Risque Opérationnel (Revu Soukaina)

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es dernières années, le risque opérationnel est devenu l’un des thèmes les plus étudiés dans le domaine bancaire. Ce risque, longtemps considéré comme moins fréquent que les autres types de risques bancaires, n’a pas cessé de prendre de l’importance, aussi bien pour les autorités de régulation que pour les banquiers et les chercheurs académiques. Un tel intérêt est notamment motivé par la multiplication des scandales financiers liés aux risquesopérationnels, ayant entraîné des pertes financières substantielles (De Fontnouvelle et al., 2006). 2 La faillite de la banque d’affaires Barings, en 1995, suite aux spéculations de l’un de ses traders - Nick Leeson - illustre bien ces propos. En effet, en tentant de rattraper ses pertes et de couvrir ses positions, ce dernier a dû emprunter des sommes importantes. Le retournement des marchés asiatiques, suite autremblement de terre de Kobé, a eu raison de ses positions et a entraîné la chute de la banque britannique, qui a cumulé des pertes s’élevant au double de son capital. Plus récemment, l’affaire Kerviel a coûté à la Société Générale 4,9 milliards d’euros en 2008. La fraude du trader Kerviel, qui a réussi à contourner les procédures de contrôle interne, met en exergue l’importance de la gestion de ce type de risque. Ces deux affaires ont certes fait couler beaucoup d’encre mais elles ne représentent pas les uniques cas de fraude et de dysfonctionnement des contrôles bancaires. De nombreuses autres affaires de tromperie, ayant entraîné des pertes significatives, ont défrayé la chronique (Chernobai, 2007, p.4). 3 Quant à la crise des subprimes, souvent attribuée à la complexité des produits financiers structurés, elle est en grande partie due à une négligence humaine, et donc à un risque opérationnel (Thirlwell, 2010a ; Thirlwell, 2011). En effet, les traders n’ont pas examiné avec précision la

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es dernires annes, lerisqueoprationnelest devenu lun des thmes les plus tudis dans le domaine bancaire. Ce risque, longtemps considr comme moins frquent que les autres types de risques bancaires, na pas cess de prendre de limportance, aussi bien pour les autorits de rgulation que pour les banquiers et les chercheurs acadmiques. Un tel intrt est notamment motiv par la multiplication des scandales financiers lis auxrisquesoprationnels, ayant entran des pertes financires substantielles (De Fontnouvelle etal., 2006).2La faillite de la banque daffaires Barings, en 1995, suite aux spculations de lun de ses traders - Nick Leeson - illustre bien ces propos. En effet, en tentant de rattraper ses pertes et de couvrir ses positions, ce dernier a d emprunter des sommes importantes. Le retournement des marchs asiatiques, suite autremblement de terre de Kob, a eu raison de ses positions et a entran la chute de la banque britannique, qui a cumul des pertes slevant au double de son capital. Plus rcemment, laffaire Kerviel a cot la Socit Gnrale 4,9 milliards deuros en 2008. La fraude du trader Kerviel, qui a russi contourner les procdures de contrle interne, met en exergue limportance de la gestion de ce type de risque. Ces deux affaires ont certes fait couler beaucoup dencre mais elles ne reprsentent pas les uniques cas de fraude et de dysfonctionnement des contrles bancaires. De nombreuses autres affaires de tromperie, ayant entran des pertes significatives, ont dfray la chronique (Chernobai, 2007, p.4).3Quant la crise des subprimes, souvent attribue la complexit des produits financiers structurs, elle est en grande partie due une ngligence humaine, et donc unrisqueoprationnel(Thirlwell, 2010a ; Thirlwell, 2011). En effet, les traders nont pas examin avec prcision la composition des produits structurs, ni valu srieusement les risques. Par ailleurs, la crise de liquidit ayant suivi la crise des subprimes est avant tout une crise de confiance engendre par un comportement humain et relevant donc durisqueoprationnel. La crise financire de 2007 est principalement la consquence de lchec de la gestion des risques bancaires. Dun autre ct, Thirlwell (2010a, 2011) met laccent sur un autre facteur comportemental ayant contribu accentuer lerisqueoprationnellors de cette crise, savoir lappt du gain, motiv par la rmunration et les primes des traders.4Lerisqueoprationnelntant pas limit aux fraudes et aux erreurs humaines, il sest