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REVUE PLURIDISCIPLINAIRE EN NEUROLOGIE Démences Mathieu Ceccaldi, Bernard Croisile, Catherine Thomas-Antérion Parkinson Sophie Drapier, David Maltête, Pierre Krystkowiak Nerfs et muscles Jean-Philippe Camdessanché, Yann Péréon Sclérose en plaques Patrick Vermersch, Claude Mekies Epilepsies Sylvain Rheims, Louise Tyvaert Pédiatrie Stéphane Auvin, Mathilde Chipaux Sommeil Yves Dauvilliers Neuro-vasculaire Yannick Béjot, Emmanuel Touzé Migraine Anne Donnet, Christian Lucas, Michel Lantéri-Minet, Dominique Valade Neuro-oncologie Jérôme Honnorat, Christine Lebrun-Frénay 2014 QUELLES AVANCÉES ? QUELLES PERSPECTIVES ? LE POINT DE VUE DES EXPERTS Janvier 2014 • Volume 17 • 164 • 9 d www.neurologies.fr

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r e v u e p l u r i d i s c i p l i n a i r e e n n e u r o l o g i e

DémencesMathieu Ceccaldi, Bernard Croisile,

Catherine Thomas-Antérion

ParkinsonSophie Drapier, David Maltête,

Pierre Krystkowiak

Nerfs et musclesJean-Philippe Camdessanché,

Yann Péréon

Sclérose en plaquesPatrick Vermersch, Claude Mekies

EpilepsiesSylvain Rheims, Louise Tyvaert

PédiatrieStéphane Auvin, Mathilde Chipaux

SommeilYves Dauvilliers

Neuro-vasculaireYannick Béjot, Emmanuel Touzé

Migraine Anne Donnet, Christian Lucas,

Michel Lantéri-Minet, Dominique Valade

Neuro-oncologieJérôme Honnorat,

Christine Lebrun-Frénay

2014QUELLES AVANCÉES ? QUELLES pErSpECtiVES ?

LE poiNt dE VUE dES ExpErtS

Janvier 2014 • Volume 17 • 164 • 9 € d www.neurologies.fr

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www.neurologies.fr Janvier 2014 • Vol. 17 • N° 164

sommaire

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Revue pluR id isc ipl inaiRe en neuRologie

L’équipe de NEUROLOGIES vous présente ses meilleurs vœux pour 2014 et, à cette occasion, a souhaité donner la parole à des prati-ciens, "ultra-spécialistes" selon l’expression à la mode, de régions

différentes, de différentes générations, pour leur demander de souligner les grands changements passés, en cours ou à venir dans leur domaine. Nous leur avons posé les mêmes questions et demandé une réponse concise :1. Y-a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?2. Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?3. Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?4. Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années fu-tures ?Dans ces réponses, on remarquera bien volontiers que certains points sont souvent cités, les troubles cognitifs, les biomarqueurs, l’apport de la génétique, et d’autres..., alors que certains aspects pourtant classiques sont presque absents - et nous vous laisserons les découvrir par vous-même. Ainsi, nous vous proposons dans ces pages des réponses, parfois attendues, parfois surprenantes, souvent optimistes, et témoignant de la confiance dans l’avenir, du dynamisme de la spécialité… L’équipe de rédaction de Neu-rologies a aussi été intriguée, parfois surprise, et souvent très intéressée des avis sur les enjeux futurs. Ce numéro aurait pu regrouper des centaines d’avis individuels, mais nous avons résisté à l’envie de poser nos questions à l’ensemble des praticiens, ce qui nous aurait conduit à un numéro de plus de 2000 pages. Bonne lecture … Franck SEMAH, Rédacteur en chef ([email protected])

ÉDITORIAL

DOSSIER "AVANCéES & PERSPECTIVES"

Sommeil Yves Dauvilliers (Montpellier). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 2

Neuro-oncologie / Syndromes paranéoplasiques Jérôme Honnorat (Lyon), Christine Lebrun-Frénay (Nice) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 6

Sclérose en plaques Patrick Vermersch (Lille), Claude Mekies (Toulouse) . . . . . . . p. 9

Neuro-pédiatrie Mathilde Chipaux (Paris), Stéphane Auvin (Paris) . . . . . . . . . . . . . p. 14

Epilepsies Sylvain Rheims (Lyon), Louise Tyvaert (Lille) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21

Démences Mathieu Ceccaldi (Marseille), Bernard Croisile (Lyon),

Catherine Thomas-Antérion (Lyon) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 26

Pathologies neuro-vasculaires Yannick Béjot (Dijon),

Emmanuel Touzé (Caen) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 31

Maladie migraineuse Anne Donnet (Marseille) Christian Lucas (Lille),

Michel Lantéri-Minet (Nice), Dominique Valade (Paris). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 36

Maladie de Parkinson Sophie Drapier (Rennes), David Maltête (Rouen),

Pierre Krystkowiak (Amiens). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41

Pathologies des muscles, nerfs, et de la jonction neuro-musculaire Yann Péréon (Nantes), Jean-Philippe Camdessanché (Saint-Etienne). . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 47

n RenDez-vOus De L'InDusTRIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 30

n BuLLeTIn D’ABOnnemenT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 35

n neuROAgenDA - sOumeTTRe vOs ABsTRAcTs . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 53

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Sommeil

2 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Il existe un réel intérêt - bien qu’en-core trop faible - de la communauté neurologique pour les pathologies du sommeil et la recherche en neu-rosciences dans cette thématique.

Les mécanismes neurobiolo-giques et neurophysiologiques du sommeil normal (neurotrans-metteurs et voies de signalisation des régions impliquées dans la régulation des différents états de veille et de sommeil) sont de mieux en mieux connus, tout d’abord ap-préhendés chez l’animal, puis plus récemment chez l’Homme (via des enregistrements intracérébraux, des dosages de biomarqueurs dans le LCR ou directement dans le cer-veau par microdialyse…).

La place de neurotransmet-teurs impliqués dans certains troubles du sommeil a été démon-

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

trée, comme celle de l’orexine (encore appelée hypocrétine) dans la narcolepsie avec cataplexie, ou la carence en ferritine dans le système nerveux central dans le syndrome des jambes sans repos. L’impact de certains facteurs gé-nétiques et environnementaux a aussi été récemment individua-lisé dans la régulation du sommeil normal et dans plusieurs patholo-gies du sommeil et des troubles du rythme circadien.

La classification des troubles du sommeil vient d’être révisée avec le DSM-V publié en mai der-nier, et la classification de l’ICSD est attendue pour janvier. Elle apporte de nouveaux cadres no-sologiques permettant de mieux définir le “normal” et le “patholo-gique”. Les seuils sont ainsi un peu mieux validés, notamment pour

l’hypersomnie ; les définitions de la narcolepsie avec et sans cata-plexie ont été modifiées.

Enfin, il est maintenant bien éta-bli que les pathologies du sommeil au sens large ou même les per-turbations du sommeil sont des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.Ainsi, par exemple, un syndrome d’apnées du sommeil non traité est à risque de maladies cardio- et cérébrovasculaires.

L’un des changements majeurs est l’arrivée de biomarqueurs biologiques qui semblent de plus en plus intéressants et pertinents pour les diagnostics des patho-logies de sommeil :• l’absence ou un taux bas d’hypo-

crétine dans le liquide céphalora-chidien devient un critère dia-gnostique dans la narcolepsie avec cataplexie ;• les taux de ferritine bas dans le sang (20 %), dans le liquide céphalorachi-dien (quasi systématique) ou via des

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

séquences d’IRM particulière (R2*) sont très impliqués dans le syn-drome des jambes sans repos.

Le domaine de la génétique a également beaucoup progressé, grâce à de nombreux travaux sur

«  Un syndrome d’apnées du sommeil non traité est à risque de maladies cardio- et cérébrovasculaires. »

« Une compréhension des facteurs de risque génétique et environnemental des différentes maladies du sommeil est nécessaire. »Yves Dauvilliers Unité des troubles du sommeil et de l’éveil, Centre national de référence Narcolepsie et Hypersomnie, Inserm U1061, CHU de Montpellier

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 3

Sommeil

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Les traitements par agonistes mélatoninergiques semblent aussi prometteurs pour un sous-groupe de patients insomniaques ou avec décalage de phase du rythme cir-cadien.

Le développement de traite-ments neuroprotecteurs est attendu dans le cadre de la mala-die de Parkinson, la présence d’un trouble du comportement en som-meil paradoxal idiopathique étant un marqueur précoce d’évolution vers une maladie de Parkinson.

La meilleure compréhension des facteurs de risque génétique et environnemental des diffé-rentes maladies du sommeil, et notamment de la narcolepsie, du syndrome des jambes sans repos, mais aussi du trouble du compor-tement en sommeil paradoxal, est nécessaire. Pour exemple, nous avons mis récemment en évidence l’association entre la narcolepsie avec cataplexie et le vaccin H1N1 (Pandemrix). Les formes familiales (60 % des cas) du SJSR ou du som-nambulisme sont fréquentes et

pourtant encore peu étudiées prin-cipalement par manque de moyens.

Les traitements psychostimu-lants, en augmentant la transmis-sion histaminergique, mais aussi hypocrétinergique, pourront être les traitements de demain pour les patients atteints d’hypersomnie. Nous venons de finaliser les pre-miers essais chez l’Homme d’ago-nistes inverses des récepteurs H3 histaminergiques, avec un effet très favorable sur la somnolence des différentes causes d’hypersomnie.

des modèles animaux réalisés ces dernières années, notamment dans le syndrome des jambes sans repos et la narcolepsie : mise en évidence des allèles à risque Meis1 et BTBD9 dans le syndrome des jambes sans repos, et HLA DQB1*0602 (à risque), 0603 (protecteur) et TCR alpha

(à risque) pour la narcolepsie avec cataplexie. Les chronotypes extrêmes du soir et du matin, les longs et courts dormeurs peuvent aussi être différenciés par cer-tains gènes à risque comme PER3, DEC2.

Les troubles du sommeil comme facteur de risque d’autres pathologies peuvent en faire un marqueur intéressant :

1. La privation de sommeil chro-nique a d’importantes consé-quences sur la vigilance, les performances, le risque acciden-tologique, le métabolisme, la ten-sion artérielle, et la régulation de la nociception.

2. Les anomalies du système ner-veux autonome dans la narcolep-sie, mais aussi dans le syndrome des jambes sans repos et le syn-

drome d’apnées du sommeil, ont pour conséquence des anomalies de la régulation de la tension arté-rielle. Cette régulation anormale de la tension artérielle est une si-tuation potentiellement à risque cardiovasculaire.

3. Sur le plan des parasomnies, le trouble du comportement en som-meil paradoxal idiopathique est à fort risque de maladie de Parkin-son après 10 ans d’évolution. Un suivi strict de ces patients permet d’évaluer l’évolutivité naturelle de la maladie avant l’apparition des symptômes moteurs typiques. Enfin, la prise en charge dans le cadre du Plan Maladies rares a permis la mise en place de centres de référence et de compétences pour les hypersomnies rares afin d’optimiser la prise en charge de ces patients.

«  L’un des changements majeurs est l’arrivée de biomarqueurs pour les diagnostics des pathologies du sommeil : hypocrétine pour la narcolepsie avec cataplexie, ferritine dans le syndrome des jambes sans repos. »

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Sommeil

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Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Le dépistage des troubles du sommeil est encore largement insuffisant, et ils ne sont pas assez bien pris en charge en 2013. Ainsi, on compte encore actuellement entre 10-12 ans avant que soit por-té un diagnostic de narcolepsie. De même pour le dépistage du syn-drome des jambes sans repos.

Le domaine de la pharmaco-génétique est à développer : on connaît déjà quelques gènes asso-ciés à des réponses différentes aux traitements psychostimulants, sans que ces données ne soient utilisées dans la pratique.

Il n’existe que peu ou pas d’études sur les formes réfrac-taires aux traitements des insomnies, de la somnolence diurne, du syndrome des jambes sans repos, des parasomnies, mais

liens entre les taux d’hypocrétine et les taux des protéines bêta-amyloïdes en fonction des états de veille et de sommeil, condition à risque de développer une maladie d’Alzheimer. l

aussi des formes pédiatriques des troubles du sommeil. De façon générale on déplore le peu de fi-nancement de la recherche dans le domaine des troubles du sommeil, qui reste un parent pauvre de la recherche en neurosciences.

Des travaux doivent être réalisés pour avancer sur la compréhen-sion des mécanismes impliqués entre les troubles du sommeil, les maladies neurodégénératives, les maladies cardiovasculaires et la dépression.

Enfin, nous devons répondre à la question de savoir si la prise en charge des troubles du sommeil peut prévenir les maladies car-diovasculaires, neurologiques et psychiatriques. Pour exemple, plusieurs études récentes semblent mettre en évidence des

«  Nous devons répondre à la question de savoir si la prise en charge des troubles du sommeil peut prévenir les maladies cardiovasculaires, neurologiques et psychiatriques. »

Mots-clés : Sommeil, Narcolepsie avec cataplexie,

Syndrome des jambes sans repos, Hypersomnie, Insomnie, Trouble du

comportement en sommeil paradoxal, Biomarqueurs, Génétique, Risque cardiovasculaire, Thérapeutique,

Dépistage

Correspondance

Pr Yves Dauvilliers

Unité des troubles du sommeil et de l’éveil

CHU Gui de Chauliac

80, avenue Augustin Fliche – 34 295 Montpellier Cedex 5

E-mail : [email protected]

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6 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

SyndromeS paranéoplaSiqueS et pathologieS autoimmuneS

Oui, le domaine des syndromes neurologiques paranéoplasiques a été complètement transformé par la description d’autoanticorps diri-gés contre des cibles membranaires chez un certain nombre de pa-tients. Ces autoanticorps jouent un rôle direct dans la survenue des troubles neurologiques en provoquant des modifications

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

synaptiques majeures. Ils sont parfois associés à des cancers sys-témiques mais, généralement, l’ori-gine du dysfonctionnement immu-nitaire et de la production de ces autoanticorps est inconnue. Les études cliniques et transla-tionnelles ont permis de démon-trer les mécanismes d’action de certains autoanticorps, notam-

ment les autoanticorps anti-NMDA récepteurs et les anti-Lgi1 qui provoquent des anomalies post-synaptiques par redistribu-tion des récepteurs au glutamate.

