,moindre, commençait à s’agiter de l’autre côtédu fleuve, près du misérable mais enjoué quar-tier de Triana, dont les masures étaient regrou-pées autour de l’ancienne église gothique deSanta Ana.

Parmi la populace, on retrouvait les éter-nels bien informés qui, depuis que le monde estmonde, trouvent plaisir en satisfaisant la curio-sité d’autrui. Ces derniers disaient que les troisnavires venaient d’être équipés à Lepe pourun long et hasardeux voyage de découverteet de conquête, et qu’ils se rendaient à Sé-

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ville afin de s’y soumettre à l’indispensable for-malité d’inspection par messieurs les officiersroyaux. La destination des caravelles était,d’après les informateurs officieux, peut-être unsecret mais un secret de Polichinelle. Ils se ren-daient aux Moluques et aux Indes, aux richesterres que la Castille possédait sur des mersinconnues et que le roi Manuel du Portugalprétendait lui disputer sans droits. L’expéditionavait été préparée, pendant des années en-tières et dans la plus grande discrétion, afinque les Portugais ne tentent pas de les devan-cer ; elle était patronnée par des gens très puis-sants et très haut placés dont, peut-être, donFerdinand lui-même, et elle devait être com-mandée par un navigateur des plus réputés.

Autour des porte-paroles – hommes de mer,marchands, dont l’échoppe n’était pas ouverte,ou pícaros fiers de l’être, se formaient desgroupes d’auditeurs, avides de nouvelles, et lavive façon andalouse de s’exprimer, pleined’esprit et sonore, leur conférait une touche

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pittoresque. Mais cela n’absorbait pas l’atten-tion au point d’empêcher les curieux de suivredes yeux la manœuvre des caravelles, exécu-tée à grands cris et avec des gestes violents parl’équipage expérimenté. Cet intérêt monta d’uncran lorsque se détacha du flanc du plus granddes navires un canot, dont la rame était empoi-gnée par un homme d’un certain âge, et qui sedirigea vers le débarcadère en pierre, au piedde la Torre del Oro.

— Celui que vous voyez à la poupe du ca-not est le capitaine. Un brave ! Je le connaissur le bout des doigts, même si lui ne meconnaît pas… – disait un vieillard, dont l’em-ploi notoire consistait à demander l’aumôneaux portes de la Giralda ou de San Salvador,qui mangeait la soupe copieuse des couventset qui servait de gazette vivante, tandis queses occupations non avouées s’étendaient auxsecteurs les plus divers et les plus mystérieux,depuis détrousser des bourses jusqu’à manipu-ler des esprits. – Si je le connais – poursuivait-

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il –, bien sûr que je le connais ! Je sais qu’il estun personnage historique et, en outre, qu’il senomme Juan Díaz de Solís.

— Arrête avec ces nouvelles rabâchées !– s’exclama une jeune fille qui avait un œilletdans les cheveux et portait négligemment unemante. – Tout le monde sait à Séville qu’il estrien de moins que le pilote principal et qu’ils’est déjà rendu plusieurs fois aux Indes et àd’autres endroits encore plus lointains !

— Oui, tu dois bien être au courant, jeunetraînée ! – répliqua le mendiant – Il ne passepas dans la ville de braguette que tu neconnaisses et qui ne te connaisse à fond !

— Et j’en suis bien honorée ! – dit la jeunefemme, avec une magnifique désinvolture.

— Juan Díaz de Solís, pilote majeur ! C’estamiral qu’il devrait être, parbleu ! Parce que enmatière de navigation, personne ne lui arriveà la cheville… Et son équipage, diantre, il lechoie parce qu’il est prodigue et que cela ne

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l’effraie pas de payer un coup, quitte à être plusjusticier que don Pedro lui-même, celui de laPadilla(85)… Et, cette fois il va nous rapporterde l’or en abondance de terres que lui seul peutsituer – m’a-t-on dit de source sûre – aussi vraique l’on m’appelle Bras, parbleu !

Parmi ceux qui étaient suspendus à seslèvres, il y avait un gamin en guenilles, quis’était faufilé jusqu’au premier rang du groupe.Vêtu de haillons, les pieds et les jambes nues,sa chemise en lambeaux permettait de voir quesi le soleil andalou lui avait hâlé et tanné levisage ainsi que les extrémités, le reste de sapeau était naturellement doré comme celuid’une pêche. Et, alors que la jeune femme àl’œillet ouvrait la bouche afin de poursuivre ledialogue malicieux avec le mendiant, le jeunegamin mit son grain de sel dans la conversa-tion en demandant, avec une langue bien pen-due :

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— Et dis-nous, précieux Bras, commentdoit-on procéder pour accompagner cet ami-ral ?

— Holà, moutard ! Tu veux donc, toi aussi,partir à la découverte de terres ! Voyez-moi,vos seigneuries, cette face de petit gitan ! Tire-toi de là, épouvantail, et dis à ta mère qu’elleessuie le lait qui t’est resté sur les lèvres !

— Pardon, votre seigneurie et grand-père !– s’exclama le garçonnet, en se mettant lesmains sur les hanches – À votre âge, votre sei-gneurie doit déjà avoir découvert plus de terresqu’Amerigo Vespucchi lui-même et être un in-time du Prêtre Jean… Voilà pourquoi ce de-vrait être possible pour moi…

Irrité, le vieil homme levait la main pourlui coller une gifle, quand il se produisit un re-mous dans la foule et l’enfant fit une feinte decorps, se lançant en direction de Solís qui, à cetinstant, sautait à bas du canot, suivi par deuxhommes, de toutes évidences des marins : l’un,

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rustaud et mal fagoté ; l’autre, avec des ma-nières d’hidalgo même s’il était également hâlépar les vents et le soleil. Ils se frayèrent un che-min, jouant des coudes, afin que les curieuxne les touchent pas, le garçonnet ajustant, enles allongeant, ses pas à ceux des trois per-sonnages, remerciant d’un signe de tête pourles exclamations flatteuses, affectueuses ou fa-cétieuses qui saluaient les navigateurs, commesi elles lui étaient adressées. Ils furent nom-breux ceux qui formèrent un cortège bruyantet agité, sans que les trois marins parussentle remarquer car c’est en conversant amicale-ment qu’ils entrèrent dans Séville par les Ata-razanas et qu’ils prirent le chemin de la Casade Contratación de las Indias, installée dans levieil Alcázar. La suite s’émietta en quittant lamarina et, seuls, atteignirent l’Alcázar le vieuxmendiant, la jeune femme et le jeune garçonen guenilles. Fasciné, ce dernier suivait les na-vigateurs et, lorsqu’il les vit s’arrêter devant leportail morisque de la Casa de Contratación, ilalla se jucher sur une borne qui lui faisait face

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et guetta, un doigt dans le nez et les jambespendant dans le vide.

— N’entres-tu pas avec moi ? – demandaSolís à celui qui avait un air d’hidalgo – Noussommes en face de la cage aux fauves quirêvent de me dévorer.

— Très peu pour moi ! – répliqua l’autre enriant – Diego García et moi allons, pendant cetemps, chercher le peu d’hommes qui nousmanquent.

— Que Dieu soit alors avec vous – dit Solís.Nous nous retrouverons à bord avant la tom-bée de la nuit.

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— Et c’est là que l’on saura le résultat de larencontre, s’il reste des queues à compter.

Et tandis que Solís pénétrait dans la Casade Contratación, Torres et García mirent le capsur la vieille et sale rue de la Cabeza del ReyDon Pedro. Le gamin, qui semblait perplexe envoyant qu’ils se séparaient, dut avoir pris unerésolution parce qu’il sauta à bas de la borne etse mit à suivre les deux hommes, jouant avecun bout de bois sur les grilles saillantes des fe-nêtres. Il avait conçu un plan, bien que vague,car il fit une grimace de dépit en les voyant dis-paraître dans une taverne obscure et sentant levinaigre, habituel refuge de marins qui n’avaitpas de bateau sur lequel s’embarquer.

Depuis qu’il était arrivé de Cadix, non sansdifficultés et soucis, mendiant, maraudant,fuyant les compagnies d’archers de la Sainte-Hermandad, soit en empruntant les routes, soiten longeant la berge du Guadalquivir, presquetoujours à pieds, parfois à bord de barquescharriant du poisson, il rêvait sans cesse des

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aventures merveilleuses, d’incomparable gran-deur, qui débutaient à Séville pour se déroulerensuite dans l’éblouissement des Indes en-chantées. Il devait forcément rencontrer celuiqui l’emmènerait, comme écuyer, comme do-mestique, voire comme chien, à la découverteet à la conquête des pays de l’or et de l’oisiveté,d’où le plus misérable revient seigneur. Et,dans le pire des cas, s’il ne trouvait pas celuiqui le protégerait, il avait décidé de se glisserfurtivement dans la cale de n’importe quellecaravelle sur le point de lever l’ancre et d’yrester tapi et silencieux, malgré l’obscurité, lasoif et la faim, jusqu’au moment où il sentirait– et ce serait au mouvement – que le vaisseaunaviguait en haute mer, loin de tout port, enroute vers les terres promises. La passion ro-manesque, dominant Espagnols et Portugais,navigateurs insignes, aventuriers résolus,conquérants sans attaches et sans entraves,s’emparait des grands et des petits, et mêmeles petits garçons rêvaient de devenir d’autresColomb, Cortez(86) ou Balboa, et d’accéder à

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la grandeur grâce au courage, à l’audace et auxefforts, sans reculer devant les dangers et leséchecs, que l’imagination ne leur dépeignaitpas. Et, pour le conquérant juvénile, la pirate-rie elle-même était un incitant supplémentairecar, que savait-il ou pouvait-il savoir de la mo-rale, étant né et ayant grandi en vagabondantà Cadix, près d’Almadraba où, quand c’était lasaison, il assistait à la pêche au thon, vaga-bondant jusqu’aux puits de la Jara, où on nemanquait jamais de tenir une réunion bruyanteet enjouée, vagabondant de la plage de la Ca-leta au Port, du hameau d’Hercule aux Are-nales de la Isla ? En revanche, il avait écouté etconnaissait par cœur des récits prodigieux devoyages et prouesses, de tueries et de cruau-tés, qui l’enflammaient et exaltaient son cer-veau.

Quelque instants plus tôt, à la marina, ilavait avidement prêté l’oreille au bonhommeBras qui, exagérant avec ardeur, racontait à lajeune femme portant négligemment une mante

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l’histoire romanesque de Solís : meurtrier desa première épouse, là-bas au Portugal, pourune jalousie justifiée ; fameux buveur ; piloteincomparable ; homme capable de défier la Ca-sa da Guiné et le Roi du Portugal(87) lui-mêmecar, entre corsaire et pirate, il s’était rembourséles centaines de cruzados qu’on lui devait (etun peu plus, à titre de prime) en s’emparantd’une caravelle portugaise… Et à présent le roiManuel(88) et son ambassadeur le suppliaientà genoux de reprendre du service au Portugal,avec des rentes de prince et davantage de pri-vilèges qu’un potentat… Mais rien à faire !Solís n’était pas homme à accourir à un tel ap-pel…

Le garçonnet ne savait ni lire ni écrire, nepouvait faire la distinction entre le bien et lemal, mais il savait rêver… Oh ! Il ne se laissaitarrêter par rien, passait allègrement de l’homi-cide à la rébellion, de la rébellion à la piraterie,et il finissait par s’imposer par l’audace et l’in-géniosité jusqu’à atteindre les mêmes sommets

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(ou de plus hauts) que Solís… Le tout était decommencer.

Ces rêveries guidaient son idée fixe : parleraux hommes qui remontaient la rue devant lui.Lorsqu’ils disparurent tous deux, dans la ta-verne, il se réveilla en sursaut.

— Tu n’as pas de chance, Paquillo ! Non, tun’as décidément pas de chance ! – dit-il à seshaillons.

Il lui aurait été difficile d’expliquer la raisonde sa plainte car il pouvait très bien attendrejusqu’à ce que ceux de la taverne ressortentmais, sans s’arrêter à de telles considérations,il se mit à courir vers le port, appelé par le sou-venir du fleuve et des caravelles.

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Solís, dans l’intervalle, pestait égalementdans son for intérieur pour sa poisse car, à laCasa de Contratación, n’était visible que le seulPedro de Isásaga, un des officiers qui le com-

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battaient avec le plus d’acharnement. Il auraitpréféré avoir affaire au répartiteur, López deRecalde, ou au trésorier, le docteur Sancho deMatienzo, en qui il croyait avoir deux soutiens,voire deux amis. Mais il ne se déroba pas de-vant un choc pour lequel il était préparé ; il te-nait en mains de quoi contrecarrer et vaincreIsásaga et beaucoup d’autres animosités. DonFerdinand continuait à lui donner des preuvesde confiance, comme s’il se moquait du roi

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Manuel et de son ambassadeur et, même sice dernier semblait avoir débauché quelques-uns des officiers de la Casa de Contratación,Solís disposait de plus de cordes à son arc quen’importe quel autre pilote principal avant lui,précisément au moment où ses ennemis tapisdans l’ombre voulaient le rendre suspect d’in-clination pour le Portugal et, seuls, lui, l’évêqueJuan Rodríguez de Fonseca et le secrétaireLope de Conchillos, connaissaient les véri-tables intentions de Son Altesse. Et qu’avaitfait Don Ferdinand en apprenant les accusa-tions de trahison, fantasques et peut-être in-téressées ?… Eh bien, hausser les épaules, enparler à Solís lui-même et ensuite endormir lesofficiers, les chargeant de mener une enquêtedans la plus grande discrétion et de lui en com-muniquer les résultats… comme la fois précé-dente, lors du voyage en compagnie de YáñezPinzón(89).

— Quels bons vents amènent ici monsieurJoao Dias ? – demanda Pedro de Isásaga en le

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voyant, optant insidieusement pour la pronon-ciation portugaise.

— Dieu préserve Don Pedro de Isásaga ! –répondit Solis, saluant avec une politesse exa-gérée le petit vieillard desséché à la face devinaigre. Ces bons vents soufflent sur des plisque Son Altesse m’a adressés personnellementà Lepe, où je préparais ma nouvelle flottille.

— Félicitations ! – murmura de mauvaisegrâce le rigide officier, pendant que Solís ex-trayait de ses habits et brandissait comme uneépée un rouleau dont pendait le sceau royal.

— Votre excellence veut-elle les passer enrevue ? – demanda le navigateur… Vous verrezque Don Fernando, notre seigneur, sait rendrejustice… et ne la refuse pas à cet humble vas-sal.

La main d’Isásaga tremblait en prenant lesplis, car il pressentait quelque chose de fortdésagréable. Mais il sembla se tranquilliser dèsqu’il lut le premier pli.

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— Nous avions déjà connaissance de cetteordonnance royale nommant, en votre ab-sence, votre frère Francisco de Çoto piloteprincipal par intérim(90), dit-il froidement, etles dispositions sont prises pour accomplir lavolonté de Son Altesse. J’ajouterai seulementavec le respect dû que, de l’avis nombreusespersonnes, Son Altesse aurait pu poser lesyeux sur quelqu’un dont les services et les mé-rites étaient plus grands… Peut-être setrompent-ils parce que, dans le passé, tant DonFerdinand que Doña Isabelle – qu’elle soit dansla gloire des cieux ! –, étaient particulièrementavisés pour les nominations.

— Pour celle de votre excellence, « verbigratia » – répliqua sournoisement Solís. Heu-reusement pour votre excellence, Son Altessen’apprendra pas de ma bouche ces commen-taires sur ses ordres royaux… Mais votre ex-cellence accueillera sans doute avec une plusgrande satisfaction la lecture de l’autre pli…

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Au fur et à mesure qu’il lisait, Isásaga chan-geait de couleur ; il devint jaune, ensuite vert,se redressant violemment en quittant son fau-teuil, et il finit par s’exclamer, se contenant pé-niblement :

— En tant que serviteurs loyaux de Son Al-tesse, préservant jalousement les intérêts duRoyaume, nous n’avons point mérité, non,nous n’avons pas mérité un semblable camou-flet… Mais le proverbe latin(91) dit que Dieuaveugle celui qu’il veut perdre…

Pendant un moment, la colère parut trans-former le pygmée en géant.

— Vos paroles dépassent sans doute votrepensée et ce n’est pas, non plus, à moi de lesrépéter – dit Solís, en prenant avec imperti-nence un siège qu’Isásaga ne lui avait pas of-fert. Mais le Roi, notre seigneur, n’inflige ja-mais de camouflet à personne, et je ne voispas comment il pourrait se perdre en ordon-

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nant que l’on me traite comme je le mérite etqu’on le fasse en toute hâte…

— S’il ne s’agissait que de cela ! – grognal’officier en écumant de rage.

— Allons ! Le reste n’a pas d’importance –s’exclama Solís, avec une légèreté feinte. JuanLópez de Recalde est mon ami, Don Ferdinandle sait, il a confiance en lui et Dieu fasse qu’ilne se trompe pas quand il pense que personnemieux que lui ne pourra m’aider à préparermon voyage. C’est pourquoi et pour aucuneautre raison qu’il ordonne que lui seul s’occupede moi et y apporte « le plus grand soin pos-sible(92) ».

Isásaga gardait le silence en essayant de semaîtriser et Solís, qui avait marqué une pause,continua avec espièglerie :

— Mais il n’y a pas à se méprendre quantaux intentions de Son Altesse… Elle est loinde mépriser les autres officiers de la Casa deContratación à qui, si je n’ai pas mal entendu,

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la fin de l’ordonnance royale recommande, nonau seul Recalde mais bien à tous, de me veniren aide avec « beaucoup d’amour » (et Solís in-sista bien sur ces mots), car Elle me tient pourun bon et loyal serviteur… Et cela va tellementà l’encontre de ce que murmurent les mau-vaises langues concernant les relations portu-gaises de « Joao Dias », comme dit votre ex-cellence avec tant de grâce… Son Altesse faitles mêmes recommandations, tout particuliè-rement, au trésorier Matienzo, qui m’honoreégalement de son amitié, et ce dans un pliséparé que je dois lui remettre en mainpropre(93)… Si je suis indiscret en disant cela,que Dieu me le pardonne, car je le fais seule-ment pour être agréable à votre excellence…

Solís avait été très loin afin que le petitet irascible Isásaga ne pût pas prendre sa re-vanche. Mais il en trouva une dans le docu-ment qu’il continuait à examiner, parce qu’ileut un sourire aigre pendant qu’il disait avecune sérénité affectée :

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— À présent, je trouve la clef et elle m’ex-plique tout parfaitement ! Son Altesse sait dequoi il retourne et prend ses précautions.Grand Roi que le nôtre ! Mais il faut le lireentre les lignes et cela devient alors clair… Jelis ici, en ce qui vous concerne, Joao Dias : « sacondition est celle que vous savez ». Un peuque nous la connaissons !… Ne jetez donc pastant de fumée pour une ordonnance royale qui,en somme…

— Qui, en somme – l’interrompit violem-ment Solís – me libère absolument et à jamaisde votre juridiction, malgré vous, malgré DonManuel et malgré Vasconcelos…

— Avez-vous bu, Joao Dias ? – s’écria Isá-saga avec un mépris furieux. Ce n’est qu’enétant ivre que vous pouvez oublier que, d’aprèsles ordonnances et règlements, des officiersroyaux nommés par nous, par nous-mêmes, niplus ni moins, doivent accompagner toute ex-pédition pour les Indes, afin que la Casa deContratación ait un œil sur tout ce qui se fera

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ainsi que la faculté d’empêcher et de sanction-ner les manquements…

— Votre excellence, à ce que je vois, affec-tionne les cancans et aime les alimenter – ré-pliqua Solís avec une sérénité glaciale. Quej’aie bu ou pas, peu importe ; dans l’un oul’autre cas je n’avais pas besoin de la cautionde votre excellence… Mais un élément n’aurapas échappé à la perspicacité de votre excel-lence : Son Altesse peut fort bien nommer cesofficiers, chargés de factorerie ou notaires,sans le concours de la Casa de Contratación…

— Le Roi ne l’a jamais fait…

— Il faut un début à tout ; celle-ci sera lapremière fois… Ne le prenez pas mal, don Pe-dro… Mon expédition est plutôt modeste, sion la compare aux importants navires et équi-pages avec lesquels d’autres sont parties, maisSon Altesse attend beaucoup d’elle. Elle n’arien voulu laisser au hasard, et encore moinslivré aux caprices de gens qui – je ne le dis

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pas pour votre excellence – pourvu qu’ils menuisent, n’hésiteraient pas, quitte à nuire ànotre roi, à le faire au bénéfice du Portugal…Ce que l’on dit à tort de moi, on pourrait ledire à juste titre d’autres qui feignent d’être degrands ennemis de don Manuel afin de mieuxle servir.

— Insinuations ! Odieuses calomnies !

— Que votre excellence ne le prenne pas àcœur comme si cela la concernait.

Don Pedro le regarda comme s’il voulait lefoudroyer et, avec une intention blessante, ildit lentement et sentencieusement :

— Je n’ai pas besoin, moi, de me faire par-donner des délits capitaux.

— Vous vous écartez du sujet pour en re-venir aux médisances – répliqua Solis, impas-sible. Revenons-en à nos moutons. Le fait estque Son Altesse a déjà nommé mon ami Pedrode Alarcón répartiteur et notaire de la flottilleet, chargé de la factorerie, mon ami Francisco

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de Marquina(94), des gens d’une honnêteté etd’une loyauté au-dessus de tout soupçon, quine me feront pas de cadeaux pour autant maisqui ne me nuiront pas non plus… Bref, ma-nœuvres et fourberies n’ont pas réussi à duperSon Altesse. Le roi don Ferdinand sait bienque, pendant que Vasconcelos et ses hommesde main cherchent à me discréditer – c’est enayant une idée derrière la tête, vous entendezbien, don Pedro, le roi don Manuel, se servantdu même Vasconcelos, veut me débaucherpour son service à coups d’honneurs et de fa-veurs, mais il n’y est pas parvenu et n’y par-viendra pas, même s’il m’offrait la gloire éter-nelle…

Le petit vieillard aigri le coupa de façon sar-castique, hachant les mots comme s’il riait :

— Est-ce cela… que vous utilisiez habituel-lement comme appât afin de pêcher des fa-veurs toujours plus importantes ?… Oui, cedoit être cela !… « Le Roi du Portugal m’offreautant !… Le Roi du Portugal veut me donner

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beaucoup plus ! »… Comme si je l’enten-dais !… Et c’est ainsi que vous aurez obtenu les« llanos de Huerta y Acecal y del Hardal » à lalimite de Lebrija(95)…

— Ce n’est pas du tout cela – répliqua Solístranquillement, affectant la modestie, afin derenvoyer la moquerie avec plus de venin.Notre seigneur don Ferdinand n’aime pas qu’onlui impose quoi que ce soit, moi moins que qui-conque… Mais, bien que je ne le mérite pas,Son Altesse a dit bien clairement – et les plisse trouvent ici même, à Séville – qu’il m’accor-dait cette faveur « parce qu’il m’a beaucoup ser-vi et me sert continuellement, et qu’il a subi unpréjudice dans une prison alors qu’il n’était pascoupable(96). Hé, don Pedro de mon cœur ! –alors qu’il n’était pas coupable ». Mais vous de-vez connaître la lettre de Son Altesse au pre-mier magistrat de cette ville où l’on lit ce queje dis…

— Un autre cas où vous n’étiez probable-ment pas non plus demandeur – insista Isásaga

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d’un ton méprisant, l’année précédente, onvous attribua les biens qu’avait laissés Antónde San Gil, après s’être donné la mort, à Carbo-nera la Mayor(97)…

— Le malheureux s’est pendu, c’est bienvrai – répondit Solís, imperturbable, et Son Al-tesse, de la Cámara y Fisco à qui passaient cesbiens, me les transféra, m’écrivant, cette foisaussi, qu’Elle le faisait « eu égard aux servicesque vous m’avez rendus et me rendez continuelle-ment(98) »…

— Pauvre (ou riche) opiniâtre !… Et dansvotre soif insatiable, vous en êtes arrivé, il n’y apas longtemps, à lui demander la maison de to-lérance de Ségovie(99), qui était vacante – s’ex-clama Isásaga, désormais hors de lui, oubliantle prestige lié à votre charge de pilote princi-pal !…

— Y prétendiez-vous également ? – deman-da Solís de l’air le plus candide qu’il put. Si jel’avais obtenue, j’aurais été au regret d’avoir

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marché sur vos plates-bandes… Parce qu’il n’yavait rien de mal ni de déshonorable à la solli-citer. Je connais des grands seigneurs qui n’ontpas de scrupule à recevoir des gages ou desrentes de telles maisons, dont Son Altesse elle-même décide de la gestion, et si je n’ai pas ob-tenu celle que je sollicitais ce fut simplementparce qu’un plus puissant m’a damé le pion…Mais cela ne m’afflige pas. Le Roi saura, à titrede compensation, m’accorder de plus grandesfaveurs, sans que j’aie à les lui demander…

Illogique parce qu’il était furieux, Isásagavenait de se relever, écartant son fauteuil en lebousculant, et il disait, en bredouillant :

— Je ne comprends pas, sinon en pensantà vos excès, pourquoi vous m’importunez avecde telles histoires, alors que vous savez trèsbien que je n’ai rien à y voir !…

Solís se leva lui aussi et, prenant appuid’une main sur le dos de sa chaise, tandis quel’autre balançait en cadence son couvre-chef, il

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dit sur un ton jovial et comme s’il répétait desphrases apprises :

— Si j’ai raconté à votre excellence ces his-toires, mon seigneur don Pedro, c’était unique-ment pour témoigner ma gratitude à votre per-sonne et à l’un ou l’autre de vos dignes com-pagnons de cette Casa de Contratación. Vousavez, eux et vous, tenté de me rendre tantde services auprès de Son Altesse, vous avezfait tant de recommandations de mes humblesqualités, vous avez porté à ses royales oreillestant de nouvelles me concernant, que Son Al-tesse, finalement convaincue de mérites quevous m’attribuiez et que je n’ai pas, me comblede faveurs, non seulement celles que vous avezsi pertinemment rappelées, mais quelquesautres que vous ne savez pas, comme cellesqu’Elle me promet lors de mon retour, dans sagrande libéralité, des honneurs dont je n’avaisjamais rêvé… Ah ! s’il n’y avait eu les efforts devotre excellence et de ses vénérables compa-gnons, peut-être Son Altesse aurait-Elle encore

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ignoré mes indignes mérites… Mais votre ex-cellence n’a pas rendu service à un ingrat !…Ni à un importun non plus… Je ne veux pascontinuer à ennuyer votre excellence… QueDieu vous garde !

La petite personne de don Pedro Isásagaretomba, effondrée, dans son fauteuil, commeune loque humaine, mettant longtemps à re-couvrer ses esprits. Vasconcelos avait écrit àdon Manuel que Solís était insupportable d’or-gueil et de violence ; imaginez ce qu’il auraitécrit à propos d’Isásaga, s’il l’avait pu !…

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IX

UN ASPIRANT À LA GLOIRE ET ÀLA FORTUNE

Entretemps, le garçonnet qui avait suivi lesmarins était déjà depuis un bon moment dansle port et, assis à l’ombre d’un canot à radou-ber, il n’écartait pas les yeux des caravellesqui, à faible distance, tanguaient sous l’impul-sion du lent courant et de la brise rafraîchis-sante, ni d’un autre navire, plus éloigné, désar-mé et comme endormi, faisant peu de cas desgroupes d’hommes et de femmes, curieux, quiaccouraient pour les voir, ni des marins quicommentaient leur coupe et leur mâture. Les

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caravelles avaient des coques noires, calfatéesavec du suif et du goudron, et leurs mâts, as-sujettis par des haubans, leur donnaient un as-pect de lourdeur que ne suffisait pas à allégerla coupe fine des œuvres vives(100). Les yeuxdu garçonnet se promenaient du château avant(de proue) au château arrière (de poupe), ad-mirant ces hautes constructions en bois, quise dressaient et saillaient de part et d’autre,avec leurs grands œils-de-bœuf, et les navireslui semblaient être de splendides palais où l’ondevait passer une vie agréable tandis que l’onpartait à la conquête des terres de l’or, despierres précieuses, des animaux étranges, desoiseaux multicolores. Il contemplait ensuite,envoûté, les mâts dressés, les cordages enche-vêtrés, les gréements goudronnés, le cabestanpansu, les échelles de corde qui pendaient etoscillaient, et chaque détail était pour lui unnouvel objet d’émerveillement religieux.

Quelques années avaient suffi, après le pre-mier voyage de Christophe Colomb, pour que

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diminuent, sans s’évanouir complètement, lesterreurs superstitieuses que cette Mer Téné-breuse inspirait à l’imagination médiévale, mersillonnée – disait-on – par des courants bitu-mineux et saturée de vapeurs méphitiques quirendaient l’air irrespirable, tandis que de ter-ribles monstres guettaient le marin audacieuxpour le dévorer dès qu’il pénétrerait dans leursdomaines.

Désormais, lorsque se préparait une nou-velle expédition, les hommes de mer ne cou-raient plus se cacher dans un endroit où lesagents du Roi ne pourraient pas les trouver afind’échapper au service forcé, et il ne fallait plusréquisitionner par la violence les pilotes afin

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qu’ils embarquent, ni recruter l’équipage par-mi des délinquants, des repris de justice et desgalériens. Le retour triomphal de ChristopheColomb depuis Palos jusqu’à Barcelone, où lesrois(101) le traitèrent presque d’égal à égal, lesIndiens captifs vêtus de plumes criardes, lespépites d’or et les sables aurifères, les colliersde perles, les parures et les bijoux d’une sin-gulière richesse et d’un aspect inédit, les oi-seaux que l’on portait dans le cortège commedes ornements vivants, tout cela, grandi parl’imagination populaire, avait totalement chan-gé le vieux concept de la mer mystérieuse etmenaçante. Les récits des navigateurs, van-tards, qui revenaient des Indes, étaient ampli-fiés de façon fantastique en passant de boucheà oreilles ; et s’ils étaient encore nombreuxceux qui, plus que la mort, craignaient encoreles hasards de l’inconnu, chez beaucoupd’autres l’ambition surpassait la crainte, alorsque pour quelques-uns le danger était, tout auplus – si pas un incitant , dans le pire des cas,analogue à celui que l’on court en se rendant

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en Orient par les voies habituelles ou en na-viguant sur les mers toujours tempêtueuses del’ouest de l’Europe. On ne manquait donc pasde volontaires pour les nouvelles expéditionset les capitaines pouvaient choisir à leur aiseparmi des marins rôdés par le long et rude ap-prentissage à bord des audacieuses flottilles decommerce.

Des récits tronqués mais marquants, desprodiges que recèle et défend la mer, étaientdonc parvenus aux oreilles du petit admirateurstatique des caravelles, enflammant son cer-veau de treize ans, là-bas à Cadix et à El Puer-to, et ensuite lorsqu’il vagabondait dans Trianaen prenant un bain de soleil sur les rives duGuadalquivir, ou lorsque, aux portes ducouvent de Santa Clara, il attendait en bavar-

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dant et en écoutant que le frère convers ap-paraisse avec son grand chaudron débordantde brouet pour les mendiants et les filous quivenaient solliciter à midi. Depuis, il ne vivaitplus qu’avec l’idée de se lancer, lui aussi, à laconquête comme la multitude d’hidalgos rui-nés, de soldats déguenillés, d’aventuriers sansscrupules, qui importunaient les capitaines afinqu’ils les emmènent avec eux, jusqu’en enfer lecas échéant, pourvu qu’ils en revinssent avecdes rentes. Énergiques et audacieux, les plusénergiques et audacieux d’Espagne et du Por-tugal, s’en allaient, généralement, comme unehorde d’invasion, animée par un esprit destruc-teur, commettre dans les Indes des atrocitésinénarrables(102), mais également, ils allaient,sans y penser, y semer l’héroïsme et actionnerl’élan instinctif vers un avenir meilleur.

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Absorbé dans sa contemplation et dans sesrêves, le garçonnet sembla se réveiller soudainet il se redressa à moitié : deux personnes par-laient près de lui et leur conversation l’inté-ressa dès les premières paroles. Il écouta sansbouger, afin qu’elles ne remarquent pas sa pré-sence :

— Cette caravelle-là – disait l’une – est lenavire du capitaine. Comme tu le vois, elle estéquipée d’une voile latine à chacun des deuxmâts et elle peut remonter au vent en cinq ousix quarts, ce qui lui permet, si l’on ne naviguepas de conserve, de parcourir moins de dis-tance que les autres pour atteindre le mêmepoint. Celle-là est portugaise et les deux autres

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sont espagnoles – même si la première est aus-si espagnole que les autres : ce sont des nomsqu’on leur donne.

— Regarde à présent les deux caravelles es-pagnoles, qui sont équipées de façon mixte : devoiles de proue carrées et de voiles de poupelatines. Mais c’est la caravelle portugaise quiest le plus fin voilier.

— Reconnais que tu vas être bien à l’aise àbord, Rodrigo – dit l’autre.

— À Dieu vat ! Mieux que sur terre, surtoutlorsque l’on doit aller au galop de Logroño àBilbao, comme j’ai dû le faire il y a trois ans,pour suivre le capitaine… Quand j’aurai finimon quart et s’il n’y a rien de neuf, je pendraimon hamac, me glisserai sous ma couvertureet dormirai comme un loir, bercé comme àl’époque du berceau par ma sainte mère – pourqui j’étais beau comme un petit ange, malgréle visage ingrat qu’elle et Dieu m’ont donné –,

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mère qui m’endormait en me chantant une ber-ceuse…

— Le travail ne sera pas trop pénible…

— Pas du tout ! Tu sais très bien que, à partles bourrasques, les entrées et sorties de ports,ainsi que les écueils et brisants – il faut alorsavoir de bonnes mains, de bonnes jambes et demeilleurs yeux, c’est à bord plus calme qu’à lacour du roi catholique, qui voyage toujours parmonts et par vaux, sans avoir sa maison sousses pieds, comme nous. Et que de bonnes pe-tites siestes, et quelles veillées, dis donc ! Lors-qu’on tape la carte ou que l’on chante en chœurles chants de la terre et que l’on raconte deshistoires épouvantables qui donnent la chair depoule aux moins tendres.

— Et pour ce qui est des provisions debouche, comment ferez-vous ?

— Il n’y a pas de problèmes. Ce n’est pas laviande salée qui manque – de bœuf, de porc –et il y a aussi de la viande séchée, de la morue,

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des haricots et d’autres légumes secs, des bis-cuits, du vin doux au gosier… et tout en abon-dance, de quoi bien tuer la faim et la soif, pascomme une bouillie qui nous laisse sur notrefaim(103)… En revanche, l’eau dans les réci-pients ou citernes, malgré tous nos soins, de-vient épaisse, corrompue et saumâtre… mais,tout comme il n’y a pas de faim que n’assou-visse du pain dur, il n’y a pas de soif quen’étanche une eau imbuvable… Pourvu qu’il yait assez de vin jusqu’au bout, n’est-ce pas ?…Bref, les pauvres gens souffrent plus sur laterre ferme que nous sur la mer et eux n’ontpas l’espoir que leur sort s’améliore. Sur terreaussi, on souffre de la faim.

— Tellement, monsieur le marin ! – s’excla-ma le garçon sans pouvoir se retenir et il se mitdebout, portant la main à une loque qu’il avaitsur la tête en guise de béret.

— Salut ! D’où sortez-vous, monsieur le tê-tard ? – demanda Rodrigo, le marin-écuyer deSolís, car il était l’un des interlocuteurs.

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— Je sors d’une faim pour retomber dansune autre, monsieur le navigateur… – réponditavec effronterie le garçonnet.

En voyant que Rodrigo souriait, ce qui mitfin à la peur que son visage ingrat aurait pu luiinspirer, il trouva l’audace de continuer :

— Si vous pouviez me faire la faveur, mon-sieur le navigateur, de me dire ce que doit faireune « personne » qui veut s’embarquer pourpartir à la découverte de terres et de trésors,par Dieu, je vous en serais reconnaissant !

— Sacré nom ! Il ne manque pas d’impu-dence, le morveux ! – s’exclama le troisièmepersonnage.

— Ah, monsieur ! Que votre excellence mepardonne, mais je préfère un coup de bâton àl’attitude où l’on ne daigne pas me répondre…Je grandirais au cours du voyage, aussi courtsoit-il ; et, pour ce qui est de la bonne volonté,il n’est pas besoin de barbe…

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— Belle répartie ! – dit en riant Rodrigo.Comment t’appelles-tu, Goliath ?

— Non, pas Goliath. Je n’ai rien d’un géant.Mais bien Francisco, Paco, Paquillo, Frasco ouFrasquillo, comme il plaira à votre seigneurie,car c’est ce que tous disent, et cela meconvient…

— Francisco, tout court ?

— Pas plus long… Cela doit venir du faitque je n’ai connu ni père ni mère.

Et comme s’ils l’invitaient à le faire, le gar-çonnet, babillard, raconta en zézayant :

— On dit – mais ce doit être exagéré – quel’on m’a trouvé dans un dépotoir de PuertoReal, près de Cadix, enveloppé dans une la-vette, pas dans des langes de Hollande, ce quirépondait à la question de savoir si j’étais oupas fils de princes… De vieilles personnes de-mandant l’aumône me recueillirent et firent ensorte que, plus tard, je puisse les aider mais,alors que je commençais à leur témoigner ma

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gratitude, leur travail n’étant pas compliqué,elles moururent des suites des misères pas-sées… Je me suis alors élevé moi-même, plusdans les eaux de la baie que sur terre, faisantmême, une fois, office de marin à la Almadra-ba…

— Belle graine de marin…

— Il y en a d’autres… Mais un coup derame ne me fait vraiment pas peur et le patron-pêcheur avait l’habitude de me confier des ma-nœuvres plus difficiles.

— Et maintenant, te croyant devenu unloup de mer, tu veux te risquer sur la grandemare, marin d’eau douce ?

— Salée, elle était bel et bien salée l’eau deCadix, car c’est à Cadix que se trouve le selque Dieu a créé… Car, afin de traverser cettemare, comme dit votre grâce, je suis venu delà, à pied comme un hidalgo, me disant : enavant, en avant ! C’est là-bas que t’attend unetable avec le couvert… pourvu que tu puisses

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embarquer à bord d’une de ces flottes arméesde la Castille de l’Or ou vers une autre des-tination. Je me suis dit que j’aurais le tempsde manger et de m’empiffrer et, plus tard, degaver tous ceux qui s’approcheraient de moi…Donc, si votre grâce veut m’emmener avecelle, je la servirais volontiers et ferais danserl’eau devant elle, veillant à son intérêt et à sacollation avant les miens…

— Si tu as autant d’audace que ta langueest bien pendue, tu es un brave, Paquillo – ditle marin, fort amusé par le bagou du gamin.Et, voulant poursuivre l’amusement, il ajouta :— Mais je ne peux pas exaucer la moitié de tessouhaits. En revanche, je vais te fournir une in-formation : voici qu’arrive justement une per-sonne qui, si tu entres dans ses grâces, peutd’un coup te faire chef, ou pas beaucoupmoins, de la flottille et Adelantado, ou quelquetitre analogue, de l’une ou l’autre terre quenous découvrirons.

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Paquillo tourna la tête et vit que s’avançaitvers eux le plus robuste des marins qu’il avaitsuivis quelques heures plus tôt.

— Qui est ce gentilhomme ? – demanda-t-ilanxieusement.

— Il n’est pas gentilhomme – répliqua Ro-drigo – mais un navigateur, et des meilleurs.Il s’appelle Diego García et, méritant de com-mander des escadres, il est celui qui com-mande nos équipages, comme quartier-maître,fort content de servir le capitaine général qui,de son côté, mériterait d’être roi, pour lemoins…

À peine García fut-il près d’eux qu’il deman-da, d’une voix tonnante, tout en postillonnant :

— Savez-vous si don Juan a déjà embar-qué ?

— Il n’est pas encore arrivé – répondit Ro-drigo. Je suis en train de l’attendre avec le ca-not et les hommes, car je dois le ramener àbord.

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Pendant ce temps, Paquillo regardait fixe-ment García, se dressant sur la pointe despieds et s’approchant de lui, comme magnéti-sé.

— Hors de mon chemin, moutard ! – s’ex-clama le quartier-maître, le bousculant avecrudesse sans le vouloir mais avec une telledouceur qu’il l’envoya presque rouler à terre.Par Saint-Jacques ! Qui a placé sur ma routecet avorton, fruit des amours de Belzébuth etd’une gitane ?

Réprimant mal son rire, Rodrigo fit part àson chef des prétentions du garçonnet.

— Tu dois encore manger beaucoup desoupe – dit García en haussant les épaules eten lui tournant le dos – avant de pouvoir ma-nœuvrer une drisse, animalcule… Embarque,Rodrigo, car je dois, moi aussi, me rendre àbord.

Le marin courut au canot sans prendrecongé de son ami, si grande était l’emprise de

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García sur son équipage. Le gamin, inconso-lable, erra dans le port et, un peu plus tard,revint s’asseoir en face des caravelles… Dansson cerveau infantile se bousculaient, dansl’intervalle, les plus extravagantes idées, ten-dant toutes à se faire enrôler dans la flottilleou à s’y introduire en cachette, en usant d’unstratagème, jusqu’à ce que les navires soienten haute mer et que l’on ne puisse plus le dé-barquer…

Son attention fut, soudain, attirée par l’in-terlocuteur de Rodrigo, qui, pendant tout cetemps, n’avait pas bougé. Ayant compris à sonaspect qu’il était également un marin, il lui de-manda avec son sans-gêne habituel :

— Et vous, monsieur le Portugais, vous em-barquez avec eux ?

— Ce n’est pas l’envie qui me manque, parma foi… – murmura l’autre. Mais, dis-moi,comment as-tu su que je suis portugais ? Àmon accent ?

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— Je l’ai dit au hasard. Vous pourriez aussibien être galicien, car c’est bonnet blanc etblanc bonnet… Mais cela vous effraie-t-il ?

— Cela m’effraie et ne m’effraie pas – dit lePortugais, en parlant plus à lui-même qu’au ga-min. Les Espagnols sont aujourd’hui méfiantsquand il s’agit d’enrôler des Portugais… Noussommes comme chiens et chats pour détermi-ner ce qui nous appartient et ce qui nous re-vient ou pas… Même si Bouffées de Bagasse etce Diego García et cent autres ont jadis été auservice du Portugal, il y en a qui vont jusqu’àdire que… Mais ils ne doivent pas s’arrêter àces vétilles s’ils ont besoin d’un homme déci-dé, qui soit habile en tout…

— C’est ce que je crois – répliqua le gar-çonnet pour s’attirer ses bonnes grâces. Vousn’avez pas une prestance à vous noyer dans unbassin et, en parlant à ce Bouffées ou à ce Die-go, comme vous dites…

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— Je le ferai, sacré nom, et pas plus tardque demain, ou avant, si l’occasion se pré-sente, foi de marin ! Je suis avisé et tenace etje pourrais leur rendre de grands services…

— Il faut être fort savant pour parlerd’autres langues que sa langue maternelle –s’exclama Paquillo en affichant une admirationdémesurée. – Mais dites-moi, monsieur le ma-rin, étant si savant, ne connaîtriez-vous pas unmoyen de me faire entrer, moi aussi, dans laconfrérie ?

