RISQUES FISCAUX

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En vedette risques fiscaux Drucker citait trois choses que l’homme, même sans le désirer, doit subir : la mort, les impôts et le changement. L’impôt comme le changement peuvent être perçus avec résignation ou être approchés de façon proactive pour en saisir les opportunités et les gérer au mieux. Gérer le risque fiscal fera partie désormais des domaines clefs de gestion des entreprises. En effet, une gestion du risque fiscal inefficace peut avoir un effet dévastateur. Aussi, la gestion des risques fiscaux devient-elle une préoccupation majeure qui justifie que l’entreprise formalise sa politique en la matière. Dans la plupart de PME, c’est le comptable qui remplit, en plus de la fonction comptable, la fonction fiscale de l’entreprise. D’ailleurs, c’est l’efficacité de la gestion du risque fiscal qui est perçue par la plupart des dirigeants de PME comme le principal instrument de mesure de la performance comptable. Dans ce contexte, la mise en place d’un système de gestion du risque fiscal (tax risk management) permettant d’aligner les stratégies fiscales sur la stratégie globale de l’entreprise et la gestion du risque fiscal sur le profil du risque global de l’entreprise constitue la clé de voûte de toute réussite professionnelle comptable. Les comptables sont, par conséquent, appelés à acquérir les connaissances et le savoir faire qui leur permettent de maîtriser les risques fiscaux et de les gérer. Dans les grandes entreprises, cette tâche sera principalement confiée à une fonction fiscale spécialisée. Lorsqu’on examine le concept de gestion fiscale performante, qui constitue l’objectif générique que poursuit toute gestion fiscale

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risques fiscaux

Drucker citait trois choses que l’homme, même sans le désirer, doit subir : la mort, les impôts et le changement. L’impôt comme le changement peuvent être perçus avec résignation ou être approchés de façon proactive pour en saisir les opportunités et les gérer au mieux.

Gérer le risque fiscal fera partie désormais des domaines clefs de gestion des entreprises. En effet, une gestion du risque fiscal inefficace peut avoir un effet dévastateur.

Aussi, la gestion des risques fiscaux devient-elle une préoccupation majeure qui justifie que l’entreprise formalise sa politique en la matière.

Dans la plupart de PME, c’est le comptable qui remplit, en plus de la fonction comptable, la fonction fiscale de l’entreprise. D’ailleurs, c’est l’efficacité de la gestion du risque fiscal qui est perçue par la plupart des dirigeants de PME comme le principal instrument de mesure de la performance comptable. Dans ce contexte, la mise en place d’un système de gestion du risque fiscal (tax risk management) permettant d’aligner les stratégies fiscales sur la stratégie globale de l’entreprise et la gestion du risque fiscal sur le profil du risque global de l’entreprise constitue la clé de voûte de toute réussite professionnelle comptable.

Les comptables sont, par conséquent, appelés à acquérir les connaissances et le savoir faire qui leur permettent de maîtriser les risques fiscaux et de les gérer.

Dans les grandes entreprises, cette tâche sera principalement confiée à une fonction fiscale spécialisée.

Lorsqu’on examine le concept de gestion fiscale performante, qui constitue l’objectif générique que poursuit toute gestion fiscale et par voie de conséquence toute gestion du risque fiscal, la première question à se poser est la suivante : une gestion fiscale est performante quand elle permet de réaliser le plus d’économie (économie d’impôt, économie d’administration ou des coût de contrôle interne et de gestion des impôts, etc…) ou quand elle permet de minimiser les impôts dans un cadre de réduction du risque fiscal ? Autrement dit, en faisant le rapport avantage-coût, faut il prendre en compte les économies sauvées par la déduction du risque fiscal. Si tel est le cas, cela justifie la dotation des ressources nécessaires pour assurer une gestion visant à réduire le risque fiscal.

Le choix de la voie de la minimisation de la charge fiscale dans le cadre d’une réduction du risque donne qu’une bonne politique de gestion du risque fiscal considère que l’optimisation est efficiente et appropriée lorsqu’elle converge avec la compliance  (le respect de la loi fiscale).