Il est maintenant clair qu’il existe des maladies neurologiques cen-trales liées directement à des auto anticorps circulants.

corps à partir d’une simple ponc-tion lombaire. Le diagnostic peut donc être affirmé très facilement à partir du moment où il est évoqué.

Cette connaissance des dys-fontionnements cérébraux liés à des maladies auto-immunes ouvre un champ diagnostique impor-

tant. Les changements ont été ma-jeurs, puisque le développement de nouveaux tests diagnostiques permet d’identifier ces autoanti-

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

Quelles sont les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

« Le domaine des syndromes neuro logiques para néoplasiques a été complètement transformé par la description d’auto anticorps dirigés contre des cibles membranaires. »Jérôme Honnorat Service de neuro-oncologie, Hôpital neurologique, Lyon

Nous attendons des avancées dans le développement de nou-veaux tests diagnostiques pour faciliter la mise en évidence des autoanticorps pathogènes déjà identifiés, mais aussi l’identi-fication de nouveaux autoanti-corps potentiellement impliqués dans ces pathologies.

Ces découvertes ont également permis la mise en place de re-cherches physiopathologiques. Des avancées sur les encépha-lites autoimmunes et les syn-dromes paranéoplasiques sont attendues, d’une part pour comprendre le mécanisme d’immunisation des patients et les facteurs qui déclenchent la

maladie autoimune et, d’autre part, pour mieux comprendre le rôle particulier des autoan-ticorps dans le dysfonctionne-ment synaptique.

En plus de la meilleure connais-sance des mécanismes d’immu-nisation des patients et du dys-fonctionnement neuronal, il

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 7

Neuro-oNcologie de l’adulte

Mots-clés : Syndromes paranéoplasiques,

Pathologies autoimmunes,Autoanticorps, Diagnostic,

Physiopathologie

Correspondance

Pr Jérôme Honnorat

Service de neuro-oncologie – Hôpital neurologique

59 Bd Pinel – 69677 Bron cedex

E-mail : [email protected]

Enfin, la mise en place d’essais thérapeutiques est attendue pour évaluer l’efficacité de différentes combinaisons de traitements immunomodulateurs. l

reste aussi à comprendre les mécanismes qui ralentissent la récupération neurolo-gique. Nous sommes en effet surpris du temps nécessaire à la

récupération après l’identifica-tion de ces maladies et la mise sous un traitement immuno-suppresseur adéquat.

« L’utilisation des marqueurs de micro- cytogénétique est intégrée dans la réflexion courante. »Christine Lebrun-Frénay Service de Neurologie, Fédération de neuro-oncologie, CHRU de Nice

Sur le plan méthodologique, nous avons eu les essais de phase III pour les gliomes anaplasiques que l’on stratifie ensuite selon la classi-fication OMS (oligo, astro, oligoas-tro) pour évaluer la pertinence des marqueurs pronostiques et la réponse aux traitements. Nous disposons maintenant de

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

marqueurs pronostiques : • MGMT dans les glioblastomes ;• 1p19q et IDH1 dans les gliomes de grades II et III.

Grâce à ces marqueurs, il est pos-sible de préjuger de la chimio-sen-sibilité par PCV avec la séquence chirurgie-irradiation.

La chirurgie des gliomes de bas grades a considérablement pro-gressé et s’affirme comme le traite-ment principal de ces tumeurs, en chirurgie éveillée. Pour les hauts grades, l’associa-tion d’implants de carmustine en peropératoire a démontré une efficacité.

intégrée dans la réflexion cou-rante.

La logistique de prise en charge des patients ayant une tumeur

Pour le diagnostic, l’IRM est de-venue indispensable, que ce soit dans le développement de nou-velles séquences (FLAIR cube, swan...) ou le post-traitement de

l’image (perfusion, diffusion, spec-troscopie...).

L’utilisation des marqueurs de micro-cytogénétique est

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

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8 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

SyndromeS paranéoplaSiqueS et pathologieS autoimmuneS

cérébrale s’améliore avec une meilleure uniformisation des pra-tiques, la discussion au sein de RCP nationales et la rédaction de thésaurus communs.

Pour les traitements, la chimiothérapie par PCV est pas-sée d’une utilisation en récidive a un traitement utilise en néoad-

juvant en association à la chirur-gie et à la radiothérapie pour les patients dont la tumeur est co-déleétée. L’association radiothé-rapie-témozolomide est devenu un standard pour les glioblas-tomes. Les antiangiogéniques sont capables de réduire de fa-çon spectaculaire l’œdème et la prise de contraste en IRM pour

les tumeurs de hauts grades. Pourtant en phase précoce, deux essais de phase III ont montré que le bevacizumab n’était pas capable d’allonger la survie.

Pour certaines tumeurs extra-cérébrales, l’utilisation du cyber- knife a permis un meilleur contrôle de la maladie.

les molécules en développe-ment actuel ne permettront pas de progrès majeurs en termes de cure ou de survie avec un coût supportable pour la so-ciété. Il faudra progresser sur la pharmacologie des médica-ments, leur rapport avec la bar-rière hémato- encéphalique et hémato- tumorale . l

L’utilisation de la biologie molécu-laire pourra peut-être se substituer à l’histologie ou à l’histopronostic, et permettre de mieux cibler les différents traitements. Il pourrait permettre le passage de la chimio-thérapie aux traitements ciblés.

Il est indispensable de repen-ser les hypothèses et voies de

recherche dans le domaine médical car il est probable que

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Mots-clés : Neuro-oncologie, Gliomes,Glioblastomes, Marqueurs

pronostiques, Cytogénétique,Thérapeutique, Imagerie

Correspondance

Dr Christine Lebrun-Frénay

Service de Neurologie – Fédération de neuro-oncologie

CHRU de Nice – Hôpital Pasteur

BP 69 – 30, Voie Romaine – 06002 Nice Cedex

PET-dopa pour les diagnostics précoces de récidive ou de dia-gnostic différentiel avec une ra-dionécrose. Il n’y aura pas de résultats pour d’autres molécules dans les 2 pro-chaines années.

Le développement rapide des plateaux techniques adaptés per-mettra l’utilisation de nouvelles techniques peropératoires (fluo-rescence) ou d’irradiation. Les progrès en terme de signa-ture moléculaire sont rapides.

En terme de marqueur, nous sau-rons si IDH pourra se substituer à 1p19q en terme de marqueur pro-nostique.

A l’IRM standard et de perfusion, va se superposer l’utilisation du

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

«  La biologie moléculaire pourrait permettre le passage de la chimiothérapie aux traitements ciblés. »

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ScléroSe en plaqueS

• La communauté neurologique et scientifique a, ces dernières années, renforcé la conviction que la sclérose en plaques (SEP) était bien une maladie dégénérative, et ce dès le début. Les travaux ont montré que la SEP était une mala-die beaucoup plus diffuse que nous pouvions l’imaginer : non seulement elle est très vite dissé-

minée dans la substance blanche, mais surtout avec une atteinte précoce de la substance grise, corticale et également profonde, notamment thalamique. Ces ano-malies expliquent en partie la précocité et l’évolutivité des troubles cognitifs.

• Sur le plan plus fondamental,

à côté des rôles bien identifiés de l’immunité adaptative, no-tamment par les lymphocytes B et T, des études ont mis en exergue une implication pré-coce de l’immunité innée. Des travaux ont mis en évidence des modifications astrocy-taires et un rôle clef des cel-lules microgliales.

• L’analyse des cohortes de patients après un seul événe-ment, sur les plans clinique et IRM, a permis de modifier les critères diagnostiques, mainte-nant appelés “critères McDo-nald 2010”. Ces critères, par rapport à ceux de 2005, n’ont pas véritablement modifié les sensibilité et spécificité mais, par contre, ils sont d’une part plus simples et, d’autre part, ils permettent de poser un diagnos-tic plus rapidement. Considérant ces nouveaux cri-tères, les lésions diffuses et la précocité de l’atteinte dégéné-rative, objectivées dans les tra-

vaux radiologiques par la mise en évidence d’une atrophie, les neurologues ont bien compris la nécessité d’un traitement précoce, et selon les critères de l’AMM, parfois après un seul épisode neurologique.

• Dans le suivi des patients, le grand changement est notre prise en compte des troubles non physiques de la maladie et notamment des troubles co-gnitifs, même si aucun consen-sus n’existe quant aux méthodes d’évaluation, leur prise en charge et leur place dans nos algorithmes thérapeutiques. Néanmoins, ces

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« Il n’y a pas de consensus pour affir-mer que les thérapeutiques utilisées à ce jour retardent l’apparition de la phase secondairement progressive. »

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

troubles cognitifs sont souvent évolutifs, avec un impact majeur sur le handicap du patient, mais ils sont aussi prédictifs d’une dégradation physique ultérieure.

• Les réseaux de santé - for-malisés ou non - ont continué d’apporter beaucoup dans le cadre de la nécessaire approche multidisciplinaire.

• Enfin, les données apportées par les études immunologiques et l’épidémiologie ont incité de très nombreux neurologues à supplémenter en vitamine D leurs patients atteints de SEP.

Patrick Vermersch Clinique Neurologique, Pôle des Neurosciences et Appareil locomoteur, Hôpital Roger-Salengro, CHRU de Lille

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10 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

ScléroSe en plaqueS

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

des formes très actives d’emblée. Enfin, les prescriptions du nata-lizumab seront guidées par l’uti-lisation de l’index d’anticorps apportant une meilleure précision quant aux risques de leuco-encé-phalopathie multifocale progres-sive.

L’OFSEP - Observatoire Fran-çais de la SEP - permettra de fournir des éléments intéressants quant à l’impact de ces traite-ments, et notamment leur sécurité d’utilisation.

et standardisée de l’atrophie, nous permettra de répondre à cette question. l

• Nous espérons une uniformisa-tion de l’évaluation des troubles cognitifs avec la validation défi-nitive d’un test de dépistage qui pourrait être une version orale de la SDMT (Symbol Digit Modali-ties Test) et d’une batterie courte comme la BICAMS, en cours d’éva-luation dans de nombreux pays.

• En imagerie, des efforts sont menés pour rendre plus acces-sible l’évaluation de l’atrophie, et probablement plus rapidement la détection des lésions corti-

Les nombreuses avancées thé-rapeutiques ne concernent malheureusement à ce jour que les formes rémittentes de la maladie. Néanmoins plu-sieurs essais thérapeutiques, y compris de phase III, sont en cours dans les formes progres-sives. Aucune étude n’a apporté de preuves formelles qu’un agent a une action neuroprotectrice directe.

Un meilleur contrôle de la com-posante inflammatoire de la mala-

cales par des séquences du type “DIR” (Double Inversion Récupé-ration).

• Sur la plan thérapeutique, nos algorithmes thérapeutiques se-ront modifiés avec l’arrivée de nouvelles thérapeutiques par voie orale et en première ligne (téri-flunomide, diméthylfumarate, peut-être laquinimod), ainsi que par la mise à disposition d’autres anticorps monoclonaux comme l’alemtuzumab en 2e ou 3e lignes ou dans un schéma d’induction dans

die n’implique pas formellement une diminution de la part dégé-nérative. Autrement dit, même si quelques études de cohortes donnent quelques éléments de réponse, il n’y a pas de consensus pour affirmer que les thérapeu-tiques utilisées à ce jour retardent l’apparition de la phase secondai-rement progressive. Le suivi rigoureux de grandes co-hortes de patients colligeant des données cliniques incluant des tests cognitifs et IRM permettant d’obtenir une évaluation pratique

«  Le suivi rigoureux de grandes cohortes de patients colligeant des données cliniques incluant des tests cognitifs et IRM permettra d’obtenir une évaluation standardisée de l’atrophie. »

Correspondance

Pr Patrick Vermersch

Clinique Neurologique

Pôle des Neurosciences et appareil locomoteur

Hôpital Roger Salengro - CHRU de Lille - 2, Av Oscar Lambret - 59037 Lille Cedex

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Sclérose en plaques, Physiopatholo-

gie, Critères diagnostiques, Traite-ment précoce, Troubles cognitifs,

Atrophie, Thérapeutique, Vitamine D, Voie orale, Anticorps monoclonaux,

Natalizumab

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 11

ScléroSe en plaqueS

A mon sens, ces dernières années ont été essentiellement marquées par une évolution des concepts dans deux domaines :• celui de la critériologie diagnos-tique ;• et celui d’une meilleure connais-sance de la physiopathologie de la SEP.

Concernant les critères dia-gnostiques, même si ceux-ci ne dérogent pas aux critères de dissé-mination spatiale et temporelle, ils évoluent depuis plusieurs années, avec pour seul but la possibilité de faire un diagnostic plus précoce avec une meilleure sensibilité tout

en gardant une spécificité et une valeur prédictive positive iden-tique (Polman et al., 2011).