— Comme interprète ? Foi d’EnriqueMontes(104) qu’il est amusant ce garçon… Toncordon ombilical n’est pas encore desséché ettu voudrais déjà…

— Qui parle d’interprète, Dieu me soit té-moin !… Je pense à marin, ou petite-main, oumousse, ou marmiton, que sais-je…

— Cela, c’est autre chose – dit le Portugaiscomme s’il éprouvait une très humble satisfac-tion. Mais – ajouta-t-il au bout d’un moment –

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regarde ces garçons à cabas qui commencent àtransporter des provisions de bouche à bord…Mêle-toi à eux, fais comme eux et, si tu te si-gnales dans la masse, il se peut qu’ensuite lequartier-maître ou le pilote te fassent la faveurde te prendre comme mousse… à moins qu’ilste nomment capitaine général, comme disaitRodrigo…

— Si votre grâce voulait bien dire un petitmot en ma faveur à monsieur Rodrigo, cela mevaloriserait certainement, et je prierais tous lesjours de ma vie pour votre grâce, comme étantle plus bienveillant des hommes.

— Je dois le faire, non en raison de ton adu-lation mais bien parce que tu me sembles êtreprêt.

— Dieu vous le rendra au centuple, votregrâce ! – s’écria le garçonnet en sautant de joieet en portant la main à son béret.

Ils étaient occupés à cela lorsqu’ils furentdistraits par un grand mouvement qui se pro-

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duisait à la fois sur terre et à bord de la plusgrande des caravelles, qui était l’une des deuxéquipées de voiles carrées. On la menait au ra-doub, sans doute pour achever de la calfater etde la caréner. La manœuvre, bien que lourde,n’était pas difficile, car le bateau, encore peuchargé, tenait à fleur d’eau une grande partiedes œuvres vives.

Ils se précipitèrent tous deux pour voir deplus près mais Paquillo ne perdit pas de tempset, comme il n’avait ni cabas ni corde pourjouer à l’expéditeur, ni de moyens de se lesprocurer, il se mêla à ceux qui halaient le na-vire et se mit à les aider avec beaucoup debrio, comme s’il faisait déjà partie de l’équi-page. On le reçut comme un chien dans un jeude quilles mais il fit preuve de tant de bonnevolonté et de dextérité que, bientôt, les injureset les malédictions des marins cessèrent ; si,dans un premier temps, il leur était apparu pluscomme une gêne que comme une aide, haus-sant les épaules, ils le laissèrent faire, puisque

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« l’un dans l’autre, il le faisait presque aussibien qu’eux ». Rodrigo était revenu avec le ca-not afin d’embarquer les autres marins dèsqu’ils arriveraient, et Enrique Montes s’appro-cha de lui un moment, désireux d’achever de leconquérir afin qu’il parle à Solís en sa faveur.

— Je le ferai volontiers – expliqua Rodrigo,mais ce ne sera pas facile de t’enrôler, nonseulement en raison du nombre de postulantsmais, surtout, parce que l’équipage a quittéLepe presque au complet et que les rareshommes qui nous manquaient doivent, à cetteheure, avoir été engagés sur paroles par le pi-lote don Francisco de Torres en personne ouplus vraisemblablement par le quartier-maîtreDiego García, qui connaît tous ceux qui ont vo-gué sur d’autres galères que celles du Roi, etmême sur celles-ci. Je trouverai tout de mêmeun moyen de parler de toi à don Juan et je luivanterai beaucoup tes dons pour les langues,les interprètes n’étant pas nombreux par ici etils sont bien nécessaires là où nous allons. Je

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lui dirai que tu as la faculté de comprendre deslangages étranges, de les apprendre par cœur,mine de rien…

Et, en découvrant soudain Paquillo, quisuait à grosses gouttes en halant la caravelleen même temps que les marins, il ajouta :

— Sans que cela nuise à tes intérêts, je par-lerai également de ce gamin. Discret et décidé,c’est un petit homme prometteur…

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X

AU TRAVAIL !

Ni Enrique le Portugais ni l’ambitieux Pa-quillo, n’avaient réussi à se faire enrôler à bordd’un des trois navires qui, au bout de quelquesjours, étaient prêts, après avoir rempli toutesles formalités que la Casa de Contratación exi-geait et avoir complété leur équipage. Il n’yavait plus qu’à relancer la caravelle aux voilescarrées, menée au radoub, désormais carénée,calfatée et prête à naviguer.

Contre l’avis de Solís, qui souleva de fortsérieuses objections, messieurs les officiers dela Casa de Contratación avaient ordonné que

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l’on embarquât les vivres du navire avant dele remettre à flot. Don Pedro de Isásaga et sescomparses, ne pouvant empêcher que le marinn’arrive à ses fins, tentaient de le contrecarrerde toutes les façons possibles sans provoquerouvertement la colère du Roi, et Solís invoquaen vain que l’on exposait sans nécessité le na-vire à un très grave danger en le chargeant ausec.

— N’êtes-vous pas pressés ? Eh bien, vousgagnez du temps, que diable ! – lui répliquaitle minuscule et tortueux officier, forcé par sesfonctions à traiter avec le pilote, mais il le fai-sait à contrecœur.

— Agir dans la précipitation n’est pasconciliable avec agir bien – disait le marin –. Jepréférerais prendre du retard mais opter pourla sécurité…

On était le 15 septembre(105) et Solís comp-tait lever l’ancre au début d’octobre afin de se

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trouver dans l’autre hémisphère en plein prin-temps austral.

Ce matin-là, tout était disposé afin de relan-cer le navire : les rainures enduites de suif et desavon ; les mulettes en place ; les câbles prêtsà réguler la glissade lors du lancement. Les cu-rieux fourmillaient, gênant la manœuvre, mal-gré les cris et les jurons du quartier-maître Die-go García, et les fortes poussées et les coupsde têtes de ses hommes. Le moment venu,d’une voix de stentor, celui de Moguer ordon-na de couper les amarres à coups de hache :le bateau sembla hésiter avant de se mettreen mouvement et il commença à glisser lente-ment, accélérant sa marche pendant qu’un cor-dage régulateur ne lui opposait qu’une résis-tance passagère. Bouche bée, chacun gardaitle silence, les curieux observaient, en proie àla légère émotion inhérente à ces actes, sa-chant que, quoi qu’il se passât, il n’était pluspossible d’intervenir. Tout allait bien : le ba-teau glissait, les pièces latérales fumaient lé-

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gèrement, les étais craquaient avant de tom-ber. La poupe ronde entrait déjà dans le fleuvelorsqu’un brusque balancement se produisit :le navire entra d’un coup dans l’eau, la faisantgicler comme une vague qui se brise sur un es-carpement rocheux, oscilla violemment et serenversa, en même temps qu’un cri s’échappaitde toutes les bouches… Avec un fracas sourd,l’eau se précipita à torrents par toutes les ou-vertures, inonda la coque et le navire coula àpic en un clin d’œil. La caravelle, chargée ausec malgré les protestations de Solís, venait desombrer par la faute de « ces messieurs » deSéville(106)…

Le marin semblait désespéré et furieux, etFrancisco de Torres essayait inutilement de lecalmer. S’étaient joints à eux les deux autrespilotes de l’expédition, Juan de Lisboa(107), quidevait commander la caravelle perdue, et Ro-drigo Alvarez de Cartaya(108), second à bordde la caravelle portugaise(109), dont le capi-

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taine était Solís. García tentait de lui expliquerla cause du désastre.

— Par Saint-Diego, c’est la faute de cesmêle-tout de la Casa qui fouinent partout !Mais ils ont pris soin de ne pas ordonner eux-mêmes l’arrimage… Ainsi, à la suite d’une dé-faillance dans les ligatures parce que cela ba-lançait, la charge tout entière est passée à tri-bord et le bateau au diable !… Maudits soientles gens qui vont où on ne les appelle pas et quise trouvent où l’on n’a pas besoin d’eux !

Le quartier-maître courait du groupe des pi-lotes à la rive du fleuve, où s’entassait unefoule toujours plus dense ; Solís le suivit, neparvenant à dissimuler sa fureur qu’à grand-peine. Il avait bien vu que la catastrophe étaitirréparable : le navire ne pourrait pas être re-mis à flots et, avec lui, ils perdaient tous leursvivres. Au-delà du grand préjudice matériel,au-delà de la satisfaction secrète de ses en-nemis, le marin considérait l’accident comme

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étant un présage funeste pour son expédition.Et ce fut l’avis de beaucoup.

García donnait des ordres à ses hommesafin qu’ils tentent de sauver quelque chose dece qui était à bord et de ce qui, emporté par leseaux, flottait sur le Guadalquivir, à la merci ducourant. Aux marins s’unirent volontairementle Portugais Montes et Paquillo, mus par lamême idée de se rendre utiles. Montes, embar-qué sur un canot, pêchait à l’aide d’une gaffetout ce qui passait à sa portée et le garçonnet,nageur remarquable et plongeur-né, pénétraitdans le navire submergé, ne revenant à la sur-face, en soufflant comme un phoque, qu’en ra-menant l’un ou l’autre objet. Mais ils n’étaientpas les seuls volontaires. D’autres hommes debonne volonté se détachaient pour participerau sauvetage de la masse de gens vociférants,qui augmentait sur la marina à chaque mo-ment, tourbillonnant comme en proie à uneagitation extrême ; mais, en sortant de l’eau, ilsprenaient l’habitude de s’égarer et, au lieu de

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déposer ce qu’ils avaient récupéré sur la pile,qui se formait sur la rive, ils prenaient distrai-tement le chemin de la ville, heureux de cettepêche miraculeuse sur le fleuve turbulent.

Paquillo, lors d’une de ses plongées, attei-gnit la cabine du capitaine du vaisseau, situéedans le château de poupe enhuché, encore par-tiellement à fleur d’eau, et en tâtonnant àl’aveuglette il put s’emparer du coffret destinéà contenir les documents du bord et d’autresobjets. Il réapparut triomphant, nagea vers lamarina, mit pied à terre et courut déposer sontrésor, criant de fierté. Ce coup d’éclat fut dé-terminant pour sa fortune. Le coffret était videmais sa prouesse n’en était pas moins méri-toire. C’est ce qu’estima le quartier-maître, enle voyant apparaître, tel un Triton d’airain,toutes ses guenilles dégoulinant d’eau.

— Pardieu, c’est le petit gitan de l’autrejour ! – murmura García. Puis il s’adressa augarçonnet – : Viens me trouver plus tard, ga-

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min. Peut-être y aura-t-il à bord quelque chosepour toi.

En faisant mine de porter la main à sonbéret que le fleuve avait emporté comme tro-phée, le garçonnet s’égratigna la tête et, si-multanément, le mollet dénudé du pied droitavec le pied gauche déchaussé. Mais il ne ditrien. En augmentant d’un cran, son audace ha-bituelle s’était muée en timidité et, pivotantcomme une toupie sur le pied droit, il se lançadans une course vers la rive.

Après avoir pris les rares mesures que per-mettait un revers aussi complet, Solís, s’écar-tant du tumulte de la plage, était allé rendrecompte de l’événement aux officiers royaux,pour se retirer ensuite à bord de la caravelleportugaise et écrire au Roi, délimitant les res-ponsabilités.

À la Casa de Contratación, on savait évi-demment déjà ce qui s’était produit. Pour lepeu qu’il avait entendu de la bouche d’Isásaga

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et par une confidence du répartiteur López deRecalde, le marin comprit que les officiers al-laient s’empresser de le taxer d’impéritie, defaire peser sur lui le poids de leur malveillance,de l’accuser une fois de plus d’être un « hommeléger et inconstant », à qui il ne fallait rienconfier d’important.

— Que comptez-vous faire ? – lui avait de-mandé López de Recalde.

— Lever l’ancre avec les deux caravellesrestantes, comme si rien ne s’était passé – ré-pondit Solís. – Ces messieurs, par la faute, in-tentionnelle ou pas, de qui le voyage ne se fe-rait pas, en retireraient une trop grande satis-faction. Je ferais ce voyage à pied, si les ba-teaux me faisaient défaut !

— Attendez la décision de Son Altesse –conseilla le répartiteur.

— Oui, mais pas sans lui dire ce que, moiaussi, j’ai sur le cœur ! – s’exclama le marin.

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Arrivé à bord, Solís, s’enfermant dans sa ca-bine, se mit à écrire fébrilement au Roi. Detemps en temps, il s’interrompait pour lancerune interjection, tant il continuait à être en co-lère. Après avoir relu la missive, se rasséré-nant un peu, il atténua tout ce qui, étant tropviolent, aurait pu être considéré comme unmanque de respect à l’égard du souverain, et illa recopia au net. En prenant plus de libertés,il écrivit également à l’évêque de Palencia(110)

et à Lope Conchillos, ferma et scella les lettres,en fit une liasse, et appela :

— Hé, Rodrigo !

Le domestique apparut, comme s’il jaillis-sait du sol :

— En quoi puis-je être utile à votre seigneu-rie ?

— Tu vas devoir passer une journée à che-val.

La grimace de Rodrigo l’aurait encore enlai-di, si cela avait été possible.

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— Il faut porter ces plis à Almazán, de touteurgence, en crevant des chevaux. Voici de l’ar-gent. Prêt ?

— Seigneur ! Il y a plus de cent lieues !…

Solís le regarda et sourit. Il savait commentmener son homme de confiance.

— C’est bon – dit-il –. Cherche un hommesûr qui ira à ta place, car il s’agit d’une missiond’importance.

— Oh non, seigneur ! C’est moi qui irai ! –s’exclama Rodrigo, affligé.

— Avant une demi-heure, il faudrait galo-per sur ces routes, en se plaignant et en jurant,mais sans s’arrêter plus que nécessaire.

Dans sa lettre à Don Ferdinand, Solís se dé-chargeait de toute responsabilité dans la ca-tastrophe, provoquée par les officiers quin’avaient pas écouté ses objections et prévi-sions, et il disait n’attendre que l’autorisationde Son Altesse pour lever l’ancre avec les deux

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navires restants, même si cela risquait de pré-senter des dangers. Il demandait à Fonseca etConchillos de faire pression sur le Roi afin quece dernier lui procure un navire de plus, dansla mesure du possible, et, avec eux, il donnaitlibre cours à sa colère et à son indignation àl’encontre des « messieurs de Séville ». Il n’yavait plus qu’à attendre patiemment la déci-sion du monarque.

Et de la patience, il en fallut car les jourss’écoulaient lentement sans autre distractionque les monotones conversations avec les pi-lotes, toujours sur le même sujet. Une com-plication le sortit heureusement de son apa-thie : le chargé de factorerie et le notaire, quidevaient accompagner l’expédition afin d’encontrôler les actes(111), et sur les bonnes in-tentions de qui il comptait, effrayés par le nau-frage de la caravelle, faisaient marche arrièreet demandaient qu’on les remplaçât. Quantaux gens de terre, qui n’avaient vu des bateauxque depuis la marina. La catastrophe leur avait

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fait prendre conscience des dangers de la na-vigation plus efficacement que tous les ef-frayants récits qu’ils avaient entendus. Ils ima-ginaient déjà qu’une voile du navire s’abattaitsur eux et que la mer les engloutissait en unseul coup. Don Pedro de Alarcón, le répartiteuret notaire, homme de bureau, amaigri et pâlien raison de ses tâches qui l’obligeaient à res-ter enfermé, taciturne et sec, bien qu’il n’eûtpas mauvais caractère, détestait les déména-gements en général, et il n’avait accepté celuide ce voyage que par la tentation d’un salaireaccru, le double dans le tiers des bénéficesqu’il fallait se répartir, ainsi que la perspectived’une amélioration lors du retour. Le chargéde factorerie(112) don Francisco Marquina,homme beaucoup plus actif, même s’il étaitgros et rubicond, au contraire, était jovial etcommunicatif, aimant nouer la conversation ;il rêvait d’aventures, qu’il n’avait pas connuesjusqu’alors, et c’était pour lui un avantage sup-plémentaire aux raisons matérielles qui moti-vaient son collègue. Le naufrage de la cara-

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velle fit donc sur tous deux l’effet d’une douchefroide ; leur enthousiasme, avait déjà baisséd’un cran à la suite d’une visite qu’ils avaientfaite à la caravelle portugaise où, à l’étroit, ilsallaient manquer de commodités : si Alarcónfit la grimace, les cheveux de Marquina sedressèrent sur sa tête. Ils allaient faire levoyage presque serrés comme des sardines. Età cela s’ajoutait à présent la perspective in-grate du possible, voire de l’inévitable nau-frage… La meilleure chose à faire serait de re-noncer…

Cela ne faisait pas les affaires de Solís, quiavait compté sur la bonne volonté et l’amitiédes deux fonctionnaires. Un ennemi ou quel-qu’un d’indifférent, ayant les mêmes attribu-tions, pouvait lui nuire considérablement etparalyser ou, pour le moins, entraver son ac-tion dans nombre de cas : le répartiteur devaittenir les comptes et prendre note de tout ce quitouchait aux gens à bord et aux choses appar-tenant au Roi, sans excepter toutes les babioles

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que l’on emportait pour le troc ; il devait comp-tabiliser les paiements et les avances que l’onconsentirait dans les ports et sur la terre desIndes, les prises que l’on ferait sur mer et surterre, et veiller à ce que tout fût remis au char-gé de factorerie ; il pouvait et devait empêcherque Solís et ses hommes négocient avec les In-diens, lui demander aussi souvent que souhai-table de passer en revue l’équipage, veiller à ceque, même lors de la navigation, le capitainegénéral s’en tienne strictement au contrat. Lerépartiteur et notaire apparaissait donc commeétant un autre chef de l’expédition, ayant plusde pouvoir que le chef visible, s’il lui en prenaitl’envie… Le chargé de factorerie, son complé-ment et successeur sans titre, pouvait, au casoù l’autre abusait, être son complice ou sonfrein.

Comment Solís parvint-il à éviterqu’Alarcón et Marquina le missent dans la si-tuation extrêmement grave où on les auraitremplacés ? Simplement en faisant miroiter de-

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vant leurs yeux à tous deux la faveur du mo-narque, les nombreuses récompenses, l’avan-cement assuré, et en leur démontrant que, s’ilsne faisaient pas plaisir au maître, ils auraientdroit à la colère de ce dernier, il se détourneraitd’eux, les abandonnerait, ce qui équivaudrait,ni plus ni moins, qu’à la misère pour leursvieux jours. La crainte du Roi fut plus forte(113)

que la peur de la mer et Solís put se dire queVasconcelos aurait dû prendre auprès de luides leçons de diplomatie.

Cette lutte, dont il sortit vainqueur, rac-courcit les jours d’attente, jusqu’au moment oùRodrigo Rodríguez(114), les os en compote etles yeux presque complètement révulsés, re-vint en apportant la réponse du Roi. Don Fer-dinand y disait à Solís de ne pas s’affliger dumalheur survenu mais de ne pas non plus par-tir avant d’avoir à nouveau sa flottille au com-plet. Il allait prendre toutes les mesures néces-saires afin que ce fût le cas dans les plus brefsdélais(115).

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Le Roi voulait-il le tranquilliser avec debelles paroles trompeuses, en laissant ses en-nemis triompher ?… En lisant, par ailleurs ceque Lope Conchillos lui écrivait, il reprit unpeu espoir. Mais ses doutes ne se dissipèrentcomplètement que, quelques jours plus tard,lorsqu’il apprit que don Ferdinand venait d’en-voyer une ordonnance royale aux officiers dela Casa de Contratación en les plaçant quasisous les ordres de son ami López de Recalde :il leur ordonnait, en effet de suivre au pied dela lettre toutes les indications du répartiteurafin que la flottille de Solís fût complétée etprête à partir sans retard. Quant au pilote, ilinsistait pour qu’il fût « très bien servi (…),avec le plus grand soin possible » pour sonvoyage(116).

Solís convoqua Francisco de Torres et s’en-ferma avec lui dans sa cabine.

— Essaie de savoir, sans que personne nes’en aperçoive – lui dit-il –, dans quel état setrouve la caravelle qui, depuis notre arrivée,

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est démâtée dans le port. Tu sais de laquelle jeveux parler ?

— Il n’y en a qu’une et je suis déjà au cou-rant de tout – répondit le pilote –. Dès le pre-mier moment, j’ai pensé à elle.

— Eh bien ?

— Pour le moment, non seulement on nela bouge pas mais il n’y a aucun signe quel’on veuille la bouger avant longtemps, à moinsque… Bref : elle est en très bon état, quasiprête à naviguer.

— Crois-tu qu’il est possible de l’affréter oude l’acheter ?

— Fort possible. Ses propriétaires n’ont nifret ni armateurs. Ils sont forcés de la laisserdormir… Étant donné que la Casa de Contra-tación multiplie les empêchements pour lesvoyages, ils courent le risque qu’elle pour-risse…

— Sais-tu combien ils en veulent ?

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— Je peux le vérifier.

— Oui, fais cela, mais sans te porter garant.Et assure-toi bien que son état est comme tu ledis.

Il ne manquait effectivement à la caravelleque les éléments que l’on n’embarque qu’à lafin. La Casa de Contratación intervint en avan-çant à Solís les sommes nécessaires et les pro-priétaires, contents de vendre un bateau quine leur occasionnait que des frais, ne se mon-trèrent pas exigeants. L’acquisition de la cara-velle coûta septante-cinq mille maravédis(117),que la Casa de Contratación prêta au pilote,sur ordre du Roi. Et on commença à la préparerrapidement, sous l’inspection passionnée mais,malheureusement, officieuse de Paquillo, quine quittait pas une minute la marina.

Il avait inutilement rôdé jusqu’alors autourde Diego García, qui l’intimidait toujours da-vantage contrairement à tout ce l’on aurait puattendre et qui, malgré sa vague promesse,

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semblait l’avoir oublié ; et sur ce chemin decroix de postulant silencieux et timide, il étaitparfois accompagné par le Portugais EnriqueMontes, affligé par la longue absence de sonprésumé protecteur, Rodrigo au visage ingrat.Le gamin errait affamé et quasi nu parce qu’ilne trouvait plus le temps de parcourir lesplaces à l’heure du marché afin de se procurerde quoi s’alimenter – ne fût-ce qu’une tranchede fromage, un morceau de poisson, unecroûte de pain, un chou négligé par la mar-chande des quatre saisons, ni le temps de cou-rir à Santa Clara lorsque l’on distribuait lebrouet.

On faisait déjà les derniers préparatifs surle navire lorsque, un matin, Paquillo trouva lecourage du désespoir et se précipita vers lequartier-maître qui arrivait.

— Monsieur !… Monsieur ! – s’exclama-t-il,en portant la main à sa tête, comme s’il portaitencore le béret de jadis.

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Mais tout qu’il pensait dire ne parvint pas àfranchir le seuil de ses lèvres.

— Que veux-tu, môme ? – demanda García,de mauvaise humeur.

— Eh bien… je… comme votre seigneuriem’avait promis…

— Par Saint-Diego, accouche !

— … que je pourrais embarquer ! – s’excla-ma Paquillo avec effort, mais d’un air décidéet, dans ce cri, il exprimait toute son âme.

— Ah, oui ! Cela me revient… Tu es le petitqui nage comme un poisson et plonge commeun dauphin… Reviens me voir plus tard car,maintenant, je suis pressé.

— Vous avez dit la même chose, votregrâce, – pardonnez-moi de vous le rappeler –,l’après-midi du naufrage… et… jusqu’à main-tenant…

Sa bonne étoile voulut que, à ce moment,Rodrigo Rodríguez approchât.

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— Holà, amiral ! – s’exclama le domestiquede Solís – L’idée de devenir marin ne t’est tou-jours pas sortie de la tête ?

— Et elle ne m’en sortira pas ! – répliqua legarçon.

— Eh bien, si le quartier-maître marquaitson accord, moi je t’apprendrais le métier.

— Si c’est sans solde… – dit García.

— Cela va de soi ! Je serais prêt à payer –affirma le gamin.

— Eh bien, si Rodrigo te prend sous sa pro-tection et que tu le veux tellement, il n’y a plusà discuter. Embarque. Tu seras mousse sur lacaravelle portugaise.

Le garçonnet lança un cri de victoire et dis-parut dans un nuage de poussière, prenant sesjambes à son cou, en direction du navire enquestion.

— Où va-t-il ? – demanda le quartier-maître.

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— Il est très intelligent – répondit le bi-gleux –. Il doit déjà savoir ce qu’il faut faire…Il n’y a pas de risque qu’il déserte.

Ainsi il ne s’écoula pas longtemps avantque le nouveau mousse revienne en compagnied’Enrique Montes à l’endroit où était resté Ro-drigo. Il était allé signaler au Portugais que lebras droit de Solís était dans son jour où il dis-tribuait des faveurs. Et Montes fut égalementenrôlé parce que, lors du naufrage de la cara-velle, quelques hommes étaient partis pour nepas revenir et qu’il fallait un gabier. Étant re-commandé par Rodrigo, le quartier-maître leprit sans difficulté.

Le domestique se chargea de les présenterau cambusier, Martín García, qui gérait le rôlede l’équipage. En montant à bord, il disait augarçon :

— À présent, on va voir, gamin, si tu asl’œil et le pied marins… pour laver la vaisselle.

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— Comment t’appelles-tu, question demettre ton nom sur la liste ? – lui demanda lecambusier.

— Francisco.

— Francisco. Mais quoi de plus ?

— Francisco tout court ; je n’ai pas de nomde famille.

— Des Franciscos, il y en a plein à bord – fitremarquer Martín García –. On dirait que tousles chrétiens se prénomment Francisco.

— Mentionne-le comme étant Franciscodel Puerto – intervint Rodrigo –. C’est à PuertoReal de Cadix que l’on a fait l’heureuse dé-couverte de ce gaillard, et c’est un nom quiconvient à un grand navigateur… même s’il estencore un navigateur en herbe.

— Eh bien, c’est écrit. Tu es désormaisFrancisco del Puerto, gamin. Donc, tu le sais –conclut le cambusier.

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Tout était, enfin, prêt pour le départ, et lescompas de relèvement, sortis de leurs habi-tacles, les arballestrilles ou bâtons de Jacobà l’aide desquels on mesure les angles, et lesmystérieux astrolabes qui, avec leurs cerclescabalistiques, révèlent longitudes et latitudesà qui sait les lire, furent apportés à la Casade Contratación afin que ses pilotes les éta-lonnent et vérifient leur exactitude. Il ne man-quait plus que l’ordre de lever l’ancre et de lâ-cher les amarres.

Et, un beau matin, après avoir assisté avecdévotion à une messe dans la Cathédrale, toutle monde regagna le bord, une heure aprèsle lever du soleil, s’attelant à la manœuvre.La marina fourmillait de curieux qui suivaientavec un extraordinaire intérêt tous les mou-vements de l’équipage, des marins qui mon-taient et descendaient des haubans, d’autresqui criaient en faisant tourner le cabestan,d’autres qui enroulaient les cordages ou cou-raient sur le pont dans l’apparente confusion

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et le vacarme du moment où on levait l’ancre.Les cris, les exclamations, les commentairescriards d’hommes et de femmes qui s’attrou-paient à terre sans rester une seconde tran-quilles, parvenaient jusqu’aux navires commele bourdonnement d’une ruche irritée, et lescouleurs vives des vêtements, rehaussées parle soleil naissant qui les illuminait oblique-ment, s’harmonisaient de telle façon à cette ru-

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zo et Recalde, ses amis et défenseurs, avaientvoulu assister au commencement de sontriomphe, et c’est avec émotion qu’ils l’embras-sèrent. Mais les navires étaient en partance, lesvoiles frémissaient d’impatience de claquer auvent et les canots des visiteurs se balançaientà l’ombre de la coque des navires. Ceux quidevaient rester à terre dirent au revoir pourla dixième et dernière fois et ils descendirentdans leurs petites embarcations. Un coup de ti-mon fit que les voiles prennent le vent et, l’uneaprès l’autre, majestueusement et lentement,les trois caravelles gagnèrent l’aval, suivies surles deux rives du Guadalquivir par les curieux,qui ne voulaient pas les perdre de vue et les ac-compagnaient, agitant bonnets et mouchoirs etdéchirant l’air de leurs vivats.

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Quelques notables s’étaient rendus à bordpour prendre congé de Solís ; parmi les offi-ciers de la Casa de Contratación, seul Matien-

meur qu’hommes et choses semblaient en fêtepour augurer un bon voyage aux marins.

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Rodrigo Rodríguez, qui n’avait rien à faireà bord, sauf servir son maître, au demeurantpeu exigeant, était appuyé au bastingage et re-gardait la foule s’éloignant et diminuant, ainsique le paysage fugitif, nimbé de jaune par lesoleil. À côté de lui, paré de vêtements neufstrop larges, destinés à un homme, se trouvaitson désormais inséparable Paquillo. Le moussene parvenait pas encore à croire que ses ambi-tions avaient été aussi facilement réalisées, ou-bliant la faim et les angoisses passées jusqu’aumoment où le grand Diego García, sur l’insis-tance de Rodrigo, son parrain et futur maître,lui accorda la faveur de le prendre à bord. Lasatisfaction l’émouvait, lui oppressant la poi-

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trine presque au point de l’empêcher de res-pirer, pendant que ses jambes se balançaientde contentement et que ses bras s’agitaient in-volontairement comme des ailes de moulin sa-luant encore la foule déjà invisible. Lui aussipartait à la conquête de la Toison d’or et il re-viendrait de ce voyage, devenu au moins unseigneur ! Ne racontait-on pas que Co-lomb(118) était presque un mendiant lorsqu’ilalla demander du pain au couvent de la Rábi-da ? Et, malgré cela, n’avait-il pas réussi à de-venir amiral de la mer océane, vice-roi, qua-si l’égal de Son Altesse en personne ? Il avaitdû beaucoup souffrir, c’est vrai, mais les mauxs’oublient si l’on est richement récompensé,car on n’a rien sans peine…

Paquillo était plongé dans ces rêves lorsqueRodrigo attira son attention sur la manœuvre :la caravelle, qui naviguait en tête, virait gaillar-dement au coude du fleuve, découvrant par laproue et à courte distance la ville de Gelves,avec ses petites maisons qui ressemblaient à

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des points blancs sous la réverbération du so-leil. Cela faisait près de deux heures qu’ilsavaient quitté Séville. Une heure plus tard, ilspassèrent en face de Coria del Río et du petitvillage de Puebla, qui se situe à côté. Un peuplus loin, ils naviguèrent lentement entre desmarécages inondés par les eaux de la mer, cou-verts par intervalles de saules touffus, dont levert tendre contrastait çà et là avec la couleursombre des jardins maraîchers dans le sable,dont les légumes d’automne mûrissaient sousle soleil, encore ardent.

Le soir tombait déjà lorsqu’ils arrivèrent àSanlúcar de Barrameda et ils jetèrent l’ancredans le mouillage de Bonanza, qui se trouve àune lieue de la barre. On aurait dit que tous leshabitants de la riante ville, entourée de beauxbois de pins, les attendaient sur le rivage de-puis que les navires étaient en vue. Et, parmices braves gens, il ne manquait, certes pas,de parasites et de vagabonds attirés et fixéslà parce qu’ils y trouvaient leur compte grâce

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au grand mouvement qu’engendraient dans leport le commerce continuel avec Séville et laprésence fréquente des flottes qui se rendaientaux Indes ou en revenaient. Solís, craignantdavantage les ripailles que les désertions pré-méditées, ordonna que l’on ne débarquât per-sonne, à part les hommes que lui-même en-voyait en mission à terre. Mais les navires netardèrent pas à être entourés de petites em-barcations et toute cette population de marinsput bavarder en criant avec ceux qui partaient,produisant un discordant et continu brouhahaqui ne commença à décroître que fort avantdans la nuit. Et, même s’il n’y en eut plus au-tant, nombreux furent encore ceux qui vinrentde la côte aux navires jusqu’à l’aube.

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NOTES DU TRADUCTEUR

Des informations et des notes plus détaillées,avec reproduction de passages d’ouvragescités peuvent être consultés dans l’éditiond’Ides et Autres :

https://www.idesetautres.be/upload/PAY-RO%20MAR%20DULCE%20IN-DICE%20CON%20ENLACES%20INTER-NET%2020%20CAPITULOS.pdf (index).

Chapitre 1

OVIEDO Y VALDÉS, Gonzalo Fernández (1478– 1557) ; De l’histoire naturelle des Indes (His-toria general y natural de las Indias, islas ytierra-firme del mar oceano), voir :

https://www.wdl.org/fr/item/7331/.

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Bouffées de bagasse. “Bofes de bagazo”, voirpage 25 in Toribo Medina, José, Juan Díazde Solís, Estudio histórico, Santiago de Chile,impreso en casa del autor, 1897, CCCLII +252 p. (segundo libro: documentos y biblio-grafía)

http://booksnoOKw1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf.

Chapitre 2

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit, CCCLII, 252 p. (se-gundo libro : documentos y bibliografía) :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Chapitre 3

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TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit., CCCLII, 252 p.

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(segundo libro : documentos y bibliografía).Voir + infra :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

« Texto de la circular, obra maestra de los fun-cionarios de aquel tiempo » (Toribio Medina,pp. XXV-XXVI) : « publicado por Fernándezde Navarrete, Colección de viajes, t. III, p.505, y reimpreso por Torres de Mendoza,Colección de Documentos, t. XXXVIII, p.347 ».

CARVAJAL, Galíndez de (1472-1528), chroni-queur : Crónicas de los Reyes de Castilla :Desde Don Alfonso el sabio hasta los católicosDon Fernando y Doña Isabel por CayetanoRosell, Fernán Pérez de Guzmán, Diego deValera, Diego Enríquez del Castillo, Fernan-do del Pulgar, Lorenzo Galíndez de Carva-jal, Andrés Bernáldez, Pedro López de Aya-

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la ; tomo 3, page 533 (= Apéndice 2°, Analesbreves). Voir + infra :

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd?id=8333

Sources possibles de l’acte de piraterie : Bio-graphie de « Vasco da Gama » in Encyclo-pédie des gens du monde (répertoire uni-versel des sciences, des lettres et des arts :avec des notices sur les principales familleshistoriques et sur les personnages célèbres,morts et vivans), Tome douzième (= vo-lume 12) ; Treuttel et Würtz ; 1839, page 88(de 811 pages) :

https://books.google.be/books?id=A1CAAAAcAAJ&printsec=frontco-ver&hl=fr#v=onepage&q&f=false

BARROS E SOUZA, Manuel Francisco de,SANTARÉM (Visconde de) ; Recherches surla priorité de la découverte des pays situéssur la côte occidentale d’Afrique : au-delà duCap Bojador, et sur les progrès de la science

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géographique, après les navigations des Por-tugais, au XVe siècle ; Paris, Librairie orien-tale de V(euv)e Dondey-Dupré ; 1842,CXIV-336 pages. (citation extraite de lapage p. 71)

http://books.googleusercontent.com/books/content?req=AKW5Qaf6uob53X1siLBn1rj-TuLfKgeh01aEcaDC_flzNy3-9_zp-ZeMhJ7Z0mQ9347qRtStpTrHQrrtf4bya-VuT8eCAotM587XRFH2T-pwl0GILe4eczH_WZf8YwoMjoJVZQ-bIZVPVe1jExShd2zlpoM1GOC4FlS-BrYYh7yzIa2XEnKZpbYUBV3aiowMjPeW-BefGfdRuycJXkS7_jbzRXBZ4vBBg-CoI_SMT6onUr_aa6ogbohL97lB_GOveI-TyIs73VpNllVZ0FMi-jCgrP5lYjamw-jO4qwoCxh6B2WBWpP8z690TZsAjyfQ

Santarém confond Louis XII et Charles VIII.Dès lors, s’il est une de ses sources, Payróamalgame-t-il, volontairement, deux actesde pirateries perpétrés, sous deux rois dif-férents, à l’encontre d’une caravelle portu-

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gaise par des corsaires français, à une ving-taine d’années d’intervalle ?…

MOUTARD, Nicolas-Léger ; Histoire univer-selle, depuis le commencement du monde,jusqu’à présent ; Arkstée & Merkus ; 1768,livre XXII, chapitre II, page 454 :

https://play.google.com/store/books/details/Histoire_universelle_depuis_le_commence-ment_du_mon?id=1SpKAAAAcAAJ

SPONT, Alfred ; La marine française sousCharles VIII, page 4 :

http://195.220.134.232/numerisation/tires-a-part-www-nb/0000005549085.pdf

MOLLAT, Michel ; « De la piraterie sauvage à lacourse réglementée (XIVe-XVe siècle) » in Mé-langes de l’École française de Rome (Moyen-Âge, Temps modernes), année 1975, volume87, N° 1 pp. 7-25 :

http://www.persee.fr/doc/me-fr_0223-5110_1975_num_87_1_2322

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Il est étonnant que, depuis 1927 (et de nom-breuses rééditions, par exemple chez Losa-da, un des plus grands éditeurs argentins,entre au moins 1938 et 2011), personne ap-paremment n’ait signalé (ne fût-ce que parune note en bas de page) les « erreurs » his-toriques que nous avons relevées…

Chapitre 4

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit., CCCLII, 252 p.Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Chapitre 5

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“Bofes de bagazo”, voir page XXV in : ToribioMedina, José ; Juan Díaz de Solís. Estudio

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histórico ; op. cit, CCCLII + 252 p.(deuxième livre : « documentos y biblio-grafía »)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Nous trouvons dans ce livre également deslettres de l’ambassadeur Juan Méndez deVasconcelos au roi Manuel 1er, concernantJuan Díaz de Solís. Voici le début de celledu 30 août 1512 :

(Lettre complète XXX, entre les pages 85 et88.)

Il y a une autre lettre, XXXI, du 7 sep-tembre 1512, entre les pages 89 et 98.

“Del rey abajo, ninguno (y labrador más hon-rado)” (ou García del Castañar), pièce dethéâtre, difficilement datable, de Franciscode Rojas Zorilla (1607-1648) :

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http://biblioteca.org.ar/libros/130456.pdf

Étude (1910) d’Edouard Laget sur cette pièce :

https://ia801006.us.archive.org/16/items/delreyabajoning00roja/delreyabajoning00ro-ja.pdf

Pour la traduction française, voir : FrédéricMancier, Le modèle aristocratique français etespagnol dans l’œuvre romanesque de Le-sage : l’histoire de Gil Blas de Santillane, uncas exemplaire ; Paris ; Presses Paris Sor-bonne ; 2001,528 pages. Note 35, pages131-132.

Chapitre 6

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit, CCCLII + 252 p.Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

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« Guicciardini, ambassadeur, à ses mandants deFlorence » : voir Francesco Guicciardini,« Relazione di Spagna Relazione di Spagna »(1513), in Scritti autobiografici e rari, ed. Ro-berto Palmarocchi, Bari, Laterza, 1936 :

« Insomma è re molto notabile e con moltevirtù, né si gli dà altro carico, o vero o falsoche sia, che di non essere liberale, né beneosservatore della parola sua ; nel resto sivede tutta costumatezza e moderazione. »(pp. 125-146).

À consulter :

GARGANO, Antonio ; « La imagen de Fernandoel Católico en el pensamiento histórico y políti-co de Maquiavelo y Guicciardini » in La ima-gen de Fernando el Católico en la Historia,la Literatura y el Arte (Aurora Egido, JoséEnrique Laplana Gil eds. ; ISBN978-84-9911-309-8) ; Zaragoza, InstituciónFernando el Católico (CSIC) ; 2014, pp.83-104.

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http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/34/22/05gargano.pdf

Voir aussi :

GAGNEUX, Marcel ; « L’Espagne des Rois Ca-tholiques dans l’œuvre de François Guichar-din », in André Rochon (éd.), Présence et in-fluence de l’Espagne dans la culture italiennede la Renaissance (Paris, Université de laSorbonne Nouvelle ; 1978), pp. 55-112.

« Voyez-vous la bonne toile que c’est ? Je m’en suisoffert trois jeux ! » Diario oficial de las sesionesde Cortes, 1837, tomo VII, p. 231.

LAFUENTE, Modesto ; Historia general de Es-paña (desde los tiempos primitivos hasta lamuerte de Fernando VII) ; Barcelona ; Mon-taner y Simon editores ; 1879, tomo II, cap.XXVII, p. 416 (nota 5) :

http://cdigital.dgb.uanl.mx/la/1080044679_C/1080074653_T2/1080074653_123.pdf

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SANTA CRUZ, Alonso de ; Crónica de los ReyesCatólicos, in Juan de Mata Carriazo ; Sevil-la ; Escuela de Estudios Hispano America-nos ; 1951, II, p. 281 :

« Y estando la corte en esta villa, por el mesde março, y el rey don Fernando en Car-rioncillo, lugar apartado de Medina por unalegua, deleitoso y de mucha caça, holgán-dose con la reine Germana su muger ;donde como Su Alteza tuviese tanto deseode tener generación, principalmente un hijoque heredase los reinos de Aragón, le hiçodar la Reina algunos potajes hechos de tur-mas de toro y cosas de medecina que ayu-davan a hacer generación, porque le hicie-ron entender que se empeñaría luego.Aunque otros pensaron que les avían dadoveneno, o tósigo. »

Chapitre 7

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TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit, CCCLII, 252 p. (se-

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gundo libro : documentos y bibliografía).Voir :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Une biographie de Vasco Nuñez de BALBOAa été transposée par Fred FUNCKEN au ni-veau d’une BD en 4 planches aux illustra-tions attrayantes ; elle est parue en Bel-gique, dans le N° 38 de l’hebdomadaire« TINTIN » du 17 septembre 1958 et n’au-rait pas été publiée dans l’édition française.

http ://www.idesetautres.be/upload/19580917 %20BALBOA%20FUNCKEN.zi

Il est étonnant que, depuis 1927 (et de nom-breuses rééditions, par exemple chez Losa-da, un des plus grands éditeurs argentins,entre au moins 1938 et 2011), personne ap-paremment n’ait signalé (ne fût-ce que par

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une note en bas de page) les « anachro-nismes » que nous avons relevés…

Chapitre 8

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit, CCCLII, 252 p. (se-gundo libro : documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Ouvrage de références :

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de loismaritimes antérieures au XVIIIe siècle ; Paris,Imprimerie royale ; 1845, tome sixième,672 pages. (Table chronologique de tous lesdocuments dont les textes sont contenusdans cette collection : pages 629-638. Tablealphabétique des matières des 6 volumes :pages 639-671) :

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https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

Voir, en particulier, chapitre XXXIV, « Droitmaritime des provinces méridionales et oc-cidentales de l’Espagne, situées surl’océan », pages 1-300 (N.B. : textes bi-lingues).

