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RÔLE DES CROYANCES A PRIORI ET DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE DANS UNE TÂCHE DE RAISONNEMENT CAUSAL Thèse Sébastien Walsh Doctorat en psychologie - profil recherche et intervention Philosophiæ Doctor (Ph.D.) QUÉBEC, CANADA © Sébastien Walsh, 2013

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RÔLE DES CROYANCES A PRIORI ET DE LA

CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE DANS UNE TÂCHE DE

RAISONNEMENT CAUSAL

Thèse

Sébastien Walsh

Doctorat en psychologie - profil recherche et intervention

Philosophiæ Doctor (Ph.D.)

QUÉBEC, CANADA

© Sébastien Walsh, 2013

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III

Résumé

Afin de s'adapter au monde qui l’entoure, l’humain doit comprendre les relations de

causes à effet présentes dans son environnement. Bien que des auteurs aient tenté

d'expliquer théoriquement cette habileté, plusieurs questions subsistent quant au rôle des

nombreux facteurs impliqués dans ce type de raisonnement. Cette thèse explore le rôle et

l’interaction de deux facteurs peu étudiés ensemble dans la littérature, soit les croyances a

priori et la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Notamment, les résultats obtenus par

plusieurs études ne confirment pas systématiquement une proposition populaire dans la

littérature pour décrire l'interaction entre ces facteurs, à savoir que les gens devraient

percevoir des liens de causalité plus forts lorsque le délai observé entre des évènements

concorde avec le délai attendu entre ceux-ci. La présente thèse postule que cette

proposition est probablement valide, mais nécessite des ajustements méthodologiques afin

d'être confirmée empiriquement. Ainsi, les participants de cette thèse ont été invités à

évaluer un lien causal potentiel entre des évènements à partir de données présentées sous

une forme novatrice, soit les tableaux-synthèses. Les tableaux indiquent le degré

d'association et la contiguïté temporelle des évènements à évaluer. De plus, les attentes des

participants sont manipulées grâce à des scénarios présentés au début de l'expérience.

L’Expérience 1 montre que, en l’absence de toute suggestion a priori, la force du lien

causal perçue entre la cause et l’effet par les participants diminue lorsque la durée du délai

entre cause et effet augmente. Toutefois, cet effet est contrecarré lorsque la présence d'un

délai entre la cause et l'effet est suggérée a priori. L’Expérience 2 teste l’effet de la

concordance de la durée du délai suggérée et de la durée du délai présente dans les données.

Les résultats montrent que la force causale perçue par les participants est plus élevée

lorsque les durées des délais suggérées et observées sont semblables, alors que la force

causale perçue est plus faible si les durées sont différentes. Les implications théoriques et

pratiques de ces résultats sont abordées en lien avec un modèle d’architecture cognitive

récent du raisonnement causal.

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V

Abstract

To understand the world he is living in, a human being needs to understand the

causal relations that are present in his environment. Even though some researchers recently

tried to describe and modelize this ability, the role of the numerous factors implied in this

kind of reasoning has yet to be defined more thoroughly. Thus, this thesis aims to explore

the interaction between two factors that are not generally studied together, i.e. time

contiguity between a cause and its effect and someone’s a priori beliefs. Notably, it is

commonly believed that someone should perceive a stronger causal link between a cause

and an effect when the time lap between the events is in accordance with his expectations.

Unfortunately, results from the literature fail to systematically confirm such a claim. This

thesis asserts that this proposition would be empirically confirmed, given that a new

methodology is used to test it. Consequently, participants in the present study were asked

to judge the strength of a potential causal link between the use of an insecticide and the

change of color of the leaves of palm trees. The presentation of information at the

beginning of the experience was used to manipulate participant's expectations. The

information to be evaluated was presented in a table format. These tables illustrate how

many trees, vaporized or not with the insecticide, underwent a change of color in the 5 days

following the vaporization. The tables also indicate at what moment, for each affected trees,

the change occurred. Experiment 1 shows that, when no expectations are suggested to

participants, the strength of the perceived causal link between two events decreases when

the time lap between these events increases. However, this phenomenon does not occur if

the presence of a delay is suggested at the beginning. Experiment 2 explores all the

possible interactions between time contiguity of the events and a priori expectations. It

reveals that the perceived strength of the causal link is systematically stronger when the

observed time lap between the events is in accordance with someone’s expectation about

this time lap, as opposed to non-accordant time laps. These results are discussed in the

light of a recent architectural model of causal reasoning.

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VII

Remerciements

J'adresserai des remerciements simples et courts, mais sincères. D'abord, merci à mon

directeur initial de thèse, Stéphan Desrochers. Malgré un départ inattendu, tu m'as accueilli

depuis le baccalauréat, donnant généreusement de ton temps pour m'enseigner l'art de la

recherche. Ton encadrement m'aura permis de grandir dans ce domaine et de réaliser la

présente thèse.

Ensuite, un merci spécial à Claudette Fortin et Sébastien Tremblay, qui ont pris la relève

dans le rôle de directeur de thèse. Vous m'avez offert votre temps, vos conseils et votre

support en tout temps. Vos compétences professionnelles et votre bienveillance m'auront

permis d'atteindre mes objectifs et de vivre la fin de ce long projet de façon positive. Je

n'aurais pas pu tomber sur une meilleure famille d'accueil et je vous en remercie encore.

Aussi, merci à mon ami et collègue Michel Sacy, avec qui j'ai partagé les joies et les

épreuves qui font partie de cette expérience. Après 8 ans d'étude ensemble, c'est encore un

plaisir de travailler avec toi et je souhaite longue vie à notre amitié.

Merci à Yves, Priscille, Marc-André, Alexandre, Marie-Julie, Jean-Christophe, Paul,

Simon, André-Anne, Amélie et mes autres amis, de m'avoir témoigné support et

acceptation au cours de ces années. Malgré que mes études furent une longue épopée et

que mon choix de carrière semblait plutôt abstrait au départ, vous avez tous, par votre

présence, contribué à ce que la réalisation de mon doctorat soit plus agréable. Partager ma

vie avec vous lui donne un sens et me pousse à vouloir en faire quelque chose de

constructif. Au plaisir de vous côtoyer encore longtemps.

Enfin, on ne se félicite soi-même que trop rarement. J'aimerais donc m'adresser toutes mes

félicitations pour mes efforts soutenus et mon accomplissement. C'est une grande étape

que je complète avec bonheur et fierté.

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IX

Nous réalisons que ce que nous accomplissons n'est qu'une goutte dans l'océan.

Mais si cette goutte n'existait pas dans l'océan, elle manquerait.

- Anjezë Gonxhe Bojaxhiu (Mère Teresa)

Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que

tout le monde ait tort.

- Mohandas Karamchand Gandhi

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XI

Table des matières

RÉSUMÉ .................................................................................................................................. III ABSTRACT ................................................................................................................................. V REMERCIEMENTS .................................................................................................................... VII TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................................... XI LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES DANS LE TEXTE .................................................................... XIII CHAPITRE 1 ............................................................................................................................... 1

LES PRINCIPALES PROPOSITIONS THÉORIQUES ............................................................................................................ 3 LES MODÈLES CONTEMPORAINS DU RAISONNEMENT CAUSAL ........................................................................................ 6 UNE INTERACTION PEU ÉTUDIÉE : LES CONNAISSANCES A PRIORI ET LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ....................................... 15 ORIGINALITÉS ET OBJECTIFS DE LA THÈSE................................................................................................................ 24

CHAPITRE 2 ............................................................................................................................. 35

HYPOTHÈSES .................................................................................................................................................... 36 MÉTHODE ....................................................................................................................................................... 38 ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ........................................................................................................... 42 DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ...................................................................................................... 45

CHAPITRE 3 ............................................................................................................................. 51

HYPOTHÈSES .................................................................................................................................................... 55 MÉTHODE ....................................................................................................................................................... 57 ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 .......................................................................................................... 58 DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 ...................................................................................................... 65

CHAPITRE 4 ............................................................................................................................. 71

DISCUSSION GÉNÉRALE ....................................................................................................................................... 71 UN PREMIER EFFET : L'EFFET DIRECT DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ........................................................................... 74 UN DEUXIÈME EFFET : INTERACTION DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ET DES CROYANCES A PRIORI ..................................... 79 UN TROISIÈME EFFET : EFFET DES CROYANCES A PRIORI SUR LA SÉLECTION ET LA REPRÉSENTATION DE L'INFORMATION ÉVALUÉE

..................................................................................................................................................................... 84 AU-DELÀ DE L'EFFET DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE : LE RÔLE DU TYPE D'INFORMATION ET LA MANIPULATION DES CROYANCES

A PRIORI .......................................................................................................................................................... 86 LE RÔLE DU DEGRÉ D'ASSOCIATION ....................................................................................................................... 93 CONTRIBUTIONS THÉORIQUES .............................................................................................................................. 93 CONTRIBUTIONS PRATIQUES .............................................................................................................................. 106 LIMITES ET ÉTUDES FUTURES .............................................................................................................................. 114 CONCLUSION .................................................................................................................................................. 124

RÉFÉRENCES ......................................................................................................................... 127

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XII

ANNEXE 1 .............................................................................................................................. 137 INSTRUCTIONS GÉNÉRALES POUR LES PARTICIPANTS DE L’EXPÉRIENCE 1 ET 2 ........................ 137 ANNEXE 2 .............................................................................................................................. 141 SCÉNARIOS DE DESCRIPTION DES INSECTICIDES PRÉSENTÉS AUX PARTICIPANTS ..................... 141 ANNEXE 3 .............................................................................................................................. 145 DEGRÉ D’ASSOCIATION ET DEGRÉ DE CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE RETENUS POUR CHAQUE MATRICE DE L'EXPÉRIENCE 1 ET DE L’EXPÉRIENCE 2 ................................................................ 145 ANNEXE 4 .............................................................................................................................. 147 TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 1 ..................................................................................................................... 147 ANNEXE 5 .............................................................................................................................. 149 TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 2 ..................................................................................................................... 149 ANNEXE 6 .............................................................................................................................. 153 COMMENTAIRES LES PLUS FRÉQUENTS DES PARTICIPANTS .................................................... 153

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XIII

Liste des Tableaux et Figures dans le texte

Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs et

préventifs entre diverses variables reliées au domaine de savoir médical. .........p.7

Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief

Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007). ..............………....p.11

Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).

...........................................................................................................................p.12

Figure 4. Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements

en conjonctions. ................................................................................................p.30

Figure 5. Schéma représentant l’organisation du cahier expérimental présenté aux

participants. .......................................................................................…………p.39

Figure 6. Moyennes des cotes de force causale obtenues pour les différents niveaux du

facteur Contiguïté temporelle en fonction du facteur Suggestion d’un délai pour

l’Expérience 1. ..................................................................................................p.44

Figure 7. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes

fournies à l’Expérience 2. .................................................................................p.60

Figure 8. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré

d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ................p.61

Figure 9. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type

d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ..............p.64

Figure 10. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).

(Les flèches rouges ont été ajoutées à des fins illustratives pour la discussion,

elles indiquent les trois processus dans lesquels l’information quant à la

contiguïté temporelle peut être impliquée dans le raisonnement causal selon ce

modèle). ..........................................................................................................p.79

Figure 11. Représentation de la théorie des "doubles processus" dans sa forme la plus

simple, telle que définie originalement par Evans (1989). ...........................p.102

Figure 12. Représentation contemporaine de la théorie des " doubles processus ", d'après

d’Evans (2006). ............................................................................................p.104

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XIV

Figure 13. Exemple de présentation des données sous forme de propositions et sous forme

d'arbre de fréquence. ....................................................................................p.119

Tableau 1. Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai

observée entre les évènements. ..…………………..........…..………...….....p.18

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CHAPITRE 1

Introduction

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Chapitre 1

2

La capacité d’établir des relations de cause à effet permet à une personne de

comprendre, prédire et manipuler le monde qui l’entoure (Lagnado, Waldmann, Hagmayer,

& Sloman, 2007; Perales & Catena, 2006). Cette habileté particulière est omniprésente dans

nos vies : on l’utilise autant dans notre quotidien que dans notre travail professionnel afin

d’inférer la présence de liens causaux entre des éléments de notre environnement, éléments

qui peuvent être de nature physique, psychologique, sociale, économique, etc. (Bungee,

2004). C’est ainsi que Julie pourra reconnaître quelle nourriture est bonne pour elle et

laquelle la rend malade, que Jean cherchera une explication pour la panne de sa voiture, que

Mario tentera d’identifier les causes de ses difficultés conjugales, ou encore que Marie se

consacrera à comprendre les lois de la physique et de la chimie. Il n’est donc pas étonnant

que plusieurs auteurs affirment que cette habileté est essentielle pour qu’un organisme

intelligent s’adapte de façon efficace à son environnement (p. ex. Buehner & May, 2002;

Holyoak & Cheng, 2011; Newsome, 2003). En psychologie, on cherche généralement à

observer et décrire les tendances naturelles des gens lorsqu’ils font des inférences causales,

plutôt que de tenter de définir comment ces inférences devraient être faites (Ahn & Kalish,

2000; White, 1990). Aussi, les chercheurs préfèrent étudier la causalité sous un angle

probabiliste, c'est-à-dire qu’un évènement pourra être perçu comme une cause s’il y a une

forte probabilité qu’il soit accompagné d’un effet donné. Par exemple, fumer la cigarette

augmente le risque de développer un cancer, mais ne le fera pas nécessairement dans tous

les cas. En comparaison, une vision déterministe de la causalité impliquerait que la cause

doit être suivie de l’effet (Johnson-Laird, 2006)1.

Ainsi, les chercheurs se sont surtout intéressés à décrire la façon dont les gens

perçoivent une force causale pour une relation, c'est-à-dire qu’ils se demandent à quel point

les gens pensent qu’une cause potentielle est liée à un effet observé (p. ex. à quel point

fumer cause-t-il le cancer? À quel point la nourriture avariée cause-t-elle les maux

d’estomac?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005; Lagnado et al., 2007). La perception de la

1 Pour un point de vue critique sur les différentes conceptions de la causalité, voir aussi Humphreys (1989).

** LE GENRE MASCULIN A ÉTÉ EMPLOYÉ DANS LA RÉDACTION DE CE TEXTE DANS LE SEUL BUT DE

SIMPLIFIER SA LECTURE. CETTE PROCÉDURE NE DEVRAIT PAS FAIRE OUBLIER L’APPORT

ÉQUIVALENT DES FEMMES ET DES HOMMES À CETTE RECHERCHE. L’AUTEUR TIENT À REMERCIER

TOUS LES PARTICIPANTS ET PARTICIPANTES POUR LEUR CONTRIBUTION VOLONTAIRE.

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

3

force causale qui lie deux évènements peut alors simplement être obtenue auprès d’un

participant en lui demandant de traduire son jugement par un nombre sur une échelle de

type Likert (p. ex. une échelle allant de 0 à 10, où 0 veut dire que la force causale est nulle

et 10 qu’elle est très forte). Par opposition, on distingue aussi la structure causale d’une

relation, qui réfère à l’aspect qualitatif de la relation entre les variables. On la traduit par la

présence d’une relation causale entre les variables, le nombre de variables impliquées, leur

enchaînement et la direction des relations entre les variables (p. ex. est-ce que fumer cause

le cancer? Quelles autres variables causent le cancer?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005;

Lagnado et al., 2007).

Plusieurs auteurs ont récemment proposé des modèles théoriques pour décrire et

expliquer le raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado, Catena,

Perales, & Candido, 2007; Perales & Catena, 2006; voir Holyoak & Cheng, 2011, pour une

revue récente). Bien que plusieurs facteurs susceptibles d’influencer ce processus

complexe aient été inclus dans ces modèles (Holyoak & Cheng, 2011; Lagnado et al., 2007;

Perales & Catena, 2006), il reste beaucoup d’études à mener afin de comprendre le rôle de

ces facteurs et comment ils interagissent entre eux (Perales & Catena, 2006). Le but du

présent projet est donc de contribuer au développement de ces modèles en testant

l’interaction entre deux facteurs reconnus dans la littérature, mais peu étudiés ensemble.

Ces facteurs sont la contiguïté temporelle de la cause et l’effet et les croyances a priori des

gens. Le présent texte résumera d'abord les principales propositions théoriques relatives au

raisonnement causal ainsi que les modèles théoriques qui en ont découlé, pour ensuite

présenter l’état des connaissances concernant le rôle et l’interaction de la contiguïté

temporelle et des croyances a priori. Subséquemment, cette thèse présentera deux

expériences qui permettront de mieux comprendre l’interaction des facteurs à l’étude et qui

apporteront un appui empirique aux récents développements des modèles théoriques du

raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Perales & Catena, 2006).

Les principales propositions théoriques

Afin d’expliquer comment l’humain fait des inférences causales, les chercheurs se

sont initialement inspirés de deux courants de pensée issus de la philosophie. Le premier,

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Chapitre 1

4

relié aux idées de Hume (1739/1960), proposait que la causalité est une perception de

l’esprit humain qui est principalement guidée par la constatation d’une association

constante entre des aspects de l’environnement (Buehner, Cheng, & Clifford, 2003;

Einhorn & Hogarth, 1986; Holyoak & Cheng, 2011). Par exemple, une personne qui

observe qu’une pression sur un interrupteur s’accompagne constamment d’un bruit de

sonnette pourra déduire qu’il existe un lien causal entre ces éléments.

Les premiers modèles explicatifs du raisonnement causal se sont donc

principalement centrés sur le rôle du degré d’association entre les variables (p. ex. Cheng,

1997; Cheng & Novick, 1992; Shanks & Dickinson, 1987; White, 2003a; White, 2003b,

2004). Pour étudier le rôle de ce facteur, les chercheurs ont comparé le jugement subjectif

de force causale perçue par les gens avec le Delta p (P), un indice objectif de covariation

normativement accepté et qui se base sur la fréquence des quatre situations (conjonctions)

possibles pour une cause et un effet dichotomique. Ces quatre situations possible sont (a)

la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence de la cause, mais

l'absence de l’effet (conjonction B), (c) l'absence de la cause, mais la présence de l’effet

(conjonction C) et (d) l'absence conjointe de la cause et l’effet (conjonction D). Plusieurs

études soulignent que le P est un facteur déterminant de la force causale perçue par les

participants (Allan & Jenkins, 1983; Cheng, 1997; De Houwer & Beckers, 2002;

Fugelsang, Thompson, & Dunbar, 2006; Hattori & Oaksford, 2007; Wasserman, Dorner, &

Kao, 1990; Wasserman, Elek, Chatlosh, & Baker, 1993; White, 2003c, 2004). Toutefois, la

plupart des auteurs s’accordent aussi pour dire que la perception d’un lien de causalité entre

deux évènements ne peut se réduire seulement à leur degré d’association et dépend

également d’autres paramètres, notamment la priorité temporelle de la cause, la contiguïté

spatiale et la contiguïté temporelle des évènements (Lagnado et al., 2007 présente une

revue exhaustive des indices de causalités. Voir aussi Buehner et al., 2003; Einhorn &

Hogarth, 1986; Hume, 1739/1960; Perales & Catena, 2006). De plus, une simple

association entre des variables n’implique pas nécessairement un lien causal (Cheng, 1997;

Suppes, 1970; White, 1990) et il semble que les gens font cette distinction (Lien & Cheng,

2000). Les chercheurs ont donc adapté leur cadre théorique à ces constats en s’orientant

vers un deuxième courant de pensée.

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

5

Selon ce deuxième courant, relié aux idées de Kant (1781/1965), la connaissance

d’un mécanisme d’action ou d’une chaîne d’évènements, qui explique la connexion entre la

cause et l’effet, est nécessaire pour qu’un lien d’association soit perçu comme un lien

causal (Ahn & Kalish, 2000; Ahn, Kalish, Medin, & Gelman, 1995; Einhorn & Hogarth,

1986; Goldvarg & Johnson-Laird, 2001; Harré & Madden, 1975; Shultz, 1982; White,

1995). Autrement dit, lorsqu’ils perçoivent un lien causal entre des évènements, les gens

conçoivent que l’effet est nécessairement lié à une cause par un mécanisme de transmission

entre les objets ou la matière, ce qui permet à un élément de changer ou de produire un

autre élément en lui transmettant sa force. Les résultats de plusieurs études démontrent

d’ailleurs l’importance que jouent les croyances des gens concernant le mécanisme d’action

lors d’une tâche de raisonnement causal, et ce, chez les adultes (p. ex. Ahn & Kalish, 2000;

Ahn et al., 1995; Catena, Maldonado, Perales, & Cándido, 2008; Fugelsang & Thompson,

2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; Kushnir, Gopnik, Schulz, & Danks, 2003) comme

chez les enfants (p. ex. Schlottmann, 1999; Shultz, 1982).

Par exemple, Ahn et al. (1995) ont trouvé que leurs participants, lors d’une tâche

d’inférence causale, rapportaient rechercher et préférer l’information relative au mécanisme

d’action causale plutôt que l’information relative au degré d’association entre les variables.

Également, Fugelsang, Stein, Green et Dunbar (2004) ont manipulé expérimentalement les

croyances de leurs participants concernant le mécanisme d’action, en leur présentant dès le

début de l'expérience un scénario qui dévoile de l’information sur la relation à évaluer, une

méthode employée par de nombreux auteurs dans la littérature (p. ex. Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al., 2008;

Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer & Waldmann,

2002; White, 2001). Ils ont trouvé que, pour des ensembles de données équivalents, les

participants accordent des cotes de force causale plus élevées lorsqu’on leur présente a

priori un mécanisme causal plausible comparativement à un mécanisme non plausible. Par

ailleurs, il est intéressant de noter que l’étude récente de l’influence des croyances a priori

ne se concentre plus seulement sur les croyances relatives aux mécanismes de transmission,

mais inclut aussi des croyances de différentes natures, comme celles liées au degré

d’association attendu (p. ex. Ahn et al., 1995; Fugelsang & Thompson, 2000b, 2003) ou

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Chapitre 1

6

celles reliées à un délai quelconque entre la cause et l’effet (p. ex. Allan et al., 2003;

Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann, 2002). Ces études ont ainsi amené

les chercheurs à accorder une place importante aux croyances a priori dans leur modèle du

raisonnement causal.

Les modèles contemporains du raisonnement causal

De nos jours, la plupart des chercheurs expliquent le raisonnement causal en

intégrant le rôle de l’évaluation du degré d’association avec celui des autres indices de

causalité (contiguïté spatiale ou temporelle, etc.) ainsi que celui des connaissances ou

croyances que les gens entretiennent à propos de la causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths

& Tenenbaum, 2009; Lagnado et al., 2007; Maldonado, Catena, Perales, & Candido, 2007;

Perales & Catena, 2006; White, 2003d). Notamment, on reconnaît maintenant que le

raisonnement causal ne peut se réduire à l'apprentissage implicite de liens entre les

évènements, mais que les gens se formeraient plutôt des représentations mentales des

relations de cause à effet qu'ils s'attendent de retrouver dans leur environnement (Holyoak

& Cheng, 2011). Ces représentations mentales des liens de causalité, que l'on peut appeler

« modèles mentaux causaux », indiquent le degré de probabilité perçu qu'un évènement en

causera un autre, et ce, pour des situations réelles ou hypothétiques (Evans 2006, p.381).

Par exemple, une personne peut avoir la croyance, sous forme de modèle mental, que le

virus de la gastro-entérite est contracté par 50 personnes sur 100 qui vont en voyage au

Mexique.

Depuis quelques années, il est devenu commun d'utiliser les réseaux de Bayes2

(Bayesian networks) afin de formaliser, de façon graphique, les représentations mentales

des gens concernant les liens de causalité probabiliste qui unissent un ensemble de

variables (voir Glymour, 2003; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011;

Pearl, 1993; Pearl & Russel, 2003). En effet, cette méthode permet d’illustrer de façon

compacte un ensemble de variables dans un contexte donné, d’établir la direction et la

nature du lien causal entre les variables (structure causale) et de paramétriser la force de

2 Aussi appelé « modèles causaux graphiques ».

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

7

chacun des liens en fonction de l’expérience vécue et de l’expérience nouvelle (Holyoak &

Cheng, 2011). Par exemple, on peut illustrer les liens de causalité entre certaines variables

reliées au domaine de savoir médical dans un simple schéma tel que celui de la Figure 1 ci-

dessous (tiré de Holyoak & Cheng, 2011).

Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs (lignes

pleines) et préventifs (lignes pointillées) entre diverses variables reliées au

domaine de savoir médical.

Toutefois, illustrer des relations à l'aide des réseaux de Bayes ne permet pas

d'expliquer comment les représentations mentales d'une personne sont combinées avec

l'information nouvelle observée lorsqu'une inférence causale est effectuée. Ce n'est que

récemment que l’utilisation de la méthode mathématique des inférences de Bayes (ou

inférences Bayesiennes) a permis cette intégration (Holyoak & Cheng, 2011). En effet,

cette méthode fournit une règle qui permet de calculer la probabilité qu'une hypothèse de

départ soit responsable des données observées (Griffiths & Tenenbaum, 2009). Plus

précisément, cette règle combine les connaissances existantes concernant la probabilité

connue d'une hypothèse ( P(H) ) avec la probabilité d'obtenir les nouvelles données

observées selon cette hypothèse ( P(D | H) ). Cette combinaison permet d'obtenir la

probabilité finale de l'hypothèse de départ en fonction des données obtenues ( P(H | D) )

virus

bactérie

antibiotique

fièvre

toux

Maux de

tête aspirine

-

-

Page 22: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

8

(Holyoak & Cheng, 2011). Cette règle, illustrée à la Formule 1 ci-dessous, a élargi la

portée des modèles proposés dans la littérature en fournissant un moyen d’expliquer

comment les représentations mentales des gens, obtenues par l’expérience, vont d’abord

créer un modèle mental qui encadre l’interprétation des données nouvellement observées.

Ces nouvelles données pourront à leur tour actualiser l’information contenue dans ce

modèle mental hypothétique des relations causales.

(1) Règle sous-tendant les inférences de Bayes : P(H | D) = P(D | H ) ∙ P(H ) _________________________________

(tiré de Holyoak & Cheng, 2011) P(D)

Bien que l’utilisation des réseaux de Bayes et des inférences de Bayes soit de plus

en plus populaire dans la littérature (voir Griffiths & Tenenbaum, 2005, 2009; Holyoak &

Cheng, 2011), il faut toutefois souligner que ces méthodes mathématiques ne constituent

pas per se un modèle d’explication du raisonnement causal (Griffiths & Tenenbaum, 2009).

Effectivement, les propositions de base de ces méthodes sont conçues pour s'appliquer à

des relations d'association entre des variables. Afin de les appliquer à des situations

concernant des relations causales, il faut spécifier quelles connaissances et croyances a

priori sont pertinentes dans un contexte de causalité, ainsi que la fonction qui permet de

calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction de l'influence des différentes causes

potentielles et de leur interaction (Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011;

Lu, Yuille, Liljeholm, Cheng, & Holyoak, 2008). Par exemple, Cheng et ses collaborateurs

(Cheng 1997, Cheng & Novick, 1992; Novick & Cheng, 2004), proposent quatre croyances

de base qui guident les inférences causales des gens, soit (a) les causes influencent l'effet de

façon indépendante, (b) les causes alternatives inconnues peuvent provoquer l'effet, mais

pas le prévenir, (c) la force causale (causal power) d'une cause est indépendante de sa

fréquence d'apparition, et (d) l'effet ne survient pas sans cause. Ces quatre propositions

sont essentielles pour qu'une relation causale soit distinguée d'une simple relation

d'association entre des évènements. De plus, elles spécifient comment la probabilité

d'engendrer l'effet de chaque cause potentielle doit être combinée dans le calcul de la

probabilité d'apparition de l'effet (voir Novick & Cheng, 2004, pour plus de détails). Pour

leur part, Griffiths et Tenenbaum (2005; 2009) ont proposé que l'application des inférences

Page 23: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

9

Bayesiennes au domaine des relations causales doit reposer sur trois composantes clés des

connaissances des gens, soit (a) l'ontologie des variables, (b) la plausibilité d'une relation

entre ces variables et (c) la forme fonctionnelle de la relation (voir Griffiths & Tenenbaum,

2009, pour plus de détails). Ces trois composantes permettent de définir les variables

pertinentes impliquées dans la relation, la structure causale plausible de la relation et la

fonction à employer pour calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction des

différentes causes potentielles.

Malheureusement, la plupart des modèles suggérés dans la littérature pour expliquer

le raisonnement causal sont des modèles computationnels, c'est-à-dire qu'ils offrent une

méthode mathématique (telle que les inférences Bayesiennes ou encore une règle telle le

P) qui tente de prédire comment l’évaluation du degré d’association, encadrée par les

connaissances ou croyances a priori des gens, va influencer la production d’une réponse à

une tâche d’évaluation d’un lien de causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths & Tenenbaum,

2009; White, 2003; voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des formules

proposées). Bien que ces modèles permettent parfois des prédictions plutôt réalistes des

réponses des participants, ils ne permettent pas de comprendre l'ensemble des processus et

facteurs qui ont pu influencer ces réponses. En effet, en offrant une méthode de calcul

centrée sur le degré d’association des variables observées, les modèles computationnels ne

permettent pas de formuler précisément l’effet attendu de certains facteurs qui sont

susceptibles d’influencer le raisonnement subjectif des gens, tel que la contiguïté

temporelle.

À la connaissance du présent auteur, il n’y a que Perales et ses collaborateurs

(Maldonado et al., 2007; Perales & Catena, 2006) qui ont proposé un modèle permettant de

représenter schématiquement l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer ce

raisonnement causal. Ce modèle, actuellement en développement, permet de placer les

grands champs de recherche les uns par rapport aux autres et d’articuler les liens entre eux.

Son aspect de schéma hiérarchique est intéressant, car il est possible d'y ajouter de

nouveaux facteurs, ainsi que de redéfinir au besoin le rôle de certains facteurs encore peu

étudiés.

Page 24: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

10

Un premier modèle architectural.

D’après Maldonado et al. (2007), toute proposition d’architecture cognitive visant à

décrire le processus du raisonnement causal doit distinguer au moins trois niveaux de

processus, qu’ils illustrent dans un schéma présenté à la Figure 2 ci-dessous. Le

mécanisme représentant le processus de base de l’architecture réfère à l’habilité de détecter

et encoder les stimuli ou les évènements pertinents à une attribution causale. C’est à ce

niveau qu’est perçue et encodée l’information nécessaire au calcul du degré d’association

entre des variables, c'est-à-dire l’information relative à la fréquence des évènements

concernant (a) la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence

de la cause sans l’effet (conjonction B), (c) la présence de l’effet sans la cause (conjonction

C), et (d) l’absence de la cause et l’effet (conjonction D). Au deuxième niveau, on retrouve

le mécanisme responsable du calcul statistique d’une relation de cause à effet à partir des

informations encodées au premier niveau. Une fois le processus de calcul statistique d’un

lien causal effectué, un autre mécanisme, correspondant au troisième niveau de

l’architecture, doit interpréter cette information provenant de l’expérience et l’intégrer avec

les connaissances ou croyances a priori de la personne qui raisonne.

Une version plus détaillée de ce modèle, qui illustre quelles informations sont

utilisées à chaque niveau de l’architecture, est offerte par Perales et Catena en 2006 (voir

Figure 3 ci-dessous). Dans leur modèle, deux types d’information de l’environnement

alimentent la représentation mentale d’un lien causal entre deux éléments (causal beliefs),

qui lui-même, fait partie d’une représentation plus vaste d’un réseau de liens causaux

(causal nets)3. Il s’agit de l’information concernant le degré d’association des événements

(section du bas) et l’information concernant les indices de structure causale (section du

haut).

3 Certains auteurs formalisent ces représentations mentales grâce à la méthode mathématique des réseaux

causaux Bayesiens (causal Bayes Net) (voir Griffith & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011).

Page 25: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

11

Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief

Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007).

Stimuli entrants

Mécanisme de détection

Fréquence des conjonctions

Premier Niveau

Mécanisme de calcul

Nouvelles Données = W1a + W

2b + W

3c + W

4d

a + b + c + d

Deuxième Niveau

Mécanisme d’intégration de l’information

Jn = J

n-k + b(Nouvelles Données – J

n-k)

Troisième Niveau

Résultat

Page 26: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

12

Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales & Catena (2006).

Les parties inférieures et supérieures représentent l’entrée d’information pour le

processus du raisonnement causal. La partie du milieu représente les produits

aléatoires (représentations) de ces processus. Les flèches représentent la

transformation et la modulation de l’information.

Page 27: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

13

Aux niveaux inférieurs du modèle, une personne doit d’abord sélectionner les

évènements dans l’environnement selon ses attentes conditionnées (conditioned

expectancies), puis se représenter la fréquence de ces évènements sous une forme

permettant le calcul du degré d’association (conjonction A, B, C et D). Ces étapes de

traitement de l’information, correspondant aux deux boîtes inférieures du modèle,

obéiraient probablement à un mécanisme d’apprentissage associatif, le traitement de

l’information étant guidé par les stimuli de l’environnement (processus ascendant4) (Perales

& Catena, 2006, p.310).

Suite à ces stades, on peut déduire que le traitement de l’information sera influencé

par des processus descendants5, tels que les biais attentionnels, mnésiques et cognitifs : par

exemple, une personne peut se souvenir plus facilement des premiers évènements observés

(Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou des derniers évènements observés (Lopez,

Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). Également, l’information concernant la fréquence

de chaque conjonction sera ensuite filtrée par les connaissances a priori de la personne, qui

sélectionnera l’information jugée pertinente selon le contexte (Perales & Catena, 2006). La

proposition de cette étape de raisonnement trouve également écho chez plusieurs auteurs en

psychologie, qui ont proposé qu’une personne aborde un problème avec une hypothèse qui

guide la recherche et la sélection de l’information nécessaire pour y répondre (cf. Ahn &

Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004; Popper, 1963). L’information sélectionnée sera

ensuite utilisée dans le calcul du degré d’association. C’est d’ailleurs la description de ce

mécanisme de calcul, représentant le deuxième niveau du modèle de Maldonado et al.

(2007), qui a retenu l’attention de la plupart des chercheurs. Ces derniers ont ainsi proposé

des modèles computationnels permettant de prédire les réponses offertes par les participants

dans une tâche de raisonnement causal (voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des

algorithmes proposés).