aussi matrialis lors des catastrophes naturelles ou environnementales, telles que les attentats du 11 septembre 2001, le tremblement de terre au Japon en 2011 ou encore les craintes du bug informatique, suscites par le passage lan 2000.5tant donn les cots importants occasionns par les crises bancaires, des politiques de prvention des crises sont mises en place depuis le dbut des annes 1970. Les normes et les recommandations dans le cadre de laccord de Ble I (1988) puis de Ble II (2004) et plus rcemment dans le cadre de Ble III (2010) tentent damliorer la gestion des risques bancaires (Basel Committee on Banking Supervision, 2010) ; des risques accentus par la libralisation financire. Pour les pays de lUnion Europenne, les accords de Ble sont, par la suite, transposs en directives europennes CRD Capital Requirement Directive .De leur ct, les tats-Unis ont promulgu, en juillet 2010, leDodd Frank Act[2]Pour une analyse critique du Dodd Frank Act , voir...[2]afin de promouvoir la stabilit du systme financier. Par ailleurs, le G20 met la surveillance et la rgulation bancaire au cur de ses priorits. Toutefois, labsence dharmonisation et le manque de cohrence entre les cadres prudentiels des diffrentes rgions peuvent fragiliser la stabilit financire, enfavorisant larbitrage rglementaire par les banques internationales (Choulet, 2011).6Ds lors, plusieurs interrogations portent sur lintrt attribu aurisqueoprationneldans les diffrentes rglementations prudentielles. En effet, face aux inquitudes concernant lefficacit des pratiques de gestion durisqueoprationnel, les autorits de rgulation ont soulev la question de la rglementation de ce risque, un risque qui a t introduit dans le cadre des accords de Ble II (Basel Committee on Banking Supervision, 2005). Quelle est donc la place durisqueoprationneldans la rglementation prudentielle ? Comment a-t-elle volu au cours du temps ? Quelles mesures ont t prises, suite la crise des subprimes et des nombreuses faillites bancaires ? Comment faire voluer la surveillance durisqueoprationnel?7Cet article, organis en deux parties, se propose de faire le point sur lerisqueoprationnelbancaire au regard de la rglementation prudentielle, en se basant sur une revue critique de la littrature. Dans un premier temps, nous exposerons les particularits durisqueoprationnelainsi que les spcificits de lactivit bancaire, afin de mieux cerner les difficults inhrentes lvaluation, la gestion et la rglementation dun tel risque. Dans un second temps, nous examinerons lvolution de la surveillance bancaire, en accordant un intrt particulier aux dispositions concernant lerisqueoprationneldans les diffrents cadres prudentiels.1 -Activit bancaire etrisqueoprationnel: les particularits8Lerisqueoprationnelest inhrent tous les produits, les services et les activits et concerne tous les employs de toutes les firmes, aussi diffrentes soient-elles (Thirlwell, 2011). Il nest donc pas spcifique lactivit bancaire, mais tant donnes les caractristiques de cette dernire (dcrites dans le paragraphe 1.2), un tel risque peut avoir une dimension particulire. Avant cela, le paragraphe 1.1 tente de dfinir lerisqueoprationnelet de souligner ses particularits ainsi que les difficults lies son valuation.1.1 -Caractristiques durisqueoprationnel9Pour une gestion efficace durisqueoprationnel, il est indispensable de dfinir avec prcision ce type de risque. Or, il nexiste pas une dfinition unanime et universelle durisqueoprationnel. La dfinition souvent retenue est celle du comit de Ble (2005) qui spcifie lerisqueoprationnelcomme tant le risque de pertes provenant de processus internes inadquats ou dfaillants, de personnes et systmes ou dvnements externes .Le champ dapplication de cette dfinition est tellement large quil est difficile dtablir une liste exhaustive desrisquesoprationnels. Ces derniers recouvrent aussi bien les risquesinhrents au facteur humain (fraudes, erreurs, etc.) que ceux lis aux procdures internes (failles dans les procdures de contrle interne, systmes dinformation dfectueux, etc.) ou mme des risques compltement externes aux banques tels que les catastrophes naturelles. La dfinition inclut galement le risque juridique (notamment le risque damendes, de pnalits, de dommages et intrts), mais exclut les risques stratgiques et les risques de rputation. Laccord de Ble II classe lesrisquesoprationnelsen 7 catgories diffrentes : fraude interne, fraude externe, pratiques demploi et de