I.   Les différents domaines et sources de risques fiscaux 

Les sources de risques fiscaux sont multiples. Si l’on écarte le risque lié à la violation délibéré de la loi fiscale (risque légal ou d’illégalité), les risques peuvent être courants ou non courants ; ils

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peuvent être d’origine externe ou interne comme ils peuvent être liés aux personnes, aux processus opérationnels, à la technologie ou aux procédures de gestion fiscale de l’entreprise.

La fiscalité constitue aussi un aspect du risque de marché en tant qu’élément de coût et de la formation du prix

1. Les domaines de risques fiscaux 

Selon une approche inspirée des travaux de PriceWaterhouseCoopers, les risques fiscaux peuvent être analysés et regroupés en sept domaines, dont l’ensemble combiné constitue le portefeuille de risque fiscal de l’entreprise.

a)    Le risque de transactions :

Chaque transaction rencontre l’impôt. Plus la transaction est complexe, plus elle peut générer des incertitudes fiscales et, par conséquent, des risques fiscaux.

Plus la transaction est non courante, non routinière, plus elle expose à des risques spécifiques.

Certaines transactions non récurrentes sont inductrices de contrôles fiscaux (telles que par exemple, une fusion, une scission, une reconversion, tec…) alors que d’autres transactions suscitent souvent les soupçons ou l’hostilité du fisc (compte courant associé, bonification en nature, transactions avec les associés, remboursement des frais professionnels, etc…)

L’entreprise s’expose davantage aux risques de transactions dans certaines circonstances telles que :

- La non implication, en temps opportun de compétences fiscales dans la transaction ;

-  L’absence d’un cadre de politique générale qui départage ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas ;

- La méconnaissance des pratiques administratives ;

- L’absence de perception des risques associés à la transaction et à sa documentation légale.

Certaines transactions fiscales pénalisantes doivent être dans la mesure du possible circonscrites, par exemple :

- La prise en charge des retenues à la source aux lieu et place des personnes non résidentes ni établies en Tunisie. La prise en charge est doublement pénalisée lorsqu’il s’agit des redevances puisque, non seulement elle s’effectue au taux de prise en charge de droit commun de 17.64% sur le montant TVA comprise, mais en plus l’impôt ainsi pris en charge ne constitue pas une charge déductible du résultat fiscal :

-  Les jetons de présence, doublement imposées ;

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-  Les comptes courants rémunérés à un taux supérieurs à 8% ou les prêts aux associés rémunérés à moins de 8% ;

-  Les voitures de tourisme dont la puissance dépasse neuf chevaux fiscaux ;

-  La réduction du capital pour résorber les amortissements réputés différés en période déficitaires

-  L’abandon de créance

b)    Les risques de situation

Le risque fiscal dépend de son impact et de sa probabilité de survenance. La probabilité de survenance dépend de l’action ou de la réaction de l’administration fiscale face à une situation. Ainsi, cette probabilité est plus élevée lorsque l’entreprise se trouve dans certaines solutions génératrice en elle-même d’un fort attrait du contrôle fiscal telle que :

- entreprise évoluant dans un secteur mal réputé ou entreprise ayant une mauvaise réputation,

- entreprise importante,

- entreprise générant un crédit chronique de TVA ou d’IS notamment lors des premières demandes de restitution,

- entreprise agitée socialement,

- mésentente grave entre les associés générant de nombreux litiges

- entreprise faisant l’objet de dénonciation (le plus souvent anonyme)

- entreprise déposant des déclarations qui révèlent des incohérences lors des contrôles sommaires,

- accroissement de patrimoine sans cohérence avec les revenus déclarés.