Chapitre 9

“Bouffées de Bagasse (Bofes de bagazo)”, voirpage XXV in : Toribio Medina, José ; JuanDíaz de Solís. Estudio histórico ; op. cit., CC-CLII, 252 p. (second livre : documentos ybibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Iconographie caravelles, voir : Dictionnaire enimages DUDEN français ; Barcelona ; Edito-

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rial Juventud ; deuxième édition, 1962, pp.384-385.

Chapitre 10

TORIBIO MEDINA, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; op. cit., CCCLII, 252 p.(segundo libro : documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Ouvrage de références :

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de loismaritimes antérieures au XVIIIe siècle ; op.cit. (Table chronologique de tous les docu-ments dont les textes sont contenus danscette collection : pages 629-638. Table al-phabétique des matières des 6 volumes :pages 639-671) :

https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

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Voir, en particulier, chapitre XXXIV, « Droitmaritime des provinces méridionales et oc-cidentales de l’Espagne, situées surl’océan », pages 1-300 (N.B. textes bi-lingues).

Nous y avons puisé les traductions decontador (répartiteur), escribano (notaire,écrivain) et factor (chargé de factorerie).

Ci-dessous, des extraits concernant leurstâches et obligations.

Concernant le contador (3ème paragraphe) :

https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

Concernant l’escribano (3ème paragraphe) :

https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

Concernant le factor (2ème paragraphe) :

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https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

FUNCKEN, Fred, Christophe Colomb : Illustra-tion des caravelles par Fred FUNCKEN in« L’Histoire du monde : la course aux épices »(in TINTIN N° 29,16071958)

https://www.idesetautres.be/upload/CHRIS-TOPHE%20COLOMB%20FUNCKEN.pdf(2017)

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB%20FUNCKEN.zip(2011)

TORTON, Jean a, lui aussi, dessiné une bio-graphie de Christophe COLOMB : « Le rêvedoré de Christophe Colomb » (in TINTINN° 41,1981).

http://bdoubliees.com/tintinbelge/auteurs5/torton.htm

DE MOOR, Bob (1925-1992) : Rappelons qu’ilétait un dessinateur de la mer et, notam-

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ment, de caravelles dans « Cori, le mous-saillon », série de 5 BD se déroulant au16ème siècle. Voir notamment « L’invincibleArmada » (« Le dragon des mers », page 6)les vignettes suivantes (copyright BD Must,2013), illustrant, entre autres, la manœuvredu cabestan. (Si ce roman avait été traduitde son vivant, peut-être nous aurait-il faitl’honneur de l’adapter en BD. Nous l’avionsrencontré (il habitait près de notre Centred’expression et de créativité) et il nous avaitfourni une illustration inédite pour « Ides…et autres » N° 4 (IEA04) :

http://www.idesetautres.be/?p=di-vers&mod=showPicture&id=1257686604cQ-Li.jpg)

Intégrale « Cori, le moussaillon » :

www.bdmust.be

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Introduction

Carte de presse pour l’Exposition Universellede Bruxelles en 1910. (Document fourni parson petit-fils, Roberto Pablo Payró.)

Illustration de couverture de l’édition de réfé-rence.

Juan Díaz de Solís, préface de l’édition de réfé-rence.

Mapa Mundi de Domingos Teixeira / Carte deDomingos Teixeira de 1573 (Bibliothèquenationale de France). « À noter, la projectionn’est pas centrée sur l’Europe mais sur la ligneissue du traité de Tordesillas, celle du traitéde Saragosse étant dédoublée, à gauche et àdroite de la carte. Ceci a pour effet de bienmontrer le découpage du Monde à parts égales

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entre Espagnols et Portugais, dont les blasonsrespectifs ornent les terres conquises. » (Vi-vianne Lutun Noz, Pintrest.)

Chapitre 1

Carte golfe de Paria par NordNordWest (Wiki-média CC. BY-SA-3.0de),

https://commons.wikimedia.org/w/in-dex.php?curid=41101645 Lic. Creative Com-mons by-sa-3.0de.

Carte des voyages de Alonso de Ojeda,16.02.2013, par Taichi (Wikimédia GnuFree Documentation Licence version 1.2)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fi-chier:Viajes_de_Alonso_de_Ojeda.PNG. Lic.GNU Free Documentation License version 1.2.

Page de couverture de l’Histoire naturelle desIndes, Fernández de Oviedo y Valdés.

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Carte du monde d’Alberto Cantino, de 1502,d’après les voyages de Christophe Colombdans les Caraïbes, Pedro Álvarez Cabral auBrésil, Vasco de Gama suivi de Cabral dansl’Afrique de l’Est et en Inde, et des frèresCorte-Real au Groënland et en Terre-Neuve. Nommée d’après l’agent italien àLisbonne qui l’obtint du Duc de Ferrare,carte secrète qui fut évidemment copiée.

Drapeau de la Compagnie de Guiné, reproduitpar Nuno Tavares, s.d. (Wikimédia). (GNUFree Documentation License, Version 1.2 .)

Chapitre 4

Carte provenant de Les enjeux de la cartogra-phie, Bibliothèque nationale de France. Ellereproduit dans un format réduit la MapaMundi de Domingos Teixeira / Carte de Do-mingos Teixeira de 1573 (Bibliothèque natio-nale de France). Voir l’introduction.

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Chapitre 2

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Chapitre 5

Carte d'Amérique divisées en ses principales par-ties par Guillaume Delisle, d'Anville. Rec-tifiée après les nouvelles Observations deJean-Baptiste Bourguignon d'Anville etautres Géographes ; J. Condet (graveur). ÀAmsterdam : Chez Covens & Mortier & Co-vens Junior, 1744.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CartedAmerique.jpeg

Chapitre 6

Les photos proviennent de « Iconografía deFernando el Católico », par Enrique PARDOCANALIS (Zaragoza ; Institución Fernandoel Católico ; 1963,140 p.) :

http ://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/02/68/_ebook.pdf

Les photos utilisées sont les numéros : 21(p. 79), 25 (p. 83), 31 (p. 89), 45 (p. 103),

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47 (p. 105), 67 (p. 125), 73 (p. 131) et 77 (p.135).

Chapitre 7

Portrait de Juan Rodriguez Frayle, anonyme, s.d.

http://www.lablaa.org/blaavirtual/biografias/images/rodrjuan.jpg

Carte situant la Castille d’Or par « Santos30 »(Creative Commons Attribution-ShareA-like3.0Unported license) :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tierra_Firme_Coquivacoa.PNG

Chapitre 8

Peinture à l’huile d’Alonso Sánchez Cœllo, de-puis le quartier de Triana, en 1498. Le Puer-to de Indias qui, au 16ème siècle accueillaitun grand nombre d’embarcations le long duGuadalquivir, passant par Séville (on dis-tingue la Giralda au fond, à gauche le pontdes barques et, à droite, la Torre del Oro).

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https://es.wikipedia.org/wiki/Puerto_de_In-dias#/media/File:La_sevilla_del_sigloXVI.jpg

Alfonso X construye sus astilleros en Sevilla(1252), photographié par José Luis FilpoCabana, mai 2010 (Wikimédia CreativeCommons CC0 1.0 Universal Public Do-main Dedication).

Cuarto del Almirante de los Reales Alcázares deSevilla, photographié par CarlosVdeHabs-burgo le 10.07.2014. (Wikimédia. ) CreativeCommons Attribution-Share Alike 3.0 Un-ported).

Chapitre 9

Robert Fleury, Joseph Nicolas, Réception deChristophe Colomb (1451-1506) par les roisd’Espagne Ferdinand et Isabelle la Catholiquea Barcelone en 1493 L’explorateur revient avecdes Indiens captifs. (Musée du Louvre.)

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Christophe Colomb par Fred FUNCKEN (cour-toisie de M. et Mme Fred Funken, selon au-torisation donnée à Bernard Goorden) :

http://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB%20FUNCKEN.zip

Entrée de Hernan Cortés dans la cité de Tabasco,huile sur toile, deuxième moitié du17e siècle, anonyme (Wikimédia.)

http://www.kislakfoundation.org/collec-tionscm.html,

Représentation schématique d’un galion. (Ar-chives de Pearson Scott Foresman, donnéeà Wikimédia)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galleon_(PSF).png

Chapitre 10

Cathédrale de Seville du côté des marches, huilesur toile, 1835, Genaro Pérez Villaamil(Fondation de la Banque Santander.)

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EL MAR DULCE

PREFACIO

“La Nación comenzará a publicar mañana ensu folletín la última obra de Roberto J. Payró,cuyo título es EL MAR DULCE, crónica romances-

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ca del descubrimiento del Río de la Plata por JuanDíaz de Solís.

El libro comienza como una de esas ligeras llo-viznas primaverales que la tierra bebe apenas semoja, pero que luego, al persistir, van arreciandopoco a poco hasta volverse copiosas, torrencialesy capaces de desbordar los ríos y anegar los cam-pos.

Este símil ha sido quizá el primero en ocurrír-senos, por ser cosa nuestra, natural y del momen-to; pero encajará mejor, sin duda, que compare-mos el desarrollo de EL MAR DULCE a esas sin-fonías que, comenzando con un “pianissimo” delas cuerdas, van luego complicándose y ensan-chándose hasta alcanzar las mayores sonoridadesde la masa orquestal.

Y así tendría que ser la “Opera”, si la músicahabía de acompañar e interpretar bien el “libre-to”. El poema, comienza en una apacible mañanacon un diálogo apacible en la apacible Logroñode principios del siglo XVI; diálogo entre el cronis-

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ta y poeta Oviedo y su amigo Juan Díaz de Solís,en quien ya se vislumbra el alma del héroe que,después de llevar a cabo venturosamente larga yarriesgada travesía, sucumbe en la más inespera-da y obscura tragedia, al descubrir nuestro granrío, que él bautizó Mar Dulce y que en verdad y enjusticia debiera llamarse Ensenada de Solís.

En las primeras escenas de la obra, vense lospreparativos del gran viaje, a los que da singularinterés la solapada acción de españoles y portu-gueses para violar la famosa línea demarcadoradel tratado de Tordesillas, tan matemática y claraen apariencia como ocasionada a casuísticas dis-cusiones en su práctica e interpretación.

Sobresalen entonces, entre otras, dos escenas:la primera en que Solís contrata al ladino andaluz

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Diego García de Moguer, y que comienza a poner-nos en contacto real, diremos, con algunos perso-najes del drama; y la segunda, quizá la más per-fecta del libro, en la que la rivalidad hispano-lu-sitana de entonces está pintada con los tintes obs-curos y la magistral sobriedad de un Velázquez, aldescribir la entrevista que Solís celebra con el em-bajador de Portugal, Vasconcelos. Es admirablela lucha, el duelo de aquellos dos hombres en queSolís resiste con tanta entereza como ironía las su-tiles artes del diplomático, que, yendo del halagoy las ofertas tentadoras hasta la amenaza, quiereconquistar a toda costa al célebre piloto para quedeje de servir al Rey de España y se ponga a lasórdenes de su Señor.

Viene después, y también tiene interés muy vi-vo, toda la parte del libro en que vemos librarseotra lucha, de muy distinta índole, pero no menosapasionada que la anterior, entre Juan Díaz deSolís y los señores de la Casa de Contratación deSevilla. Las mezquinas triquiñuelas de una buro-cracia en extrema papelera, desconfiada y auto-

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ritaria que se atrevía hasta oponerse a la omní-moda voluntad del monarca, y la satisfacción deSolís al humillar a aquellos empecinados y en-vidiosos funcionarios que muy mal le querían,porque no era hechura de ellos y no acataba sinréplica su caprichosa y estrecha autoridad, danmotivo a muy movidas, características y sabrosasescenas.

Los preparativos del viaje en el puerto de Se-villa, en medio de la curiosidad general y de losvariados y graciosos comentarios populares, conla entrada en escena de un simpático arrapiezoque llegará a alcanzar notoriedad con el nombrede Francisco del Puerto; las recaladas en Sanlú-car, en Lepe, y luego la partida hacia la granaventura, forman páginas llenas de pintorescaamenidad y de fuerte emoción, a pesar del rudotemple de aquellos que la acometen.

La travesía, con una descripción sin duda muypróxima a la verdad, de la vida, penosísima aveces y harto incómoda siempre, que se hacía enlas naos; la escala en Tenerife, que viene a ser pa-

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ra la tripulación, gracias a la hospitalidad cana-ria, regocijada fiesta; la entrada y la estada enla bahía de Guanabara, que da origen a una so-bria y bella página descriptiva, así como la llega-da a la embocadura del prodigioso río, que Solísmás presiente, sin duda, que descubre cuando ha-bla de él a sus compañeros, estando aún en ple-no océano, constituyen muy hermosos capítulos,sobre cuyo fondo se destaca la noble figura delcapellán, de a bordo, fray Buenaventura, grandey dulce alma de misionero cristiano que condenalas crueldades cometidas por los conquistadorescon los indígenas y que no desmaya en su misiónevangélica, a pesar de la desatención y las burlascon que reciben su palabra aquellos hombres co-diciosos e inconscientemente crueles que pretendealeccionar.

Y, por último, tras de un descanso en el bellorío que llamaron de los Patos – hoy de SantaLucía en el Uruguay – la inesperada tragedia quepone luctuoso, horrendo término a una aventuraque había corrido hasta entonces de la más afor-

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tunada manera, aunque en ella la generalidad dela tripulación hubiera visto defraudada la sed y laseguridad de alcanzar las más fabulosas riquezasque los impulsara al gran viaje.

Tal es, muy sucintamente contada, la nuevaobra con que Roberto J. Payró enriquece la litera-tura argentina.

Es un bello, un noble libro en el que corren pa-rejas la verdad histórica, y la belleza literaria, contanta probidad perseguida la una como la otra,sin hacer más concesiones a la imaginación, queaquellas que impone lo escueto de los relatos he-chos por los testigos presenciales a la manera dediarios de a bordo, para pintar los ambientes ydar a los hombres y a las cosas sus rasgos ca-racterísticos y los movimientos de la vida. Encuanto al estilo sólo diremos en su elogio que co-mo lo requería lo épico y lo español del asuntotiene la limpieza, el bruñido y el temple de una es-pada de Toledo”.

“La Nación”, 8 de septiembre de 1927.

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I

LA PLUMA Y LA BALLESTILLA

El aspecto y las maneras de aquel hombreno revelaban ni su edad ni las muchas agita-ciones de su vida. Arrogante y resuelto, a pesarde cuarentón, llevando con donaire trusa y ro-pilla acuchilladas, emplumado birrete y toleda-na al cinto, era un guapo mozo de frente alta ydespejada, barba castaño obscuro con el refle-jo luminoso de alguna cana, grandes y enérgi-cos ojos pardos, tez morena y encendida, narizafilada que daba a su rostro enjuto cierto airemorisco, boca grande, sensual, de labios rojos,mano fina y nerviosa. Decíasele zahorí – como

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nacido en Viernes Santo, a la hora de la muertedel Salvador –, y a esta fama popular de virtualdescubridor de tesoros y realizador de prodi-gios, agregábase la de la audacia, las aventu-ras dramáticas y heroicas, las costumbres untanto libres y la más sólida pero menos ruidosade ser, amén de asaz versado en bellas letras,buen matemático e insigne mareante.

Las largas esperas en Logroño para conve-nir con el rey don Fernando el Católico – quecazaba en Mansilla – por pormenores de unaatrevida expedición, hubiéranle sido harto mo-lestas a no depararle la suerte un amigo segúnsu corazón, llamado a la vieja ciudad por as-piraciones análogas aunque no por idénticosnegocios. Era éste militar y cortesano – perono de los afeminados que sólo más tarde flo-recieron –; hombre de ojo avizor, delgados la-bios irónicos y expresión al propio tiempo es-cudriñadora y esquiva. Manejaba la pluma contanto garbo como la espada esgrimida desdela niñez, y considerábasele uno de los más no-

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tables cultores de la lengua romance en versoy prosa, y uno de los mayores eruditos de laépoca.

Como todos los días desde que en la villase encontraron, paseaban lentamente en la ala-meda que orla el Ebro, departiendo y gozandodel fresco y la soledad que la hora tempranales brindaba. Absorbidos por la plática, sus mi-radas vagaban abarcando, sin verlos, el paisajeasoleado, las fachadas blancas y los tejados ro-jos de la villa cortada por el río y dominada,entre otras torres vetustas, por la alta flechasecular de Santa María de Palacio, los camposfértiles divididos en huertos, viñedos, olivares,tierras de pan llevar, las carreteras y los cami-nos polvorientos, y allá lejos, como velada porlos últimos tules de la niebla matutina, la ondu-lación de las montañas en cuyas laderas hun-den sus raíces hayas y robles y que, al Oeste yal Sur, defienden la comarca de los vientos delmediodía.

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— Repetidme esos versos, que me placentanto – dijo el marino, dirigiéndose al militar yescritor.

— No me los sé de coro y no traigo el pape-lejo – contestó el interpelado.

— Algunos recordaréis, si no todos… A feque en ellos están pintadas como en un retablolas malandanzas de descubridores y conquista-dores de Indias.

— Conquistadores de Indias, sí, esperad…– repitió el otro como haciendo un esfuerzo dememoria para recitar en seguida con cierto én-fasis burlón:

De lo que hacen y traensin saber contar el cuántonos ponen tan grande espantoque los pensamientos caen,pues no pueden subir tanto;por lo cual tiene Castillauna tal ciudad, Sevilla,que en todas las de cristianos

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pueden bien los castellanoscontarla por maravilla.De ella salen, a ella vienenciudadanos labradoresde pobres hechos señores,pero ganan lo que tienenpor buenos conquistadores…(119)

— Esa parte está de perlas, pero no es laque mejor da en el hito – observó el que escu-chaba. – Continuad, continuad, don Gonzalo,que nunca habéis tenido flaca la memoria.

Aunque saltando aquí y allí alguna estrofaque le escapaba, sin esperar mayores súplicas,el poeta recitó la composición:

Aventurando sus vidashan hecho lo no pensado,encontrar lo nunca hallado,ganar tierras no sabidas,enriquecer nuestro estado,ganarnos tantas partidasde gentes antes no oídas,

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y también, como se ha visto,hacer convertirse a Cristotantas ánimas perdidas…(120)

— ¡Bien, vive Dios! – exclamó el marino –.¡Adelante, Oviedo, adelante!

— En lo que sigue – dijo Oviedo – hablo decierto conquistador en particular… Pero éstehame dado tantos motivos de enojo que noquiero repetir su enfadoso nombre:

… Peleando y trabajando,no durmiendo mas velando,con mal comer y beber,ved si merece tenerlo que así ganó burlando!Es verdad que su gananciaprocedió de su constanciaque quiso, con su virtud,proveer su senectudcon las obras de su infancia…(121)

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— Infancia va por mocedad – explicó elpoeta –. El borceguí de la rima suele forzarnosa hacer visajes. – Y prosiguió:

y ganó en esta jornadatraer la pierna quebradacon… lo demás que traía,sin otra mercaderíasino su persona armada…(122)

— Ese “lo demás que traía” debe de refe-rirse al consabido y malhadado morbo que tan-to da que rascar – dijo el otro en tono de inter-rogación.

— “¡Tu dixiste!” – contestó Oviedo –. Pero,con el famoso palo guayacán, nunca lo bas-tante bendecido, la Divina Providencia supodarnos junto a la enfermedad de aquellas tier-ras el remedio que las cura y que también naceen ellas(123).

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— Bien podría haberse ahorrado tal trabajo,ahorrándonos a nosotros la dolencia – objetófestivamente el marino.

— Allá veréis – contestó Oviedo –. Pero enesto no paran los trajines y desventuras delos descubridores y conquistadores, pues, co-mo digo en mis malas rimas:

sobre esta tanta excelenciahay mil malos envidiosos,maldicientes, mentirosos,que quieren poner dolenciaen los hombres virtuosos!(124)

— A vos tampoco habrán dejado de roeroslos zancajos, don Juan – agregó el poeta.

— Es mucha verdad – contestó don Juan –.Y espero que habréis de cortar vuestra mejorpluma para ponerlo también muy por lo menu-do, con todos sus pelos y señales, en los librosque escribís con tanto ingenio.

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Gracias, pero no basta el ingenio… Por for-tuna, reales cédulas hay mandando que los go-bernadores de Indias hagan llegar a mis manosexacta relación de cuanto ocurra y vean en susrespectivos gobiernos. Pero eso tampoco bas-ta. Mi conato es ir en persona a esas misterio-sas Indias, tocarlas con el dedo, conocer el se-creto de sus selvas, de sus montes, de sus ríos,de la misma animalia que los puebla… porqueflaco y desmedrado y desabrido es el fruto delescritor que, sin haberlo visto, cuenta lo queotros le contaron…

— Pero Su Alteza no os promete?…

— ¡Más que prometer! Ha venido en man-darme a la Española, donde seré su veedorde fundiciones de oro, cargo honorable, prove-choso y descansado que me permitirá verlo to-do y consagrarme a mis estudios predilectos.¡Ya me tarda ponerme en camino! Quizá – aquí“inter nos” – no sólo me muevan mis aficionesde cronista, quizá me atraiga sobre todo elamor de las aventuras… pero vive el cielo que,

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pese a las malas lenguas, no me lleva la codi-cia… Lo curioso, lo imprevisto, lo aun ni soña-do, son mi imán… y a lo que olisco, mi buenpaisano Juan Díaz de Solís padece del mismoachaque…

El escritor lo dijo no sin cierta gracia, lla-mando paisano al mareante porque las familiasde ambos eran oriundas de las Asturias deOviedo, aunque el primero naciera en la villadel oso y el madroño y el mareante, según élafirmaba, a la sombra del antiguo castillo deLebrija.

— Sí – contestó don Juan – cojeo del mismopie, no os lo puedo ni os lo quiero negar. Enel villorio de Lepe hallábame como el pez enel agua, pero ni la vida regalona y holgazana,ni el amor de mi mujer y mis pequeños han lo-grado detenerme en cuanto vislumbré la posi-bilidad de un gran viaje… Una como ansia meempuja a otros destinos… Así, también, un día,llevándome a Portugal me llevó a mi desgracia,me forzó a desafiar hombres y elementos, a de-

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fender y lavar la honra de mi nombre y – únicopecado que no se me perdona – a cobrar pormi propia mano y con violencia lo que engaño-samente y con la intención secreta de burlarmeme prometió el portugués…

— Conozco la historia – interrumpió grave-mente Oviedo – y lamento de corazón vues-tros infortunios… Y, a propósito de ellos, y sinmalsana curiosidad, desearía saber… Pero metacharíais de indiscreto y no oso preguntarostales cosas…

— ¡Hablad! ¡Preguntad!… ¡Viniendo de vosa mi, todo os está permitido, don Gonzalo!

— ¡Con todo, con todo! ¡En fin! a fuer dehistoriador vuestro, que seré si Dios me da vi-da, importa que yo sepa, hasta el más insigni-ficante detalle para bien de la verdad… Pues…según el vulgo ¿cómo lo diré? las desdichas pu-dieron en un momento dado más que la volun-tad, y buscasteis el medio de olvidarlas… Has-

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ta parece que desde entonces se os da un re-moquete no muy bien sonante…

— “Bofes de bagazo”, ¿no es así? – pre-guntó Solís con forzada sonrisa(125).

— Así es, en efecto… ¿No os sabe demasia-do mal que lo haya repetido?

— ¡Eh! como suelen los decires, éste tienesus asomos de verdad. Por fortuna sólo sonasomos… No hago muchos ascos a un buentrago de la añejo… Pero, ¿a quién ha de espan-tar en la bendita tierra del vino, ni quién puede,en estos tiempos y estos lugares, tirarme la pri-mera piedra? ¿Qué marinero, al llegar a puer-to, antes de zarpar y en los intervalos, no echaun taco platicando con los amigos? ¡Pero, ea!se me da más gloria de la que merezco al decirque mis pulmones trascienden tanto que se mereconoce por la vaharada. No, don Gonzalo, noahogué en vino, que bien podría, mis pesares;busqué consuelo en otras disciplinas… y lo en-contré. Pero después fue vano que en mi so-

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ledad de Lepe tratara de consagrarme al estu-dio de las ciencias y de las letras, de compla-cerme en el comercio de sabios cuya amistad,como la vuestra, es seductora y admirable…Los libros parécenme ahora helados y hueros,sombra de sombras, frente a lo que puede ofre-cerme la aventura, y los doctos amigos exaspe-ran lo que llamo mi curiosidad…

— Cojeamos del mismo pie, como decíaishace un rato – murmuró Oviedo.

— ¡Sí, don Gonzalo! – continuó Solís – Yame veo de nuevo en viaje a las Indias, y estesueño basta para que el pecho se me ensanchey el corazón me lata con el vigor de los veinteaños.

— Dios os depare grandes hazañas, y ¡vivayo para contarlas y cantarlas! – exclamó Ovie-do.

Ensimismados pasearon ambos la vista porel paisaje sin fijarla en parte alguna, sin verotra cosa que su ensueño interior, y después de

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prolongada pausa habló por fin el cronista enel tono de la plática familiar:

— Tras de Colón – a quien conocí cuandolos Reyes le recibieron con tanto honor en Bar-celona, muy ajeno de sospechar y temer todolo malo que se le reservaba –, tras de varóntan insigne, que mis ojos de niño admiraron,y fijaron para siempre en la memoria, otroshombres, como vos esforzados, emprendieronatrevidos viajes y realizaron descubrimientosportentosos. Algunos, y particularmente vos,no tuvieron par, ni puede hallarse quien se lescompare, no siendo príncipe; porque los reyessaben y pueden dar cuanto les place, ciudades,estados, señoríos y otras cosas grandes; ¡peroa hombres que los vimos ayer pobres, y cuantotenían era muy poco, bastarles el ánimo, tén-golo en tanto que no sé cosa semejante en es-tos tempos ni en otros!

— ¿No os mueve el entusiasmo, que sueleabultar en demasía?

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— No, no: me ciño a repetir lo que anocheescribió esta misma mano para suspensión yadmiración de las gentes venideras.

— ¿No podré conocer desde ahora esos es-critos? ¡Me complacería tanto!

— Estoy como quien dice con el pie en elestribo y no puedo daros gusto, aunque loquiera. Pero a su tiempo les conoceréis. En el-los hablo, naturalmente, de Colón, don Cristó-bal, quien – primus inter pares – sólo guiadode la mano de Dios y de su humana saber, des-cubre las Indias no sospechadas y añade a lacorona de Castilla islas y tierras de singular ri-queza, y con él, de don Diego y don Fernan-

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do Colón, amigos míos muy amados. Tampocoolvido, por cierto, a amigo tan ilustre, vuestroy mío, como Vicente Yáñez, descubridor delgolfo de Paria y de las costas de la Guayana,donde puso el pie a despecho de bravos natu-rales: ni a los otros Pinzones, que con él com-piten sin eclipsarlo…

— ¿Cómo hubiera podido olvidarse a ésos,ni aun otros, mucho menos grandes?…

— Suele suceder. ¿Qué queréis? la justiciaes “rara avis” en este mundo… Pero a nadie ol-vido de propósito, y difícil me parece que algu-no escape a mi noticia o no figure en los docu-mentos que poseo y estudio con amor…

Olvidaba sin duda que minutos antes habíaomitido deliberadamente el nombre de quienle inspiró sus versos…

— Diego de Lepe – prosiguió Oviedo – quedesembarca en lueñísimas tierras adentradascientos de leguas, hacia el Sur; Rodrigo de Bas-tidas, que corre las playas descubiertas por

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Ojeda y desembarca en Cartagena de Indias; elmismo Ojeda, que repite un viaje admirable yllega al fondo del golfo de Méjico(126); de nue-vo el gran Almirante que, viejo ya, cruza porúltima vez el mar Océano para dar a sus Indiasel “aeternum vale”… ¡Cuánta hazaña y cuántagrandeza!…

— Las primeras sí. ¿Pero las otras? ¿No son,apenas, singladuras más largas, encontrado yael camino?

— No os humilléis por modestia, don Juan,que hazaña muy grande fue también la que hi-cisteis alcanzando con Vicente Yáñez el queVespuche llamó capo de San Agustín(127), lastierras donde Diego de Lepe combatió, el cua-dragésimo grado, que nadie soñaba alcanzar…

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¡Qué importa que otros hayan abierto la puer-ta, si allá adentro estaban el misterio y el peli-gro, y era proeza el desafiarlos!…

— Sin embargo, otros hubo que…

— Conozco – interrumpió Oviedo – conoz-co, también, lo que hicieron Ojeda y Nicuesacomo fundadores de Darién, Juan Ponce deLeón, descubridor de la Florida, tantos otros…¡Oh! el pendón castellano, don Juan amigo,está más alto que nunca, gracias al ánimo es-forzado de todos vosotros, a vuestro generosobrío, a vuestra pujanza…

— Me refería a los portugueses… – insinuóSolís con cierta amargura.

— Sí – replicó Oviedo, displicente – los por-tugueses no lo han hecho mal… No debe me-nospreciarse al competidor, pues con ello, le-jos de realzar, se menosprecian los propiosméritos…

Y, con acento irónico, en el que asomaba eldespecho, continuó:

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— Lances de vientos y corrientes llevarona tientas Pedro Alvarez Cabral a tierras e islasque no buscaba, en la Veracruz del Brasil…Américo (Vespuche), en cambio, que sabedónde le muerde el zapato, y que servía en-tonces al rey Manuel, no iba a tontas y a locascuando dejó atrás el cabo San Agustín y bajó acientos de leguas hacia el Sur, hasta descubrirla bahía de Todos los Santos, no recuerdo si ensu primero o segundo viaje… Y no son esca-sos, tampoco, los méritos del primer visorreyde las Indias portuguesas, don Francisco d’Al-meida, ni las del famoso Tristán da Cunha, aquien Dios cegó de pronto como aplazando susdesignios(128), sólo alcanzados cuando volvióa él la misericordia divina(129)…

— Mordaz estáis, don Gonzalo – dijo elotro, como si no parara mientes en que él mis-mo le había dado pie para ello.

— Pues ¡vive Dios! ¿Es todo eso, y más quefuera, comparable con lo hecho por loshombres, que ensalzo en mis escritos, tan

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grandes que, con sólo hablar de ellos, minombre puede durar eternamente, como durael de Plutarco?… Singular es el amor con queescudriño y vivo sus hazañas, pero suelen fal-tarme fuentes fidedignas… así, por nuestrabuena amistad os ruego, don Juan, que no medejéis ignorar nada de la vuestra ni me celéisproyecto alguno, pues logrados o no – losgrandes intentos son simiente y ejemplo – enmis libros pasarán a la posteridad…

Este que hablaba y era el capitán don Gon-zalo Fernández de Oviedo y Valdés, escritor deestilo personal y elocuente, que aún se lee ennuestros días(130), como él lo presumiera, co-menzaba a la sazón a componer la célebre “Ge-neral y Natural Historia de las Indias”(131). Ensu niñez había sido paje y compañero dilec-to del infante don Juan; como tal asistió – en1492 sólo contaba catorce años – al sitio y to-ma de Granada por los Reyes Católicos, y elaño siguiente a la recepción solemne que és-tos hicieron a Colón en Barcelona. Ya en aquel

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entonces el mancebo revelaba el grande amorde las letras que hizo de él un erudito y ledio pronto tal maestría en el arte de escribirque, sin repartir/reparar en su mocedad, Gon-zalo Fernández de Córdoba, el Gran Capitán,le llevó por secretario a Italia, donde guerrea-ba. En Italia frecuentó hombres tan sabios co-mo el famoso cosmógrafo veneciano Ramusio,con quien mantuvo desde entonces una cor-respondencia epistolar sobre asuntos científi-cos “que no pude menos de ser útil y provechosapara entrambos”, según afirma orgullosamenteOviedo. Acompañando al Gran Capitán y al-ternando espada y pluma, pluma y espada, viocrecer la fama de su nombre, merced a su in-teligencia tanto como a su arrojo, de maneraque, cuando en 1507 – muerta ya doña Isabel– volvió a España Fernández de Córdoba, lla-mado por el regente don Fernando, cuya graciahabía perdido, el monarca no aguardó sus soli-citaciones para nombrar al sabio mozo cronis-ta del Reino, remunerándolo con alguna mayorlargueza que la habitual – tildada por muchos

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de tacañería – y le encomendó la composiciónde un gran libro sobre las nuevas Indias. Pre-parando esta obra habíase puesto en contactocon navegantes y conquistadores, y entre el-los con marino tan experimentado como JuanDíaz de Solís. Desde el primer encuentro, yaunque Oviedo fuese de natural díscolo y hu-raño – así como demostró más tarde crueldadde sentimientos y la codicia de que preventi-vamente se defendía –, nació entre ellos mu-tua inclinación, convertida muy luego en ínti-ma amistad, estrechada más aún cuando co-munes tendencias y análogas aspiraciones lesreunieron en Logroño.

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Los paseantes, entretanto, defendiéndosedel calor que arreciaba, habían acabado porsentarse a la sombra de un roble y continuabansu plática con interés.

— Mientras pasabais revista a los viajes delos descubridores de Indias y dejando a un la-do cuanto a mí toca – decía Solís – me hacíaisrecordar la gracia austera de ese Plutarco quehabéis citado, pero al propio tiempo repre-sentábanse en mi imaginación las tierras alu-didas, hasta en sus menores particularidades,y comenzaba, a roerme otra vez el cerebro laidea pertinaz de que falta a ese mundo un vín-culo de unión, un elemento común que debe deexistir, no me cabe duda, aunque todavía nosescape por desconocido.

— ¡Decid, decid, vive Dios, pues veo quevamos llegando al meollo!

— Pues siempre, al pensarlo, me asedia laconvicción de que tantas islas y costas comose han descubierto no pueden ser simples ac-

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cidentes caprichosos surgidos del mar, ni tam-poco tristes y escasos restos de la Atlántida dePlatón, sino – como ciertos escollos que sue-len anunciar la proximidad de tierra firme –palpables señales de un verdadero continente,quizá de esa misma Atlántida perdida y no re-cobrada… Si voy a ciegas, no es, pues, del en-tendimiento, porque éste es quien, a sabien-das, me impele a realizar el hallazgo… Y larazón me dice que – aun en el caso de en-gañarme – el engaño mismo sería glorioso,porque forzosamente en lugar de la tierra firmeque busco, haría, equivocándome, tan notabledescubrimiento como el del paso a las IndiasOrientales…

— ¡Bien razonado! – exclamó Oviedo –. Noha mucho, en Madrid, platicando con el pilotoAndrés de Morales, compañero de Colón y deRodrigo de Bastidas, y con Pedro Mártir deAnglería, cronista como yo, afirméles, con laaprobación de Morales, que a mi ver, las tier-ras de los dominios de Castilla en aquellas

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partes no son islas, sino un gran Continente…Pero continuad.

— Sí. No cabe más: o todas son islas y porfuerza habrá paso entre ellas, o allí, como pen-samos ambos, hay un Continente que abarcadesde el trópico hasta el polo…

Oviedo había estado mirando a Solís de hitoen hito hasta este punto, entre admirado y du-doso; pero al oír sus últimas palabras, ponién-dose involuntariamente de pie, exclamó:

— ¡O paso o tierra firme! ¡Tenéis razón! ¡Nocabe más!… ¿Cuándo partís?

— Apenas Su Alteza lo disponga… ¡Pero niuna sola palabra a nadie, don Gonzalo!

— Descuidad. Bien se me alcanza que, parabien de todos, esto se ha de tener secreto…

— ¡Y tanto! Preciso es que la noticia no ha-ga aguzar la vigilancia o, mejor dicho, la en-vidia de Portugal, que desearía servirse en suexclusivo beneficio del tratado de Tordesillas.

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Aquí mismo hay ojos avizores que están clava-dos en mí, como si sospecharan…

— ¡Así ha de ser! Ya sabéis el refrán: “En loscampos de Logroño siempre anda suelto el de-moño”. Y el demonio que os está mostrando lapezuña es, si no me engaño mucho, don JuanMéndes de Vasconcelos…

— ¡Precisamente! El mismísimo embajadordel rey Manuel, que tanto se precia de hábil yastuto.

— ¡Guarda! Que don Fernando no quieredesagradar a su señor yerno.

— Sí, pero Su Alteza quiere también, ¡viveDios!, que su voluntad se cumpla, y así será,pese a las industrias del embajador. Así será,repito, sea con avisada diplomacia, sea, abiertay resueltamente si no bastan las sutilezas de lapolítica…

— Habláis como de cosa hecha…

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— No está muy lejos de serlo, efectiva-mente. Hoy debe de llegar a Logroño Fran-cisco de Torres, hermano de Ana, mi mujer…Creo que le conocéis y le tenéis por buen pilotoy hombre de pro… Pues le he llamado para en-comendarle las primeras diligencias de arma-mento de naos y reclutamiento de gente… Deun momento a otro aguardo la anunciada pala-bra del Rey.

— ¡Hola, hola! ¡Y tan calladito que me loteníais!

— Era forzoso.

— Bien elegido está Torres: téngolo en mu-cha estima, y, como hombre, como mareante ycomo deudo, será vuestro dignísimo segundo.

— Cormano mío es, antes que cuñado.

— Pero esas primeras diligencias ¿no seránprematuras? ¿No puede dilatarse la orden deSu Alteza?

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— El Rey sólo aguarda a que un sucesocualquiera le devuelva o parezca devolverle lalibertad de acción respecto a Portugal. Pero siesa circunstancia no se produce, naturalmenteo por obra del portugués, ¿quién quita que po-damos provocarla… o inventarla en el peor delos casos?

Oviedo meneó la cabeza afirmativamente –conocía él también a don Fernando –, y des-pués de corto silencio preguntó:

— Contáis hacer un viaje muy prolongado?

— De un año entre ida y vuelta… Esta vezsólo se trata de ver de cerca cuál de mis conje-turas es la buena y cuál la engañosa… En cual-quiera de ambos extremos volvería en seguidaa buscar fuerzas mayores de gente y denavíos…

— Desconfiad de las maniobras en tierra,don Juan. Me perdonaréis, como amigo, queos lo diga: sois un mareante incomparable,pero no un general aguerrido y prudente, que

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sepa preverlo todo. Una cosa son los escollos ybajíos del mar, otra las emboscadas y asechan-zas de tierra… Contentaos, perdonándome,con ser el gran marino que sois… Y con esto osdiré adiós. ¡Quién sabe si volveremos a vernosaquí abajo!… Creo que hoy mismo saldré deLogroño hacia donde la Providencia me lleve.Adiós, amigo mío, y que El os acompañe…

— ¡Dadme los brazos, Oviedo, y hasta muypronto, estoy seguro!

— ¡Así sea! – dijo el cronista abrazando aSolís.

La brisa matinal había caído por completo,y el sol apretaba, el calor iba haciéndose bo-chornoso y los dos amigos se separaron sinañadir palabra, sumidos en profundas re-flexiones, como previendo que aquélla era suúltima entrevista.

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II

MIENTRAS DUERME ELADVERSARIO

Bajo el sol de fuego las arboledas, los sem-brados, las mismas hierbas polvorientas seachicharraban; la turbia corriente del Ebro eraun espejo ustorio. Calcinábase la ciudad, cuyosilencio interrumpía sólo el penetrante chirriarde las cigarras. Al ver las tortuosas y estrechascalles desiertas, abandonadas hasta por losperros que dormían jadeando al arrimo de lasparedes, nadie hubiera supuesto que aquéllaera la famosa Logroño, llave y término de Cas-tilla, frontera de Navarra, y a la sazón – desde

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que don Fernando cazaba en la vecina Mansilla– residencia de los cortesanos de su séquito,como lo era a veces del señor obispo de Cala-horra y en todo tiempo de los oidores de la In-quisición y el Santo Oficio, de muchos caballe-ros de casa señalada, amén de los sacerdotesque oficiaban en Santa María la Redonda, San-ta María de Palacio, San Pedro, San Bartolo-mé y San Blas, hermosas iglesias cuyos cam-panarios daban a la villa, desde lejos, aspec-to de gran ciudad. Todo el mundo, recogido ensu casa, dormía la siesta, desde el señor cor-regidor y los veinticuatro regidores y jurados,hasta los frailes de los Conventos de San Fran-cisco, Santo Domingo y la Merced, las monjasde los Monasterios de la Madre de Dios, de lasDominicas, de Santa Clara, y los desgraciadosenfermos del hospital. Apoyado al muro y ensu alabarda, bajo la recia torre del puente queda entrada a la ciudad, roncaba el mismo cen-tinela, y en el vetusto castillo feudal que de-fiende el paso, no se movían ni aun las golon-

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drinas cobijadas para veranear en las grietasde sus muros…

Por nadie visto ni oído, como indiferente alfrío y al calor, abroquelado contra los terriblesrayos solares, cruzaba las calles en que la mis-ma sombra reverberaba el calor, un hombre dealta estatura y resuelto porte, que se detuvoante una casa de modesta apariencia golpeócon los nudillos en la puerta maciza y clave-teada. Mientras aguardaba quitóse el sombre-ro para enjugar el sudor que, brotándole de laestrecha frente, iba a perderse en sus grandesbarbas negras. Vestía casaca, jubón y calzas detela ligera, y llevaba gruesas botas de montar.

La puerta no tardó en abrirse y un mozomal encarado franqueó el paso al de las barbas,como si estuviera aguardándole. Transpuestoel umbral, una grata sensación de frescura aca-rició al hombre que, entrando en una sala, en-ladrillada contigua al zaguán, pasó de la fraguade la calle a la húmeda y tibia penumbra del in-terior, que olía ligeramente a moho. Sus ojos,

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encandilados todavía por el sol, tardaron uninstante en ver a Juan Díaz de Solís que salíavivamente a su encuentro(132).

— Gracias por no haberte hecho esperar –exclamó Solís –. ¡Dame esos brazos!

— Me llamaste, y aquí me ves – dijo el otro,abrazándolo. – Pero mira que venir a marchasforzadas y a caballo, un marinero, no es comocoser y cantar.

— ¡Gracias de nuevo, Paco! Ya contaba yocon que harías ese sacrificio… Siéntate.

Y le señaló un sitial de vaqueta de alto re-spaldo, mientras para sí acercaba un escabelde roble de los pocos que había alrededor dela mesa en la vasta sala cuyos únicos muebleseran, además, un cofre forrado de guadame-ciles, un arca morisca con hermosos herrajeslabrados y un grande armario de madera talla-da.