Concernant la physiopatho-logie de la SEP, l’évolution des concepts se situe à plusieurs ni-veaux : • au niveau neuropathologique, avec, aux côtés de l’oligodendro-cyte, un rôle probablement impor-tant des cellules microgliales et astrocytaires ; • au niveau immunologique, avec un rôle revisité de l’immunité humorale, donc de l’importance des lympho-cytes B, aux côtés bien évidemment

des lymphocytes T dont l’implication est beaucoup plus connue ; • au niveau de l’imagerie, avec un rôle très important de l’inflamma-tion dite “diffuse” qu’on ne mesure pas sur nos imageries convention-nelles (en opposition avec l’inflam-mation dite “focale” représentée par les plaques visibles en IRM), et qui est probablement le mieux corrélée à l’atrophie cérébrale et le plus en adéquation avec le han-dicap. Plusieurs travaux mettent, par ailleurs, en avant l’implication très importante de l’atteinte de la substance grise notamment du cortex cérébral, dans le handicap.

C’est certainement le fait que le diagnostic de SEP est établi de manière plus précoce, ce qui im-plique, en pratique quotidienne, une annonce diagnostique et la mise en route d’un traitement spé-cifique à un stade souvent très pré-coce de la maladie. Cela nous conduit de plus en plus à mettre en place une éducation à la maladie afin de bien faire com-prendre à nos patients que, malgré l’absence apparente de symptômes, la maladie peut avoir un profil évo-lutif potentiellement grave pour lui et justifie un traitement.

Par ailleurs, au-delà des poussées, qui ont été jusque-là les symp-tômes pris en compte pour la mise en place d’un traitement de fond (AMM) et pour le suivi de la réponse clinique, la notion d’éva-luation du handicap (moteur, co-gnitif, social) entre beaucoup plus dans nos pratiques.Plusieurs échelles de mesure sont à disposition des praticiens pour évaluer ce handicap dans toutes ses dimensions, afin de propo-ser des mesures symptomatiques (médicamenteuses ou non), et de pouvoir établir un suivi individuel.

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« La notion d’évaluation du handicap (moteur, cognitif, social) entre beaucoup plus dans nos pratiques. »

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

La prise en compte et la prise en charge de ces dimensions du han-dicap, présent même à un stade très précoce de la maladie, ont

«  Le diagnostic de SEP est établi de manière plus précoce, ce qui implique une annonce diagnostique et la mise en route d’un traitement à un stade souvent très précoce de la maladie. »

Claude Mekies Polyclinique du Parc, Toulouse

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ScléroSe en plaqueS

12 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

ront très probablement dans les critères d’évaluation de nos études.Concernant l’évaluation de l’effica-cité de nos traitements, nous allons probablement évoluer vers une ré-ponse optimale, avec absence d’ac-tivité clinique et radiologique (patients libres de toute activité), ce qui impliquera de faire entrer l’IRM dans le suivi systématique pour l’évaluation de nos traitements.

L’atrophie cérébrale, paramètre le mieux corrélé au handicap, est établi à l’échelon d’un groupe au travers des études, mais son appli-cation à l’échelon individuel est en-core difficile ; il n’est pas impossible que l’on ait, à l’avenir, la possibilité de mieux apprécier cette atrophie dans la pratique quotidienne.

C’est très probablement la mise sur le marché prochaine de nom-breux traitements par voie orale qui va modifier la prise en charge thérapeutique de nos patients. Ce seront les premiers traitements par voie orale qu’on pourra utiliser en première intention et la ques-tion posée portera sur l’utilisation future des immunomodulateurs. Est-ce la fin des voies injectables ?

Par ailleurs, la multitude de molé-cules dans notre arsenal thérapeu-tique va rendre très complexe le passage d’une molécule à l’autre. Nous aurons donc à mener une réflexion sur des algorithmes de prise en charge thérapeutique et nos décisions seront de plus en plus des décisions partagées.

L’autre avancée sera très probable-ment la prise en compte plus pré-pondérante d’autres paramètres de suivi que la poussée. Les dif-férentes dimensions du handicap (cognition, handicap social) entre-

« La multitude de molécules va rendre complexe le passage d’une molécule à l’autre. Nous aurons à établir des algorithmes de prise en charge et nos décisions seront de plus en plus des décisions partagées. »

considérablement amélioré la qualité de vie de nos patients.

Enfin, on ne peut éviter de parler des nouveaux traitements de

fond par voie orale, et notam-ment de la mise sur le marché ré-cente de la première forme orale, certes pour sa grande utilisation en deuxième intention, mais qui

modifie considérablement la prise en charge thérapeutique et notre réflexion sur différents aspects, notamment l’adhésion au traitement.

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Bien que de nombreuses avancées aient été faites en matière de phy-siopathologie, celle-ci reste tou-jours très complexe, et la SEP ne doit plus être considérée ce jour comme une maladie uniquement inflammatoire et comme une maladie ne touchant que la subs-tance blanche. Cela va amener à réfléchir sur des biomarqueurs de la maladie

SEP. Ceci sera probablement à l’origine d’un traitement dit “à la carte”.

Enfin, au-delà des traitements immunomodulateurs et immu-nosuppresseurs, d’autres ap-proches très intéressantes - ré-myélinisation, utilisation de cellules souches - verront pro-bablement le jour. l

assez pertinents pour pouvoir suivre l’évolution de la maladie et la réponse aux traitements.

Par ailleurs, il n’est pas impos-sible que, dans un avenir proche, la pharmacogénétique et la pharmacogénomique permet-tront de déterminer pour chaque patient une thérapeutique adap-tée à sa propre pathogénie de la

Mots-clés : Sclérose en plaques, Physiopathologie,

Diagnostic précoce, Handicap, Atrophie, Traitements de fond, Voie orale

Correspondance

Dr Claude Mekies – Polyclinique du Parc 105 rue Achille Viadieu – 31400 Toulouse

E-mail : [email protected]

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Neuropédiatrie

14 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

La neuropédiatrie est née de la rencontre de la pédiatrie – do-maine en soi très vaste – et de la neurologie adulte, qui ignore sou-vent les pathologies spécifiques à l’enfant. Elle est devenue une discipline à part entière, dont le domaine de compétence s’étend du handi-cap, aux troubles cognitifs et des apprentissages, aux pathologies inflammatoires et neuromuscu-laires, jusqu’à l’épilepsie et aux mouvements anormaux, en pas-sant par tous les âges, de la nais-sance à l’adolescence.

Faire un bilan de son existence relève de la gageure. Il s’agit d’une discipline jeune, qui a été indi-vidualisée il y a peu de temps au regard de la neurologie adulte ; la neuropédiatrie n’en est qu’au stade de l’adolescence !

Les concepts fondateurs ont donc été définis récemment et ont rela-tivement peu évolué pour l’instant.

En épileptologie pédiatrique, le concept d’épilepsie rebelle pré-

coce émerge avec des critères dif-férents de l’adulte. Si les critères adultes sont appliqués à l’enfant, en particulier l’enfant jeune, le délai avant l’orientation vers la chirurgie est beaucoup trop long et les conséquences cognitives liées à l’attente sont souvent ir-réversibles. De plus, le concept d’interaction entre la matura-tion cérébrale physiologique et la pathologie neurologique présen-tée par l’enfant a été affiné. Non seulement la pathologie altère la maturation, donc la mise en place des fonctions cognitives et motrices, mais la réciproque est vraie également, l’âge de matu-ration influe sur l’expression de la pathologie. Par exemple, une épilepsie s’exprimera sous forme de spasmes infantiles avant 1 an, puis pourra évoluer vers un syn-drome de Lennox-Gastaut quand l’enfant grandira.

• Quant au concept d’encé-phalopathies épileptiques, il s’agit d’une entité relativement rare, mais qui prend une grande place au quotidien en neuropé-

diatrie, en raison des difficultés de diagnostic étiologique et de la complexité de la prise en charge de ces enfants souvent lourde-ment handicapés et nécessitant une polythérapie. Leur épilep-sie est survenue précocement après la naissance, et a altéré la maturation cérébrale, entraînant un surhandicap ultérieur. Il est probable qu’un diagnostic et un traitement précoces (quand il est possible) pourraient amoindrir ce surhandicap.

• Enfin, les dernières années ont vu l’enrichissement progres-sif de la recherche clinique et fondamentale en neuropédia-trie, recherche qui restait peu développée au regard de l’étendue des domaines couverts par la dis-cipline.

• Une recherche de type épi-démiologique se met également en place, grâce à des cohortes de patients avec un suivi prospec-tif, par exemple en épileptologie (base de données Grenat) et en néonatologie (cohorte Epicure).

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« L’orientation précoce vers un neuropédiatre doit être améliorée dans le futur. »Mathilde Chipaux Unité de Neurochirurgie Pédiatrique, Fondation Ophtalmologique A. de Rothschild, Paris

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 15

Neuropédiatrie

L’enjeu majeur des pathologies neurologiques de l’enfant est leur survenue sur un cerveau en déve-loppement. Le temps perdu ne se rattrape pas et le retard diagnos-tique ou thérapeutique peut don-ner lieu à des conséquences cogni-tives irréversibles.

L’orientation précoce vers un neuropédiatre devra donc être améliorée dans le futur, en aug-mentant le nombre de médecins et en améliorant la formation des généralistes, des pédiatres et des pédopsychiatres, qui reçoivent les enfants en première ligne.

Un réseau de soins entre les neu-ropédiatres et les autres spécia-lités médicales impliquées dans les pathologies neurologiques et le handicap serait souhaitable dans chaque région, afin d’amé-liorer la prise en charge des pathologies associées, en par-ticulier, des comorbidités psy-chiatriques.

En parallèle, l’accès aux exa-mens paracliniques pourrait être travaillé, en particulier pour l’EEG et l’IRM. D’une part, l’EEG devrait systématiquement com-porter suffisamment de voies

Quelles sont les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

En 2007, l’Agence européenne du médicament édicte une loi stipulant que tout nouveau médicament développé chez l’adulte doit également l’être chez l’enfant, et ce, dès les stades précoces de la recherche clinique. Cette loi a pour but de limiter les prescriptions hors AMM si fré-quentes en pédiatrie, et apporte désormais des données de phar-macocinétique et de pharmacody-namie spécifiques à l’enfant. Les pédiatres ne veulent plus ex-trapoler empiriquement les doses à administrer à partir des seules données adultes, sans tenir compte des spécificités de l’enfant, qui n’est pas un adulte en miniature.

Un autre changement récent dans nos pratiques quotidiennes est lié aux partenariats de plus en plus étroits avec les associations

l’amélioration de techniques chirurgicales, par exemple, le trai-tement endoscopique des héma-tomes hypothalamiques.

La néonatalogie, elle aussi, a continué sa marche en avant, encadrée par un questionnement éthique permanent. La prise en charge des prématurés progresse en terme de survie et de séquelles cognitives et visuelles.

Enfin, plusieurs nouveaux gènes ont été découverts, en particu-lier dans les encéphalopathies épileptiques (SCN1A, PCDH19, KCNT1…). Ils ont permis d’appor-ter un diagnostic - donc un conseil génétique aux familles - et, plus rarement, de guider les choix thé-rapeutiques (syndrome du déficit en Glut-1 ou maladie de De Vivo).

de parents. Les liens créés ont permis, d’une part, de favoriser la visibilité du réseau de soins, pour orienter précocement et effica-cement l’enfant malade vers le spécialiste adapté à sa pathologie et, d’autre part, d’obtenir la créa-tion de centres de référence et de compétences dans les différents domaines de la pédiatrie.

Le réseau de soins et l’identifica-tion des différentes sous-spécia-lités de la neuropédiatrie ont été également facilités par le nombre croissant de neuropédiatres for-més chaque année, qui vient com-bler la pénurie.

Du point de vue thérapeutique, les progrès sont notables. On peut citer l’arrivée des nouveaux antiépileptiques, le développe-ment de la thérapie génique et

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

d’enregistrement pour obtenir une résolution spatiale accep-table, et une vidéo concomitante permettrait les corrélations élec-trocliniques lors des crises épi-leptiques. Trop peu de centres hospitaliers proposent actuelle-

«  L’enjeu majeur des pathologies neurologiques de l’enfant est leur survenue sur un cerveau en développement. Le temps perdu ne se rattrape pas... »

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Neuropédiatrie

16 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Mots-clés : Neuropédiatrie, Essais cliniques,

Diagnostic, Prise en charge,Réseaux de soins,

Epilepsie rebelle précoce, Encéphalopathies épileptiques,

Génétique

Correspondance

Dr Mathilde Chipaux

Fondation Ophtalmologique A. de Rothschild

Unité de Neurochirurgie pédiatrique

25, rue Manin – 75940 Paris Cedex19

E-mail : [email protected]

ment des EEG prolongés de 24 h ou plus, dans le cadre de bilans diagnostiques ou dans le cadre du bilan préchirurgical de l’épilepsie, souvent en raison de la pénurie de

neurophysiologistes. D’autre part, l’accès à l’IRM est problématique chez les petits enfants ou chez les enfants avec retard mental, quand une anesthésie est requise.

Les patients attendent souvent plusieurs mois, ce qui interfère une fois de plus avec la course à un traitement efficace avant la fin de la période de maturation.

dernières années, doit maintenant être systématiquement appliquée pour donner aux enfants la même qualité de traitement médicamen-teux qu’aux adultes.

Enfin, le nombre de neurophysio-logistes formés en pédiatrie reste notoirement insuffisant, alors que les demandes d’examens aug-mentent régulièrement. Ce gap entraîne des délais accrus pour la réalisation des examens et pour leur interprétation et, là encore, un retard dans la prise en charge de la pathologie.