Le calcul du degré d’association n’est cependant pas la fin du processus de

raisonnement causal. La personne qui raisonne doit encore déterminer si ce degré

4 Bottom-up.

5 Top-down.

Page 28: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

14

d’association est significatif, puis s’il est causal ou non, pour enfin l’intégrer dans sa

représentation mentale du lien causal évalué, ou autrement dit avec ses connaissances et

croyances a priori (troisième niveau du modèle de Maldonado et al., 2007). Selon Perales

et Catena (2006), pour qu’un lien d’association soit aussi perçu comme un lien causal, il

doit être combiné avec l’information concernant l’ordre et la contiguïté temporelle, ainsi

qu’avec les connaissances et croyances causales a priori (section supérieure du modèle), qui

sont des indicateurs de structure causale. De plus, pour des raisons illustratives, la

représentation d’un lien causal spécifique entre deux éléments (causal beliefs) a été séparée

des connaissances sur les catégories et les mécanismes causaux (à droite), c'est-à-dire nos

connaissances générales concernant la plausibilité que certains types de causes entrainent

certains effets. Par exemple, nous savons qu’une roche peut briser une fenêtre, tout comme

le fera n’importe quel autre objet dur dans les mêmes conditions avec les mêmes règles.

L’évaluation d’un lien causal spécifique et les connaissances sur les catégories et

mécanismes causaux partageraient une même base de représentation, mais à des niveaux

d’abstraction différents. Toutefois, les distinguer de façon graphique permet d’illustrer, à

l’aide d’une flèche bidirectionnelle, que les connaissances sur les catégories causales

influencent l’évaluation d’un lien causal spécifique effectuée à partir de l’information

provenant de l’environnement. De façon réciproque, l’acquisition d’informations nouvelles

permet de raffiner nos connaissances sur les catégories et mécanismes causaux. Enfin, les

auteurs notent, sans détailler, que les connaissances causales peuvent moduler l’utilisation

de l’ordre et la contiguïté temporelle comme indice de causalité.

Bref, le raisonnement causal implique un grand nombre de facteurs qui peuvent

s’articuler de façon complexe en une structure hiérarchique. Le modèle de Perales et

Catena (2006) ne se veut pas une revue exhaustive de la littérature sur chacun de ces

facteurs, mais il permet de placer les grands champs de recherche les uns par rapport aux

autres et d’articuler les liens entre eux. Notamment, il permet de réunir dans un même

modèle, à des niveaux distincts, des processus de traitement de l’information d’ordre

ascendant (bottom-up, guidés par les l’information de l’environnement) et descendant (top-

down, guidés par les représentations mentales ou les croyances a priori). Malheureusement,

bien que Perales et Catena dressent une liste des sources d’informations sur la structure

Page 29: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

15

causale qui sont utilisées par les personnes qui raisonnent (section supérieure du modèle),

ils mentionnent aussi que certaines parties du modèle ne sont pas détaillées. De plus, ils

ajoutent que l'on en connait très peu sur l'interaction entre ces facteurs ou sur ceux qui ont

préséance lorsqu’ils ne pointent pas dans la même direction. La présente thèse a donc pour

objectif de préciser le rôle et l’interaction entre deux facteurs présents dans la section

supérieure de leur architecture cognitive, c'est-à-dire les croyances a priori et la contiguïté

temporelle de la cause et l’effet. Nous verrons, dans la prochaine section, de quelle façon

cette recherche permettra de détailler cette partie peu définie du modèle de Perales et

Catena.

Une interaction peu étudiée : les connaissances a priori et la contiguïté temporelle

Tel que décrit dans la section précédente, selon le modèle de Perales et Catena

(2006), l’information quant à la contiguïté temporelle sert principalement d’indice de

structure causale. Cet indice peut être modulé par les connaissances ou croyances a priori,

bien que les auteurs ne précisent pas exactement de quelle façon. De plus, les croyances a

priori peuvent aussi opérer à un niveau plus précoce dans le processus, soit au niveau de la

transformation de la fréquence des conjonctions en estimation du degré d’association

(flèche grise se terminant entre la 2e et la 3

e boîte inférieure du modèle) : on peut ainsi

supposer qu’elles vont encadrer la recherche et la sélection de l’information pertinente au

calcul de la force causale de la relation (voir Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004;

Perales & Catena, 2006). Enfin, l’influence des croyances a priori peut opérer à un

troisième niveau de processus, soit au niveau de leur intégration avec l’estimation du degré

d’association. D’ailleurs, plusieurs auteurs partagent l’avis qu’il existe un processus de

révision de la force causale perçue par les participants en fonction de leurs croyances a

priori quant au mécanisme en jeu (Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang &

Thompson, 2003; Perales, Catena, Maldonado, & Cándido, 2007).

Toutefois, bien qu’il dresse un portrait global du rôle de la contiguïté temporelle et

des croyances a priori, le modèle de Perales et Catena (2006) ne permet pas d'émettre de

prédictions précises concernant la force causale perçue par les gens lors de situations

précises d’évaluation d’un lien causal. Par exemple, le modèle ne mentionne pas comment

Page 30: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

16

l’information quant à la contiguïté temporelle sera traitée selon qu’une personne observe

des délais contigus (courts) ou non contigus (longs) entre les évènements à évaluer. Le

modèle ne mentionne pas non plus comment les croyances a priori vont modifier

l’utilisation et l’interprétation de cette information. Pour répondre à cette question et tenter

de détailler cette partie du modèle, la présente thèse peut cependant s’appuyer sur une

littérature qui s’est spécifiquement intéressée au rôle de la contiguïté temporelle dans le

raisonnement causal.

La plupart des travaux de recherche empirique ont étudié le rôle de la contiguïté

temporelle dans le raisonnement causal en ayant recours à une méthodologie qui consiste à

présenter aux participants une série d’évènements successifs concernant la cause et l’effet

(série de conjonctions A, B, C et D) défilant un à la fois. À partir de leurs observations de

l’ensemble des conjonctions, les participants doivent alors se prononcer sur la force causale

liant la cause potentielle et l’effet qu’ils perçoivent. Dans un tel contexte, la contiguïté

temporelle joue un rôle important dans le processus d’attribution d’une force causale à une

relation, car au-delà d’un certain délai raisonnable entre les deux évènements, il devient

difficile de les relier (Shanks & Dickinson, 1987; Shanks, Pearson, & Dickinson, 1989) et

le nombre de variables alternatives qui peuvent intervenir augmente (Buehner & McGregor,

2009). Plusieurs travaux récents ont d'ailleurs observé que la force causale d’une relation

diminue lorsque la contiguïté temporelle des évènements diminue (Buehner & May, 2002,

2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Michotte, 1954; Shanks et al., 1989), suggérant

ainsi qu'une forte contiguïté temporelle est nécessaire pour qu'une personne perçoive un

lien causal. Cependant, il semble que les gens peuvent aussi concevoir des relations

causales qui impliquent un très long délai entre la cause et l’effet, par exemple dans le cas

de l’acte de reproduction et la naissance d’un bébé (Einhorn & Hogarth, 1986). Ce dernier

constat a ainsi mené les chercheurs à modifier leurs propositions théoriques concernant le

rôle de la contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.

Pour ce faire, plusieurs auteurs ont eu recours à la tradition kantienne, qui postule

que les gens considèrent qu’une relation causale implique un mécanisme de transmission

liant la cause et l'effet (p. ex. Ahn & Kalish, 2000; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn &

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

17

Hogarth, 1986; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado et al., 2007; Perales & Catena,

2006). Ainsi, les croyances des gens concernant les propriétés du mécanisme d’action en

jeu vont déterminer le délai qu’ils peuvent s’attendre d’observer entre les évènements

(Buehner & May, 2002, 2004; Einhorn & Hogarth, 1986; Hagmayer & Waldmann, 2002;

Shultz, 1982). La présence d’une relation causale devrait donc se refléter par un délai

approprié entre la cause et l’apparition de l’effet. Par exemple, tomber au sol devrait causer

immédiatement une douleur au dos, alors qu'un effort physique soutenu devraient causer

des douleurs au dos après quelques heures, voire une journée. Ces auteurs supposent donc

que les connaissances et croyances a priori d’une personne devraient moduler

l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle dans l’évaluation d’un lien

causal donné.

Afin de valider empiriquement cette hypothèse, Buehner et McGregor (2006) ont

voulu tester systématiquement toutes les situations d’interaction possibles entre les

croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données à évaluer. Pour ce faire, ils

ont résumé l’ensemble des situations qu’une personne peut possiblement rencontrer à leur

forme la plus simple, soit quatre situations que l’on retrouve dans le Tableau 1 ci-dessous.

Selon ce tableau, l’ensemble des délais qu’une personne peut constater entre deux

évènements peut être résumé à un délai contigu (immédiat, court) ou non contigu (différé,

long)6. De la même façon, les attentes d’une personne peuvent être résumées à une attente

d'un délai contigu ou non contigu entre les évènements, dépendamment de ses croyances.

Il en résulte donc des situations où le délai constaté peut concorder ou non avec celui

attendu. Buehner et McGregor proposent alors que le degré d’association entre deux

évènements sera perçu comme un indicateur de relation causale par une personne

uniquement lorsque le délai observé entre ces évènements concorde avec le délai qu’elle

s’attend d'observer pour ce contexte, [car cette situation reflète la présence du mécanisme

d’action causale]7.

6 Il existe évidemment un continuum de temps entre un délai « contigu » et un délai « non contigu », et ce qui

constitue un délai contigu ou non dépend hautement du contexte. Il s’agit ici de résumer expérimentalement

l’ensemble des possibles. 7 L’encadré est un ajout personnel.

Page 32: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

18

Cependant, la formulation actuelle de la proposition de Buehner et McGregor

(2006) pose problème; elle suggère que les gens conçoivent la contiguïté temporelle

comme un indice de causalité déterministe (présence ou non d’un lien causal entre des

évènements si le délai observé et le délai attendu concordent), alors qu’ils évaluent un

jugement de causalité dans un contexte probabiliste auprès de leurs participants (force

causale perçue entre des évènements associés statistiquement). Par exemple, ils affirment

que des valeurs « élevées » de force causale, telles qu’obtenues dans des études antérieures

(Buehner & May, 2002, 2003, 2004), indiquent que les gens ont perçu une relation causale

entre des évènements associés statistiquement. Toutefois, ils ne précisent pas à partir de

quelle valeur la cote de force causale donnée par un participant (sur une échelle de type

Likert) indique qu’il perçoit un lien de causalité.

Tableau 1.

Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai observée

entre les évènements.

Durée du délai observée entre les évènements

Durée du délai

suggérée Contigu (court) Non contigu (long)

Contigu (court)

Concordant

(relation causale perçue

ou

force causale élevée)

Non concordant

(relation causale non perçue

ou

force causale faible)

Non contigu (long)

Non concordant

(relation causale non perçue

ou

force causale faible)

Concordant

(relation causale perçue

ou

force causale élevée)

De plus, leur proposition ne permet pas de décrire l’influence potentielle du degré

de contiguïté temporelle des évènements (délai contigu ou non) sur la force causale perçue

par une personne, car elle limite son rôle à celui d’indicateur de structure causale. Afin de

représenter plus adéquatement le rôle de la contiguïté temporelle dans un contexte de

Page 33: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

19

causalité probabiliste, la proposition de Buehner et McGregor (2006) doit donc être

reformulée en termes quantitatifs.

En conséquence, le présent auteur suggère que les croyances a priori des gens vont

encadrer l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle, de façon à ce que

l’information présentant un délai qui concorde aux croyances a priori augmente la

probabilité perçue que la cause potentielle provoque l’effet observé. À l’opposé,

l’information présentant un délai qui ne concorde pas aux croyances a priori devrait

diminuer cette probabilité perçue, voire ne pas l’influencer. En termes probabilistes, on

peut alors affirmer que l’information qui concorde aux croyances a priori devrait augmenter

la force causale perçue pour la relation, alors que l’information qui ne concorde pas devrait

diminuer la force causale perçue. Conséquemment, plutôt que de prédire qu’une relation

causale sera perçue lorsque le délai observé correspond au délai attendu, on peut prédire

que la force causale perçue par une personne devrait être plus élevée lorsque le délai

observé entre la cause et l’effet correspond au délai attendu selon ses croyances,

comparativement aux situations où les délais observés et attendus ne correspondent pas

(Tableau 1 ci-dessus). Par exemple, si une personne appuie sur un interrupteur et observe

que cela active aussitôt les lumières de la pièce, elle percevra une force causale élevée entre

les évènements, car elle s’attend à un effet immédiat. Par contre, si la pièce s'illumine

plusieurs minutes plus tard, elle percevra une force causale plus faible pour son action sur

l'interrupteur et elle sera plutôt tentée de chercher une cause alternative, par exemple un

deuxième interrupteur activé par une autre personne (voir Einhorn & Hogarth, 1986). On

peut aussi appliquer cette prédiction à des évènements séparés par un délai plus long

lorsque la personne s’attend à un tel délai; si un homme souffre d'indigestion, il percevra

une force causale élevée avec la nourriture ingérée il y a quelques heures, mais une force

causale plus faible pour la nourriture qu'il vient tout juste de consommer.

Afin de tester cette prédiction, on peut retracer plusieurs études qui se sont

intéressées à l’effet d'interaction entre la contiguïté temporelle des évènements et les

croyances a priori sur l’évaluation de la force causale d’une relation (Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann,

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Chapitre 1

20

2002). Pour la plupart d’entre elles, les participants devaient évaluer la force causale d’une

relation à partir de leurs observations d’un ensemble d’évènements qui défilaient

successivement et qui étaient séparés par des délais variables. De plus, ces études

manipulaient expérimentalement les attentes des participants en leur dévoilant, au début de

l’expérience, les propriétés ou le mécanisme en jeu dans la relation (Buehner & May, 2002,

expérience 1 et 2; Buehner & McGregor, 2006), le délai explicitement attendu entre la

cause et son effet, (Buehner & May, 2003, 2004) ou encore ces deux types d’informations

(Allan et al., 2003, expérience 2; Buehner & May, 2002, expérience 3). D’une part, ces

études confirment en partie la prédiction formulée en termes quantitatifs émise dans le

paragraphe précédent. En effet, il a fréquemment été observé que, lorsque l’on suggère a

priori un délai court entre la cause et l’effet, les ensembles de données présentant un délai

court entre les évènements reçoivent des cotes de force causale plus élevées que celles

obtenues avec des ensembles de données présentant un délai long (Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2002, 2003, 2004), alors que l’inverse est observé lorsque l’on suggère un

délai long a priori (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006). De plus, des études

montrent que les ensembles de données présentant un délai court entre les évènements

reçoivent des cotes de force causale plus élevées lorsque l’on suggère a priori un délai court

entre la cause et l’effet que lorsque l’on suggère un délai long (Allan et al., 2003; Buehner

& McGregor, 2006), alors que le phénomène inverse se produit pour des ensembles de

données présentant un délai long (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004).

D’autre part, ces mêmes études n’appuient toutefois pas systématiquement la

prédiction formulée ci-dessus. Ainsi, on observe souvent que, lorsque l’on suggère un délai

long entre la cause et l’effet, des ensembles de données présentant un délai long entre les

évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, voire moins élevées, que des

ensembles de données présentant un délai court (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Dans

le même ordre d’idée, certaines études rapportent que les données présentant un délai court

entre les évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, peu importe la

suggestion a priori (délai court ou long) (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Une étude

(Buehner & McGregor, 2006) constate même que la suggestion d’un délai court entre la

cause et l’effet n’entraîne pas de différence entre les cotes de force causale fournies pour

Page 35: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

21

des ensembles de données présentant un délai court ou long entre les évènements. Enfin,

les résultats de l’étude de Buehner et McGregor (2006) indiquent que des ensembles de

données présentant un délai long entre les évènements reçoivent des cotes de force causale

aussi élevées, peu importe la suggestion a priori (délai court ou long).

Bref, bien que la suggestion d’un délai semble toujours influencer la force causale

perçue pour des ensembles de données présentant un délai quelconque, il semble difficile

de prédire systématiquement comment cette influence se traduira sur l’évaluation de la

force causale des participants. En fait, plusieurs études montrent une baisse de la force

causale perçue lorsque le délai entre les événements augmente (Buehner & May, 2002,

2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Shanks et al., 1989), suggérant un biais en faveur

d’une contiguïté temporelle forte (Buehner & McGregor, 2006). Toutefois, tout comme

Buehner et ses collaborateurs, le présent auteur suggère que des artéfacts créés par la

méthodologie de ces études ont pu engendrer la divergence entre les différents résultats

obtenus et la proposition théorique testée. Premièrement, la nature et les propriétés des

outils méthodologiques utilisés dans ces études ont pu suggérer aux participants qu’un délai

court entre la cause et l’effet était plausible, en dépit des instructions présentées a priori

(Buehner & May, 2004, Buehner & McGregor, 2006). En effet, dans ces tâches (Buehner

& May, 2002, 2003, 2004; voir aussi Shanks et al., 1989), les données à évaluer étaient

présentées par le biais d'un ordinateur : les participants devaient appuyer sur un bouton du

clavier pour observer l’apparition ou non d’un effet à l’écran de l'ordinateur. Grâce à leur

connaissance sur les ordinateurs et les systèmes électriques, les participants ont facilement

pu présumer que l'ordinateur contrôlait la durée du délai entre la cause et l'effet et qu'il

générait un effet immédiatement suite à leur action, et ce, même si le scénario expérimental

suggère qu'un délai est attendu entre la cause et l'effet. Il est donc probable que le biais en

faveur d’une forte contiguïté temporelle retrouvé dans ces études découle de la nature de la

tâche utilisée et ne devrait donc pas se retrouver dans tous les contextes ( Buehner & May,

2004, Buehner & McGregor, 2006). D’ailleurs, lorsque la nature de la tâche à effectuer est

différente, comme dans l’étude de Buehner et McGregor (le participant observe une boîte

en bois dans laquelle une balle roule sur un interrupteur en fin de parcours, ce qui allume

une lumière), on remarque que les participants évaluent correctement à la baisse la force

Page 36: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

22

causale perçue pour les situations où le délai observé entre la cause et l’effet est court alors

que l’appareil suggère un délai long.

Deuxièmement, la majorité des études sur l’interaction entre les croyances a priori

et le degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet présentent les données à évaluer

aux participants sous un format essai par essai, qui consiste à présenter un ensemble

d’évènements à observer défilant l'un à la suite de l’autre (Allan et al., 2003; Buehner &

May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Dans ce format de présentation des

données, la performance des participants qui évaluent la force causale d'une relation peut

être influencée par la charge cognitive et mnésique exigée pour accomplir cette tâche (voir

Lagnado et al., 2007; Waldmann & Walker, 2005). Buehner et McGregor soulignent

d'ailleurs que la charge cognitive exigée pour réaliser ce type de tâche est élevée, car les

participants doivent évaluer un lien de causalité probabiliste (la cause n’accompagne pas

systématiquement l’effet) et pour lequel les évènements se succèdent en temps réel. Cela

implique donc qu’ils doivent juger si les évènements sont apparus ensemble (présence

conjointe de la cause et l’effet; conjonction A) ou de façon indépendante (présence de la

cause sans l’effet ou présence de l’effet sans la cause; conjonction B et C). Devant un tel

effort cognitif, il peut être plus difficile pour les participants de discriminer précisément

l’information quant à la contiguïté temporelle et de l'interpréter en fonction de leurs

croyances a priori : ils se référeront alors à l’indice le plus saillant et adopteront une

heuristique simple, c'est-à-dire qu’une forte contiguïté temporelle indiquera la présence

d’un lien causal (Buehner & May, 2003; Buehner & McGregor, 2006). En corollaire, il

peut être plus facile pour les participants d'observer l’information concernant la contiguïté

temporelle et de l’intégrer avec leurs croyances a priori dans un contexte plus simple,

comme lorsque la relation causale à évaluer est déterministe et que la succession des

évènements est bien définie (p. ex. Schlottmann, 1999). D’ailleurs, la seule étude (Allan et

al., 2003) qui définit le début et la fin de chaque séquence d’évènements à observer obtient

des résultats qui suggèrent que les participants ont interprété la contiguïté temporelle en

fonction de leurs croyances a priori. La force causale perçue par les participants de cette

étude est plus élevée lorsque le délai observé entre la cause et l’effet correspond au délai

Page 37: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

23

attendu selon la suggestion a priori, comparativement aux situations où les délais observés

et attendus ne correspondent pas.

Enfin, bien que les tâches expérimentales des études de la littérature soient

similaires, l’information dévoilée au début de l’expérience afin de manipuler les croyances

a priori des participants est très variable d’une étude à l’autre. Certaines expériences

présentent des scénarios qui dévoilent, de façon implicite ou explicite, le mécanisme liant la

cause et l’effet (Buehner & May, 2002, expérience 1 et 2; Hagmayer & Waldmann, 2002,

expérience 1), d’autres dévoilent la durée du délai attendue entre ceux-ci (Buehner & May,

2003, expérience 1 et 2; 2004; Hagmayer & Waldmann, 2002, expérience 2), alors que

d’autres encore dévoilent ces deux informations (mécanisme + durée du délai attendue)

(Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, expérience 3; Buehner & McGregor, 2006).

Ainsi, l'utilisation de différents types d’information pour induire une croyance (mécanisme,

durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pourrait expliquer en

partie la variabilité retrouvée dans les résultats de la littérature concernant l’interaction

entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle (cf. Allan et al., 2003; Buehner &

May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). En effet, il est difficile de savoir si

ces différents types d’information ont tous été aussi efficaces pour influencer le jugement

des gens, ce qui complique notre interprétation du rôle de ce facteur pour expliquer les

résultats obtenus.

En somme, au regard de la littérature, il existe de nombreux résultats qui confirment

partiellement la proposition théorique émise dans cette thèse et inspirée de la littérature

(notamment Buehner & McGregor, 2006), postulant que la force causale perçue pour une

relation dépend de la concordance du délai observé dans les données avec le délai attendu

par les gens (voir p.19). Toutefois, les résultats obtenus dans la littérature ne concordent pas

systématiquement avec les prédictions découlant de cette proposition. Afin d'obtenir des

résultats qui confirmeraient la validité de cette proposition théorique, il est probablement

nécessaire de recourir à une méthodologie qui ne présente pas les mêmes limites que les

études précédemment mentionnées.

Page 38: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

24

Originalités et Objectifs de la thèse

Jusqu’ici, les deux courants de pensée qui ont guidé l’élaboration des modèles

explicatifs du raisonnement causal ont été présentés; l’un centré sur l’association entre les

évènements, l’autre sur les représentations mentales des gens. Les modèles qui en ont

découlé, tels que celui de Perales et Catena (2006), sont encore en développement et la

description de certaines parties de ceux-ci est incomplète ou encore peu détaillée. C'est le

cas, notamment, de l’interaction entre les croyances a priori des gens et la contiguïté

temporelle de la cause et l’effet. Afin de pallier ce manque dans la description des

modèles, la présente thèse propose de s’appuyer sur une littérature spécifique à ces facteurs,

qui offre des propositions théoriques intéressantes, mais dont les prédictions n’ont

malheureusement pas pu être confirmées empiriquement. En effet, aucune étude n'a pu

démontrer systématiquement que les gens perçoivent des liens de causalité plus forts

lorsque le délai observé entre des évènements concorde avec le délai attendu entre ceux-ci.

Les résultats divergents obtenus jusqu'à maintenant s'expliquent probablement par des

artéfacts méthodologiques découlant de la tâche employée dans les études antérieures.

Nous avons d'ailleurs identifié certains de ces artéfacts, soit la nature de la tâche qui

suggère qu'un délai contigu peut être attendu (Buehner & May, 2004), la charge cognitive

élevée requise pour réaliser la tâche (Buehner & McGregor, 2006), ainsi que l'utilisation de

différents types d'information afin d'induire une attente d'un délai chez les participants.

L’objectif général de cette thèse est conséquemment de préciser une partie peu

détaillée du modèle de Perales et Catena (2006), soit celle concernant le rôle des croyances

a priori et de la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Le défi consiste à tester

systématiquement l’interaction entre ces facteurs, mais en utilisant une méthodologie

nouvelle, dont la nature et les propriétés ne sont pas sujettes aux mêmes limites que celles

de la littérature existante. Pour ce faire, nous étudierons le jugement des gens dans une

tâche de raisonnement causal probabiliste qui exige une charge cognitive moins élevée que

celles des études antérieures. De plus, l’impact de différents types d’information

(mécanisme, durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pouvant être

présentés a priori afin de suggérer une croyance sera comparé méthodiquement, ce qui n’a

encore jamais été fait.

Page 39: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

25

D’abord, afin de diminuer la charge cognitive des participants, plusieurs arguments

justifient l’utilisation d’un format de présentation des données alternatif au format essai par

essai, qui est généralement choisi parce qu’il est jugé plus écologique : ce format représente

bien comment le participant découvre intuitivement une relation de causalité à partir de

stimuli observés en temps réel (Griffiths & Tenenbaum, 2005). Toutefois, il est aussi

possible de rendre disponible d’un coup l’ensemble des informations à évaluer aux

participants sous forme de phrases, de liste détaillée, ou de tableaux synthèses. La

littérature suggère que ces formats alternatifs de présentation des données pourraient

solliciter des processus cognitifs différents de la méthode essai par essai et être moins

exigeants cognitivement pour les participants.

Premièrement, la présentation des données essai par essai requiert que les

participants observent, encodent, mémorisent et rappellent l'information afin de l'analyser et

de produire un jugement concernant la force causale entre les évènements. On observera

alors que les participants sont parfois plus influencés par les premières données observées

(Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou par les dernières données observées (Lopez,

Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). À l'inverse, la présentation simultanée des

informations à évaluer illustre clairement l'ensemble des données et réduit la demande en

termes d'effort mnésique de la part des participants, car ils ont toute l’information

disponible devant eux (Holyoak & Cheng, 2011). Ceci réduit donc les possibles biais reliés

à la mémoire et à l’attention (p. ex. effet de récence ou de primauté).

Deuxièmement, cette méthode facilite la manipulation du degré de contiguïté

temporelle de la cause et l’effet (Greville & Buehner, 2007). En effet, l’information

fournie sous forme de tableaux délimite clairement chaque conjonction et combien de

temps s’est écoulé entre la cause et l’effet (s’il y en a un) pour cette conjonction. Au

contraire, lors d'une présentation successive des évènements en temps réel, le participant

doit juger si un effet est survenu suite à une cause contiguë, une cause différée, ou

simplement une cause indépendante de celle qui a été évaluée. La perception du participant

risque donc de modifier le type de conjonction observé et, en corollaire, le degré

d’association perçu entre cet effet et la cause potentielle (voir la Figure 4, p. 30, pour une

Page 40: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

26

illustration de ce phénomène) (Greville & Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann, 2002).

La présentation simultanée des données est donc avantageuse en contexte expérimental, car

elle supprime l’ambigüité qu’il pourrait y avoir entre le rôle de l’information quant à la

contiguïté temporelle et celui du degré d’association perçu entre la cause et l’effet (Greville

& Buehner, 2007). De plus, comme le participant n’a pas à subjectivement évaluer le

temps qui s’écoule entre la cause et l’effet, car cette information lui est donnée, cela

élimine l’interférence engendrée par la perception des séquences temporelles (Hagmayer &

Waldmann, 2002).

Troisièmement, lorsque le participant ne peut qu’observer les données du tableau

sans intervenir sur les variables, cela favorise un effort mental conscient pour évaluer les

données. Ce type de présentation solliciterait donc un jugement délibéré de la part du

participant (Griffiths & Tenenbaum, 2005).

Quatrièmement, le recours à la présentation des données essai par essai provient de

la tradition des recherches avec les animaux, car on ne peut leur présenter l'information

autrement (Hagmayer & Waldmann, 2002). Or, il a été démontré que les participants

humains sont sensibles à la description écrite de l’information quant à la contiguïté

temporelle dans une tâche d’inférence causale (Hagmayer & Waldmann, 2002). Les gens

sont donc capables de se représenter l'influence de la contiguïté temporelle sur une relation

causale, même s'ils ne l'expérimentent pas en temps réel. De plus, lorsque les données ne

sont pas observées en temps réel, mais sont plutôt décrites, il est probable que les

participants porteront leur analyse sur le délai qui est réellement impliqué dans la tâche,

plutôt que sur leur estimation subjective du délai qui découlerait de la nature ou des

propriétés du matériel utilisé, comme cela a pu être le cas dans les études critiquées par

Buehner et McGregor (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989).

Cinquièmement, la présentation des données essai par essai limite les chercheurs à

étudier l'effet de différents facteurs sur l'évaluation d'une relation causale entre des

éléments physiques/mécaniques, dont les délais d'action sont relativement courts (en termes

de secondes, p. ex. l'appui sur un interrupteur et l'apparition d'une lumière). Il serait

Page 41: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

27

d'ailleurs impossible d'étudier en laboratoire comment une personne évalue en temps réel

des relations causales impliquant des évènements séparés par des délais de quelques jours,

mois ou années (p. ex. l'effet de la publicité d'un commerce sur les ventes du mois suivant).

Pour sa part, la présentation des données sous forme de tableaux permet d'illustrer des

évènements de différentes natures, en plus de ne pas avoir de limite quant à la durée des

délais représentée entre les évènements. Un tel format de présentation peut donc s'avérer

plus écologique lorsque les relations causales à évaluer concernent des domaines abstraits

ou impliquant des délais plus longs, tel qu'on le retrouve dans les relations sociales,

économiques, politiques, etc.

Enfin, la présentation des données dans deux tableaux adjacents (voir la section

Méthode), illustrant respectivement la présence et l’absence de la cause, suggère aux

participants que l’impact potentiel de la cause doit être évalué en fonction d’un groupe

expérimental et d’un groupe contrôle. Cette situation incite donc les participants à adopter

un raisonnement de type scientifique, ce qu’on ne retrouve pas nécessairement de façon

intuitive chez ces derniers (cf. White, 2003b).

En résumé, le format par tableaux présente l’information de façon non ambigüe, il

permet de distinguer le rôle de la contiguïté temporelle et du degré d'association, il

minimise le recours aux processus mnésiques, attentionnels et d’estimation du temps, il

sollicite un jugement délibéré de la part du participant, il permet l'étude du raisonnement

concernant des relations causales abstraites et impliquant des délais longs, il incite à

adopter un raisonnement scientifique et il décrit explicitement l’information quant à la

contiguïté temporelle qui doit être évaluée. Nonobstant, il demeure qu’une tâche

d’inférence causale représente une tâche complexe qui fait appel à plusieurs processus

cognitifs et qui demande beaucoup de ressources mentales. Toutefois, les propriétés du

format de présentation des données par tableaux réduisent vraisemblablement la charge

cognitive des participants qui doivent évaluer un lien causal pour un ensemble de données,

comparativement à la méthode essai par essai généralement employée dans la littérature8.

8 Cette conclusion, bien qu'appuyée par plusieurs arguments issus de la littérature et entérinée par d'autres

auteurs, demeure une inférence théorique, une déduction logique. Toutefois, elle serait difficile à

Page 42: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

28

De ce fait, les participants devraient avoir plus de facilité à observer l’information quant à

la contiguïté temporelle et à l'interpréter en fonction des croyances a priori qui leur sont

suggérées. De plus, comme l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté

temporelle est encore peu étudiée, il convient d’explorer l’influence de ces facteurs à l’aide

d’une méthodologie qui favorise un raisonnement optimal de la part des participants et qui

permet d’éliminer le plus d’interférences possible avec d’autres processus cognitifs. C’est

pourquoi les données à évaluer par les participants dans ce projet leur sont présentées

simultanément sous forme de tableaux (voir section Méthode).

À notre connaissance, il n’existe que deux études qui portent sur le rôle de la

contiguïté temporelle lorsque les données sont présentées sous forme de tableaux (Greville

& Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann, 2002). Dans leur expérience, Greville &

Buehner (2007) présentaient l’ensemble des conjonctions à évaluer dans deux tableaux,

sans toutefois suggérer aucune croyance a priori quant au délai attendu dans la relation à

évaluer. Un premier tableau indiquait si 40 cultures de bactéries avaient individuellement

survécu ou non à l’exposition à un rayon X (cause) durant cinq jours. Un deuxième tableau

indiquait si 40 autres cultures de bactéries avaient survécu ou non en l’absence de

l’exposition au rayon X durant ce même temps. Leurs tableaux étaient divisés en cinq

colonnes, représentant cinq jours d’observation pendant lesquels les cultures pouvaient

mourir. Ils manipulèrent la proportion de cultures qui périssaient dans les deux tableaux

ainsi que la proportion de cultures qui périssaient dans les premiers ou les derniers jours

d’observation. Ils ont notamment observé que, pour des ensembles de données ayant le

même degré d’association statistique entre la cause et l’effet, la force causale attribuée à la

relation par les participants diminue lorsque le nombre de jours entre la cause potentielle et

l’effet augmente. Ils illustraient ainsi que la force causale perçue par les participants est

sensible à la contiguïté temporelle de données présentées dans des tableaux.

Une autre étude (Hagmayer & Waldmann, 2002) demandait à tous les participants

d’une première expérience d’évaluer l’efficacité des interventions utilisées par deux

objectiver empiriquement. Cet aspect est expliqué dans la section Limites et Études futures de la présente

thèse.

Page 43: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

29

communautés pour combattre une épidémie de moustiques sur une période de 20 ans, et ce,

à partir de données présentées dans un tableau. Les données présentées étaient les mêmes

pour les deux communautés. Cependant, alors que la première communauté utilise une

intervention qui devrait agir dans la même année si elle est efficace (insecticide vaporisé

dans les champs), la deuxième communauté utilise une intervention qui devrait agir dans

l’année suivante si elle est efficace (culture de plantes qui attirent un prédateur naturel des

moustiques). En présentant ces différents mécanismes, les auteurs souhaitaient ainsi

induire des attentes spécifiques concernant le temps d’action de la cause potentielle. Ces

attentes devraient alors influencer la façon dont les évènements sont associés ensemble et,

en corollaire, le degré d’association de la cause et l’effet (voir Figure 4). Les résultats de

cette expérience confirment que les cotes des participants pour chaque communauté

reflètent le degré d’association de la cause et l’effet correspondant aux attentes temporelles

suggérées a priori. Hagmayer et Waldmann concluaient que la connaissance du mécanisme

liant la cause et l’effet permet aux participants de déduire le temps qui devrait les séparer,

ce qui influence alors leur évaluation du degré d’association perçu entre les évènements, et

donc de la force causale perçue pour la relation. À ces résultats s’ajoutent ceux d’une

deuxième expérience, dont les résultats démontrent que la simple suggestion du temps

d’action attendu pour une cause (1 jour ou 2 jours), sans mention du mécanisme, permet

aussi d’influencer l’interprétation d’un ensemble de conjonctions.

Page 44: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

30

Figure 4. Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements

en conjonctions. C représente la présence d’une intervention pour une

communauté, E représente la présence d’une épidémie de moustique. Le

panneau A montre les évènements regroupés lorsqu’il n’y a pas de délai attendu

entre la cause et l’effet. Le panneau B montre les évènements regroupés

lorsque le délai attendu est de t = 1an.