— Vamos a ver si me llamas para la que yocolijo – comenzó el recién llegado quitándole

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el escabel y dejándole el sitial. – Habla, quesoy todo oídos.

— ¿Antes no quieres reposarte y refrescar?¿No estás cansado y sediento?

— Harto, pero me reconcome la curiosidad.

— Lo uno no empece lo otro – replicó donJuan, que gritó en seguida: – ¡Hola, Rodrigo!

Asomó el criado, que debía de estar tras dela puerta, y a una seña de su amo volvió a de-saparecer.

— Me llamaste con tanta prisa que algograve ha de estar pasando…

— Largo es de contar.

— Por mi parte no me falta tiempo…

— Aguarda a que vuelva Rodrigo trayendolo que le he pedido, para no temer interrup-ciones.

El criado entró con una salvilla, en la quellevaba dos cubiletes, un jarro de vidrio mo-

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risco lleno de vino blanco, y una alcarraza deagua fresca.

— Retírate y cierra la puerta – dijo Solís, es-canciando.

Bebieron sendos tragos y don Juan co-menzó:

— Pues, como ya sabes, muerto el florenti-no Américo Vespuche, y pese a ciertas intrigas,el Rey, que me conoce, vino en nombrarme supiloto mayor, y a poco – no había pasado unmes – celebró conmigo una capitulación paracierto viaje del que ya varias veces me habíaentretenido verbalmente, que le interesa mu-cho, y a mí, por de contado…

— Estoy al tanto…

— Sí, porque entonces te supliqué que meacompañaras y tú quedaste en contestarme…Ha llegado el momento.

— ¡Aguarda!… Ante todo necesito saber siya no hay obstáculo para la expedición… Es

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muy importante, porque yo sé que no te faltanenemigos y gente interesada en oponerse a tusplanes, sean cuales fueren… Y tú compren-derás que, como se me hacen proposiciones ami entera conveniencia, no he de dejar lo cier-to por lo dudoso. Más te diré, y es que, a noestar de por medio tú…

— Dirías redondamente que nones, ¿ver-dad? Pues bien, el viaje está resuelto.

— Doña Ana me escribe, sin embargo, quehay grandes empeños para que no se haga…

— Tu señora hermana y digna esposa míahubiera hecho mejor callando esos secretos,que sin ser de alcoba pueden serlo de Estado…Pero se trata de tí, y la primera indiscreción noes la suya, sino la mía…

— Ana no ignoraba que habías de hablarmeen ello, y no hizo sino adelantarse… Entretan-to dejas en suspenso la respuesta.

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— No, que de antemano estaba dada ¡votoa bríos! Nadie será osado a impedir, ni siquieraa retardar el viaje…

— Corren voces de que el embajador portu-gués, ese tozudo e intrigante Mendes de Vas-concelos…

Desde un principio la brava franqueza queparecía caracterizar al visitante – juzgando porsu prestancia y el abierto mirar de sus ojillosnegros – cedía a una visiblemente forzada ac-titud de reserva, sin menoscabo de la deferen-cia, y el afecto, como si el hombre asumiera unpapel inadecuado a su carácter. Solís le inter-rumpió:

— Su Alteza – dijo – ha decidido el viaje,pese a las pretensiones de Portugal y a las tri-quiñuelas de Vasconcelos, y ya sabes que DonFernando no es de los que se dejan torcer lavoluntad. Lo que él quiere, por mangas o porfaldas, eso es lo que se hace.

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El otro respiró fuerte, que era su modo desuspirar.

— Sí, sí – masculló –. Ha arrancado a losmoros la Andalucía, nos ha limpiado de infielesy judíos, ha añadido a su corona el reino de Ná-poles, la Cerdeña, el Rosellón, parte del Africa,y aunque falte la Señora, que Dios haya, ahorale tenemos aquí, empollando a Navarra… bienpuede reírse de las chillerías de un embajadorportugués y de los males humores de su hijo, oyerno, mejor, de Portugal.

— Como ya lo ha hecho…

— Por ejemplo, cuando tu viaje de 1508.

— Chitón, que las paredes oyen.

— ¿Acaso no fue contigo tu criado?…

— Otras gentes hay en la casa.

— Pero, por gran reserva que se guarde,esas cosas trascienden, Juan… A nadie engañóel proceso que pretendieron hacerte los ofi-ciales de Sevilla, ni les valió que Lorenzo Pine-

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do te llevara a la Corte casi codo con codo enlas partes donde podían veros, ni la cólera enque el Rey parecía haber montado contra tí…Mal se avenía todo este ruido con las mercedesque después te dispensó… Y lo que sabe todoel mundo, ¿ha de ignorarlo, acaso, Vasconce-los?

— No podía ser de otro modo – replicóSolís, sonriendo – porque el proceso demostróque yo me había ceñido a las instrucciones delRey.

— Pero, ¿quién ha visto ese proceso?

— El Rey, y es bastante. Su Alteza mismaentendió en el sumario y en todas las diligen-cias, y como no había causa para condenarme,mi encarcelamiento duró apenas lo que la ins-trucción… Nada queda en pie.

— ¡Hum! Naturalmente. Pero Vasconcelosha de seguir preguntándose, como todo elmundo, si es que ya no lo sabe a derechas:¿Hasta dónde llegaron las carabelas Santa

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Magdalena y San Benito, que no deben de ha-berse pasado más de un año papando moscasen el golfo de Paria?… Y no le daría muy buenaespina el que tus tripulaciones, so color deahorrar gastos inútiles, fueran dispersadas encuanto llegaste, ni la prisa con que Don Fer-nando echó mano de tu proceso y tu persona,sin que del primero se haya vuelto a tener no-ticia hasta hoy, y sin que de tí se supiera unapalabra durante tan largo tiempo…

Don Juan acompañaba las observacionesde su cuñado con grandes risotadas, mientrasvolvía a llenar las copas.

— Tienes razón, tienes razón – repetía re-gocijado.

— ¡Bah!, lo que digo corre desde hace mu-cho esas calles de Dios.

— Sí, sí, la calumnia es como la mancha deaceite.

— ¿La calumnia? ¿Quieres encantusarme amí también? No pretendo tus confidencias, si

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no me las haces buenamente, ni a decir verdadlas necesito, porque no todos son tan secretoscomo lo sois, tú y Vicente Yáñez… No faltanotros.

— ¿Otros? – exclamó Solís como sobresal-tado – ¡Bah!, no había conmigo – porque Vi-cente Yáñez es mejor soldado que marinero –nadie capaz de situar un puerto…

— ¡Vamos, Juan! Cuando se navega luen-gos días, meses enteros, con el mismo rumbomás o menos y se ve que el sol sale siemprea babor y se pone a estribor de la nao, el másignorante y torpe sabe que, después de tocaren la Española se llega forzosamente muy alSur de Castilla del Oro. En más de un año, conaires favorables, barcos tan veleros como tuscarabelas y un mareante tan ducho como JuanDíaz de Solís, se va muy lejos… quizá hasta elcuadragésimo grado, si el piloto Pedro de Le-desma, que os acompañaba, no está tonto o nomiente a sabiendas…

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— Prueba de que el viaje fue tal como yolo he dicho y no más, está en los indios quetraje para hacerlos lenguas, y en las muestrasde guanine…

— Indios y guanine pudieron muy bien sertomados sencillamente en la Española, du-rante la recalada… Y allí se quedaron los len-guas en cuestión…

— No insistas, Paco – exclamó Solís, tor-ciendo el gesto.

— ¡Vamos, Juan, vamos! No es mi intenciónmolestarte, sino determinar si he de ir o nocontigo. Animos no me faltan, pero me niegorotundamente a andar a ciegas… Confío en tí,pero tú debes, también, pagarme la confianza.

Desarrugó Solís el ceño, y después de ser-virse y beber una tercera copa, que pareció po-nerlo más animado y comunicativo, alzóse depronto, fue a sacar del armario tallado un lega-jo de papel de barbas con grandes sellos de ce-

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ra, y tendiéndolo con ademán satisfecho a suvisitante:

— Toma, Francisco de Torres, hermanomío – dijo – Lee esta capitulación y sabrás tan-to como yo.

Tomó Torres el manuscrito y lo deletreócon visible trabajo. Luego, meneando la cabe-za con aire dubitativo refunfuñó:

— ¿Qué puede significar esto? Por lo queveo sólo se trata de una demarcación entre lastierras que corresponden a Castilla y las quetocan a la Corona de Portugal… Aunque nodeje de ser importante, no es lo que yo suponíay esperaba…

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— Pues con esto, compréndelo bien – ex-clamó Solís – podemos llegar tan lejos comoVasco de Gama, y mucho más… Pero escucha.Con esta salvaguardia…

— ¡Acaba!

— Bien podremos, si nos parece, y sin quenadie se percate, torcer el rumbo en mitad delcamino y navegar con toda libertad hacia Po-niente, por ejemplo… o hacia cualquier otraparte.

— ¿Quiere decir…? – murmuró Torres mi-rando fijamente a Solís. Y después de un silen-cio exclamó –: ¡Vaya! Ahora comienzo a com-prender… ¡Has encontrado un paso!

— Quizá no, pero nada impide que poda-mos encontrarlo.

— Por lo menos habrás visto señales.

— O presumo que existe, nada más.

— ¡Eh! ¡Lo sabes y lo callas!

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— No puedo decir más de lo prudente…¿Te vienes conmigo?

— Tu reserva no me incita… pero adivino ybasta… No has de hablar así a Su Alteza, puesde otro modo no sería ésta empresa del Rey.

— ¿En fin, vendrás o no vendrás?

Francisco de Torres meditó un instante, yen seguida, levantándose de su escabel:

— ¡Trato hecho! – exclamó.

— No esperaba menos de tí, y te tengo re-servada una sorpresa. A mis instancias, el Reyha venido en nombrarte piloto de la Armada, yserás el segundo a bordo.

— El segundo… después de los sempiter-nos oficiales reales, hechura de la Casa deContratación.

— Tranquilízate… Será gente de paz, quehará cuanto yo disponga… Tendré mucho ojoen ello, y Su Alteza me lo ha prometido… ViveDios que no serán instrumento de esos señores

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de Sevilla que se despepitan por molestarme,ni más ni menos que si fueran agentes “Panelucrando” del Vasconcelos y de don Manuel!…Y hasta puede que… no sean estas sospechasinfundadas…

— Negra traición sería. Pero en los tiemposque corren todo puede esperarse o temerse decortesanos y embajadores…

— La gente va do le conviene… Pero donFernando no es ni sordo ni manco, ni ciego,ni comulga con ruedas de molino. Nada se leescapa, aunque haya perdido auxiliar tan pre-cioso, decidido y discreto como la reina Isa-bel.(133)

Pareció perplejo, arrugó el ceño y al fin,señalando una carta que había quedado abiertasobre el bufete, añadió:

— Con este pliego, diez son ya las invita-ciones que me hace el embajador de Portugalpara que vaya a platicar reservadamente conél… Bien sé lo que se propone… Ha comenza-

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do un trabajo de solapa y, viendo que no puededañarme en el espíritu del Rey, ahora cambiasus baterías… A los ataques va a substituir lasmamolas y los ofrecimientos… Ya he recibi-do, seguramente por su influencia, un salvo-conducto para pasar a Portugal, si lo deseo,que me trajo mi hermano Blas… Se me quiereatraer bailándome delante la esperanza de co-brar cuanto me adeuda la Casa da Guiné(134),dando por no habido lo que cobré “manu mili-tari”. Y sin duda Vasconcelos piensa hacermenuevos avances, ofrecerme un cebo tal que mehaga morder el anzuelo. Pero, ¡tate! ¡conozco amis lusitanos!

— De modo que no acudirás a la cita…

— ¡Aguarda! Quiere a toda costa impedirque yo haga el viaje por Castilla, y me pro-

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pondrá que lo haga por Portugal, pero, natural-mente, no habla de esto en sus cartas…

— Clara está entonces su opinión de queotro no podría hacer lo que tú; de que tú co-noces… cosas que ignoran los demás pilotos…¡Eso es lo que yo digo!…

— Puede. Lo que hay en puridad es queinsiste en que ha de comunicarme algo que,según él, me conviene de veras.

— Pero tú no irás…

— Vaya si iré, vaya si iremos, Paco, porquetú me acompañarás, serás de la partida… Hayque sonsacarle su pensamiento y el del rey Ma-nuel, para dejarles luego con un palmo de na-rices.

— ¿Para qué necesitas de mi compañía? Ennada puede serte útil.

— Te equivocas… Puedes, por lo menos,confirmarle lo que le diga, y agregar por tucuenta, otras cosillas, como lo del salvocon-

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ducto del Rey de Portugal y lo de la cuantíaque se nos adeuda en la Casa da Guiné a mihermano y a mí… Y pues cuatro ojos ven másque sólo dos, tú espulgarás también, por tu la-do, lo que nos diga el embajador, y tratarásde desentrañar su íntimo pensamiento… Peroantes es menester que descanses y te quitesesas ropas de camino. ¿Tienes posada?

— Dejé mi caballo con el portamanteo ydemás en el mesón de Paredes.

— Ya lo suponía, pero conviene que te hos-pedes aquí para no despertar demasiado la cu-riosidad con tus idas y venidas. Nada más na-tural que alojarte en la casa do tu hermano,aunque sea prestada.

— Que me place.

— ¡Hola, Rodrigo! – gritó Solís. – Este irápor tu caballo y equipaje mientras tú descan-sas en el aposento que te tengo reservado.

Entró el mal encarado mozo, recibió las ór-denes de don Juan y se marchó en seguida al

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mesón de Paredes, que estaba a poca distanciade allí.

— Voy a guiarte a tu cámara – dijo Solís.

— Antes, dí… En tu última carta me pedíasque te buscara un hombre entendido y resuel-to, experimentado en cosas de mar y capaz degobernar marineros.

— Sí. ¿Le has encontrado?

— Y está pronto a acudir.

— ¿Le conozco? ¿Quién es?

— Un tal Diego García, natural de Mo-guer…

— Paréceme haberlo oído nombrar.

— Es buen mareante, tosco, rudo, sin mu-chos remilgos, pero bravo y leal.

— ¿Enérgico?

— La energía hecha hombre.

— Como señalado por tí, claro me pareceque te agradaría tenerle a tu servicio.

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— De más está decirlo.

— ¿Es secreto?

— Un pozo.

— Hazle saber, entonces, que le nombropor maestre de una de mis naos.

— No quedarás descontento, ni él tampoco,porque no puede aspirar a más: aunque en lamar sea un delfín, lo negro le estorba y nave-ga a tientas, pero siempre con acierto. Es co-mo los podencos en tierra, que tampoco sabenleer, pero que cazan por instinto natural.

— ¿Tardará mucho en recibir tu aviso?¿Dónde está?

— Se hospeda en el mesón. Conmigo letraje, por lo que pudiere tronar.

— Pues en cuanto vuelva Rodrigo mandapor él. Ahora ven a tu cámara, que aunque hu-milde siempre es más cómoda que un camas-

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don Manuel, en ese paso que, si no de armas,lo será, de lenguas.

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tro de marinero. Duerme un par de horas pa-ra ser luego mi segundo contra Vasconcelos y

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IIIVIVIENDO HACIA ATRAS

Juan Díaz de Solís volvió a la sala y se sentóen el alto sitial de vaqueta. Parecía dormitar,fatigado después de tanta animación. En rea-lidad, meditaba rememorando hechos pasadosy evocando sucesos futuros, como en un en-sueño o en un examen de conciencia al quese mezclara la visión del porvenir. Pero en suspensamientos poco había de sentimental.

Marino hecho a largas travesías y a inter-minables ausencias, nada tierno de corazón, elrecuerdo que más le ocupaba no era el de suhonesta esposa doña Ana de Torres, ni el desus hijos Luisillo y Diego que con ella queda-

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ron en Lepe. Hombres como él, en épocas tanrudas y ásperas, de pasión, pero no de dulzura,sabían amar a su modo, desde arriba y desdelejos, a la familia, propiedad apenas más ce-losamente guardada y protegida que las mate-riales, mientras la honra no anduviese en jue-go. No solían ser el esposo o el padre, sino elamo, el jefe. Solís pensaba, pues, en los suyos,con la parte subconsciente de su espíritu, co-mo se piensa en abstracciones que no alcanzanpor el momento a ejercer una influencia sen-sible en la vida, sino que de ella dependen yse subordinan a ella: muy otros eran los per-sonajes y los hechos que le preocupaban en latrama de su destino.

Revivía pasados y extraordinarios sucesos– viéndolos casi palpables en su imaginación,como nadie sino él podía verlos, limpios demisterio y disimulo – revistando a la luz defugaces evocaciones todo lo ocurrido desdeaquel año de 1492, comienzo de sus pasionesy sus desdichas allá en Portugal…

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Mozo aún, era piloto del Rey. Había hechorápida carrera; podía esperar honores y fortu-na… Pero la “Casa da Guiné”, o de Guinea, acuyo servicio estaba, comenzó a descuidarle, ademostrarle cierta malevolencia que su sangrearrebatada no podía soportar sin cólera. Lle-garon a debérsele sus sueldos de piloto hastala crecida suma de ochocientos ducados, equi-valente a más de setecientos mil maravedís,y no se le pagaba, pese a sus insistentes re-clamaciones y a las reiteradas órdenes de donJuan II. Solís creyó que, de acuerdo con la Ca-sa de Guinea, el Rey se burlaba de él no dandoa sus mandatos la efectividad necesaria, o de-sautorizándolos a hurta cordel apenas formula-dos. Todavía, al recordarlo, una crispatura da-ba airada expresión a su rostro. Pero a ésta su-cedía, inmediatamente, una sonrisa burlona.

Es que no había tardado en encontrar ma-nera de dar satisfacción a su amor propio he-rido, y de poner a salvo sus intereses. Una in-discreción “inter pocula” le permitió saber que

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ciertos corsarios franceses, con quienes habíatrabado relación en uno de sus viajes, prepara-ban un golpe de mano productivo en detrimen-to de la Casa de Guinea. No vaciló, pues creíade evidente e indiscutible justicia recobrar losuyo de cualquier modo que fuese. Unido a loscorsarios, embarcóse con ellos y juntos apre-saron en alta mar una carabela portuguesa queregresaba de la Mina con veinte mil doblas deoro – más de veintisiete cientos de maravedís.– Tocóle en el reparto más de lo que se le adeu-daba, y vaciló antes de embolsar la demasía,pero sus escrúpulos no fueran invencibles, y nose limitó a “cobrar sus haberes”. ¡Que el restofuese a cuenta de las desazones sufridas, era,al fin, tan legítimo!…

Su sonrisa burlona se acentuó: las cosas nohabían parado ahí, sino que dieron lugar a unaextraña comedia.

El corsario improvisado no volvió, natural-mente, a Portugal a raíz de su hazaña. La Casade Guinea no lo hubiera recibido en palmas

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de mano. Refugió se en Castilla, a comerse suparte de la presa, mientras encontraba nue-va aplicación a su actividad y sus conocimien-tos. Allí le llegó la noticia de que don Juan IIhacía responsable a Francia entera de la queél y los corsarios habían hecho. Como represa-lia y por pronta providencia acababa de man-dar que se apresaran dos naos francesas ancla-das en el puerto de Lisboa, se les quitaran ver-gas y gobernalles para que no intentasen huir,se licenciara la tripulación reemplazándola conmarineros portugueses y se depositaran en laAduana las valiosas mercancías que llevabana bordo. ¡Buena iba la danza, porque el lusi-tano mandó, también, que se apresaran cuan-tas naves francesas recalaban en Setúbal, Al-garve, Porto y Aveiro!… Pero no fue, ni mu-cho menos, del agrado de mercaderes, arma-dores y dueños de navíos, que acudieron apre-suradamente en son de queja al Rey de Fran-cia. Carlos VIII, a quien a la sazón preocupa-ban muy por sobre todo lo demás sus atrevi-dos proyectos de guerra y conquista en Italia,

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deseoso de tener la fiesta en paz allende los Pi-rineos, cortó por lo sano haciendo restituir adon Juan II la carabela apresada por sus cor-sarios, reembolsarle el cabal equivalente de losvalores substraídos, y presentar por interme-dio de sus ministros cumplidas excusas al mo-narca portugués. Cuando esto se hizo, tal y co-mo Carlos VIII lo mandaba, Solís decía riendo:

— Se me ha pagado, sí, pero con cuartosfranceses. ¡La deuda queda en pie, y algún díapuede que la cobre!…

Todo volvió, pues, a su quicio para arma-dores y mercaderes, pero no así para el piloto.Don Juan II quedaba material, pero no moral-mente, indemnizado: el servidor que se habíaburlado de él seguía impune, y esto no era to-lerable para el brillo de su corona… Los ReyesCatólicos fueron informados, en su nombre,del acto de piratería cometido por Solís, paraque, de acuerdo con los tratados, se concedie-ra la extradición del súbdito portugués “JoaoDias”, piloto de la Casa de Guinea.

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Solazábase Solís con este recuerdo. Su ami-go el alcalde de Lepe le había aconsejado cier-to día que buscara secreto refugio hasta mejoroportunidad, si no quería dar con sus huesosen una cárcel portuguesa. Y le hizo leer confi-dencialmente, para su gobierno, una real ordenfirmada el 29 de octubre de 1495, en la villa deAlfaro, por don Fernando y doña Isabel, y co-municada a todos los “corregidores, asistentes,alcaldes mayores, alguaciles é otras justiciascualesquier de cualesquier ciudades, é villas,é lugares de estos nuestros reinos é señoríos”,según rezaba el mismo documento. El ma-reante, que se apresuró a hurtar el cuerpo,sabíase casi de memoria el confuso y al par sa-broso texto de la circular, obra maestra de losfuncionarios de aquel tiempo(135):

“Sepades – decía – quel sereníssimo Rey dePortogal, nuestro hermano, me envió facer sa-ber que Juan Diaz, piloto, llamado Bofes deBagazo, natural de su reino de Portogal, an-dando en compañía de ciertos franceses, ro-

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baron una carabela del dicho Rey que veníade la Mina, en que robaron más de 20.000 do-blas, al cual dicho piloto diz que copo su partede este dinero, é que ha sabido que está enestos nuestros reinos, sobre lo cual me envióuna pesquisa que sobre ello se hizo, rogándo-nos que conformándonos con los capítulos delas paces que con el dicho Rey, nuestro herma-no, teníamos fechas, le mandásemos prenderé entregárselo, para que en su reino de Porto-gal se ficiese dél justicia; é porque por la di-cha pesquisa que Nos mandamos ver paresceser así verdad, tovimoslo por bien é mandamosdar esta nuestra carta para vosotros en la di-cha razón, por la cual vos mandamos que sien-do requeridos por parte del dicho Rey, nues-tro hermano, con esta nuestra carta, prendadesel cuerpo al dicho Juan Diaz, piloto, é le se-crestéis todos sus bienes, muebles e raices, doquier que le falláredes, é lo entreguedes é fa-gades entregar con todos sus bienes a la per-sona quel dicho Rey, nuestro hermano, enviasepor él, para que lo pueda llevar é lleve al rei-

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no de Portogal, é alli se ejecute en él la justicia:para lo cual, con sus incidencias é dependen-cias, emergencias, anexidades é conexidades,vos damos poder complido por esta nuestracarta…”

El Rey de Portugal, que había, en efecto,mandado averiguar por agentes secretos el pa-radero de Solís, apresuróse a enviar quien locapturara con el auxilio de la justicia española.El peligro era grande, pero se desvaneció sinestallar sobre la cabeza del piloto. Ni aun hu-biera sido menester la voz de alerta de su ami-go el alcalde. Aunque justicieros, los ReyesCatólicos – y muy particularmente doña Isabel,que fue para su Reino, en cuanto a gobierno yadministración, lo que una incomparable amade casa para su familia – estaban harto bieninformados para no sacarlo del atolladero enprevisión de futuros servicios – de lo que cadauno de los vasallos y habitantes de ese Reinovalía, porque – como dijo Galíndez de Carva-jal(136) –” (…) para estar más prevenidos en las

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elecciones, tenían un libro, y en él memoria de loshombres de más habilidad y méritos para los car-gos que vacasen (…)”.

No sólo no excitaron el celo de corregidoresy demás para la ejecución de su real orden,sino que admitieron sin dificultad como bienfundado el alegato que Solís les hizo llegardesde su escondite. Para no caer en manos deDon Juan II, quizá con grave peligro de su vi-da, el mareante se amparaba de su naciona-lidad española: sus padres eran oriundos deSanta María de Solís, donde los Solís tenían“casa noble, solariega y antigua, desde el tiempodel Rey Don Pelayo”, según podría atestiguarlo,si necesario fuere, García Dei, rey de armasde Sus Altezas. Habían pasado a Portugal, des-pués de que en Lebrija(137) nació Juan Díaz,vasallo natural de los Reyes Católicos y sujetoúnicamente, como tal, a su fuero y justicia…

El portugués había obtenido satisfacción,en la forma, por lo menos; los Reyes y su jus-ticia eran indiferentes a un proceso que no

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atañía a los intereses del Reino, Juan Díaz deSolís podía ser utilísimo servidor de la Coro-na… Todo aconsejaba echar tierra al asunto,la única dificultad con que hubiera podido tro-pezarse desapareció por sí misma: Don Juan IIdejó de existir en octubre de ese año de 1495.

Pero los Reyes Católicos no creyeron opor-tuno servirse inmediatamente de Solís, aunqueconocieran sus grandes méritos. El ciclo de losinfortunios del mareante no se había cerrado.A Don Juan II acababa de suceder en el Tro-no de Portugal Don Manuel I, ansioso de so-brepujar en brillo y gloria al que sus contem-poráneos llamaron Príncipe Perfecto. Acaricia-ba, sobre todo, la idea de ensanchar sus domi-nios, de abrigar a la sombra de la cruz – bajo elcetro portugués, naturalmente – nuevas y vas-tas tierras aún salvajes o desconocidas, y paraese fin trataba de atraer a su servicio a cuantoshombres de valor y de saber, pilotos expertos oguerreros heroicos, que fueran capaces de sur-car mares y desafiar peligros, continuando, en

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ruda competencia con Castilla, la serie gloriosade los descubrimientos que tanto lustre habíandado a su antecesor. Entre ellos, y con prefe-rencia visible, fijó los ojos en el que, desde sufuga, había comenzado a llamarse Juan Díazde Solís, y le hizo ofrecer, junto con el total ol-vido del pasado, el cargo de piloto de la Ar-mada portuguesa, con gajes tentadores. El ma-reante no tenía que elegir y aceptó, pasando denuevo a Portugal.

Estos, que tardan en referirse, eran destel-los fugitivos en la mente de Solís. Pero al llegaraquí, su sonrisa, su serenidad desaparecieronde pronto. Su expresión fue de dolor y de cóle-ra…

A poco de hallarse al servicio de Manuel Ienamoróse de una doncella de Lisboa, tan co-queta cuanto hermosa, y no tardaron en ca-sarse. Este episodio de su vida fue corto ydramático… Meses después de sus bodas, elmarino recibía orden de embarcar como pilotoen la carabela Cisne que, con otras cuatro naos

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mandadas por el Duque Alfonso de Albu-querque como capitán mayor, formaban partede la Escuadra del almirante Tristán da Cunha.La gran figura de Albuquerque era lo único lu-minoso en la tiniebla de aquel recuerdo. Aúnle parecía viéndole con su majestuosa apostu-ra, sus barbas de Moisés, sus ojos de fuego,su hermoso y acusado perfil, su frente ancha yelevada, rasgos reveladores de su valor, de sulealtad, de las muchas virtudes que le hicieronapellidar el Grande. Habíale recibido con seve-ra benevolencia, cuando fue a ocupar su pues-to, haciendo gala de conocerle a fondo y de te-ner la mayor confianza en su habilidad, comoentonces se decía. Señaló la fecha en que zar-parían del surgidero de Belem, junto a Lisboa,y le dio licencia para retirarse… Fue la primeray la última vez que vio al Duque.

La escuadrilla de Albuquerque, surta en elTajo, no siguió a la Armada de Tristán da Cun-ha que salía barra afuera en la fecha señalada.Dos largos días aguardó al piloto de la Cisne.

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Al tercero zarpó sin él. Hasta la tripulación delas naos, hasta el Duque, había llegado la vozde que, loco de celos, creyendo necesario la-var su honra, Solís, con razón o sin ella, habíamuerto a estocadas a su esposa, y corrido lue-go a refugiarse en Castilla, abandonándolo to-do… ¿Era verdad? Debía de serlo si una miradaextraviada y una frente ceñuda y sombría refle-jan el drama del amor, la locura y la muerte…

El mareante desapareció, pero dos añosdespués, en 1508, los señores oficiales de laCasa de Contratación de Sevilla recibían conbastante displicencia una cédula firmada porDon Fernando – la Reina Isabel no existía ya –y refrendada por Lope Conchillos, haciéndolessaber, rezaba que “mi merced y voluntad es detomar é recebir por nuestro piloto a Juan Díazde Solís”, con cuarenta mil maravedís anualesmientras estuviese en tierra, cuarenta y ochomil cuando navegara, y dos cahíces – más detrece hectólitros – de trigo al año(138), para elproveimiento de su casa. Don Fernando había

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expedido esta cédula el 22 de mayo(139) conel fin de firmar al siguiente día cierta capitu-lación convenida ya con Solís y con VicenteYáñez, para un importante viaje de descubri-miento en las Indias Occidentales. Ambos ma-rinos se obligaban a salir de Cádiz en dos cara-belas y navegar hacia Poniente “sin tocar en is-la o tierra firme que, según la demarcación, perte-neciesen al Rey de Portugal”, yerno par segundavez del Rey Católico. Por demás sabido es quelos soberanos de ambos Reinos habían acata-do la decisión del Papa Alejandro VI que dabaa España cuanto pudiera conquistar al Oeste ya Portugal cuanto conquistara al Este de unalínea imaginaria “de demarcación” que, pasan-do por la isla de Hierro, en las Canarias, y porambos polos, dividía en dos el globo terráqueo;como se sabe que, algo más tarde la diviso-ria fue alejada treinta grados al Poniente de lamisma isla – con lo que no acabaron, ni conmucho, los litigios y las competencias entreambas coronas –: la célebre línea, pues, pasabaentonces, con esta modificación, a unas tres-

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cientas veinte leguas al Oeste de la última is-la de Cabo Verde, prolongándose hasta los po-los, y era la que Juan Díaz de Solís y VicenteYáñez Pinzón debían respetar. Sus carabelasnavegarían sin detenerse en puertos ya cono-cidos más del tiempo necesario para refrescarvíveres y hacer aguada, hasta encontrar el pa-so que, según Solís, permitiría llegar por Occi-dente a las Molucas y la región de las especias,sin doblar el Cabo de Buena Esperanza.

Portugal no había dado al marino más quedesazones rematadas en tragedia. En su fuerointerno, pese a su claro juicio, Solís hacía res-ponsables de su desgracia, con profundo ren-cor, no sólo al Rey y sus ministros, sino al mis-mo país. Odiaba a Portugal entero, quería ven-garse de él, y en beneficio de España lo frus-traba de cuanto hubiera podido darle, resuel-to también a quitarle todo cuanto pudiera. Elhombre, eterno niño, maldice la piedra en queha tropezado.

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IV

HASTA QUE ACABA EL ENSUEÑO

Las carabelas no salieron de Cádiz, comodecía la capitulación(140), sino de Sanlúcar deBarrameda, el 29 de junio de 1508. Mandába-las Solís, jefe único en el mar, como VicenteYáñez (Pinzón) debía serlo en tierra, en sucarácter de capitán del Rey.

Muchos sucesos y muy importantes de estaexpedición, recordaba el marino en su involun-tario meditar, muchos que no habían llegadopor cierto a ser notorios. El pueblo nunca su-po más de lo que él y Yáñez Pinzón quisieroncontar, aunque olfateara un misterio. Según

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ambos decían, pasaron sin accidente a las Ca-narias, luego a la Española, recorrieron deOriente a Poniente la costa meridional de Cu-ba, tocaron en otras tierras al Oeste de la islay, torciendo el rumbo, llegaron a las Bocasdel Dragón y al golfo de Paria(141). Agregabanque, después de una estadía asaz prolongadaen estos parajes, siguieron la costa hacia el na-ciente, viendo tierras despobladas y salpica-das de lagunas, hasta llegar, en el séptimo gra-do de latitud, a un promontorio, desde el cualcruzaron nuevamente el Atlántico en direccióna España, donde arribaban un año y cuatromeses después de su partida, el 27 de octubrede 1509. Habían intentado llevar consigo algu-nos indios para hacerlos intérpretes, pero de-bieron dejarlos en la Española; traían en cam-bio varias muestras de oro bajo y “figuras” omapas de los únicos mares y costas que, segúnellos, habían recorrido.

De nuevo sonreía Solís al recordarlo,aunque entonces estallara otra lucha: la que

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durante larguísimo tiempo sostuvieran contraél los oficiales reales – y muy particularmentedon Pedro Isásaga – descontentos y malévolosdesde que el Rey lo nombró piloto, e irritadospor el creciente favor en que le veían. Estos“señores de Sevilla”, como solía llamárseles,puestos sobre aviso por la actitud del comen-dador mayor de la Española(142), respecto delos indios intérpretes que retuvo, y sospechan-do de la exactitud del diario de navegación deSolís, iniciaron un sumario, arrestaron al pi-loto y apresurada y secretamente informaronal Rey de sus sospechas. La Corte estaba a lasazón en Madrid, donde don Fernando recibiólos pliegos reservados de sus oficiales. Y aquíocurrió algo tan inesperado como significati-vo: sin perder un momento, Su Alteza mandóque preso y sumario fuesen trasladados a Ma-drid, porque era su voluntad entender perso-nalmente en el asunto, con exclusión de la Ca-sa (de Contratación) de Sevilla. Tan bien supoesto a Solís como mal a los oficiales. Estaba se-guro de que el Rey no había de desaprobar su

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misteriosa derrota por el mar del Sur, porqueno de otra cosa se trataba: a Vicente Yáñez queno era responsable de ella, no se le había mo-lestado, o poco menos, y gozaba de su libertad.

Interesada en estos hechos y buscándolesexplicación, la gente dio en decir que el pro-ceso nacía de una desavenencia entre los jefesde la expedición, desavenencia llegada amayores, y cuyo provocador había sido Solís,el visiblemente castigado. Algunos, sin embar-go, pararon mientes en que la tripulación delas naos, licenciada apenas se tocó tierra,había desaparecido como escamoteada por unjuglar; esto se explicó diciendo que, llamada aprestar declaración, iba en camino de Madrid;pero es el caso que ni uno solo de los marine-ros fue visto en la Corte…

Tampoco Solís. Nadie supo nada de él, sal-vo lo que reza en una cédula real de 14 defebrero de 1510: “Está preso en la cárcel de laCorte y determinarse ha de lo que fuere justi-cia…”(143) Nadie tampoco, supo la suerte del

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sumario tan celosamente iniciado por losseñores de Sevilla.

Solís se agitó en su sitial y su boca secontrajo en una carcajada silenciosa. Burlá-base a sus solas de Isásaga y demás. Pero laplacidez volvió a su rostro al recordar, conañoranza, las gratas lecturas de aquella épocade quietud forzosa, hasta que sonrió de nuevoal revivir el inesperado desenlace de la come-dia, los sesenta y seis mil ciento ochenta y dosmaravedíes(144) – ni uno más ni uno menos– que Su Alteza mandó le fueran pagados porla mismísima Casa de Contratación “como ayu-da de costas y por el daño recibido durante lasaveriguaciones sobre su viaje con Vicente YáñezPinzón”(145).

Desde entonces todo le sonreía. Ni aun lalucha faltaba en su vida para darle interés. Enesta época fue cuando, en la pintoresca y pací-fica villa de Lepe, conoció y amó a doña Anade Torres, hermana de su amigo Francisco deTorres, piloto como él. Doncella recatada y

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bien parecida cautivó a don Juan que vio en el-la la mujer digna de ser su compañera. DoñaAna no fue largo tiempo sorda a sus requie-bros, aunque supiese – pues se diría que el airemismo es vocero de tales noticias – cuanto sedecía respecto de la muerte de la primera es-posa de Solís. Y puede muy bien que – comoen muchos casos análogos de aquellos tiemposde violencia – la venganza o el castigo de quela mano del esposo se había hecho ejecutora,diese en su mente y en su corazón mayorrealce a la persona y los méritos del marino.¿Qué podía temer de él siendo ella, como loera, la honestidad personificada?… Ni la detu-vo tampoco la exagerada reputación báquicade Solís: hablando de ello, Francisco le habíaaseverado que tal inclinación, harto comúnentre hombres de mar y guerra, no pasabanunca de una discreta medida.

Doña Ana de Torres y don Juan Díaz deSolís no tardaron en celebrar sus bodas, congran satisfacción del hermano amigo. La luna

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de miel fue más bien plácida que arrebatada,en razón del carácter de la esposa y la edad yla amarga experiencia del esposo. Instaláronseen Lepe, donde hacían vida retirada, gozandode su holgada posición, siempre juntos mien-tras los trabajos del mar no reclamaban al pi-loto. Doña Ana, como la mayoría de las mu-jeres de la época, era ignorante, pero en cam-bio estaba dotada de una inteligencia clara, sa-gaz y reflexiva, que en repetidas ocasiones lahabía hecho el consejero del hermano, comofue en seguida consejera y pacificador de Solís,siempre desbordante, fogoso y apasionado enlo que a sus ambiciones atañía. Pero doña Anano trataba de acrecer su influencia, sino deusarla con medida: era más bien la mujer de sucasa, callada y modesta, sumisa al marido, úni-camente ocupada de las necesidades del ho-gar, del que no salía sino para ir a la iglesia,practicando así todas las que en aquellos tiem-pos se consideraban altas virtudes femeninas.De esta apacible unión nacieron dos niños her-mosos y fuertes, Luisillo en 1510 y Diego, que

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sólo tenía algunos meses, cuando, llamado porSu Alteza, Solís tuvo que acudir a Logroño.

Y el marino revivió en un segundo el añoque consideraba decisivo para su vida, el de1512, en cuyo mes de febrero, el día 22, fallecíael célebre Vespuche – Américo Vespucio – de-jando vacante el cargo de piloto mayor delRey, que los señores de Sevilla codiciaban parasus deudos o paniaguados. Pero don Fernandohabía hecho ya su elección y, sordo a las in-sinuaciones y las súplicas de algunos de susoficiales, el 25 de marzo nombró a Juan Díazde Solís, con el sueldo anual de cincuenta milmaravedís nominales, pues debería pasar laquinta parte, como pensión vitalicia, a la viudade Américo(146). Pero este nombramiento, quedescontentó a muchos en la Casa de la Contra-tación, desbaratando sus esperanzas, no eramerced graciosa, sino misión de trabajo y sa-crificio: el mismo día que lo daba a Solís, SuAlteza celebraba con él una capitulación por laque el marino se obligaba a ir a Oriente, co-

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mo capitán del Rey, con dos navíos, para de-marcar la parte que en las tierras recién descu-biertas correspondía respectivamente a las co-ronas de Castilla y de Portugal(147). Como seacostumbraba en estos casos, y como lo hubie-ran exigido los oficiales reales, acompañaríana Solís un veedor para intervenir en las com-pras y rescates y un escribano encargado de in-formar directamente al Rey de las ocurrenciasdel viaje y de cómo se hacía la demarcación.

Don Fernando había platicado detenida-mente con el marino, pidiéndole pareceres ydándole instrucciones reservadísimas, quenunca trascendieron a los documentos públi-cos. Según estos papeles, Solís debería zarpar

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precisamente un año más tarde, dirigirse a laGomera, el Cabo de Buena Esperanza y la islade Ceilán, para verificar si ésta se hallaba en laparte correspondiente a Castilla, y en caso afir-mativo tomar solemne posesión de ella, asegu-rando su dominio. Después pasaría “a la Mo-luca, que cae en la demarcación de Castilla”, ya “Sumatra, Pegú, tierra de los chinos y tierra delos jungos”(148), posesionándose de todo cuan-to estuviese dentro de la demarcación españo-la.

Pero mientras los señores de Sevilla rumia-ban su cólera, el ministro de don Manuel,siempre en acecho, aprovechábala por mediode sus agentes para averiguar, siquiera enparte, lo que se hacía. No tardó en comprenderque esto era grave para los intereses de su so-berano, y decidió dificultar, cuanto le fuera po-sible, la acción de Solís, para lo que creía te-ner arma suficiente en sus escabrosas malan-danzas de Portugal, preteridas pero no amnis-tiadas… Era preciso evitar que, valiéndose de

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tan experto piloto, el castellano se adelantaraen la conquista de lo que Portugal ambiciona-ba, y don Juan Mendes de Vasconcelos no va-ciló en presentarse a don Fernando en son dequeja y de protesta contra la proyectada expe-dición.

Astuto y hábil era el señor embajador, peroiba a toparse con un adversario de primerafuerza. A las dotes característicamente di-plomáticas de la astucia y la habilidad agregá-base en el Rey católico un disimulo rayano mu-chas veces en perfidia. Escuchó al ministro conamistosa deferencia, se dio por sorprendido aloír que acusaba a Solís de criminal y enemi-go de los portugueses, le prometió dejar incó-lumes los derechos y aun los intereses de su“muy amado” hijo Manuel y, en cuanto a la ex-pedición proyectada, le adormeció sin dificul-tad con la promesa de dar a los oficiales dela Contratación las órdenes más severas paraque Solís se ciñese estrictamente a sus instruc-ciones. Acabó de tranquilizarlo, días después,

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haciéndole ver parte de una cédula, que envia-ba a los oficiales, y en la que decía: “Teníamosy tenemos acordado de enviar con nuestro pilotomayor Juan Díaz de Solís, una persona de mu-cha confianza y recado, el cual ha de llevar se-cretamente poderes que exceden a los que el dichoJuan Díaz de Solís lleva…”(149)

Esta especie de espionaje y oculta subordi-nación a que iba a quedar sometido el pilototuvo la doble virtud de satisfacer por un lado aVasconcelos y por otro a los oficiales de Sevil-la. Pero éstos no quedaron tan conformes conlo demás que la cédula contenía.