En conclusion, la jeunesse de la neuropédiatrie lui confère les avantages de son âge : des concepts relativement récents, un réseau fonctionnel de praticiens à l’échelle du territoire national, une recherche clinique en plein essor. En contrepartie, sa jeunesse l’oblige à se positionner vis-à-vis des autres disciplines médicales. L’intégration du neuropédiatre au sein d’un réseau de soins plus vaste et l’articulation pédiatre-“adultologue” feront partie des enjeux pour les années futures. l

Les enjeux futurs concernent prin-cipalement les âges “extrêmes” de la pédiatrie : les nourrissons pour lesquels l’accès au diagnostic et au traitement peut être retardé, et les adolescents, pour lesquels le relais entre le pédiatre et l’“adultologue” est souvent ardu. Des réseaux per-mettant un relais vers le neuro-logue plus optimal devraient se mettre en place dans le futur.

Parmi les enfants les plus jeunes, les encéphalopathies épilep-tiques représentent un enjeu fu-tur majeur en terme de diagnostic et de thérapeutique, le pronostic actuel de ces enfants étant très sombre à l’âge adulte. De nou-veaux gènes devraient apparaître, qui pourraient permettre une amélioration de la prise en charge du patient et/ou de sa famille.

D’autres réseaux, cette fois plu-ridisciplinaires, regroupant les spécialités médicales et paramédi-cales de la neurologie pédiatrique et du handicap, pourraient éclore pour faciliter le parcours de soins et le parcours éducatif du patient. Le neuropédiatre y a souvent un

rôle central de coordination des différents intervenants autour de l’enfant malade, qui en fait l’inter-locuteur privilégié des parents. Ces réseaux pourraient regrouper orthopédistes, gastroentérolo-gues, pédopsychiatres… autour du neuropédiatre, ainsi qu’orthopho-nistes, psychologues, psychomo-triciens, kinésithérapeutes.Les acteurs du médicosocial pour-raient y assurer l’intégration opti-male du jeune dans le circuit sco-laire classique ou adapté.

De plus, la loi sur le développe-ment des médicaments pédia-triques, grande avancée de ces

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

«  Les encéphalopathies épileptiques représentent un enjeu futur majeur en terme de diagnostic et de thérapeutique, le pronostic actuel de ces enfants étant très sombre à l’âge adulte... »

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Épilepsies de l’enfant

18 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Même si cela n’est pas dit encore de façon ouverte aujourd’hui, il semble que le concept d’encé-phalopathie épileptique soit en train de se modifier.

Les encéphalopathies épilep-tiques sont un groupe hétéro-gène de syndromes épileptiques qui auraient en commun de voir apparaître une détérioration des fonctions cognitives secondaire à l’activité épileptique constituée des crises épileptiques et des anomalies EEG intercritiques [1]. On retrouve dans ce groupe les spasmes infantiles (syndrome de West), le syndrome de Dravet, le syndrome de Lennox-Gastaut et bien d’autres.

Il n’est pas certain que le concept d’encéphalopathie épileptique persiste avec l’avancée de nos connaissances. Pour certaines des épilepsies classées dans ce groupe, il devient de plus en plus évident qu’elles ne répondent plus à cette définition. C’est le cas pour le syndrome de Dravet. Les données de ces dernières années montrent que l’anoma-lie génétique (mutation de novo SCN1A) la plus fréquente dans ce syndrome est probablement plus à incriminer dans l’atteinte

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

cognitive que l’activité épilep-tique (répétition des crises et/ou anomalies EEG intercritiques). Afin d’illustrer mon propos, on peut s’intéresser à deux études récentes : une étude de neurobio-logie et une étude clinique.

• Dans l’étude expérimentale, des chercheurs ont réussi à créer une mutation génétique SCN1A dans une zone focalisée du cerveau chez la souris. Cette expérience était réalisée après la naissance et les souris ne pré-sentaient pas de crises épilep-tiques. Par contre, elles avaient des troubles cognitifs (mémoire spatiale) qui étaient concomi-tants d’une perturbation des oscillations hippocampiques. Cette belle étude suggère que d’un point de vue neurobiolo-gique la mutation SCN1A a un

rôle à elle seule dans l’atteinte cognitive [2].

• Plus récemment, une étude du centre de référence des épi-lepsies rares rapportant 81 éva-luations neuropsychologiques réalisées chez 67 patients avec syndrome de Dravet a permis de montrer que les patients n’ont pas eu de régression psychomo-trice au cours de leur suivi. De plus, l’atteinte cognitive chez les patients n’était pas liée à l’âge de la première crise ou au nombre d’états de mal épileptique. La présence de myoclonie ou de crises focales semblait être ob-servée chez les patients avec une atteinte cognitive plus impor-tante. L’autre facteur prédictif d’une atteinte cognitive plus im-portante était la présence d’une mutation du gène SCN1A [3]. Cette étude clinique est donc un élément supplémentaire contre le fait que le syndrome de Dravet soit considéré parmi les encé-phalopathies épileptiques.

Nous verrons si les études à venir nous conduisent ou non à remettre en cause globalement le concept d’encéphalopathie épileptique ou si certains syndromes vont finir par sortir de ce groupe.

«  Nous verrons si les études à venir remettent en question le concept d’encéphalopathie épileptique, et si certaines épilepsies vont sortir de ce groupe. »

« Il nous manque des traitements efficaces sur les épilepsies pharmacorésistantes. »Stéphane AuvinNeurologie pédiatrique & INSERM U1141, Hôpital Robert-Debré, Paris

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 19

Épilepsies de l’enfant

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

les épilepsies comprenant des absences à début précoce (pas réellement épilepsie-absence de l’enfant, mais crise absence avec pointes-ondes à 3 Hz), les épilepsies myoclono-asta-tiques, les épilepsies associées à des dyskinésies paroxys-tiques induites à l’effort et tout syndrome épileptique avec dis-parition des crises ou améliora-tion spectaculaire sous régime cétogène ou régime modifié d’Atkins. Il est possible que le spectre des présentations cli-niques s’élargisse encore.

Etant donné l’implication thé-rapeutique, il est important de réaliser une ponction lombaire au moindre doute.

d’anomalies génétiques avec une étude de la fonctionnalité du gène pour être certain de l’impli-cation de l’anomalie génétique dans l’apparition de la mala-die. Les études fonctionnelles auront une importance capitale lorsqu’il s’agira de comprendre l’implication de gènes ne codant pas pour des sous-unités de ca-naux ioniques ou de récepteurs de neurotransmetteurs. Nous verrons si cela peut conduire à la découverte de nouveaux méca-nismes qui sont impliqués dans l’épilepsie.

Le plus grand changement pra-tique de ces trois dernières années est la réalisation de ponctions lombaires pour rechercher une hypoglycor-rachie en faveur d’un déficit des transporteurs de glucose GLUT-1. Il est maintenant de-venu évident que le spectre des présentations cliniques des défi-cits en GLUT-1 dépasse large-ment la présentation initiale de maladie de De Vivo.

Le diagnostic de maladie de De Vivo doit classiquement être évoqué chez des patients avec une atteinte neurologique dé-butant la première année de vie associée à une microcéphalie progressive. Sur le plan neu-

L’accessibilité et la baisse du coût des analyses génétiques, en particulier des analyses d’exomes, vont sûrement per-mettre d’accumuler un grand nombre de données sur la géné-tique des épilepsies. Certaines d’entre elles vont peut-être modifier nos connaissances.

Une illustration récente est les anomalies du gène KCNQ2. Pendant de nombreuses an-nées, nous associions les ano-malies de ce gène à une épi-lepsie relativement bénigne :

rologique, on peut observer un degré variable d’atteinte mo-trice, de crises épileptiques, de mouvements anormaux et de retard mental. Depuis un peu plus de 5 ans, on avait identifié que les patients avec un tableau neurologique moins sévère à type de dyskinésie paroxys-tique induit à l’effort pouvaient également avoir un déficit de GLUT1.

Depuis cette époque, les défi-cits en GLUT1 ont été décrits dans un certain nombre d’épi-lepsies dont la présentation clinique est assez éloignée de la sévérité de la maladie de De Vivo. Un déficit en GLUT1 a été montré en particulier dans

les épilepsies néonatales fami-liales. Il est maintenant clair qu’une anomalie de ce gène peut aussi être impliquée dans des tableaux d’épilepsies néo-natales sévères avec un tracé électroencéphalographique de type suppresion-burst.

En quelques années, il est cer-tain que le nombre de données génétiques disponibles va être assez grand. Le problème va vite devenir l’interprétation de celles-ci. En effet, il sera néces-saire de coupler la découverte

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Épilepsies de l’enfant

20 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

1. Berg AT, Berkovic SF, Brodie MJ et al. Revised terminology and concepts for organization of seizures and epilepsies: Report of the ILAE Commis-sion on Classification and Terminology, 2005-2009. Epilepsia 2010 ; 51 : 676-85.2. Bender AC, Natola H, Ndong C et al. Focal Scn1a knockdown induces

cognitive impairment without seizures. Neurobiology of Disease 2013 ; 54 : 297-307.3. Nabbout R, Chemaly N, Chipaux M et al. Encephalopathy in children with Dravet syndrome is not a pure consequence of epilepsy. Orphanet J Rare Dis 2013 ; 13 : 176

BiBliographie

Mots-clés : Epilepsies, Enfant, Encéphalopathie

épileptique, Syndrome de Dravet,

Maladie de De Vivo, Epilepsie-

absence, GLUT1, Ponction lombaire,

Génétique, Antiépileptiques

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

traitements médicamenteux pour un syndrome donné. Une nouvelle approche de recherche clinique pourrait permettre d’identifier des syndromes épi-leptiques pédiatriques dans les-quels de nouveaux antiépilep-tiques puissent avoir une action particulièrement positive. Il fau-drait dans ce cas ne pas se préci-piter chez l’enfant vers des essais de phase III en add on pour les épilepsies focales pharmacoré-sistantes, mais plutôt commen-cer par des essais d’évaluation de pharmacocinétique incluant tout type de syndrome épilep-tique sur un groupe suffisam-ment large de patients afin de repérer un éventuel signal d’effi-cacité pour un syndrome donné. Cette approche, tout en fournis-sant des données de pharmacoci-nétique, pourrait ouvrir la porte à des essais avec de nouvelles indications. l

Je commencerais par dire quel-que chose d’évident pour tout neurologue ou tout neuropé-diatre : il nous manque des traitements efficaces sur les épilepsies pharmacorésis-tantes. Si c’est facile à dire, la mise en pratique pour la découverte de nouveaux traitements est plus difficile. La découverte de nou-velles molécules et leur mise sur le marché n’ont pas permis, au cours de ces dernières années, de faire diminuer le taux de patients avec épilepsie pharma-corésistante. Il semble qu’une voie de développement de nou-velles approches serait de ne plus cibler uniquement les ca-naux ioniques ou les récepteurs canaux de la neurotransmission. C’est sûrement une combinaison d’approches de recherche qui permettront d’individualiser des voies physiopathologiques nou-

Correspondance

Dr Stéphane Auvin

Service de neurologie pédiatrique et maladies métaboliques

Hôpital Robert Debré

48 Bd Serurier - 75935 Paris Cedex 19

E-mail : [email protected]

velles ciblant autre chose que des canaux ioniques ou des récep-teurs de neurotransmetteurs.

Le second enjeu est le dévelop-pement de traitements dédiés à toutes les épilepsies. La diversité des épilepsies est maintenant devenue une évi-dence pour tous avec une diversi-té syndromique plus importante chez l’enfant que chez l’adulte. Pour le moment, il n’y a eu que très peu de développement de

« Une voie de développement de nouvelles approches serait de ne plus cibler uniquement les canaux ioniques ou les récepteurs canaux de la neurotransmission. »

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 21

Épilepsies

Au sens propre, je ne pense pas que nous puissions réellement parler de révolution des concepts. Cela me semble particulièrement net dans la compréhension de la phy-siopathologie de l’épilepsie. Malgré certains travaux particulièrement intéressants - dont par exemple le développement de l’approche par miRNA ou la suggestion que cer-taines malformations corticales considérées comme “innées” se-raient en réalité l’expression d’une infection materno-fœtale -, force est de constater que la problématique de la genèse des crises n’a pas béné-ficié d’évolution majeure.

Sur le plan clinique, deux points im-portants sont néanmoins à noter :• Les  dernières  années  ont  vu  se renforcer la vision que le handi-

cap dans l’épilepsie n’est pas exclu-sivement lié aux crises, mais qu’au contraire les complications/comor-bidités de la maladie impactent de façon majeure la qualité de vie des patients. A ce titre, la prise en charge spécifique des troubles psychia-triques, en particulier thymiques, ou des troubles cognitifs, en particulier chez l’enfant, prend une place de plus en plus prépondérante dans la recherche en épileptologie et dans le

quotidien de la consultation.

• Alors  qu’il  y  a  peu,  on  enseignait encore aux étudiants en médecine que hors état de mal et traumatisme, l’épilepsie ne s’associait pas à une surmortalité, la problématique des morts soudaines dans l’épilepsie (SUDEP) est devenue une préoc-cupation importante des épilepto-logues. Bien que les SUDEP restent un évènement rare, leur survenue élective chez des adultes jeunes re-présente toujours un traumatisme pour les familles. Intégrer le risque de SUDEP dans la prise en charge des patients, c’est-à-dire à la fois éva-luer le risque de manière réaliste et tempérée et savoir l’évoquer de ma-nière appropriée avec les patients, est ainsi devenu une réalité quoti-dienne de notre activité.