Bref, bien qu’offrant des résultats intéressants, le format de présentation des

données sous forme de tableaux demeure très peu utilisé dans la littérature lorsque vient le

temps de s’intéresser à l’impact de la contiguïté temporelle. Par ailleurs, malgré que l’étude

de Hagmayer et Waldman (2002) soit la seule à s’être intéressée à l’interaction entre les

croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données fournies, elle ne permet pas

de vérifier les interactions qui nous intéressent, à savoir si (a) la force causale attribuée à

une relation diminue lorsque le délai entre la cause et l’effet augmente, tel que constaté à

plusieurs reprises dans la littérature, et (b) si la force causale attribuée à une relation dépend

de la concordance ou non du degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet avec celui

attendu selon les croyances a priori.

Le principal objectif de la présente thèse de doctorat consiste donc à vérifier si les

croyances a priori interagissent avec la contiguïté temporelle selon les deux possibilités

soulevées ci-dessus. Pour ce faire, nous utiliserons un format de présentation simultanée

des données, c'est-à-dire sous forme de tableaux semblables à ceux de Greville et Buehner

(2007). Autrement dit, cette thèse veut vérifier si les prédictions définies dans le

Page 45: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

31

paragraphe précédent (a et b) seront confirmées dans de nouvelles conditions

expérimentales utilisant, en particulier, une présentation simultanée de l’information à

évaluer. En effet, ce format de présentation est moins exigeant sur le plan de la charge

cognitive que les méthodes employées dans la littérature et il limite le recours à d’autres

processus cognitifs. La présente thèse permettra donc de répondre à deux questions qui

émergent de la littérature concernant l’interaction entre les croyances a priori et la

contiguïté temporelle, à savoir :

(1) si le biais favorable pour les fortes contiguïtés temporelles retrouvé dans les

études antérieures est ubiquitaire ou s’il est spécifique à ces études, et

(2) s’il est possible, dans un contexte optimal, de moduler systématiquement la

force causale perçue par les participants selon que la durée du délai observée

dans les données concorde ou non à la durée du délai attendue selon leurs

croyances.

Également, les informations fournies aux participants afin de manipuler leurs

croyances a priori sont très variables d’une étude à l’autre. De ce fait, on ne sait pas encore

exactement quelle(s) information(s) précise(s) est(sont) susceptible(s) de suggérer

efficacement une attente d'un délai, pour ainsi moduler l’influence de la contiguïté

temporelle dans l’attribution d’une force causale à un ensemble de données. Certaines

études ont déjà démontré que l’influence de la contiguïté temporelle sur l’évaluation d’une

force causale peut être modulée par la présentation a priori d’informations mentionnant la

durée du délai attendue entre la cause et son effet (Buehner & May, 2003, 2004; Hagmayer

& Waldmann, 2002) et/ou le mécanisme les liant (Allan et al., 2003; Buehner & May,

2002; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann, 2002). Par contre, aucune

étude ne s’est intéressée à comparer systématiquement l’efficacité de ces différents types

d’information. Pourtant, plusieurs études ont démontré l’importance des croyances a priori

dans les processus d’interprétation des données et d’inférence causale (p. ex. Ahn & Kalish,

2000; Ahn et al., 1995; Catena et al., 2008; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003;

Hagmayer & Waldmann, 2002; Kushnir et al., 2003; White, 1995). D’ailleurs, cet état des

connaissances ne nous permet pas de confirmer que la connaissance d’un mécanisme

Page 46: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 1

32

d’action causale est nécessaire, voire suffisante, pour influencer le jugement des gens, tel

que proposé par plusieurs auteurs de la littérature (voir p.5).

Le deuxième objectif de la présente thèse consiste donc à comparer les différents

types d’information susceptibles de moduler l’impact du degré de contiguïté temporelle

d’une cause et d’un effet sur l’évaluation de la force causale d’une relation. Ainsi, il nous

apparaît intéressant de comparer, pour la première fois à l’intérieur d’une même expérience,

trois types d’information couramment utilisés dans la littérature, soit (a) un délai formulé

en termes de durée du délai attendue uniquement, (b) un délai formulé en termes de

mécanisme uniquement, et (c) un délai formulé en termes de durée du délai et de

mécanisme.

Enfin, étant donné que le degré d’association entre les variables est reconnu pour

être un facteur déterminant dans le jugement causal des gens (voir p.4), ce facteur sera aussi

inclus dans le devis expérimental. Il sera ainsi possible de vérifier si les effets recherchés

dans les 2 premiers objectifs sont indépendants du degré d’association de la cause et l’effet.

Pour réaliser ces objectifs, deux expériences sont menées. Le but de l’Expérience 1

sera, entre autres, de vérifier si les participants interprètent l’information présentée sous

forme de tableaux de la même façon que dans les études antérieures. En effet, seulement

deux études ont utilisé un format de présentation des données par tableaux pour étudier

l’impact de la contiguïté temporelle (Greville & Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann,

2002) et aucune d’elles ne permet de répondre aux questions posées dans la présente thèse

(identifiées à la p.31). L’Expérience 1 permettra d’observer si la diminution normalement

constatée de force causale perçue par les participants lorsque la durée du délai entre la

cause et l’effet augmente se retrouve également lorsque les données sont présentées sous

forme de tableaux. Surtout, il sera aussi possible de vérifier si l'on peut modifier cet impact

habituel avec un tel format de présentation en manipulant les croyances a priori des

participants, c'est-à-dire en présentant des informations véhiculant des attentes relatives au

délai temporel. L’impact du type d’information présenté pour suggérer une attente sera

aussi évalué pour la première fois à l’intérieur d’une même expérience. Pour ce faire, trois

Page 47: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

33

scénarios suggérant un délai long entre la cause et l’effet (formulés en termes de durée du

délai, de mécanisme, et durée du délai et mécanisme) seront utilisés, ce qui permettra de

comparer leur efficacité respective pour contrecarrer la baisse de force causale

normalement constatée en présence d’un délai long dans les données fournies.

L’Expérience 2 permettra de pousser plus loin l’exploration des interactions

potentielles entre les croyances a priori et le degré de contiguïté temporelle des données

fournies sous forme de tableaux. En s’inspirant des propositions de Buehner et McGregor

(2006) reformulées en termes quantitatifs dans la présente thèse, cette deuxième expérience

évaluera l'effet de la concordance de la durée du délai suggérée (suggestion a priori d’un

délai long ou court) avec la durée du délai présente dans les données à évaluer (long ou

court), et ce, à l’intérieur d’un même plan expérimental. Il sera ainsi possible de vérifier si

la force causale attribuée à une relation dépend de la concordance ou non du degré de

contiguïté temporelle de la cause et l’effet avec celui attendu selon les croyances a priori.

Encore une fois, l’impact de différents types d’information présentés pour suggérer une

attente d'un délai sera comparé.

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Chapitre 2

Expérience 1

Page 50: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

36

La première expérience vise à confirmer le rôle habituel de la contiguïté temporelle

dans l’évaluation d'un lien causal, c'est-à-dire que la force causale perçue diminue lorsque

le délai entre la cause et l’effet augmente. Ce résultat a été constaté une seule fois jusqu’à

ce jour dans un contexte d'évaluation d'un lien causal à partir de données présentées

simultanément sous forme de tableaux (Greville & Buehner, 2007). De plus, cette

expérience vise principalement à évaluer s’il est possible de moduler cet effet en présentant

a priori de l'information concernant le délai attendu entre la cause et l’effet, une interaction

qui n’a pas encore été testée à ce jour avec un tel format de présentation. Par ailleurs, étant

donné l’importance accordée à ce facteur par la littérature, l’effet de différents degrés

d’association des variables sera évalué, afin de vérifier l’impact potentiel de ce facteur.

Enfin, cette expérience aspire aussi à évaluer, pour la première fois à l’intérieur d’un même

devis expérimental, quel type d’information doit être transmis afin de suggérer

efficacement une attente d'un délai et ainsi contrecarrer la baisse de cette force causale.

Pour ce faire, des scénarios sont présentés aux participants (disponibles en Annexe 2) afin

de suggérer la présence d’un délai entre la cause et l’effet; ces scénarios sont formulés en

termes de durée du délai uniquement, en termes de mécanisme d’action uniquement, ou en

termes de durée du délai et de mécanisme d’action. Les scénarios, présentant donc

différents types d’information qui véhiculent des attentes en un délai, sont présentés à des

groupes indépendants de participants, afin que l’information fournie dans un scénario

n’influence pas l’interprétation des informations quant au délai suggéré dans un autre

scénario. De plus, chacun des groupes de participants reçoit aussi un scénario ne suggérant

rien quant au délai attendu (condition contrôle), afin de servir de comparaison.

Hypothèses

D’après les résultats obtenus dans les études antérieures, en l’absence de croyances

a priori pour encadrer l’interprétation de l’information à évaluer, les gens vont

intuitivement percevoir que la force causale d’une relation diminue lorsque la durée du

délai entre les variables observées augmente. La première hypothèse stipule donc que,

lorsque le scénario présenté a priori ne suggère aucun délai, on devrait observer une

diminution de la force causale perçue par les participants au fur et à mesure que la durée du

délai entre la cause et l’effet augmente dans les données à évaluer.

Page 51: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

37

De plus, certaines études ont démontré qu’on peut contrecarrer cette baisse de force

causale normalement constatée lorsque la durée du délai entre la cause et l’effet augmente,

si l'on suggère aux participants dès le départ qu’un délai est possible (Buehner & May,

2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). La deuxième hypothèse énonce alors que,

lorsqu’un scénario suggérant un délai est présenté a priori, la force causale perçue par les

participants ne devrait plus diminuer malgré une augmentation de la durée du délai dans les

données fournies. Conséquemment, les cotes de force causale attribuées pour des

ensembles de données présentant un délai long entre la cause et l’effet devraient être aussi

élevées que celles pour des ensembles de données équivalents, mais présentant un délai

court.

Également, plusieurs auteurs suggèrent que les croyances a priori des gens

encadrent le traitement de l’information observée dans une tâche d’inférence causale : ainsi

l’information observée qui concorde avec les croyances a priori ne serait pas évaluée de la

même façon par les gens que l’information qui ne concorde pas. La présente thèse formule

même des prédictions précises à ce propos, suggérant que l’information concordante devrait

contribuer à augmenter la force causale perçue, contrairement à l’information non

concordante (voir p.19). En conséquence, il est possible que les données présentant un

délai long entre la cause et l’effet reçoivent un traitement privilégié de la part des

participants de cette expérience, puisqu’elles concordent avec le délai suggéré a priori dans

le scénario expérimental. Tel que déjà constaté dans les études ayant recours à un format

essai par essai (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006), la troisième hypothèse

propose que, lorsqu’un délai est suggéré a priori, les cotes de force causale fournies pour

des ensembles de données qui présentent un délai long devraient être plus élevées que

celles fournies pour des ensembles de données qui présentent un délai court entre la cause

et l’effet. Dans le même ordre d’idées, les cotes de force causale fournies pour des

ensembles de données qui présentent un délai long devraient être plus élevées lorsqu’un

délai est suggéré aux participants plutôt que lorsqu’aucun délai n’est suggéré.

Par ailleurs, à l’instar des nombreuses études qui ont démontré que le jugement

causal des gens est fortement influencé par le degré d’association des variables, on peut

Page 52: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

38

prédire que la force causale perçue pour un ensemble de données sera sensible au P.

Ainsi, la quatrième hypothèse postule que la force causale perçue par les participants sera la

plus élevée lorsque le P est fort (.75), suivi du P faible (.25) puis du P nul (0).

Enfin, s’il est vrai que les attentes a priori quant au délai attendu entre des

évènements dépendent de la croyance en un mécanisme d’action causal (voir Ahn &

Kalish, 2000; Einhorn & Hogarth, 1986), il est probable que les trois premières hypothèses

ne soient confirmées qu’avec les cotes des participants qui ont obtenu des informations en

termes de Mécanisme d’action uniquement ou de Durée du délai et Mécanisme. Toutefois,

en s’appuyant sur les résultats de la littérature, il apparaît que tous les types d’information

pourraient réussir à suggérer efficacement aux participants qu’un délai est possible entre les

variables évaluées. La dernière hypothèse suggère donc que tous les types d’information

utilisés dans cette expérience seront efficaces pour suggérer qu’un délai est plausible entre

la cause et l’effet; la force causale perçue par les participants pour des situations

équivalentes devrait donc être similaire, peu importe le type d’information reçu.

Méthode

Participants.

Trente (30) participants par groupe expérimental (3 groupes selon le type

d’information reçu: Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et

Mécanisme), ont été recrutés, soit 90 participants au total (31 hommes : 59 femmes). Les

participants ont été recrutés sur le campus de l’Université Laval, via des affiches, des

annonces effectuées durant des cours universitaires de premier cycle et des courriels ciblés.

L’expérience est d’abord présentée comme une recherche portant sur le raisonnement

adulte.

Matériel.

Un questionnaire contenant toutes les informations nécessaires pour réaliser la tâche

est remis aux participants. Une représentation schématique de l’organisation du

Page 53: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

39

questionnaire est illustrée à la Figure 5 ci-dessous. Ce questionnaire présente d’abord une

mise en situation expliquant aux participants qu’ils doivent évaluer le rôle de certains

insecticides sur le changement de couleur au rouge des feuilles des palmiers vaporisés (voir

Annexe 1, instructions générales).

Figure 5. Schéma représentant l’organisation du cahier expérimental présenté aux

participants (les chiffres représentent les matrices à évaluer).

Suite à la mise en situation générale, le questionnaire est séparé en deux sections.

Une première section comporte 9 ensembles de données (matrices) de 80 données

(conjonctions) chacune à évaluer, et ce, sans recevoir aucune information a priori

(condition contrôle). Une deuxième section comporte les mêmes 9 matrices de données à

évaluer, mais, cette fois-ci, précédées d’un scénario suggérant qu’un délai long est possible

entre la cause et l’effet. L’ordre de présentation de ces deux sections est contrebalancé de

façon à ce que la moitié des participants reçoivent le scénario suggérant une attente d'un

délai en premier. Trois scénarios sont utilisés pour suggérer la présence de ce délai, selon la

condition expérimentale dans laquelle se trouve le participant : les scénarios sont donc

formulés (a) en termes de Durée du délai uniquement, (b) en termes de Mécanisme d’action

uniquement, ou (c) en termes de Durée du délai et de Mécanisme d’action (voir Annexe 2).

Chaque participant n'est donc exposé qu'à un seul type d'information, selon son groupe

Page 54: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

40

expérimental. L'ordre de présentation des matrices est aussi aléatoire, les matrices sont

présentées dans un ordre différent pour chaque participant d'une même condition

expérimentale (Durée du délai, Mécanisme, ou Durée du délai + Mécanisme).

Chaque matrice, constituant une situation à évaluer, présente l’ensemble des

données à évaluer pour cette situation sous forme de deux tableaux (exemple à l’Annexe 1).

Un premier tableau présente ainsi un groupe de 40 palmiers ayant été exposés à

l’insecticide, dont certains d’entre eux ont vu toutes leurs feuilles changer au rouge. Un

deuxième tableau présente un groupe contrôle d’un nombre équivalent de palmiers n’ayant

pas été exposés à la substance, mais qui peuvent également présenter des feuilles qui ont

toutes changé au rouge. Un X dans la ligne d’un palmier signifie que ses feuilles ont

changé au rouge. La colonne indique le temps, après la vaporisation de l’insecticide, auquel

le changement de couleur a été observé, soit 1, 2, 3, 4 ou 5 jours après l’exposition des

palmiers à l’insecticide 9

.

Les neuf matrices de chaque section (contrôle et expérimentale) ont été développées

en combinant trois degrés d’association et trois degrés de contiguïté temporelle de la cause

et l’effet. L’information à propos du degré d’association entre la cause et l’effet est

représentée par la fréquence relative des palmiers dont les feuilles ont changé au rouge dans

le groupe contrôle et expérimental, tel que mesuré objectivement par le Delta p (P). Le P

se calcule en soustrayant la probabilité de voir un effet apparaître lorsque la cause est

absente (groupe contrôle de palmiers) à la probabilité de voir un effet apparaître lorsque la

cause est présente (groupe de palmiers exposés à l’insecticide). Le P est donc un rapport

de proportion qui s’exprime entre -1 et 1, et on peut le résumer grâce à la formule : P =

[P(e|c)] - [P(e|¬c)]. Trois degrés d’association ont été retenus, soit nul (P = 0), faible

9 La fenêtre temporelle choisie n’est pas arbitraire et se fonde sur les résultats obtenus à un sondage pré-

expérimental effectué auprès de 74 étudiants qui ont répondu à la question : « Nous nous intéressons à une

relation causale particulière : la vaporisation d’un insecticide sur les plantes cause parfois un effet

indésirable, soit l’apparition de taches rouges sur leurs feuilles. Selon vous, dans le cas où les plantes

seraient sensibles à l’insecticide employé, cette relation de cause à effet devrait prendre combien de jours

pour se manifester? Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, c’est votre opinion qui nous intéresse. »

Les résultats indiquent qu’en moyenne, un individu s’attend à ce qu’un délai de 3,74 jours (E.T. = 3,53)

survienne entre la vaporisation de l’insecticide et l’apparition d’un effet sur les feuilles des plantes, alors

que le mode et la médiane sont de 3 jours. Par ailleurs, 68,9% des étudiants ont jugé que ce délai devrait

être de 3 jours ou moins.

Page 55: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

41

(P = .25) et fort (P = .75). Par mesure de simplicité, et parce que l’effet du P n’est pas

l’objet principal de la recherche, la probabilité de l’effet dans le groupe contrôle se veut

représentative du hasard et a été fixée à [P(e|¬c)] = .25 pour toutes les matrices. La

probabilité de l’effet dans le groupe expérimental [P(e|c)] est donc fixée de façon à obtenir

le P approprié pour chaque matrice. La [P(e|c)] , la [P(e|¬c)] et le P retenus pour

chaque matrice sont rapportés dans le tableau de l’Annexe 3. En guise d’exemple, pour le

niveau de P faible (P = .25), il y a 10 palmiers qui ont changé de couleur dans le groupe

contrôle, et 20 dans le groupe expérimental.

L’information à propos de la contiguïté temporelle est, quant à elle, représentée par

la distribution des effets sur les cinq temps d’observation. Comme l’ont fait Greville et

Buehner (2007), pour donner l’impression d’une forte contiguïté (délai court), 40% des

effets se retrouvent dans la première colonne, 30% dans la deuxième colonne, 20% dans la

troisième colonne, 10% dans la quatrième colonne et 0% dans la cinquième colonne. La

distribution inverse est utilisée pour donner l’impression d’une faible contiguïté (délai long)

entre la cause et l’effet, alors que les effets se distribuent également dans chaque colonne

pour suggérer que le délai est aléatoire. Par exemple, pour un ensemble de 80 données (40

par tableau) à évaluer présentant un délai court et un degré d’association faible (P = .25),

il y a 8 X dans la première colonne du tableau expérimental, 6 X dans la deuxième colonne,

4 X dans la troisième colonne, 2 X dans la quatrième colonne et aucun X dans la dernière

colonne, pour un total de 20 X. La distribution des effets pour le groupe contrôle se veut

représentative du hasard, soit toujours le même nombre de X dans toutes les colonnes. Les

9 matrices ainsi obtenues (voir Annexe 3) sont agencées de façon différente dans les deux

sections du cahier afin qu’elles ne soient pas reconnues par les participants. Les

participants ont donc 18 ensembles de données en tout à évaluer.

Procédure.

Les participants sont rencontrés individuellement ou en petit groupe (d’une à trois

personnes) dans un local sur le campus de l’Université Laval. Tout d’abord, le cahier

contenant les instructions est remis aux participants qui en font la lecture, mais

Page 56: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

42

l’expérimentateur accompagne tout de même les participants dans leur lecture afin de

s’assurer qu’ils ont bien compris la tâche. Après avoir lu les instructions générales et la

page de présentation du premier insecticide, les participants commencent leurs évaluations.

Pour chaque ensemble de données (matrice), le participant doit donc comparer les données

des deux tableaux, en fonction du degré d’association (P) et de la contiguïté temporelle. Il

indique ensuite son évaluation de la responsabilité de l’insecticide sur le changement de

couleur subit des feuilles des palmiers pour chacun des ensembles sur une échelle de type

Likert (tel qu’illustré dans l’exemple de l’Annexe 1), allant de -10 (l’insecticide empêche

très fortement le changement de couleur des feuilles) à 10 (l’insecticide cause très

fortement le changement de couleur des feuilles), en passant par 0 (aucun lien de cause à

effet entre l’insecticide et le changement de couleur des feuilles). Toutes les nuances

possibles entre ces nombres sont évidemment possibles. Sous l’échelle, une section

commentaire de trois lignes est disponible pour les participants désirant laisser leur

impression ou leur raisonnement qualitatif à propos de l’effet de l’insecticide. Les

participants recommencent ensuite la même procédure pour la deuxième section après avoir

lu la page de présentation du deuxième insecticide. La toute dernière page du cahier

contient une feuille demandant l’âge, le sexe et l’occupation de la personne, à des fins

statistiques.

Analyses et résultats de l’Expérience 1

L’analyse choisie vise à évaluer (a) s’il existe bel et bien une baisse de la force

causale perçue par les participants en fonction de l’augmentation de la durée du délai

présente dans les données fournies sous forme de tableaux, et (b) s’il est possible de

contrecarrer ce phénomène en présentant a priori aux participants des informations

suggérant qu’un délai est possible entre les évènements. De plus, l’impact potentiel du

degré d’association des variables et du type d’information utilisé pour suggérer l'attente

d'un délai est évalué. Les cotes fournies par les participants pour chacun des 18 ensembles

de données10

ont donc été regroupées dans une ANOVA à plan mixte, avec les facteurs

intra-sujets Suggestion d’un délai (2 niveaux; aucune suggestion, suggestion d’un délai),

10

Toutes les réponses des participants ont été enregistrées deux fois et comparées par l'auteur et son

assistante.

Page 57: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

43

Contiguïté temporelle (3 niveaux; délai court, aléatoire, long) et Degré d’association (3

niveaux; P = 0, .25, .75). De plus, le Type d’information reçu lorsqu’un délai est suggéré

(3 niveaux; formulé en termes de mécanisme, de durée du délai, ou de durée du délai et

mécanisme) est utilisé comme facteur inter-sujet, divisant les participants en trois groupes

de 30 participants. Étant donné le nombre élevé d’ANOVAs qui doivent être effectuées

pour analyser l’ensemble des effets principaux et d’interaction, un seuil alpha conservateur

de .01 est retenu pour toutes les ANOVAS. Une correction de Bonferonni est utilisée pour

les comparaisons a posteriori, et la correction de Greenhouse-Geisser est utilisée lorsque le

postulat d’homogénéité des variances n’est pas respecté. Par souci de simplicité, les degrés

de liberté et les carrés moyens non corrigés sont présentés lorsque cela s’applique.

Les seuls effets significatifs sont les effets principaux de la Contiguïté temporelle (p

< .001) et du Degré d’association (p < .001), ainsi que l’interaction entre Suggestion d’un

délai et Contiguïté temporelle (p < .001). Le Type d’information n’est impliqué dans aucun

résultat significatif11

. L’ensemble des résultats de l’ANOVA est rapporté au Tableau 1 de

l’Annexe 4. Les moyennes et écarts-types des cotes obtenues, pour chaque niveau des

facteurs principaux, sont rapportés au Tableau 2 de l’Annexe 4.

Des comparaisons a posteriori pour le facteur Degré d’association révèlent des

différences significatives entre toutes les paires de niveaux (ps < .001), les cotes des gens

étant significativement plus élevées respectivement lorsque le P = .75 (M = 7,64), suivi du

P = .25 (M = 4,11) et du P = 0 (M = -0,22).

L’interaction entre les facteurs Contiguïté temporelle et Suggestion d’un délai a été

décomposée, dans un premier temps, en testant l'effet de la Contiguïté temporelle à chaque

niveau du facteur Suggestion d’un délai. Lorsqu’aucun délai n’est suggéré, les cotes

diffèrent significativement selon la Contiguïté temporelle, F(2, 178) = 25,779, p < .001.

Les comparaisons a posteriori indiquent des différences significatives entre toutes les paires

de niveaux du facteur Contiguïté temporelle, ps < .001. Les cotes sont les plus élevées

11

L’influence potentielle de l’ordre de présentation des conditions expérimentales a été explorée dans le but

de vérifier si le type d’information pouvait s’avérer significatif. Les analyses pour chaque ordre de

présentation se sont avérées non significatives.

Page 58: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

44

lorsque le délai est court (M = 4,52), suivi du délai aléatoire (M = 3,79), puis du délai long

(M = 2,81). Une deuxième ANOVA, menée sur le même facteur lorsqu’un délai est

suggéré, ne montre aucune différence significative entre les niveaux, F < 1. Les cotes sont

donc équivalentes, que le délai soit court (M = 4,13), aléatoire (M = 3,96) ou long (M =

3,84) lorsqu'un délai est suggéré. Les moyennes de chaque niveau de l’interaction

Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle sont rapportées au Tableau 3 de l’Annexe 4

et sont illustrées à la Figure 6 ci-dessous.

Figure 6. Moyennes des cotes de force causale obtenues pour les différents niveaux du facteur

Contiguïté temporelle en fonction du facteur Suggestion d’un délai pour

l’Expérience 1 (les barres d’erreurs représentent l’intervalle de confiance = 95%).

Bien qu'il soit d'usage de ne décomposer une interaction qu'en fonction d'un seul

facteur, dans une seule direction, l'interaction entre les facteurs Contiguïté temporelle et la

Suggestion d’un délai est décomposée dans les deux directions pour en examiner tous les

aspects de façon exhaustive. Ainsi, trois tests-t pour échantillons pairés entre les niveaux

de Suggestion d’un délai ont été effectués afin de vérifier s’il y a des différences entre eux

pour chacun des niveaux de Contiguïté temporelle. Pour un délai long, le test-t indique

0

2

4

6

8

10

Délai Court Délai aléatoire Délai long

Forc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguité temporelle dans les données

Aucune Suggestion

Suggestion d'un délai

Page 59: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

45

une différence significative, t(89) = -4,271, p < .001, les cotes étant plus élevées lorsqu’un

délai est suggéré (M= 3,84) que lorsqu’aucun délai n’est suggéré (M = 2,81). Les tests-t ne

montrent pas de différence de cotes pour un délai aléatoire, t(89) = -1,290, ou court t(89) =

1,800, ps > .05.

En résumé, les résultats obtenus montrent que (a) les cotes de force causale perçue

par les participants varient fortement en fonction du degré d’association objectif (P) entre

la cause et l’effet (effet principal du Degré d’Association), (b) globalement, on observe une

légère diminution de la force causale perçue lorsque la contiguïté temporelle de la cause et

l’effet diminue (effet principal de la Contiguïté temporelle), (c) cette baisse de force causale

perçue est surtout présente lorsqu’aucun délai n’est suggéré au départ, mais n’est toutefois

plus observée lorsque l’on suggère a priori un délai (interaction Contiguïté temporelle X

Suggestion d’un délai), et (d) les types d’information utilisés pour suggérer un délai ont

tous eu des impacts similaires sur la force causale perçue (absence d’effet du Type

d’information).

Enfin, on note aussi que 87% des participants ont fourni des commentaires écrits,

soit suite à leur évaluation d'un ensemble de données, soit à la fin du questionnaire (voir

Annexe 6 pour des exemples de commentaires qualitatifs des participants). Ces

commentaires apportent des indices supplémentaires concernant les processus et les

croyances qui ont guidé le raisonnement des participants au cours de la tâche. Les

implications de ces commentaires seront abordées dans la Discussion générale.

Discussion des résultats de l’Expérience 1

L’objectif de l’Expérience 1 est de vérifier (a) s’il existe bel et bien une baisse de la

force causale perçue par les participants en fonction de l’augmentation de la durée du délai

présente dans les données fournies sous forme de tableaux, et (b) s’il est possible de

contrecarrer ce phénomène en présentant a priori aux participants des informations qui

véhiculent l’attente qu’un délai est possible entre les évènements. Ces objectifs sont

étudiés en fonction de l’effet potentiel du degré d’association des variables et du type

d’information présenté a priori pour suggérer une attente d'un délai. À la lumière des

Page 60: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

46

résultats obtenus, plusieurs conclusions peuvent être tirées de l’Expérience 1.

Premièrement, il semble que les participants soient sensibles au degré d’association (P)

entre les variables. Tel qu’anticipé dans les hypothèses, plus l’effet covarie avec la cause,

plus les gens attribuent une force causale élevée à cette cause. Cette expérience soutient

donc les nombreux travaux ayant démontré l’importance de ce facteur pour le raisonnement

causal, en interaction ou non avec les croyances ou attentes a priori (Allan & Jenkins, 1983;

Buehner, 2005; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006, 2009; Cheng,

1997; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2001; Fugelsang et al., 2006;

Greville & Buehner, 2007; Jenkins & Ward, 1965; Kao & Wasserman, 1993; Katagiri,

Kao, Simon, Castro, & Wasserman, 2007; Wasserman et al., 1990; Wasserman et al., 1993;

White, 2008). Toutefois, comme le P n’interagit avec aucun facteur, il est présumé que les

autres effets significatifs sont vrais pour tous les degrés d’association. L’effet de ce facteur

ne sera donc pas discuté davantage.

Concernant l’effet de la variable d’intérêt de cette étude, la contiguïté temporelle

présente dans les données, on observe une tendance générale des participants à attribuer des

cotes de force causale plus faibles lorsque la durée du délai entre la cause et l’effet

augmente (voir Tableau 2 de l’Annexe 4); cet effet se retrouve principalement

lorsqu’aucune information quant au délai n’est présentée a priori. L’information quant à la

contiguïté temporelle présentée sous forme de tableaux constitue donc une source

d’information qui influence l’évaluation de la force causale d’une relation par les

participants. Tel qu’anticipé dans la première hypothèse, ce résultat confirme l’effet

habituel de la contiguïté temporelle sur l’évaluation d’une force causale déjà constaté dans

les études antérieures ayant opté plutôt pour un format de présentation des données essai

par essai (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989) ou un format similaire

au nôtre (Greville & Buehner, 2007).

Par ailleurs, l’interaction de la Contiguïté temporelle avec le facteur Suggestion

d’un délai nous indique que cet effet n’est pas absolu. Lorsqu’un scénario qui suggère une

attente d'un délai est présenté aux participants, la force causale perçue ne diffère plus selon

le degré de contiguïté temporelle présent dans les ensembles de données. Tel que postulé

Page 61: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

47

dans notre deuxième hypothèse, les informations fournies a priori aux participants ont

réussi à contrecarrer la baisse de force causale perçue normalement constatée lorsque la

durée du délai augmente entre une cause et son effet. Ces résultats reproduisent donc ceux

de la littérature récente ayant déjà constaté ce type d’interaction avec des données essai par

essai (voir Allan et al., 2003; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).

Ils sont particulièrement importants puisqu'il s'agit de la première fois que cet effet de la

suggestion a priori d’un délai est constaté avec des données présentées simultanément.

De plus, ce patron de résultats appuie partiellement notre troisième hypothèse, issue

d'une reformulation des propositions de Buehner et McGregor (2006). Effectivement, on

observe que la force causale perçue pour des données présentant un délai long est plus

élevée lorsqu’un délai est suggéré, comparativement à lorsqu’aucun délai n’est suggéré.

Autrement dit, la force causale perçue pour des données présentant un délai long est plus

élevée lorsque la durée du délai dans les données fournies concorde avec la durée du délai

suggérée a priori. Par ailleurs, bien que non statistiquement significative, on observe une

tendance à la baisse de la force causale attribuée pour des données présentant un délai court

lorsqu’un délai est suggéré, comparativement à lorsqu’aucun délai n’est suggéré.

Autrement dit, la force causale perçue pour des données présentant un délai court tend à

être plus faible lorsque la durée du délai dans les données fournies ne concorde pas avec la

durée du délai suggéré a priori, quoique cette observation ne soit pas appuyée par un test

d’inférence statistique significatif. Bref, ces résultats supportent l’idée d’un traitement

différent des données présentant un délai qui concorde ou non avec la suggestion d’un

délai, tel que proposé dans cette thèse (voir p.19) et déjà constaté dans quelques études qui

ont eu recours à la méthode de présentation des données essai par essai (Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Cela suggère qu’il est

pertinent de pousser plus loin l’investigation concernant l’interaction entre la contiguïté

temporelle et les croyances a priori avec ce format de présentation des données. Toutefois,

la présente expérimentation n’a présenté que des informations suggérant la présence

possible d'un délai. Alors que le présent chapitre nous illustre l'effet de la suggestion ou

non d'un délai sur le jugement des participants, il serait intéressant de dorénavant comparer

l'effet de différente durée de délai suggérée a priori. En effet, en suggérant des délais de

Page 62: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 2

48

différentes durées (délai court ou long), il sera possible de tester toutes les interactions

prévues par le modèle de Buehner et McGregor concernant la durée du délai attendue par

une personne et la durée du délai observée dans les données à évaluer (voir Tableau 1, p,

15). Une telle expérience permettra de vérifier l'exactitude des propositions formulées dans

cette thèse concernant l’effet de la concordance ou non de la durée de ces délais (attendue

et observée) sur la force causale perçue par les participants. Ainsi, nous pourrons vérifier

s'il est vrai que la force causale perçue par une personne est plus élevée lorsque la durée du

délai observée entre deux évènements concorde avec la durée du délai attendue entre ceux-

ci. À cette fin, le but de la deuxième expérimentation est donc de comparer, à l’intérieur

d’un même plan expérimental, toutes les possibilités d’interaction entre la durée du délai

attendue (court ou long) et la durée du délai observée (court ou long) entre deux

évènements.