De même, il convient de s’appliquer pour éviter les situations d’échecs pénalisées en fiscalité tunisiennes, telles que :

(1)   Si la créance est irrécouvrable, l’entreprise est pénalisée par la non reprise de la TVA non encaissée ;

(2)  Pour les créances irrécouvrables, non seulement il faut engager des frais de justice pour pouvoir les provisionner, mais en plus, la provision est limitée à 50% du bénéfice imposable de l’exercice

(3)  Le coût de licenciement, autre que pour des raisons économiques avec approbation de l’inspection du travail ou de la commission de contrôle des licenciements, est fortement taxé (environ 40% du coût est dû au titre de la retenue à la source de l’IRPP, de la TFP, du FOPROLOS et de la CNSS : précompté salarié et cotisations patronales) ;

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(4)  Si l’entreprise ne réussit pas à éviter le contentieux fiscal, il faut payer au comptant les redressements au titre des retenues à la source et il faut payer ou produire une caution bancaire de 20% du principal pour les autres redressements. L’entreprise ne pourra récupérer cet argent qu’après avoir gagné et obtenu un jugement ayant acquis la force de la chose jugée ;

(5)  Pour un administrateur, les jetons de présence sont imposables alors que l’assurance responsabilité civile n’est pas déductible. Pire encore, s’il est condamné au passif en cas de défaillance de société, le passif mis à la charge de l’administrateur comme de tout autre dirigeant n’est pas déductible. Il en est de même des pertes qu’un dirigeant peut subir en raison des cautions qu’il a données pour garantir les engagements de la société ;

(6)  Si l’entreprise est déficitaire, elle peut se voir privée de certaines déductions que la doctrine semble vouloir réserver aux entreprises bénéficiaires.

c)     Les risques opérationnels 

Généralement, les opérations répétitives supportent mal les incertitudes, car une incertitude qui pèse sur les activités courantes peut avoir des conséquences en termes de risques élevés.

Les risques opérationnels impliquent tous les services et toutes les personnes concernées par la fiscalité et non uniquement la fonction fiscale de l’entreprise (approvisionnement, transit, comptabilité des stocks, personnel, trésorerie et finances, commercial, facturation, livraison, transport, investissement, comptabilité, etc…).

Une bonne formation et une bonne documentation des personnes concernées et une bonne communication entre toutes les parties impliquées par les opérations ayant un impact fiscal direct constitue un dispositif clef pour la gestion des risques fiscaux opérationnels.

d)    Les risques de compliance ou risque de non-conformité à la loi

Ce risque est lié d’abord à la politique générale de l’entreprise et à l’intégrité de sa direction, de ses cadres et de son personnel. Il est ensuite fonction :

- De la qualité des procédures de gestion et de synthèse des données comptables et fiscales et de leur révision (audit interne et audit externe),

- De la fiabilité du système d’information,

- De la compétence fiscale des personnes intervenantes, et

- Des procédures de veille fiscale (mise au courant des nouvelles législations, des règlementations, de la doctrine et des pratiques administratives fiscales).

Une bonne technique de compliance fiscale consiste à se tenir au courant et à tenir compte de la doctrine administrative ou, encore mieux, à obtenir l’agrément ou l’accord de l’administration fiscale sur l’approche retenue pour la résolution d’une difficulté fiscale.

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Enfin, il convient de noter une grande interdépendance entre le risque de compliance et le risque de réputation.

e)    Les risques comptables

La comptabilité, en tant qu’outil de centralisation, de synthèse et d’assiette fiscale, constitue la principale base du contrôle fiscal et, par conséquent, de découverte de défaillances fiscales. La comptabilité incarne aussi les options de la direction qui ont une conséquence fiscale (théorie de l’affectation, dégrèvement physique, choix des méthodes comptables, etc…). La comptabilité apparaît donc à la fois comme étant la première source de menace fiscale mais aussi l’outil de formalisation des options jugées offrir une opportunité pour l’entreprise.

Des procédures efficaces de saisie et d’imputation, d’analyse et de justifications comptables et de rapprochements comptabilité-fiscalité sont de nature à réduire les risques fiscaux d’origine comptable. Le mock tax audit (l’audit fiscal à blanc) est généralement performant pour gérer les risques fiscaux d’origine comptable.

f)      Les risques de management

Peu d’entreprises documentent et formalisent leur gestion du risque fiscal. Dans ce cas, le principal risque réside dans le fait que la gestion du risque fiscal se trouve dans les têtes des personnes qui en sont chargées. Si ces personnes quittent l’entreprise, il y a un risque de relève difficile et surtout de perte de la capacité de saisir les opportunités pendant la période de relève.