«  Intégrer le risque de SUDEP dans la prise en charge des patients est devenue une réalité quotidienne de notre activité. »

fets secondaires permet une bien plus grande adaptabilité en fonc-tion de chaque patient.

Bien qu’un peu anecdotique pour la pratique en France, un autre élément de la prise en charge médicamenteuse pourrait être

Comme noté ci-dessus, les prin-cipaux changements dans notre pratique ont été la prise en compte de plus en plus proémi-nente des comorbidités dans la prise en charge, et en particulier dans la gestion du traitement antiépileptique.

De manière indubitable, cela a été rendu possible par l’explosion de la pharmacopée antiépilep-tique au cours des 15 dernières années. Ainsi, bien que l’impact de ces nouvelles molécules sur la pharmacorésistance soit proba-blement limité, leur spectre d’ef-

Y a-t-il eu une évolution des concepts au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

« Le handicap n’est pas exclusivement lié aux crises, les complications/comorbidités impactent de façon majeure la qualité de vie des patients. »Sylvain Rheims Service de Neurologie Fonctionnelle et d’Epileptologie, Hospices civils de Lyon

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Épilepsies

22 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

années, et en particulier les mo-dèles animaux utilisés.

2. Néanmoins, quand bien même un traitement potentiellement antiépileptogène serait indivi-dualisé en préclinique, nous se-rions bien en peine de démontrer

• Bien  qu’à  court  terme  il  soit  peu probable que nous voyons arriver des traitements ayant démon-tré leur impact spécifique sur le risque de SUDEP, il est à espérer que des approches préventives préliminaires se développent. On pourrait citer les interventions thérapeutiques visant à diminuer le risque de troubles respiratoires post-critiques ou des modalités de surveillance et de détection per-mettant à l’entourage d’intervenir en cas de situation à risque, en par-ticulier la nuit. Cela pourrait se faire via le développement de systèmes de détection fiables des crises éven-tuellement associés à la détection de troubles cardio-respiratoires.

L’un des Graal de l’épilepto-logie reste bien sûr le déve-loppement de traitements anti épileptogènes et non plus seulement anti convulsivants.

Néanmoins, nous en sommes bien loin pour au moins deux raisons :

De mon point de vue, nous pouvons attendre dans les 2-3 prochaines années la poursuite des développe-ments cités ci-dessus.

Plus particulièrement, les tech-niques de post-traitement des données d’imagerie ou électro-physiologiques devraient se pour-suivre permettant d’affiner certains diagnostics, en particulier dans le cadre du bilan préchirurgical.

Sur le plan thérapeutique, les an-nées qui viennent risquent malheu-reusement de sembler un peu vides de nouveauté. En effet, hormis une ou deux molécules qui ont achevé leur phase III, le pipeline des an-

1. Les  mécanismes  qui  sous-tendent l’épileptogenèse restent mal compris. Un réel effort en épileptologie préclinique est par conséquent nécessaire, passant probablement par une réévalua-tion des approches qui ont été utilisées au cours des 20 dernières

tiépileptiques en développement s’assèche fortement et les dernières réunions internationales ont en partie été marquées par l’absence de nouvelles molécules. Quelques nuances à ce constat un peu pessimiste :

• Certains cadres syndromiques pourraient bénéficier d’avan-cées intéressantes. C’est le cas par exemple de la sclérose tubéreuse de Bourneville dans laquelle on pour-rait espérer que les données expé-rimentales récentes concernant les voies cellulaires spécifiquement impliquées puissent déboucher sur des traitements spécifiques.

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

cité. Il s’agit des premiers pas de la pharmacogénétique dans l’épilepsie sous la forme de l’utili-sation du typage HLA dans l’éva-luation du risque de toxidermie sévère sous carbamazépine. Si cela est pour l’instant limité à la population d’origine asiatique, l’impact reste réel et ouvre sans doute la voie à d’autres dévelop-pements, y compris dans d’autres aspect de la tolérance des anti-épileptiques.

impact sur le bilan préchirurgical chez certains patients, en permet-tant d’individualiser des lésions autrement non visualisées et ainsi de mieux guider les investigations, en particulier le bilan intracrânien.

«  L’explosion de la pharmacopée antiépileptique a eu un impact limité sur la pharmacorésistance, mais leur spectre d’effets secondaires permet une plus grande adaptabilité en fonction de chaque patient. »

Sur le plan du diagnostic, peu de grands changements. Néanmoins, il est indéniable que le développe-ment de nouvelles techniques de post-traitement en imagerie mor-phologique ou fonctionnelle a un

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 23

Épilepsies

Mots-clés : Epilepsie, Handicap, Comorbidités,

Troubles thymiques, Troubles cognitifs, SUDEP, Antiépileptiques,

Pharmacorésistance, Pharmacogénétique, Bilan préchirurgical,

Sclérose tubéreuse de Bourneville

En revanche, anticiper l’efficacité antiépileptique de la molécule à l’échelle du patient individuel reste très difficile. Nous sommes ainsi loin de ce que peuvent proposer les onco-logues dans certaines situations en choisissant la chimiothérapie sur les caractéristiques moléculaires de la tumeur. De manière importante cette ques-tion de l’individualisation doit s’en-visager en terme d’efficacité sur les crises, mais également en termes de comorbités/complications de l’épi-lepsie, y compris thymique, cognitive ou le risque de SUDEP.

• Le troisième aspect est celui de la pharmacorésistance dont la fré-quence reste globalement la même qu’il y a 15 ans. Ce constat d’échec relatif repose indéniablement la question du développement préclinique des antiépileptiques qui serait sans doute à repenser afin de mieux prendre la réalité des données apportées au fil du temps par l’épi-leptologie expérimentale. l

son efficacité chez les patients. En effet, nous sommes encore actuellement dans l’incapacité d’évaluer avec précision et de ma-nière individualisée le risque de développer une épilepsie en cas de situation à risque, telle qu’un traumatisme crânien ou une lésion vasculaire par exemple. Dans ce contexte, on se retrouve-rait à évaluer un traitement dans une population où au mieux 20 à 30 % des patients sont réelle-ment à risque. De tels essais sont quasiment voués à l’échec quel que soit le potentiel de la molé-cule à l’étude.

Correspondance

Dr Sylvain Rheims

Service de Neurologie fonctionnelle et d’Epileptologie

Hospices civils de Lyon

59, Bd Pinel – 69677 Bron Cedex

E-mail : [email protected]

En parallèle des travaux expéri-mentaux, il est donc indispensable que la recherche clinique repense son approche de l’évaluation des nouveaux traitements. Plus parti-culièrement, il est important que nous nous donnions les moyens de développer des essais se focali-sant sur des patients à haut risque chez lesquels l’intervention serait la plus à même d’être efficace. Cela pourrait passer par l’indivi-dualisation de nouveaux biomar-queurs de l’épilepsie, en utilisant le terme de biomarqueurs au sens large y compris biologique, d’ima-gerie, génétique ou électrophy-siologique.

•  La deuxième problématique est celle de la personnalisation du traitement antiépileptique. Actuellement, nous pouvons, comme discuté plus haut, strati-fier nos choix thérapeutiques de-vant une épilepsie nouvellement diagnostiquée en fonction du syndrome épileptique, du sexe du patient et des comorbités.

«  L’individualisation du traitement devra s’envisager en termes d’efficacité sur les crises, mais aussi de comorbités/complications de l’épilepsie (thymique, cognitive...) et du risque de SUDEP. »

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Épilepsies

24 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

L’évolution la plus fondamentale est à mon sens celle de la défini-tion de l’épilepsie généralisée et de ses mécanismes physio­pathologiques.

L’épilepsie généralisée, notam­ment l’épilepsie­absence, était jusqu’alors définie par une im­plication immédiate de la boucle thalamocorticale avec un enva­hissement cortical d’emblée bi­latéral de l’activité épileptique. Ces dernières années, sur la base de constatations électro­cli­niques (paroxysmes EEG parfois latéralisés, prodromes cliniques

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

préictaux…), de nombreux tra­vaux ont observé une origine focale aux bouffées de pointe­ondes généralisées, lors des ab­sences typiques notamment. Cette première observation a été rapportée dans un modèle

de souris avec une implication des régions somatosensitives initiale [1]. Des données plus récentes chez l’Homme, notam­ment en IRM fonctionnelle, ont permis d’observer cette impli­cation corticale focale initiale avant celle de la boucle thala­mocorticale dans les absences typiques [2­5].

Ces observations remettent en cause le concept d’épilepsie dite ”gé­néralisée”, même si les mécanismes physiopathologiques restent à dis­tinguer de ceux de l’épilepsie définie comme “partielle”.

mes confrères psychiatres et neuro­ psychologues. La mise en évidence de ces troubles permet le plus souvent au patient de mieux identifier l’origine de ses difficultés (scolaires, profession­nelles, familiales..) et de le décul­pabiliser. Par la suite, dans certains cas, une prise en charge thérapeu­tique ciblée (suivi psychologique, traitement antidépresseurs, prise en charge rééducatrice…) et une adaptation de l’orientation scolaire et professionnelle adaptée peuvent être proposées.

Ma pratique s’est modifiée ces dernières années avec la prise en compte systématique des fac-teurs associés à l’épilepsie.

Si l’épilepsie est caractérisée par la répétition de crises, elle ne se résume pas à cela. En effet, des troubles associés ­ notamment cognitifs et thymiques ­ sont couramment observés. Ils dépendent certes du type et de la fréquence des crises mais ils persistent également à distance de la survenue de ces dernières. Ils

participent pleinement au handi­cap social, professionnel et fami­lial. Certaines de ces difficultés cognitives et thymiques (atteinte mnésique, de la reconnaissance des émotions, de la théorie de l’esprit…) ont été précisément identifiées dans la littérature. Sensibilisée par l’existence de ces comorbidités et de leur impact sur la qualité de vie des patients mais également sur la sévérité même de leur maladie, je propose actuelle­ment une évaluation dès que pos­sible de ces difficultés auprès de

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

«  Les connaissances de la physiopathologie des épilepsies généralisées ont évolué avec la mise en évidence d’une implication corticale focale initiale. »

« L’enjeu majeur est d’identifier des marqueurs prédictifs de la maladie épileptique. »Louise Tyvaert Service de Neurophysiologie Clinique, Hôpital Roger Salengro, Lille

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 25

Épilepsies

fait l’avènement des crises. Elle préserverait également l’intégri­té du développement anatomo­fonctionnel normal du cerveau, essentiel notamment aux perfor­mances cognitives. l

localisation du réseau épileptique.

Une définition systématique à large échelle du réseau épilep­tique permettra d’identifier de nouveaux sous-types d’épilep-sie.

Cette nouvelle classification per­mettra de mieux comprendre les disparités actuelles en termes de profils évolutifs (pharmacorésis­tance, atteinte cognitive spéci­fique, échec de la chirurgie...).

L’enjeu majeur est d’identifier des marqueurs prédictifs de la maladie épileptique.

L’identification de tels mar­queurs permettrait de mettre

Le développement des nouvelles techniques d’imagerie mul-timodale (combinant données électrophysiologiques et IRM) ouvre de nouvelles perspectives sur l’exploration de l’épilepsie et son impact sur l’organisation anatomofonctionnelle cérébrale globale.

Ainsi, il est probable que l’on puisse définir, dans quelques années, avec plus de précision ­ et ce pour chaque patient de manière non invasive

en place des mesures préven­tives ralentissant et prévenant le processus d’épileptogenèse. Une prise en charge précoce de ce processus éviterait le déve­loppement de l’épilepsie et de ce

(possible actuellement en stéréo­électroencéphalographie pour un nombre restreint de patients) ­ la

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

«  Les nouvelles techniques combinant électrophysiologie et IRM pourraient permettre la localisation du réseau épileptique pour chaque patient, de manière non invasive. »

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Mots-clés : Epilepsies, Physiopathologie,

Epilepsies généralisées,Troubles cognitifs, Troubles thymiques,

Imagerie multimodale,Marqueurs évolutifs, Prévention

Correspondance

Dr Louise Tyvaert

CHRU de Lille – Hôpital Roger Salengro

Service de Neurophysiologie Clinique

2, av Oscar Lambret – 59037 Lille Cedex

E-mail : [email protected]

1. Meeren HKM, Pijn JPM, Van Luijtelaar ELJM et al.Cortical Focus Drives Widespread Corticothalamic Networks during Spontaneous Absence Sei-zures in Rats. J Neurosci 2002 ; 22 : 1480-95.2. Carney PW, Masterton RAJ, Harvey AS The core network in absence epilepsy. Differences in cortical and thalamic BOLD respons. Neurology 2010 ; 75 : 10904-11. 3. Moeller F, LeVan P, Muhle H et al. Absence seizures: Individual patterns

revealed by EEG-fMRI. Epilepsia 2010 ; 51 : 2000-10.4. Berman R, Negishi M, Vestal M et al. Simultaneous EEG, fMRI, and beha-vior in typical childhood absence seizures. Epilepsia 2010 ; 51 : 201-22.5. Westmijse I, Ossenblok P, Gunning B, van Luijtelaar G. Onset and propa-gation of spike and slow wave discharges in human absence epilepsy: A MEG study. Epilepsia 2009.

BiBliographie

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26 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Maladie d’alzheiMer et déMences

• L’évolution des critères de maladie d’Alzheimer, avec une démarche diagnostique enrichie par les marqueurs de la maladie, et moins subordonnée au stade de l’altération fonctionnelle et de la dépendance qu’elle entraîne.