scurit au travail, pratiques lies aux clients, aux produits et aux activits commerciales, dommage aux actifs physiques, arrt dactivit et chec des systmes, gestion de lexcution des oprations, des livraisons et des processus (Basel Committee on Banking Supervision, 2005).10Nanmoins, cette dfinition durisqueoprationneldicte par le comit de Ble est souvent critique et considre comme restrictive (Leippold et Vanini, 2005 ; Kuritzkes, 2002). Certains auteurs retiennent une dfinition plus large incluant galement les risques stratgiques et les risques datteinte la rputation (Blunden et Thirlwell, 2010). Kuritzkes (2002) considre mme que le risque stratgique est le plus important, regrettant son absence de la dfinition du Comit de Ble. Pour certaines banques, lerisqueoprationnelenglobe tous les risques ne pouvant pas tre classs dans les catgories risque de crdit, risque de march ou risque de liquidit (Comit de Ble sur le Contrle Bancaire, 1998).11Lerisqueoprationnelprsente de nombreuses particularits par rapport aux autres risques bancaires. En effet, il est rput moins frquent que les autres risques, mme si la complexit et la grande taille des institutions financires, ainsi que la sophistication des produits financiers augmentent la probabilit doccurrence dun tel risque. Cependant, il est considr comme trs grave et ses consquences peuvent tre dsastreuses. Contrairement aux autres types de risques, lexposition aurisqueoprationnelne peut tre ni plafonne, ni change (Thirlwell, 2010b). De surcrot, son impact financier ne peut tre limit ni couvert par des contrats de couverture, tant donn son caractre imprvisible. En outre, lerisqueoprationnelconcerne toutes les activits ainsi que toutes les personnes employes par la banque sans distinction (Blunden et Thirlwell, 2010). cet gard, ce risque est encore plus difficile grer et valuer.12Pendant longtemps, la gestion durisqueoprationneltait purement qualitative. Les publications des institutions bancaires taient descriptives, ne permettant pas une comparaison des risques entre les banques, et peu utiles aux utilisateurs des tats financiers (Ford etal., 2009). Cest la rforme de Ble II qui a impos aux banques lallocation de capital permettant de couvrir leurrisqueoprationnel. La dfinition durisqueoprationneltelle que fixe par le Comit de Ble est spcialement adapte un objectif dvaluation de ce risque. En effet, la difficult de calculer les risques de pertes indirectes rsultant de la dfaillance humaine, procdurale ou externe la banque a abouti une dfinition plus restrictive durisqueoprationnel. La dfinition finalement retenue ne tient pas compte de ces risques difficilement mesurables, pourtant inclus dans la premire proposition de dfinition (Basel Committee on Banking Supervision, 2001). Laccord de Ble II propose aux banques trois mthodes dvaluation, suscitant de nombreuses critiques (cf.infra).13Une telle approche a pouss les banques tenter de mesurer et de quantifier lesrisquesoprationnels, afin dvaluer les exigences en capital, au lieu de se concentrer sur leur gestion (Thirlwell, 2010b). Or, le management de ce type de risque est troitement li des vnements aussi imprvisibles et occasionnels quun attentat terroriste, lruption dun volcan ou la fraude dun employ. Thirlwell (2010b) considre quune charge additionnelle en capital ne permet pas aux banques de se protger contre ce type de risque, puisquelle ne peut pas tre une estimation des cots des fraudes ou des catastrophes naturelles.14La gestion durisqueoprationnelne peut se limiter ainsi aux mthodes quantitatives, qui contraignent les banques adopter des stratgies et des objectifs clairs ainsi quune rpartition prcise des rles et des responsabilits vis--vis du risque. Le facteur humain est lorigine de la plupart desrisquesoprationnels- par manque de comptence ou dthique - mais le risque humain est souvent d un risque de management : recrutement maladroit, formation inapproprie ou incomplte, rmunration non motivante. Daprs Thirlwell (2010b), le dpartement ressources humaines est un dpartement cl en matire de gestion de ce risque. cet gard, laudit interne joue un rle capital jouer dans la gestion durisqueoprationnel(Nicolet et Maignan, 2005).15Afin de mieux cerner les difficults inhrentes lvaluation, la gestion et la rglementation durisqueoprationnelbancaire, il savre important dexaminer les spcificits des banques. Tel est lobjectif du paragraphe suivant.1.2 -Spcificit de lactivit bancaire16La