Le recours à des conseils externes, en plus des compétences internes, offre un certain confort de stabilité et de continuité et, du moins, une assistance pour une relève plus facile.

g)    Les risques de réputation

La bonne réputation, à l’origine de préjugés et de ressentiments favorables, et qui résulte d’un savoir, d’une conviction et d’un jugement publics positifs sur une entreprise ou une personne ou un pays, etc…, est un outil de gestion des risques dont l’importance apparaît aux moments cruciaux. Dans tous les domaines et pour toute personne, la bonne réputation, qui se forge difficilement et se mérite à travers les actions dans le temps, est un outil précieux de préservation contre les risques de mise en cause à la légère.

Nos attitudes sont toujours déterminées par la réputation de la personne, de l’entreprise ou de l’organisation avec laquelle nous traitons. Il en est de même de l’administration fiscale, des fournisseurs, des clients et de toutes les parties qui traitent avec l’entreprise.

Une défaillance fiscale grave peut porter une atteinte à la réputation d’une entreprise, de ses dirigeants, de son personnel et de ses auditeurs.

Quelques règles importantes peuvent nous aider à assurer une bonne gestion du risque de réputation :

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Sur le long terme, la réputation ne se nourrit que du vrai : c’est ainsi que même si l’ont réussi à envoyer une image nettement améliorée de soi, on ne peut maintenir les biais indéfiniment et la véritable nature finit par émerger. Tout phénomène de manipulation fait face au temps, et personne ne peut battre le temps.

L’impact d’une erreur professionnelle ou opérationnelle commise dans les activités cœur de métier sur la réputation est plus fort que les erreurs commises dans les autres activités.

Quelles que soient les précautions prises, le risque zéro n’existe pas, toute personne doit être prête à affronter un risque de réputation.

L’impact de la réalisation d’un risque de réputation grave pour un professionnel ou un secteur d’activité ne se limite pas à ce professionnel ou ce secteur, mais affecte l’ensemble de l’image d’une profession ou du secteur et sa réputation.

h)    Le portefeuille de risque fiscal de l’entreprise

Chaque domaine de risque fiscal doit être continuellement présent à l’esprit et pris en compte de façon à la fois isolée et intégrée avec les autres domaines de risque dans l’évaluation du profil de risque fiscal de l’entreprise.

Le portefeuille de risques fiscaux est constitué par l’agrégation de l’ensemble des risques fiscaux. Après les traitements appropriés des risques, le risque résiduel résultant du portefeuille des risques fiscaux de l’entreprise est acceptable s’ils se situent, au pire des cas, en dessous de notre seuil de tolérance global au risque en sachant qu’un risque peut être toléré :

S’il n’est pas de nature à mettre en péril les performances d’une entreprise

Et lorsque le coût pour le traiter dépasse les bénéfices que l’on peut traiter de sa gestion ou que son traitement est trop  complexe et non aisé ou inopportun.

La distinction entre l’origine externe et l’origine interne des risques n’exclut pas leur interaction.

Généralement, les risques d’origine externe sont aggravés par les faiblesses internes.

1)     Risques d’origine externe

Rareté des ressources humaines compétentes ;

Changement de doctrines ou de pratiques administratives ;

Changement législatif ou règlementaire

Complexité, ambiguïté, inadaptation et incertitude des textes fiscaux ;

Apparition d’une nouvelle jurisprudence fiscale ;

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Mauvaise interprétation de la pratique de l’entreprise par l’administration ;

Pratiques du secteur non adapté aux besoins de la gestion fiscale ;

Contrôleurs fiscaux n’ayant pas les qualifications techniques nécessaires ;

Discordance inconciliables entre comptabilité et fiscalité ;

Difficulté de justification probante de certaines dépenses ;

Pression des clients ou des fournisseurs ou des autres parties prenantes pour le non-respect des dispositions fiscales ;

L’entretien par la pratique du contrôle fiscal, de l’idée qu’il ne peut y avoir de contrôle fiscal sans redressement, fut il symbolique (de nombreux contrôleurs des impôts sont heureux quand ils trouvent des défaillances. Lorsque l’entreprise est irréprochable, certains contrôleurs se sentent, de part une culture de contrôle fiscal encrée depuis longtemps, contraints de trouver quelques défaillances, fussent elles mineures).