Enfin, en ce qui a trait à l’efficacité des types d’information transmit, les résultats

révèlent que les trois types d’information utilisés pour véhiculer une attente d’un délai

(formulés en termes de durée du délai, de mécanisme d’action, ou durée du délai et

mécanisme d’action) ont tous eu un impact de même ampleur sur le jugement des

participants. Tous ont donc réussi à contrecarrer la baisse habituellement constatée de la

force causale perçue lorsque le degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet

diminue. Conformément à nos hypothèses, il semble que ces différents types d’information

soient tous efficaces pour induire, chez les participants, l’attente qu’un délai est possible

entre la cause et l’effet. Il s’agit de la première fois que ce résultat est observé, puisque

cette expérience est la première à comparer systématiquement l’impact de ces différents

types d’information sur le raisonnement causal. Par ailleurs, la présente expérience ne

permet pas de comparer l'efficacité de chacun de ces types d'information pour induire chez

les participants l'attente d'un délai d'une durée précise entre les évènements. Puisqu'il s'agit

de la première fois que ces types d'information sont comparés, il sera alors intéressant, dans

le prochain chapitre, d'observer leur influence respective sur la force causale perçue dans de

nouvelles conditions, soit lorsque des délais de différentes durées définies (court ou long)

sont suggérés aux participants. Enfin, puisque le scénario formulé en termes de durée du

délai uniquement a été aussi efficace que les deux autres scénarios qui comportaient des

Page 63: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

49

informations relatives à un mécanisme potentiel, nos résultats ne permettent pas de

confirmer l’hypothèse stipulant que la connaissance explicite d’un mécanisme de

transmission causal liant la cause à l’effet est fondamentale dans la reconnaissance qu’un

délai long est possible entre ceux-ci.

En résumé, trois conclusions en lien avec les objectifs de la thèse peuvent être tirées

des résultats de l’Expérience 1. Premièrement, la baisse de force causale normalement

constatée lorsque la contiguïté temporelle de deux évènements diminue s’observe aussi

lorsque les données à évaluer sont présentées sous forme de tableaux. Deuxièmement, cet

impact de la contiguïté temporelle sur le raisonnement des gens peut être modulé, voire

contrecarré, par la présentation d’information suggérant la présence d’un délai entre la

cause et l’effet. Troisièmement, la présentation de différents types d’information, relatifs à

la durée du délai ou au mécanisme, s’est avérée efficace pour modifier la force causale

attribuée à des ensembles de données présentant des délais courts ou longs. Ce résultat

suggère que ces différents types d’information sont tous aussi efficaces pour suggérer une

attente quant à la plausibilité d’un délai entre la cause et l’effet.

Page 64: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...
Page 65: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

Expérience 2

Page 66: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

52

L’Expérience 1 a permis de confirmer le rôle habituel de la contiguïté temporelle

dans l’évaluation de données présentées simultanément sous forme de tableaux. Surtout,

elle démontre qu’il est possible de moduler cet effet en présentant a priori une information

qui suggère un délai possible entre la cause et l’effet. De plus, il semble que cet effet ne

dépende pas du degré d’association des variables et qu’on peut le retrouver grâce à la

présentation d’information formulée en termes de temps uniquement, de mécanisme

uniquement, ou encore les deux. Ces résultats appuient donc la proposition théorique

formulée dans la présente thèse concernant l’interaction entre les croyances a priori et la

contiguïté temporelle, à savoir que l’information observée qui concorde avec les croyances

a priori d'une personne reçoit un traitement différent, comparativement à l’information qui

ne concorde pas (voir p.19).

Ce deuxième chapitre donnera suite à ces résultats en abordant l'interaction entre la

contiguïté temporelle et les croyances a priori sous un angle nouveau. En effet, à

l'Expérience 1, les attentes des participants ont été manipulées par la suggestion d'un délai

possible entre les évènements. Cette fois-ci, pour l'Expérience 2, les attentes des

participants seront manipulées par la suggestion de différentes durées de délai attendues

entre les évènements. En manipulant la durée du délai suggérée a priori, il devient alors

possible de comparer toutes les situations potentielles prévues par Buehner et McGregor

(2006, voir p.17-18 de ce texte) concernant la durée du délai attendue par les participants et

la durée du délai observée entre la cause et l'effet. Ainsi, cette expérience permettra

d'observer l’effet de la concordance entre la durée du délai attendue et la durée du délai

observée sur la force causale perçue par les participants. Tel que défini lors de

l'introduction (p.19), il est attendu que la force causale perçue par une personne sera plus

élevée lorsque le délai attendu et observé pour une situation concorde, comparativement à

lorsqu'il ne concorde pas.

Une telle prédiction trouve appui dans la littérature, alors que plusieurs chercheurs

affirment que les croyances a priori des gens vont moduler l’effet de la contiguïté

temporelle des données sur leur jugement causal (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & May,

2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986; Hagmayer &

Page 67: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

53

Waldmann, 2002; Perales & Catena, 2006). Malheureusement, à l’exception d’une seule

étude (Allan et al., 2003), les résultats obtenus dans leurs études ne confirment que

partiellement la prédiction décrite ci-dessus et inspirée de Buehner et McGregor (2006).

Comme nous l'avons précédemment invoqué, ces divergences entre les résultats et les

prédictions de la littérature s'expliquent possiblement par la charge cognitive élevée exigée

par les tâches d’évaluation causale utilisées dans ces études; dans un tel contexte,

l’information quant à la contiguïté temporelle peut être moins saillante pour les participants

et son intégration avec leurs croyances a priori plus difficile. De plus, les auteurs

soulignent que les participants ont pu modifier leurs croyances a priori au cours de

l’expérimentation, de façon à ce que leurs attentes ne correspondent plus nécessairement à

ce qui est suggéré dans le scénario présenté au départ.

En conséquence, le but de cette deuxième expérience est de pallier ces limites afin

de répondre à l'un des objectifs principaux de cette thèse, c'est-à-dire évaluer s’il est

possible, dans un contexte optimal, de moduler systématiquement la force causale perçue

par les participants selon que la durée du délai observée dans les données concorde ou non

à la durée du délai attendue selon leurs croyances. L’Expérience 1 comporte déjà des

indices allant dans ce sens, mais seule l’attente d’un délai long possible a été testée. Le

format de présentation des données employé à l’Expérience 1, c'est-à-dire les tableaux

synthèses, sera donc réutilisé pour cette deuxième expérience, car il semble être un format

adéquat pour tester l'impact des facteurs à l'étude ainsi que leurs interactions.

Également, afin de tester toutes les situations d’interaction potentielles entre les

croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données, la présente expérimentation

utilisera dorénavant des scénarios suggérant un délai contigu (court) et non contigu (long)

dans les données à évaluer (voir Annexe 2). Contrairement à l’Expérience 1, dont les

scénarios expérimentaux suggéraient un délai possible entre la cause et l’effet, la

formulation de la suggestion d’un délai dans ces scénarios sera plus précise, afin de définir

davantage les croyances a priori des participants quant à la durée du délai attendue.

Page 68: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

54

De plus, tout comme pour le chapitre précédent, l’impact potentiel des trois types

d’information employés pour induire une attente d'un délai sera étudié (mécanisme

uniquement, durée du délai uniquement, durée du délai et mécanisme). En effet,

l'Expérience 1 a démontré que ces types d'information ont tous un impact équivalent sur le

jugement des gens lorsqu'ils sont employés pour suggérer la présence d'un délai possible

entre les évènements. Cependant, personne n'a jamais comparé l'impact respectif de ces

types d'information lorsqu'ils sont employés pour induire une attente quant à la durée du

délai attendue entre les évènements, tel que nous l'étudierons dans l'Expérience 2. De ce

fait, il n'est pas possible de déterminer s'ils sont tous efficaces pour induire une attente

relative à la durée du délai devant séparer les évènements, ce qui représente une dimension

temporelle que n'était pas présente à l'Expérience 1. Il est donc intéressant de répéter la

comparaison de ces types d'information, afin de voir s'ils auront un impact équivalent sur le

jugement des gens dans ce nouveau contexte.

À l'instar de l'Expérience 1, les trois types d'information, véhiculés par des scénarios

différents, seront présentés à des groupes indépendants de participants, afin que

l’information fournie dans un type de scénario n’influence pas l’interprétation de

l'information quant à la durée du délai suggérée dans un autre scénario; ainsi, chaque

participant est exposé à un seul type d'information. De plus, pour ces nouveaux scénarios

(voir Annexe 2), lorsque la mention de la durée du délai attendue entre la cause et l'effet

s’avère nécessaire (scénarios formulés en termes de durée du délai uniquement et en termes

de durée du délai et mécanisme), cette durée du délai est formulée en suggérant une fenêtre

temporelle précise dans nos tableaux de données, qui s’échelonnent sur 5 jours.

Conséquemment, à partir des résultats du sondage pré-expérimental (qui rapportait un délai

moyen et médian attendu de 3 jours) et des résultats de l’Expérience 1 (qui confirment que

des ensembles de données dont les effets surviennent majoritairement en 3 jours ou plus

sont cotés différemment que des ensembles de données dont les effets surviennent

majoritairement en 3 jours ou moins), nous avons donc opté pour la suggestion d’une

fenêtre temporelle entre 1 et 3 jours pour suggérer un délai court, et entre 3 et 5 jours pour

suggérer un délai long.

Page 69: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

55

Enfin, étant donné l’importance accordée au degré d’association des variables par la

littérature, l’effet potentiel de ce facteur sur le jugement des gens sera encore une fois

évalué, afin de voir si son impact est similaire à celui retrouvé au chapitre précédent.

Bref, cette deuxième expérience permettra de vérifier s’il est possible d’obtenir des

résultats qui confirment systématiquement les prédictions concernant l'influence de la

concordance de la durée du délai attendue et observée entre des évènements sur le jugement

de force causale des gens. Les scénarios présentés a priori fourniront donc des

informations détaillées quant à la durée du délai attendue, afin de suggérer des attentes plus

précises aux participants. Cette expérience se distingue ainsi de l'Expérience 1, qui testait

l'effet de la suggestion d'un délai possible sur le jugement de force causale des gens. Tout

comme pour l'Expérience 1, ces prédictions seront testées en fonction du type d'information

utilisé pour suggérer une attente d'un délai, ainsi qu'en fonction du degré d'association

objectif de la cause et de l'effet (∆P). De plus, le jugement des gens sera obtenu dans les

mêmes conditions que pour la première expérience, c'est-à-dire avec un format de

présentation des données qui tente de limiter le recours à d’autres processus cognitifs, de

favoriser un jugement délibéré et d'être moins exigeant en termes de charge cognitive que

les méthodes généralement employées dans la littérature.

Hypothèses

Dans cette thèse, il est postulé que les croyances a priori des gens vont encadrer

l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle, de façon à ce que

l’information conforme aux croyances contribue à augmenter la force causale perçue,

contrairement à l’information non conforme. D'après cette proposition, des prédictions

spécifiques peuvent être établies concernant l'effet de la concordance de la durée du délai

attendue et observée entre les évènements, tel que nous l'étudions dans le présent chapitre.

Ainsi, la première hypothèse prédit que la cote de force causale attribuée à un ensemble de

données sera plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données à évaluer

concorde avec la durée du délai suggérée dans le scénario a priori (délai court, délai long),

comparativement à lorsque ces délais ne concordent pas. De façon plus précise, lorsque le

scénario suggère un délai long, la cote de force causale attribuée à un ensemble de données

Page 70: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

56

présentant un délai long devrait être plus élevée que celle attribuée à un ensemble de

données présentant un délai court; l’effet inverse est attendu lorsque le scénario suggère un

délai court. Par ailleurs, il est aussi possible d’envisager les différences prévues selon une

autre perspective. Ainsi, il est également anticipé que la cote de force causale attribuée à

un ensemble de données présentant un délai long devrait être plus élevée lorsque le scénario

a priori suggère un délai long que lorsque le scénario suggère un délai court. En corollaire,

la cote de force causale attribuée à un ensemble de données présentant un délai court

devrait être plus élevée lorsque le scénario a priori suggère un délai court que lorsque le

scénario suggère un délai long.

Par ailleurs, en accord avec les nombreuses études qui ont démontré que le

jugement des gens est fortement influencé par le degré d’association des variables, on peut

prédire que la force causale perçue pour un ensemble de données sera sensible au P.

D'ailleurs, cette prédiction s'est avérée exacte dans le chapitre précédent, alors que la force

causale perçue par les participants augmente lorsque le degré d'association augmente.

Ainsi, à l'instar de la première expérience, la deuxième hypothèse postule que la force

causale perçue par les participants sera la plus élevée lorsque le P est fort (.75), suivi du

P faible (.25) puis du P nul (0).

Enfin, s’il est vrai que les attentes des gens concernant le délai devant séparer une

cause et un effet dépendent de leur connaissance d'un mécanisme d’action causal (voir Ahn

& Kalish, 2000; Einhorn & Hogarth, 1986), il est probable que les deux premières

hypothèses ne seraient confirmées qu’avec les cotes des participants ayant obtenu des

informations en termes de Mécanisme d’action uniquement ou de Durée du délai et

Mécanisme. Cependant, en s’appuyant sur les résultats de la littérature et de l’Expérience 1,

il semble que tous ces types d’information peuvent réussir à suggérer efficacement aux

participants une attente quant à un délai entre la cause et l’effet. Bien que l'Expérience 1 ait

démontré l'impact équivalent de ces types d'information pour suggérer un délai possible, il

n'est pas possible de savoir s'ils pourront tous réussir à suggérer efficacement une attente

quant à la durée du délai attendue entre les évènements. La dernière hypothèse suggère

donc que tous les types d’information utilisés dans cette expérience seront efficaces pour

Page 71: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

57

suggérer précisément la durée du délai attendue entre la cause et l’effet; la force causale

perçue par les participants pour des situations équivalentes devrait donc être similaire, peu

importe le type d’information reçu.

Méthode

Participants.

Trente (30) participants par groupe expérimental (3 groupes, selon le type

d’information : Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et

mécanisme) ont été recrutés, soit 90 participants au total (34 hommes : 56 femmes). Les

participants, qui ne devaient pas avoir participé à l'Étude 1, ont été recrutés sur le campus

de l’Université Laval, via des affiches, des annonces effectuées durant des cours

universitaires de premier cycle et des courriels ciblés. L’expérience est d’abord présentée

comme une recherche portant sur le raisonnement adulte.

Matériel.

Le même matériel qu’à l’Expérience 1 est repris. Tout le cahier, incluant les

instructions générales, les noms des insecticides et les tableaux présentant les données pour

chaque matrice, sont exactement les mêmes. Cependant, la section sans attente (contrôle)

du cahier de l’Expérience 1 est dorénavant remplacée par un scénario suggérant un délai

court. De plus, la formulation des scénarios vise désormais à préciser davantage la durée

du délai attendue entre la cause et l’effet, plutôt que de suggérer un délai possible. Chaque

participant est donc exposé à un scénario suggérant un délai court et un scénario suggérant

un délai long entre la cause et l'effet. Enfin, comme pour l'Expérience 1, les participants

sont divisés en trois groupes indépendants, selon le type d'information utilisé pour suggérer

la durée du délai attendue entre la cause et l'effet. Ainsi, chaque participant doit compléter

les deux sections relatives à la durée du délai suggérée (court et long) en étant exposé à un

seul type d'information pour suggérer ce délai (Durée du délai, Mécanisme, ou Durée du

délai + Mécanisme). Les nouveaux scénarios sont présentés à l’Annexe 2. Pour chaque

groupe expérimental, la présentation des sections suggérant un délai court ou long est

Page 72: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

58

contrebalancée entre les participant. L'ordre de présentation des matrices est aussi

contrebalancé de la même façon que pour l'Expérience 1.

Procédure.

La même procédure que pour l’Expérience 1 est reprise. Les participants sont

rencontrés dans les mêmes conditions et ils remplissent le questionnaire de la même façon.

Seule l'information contenue dans les scénarios a priori est différente.

Analyses et Résultats de l’Expérience 2

Les analyses pour cette expérience visent à évaluer si les ensembles de données

présentant un délai conforme à la suggestion d'un délai temporel se verront attribuer des

cotes de force causale plus élevées, comparativement à des ensembles de données

présentant un délai non conforme. De plus, l’impact potentiel du degré d’association des

variables et du type d’information utilisé pour suggérer une attente d'un délai est évalué.

Une ANOVA est donc effectuée à partir des cotes fournies par les participants pour chaque

ensemble de données, soit 18 cotes au total12

. L’ANOVA mixte est effectuée avec les

facteurs intra-sujets Durée du délai suggérée (2 niveaux; suggestion d’un délai court,

suggestion d’un délai long), Contiguïté temporelle (3 niveaux; délai court, aléatoire, long)

et Degré d’association (3 niveaux; P = 0, .25, .75). De plus, le Type d’information reçu a

priori (3 niveaux; Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et

Mécanisme) est utilisé comme facteur inter-sujets, divisant les participants en trois groupes

de 30 participants. La correction de Greenhouse-Geisser est appliquée lorsque le postulat

d’homogénéité n’est pas respecté13

et la correction de Bonferroni est appliquée pour les

comparaisons a posteriori. Tout comme pour l’Expérience 1, étant donné le nombre élevé

d’ANOVAs qui doivent être effectuées pour analyser l’ensemble des effets principaux et

d’interaction, un seuil alpha conservateur de .01 est retenu pour toutes les ANOVAS.

12

Toutes les réponses des participants ont été enregistrées deux fois et comparées par le présent auteur. 13

Par souci de simplicité, les degrés de liberté et les carrés moyens non corrigés sont présentés lorsque cela

s’applique.

Page 73: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

59

L’ensemble des résultats de cette ANOVA est rapporté au Tableau 1 de l’Annexe

514

. Sur le plan des facteurs intra-sujets, on retrouve des effets significatifs principaux du

Degré d’association (p < .01) et de la Contiguïté temporelle (p < .01). On retrouve aussi

des interactions significatives Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle (p < .01),

ainsi que Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle X Degré d’association (p <

.01). Sur le plan des différences entre les groupes de participants, on ne note aucun effet

significatif principal du Type d’information (p > .01), ainsi qu’une interaction significative

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle X Type d’information (p < .01). Les

moyennes de chaque niveau des facteurs principaux sont rapportées au Tableau 2 de

l’Annexe 5.

1. Effet de la Contiguïté temporelle et ses interactions.

Les moyennes de chaque niveau de l’interaction significative Durée du délai

suggérée X Contiguïté temporelle sont rapportées au Tableau 3 de l’Annexe 5 et sont

illustrées à la Figure 7 ci-dessous. Toutefois, l’effet de la Contiguïté temporelle doit être

considéré dans son interaction triple avec la Durée du délai suggérée et le Degré

d’association, ainsi que dans son interaction triple avec la Durée du délai suggérée et le

Type d’information.

1.1 Interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Degré

d’association. L’interaction Contiguïté temporelle X Durée du délai suggérée ne

s’exprime pas de la même façon pour tous les degrés d’association, bien que les ANOVAS

menées avec les deux premiers facteurs soient significatives pour chaque degré

d’association (P = 0 : F(2, 178) = 20,452, p < .001; P = .25 : F (2, 178) = 35,640, p <

.001; P = .75 : F (2, 178) = 36,342, p < .001). Afin de vérifier où se situent les

différences, deux ANOVAs simples à mesures répétées menées sur le facteur Contiguïté

temporelle selon la Durée du délai suggérée (lorsqu’un délai court est suggéré et lorsqu’un

délai long est suggéré) ont été effectuées pour chaque degré d’association (P = 0, P =

.25, P = .75), donc six ANOVAs en tout. Les moyennes de chaque niveau de l’interaction

14

Lorsque l’Ordre de présentation des scénarios est inclus comme facteur inter-sujets dans cette ANOVA, ce

facteur ne montre pas d’effet principal significatif et il n’interagit pas avec le Type d’information.

Page 74: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

60

significative Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Degré d’association

sont rapportées au Tableau 4 de l’Annexe 5 et illustrées à la Figure 8 ci-dessous.

Figure 7. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes

fournies à l’Expérience 2 (les barres d’erreurs représentent l’intervalle de

confiance = 95%).

Pour le P = 0, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un

délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 27,378, p < .001, et les comparaisons a

posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté

temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, la force causale la plus

élevée se retrouve lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.

L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré n’est pas significative au seuil alpha retenu15

,

F(2, 178) = 4,131, p > .01; lorsqu’un délai long est suggéré, les cotes sont équivalentes

lorsque le délai est court, aléatoire ou long (voir Tableau 4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-

dessous).

15

L’ANOVA est significative à un seuil alpha de .05.

0

2

4

6

8

10

Délai court Délai aléatoire Délai long

Forc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans les données

Suggestion d'un délai court

Suggestion d'un délai long

Page 75: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

61

A.

B. C.

Figure 8. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré

d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. Le panneau

A représente les moyennes pour le P = 0, le panneau B celles pour le P = .25

et le panneau C celles pour le P =.75. Les barres d’erreurs représentent

l’intervalle de confiance = 95%.

Pour le P = .25, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un

délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 49,204, p < .001, et les comparaisons

a posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur

Contiguïté temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les

plus élevées lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.

L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré est également significative, F(2, 178) = 7,307,

p < .01, alors que les comparaisons a posteriori indiquent que le délai court est

-4

-2

0

2

4

6

8

10

Court Aléatoire LongF

orc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans les données

Suggestion d'un délai court

Suggestion d'un délai long

0

2

4

6

8

10

Court Aléatoire Long

Forc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans

les données

0

2

4

6

8

10

Court Aléatoire LongF

orc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans les

données

Page 76: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

62

significativement différent du délai aléatoire et du délai long (ps < .05). Lorsqu’un délai

long est suggéré, les cotes sont plus faibles lorsque le délai est court que lorsqu’il est long

ou aléatoire, alors qu’elles sont équivalentes lorsque le délai est aléatoire ou long (Tableau

4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-dessus).

Pour le P = .75, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un

délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 44,622, p < .001), et les comparaisons a

posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté

temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont toujours les

plus élevées lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.

L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré est aussi significative, F(2, 178) = 6,751, p <

.01, alors que les comparaisons a posteriori indiquent que le délai court est

significativement différent du délai aléatoire et du délai long (ps < .05). Lorsqu’un délai

long est suggéré, les cotes sont plus faibles lorsque le délai est court que lorsqu’il est long

ou aléatoire, alors qu’elles sont équivalentes lorsque le délai est aléatoire ou long (Tableau

4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-dessus).

1.2 Interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Type

d’information. Les ANOVAs menées avec les facteurs Contiguïté temporelle et Durée du

délai suggérée indiquent une interaction significative entre ces facteurs pour les

participants ayant reçu les types d’information Durée du délai uniquement (F(2, 58) =

15,878, p < .001) ainsi que Durée du délai et Mécanisme (F(2, 58) = 40,051, p < .001),

alors qu’elle est non significative pour les participants ayant reçu le type d’information

Mécanisme uniquement (F(2, 58) = 0,826, p > .01). Afin de vérifier comment l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle s’exprime pour les Types d’information

qui ont montré une interaction significative, les mêmes analyses que la section précédente

ont été effectuées, mais cette fois, en fonction du type d’information présenté a priori16

.

16

Malgré que l’ANOVA pour le type d’information Mécanisme uniquement n’ait pas montré d’interaction

significative (F(2, 58) = 0,826, p > .01), on note tout de même des différences entre les niveaux du facteur

Contiguïté temporelle selon la Durée du délai suggérée. Ainsi, l’ANOVA à mesures répétées menée sur

le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est significative, F(2, 58) = 8,406, p <

.01, et les comparaisons a posteriori indiquent que les cotes fournies sont significativement plus faibles

lorsque le délai dans les données est long que lorsque le délai est aléatoire ou court, ps < .05, alors que les

Page 77: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

63

Les moyennes de chaque niveau de l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté

temporelle selon le Type d’information sont rapportées au Tableau 5 de l’Annexe 5 et à la

Figure 9 ci-dessous.

Pour le type d’information Durée du délai et Mécanisme, l’ANOVA à mesures

répétées menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est

significative, F(2, 58) = 34,543, p < .001, et les comparaisons a posteriori indiquent des

différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté temporelle (ps < .01).

Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est

court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai

long est plutôt suggéré est significative F(2, 58) = 17,069, p < .001, et les comparaisons a

posteriori indiquent aussi des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur

Contiguïté temporelle (ps < .01). Contrairement à l’ANOVA précédente, lorsqu’un délai

long est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est long, suivi du délai

aléatoire, puis du délai court (voir Tableau 5 de l’Annexe 5 et Figure 9 ci-dessous).

Pour le type d’information Durée du délai uniquement, l’ANOVA à mesures

répétées menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est

significative, F(2, 58) = 22,988, p < .001, et les comparaisons a posteriori indiquent des

différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté temporelle (ps < .01).

Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est

court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai

long est plutôt suggéré n’est pas significative au seuil alpha retenu, F(2, 58) = 4,393, p >

.01. Malgré l’absence de différence significative entre le délai long avec le délai aléatoire

(p = 1.00) et court (p = .13), on note que les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est

long, suivi du délai aléatoire, puis du délai court (voir Tableau 5 de l’Annexe 5 et Figure 9

ci-dessous).

cotes sont équivalentes entre le délai aléatoire et le délai court. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai

long est suggéré n’est pas significative, F(2, 58) = 2,378, p > .01. Il n’y a aucune différence significative

entre les niveaux du facteur Contiguïté temporelle, mais on note que les cotes sont les plus élevées lorsque

le délai est court (M = 4,28), suivi du délai aléatoire (M = 4,08), puis du délai long (M = 3,16) (Tableau 5

de l’Annexe 5 et Figure 9 ci-dessous).

Page 78: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

64

A.

B. C.

Figure 9. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type

d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. Le panneau

A représente les moyennes pour le scénario Mécanisme uniquement, le panneau

B celles pour le scénario Temps uniquement, et le panneau C celles pour le

scénario Temps et Mécanisme. Les barres d’erreurs représentent l’intervalle de

confiance = 95%.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

Court Aléatoire Long

Forc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans les données

Suggestion d'un délai court

Suggestion d'un délai long

0

1

2

3

4

5

67

8

9

10

Forc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans

les données

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10F

orc

e ca

usa

le p

erçu

e

Contiguïté temporelle dans

les données

Page 79: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

65

2. Effet principal du Degré d’association

Les comparaisons a posteriori pour le facteur Degré d’association indiquent des

différences significatives entre toutes les paires de niveaux (ps < .001), les cotes des gens

étant globalement plus élevées respectivement lorsque le P est de .75 (M = 7,05), suivi du

P de .25 (M = 3,39) et du P de 0 (M = -0,41).

Enfin, tout comme pour l'Expérience 1, on note aussi que 90% des participants ont

fourni des commentaires écrits, soit à la suite de leur évaluation d'un ensemble de données,

soit à la fin du questionnaire (voir Annexe 6 pour des exemples de commentaires qualitatifs

des participants). Encore une fois, ces commentaires apportent des indices supplémentaires

concernant les processus et les croyances qui ont guidé le raisonnement des participants au

cours de la tâche. Les implications de ces commentaires seront abordées dans la

Discussion générale.

Discussion des résultats de l’Expérience 2

L’objectif de l’Expérience 2 est d'examiner l’effet de la concordance entre la durée

du délai attendue et la durée du délai observée entre une cause et un effet sur la force

causale perçue par les participants. Pour ce faire, toutes les situations d'interaction

potentielles entre la durée du délai attendue et la durée du délai observée ont été comparées,

dans le but de tester la proposition théorique voulant que la force causale attribuée à une

relation dépende de la concordance ou non de la durée du délai observée entre les

évènements avec la durée du délai attendue entre ceux-ci. Cet objectif est également étudié

en fonction de l’effet potentiel du degré d’association des variables ainsi que du type

d’information présenté a priori pour suggérer une attente quant à la durée du délai.

L’hypothèse principale prédit que la cote de force causale attribuée à un ensemble de

données sera plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données à évaluer

concorde avec la durée du délai suggérée dans le scénario a priori, comparativement aux

situations où ces durées ne concordent pas. Alors que les résultats obtenus dans la présente

expérience confirment majoritairement cette hypothèse, d’autres viennent nuancer

l’interprétation que l’on peut en faire.

Page 80: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

66

En effet, l’analyse principale de cette expérimentation indique bel et bien une

interaction entre la durée du délai suggérée et la contiguïté temporelle présente dans les

données, dans laquelle la cote de force causale fournie par les participants est

systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données est

conforme à celle suggérée dans le scénario présenté a priori (voir Tableau 3 de l’Annexe 5

et Figure 7 du texte). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes fournies pour des

ensembles de données présentant un délai court sont plus élevées que celles fournies pour

des ensembles équivalents, mais présentant un délai long; le phénomène inverse est observé

lorsqu’un délai long est suggéré. Par ailleurs, les ensembles de données présentant un délai

court entre la cause et l’effet obtiennent des cotes de forces causales plus élevées lorsqu’un

délai court est suggéré a priori, comparativement à lorsqu’un délai long est suggéré; l’effet

inverse est observé pour les ensembles de données présentant un délai long. Cette

expérience démontre donc que la force causale perçue par les participants peut être

systématiquement modulée selon la concordance de la durée du délai observée dans les

données et de la durée du délai suggérée a priori. À la connaissance du présent auteur, il

n’y a que l’étude d’Allan et al. (2003) qui a obtenu de tels résultats significatifs entre toutes

les situations d'interaction testées, alors que les autres études ne démontrent qu’une

confirmation partielle de cette hypothèse (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville &

Buehner, 2007; Shanks & Dickinson, 1987, voir p.19-21 de ce document). Il s’agit donc de

la première fois qu’une étude présentant les données sous forme de tableaux démontre un

effet d’interaction systématique entre la suggestion a priori d'un délai et la contiguïté

temporelle des données dans le processus d’évaluation de la force causale d’une relation.

Par ailleurs, cet effet de modulation semble dépendre de certains paramètres,

notamment le degré d’association (P) entre la cause et l’effet, ainsi que le type

d’information présenté a priori pour suggérer un délai. En effet, l’interaction entre la

Contiguïté temporelle et la Durée du délai suggérée selon le Degré d’association nous

indique qu'en présence d'un degré d’association différent de 0 (P = .25 ou P =.75), les

cotes sont systématiquement plus élevées lorsque la durée du délai observée dans les

données (court ou long) concorde avec la durée du délai suggérée a priori (court ou long),

comparativement aux situations où ces délais ne concordent pas. Toutefois, lorsque le P

Page 81: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

67

est nul (P = 0), on retrouve un effet de la concordance des délais attendus et observés

uniquement lorsqu'un délai court est suggéré a priori; on ne retrouve pas cette différence

lorsqu’un délai long est suggéré. Il semble donc que la capacité de moduler le

raisonnement des gens par la suggestion a priori d’un délai long soit plus sensible que pour

la suggestion d’un délai court, car il faut un degré d’association minimal pour que cet effet

s’exprime. D'après une revue de la littérature, il semble qu'aucune étude ne se soit

spécifiquement attardée à l’effet de modulation du degré d’association sur l’interaction

entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle d'une cause et d'un effet. Cela

soulève néanmoins l'hypothèse d’un lien théorique entre ces facteurs, hypothèse qui peut

être analysée en fonction du modèle de Perales et Catena (2006),qui sera abordé plus loin

dans ce texte (voir Discussion générale). Également, les résultats obtenus lorsque le degré

d’association est nul sont intéressants. En effet, en l’absence d’association objective entre

les variables, les participants ont perçu que les ensembles de données présentant un délai

court démontraient une force causale générative plus élevée, alors que les ensembles de

données présentant un délai long démontraient une force causale préventive plus élevée. À

l’instar de l’étude de Greville et Buehner (2007), qui employait un format de présentation

des données similaire, les participants de la présente expérience ont donc utilisé la

contiguïté temporelle présente dans les données comme un indice de la nature de la

relation, qu'elle soit de nature générative ou préventive. Les implications théoriques de ces

résultats pourront également être discutées dans la Discussion générale.

De plus, tous les types d’informations n’ont pas entraîné le même effet de

modulation des cotes de force causale selon la concordance de la durée du délai observée

dans les données et de la durée du délai suggérée a priori. D’une part, l’interaction entre la

Contiguïté temporelle et la Durée du délai suggérée selon le Type d’information indique

que, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes de force causale sont toujours plus élevées

pour des ensembles de données présentant un délai court plutôt qu’un délai long, et ce, peu

importe le type d’information. Cet effet est semblable à celui habituellement retrouvé dans

de nombreuses études qui ne suggèrent rien à leurs participants ou qui emploient des

formulations variées afin de leur suggérer a priori un délai court (Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989; Expérience 1 de cette thèse).

Page 82: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 3

68

Cependant, lorsqu’un délai long est suggéré, les cotes de force causale sont plus élevées

lorsque les ensembles de données présentent un délai long, comparativement à un délai

court, seulement si le type d’information est formulé en termes de Durée du délai et

Mécanisme. Bien qu’on observe une tendance similaire lorsque le type d’information est

formulé en termes de Durée du délai uniquement, cette différence n’est pas statistiquement

significative entre le délai court et le délai long. Également, lorsque le type d’information

est formulé en termes de Mécanisme uniquement, les cotes de force causale sont toutes

statistiquement équivalentes, bien que l’on observe une diminution des cotes fournies

lorsque le délai est long, comparativement à lorsqu’il est court. En somme, seule la

suggestion d’un délai formulée en termes de Durée du délai et Mécanisme a incité les

participants à fournir des cotes de force causale tel que prévu par nos hypothèses, c'est-à-

dire que les cotes sont systématiquement plus élevées lorsque la durée du délai observée

dans les données concorde avec la durée du délai suggérée a priori, comparativement aux

situations où ces durées de délai ne concordent pas. À la connaissance du présent auteur, il

n’existe qu’une seule étude à ce jour qui ait obtenu des résultats aussi systématiques : celle-

ci mentionnait également a priori le mécanisme et la durée du délai attendue entre la cause

et l’effet afin de suggérer une attente aux participants (Allan et al., 2003). Concernant la

suggestion d’un délai en termes de Durée du délai uniquement, on retrouve un effet

semblable, mais qui n’est pas complètement confirmé par des analyses inférentielles

significatives, tel qu’on le retrouve également dans plusieurs études (Buehner & May,

2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Enfin, lorsqu’il s’agit de suggérer un

délai formulé en termes de Mécanisme uniquement, on observe que les cotes de force

causale tendent à diminuer lorsque le délai est long dans les données, mais que la

suggestion d’un délai long permet de contrecarrer cette baisse de force causale. Cette

dernière observation est conforme aux résultats obtenus à l’Expérience 1, ainsi qu'à ceux de

la littérature récente ayant déjà constaté ce type d’interaction avec des données essai par

essai (Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).

Contrairement à ce qui était anticipé dans nos hypothèses, les différences observées

entre les types d’information utilisés dans cette expérience indiquent qu’ils ne sont

probablement pas tous aussi efficaces pour suggérer précisément la durée du délai attendue

Page 83: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

69

entre la cause et l’effet. Ce constat est particulièrement intéressant, puisqu’il s’agit de la

première fois que différents types d’information sont comparés à l’intérieur d’une même

étude. Les résultats obtenus ici démontrent pourtant que ce facteur influence la force

causale perçue pour une relation et devrait donc être pris en compte dans les études sur le

sujet. Les implications théoriques et les pistes d’explication concernant les différences

observées entre les types d'information seront discutées davantage dans la section suivante

(Discussion générale).