• La volonté d’une approche plus “intégrée” de la prise en charge des patients et de l’aide aux aidants, en favori-sant la communication, les liens fonctionnels et surtout la cohé-rence de l’action entre les mul-

tiples acteurs et structures sus-ceptibles d’intervenir dans leur parcours. Le Plan Alzheimer 2008-2012 a indéniablement œuvré dans ce sens, notamment par la création de la fonction de Gestionnaire de cas.

• L’utilisation du dosage des bio-marqueurs du LCR qui nous permet, dans les démences aty-piques - par leur profil clinique ou leur évolution - ainsi que dans les démences d’installation précoce, de conforter le diagnostic posi-tif de maladie d’Alzheimer ou, au contraire, de nous orienter vers d’autres étiologies. • Les avancées de la génétique, en particulier dans le domaine des dégénérescences lobaires fronto-temporales : elles sont la source po-tentielle d’espoirs thérapeutiques

futurs, mais aussi, au présent, augmentent les responsabilités et alourdissent la charge des prati-ciens qui sont les interlocuteurs directs des familles des patients.• La création d’unités de SSR spé-cifiquement dédiés à la prise en charge des patients présentant des troubles du comportement : les Unités Cognitivo-Comporte-mentales.• La collaboration avec les Gestion-naire de cas et les MAIA pour les patients à domicile en “situation complexe”.

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« Un risque possible dans le futur : de moins en moins de clinique et de plus en plus de biologie et d’imagerie. »

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

«  Les biomarqueurs du LCR

nous permettent, dans les

démences atypiques ou

d’installation précoce, de

conforter le diagnostic de

MA ou de nous orienter

vers d’autres étiologies.  »

Mathieu Ceccaldi Service de Neurologie et de Neuropsychologie, Pôle de Neurosciences Cliniques et CMRR PACA Ouest, CHU Timone, Marseille

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 27

Maladie d’alzheiMer et déMences

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

• La mise en place (et les pre-miers résultats) d’essais théra-peutiques ayant intégré l’uti-lisation de biomarqueurs de pathologie dans leurs critères d’inclusion.

cascade pathologique de la mala-die d’Alzheimer.

Un risque : de moins en moins de clinique et de plus en plus de biolo-gie et d’imagerie ! Une nécessité : mieux définir et valoriser davantage la place du médecin généraliste dans la prise en charge des patients MA. l

• L’arrivée dans le soin courant du PET amyloïde qui complète-rait l’arsenal des outils diagnos-tiques dans certains cas difficiles ou ambigus.• La mise à disposition de trai-

• Identifier des marqueurs de pronostic (de “stade”) car les biomarqueurs actuellement dis-ponibles centrés sur le diagnostic de la pathologie cérébrale ne per-mettent pas de prédire à l’échelle individuelle l’évolution clinique.• Disposer de modèles animaux plus en phase avec la complexité physiopathologique et la multi-

tements symptomatiques (IA-CHE) plus fortement dosés.• L’identification de nouveaux gènes de susceptibilité dans la maladie d’Alzheimer à forme sporadique.

plicité des facteurs de la maladie d’Alzheimer du sujet âgé.• Travailler d’avantage sur les traitements médicamenteux des troubles du comportement per-turbateurs.• Mettre en place des essais théra-peutiques avec des associations de molécules susceptibles d’agir sur des composants distincts de la

Correspondance

Pr Mathieu Ceccaldi

Service de Neurologie et de Neuropsychologie

Pôle de Neurosciences Cliniques et CMRR PACA Ouest

CHU Timone - Boulevard Jean-Moulin - 13385 Marseille Cedex 5

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Démences, Maladie d’Alzheimer, Biomarqueurs, LCR, Génétique,

Dégénérescences lobaires fronto-tem-porales, Troubles du comportement,

PET amyloïde, Gènes de susceptibilité, Pronostic

Liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique des dix dernières années :- Activités de conseil : Novartis, Nutricia, Exonhit, GE, Lundbeck, Ipsen, Pharnext, Lilly - Prestations de formation scientifique ou d’activités de recherche : Novartis, Lundbeck, Jansen-Cilag, Astra-Zeneca, Eisaï, Pfizer, Wyeth, Servier, Noscira, Sanofi, Lilly, Danone Research, TEVA

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28 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Maladie d’alzheiMer et déMences

L’année 2011 a vu apparaître une nouvelle définition de la maladie d’Alzheimer, définition entéri-nant l’existence de formes pré-cliniques et de formes sympto-matiques non démentielles. Le début d’une maladie d’Alzheimer n’est plus seulement amnésique, il peut être comportemental

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

(variante frontale de maladie d’Alzheimer), aphasique (apha-sie primaire progressive logopé-nique) agnosique (variante vi-suelle de maladie d’Alzheimer). Il en ressort que la maladie d’Alzheimer n’est plus une dé-mence amnésique dans un cadre clinico-neuropathologique mais

une maladie biologique à expres-sions cliniques multiples.

L’année 2011 fut aussi celle d’une nouvelle définition des formes com-portementales de démences fronto- temporales, celle-ci affine leur dia-gnostic clinique avec des critères plus pertinents et plus sensibles.

L’un des apports importants à notre pra-tique a été la possibilité de mesurer in vivo les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer, dans le LCR et bientôt en imagerie molécu-laire amyloïde.

L’attente cruciale est celle des résultats des essais d’immuno-thérapie anti-amyloïde, aux stades infra-cliniques ou très débu-tants de maladie d’Alzheimer. En cas d’échec, il faudra revoir toute notre conception physiopatho-logique et ouvrir de nouvelles pistes qui seront loin de donner des résultats avant longtemps. De toute façon, le plan Alzheimer améri-cain s’est donné jusqu’en 2025 pour trouver un traitement “efficace”.

Deux questions se posent :• Quels sont les liens exacts entre le processus amyloïde et les dégénérescences neurofibrillaires ? • Quel sera l’impact réel des mesures de prévention des démences lors d’études interventionnelles ? l

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Mots-clés : Démences, Maladie d’Alzheimer, Démences

fronto-temporales, Physiopathologie,

Biomarqueurs, Immunothérapie anti-amyloïde

Correspondance

Dr Bernard Croisile

Service de neuropsychologie – Hôpital neurologique

59 boulevard Pinel – 69677 Bron Cedex

E-mail : [email protected]

« L’un des apports importants : la possibilité de mesurer in vivo les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer. »Bernard Croisile Service de neuropsychologie, Hôpital neurologique, Bron-Lyon

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 29

Maladie d’alzheiMer et déMences

La définition de la maladie a évolué avec le développement des marqueurs biologiques de la maladie (LCR, imagerie fonctionnelle avec marqueurs amyloïdes), permettant son dia-

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

gnostic dès le stade prodomal et permettant de « repérer les sujets à risque » aux phases pré-cliniques de la maladie, notam-ment en vu d’essais thérapeu-tiques.

Parallèlement, sont apparus des critères cliniques de MCI, à distin-guer de ceux utilisés en recherche (pour ceux-ci – et seulement pour ceux-ci –, l’usage des marqueurs biologiques est recommandé).

• En clinique :Aucun changement n’est à noter dans le diagnostic de MCI : en cas de négativité (en cas de marqueurs biologiques positifs, on ignore le délai évolutif vers la maladie) et en l’absence de traitement préventif, seuls les critères cliniques sont utilisés. En revanche, nous avons davan-tage recours aux marqueurs bio-logiques dans des tableaux de ”troubles cognitifs majeurs”1 aty-

1. terme qui remplace désormais celui de démence dans le DSM V (2013).

piques, dans la DFTc et dans la MA présénile avant d’engager une étude génétique proposée dans la MA dès qu’un sujet de moins de 60 ans a un apparenté de même âge atteint.

• En recherche :On note le développement d’études de suivi de sujets en population gé-nérale, de plaintifs, de sujets MCI en ayant recours à des marqueurs biologiques ou d’imagerie.

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

«  Nous avons désormais davantage recours aux marqueurs biologiques dans des tableaux de “troubles cognitifs majeurs” atypiques, dans la DFTc ou dans la MA présénile. »

« La recherche devrait permettre une meilleure compréhension du rôle de chaque acteur de la cascade amyloïde. »Catherine Thomas-AntérionRésidence Plein Ciel Lyon ; Laboratoire EMC EA3082, Université Lyon 2

Nous espérons la découverte de nouveaux gènes, notamment dans la DFTc.

Le développement de marqueurs d’imagerie concernant Tau et l’uti-lisation des marqueurs d’imagerie

généralisée en clinique sont atten-dus, de même que le développe-ment de marqueurs biologiques moins coûteux et moins invasifs.

Et nous avons besoin de règles éthiques claires quant au recours

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

au diagnostic biologique pour les ”troubles cognitifs légers” et en amont.

Enfin, il ne faut pas négliger le dia-gnostic et l’étude des autres mala-dies apparentées.

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Maladie d’alzheiMer et déMences

médicamenteux, et leur place en prévention ou dans le soin ; • et il ne faudra pas abandonner les recherches au stade de maladie d’Alzheimer avérée... l

Les enjeux pour l’avenir me semblent être les suivants :• la recherche devrait permettre une meilleure compréhension du rôle de chaque acteur de la cascade amyloïde ;• il sera nécessaire de comprendre

les formes de maladie du grand âge (et les liens avec les FDR vascu-laires) ;• nous attendons le développement de traitements préventifs ;• il faudra définir la place respec-tive des différents traitements non

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Correspondance

Dr Catherine Thomas-Antérion - Résidence Plein Ciel – 75 rue Bataille – 69008 Lyon

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Démences, Maladie d’Alzheimer,

MCI, Biomarqueurs

renDez-vous De l’InDustrIe

Neuropédiatrie

Crises convulsives : l’arrivée de Buccolam®

V iroPharma a annoncé la mise à disposition de Buccolam® (mida-

zolam, solution buccale) indiqué chez les enfants et les adoles-

cents âgés de 3 mois à moins de 18 ans, souffrant de crises convulsives

aiguës et prolongées. Chez les nourrissons de 3 à 6 mois, le traitement

par Buccolam® doit être administré en milieu hospitalier, afin d’assurer

une surveillance et de disposer d’un équipement de réanimation. Ce

traitement ne doit être utilisé par les parents ou accompagnants que

lorsque le diagnostic d’épilepsie a déjà été posé.

Buccolam® est présenté en dose individuelle pour administration buc-

cale sous forme de seringues pré-remplies, spécifiques en fonction de

l’âge. L’administration se fait dans la cavité buccale, dans l’espace situé

entre les joues et les gencives.

Quatre études cliniques ont montré que l’efficacité et la rapidité d’ac-

tion du midazolam buccal étaient comparables à celles de l’actuel trai-

tement standard, administré par voie rectale, pour enrayer les crises

convulsives pédiatriques. n

SCléroSe eN plaqueS

Novartis lance l’appli “Sep agenda”

a u-delà de son engagement en recherche et développement en

neurologie et la mise à disposition de traitements, Novartis sou-

haite répondre aux attentes et besoins des patients et enrichit son pro-

gramme d’informations SEP & Vous (accessible via le lien www.sep-et-

vous.fr) en lançant “SEP Agenda”. Cette application mobile pratique et

gratuite a été développée avec l’association de patients Notre sclérose

pour aider le patient au quotidien dans la gestion de sa maladie. Elle

permet de mieux appréhender tous les aspects quotidiens de la patho-

logie et faciliter ainsi le dialogue avec le(s) différent(s) spécialiste(s). Le

patient peut paramétrer les prises de médicaments, planifier les ren-

dez-vous médicaux sur un calendrier (qui se synchronise avec celui du

smartphone) et les préparer grâce à des conseils pratiques (documents

à apporter au médecin, questions à poser). n

SCléroSe eN plaqueS

aMM pour Sativex®

l ’ANSM vient d’accorder au laboratoire Almirall une AMM

pour Sativex®, dérivé de cannabis en spray buccal comprenant

deux molécules : le tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol. Son

indication est limitée au traitement symptomatique de la spastici-

té liée à la sclérose en plaques des patients adultes, résistante aux

autres traitements. Le traitement ne pourra être être initié que par

un neurologue ou un médecin rééducateur hospitalier pour une durée

de six mois. Sativex® est classé parmi les médicaments stupéfiants

et sera donc soumis à la limitation de délivrance de 28 jours (il sera

disponible en pharmacie de ville), mais la délivrance pourra être re-

conduite avec une ordonnance d’un médecin généraliste.

Cette spécialité, qui est jusqu’à présent délivrée en France par ATU,

est déjà commercialisée dans 17 pays européens, notamment en

Allemagne et au Royaume-Uni. Il reste à attendre le prix et les moda-

lités de remboursement... n

NeuroVaSCulaire

demande d’aMM pour l’edoxaban

d aiichi Sankyo a annoncé le dépôt d’une demande d’AMM

auprès de l’Agence européenne du médicament pour l’edoxa-

ban (inhibiteur direct du facteur Xa), nouvel anticoagulant par voie

orale en une prise par jour, dans la prévention des accidents vas-

culaires cérébraux et des événements emboliques systémiques

chez les patients souffrant de fibrillation atriale non valvulaire,

ainsi que pour le traitement de la thrombose veineuse profonde

ou de l’embolie pulmonaire et pour la prévention des récidives de

maladies thromboemboliques veineuses symptomatique. Cette

demande d’AMM repose sur les résultats des études ENGAGE

AF-TIMI 48 et Hokusai-VTE, vastes études comparatives ayant

inclus respectivement 21 105 et 8 292 patients.