Comenzaba por aludir a las acusaciones ylos recelos del ministro de Portugal, refirién-dose a “ciertos inconvenientes que le podrían su-ceder a dicho Juan de Solís yendo como va”, y lesencarecía que hablasen con el piloto “para queos diga su parecer sobre todos ellos – los incon-venientes – e qué salida e fundamento les da pa-ra que no los tenga por impedimento”. En segui-da mostrábase deseoso de que la expedición se

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realizara, pero pronto, también, a suspenderlaen caso de fuerza mayor, pues mientras man-daba dar a Solís los dineros necesarios, reco-mendaba que cuanto se comprara fuese “de talcalidad que, aunque no se haya de hacer el di-cho viaje, se pueda, tornar o vender sin que en el-lo se pierda mucho”. Pero lo que más escocióa los oficiales fue el final de la cédula, dondedon Fernando les ordenaba que obraran “con elmenor bullicio y alteración que se pueda”, insis-tiendo con toda su autoridad en que “convieneque platiquéis y hagáis el negocio de Juan Díaz deSolís…”(150)

El mareante supo todo esto, parte de bocadel mismo soberano, parte deduciéndolo o adi-vinándolo. Se había regocijado pensando en lacara de los señores de Sevilla, y en la burlade que iba a ser víctima el estirado Vasconce-los, pero no dejó de encolerizarse cuando tu-vo noticia de que – haciendo, a sabiendas o no,el juego del portugués – los oficiales oponíannuevas dificultades a la realización del viaje en

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una carta dirigida a Su Alteza el 12 de mayo.Una de esas dificultades, y no la menor, erala persona misma de Juan Díaz de Solís, malvisto en Portugal, donde estaba condenado amuerte “por piratería y homicidio”, y otra demucho peso, a lo que ellos creían: la debilidadde la Armada con que se proponía partir, hartomezquina para tamaña empresa.

— ¡Bobos! – pensaba Solís, entre irritado yburlón – ¡Ni Su Alteza ni yo podemos decirlesque con dos carabelas basta y sobra para supropósito y el mío!

Pero otra idea le trabajaba:

— Vasconcelos se esfuerza por anularme oatraerme de nuevo al servicio de Portugal…Mientras me despelleja ante el Rey, me llamapara sonsacarme con promesas, dádivas y ho-nores… Esto es evidente. Pero ¿echa mano delos mismos resortes para manejar a los de laCasa de Contratación? Bueno sería saberlo…¿De cuándo acá, temerían esos señores inva-

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dir y usurpar derechos ajenos, ni aun provo-car conflictos con otro país más débil? ¡Vamos,hombre, vamos! ¡Aquí ha de haber gato encer-rado!…

Tanta delicadeza no estaba en el espíritude los tiempos, ni en el del mismo soberano.Pero el hecho es que los oficiales no mirabancon buenos ojos su creciente influencia, ni fa-vorecían sus proyectos, ni perdían oportunidadde tenderle celadas paralizadoras. Aquel grupode togados y de caballeros – acostumbrados afavorecer a sus deudos, a manejar a su gustolos mayores o los menores negocios de Indias,a ejercer una suerte de inquisición hasta sobrela correspondencia que iba y venía entre Amé-rica y España, a invalidar por autoridad propia,las disposiciones del Gobierno que considera-ba peligrosas o improcedentes – aquel grupocasi omnipotente no podía permitir ni tolerarsin enojo y sin lucha que un Juan Díaz de Solíspareciera campar por sus respetos, haciendo

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caso omiso de la Contratación. Pero esta vez elmonarca no estaba de su lado…

El mareante acabó por adormecerse con es-tos pensamientos y estos recuerdos, quehabían pasado por su imaginación en brevísi-mos instantes, como un torbellino. Desploma-do en su alto sitial de vaqueta, dormía y soña-ba… lba navegando a toda vela por un mardesconocido, que quizá no fuera un mar, porun mar nuevo entre los mares…

El mal encarado mozo que franqueó la en-trada a Francisco de Torres asomó a la puertay se acercó de puntillas. Su enorme boca hizoun gesto que quería ser sonrisa pero que nopasó de mueca, porque el desdichado, ademásde bisojo, era tan picoso, befo y narigudo queparecía viviente carátula. Contrastaba,además, con la visible fortaleza de su cuerpo,hasta resultar cómica, la delicadeza de sus mo-vimientos al acercarse a Solís.

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— Señor, señor – repitió varias veces, gra-duando el tono para despertarle sin sobresalto.

— ¿Qué ocurre, Rodrigo? – preguntó el pi-loto, arrancado a sus fantásticos mares. – ¿Tra-jiste el caballo?

— En la cuadra está.

— Que se le cuide bien.

— Conmigo ha venido el hombre a quien fuia llamar por orden de don Francisco y se diceDiego García…

— Hazlo pasar.

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V

EL MINISTRO DE DOM MANOEL

A poco reapareció el criado conduciendo aun hombre de aspecto nada común. Bajo de es-tatura y muy recio de hombros, tenía el tor-so atlético, enormes pies calzados de burdocuero, manazas cortas, gruesas y encallecidas,cuyos artejos se movían con más torpeza apa-rente que real. Poblado bigote a la española,de un negro rojizo, como chamuscado por elsol, y perilla soldadesca, acentuaban lo ateza-do de su cara de bronce pardo, y esto, juntocon el fulgor de sus ojillos de azabache, apos-tados tras de espesísimas cejas, dábale una ex-

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presión más que marcial, amenazadora. Trans-pirando como llegaba, y con su enmarañadamelena y su nariz chata y corta, diríasele unleón marino recién salido del agua.

— ¿Sois Diego García? – dijo Solís incor-porándose apenas para recibirle.

— De Moguer, para la que mande usía –contestó el hombronazo con pronunciadísimoacento andaluz, mientras avanzaba saludandoy balanceándose como si estuviese a bordo.

— Francisco de Torres, mi cuñado, dice quesois buen marino…

Diego García arrugó el entrecejo y agitandoel birrete que tenía en la mano, ladró más quedijo, con salpicado ceceo:

— ¡Bien me conoce vuestro cuñado! Sécuanto en la práctica, puede saber un nave-gante, y en mar abierto lo mesmo que entre ca-bos, desafío a los más pintados sabihondos quetodo lo aguardan de la estrulugía y en cuantose añubla el cielo ya no saben p’a ónde van;

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no serán duchos a hacer lo que yo, y a meteruna nao, aunque sea de porte, por el ojo de unallave, como más de una vez lo hice… Tengomis pruebas, y callo, que está mal el alabarse…

— ¿Habéis mandado ya?

Una enorme sonrisa torció la cara del mari-no.

— Harto mozo diz que soy para capitán –dijo con ironía – pero mandadas tengo embar-caciones mayores y que no se balanceaban enagua dulce, vive Dios!

Solís, que había estado observándolo congran curiosidad, agregó, más como afirmaciónque como pregunta:

— Asegúranme que sois servidor leal yamigo seguro.

— De leal me precio, y en cuanto a lootro… mejor es tenerme de amigo que no deenemigo.

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— ¿Entendéis bien de maniobra? – insistióSolís por hacerle hablar, divertido con su áspe-ro gracejo.

— ¡Vive Diego, mi patrón! Ya os le he dicho:¡en la charca zambullí mancebo, y gracias aDios y a mis puños, he sido marinero, gaviero,patrón, condestable, contramaestre, maestre ymucho más, aunque sin título, que yo de títulosno me pago cuando no son bien ganados, co-mo los vuestros… Conque ya vo usía si la ma-niobra y yo somos una mesma persona!…

— ¡Hombre! ¡Tanto como persona!… Pero,vamos al grano. ¿Os agradaría navegar bajomis órdenes en cierta expedición que puedeser larga y difícil?

— Poco se me daría de largas y de dificul-tades… Todo depende de la faena…

— Tampoco es de las regaladas… Os lle-varía de maestre…

— ¿En una nao de usía?… ¡Que me place!Ni una palabra más…

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— Con mil y quinientos maravedís men-suales de soldada.

— Me peta eso también.

Y después de cortísima pausa, preguntómuy tranquilo:

— ¿Cuándo se zarpa?

— ¿No queréis saber cómo y a dónde?

— Bástame con que usía mande. Soy pococurioso; cuanto más lejos será mejor y de másprovecho. Y… bien se murmura por ahí quepensáis avanzaros muy al Sur…

— No hay que fiar de hablillas.

— ¡Vive Diego que desearía que ésta fueseverdad!

— ¿Podéis alistar buena gente, unos diezhombres probados? – interrumpió Solís, cam-biando de tema –. Cuento ya con algunos mari-neros viejos, gente que conozco y que no falla,pero necesito más… sesenta en todo.

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— Los tendrá, usía. No hay en todos lospuertos españoles del Mediterráneo y del marOcéano, un solo hombre – aunque sea novato– capaz de coger un rizo, de quien no sepa Die-go García de Moguer.

— A maravilla. Francisco de Torres os darádineros para las arras. Id a Sevilla y apalabrada los valientes que encontréis, tanto allí comoen Palos y demás, pero no habléis de destino nide fecha para embarcar… Torres os dará tam-bién cartas para que mis armadores os cuen-ten, desde hoy, los salarios de maestre, y encuanto a las demás condiciones, descansad,que serán de toda conveniencia… ¡Pero chitón,y ojo al marear, que relinga la vela!

— Descuide usía, ¡vive Diego!, que a talabad, tal monacillo.

— Pues, hasta vernos, Diego García…

— De Moguer… Quede usía con Dios.

— ¿Por qué repetís siempre de Moguer? –preguntó curiosamente Solís, deteniéndole.

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— Pues… porque en Moguer nací, y como,pesia tal, malas lenguas quieren hacerme porfuerza portugués para malquistarme con lasusías de acá, – mejorando lo presente – me em-peño en poner las cosas bien en su punto…Aparte de que hay más Diegos Garcías que ci-garras en un cigarral.

— ¿Servisteis, acaso, del otro lado?

— ¡Eh! Lo bastante para conocer de vistasy de fama a cierto mareante español llamadoallí, por mal nombre, Bofes de Bagazo…

— Ya lo veo, ya lo veo, Diego García.

— ¡De Moguer!

Sonrió ligeramente Solís, pero no agregópalabra, limitándose a contestar con una incli-nación la desairada reverencia con que, ya enpuerta, se despidió el hirsuto Diego García deMoguer(151).

Comenzaba el sol a declinar y ya se oía, lle-gando de la calle, rumor de voces y de pasos.

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Juan de Solís ciñó la espada, tomó el emplu-mado gorro y acariciándose la barba con ges-to entre preocupado e irónico, que respondíaa su íntimo pensamiento, acercóse a llamar ala puerta del aposento de su cuñado. Este, yaen pie y vestido de color, se apresuró a fran-quearle la entrada.

— Aquí me tienes, pronto a entrar de cuarto– dijo Torres.

— Vamos, pues, hermano, que es hora –contestó Solís.

Acudía, por fin, a la tantas veces reiteradacita del embajador Vasconcelos, con el secretointento de dar tan inesperada cuanto sabrosaleccioncilla al maestro en diplomacia. Era ven-gativo.

Vasconcelos no paraba en el mesón de Pa-redes, única posada tolerable en Logroño, lle-na a la sazón de la nube de cortesanos queseguía encarnizadamente al Rey en sus conti-nuos viajes, y que no había encontrado aloja-

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miento en su morada campestre de Mansilla.Sentaba sus reales en una casa solariega cuyosseñores, ausentes, se la habían cedido, y suinstalación, si no lujosa, ofrecíale cuantas co-modidades podían apetecerse en una vieja ca-sona de villa de provincia, sin que le faltaran,amén de lo imprescindible en la vida corriente,ni criados que le atendieran, además de lospropios, ni cabalgaduras y carruajes, aunque,como acostumbraba en las andanzas de laCorte, él hubiese llevado su coche de camino.

Apenas le anunciaron la visita, recibió aSolís y a su cuñado en la cuadra que le servíade despacho, cuyos muebles estaban casi to-dos arrimados a las paredes en correcta forma-ción. La gran mesa de roble del testero con sutapete verde, su velón de cobre, su escribaníay su salvadera de peltre y algunos librotes y le-gajos encima, la estera de enea que cubría enparte el pavimento rugoso y desigual, no al-canzaban a atenuar la sensación de vacío, de

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severidad, de tristeza y de vetustez de la vastahabitación.

Don Juan Méndez de Vasconcelos era uncincuentón alto, delgado, de complexión reciay seca como de hombre llamado a ser longevo,de rostro enjuto y cetrino, grandes bigotes lla-mados entonces “de puñal”, barba negra y en-sortijada con algún mechón canoso, manos lar-gas, sarmentosas, y ojillos pardos inquietos einquisidores. Vestía de negro, cruzada al pechola banda roja de gran cruz del orden militarportugués de Cristo, y, bordada de realce en ellado izquierdo del jubón, la floredelisada cruzroja del orden español de Calatrava, que donFernando y doña Isabel le otorgaron por habernegociado las bodas de la infanta doña Isabelprimero con el príncipe don Alfonso de Por-tugal, de quien enviudó, y más tarde con elrey Manuel, cuyo hijo, a vivir, hubiese reinadosobre la península entera… Decíase por zumbaen la Corte que el estirado Vasconcelos no se

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despojaba de sus encomiendas ni aun paradormir.

— Bien venido – dijo el embajador, en por-tugués, con voz profunda y sorda. – Comenza-ba a creer que yo mismo tendría que ir a busca-ros, aunque os llame vuestro interés… Y mu-cho menos os aguardaba tan bien acompaña-do.

— Este que viene conmigo, excelencia, esmi cuñado Francisco de Torres, para quien notengo secretos… En una de sus misivas vue-cencia, me hacía saber que vería con gusto ami hermano Blas, que trae nuevas de Portu-gal; pero el desdichado está muy malejo, nopuede moverse por ahora, y este cuñado míoque, según el corazón, es tan mi hermano co-mo el otro, si no más, viene a suplir esa falta.

— Bien está – refunfuñó el embajador, visi-blemente contrariado.

— Vuecencia me perdonará, que no hayaacudido antes – continuó Solís – pues no ha

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de ignorar mis obligaciones muchas, mi estan-cia tan pasajera en Logroño y los frecuentesviajes a que me obliga el servicio de Su Alteza.No habrá faltado, pues nunca falta, quien pon-ga a vuecencia al corriente de ésta, que noes simple excusa… Pero váleme, también, queapenas me es posible, me apresuro a servir avuecencia en cuanto quiera mandarme…

Vasconcelos tardó, preparando su exordio,en sentarse a la mesa del testero, como si pre-sidiera, mientras indicaba otros asientos a losespañoles.

— Entonces, en cuanto os atañe, ¿puedohablar abiertamente en presencia de vuestrocuñado?

— Nada dirá vuecencia que Francisco deTorres no sepa o por lo menos adivine.

Carraspeó el embajador, y con voz másprofunda, si cabe, comenzó:

— Con hombre como vos, Juan Díaz, no va-len sutilezas ni rodeos, por lo cual voy a habla-

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ros, más que como embajador, como quien osquiere bien y busca vuestro mejor acomodo.

Solís esbozó una reverencia.

— Pues… don Manuel, mi rey y señor, de-sea naturalmente y como es notorio, porquecon nadie trata de disimularlo, extender yconsolidar sus conquistas, nada más que susconquistas legítimas, en las Indias y en Africa.Para ello necesita de marinos y soldados a todaprueba, gente enérgica y capaz… Entre ésta,que no es muy numerosa ni en Portugal ni encualquier otra parte, no le es posible olvidar aquienes, como vos, han prestado miles servi-cios a su reino.,. Y si Su Alteza no lo hubieserecordado, aquí estaba yo para refrescarle lamemoria… No fue preciso. De propia iniciativase ha dignado mandarme que os busque y osproponga volver a Portugal, donde se os tra-tará y favorecerá en todo como lo merecéis.

— Vuecencia parece olvidar – replicó Solíscon simulado candor – que Su Alteza el Rey

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de España me ha dispensado ha poco la mer-ced de nombrarme su piloto mayor, y que soyel primer español elevado a tan alto cargo…Demás que sería corresponder menguada-mente a tal favor, vuecencia convendrá conmi-go en que Su Alteza el Rey don Manuel niquerría ni podría ofrecerme nada semejante…

La mirada inquisitiva de Vasconcelos tratóde penetrar en lo íntimo del pensamiento deSolís. Al cabo de un segundo y con helada cal-ma, dijo:

— Pero ¿no sois acaso portugués?

— En Lebrija nací: siendo muy niño, mispadres pasaron a Portugal… Todo el resto esconseja – replicó Solís.

— Dejemos ese punto… Quería deciros quelas mercedes reales no pueden tener límite pa-ra los buenos servidores. Si fuerais a Portugal– que sigo creyendo tierra vuestra – nada per-deríais en cuanto a honras y provechos, y eladelanto sería fácilmente mayor que cuanto

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imagináis… Id pidiendo, que no será vana pre-tensión. Tengo plenos poderes de Su Alteza ysé lo que valéis… En el peor de los casos vues-tra situación en Portugal, cuanto a poder, cau-dales y títulos, superará con mucho a la pre-sente, porque ya sabéis que aquí – perdónemeel rey Fernando – prometer no es dar, según re-za el proverbio castellano.

Calló Vasconcelos para ver venir, pero elmareante permaneció impasible.

— Dificilillo me sería – dijo por fin – dejarel servicio de un amo que me honra con suconfianza, y mucho más ahora que, como har-to ha de saberlo vuecencia, quiere encomen-darme una expedición que le importa y cuyasmismas dificultades me atraen y espolean.Vendría, a ser, aun cuando se trate de Su Alte-za el Rey su yerno, a quien llama hijo y quierecomo a tal, negra traición, que sólo el interés yla codicia podrían justificar, o mejor dicho ex-plicar…

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Tan insinuante era el tono de Solís, que Vas-concelos se dijo: “A éste le sonsaco yo sus se-cretos y luego me le llevo del ronzal al olorcillodel pienso”. Y en voz alta:

— Pero si el rey Fernando os quiere enco-mendar tal expedición, claro está, que no os laha encomendado todavía, y puede que a mitadde camino…

Francisco de Torres, que hasta entonceshabía observado mudo e inmóvil, agitóse en lasilla como dando la alerta a Solís, seguro deque el portugués le tendía un lazo, no muy su-til, en el que el otro pareció, sin embargo, caercon toda inocencia.

— ¡El señor embajador se equivoca! – ex-clamó con aparente ligereza – El asiento parala expedición está ya hecho…

— ¿Y hacia dónde es la expedición?

— Su Alteza quiere guardarlo tan callado…

— Sabéisme amigo vuestro.

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— ¡Eh! sólo se trata de una pequeña arma-da que he de llevar a saber y descubrir lo deacá.

— ¿No es Malaca su destino?

— No, excelencia; voy tan sólo a determi-nar la línea de demarcación.

Vasconcelos se levantó y comenzó a pa-searse a pasos lentos por la habitación. Solís yTorres se pusieron de pie. Era lo que buscabael embajador, porque tomando inmediata-mente aparte a Solís le murmuró al oído:

— ¿No seríais más prudente pensando queel favor de hoy puede, en pocos días, desva-

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necerse como el humo?… Don Fernando sueleno ser ni muy firme ni muy largo… Tenéis, enacecho, enemigos poderosos. Los oficiales deSevilla no cejarán en su hostilidad, seguiránponiéndoos toda suerte de obstáculos, no pa-rarán hasta dar con vos en tierra…

— Vuecencia, tiene razón cuanto a lospropósitos de esos señores – murmuró sorda-mente Solís.

— ¡Vaya si la tengo! ¡Sobrada! Yo sé másde lo que sabéis vos mismo… Sé que “esosseñores”, como vos decís, han mandado haceren Portugal una secreta pesquisa sobre vuestraconducta pasada, y muy particularmente sobreel apresamiento de una carabela real, de que seos acusó en 1494…

Solís, sarcástico, lo interrumpió:

— Aquí para inter nos, esa pesquisa ¿nohabrá sido provocada por cierto embajador aquien convendría alejarme del servicio de donFernando? ¿No querrá, tan alto personaje va-

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lerse de esa pretendida piratería contra Portu-gal, para hacer luego que en el mismo Portugalse me premie, honre y ensalce… ya en los car-gos, ya simplemente en la horca?

— Podéis estar seguro…

— Ya la estoy todo cuanto puedo… Enviadapor Su Alteza en persona obra en mi poder unacédula de seguridad con todos sus requisitos…

— ¡Una cédula de seguridad!

— ¿Cómo? ¿Lo ignoraba vuecencia? Puesno le quepa duda – Dirigiéndose a su cuñado –:Francisco, dí a su excelencia lo que mi herma-no Blas me ha traído de Portugal.

— Una cédula firmada por el rey don Ma-nuel para que, si quieres, puedas entrar, andarpor el reino sin que nadie te moleste, y salir deél libre y tranquilamente cuando te plazca.

— Ya lo veis – dijo Solís a Vasconcelos.

— Ya la veis – repitió Vasconcelos a Solís.

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— No quita que no iré a Portugal. Pese a lacédula, mucho me temo que se me tenga porsospechoso y que Su Alteza me mande prenderel día menos pensado.

— ¡Cómo! ¡Osáis poner en duda la palabray la firma del Rey mi señor!

Francisco de Torres salió en este punto a lapalestra:

— ¡Sus razones tiene! ¡Nuestras razones te-nemos!… A Blas se le adeudan trescientos du-cados en la Casa da Guiné, y a Juan, aquípresente, no menos de ochocientos… A todassus reclamaciones, saco. ¡El Rey les dio variasveces, con su propia firma, cédulas ordenandoque se les pagara y… saco! ¡Buena va la firma,cuando otra es la intención!…

Vasconcelos se puso verde, pero contenién-dose y tratando de serenarse, dijo a Solís:

— Vuestro salvoconducto, hablando en pu-ridad, más que en los papeles, está en que sois

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preciso… Su Alteza está resuelto a indultarospor la piratería y el homicidio…

— ¡Piratería homicidio! ¿También cree vue-cencia esas patrañas? Si homicidio hubiera ytal como las dueñas y los bobos lo relatan, porremediar mi honra yo mereciera aplauso, nocastigo… Pero son cuentos de viejas…

— … a confiaros – continuó Vasconcelos,como si no se le hubiese interrumpido – unagrande y fuerte armada y el gobierno de todocuanto descubráis… entonces, podríais decircon mayor razón que el otro, “del rey abajoninguno”…(152)

— La proposición, aunque vaga, es ha-lagüeña – dijo con mucha calma Solís –. A másde uno tentaría, en estos tiempos en que seacude sin desdoro a do llama el interés… Perorepito a vuecencia que no me es fácil servir aun amo que me negó salarios ¡bien ganados,vive Dios! y que permitió la sinjusticia con quese me ha perseguido en Portugal…

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— Los salarios pueden pagarse, la calumniahacerse callar, y el valimiento es gran desquitede la sinjusticia – observó Vasconcelos cadavez más desconcertado –. Tras del nublado elsol, reza el latino.

Torres, silencioso de nuevo, reía so capa.

— Visto está – reanudó Solís – que los Ofi-ciales de Sevilla pueden mucho; visto, tam-bién, que me quieren poco, pero… el rey es migallo. Y, si vuecencia no la toma a descortesía,mejor será cortar aquí esta plática, que a nadaconduce y que ni aun tiene el mérito de la fran-queza.

— ¡Alto ahí! – exclamó Vasconcelos –. Ya oshe dicho que puedo haceros proposiciones enfirme… Voy a hacéroslas…

— Vuecencia sabe tan bien como yo quesería inútil. No me siento dispuesto a oír másproposiciones. Y confieso a vuecencia que sihe acudido y le he escuchado, es sólo por hon-

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rar su persona, que me merece el mayor respe-to…

Vasconcelos, furioso, hizo una leve inclina-ción de cabeza.

— Aun cuando no tuviese querella algunacontra el Portugal y su soberano – siguió Solís–, aun cuando les debiera gratitud y no rencor,bastaría a detenerme la confianza de mi rey.Cuanto a dineros, para mí y los míos, bastanlos que tengo, y otros vendrán sin que yo vayaa ellos…

— Pero, sin menoscabo de nadie, bien po-dréis decirme… Esa armada… ese viaje…

— ¡Vaya! Buenos echadizos tenéis en lacorte y en la Casa de Sevilla… Vos mismo lohabéis confesado. Sabéis más que yo.

— Veamos: Se me asegura…

— La demarcación señalada por el tratadode Tordesillas debe pasar del papel a la reali-dad, en mares y en tierras… Aquí tenéis todo.

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— Si es vuestra última palabra…

— Y la primera.

— Quizá tengáis que arrepentiros. Cuandolos reyes se abrazan, los vasallos deben andarcon tiento.

— Poco me importa de vuestro rey.

— ¡Es osadía! – exclamó el embajador, indi-gnado.

— ¿Me avanzaré a decir lo mismo de lade vuecencia? Vuecencia, amparado de su car-go, trata de corromper y comprar a un vasallodel rey Fernando, a uno de sus hombres deconfianza…

Mordióse los labios Vasconcelos y sin disi-mular ya su cólera, rugió en portugués:

— ¡No irás muy lejos, Joao Dias!

— No más de lo necesario… Vamos, her-mano Francisco.

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Y después de barrer, en una profundísimareverencia, la estera de enea con las plumas desu gorro, Solís salió de la habitación y luego dela casa, seguido por Francisco de Torres y de-jando al embajador desconcertado y perplejo.

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VI

LA CONDESCENDENCIA DE FERNANDO

EL CATÓLICO

La perplejidad de Vasconcelos no duró mu-cho. Por desconcertante que fuera la actitud

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de Solís al desdeñar sus ofrecimientos y bur-larse de sus tentaciones, no daba por perdidauna partida que, en resumen, no dependía sinosecundariamente del piloto. El factor principaly decisivo era el mismo rey don Fernando, encuyo ánimo el embajador venía, desde tiempoatrás, despertando desconfianzas y provocan-do malquerencias contra el mareante, en quiensiempre vio a un enemigo de Portugal – dosveces enemigo, puesto que le impulsaban elrencor y el interés – Y precisamente para esedía Su Alteza le había concedido una audienciaprivada en su casa de Mansilla.

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Don Juan Mendes de Vasconcelos estabaseguro de conocer muy a fondo al suspicaz yastuto Rey de Aragón, convertido en gran mo-narca desde su casamiento con Isabel de Cas-tilla y merced a los sucesivos favores de lasuerte, pues – sin contar el incomparable pre-sente de las Indias, que casi podía decirse llo-

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vido del cielo – había unificado el reino y agre-gado a su corona la de Granada, arrancándolaa los moros, mientras que la Cerdeña y el Ro-sellón quedaban recobrados, Nápoles conquis-tado, Navarra quitada a los d’Albret, bajo su

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cetro tierras y ciudades africanas, y sus hijasfelizmente vinculadas por el matrimonio a lasgrandes casas reales de Austria, de Inglaterra,de Portugal… Sabíale político profundo, sinmás norte que su ambición, hábil si era precisohasta la perfidia – que en aquellos virtuosostiempos era corriente en política, pues segúnlo que por esas fechas escribía Francesco Guic-ciardini, embajador, a sus mandantes de Flo-rencia, “nada había que reprocharle… salvo sufalta de generosidad y su ningún reparo en faltara su palabra”(153) – y por añadidura, frío y has-ta implacablemente cruel – aunque en nombrede altos intereses –, como lo demostraba la ex-pulsión de los judíos y los moros y, sin contarla fundación de la Santa Hermandad, el poderformidable otorgado a la Inquisición, perse-guidora de relapsos y eficaz provocadora deconfiscaciones que contribuían a enriquecersus áreas. No ignoraba, tampoco, que el reyFernando V(154) era cortísimo en recompen-sas, como lo decía el florentino, y solía privarde ellas, pese a servicios a veces muy grandes,

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a quienes creía no necesitar en el futuro.Teníale por avaro y mezquino, sin examinarpara qué útiles objetos reservaba los dinerosde la Corona, recordando sólo la ruindad de suvestimenta y la historia famosa del viejo y raí-do jubón del que Su Alteza decía a los cortesa-nos:

” ¿Veis qué buena tela? ¡Tres pares de mangasme lleva gastados!” (155)

Y Vasconcelos no contaba mucho que di-gamos con la influencia que a su amo el Reyde Portugal prestaba el hecho de ser dos vecesyerno de Fernando el Católico, en uno que po-dría llamarse juego de la fortuna, el matrimo-nio y la muerte… Pudo contar con esa influen-cia, sí, cuando la reina Isabel, hija del ReyCatólico y viuda del príncipe D. Alfonso, casóen segundas nupcias con el rey D. Manuel yfue reconocida, a la muerte de su hermano elpríncipe D. Juan, como heredera, con su es-poso, del Trono español; pero, desgraciada-mente, doña Isabel había muerto al dar a luz al

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príncipe D. Miguel, que, jurado como herede-ro de las coronas de Aragón, de Castilla y dePortugal, murió también antes de cumplir dosaños, frustrando muchas y muy grandes espe-ranzas, la mayor de las cuales era la unifica-ción, bajo un sólo cetro, de toda la penínsu-la ibérica… El casamiento de D. Manuel conla infanta doña María, hermana de su primeraesposa, no había mejorado sino momentánea-mente la situación, pues la muerte volvió aejercer su oficio, y ya no podía repetirse el casodel primer infantito de Portugal. El mismo D.Fernando el Católico contrajo también segun-das nupcias con su sobrina Germana de Foix,y si el primer hijo que tuvo de ésta, el infanteD. Juan, había vivido muy corto tiempo, aúncabía en lo posible que otro viniese a reempla-zarlo, pese a los muchos años y achaques delRey, cuya salud era muy precaria… No habíaque sorprenderse, pues, como ya se vio antesy seguía viéndose ahora, de que, aun tratandoafectuosamente de “hijo muy amado” al rey D.Manuel, D. Fernando persiguiera sus intereses

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en las Indias, con visible menoscabo de Portu-gal…

Pero Vasconcelos estaba resuelto a disputarel terreno palmo a palmo, y sin más vacila-ciones se trasladó a Mansilla y se hizo anunciara Su Alteza.

Recibiólo D. Fernando en un salón amue-blado apenas, sin lujo ni adornos, casi sin co-modidad, tal como sería, quitada la larga mesa,un tinelo de labradores acomodados. Bien seveía que ya no era de este mundo la reina doñaIsabel, que tanto cuidaba de la grandeza de sumarido, rodeándolo de pompa severa que im-ponía respeto, y que la joven reina Germana sepreocupaba más de sus fiestas y sus magnifi-cencias, que del esplendor del reino.

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Monedas y medallas de su tiempo nos handejado la imagen del gran Rey, su nariz un tan-to aplastada prolongando la frente con leve in-flexión, gruesos labios, barbilla redonda y pro-minente, ojos grandes, inexpresivos bajo la ce-ja ascendente hacia las sienes, cara maciza y

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afeitada, cabellera cubriendo las orejas y hastael robusto cuello, birrete sencillo con una es-trecha diadema real. Hallólo Vasconcelos sen-tado en un sillón de caderas de tallado roble, elrostro tostado por el sol, más fláccido y ama-rillento que de costumbre, el pecho jadeante

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por la dolencia que le aquejaba sofocándolo yprovocándole desmayos y mal de corazón. Noera ya el cazador forzudo, el jinete más diestroentre los cortesanos y los soldados, el paladínde batallas y torneos, el hombre siempre en ac-ción, trabajador infatigable que descansaba deuna tarea dedicándose a otra. Los años – fri-saba a la sazón en los sesenta – no eran, posi-blemente, la única causa de tan rápido acaba-miento: en la Corte hablábase de un bebedizoque la reina Germana le diera a tomar, creyén-dola necesario para tener hijos – su grandeambición – pero que, desgraciadamente, habíacomprometido para siempre la salud delRey(156).

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Sin embargo, los achaques no quitaban aFernando V ni la cortesía ni el arte de seducir,y recibió a Vasconcelos con manifestacionesde satisfacción que sólo se hacen a un amigomuy querido.

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Contestó con la voz delgada que había deheredar su nieto Carlos V, pero no sin verbosi-dad, a los cumplidos del embajador, y el colo-quio comenzó con vagas e indiferentes genera-lidades: hablóse del buen tiempo, tan favorablepara la caza; de la salud del Rey, que espera-ba verse pronto restablecido; del viaje a Valla-dolid, que proyectaba, pero que sin duda apla-zaría hasta el verano siguiente – pues se en-

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contraba muy bien en Mansilla – para pasar elinvierno en Madrid y luego volver adonde es-taban, siempre seguido por la Corte.

— Mucho os doy que hacer, Vasconcelos,ya que, por vuestro cargo, tenéis que seguirmea todas partes, como la sombra al cuerpo.

— En años anteriores fueron más fre-cuentes los viajes de Vuestra Alteza… Esteaño, en suma, no hemos tenido que seguirle si-no a Burgos y a Logroño, donde estamos…

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— No será probablemente por mucho tiem-po. Pero ¡qué hacerle! El Rey se debe a su reinoy sus vasallos, y os confesaré lo que ya sabetodo el mundo: que me agrada la mudanza, nopor cierto en los afectos y las amistades, perosí en los sitios donde he de morar… Cánsanmelas ciudades y las grandes villas; prefiero la so-ledad y la alegría apacible de los campos, la vi-da movediza al aire libre, el rudo ejercicio dela caza, contentándome con el simulacro aho-ra que, para mí, se han acabado las guerras…

Ambos sabían perfectamente – Vasconcelosporque los llevaba preparados, el Rey porquelos veía venir – que otros asuntos reclamabansu atención y exigían su interés; pero, al oírles,cualquiera hubiese dicho que aquélla era unasimple visita de cortesía. El embajador fue, porfin, quien entró en materia.

— Debo decir a Vuestra Alteza – comenzó– que mi señor el rey D. Manuel, vuestro hijo,me escribió hace días anunciándome una cartapara Vuestra Alteza, que acabo de recibir.

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— Está bueno mi amado hijo? – preguntó elRey con forzada sonrisa.

— A Dios gracias goza de perfecta salud yse pone a vuestras reales plantas, como ha dedecirlo en la carta presente.

Y el embajador dio un paso, que era una re-verencia, hacia el sillón del Rey.

— Esperad, Vasconcelos. No me la deis.Lope Conchillos y el obispo Fonseca no estánhoy conmigo y me topáis sin secretarios… Co-mo habréis de conocer el contenido de la misi-va, si no lo conocéis ya, leédmela, si os place.

El portugués se inclinó profundamente,rompió la nema con ademán respetuoso, quitólos sellos y abrió la misiva.

— La carta está fechada en Coimbra, aveintidós del corriente septiembre – comenzóVasconcelos con su gruesa voz opaca – y rezacomo sigue: “Muy alto y muy excelente Prín-cipe y muy poderoso padre nuestro: JuanMendes de Vasconcelos, de mi consejo, me ex-

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presó cómo os ha dicho lo que le expresé queos dijese, entre otras cosas acerca de la arma-da que se me dijo que se hacía en Sevilla conciertos navíos que enviabais a Malaca, y có-mo le respondísteis que dicha armada no iba aMalaca sino solamente a descubrir, con todo lodemás que acerca de esta materia le respondis-teis.”

— Os contesté con la verdad – dijo Fernan-do –, podéis seguir.

— “Y ni en este caso que tanto me interesa– continuó Vasconcelos – ni en ningún otro queme toque, yo no espero menos de vos por lamucha razón y obligación que hay entre nospara deber hacerlo así y guardarlo así, y estavuestra respuesta la recibo con muy singularplacer…”

— No esperaba ni merecía menos – inter-rumpió el Rey – ¡Adelante!

— “Y es cierto que en las cosas de que setrata he hecho grandísimos desembolsos y he

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derramado mucha sangre de mis criados, hi-dalgos y vasallos, y que tengo según los re-caudos que me han llegado de la manera queos hice decir por dicho Juan Mendes, con miarmada, fortalezas y gente en ellas, no se medebe tocar ni hacer cosa que no se deba, ymás especialmente por vos, e vuestras cosas,que las más espero que siempre guardaréis ymiraréis como las vuestras propias, porque asíserán siempre por mí y por las mías resguarda-do y mirado cuanto os toque…”

— Tal ha sido, es y será en todo tiempo mifirme propósito – dijo Fernando – y el Rey mihijo puede estar confiado en ello, como yo laestoy en sus propósitos y voluntades. Conti-nuad.

— “Pero – leyó el embajador recalcando laspalabras – como Juan Díaz, piloto portuguésque, se me dice, va de piloto en dicha armada,y a quien hace ya años he desterrado y per-seguido de mis reinos por sus delitos que locondenan a la pena de muerte – ha dicho y dice

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públicamente que va a Malaca, y es persona demala intención, y, sin causa, se dice agraviadopor mí, y notoriamente lo dice el segundo, quevan con la voluntad y el propósito determina-do de entender en Malaca – yo no puedo tenerdescanso en que obedecerá en eso que le man-dasteis, que creo sin duda, en la que respondis-teis a Juan Mendes”.

— Quién es ese segundo a que se refiere miseñor hijo? – preguntó el Rey – Si se ha habla-do de Juan Díaz para el mando de una armada,no se ha pensado siquiera en un segundo…

Dícese que es un piloto llamado Juan Anrí-quez, portugués, buen marino, a lo que se ase-gura(157).

— Nada hay en eso. Ya hablaremos… Se-guid, que os escucho.

— “Y no quisiera, nuestro señor, que de elloresultara cosa de que ni ahora ni en tiempo al-guno se siguiese ningún escándalo, y que laspersonas de esa calidad (de la de Juan Díaz de

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Solís) no tienen el respeto que deben, para ve-darse toda ocasión de obrar mal, y de tan granescándalo sería para mi tocar en Malaca – muyafectuosamente os ruego que os plazca no en-viar en dicha armada al dicho Juan Díaz porpiloto, porque para descubrir lo que vos decísque va a buscar dicha armada, muchos otrospilotos habrá en Castilla que podrán hacer lomismo y mejor que él”.

— Pues si es lo mismo – objetó Fernando –,si otros pueden hacerlo mejor que él, ¿qué in-terés tiene nuestro señor hijo en que no se leenvíe?

— Ya comprende Vuestra Alteza que, dadoslos antecedentes de ese Juan Díaz en Portugal,el Rey mi señor no puede mirar con buenosojos que se le honre, agasaje y favorezca enotra parte, y a mayor abundamiento en los rei-nos de Vuestra Alteza, su padre.

— Decís bien. Razón hay para pensarlo, ytendré muy en cuenta el resentimiento del Rey

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mi hijo. Adelante, si es que no lo habéis leídotodo.

— Lo poco que falta es la reiteración de loantes dicho: “Y con su quedada – la de JuanDíaz – se quitaría tamaño inconveniente comosería lo que pudiera resultar de su equivocaday mala intención. Y, además desto, haríais unacosa que esquivaría y quitaría tan graves in-convenientes; como en todas las cosas seme-jantes, estoy seguro de que siempre os debéisalegrar de hacerlo en todo lo que me toca ytanto os toca, y yo lo recibiré de vos con muysingular placer, muy alto y excelente príncipey muy poderoso padre nuestro… Firmado: Ma-nuel”.

— Bien está, y contestaremos debidamenteal rey Manuel – dijo Fernando el Católico –.Pero antes quiero que me aclaréis el punto re-ferente a ese Anríquez o Enríquez de que mehabla.

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— Es como ya dije a Vuestra Alteza, un pi-loto portugués que vive junto a las Rejas deSevilla con su mujer, portuguesa también ella.Anríquez ya ha estado en Indias por cuenta demi señor y, como el Juan Díaz, se pretendeagraviado porque se le deben y no se le paganciertos dineros… Ya ve Vuestra Alteza que na-da callo, pues mi conato ha sido siempre lamayor franqueza, pese a lo que mi cargo sueleexigir… Con Anríquez está un hijo suyo, mozoal parecer de provecho y, según afirma, tantoél como el mismo mancebo, su hijo, saben másde alturas que el propio Juan Díaz.

— Deben de ser hombres prodigiosos…¿Pero qué más cuenta ese Enríquez?

— Pues que acaba de asentar con VuestraAlteza, y que irá capitaneando una de las trescarabelas que se arman en Lepe – mi amo diceequivocadamente en Sevilla, por una informa-ción prematura – y que mandará Juan Díaz deSolís, según personas de respeto; llega a hablarde los salarios que se le han señalado, diciendo

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su cuantía: veinticinco mil maravedís anualesmientras navegue, y veinte cuando no. Señalael próximo mes de marzo como el de la parti-da…

Vasconcelos decía verdad, pero no exage-raba la franqueza de que se había jactado: cal-laba que había visto Enríquez y recibido susconfidencias; que según el piloto, Malaca es-taba efectivamente en la demarcación de Cas-tilla, que le había llorado miseria, sonsacán-dole algún dinero a cambio de sus informes, yque al fin le confesó cómo, desde Sevilla, habíaescrito al rey Manuel para que éste le envia-ra algún piloto o quien supiere de mar paradarle avisos que importarían muchísimo parael servicio del Rey de Portugal. Ni dijo, tam-poco que, logrado el dinero, Enríquez acababade marcharse de Logroño, y ya no sabía de él,aunque siguiera creyéndolo dispuesto a pasara Portugal en cuanto se le hiciera algún ofre-cimiento, pues así lo insinuó bien claramenteluego que el embajador le hubo asegurado que

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los asientos en cuestión eran mucho mejor pa-gados en Portugal que en España, y no queda-ban en simples promesas.

— Pareciéndome va – dijo el Rey con son-risa entre burlona y amena – que ese Anríquezo Enríquez, no ha de ser oro de ley, y he dehacerlo averiguar, por lo que os va y me vaen ello… Yendo a lo de mayor bulto e impor-tancia, escribid al Rey mi hijo, que – como yaos lo he asegurado en otras ocasiones – JuanDíaz de Solís, si es que embarca, no irá soloni como verdadero principal(158), y que Su Al-teza puede estar cierto de que, por mi volun-tad – y se guardará bien de respetarla y obede-cerla – no tocará en sus demarcaciones. El pri-mer capítulo que impera en mi Casa de Contra-tación de Sevilla para los que van de armadao a descubrir, es que no toquen en cosa de lodel Rey mi hijo. Mi mayor deseo es el de de-marcarlo todo de tal manera, que Portugal yCastilla no tengan nunca disensión. Escribidle,también, que piense algún camino para que es-

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to pueda hacerse, que yo la pensaré por miparte y me alegraré infinito de que se halle,porque yo, por ser ya viejo, he de vivir po-cos días; en ellos espero en Dios que no hayaningún rompimiento, y me iré a la otra vidamuy descansado si queda todo tan claro quemis nietos y cuantos de mí vengan, no encuen-tren jamás causa alguna de romper…

Vasconcelos hizo una reverencia, estuvo ensilencio un rato, y luego:

— Perdone Vuestra Alteza – dijo – peroVuestra Alteza no me dice que impedirá la par-tida de Juan Díaz como lo pide mi rey yseñor…

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— Nada tiene que temer mi señor hijo de míni de mis vasallos y criados, podéis asegurárse-lo una vez más, por el amor que le tengo y porlos deseos que os acabo de manifestar y queestán en el fondo de mi corazón. En cuanto avos, Vasconcelos, ya sabéis bien cuánto os es-timo y con qué agrado os escucho…

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Y poniéndose en pie daba ya por terminadala audiencia, cuando, como quien acaba de te-ner una idea, con afectuosa expresión de su yaabotagado rostro, agregó:

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— Para que mi hijo D. Manuel vea el em-peño mío en complacerle, decidle ¡en fin!, quevoy a ordenar se suspenda el viaje que tanto leda qué pensar, y que los materiales ya acopia-dos y los preparativos hechos se apliquen a losdescubrimientos en tierra firme… Creo que nocabe satisfacción más cumplida… Id con Dios.