banque se distingue des autres firmes par un certain nombre de caractristiques et de fonctions qui lui sont propres. Ces particularits bancaires ont valu la banque un traitement particulier, notamment en matire de rglementation.17Les banques sont exposes de nombreux risques notamment le risque de march, le risque de crdit, le risque de liquidit et lerisqueoprationnelmais elles sont en particulier exposes au risque systmique. En effet, la liquidit du contrat de dpt et lilliquidit du crdit bancaire engendrent une incertitude sur les demandes de remboursement des dpts pouvant rendre les banques vulnrables aux rues bancaires en priode de dfiance. En cas de panique bancaire (mme infonde), tous les dposants demandent le retrait de leurs dpts, puisque ces derniers sont rembourss au pair et dans lordre darrive auguichet (premier arriv, premier servi). tant donn les spcificits des dpts et lasymtrie dinformation, la course des dposants aux guichets pour retirer leurs dpts peut savrer rationnelle mme si elle se base sur une simple rumeur. Ces comportements peuvent entraner linsolvabilit - voire la faillite - de la banque qui nest plus capable de faire face ses engagements. Toutefois, la faillite dune banque peut provoquer celle dautres banques, puisque le secteur bancaire est plus vulnrable linstabilit que les autres secteurs de lconomie. En effet, les banques sont fortement engages dans les marchs interbancaires et dans le systme des paiements. tant donn leur exposition aux risques et aux asymtries dinformation, les problmes rencontrs par une banque peuvent se propager aux autres, conduisant une crise systmique (Diamond et Dybvig, 1983 ; Simpson etal., 2005). Une telle crise a de graves consquences pour lconomie dans son ensemble, puisquelle engendre la destruction du mcanisme des paiements. cet gard, les banques grent lpargne des personnes physiques et morales et financent la croissance conomique. Elles sont indispensables pour le bon fonctionnement de lconomie. Linsolvabilit ou la faillite dune banque peut donc avoir des consquences importantes sur lensemble de lconomie.18Compte tenu du risque systmique auquel sont exposes les banques, la gestion des risques bancaires savre capitale pour la stabilit de lensemble du systme financier. En particulier, la surveillance durisqueoprationnelest spcialement dlicate tant donn les difficults inhrentes lvaluation et la gestion dun tel risque. Ces particularits bancaires valent la banque une rglementation prudentielle stricte.2 -Rglementation prudentielle etrisqueoprationnelbancaire19Dans un souci damliorer la gestion des risques bancaires, le comit de Ble sest focalis au dpart sur le risque de crdit (viale ratio Cooke mis en place en 1988), puis il a introduit le risque de march et lerisqueoprationneldans le cadre de la rforme de Ble II en 2004, ignorant compltement, lpoque, le risque systmique. Ce nest quaprs la crise des subprimes que ce risque est mis en avant. Il reprsente, avec le risque de liquidit, la principale innovation de la rforme de Ble III.20Ainsi, grce aux accords de Ble II, lerisqueoprationnelbancaire a t mis sous le feu des projecteurs, imposant aux banques des exigences de capital minimum respecter pour le couvrir. Au regard durisqueoprationnel, Ble III nest que la continuit des mesures retenues lors de la prcdente rforme. Le nouvel accord de Ble est loin de mettre lerisqueoprationnelau cur de ses priorits, mme si ce risque est aussi responsable que le risque systmique ou le risque de liquidit de la crise des subprimes (cf. introduction).21De mme, la loiDodd Frank Act, promulgue en juillet 2010, ainsi que les rsolutions du G20 (Soul, 2010) sont loin de mettre en avant lerisqueoprationneldans llaboration dun nouveau cadre prudentiel pour les banques, privilgiant le risque systmique dans le cadre de leur stratgie visant amliorer la stabilit du systme financier.22Cette seconde partie se propose de faire le point sur lerisqueoprationnelau regard de la rglementation prudentielle, en examinant lvolution de la surveillance bancaire. Laccent sera mis en particulier sur le dispositif de Ble II, qui a pris en compte, pour la premire fois, lerisqueoprationnellors du calcul du ratio prudentiel (paragraphe 2.1). Dans un deuxime paragraphe, les nouvelles rglementations prudentielles, mises en place en rponse la crise des subprimes, seront analyses afin didentifier le traitement rserv aurisqueoprationneldans le nouveau cadre prudentiel (paragraphe 