Au japon, la demande d’AMM a été déposée avec le nom de

marque Lixiana® (edoxaban, hydrate de tosilate). n

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Pathologies neuro-vasculaires

Alors que la thrombolyse intravei-neuse par rt-PA intraveineux (al-teplase) demeure le seul traitement médicamenteux de phase aiguë de l’infarctus cérébral ayant montré une efficacité sur la réduction du risque de handicap, son administra-tion à un grand nombre de patients reste limitée, du fait d’une fenêtre thérapeutique étroite fixée selon les critères de sélection des essais thé-rapeutiques jusque-là basés sur le délai chronologique (durée d’évolu-tion des signes).

Au-delà de ce délai chronologique, la notion de délai tissulaire de l’infarctus cérébral émerge ces dernières années. L’apport de l’ima-gerie cérébrale (scanner de perfu-sion, mistmatch perfusion/diffusion

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

ou diffusion/FLAIR à l’IRM) dans la détermination de la viabilité tissu-laire au cours d’un infarctus est en cours d’évaluation. Une sélection par l’imagerie des patients candidats à une revascu-larisation précoce en fonction de la quantification du volume de tissu à sauver pourrait ainsi devenir une option intéressante dans un futur proche, permettant non seulement d’étendre la fenêtre thérapeutique, mais aussi de récuser les patients pour lesquels la balance béné-fice/risque serait défavorable. Ce concept est particulièrement per-tinent dans le cadre des infarctus cérébraux du réveil, ou plus large-ment des infarctus à horaire de dé-but indéterminé, qui représentent environ 20 % des patients. A titre

d’exemple, l’essai thérapeutique en cours WAKE-UP, basé sur la sélec-tion des patients à partir des don-nées de l’IRM cérébrale, permettra d’évaluer le bénéfice de la thrombo-lyse intraveineuse chez les patients sans lésion visible en séquence FLAIR [1].

Concernant la prise en charge à la phase aiguë, l’organisation des filières de soins dédiées aux AVC sur le territoire national, conju-guée à l’extension de la fenêtre thé-rapeutique d’administration de la

thrombolyse intraveineuse suite aux résultats de l’étude ECASS-III publiée en 2008, ont permis d’ac-croître la proportion de patients pouvant bénéficier de ce traitement [2]. Ce bénéfice existe aussi chez

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

les sujets de plus de 80 ans, comme l’a montré l’étude IST-3 [3]. Les grands registres de patients traités par rtPA IV ont permis d’affiner les indications du traitement et un bon nombre de contre-indications théo-

«  Une sélection par l’imagerie des patients candidats à une revascularisation précoce en fonction de la quantification du volume de tissu à sauver pourrait devenir une option intéressante. »

« Un des enjeux majeurs des années à venir est la modulation de la récupération neurologique. »

Yannick Béjot1 et Emmanuel Touzé2 1. Service de Neurologie, CHU de Dijon - 2. Service de Neurologie, CHU de Caen

Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 31

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Pathologies neuro-vasculaires

32 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

retiendra la sélection de patients n’ayant pas d’occlusion artérielle (pas d’imagerie artérielle requise pour l’inclusion) et la grande hété-rogénéité des dispositifs utilisés et de l’expérience des équipes impli-quées dans ces études. Une dizaine d’autres études visant à comparer l’efficacité de la thrombectomie mécanique à celle de la throm-bolyse intraveineuse seule est en cours, dont l’étude THRACE en France. Les résultats sont atten-dus avec grand intérêt.

A côté de l’alteplase, d’autres molécules thrombolytiques intraveineuses sont en cours d’évaluation. Leur intérêt poten-tiel résiderait dans une plus large fenêtre thérapeutique d’adminis-tration et une meilleure tolérance. Après des résultats encoura-geants des études de phase II, l’es-sai DIAS-2 évaluant la desmote-plase chez des patients présentant un infarctus cérébral évoluant

Malgré l’amélioration notable des filières AVC, l’accès aux unités neurovasculaires, pourtant reconnues comme les structures de choix pour la prise en charge aiguë des patients vasculaires [10], reste limité dans certaines régions, en particulier en milieu rural. La démographie médicale neurologique est un facteur limi-tant la mise en place d’un nombre suffisant de ces structures sur le territoire national. Le dévelop-pement en cours des outils de télémédecine apparaît comme une solution alternative efficace, permettant d’offrir au plus grand nombre la possibilité de bénéficier de la thrombolyse intraveineuse. Des expériences reposant sur des modalités diverses sont en cours d’évaluation dans différentes ré-gions [11].

L’un des enjeux majeurs des an-nées à venir concernant la prise en charge des infarctus cérébraux

à la phase aiguë est le dévelop-pement de l’approche endo-vasculaire, permettant une augmentation des chances de reperméabilisation artérielle, en particulier lors des occlusions proximales. Alors que les études préliminaires laissaient entrevoir des résultats intéressants, la pu-blication début 2013 de trois essais thérapeutiques négatifs (IMS-III, SYNTHESIS, MR RESCUE) a jeté un doute au sein de la communau-té neurovasculaire [12-14]. Bien que reposant sur des protocoles très différents, ces essais n’ont pas démontré de supériorité du trai-tement endovasculaire sur la ré-cupération clinique des patients, comparé à la thrombolyse intra-veineuse par rt-PA, et ce malgré un profil de sécurité superposable entre les groupes. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec grande précaution en rai-son de limites méthodologiques. Parmi les principales critiques, on

riques de la thrombolyse (déficit mi-neur ou régressif, diabète et antécé-dent d’AVC, infarctus du myocarde récent, anévrisme intracrânien non rompu…) ne doivent plus être des facteurs limitant l’utilisation du rtPA. Un autre point majeur démontré par les essais est la nécessité de trai-ter le plus tôt possible à partir du moment où le patient est pris en charge. Cela amène à organiser les filières pré- et intra-hospitalières pour optimiser ce délai. En Fin-lande, l’équipe de Helsinki a ainsi amélioré sa filière et actuellement 50 % des patients éligibles reçoivent le traitement dans les 20 minutes

qui suivent leur admission [4]. Plus récemment, l’avènement des nouveaux anticoagulants oraux inhibiteurs directs de la thrombine (dabigatran) ou anti-Xa (rivaroxa-ban et apixaban) a modifié les pra-tiques médicales dans le cadre de la prévention secondaire des infarc-tus cérébraux liés à une fibrillation atriale. Ces médicaments ont une efficacité au moins équivalente à celle de la warfarine pour la pré-vention des embolies cérébrales ou systémiques sans sur-risque hémorragique global [5-7]. Ils sont associés à une réduction du risque d’hémorragie cérébrale, et à une plus grande facilité d’utilisation

(absence de contrôle biologique). Tout cela a contribué à une utili-sation de plus en plus large de ces traitements par le neurologue vas-culaire.

Concernant l’hémorragie intracé-rébrale, il a été montré récemment qu’un abaissement rapide, soutenu et durable de la pression artérielle à la phase aiguë des hémorragies cérébrales (étude INTERACT-2) pouvait apporter un certain béné-fice fonctionnel [8]. En revanche la chirurgie dans les hématomes superficiels n’apporte pas clairement de bénéfice selon les résultats de l’étude STICH-II [9].

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Pathologies neuro-vasculaires

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Un des objectifs de la prise en charge en phase aiguë pourrait être de définir des critères (cli-niques et d’imagerie) permet-tant de mieux identifier les patients qui pourraient tirer bénéfice d’une approche dite

quelles la prise en charge actuelle reste insuffisante et qui s’associent à un pronostic fonctionnel et vital très défavorable.

Le diagnostic d’AIT reste diffi-cile, y compris pour les neurolo-

“intensive” de revascularisa-tion (combinaison IV-endovas-culaire, IV-antithrombotique). De plus, de nouvelles stratégies de re-perfusion restent à déterminer en cas d’occlusion artérielle étendue ou d’occlusion basilaire pour les-

depuis 3 à 9 heures et sélec-tionnés sur des paramètres d’imagerie, n’a pas montré de supériorité de la molécule sur la récupération fonctionnelle par rapport au placebo [15]. Les résul-tats des études DIAS-3 (recru-tement terminé) et DIAS-4 sont très attendus. Elles ont inclus des patients entre 3 et 9 h, avec une oc-clusion artérielle et une lésion pa-renchymateuse de faible volume. Plus récemment, une étude pré-liminaire a mis en évidence une supériorité de la tenecteplase sur l’alteplase concernant les taux de reperméabilisation et la récupé-ration fonctionnelle des patients présentant un infarctus cérébral de moins de 6 heures et sélection-nés à partir des données de l’an-gioscanner cérébral et du scanner de perfusion [16]. Ainsi, ces résultats montrent que l’alteplase pourrait être supplanté par d’autres molécules dans les années à venir.

Depuis plusieurs années, des traitements adjuvants de la thrombolyse intraveineuse, visant à augmenter son efficacité, sont à l’essai. Après les décep-tions successives des différentes thérapeutiques médicamen-teuses de neuroprotection tes-tées, d’autres approches sont en développement. L’étude de phase III CLOTBUST-ER vise à éva-

luer le bénéfice et l’innocuité de la sonographie transcrânienne en association à la thrombolyse intra-veineuse, se basant sur le principe d’une augmentation attendue des taux de recanalisation chez les pa-tients exposés aux ultrasons [17]. L’hypothermie induite à la phase précoce de l’infarctus cérébral apparaît également comme une alternative neuroprotectrice po-tentiellement séduisante, en dépit des contraintes techniques qu’elle impose [18]. L’essai européen Eu-roHyp est en cours [19].

La prévention secondaire im-médiate après un infarctus cérébral mineur ou un AIT d’origine non cardio-embolique repose actuellement sur l’adminis-tration d’une monothérapie anti-agrégante plaquettaire, aspirine ou clopidogrel. L’étude chinoise CHANCE a récemment démon-tré une réduction du risque d’AVC (ischémique ou hémorragique) de 32 % à 90 jours sous association aspirine-clopidogrel par rapport à l’aspirine seule, sans excès de risque hémorragique significatif [20]. Ces résultats sont concor-dants avec des méta-analyses sur les combinaisons d’antipla-quettaires à la phase aiguë. Une confirmation est attendue à partir d’autres essais thérapeutiques en cours. Par ailleurs, d’autres anti-agrégants plaquettaires, notam-

ment le ticagrelor, sont à l’éva-luation. Pour la prévention des complications de la fibrillation atriale, la fermeture percutanée de l’auricule est une alternative chez les patients ayant une contre-indi-cation aux traitements anticoagu-lants [21].

Concernant la prise en charge de la pression artérielle, le concept nouveau de variabilité tensionnelle a émergé ces dernières années [22, 23]. La variabilité tensionnelle in-dividuelle d’une visite de contrôle à l’autre, au cours d’une même visite, ou sur les enregistrements tension-nels continus de 24 heures est asso-ciée à un risque plus fort de récidive vasculaire. Elle serait différente en fonction de la classe médicamen-teuse utilisée, plus importante sous inhibiteur calcique que sous β-bloquants. Des études spéci-fiques visant à établir le lien entre choix de la classe médicamenteuse, variabilité tensionnelle et risque de récidive sont en cours.

«   Concernant la prise en charge de la pression artérielle, le concept nouveau de variabilité tensionnelle a émergé ces dernières années. »

Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 33

Page 32: revue pluridisciplinaire en neurologie 2014 · Sclérose en plaques Patrick Vermersch, Claude Mekies Epilepsies Sylvain Rheims, Louise Tyvaert ... LE poiNt dE VUE dES ExpErtS ...

Pathologies neuro-vasculaires

34 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Mots-clés :

Pathologies neurovasculaires, Unités neurovasculaires, AIT, Infarctus

cérébral, Thrombolyse intraveineuse, Revascularisation, Traitement endovas-

culaire, Thrombolytiques, Imagerie, Prévention secondaire, Nouveaux anticoagulants oraux, Hémorragie intracérébrale, Pression artérielle,

Viabilité tissulaire, Plasticité cérébrale

Correspondance

• Dr Yannick Béjot

Service de Neurologie – CHU de Dijon – Hôpital Général

3 rue faubourg Raines – 21 000 Dijon

E-mail : [email protected]

• Pr Emmanuel Touzé

CHU de Caen – Service de Neurologie

Avenue de la Côte de Nacre – 14 033 Caen cedex 09

E-mail : [email protected]

gues ayant une bonne expérience dans le domaine de la pathologie vasculaire. L’identification de marqueurs spécifiques permet-trait d’améliorer le diagnostic des troubles neurologiques transi-toires à imagerie normale.

Le neurologue vasculaire est de plus en plus fréquemment confronté à la découverte fortuite de lésions asymptomatiques, in-cluant par exemple les sténoses carotidiennes, malformations artério-veineuses ou encore ano-malies de substance blanche cérébrale, pour lesquelles des stratégies de prévention restent à déterminer.

Alors que l’infarctus cérébral a bénéficié d’avancées thérapeu-tiques majeures, l’hémorragie intracérébrale reste le parent pauvre de la neurologie vascu-laire. Aussi, la prise en charge des patients a peu évolué au cours de ces dernières années. Les études épidémiologiques montrent une

hausse des hémorragies observées chez les plus de 75 ans chez qui la prévalence d’utilisation d’anti-thrombotiques est en constante augmentation [24]. L’essai euro-péen multicentrique PATCH en cours vise à évaluer le bénéfice de la transfusion plaquettaire à la phase précoce des hémorragies cérébrales survenant sous anti-agrégants plaquettaires sur le pro-nostic fonctionnel des patients et la croissance de l’hématome [25]. On reste néanmoins dans l’attente d’un traitement innovant dans cette pathologie.