Dudoso entre la desconfianza y el regocijo,retiróse el embajador de Portugal D. JuanMendes de Vasconcelos, y mientras se alejabaD. Fernando mandó que sin tardanza se lla-mase a su piloto mayor…

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VII

LA TÁCTICA DE SU ALTEZA

En bien de su salud, buscando la soledadamiga de la meditación o por simple espar-cimiento, don Juan Mendes de Vasconcelosacostumbraba hacer a pie largos paseos matu-tinos. Después de un ligero desayuno tomabala calle Mayor, bajándola a grandes y lentospasos hasta llegar al río, por entre las dos filasdesiguales de casonas bajas con tejado saledi-zo y forjadas rejas, y las tapias a cuyas bar-das se asomaban curiosas las capas de los fru-tales, pisando duros y puntiagudos guijarros ymetiéndose más de una vez en el cieno del ar-

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royo después de una lluvia o cuando desbor-daba algún establo mal tenido. Echando pestespor el accidente seguía por la poco poblada ri-bera del Ebro y, ya junto al viejo castillo, cuyamasa negra y pesada y cuya torre dominanla villa, cruzaba el puente de piedra de maci-zas columnas que varios siglos atrás construyófray Juan de Ortega, el dominico maestro enel arte de construir, no sin detenerse un mo-mento a ver correr el agua y gozar de su fres-cura. Así, con movimiento acompasado, entremecánico y solemne, llegaba luego a los mo-jones que señalan el término de Castilla, a untiro de ballesta del puente, para divisar a lo le-jos, blanco sobre verde, el pueblo de Viana enel recién conquistado suelo navarro, o bien, si-guiendo con los ojos la tinta clara de los ca-minos, surgir lugarejos y caseríos rodeados dehuertas, viñas, vergeles, olivares, prados enque pacían numerosas ovejas y el rastrojo derecién segados trigales… Con la indiferenciade los hombres de aquel tiempo hacia el pai-saje, mirábalo todo distraídamente, abstraído

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en combinaciones diplomáticas, tratando deconjeturar los propósitos del Rey, de desenre-dar los hilos de alguna intriga, de urdir tramaspara conquistar a este o aquel valido del sobe-rano; sólo al acercarse la hora habitual de vol-ver a casa veía realmente, despertando de supreocupación, las dominantes torres de la vil-la, y no sabía a derechas quién le llamaba a co-mer, si las campanas o el estómago.

Pero aquel día despertólo de su abstrac-ción, mucho antes del momento acostumbra-do, un jinete que pasó al trote de su caballo, se-guido de una especie de escudero con cara dedemonio de auto sacramental. En el primeroparecióle reconocer a Juan Díaz de Solís, perono pudo salir de dudas examinando a su saboral que pasaba. Sólo alcanzó a ver que vestía decamino, que el escudero llevaba a la grupa elportamanteo y que parecían llevar gran prisa.

Habré de averiguar, y más bien hoy quemañana, si es en realidad el tal Juan Díaz – sedijo el embajador –. Si es él, efectivamente, no

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cabe duda de que aquí anda de solapa la ma-no del Rey… Una de dos: o bien don Fernan-do, cumpliendo lo prometido, le ha hecho sus-pender el viaje y el hombre se retira mohinoa cuarteles de invierno, o bien le ha ordenadoque apresure la partida, y Solís corre gozoso aembarcarse… Una y otra cosa caben en lo po-sible… pero ¿de cuál de las dos se trata?… SuAlteza suele no pararse en pelillos, y no sería laprimera vez que me juega una mala partida…

Automáticamente volvió sobre sus pasos,renunciando al paseo.

La casualidad me ha hecho descubrir estamañana – pensaba – lo que mis agentes me hu-bieran comunicado dentro de quién sabe cuán-to tiempo. Pero ¿qué salimos ganando?… ¡Bah!Lo mejor es apresurarse a comunicar a donManuel lo que don Fernando me ha dicho yprometido… También he de hablarle de eseobispillo de Palencia, de ese Juan Rodríguez deFonseca de mis entrañas, que por capricho delRey tiene en una mano los negocios de las In-

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dias y en la otra las disciplinas… sí, las disci-plinas para los demás. El y Lope Conchillos medan muy mala espina. ¿Será cierto, como Anrí-quez me asegura, que el bribón de Solís ha pro-metido al otro bribón mitrado de Fonseca, lamitad de lo que logre en la expedición? Indu-dable es que el obispo lo apoya, lo mismo queLope, y que don Fernando sólo ve ahora conlos ojos de ambos… El Rey decae mucho consu enfermedad; pero mucho… Ya no hace lascosas por sí mismo, como antes; pero fuerza esdecir que antes no las hacía mejores para no-sotros… Por sí o por no he de decírselo todo adon Manuel, y hoy mismo, para que él vea y re-suelva… Si don Fernando quiere que se haga elviaje, nada, ni aun su misma palabra, podrá im-pedirlo… Pero nada impide, tampoco, que donManuel mande vigilar las naos de Solís, paraponerle dificultades y defender nuestros dere-chos. ¡Nuestros derechos! Pese a tantos esfuer-zos y desvelos todavía no hemos logrado ha-cerlos reconocer y establecer de manera queno dejen lugar a nuevas dudas ni puedan origi-

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nar otras complicaciones… ¡Ah, si no hubieramuerto doña María! ¡Si los dos Reinos llegarana formar uno solo, como estuvo tan a puntode suceder!… ¿Pero, qué remedio ponerle aho-ra?… Hay que hilar muy fino y no dormir sinocon un ojo, para no perder lo poquísimo quese ha ganado… ¡Ah, ese Juan Díaz! ¡Ese JuanDíaz va a darme todavía más de un dolor decabeza!…

El jinete era, efectivamente, Solís, quien,después de su entrevista de la víspera con donFernando hizo avisar a Diego García de Mo-guer y dijo a Francisco de Torres que en latarde del día siguiente deberían reunirse conél en Laguardia. Iba cargado de papeles, entreellos una orden de don Fernando para que laCasa de Contratación de Sevilla le entregaratreinta y siete mil maravedís como indemni-zación, y otra para que el tesorero le devol-viese cuanto había adelantado a los marinerosa cuenta de salarios y cuanto había desem-bolsado en compras y demás preparativos de

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viaje(159). Queriendo desvanecer todas las sos-pechas a que el aplazamiento podía prestarsey a las que, tratándose de Solís, mostrábansetan inclinados los oficiales de Sevilla, el Reyponía bien de relieve que tenía a aquél pormuy buen servidor, mandaba que se le tratasey considerase como a tal, y añadía que servirloera servir a su propia real persona. Y paraque estas inusitadas recomendaciones tuvie-ran mayor fuerza aún, don Fernando las reite-raba indirectamente escribiendo a Solís, entreotras cosas(160):

“He mandado suspender el dicho viaje porcomunicarlo con el serenísimo Rey de Portu-gal, mi muy caro y muy amado hijo, para quese haga de manera que la corona real de estosreinos ni la de Portugal reciba agravio; yporque – habiendo disposición – tengo volun-tad que haya efecto, vos aseguro e prometoque, habiéndose de fazer el dicho viaje, seréisvos la persona a quien yo lo mandaré enco-mendar, e vos será guardado al dicho tiempo

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todo lo que en el dicho asiento e capitulaciónconvenido hé, sin ninguna falta.”

En aquella entrevista don Fernando habíaextremado con Solís su característica afabili-dad, aunque se sintiera muy molesto a causade la sofocación que más de una vez le cortóla palabra. Estaban con Su Alteza el obispo dePalencia y el secretario Lope de Conchillos (yQuintana) para quienes – como lo pensaba elembajador portugués – no tenía secretos, ni,a veces, objeciones. Estos dos secretarios, omás bien ministros, del Rey católico, presen-taban marcado contraste, aunque las manerasde ambos fuesen igualmente frías y mesura-das. Lope Conchillos, vestido de ropilla y cal-zas negras, era de mediana estatura, carirre-dondo, moreno, de vivaces ojos pardos, rojizosy abultados párpados que los empequeñecían,pero el conjunto sugería un carácter benévolosi no débil. En cambio, con su ropaje talar, sen-cillo como una túnica, don Juan Rodríguez deFonseca, capellán mayor del Rey, miembro de

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su Consejo, y obispo de Palencia – antes habíasido deán de la Catedral de Sevilla, obispo deBadajoz y de Córdoba, como más tarde lo seríade Burgos, y hasta arzobispo “in partibus” – pa-recía llevarle más de un palmo, y en su ros-tro enjuto, los hundidos ojos negros que fosfo-recían en el fondo de sus órbitas violáceas, ylos labios delgados y pálidos, apretados mien-tras no hablaba, hacían ver en él a un hombreapasionado y sin bondad. Cuando se introdujoal marino en la sala, el uno se mantenía de piea la derecha y el otro a la izquierda del sobera-no.

Don Fernando, para entrar en materia, dijoa Solís que, según debía de haberlo visto bienclaro, no le era posible renunciar a la proyec-tada expedición de descubrimiento, ni laconfiaría a otra persona alguna. En seguida,cambiando de tono y con cierta irónica ligere-za, que sus ahogos hacían parecer sarcástica,agregó que circunstancias muy particulares –en puridad el deseo y la conveniencia de

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conservar las mejores relaciones con el Rey dePortugal – le aconsejaban postergar por tiem-po indeterminado la realización de empresa enque tanto empeño ponía.

— Es caso de fuerza mayor o poco menos– agregó suspirando –. Se trata de mi hijo muyamado don Manuel, a quien como padre debotratar y satisfacer.

Y como si hablara consigo mismo, mur-muró:

— Otros vendrán, y muy pronto, que no ha-brán de tener tales reparos…

Profeta fue don Fernando, si se interpretansus palabras en cierto sentido, pues su nietoCarlos I de España y V. de Alemania, no tuvotantas contemplaciones con Portugal. Pero noinsistió en su profecía, si era tal; pidió a Solísque recordara en sus grandes líneas la capitu-lación que con él había hecho, a fin de dejarladebidamente puntualizada, y cumplirla en to-das sus partes una vez llegado el momento.

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El piloto mayor hacía grandes esfuerzos pa-ra disimular la cólera. ¡Sus brillantes esperan-zas se desvanecían a punto de verse realiza-das! ¡El artificioso portugués triunfaba hacién-dolo naufragar en el puerto! Tuvo en los labiosuna maldición para Vasconcelos y su amo,pero se limitó – grave irreverencia – a golpearel suelo con el pie. Don Fernando toleró lafalta fingiendo no advertirla, mientras LopeConchillos trataba de sacar al mareante delmal paso acercándose a él y murmurándole aloído:

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El obispo de Palencia que observaba a hur-tadillas a Solís desconcertado y furioso, apretómás los labios en una como sonrisa y luego in-tervino también:

— Si lo permitís, Serenísimo Señor – dijograve y secamente, dirigiéndose al Rey – yo se-ré quien en pocas palabras recuerde la capitu-lación que según entiendo, y es buena repetir,sólo queda aplazada por algunos meses.

— Así es – contestó Su Alteza dándole conel ademán la licencia pedida, para llevar des-pués la mano al pecho estertoroso.

— El señor piloto mayor podrá enmen-darme, si acaso yerro… Mas aquí traigo laapuntación de Lope, y es buena guía – prosi-guió el capellán del Rey, árbitro entonces delos destinos de las Indias Occidentales, pese aque veinte años atrás hubiera estado a piquede impedir su descubrimiento tratando de locoa Colón y de locos a cuantos le prestasen oí-dos.

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— Tranquilizaos. Todo irá bien.

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Echó una ojeada al papel y continuó con lamisma sequedad:

— Juan Díaz de Solís se obliga por elconvenio a llevar tres navíos suficientes paralas necesidades del viaje (que será de descu-brimiento y no de conquista, hay que insistiren ello) a espaldas de Castilla del Oro, dondeestá Pedrarias Dávila(161), es decir, hacia elmar(162) descubierto por Vasco Núñez de Bal-boa…

— Eso no debe asentarse – interrumpió elRey haciendo un esfuerzo.

— Ni está asentado, Serenísimo Señor – ex-plicó tranquilamente el obispo –. Si lo digo essólo para memoria, “inter nos”… Pero si bienel viaje no es de conquista, con tal cláusula nose debe ni se quiere poner impedimento a latoma de posesión de nuevas tierras o mares,si el caso se presenta, y para asegurar la prio-ridad… Uno de los navíos que ha de llevarJuan de Solís – siguió cambiando de tono y

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hablando rápidamente – será de sesenta y losotros dos de treinta toneles cada uno. Llevaránen total una tripulación de sesenta hombres ylos mantenimientos suficientes para dos años ymedio de navegación y estadías(163). Todo elloa vista y contentamiento de quien Vuestra Al-teza disponga.

— Que ha de ser mi contador Juan Lópezde Recalde, de la Casa de Contratación ¿no eseso? – dijo el Rey.

— Así es, y Vuestra Alteza – prosiguió elobispo – no estará obligado a pagar, ni a la idani a la vuelta, sueldos de gente ni cosa alguna,salvo cuatro mil ducados que la Contrataciónentregará, a Solís…(164)

Este, que había recobrado ya su sangre fría,sonrió a su vez, diciendo con mucha intención:

— Doy por asentado que mi “armador prin-cipal”(165) – y recalcó estas palabras – serásiempre el mismo gran señor de quien me hahablado tantas veces Vuestra Alteza…

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— Sí, sí – interrumpió el Rey, algo displi-cente –. Eso por sabido se calla.

— Para evitar indiscreciones posibles hastapor parte de los mismos oficiales de la Contra-tación – observó Lope Conchillos – se esta-blece en la capitulación que ese armador… oarmadores… no sabe ni ha de saber el objetodel viaje… Nada se pregunta a quien nada sabeo… pasa por no saberlo… y mucho menoscuando ese “quien” permanece desconocido.

Don Fernando apoyó con un movimientode cabeza.

— De todo cuanto Dios nuestro Señor sesirva dar a Juan Díaz en este viaje – continuóFonseca – el tercio pertenecerá a Su Alteza,otro tercio a Juan Díaz y sus armadores, y elúltimo a los hombres que tomen parte en la ex-pedición, sea como pilotos, sea como oficialeso simples marineros.

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— Vuestra Alteza no ha determinado to-davía cómo habrá de distribuirse ese tercio –observó Solís.

— Lo repartiréis como os pareciere y loconcertéis con ellos – contestó don Fernando.

— Su Alteza – prosiguió el obispo – pro-mete no llevar, aparte de lo dicho, ni el quintodel Rey ni otro derecho alguno…

— Fuera de lo que se refiere al armador;eso se halla tanto más puesto en razón – dijo elpiloto – cuanto que este viaje, si es que llega ahacerse…

— ¡Si que se hará! – exclamó don Fernando.

— … no reportará beneficios, sino a la co-rona, como que es de descubrimiento y se harácon tan cortos recursos – siguió Solís –. Yo voysolamente a abrir un gran camino, que quizá,no vuelva a emprender más tarde, cuando, unavez productivo, ya no pueda serlo para mí…

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— ¿Qué mercedes queréis que os conceda?– preguntó el Rey con un asomo de fastidio.

— Bien recordará Vuestra Alteza – replicóSolís – que no he solicitado merced alguna, niquerido asentar ni capitular al respecto, puesconfío ciegamente en la bondad de Vuestra Al-teza.

— No quedará descontento ni frustrado mipiloto bomayor, como no lo quedó hasta aho-ra… aunque suele dejar ver que no se contentacon poco.

El Rey aludía a las muchas mercedes conce-didas ya al exigente Solís, con quien desde unprincipio se mostró de excepcional largueza.

— Cumplid vos lo prometido – siguió donFernando – y yo os haré dar título de Adelan-tado, para vos y vuestros sucesores, de cuan-to descubráis y aseguréis a la corona, comodesde ahora os nombro gobernador y adminis-trador de justicia de esas dichas tierras, de porvida y no más. Y como me habéis dicho te-

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ner gran devoción a nuestro santo patrono elApóstol Santiago, volved con bien, y tendréisde mi mano el hábito de caballero de su or-den(166).

— Beso las plantas de Vuestra Alteza portan señalada merced.

— Otrosí, anotad, Lope Conchillos, que lossalarios de mi piloto mayor se aumentan desdela fecha, en veinticinco mil maravedís, y ha-cedlo saber a mi Casa de Contratación.

— Se hará como manda Vuestra Alteza – di-jo Lope.

— Pero supongo – observó el obispo – queseguirá quitándose de esos salarios los diezmil maravedís anuales destinados a la viuda deVespuche(167).

— Así es – contestó el rey.

— Me congratulo con vos – dijo Conchillosa Solís –. Quedáis en sesenta y cinco mil mara-

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vedís al año, lo que os hace una renta de granseñor.

— De gran señor muy pobre – le murmuróal oído el mareante –. Si sólo eso esperara…

La conferencia duró todavía largo rato, yJuan Díaz de Solís, tan desabrido en un princi-pio, salió de ella radiante, corrió a Logroño, ylo preparó todo para partir a la siguiente maña-na.

Y al cruzarse con Vasconcelos a quien,aunque fingiera no verlo, había reconocidoperfectamente, tomaba el camino del Ebro porcuya orilla derecha siguió a galope, para no de-tenerse hasta un ventorrillo, a las puertas deLaguardia, en la carretera de Bilbao. Allí es-peró a Francisco de Torres y Diego García deMoguer, que no llegaron hasta la caída de latarde.

— ¡Pero qué dianche sucede, y adónde va-mos por este rumbo, si se puede saber, viveDiego! – exclamó García, a quien los viajes a

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caballo, aunque fueran cortos, tenían la virtudde exasperar, después de haberle molido loshuesos.

— ¡Mía fe que estas sofoquinas dan quepensar… y que rascar! – agregó Francisco deTorres, quien, como buen marino, andaba tanricamente con las piernas abiertas, perosiempre que entre ellas no se hallase el lomode un caballo.

— Echemos tranquilamente un trago – dijoSolís, invitándolos a entrar en el ventorro –. Elhecho es que todo va mal… y que todo va amaravilla.

— ¡Entiéndate el diablo! – dijo Torres – To-do va mal y todo va bien. ¡Conciértame esasmedidas!… ¿Qué misterio es ése y adónde de-monches nos dirigimos?

— Por el momento, a Bilbao… Y el misterioestá en que Portugal cree habernos ganado lapartida con falsos naipes. A bien que los nues-

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tros han de tener mayor virtud para el des-quite.

— ¿De modo que corremos así, de improvi-so, a embarcarnos para la expedición?…

— ¡Alto!… A embarcarnos sí, mas no parael gran viaje… Ese es ya otro cantar.

— ¿Por ventura, se le ha llevado el diablo?

— Embatido va, pero no ha zozobrado to-davía. Lo primero será embarcar en Bilbao, ado vamos, para un puerto cualquiera de Anda-lucía. Lo segundo, fletar una nao de poco portey tomar la derrota de las Canarias.

— Y qué hemos de hacer en esas malditaso afortunadas ínsulas? – preguntó Francisco deTorres, de peor humor que antes.

— Vive Diego que como no sea andar a ca-ballo todo irá bien para mí – dijo resignada-mente el de Moguer.

— Basta y sobra con estarse en el potrohasta Bilbao.

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— No te irrites antes de tiempo – aconsejóSolís, poniendo la mano en el hombro de sucuñado.

Y aprovechando el momento en que Garcíase apartó, dejándolos solos, el piloto mayor fuemás explícito:

— Lo que hay en suma – dijo a Torres –, essimplemente que Su Alteza quiere tranquilizaral portugués… La expedición queda suspen-dida en apariencia, pero debemos seguir pre-parándola bajo cuerda, sin que nadie lo sos-peche. Un paseo hasta las Canarias no es cosa;allí o algo más lejos… dispondremos a cienciacierta lo que hay que hacer, y ese embajadorque Dios confunda quedará más confundidocuando no sepa de mí ni de tí… y probable-mente acabará por creer abandonado un viajeque sólo está suspendido.

— Sí, hasta las calendas.

— ¡No te ahogues en poca agua, mal ma-reante!… Estoy seguro de Su Alteza, que me

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acaba de colmar de mercedes, y de promesasque esas mercedes afianzan. En cuanto a tí, tenpor cierto tu provecho si quieres servir al Reyy fiarte de tu hermano…

— Ya sabes cuán poco me agrada andar aciegas. En fin, se trata de tí, y tampoco estavez has de encontrarme reacio. Pero si me di-jeras…

— Nada te diré mientras no llegue el mo-mento. Paciencia y confianza es lo que te pidoy lo que en cierto modo me debes. Llama albuen García. Hemos de cenar y acostarnos enseguida, para estar frescos mañana y ponernosde un tirón en Vitoria.

Cuando llegaron a Bilbao, después de dos otres jornadas abrumadoras para Torres y sobretodo para Diego García de Moguer, quiso subuena fortuna que una galeota estuviese porzarpar para Sanlúcar de Barrameda. Medianteestipendio, el honrado cómitre accedió a trans-portarlos en calidad de amigos. Entregaron los

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caballos a un mesonero, embarcaron su pocoabultado equipaje, bogaron con brío los ga-leotes y el buen tiempo les acompañó hastasu destino. En Sanlúcar, Solís dejó a sus com-pañeros, que tomaron otro camino, y se dirigióa Sevilla. Estuvo en la ciudad una semana en-tera, visitando reiteradas veces la Casa deContratación. Pasó luego a Lebrija, como paradescansar regaladamente con su mujer y sushijos, pero a los seis o siete días desaparecióde pronto, sin que nadie supiera su paradero.

El embajador don Juan Mendes de Vascon-celos, muy alarmado, pedía entretanto con in-sistencia, a sus agentes de Sevilla y a cuantaspersonas hubieran podido informarlo, noticiasacerca de dónde estaba y qué hacía el pilotomayor del Rey, sin descubrirlo en parte alguna.Dijéronle en un principio que, según los ofi-ciales de la Casa de Contratación, el mareanteestaba haciendo el inventario de su nao SantaMaría de la Merced, para liquidar las cuentasdel suspendido o abandonado viaje(168). Quiso

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Vasconcelos saber el fondeadero de la nao encuestión, para seguir la pista de Solís, pero susaveriguaciones resultaron inútiles, de la máscompleta inutilidad. Nunca supo dónde esta-ban ni el piloto ni la nao, hasta que, largo tiem-po después, apareció el primero tan campantey tan ufano en la muy leal y muy regocijada vil-la de la madeja.

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VIII

DESQUITES DE SOLÍS

En aquel caluroso y luminoso día del estíode 1515, en que el cielo parecía inmensa piedrapreciosa, la atmósfera un hálito de hornalla yel sol esa hornalla misma, tres carabelas entra-ron lentamente en el puerto de Sevilla y surgie-ron frente a la marina, cerca de los dos cuerposde mampostería y la maciza mole de la Torredel Oro. El movimiento de la marina, donde

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galeotes y mozos de la esportilla cargaban ví-veres en dos galeras, se hizo más intenso y bul-licioso desde que se avistaron las naves quellegaban de aguas abajo, merced al golpe degente curiosa atraída a la ribera por las mis-teriosas e imperceptibles señales que llaman ala muchedumbre hacia donde ocurre algo. Y sidel lado de Sevilla zumbaba un enjambre apre-tado y creciente, otro poco menor comenzabaa agitarse allende el río, ante el miserable peroregocijado barrio de Triana, cuyas casuchas seagrupaban alrededor de la antigua iglesia góti-ca de Santa Ana.

No faltaban entre el gentío los eternos bieninformados que, desde que el mundo es mun-do, gozan y triunfan satisfaciendo la curiosidadajena. Decían éstos que los tres navíos acaba-ban de ser armados en Lepe para un largo yazaroso viaje de descubrimiento y de conquis-ta, y que iban a Sevilla a cumplir el indispen-sable requisito de la revisión por los señoresoficiales reales. El destino de las carabelas,

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según los informantes oficiosos, era un secre-to, sí, pero el secreto a voces. Iban a las Molu-cas y a las Indias, a las ricas tierras que Castillaposeía en mares desconocidos y que el rey Ma-nuel de Portugal pretendía disputarle sin dere-cho. La expedición había estado preparándoseaños enteros con el mayor sigilo, para que losportugueses no intentaran ganarle de mano,patrocinábala gente muy poderosa y muy alta,puede que el mismo don Fernando, y había demandarla un mareante de los más famosos.

Alrededor de los voceros – hombres demar, mercaderes sin tienda abierta o pícarosabiertamente tales – formábanse grupos deoyentes, ávidos de noticias, y el vivo decir an-daluz, chispeante y sonoro, dábales pintorescorelieve. Pero esto no absorbía de tal modo laatención que impidiera a los curiosos seguircon la vista la maniobra de las carabelas, eje-cutada entre grandes voces y ademanes vio-lentos por la diestra tripulación. Este interéssubió de punto cuando, desprendiéndose del

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costado de la mayor de las naos un batel cuyacaña empuñaba un hombre de cierta edad, sedirigió al mal ajustado desembarcadero de pie-dra, al pie de la Torre del Oro.

— Ese que veis a popa del batel es el ca-pitán. ¡Bravo mozo, conózcole como a mis ma-nos, aunque él no me conozca a mí, ya se ve…– decía un viejo cuyo oficio confesado era elde pedir limosna en los portales de la Giraldao de San Salvador, comer la sopa boba de losconventos y servir de gaceta viviente, mientrasque los no confesados abarcaban las más di-versas y misteriosas ramas, desde el sonsacarbolsas hasta el zurcir voluntades. – ¡Como co-nocerle – proseguía – vaya si le conozco! Séque es mozo de historia y que se llama JuanDíaz de Solís por añadidura.

— ¡Quite allá con esas desaborías noticias!– exclamó una moza de clavel en el cabello ymantón al desgaire. – ¡Quién no sabe en Seviyaque es el piloto mayor, nada menos, y que ya

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ha ido sinfinidad de veces a las Indias y a otraspartes tuavía más lejas!

— ¡Sí, retoño! bien lo has de saber tú – re-plicó el mendigo –. ¡No pasa por la villa braga-do que no conozcas y te conozca a fondo, mo-rena!

— ¡Y a mucha honra! – dijo la buena moza,con magnífico desenfado.

— ¡Juan Díaz de Solís, retoño! ¡Pilotomayor, almirante debía de ser, retoño! Porqueen lo de marear no hay quien le ponga el pie…Y su gente, ¡vamos!, que le lleva en palmitas,porque es manirroto y no le espanta un buentrago, amén de ser más justiciero que el mismí-simo don Pedro, el de la Padilla… ¡Y de estavez nos va a traer el oro a espuertas de unastierras que él sólo sabe dónde están – que melo ha dicho quien puede – así como me llamanBras, retoño!

Pendiente de sus palabras estaba un desar-rapado chicuelo que se había deslizado hasta

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la primera fila del grupo. Vestido de harapos ydescalzo de pie y pierna, su camisa hecha ji-rones dejaba ver que si el sol andaluz le habíacurtido y tostado la cara, y las extremidades,el resto de sus carnes era naturalmente doradocomo la piel de un melocotón. Y cuando la mo-za del clavel abría la boca para continuar el do-noso diálogo con el mendigo, metió el rapaz sucucharada preguntando muy suelta de lengua:

— Y díganos el tío Bras, ¿cómo ha de ha-cerse para ir con ese almirante?

— ¡Hola, arrapiezo! ¡Conque tú tambiénquieres salir a descubrir tierras! ¡Véanme vu-sarcedes la facha del gitanillo!! ¡Quita allá, mu-saraña, y dile a tu madre que te enjugue laleche que te ha quedao en los labios!

— ¡Perdone usiría, abuelo! – exclamó el chi-co poniéndose en jarras – A sus años ya habrádescubierto vuecencia más tierras que el mis-mo Vespuche, y estará en privanza y a tú por tú

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con el Preste Juan… Pero por eso mismo bienpudiera…

Airado, el viejo alzaba ya la mano paradarle un cachete, cuando se produjo un remo-lino en la muchedumbre y el muchacho hurtóel cuerpo lanzándose hacia Solís, que en eseinstante saltaba del batel a la marina, seguidopor dos hombres, evidentemente de mar, toscoy mal pergeñado el uno, con trazas de hidalgoaunque también curtido por vientos y soles elotro. Abrieron calle no tan amplia que no lestocasen y codeasen los curiosos, ajustó el chi-cuelo su paso al de los tres personajes, muy es-tirado, agradeciendo con la cabeza, como si leestuvieran dirigidas, las exclamaciones lisonje-ras, cariñosas o chuscas que saludaban a losnavegantes. Muchos formaron también corte-jo bullicioso y agitado, sin que los tres marinosparecieran advertirlo, pues conversando amis-tosamente entraron en Sevilla por las Ataraza-nas y se encaminaron a la Casa de Contrata-ción de las Indias, instalada en el Alcázar Vie-

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jo. La comitiva se había ido desgranando al sa-lir de la marina, y al Alcázar sólo llegaron elviejo mendigo, la buena moza y el desarrapa-do mozalbete. Fascinado seguía este último alos mareantes, y cuando les vio detenerse anteel morisco portal de la Casa de Contratación,fue a encaramarse en un poste que frente a ellahabía y quedó atisbando, con los dedos en lasnarices y hechas péndulo las piernas.

— ¿No entras conmigo? – preguntó Solís alde aire hidalgo – Ya estamos frente al cubil delas fieras que rabian por devorarme.

— ¡Melladas y con dentera! – replicó el otroriendo… – Diego García y yo vamos entretantoa buscar los pocos hombres que nos faltan.

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— Pues con Dios, entonces – dijo Solís –.Antes de anochecer nos veremos a bordo.

— Y allí se sabrá el resultado del encuentro,si han quedado las colas para contarlo.

Y mientras Solís entraba en la Casa deContratación, Torres y García echaron hacia lavieja y sucia calle de la Cabeza del Rey DonPedro. El chiquillo, que parecía perplejo al verque se separaban, debió resolver sus dudasporque saltó del guardacantón y se puso en se-guimiento de la pareja, redoblando con un pa-litroque en las salientes rejas de las ventanas.Algún plan tenía, aunque vago, porque hizouna mueca de disgusto al verlos desapareceren una taberna obscura y oliendo a vinagre,acostumbrado refugio de marinos sin embarco.

Desde que había llegado de Cádiz, no sintrabajos y zozobras, pidiendo, merodeando,huyendo de las cuadrillas de la Santa Herman-dad, ora por las carreteras, ora por la orilla delGuadalquivir, casi siempre a pie, alguna vez

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en lanchas acarreadoras de pescado, soñabasin cesar en las aventuras maravillosas, de in-comparable grandeza, que en Sevilla se inicia-ban para desarrollarse luego en el deslumbra-miento de las Indias encantadas. Tenía forzo-samente que encontrar quien le llevara, comoescudero, como criado, como perro que fuera,al descubrimiento y la conquista de los paísesdel oro y de la holganza, de donde el más ruinvuelve señor. Y en el peor de los casos, si nohallaba quien le protegiera, tenía decidido des-lizarse a hurtadillas en la sentina de cualquiercarabela pronta a zarpar, y quedarse allí agaza-pado y quietecito, pese a la obscuridad, la sedy el hambre, hasta sentir – y lo sentiría por elmovimiento – que la nao navegaba en alta mar,lejos de todo puerto, en demanda de las tierrasprometidas. La pasión romancesca que domi-naba a españoles y portugueses, mareantes in-signes, resueltos aventureros, conquistadoressin aseo y sin entrabas, cundía entre grandes ypequeños, y hasta los chiquillos soñaban en serotros tantos Colones, Corteses(169) o Balboas,

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y llegar a la grandeza mediante el valor, la au-dacia y el esfuerzo, sin que les arredraran pe-ligros y descalabros, que la imaginación no lespintaba. Y para el infantil conquistador la mis-ma piratería era un incentivo más, pues ¿quésabía ni podía saber de moral, nacido y cre-cido vagabundeando en Cádiz, de la Almadra-ba, donde, en su estación, asistía a la pesca delos atunes, hasta los pozos de la Jara, dondenunca falta bulliciosa y regocijada reunión, dela Caleta al Puerto, del caserío de Hérculesa los Arenales de la Isla? Había escuchado ysabía de coro, en cambio, relatos prodigiososde viajes y proezas, de matanzas y crueldadesque le encendían y arrebataban el cerebro.

Momentos antes, en la marina, había escu-chado ávidamente al tío Bras que, con ardoro-sa exageración, contaba a la del mantón al des-gaire la novelesca historia de Solís, matador desu primera mujer, allá en Portugal, por celosjustificados, bebedor famoso, piloto incompa-rable, hombre capaz de desafiar a la Casa da

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Guiné y al mismo Rey, como que, entre cor-sario y pirata, se había pagado por su mano,apoderándose de una carabela portuguesa, loscentenares de cruzados que se le debían y al-go más, como adehala… Y ahora, el rey Ma-nuel y su embajador le suplicaban de rodillasque volviese al servicio de Portugal, con rentasde príncipe, y más privilegios que un potenta-do… ¡Pero nada! Era mucho hombre Solís paraacudir a tal reclamo…

El chico no sabía leer ni escribir, no dis-cernía entre lo bueno y lo malo, pero sabíasoñar… ¡Oh! No se paraba en barras, pasabacon la mayor frescura del homicidio a la rebe-lión, de la rebelión a la piratería, y acababa im-poniéndose por la audacia y el ingenio hastallegar a las mismas o mayores alturas queSolís… El todo estaba en comenzar.

Estos devaneos formaban aureola a su ideafija de hablar con los hombres que iban callearriba, delante de él, cuando la desaparición de

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ambos en la taberna lo hizo despertar de pron-to.

— ¡No tienes suerte, Paquillo! Vamos, queno tienes suerte! – dijo para sus guiñapos.

Hubiérale sido difícil explicar la causa de suqueja, pues muy bien podía aguardar a los dela taberna hasta que saliesen, pero sin pararseen filosofías echó a correr hacia el puerto, lla-mado por el recuerdo del río y las carabelas.

Solís, entretanto, quejábase también men-talmente de su mala ventura, pues en la Casade la Contratación sólo estaba visible Pedro deIsásaga, uno de los oficiales que más encar-

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nizadamente le combatían. Hubiera preferidoverse ante todo con el contador López de Re-calde, mejor aún con el tesorero doctor San-cho de Matienzo, en quienes creía tener dosapoyos, si no, dos amigos. Pero no se arre-dró ante un choque para el que estaba prepa-rado; en la mano llevaba con qué contrarres-tar y vencer la de Isásaga y muy otras ani-mosidades. D. Fernando seguía dándole prue-bas de confianza, como si hiciera burla del reyManuel y de su embajador, y aunque este úl-timo pareciera haber sonsacado a algunos delos oficiales de la Casa, tenía más facultadesde las que tuvo nunca otro piloto mayor, pre-cisamente cuando sus disimulados enemigosquerían hacerle sospechoso de inclinación aPortugal, y él solo, con el obispo Fonseca y elsecretario Lope Conchillos, sabía las verdade-ras intenciones de Su Alteza. Y al conocer lasantojadizas y quizá interesadas acusaciones detraición, ¿qué había hecho D. Fernando? Puesencogerse de hombros, hablar de ello al mismoSolís y luego adormecer a los oficiales,

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mandándoles que con el mayor sigilo hiciesenuna información y le elevaran sus resultados…como la otra vez, cuando el viaje con YáñezPinzón.

— ¿Qué buenos vientos traen por acá alseñor Joao Dias? – preguntó al verle Pedro deIsásaga, remedando por insidia la pronuncia-ción portuguesa.

— ¡Dios guarde a D. Pedro de Isásaga! –contestó Solís, saludando con exagerada cor-tesía al pequeño y amojamado vejete de carade vinagre –. Estos buenos vientos vienen so-plando sobre unos pliegos que Su Alteza me haenviado con un propio a Lepe, donde alistabami nueva armadilla.

— ¡Enhorabuena! – murmuró con displicen-cia el adusto oficial, mientras Solís sacaba dela ropilla y blandía como una espada un rollodel que pendía el sello real.

— ¿Quiere usía – dijo el mareante – pasarvista por ellos?… Verá que D. Fernando, nues-

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tro señor, sabe hacer justicia… y no la niega aeste humilde vasallo.

Trémula estaba la mano de Isásaga al to-mar los pliegos, pues olfateaba algo muy desa-gradable. Pero pareció tranquilizarse en cuan-to leyó el primero.

— De esta real orden – dijo fríamente –nombrando piloto mayor interino en ausenciavuestra a vuestro hermano Francisco de Ço-to(170), teníamos ya noticia y están tomadaslas disposiciones para cumplir la voluntad deSu Alteza. Sólo agregaré con el debido respetoque, en opinión de muchos, Su Alteza pudo po-ner los ojos en persona de mayores servicios ymerecimientos… Quizá se equivoquen, porqueen épocas pasadas tanto D. Fernando comoDa. Isabel, que esté en gloria, tenían aciertosingular para los nombramientos.

— Para el de usía, “verbi gratia” – replicóSolís con sorna -. Afortunadamente para usía,Su Alteza no sabrá de mis labios esta glosa de

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sus reales órdenes… Pero mayor satisfacciónaguarda a usía con la lectura del otro pliego…

A medida que iba leyendo Isásaga cambia-ba de color; se puso amarillo, en seguida verde,incorporándose violentamente en su sitial, ypor último exclamó, conteniéndose a duras pe-nas:

— A fuer de servidores leales de Su Alteza yde guardianes celosos de los intereses del Rei-no, no hemos merecido, ¡no! no hemos mereci-do semejante agravio… Pero bien dijo el latinoque Dios ciega a quien quiere perder…

La ira pareció convertirlo un momento depigmeo en gigante.

— La palabra va sin duda mucho más lejosque la intención, y tampoco he de repetirla– dijo Solís, tomando con impertinencia unasiento que Isásaga no le había ofrecido –. Peroel Rey, nuestro señor, no agravia nunca a na-die, ni veo que pueda perderse por ordenar que

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se me trate como merezco y que se me des-pache con toda premura…

— ¡Si fuera sólo eso! – refunfuñó el oficialmascullando su cólera.

— ¡Vamos! El resto carece de importancia –exclamó Solís con fingida ligereza. – Juan Ló-pez de Recalde es muy mi amigo, D. Fernan-do lo sabe, confía en él y vive Dios que no seequivoca, al pensar que nadie mejor para ayu-darme en mis preparativos de viaje. Por eso yno por otra cosa manda que él solo me des-pache y que me haga llevar “el mayor recabdoposible”(171).

Isásaga guardaba silencio tratando de do-minarse, y Solís, que había hecho una pausa,continuó con travesura:

— Pero no hay que equivocarse cuanto alas intenciones de Su Alteza… Tan lejos estáde menospreciar a los demás oficiales de la Ca-sa que, si no he oído mal, la real orden termi-na recomendando, no al solo Recalde sino a to-

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dos, que se me favorezca con “mucho amor”(y Solís recalcó bien estas palabras), pues metiene por buen y leal servidor suyo… Y esoque está, muy al tanto de lo que murmuran lasmalas lenguas sobre las relaciones portugue-sas de “Joao Dias”, como usía dice con tantasal… Iguales recomendaciones hace Su Alteza,y muy en particular, al tesorero Matienzo, quetambién me honra con su amistad, en un plie-go separado que he de entregarle en mano pro-pia… Si soy indiscreto al decíroslo, Dios me loperdone, pues lo hago solamente por alegrar ausía…

Solís había ido harto lejos para que el dimi-nuto e irascible Isásaga no buscara desquite. Ylo encontró en el papel que seguía examinan-do, porque tuvo una sonrisa de vinagre mien-tras decía con afectada serenidad:

— ¡Ahora, ahora he dado en la clave, y todome lo explico perfectamente! Su Alteza sabe loque se hace y toma siempre sus precauciones.¡Es mucho Rey el nuestro! Pero hay que enten-

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derle, y no porque le falte claridad… Aquí leo,refiriéndose a vos, Joao Dias: “su condición escual sabéis”. ¡A fe que la sabemos, y harto!…No echéis, pues, tantos humos por una real or-den que, en resumidas cuentas…

— Que en resumidas cuentas – interrumpióviolentamente Solís – me libra en absoluto ypara siempre de vuestra jurisdicción, pese avos, a D. Manuel y a Vasconcelos…

— ¿Habéis bebido Joao Dias? – gritó Isása-ga con furioso menosprecio. – Sólo beodo po-déis olvidaros de que, según las ordenanzas yreglamentos, en toda expedición a las Indiashan de ir oficiales reales nombrados por noso-tros, por nosotros mismos, y nada más, paraque la Casa de Contratación tenga ojo sobrecuanto se haga, y facultad para impedir y paracastigar los yerros…

— Usía, por lo que se ve, es aficionado alas hablillas y gusta de darles pábulo – replicóSolís con helada serenidad. – Habré bebido o

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no habré bebido, poco importa; en uno u otrocaso no necesitaba la venia de usía… Perotampoco se esconderá a la perspicacia de usíaque Su Alteza puede muy bien nombrar a esosoficiales, factores o escribanos, sin el concursode la Casa de Contratación…

— Jamás lo ha hecho…

— Principio quieren las cosas; una vez serála primera… Y, no lo toméis a mal, don Pedro,esta vez será esa primera que digo… Mi expe-dición es harto mezquina, comparada la impor-tancia de naos y de gente con que otras hanpartido, pero Su Alteza espera mucho de ella;no ha querido dejar nada al azar, y mucho me-nos al capricho de gente que, no lo digo porusía, a trueco de hacerme daño no vacilaríaen hacerlo al mismo rey en beneficio de Por-tugal… Lo que falsamente se dice de mi po-dría decirse con verdad de otros que se fingengrandes enemigos de don Manuel, para servir-lo mejor.

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— ¡Insidias! ¡Calumnias villanas!

— No lo tome usía tan a pecho como si fue-ra casa propia.

Don Pedro le miró como si quisiera fulmi-narlo, y con perversa intención dijo lenta ysentenciosamente:

— Yo no necesito hacerme perdonar delitoscapitales.