Également, ces résultats indiquent qu’une simple mention de la durée du délai

attendue entre la cause et l’effet a suffi pour influencer l’évaluation de la force causale

fournie par les participants : un résultat similaire avait été obtenu par Hagmayer et

Waldmann (2002), mais il ne leur était pas possible de vérifier si la cote fournie par les

participants dépendait systématiquement de la concordance de la durée du délai présente

dans les données avec la durée du délai suggérée au départ. Il n’est donc pas possible de

confirmer l’hypothèse voulant que la connaissance explicite d’un mécanisme de

transmission causal, qui relie la cause à l’effet, soit fondamentale dans la reconnaissance

qu’un délai long peut séparer une cause et un effet, tel que proposé par certains auteurs

(voir Ahn & Kalish, 2000; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986).

Enfin, tout comme pour l’Expérience 1, le degré d’association objectif (P) entre

les variables constitue le facteur qui influence le plus l’évaluation de la force causale des

gens : tel que prévu par nos hypothèses, plus l’effet covarie avec la cause, plus les gens

attribuent une force causale élevée à cette cause. Cette deuxième expérimentation soutient

donc également les nombreux travaux ayant démontré l’importance de ce facteur dans le

raisonnement causal, en interaction ou non avec les croyances a priori (Allan & Jenkins,

1983; Buehner, 2005; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006, 2009;

Cheng, 1997; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2001; Fugelsang et al., 2006;

Greville & Buehner, 2007; Jenkins & Ward, 1965; Kao & Wasserman, 1993; Katagiri et

al., 2007; Wasserman et al., 1990; Wasserman et al., 1993; White, 2008).

Page 84: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...
Page 85: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

Discussion générale

Page 86: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

72

D'après la littérature, les modèles du raisonnement causal les plus récents tentent

d'expliquer comment les croyances a priori des gens sont intégrées avec les données

observées afin de déterminer la structure et la force causale d'une relation (Griffiths &

Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011; Lu, Yuille, Liljeholm, Cheng, & Holyoak,

2008). Ces modèles définissent les aspects des connaissances a priori qui encadrent la

formation de représentations mentales (modèles mentaux) des relations causales entre des

variables. De plus, grâce à une formule mathématique, ils spécifient de quelle façon la

probabilité d'un lien causal entre les variables se détermine et se modifie au fil de

l'observation de nouvelles données, permettant ainsi de quantifier la force causale perçue

par une personne. Cependant, bien que ces modèles permettent des prédictions qui reflètent

assez bien les réponses des participants à des tâches d'évaluation de la force causale, ils ne

permettent pas d'expliquer le rôle que pourraient jouer certains facteurs dans le processus

du raisonnement causal. En effet, en offrant des prédictions centrées sur le rôle des

connaissances a priori et sur le rôle du degré d'association, ces modèles computationnels

négligent le rôle des autres sources d'information contenues dans les données observées,

telles que la contiguïté spatiale et la contiguïté temporelle de la cause et l'effet. De tous les

modèles recensés dans la littérature, il semble qu'un seul permette d'inclure l'ensemble des

facteurs (voir Lagnado et al., 2007, pour une revue des indices de causalité) qui peuvent

influencer le raisonnement causal, soit le modèle de Perales et Catena (2006). Bien que

certaines parties de ce modèle doivent encore être développées, il permet de placer les

grands champs de recherche de ce domaine les uns par rapport aux autres. Ce modèle

graphique et hiérarchique est compatible avec les propositions des autres modèles récents

de la littérature et il permet d'y ajouter le rôle des facteurs qui n'y sont pas encore présents;

cet aspect est discuté de façon plus détaillée ci-dessous.

L’objectif de cette thèse est donc d’explorer un aspect peu développé des modèles

du raisonnement causal proposés par la littérature, à savoir comment s’exprime l’interaction

entre les croyances a priori des gens et la contiguïté temporelle présente dans les données.

Cette interaction est étudiée dans le cadre d’une tâche d’évaluation de la force causale

d’une relation qui, par rapport à celles des autres études de la littérature, tente notamment

de minimiser les biais relatifs à d’autres processus cognitifs et de réduire la charge

Page 87: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

73

cognitive exigée pour effectuer la tâche. La présente thèse vise aussi à identifier quels

types d’information, véhiculant des croyances a priori, sont susceptibles de moduler

l’impact du degré de contiguïté temporelle d’une cause et d’un effet sur l’évaluation de la

force causale d’une relation. Les résultats obtenus dans la présente étude seront mis en lien

avec les propositions théoriques récentes de la littérature, et plus spécifiquement avec le

modèle théorique offert par Perales et Catena (2006). Pour atteindre ces objectifs, des

prédictions précises quant aux cotes de force causale attendues dans des situations variées

ont été émises à l’aide d’une reformulation en termes probabilistes des propositions de la

littérature (voir p.19).

L’Expérience 1 a démontré que les gens sont sensibles à l’information quant à la

contiguïté temporelle lorsque les données sont présentées sous forme de tableaux, un

résultat observé une seule fois à ce jour (Greville & Buehner, 2007). Surtout, elle illustre

qu’il est possible de contrecarrer la baisse de force causale habituellement constatée lorsque

la durée du délai entre la cause et l’effet augmente, en présentant a priori des informations

suggérant la présence d’un tel délai : il s’agit de la première fois qu’une telle interaction est

observée avec une présentation simultanée des données. Enfin, elle établit que différents

types d’information, relatifs au mécanisme, à la durée du délai, ou les deux, peuvent être

efficaces pour induire chez les participants l’attente qu’un délai est possible entre la cause

et l’effet, et ainsi moduler leur évaluation d’une force causale.

Pour faire suite à l’Expérience 1, laquelle évalue l’impact de la suggestion d’un

délai possible entre la cause et l’effet, l’Expérience 2 vise à évaluer l'effet de la

concordance de la durée du délai attendue avec la durée du délai observée entre des

évènements. Les réponses des participants sont donc comparées pour toutes les situations

d'interaction potentielles entre la durée du délai attendue a priori (long ou court) et la durée

du délai présente entre la cause et l’effet dans les données à évaluer (long ou court), et ce, à

l’intérieur d’un même plan expérimental. Cette expérience démontre que les ensembles de

données dont la durée du délai dans les données concorde avec la durée du délai suggérée a

priori se voient attribuer des cotes de force causale plus élevées, comparativement à des

ensembles de données qui ne concordent pas : cette interaction est elle aussi observée ici

Page 88: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

74

pour la première fois avec une présentation simultanée des données à évaluer. De plus, elle

montre que cette interaction dépend du type d’information utilisé pour suggérer la durée du

délai et qu’elle est sensible au degré d’association objectif de la cause et l’effet (P).

Notamment, la présentation d’informations combinées (Durée du délai et Mécanisme) ou

relatives au temps (Durée du délai uniquement) entraîne une modulation plus catégorique

de la force causale perçue selon que la durée du délai présente dans les données concorde

ou non avec la durée du délai suggérée, comparativement à la présentation d’information

relative au mécanisme uniquement.

Les résultats obtenus dans la présente thèse peuvent être utilisés pour préciser le rôle

que peut jouer l'indice de la contiguïté temporelle à différents niveaux du modèle de Perales

et Catena (2006). Ainsi, la contiguïté temporelle peut (a) avoir un effet direct sur la force

causale perçue, (b) pondérer la force causale perçue selon la concordance de cet indice avec

les croyances a priori, ainsi que (c) influencer le processus de représentation et de sélection

des données retenues pour le calcul du degré d'association entre les variables observées.

Enfin, les résultats obtenus permettent de préciser le rôle du type d'information employé

pour manipuler les croyances a priori des gens.

Un premier effet : l'effet direct de la contiguïté temporelle

L’ensemble des résultats de ces deux expériences permet de conclure que

l’information concernant la contiguïté temporelle de la cause et l’effet, présentée dans des

tableaux, peut influencer à elle seule la force causale perçue par les participants. Entre

autres, on note un effet principal de la contiguïté temporelle dans les deux expérimentations

effectuées dans cette étude. Cet effet, similaire à celui retrouvé dans plusieurs études

(Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Michotte, 1954; Shanks et

al., 1989), illustre la tendance des gens à évaluer plus positivement des ensembles de

données présentant un délai court entre la cause potentielle et l'effet observé,

comparativement à des données présentant un délai long. On observe aussi qu e la force

causale perçue est systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai dans les données

concorde avec la suggestion d'un délai court entre les évènements, alors qu'on ne retrouve

pas toujours cet effet lorsque la durée du délai dans les données concorde avec la

Page 89: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

75

suggestion d'un délai long (voir section 1.1 et 1.2 des résultats de l'Expérience 2).

Néanmoins, cette tendance n’a rien d’étonnant, considérant que les connaissances causales

les plus familières des gens concernent probablement les relations causales physiques, dans

lesquelles la force physique d’un objet tend à diminuer dans le temps et l’espace17

(Einhorn

& Hogarth, 1986; Faro, McGill, & Hastie, 2010). Il semble donc naturel que la force

causale perçue diminue lorsque la durée du délai entre les évènements augmente.

Par ailleurs, malgré l'effet significatif de la contiguïté temporelle et son impact

indéniable sur le jugement des gens, on peut se questionner sur la taille de cet effet,

notamment lorsque l'on compare la taille d'effet de la contiguïté temporelle (Expérience 1:

ηp2

= .122, Expérience 2: ηp2

= .102) avec celle du degré d'association (Expérience 1: ηp2

=

.899, Expérience 2: ηp2

= .888). D'une part, le degré d'association entre les variables est

reconnu dans la littérature pour être l'indice qui a le plus d'impact sur le raisonnement

causal des gens (voir p.4 de ce texte). Il n'est donc pas étonnant que ce facteur explique

davantage la variance observée dans les réponses des participants de cette étude. D'autre

part, les balises fournies par Cohen (1988) nous indiquent qu'une taille d'effet de .06 est

moyenne, alors qu'une taille d'effet de .14 est grande : les tailles d'effet observées pour la

contiguïté temporelle dans cette étude se rapprocheraient donc d'une grande taille d'effet.

Toutefois, lorsque cela est possible, il est préférable de juger d'une taille d'effet en la

comparant avec celles habituellement observées dans les autres études. Malheureusement,

de toutes les études recensées dans cette thèse qui s’intéressent à l’impact du degré de

contiguïté temporelle sur l’évaluation de la force causale (Allan et al., 2003; Buehner &

May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Greville & Buehner, 2007; Shanks,

Pearson & Dickinson, 1989), seulement deux rapportent la taille d'effet de ce facteur ou

fournissent les informations nécessaires pour la calculer.

Ainsi, le calcul de la taille d'effet associée au facteur contiguïté temporelle dans

l’étude de Buehner et McGregor (2006) donne une valeur de ηp2

égale à .48 pour

l’expérience 1, et égale à .27 pour l’expérience 2. Quant à l’étude de Greville et Buehner

17

Par exemple, la vitesse d’un objet diminue avec la friction, les ondes sonores et lumineuses se dissipent

dans l’espace.

Page 90: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

76

(2007), elle rapporte un ηp2

de .50 pour l’expérience 1, et de .67 pour l’expérience 2. On

remarque donc que la taille d’effet de la contiguïté temporelle est plus petite dans la

présente thèse, comparativement à ces études. Toutefois, on note aussi que Greville et

Buehner (2007) n'étudient pas l'interaction entre la contiguïté temporelle et les croyances a

priori, car ces auteurs ne font aucune suggestion a priori à leurs participants. On peut donc

se demander si l'interaction entre ces facteurs modifie leur impact respectif sur la force

causale perçue par les participants.

En effet, dans la présente thèse, le calcul de ηp2

lorsqu’aucun délai n’est suggéré a

priori (expérience 1, ηp2 = .23) ou lorsqu’un délai court est suggéré (expérience 2, ηp

2 = .40)

se rapproche des ηp2 que l’on retrouve dans la littérature (Buehner & McGregor, 2006;

Greville & Buehner, 2007). À l'inverse, on obtiendra de très petites tailles d’effet lors du

calcul de ηp2 lorsque la présence d’un délai est suggérée (expérience 1, ηp

2 = .01) ou

lorsqu’un délai long est suggéré (expérience 2, ηp2 = .08). Toutefois, ces petites tailles

d'effet s’accompagnent aussi d’une plus grande taille d’effet de l’interaction entre la

contiguïté temporelle et la suggestion d’un délai (expérience 1, ηp2 = .15, expérience 2, ηp

2

= .37). Ainsi, il semble que l'ampleur de l'influence de la contiguïté temporelle sur la force

causale perçue par les gens doive être interprétée en fonction de l'interaction de ce facteur

avec les croyances a priori. D'une part, l'influence directe de la contiguïté temporelle sur le

jugement des gens est importante lorsqu'aucun délai ou qu'un délai court est suggéré.

D'autre part, les gens sont très peu influencés directement par ce facteur lorsque la présence

d'un délai ou qu'un délai long est suggéré. Toutefois, l'influence de ce facteur sur le

jugement des gens s'exprime également dans son interaction avec les croyances a priori. La

présente thèse souligne ainsi que l'importance de la contiguïté temporelle dans le

raisonnement causal ne peut se résumer à la taille d'effet de ce facteur uniquement, mais

doit être considérée dans son interaction avec les croyances a priori. L'interaction entre ces

facteurs sera d'ailleurs abordée davantage un peu plus loin (Un deuxième effet : interaction

de la contiguïté temporelle et des croyances a priori).

Page 91: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

77

L'architecture cognitive de Perales et Catena et la contiguïté temporelle.

Les résultats obtenus permettent donc une mise à jour d’une première partie de

l’architecture cognitive de Perales et Catena (2006) présentée à l’introduction. En effet, ce

modèle considère que la contiguïté temporelle est notamment un indice de structure

causale, donc qu’elle indique la présence et la direction d’une relation causale (lien direct

entre la contiguïté temporelle et la boîte supérieure du modèle, Figure 10 ci-dessous).

D'une part, les résultats identifiés au paragraphe précédent suggèrent que cet indice peut

effectivement jouer ce rôle. Ainsi, à l’instar de Buehner et ses collaborateurs (Buehner &

May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006), on peut présumer que la tendance

habituelle des gens à percevoir des liens causaux plus forts en présence d’un délai court

entre la cause et l’effet confirme qu’une forte contiguïté temporelle est un indicateur simple

et rapide de la présence d’une relation causale.

D'autre part, cette conclusion est aussi appuyée par les commentaires qualitatifs des

participants de cette étude, ainsi que par leurs résultats offerts pour différentes situations

impliquant un P nul. En effet, la contiguïté temporelle observée dans les données était

souvent interprétée afin de déterminer la nature de la relation causale, et ce, même en

présence d'un degré d'association nul entre les évènements. Par exemple, les participants

pouvaient indiquer qu’une forte contiguïté temporelle implique que l’insecticide accélère le

changement de couleur des feuilles de palmiers (force causale positive, effet génératif),

alors qu’une faible contiguïté temporelle implique que l’insecticide ralentit le changement

(force causale négative, effet préventif) (voir Annexe 6 pour plusieurs exemples de

commentaires qualitatifs offerts par les participants). Cette thèse entérine donc les propos

de Perales et Catena (2006), qui proposent que la contiguïté temporelle peut être un indice

heuristique puissant qui permet de décider s'il y a présence d'un lien causal valide entre des

variables.

Toutefois, comme nous l’avons déjà vu à l’introduction, cette interprétation des

cotes fournies par les participants pose problème, car elle implique que les cotes de force

causale fournies dans un contexte probabiliste soient interprétées par rapport à la présence

d’un lien causal déterministe. En conséquence, le présent auteur propose d’accommoder le

Page 92: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

78

modèle de Perales et Catena (2006) afin de redéfinir le rôle de la contiguïté temporelle de la

cause et l’effet. À la lumière des résultats obtenus dans cette thèse, il est postulé que, en

plus du rôle d’indice de structure causale, cet indice peut aussi influencer directement

l’évaluation de la force causale d’un lien de causalité. Autrement dit, en termes de

causalité probabiliste, les gens auraient une tendance naturelle à considérer qu’une forte

contiguïté temporelle est un indice simple et rapide que la cause potentielle augmente la

probabilité d’apparition de l’effet observé. Ainsi, une forte contiguïté temporelle facilite la

perception d’une force causale élevée entre des évènements, et ce, sans interaction

nécessaire avec les croyances a priori . Bien que le rôle de la contiguïté temporelle n’ait

jamais été envisagé sous cet angle dans la littérature, il semble néanmoins que cette

formulation permette de mieux représenter les différents résultats obtenus dans un contexte

de causalité probabiliste dans cette thèse ainsi que dans la littérature (cf. Allan et al., 2003;

Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Greville & Buehner,

2007; Hagmayer & Waldmann, 2002).

Page 93: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

79

Figure 10. Architecture générale du raisonnement causal, d'après Perales et Catena (2006).

(Certaines flèches ont été mises en rouge à des fins illustratives pour la

discussion, elles indiquent les trois processus dans lesquels l’information

quant à la contiguïté temporelle peut être impliquée dans le raisonnement

causal selon ce modèle).

Un deuxième effet : interaction de la contiguïté temporelle et des croyances a priori

Évidemment, cet impact de la contiguïté temporelle sur la force causale perçue par

les gens n’est pas absolu, mais dépend aussi de son interaction avec un facteur descendant

(top-down), soit les connaissances et croyances a priori. En effet, les observations

Page 94: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

80

recueillies à l’Expérience 2 appuient la proposition théorique formulée dans cette thèse, à

savoir que l'information contenue dans les données qui concorde avec l'information

attendue selon les croyances a priori d'une personne est traitée différemment que

l’information qui ne concorde pas. Avec certaines nuances, les résultats obtenus

confirment les prédictions qui découlent de cette proposition, c'est-à-dire que la force

causale perçue par une personne est systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai

observée entre la cause et l’effet correspond à la durée du délai attendue selon la suggestion

a priori, comparativement aux situations où la durée du délai observée et attendue ne

correspond pas. Cette hypothèse était déjà répandue dans la littérature, mais les études

ayant réussi à confirmer empiriquement et systématiquement les prédictions issues de celle-

ci (Allan et al., 2003) sont moins nombreuses que celles apportant des appuis partiels ou

mitigés (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).

Afin d’expliquer la divergence entre leurs résultats et leur proposition théorique, ces

auteurs ont supposé que leur méthodologie présentait certaines limites. Notamment, ils ont

postulé que la charge cognitive exigée pour effectuer leurs tâches expérimentales était

importante. La présente thèse emploie un format de présentation des données qui diminue

vraisemblablement la charge cognitive exigée pour effectuer la tâche, comparativement aux

études précédentes. Ainsi, cette méthodologie nous permet de conclure qu’il existe bel et

bien une interaction entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle de la cause et

l’effet qui s’exprime tel qu'attendu selon les propositions théoriques de la littérature. Tout

comme on le retrouve dans ces études, il faut cependant noter que, dans certaines

circonstances, l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle ne

s’exprime pas toujours systématiquement tel que prédit par ces propositions théoriques. La

présente étude permet d’identifier empiriquement deux facteurs qui pourraient expliquer

dans quelles circonstances les croyances a priori modulent de façon systématique ou non

l'information quant à la contiguïté temporelle. Notamment, la présentation d’informations

plus détaillées concernant la durée du délai attendue (scénario Durée du délai +

Mécanisme), ainsi qu’un degré d’association objectif de la cause et l’effet qui n’est pas nul,

semblent être des conditions favorables pour que la force causale perçue soit

Page 95: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

81

systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai observée dans les données concorde

avec la suggestion d'une attente d'un délai.

L'architecture cognitive de Perales et Catena et l'interaction entre la contiguïté

temporelle et les croyances a priori.

Par ailleurs, cette constatation d’une interaction entre les facteurs étudiés dans la

présente recherche permet aussi de discuter d’une partie peu développée de l’architecture

cognitive de Perales et Catena (2006). En effet, la partie supérieure de ce modèle prévoit

que les gens doivent déterminer si le degré d’association estimé entre les variables indique

la présence d’une relation causale, puis ensuite l’intégrer dans leur représentation mentale

du lien causal évalué. Pour ce faire, l’information concernant le degré d’association doit

d’abord être combinée avec les indices de structure causale (intervention, ordre et

contiguïté temporelle) ainsi qu’avec les croyances a priori, qui déterminent la plausibilité

d’un lien causal entre la cause potentielle et l’effet observé (Perales & Catena, 2006) (voir

Figure 10 ci-dessus). À cette étape, il est probable que les croyances a priori des gens

concernant les propriétés des variables de la relation (connaissances sur les mécanismes

causaux) vont déterminer la durée du délai qu’ils peuvent plausiblement s’attendre

d’observer entre les évènements (Buehner & May, 2002, 2004; Einhorn & Hogarth, 1986;

Hagmayer & Waldmann, 2002; Shultz, 1982). Par exemple, des connaissances

élémentaires en physique permettront à une personne de s'attendre à ce qu'une balle en

mouvement qui entre en collision avec une autre balle provoque un mouvement

immédiatement, et non quelques secondes plus tard; les croyances a priori sont donc

susceptibles de moduler l'interprétation de l’information quant aux indices de structure

causale, comme l’ordre et la contiguïté temporelle (Perales & Catena, 2006, p.311). Bref,

les indices de structure causale, encadrés par les croyances a priori, indiquent si le degré

d'association estimé entre des évènements reflète la présence d'une relation causale ou non.

Bien que la description de ce processus semble cohérente, il importe cependant de

préciser certains termes afin de mieux représenter son fonctionnement dans un contexte de

causalité probabiliste. Tel que postulé dans le modèle de Perales et Catena (2006), il est

aussi présumé ici que les connaissances et croyances a priori des gens déterminent le degré

Page 96: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

82

de plausibilité des informations contenues dans les données. Conséquemment, les

informations observées qui concordent avec les croyances a priori devraient apparaître

plausibles et augmenter la probabilité perçue que la cause potentielle provoque l’effet

observé. À l'inverse, les informations qui ne concordent pas avec les croyances a priori

devraient apparaître peu plausibles et diminuer cette probabilité perçue, voire ne pas

l’influencer. Conformément à la proposition théorique formulée dans la présente thèse et

inspirée de la littérature (notamment Buehner & McGregor, 2006), on peut alors prédire

que l’information jugée plausible (car concordante) selon les croyances a priori entraîne

une évaluation à la hausse de la force causale perçue, alors que l’information jugée non

plausible (car non concordante) entraîne une évaluation à la baisse ou n’a aucun effet sur

la force causale perçue. Bien que la règle permettant de calculer la force causale finale

perçue pour une relation ne soit pas précisément définie par Perales et Catena, on peut

supposer qu'elle correspond au dernier niveau du modèle de Maldonado et al. (2007, p.248)

(voir Figure 2, p.11 de ce texte). La proposition de la présence d'un tel processus, analogue

au principe de l'inférence Bayesienne, est d'ailleurs cohérente avec les propositions de

nombreux auteurs qui suggèrent que la force causale perçue est fonction de la révision des

connaissances existantes à partir des informations nouvellement observées (Fugelsang &

Thompson, 2003; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado et al., 2007; voir aussi

Holyoak & Cheng, 2011). Ultimement, les propositions d'autres chercheurs concernant la

combinaison des données nouvelles avec les croyances a priori pourraient même être

intégrées au modèle de Perales et Catena (2006) afin de définir ce processus, comme nous

le verrons plus loin (Contributions théoriques).

À partir de cette nouvelle compréhension du processus de révision de la force

causale présent dans le modèle de Perales et Catena (2006), le rôle de la contiguïté

temporelle dans le raisonnement causal peut être redéfini. En effet, on peut proposer que

l'information concernant la contiguïté temporelle va modifier la probabilité perçue que la

cause provoque l'effet. Aussi, cette modification dépendra du degré de concordance entre

la durée du délai observée avec la durée du délai attendue selon les croyances a priori.

Formulée de la sorte, l'influence de la contiguïté temporelle sur le jugement des gens,

encadrée par les croyances a priori, permet d'expliquer les résultats obtenus lors de

Page 97: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

83

l’Expérience 2. Ainsi, les participants ont attribué des cotes de force causale plus élevées

lorsque l’information quant à la durée du délai présente dans les données concordait avec

l'attente suggérée a priori, comparativement aux situations où l’information ne concordait

pas.

Également, la reformulation en termes probabilistes de ce processus de pondération

permet d'expliquer les différents résultats observés dans la littérature et présentés à

l'introduction (p.19-21, section Une interaction peu étudiée). En effet, on peut présumer

que la condition expérimentale dans laquelle se trouve un participant lui indique quelles

informations sont plausibles ou non. Autrement dit, la condition expérimentale lui suggère,

de façon implicite ou explicite, quelles données devraient augmenter la probabilité d'un lien

causal entre les évènements, et quelles données ne l'augmentent pas. Ainsi, il est probable

que les cotes de force causale fournies par les participants reflètent la quantité de données

jugées plausibles pour différentes situations expérimentales. Dans ce contexte, plus un

participant observe des données dont la durée du délai entre les évènements concorde avec

ses croyances, plus il percevra une force causale élevée. En conséquence, les résultats

fournis par les participants dans les études antérieures seraient le reflet de la quantité de

données dont la durée du délai observée dans les données concorde avec la durée du délai

attendue par le participant, plutôt qu'avec la durée du délai suggérée par l'expérimentateur.

Une telle prédiction s'adapte d'ailleurs très bien à l'évidence que les participants peuvent

avoir des croyances ou des attentes a priori distinctes de celles suggérées par le contexte

expérimental, un phénomène rapporté par certains auteurs (Buehner & May, 2002, 2003,

2004, Buehner & McGregor, 2006).

Aussi, contrairement aux termes employés par Buehner et McGregor (2006), les

termes proposés dans la présente thèse pour décrire l'influence des différents facteurs à

l'étude sur le raisonnement causal ne nécessitent plus de définir si les participants ont perçu

ou non une relation de cause à effet, ni de définir à partir de quelle cote de force causale on

considère qu'ils ont perçu une relation causale (causalité déterministe) : elle permet de

simplement décrire la variation de force causale perçue par une personne qui est imputable

Page 98: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

84

au degré de concordance de l'information présente dans les données avec les croyances a

priori.

Un troisième effet : effet des croyances a priori sur la sélection et la représentation de

l'information évaluée

Comme nous venons de le voir, les résultats obtenus jusqu'à ce jour, dans cette thèse

et ailleurs, sont cohérents avec l’existence d’un processus de révision de la force causale

perçue. Notamment, la force causale perçue serait fonction de la concordance de la

contiguïté temporelle contenue dans les données avec les croyances a priori d'une personne.

Ce processus de pondération, prévu dans l’architecture cognitive de Perales et Catena

(2006), est également présent dans les propositions de plusieurs auteurs de la littérature.

Par ailleurs, comme l'illustre le modèle de Perales et Catena (2006), l'évaluation de

la force causale d'une relation se fait en étapes. Il est donc probable que les étapes précoces

de traitement de l'information (de l'observation à la représentation de la fréquence des

conjonctions d'évènements) soient influencées par les capacités mnésiques, attentionnelles

et d'apprentissage d'une personne (Perales & Shanks, 2007). L'architecture de Perales et

Catena prévoit aussi que les connaissances causales des gens, pour un contexte donné,

détermineront les évènements qui seront retenus comme des causes potentielles, ainsi que

les évènements qui seront retenus comme des effets potentiels. Ainsi, les résultats présentés

précédemment pourraient aussi être interprétés en fonction du rôle que peut jouer la

contiguïté temporelle et les croyances a priori à un niveau plus précoce dans le processus de

raisonnement causal, soit au niveau de la transformation de la fréquence des conjonctions

en estimation du degré d’association (voir Figure 10, flèche grise se terminant entre la 2e et

la 3e boîte inférieure du modèle).

L'architecture cognitive de Perales et Catena et les niveaux précoces de

processus dans le raisonnement causal.

Effectivement, à cette étape, le modèle de Perales et Catena (2006) prévoit que

l’information concernant la fréquence de chaque conjonction sera filtrée par les

Page 99: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

85

connaissances a priori de la personne, qui doit sélectionner l’information pertinente pour le

contexte18

. Ainsi, tous les évènements ne seront pas considérés lors de l'estimation du

degré d'association, mais seulement ceux qui sont identifiés comme des causes ou des effets

potentiels pour ce contexte. Ce processus de sélection sera guidé par les connaissances

d'une personne concernant les principes de causalité généraux et spécifiques qui

s'appliquent à cette situation. Perales et Catena notent cependant que l'influence des

processus ascendants (croyances a priori) sur l'organisation de l'information observée est

exigeante en termes de charge attentionnelle et exécutive. L’information sélectionnée sera

ensuite utilisée dans le calcul du degré d’association. La description de cette étape de

raisonnement, correspondant au deuxième niveau du modèle de raisonnement de

Maldonado et al. (2007), s’accorde notamment avec la proposition d’ordre plus général des

auteurs qui soutiennent que les gens abordent un problème avec une hypothèse qui guide la

recherche et la sélection de l’information observée (cf. Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et

al., 2004; Popper, 1963).

Ainsi, les résultats obtenus lors des deux expérimentations de la présente thèse

pourraient tout aussi bien s'expliquer par l'influence de ce processus de filtrage et de

sélection de l'information pertinente. En effet, on peut supposer que les croyances a priori

générales des gens, et plus spécifiquement les croyances concernant la contiguïté

temporelle attendue entre les évènements, ont encadré la recherche et la sélection de

l’information pertinente au calcul du degré d’association de la relation. D’ailleurs,

plusieurs participants ont rapporté, à l’oral ou à l’écrit, qu’ils ne considéraient que

l’information concernant le nombre d’effets se retrouvant dans les limites de la fenêtre

temporelle identifiée dans le scénario présenté au départ (voir Annexe 6). Les croyances a

priori auraient donc circonscrit l'ensemble des données qui seront analysées dans les étapes

ultérieures de raisonnement, notamment l'étape de l'intégration de l'information nouvelle

avec les connaissances existantes. De plus, cette influence des facteurs ascendants sur la

sélection de l'information a pu amener les participants à accorder plus d'attention, voire plus

d'importance, à certaines informations jugées particulièrement pertinentes. En effet, il est

connu que les gens tendent à rechercher l'information qui concorde avec leur croyance ou

18

Ce processus n'est pas nécessairement conscient pour la personne qui raisonne, il est automatique.

Page 100: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

86

leur hypothèse de départ, un phénomène appelé biais de confirmation (Oswald & Grosjean,

2004). Conséquemment, les données présentant une durée de délai qui concorde avec la

durée de délai attendue a priori ont pu recevoir plus de poids dans le calcul de l'estimation

du degré d'association, alors que les données qui ne concordent pas ont pu recevoir moins

de poids, voire être ignorées de ce calcul. Ce phénomène aurait alors mené aux résultats

observés dans l’Expérience 2 de cette thèse, c'est-à-dire que la force causale perçue est plus

élevée lorsque la durée du délai observée dans les données concorde avec la durée du délai

attendue selon la suggestion a priori.

Bref, il semble que les résultats significatifs observés dans cette thèse soient

compatibles avec deux niveaux de processus présents dans l'architecture de Perales et

Catena (2006), soit un niveau inférieur de recherche et de sélection de l'information, ainsi

qu'un niveau supérieur de pondération et d'intégration de l'information avec les croyances a

priori. Malheureusement, cette thèse est tout de même limitée quant à sa capacité de

départager le rôle de ces différents niveaux de processus pour expliquer les résultats

obtenus. Néanmoins, grâce à l'aspect hiérarchique du modèle de raisonnement causal de

Perales et Catena, des études ultérieures devraient permettre de distinguer l'influence

attendue de part et d'autre de ces processus sur les réponses des participants lors d'une tâche

d'évaluation de la force causale.

Au-delà de l'effet de la contiguïté temporelle : Le rôle du type d'information et la

manipulation des croyances a priori

Cette thèse soulève aussi une autre question jamais étudiée dans la littérature: quels

types d’information peut-on présenter aux participants afin d'induire efficacement des

attentes a priori et ainsi influencer leur jugement d’inférence causale? D’après la littérature

(Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006;

Hagmayer & Waldmann, 2002) et les résultats de l’Expérience 1, tous les types

d’information utilisés dans cette étude étaient susceptibles de moduler la force causale

perçue par les participants pour différentes situations. Notamment, on observe globalement

que la force causale perçue augmente ou diminue selon que la durée du délai suggérée a

priori concorde ou non avec la durée du délai présente dans les données. Contrairement à

Page 101: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

87

l’Expérience 1, où la simple possibilité d’un délai était suggérée, les scénarios utilisés pour

l’Expérience 2 suggéraient plutôt un délai précis (court ou long) attendu entre la cause et

l'effet. Cette fois, cette deuxième expérience nous indique que tous les types d’information

n’entraînent pas le même effet de modulation de la force causale perçue selon la

concordance de la durée du délai attendue et observée. Ainsi, l’information combinée

concernant la durée du délai et le mécanisme entraîne un effet de modulation plus

catégorique de la force causale perçue, alors que l’information concernant la durée du délai

uniquement entraîne un effet similaire, mais non significatif, et que l’information

concernant le mécanisme uniquement entraîne l’effet de modulation le plus modéré (voir

section 1.2 des résultats de l'Expérience 2, p.62 à 64).

L'architecture cognitive de Perales et Catena et le rôle des croyances a priori.

Les types d’information utilisés à l’Expérience 2 se distinguent donc dans leur

capacité à moduler le raisonnement causal des gens. Ce résultat peut alors être interprété à

la lumière du rôle des croyances a priori prévu dans le modèle de Perales et Catena (2006).

En effet, comme le soulignent ces auteurs, l'évaluation d'une relation causale dépendra de la

contiguïté temporelle observée entre les évènements, mais surtout de la façon dont les

croyances a priori vont encadrer l'interprétation de cet indice de causalité. Selon Perales et

Catena, à partir de leurs croyances a priori, les gens vont générer un modèle mental qui

explique la relation entre les évènements observés, et ce, peu importe le degré de contiguïté

temporelle. Ce sont ces modèles mentaux qui permettent aux gens de ne pas se fier

uniquement à une forte contiguïté temporelle pour percevoir des relations causales.

Toutefois, l'association d'un effet avec une cause fortement contigüe est plus facile pour les

gens, comparativement aux situations où la cause est peu contigüe à l'effet. Effectivement,

selon ces auteurs, générer un modèle mental pour identifier des relations causales

impliquant une faible contiguïté temporelle est coûteux en termes de ressources cognitives.