2)     Risques d’origines externes :

Incompétences ou insuffisance des ressources humaines de l’environnement administratif ;

Pratiques non qualifiées ou négligentes

Méconnaissances des règles, des textes, de la doctrine ou de la jurisprudence

Méconnaissance des avantages

Procédures défaillantes ;

Absence d’autocontrôle

Mauvaise coordination entre les services impliqués par la fiscalité

Comptabilité irrégulière, incohérente, non probante ou insuffisante, comptabilité non tenue à jour

Absence de confidentialité et de discrétion du personnel

III. Risques liés aux personnes, aux processus opérationnels, à la technologie et aux procédures fiscales

Cette approche d’analyse des domaines et sources de risques fiscaux est présentée par Ernst & Young.

1)     Risques liés aux personnes

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Les personnes peuvent présenter notamment un risque de négligence, d’ignorance ou d’incompétence ou de manque de collaboration et d’esprit collectif.

Dans chaque entreprise, les individus sont de deux types : ceux qui créent des risques (absence de perception des risques, négligence, incapacité, etc…) et ceux qui réduisent les risques (grande acuité d’identification du risque, attitude proactive, réaction rapide et adéquate pour la résolution effective des problèmes, etc…)

Il est établi qu’une bonne part des ennuis fiscaux que peut rencontrer une entreprise a pour origine les indiscrétions, le manque de confidentialité ou la légèreté du personnel.

2)    Risques liés aux processus opérationnels

Les processus opérationnels génèrent notamment des risques en matière d’approvisionnement, de stocks, de respect de législation, de recrutement et de départ du personnel ou encore de transport de marchandises et de facturation aux clients. D’autres risques peuvent aussi provenir des opérations intergroupes.

3)    Risques liés à la technologie

Ces risques sont liés à la maîtrise de l’outil informatique et de l’internet.

4)    Risques liés aux procédures

Les procédures de traitement des opérations, de retenues à la source, de collecte, de contrôle et de validation des données fiscales et de leur concordance avec la comptabilité sont source de risques. Généralement, la plus grande source de risque fiscal est la comptabilité de l’entreprise (procédures en amont de la comptabilité financière, procédures de synthèse et de vérification et procédures d’établissement des états financiers et de reporting).

IV. La fiscalité, élément du risque marché

La fiscalité constitue, selon le cas, un des trois premiers éléments de coûts des entreprises. Elle est par conséquent, un facteur déterminant la qualité de la concurrence et de compétitivité des entreprises.

La gestion du risque fiscal relatif au marché consiste à saisir les opportunités légales permettant d’acquérir un avantage et d’évaluer les menaces que peut provoquer la non transparence fiscale du marché. Il est par exemple, pertinent d’éviter d’investir dans une activité fortement taxée quand le marché dans lequel l’entreprise est appelée à évoluer connaît une forte fraude fiscale. Il en est ainsi, notamment, des secteurs dominés par l’économie informelle à moins que l’on dispose d’avantages compétitifs suffisants pour compenser le gap fiscal du marché.

V.  Repères pour la gestion des risques fiscaux

1)     « Garbage in Garbage out » « Déchets à l’entrée, déchets à la sortie »

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Il s’agit d’une hypothèse générale en matière de contrôle interne, de gestion du risque, de comptabilité et de système d’information qui postule que si les données de base ne sont pas saines et parfaitement contrôlées, vous obtiendrez probablement un mauvais produit. C’est  ainsi  que l’on ne peut avoir de certitude quant à la qualité du produit qu’en s’assurant et qu’en sécurisant la qualité des éléments à partir desquels il est établi.

2)     Le risque fiscal est moins bien gérable quand il est géré après coup

C’est parce que le contrôle fiscal intervient après coup « after fact » que l’on peut craindre ses découvertes qu’on n’a pas su gérer de façon proactive. Or, si tout est géré et maîtrisé au préalable et de façon proactive, le risque de l’après coup est mieux maîtrisé.