2.2).2.1 -Ble II : lentre en scne durisqueoprationnel23Par rapport laccord de Ble I qui repose uniquement sur lexigence quantitative de fonds propres calcule selon une mthode standard, la rforme de Ble II comporte un certain nombre de nouveauts. Ainsi, les nouvelles exigences en fonds propres tiennent compte des risques de crdit, des risques de march mais galement desrisquesoprationnels. Ces derniers sont pour la premire fois pris en compte dans le calcul du capital rglementaire. Aussi savre-il important de prsenter les principaux apports de cette rforme, en portant un intrt particulier aux mesures prises pour la surveillance durisqueoprationnel.24Le ratio de fonds propres propos dans le cadre des accords de Ble II intgre davantage la ralit des risques. Pour le calcul du minimum de fonds propres exigs, les banques ont le choix entre lutilisation des mthodes standard et des mthodes fondes sur des notations internes IRB. Le dispositif de Ble II repose sur trois piliers : pilier I - Exigences en fonds propres : le tableau 1 rsume les principaux changements concernant le calcul du ratio de solvabilit ; pilier II - Processus de surveillance prudentielle : les autorits de contrle peuvent imposer des exigences individuelles suprieures celles calcules par les mthodes proposes par le premier pilier ; pilier III - Discipline de march : les tablissements bancaires sont tenus de publier des informations compltes sur la nature, le volume et les mthodes de gestion de leurs risques.Tableau 1- Exigences en fonds propres : Ble I versus Ble II25En particulier, le comit de Ble exige des banques lallocation de capital permettant de couvrir leurrisqueoprationnel. Il propose celles-ci trois mthodes de calcul, sans imposer aucune dentre-elles : lindicateur de base (mthode la plus simple) permet dappliquer un taux forfaitaire de 15% au produit net bancaire des trois derniers exercices ; lapproche standard consiste retenir des coefficients de pondrations diffrents (allant de 12% 18%) selon les lignes de mtiers[3]Laccord de Ble II classe les activits bancaires...[3]; lapproche avance Advanced Measurement Approach (AMA) laisse la banque le soin de mettre en place une mthode interne dvaluation desrisquesoprationnels.Dans le cadre de cette dernire approche, diffrentes mthodes dvaluation durisqueoprationnelpeuvent tre retenues. Elles peuvent tre classes en 3 grandes familles : les mthodes statistiques, les approches par scnario et les approches par scorecard .26Lapproche actuarielle ou Loss Distribution Approach (LDA), base sur les donnes collectes concernant les vnements passs de pertes tout en combinant des sources internes et externes dinformations, est la principale approche retenue dans le cadre des mthodes statistiques.27Lapproche par scnario est base sur les opinions subjectives des experts comme point de dpart pour la dtermination des exigences en capital et la couverture durisqueoprationnel.28Plusieurs tentatives de modlisation ont t faites afin de combiner lapproche actuarielle et lapproche par scnario pour satisfaire les exigences de la rglementation prudentielle (Peters et Hbner, 2009). Il sagit dun vrai dfi mthodologique permettant de pallier les insuffisances des deux mthodes.29Quant lapproche par scorecard ouRisk Drivers and Controls Approach(RDCA), elle est base sur des indicateurs de risque refltant lesrisquesoprationnelsplutt que sur des donnes statistiques. partir de questionnaires, prpars par des experts en risques bancaires, un score est tabli pour chaque ligne de mtier et pour chaque type derisqueoprationnelafin dvaluer la quantit de capital requise pour couvrir un tel risque. Le score est recalcul rgulirement, permettant dajuster le montant du capital en fonction de lvolution des risques.30La diversit des mthodes dvaluation ainsi que les problmes techniques lis leur application ncessitent davantage de rglementations prudentielles, pour une homognit des calculs, ainsi quune meilleure valuation durisqueoprationnel. Toutefois, contrairement ces attentes, la rforme de Ble III ne sest pas focalise sur ce risque en particulier : la surveillance du risque de liquidit et du risque systmique a t largement privilgie.2.2 -Risqueoprationnel: grand absent de Ble III31La rforme de Ble III vise renforcer la stabilit du systme bancaire en proposant une rvision des rgles bancaires prudentielles existantes. Elle introduit de nouvelles mesures qui seront appliques progressivement partir de 2013 (Basel Committee on Banking Supervision, 2010). Ces dernires visent essentiellement renforcer la qualit et le niveau des fonds propres des banques, surveiller la liquidit, instaurer un ratio deffet de levier et introduire une dimension macro-prudentielle et contracyclique, ngligeant cependant la surveillance durisqueoprationnel. Les principales mesures introduites par Ble III seront exposes dans ce qui suit.Exigences en matire de solvabilit32Les nouvelles normes prudentielles imposent aux banques un ratio de solvabilit plus exigeant. En effet, le ratio Core Tier 1 (noyau dur du capital des banques) est pass de 2% (Ble II) 4,5% (Ble III) avec en plus un matelas de protection supplmentaire de 2,5%. Ces mesures saccompagnent dun renforcement de la qualit des fonds propres, en introduisant une dfinition plus stricte des fonds propres de base.Surveillance du risque de liquidit33Afin dviter les crises de liquidit et les tensions entre institutions financires,deux ratios de liquidit sont introduits par Ble III : le Liquidity Coverage Ratio(LCR), permettant aux banques de faire face une crise de liquidit aige pendant un mois, et le Net Stable Funding Ratio (NSFR) leur permettant de rsister une crise pendant une anne.

34Les actifs liquides correspondent au montant susceptible dtre transfr en cash mme en priode de crise.Mise en place dun ratio deffet de levier35Laccord de Ble III a pour objectif de dfinir un ratio deffet de levier comme mesure amliorant les exigences en fonds propres.

Mesures macro-prudentielles36Le dispositif de Ble III tente de pallier les insuffisances de Ble II, qui ne prend pas en considration le caractre systmique de certains tablissements financiers et qui se focalise sur les banques individuelles sans se soucier de la stabilit de lensemble du systme financier.37Dans le but de rduire le risque systmique, le dispositif de Ble III envisage de mettre en place une surveillance renforce et une surcharge en capital additionnelle pour les institutions bancaires dites systmiques . Ces dernires se distinguent notamment par leur taille et leur degr dinterconnexion avec les autres institutions. Le comit de Ble sest bas sur les principes cls proposs parle Financial Stability Board(FSB, 2010). Toutefois, les normes ne sont pas encore dfinies avec prcision et les modalits sont encore en discussion.Mesures contracycliques38La rduction de la procyclicit est lune des priorits du nouveau dispositif de Ble III. Ce dernier encourage la constitution de rserves de 2,5% des actifs pondrs (volants de conservation), pendant les priodes de croissance conomique, pouvant tre mobilises en priodes de crises afin dabsorber les pertes tout en respectant les exigences rglementaires minimales, vitant ainsi la contraction du crdit. Par ailleurs, un volant contracyclique (entre 0 et 2,5%) est propos par le comit de Ble. Il sera constitu en priodes dexpansion du crdit et pourra servir en priode de credit crunch .39Les normes prescrites par Ble III constituent certes une avance dans le renforcement de la solidit du systme financier. Nanmoins, tant donn limportance durisqueoprationnelbancaire et lampleur des pertes lies ce risque, labsence de nouvelles mesures de surveillance le concernant constitue lune des principales lacunes de cette rforme.40 cet gard, le comit de Ble - ayant notamment pour mission dadapter la rglementation prudentielle au contexte post-crise des subprimes - sest focalis sur la surveillance du risque de liquidit et du risque systmique, tenant ces risques pour responsables de la crise financire clate en 2007. La prise en compte de ces risques, mis en exergue par la crise, dans le calcul des ratios prudentiels, permet ainsi une meilleure valuation des risques bancaires, et par consquent une meilleure surveillance des banques. Lintrt particulier attribu ces types de risques vient galement en rponse aux nombreuses critiques adresses aux normes prcdentes (Rochet, 2008 ; Herring, 2005). Ces risques ont longtemps t carts de la rglementation prudentielle.41Cependant, comme voqu dans lintroduction, ces risques sont en grande partie dus unrisqueoprationnel. Ce dernier na pas suscit un intrt appropri lors de la rforme de Ble III, qui sest davantage focalise sur les consquences (crise de liquidit, crise systmique) que sur lorigine (risqueoprationnel) des problmes. Or, pour mettre en place une rglementation prudentielle efficace, il ne suffit pas de rguler les symptmes de la crise, il est indispensable de surveiller galement les causes.42Dun ct, la crise de liquidit ayant suivi la crise des subprimes est avant tout une crise de confiance, due une conduite humaine (Thirlwell, 2010a). Dun autre ct, la crise systmique est la consquence de transactions sur des produits structurs complexes dont la composition est loin dtre claire. Les problmes de visibilit et le manque de transparence lis la diffusion de ces instruments financiers ainsi que la drive dans les conditions de leur commercialisation[4]Les pratiques commerciales des banques sont parfois...