D'une part, la personne doit se remémorer les évènements potentiellement pertinents qui ont

eu lieu longtemps avant l'effet. D'autre part, la personne doit avoir des connaissances

préalables sur les mécanismes d'action qui ont pu provoquer l'effet.

Page 102: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

88

Dans la deuxième expérience de la présente thèse, il est possible que les types

d'information présentés a priori n'aient pas tous permis aux participants de générer des

modèles mentaux identiques pour expliquer les données observées, notamment lorsque la

durée du délai présente dans ces données était longue. Ainsi, les participants qui ont reçu

des informations formulées en termes de Durée du délai et Mécanisme ou de Temps

uniquement ont pu générer un modèle mental qui spécifie la durée du délai attendue entre la

cause et l'effet. Leur interprétation de la contiguïté temporelle présente dans les données

aurait alors été encadrée par ce modèle mental précis, ce qui expliquerait que leurs

évaluations de la force causale reflètent le degré de concordance du délai observé avec le

délai attendu selon ce modèle. À l'inverse, les participants qui ont reçu des informations

formulées en termes de Mécanisme uniquement ont dû générer un modèle mental dans

lequel ils doivent spécifier eux-mêmes la durée du délai attendue entre la cause et l'effet.

Ces participants doivent donc fournir un effort cognitif supplémentaire afin de générer un

modèle mental qui leur permettra d'interpréter la contiguïté temporelle présente dans les

données. Autrement dit, pour ces participants, le recours à un modèle mental (croyances a

priori) permettant d'interpréter l'information contenue dans les données peut être plus

difficile, car plus exigeant en termes de ressources cognitives. Ces derniers auraient alors

fourni des cotes de forces causales qui reflètent moins le degré de concordance du délai

observé avec le délai attendu selon leur modèle mental, comparativement aux participants

ayant reçu un autre type d'information.

Dans le même ordre d'idée, l'origine de la distinction entre les types d'information

peut également prendre source dans un élément essentiel du modèle de Perales et Catena

(2006), c'est-à-dire la définition de ce qui est plausible par les croyances a priori (section

supérieure droite du modèle, voir Figure 10 ci-dessus). En effet, la présentation de

différents types d'information, véhiculés par différents scénarios, guide les participants dans

leur définition de ce qui est une observation plausible ou non entre les variables. Tel que

décrit plus tôt, on peut prévoir que la quantité d'informations jugées plausibles ou non

plausibles par une personne influence la force causale perçue entre les variables (probabilité

d'une relation causale entre les variables). En ne fournissant pas la même information, les

différents scénarios utilisés ne contribuent probablement pas de la même façon à définir

Page 103: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

89

l'information plausible et non plausible. Le rôle de l'aspect de la plausibilité de

l'information est d'ailleurs très bien décrit par Griffiths et Tenenbaum (2009) (nous

reviendrons sur les liens possibles entre le modèle de Perales et Catena avec celui de

Griffiths et Tenenbaum plus loin, dans la section Contributions théoriques). Dans leur

modèle computationnel descriptif du raisonnement causal (theory-based causal induction,

Griffiths & Tenenbaum, 2009), le processus d’induction causal est guidé, entre autres, par

les représentations mentales (ou croyances a priori) que les gens ont concernant la nature et

les propriétés des éléments à mettre en relations (ontologie), ainsi que par la plausibilité

d’une relation entre eux19

. Ce sont ces aspects des connaissances a priori qui permettent

aux gens d’émettre des hypothèses concernant les liens causaux entre les variables20

(modèles mentaux causaux), qui guideront ensuite leur interprétation des données

observées pour le calcul de la force causale d’une relation. Ainsi, il est possible que les

types d’information utilisés dans les scénarios expérimentaux de cette thèse ne véhiculent

pas la même quantité, ou la même qualité, d’information concernant l’ontologie des

éléments à évaluer et/ou la plausibilité d’une relation causale entre eux. En conséquence, il

serait compréhensible que la recherche et l'interprétation des données par une personne

varient selon le type d'information reçu.

Par exemple, en apportant des indications moins précises quant à la durée du délai

attendue entre la cause et l'effet, le scénario formulé en termes de mécanisme uniquement

de l’Expérience 2, tout comme les scénarios de l’Expérience 1, induirait chez les

participants des attentes moins ciblées par rapport à ce qui constitue un délai plausible dans

les données. À partir de ces attentes moins ciblées, on peut présumer qu'un plus grand

nombre de données seront interprétées comme étant plausibles selon les croyances a priori.

Avec un plus grand nombre de données plausibles, on retrouvera conséquemment un plus

grand nombre de données qui concordent avec les croyances a priori, ce qui engendre un

19

Griffiths et Tenenbaum (2009) identifient trois aspects des croyances a priori impliqués dans le

raisonnement causal : l’ontologie, la plausibilité d’une relation et la forme fonctionnelle de la relation. Ce

sont les deux premiers aspects qui nous intéressent particulièrement ici. 20

Appelées modèles mentaux par Griffiths et Tenenbaum (2009).

Page 104: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

90

plus grand nombre de données qui augmente la force causale perçue21

. Une telle

interprétation des données expliquerait pourquoi, pour ces scénarios, les cotes de force

causale perçue par les participants sont équivalentes lorsqu'un délai long est suggéré, et ce,

peu importe la durée du délai présente dans les données. En effet, lorsque le scénario

suggérant une attente d'un délai long n'est pas suffisamment précis, les données présentant

un délai court sont jugées aussi plausibles que les données présentant un délai long. On

retrouvera donc une quantité similaire de données qui concordent avec la croyance a priori,

peu importe le délai présent dans l'ensemble de données. En conséquence, il est normal de

retrouver des cotes de force causale perçue équivalente pour ces ensembles de données, peu

importe la durée du délai présente entre les évènements.

Bref, les participants confrontés au scénario formulé en termes de Mécanisme

uniquement avaient la liberté d’imaginer la durée du délai qui, selon eux, devrait découler

du mécanisme liant la cause et l’effet. Cette liberté permet des interprétations plus

personnelles de la durée du délai qui peut être plausiblement attendue entre les évènements.

L'effet de modulation de la force causale moins catégorique observé avec le scénario

Mécanisme uniquement reflèterait donc qu'il apporte moins de précisions sur la plausibilité

de la relation, comparativement aux deux autres types d'information. Dans le même ordre

d’idée, les scénarios employés à l’Expérience 1 n’indiquent pas la durée précise du délai

attendu entre la cause et l’effet, mais indiquent qu’un délai est possible. Les données sont

donc interprétées dans un contexte où leur concordance avec la croyance a priori est

beaucoup plus relative. L'absence de différence entre les types d'information à l'Expérience

1 reflèterait donc que les scénarios apportaient tous le même degré de précision concernant

le degré de plausibilité de la relation. À l'inverse, dans l’Expérience 2, les scénarios

formulés en termes de Durée du délai uniquement et de Durée du délai et Mécanisme

indiquent le délai précis qui doit séparer les évènements, ce qui laisse peu de place à

l’interprétation du délai qui peut être plausiblement attendu entre la cause et l’effet. Les

21

En corollaire, on peut aussi conclure que lorsque les attentes sont moins ciblées, un plus petit nombre de

données seront interprétées comme non plausibles selon les croyances a priori. On retrouvera

conséquemment un plus petit nombre de données qui ne concordent pas avec les croyances a priori, ce qui

engendre un plus petit nombre de données qui diminue la force causale perçue.

Page 105: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

91

données sont donc interprétées selon qu’elles concordent ou non avec cette croyance a

priori précise concernant ce qui est plausible ou non.

Une explication similaire peut être appliquée pour comprendre les résultats mitigés

de la littérature concernant l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté

temporelle (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). En effet,

dans ces recherches, l’information transmise afin de manipuler les croyances a priori ne

précise pas systématiquement l’ontologie et/ou l’information qui peut être plausiblement

observée entre les variables. Ainsi, malgré les efforts des chercheurs pour définir

l’information plausible ou non plausible, les participants ont pu modifier leurs croyances a

priori de façon à redéfinir l’information qui, selon eux, peut être plausiblement observée

dans ce contexte. À partir de leurs propres critères de plausibilité, les participants ont alors

pu interpréter les données observées afin qu'elles augmentent ou non la force causale

perçue. Ce phénomène expliquerait alors pourquoi des ensembles de données présentant de

l’information qui ne concorde pas à la suggestion expérimentale peuvent recevoir des cotes

de forces causales aussi élevées que les ensembles de données dont l’information est

concordante; ces informations peuvent toutes apparaître concordantes avec les croyances du

participant (cf. Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). La

présente thèse souligne ainsi l'importance et la pertinence de comparer l'impact de

différents types d'information utilisés afin d'induire une croyance chez les participants. En

effet, étant donné que différents types d'information vont moduler de façon plus ou moins

catégorique l'évaluation de la force causale perçue par les participants pour un ensemble de

données, les chercheurs devraient considérer davantage ce facteur qui influence le jugement

des participants dans leurs études.

À propos de la connaissance d'un mécanisme d'action causale.

Par ailleurs, la suggestion d’un délai par la présentation d’un scénario formulé en

termes de durée du délai uniquement s’est avérée efficace pour moduler le jugement des

participants dans les deux expériences de la présente thèse. Il n'est donc pas possible de

confirmer l’hypothèse voulant que la croyance ou la connaissance explicite d’un

mécanisme de transmission causal liant la cause à l’effet soit fondamentale dans la

Page 106: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

92

reconnaissance d'une relation causale impliquant un long délai. La suggestion d’autres

types d’information que celle liée au mécanisme d’action en jeu, tel que celle liée à la durée

du délai qui doit séparer les évènements, semble être suffisante pour moduler le jugement

des gens. Toutefois, cette conclusion n'implique pas que les gens ne se représentent pas de

mécanisme d'action causale lorsqu'ils évaluent une situation. En effet, il est aussi possible

que, en l’absence d’information sur le mécanisme en jeu, les participants aient pu

considérer qu’un tel mécanisme était tout de même présent, même s’il est inconnu ou

invisible (voir Kushnir et al., 2003; Proctor & Ahn, 2007); les participants auraient alors

déduit l’information manquante à partir de l’information disponible. Ainsi, à partir de

l'information sur la contiguïté temporelle, les participants auraient imaginé le mécanisme

d'action causale qui pourrait être impliqué, ou aurait simplement déduit qu'un tel

mécanisme est présent sans plus de détails.

Le procédé inverse est également possible, car les gens qui ont reçu l’information

concernant le mécanisme d'action uniquement ont vraisemblablement imaginé la durée du

délai qui devrait s’écouler entre la cause et l'effet. En effet, on observe dans les deux

expérimentations de cette thèse que la simple mention d’un mécanisme d’action a suffi

pour moduler les cotes de force causale fournies en fonction de la contiguïté temporelle

présente dans les ensembles de données. Ces résultats répliquent donc, avec une

méthodologie nouvelle, ceux de la littérature qui démontrent que les gens peuvent déduire

la durée du délai qui devrait séparer une cause d’un effet à partir de leurs croyances quant

au mécanisme d’action qui les lie (Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986;

Hagmayer & Waldmann, 2002). Dans le même ordre d’idée, on note qualitativement que

plusieurs participants ayant reçu l’information formulée en termes de mécanisme

uniquement ont posé des questions relativement au temps d’action propre à chaque

insecticide22

. Les réponses qualitatives de ces derniers (voir Annexe 6) nous illustrent donc

leur tendance à déduire la durée du délai qui devrait séparer une cause et un effet à partir de

l'information sur le mécanisme d'action causale.

22

Par exemple, plusieurs participants ont demandé "est-ce que le Y-BAN agit plus ou moins vite que le X-

RAID?"

Page 107: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

93

Bref, le contenu des croyances a priori des participants lors des expériences d'une

étude ne se limite pas forcément aux informations que l'on retrouve dans les scénarios

expérimentaux. Au contraire, il est probablement constitué d’un mélange de plusieurs

informations qui peuvent influencer le raisonnement des gens de façon indépendante ou

interdépendante, dont notamment l'information quant au mécanisme d'action causale et

l'information quant à la contiguïté temporelle.

Le rôle du degré d'association

Finalement, les deux expériences menées dans cette thèse montrent, encore une fois,

l’importance du degré d’association des variables dans le processus du raisonnement

causal. Ce constat est appuyé par l’effet significatif robuste de ce facteur au travers des

deux expériences, ainsi que par sa taille d’effet plus grande que pour les autres facteurs.

Ces résultats ne sont pas étonnants, étant donné que l'estimation du degré d'association des

variables est au centre de la plupart des propositions théoriques visant à expliquer le

raisonnement causal (Cheng, 1997; Einhorn & Hogarth, 1986; Mandel & Lehman, 1998;

Perales & Catena, 2006; Suppes, 1970; Wasserman et al., 1993; White, 2003d).

Contributions théoriques

Jusqu'à présent, la présente thèse a exposé plusieurs arguments contribuant à

l'avancement des propositions théoriques formulées dans la littérature. Premièrement, elle

reformule en termes probabilistes la description de l'effet de la contiguïté temporelle sur le

raisonnement causal (cf. Buehner & McGregor, 2006). En définissant l'impact que peut

jouer cet indice sur la force causale perçue, elle offre ainsi une terminologie qui permet

d'expliquer, avec des termes appropriés, les différents résultats observés dans les études de

la littérature.

Deuxièmement, elle propose une méthodologie nouvelle pour étudier l'évaluation de

la force causale perçue par les participants dans des situations variées. Notamment, cette

méthodologie présente l’information de façon non ambigüe, elle minimise le recours à

d'autres processus cognitifs (tels que l'attention , la mémoire, ou l'estimation de temps), elle

Page 108: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

94

sollicite un jugement délibéré de la part du participant, elle facilite le raisonnement

scientifique, elle décrit explicitement l'information qui doit être évaluée et elle permet

l'étude de relations causales abstraites ou impliquant de longs délais. Ces caractéristiques

de la méthodologie employée ici réduisent vraisemblablement la charge cognitive exigée

pour effectuer la tâche, comparativement aux tâches des autres études23

. Cet avantage n'est

pas anodin, car interpréter l’information quant à la contiguïté temporelle en fonction de

leurs croyances a priori demande aux participants un effort coûteux en termes de charge

cognitive (Buehner & McGregor, 2006; Perales & Catena, 2006). Grâce à ces

caractéristiques, les participants ont donc pu observer adéquatement l'information à évaluer

et l'intégrer efficacement avec leurs croyances a priori : cette intégration réussie nous

permet de constater que la force causale perçue pour une situation dépend de la

concordance de la durée des délais observés et attendus entre une cause et un effet. Cette

prédiction, émise depuis longtemps dans la littérature, n'était pourtant pas confirmée

systématiquement par les résultats obtenus dans les études antérieures. Cette étude illustre

donc l'avantage d'utiliser une tâche de raisonnement qui réduit les sources d'interférences

dans le raisonnement causal.

Troisièmement, les résultats obtenus dans cette thèse permettent de mieux définir

une partie peu développée de l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006), qui

constitue le modèle retenu dans cette thèse pour expliquer le raisonnement causal.

Effectivement, nos résultats sont compatibles avec les processus de traitement de

l'information proposés dans ce modèle. Entre autres, il semble que la contiguïté temporelle

puisse être un indicateur simple de force causale élevée pour les participants. De plus, les

réponses des participants suggèrent qu'ils interprètent l'information quant à la contiguïté

temporelle en fonction de leurs croyances a priori, de façon à ce que la force causale perçue

soit la plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données concorde avec la

durée du délai attendue. Enfin, il est probable que les croyances a priori influencent la

recherche, la sélection et l'interprétation des conjonctions d'événements nécessaires au

calcul du degré d'association. On peut alors supposer que les réponses des participants

23

Bien qu'elle soit appuyée par plusieurs arguments issus de la littérature, cette conclusion serait difficile à

tester empiriquement. Cet aspect est expliqué dans la section Limites et Études futures de la présente

thèse.

Page 109: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

95

reflètent une tendance à porter leur attention sur la fenêtre temporelle indiquée par la

suggestion a priori, ainsi qu'à accorder davantage d'importance aux conjonctions qui

correspondent à leur hypothèse de départ.

Au-delà du modèle de l'architecture cognitive : les inférences Bayesiennes.

Par ailleurs, cette thèse permet de contribuer au développement des propositions

théoriques de la littérature au-delà du modèle de Perales et Catena (2006). Effectivement,

les modèles théoriques les plus populaires dans la littérature (voir Holyoak & Cheng, 2011)

utilisent de plus en plus l'approche Bayesienne (voir introduction, p.6 à 8, pour une

explication des principes de base des inférences de Bayes). Les propositions émises dans la

présente thèse, tout comme les résultats obtenus, peuvent tout à fait être interprétées dans

des termes compatibles à cette approche. En effet, selon l'approche Bayesienne, les

croyances a priori des gens vont générer des attentes quant à la structure causale de la

relation entre les variables évaluées (modèles causaux mentaux). Ces modèles mentaux

spécifient le mécanisme d'action et la durée du délai qui peuvent être plausiblement

présents entre la cause et l'effet. En d'autres termes, les croyances a priori des gens vont

générer un modèle causal mental qui permet d'expliquer de façon raisonnablement

satisfaisante la relation entre les variables évaluées (cf. Evans 2008). Par la suite,

l'information contenue dans les données (degré d'association, contiguïté temporelle et

spatiale, etc.)24

sera comparée à ce modèle mental selon les lois de l'inférence Bayesienne,

afin de déterminer si ce modèle explique toujours raisonnablement bien l'information

contenue dans les données (Evans, 2008; Holyoak & Cheng, 2011). Concrètement, on

peut s'attendre à ce qu'une personne perçoive une plus grande probabilité que le modèle

mental initial explique les données observées lorsque ces données concordent avec ce

modèle. À l'opposée, on peut s'attendre à ce qu'une personne perçoive une plus faible

probabilité que le modèle mental initial explique les données observées lorsque les données

ne concordent pas avec ce modèle. Enfin, la probabilité perçue qu'un modèle mental

explique un ensemble de données représente, par le fait même, la force causale perçue pour

la relation évaluée.

24

Ajout du présent auteur.

Page 110: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

96

On peut conséquemment supposer que ce calcul de probabilité explique les résultats

obtenus dans la présente étude. Effectivement, on observe que la force causale perçue pour

un ensemble de données est plus élevée lorsque l'information contenue dans les données

(concernant la durée du délai) concorde avec les croyances a priori, comparativement à

lorsque l'information ne concorde pas. En termes Bayesiens, la force causale perçue par les

participants est plus élevée lorsque les prédictions du modèle mental initial (concernant la

durée du délai) concordent avec la durée du délai présente dans les données observées,

alors que la force causale perçue est plus faible lorsque les prédictions du modèle mental

initial ne concordent pas avec la durée du délai dans les données observées [car il y a une

probabilité moins grande que ce modèle explique les données observées].

L'utilisation de plus en plus fréquente de cette méthode populaire dans la littérature

pour décrire le raisonnement causal est d'ailleurs compatible avec le modèle retenu dans

cette thèse, c'est-à-dire l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006). En effet, on

retrouve les principes de l'approche Bayesienne dans les propositions de Perales et ses

collaborateurs (Maldonado et al., 2007), dont le modèle général du raisonnement causal

prévoit un processus d'intégration de l'information nouvelle avec les connaissances

existantes (3e niveau de leur modèle, voir Figure 2, p.11 de ce texte). De plus, Perales et

Catena (2006) reconnaissent que cette méthode permet de décrire comment une personne

parvient à se représenter la structure et la force causale d'une relation entre des variables25

.

Par ailleurs, la section supérieure de leur modèle indique que le raisonnement est influencé

par les connaissances sur les principes généraux d'induction, les connaissances sur les

mécanismes causaux et les connaissances spécifiques au contexte évalué. L'ensemble de

ces connaissances et croyances a priori peut ainsi permettre à une personne de générer un

modèle mental des relations causales potentiellement présentes entre les variables en jeu.

Ce modèle causal hypothétique sera ensuite confronté aux informations nouvelles

observées dans l'environnement, et la probabilité que ce modèle explique les observations

(autrement dit la force causale perçue) sera mise à jour selon les principes de l'inférence

25

Malgré que cette méthode permette de décrire comment une personne peut inférer la structure et la force

causale d'une relation, Perales et Catena (2006) concluent qu'elle ne constitue pas nécessairement le

processus réellement impliqué dans le raisonnement des gens, car il faudrait beaucoup de ressources

cognitives pour effectuer un calcul mental tel que celui nécessaire à une inférence Bayesienne.

Page 111: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

97

Bayesienne. Encore une fois, les aboutissements de ce processus sont tels qu'on l'observe

dans les résultats obtenus dans la présente étude, c'est-à-dire que la force causale perçue

pour un ensemble de données est plus élevée lorsque la durée du délai contenue dans les

données concorde avec la durée du délai attendue selon le modèle mental, comparativement

à lorsque ces informations ne concordent pas.

L'architecture cognitive et les autres modèles de la littérature.

Le modèle de Perales et Catena (2006) n'est pas le seul modèle récent auquel la

méthode des inférences Bayesiennes peut être incorporée pour décrire les processus du

raisonnement causal. Toutefois, il est certainement le modèle qui permet l'intégration du

plus grand nombre de facteurs susceptibles d'influencer ce type de jugement. De plus, il est

le seul modèle qui illustre graphiquement à la fois un niveau de processus de l'ordre de la

représentation de l'information, ainsi qu'un niveau de processus de l'ordre du traitement

analytique de l'information. Il offre ainsi un cadre conceptuel permettant de départager les

erreurs de traitement de l'information qui peuvent survenir au niveau de la représentation,

de la sélection ou de l'analyse inférentielle de l'information. Cependant, malgré les

avantages indéniables que présente la modélisation du raisonnement causal avec cette

architecture cognitive, il faut rappeler que l'application des inférences Bayesiennes au

domaine des relations causales nécessite de définir des règles26

concernant les principes

généraux de la causalité. Malheureusement, bien que Perales et Catena mentionnent que le

processus d'inférence causal (processus supérieur de leur architecture) est probablement le

résultat d'un mécanisme d'analyse de l'information guidé par des règles (rule-based

mechanism), ils ne précisent pas qu'elles pourraient être ces règles, ni par quelle fonction

les informations nouvelles peuvent être intégrées aux croyances a priori. Ainsi, on peut

leur reprocher de ne pas spécifier suffisamment les aspects des connaissances a priori qui

sont essentiels pour guider la formation des représentations mentales nécessaires au

raisonnement causal.

26

"Assumptions" en anglais.

Page 112: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

98

L'architecture de Perales et Catena et la théorie du Power PC. Pourtant, des

propositions à ce sujet, appuyées par la recherche, ont été avancées dans la littérature. Par

exemple, Cheng (1997) identifie quatre règles de base qui guident les inférences causales

des gens, soit (a) les causes influencent l'effet de façon indépendante, (b) les causes

alternatives inconnues peuvent provoquer l'effet, mais pas le prévenir, (c) la force causale

(causal power) d'une cause est indépendante de sa fréquence d'apparition, et (d) l'effet ne

survient pas sans cause. À partir de ces règles, Cheng propose une série de fonctions

(règles) qui définissent comment le degré d'association entre des variables sera estimé, pour

ensuite être transformé en force causale. La théorie proposée par Cheng, dénommée Power

PC, peut même être soumise aux principes de l'inférence Bayesienne afin d'expliquer

comment la force causale perçue évolue au fil des nouvelles observations (Holyoak &

Cheng, 2011). Ainsi, en termes de réseaux Bayesiens, la théorie du Power PC est une

théorie sur la paramétrisation des liens entre les variables d'une structure causale, c'est-à-

dire qu'elle définit comment la personne qui raisonne calcule la force de ces liens (Perales

& Catena, 2006). D'un point de vue spéculatif, on pourrait même dire que les propositions

de Cheng (1997; Holyoak & Cheng, 2011) peuvent être utilisées afin de définir la fonction

qui régit l'intégration de l'information nouvelle avec les croyances a priori, tel qu'on le

retrouve dans la section supérieure du modèle de Perales et Catena. La théorie du Power

PC pourrait donc être employée pour définir le 3e niveau du modèle général de révision des

croyances de Maldonado et al. (2007) (voir Figure 2), alors que le reste du modèle de

Perales et Catena illustrerait l'ensemble des facteurs qui sont susceptibles d'intervenir avant

ou pendant cette étape. Cette combinaison des propositions de la littérature pourrait

éventuellement permettre à la théorie du Power PC un meilleur pouvoir de prédiction des

réponses des participants pour des situations variées. Effectivement, cette théorie est

actuellement centrée sur le rôle du degré d'association et ne décrit pas l'influence potentielle

des biais qui peuvent survenir au niveau précoce de la sélection/représentation de

l'information. Pourtant, les processus supérieurs du raisonnement sont alimentés par

l'information fournie à ce niveau précoce; un biais à ce niveau aura forcément une

incidence sur le calcul subséquent de la force causale.

Page 113: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

99

L'architecture de Perales et Catena et la théorie de Griffiths et Tenenbaum. Bref,

la théorie du Power PC offre une avenue intéressante pour décrire comment les gens

évaluent la force causale d'une relation causale entre des variables. De plus, elle permet de

définir certains aspects des connaissances générales qui guident les inférences causales des

participants, tel qu'on le retrouve dans la section supérieure du modèle de Perales et Catena

(2006). Toutefois, Griffiths et Tenenbaum (2005; 2009) sont certainement ceux qui offrent

la description la plus complète des aspects des connaissances générales et spécifiques qui

sont essentiels pour moduler le raisonnement causal des gens. D'ailleurs, leurs propositions

précises peuvent même être reprises afin de détailler une partie peu développée du modèle

de Perales et Catena (2006), c'est-à-dire l'explication du rôle des connaissances et croyances

a priori dans le processus d'inférence causal. Selon ces auteurs, le premier élément

essentiel pour réussir une inférence causale est la connaissance de l'ontologie des entités

évaluées. Cet aspect réfère aux propriétés de base de ces entités, par exemple leur masse,

leur poids, leur volume, leur capacité à entrer en interaction avec d'autres entités, etc.. La

connaissance des propriétés des entités permettrait de les regrouper selon leur ressemblance

et de former des connaissances sur les catégories causales. Également, connaître

l'ontologie des entités en jeu dans une relation permet de définir le deuxième aspect

essentiel aux inférences causales, c'est-à-dire la plausibilité d'une relation entre les entités.

Par exemple, une personne sait qu'un objet dense est plus susceptible de briser une fenêtre

que le faisceau lumineux d'une lampe de poche, ou encore qu'un ventilateur est plus

susceptible d'éteindre une chandelle qu'un diapason. Enfin, le troisième aspect essentiel

aux inférences causales est la connaissance de la forme fonctionnelle de la relation entre les

entités évaluées. Cet aspect consiste à déterminer si l'effet d'une variable sur une autre

variable est positif ou négatif, si plusieurs causes interagissent ou agissent de façon

indépendante pour provoquer l'effet27

, et quels types d'événements (binaires, continus ou

fréquence d'apparition) sont pertinents pour évaluer la relation. D'une certaine façon, on

peut voir la forme fonctionnelle comme la règle qui régit le calcul de l'estimation du degré

d'association, tel qu'identifié au 2e niveau du modèle de Maldonado et al. (2007). Ainsi,

27

Par exemple, une personne pourrait imaginer être en présence de plusieurs causes qui sont chacune

suffisantes pour provoquer l'effet, ou encore que plusieurs causes sont nécessaires pour cela. Ces attentes

génèrent des modèles causaux différents, pour lesquels la fonction permettant de calculer la probabilité de

chaque cause est différente.

Page 114: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

100

ces trois aspects des connaissances a priori procurent l'information nécessaire pour qu'une

personne puisse établir des connaissances d'ordre générales sur la causalité, pour ensuite

généraliser ces connaissances à des situations nouvelles et spécifiques d'évaluation de

relation causale entre des variables28

.

Ces propositions de Griffiths et Tenenbaum (2009) peuvent nous permettre de

détailler une partie peu développée du modèle de Perales et Catena (2006), soit celui du

rôle que jouent les connaissances a priori (section supérieure droite de l'architecture) pour

guider le processus d'inférence causale. Il a été établi précédemment que, selon toute

vraisemblance, les gens abordent l'évaluation d'une relation causale avec une représentation

mentale des liens causaux qui relient les variables évaluées (Perales et Catena, 2006).

Selon Perales et Catena, ce modèle causal mental est élaboré à partir des connaissances

d'une personne par rapport aux principes généraux d'induction, ainsi qu'à partir des

connaissances des catégories et des mécanismes causaux. Conséquemment, il est possible

de définir ce que représentent exactement ces « connaissances » identifiées par Perales et

Catena, en utilisant les aspects identifiés par Griffiths et Tenenbaum (2009). Ainsi, on peut

supposer que ce sont les connaissances concernant l'ontologie, la plausibilité d'une relation

et la forme fonctionnelle de cette relation qui déterminent le modèle causal mental

initialement imaginé pour expliquer les données observées. Dans ce contexte, la

présentation a priori d’information relative au mécanisme d’action ou à la durée du délai

devant séparer les évènements devient importante, dans la mesure où ces informations

apportent des indices concernant l'un ou l'autre de ces trois aspects.

Cette nouvelle terminologie suggère donc qu'il faut repenser ce que l'on considère

comme des facettes des croyances a priori. En effet, les auteurs qui étudient l'influence des

croyances a priori se concentrent généralement sur le degré de plausibilité de la relation, sur

la description du mécanisme d'action causal liant les variables, sur l'information concernant

le degré d'association ou la contiguïté temporelle attendue, etc. Toutefois, il semble que ces

28

À titre informatif, Griffiths et Tenenbaum (2009) expliquent que le raisonnement causal est le résultat d'un

mécanisme ou d'une capacité générale d'effectuer des inférences statistiques (c'est-à-dire estimer le degré

d'association), guidé par des connaissances a priori sur la causalité qui peuvent s'appliquer à des situations

spécifiques.

Page 115: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

101

différents types d'information peuvent tous être compris sous l'angle des renseignements

qu'ils apportent par rapport aux aspects identifiés par Griffiths et Tenenbaum. En

conséquence, les études s'intéressant à décrire les types d'information susceptibles de

modifier les croyances a priori des participants devraient plutôt tenir compte de

l'information que les instructions expérimentales fournissent concernant l'ontologie, la

plausibilité ou la forme fonctionnelle de la relation. De futures études pourraient explorer

plus systématiquement les différences entre les types d’information présentés aux

participants en fonction de ces aspects, ce qui permettrait de préciser le rôle que joue

réellement l'information concernant le degré d'association, le mécanisme causal ou la

contiguïté temporelle. Les résultats de telles études témoigneraient aussi de l’exactitude

des propositions de Griffiths et Tenenbaum (2009) et permettraient d’identifier

l’information la plus efficace à transmettre afin de faire comprendre des relations causales

complexes à la population, telles que les relations impliquant une faible contiguïté

temporelle.

Digression sur la théorie des « doubles processus ».

Dans le domaine des fonctions cognitives supérieures, il est commun de retrouver

des références à la théorie des « doubles processus »29

, aussi appelée théorie heuristique-

analytique. Le recours à cette théorie est fréquent pour expliquer les réponses des

participants dans des études portant sur le raisonnement déductif (raisonnement

conditionnel, syllogistique, etc.), sur la prise de décision et sur les cognitions sociales

(Evans, 2008). Cette théorie peut aussi être appliquée à des types de raisonnement inductif,

tel le raisonnement causal. Ainsi, on expliquera le raisonnement des gens en référant à un

modèle impliquant un premier niveau de processus heuristique et rapide, en opposition à un

deuxième niveau de processus analytique et lent (cf. Evans, 1989; 2006; 2008). Dans sa

forme la plus simple, un modèle à double processus peut être représenté tel qu'à la Figure

11 ci-dessous. Ainsi, le processus heuristique (automatique) serait impliqué dans la

représentation sélective de l'information d'un problème. Ce processus serait rapide,

automatique (voire inconscient), il ne demande pas d'effort cognitif et il peut traiter une

29

Dual-process theory.

Page 116: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

102

multitude d'informations en parallèle. Quant au processus analytique, il serait impliqué

dans tout processus d'inférence ou de jugement effectués à partir des représentations

fournies par le processus de représentation de l'information (Evans, 2006). Selon Evans, ce

processus serait donc lent, contrôlé (voire volontaire), séquentiel, et susceptible d'être

influencé par les instructions verbales. Ce processus serait lié à l'intelligence générale

d'une personne et rendrait possible la capacité de raisonner sur des principes abstraits et

généraux (Evans, 2006). Contrairement au processus heuristique, le processus analytique

reposerait sur l'accès à un bassin unique et central de ressource de la mémoire de travail

(Evans, 2008). Conséquemment, comme il traite l'information de façon séquentielle, ce

processus est limité par les capacités de la mémoire de travail (Evans, 2006; 2008).

Figure 11. Représentation de la théorie des "doubles processus" dans sa forme la plus

simple, telle que définie originalement par Evans (1989) (d'après Evans,

2006).

La description et la conception de la relation entre ces deux processus ont beaucoup

évolué au cours des dernières années. Ainsi, inspiré par les théories sur le raisonnement

hypothétique (voir Evans, Over, & Handley, 2003), Evans (2006) propose que la personne

Page 117: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

103

qui doit produire un jugement ou une inférence se représente d'abord un modèle mental de

l'état actuel ou possible de la situation à évaluer. Ce modèle mental se construit à partir des

indices pertinents rapidement identifiés par le processus heuristique. Il sera ensuite utilisé

pour produire une décision ou une inférence sans réel effort d'analyse de l'information.

Quant au processus analytique, il peut intervenir ou non pour inhiber les réponses découlant

du processus analytique, ou encore pour réviser ou remplacer le modèle mental initialement

imaginé pour représenter l'état de la situation. On peut illustrer cette théorie révisée des

doubles processus telle qu'à la Figure 12 ci-dessous. En d'autres termes, les deux types de

processus sont interdépendants et opèrent généralement de façon séquentielle (Evans,

2008), car le processus préconscient heuristique fournit continuellement l'information

utilisée consciemment par le processus analytique (Evans, 2006). De plus, le processus

analytique n'intervient pas systématiquement pour inhiber les réponses promptement

fournies par le processus heuristique, ni pour établir un nouveau modèle mental qui

explique mieux la situation évaluée. Evans (2006) identifie certains facteurs (illustrés à la

Figure 12 ci-dessous) qui influencent la tendance des gens à recourir à ce processus

analytique, tels que les capacités cognitives générales (surtout la mémoire de travail), la

présentation d'instructions expérimentales qui élicitent un raisonnement abstrait ou logique,

une motivation personnelle élevée à fournir une réponse logique, ainsi que le temps

disponible pour effectuer la tâche.