— Salimos de la cuestión para volver a lashablillas – replicó Solís impertérrito. – Vamosal grano, y el grano es que Su Alteza ha nom-brado ya contador y escribano de la armada ami amigo Pedro de Alarcón, y factor a mi ami-go Francisco de Marquina(172) gente de insos-pechable honradez y lealtad, que no faltaría aellas por favorecerme, pero tampoco por ha-cerme daño… En fin, que enredos y embustesno han logrado engañar a Su Alteza. Bien sabeel rey don Fernando que mientras Vasconcelosy sus paniaguados le quitan al diablo para po-nerme a mí – no lo hacen sino por el men-

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drugo, bien lo entendéis, don Pedro – el reydon Manuel, valiéndose del mismo Vasconce-los, quiere sonsacarme para su servicio a fuer-za de honores y mercedes, pero que ni lo haconseguido ni lo conseguirá, aunque me ofre-ciese la gloria eterna…

El avinagrado vejete interrumpió sarcásti-co, cacareando las palabras como si riera:

— ¿Es eso… es eso lo que acostumbráisusar como cebo para pescar mercedes cadavez mayores?… ¡Sí será, sí será!… “Que el Reyde Portugal me ofrece esto y lo otro!… ¡Que elRey de Portugal quiere darme mucho más!”…¡Como si lo estuviera oyendo!… Y así, así ha-bréis obtenido los llanos de Huerta y Acecal ydel Hardal en los términos de Lebrija(173)…

— Nada de eso, nada de eso – replicó Solíscon toda tranquilidad, afectando modestia, pa-ra devolver la burla con mayor veneno –. Nues-tro señor don Fernando no tolera imposicionesy, mucho menos de mí… Pero, aunque yo no

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lo merezca, Su Alteza ha dicho bien claro – yaquí mismo, en Sevilla, están los pliegos – queme hacía esa merced “porque me ha muchoservido y sirve continuamente, e gastado mu-cho en una prisión que le fue fecha sin tenerél culpa(174) – ¡eh, don Pedro mío! – que le fuefecha sin tener él culpa”. Pero harto debéis deconocer la carta de Su Alteza al asistente de es-ta villa en la que se lee lo que digo…

— Por eso también, y sin pedirlo vos pro-bablemente – insistió Isásaga con tono despre-ciativo –, el año antes os hizo merced de losbienes que en Carbonera la Mayor dejó Antónde San Gil, después de darse por su mano malamuerte(175)…

— El desdichado se ahorcó, es mucha ver-dad – contestó Solís imperturbable –, y Su Al-teza, a cuya Cámara y Fisco pasaban esosbienes, me hizo traspaso de ellos, escribién-dome, esa vez también, que lo hacía “acatandolos servicios que me habéis fecho y hacéiscontinuamente”(176)…

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— ¡Pobre (o rico) porfiado!… Y en la porfíallegasteis, no ha mucho, a pedirle, la mancebíade Segovia(177).

— ¿La pretendíais vos también? – preguntóSolís con el aire más cándido que pudo – Sen-tiría, de haberla obtenido, haberos ganado demano… Porque nada de malo ni deshonrosohay en ello. Sé de grandes señores que no tie-nen reparo en recibir gajes o rentas de tales ca-sas, de cuyo gobierno dispone Su Alteza mis-ma, y si yo no obtuve la que solicitaba fue sim-plemente porque la alcanzaría otro más pode-roso… Pero el desengaño no me aflige. El Reysabrá compensarme con mayores mercedes,sin que yo tenga que pedírselas…

Ilógico por enfurecido, Isásaga acababa delevantarse apartando el sitial de un empellón ydecía, tartajeando:

— ¡No me explico, sino pensando en vues-tros excesos, a qué me venís con semejantes

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historias, cuando harto sabéis que nada tengoque ver en ellas!…

Solís levantóse también, y apoyando unamano en el respaldo de la silla, mientras con laotra balanceaba acompasadamente su gorro,dijo con tono jovial y como si repitiera frasesaprendidas:

— Si he contado a usía esas historias, miseñor don Pedro, ha sido sólo por demostrarmi gratitud hacia su persona y hacia la de al-guno de sus dignos compañeros de esta Casa.Tantos servicios habéis, ellos y vos, tratadode prestarme ante Su Alteza, tantas recomen-daciones de mis humildes prendas le habéishecho, tantas noticias mías habéis llevado asus reales oídos, que Su Alteza, convencido alfin de méritos que me achacáis y que no ten-go, viene colmándome de favores, y no sólome ha hecho las mercedes que tan puntual-mente recordáis, sino algunas otras que no sa-béis, como me promete para el regreso, porsu gran liberalidad, honores en que yo nunca

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había soñado… ¡Ah! si no fuera por los esfuer-zos de usía y de sus venerables compañeros,puede que Su Alteza ignorase todavía, mis cor-tos merecimientos… ¡Pero usía no ha servidoa un ingrato!… Ni a un pesado tampoco… Noquiero seguir molestando a usía… ¡Que Dios osguarde!

La pequeña persona de don Pedro Isásagacayó desplomada en el sitial, y allí quedó comoun guiñapo, sin recobrarse hasta mucho des-pués. Vasconcelos había escrito a don Manuelque Solís estaba insoportable de orgullo y deviolencia; ¡imagínese lo que, a poder hacerlo,le hubiera escrito el de Isásaga!…

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IX

UN ASPIRANTE A LA GLORIA Y LAFORTUNA

Entretanto, el chicuelo que había seguido alos marinos estaba ya desde largo rato en elpuerto, y, sentado a la sombra de un batel amonte, no apartaba los ojos de las carabelasque a poca distancia se mecían a impulsos dela corriente lenta y la brisa frescachona, y deotra nao más lejana, desarmada y como dor-mida, sin hacer caso de los grupos de hombresy mujeres que acudían curiosos a verlas, ni delos marinos que comentaban su corte y arbola-dura. Eran los de las carabelas cascos negros,

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calafateados con sebo y alquitrán, y sus más-tiles, asegurados por gruesas trincas, les dabanun aspecto de pesadez que no bastaba a ali-gerar el corte fino de las obras vivas. Los ojosdel chicuelo se paseaban del castillo de proaal castillo de popa, admirando aquellas altasconstrucciones de madera, que se alzaban ysobresalían a uno y otro lado, con sus grandestragaluces, y le parecían espléndidos palaciosdonde debía pasarse vida regalada mientras seiba a la conquista de las tierras del oro, las pie-dras preciosas, los animales extraños, los pá-jaros multicolores. Después contemplaba em-bobado los erguidos mástiles, los intrincadoscordajes, las jarcias embreadas, el cabrestantepanzudo, las colgantes y bamboleantes esca-las, y cada detalle era para él nuevo objeto dereligiosa maravilla.

Pocos años habían bastado, después delprimer viaje de Colón, para que se atenuaran,sin desvanecerse por completo, los supersti-ciosos terrores que en la imaginación medioe-

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val infundía aquel Mar Tenebroso, surcado –decíase – por corrientes bituminosas y satu-rado de vapores mefíticos que hacían el aireirrespirable, mientras terribles monstruos ace-chaban al marinero audaz para devorarlo ape-nas entrara en sus dominios.

Ya, cuando se preparaba alguna nueva ex-pedición, los hombres de mar no corrían aocultarse donde los agentes del Rey no pudie-ran darles caza para el servicio forzoso, ni erapreciso compeler por la violencia a los pilo-tos para que embarcaran, ni reclutar tripula-ción entre delincuentes, maleantes y galeotes.El paseo triunfal de Cristóbal Colón desde Pa-los hasta Barcelona, donde los reyes le trata-

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ron casi de igual a igual, los cautivos indiosvestidos de vistosas plumas, las pepitas y lasarenas de oro, los collares de perlas, los ador-nos y las joyas de singular riqueza y nunca vis-ta hechura, las aves que como alhajas vivientesllevaban en el cortejo, todo esto, agigantán-dose en la imaginación popular, había cambia-do totalmente el viejo concepto del mar miste-rioso y amenazador. Los relatos, de por sí jac-tanciosos, de los mareantes que volvían de lasIndias, abultábanse hasta lo fantástico al pa-sar de boca en boca, y si muchos temían aún,más que a la muerte, los azares de lo desco-nocido, en otros tantos la ambición se sobre-ponía al miedo, mientras que para algunos elpeligro era, cuando mucho – si no un incenti-vo –, en el caso peor, análogo al que se correyendo a Oriente por las vías habituales o na-vegando por los mares siempre procelosos deloeste de Europa. No faltaban, pues, volunta-rios para las nuevas expediciones, y los capi-tanes podían elegir a sus anchas entre marinos

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avezados por largo y rudo aprendizaje hechoen las audaces flotillas de comercio.

Truncos, pero portentosos relatos de losprodigios que oculta y defiende el mar, habíanllegado, pues, a los oídos del pequeño y está-tico admirador de las carabelas, incendiandosu cerebro de trece años, allá en Cádiz y enel Puerto, y luego cuando merodeaba por Tri-ana tomando el sol a orillas del Guadalquivir,o cuando, en los portales del convento de San-ta Clara, aguardaba charlando y escuchando aque se asomase el hermano lego con su grancaldero rebosante de bodrio para los mendigosy trúhanes que iban a solicitarlo a mediodía.Desde entonces ya no vivía sino con la ambi-ción de lanzarse él también a la conquista lo

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mismo que la multitud de hidalgos arruinados,de soldados harapientos, de aventureros sinescrúpulo que importunaban a los capitanespara que les llevaran con ellos, hasta el infier-no mismo si a mano venía, siempre que de allíse volviese con rentas. Enérgicos y atrevidos,los más enérgicos y atrevidos de España y Por-tugal, iban, generalmente, como horda invaso-ra, animada por un espíritu destructor, a co-meter en las Indias atrocidades sin cuento(178)

pero también, sin pensarlo, a dejar en ellas lasimiente del heroísmo y del instintivo empujehacia un porvenir mejor.

El chicuelo, absorto en su contemplación yen sus ensueños, pareció despertar de pronto

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y se incorporó a medias: dos personas habla-ban cerca de él, y su conversación le interesódesde las primeras palabras. Escuchó sin mo-verse, para que no lo advirtieran:

— Esa – decía uno – es la nao capitana. Co-mo ves, lleva aparejo latino en los dos palos ypuede ceñir el viento en cinco o seis cuartas, loque, si no navega de conserva, le permite an-dar menos que las otras para ir al mismo pun-to. Portuguesa es ésta, castellanas las otras –aunque tan castellana sea la primera como lasdemás: nombres que se les ponen. Ahora, miralas dos castellanas, que llevan aparejo mixto,

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con las velas de proa cuadras y las de popa la-tinas. Pero el más fino velero es la Portuguesa.

— Por la pinta vas a estar a bordo bien a tusanchas, Rodrigo – dijo el otro.

— ¡Y tanto! Mejor que en tierra, sobre todocuando ha de irse de un galope desde Logroñohasta Bilbao, como tuve que hacerlo va paratres años, por seguir al capitán… Concluído micuarto, y si no hay novedad cuelgo el coy ba-jo cubierta y duermo a lo lirón, mecido comoen la cuna cuando mi santa madre – para quienyo era hermoso como un angelito, a pesar dela cara que ella y Dios me han dado – me arrul-laba canturreando entre dientes…

— Pesadillo será el trabajo…

— ¡Quiá! Harto sabes tú que fuera de lasborrascas, las entradas y salidas de puerto, yel asomar de escollos y rompientes – que en-tonces hay que tener buenas manos, buenaspiernas y mejores ojos – mayor es a bordo elsosiego que en la mismísima corte del rey cató-

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lico, que anda siempre de la Ceca a la Meca,sin tener la casa debajo, como nosotros. ¡Y quésiestecicas, y qué veladas, ¿eh?, cuando se so-ba el naipe o cuando en corro se cantan loscantares de la tierra y se cuentan historias es-peluznantes que al menos tierno le ponen lascarnes de gallina!

— Y de lastre para el estómago ¿Cómoiréis?

— Tal cual. No falta carne salada – de buey,de puerco – cecina, el bacalao, frejoles y otraslegumbres secas, bizcocho, vino que rasca eltragadero… y todo en abundancia, hasta matarbien la hambre y la sed, como no venga a po-nérsenos de montera alguna calma chicha quenos deje a media ración o algo menos(179)…Lo peor es el agua que en las vasijas o aljibes,y pese a los cuidados, llega a ponerse espesa,corrompida y salobre… pero a buen hambre nohay pan duro ni a buena sed agua imbebible…amén de que queda el vino hasta lo último, ver-dad?… En resumidas cuentas, más suele sufrir

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en tierra firme la pobre gente que en el mar no-sotros, y ellos sin esperanza de mejor fortuna.También en la tierra se pasan hambres.

— ¡Y tantas, señor marinero! – exclamó sinpoder contenerse el chico, que se puso en pieechando mano a un guiñapo que llevaba porbirrete.

— ¡Hola!, y ¿de dónde sale, seor renacuajo?– dijo Rodrigo, el marinero-escudero de Solís,pues él era uno de los interlocutores.

— Salgo de una hambre para caer en otra,señor mareante… – contestó con desparpajo elchiquillo.

Viendo que Rodrigo sonreía, con lo queacabó el miedo que su mascarón hubiera podi-do causarle, atrevióse a continuar:

— Si vuestra merced, señor mareante, fueraservido de decirme lo que debe hacer una “per-sona” que quiere embarcarse para ir a descu-brir tierras y tesoros, ¡por Dios que se lo agra-decería!

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— ¡Voto a tal, y no es chica la desvergüenzadel mocoso! – exclamó el tercer personaje.

— ¡Ah, señor! perdone usía, pero prefieroun palo a que me den la callada por respues-ta… Ya crecería en el viaje, a poco que durara;y para la buena voluntad no se necesitabanbarbas de cabrón…

— ¡Valiente oruga! – dijo riendo Rodrigo –¿Cómo te llamas, Goliás?

— No; Goliás, no, que nada tengo de gi-gante, sino Francisco, Paco, Paquillo, Frasco oFrasquillo, como vuesa merced quiera, que to-do eso me dicen, y todo está bien…

— ¿Francisco a secas?

— Y a mojadas… Eso debe de venir de queno he conocido padre ni madre.

Y como si lo invitaran a hacerlo, el chico,verboso, contó, ceceando:

— Diz – pero debe de ser exageración – queme encontraron en un muladar de Puerto Real,

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junto a Cádiz, envuelto en un estropajo, queno en mantillas de Holanda, por lo que se ha-bla de que si soy o no soy hijo de príncipes…Recogiéronme unos viejos que pedían limos-na, y me la hicieron para que más tarde lesayudara, pero cuando yo comenzaba a hacerlode mil amores, porque el suyo no era trabajomuy pesado, muriéronse de las miserias pasa-das… Pues allí me crié yo, más que en tierra enlas aguas de la bahía, y hasta haciendo, algunavez, oficio de marinero en la Almadraba…

— Medrado marinero…

— Otros hay que… Pero, la verdad, ungolpe de remo no me espanta, y el arráez hasolido encargarme de maniobras más difíciles.

— ¿Y ahora, creyéndote un lobo de mar,quieres atreverte con la charca grande, mari-nero de agua dulce?

— Salada, y bien salada es la de Cádiz, queen Cádiz está la sal que Dios crió… Pues, porcruzar esa charca que usarcé dice, vengo de

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allí, a pie como un hidalgo, diciéndole alhombre ¡alante, alante! ¡que allá te aguarda lamesa puesta!… con que ya pueda embarcar enuna de estas armadas de Castilla del Oro odonde sea, tiempo tendré de comer y ahitarme,y ahitar a cuantos se me acerquen… Conque siusarcé quiere llevarme consigo, yo le serviríade mil amores, y le bailaría el agua delante,atendiendo antes que al mío a su interés y aga-sajo…

— Si tienes tanto arrojo como labia, erestodo un valiente, Paquillo – dijo el marinero,divertidísimo con la charla del rapaz. Y, que-riendo seguir la broma –. Pero no puedo ser-virte a medida de tus deseos. En cambio, voya darte una noticia: aquí justamente viene lle-gando uno que, si entras en su gracia, puedehacerte de un soplo jefe o poco menos de la ar-mada y Adelantado, o cosa así, de alguna tierraque descubramos.

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Volvió Paquillo los ojos y vio que hacia ellosse adelantaba el más robusto de los marinos aquienes había seguido pocas horas antes.

— ¿Quién es ese caballero? – preguntó an-sioso.

— No es hidalgo – replicó Rodrigo – sinoun mareante, aunque de los mejores. LlámaseDiego García y, mereciendo mandar escuadras,es el que manda a nuestra gente, comomaestre, muy contento de servir al capitán ge-neral que, por su parte, merecería ser rey,cuando menos…

García, apenas estuvo cerca, preguntó convoz de trueno, y salpicándolo todo en tornosuyo:

— ¿Sabéis si se ha embarcado ya don Juan?

— No ha llegado aún – contestó Rodrigo–. Aguardándole estoy con el batel y loshombres, pues he de llevarle a bordo.

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Paquillo, entretanto, miraba a García de hi-to en hito, empinándose sobre la punta de lospies y acercándosele como magnetizado.

— ¡Aparta, arrapiezo! – exclamó el maestre,empujándolo sin rudeza voluntaria, pero contal dulzura que casi lo echa a rodar – ¡Por San-tiago! ¿quién me ha puesto en el camino a esteengendro de Belcebú y una gitana?

Conteniendo mal la risa, Rodrigo contó a sujefe las pretensiones del mozuelo.

— Mucho bizcocho has de roer – dijoGarcía encogiéndose de hombros y volvién-dole las espaldas – antes de que puedas manio-brar una driza, gusarapo… Embarca, Rodrigo,que yo también he de ir a bordo.

El marinero corrió al batel sin despedirsede su amigo tal era el imperio de García sobresu gente. El chico, desconsolado, vagó por elpuerto, y un rato después volvió a sentarsefrente a las carabelas… Su cerebro infantil ba-rajaba entretanto las más extravagantes ideas,

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tendientes todas a hacerse alistar en la armadao introducirse en ella de solapa, con alguna es-tratagema, hasta que las naos estuviesen en al-ta mar y ya no fuera posible desembarcarlo…

Llamóle la atención, de pronto, el interlocu-tor de Rodrigo, que no se había movido del si-tio en todo ese tiempo, y habiendo comprendi-do por su aspecto que era marinero él también,le preguntó con su habitual desparpajo:

— ¿Y voacé, seor portugués, embárcasecon ellos?

— A fe que no faltan ganas… – murmuró elotro – Pero dí, ¿en qué conociste que soy por-tugués? ¿En el acento?

— Helo dicho al azar. Bien podríais ser gal-lego, que olivo y aceituno, todo es uno…¿Pero, eso os espanta?

— Espántame y no me espanta – dijo elportugués hablando más consigo mismo quecon el rapaz –. Los castellanos son ahora eldiablo para alistar portugueses… Como los de

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allá y los de acá, andamos a la greña sobre siesto nos pertenece y esto no… Aunque Bofesde Bagazo y ese Diego García y cien otros sir-vieron antes al de Portugal, y hay hasta quiendiga… No me han de hacer muchos repulgos sinecesitan un hombre resuelto, que sepa darsemaña para todo…

— Eso creo – replicó el chico por ganarsesu voluntad. – No tenéis facha de ahogaros enuna alberca, y con hablarle a ese Bofes o eseDiego que decís…

— Eso haré, voto a tal, y no más tarde demañana, o antes, si se presenta coyuntura, queamén de marinero, diestro soy en entender yhablar jerigonzas y podría serles de gran servi-cio…

— Muy sabio se ha de ser para hablar otraslenguas que la natural – exclamó Paquillo condesmedida admiración. – Pero decidme, seormarinero, ¿no sabéis, como tan sabio, alguna

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traza que me haga entrar a mí también en lacofradía?

— ¿Como trujamán? A fe de EnriqueMontes(180) que tiene gracia el chico… To-davía no se te ha secado el ombligo y yaquieres…

— ¡Quien habla de trujumanes ni de Diosque lo fundó!… Yo digo de marinero, o de paje,o de grumete, o de marmitón que sea…

— Eso ya es otra cosa – respiró el portu-gués como si recibiera humildísima satisfac-ción –. Pero – agregó al cabo de un rato –mira esos muchachos de la esportilla que co-mienzan a llevar matalataje a bordo… Méteteentre ellos, haz como ellos, y si te señalas enla faena, puede que luego el maestre o el pilotote hagan la merced de tomarte por grumete…mientras no te hacen capitán general, comodecía Rodrigo…

— Si usarced tuviera a bien decir dos pala-brillas en mi favor a ese mi señor don Rodrigo,

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por cierto tengo que habría de valerme, y yorezaría por usarced todos los días de mi vida,como por el más barí de los hombres.

— Hacerlo he, pero no por tu adulación, si-no porque me pareces listo.

— ¡Dios se lo pagará a usía con las setenas!– gritó el chico saltando de contento y echandomano al birrete.

En esto estaban cuando los distrajo un granmovimiento que se producía a la vez en tierra yen la mayor de las carabelas, que era una de lasdos aparejadas con velas cuadras. Sacábanla amonte, sin duda para acabar de calafatearla ycarenarla. La maniobra, aunque pesada, no eradifícil, pues el barco, poco cargado aún, tenía aflor de agua gran parte de la obra viva.

Corrieron ambos para ver de cerca, peroPaquillo no perdió tiempo, y como no tenía niesportilla ni cuerda para hacer de mandade-ro, ni medios de procurárselas, mezclóse conlos que halaban la nao y se puso a ayudarlos

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con gran brío, como si ya perteneciera a la tri-pulación. Recibiéronle como a perro en misa,pero demostró tanta buena voluntad y destre-za, que pronto cesaron los reniegos y las mal-diciones de los marineros a quienes en un prin-cipio pareciera estorbo más que ayuda, y en-cogiéndose de hombros le dejaron, ya que “lohacía de comedido y no guájete por guájete co-mo ellos”. Rodrigo había vuelto con el batel pa-ra embarcar a los otros marinos en cuanto lle-gasen, y Enrique Montes se les acercó al mo-mento, ganoso de acabar de conquistarlo paraque hablase a Solís en favor suyo.

— Lo haré de mil amores – explicó Rodrigo–, pero no será fácil que te aliste, no sólo porlos muchos postulantes sino, sobre todo,porque la tripulación ha salido de Lepe casicompleta, y los pocos hombres que nos falta-ban ya a estas horas habrán sido apalabradospor el mismo piloto don Francisco de Torres, omás seguramente por el maestre Diego García,que conoce a cuantos han bogado en otras ga-

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leras que las del Rey, y aun en estas mismas.No obstante, ya encontraré manera de hablarde tí a don Juan, y le encareceré muy muchotus habilidades como lengua, que los truja-manes no abundan en estas playas y son biennecesarios en las que vamos a buscar. Diréleque tienes mucho aquel en eso de entenderhablas extrañas, en aprenderlas de coro, y enpaular y maular como el más pintado…

Y al descubrir de pronto a Paquillo que su-daba la gota gorda halando la carabela al parde los marineros, agregó:

— Sin menoscabo de tu interés, tambiénhablaré de ese chaval. Discreto y decidido, esun hombrecillo que promete…

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X

¡AL AVIO!

Ni Enrique el portugués ni el ambicioso Pa-quillo, habían logrado sentar plaza en algunade las tres naos, que al cabo de pocos días es-taban prontas, llenadas todas las formalidadesque la Casa de Contratación exigía y con su tri-pulación completa. Sólo faltaba volver a botarla latina, puesta a monte, ya carenada, calafa-teada y lista para navegar.

Contra la opinión de Solís, que opuso muyserias objeciones, los señores oficiales habíanmandado que se embarcaran los bastimentosde la nao antes de ponerla a flote. D. Pedro de

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Isásaga y los de su bordo, no pudiendo impe-dir que el marino se saliese con la suya, tra-taban de contrariarlo en todo cuanto pudieransin provocar abiertamente el enojo del Rey, ySolís adujo en vano que, cargando la nave enseco, se la exponía sin necesidad a muy gravepeligro.

— ¿No tenéis tanta prisa? ¡Pues ganadtiempo, qué diablos! – replicábale el minúsculoy avieso oficial, forzado por sus funciones atratar con el piloto, muy contra su deseo.

— Presto y bien no se conviene – decía elmarino –. Preferiría tardar más e ir más segu-ro…

Era el 15 de septiembre(181), y Solís conta-ba zarpar a principios de octubre para hallarseen el otro hemisferio en plena primavera aus-tral.

Aquella mañana todo estaba dispuesto parabotar la nao, ensebadas y enjabonadas las cor-rederas y colocadas las muletas, listos los

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cables para regular el deslizamiento en la bo-tadura. Los curiosos hormigueaban, estorban-do la maniobra, pese a los gritos y reniegosdel maestre Diego García, y a los empellonesy testarazos de sus hombres. Llegado el mo-mento y a una voz de mando estentórea deMoguer, cortáronse a hachazos las amarras, elbarco pareció vacilar antes de ponerse en mo-vimiento, y comenzó a deslizarse lentamente,acelerando su marcha mientras un cabo regu-lador no venía a oponerle pasajero obstácu-lo. La gente boquiabierta guardaba silencio, loscuriosos observaban, con la ligera emoción in-separable de estos actos, sabiendo que, pasa-ra lo que pasara, ya no era posible intervenir.Todo iba bien. Resbalaba el barco, humeabanligeramente las imadas y las gualderas, crujíanlos puntales antes de caer, la redonda popa en-traba ya en el río, cuando se produjo un brus-co bamboleo, la nave entró de golpe en el aguahaciéndola saltar como ola que rompe en uncantil, osciló con violencia y se tumbó, al pro-pio tiempo que de todas las bocas brotaba un

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alarido… El agua con sordo fragor se precipitóa torrentes por todas las aberturas, inundó elcasco y lo echó a pique en un abrir y cerrar deojos. La carabela, cargada en seco a pesar delas protestas de Solís, acababa de zozobrar porculpa de “esos señores” de Sevilla(182)…

El marino parecía desesperado y furioso, yFrancisco de Torres trataba inútilmente de cal-marlo. Con ellos se habían reunido los otrosdos pilotos de la expedición, Juan de Lis-boa(183), que debía mandar la carabela perdi-da, y Rodrigo Alvarez de Cartaya(184), segun-do a bordo de la Portuguesa, capitana de Solís.Diego García trataba de explicarle la causa deldesastre.

— ¡Culpa de esos entrometidos de la Casa!¡vive Diego! que no saben dónde tienen las na-rices. ¡Pues no quisieron ordenar ellos mismosla estiba!… ¡Así ha salido!… ¡Un tropiezo en lajuntura de la imada, un balance, y la carga en-tera mal ordenada se fue a estribor, y con ellael barco al demonche!… ¡Malhaya la gente que

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va do no la llaman y se mete do no se la nece-sita!

Corría el maestre del grupo de los pilotosa la orilla del río, en la que se apeñuscaba lamultitud cada vez más densa; siguióle Solís, lo-grando a duras penas disimular su furor. Bienhabía visto que la catástrofe era irreparable:la nao no podría ponerse a flote, y con ellase perdían todos sus bastimentos. Además delgran perjuicio material, además de la secretasatisfacción de sus enemigos, el marino mirabael accidente como presagio funesto para su ex-pedición. Y así lo consideraron muchos.

García daba órdenes a su gente para quetratase de salvar algo de lo que estaba a bordoy de lo que, arrebatado por las aguas, flotabaen el Guadalquivir a merced de la corriente.A los marineros uniéronse voluntariamente elportugués y Paquillo, impulsados por la mismaidea de hacerse útiles. Montes, embarcado enun batel, pescaba con un bichero cuanta veíaa su alcance, y el chiquillo, insigne nadador, y

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buzo de nacimiento, penetraba en la nave su-mergida, para no volver a la superficie, reso-plando como una foca, sin traer algún objeto.Pero los voluntarios no eran ellos solos. Delgentío vociferante que aumentaba por momen-to en la marina y remolineaba como azogado,desprendíanse otros hombres de buena volun-tad cooperando en el salvamento; pero al salirdel agua solían extraviarse, y en vez de depo-sitar lo rescatado en el rimero que iba formán-dose en la orilla, tomaban distraídamente elcamino de la ciudad, felices con aquella ines-perada pesca en río revuelto.

Paquillo, en una de sus buceadas, logró lle-gar a la cámara del capitán de la nao en el alte-roso castillo de popa que estaba en parte a florde agua, y a tientas se apoderó del cofrecillodestinado a contener los papeles de a bordo, yotros objetos. Reapareció triunfante, nadó ha-cia la marina, tomó tierra y corrió gritando deorgullo a depositar su tesoro. Este hecho de-terminó su fortuna. El cofre estaba vacío, pero

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no por eso era menos meritoria su proeza. Asílo juzgó el maestre, al verle aparecer como untritón de bronce, destilando agua por todos susharapos.

— ¡Vive Dios que éste es el gitanillo demarras! – murmuró García. Y dirigiéndose alchico: – Búscame más tarde, arrapiezo. Quizáhaya a bordo algo para tí.

El chico se rascó, simultáneamente, la ca-beza con la mano, al no encontrar el birreteque el río se había llevado como un despojo, yla desnuda pantorrilla derecha con el descalzopie izquierdo. Pero no dijo nada. Al oír tamañanueva su audacia habitual se convirtió en timi-dez, y girando como un trompo sobre el pie de-recho lanzóse de carrera hacia la orilla.

Después de tomar las pocas medidas quepermitía tan completo revés, Solís, apartán-dose del tumulto de la playa, había ido a darcuenta del suceso a los oficiales reales, para re-

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tirarse en seguida a bordo de la Portuguesa, yescribir al Rey deslindando responsabilidades.

En la Casa de la Contratación ya se sabíanaturalmente lo ocurrido. Por lo poco que oyóde boca de Isásaga y alguna confidencia delcontador López de Recalde comprendió el ma-rino que los oficiales iban a apresurarse aculparlo de impericia, a cargar sobre él el pesode su malquerencia, a acusarlo una vez más de“hombre ligero e inconstante”, a quien no debíaencomendarse nada de importancia.

— ¿Qué contáis hacer? – le había pregunta-do López de Recalde.

— Zarpar con lo que resta, como si nadahubiese pasado – contestó Solís. – No han depoder más esos señores, por cuya culpa, inten-cional o no, se malograría el viaje, con gran sa-tisfacción suya. ¡A pie lo haría, si me faltaranbarcos!

— Aguardad lo que Su Alteza resuelva –aconsejó el contador.

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— ¡Sí, pero no sin que yo también diga loque tengo dentro! – exclamó el marino.

Llegado a bordo Solís, encerrado en su cá-mara, se puso a escribir febrilmente al Rey. Devez en cuando se interrumpía para lanzar unainterjección tanto continuaba siendo su cóle-ra. Después de releer el pliego, serenándose unpoco, atenuó cuanto, por demasiado violento,podría considerarse falta de respeto al sobera-no, y lo puso en limpio. Con mayor libertad es-cribió también al obispo de Palencia(185) y aLope Conchillos, cerró y selló las cartas, hizocon ellas un lío y llamó:

— ¡Eh, Rodrigo!

El asistente apareció como si brotara delsuelo:

— ¿Qué manda usía?

— Tienes que hacer una jornada a caballo.

El gesto de Rodrigo lo hubiera afeado más,a ser posible.

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— Hay que llevar estos pliegos a Almazán,con toda urgencia, reventando caballos. Aquítienes dinero. ¡Listo!

— ¡Señor! ¡Son más de cien leguas!…

Solís le miró y sonrió. Sabía cómo manejara su hombre de confianza.

— Está bien – dijo –. Busca un hombre se-guro que vaya en tu lugar, pues se trata de algode mucha monta.

— ¡Oh, no señor! ¡Yo iré! – exclamó Rodrigoafligido.

— Está bien – dijo –. Busca un hombre se-guro que antes de media hora galoparía poresas carreteras, quejándose y echando ternos,pero sin detenerse más de lo preciso.

En su carta a D. Fernando, Solís descargá-base de toda culpa en la catástrofe, provocadapor los oficiales que no habían escuchado susobjeciones y previsiones, y decía que sóloaguardaba la venia de Su Alteza para zarpar

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con las dos naos restantes, aunque esto nodejara de ofrecer sus peligros. A Fonseca yConchillos les pedía que hiciesen fuerza con elRey para que éste le procurara una nave más,en caso de ser posible, y desahogaba con el-los su ira y su indignación contra los “señoresde Sevilla”. Con esto ya no le quedaba más queesperar pacientemente la decisión del monar-ca.

Y gran paciencia tuvo que tener, pues losdías se deslizaban con lentitud sin otra distrac-ción que las monótonas conversaciones conlos pilotos, siempre sobre lo mismo. Afortu-nadamente, una complicación le sacó de suapatía: el factor y el escribano que habían de iren la expedición para fiscalizar sus actos(186),y con cuyas buenas intenciones contaba, ate-morizados por el naufragio de la carabela,echábanse atrás y pedían que se les reemplaza-ra. Gente de tierra, que sólo había visto barcosdesde la marina, la catástrofe les hizo darsecuenta de los peligros de la navegación con

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más eficacia que cuantos relatos espeluznanteshabían oído. Ya se imaginaban que la nao seles ponía de montera, y que el mar se los tra-gaba de un solo bocado. D. Pedro de Alarcón,el contador y escribano, hombre de bufete, en-flaquecido y descolorido por el encerramientoa que sus tareas le obligaban, taciturno y seco,aunque no de mal carácter, odiaba las mudan-zas en general, y sólo había aceptado la deaquel viaje por la tentación del salario creci-do, la parte doblada en el tercio de los be-neficios que había de repartirse, y la perspec-tiva de un mejoramiento al regresar. El fac-tor(187) don Francisco Marquina, hombre mu-cho más activo, a pesar de su gordura y ru-bicundez, era, por el contrario, regocijado ycomunicativo, gran conversador, soñaba conaventuras que no había tenido hasta entonces,y este agregábase para él a las razones mate-riales que animaban al contador. El naufragiode la carabela fue, pues, para ambos chorrode agua que enfrió sus entusiasmos, ya bas-tante atenuados por una visita que habían he-

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cho a la Portuguesa, cuya estrechez falta decomodidades, si hicieron a Alarcón torcer elgesto, pusieron a Marquina los pelos de punta.Iban a viajar poco menos que como sardinasen banasta, y a tan ingrata previsión agregá-base ahora la imagen del posible, quizá del in-evitable naufragio… La mejor sería desistir…

No convenía esto a Solís, que había contadocon la buena voluntad y amistad de los dosfuncionarios. Un enemigo o un indiferente, conlas mismas atribuciones, podía hacerle muchodaño y paralizar, o por le menos entorpecer, suacción en muchos casos: el contador debía te-ner cuenta y razón de toda la gente que fueraa bordo y de las cosas de propiedad del Rey,sin exceptuar todas las baratijas que para losrescates se llevaran; debía fiscalizar los pagosy adelantos que se hiciesen en los puertos yen tierra de Indias, las presas que se tomaranen mar y en tierra, y cuidar de que el todofuese entregado al factor; podía y debía impe-dir que Solís y su gente negociaran con los in-

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dios, pedirle cuantas veces quisiera, el alardede la tripulación, cuidar de que, hasta en lamisma derrota, el capitán general se ajustaseestrictamente a lo capitulado. El contador y es-cribano resultaba, pues, otro jefe de la expedi-ción, con más poder que el jefe visible, si asíse le ocurría… El factor, su complemento y su-cesor sin título, podía, en caso de que el otroabusara, ser cómplice u obstáculo.

¿Cómo logró Solís evitar que Alarcón yMarquina le pusieran en el gravísimo peligrodel reemplazo? Sencillamente haciendo centel-lear ante los ojos de ambos el favor del monar-ca, las recompensas cuantiosas, el adelanto se-guro, y mostrándoles, si no complacían al amo,el enojo de éste, su desvío, su abandono, quesignificaría, ni más ni menos, la miseria para lavejez. El miedo al Rey fue mayor que el miedoal mar, y Solís pudo decirse que Vasconcelosdebería tomar de él lecciones de diplomacia.

Esta lucha, en que resultó triunfante, acortólos días de espera, hasta que, descoyuntado y

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con los ojos completamente en blanco, llegóRodrigo Rodríguez(188), portador de la re-spuesta del Rey. Don Fernando decía en ella aSolís que no le afligiese la desgracia ocurrida,pero que no realizase tampoco su propósito departir antes de haber completado nuevamentela armada. El tomaría todas las medidas útilespara que esto se hiciese en breve plazo(189).

¿Querría el Rey tranquilizarlo con buenas,pero engañosas palabras, dejando triunfantes asus enemigos? Al leer lo que Lope Conchillosle escribía por su parte, cobró un poco de es-peranza. Pero sus dudas no se desvanecieronpor completo hasta que, días más tarde, llegóa su noticia que don Fernando acababa de en-viar una real orden a los oficiales en la Casade Contratación poniéndoles poco menos quea las órdenes de su amigo López de Recalde:les mandaba, en efecto que siguieran al pie dela letra todas las indicaciones del contador pa-ra que la escuadra de Solís fuera completada ydespachada sin tardanza. En cuanto se refiere

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al piloto, encarecía que fuese “muy bien despa-chado (…), con el mayor recabdo posible” parasu viaje(190).

Solís llamó a Francisco de Torres y se en-cerró con él en su cámara.

— Trata de saber, sin que nadie se percate– le dijo – el estado y condiciones de la carabe-la que desde nuestra llegada está en desarmeen el puerto. ¿Sabes la que digo?

— No hay más que una, y estoy al tanto detodo – contestó el piloto –. Ya, desde el primermomento, pensé en ella.

— ¿Y bien?

— Por ahora ni se mueve ni hay trazas deque se mueva por mucho tiempo, a menosque… Pues: se halla en muy buen estado, casilista para navegar.

— ¿Crees posible fletarla o comprarla?

— Muy posible. Los navieros a quienes per-tenece no tienen flete ni armadores. Se ven

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forzados a dejarla dormir… Como la Casa deContratación pone tantos impedimentos paralos viajes, corren peligro de verla pudrirse…

— ¿Sabes cuánto quieren por ella?

— Puedo averiguarlo.

— Sí, averígualo, pero sin dar la cara. Yasegúrate bien de que su estado es como dices.

En la carabela sólo faltaban, efectivamente,los elementos que no se embarcan sino a úl-tima hora. Intervino la Casa de Contrataciónadelantando a Solís las sumas necesarias, y losnavieros, contentos de vender un barco quesólo gastos les producía, no se mostraron exi-gentes. El aprovisionamiento de la carabelaimportó setenta y cinco mil maravedís(191),que la Casa dio en préstamo al piloto, por or-den del Rey, y comenzó a hacerse a toda prisa,bajo la apasionada pero, ¡ay!, inoficiosa inspec-ción de Paquillo, que no abandonaba un minu-to la marina.

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Había rodado hasta entonces inútilmentealrededor de Diego García, quien le intimidabacada vez más contra todo lo que hubiera podi-do esperarse, y que, a pesar de su vaga prome-sa, parecía olvidado de él; y en este vía crucisde postulante silencioso y tímido, acompañá-bale a veces el portugués Enrique Montes, afli-gido por la larga ausencia de su presunto pro-tector, el mal encarado Rodrigo. El rapaz an-daba hambriento y casi desnudo porque ya nohallaba tiempo de recorrer las plazas en la ho-ra de mercado para ver de cobrar alguna man-ducatoria – aunque fuese una tajada de queso,un tarazón de pescado, un mendrugo, una ber-za descuidada por la verdulera –, ni a correr aSanta Clara cuando se distribuye la sopa boba.

Ya estaban haciéndose los últimos aprestosen la nao, cuando una mañana Paquillo tuvo elvalor de la desesperación y se lanzó hacia elmaestre que llegaba.

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— ¡Señor!… ¡Señor! – exclamó, llevando lamano al ya vago pero aun tenaz recuerdo delbirrete de marras.

Pero cuanto pensaba decir no le salió de loslabios afuera.

— ¿Qué quieres, churumbel? – preguntómalhumorado García.

— Pues… yo… como usía me había prome-tido.

— ¡Acaba, vive Diego!

— ¡Pues embarcar! – exclamó Paquillo conesfuerzo, pero con decisión, y en este grito leiba toda el alma.

— ¡Ah, sí! Ahora caigo… Tú eres el mozue-lo que nada como un peje y zambulle como undelfín… Búscame más tarde, que ahora llevoprisa.

— Lo mismo dijo vuesa merced, y perdone,la tarde del naufragio… y… ¡hasta ahora!

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En esto quiso su buena suerte que se acer-case Rodrigo Rodríguez.

— ¡Hola, almirante! – exclamó el criado deSolís – ¿Todavía no se te ha quitado de la cabe-za la idea de ser marino?

— ¡Ni se me quitará! – replicó el chico.

— Pues si el maestre quisiera yo te tomaríapara enseñarte el oficio.

— Si es sin soldada… – dijo García.

— A poder, pagara yo encima – afirmó elarrapiezo.

— Pues si Rodrigo te toma bajo su protec-ción, y tú tienes tanta voluntad, no hay másque decir, embarca. Serás grumete en la Portu-guesa.

El muchacho lanzó un vítor que era un ala-rido, y desapareció en una nube de polvo, dán-dose con los talones en la cabeza, en direccióna la capitana.

— ¿Dónde va? – preguntó el maestre.

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— Es muy listo – contestó el bisojo –. Ya sa-brá lo que debe hacer… Y a buen seguro queno deserta.

Así fue. No pasó mucho rato sin que el no-vel grumete volviese donde quedaba Rodrigo,esta vez en compañía de Enrique Montes.Había corrido a comunicar al portugués que lamano derecha de Solís estaba en su día de dis-tribuir mercedes. Y Montes quedó engancha-do también, porque cuando zozobró la carabe-la algunos hombres se marcharon para no vol-ver, y hacía falta un gaviero. Recomendado porRodrigo, el maestre lo tomó sin dificultad.

El asistente se encargó de presentarlos aldespensero Martín García, que llevaba el rol dela tripulación, y al subir a bordo decía al man-cebo:

— Ahora veremos, chavalillo, si tienes ojosy pies marinos… para lavar la vajilla.

— ¿Cómo te llamas, para poner tu nombreen lista? – preguntóle el despensero.

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— Francisco.

— Francisco, ¿y qué más?

— Francisco a secas; no llevo alcuña.

— Hartos Franciscos hay a bordo – observóMartín García –. Diríase que no hay cristianoque no se llame Francisco.

— Apúntalo como Francisco del Puerto –intervino Rodrigo –. En el Puerto Real de Cádizse hizo el rico hallazgo de este caballero, yes apelativo que cuadra un gran mareante…aunque esté en agraz.