Il est établi que la fonction fiscale et comptable de l’entreprise gère de façon active 25% du risque fiscal. Les 75% restants sont gérés dans les autres services opérationnels et administratifs de l’entreprise ; les fonctions fiscale et comptable ne les gèrent qu’après coup et s’exposent au risque de subir l’action des services qui en sont responsables.

Généralement, la maîtrise des risques générés par les autres services constitue le plus grand défi de la gestion du risque fiscal de l’entreprise.

3)    Perception du risque et gestion  proactive du risque fiscal

Le risque n’est pris en considération que lorsqu’il est perçu. Plus l’acuité de perception du risque est forte, plus l’individu ou l’entreprise est capable de le gérer de façon proactive. Il convient, pour ce faire, de développer ses aptitudes d’identification des évènements inducteurs et des situations inductrices des risques. L’accumulation d’expérience est importante dans ce domaine. Mais les personnes les plus intelligentes sauront surtout profiter de l’expérience des autres.

La perception du risque affecte les comportements. La plupart des sinistres sont dus à des risques qui se sont développés, sous nos yeux, sans être  perçus ou sans que leur menace ne soit perçue à sa vrai dimension. Dès que la menace est perçue, le risque oblige à prendre des mesures se sorte qu’il est possible d’affirmer que l’ampleur de la réaction (moyens réservés et mesures décidées) dépend plus de la gravité perçue du risque que de sa gravité objective.

Plus un comptable développe le sens du risque, plus son acuité de vision du risque est percutante, plus son travail et ses conclusions sont fiables et sécurisés et sa gestion du risque proactive et efficace.

4)    Le piège de l’accoutumance au risque

Lorsqu’un risque, bien que perçu, est pris volontairement ou négligé, et qu’on s’est jusque-là tiré d’affaire, notre perception de ce risque faiblit avec le temps. Or, la probabilité qu’il se réalise est à chaque nouvelle exposition, plus forte que la fois précédente à laquelle on a échappé. Autrement dit, la fréquence du risque et sa persistance dans le temps augmentent la probabilité de sa réalisation.

5)    L’audit fiscal à blanc

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L’audit fiscal à blanc est un outil de détection des risques fiscaux et d’amélioration de la gestion des risques par les mesures correctrices qu’il peut suggérer. Bien que nécessairement différent de contrôle fiscal, l’audit fiscal à blanc permet de se préparer au mieux aux contrôle fiscaux. Le démarrage d’une mission d’assistance comptable est généralement précédé par un audit fiscal à blanc. L’audit fiscal aussi, couramment, des dues diligences qui précèdent l’acquisition d’une entreprise avec pour principal objectif l’estimation du risque fiscal à prendre en compte dans les négociations.

L’audit fiscal à blanc vise deux objectifs complémentaires :

-          L’audit de compliance ou de conformité qui permet de s’assurer du respect par l’entreprise de la règlementation fiscale applicable ;

-          L’audit d’opportunité qui permet de s’assurer que la gestion fiscale est optimisée en vérifiant notamment que l’entreprise auditée a su profiter de toutes les opportunités et de tous les avantages offerts par la législation fiscale.

6)    Rester éveillé (stay awake)

La matière fiscale est en perpétuel mouvement. Les personnes chargés de la fiscalité doivent mettre à jour leurs connaissances continuellement et bénéficier de dispositifs de veille fiscale permettant de suivre, rapidement et en temps opportun, l’évolution de la législation, de la règlementation, de la doctrine et des pratiques administratives et d’en informer l’ensemble des personnes impliquées dans la gestion fiscale de l’entreprise.

7)     La supériorité des approches collaboratives

C’est parce que la matière fiscale est diffuse dans l’entreprise et que l’administration fiscale est l’autorité de contrôle et de validation des pratiques fiscales de l’entreprise qu’il convient d’observer une double approche collaborative :

- La première en interne basée sur une communication, une collaboration et une assistance mutuelle des différentes personnes impliquées par la gestion fiscale de l’entreprise ;

- La deuxième en externe basée sur une communication de qualité et le développement d’excellentes relations avec l’administration fiscale, la prise en compte de sa doctrine et de ses pratiques ainsi que la construction d’un réseau de consultation et de concertation.