[4]ont pour origine la malveillance, lincomptence voire lavidit de certains acteurs de march, qui ne connaissent mme pas la composition exacte des produits achets ou cds. De surcrot, ces oprateurs ont retenu les notes attribues ces produits par les agences de notation, sans faire leur propre analyse des risques, manquant par consquent leur devoir de vrification des informations (Artus etal., 2008). La complexit des nouveaux produits financiers augmentent ainsi lerisqueoprationnel.43Par ailleurs, les manques de Ble III pourraient tre attribus la pression du lobby des banques. En effet, suite la publication des accords de Ble II, les banques taient trs critiques lgard des dispositions concernant lerisqueoprationnel, craignant notamment une surcharge importante en capital rglementaire et soulignant la difficult dvaluation de ce type de risque. Linfluence du lobby bancaire est encore plus importante avec les conflits dintrt inhrents la multiplication des changements de camp des rgulateurs et des banquiers : revolving doors (Levine, 2010). En outre, le groupe de pression des compagnies dassurance pourrait galement avoir pes sur les dcisions du comit de Ble. Les assureurs considrent quune grande partie desrisquesoprationnels, telle que la responsabilit professionnelle ou la fraude informatique, est dj assure et partant, ne devrait pas faire lobjet dune surcharge de capital pour les banques. Les risques doublement couverts (prime dassurance et capital rglementaire additionnel) constituent une double charge financire pour les institutions bancaires, susceptible de les pousser limiter leur recours aux compagnies dassurance dans la mesure o elles sont contraintes de respecter la rglementation prudentielle. Cette dernire pourrait tre perue par les assureurs comme une intensification de la concurrence dans leur secteur dactivit, en particulier pour les compagnies qui comptent largir lventail desrisquesoprationnelsbancaires couverts. Les ractions des assureurs taient nombreuses suite lintroduction durisqueoprationneldans le calcul des ratios prudentiels, dans le cadre de Ble II. Le lobby des socits dassurance visait essentiellement allger la charge de capital rglementaire que les banques doivent supporter pour couvrir lerisqueoprationnel. Ces groupes de pression des banques et des assurances ont probablement contribu remettre en second plan la rglementation durisqueoprationnel.Conclusion44Ces dernires annes, les problmes bancaires dont les consquences financires taient substantielles, ntaient pas dus aux mauvaises dcisions de crdit mais principalement aux fraudes humaines, au manque de contrle interne ou aux menaces technologiques. Lerisqueoprationnelse retrouve ainsi au cur de la rglementation prudentielle.45Face aux inquitudes concernant lefficacit des pratiques de gestion durisqueoprationnelet labsence de rglementation prudentielle en la matire, le Comit de Ble sur le Contrle Bancaire (CBCB) a soulev la question de la rglementation de ce risque lors de la ngociation des accords de Ble II. Cette rforme reprsente la principale avance en matire de rglementation durisqueoprationnel(Basel Committee on Banking Supervision, 2005).46Toutefois, malgr limportance durisqueoprationnelet lintrt quil a suscit dans la recherche acadmique, la rglementation prudentielle ne sest pas focalise sur ce risque en particulier. En effet, depuis la crise des subprimes, la surveillance du risque de liquidit et du risque systmique est largement privilgie par les rgulateurs. Or, sans une bonne gestion durisqueoprationnelet un rel changement dans les pratiques bancaires, les rformes des rglementations prudentielles ne semblent pas tre en mesure dviter de nouvelles crises lies aurisqueoprationnel. Cest se demander si une autre rforme ne devrait pas avoir lieu, avant mme lentre en vigueur des normes de Ble III : vers un Ble IV centr sur lerisqueoprationnel?