En parallèle, le traitement de l'information par les processus heuristique-analytique

décrit ci-dessus doit respecter trois principes établis par Evans (2006; Evans, Over, &

Handley, 2003). Le premier est le principe de singularité 30

, c'est-à-dire que lors d'un

raisonnement hypothétique, une personne considère une seule hypothèse ou modèle à la

fois. Le deuxième principe est celui de la pertinence31

, c'est-à-dire que le premier modèle

imaginé sera le modèle qui représente le plus plausiblement l'état (actuel ou hypothétique)

de la situation évaluée. Enfin, le troisième principe est celui de la satisfaction suffisante32

du modèle, c'est-à-dire que le premier modèle mental imaginé sera retenu par la personne, à

moins d'une évidence qu'il ne s'applique plus à la situation. Le premier principe

30

" Singularity principle " en anglais. 31

" Relevance principle " en anglais. 32

" Satisficing principle " en anglais.

Page 118: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

104

(singularité) est lié à la capacité limitée de la mémoire de travail, impliquée dans le système

analytique. Les deux autres principes sont liés aux deux types de processus. D'une part, le

principe de pertinence réfère à l'objectif du processus heuristique, qui fournit rapidement

des informations jugées pertinentes au processus analytique. D'autre part, le principe de

satisfaction suffisante réfère, selon Evans (2006), au biais fondamental du système

analytique de travailler avec le premier modèle pertinent imaginé, à moins d'avoir une

bonne raison de l'abandonner.

Figure 12. Représentation contemporaine de la théorie des " doubles processus ", d'après

d’Evans (2006).

Page 119: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

105

À partir de cette théorie générale du raisonnement, il est possible d'établir des liens

entre la théorie des doubles processus et les modèles du raisonnement causal, tels que celui

de Perales et Catena (2006). En effet, ces derniers auteurs affirment que leur modèle

permet de représenter, d'une part, des processus d'ordre automatiques et de traitement

associatif de l'information (section inférieure). D'autre part, leur modèle représente aussi

des processus de pensée analytique, séquentielle, basée sur des règles de traitement de

l'information et limitée par les capacités cognitives (notamment la mémoire de travail)

(section supérieure) (Perales et Catena, 2006). On reconnaît donc, dans ce modèle, le reflet

des principes énoncés par la théorie des doubles processus d’Evans (2006). Ainsi,

lorsqu'une personne évalue une situation, l'information contenue dans les données serait

rapidement utilisée par le processus heuristique pour générer un modèle mental de la

relation causale hypothétiquement en jeu. En cas de dispositions favorables, le processus

analytique interviendrait ensuite pour réviser le modèle mental censé expliquer les données

observées. On obtient alors une description du processus du raisonnement causal qui est

compatible à la fois avec la terminologie du modèle de Perales et Catena (2006), ainsi

qu'avec celle de la théorie des doubles processus.

L'inclusion de la théorie des doubles processus avec le modèle de Perales et Catena

(2006) est intéressante en ce qui nous concerne, car elle permet de réinterpréter les

processus de traitement de l'information qui ont influencé les résultats observés dans la

présente étude. Tout d'abord, les instructions expérimentales de la présente étude incitaient

explicitement les participants à recourir à un raisonnement logique, un facteur prédisposant

les gens à recourir au processus analytique. De plus, le mode de présentation des données

permettait aux participants de se représenter adéquatement l'information à évaluer. Il est

donc peu probable de retrouver des biais à ce niveau. Grâce à la méthodologie employée

dans la présente étude, qui réduit la charge cognitive nécessaire pour effectuer la tâche par

les participants, ces derniers ont donc pu analyser plus adéquatement l'information

contenue dans les données en fonction d'un modèle mental causal qui établit le lien

hypothétique entre les variables. Notamment, les participants ont pu comparer si la durée

Page 120: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

106

du délai observée entre la cause et l'effet était compatible avec la durée du délai attendue

selon leur modèle mental causal. Les participants ont alors pu confirmer leur modèle mental

initial lorsque celui-ci était compatible avec l'information quant à la contiguïté temporelle

observée dans les données, renforçant ainsi la probabilité perçue que ce modèle explique les

données. À l'inverse, ils ont pu réviser leur modèle mental initial lorsque celui-ci ne

correspondait pas aux données observées, afin de conclure que sa probabilité d'expliquer les

données était moins grande, voire que ce modèle ne soit pas le bon modèle pour expliquer

les données. Une telle situation devrait donc engendrer une diminution de la force causale

perçue pour cette relation. En d'autres termes, l'intervention du processus analytique

définie par Evans (2006) expliquerait les résultats observés dans cette étude, à savoir que la

force causale perçue pour une relation est plus grande lorsque la contiguïté temporelle

présente dans les données concorde avec la contiguïté temporelle attendue selon les

croyances a priori.

Par ailleurs, malgré les efforts déployés dans la présente étude afin de diminuer la

charge cognitive nécessaire pour effectuer la tâche, l'évaluation de la force causale d'une

relation demeure une tâche complexe. Il est donc possible que les participants aient pu

occasionnellement éprouver des difficultés sur le plan de leur charge de mémoire de travail

lors de la tâche. Ces difficultés auraient alors incité les participants à fournir des réponses

en ayant recours uniquement au processus heuristique, sans intervention du processus

analytique. Une telle situation impliquerait que les participants utilise la contiguïté

temporelle comme un indice rapide de force causale et expliquerait les résultats qu'ils ont

offerts, comme il a été rapporté plus haut (section Un premier effet : l'effet direct de la

contiguïté temporelle du Chapitre 4, p.73).

Contributions pratiques

Prise de décision et biais de raisonnement.

En plus des implications théoriques mentionnées ci-dessus, les conclusions

proposées dans la présente thèse ont des implications pratiques dans plusieurs domaines.

Premièrement, lorsqu'elles sont mises en lien avec les modèles du raisonnement causal, ces

Page 121: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

107

conclusions permettent d'identifier les sources de biais qui peuvent survenir à différents

niveaux lors d'une inférence causale. Ainsi, deux de ces sources de biais ont été

précédemment identifiées, soit les biais survenant à l'étape de la sélection/représentation de

l'information contenue dans les données, ainsi que ceux résultant de l'insuffisance des

ressources cognitives (mémoire de travail) disponibles pour intégrer l'information contenue

dans les données avec les croyances a priori. Ces sources de biais potentiels, appuyées par

plusieurs études recensées par Perales et Catena (2006), sont aussi cohérentes avec la

littérature sur la théorie des doubles processus (Evans, 2006; 2008). Effectivement, selon

cette théorie, le processus analytique ne peut que traiter l'information qui aura été identifiée

au préalable par le processus heuristique. En conséquence, des biais surviennent dans le

raisonnement lorsque le processus heuristique retient de l'information logiquement non

pertinente à la résolution du problème, ou lorsqu'il omet de l'information logiquement

pertinente (sélection/représentation de l'information). De plus, des biais propres au

processus analytique sont aussi susceptibles de survenir, spécialement à cause du principe

de satisfaction suffisante. En effet, une personne aura tendance à traiter l'information à

partir du premier modèle mental généré qui explique suffisamment bien les données

observées : analyser le degré de concordance des données observées avec plusieurs modèles

mentaux serait d'ailleurs très exigeant en termes de charge cognitive (insuffisance des

ressources cognitives). Le modèle mental retenu ne sera donc pas remis en question au

profit d'un modèle plus adéquat, à moins qu'il ne concorde pas suffisamment aux

observations. Ainsi, les données seront interprétées en fonction d'un modèle qui n'est peut-

être pas parfaitement conforme à la situation. Les conséquences de ces erreurs de

raisonnement sont parfois importantes, car elles peuvent influencer des décisions sérieuses

dans des contextes scientifiques, sociaux, médicaux, politiques, etc. (voir Kahneman,

Slovic, & Tversky, 1982; Pohl, 2004).

Par exemple, l'inaptitude à considérer de l'information importante dans l'évaluation

d'une situation impliquant des vies humaines peut entraîner des conséquences désastreuses,

comme l'a conclu le rapport de la Columbia Accident Investigation Board suite à

l'explosion de la navette spatiale Columbia en 2003 (Sanger, 2003). Une tendance à ne

retenir que l'information qui est conforme aux croyances a priori peut expliquer pourquoi

Page 122: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

108

de telles informations sont parfois négligées (Fugelstein, Stein, Green, & Dunbar, 2004).

Également, il semble que les scientifiques en laboratoire tendent à ne pas se poser de

questions devant un ensemble de données qui confirme leur hypothèse de départ, alors

qu'ils remettent d'abord en question leur méthodologie lorsque les données ne sont pas

conformes à leur hypothèse, plutôt que de réviser leur théorie (Fugelstein et al., 2004).

Bien que naturelle et souvent justifiée, cette façon de raisonner risque d'engendrer des

conclusions scientifiques erronées quant aux relations causales étudiées. Par ailleurs, les

croyances a priori des cliniciens peuvent les amener à percevoir un lien causal illusoire

entre les réponses d'un client à un test avec certains traits de personnalité (Chapman &

Chapman, 1967, 1969, 1975; Starr & Katkin, 1969), ce qui peut engendrer un diagnostic

erroné et préjudiciable pour le client qui consulte. D’ailleurs, inférer de façon erronée un

lien causal entre des éléments qui ne sont pas statistiquement liés serait un biais à la source

des stéréotypes que les gens entretiennent envers certains groupes sociaux (Hamilton &

Gifford, 1976; Hamilton & Rose, 1980; Spears, Eiser, & Vanderpligt, 1987; Spears,

Vanderpligt, & Eiser, 1985).

Les résultats de la présente thèse révèlent que des biais sont bel et bien présents

chez les participants, ce qui affecte leur capacité à évaluer correctement une relation

causale à partir de la contiguïté temporelle. Effectivement, il semble que les gens vont

tendre à conclure plus facilement à la présence d'une relation causale forte lorsque la

contiguïté temporelle des évènements est forte. Ce phénomène reflète bien l'action du

processus heuristique, qui sélectionne et représente l'information quant à la contiguïté

temporelle de façon simple et rapide. Toutefois, ce processus peut entraîner une conclusion

erronée de la part du participant, car le lien entre des évènements fortement contigus peut

être fortuit ou ne pas représenter un lien causal direct. De plus, lors de l'évaluation d'une

situation complexe, la personne qui raisonne peut avoir de la difficulté à générer un modèle

mental alternatif pour représenter le lien causal entre des évènements, notamment lorsque la

contiguïté temporelle est faible. Ce phénomène, relié au processus analytique et aux limites

des ressources cognitives, peut nuire à l'identification des causes réellement impliquées

dans la situation qui doit être expliquée. Les conséquences de telles erreurs dans le

processus du raisonnement causal d'une personne auront alors un impact sur ses

Page 123: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

109

interactions avec son environnement, car ces biais sont susceptibles d'engendrer une

compréhension erronée ou sous-optimale de la situation.

Par exemple, une personne peut rapidement conclure que la dernière action qu'elle a

entreprise (p. ex. appuyer sur une touche quelconque du clavier d'un ordinateur) est la cause

de l'effet qu'elle observe (p. ex. la fermeture soudaine d'un programme ou l'apparition d'une

fenêtre d'alerte), alors que ce dernier évènement est le résultat d'une action entreprise

auparavant (p. ex. l'autorisation d'une mise à jour qui entraîne une cascade de commandes

par l'ordinateur sur une période de temps donnée). Un autre exemple consisterait à

expliquer le comportement d'une personne (p. ex. elle est agitée aujourd'hui) par une cause

contigüe dans le temps (p. ex. elle vient de prendre deux cafés), alors qu'il découle d'un

évènement plus antérieur (p. ex. elle n'a pas pris sa médication anxiolytique dernièrement et

l'effet calmant de celle-ci vient de s'estomper). Dans ces deux exemples, la recherche d'une

cause pour expliquer un effet favorise le choix d'une cause contigüe dans le temps qui

apporte une explication suffisamment cohérente de ce qui est observé. Malheureusement,

l'inférence causale qui en découle n'est pas conforme à la situation, ce qui risque

d'engendrer de l'incompréhension, de la confusion, voire de la frustration vis-à-vis le

phénomène que l'on tente de prédire et de contrôler (dans les exemples qui précèdent, le

fonctionnement de l'ordinateur ou la relation avec notre collègue agité).

Certains auteurs sont d'avis qu'il est normal que les gens utilisent des heuristiques

cognitives simples et rapides qui leur permettent d'analyser efficacement la plupart des

situations, tout en respectant les limites de leurs ressources cognitives (Gigerenzer, Todd, &

ABC Research Group, 1999). Bien qu'elles puissent parfois engendrer des erreurs, ces

heuristiques seraient adaptatives, car elles offrent des prédictions adéquates dans la plupart

des contextes (Gigerenzer et al., 1999). Par exemple, il est probable que les gens se

représentent la plupart des relations causales de leur environnement comme étant de nature

physique et impliquant des évènements fortement contigus dans le temps (Faro, McGill, &

Hastie, 2010) : en prenant pour règle qu'une forte contiguïté temporelle indique la présence

d'une relation causale forte, les gens sont en mesure d'analyser rapidement et adéquatement

la structure causale impliquée dans la plupart des relations qu'ils observent. Toutefois,

Page 124: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

110

certaines situations impliquent une faible contiguïté temporelle de la cause et l'effet et ne

pourront être comprises adéquatement à partir de cette règle. Il sera donc difficile pour une

personne de contrôler et prédire l'effet de ses actions si elle interprète la situation à partir

d'une telle règle. D'ailleurs, d'autres auteurs affirment que les gens devraient apprendre à

identifier leurs erreurs de raisonnement, car elles peuvent non seulement avoir des

conséquences dans leur quotidien, mais elles peuvent aussi influencer des décisions

importantes dans des contextes scientifiques, sociaux, médicaux, politiques, etc.

(Kahneman, Slovic, & Tversky, 1982; Pohl, 2004; voir p.106-108 de ce texte pour des

exemples de contextes impliquant des biais de raisonnement).

Bref, lorsque les conséquences d'une décision à prendre sont considérables, le

preneur de décision devrait être conscient des sources potentielles d'erreurs dans son

raisonnement, notamment dans son raisonnement causal. Ainsi, la présente thèse suggère

qu'il devrait être conscient de la tendance naturelle des gens à considérer d'abord les causes

potentielles les plus contigües à l'effet que l'on tente d'expliquer. De plus, il devrait être

averti que la première hypothèse émise pour expliquer les données observées n'est pas

nécessairement la meilleure, même si elle semble expliquer suffisamment bien ces données.

Enfin, il devrait savoir qu'il peut être difficile d'interpréter correctement l'information qu'il

observe en fonction de ses croyances et connaissances a priori, car une tâche d'inférence

causale est une tâche complexe qui demande beaucoup de ressources cognitives. Afin de

diminuer l'incidence de ces sources de biais dans son raisonnement, la personne qui doit

analyser une situation peut s'inspirer des résultats de cette thèse afin de faciliter la tâche

d'inférence causale. Ainsi, il est notamment possible de fournir de l'information combinée

sur le temps et le mécanisme liant la cause et l'effet. Avec ces informations détaillées, qui

suggèrent des croyances sur la relation en jeu, la personne sera en mesure d'évaluer plus

adéquatement la conformité des données observées avec ses croyances a priori, ce qui

devrait lui permettre d'évaluer adéquatement la force causale impliquée dans la situation

évaluée. De plus, il est possible de diminuer les ressources cognitives nécessaires pour

accomplir une telle tâche en présentant les données sous une forme synthétisée (p. ex. des

tableaux), dont les nombreux avantages ont déjà été discutés. Encore une fois, une tâche

d'inférence causale qui nécessite moins de ressources cognitives devrait permettre une

Page 125: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

111

évaluation adéquate de la force causale d'une relation. Conséquemment, la personne qui

peut aisément évaluer la force causale d'une relation sera en mesure de constater si la cause

potentielle évaluée semble responsable de l'effet observé, ou si son modèle d'explication

causal doit être révisé (et une cause alternative doit être recherchée). Autrement dit, une

évaluation de la force causale qui se rapproche au maximum de la relation réelle entre les

évènements observés diminue la probabilité que la personne infère une relation causale

erronée entre ces évènements, lui permettant ainsi de prendre une décision adaptée et

efficace pour le contexte.

Communication et enseignement.

Par ailleurs, les conclusions issues de ce projet peuvent concrètement être utilisées

pour suggérer des conditions qui favorisent une compréhension optimale des relations

causales entre des évènements séparés par un long délai. En effet, les études de la

littérature (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Shanks et al.,

1989) ainsi que la présente étude démontrent que la reconnaissance de ce type de relation

causale est moins intuitive pour les gens, qui attribuent plus facilement des cotes de force

causale élevées en présence d'une forte contiguïté temporelle (voir aussi Buehner &

McGregor, 2006). Il a été établi que l'évaluation adéquate d'une relation causale impliquant

une faible contiguïté temporelle des évènements est plus difficile, car elle nécessite

d'interpréter de l'information complexe, ce qui requiert beaucoup de ressources cognitives

(cf. Perales & Catena, 2006; voir aussi section Originalités et Objectifs, p.25 de la présente

thèse). En conséquence, afin de faire comprendre plus aisément ce type de relation aux

gens, il peut être nécessaire de leur faciliter la tâche. Pour ce faire, les résultats de la

présente étude suggèrent qu'en transmettant de l’information plus détaillée concernant le

temps devant séparer les évènements et la chaîne d’action causale qui les relie, les gens sont

plus en mesure de percevoir une force causale élevée lorsque la durée du délai entre la

cause et l'effet est longue. La disponibilité de ces informations plus détaillées leur a donc

permis d'évaluer plus adéquatement l'information contenue dans les données selon qu'elle

concorde ou non avec leurs croyances a priori. De plus, diminuer la charge cognitive

nécessaire pour effectuer la tâche peut être essentiel pour que les participants puissent

observer et intégrer plus adéquatement l'information à évaluer avec leurs croyances a priori.

Page 126: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

112

Selon toute vraisemblance, les résultats obtenus dans la présente étude démontrent que la

présentation de l'information à évaluer sous forme de tableaux s'est avérée une méthode

efficace pour diminuer la charge cognitive nécessaire pour effectuer une telle tâche.

Ces conclusions peuvent s'appliquer concrètement au domaine de l'enseignement.

Par exemple, la présentation des données sous forme de deux tableaux adjacents incite les

participants à comparer le nombre d'effets observés lorsque la cause est présente avec le

nombre d'effets observés dans une condition contrôle, où la cause est absente. Ce principe

fondamental du raisonnement scientifique peut être difficile à comprendre de prime abord

pour des étudiants (Shauble, 1990). Toutefois, inciter les étudiants à adopter ce principe

peut les aider à identifier la présence d'une relation causale nécessaire et/ou suffisante entre

une cause potentielle et un effet, car ils peuvent facilement observer l'effet de l'absence de

la cause (Shauble, 1990). Autrement dit, selon Shauble (1990), inciter les étudiants à

employer les principes du raisonnement scientifique peut leur fournir une procédure qui

facilite l'identification des relations causales présentes dans leur environnement.

Conséquemment, lorsque l'on veut faciliter la tâche des étudiants qui doivent identifier des

relations causales dans un contexte donné, le recours à une présentation des données sous

forme synthétisée, qui distingue la présence et l'absence de la cause, peut s'avérer utile.

Pratique clinique et thérapie.

Les résultats de la présente thèse se veulent aussi un rappel pour tous les

thérapeutes dont la méthode de travail consiste à d'abord évaluer les causes qui ont

déclenché les problèmes et les symptômes d'une personne33

. En effet, les cliniciens tendent

généralement à rechercher des explications causales aux symptômes rapportés par un client

(Anh & Kim, 2008). La recherche de ces causes peut amener le clinicien à investiguer des

éléments d'un passé plus ou moins proche du client, remontant parfois même à sa petite

enfance (pour des exemples, voir entre autres la grille SECCA de Cottraux, Baouvard, &

Legeron, 1985; la carte cognitive de Beck, 1995; ou encore les schémas précoces inadaptés

33

À titre informatif, les approches classiques en psychologie correspondent toutes à cet énoncé. On note

tout de même certaines approches, moins répandues, qui ne tentent pas d'identifier les causes d'un

problème pour le résoudre, p. ex. les thérapies centrées sur les solutions ou encore les thérapies

stratégiques (voir par exemple Ausloos, 1995).

Page 127: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

113

de Young & Klosko, 2003). Toutefois, comme le démontre la présente étude, le clinicien

peut anticiper que son client aura tendance à attribuer une force causale plus élevée pour les

facteurs qui sont contigus avec l'apparition de l'effet. Relier une cause faiblement contiguë

dans le temps à une situation actuelle est une tâche complexe et peu intuitive pour une

personne (Buehner & McGregor, 2006). Il est donc normal qu'un client éprouve plus de

difficultés à établir un lien entre un symptôme apparu récemment et une cause survenue il y

a longtemps. De plus, les gens tendent à analyser uniquement la première hypothèse qui

leur vient à l'esprit, même si celle-ci n'est pas parfaitement conforme à la situation évaluée

(cf. théorie des doubles processus, Evans, 2006).

Par exemple, une personne qui consulte un thérapeute et rapporte souffrir de

symptômes dépressifs ou anxieux (p. ex. tristesse, détresse ou inquiétudes excessives)

reliera intuitivement ses symptômes avec un évènement récent, tel une rupture amoureuse.

Il peut d'ailleurs sembler logique et cohérent pour le thérapeute de conclure que les

symptômes nouvellement apparus découlent effectivement de cet évènement récent.

Cependant, devant une telle situation, le clinicien devra se souvenir que ces attributions

causales sont intuitives et peuvent ne pas représenter les causes réelles. Ainsi, le clinicien

doit donc encourager le client à analyser d'autres hypothèses pour expliquer ses problèmes.

Aussi, le clinicien ne doit pas oublier d'inciter le client à rechercher des causes potentielles

antérieures à celle évoquée spontanément. En effet, il peut arriver que les symptômes

fussent présents, ou aient déjà été présents, avant la survenue de la cause identifiée a priori.

Cette information, qui a pu échapper de prime abord à la conscience du client, fournit donc

de précieux renseignements sur l'étiologie des symptômes observés.

De plus, la présente thèse, ainsi que la littérature (Allan & Jenkins, 1983; Cheng,

1997; Fugelsang, Thompson, & Dunbar, 2006; Hattori & Oaksford, 2007; Wasserman,

Dorner, & Kao, 1990; Wasserman, Elek, Chatlosh, & Baker, 1993; White, 2003c, 2004),

nous permettent d'affirmer que plus des évènements apparaissent ensemble de façon

fréquente, plus une personne percevra un lien causal fort entre ces évènements (effet du

degré d'association). Ainsi, on peut comprendre pourquoi plusieurs psychothérapies

incluent la répétition d'exercices quotidiens dans leur plan de traitement. En effet, la

Page 128: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

114

répétition d'expériences nouvelles peut amener la personne à observer de l'information

nouvelle, modifiant alors sa perception et sa compréhension d'une relation causale jugée a

priori problématique. Par exemple, une personne peut avoir la conviction que son humeur

dépressive provoque une apathie qui l'empêche de se mettre en action. Cette personne aura

alors pour tâche de se mettre en action plusieurs fois dans la semaine, afin qu'elle réalise

que l'accomplissement d'activités plaisantes peut aussi avoir un effet bénéfique important

sur son humeur. Ce recours aux « tâches quotidiennes », visant à modifier les croyances

[causales] d'une personne, fait d'ailleurs partie intégrante de plusieurs thérapies validées

empiriquement pour une multitude de problèmes de santé mentale (notamment, pour la

dépression, voir Beck, 1995; Dimidjian, Martell, Addis, & Hermann-Dunn, 2008; pour le

Trouble d'Anxiété Généralisée, voir Ladouceur, Bélanger, & Léger, 2010; pour

l'Anxiété/Phobie Sociale, voir Butler, 2010; Turk, Heimberg, & Magee, 2008; pour le

Trouble Panique, voir Marchand & Letarte, 2004; pour le Trouble Obsessionnel-Compulsif,

voir Franklin & Foa, 2008; Sauteraud, 2000; pour le Trouble de Déficit de l'Attention, voir

Lafleur, Pelletier, Vincent, & Vincent, 2010; Safren, Perlman, Sprich, & Otto, 2005; pour

l'Insomnie, voir Morin, 1996).

Limites et études futures

Les limites de cette étude.

Dans la présente étude, les données à évaluer étaient présentées sous une forme de

tableaux; ce choix méthodologique a été fait parce qu'il présente de nombreux avantages

discutés précédemment. Toutefois, en choisissant cette méthode, il devient difficile

d'appliquer les résultats obtenus à l'apprentissage causal. En effet, dans la plupart des

études (p. ex. Buehner & May, 2002; 2003; 2004; Buehner & McGregor, 2006; Shanks,

Pearson, & Dickinson, 1989), les données présentées aux participants défilent l'une après

l'autre, ce qui permet d'observer comment les gens découvrent ou établissent la présence

d'une relation causale à partir d'évènements observés en temps réel. Cependant, alors que

la présente thèse permet de comprendre plus précisément certains processus impliqués dans

le raisonnement causal, la méthode de présentation synthétisée des données ne permet pas

Page 129: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

115

d'appliquer les résultats au processus de découverte ou d'apprentissage d'une relation

causale.

De plus, la présente thèse suggère à maintes reprises que le format de présentation

des données employé dans cette étude permet de réduire le recours à d'autres processus

cognitifs (tels que la mémoire, l'attention et l'estimation du temps) ainsi que les ressources

cognitives nécessaires pour raisonner de façon optimale lors d'une tâche d'évaluation de la

force causale. Cette stratégie a pour but d'aider les participants à percevoir la durée du délai

entre les évènements et à interpréter délibérément cette information en fonction de leurs

croyances a priori. Or, bien que les résultats obtenus ici suggèrent que cet objectif est

atteint, il n'est pas possible de déterminer objectivement si les participants ont eu plus de

facilité à observer les informations contenues dans les données dans la présente étude,

comparativement aux autres études. Pour ce faire, les expérimentations devraient rapporter

une mesure qui indiquerait le degré de précision des participants pour estimer le délai qui

s'est écoulé entre les évènements, ou encore le degré de précision des participants pour

estimer le degré d'association réel entre les évènements. Cependant, tout comme pour la

présente thèse, ce type de mesure n'est pas employé dans les études portant sur le rôle de la

contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.

Il serait aussi intéressant de déterminer objectivement que notre méthodologie aide

les participants à effectuer un raisonnement causal plus précis, plus adéquat ou plus

conforme à la réalité, comparativement aux méthodologies employées dans les autres

études de la littérature. À cet effet, il semble qu'il soit malheureusement difficile de vérifier

empiriquement le degré de conformité du jugement des participants avec la force causale

réellement présente dans l'environnement. En effet, une telle mesure impliquerait de

comparer la force causale perçue par les participants avec la force causale réelle présente

entre les évènements. Bien qu'il existe des mesures objectives du degré d'association entre

des évènements, il n'existe pas de mesure objective normativement acceptée de la force

causale. De plus, les relations causales étudiées en laboratoire sont toutes issues de

situations fictives, dont les paramètres sont contrôlés expérimentalement : il n'existe donc

pas de force causale réelle entre les éléments à évaluer, sinon celle qui est perçue par les

Page 130: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

116

expérimentateurs et les participants. Bref, pour le moment, on ne peut donc pas savoir si le

raisonnement des participants est plus juste ou plus représentatif de la réalité.

Par ailleurs, la présente thèse étudie l'influence des croyances a priori des gens en

manipulant expérimentalement ce facteur. À l'instar de plusieurs auteurs (p. ex. Allan et

al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al.,

2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer &

Waldmann, 2002; White, 2001), les croyances a priori des gens sont manipulées grâce à un

scénario expérimental, qui présente de l'information concernant le mécanisme ou le délai

attendu entre la cause et l'effet. D'après les résultats significatifs de nos expériences, il est

permis de postuler que les participants ont effectivement adopté les croyances suggérées

par le scénario expérimental, pour ensuite interpréter les données en fonction de ces

croyances. Toutefois, il est en réalité impossible de connaître le contenu exact des

croyances des participants, ni de connaître à quel point ce contenu correspondait aux

informations présentées a priori. En effet, les participants ont leur propre ensemble de

croyances personnelles et il n'est pas possible de savoir si les informations présentées a

priori ont été intégrées à ceux-ci. Il est d'ailleurs probable que certains participants n'aient

retenu qu'une partie de l'information présentée a priori, voire qu'ils n'aient rien retenu. Ils

auraient alors utilisé leurs propres croyances personnelles pour analyser les données à

évaluer. En conséquence, bien que la méthodologie employée dans la présente thèse semble

être adéquate, il faut rester prudent quant à la conclusion qu'un simple scénario

expérimental suffit pour manipuler les croyances a priori des gens.

Également, la situation expérimentale utilisée dans la présente étude concerne

uniquement un lien causal physique/chimique génératif, dans lequel une substance

provoque un effet sur un objet végétal. Or, le processus du raisonnement causal peut

s'appliquer à une multitude de domaines, tels que les domaines de relations physiques,

chimiques, biologiques, sociales ou technologiques (Bungee, 2004). Bien que l'on puisse

supposer que le raisonnement causal est une habileté cognitive générale qui s'exprime de la

même façon pour tous les contextes, la présente thèse ne compare pas l'effet du domaine

causal d'une relation sur l'évaluation de la force causale de celle-ci. Comme le notent Faro,

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

117

McGill et Hastie (2010), les gens vont intuitivement tendre à expliquer une situation en

imaginant un mécanisme d'action causale mécanique-physique entre les objets, dans lequel

la force d'une cause se dissipe dans le temps et l'espace. Toutefois, ces auteurs mentionnent

aussi que les gens peuvent concevoir que la force causale d'une cause ne se dissipe pas

toujours avec le temps qui passe. Notamment, lorsque la relation implique des éléments

biologiques, les gens imaginent facilement que la force causale peut s'accumuler avec le

temps : par exemple, les animaux grossiront, les plantes grandiront, et les virus se

multiplieront (voir Faro et al., 2010). Bref, il est probable que les gens attribuent des

propriétés différentes aux relations causales, selon qu'elles appartiennent au domaine des

relations physiques, biologiques, chimiques, sociales, etc. Des études futures portant sur

l'interaction entre la contiguïté temporelle et les croyances a priori devraient donc

considérer des domaines causaux variés, afin de vérifier l'hypothèse que les participants

évaluent différemment des ensembles de données similaires, mais appartenant à des

domaines causaux distincts.

Aussi, certains auteurs ont déjà démontré que les réponses des participants sont

différentes selon que la relation à évaluer est générative ou préventive (p. ex. Desrochers,

Walsh & Sacy, 2012; Walsh & Sloman, 2011). Bien que l'échelle utilisée ici pour recueillir

les réponses des participants permettait des réponses de nature préventive (côté négatif de

l'échelle), la relation causale présentée dans le scénario a priori était uniquement générative.

Ainsi, la présente thèse ne permet pas d'étudier le raisonnement des participants selon la

nature de la relation à évaluer.

Enfin, la présente thèse suggère que la contiguïté temporelle, en tant qu'indice de

causalité, puisse être impliquée dans plusieurs niveaux de processus du raisonnement

causal, tel qu'illustré dans l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006). D'une part,

cet indice peut être impliqué au niveau inférieur de recherche et de sélection de

l'information. D'autre part, il peut aussi être interprété au niveau supérieur de pondération

et d'intégration de l'information avec les croyances a priori. Dans la présente thèse, il a été

prédit que la force causale perçue pour une relation sera plus élevée lorsque la durée du

délai observée dans les données concorde avec la durée du délai attendue selon les

Page 132: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

118

croyances a priori, comparativement aux situations où ces durées de délai ne concordent

pas. Bien que les réponses des participants soient conformes aux prédictions émises ici, ces

réponses sont compatibles avec le rôle de la contiguïté temporelle dans l'un ou l'autre de ces

niveaux de processus. Il n'est pas possible de départager ici lequel des niveaux de

processus a engendré les résultats obtenus. Néanmoins, grâce à l'aspect graphique et au

caractère hiérarchique du modèle de Perales et Catena (2006), de futures études devraient

permettre de distinguer l'impact respectif de ces processus sur les réponses des participants

lors d'une tâche d'évaluation de la force causale.

La recherche future sur le raisonnement causal.

Dans le but de poursuivre la recherche sur le raisonnement causal, des modifications

à la méthodologie employée dans la présente étude pourraient être envisagées. Entre

autres, il serait possible de comparer les réponses des participants pour des conditions

expérimentales similaires à celles de la présente étude, mais en présentant les données sous

des formes différentes. Par exemple, à l'instar de Vallée-Tourangeau, Payton et Murphy

(2008), les données présentées aux participants pourraient prendre la forme de propositions

ou encore d'arbre de fréquence, tel qu'illustré à la Figure 13 ci-dessous. Cela permettrait de

comparer les réponses des participants à une tâche de raisonnement causal lorsque

différentes façons de présenter simultanément les données sont utilisées. Il serait alors

possible de vérifier quel format de présentation permet aux participants d'observer plus

facilement l'information quant à la contiguïté temporelle et de l'intégrer avec leurs

croyances a priori. Une telle étude serait novatrice, car très peu d'études ont comparé

l'impact du format de présentation des données sur le raisonnement causal (d'après une

revue de la littérature, les seules études à ce sujet sont celles de Perales & Shanks, 2008;

Vallée-Tourangeau, Payton, & Murphy, 2008; White, 2003b), et aucune ne s'y est

intéressée dans le cadre d'une recherche sur le rôle de la contiguïté temporelle. Ce manque

d'intérêt pour ce facteur est étonnant, car la présentation d'information sous forme de

tableaux ou de graphiques est courante dans notre quotidien, que ce soit dans les journaux

ou à la télévision.

Page 133: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

119

Pour les palmiers de Jamaïque:

0 palmier vaporisé à l'insecticide a subi un changement de couleur de ses feuilles le 1er jour;

3 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 2e jour;

6 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 3e jour;

9 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 4e jour;

12 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 5e jour;

Panneau a.

Panneau b.

Figure 13. Exemple de présentation des données sous forme de propositions (panneau a)

et sous forme d'arbre de fréquence (panneau b).