Enfin, il est établi que la capacité de résolution des problèmes est toujours supérieure lorsqu’elle résulte d’un processus coopératif et interdisciplinaire.

8)    Importance du principe « Tone at the top »

Le ton donné par la direction et son exemplarité sont déterminants dans le domaine de la gestion du risque et du contrôle interne.

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Le ton donné par la direction a une incidence importante en ce qui concerne notamment :

-          La façon d’assumer ses obligations fiscales, la surveillance et la gestion des risques fiscaux,

Les attitudes et les décisions à l’égard des questi

-          questions fiscales et comptables,

-          L’importance accordée à l’atteinte des objectifs

9)     L’échelle de maturité de la gestion du risque fiscal

L’échelle de maturité de la gestion du risque fiscal est composée de six niveaux :

- Niveau 0, Gestion inexistante : L’entreprise n’est même pas consciente qu’il y a un risque fiscal à gérer, positif ou négatif.

- Niveau 1, Gestion initialisée : L’entreprise a conscience qu’il y a un risque fiscal (positif ou négatif) qu’elle gère de façon réactive et improvisée au gré des personnes.

- Niveau 2, Gestion non formalisée : Le processus de gestion est conçu et transmissible mais reste non formalisé. Bien que l’ensemble des personnes impliquées par la fiscalité utilisent des procédures qui contribuent à la gestion du risque fiscal, il n’ y a pas de formation organisée, ni de procédures écrites (manuel de gestion des risques). La responsabilité est laissée à l’individu dont le comportement peut échapper à la correction par le système.

- Niveau 3, Processus standardisé : Les procédures de gestion des risques sont définies, documentées et communiquées par une formation structurée. Toutefois, peu de contrôle permet de constater et corriger les déviations. Le système reste standard et innove peu.

- Niveau 4, Processus maîtrisé : il est possible de constater et de mesurer la conformité des pratiques au système conçu et formalisé et d’agir lorsque les processus ne fonctionnent pas correctement. Les processus s’améliorent continuellement en s’inspirant des meilleures pratiques. Le système développe de façon efficace des auto-contrôles et tend vers l’optimisation.

- Niveau 5, Processus optimisé : Les processus ont atteint le niveau des meilleures pratiques suite à une dynamique d’amélioration constante. L’optimisation et la planification fiscales sont globales et s’exerçent dans le strict respect des critères de compliance.

Le système est gouverné par une logique d’amélioration continue, de développement et d’utilisation de compétences élevées et intègres.

Les entreprises se situent à des niveaux différents dans l’échelle de maturité de gestion du risque fiscal. Il est important de se situer par rapport à cette échelle dans un premier temps, se fixer des objectifs et se donner les moyens pour s’élever aux niveaux  supérieurs, ensuite.

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10)    Remontée de l’information et documentation des anomalies

La remontée de l’information en temps opportun est un facteur important de gestion du risque fiscal. Les responsables doivent être mis au courant des évènements et risques dès leur apparition ou découverte selon une politique et des procédures sécurisées de remontée de l’information (Whistle-blowing policy).

Une bonne pratique pour la gestion des risques consiste à tenir un registre des anomalies pour les étudier, en comprendre les causes et y remédier.

11)    Le risque de conjonction malencontreuse de circonstances

L’impact d’un risque qu’on appréhendait est toujours plus grave quand il se réalise à un mauvais moment.

De nombreux évènements sont interdépendants, de sorte qu’un évènement non pris en charge ou négligé, peut en déclencher un autre (par exemple, une simple demande d’information de l’administration fiscale traitée avec négligence peut évoluer vers des investigations plus avancées).

La conjonction de risques dans des circonstances difficiles et le déclenchement d’une cascade d’évènnements peuvent rendre la situation plus difficile à gérer. En appréciant un évennement, il faut mettre en perspective ses ramifications possibles. Assez souvent, l’impact des risques est plus grave quand il se déclenche dans de mauvaises circonstances.