— Pues ya está escrito. Francisco del Puer-to eres, rapaz. Conque ya le sabes – concluyóel despensero.

Todo estaba, en fin, dispuesto para la parti-da, y las agujas de marcar, sacadas de sus bitá-coras, las ballestillas o báculos de Jacob conque se miden los ángulos, y los misteriosos as-trolabios, que con sus círculos cabalísticos re-velan longitudes y latitudes a quien sabe leer

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en ellos, fueron llevados a la Contratación paraque los pilotos de la casa los contrastasen ycomprobasen su exactitud. Ya sólo faltaba laorden de levar anclas y soltar amarras.

Y una hermosa mañana, después de oír de-votamente en la Catedral una misa rezada, to-do el mundo volvió a bordo una hora despuésde amanecer, aprontándose a la maniobra. Lamarina hormigueaba de curiosos que seguíancon extraordinario interés todos los movimien-tos de la tripulación, marineros que subían ybajaban de los obenques, otros que voceabanhaciendo girar el cabrestante, otros que arrol-laban los cabos o corrían por la cubierta en laaparente confusión y alboroto del momento dezarpar. Los gritos, las exclamaciones, la charlavocinglera de hombres y mujeres que se arre-molinaban en tierra sin permanecer quietos unsegundo, llegaban hasta las naos como el zum-bar de una colmena irritada, y los colores vi-vos de las ropas, realzadas por el sol nacienteque las iluminaba de soslayo, armonizaban de

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tal modo con aquel rumor, que hombres y co-sas parecían de fiesta para augurar buen viajea los marinos.

Algunos notables habían acudido a bordo adespedirse de Solís; de los oficiales, sólo Ma-tienzo y Recalde, sus amigos y defensores,habían querido asistir al comienzo de su triun-fo, y le abrazaron conmovidos. Pero las naosestaban en franquía, las velas zapateaban co-mo impacientes por tomar el viento, y los ba-teles de los visitantes balanceábanse a la som-bra del casco de las naos. Los que debían que-dar en tierra se despidieron por décima y úl-tima vez y bajaron a sus pequeñas embarca-

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ciones, un golpe de timón hizo que las velascogieran viento, y una tras otra, majestuosa ylentamente, las tres carabelas echaron aguasabajo, seguidas a ambas orillas del Guadalqui-vir por los curiosos, que no querían perderlasde vista y las acompañaban, tremolando gor-ros y pañuelos y ensordeciendo el aire con susvítores.

Rodrigo Rodríguez, que nada tenía que ha-cer a bordo salvo servir a su amo, poco exi-gente a la verdad, de bruces sobre la borda mi-raba a la multitud que iba alejándose y em-pequeñeciéndose por momentos, y el fugitivopaisaje, amarillo de sol. A su lado, ataviado

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con unas ropas nuevas harto holgadas, comoque eran para un hombre hecho y derecho, es-taba su ya inseparable Paquillo. Al grumete leparecía mentira la fácil realización de sus am-biciones, olvidando las hambres y las angus-tias pasadas hasta que el gran Diego García,a instancias de Rodrigo, su padrino y futuromaestro, le hizo la merced de tomarlo a bordo.La satisfacción le producía una congoja, opri-miéndole el pecho casi hasta impedirle respi-rar, mientras que las piernas le bailaban decontento y sus brazos se agitaban involunta-riamente como aspas de molino saludando to-davía a la ya invisible muchedumbre. ¡El tam-bién corría a la conquista del vellocino de oroy no volvería de aquel viaje sino convertido enun señor! ¿No se contaba que era Colón casi unmendigo cuando fue a pedir pan en el conven-to de la Rábida? Y, a pesar de eso, ¿no habíallegado a ser almirante del Mar Océano, visor-rey, casi el igual de Su Alteza en persona? Mu-cho tuvo que padecer, es verdad, pero vengan

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males, si han de ser tan ricamente premiados,porque nadie pesca truchas a bragas enjutas…

En estos ensueños estaba Paquillo cuandoRodrigo le llamó la atención sobre la manio-bra: la carabela, que navegaba en punta, dabagallardamente vuelta al recodo del río, descu-briendo por la proa y a corta distancia la villade Gelves, con sus casitas que semejaban pun-tos blancos bajo la vibración del sol. Hacía cer-ca de dos horas que habían zarpado de Sevilla.Una más tarde pasaron frente a Coria del Ríoy a la aldehuela de Puebla, que está a su lado.Algo más allá navegaron lentamente entre ma-rismas cubiertas a trechos de frondosos sauce-dales, cuyo verde tierno contrastaba aquí y allácon el obscuro de los hondos navazos, cuyashortalizas de otoño maduraba el sol, ardientetodavía.

Caía ya la tarde cuando llegaron a Sanlúcary anclaron en el fondeadero de Bonanza, queestá a una legua de la barra. Hubiérase dichoque todos los vecinos de la risueña villa, rodea-

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da de hermosos pinares, estaban aguardándo-los en la ribera desde que las naves se halla-ron a la vista. Y entre aquella buena gente nofaltaban, por cierto, los perdularios y vagabun-dos atraídos y fijados allí por lo que granjeabanmerced al gran movimiento que en el puertomantenía el comercio continuo con Sevilla y lafrecuente presencia de las flotas que iban a lasIndias o regresaban de ellas. Solís, más teme-roso de las francachelas que de las desercionespreconcebidas, ordenó que no desembarcaranadie, salvo los hombres que él mismo comi-sionase para ir a tierra. Pero las naos no tar-daron en verse rodeadas de pequeñas embar-caciones y todo aquel pueblo de marineros pu-do charlar a gritos con los que partían, produ-ciendo disonante y continua algazara que sólocomenzó a decrecer ya muy entrada la noche.Y, aunque no tantos, muchos fueron y vinieronhasta el amanecer de la costa a las naos.

Roberto J. Payró

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NOTAS DEL TRADUCTORAL FRANCÉS

Más informaciones i citaciones originales enla edición de “Ides et Autres”:

https://www.idesetautres.be/upload/PAY-RO%20MAR%20DULCE%20IN-DICE%20CON%20ENLACES%20INTER-NET%2020%20CAPITULOS.pdf.

Capítulo 1

Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 – 1557);Historia general y natural de las Indias, islas ytierra-firme del mar oceano, ver:

https://www.wdl.org/fr/item/7331/.

“Bofes de bagazo”, ver p. 25 in Toribo Medina,José, Juan Díaz de Solís, Estudio histórico,

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Santiago de Chile, impreso en casa del au-tor, 1897, CCCLII + 252 p. (segundo libro:documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf.

Capítulo 2

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit, CCCLII, 252 p. (segun-do libro: documentos y bibliografía) :

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Capítulo 3

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit., CCCLII, 252 p. (segun-

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do libro: documentos y bibliografía). Ver +abajo:

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

«texto de la circular, obra maestra de los fun-cionarios de aquel tiempo» (Toribio Medina,pp. XXV-XXVI): «publicado por Fernándezde Navarrete, Colección de viajes, t. III, p.505, y reimpreso por Torres de Mendoza,Colección de Documentos, t. XXXVIII, p.347».

Galíndez de Carvajal (1472-1528), cronista.Ver Crónicas de los Reyes de Castilla: DesdeDon Alfonso el sabio hasta los católicos DonFernando y Doña Isabel por Cayetano Rosell,Fernán Pérez de Guzmán, Diego de Valera,Diego Enríquez del Castillo, Fernando delPulgar, Lorenzo Galíndez de Carvajal, An-drés Bernáldez, Pedro López de Ayala; to-mo 3, page 533 (= Apéndice 2°, Analesbreves). Ver + abajo:

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http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd? id=8333

Capítulo 4

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit., CCCLII + 252 p. Ver:

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Capítulo 5

“Bofes de bagazo”, ver p. XXV, en Toribio Me-dina, José; Juan Díaz de Solís. Estudio histó-rico; op. cit, CCCLII, 252 p. (segundo libro:documentos y bibliografía) encontramostambién cartas del embajador Juan Méndezde Vasconcelos al Rey Manoel, acerca deJuan Díaz de Solís. Aquí va el principio dela del 30 de agosto de 1512: (Carta comple-

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ta XXX, entre las páginas 85 y 88. Hay otracarta, XXXI, del 7 de septiembre de 1512,entre las páginas 89 y 98.)

Francisco de Rojas Zorrilla “Del rey abajo, nin-guno (y labrador más honrado)” (o García delCastañar), de (1607-1648):

http: //biblioteca.org.ar/libros/130456.pdf

Capítulo 6

“¿Veis qué buena tela? ¡Tres pares de mangasme lleva gastados!”

Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837,tomo VII, p. 231

Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico ; op. cit, CCCLII + 252 p. Voir :

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http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

« Guicciardini, ambassadeur, à ses mandants deFlorence » : voir Francesco Guicciardini,“Relazione di Spagna Relazione di Spagna”(1513), in Scritti autobiografici e rari, ed. Ro-berto Palmarocchi, Bari, Laterza, 1936 :

« Insomma è re molto notabile e con moltevirtù, né si gli dà altro carico, o vero o falsoche sia, che di non essere liberale, né beneosservatore della parola sua ; nel resto sivede tutta costumatezza e moderazione. »(pp. 125-146).

A consultar:

GARGANO, Antonio ; “La imagen de Fernandoel Católico en el pensamiento histórico y polí-tico de Maquiavelo y Guicciardini” in La ima-gen de Fernando el Católico en la Historia,la Literatura y el Arte (Aurora Egido, JoséEnrique Laplana Gil eds. ; ISBN

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978-84-9911-309-8) ; Zaragoza, InstituciónFernando el Católico (CSIC) ; 2014, pp.83-104.

http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/34/22/05gargano.pdf

Ver también:

GAGNEUX, Marcel ; « L’Espagne des Rois Ca-tholiques dans l’œuvre de François Guichar-din », in André Rochon (éd.), Présence et in-fluence de l’Espagne dans la culture italiennede la Renaissance (Paris, Université de laSorbonne Nouvelle ; 1978), pp. 55-112.

LAFUENTE, Modesto; Historia general de Es-paña (desde los tiempos primitivos hasta lamuerte de Fernando VII); Barcelona; Monta-ner y Simon editores; 1879, tomo II, cap.XXVII, p. 416 (nota 5):

http://cdigital.dgb.uanl.mx/la/1080044679_C/1080074653_T2/1080074653_123.pdf

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SANTA CRUZ, Alonso de; Crónica de los ReyesCatólicos, in Juan de Mata Carriazo; Sevilla;Escuela de Estudios Hispano Americanos;1951, II, p. 281:

“Y estando la corte en esta villa, por el mesde março, y el rey don Fernando en Car-rioncillo, lugar apartado de Medina por unalegua, deleitoso y de mucha caça, holgán-dose con la reine Germana su muger; dondecomo Su Alteza tuviese tanto deseo de te-ner generación, principalmente un hijo queheredase los reinos de Aragón, le hiço darla Reina algunos potajes hechos de turmasde toro y cosas de medicina que ayudavan ahacer generación, porque le hicieron enten-der que se empeñaría luego. Aunque otrospensaron que les avían dado veneno, o tó-sigo.”

Capítulo 7

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Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit, CCCLII + 252 p. (se-

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gundo libro: documentos y bibliografía).Ver:

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Ver biografía de Vasco Núñez de BALBOA perFred FUNCKEN (ed. de Bélgica, en el N° 38de “TINTÍN”, 17 de septiembre 1958).

http://www.idesetautres.be/upload/19580917%20BALBOA%20FUNCKEN.zip

Capítulo 8

Toribio Medina, José; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit, CCCLII + 252 p. (se-gundo libro: documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

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Obras de referencia:

PARDESSUS, Jean-Marie; Collection de lois ma-ritimes antérieures au XVIIIe siècle; Paris, Im-primerie royale; 1845, tome sixième, 672.(Tabla cronológica de todos los docu-mentes: p. 629-638. Índice alfabético: p.639-671):

https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

Ver capítulo XXXIV, “Droit maritime desprovinces méridionales et occidentales del’Espagne, situées sur l’océan”, p. 1-300(textos bilingües).

Capítulo 9

“Bofes de bagazo”, ver p. XXV, Toribio Medina,José ; Juan Díaz de Solís. Estudio histórico;op. cit., CCCLII, 252 p. (segundo libro: do-cumentos y bibliografía)

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http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Ver también: Dictionnaire en images DUDENfrançais; Barcelona ; Editorial Juventud ; 2ºed., 1962, pp. 384-385.

Capítulo 10

Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís. Estu-dio histórico; op. cit., CCCLII + 252 p. (se-gundo libro : documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juan-dazdesol00medi.pdf

Obras de referencia:

PARDESSUS, Jean-Marie ; Collection de loismaritimes antérieures au XVIIIe siècle; op cit.(Tabla cronológica de todos los docu-mentes: p. 629-638. Índice alfabético: p.639-671):

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https://play.google.com/store/books/de-tails?id=ZqJLAAAAYAAJ&rdid=book-ZqJ-LAAAAYAAJ&rdot=1

Ver capítulo XXXIV, « Droit maritime desprovinces méridionales et occidentales de l’Es-pagne, situées sur l’océan », pages 1-300 (textosbilingües).

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FUENTES DE LAS ILUSTRACIONES

Introducción

Mapa Mundi de Domingos Teixeira / Carte deDomingos Teixeira de 1573 (Bibliothèquenationale de France). « À noter, la projectionn’est pas centrée sur l’Europe mais sur la ligneissue du traité de Tordesillas, celle du traitéde Saragosse étant dédoublée, à gauche et àdroite de la carte. Ceci a pour effet de bienmontrer le découpage du Monde à parts égalesentre Espagnols et Portugais, dont les blasonsrespectifs ornent les terres conquises. » (Vi-vianne Lutun Noz, Pintrest.)

Capítulo 1

Mapa del golfo de Paria, NordNordWest (Wiki-média),

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https://commons.wikimedia.org/w/in-dex.php?curid=41101645 Lic. Creative Com-mons by-sa-3.0de.

Mapa de les viajes de Alonso de Ojeda,16.02.2013, Taichi (Wikimédia)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fi-chier:Viajes_de_Alonso_de_Ojeda.PNG. Lic.GNU Free Documentation License version 1.2.

Capítulo 2

Mapa del mundo de Alberto Cantino, 1502.

Bandera de la “Companhia da Guiné”, Nuno Ta-vares, s.d. (Wikimédia). (GNU Free Docu-mentation License, Version 1.2 .)

Capítulo 4

Mapa in Les enjeux de la cartographie, Biblio-thèque nationale de France. Reproducciónde la Mapa Mundi de Domingos Teixeira /Carte de Domingos Teixeira de 1573 (Biblio-

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thèque nationale de France). Ver Introduc-tion.

Capítulo 5

Carte d'Amérique divisées en ses principales par-ties par Guillaume Delisle, d'Anville. Rec-tifiée après les nouvelles Observations deJean-Baptiste Bourguignon d'Anville etautres Géographes ; J. Condet (graveur). ÀAmsterdam : Chez Covens & Mortier & Co-vens Junior, 1744.

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CartedAmerique.jpeg

Capítulo 6

Las fotos provienen de « Iconografía de Fer-nando el Católico », por Enrique PARDOCANALIS (Zaragoza; Institución Fernandoel Católico; 1963,140 p.):

http://ifc.dpz.es/recursos/publicaciones/02/68/_ebook.pdf

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Las fotos utilizadas son las números: 21 (p.79), 25 (p. 83), 31 (p. 89), 45 (p. 103), 47 (p.105), 67 (p. 125), 73 (p. 131) y 77 (p. 135).

Cuarto del Almirante de la Casa de Contra-tación:

http://insensateces-de-un-exiliado-croni-co.blogspot.be/

Capítulo 7

La Castilla de Oro per “Santos30” (CreativeCommons Attribution-ShareAlike3.0Unpor-ted license) :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tierra_Firme_Coquivacoa.PNG

Retrato de Juan Rodriguez Frayle, anónimo,s.d.

http://www.lablaa.org/blaavirtual/biografias/images/rodrjuan.jpg

Capítulo 8

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Vista de la ciudad de Sevilla, desde el barrio deTriana. A través del río Guadalquivir llegaba

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la Flota de Indias, la flota de galeones que co-nectaba a la ciudad con los virreinatos ameri-canos, El Puerto de Indias, en el siglo XVIalbergaba un gran número de embarca-ciones a lo largo del río Guadalquivir, a supaso por Sevilla (la Giralda al fondo, a laizquierda el puente de barcas y a la dere-cha la Torre del Oro), óleo sobre tela, hacia1576 o 1600, Atribuido a Alonso SánchezCoello

https://es.wikipedia.org/wiki/Puerto_de_In-dias#/media/File:La_sevilla_del_sigloXVI.jpg

http://spainillustrated.blogspot.be/2012/06/sevilla-capital-del-comercio-mundial.html

http://www.elsevier.es/pt-revista-offarm-4-ar-ticulo-la-farmacia-comercio-ciencia-mo-nardes-13096633

¿Por qué Sevilla y no Cádiz?

http://personal.us.es/alporu/histsevilla/sevil-la_puerto.htm

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Alfonso X construye sus astilleros en Sevilla(1252), photographia de José Luis Filpo Ca-bana, mayo 2010 (Wikimédia, CreativeCommons CC0 1.0 Universal Public Do-main Dedication).

Cuarto del Almirante de los Reales Alcázares deSevilla, photographia de CarlosVdeHabs-burgo, 10.07.2014. (Wikimédia, CreativeCommons Attribution-Share Alike 3.0 Un-ported).

Capítulo 9

Robert Fleury, Joseph Nicolas, Réception deChristophe Colomb (1451-1506) par les roisd'Espagne Ferdinand et Isabelle la Catholiquea Barcelone en 1493 L'explorateur revient avecdes Indiens captifs. (Musée du Louvre.)

The entrance of Hernan Cortés into the city of Ta-basco, óleo sobre tela, secunda parte del delSiglo 17, anónimo (Wikimédia.)

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http://www.kislakfoundation.org/collec-tionscm.html.

Line art drawing of a galleon. (Archivo de Pear-son Scott Foresman, dados a Wikimedia)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Galleon_(PSF).png

Ver también Ilustraciones (2) de «cometer enlas Indias atrocidades sin cuento», © Jean TOR-TON, «La conquête du Pérou».

http://bdoubliees.com/tintinbelge/au-teurs5/torton.htm

http://www.galerienapoleon.com/auteur-bande-dessinee_jeronaton-planche-jean-tor-ton-artwork-bd-comic-bande-dessi-nee_fr_49.html

Capítulo 10

Seville Catedral on the Side of the Steps, óleosobre tela, 1835, Genaro Pérez Villaamil(Fundación Banco Santander.)

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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Genaro_P%C3%A9rez_Villaamil_-_Se-ville_Catedral_on_the_Side_of_the_Steps_-_Google_Art_Project.jpg

Les Caravelles en haute mer, después de unaacuarela, Raffaele Monleon, sd, in [librofuente de la ilustración no mencionada].(Photo Bnmanioc, Wikimédia.)

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:PAP110640106i1.jpg.

Ver también:

Christophe COLOMB par Fred FUNCKEN: Illus-tracion de carabelas per Fred FUNCKEN in“L’Histoire du monde: la course aux épices” (inTINTIN N° 29,16071958)

https://www.idesetautres.be/upload/CHRIS-TOPHE%20COLOMB%20FUNCKEN.pdf(2017).

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB%20FUNCKEN.zip(2011)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 555/582

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Jean TORTON tambien, biografía de Chris-tophe COLOMB : “Le rêve doré de ChristopheColomb” (in TINTIN N° 41,1981).

http://bdoubliees.com/tintinbelge/auteurs5/torton.htm

Bob DE MOOR (1925-1992) “Cori, le mous-saillon”, (él vivía cerca de nuestro Centred’expression et de créativité y nos había pro-porcionado una ilustración inédita per« Ides… et autres » N° 4 (IEA04) :

http://www.idesetautres.be/?p=di-vers&mod=showPicture&id=1257686604cQ-Li.jpg)

Integral “Cori, le moussaillon”:

www.bdmust.be

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 556/582

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Ce livre numérique

a été édité par la

bibliothèque numérique romande

https://ebooks-bnr.com/

en mars 2020.

— Élaboration :

Ont participé à l’élaboration de ce livre nu-mérique : Bernard Goorden (Ides et Autres),Isabelle, Maria Laura, Françoise.

— Sources :

Ce livre numérique est réalisé d’après : Ro-berto J. Payró, El mar dulce, roman historique(avec traduction française), Bruxelles, édition

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numérique « Ides et Autres », 2016. L’éditionBNR est réalisée avec l’aimable autorisationde Bernard Goorden. La photo de premièrepage, Anochecer en Colonia del Sacramento, aété prise par Mx Granger, 12 Septembre 2017(Wikimédia).

— Dispositions :

Ce livre numérique – basé sur un texte librede droit pour le texte espagnol – est à votredisposition. La traduction française de BernardGoorden est sous copyright, 2016. Vous pou-vez utiliser ce livre numérique, sans le modi-fier, mais vous ne pouvez en utiliser la partied’édition spécifique (traduction française,notes, présentation éditeur, photos et ma-quettes, etc.) à des fins commerciales et pro-fessionnelles sans l’autorisation de la Biblio-thèque numérique romande et du traducteur(pour la traduction française et les notes). Mer-ci d’en indiquer la source en cas de reproduc-tion. Tout lien vers notre site est bienvenu…

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 558/582

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— Qualité :

Nous sommes des bénévoles, passionnésde littérature. Nous faisons de notre mieuxmais cette édition peut toutefois être enta-chéed’erreurs et l’intégrité parfaite du texte par rap-port à l’original n’est pas garantie. Nos moyenssont limités et votre aide nous est indispen-sable ! Aidez-nous à réaliser ces livres et àles faire connaître…

— Autres sites de livres numériques :

Plusieurs sites partagent un catalogue com-mun qui répertorie un ensemble d’ebooks et endonne le lien d’accès. Vous pouvez consulterce catalogue à l’adresse : www.noslivres.net.

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 559/582

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1 Francisco de Xerez, Miguel de Estete ; Verda-dera relación de la conquista del Perú ; Tip. de J.C.García ; 1891,174 p. :

http://www.biblioteca.org.ar/libros/645.pdfhttps://historiasdelperu.files.wordpress.com/

2008/11/verdadera-relacion-de-la-conquista-del-peru-francisco-de-xeres.pdf

Francisco de Xerez fut secrétaire de FranciscoPizarro. « Dirige el autor sus metros al Emperador ReyNuestro Señor » en 1534 (pages 168-174 ; texte citépar Roberto J. Payró : pages 170-172). (N.d.T.)

2 L’huile de bois de Gaïac pour la vérole :http://coursneurologie.free.fr/verole. HTM.

(N.d.T.)

3 Ancien nom de Saint Domingue. (N.d.T.)

4 Le roi Manuel Ier. (N.d.T.)

5 Bouffées de bagasse. “Bofes de bagazo”, voirpage 25 in Toribo Medina, José, Juan Díaz de Solís,Estudio histórico, Santiago de Chile, impreso en ca-sa del autor, 1897, CCCLII, 252 p. (segundo libro:documentos y bibliografía) :

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http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juandaz-desol00medi.pdf (N.d.T.)

6 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille.(N.d.T.)

7 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.)

8 Martin. (N.d.T.)

9 Il explore les côtes du nord-est du Brésil.(N.d.T.)

10 Il explore le Panama et la Colombie.(N.d.T.)

11 Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 –1557) ; De l’histoire naturelle des Indes (Historia ge-neral y natural de las Indias, islas y tierra-firme delmar oceano), voir : https://www.wdl.org/fr/item/7331/ (N.d.T.)

12 Christophe Colomb. (N.d.T.)

13 Quatrième voyage. (N.d.T.)

14 8º de latitude Sud, au large des côtes brési-liennes. (N.d.T.)

15 Panama. (N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 561/582

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16 Troisième voyage, de 1501, accompagnantGaspar de Lemos. (N.d.T.)

17 D’Asie ! (N.d.T.)

18 1504. (N.d.T.)

19 1506. (N.d.T.)

20 1927. (N.d.T.)

21 1526. (N.d.T.)

22 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille.(N.d.T.)

23 Ayant épousé Marie d’Aragon. (N.d.T.)

24 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.)

25 Ancien nom de Saint Domingue. (N.d.T.)

26 Elle est décédée le 26 novembre 1504.(N.d.T.)

27 Casa da India, à partir de 1503. (N.d.T.)

28 Conversion erronée, 1 ducat valant 375 ma-ravédis, soit 300.000 maravédis. (N.d.T.)

29 Actuel El Mina, Golfe du Bénin, côte séné-galo-gambienne, au Ghana. (N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 562/582

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30 1 doublon d’or vaut 2 escudos soit 800 ma-ravédis. Il s’agit donc de 16 millions de maravédis ;voir Barros e Sousa Santarém, p. 71. (N.d.T.)

31 À Vasco de Gama. (N.d.T.)

32 Toribio Medina, José ; Juan Díaz de Solís.Estudio histórico ; Santiago de Chile, impreso en ca-sa del autor ; 1897, CCCLII, 252 p., pages XXV-XX-VI. [Ci-dessous : Toribio Medina.] (N.d.T.)

33 Galíndez de Carvajal (1472-1528), chroni-queur :

Crónicas de los Reyes de Castilla : Desde Don Al-fonso el sabio hasta los católicos Don Fernando yDoña Isabel por Cayetano Rosell, Fernán Pérez deGuzmán, Diego de Valera, Diego Enríquez del Cas-tillo, Fernando del Pulgar, Lorenzo Galíndez deCarvajal, Andrés Bernáldez, Pedro López de Ayala ;tomo 3, page 533 (= Apéndice 2, Anales breves).Voir :

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd?id=8333 (N.d.T.)

34 Andalousie. (N.d.T.)

35 Toribio Medina, pp. CXIV-CXV et 16-17.(N.d.T.)

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36 690 kilos fois 2 soit près de 1.400 kilos.(N.d.T.)

37 Toribio Medina, pp. 17 et 26-29. (N.d.T.)

38 Après Isabelle d’Aragon, il épouse sa sœurMarie. (N.d.T.)

39 23 mars 1508 - Toribio Medina, page 26.(N.d.T.)

40 ancien nom de Saint Domingue (N.d.T.)

41 Entre Trinidad et le Venezuela. (N.d.T.) Voircarte au chapitre 1.

42 Ce comendador mayor (ou gouverneur) dela Española était vraisemblablement Nicolás deOvando y Cáceres (entre 1502 et 1509). (N.d.T.)

43 Toribio Medina, page 53. (N.d.T.)

44 32.182 plus 34.000 – Toribio Medina, pp.53-55. (N.d.T.)

45 7 décembre 1511 – Toribio Medina, page 55.(N.d.T.)

46 25 mars 1512 – Toribio Medina, page 55.(N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 564/582

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47 27 mars 1512 – Toribio Medina, page 58.(N.d.T.)

48 Île des Canaries. (N.d.T.)

49 Birmanie ?… (N.d.T.)

50 Toribio Medina, page 64. (N.d.T.)

51 Son gendre pour la deuxième fois ; aprèsavoir épousé Isabelle d’Aragon, une première desfilles de Ferdinand, il épouse sa sœur Marie.(N.d.T.)

52 29 mai 1512 – Toribio Medina, page 75.(N.d.T.)

53 Toribio Medina, page 77. (N.d.T.)

54 Toribio Medina, pp. CCCXXX-CCCXXXI.(N.d.T.)

55 Michel de la Paix. (N.d.T.)

56 Dite d’Alexandre VI. (N.d.T.)

57 Voir Rojas Zorilla, ci-dessous : « Notes dutraducteur ».

58 Relazione di Spagna, 1513, p. 138. (N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 565/582

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59 De Castille et León et, auparavant, Ferdi-nand II d’Aragon. (N.d.T.)

60 Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837,tomo VII, p. 231. (N.d.T.)

61 Isabelle d’Aragon. (N.d.T.)

62 Jean d’Aragon ou Juan de Trastamare.(N.d.T.)

63 Michel de la Paix. (N.d.T.)

64 Marie d’Aragon. (N.d.T.)

65 Isabelle d’Aragon. (N.d.T.)

66 Petite-fille de sa demi-sœur. (N.d.T.)

67 Jean, prince de Girona. (N.d.T.)

68 Alonso de Santa Cruz, Crónica de los ReyesCatólicos. (N.d.T.)

69 Toribio Medina, pp. XXVIII-XXIX et CXC.(N.d.T.)

70 Voir 29 mai 1512 – Toribio Medina, p. 75.(N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 566/582

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71 Le deuxième fille du roi d’Espagne, épousede Manuel Ier, ne mourra que le 7 mars 1517. Il y adonc là un anachronisme. (N.d.T.)

72 29 septembre 1512 – Toribio Medina, p. 98.(N.d.T.)

73 En septembre 1512 – Toribio Medina, pageCXCV. (N.d.T.)

74 Charles-Quint. (N.d.T.)

75 Ce nom ne lui fut donné qu’en 1513. Il s’agitdonc d’un nouvel anachronisme. Voir aussi ToribioMedina, page CLXVII. (N.d.T.)

76 Pedro Arias Dávila, capitaine général, en1514. (N.d.T.)

77 Mer du Sud. (N.d.T.)

78 le 29 septembre 1513. (N.d.T.)

79 Projet pour le 24 novembre 1514 – ToribioMedina, p. 134. (N.d.T.)

80 24 novembre 1514 – Toribio Medina,pp. 113-115. (N.d.T.)

81 Toribio Medina, p. CCXXXV. (N.d.T.)

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82 Toribio Medina, page CLXXXI. (N.d.T.)

83 Ordonnance royale du 25 mars 1512 – Tori-bio Medina, p. 55. (N.d.T)

84 Consécutif à l’ordonnance royale du 30 sep-tembre 1512 – Toribio Medina, pp. 99-100. (N.d.T.)

85 Allusion à Pierre Ier de Castille, « le cruel »,dont Marie de Padilla fut la maîtresse attitrée etdont il eut 4 enfants. (N.d.T.)

86 1521. (N.d.T.)

87 Jean II. (N.d.T.)

88 Successeur de Jean II. (N.d.T.)

89 Dont ils sont revenus fin 1509. (N.d.T.)

90 24 novembre 1514 – Toribio Medina,pp. 130-132. (N.d.T.)

91 Ou musulman ?… (N.d.T.)

92 « Sans aucun autre soin », 24 novembre1514 – Toribio Medina, p. 115. (N.d.T.)

93 Toribio Medina, p. 113. (N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 568/582

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94 24 novembre 1514 et 6 août 1515 – ToribioMedina, pp. CCXXXII ss., 133 ss. et142-143.(N.d.T.)

95 24 novembre 1514 – Toribio Medina,pp. CCXL et 121-122. (N.d.T.)

96 Toribio Medina, p. 122. (N.d.T.)

97 14 décembre 1513 – Toribio Medina,pp. 108-109. (N.d.T.)

98 Toribio Medina, p. 108. (N.d.T.)

99 22 janvier 1514 – Toribio Medina,pp. CCXXV-CCXXVI et 111-112. (N.d.T.)

100 Partie immergée de la coque. (N.d.T.)

101 Ferdinand d’Aragon et Isabelle de Castille.(N.d.T.)

102 Cortez chez les Aztèques en 1521 et Pi-zarre chez les Incas en 1531. (N.d.T.)

103 Afin de se faire une idée et à titre de com-paraison, voir Toribio Medina, pp. 21-23. (N.d.T.)

104 Toribio Medina, pp. CCXCI, CCXCVII etCCCXVII – CCCXXXVIII. (N.d.T.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 569/582

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105 1515. (N.d.T.)

106 15 septembre 1515 – Toribio Medina, pp.CCXLV-CCXLVI. (N.d.T.)

107 Toribio Medina, p. CCCXXXVIII. (N.d.T.)

108 Toribio Medina, ibidem. (N.d.T.)

109 Équipée d’une voile latine à chacun desdeux mâts. (N.d.T.)

110 Don Juan Rodríguez de Fonseca. (N.d.T.)

111 Toribio Medina, pp. CCXXXII ss., 133 ss.,142-143 – 24 novembre 1514 et 6 août 1515.(N.d.T.)

112 Ou veedor, mot portugais – Toribio Medina,p. 168. (N.d.T.)

113 Cf. J.-M. Pardessus, in « Notes du traduc-teur ».

114 Antonio Rodríguez – Toribio Medina,p. 169. (N.d.T.)

115 24 septembre 1515 – Toribio Medina,pp. 160-161. (N.d.T.)

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116 « Meilleur soin que l’on pouvait », 24 sep-tembre 1515 – Toribio Medina, pp. CCXLVII et158-159. (N.d.T.)

117 2 octobre 1515 – Toribio Medina, p. 169.(N.d.T.)

118 (Pour Colomb au couvent de la Rabida.Voyez, par exemple, la biographie de ChristopheCOLOMB, transposée au niveau de la BD par FredFUNCKEN (1921-2013), et parue : en Belgique,dans le N° 22 de l’hebdomadaire « TINTIN » du 30mai 1956 ; en France, dans le N° 404 de l’hebdoma-daire « TINTIN » du 19 juillet 1956.

https://www.idesetautres.be/upload/CHRIS-TOPHE%20COLOMB%20FUNCKEN.pdf (2017)

https://www.idesetautres.be/upload/19560530%20COLOMB%20FUNCKEN.zip (2011)N.d.T.)

119 Francisco de Xerez, Miguel de Estete; Ver-dadera relación de la conquista del Perú; Tip. de J.C.García; 1891,174 p.:

http://www.biblioteca.org.ar/libros/645.pdfhttps://historiasdelperu.files.wordpress.com/

2008/11/verdadera-relacion-de-la-conquista-del-peru-francisco-de-xeres.pdf

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Francisco de Xerez fue secretario de FranciscoPizarro. « Dirige el autor sus metros al EmperadorRey Nuestro Señor » en 1534 (páginas 168-174; tex-to citado por Roberto J. Payró: páginas 170-172)(N. d. t. a. f.)

120 p. 170.

121 Id. p 171-2.

122 Id. p. 172.

123 http://coursneurologie.free.fr/verole.HTM. (N.d.T.a.F.)

124 Id. p. 172.

125 . “Bofes de bagazo”, ver p. XXV in: TORIBIOMEDINA, José Juan Díaz de Solís. Estudio histórico;Santiago de Chile, impreso en casa del autor; 1897,CCCLII + 252 p. (segundo libro: documentos y bi-bliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juandaz-desol00medi.pdf (N.d.T.a.F.)

126 Gonzalo Fernández de Oviedo (1478 –1557); Historia general y natural de las Indias, islas

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y tierra-firme del mar oceano, ver:https://www.wdl.org/fr/item/7331/ (N.d.T.a.F.)

127 También llamado Consolación (N.d.T.a.F.)

128 1504. (N.d.T.a.F.)

129 1506. (N.d.T.a.F.)

130 1927. (N.d.T.a.F.)

131 1526. (N.d.T.a.F.)

132 TORIBIO MEDINA, José; Juan Díaz deSolís. Estudio histórico; Santiago de Chile, impresoen casa del autor; 1897, CCCLII + 252 p. (segundolibro: documentos y bibliografía)

http://booksnow1.scholarsportal.info/ebooks/oca9/32/juandazdesol00medi/juandaz-desol00medi.pdf (N.d.T.a.F.)

133 Fallecida el 26 de noviembre de 1504.(N.d.T.a.F.)

134 Casa da India, a partir de 1503. (N.d.T.a.F.)

135 Toribio Medina, pp. XXV-XXVI.

136 Galíndez de Carvajal (1472-1528), Cróni-cas de los Reyes de Castilla : Desde Don Alfonso el sa-

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bio hasta los católicos Don Fernando y Doña Isabelpor Cayetano Rosell, Fernán Pérez de Guzmán,Diego de Valera, Diego Enríquez del Castillo, Fer-nando del Pulgar, Lorenzo Galíndez de Carvajal,Andrés Bernáldez, Pedro López de Ayala ; tomo 3,page 533 (= Apéndice 2°, Anales breves). Ver:

http://bibliotecadigital.jcyl.es/es/consulta/registro.cmd?id=8333 (N.d.T.a.F.)

137 Andalucía (N.d.T.a.F.)

138 Toribio Medina, pp. CXIV-CXV et 16-17.(N.d.T.a.F.)

139 Marzo; Toribio Medina, pp. 17-19, 26-29. .(N.d.T.a.F.)

140 23 de marzo de 1508; Toribio Medina, p.26. (N.d.T.a.F.)

141 Ver carta.

142 ¿Nicolás de Ovando y Cáceres(1502-1509)? (N.d.T.a.F.)

143 Toribio Medina, p. 53.(N.d.T.a.F.)

144 32.182 + 34.000; Toribio Medina, pp.53-55. (N.d.T.a.F.)

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145 7 de diciembre de 1511; Toribio Medina, p.55. (N.d.T.a.F.)

146 25 de marzo de 1512; Toribio Medina, p.55. (N.d.T.a.F.)

147 27 de marzo de 1512; Toribio Medina, p.58. (N.d.T.a.F.)

148 Toribio Medina, p. 64. (N.d.T.a.F.)

149 29 de mayo de 1512; Toribio Medina, p.75. (N.d.T.a.F.)

150 Toribio Medina, p. 77

151 Toribio Medina, pp. CCCXXX-CCCXXXI.(N.d.T.a.F.)

152 Ver Rojas Zorrilla, “Notas del traductor alfrancés”.

153 Relazione di Spagna, 1513. (N.d.T.a.F.)

154 de Castilla y León y, antes, Fernando II deAragón. (N.d.T.a.F.)

155 Diario oficial de las sesiones de Cortes, 1837,tomo VII, p. 231.

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 575/582

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156 Alonso de Santa Cruz, Crónica de los ReyesCatólicos. (N.d.T.a.F.)

157 Toribio Medina, pp. XXVIII-XXIX + CXC.(N.d.T.a.F.)

158 29 de mayo de 1512; Toribio Medina, p.75. (N.d.T.)

159 29 de septiembre de 1512; Toribio Medina,p. 98.(N.d.T.a.F.)

160 Toribio Medina, pp. CXCV. (N.d.T.a.F.)

161 Pedro Arias Dávila, capitán general.(N.d.T.a.F.)

162 Mar del Sur. (N.d.T.a.F.)

163 Proyecto para el 24 de noviembre de 1514;Toribio Medina, p. 134. (N.d.T.a.F.)

164 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina,pp. 113-115. (N.d.T.a.F.)

165 Toribio Medina, p. CCXXXV. (N.d.T.a.F.)

166 Toribio Medina, p. CLXXXI. (N.d.T.a.F.)

167 real cédula del 25 de marzo de 1512; Tori-bio Medina, p. 55. (N.d.T.a.F.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 576/582

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168 Después de la real cédula del 30 de sep-tiembre de 1512; Toribio Medina, pp. 99-100.(N.d.T.a.F.)

169 1521. (N.d.T.a.F.)

170 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina,pp. 130-132. (N.d.T.a.F.)

171 “Sin otro recabdo alguno”, 24 de noviembrede 1514; Toribio Medina, p. 115. (N.d.T.a.F.)

172 24 de noviembre de 1514 i 6 de agosto de1515; Toribio Medina, pp. CCXXXII, 133, 142-143.(N.d.T.a.F.)

173 24 de noviembre de 1514; Toribio Medina,pp. CCXL, 121-122. (N.d.T.a.F.)

174 Toribio Medina, p. 122. (N.d.T.a.F.)

175 14 de diciembre de 1513; Toribio Medina,pp. 108-109.

176 Toribio Medina, p. 108.

177 22 de enero de 1514; Toribio Medina, pp.CCXXV-CCXXVI, 111-112), ¡que estaba vaca – ex-clamó Isásaga, ya fuera de sí –, olvidando el decoroque cuadra a vuestro cargo de piloto mayor!…

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178 Cortez en 1521 y Pizarro en 1531.(N.d.T.a.F.)

179 Para tener idea y comparar; Toribio Medi-na, pp. 21-23. (N.d.T.a.F.)

180 Toribio Medina, pp. CCXCI, CCXCVII,CCCXVII-CCCXXXVIII. (N.d.T.a.F.)

181 de 1515. (N.d.T.a.F.)

182 15 de septiembre de 1515; Toribio Medina,pp. CCXLV-CCXLVI. (N.d.T.a.F.)

183 Toribio Medina, p. CCCXXXVIII.(N.d.T.a.F.)

184 Toribio Medina, ibidem. (N.d.T.a.F.)

185 Don Juan Rodríguez de Fonseca.(N.d.T.a.F.)

186 24 de noviembre de 1514 i 6 de agosto de1515; Toribio Medina, pp. CCXXXII-, 133-, 142-143.(N.d.T.a.F.)

187 Veedor (portugués); Toribio Medina, p. 168.(N.d.T.a.F.)

188 Antonio Rodríguez; Toribio Medina, p. 169.(N.d.T.a.F.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 578/582

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189 24 de septiembre de 1515; Toribio Medina,pp. 160-161. (N.d.T.a.F.)

190 “mejor recabdo que ser pueda”, 24 de sep-tiembre de 1515; Toribio Medina, pp. CCXLVII,158-159. (N.d.T.a.F.)

191 2 de octubre de 1515; Toribio Medina, p.169. (N.d.T.a.F.)

La Mer d'Eau douce - El Mar dulce 579/582

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Table des matières

LA MER D’EAU DOUCEPRÉFACEI LA PLUME ET LE BÂTON DEPÈLERINII PENDANT QUE L’ADVER-SAIRE DORTIII REVIVANT LE PASSÉIV JUSQU’AU BOUT DU RÊVEV L’AMBASSADEUR DE MA-NUEL IerVI LA CONDESCENDANCE DEFERDINAND LE CATHOLIQUEVII LA TACTIQUE DE SON AL-TESSEVIII REVANCHE DE SOLISIX UN ASPIRANT À LA GLOIREET À LA FORTUNEX AU TRAVAIL !

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NOTES DU TRADUCTEURTABLE DES ILLUSTRATIONS

EL MAR DULCEPREFACIOI LA PLUMA Y LA BALLES-TILLAII MIENTRAS DUERME EL AD-VERSARIOIII VIVIENDO HACIA ATRASIV HASTA QUE ACABA EL EN-SUEÑOV EL MINISTRO DE DOM MA-NOELVI LA CONDESCENDENCIA DEFERNANDO EL CATÓLICOVII LA TÁCTICA DE SU ALTEZAVIII DESQUITES DE SOLÍSIX UN ASPIRANTE A LA GLO-RIA Y LA FORTUNAX ¡AL AVIO!

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NOTAS DEL TRADUCTOR ALFRANCÉSFUENTES DE LAS ILUSTRA-CIONES

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