Page 134: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

120

Dans le même ordre d'idée, la présentation simultanée des données s’est avérée un

moyen adéquat pour tester les propositions théoriques de la littérature. Ainsi, il semble tout

à fait pertinent de continuer les recherches sur le raisonnement causal en présentant

l’information à évaluer sous des formes synthétisées, telles que des tableaux. En effet,

grâce aux nouvelles technologies (téléphones intelligents, applications informatiques

spécialisées, moteur de recherche Internet, journaux en ligne, etc.), les gens sont de plus en

plus exposés à de l’information synthétisée sous plusieurs formes dans leur vie de tous les

jours : statistiques, tableaux, graphiques, etc. Ces informations font aussi partie du

quotidien de plusieurs preneurs de décision et de chercheurs, qui analysent leurs résultats

sous forme de données compilées. Comprendre le rôle de différents facteurs dans le

raisonnement causal en utilisant ce format de présentation des données ne peut donc mener

qu’à une compréhension plus écologique de ce processus omniprésent dans notre vie.

Aussi, il est difficile d'évaluer le degré de concordance entre les croyances

personnelles des participants et les croyances suggérées par un scénario expérimental (voir

p.114-115 de la présente thèse). La méthode expérimentale généralement employée dans la

littérature pour manipuler les croyances a priori (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & May,

2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004;

Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; White, 2001) ne

permet actuellement pas de connaître précisément les croyances que les participants

entretiennent face à une situation. Ainsi, il serait pertinent pour une future étude de

développer une mesure permettant d'avoir un meilleur aperçu du contenu des croyances a

priori des participants lors de l’expérimentation. Par exemple, une étude pourrait utiliser

une échelle de type Likert demandant le niveau de confiance ou d'adhérence des

participants envers les informations présentées a priori. Également, avec une méthode

quasi-expérimentale, il serait possible d'étudier l'impact des croyances a priori en utilisant

une croyance déjà existante chez les participants. Par exemple, un questionnaire pré-

expérimental pourrait leur demander leur opinion par rapport à une relation causale en

particulier. Ensuite, il serait possible de vérifier si les participants évaluent des ensembles

de données selon la conformité des informations fournies avec la croyance déjà présente

chez eux.

Page 135: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

121

Par ailleurs, la relation causale à évaluer par les participants dans la présente thèse

concernait l'effet d'une cause générative qui entraîne une conséquence par un mécanisme

physique-chimique. Or, il semble que les gens perçoivent différemment les relations

génératives et préventives (Desrochers, Walsh, & Sacy, 2012; Walsh & Sloman, 2011). De

plus, les relations causales d'ordre physique ne sont pas les seules relations causales

présentes dans l'environnement d'une personne, bien qu'elles soient communes et les

premières relations apprises dans l'enfance (voir Faro, McGill, & Hastie, 2010; Perales &

Catena, 2006; Piaget, 1955). En effet, les gens peuvent aussi raisonner à propos de

relations causales se rapportant à des éléments biologiques, psychologiques ou sociaux

(Bungee, 2004). Les propriétés intuitivement attribuées aux relations causales physiques

peuvent être différentes de celles attribuées aux relations biologiques, psychologiques ou

sociales. Ainsi, alors que la force d'une cause tend à se dissiper dans le temps et l'espace

lorsque la relation est physique (p. ex. une balle projetée en l'air perd de sa vitesse avec le

temps et l'espace), les gens peuvent facilement concevoir que la force d'une cause

biologique ou psychologique s'accumule dans le temps (p. ex. avec le temps, un être vivant

grandit, un virus non traité se multiplie, ou encore une émotion devient plus intense) (Faro,

McGill, & Hastie, 2010). Ces différentes propriétés attribuées aux relations causales, selon

que la force se dissipe ou s'accumule, vont vraisemblablement engendrer des croyances a

priori différentes concernant le mécanisme imaginé et le temps attendu entre une cause et

un effet. Conséquemment, les propriétés attribuées à la relation vont influencer

l'interaction entre la contiguïté temporelle de la cause et l'effet et les croyances a priori

d'une personne. Les résultats obtenus dans la présente étude et les conclusions émises

concernant l'interaction entre ces facteurs pourraient donc ne s'appliquer que pour des

relations causales physiques. Il serait alors nécessaire de reproduire les expériences

effectuées dans cette thèse, mais en proposant aux participants d'évaluer des relations

causales qui concernent des éléments de nature psychologique ou sociale. Il sera ainsi

possible de vérifier que les phénomènes observés dans la présente thèse sont universels

dans le raisonnement causal, et non propre à certains types de relations.

De plus, la présentation des données essai par essai incite les chercheurs à étudier

l'effet de différents facteurs sur l'évaluation d'une relation causale entre des éléments

Page 136: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

122

physiques/mécaniques, dont les délais d'action sont relativement courts (en termes de

secondes, comme pour l'appui sur un interrupteur et l'apparition d'une lumière). En effet, il

ne serait pas possible de demander aux participants en laboratoire d'expérimenter des délais

très longs entre les évènements afin d'évaluer la force causale d'une relation. À l'inverse, la

présentation des données sous forme de tableaux permet d'illustrer des évènements de

différentes natures, en plus de ne pas avoir de limites quant à la représentation des délais

entre les évènements, qui peuvent être séparés par des jours, des mois ou même des années.

Par exemple, on peut illustrer dans un tableau l'effet des publicités d'un commerce sur le

nombre de ses ventes au cours des mois suivants, ou encore l'effet de l'utilisation d'un

engrais sur le taux de croissance de plantes au cours d'une saison, ou même l'impact de

divers évènements sur la cote de popularité d'une personnalité publique. L'utilisation de

tableaux permet donc de représenter des informations concernant des relations causales

abstraites, dont les mécanismes d'action ne sont pas observables et pour lesquelles le délai

d'action est trop long pour être expérimenté en temps réel par les participants en laboratoire.

Ainsi, les études futures devraient considérer que la présentation des données sous forme de

tableaux peut s'avérer plus écologique que le format essai par essai, notamment lorsque les

relations causales à évaluer concernent des domaines abstraits ou lorsque les délais attendus

entre les évènements sont longs, comme on le retrouve fréquemment dans les relations

sociales, économiques ou politiques.

La présente thèse constitue un effort pour contribuer au développement des modèles

explicatifs du raisonnement causal. Toutefois, ce champ de recherche est encore récent et

de nombreuses études seront nécessaires dans le futur pour préciser notre conceptualisation

de cette habileté cognitive. Notamment, il a été proposé que la capacité du raisonnement

causal nécessite de recourir à la mémoire déclarative et épisodique, ainsi qu'aux fonctions

exécutives (Perales & Catena, 2006). De plus, nous avons vu précédemment que la théorie

des doubles processus définie par Evans (2006; 2008) peut être appliquée pour expliquer le

fonctionnement des processus supérieurs du raisonnement causal défini par Perales et

Catena (2006). Selon cette théorie des doubles processus, le fonctionnement du processus

analytique dépendrait beaucoup de l'intelligence, des capacités de mémoire de travail et de

la faculté d'inhibition d'une personne (Evans, 2006). Bref, le raisonnement causal serait

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

123

intimement lié à plusieurs autres facultés cognitives de haut niveau. En conséquence, il

serait pertinent de vérifier l'hypothèse voulant que ces facultés se développent en parallèle

(Perales & Catena, 2006). Pour ce faire, la performance d'une personne à des tests pour ces

facultés cognitives pourrait être comparée avec sa capacité de raisonner de façon efficace et

adéquate à propos d'une relation causale. Une telle étude serait particulièrement utile, car

elle permettrait d'identifier les facultés cognitives qui sont impliquées et/ou nécessaires

dans le développement de la capacité de raisonner de façon inductive sur les relations

causales.

Également, il devrait être possible de développer notre compréhension des

processus impliqués dans le raisonnement causal en comparant le raisonnement normal

avec le raisonnement pathologique. En effet, on devrait retrouver des erreurs dans le

raisonnement causal de personnes qui présentent des lacunes pour certaines fonctions

cognitives. Par exemple, une personne qui présente un déficit sur le plan de la mémoire de

travail devrait avoir une capacité limitée d'établir des relations causales à partir d'un

ensemble de données observées en temps réel. De la même manière, une personne qui est

limitée dans sa capacité à calculer le degré d'association entre des évènements devrait

présenter des difficultés à estimer la force causale d'une relation entre ces évènements.

Bref, une personne qui démontre des déficits lors d'une tâche mesurant une fonction

cognitive impliquée dans le raisonnement causal devrait, en corollaire, démontrer des

déficits dans une tâche explicite de raisonnement causal. Dans le cas contraire, il serait

permis de remettre en question le rôle que joue cette fonction cognitive dans le

raisonnement causal. La comparaison de la performance à une tâche de raisonnement

causal avec celle à des tâches mesurant d'autres habiletés cognitives devrait donc nous

permettre de mieux comprendre quelles fonctions sont nécessaires à ce type de

raisonnement.

Enfin, il serait aussi intéressant d'appuyer davantage les propositions théoriques de

la littérature grâce à des études en neuroscience et en neuro-imagerie. En effet, plusieurs

chercheurs tentent déjà d'identifier les patrons d'activation cérébrale qui caractérisent le

raisonnement causal. Par exemple, Satpute et al. (2005) ont observé, grâce à une étude

Page 138: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

124

utilisant l'imagerie par résonance magnétique (IRM), des patrons d'activation cérébrale

distincts lorsque les participants évaluent des relations causales comparativement à des

relations uniquement associatives. Dans le même ordre d'idée, Blos, Chatterjee, Kircher et

Straube (2012) ont vérifié si l'évaluation de relations causales physiques entraine les mêmes

patrons d'activation cérébrale que l'évaluation de relations causales sociales. Ils ont observé

que les mêmes zones du cerveau étaient activées, mais que les patrons d'activation

neuronale de ces zones variaient selon les caractéristiques des stimuli des tâches

expérimentales. Ils ont donc conclu que la perception d'un lien causal n'est pas un

processus cognitif universel, indépendant du contexte et ancré dans une zone spécifique du

cerveau (Blos et al., 2012). Bref, actuellement, il n'est pas possible d'identifier un patron

d'activation cérébrale ou un réseau neuronal propre au raisonnement causal. La complexité

de cette tâche cognitive de haut niveau, ainsi que les nombreuses autres fonctions

cognitives qui sont impliquées dans celle-ci, force les chercheurs à interpréter avec nuance

les résultats de leurs études en neuro-imagerie. Quoi qu'il en soit, devant la possibilité

d'obtenir des données empiriques sur le plan neurocognitif, les chercheurs ne devraient pas

hésiter à utiliser de telles techniques afin de valider l'exactitude de leur modèle explicatif du

raisonnement causal et des propositions théoriques qui les sous-tendent.

Conclusion

En résumé, cette thèse confirme qu’il existe bel et bien une interaction entre la

contiguïté temporelle des évènements à évaluer et les croyances a priori des gens dans le

processus du raisonnement causal. Cette interaction s’exprime en accord avec certaines

propositions existantes dans la littérature (voir notamment Buehner & McGregor, 2006); en

particulier, les données présentant des informations qui concordent aux croyances

suggérées a priori se voient attribuer une force causale plus élevée que les données

présentant des informations qui ne concordent pas aux croyances a priori. On peut

supposer que cette interaction est robuste, car elle se retrouve sous diverses formes, autant

dans des études présentant les données à évaluer dans un format essai par essai (Allan et al.,

2003; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006) que dans des études

présentant les données sous forme de tableaux (présente thèse; Hagmayer & Waldmann,

2002). De plus, les participants de ces diverses études devaient évaluer des relations

Page 139: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

125

causales impliquant des variables bien différentes (insecticides et insectes, pilules et maux

de tête, interrupteur et lumière, interrupteur et explosion, etc.), suggérant que le rôle

modulateur des croyances a priori n’est pas spécifique à un contexte particulier.

Afin d'obtenir ces résultats, la présente thèse a dû ajuster les propositions de la

littérature, fournissant ainsi un cadre de prédiction des réponses des participants qui est

compatible avec une vision probabiliste de la causalité. De plus, cette thèse utilise une

méthodologie nouvelle qui comporte des avantages indéniables comparativement aux

méthodologies couramment employées dans la littérature. En particulier, on note une

réduction de la charge cognitive nécessaire pour évaluer la force causale d'une relation à

partir d'un ensemble de données. Cette réduction de la charge cognitive s'avère bénéfique

afin que les gens puissent observer et intégrer efficacement l'information quant à la

contiguïté temporelle avec leurs croyances a priori.

Les résultats obtenus ont des implications théoriques dans plusieurs domaines,

notamment lorsqu’ils sont mis en lien avec l’architecture cognitive de Perales et Catena

(2006). Ce modèle, qui fait le pont entre les grands champs de connaissance dans le

domaine du raisonnement causal, permet une interprétation adéquate des résultats obtenus

dans la présente thèse. Il constitue donc une tentative encourageante d'intégration de tous

les facteurs susceptibles d’influencer le raisonnement causal dans une architecture cognitive

cohérente. Ce modèle est prometteur, car il est suffisamment flexible pour inclure les

propositions d'autres auteurs influents de la littérature (p. ex. Cheng, 1997; Evans, 2006;

Griffiths & Tenenbaum, 2009).

Également, les connaissances issues de la présente thèse ont des implications

concrètes dans le domaine de la communication, de l'enseignement et de la pratique

clinique en psychologie. En effet, il apparaît que les gens reconnaissent plus difficilement

les relations causales qui impliquent une faible contiguïté temporelle. Cette tendance doit

donc être gardée à l'esprit des professionnels. Afin de pallier cette tendance, il peut leur

être nécessaire de faciliter la tâche de raisonnement causal en présentant les données de

façon simultanée, ou encore en communiquant de l’information plus détaillée concernant le

Page 140: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Chapitre 4

126

temps devant séparer les évènements ou la chaîne d’action causale les liant. Une meilleure

connaissance des facteurs qui influencent le processus du raisonnement causal ne peut

mener qu'à une meilleure compréhension des biais et erreurs qui peuvent se glisser dans le

jugement des gens, notamment lorsqu’ils sont en situation de prise de décision importante.

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

127

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

137

Annexe 1

Instructions générales pour les participants de l’Expérience 1 et 2

INTRODUCTION

Imaginez le propriétaire d’une serre qui se consacre depuis plusieurs années à la

production de palmiers d’intérieur en provenance de 9 pays (Indonésie, Malaisie, Maroc, Tunisie,

Jamaïque, Madagascar, Sénégal, Soudan, États-Unis). Récemment, le propriétaire a constaté que

toutes les feuilles de certains palmiers changent subitement de couleur et passent alors du

vert au rouge! Il soupçonne alors les nouveaux insecticides utilisés sur ces palmiers d’être les

responsables. Toutefois, la vie étant ce qu’elle est, il est aussi possible que les feuilles

développent cette coloration rouge pour d’autres raisons (par exemple, la maladie ou le

vieillissement normal).

EXPÉRIMENTATION DU PROPRIÉTAIRE

En conséquence, il décide de procéder à une petite expérimentation afin d’évaluer la

responsabilité potentielle des insecticides utilisés, et ce, selon le pays d’origine des palmiers. En

effet, les palmiers des 9 pays concernés étant différents à la base, leur sensibilité aux insecticides

utilisés pourrait varier d’un pays à l’autre. De plus, comme nous ne connaissons pas encore les

effets réels de ces insecticides, il faut garder à l’esprit qu’il est tout aussi possible qu’un

insecticide en question cause le changement de couleur des feuilles du vert au rouge, tout comme

il peut le prévenir (ou l’empêcher)! Il est aussi possible que l’insecticide ciblé n’ait aucun effet

particulier.

Pour chaque pays, il isole donc dans une pièce un certain nombre de palmiers qu’il

vaporise avec un seul insecticide. Pour chaque pays, il crée aussi un groupe de comparaison en

isolant, dans une autre pièce, un autre groupe de palmiers qu’il ne vaporisera d’aucun insecticide.

Enfin, sachez que tous les palmiers sélectionnés pour son expérimentation n’avaient

jamais encore été vaporisés par aucun insecticide auparavant, et qu’ils avaient tous connu des

conditions d’entretien équivalentes jusqu’à leur arrivée à la serre.

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Annexes

138

VOTRE TÂCHE ou CE QUE VOUS AVEZ À FAIRE

Votre tâche consiste à analyser les données amassées par le propriétaire concernant deux

nouveaux insecticides (le X-RAID et le Y-BAN). Pour ce faire, dans la première section du

cahier, vous devrez d’abord évaluer l’effet d’un premier insecticide sur le changement de couleur

des feuilles des palmiers, et ce, pour chacun des 9 pays mentionnés plus haut (donc 9 ensembles

de données à évaluer). Ensuite, dans la deuxième section du cahier, vous aurez à évaluer l’effet

de l’autre insecticide, et ce, pour chacun des 9 pays concernés (donc 9 ensembles de données).

Bref, en tout, vous aurez donc 18 ensembles de données à évaluer. Un exemple d’ensemble de

données à évaluer vous est fourni à la page suivante.

Exemple

Pour chaque pays, les données seront présentées sous la forme de deux tableaux (voir ci-

dessous) : un pour le groupe de palmiers vaporisés et un autre pour le groupe non vaporisé.

Puisque le propriétaire ne pouvait surveiller continuellement ses palmiers, il opta pour une

vérification à chaque matin. Chaque tableau contient donc cinq colonnes (1, 2, 3, 4 et 5 jours)

représentant le temps écoulé depuis la vaporisation de l’insecticide. La présence d’un x sur une

ligne indique que toutes les feuilles de ce palmier ont subitement viré au rouge, et la colonne

précise après combien de jours ce changement a été constaté par le propriétaire. L’absence d’un

x sur une ligne indique que les feuilles de ce palmier n’ont jamais changé de couleur. La

présence d’un x dans une ligne est également signalée par la couleur grise de la ligne. Dans

l’exemple ci-dessous, le palmier vaporisé # 1 n’a jamais changé de couleur, tandis que le palmier

non vaporisé # 12 a viré au rouge après 3 jours.

Palmier Vaporisés avec l’insecticide Palmier Non vaporisés avec l’insecticide

# 1 jour 2 jours 3 jours 4 jours 5 jours # 1 jour 2 jours 3 jours 4 jours 5 jours

1 11

2 X 12 X

3 X 13

4 X 14 X

5 15

6 16 X

7 X 17

8 18 X

9 19

10 X 20 X

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

139

À partir des données contenues dans ces deux tableaux, il s’agira pour vous d’indiquer à

quel point vous croyez que l’insecticide ciblé a eu un effet sur le changement de couleur des

feuilles pour les palmiers du pays ciblé à cette page, et uniquement pour ce pays. Souvenez-

vous que les feuilles des palmiers peuvent développer cette coloration rouge pour d’autres

raisons, et comme nous ne connaissons pas encore les effets réels de ces insecticides, il faut

garder à l’esprit qu’il est tout aussi possible que l’insecticide en question cause le changement de

couleur des feuilles du vert au rouge, tout comme il peut le prévenir (ou l’empêcher)! Enfin, il

est aussi possible que l’insecticide ciblé n’ait aucun effet particulier.

Vous devrez fournir votre jugement à l’aide de l’échelle ci-dessous. Si vous considérez

que l’insecticide cause le changement de couleur des feuilles, utilisez les chiffres de 1 à 10 : 10

signifie que l’insecticide cause très fortement le changement de couleur des feuilles, 1 signifie

que l’insecticide cause très faiblement le changement de couleur des feuilles. Si vous considérez

que l’insecticide empêche le changement de couleur des feuilles, utilisez les chiffres de -1 à -10 :

-10 signifie que l’insecticide empêche très fortement le changement de couleur des feuilles, -1

signifie que l’insecticide empêche très faiblement le changement de couleur des feuilles. Si vous

considérez qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre l’insecticide et le changement de couleur

des feuilles, utilisez le 0. Bien sûr, vous pouvez utiliser tous les chiffres entre 1 et 10, ou -1 et -

10, pour nuancer votre évaluation.

Échelle à coter :

-10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Votre évaluation? : ___________

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

141

Annexe 2

Scénarios de description des insecticides présentés aux participants

Expérience 1

Condition sans croyance

Scénario neutre.

Les caractéristiques de ce nouvel insecticide X-RAID sont toutefois inconnues;

nous ne pouvons donc vous fournir aucune information/renseignement à son sujet.

Condition suggérant un délai long

Scénario formulé en termes de Durée du délai et Mécanisme.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

suite à la vaporisation, on sait que cet insecticide va d’abord pénétrer le sol. Ensuite, il sera

absorbé par les racines des plantes et véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles dans lesquelles

il s’accumulera graduellement. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide peuvent

donc prendre quelques jours avant de réagir.

Scénario formulé en termes de Durée du délai uniquement.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

suite à la vaporisation, on sait que les plantes qui sont sensibles à cet insecticide peuvent

prendre quelques jours avant de réagir.

Scénario formulé en termes de Mécanisme uniquement.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

suite à la vaporisation, on sait que cet insecticide va d’abord pénétrer le sol. Ensuite, il sera

absorbé par les racines des plantes et véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles dans lesquelles

il s’accumulera graduellement.

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Annexes

142

Expérience 2

Scénarios formulés en termes de Mécanisme uniquement

Condition suggérant un délai court.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, il pénètre directement dans les feuilles et s’y

accumule. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent alors à la présence de

cet insecticide dans leurs feuilles.

Condition suggérant un délai long.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, l’insecticide pénètre d’abord le sol. Ensuite, il

est absorbé par les racines des plantes et est ainsi véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles

dans lesquelles il s’accumule. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent

alors à la présence de cet insecticide dans leurs feuilles.

Scénarios formulés en termes de Durée du délai uniquement

Condition suggérant un délai court.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent à l’intérieur d’un délai particulier,

soit entre 1 et 3 jours après la vaporisation.

Condition suggérant un délai long.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent à l’intérieur d’un délai particulier,

soit entre 3 et 5 jours après la vaporisation.

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

143

Scénarios formulés en termes de Durée du délai et Mécanisme

Condition suggérant un délai court.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, il pénètre directement dans les feuilles et s’y

accumule. Les plantes qui sont sensibles réagissent alors à la présence de cet insecticide

dans leurs feuilles à l’intérieur d’un délai particulier, soit entre 1 et 3 jours après la

vaporisation.

Condition suggérant un délai long.

Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,

lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, l’insecticide pénètre d’abord le sol. Ensuite, il

est absorbé par les racines des plantes et est ainsi véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles

dans lesquelles il s’accumule. Les plantes qui sont sensibles réagissent alors à la présence

de cet insecticide dans leurs feuilles à l’intérieur d’un délai particulier, soit entre 3 et 5

jours après la vaporisation.

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

145

Annexe 3

Degré d’association et degré de contiguïté temporelle retenus pour chaque matrice de

l'Expérience 1 et de l’Expérience 2

Scénario

Degré de contiguïté

temporelle

(% des effets totaux pour

chaque journée)

P P(e|c) P(e|¬c)

Première condition:

aucune suggestion

(Expérience 1) ou

suggestion d’un délai

court (Expérience 2)

faible

(0%-10%-20%-30%-40%)

0 .25 .25 Matrice 1

.25 .50 .25 Matrice 2

.75 1 .25 Matrice 3

aléatoire

(20%-20%-20%-20%-20%)

0 .25 .25 Matrice 4

.25 .50 .25 Matrice 5

.75 1 .25 Matrice 6

fort

(40%-30%-20%-10%-0%)

0 .25 .25 Matrice 7

.25 .50 .25 Matrice 8

.75 1 .25 Matrice 9

Deuxième condition:

suggestion d’un délai

long

faible

(0%-10%-20%-30%-40%)

0 .25 .25 Matrice 10

.25 .50 .25 Matrice 11

.75 1 .25 Matrice 12

aléatoire

(20%-20%-20%-20%-20%)

0 .25 .25 Matrice 13

.25 .50 .25 Matrice 14

.75 1 .25 Matrice 15

fort

(40%-30%-20%-10%-0%)

0 .25 .25 Matrice 16

.25 .50 .25 Matrice 17

.75 1 .25 Matrice 18

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Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

147

Annexe 4

Tableaux et graphiques des résultats de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 1

(Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X Degré d’association X Type

d’information)

Tableau 1.

Statistiques F, degrés de liberté, carrés moyens, seuils de signification et tailles d’effet pour les

facteurs de l’ANOVA sur les cotes de force causale fournies à l’Expérience 1.

Facteurs dl Carré

moyen F Sig.

Eta carré

partiel

Suggestion d’un délai 1 29,067 3,824 .054 ,042

Contiguïté temporelle ** 2 135,886 12,074 .000 ,122

Degré d’association ** 2 8373,838 773,606 .000 ,899

Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle ** 2 68,521 15,322 .000 ,150

Suggestion d’un délai X Degré d’association 2 4,528 1,758 .178 ,020

Contiguïté temporelle X Degré d’association 4 4,728 1,048 .371 ,012

Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X

Degré d’association

4 0,558 0,195 .925 ,002

Type d’information 2 3,464 0,142 .868 ,003

Suggestion d’un délai X Type d’information 2 8,093 1,065 .349 ,024

Contiguïté temporelle X Type d’information 4 7,017 0,623 .580 ,014

Degré d’association X Type d’information 4 1,587 0,147 .960 ,003

Suggestion d’un délai X Contiguïté temp. X

Type d’info.

4 2,699 0,604 .618 ,014

Suggestion d’un délai X D. d’association X

Type d’info.

4 1,791 0,696 .584 ,016

Contiguïté temporelle X D. d’association X

Type d’info.

8 2,418 0,536 .777 ,012

Suggestion d’un délai X Contiguïté temp. X

D. d’association X Type d’information

8 1,854 0,647 .719 ,015

*significatif à p < .05

**significatif à p < .01

Page 162: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Annexes

148

Tableau 2.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux des

facteurs principaux inclus dans l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 1.

Facteur Niveaux Moyenne (écart-type)

Suggestion d’un délai

Aucune suggestion 3,71 (1,51)

Suggestion d'un délai 3,98 (1,11)

Contiguïté temporelle

Court 4,33 (1,69)

Aléatoire 3,87 (1,28)

Long 3,33 (1,80)

Degré d’association

P = 0 -0,22 (1,14)

P = .25 4,11 (1,79)

P = .75 7,64 (1,75)

Type d’information

Mécanisme 3,93 (1,09)

Durée du délai 3,83 (1,34)

Durée du délai et Mécanisme 3,77 (1,04)

Tableau 3.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes fournies à

l’Expérience 1.

Suggestion d’un délai

Aucune

Suggestion Suggestion d'un délai

Contiguïté temporelle

Court 4,52 (1,98) 4,13 (1,97)

Aléatoire 3,79 (1,50) 3,96 (1,34)

Long 2,81 (2,40) 3,84 (1,81)

Page 163: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

149

Annexe 5

Tableaux et graphiques des résultats de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2

(Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X Degré d’association X Type

d’information)

Tableau 1.

Statistiques F, degrés de liberté, carrés moyens, seuils de signification et tailles d’effet pour les

facteurs de l’ANOVA sur les cotes de force causale fournies à l’Expérience 2.

Facteurs dl Carré

moyen F Sig.

Eta carré

partiel

Durée du délai suggérée 1 ,091 ,013 .910 ,000

Contiguïté temporelle ** 2 133,502 9,878 .000 ,102

Degré d’association ** 2 7503,511 689,774 .000 ,888

Durée du délai suggérée X Contiguïté temp.** 2 742,148 50,312 .000 ,366

Durée du délai suggérée X Degré d’association 2 2,841 ,758 .437 ,009

Contiguïté temporelle X Degré d’association 4 3,586 ,893 .451 ,010

Durée du délai suggéré X Contiguïté temp. X

Degré d’association**

4 13,797 4,355 .003 ,048

Type d’information* 2 123,837 4,092 .020 ,086

Durée du délai suggérée X Type d’information 2 3,302 ,465 .630 ,011

Contiguïté temporelle X Type d’information 4 9,853 ,729 .549 ,016

Degré d’association X Type d’information* 4 33,655 3,094 .026 ,066

Durée du délai sug. X Contiguïté temp. X

Type d’info.**

4 157,373 10,669 .000 ,197

Durée du délai suggérée X D. d’associat. X

Type d’info.

4 4,911 1,310 .268 ,029

Contiguïté temp. X D. d’association X

Type d’info.

8 2,388 ,594 .747 ,013

Durée du délai suggérée X Contiguïté temp. X

D. d’association X Type d’information

8 1,271 ,401 .900 ,009

*significatif à p < .05

**significatif à p < .01

Page 164: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Annexes

150

Tableau 2.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux des

facteurs principaux inclus dans l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.

Facteur Moyenne (écart-type)

Durée du délai

suggérée

Suggestion délai court 3,34 (1,51)

Suggestion délai long 3,35 (1,45)

Contiguïté temporelle

Court 3,71 (1,73)

Aléatoire 3,54 (1,58)

Long 2,78 (2,09)

Degré d’association

P = 0 -0,41 (1,21)

P = .25 3,39 (1,78)

P = .75 7,05 (2,14)

Type d’information

Mécanisme 3,89 (1,05)

Durée du délai 2,99 (1,67)

Durée du délai et Mécanisme 3,15 (1,07)

Tableau 3.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction

Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes fournies à

l’Expérience 2.

Durée du délai suggérée

Suggestion d’un

délai court

Suggestion d’un délai

long

Contiguïté temporelle

Court 4,94 (1,93) 2,48 (3,13)

Aléatoire 3,38 (2,08) 3,70 (1,53)

Long 1,68 (2,62) 3,87 (2,65)

Page 165: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

151

Tableau 4.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de

l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré

d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.

Contiguïté

temporelle Durée du délai suggérée

P = 0

Suggestion d’un

délai court

Suggestion d’un

délai long

Court 0,89 (2,51) -1,00 (2,94)

Aléatoire -0,28 (1,65) -0,02 (1,72)

Long -1,78 (2,69) -0,27 (2,56)

P = .25

Suggestion d’un

délai court

Suggestion d’un

délai long

Court 5,14 (2,77) 2,51 (3,81)

Aléatoire 3,20 (2,60) 3,60 (2,31)

Long 1,55 (2,93) 4,32 (3,45)

P = .75

Suggestion d’un

délai court

Suggestion d’un

délai long

Court 8,80 (2,18) 5,92 (4,65)

Aléatoire 7,21 (3,23) 7,51 (2,78)

Long 5,27 (3,95) 7,56 (3,40)

Page 166: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Annexes

152

Tableau 5.

Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de

l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type

d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.

Contiguïté

temporelle Durée du délai suggérée

Durée du délai

uniquement

Suggestion

d’un délai

court

Suggestion

d’un délai

long

Court 4,78 (2,74) 1,80 (3,30)

Aléatoire 3,08 (1,92) 3,41 (1,97)

Long 1,19 (2,67) 3,69 (3,05)

Mécanisme uniquement

Suggestion

d’un délai

court

Suggestion

d’un délai

long

Court 4,70 (1,38) 4,28 (2,34)

Aléatoire 4,14 (1,01) 4,08 (1,30)

Long 2,98 (2,51) 3,16 (2,51)

Durée du délai et

mécanisme

Suggestion

d’un délai

court

Suggestion

d’un délai

long

Court 5,36 (1,34) 1,36 (2,91)

Aléatoire 2,92 (2,76) 3,60 (1,16)

Long 0,87 (2,24) 4,77 (2,14)

Page 167: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

153

Annexe 6

Commentaires les plus fréquents des participants

Voici des exemples des commentaires les plus fréquents fournis par écrit par les

participants, qui pouvaient indiquer l'information qu'ils ont considérée dans leur évaluation

du lien entre l'insecticide et le changement de couleur des feuilles de palmiers. Les

participants ont donc rapporté avoir considéré...

Expérience 1

le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;

le pourcentage/ le ratio/ la proportion de palmiers dont les feuilles ont changé de

couleur;

la comparaison entre les tableaux des palmiers vaporisés et non vaporisés avec

l'insecticide;

le nombre de jours avant le changement de couleur des feuilles de palmiers;

la vitesse d'accélération ou de ralentissement du changement de couleur des feuilles

de palmiers;

le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur dans une fenêtre

temporelle spécifique (p. ex. dans les 3 derniers jours);

le type d'insecticide ou ses caractéristiques (p. ex. doit pénétrer le sol, doit agir après

3 jours, doit être incubé avant d'agir, son effet se dissipe après quelques jours);

la possibilité que des causes alternatives puissent être la cause du changement de

couleur des feuilles de palmiers, ou encore des caractéristiques diverses propres au

contexte de culture des palmiers (p. ex. leur pays d'origine, la sensibilité des

palmiers, les conditions climatiques, l'âge des palmiers, l'entretien apporté aux

palmiers, les rongeurs, la pollution, etc.).

Page 168: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Annexes

154

Expérience 2

la vitesse d'accélération ou de ralentissement du changement de couleur des feuilles

de palmiers;

le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur dans une fenêtre

temporelle spécifique, selon les caractéristiques de l'insecticide (p. ex. dans les 3

premiers jours ou les 3 derniers jours);

la comparaison entre le nombre de palmiers qui ont changé (ou non) de couleur

durant le temps d'action de l'insecticide et le nombre de palmiers qui ont changé (ou

non) de couleur en dehors du temps d'action de l'insecticide;

la possibilité que les informations fournies au début de l'expérience soient fausses,

car visiblement les données contredisent l'information connue à propos de

l'insecticide;

le temps d'action théorique des insecticides;

le mécanisme d'action théorique des insecticides (p. ex. son mode d'absorption);

le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;

le pourcentage/ le ratio de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;

la comparaison entre les tableaux des palmiers vaporisés et non vaporisés avec

l'insecticide;

la possibilité que des causes alternatives puissent être la cause du changement de

couleur des feuilles de palmiers;

Page 169: Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle ...

Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle

155

Commentaires des participants sur la nature de la relation causale

La nature de l’effet attendu de l’insecticide sur les feuilles de palmiers n’étant pas

spécifiée dans les scénarios présentés a priori, les participants étaient libres d’interpréter

l’information présentée à leur guise. La relation perçue pouvait ainsi être préventive,

générative, ou encore un mélange des deux.

Exemples de commentaires des participants sur la nature de la relation perçue à partir des

données : L’insecticide…

a pour effet de provoquer le changement, mais cet effet se dissipe après 3 jours;

a pour effet de provoquer le changement, mais cet effet ne se manifeste qu’après 3

jours;

a un effet de protection, mais cet effet se dissipe après 3 jours, alors les feuilles

changent de couleur;

a un effet de protection qui ne se manifeste qu'après 3 jours;

retarde le changement, mais le créer en fort pourcentage;

accélère l’apparition du changement de couleur des feuilles, qui aurait eu lieu

même sans le produit;

l'insecticide retarde le changement de couleur des feuilles, mais ne le prévient pas

nécessairement à long terme;

l'insecticide accélère le changement de couleur des feuilles pour certains palmiers et

le ralentit pour d'autres, donc son effet est quelconque;

l’insecticide aggrave une condition préexistante;

l’effet de l’insecticide dépend de la température que l'on retrouve dans les différents

pays.