Les plus grands sinistres sont souvent le produit d’une conjonction malencontreuse de circonstances.

12)    La gestion du risque fiscal et l’étape du cycle de vie de l’entreprise

Les risques fiscaux ne sont pas les mêmes selon l’étape du cycle de vie de l’entreprise.

Le cycle de vie d’une entreprise peut être présenté en cinq phases :

Prospection démarrage

Croissance rapide

Maturité

Transformation ou transmission

Déclin

Prospection démarrage

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Cette phase est généralement caractérisée par la limitation des ressources et la priorité donnée aux considérations opérationnelles sur les problèmes de gestion y compris fiscaux, ce qui favorise le risque de non saisie d’opportunités fiscales et de défaillances fiscales.

Croissance rapide

L’entreprise est confrontée à divers problèmes dont la résolution exige beaucoup de temps et de ressources. Si l’entreprise n’a pas été bien préparée à cette phase, les préoccupations des dirigeants risquent de s’exercer au détriment des problèmes d’organisation, de contrôle interne et de gestion fiscale. Cela risque de favoriser un environnement favorable à la défaillance et au developpement des risques non gérés.

Maturité

C’est la période la plus propice à la gestion des risques fiscaux : la direction tente souvent d’améliorer son confort par des bonnes pratiques de gestion des risques, de simplifier et d’intégrer sa structure de gestion et de rationaliser les processus.

L’entreprise s’expose, néanmoins, à la menace bureaucratique qui procure une fausse impression de performance et de quiétude.

Transformation ou transmission

Lorsque la croissance se stabilise et que la loyauté des clients décroit, l’entreprise soit fait peau neuve pour retrouver une nouvelle courbe de croissance, soit poursuit son déclin. Comme la pénétration de nouveaux marchés exige souvent des compétences et des habilités entrepreneuriales considérables, un grand nombre d’organisations arrivées à maturité, réalisent leur transformation ou leur transmission en recourant à la coentreprise, à de nouveaux investisseurs (acquéreurs) et à des partenariats stratégiques.

La transformation ou la transmission font naître des risques fiscaux spécifiques qui doivent être bien compris et gérés de façon proactive.

Le déclin

A cette étape, l’entreprise dont le chiffre d’affaire et les bénéfices chutent et dont les flux de trésorerie sont négatifs, comprime souvent son effectif et ses programmes afin de tenter de renouer avec la rentabilité et les rentrées de fonds, ainsi que de rassurer les parties prenantes. L’exposition au risque fiscal dû à la négligence dans cette phase est élevé, ce qui , à son tour peut rendre la reprise plus difficile.

Conclusion

Les impôts représentent un facteur de coût et une facteur de risque qui pèsent sur l’efficacité globale d’une entreprise.

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Avec un taux de pression élevé pour les entreprises de l’économie structurée, les impôts viennent, pour beaucoup d’entreprises, au troisième rang des décaissements après les fournisseurs et le personnel, voire même au deuxième rang des décaissements juste après les fournisseurs de matières et de marchandises ou le personnel pour certaines activités.

L’information sur le volume réel des impôts décaissés est occultée par les méthodes de présentation comptable dans l’état de flux de trésorerie puisque de nombreuses impositions sont noyées dans les postes de rattachement. Par exemple, les retenues à la source sur salaires et les cotisations sociales sont présentées avec les décaissements au titre du personnel.

La mise en place d’une gestion du risque fiscal et d’un contrôle interne fondé sur une approche par les risques est un investissement, certes important, mais probablement sans commune mesure avec le retour sur investissement. Dans son témoignage sur l’importance de la gestion du risque fiscal présenté dans le cadre de l’enquête annuelle d’Ernest&Young France « Radiographie de la fonction fiscale en entreprise (2005) », Frédéric Rock, Directeur fiscal chez Air France, déclare : « un risque fiscal non encadré altère la viabilité d’une opération, la fiscalité est plus flexible si elle est anticipée et la maîtrise fiscale peut être porteuse de solutions efficaces.dd