En prévention secondaire, la question des stratégies de traite-

ment antithrombotique chez les patients ayant des évènements ischémiques récidivants et chez ceux ayant à la fois des évène-ments ischémiques et hémorra-giques, notamment dans le cadre de l’angiopathie amyloïde, reste posée.

Un des enjeux majeurs des années à venir est la modulation de la récupération neurologique. Elle repose sur une meilleure com-préhension des mécanismes de plasticité cérébrale et sur la promotion de celle-ci par des stra-tégies à la fois médicamenteuses (ex. : antidépresseurs sérotoniner-giques, neurotrophines) et non-médicamenteuses (ex. : stimula-tion magnétique transcrânienne, thérapies par le mouvement).

Enfin, les mécanismes expliquant les troubles cognitifs dans les suites d’un AVC restent insuffi-samment compris, et l’évaluation de traitements spécifiques s’im-pose. l

«  Le neurologue vasculaire est de plus en plus fréquemment confronté à la découverte fortuite de lésions asymptomatiques. »

Page 33: revue pluridisciplinaire en neurologie 2014 · Sclérose en plaques Patrick Vermersch, Claude Mekies Epilepsies Sylvain Rheims, Louise Tyvaert ... LE poiNt dE VUE dES ExpErtS ...

Pathologies neuro-vasculaires

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La maLadie migraineuse

36 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

L’International Headache Society (société internationale d’études des céphalées et des migraines) a publié en juillet dernier la 3e édi-tion de la classification inter-nationale des céphalées dans sa version bêta. L’histoire de la classification inter-nationale des céphalées a débuté il y a maintenant 25 ans à l’initiative du Pr Jes Olesen. En 1988, la pre-mière édition de la classification internationale des céphalées a proposé des critères diagnostiques précis permettant de définir les dif-férentes entités céphalalgiques [1]. Les travaux suscités par cette pre-mière édition ont conduit près de quinze après la 2e édition [2], rapi-dement amendée en 2006 [3], puis à la 3e édition dont sa version bêta vient d’être publiée [4].

Cette version de la troisième édi-tion repose sur la même organi-sation que les deux éditions pré-cédentes distinguant 3 grands cadres nosologiques : • celui des céphalées primaires comprenant la migraine et ses dif-

férentes formes, les céphalées de tension, les céphalées trigémino-autonomiques et les autres cépha-lées primaires ;• celui des céphalées secondaires comprenant 8 groupes différents selon l’étiologie responsable de ces céphalées ;• et celui des névralgies et algies faciales. A ces trois groupes, la classification a ajouté un chapitre “Appendices” correspondant à des entités émer-gentes dont les critères diagnos-tiques sont proposés en vue d’une future validation.

La nouvelle édition de la classifica-tion apporte plusieurs nouveautés. Parmi ces dernières, on peut citer l’apparition d’entités nouvelles, telle la migraine vestibulaire dans les appendices. Ces nouveautés comprennent également la modi-fication des critères diagnostiques des céphalées secondaires s’af-franchissant de l’effet favorable du traitement étiologique afin de retenir leur diagnostic. On peut également citer l’élargissement du

cadre nosologique des céphalées trigémino-autonomiques, avec la réintégration de l’hemicrania continua et l’intégration du SUNA.

Enfin, et c’est probablement la mo-dification la plus importante, cette nouvelle édition propose de nou-veaux critères diagnostiques de la migraine chronique. La mi-graine chronique n’a été individua-lisée qu’à partir de la 2e édition de la classification internationale, cette entité n’ayant pas d’existence noso-logique antérieurement. Dans cette 2e édition, la migraine chronique était définie comme une céphalée chronique quotidienne à expres-sion sémiologique migraineuse survenant en l’absence d’abus mé-dicamenteux. Très rapidement, cette définition a été critiquée, fai-sant que ces critères ont été amen-dés afin que le diagnostic puisse être posé dès lors qu’un migraineux en céphalée chronique quotidienne décrit au moins 8 jours avec cépha-lée migraineuse, sachant que ces critères révisés en 2006 nécessi-taient toujours l’absence d’abus

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« Les avancées physiopathologiques, génétiques et de neuro-imagerie ont fait reculer le désintérêt vis-à-vis de la migraine, mais pas forcément vis-à-vis des migraineux… »Anne Donnet1, Michel Lantéri-Minet2, Christian Lucas3 & Dominique Valade4 1. Centre d’Evaluation et Traitement de la Douleur, Pôle Neurosciences Cliniques, APH de Marseille - 2. Département d’Evaluation et Traitement de la Douleur, Pôle Neurosciences Cliniques, CHU de Nice - 3. Service de Neu-rologie et Pathologie neurovasculaire, CHRU de Lille - 4. Centre Urgences céphalées, Hôpital Lariboisière, Paris

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 37

La maLadie migraineuse

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

médicamenteux associé. La 3e édi-tion s’inscrit dans une conceptua-lisation différente de la migraine chronique qui, de simple com-plication, devient une forme cli-nique de la migraine.

Au-delà de cette conceptualisation nosologique différente, les critères de la 3e édition de la classifica-tion internationale des céphalées (encadré­­1) introduisent une possible expression sémiologique sous la forme d’une aura migraineuse.

Surtout ces critères ne font plus référence explicite à l’absence d’abus médicamenteux. Cette absence de référence à l’absence d’abus médicamenteux est le ré-sultat de la réflexion sur le lien de causalité entre l’abus médi-camenteux et la transformation du phénotype migraineux d’une céphalée épisodique en une cé-phalée chronique quotidienne. En effet, il a été démontré que le sevrage médicamenteux bien conduit et réussi ne permet le retour d’une expression migrai-neuse épisodique que dans la moitié des cas. Ces nouveaux

critères sont donc en totale adéquation avec les dernières recommandations émises par la Société Française d’Etude des Migraines et céphalées, la Socié-té Française d’Etude et Traite-ment de la Douleur et l’Associa-tion des Neurologues Libéraux de Langue Française (encadré­2)­qui proposent que tout migraineux présentant des céphalées chro-niques quotidiennes associées à un abus médicamenteux bénéfi-cie d’un sevrage médicamenteux dont l’effet permettra de faire le distinguo a posteriori entre migraine chronique (dans le cas

où le sevrage ne permet pas le re-tour à une céphalée épisodique) et la céphalée par abus médica-menteux (dans le cas d’un retour à une céphalée épisodique deux mois après un sevrage effectif ) [5].

• CCQ ≥ 15 jours depuis plus de 3 mois• Antécédents d’au moins 5 crises migraineuses sans auraet/ou 2 crises migraineuses avec aura (critère ICHD)• ≥ 8 jours/mois avec sémiologie migraineuse sans ou avec aura - critères C et D migraine sans aura (ICHD) - critères B et C migraine avec aura (ICHD)• Céphalée non attribuable à une autre cause*

*En pratique :

si abus médicamenteux, nécessité de sevrage et échec de ce dernier (persistance CCQ

après 2 mois de sevrage effectif)

Encadré 1 - Migraine chronique selon l’ICHD3 ß [4]

Encadré 2 - CAT : CCQ si abus médicamenteux [5].

Les premiers résultats concernant la génétique de la migraine ont été obtenus dans la migraine hé-miplégique familiale. Les trois premiers gènes codent des trans-porteurs ioniques ; leurs muta-tions facilitent la dépression cor-ticale envahissante et entraînent vraisemblablement une hyperex-citabilité corticale avec excès de transmission glutamatergique. Un quatrième gène code une protéine régulatrice associée au complexe d’exocytose.

Dans les formes les plus fré-quentes de migraine, des facteurs génétiques complexes intera-gissent avec de nombreux facteurs environnementaux. Des études d’association pangénomique ont récemment identifié plusieurs variants génétiques dont chacun contribue au risque de migraine. Ces différents polymorphismes concernent des gènes impliqués dans l’homéostasie du glutamate ou dans la nociception. Ils sont associés aussi bien à la migraine

sans aura qu’à la migraine avec aura, supportant l’existence de mécanismes communs à toutes les variétés de migraine. Le futur est aux études d’association pangé-nomique sur des cohortes encore plus larges et mieux phénotypées, ainsi qu’à l’utilisation du séquen-çage massif [6].

L’année 2013 a été également marquée par la publication de la révision des recommandations pour la prise en charge de la

CAT CCQ SI ABUS MÉDICAMENTEUX

Absence abus

Présence abus

Persistance CCQ Disparition CCQ

MC (ICHD)

CCQMIGRAINE

MC (ICHD) CAM

Recherche abus (ICHD)

Sevrage / 2 mois

CCQ Migraine

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La maLadie migraineuse

38 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

migraine épisodique, recom-mandations qui ont été élaborées par la Société Française d’Etude des Migraines et Céphalées [7].Les apports principaux de ces nouvelles recommandations portent sur l’introduction de la notion de constance d’efficacité dans les 4 questions permettant d’évaluer l’efficacité d’un trai-

tement de crise, l’affinage de la stratégie thérapeutique pour la gestion du traitement de crise, la modification de la définition du “pré-abus”, et le positionnement des bêtabloquants comme classe pharmacologique de première intention en l’absence de contre-indication. Enfin, la migraine a été déclinée au cours des diffé-

rents moments de la vie hormo-nale chez la femme (règles, pilule, grossesse, ménopause), que ce soit sur le plan clinique ou thé-rapeutique. D’autres recomman-dations sont en cours de finalisa-tion (algie vasculaire de la face) ou sous presse (prise en charge des céphalées chroniques quoti-diennes).

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Les principales avancées atten-dues dans la migraine sont les sui-vantes :• mécanismes innovants pour la prise de médicaments ;• nouveaux médicaments ;• différentes techniques de neu-rostimulation.

1. Les moyens de délivrance innovantsLe but est de réduire le temps maximal pour augmenter la concentration plasmatique et améliorer la tolérance, avec ces développements en cours : • injections de sumatriptan réalisée à l’aide d’une seringue sans aiguille pour un auto-injecteur à utiliser dans la cuisse ou dans l’abdomen [8] ;• patch iontophorique pour une délivrance transdermique de sumatriptan [9] ;• inhalateur qui permet d’en-voyer directement de la dihy-droergotamine orale jusque dans les bronches et les bronchioles, et qui permet ainsi d’obtenir une concentration systémique compa-rable à une dose intraveineuse de 1 mg de dihydroergotamine [10] ; • et système de délivrance du su-matriptan sous forme d’une fine poudre envoyée en intranasal, et allant directement se déposer sur les bronches pour être absorbée [11].

2. Les nouveaux médicaments • Les antagonistes du CGRP (calcitonine gene related pep-tid) : les “gépants”. Les anta-gonistes du CGRP sont des médicaments qui bloquent la va-sodilatation et stoppent la trans-mission de la douleur causée par le CGRP sans entraîner de vaso-constriction, un des effets secon-daires des triptans limitant leur utilisation. Deux médicaments ont été développés - l’olcegépant et le telcagépant - qui ont des effets supérieurs au placebo et au moins comparables à ceux des triptans [12, 13]. Il s’agit de deux médica-ments à prendre par voie orale, avec très peu d’effets secondaires (inférieurs à ceux des triptans) jusqu’à ce que la FDA demande une étude en utilisation prophy-lactique et que des anomalies hé-patiques importantes se révèlent, entraînant l’arrêt des études.

• Les anticorps monoclonaux anti-CGRP : il s’agit de formes injectables mensuelles utilisées en traitement préventif. Trois molé-cules sous forme d’anticorps mono-clonaux contre le CGRP sont déve-loppées et une 4e est un anticorps monoclonal contre le récepteur du CGRP. Les quatre sont actuelle-ment en phase IIb, voire en début de phase III. Les récepteurs du

CGRP sont ubiquitaires et pas uni-quement sur le système trigémino-vasculaire. Les conséquences biolo-giques de l’utilisation au long cours des anticorps anti-CGRP et son ré-cepteur sont inconnues et doivent être très soigneusement testées.

• Les agonistes du récepteur du 5HT1F : il s’agit là, non plus de “gé-pans”, mais de “ditans”, et notam-ment le lasmiditan [14] qui est un agoniste du récepteur 5HT1f. On le retrouve dans le ganglion trigémi-nal, dans le noyau caudalis et dans les vaisseaux sanguins cérébraux et périphériques. Le fait qu’il ne participe pas à la vasoconstriction (action neuronale) élimine l’effet secondaire potentiel qui limite l’utilisation des triptans, et il a été démontré qu’il pouvait aussi inhi-ber l’inflammation durale neuro-génique et l’activité neuronale du noyau trigéminal caudalis du tronc cérébral. Il s’agit d’une drogue pré-sentant de faibles effets secondaires, les plus fréquents étant des vertiges, de la fatigue, de la somnolence, des paresthésies et des nausées.

• Des récepteurs transitoires potentialisant les récepteurs vanilloïdes (TCPV1) - aussi connus comme récepteurs à la cap-saicine - et récepteurs vanilloïdes (TRPV1) sont impliqués tous deux

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 39

La maLadie migraineuse

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

dans la régulation de la tempéra-ture du corps et de la nociception. Ils sont localisés à la fois dans le système trigéminal périphérique et central et leur activation aide à la libération du CGRP. La civamide est un agoniste des récepteurs du TRPV1 et des bloqueurs des canaux calciques qui, sélectivement, sup-prime l’activité nociceptive dans les fibres C en stimulant la libération et la déplétion de neuropeptides tels que le CGRP ou la substance P [15].

• Des antagonistes des récep-teurs des orexines A et B sont évalués dans le traitement de la mi-graine épisodique [16].

• Enfin, les cellules gliales font l’objet d’intenses recherches par ex-trapolation au ganglion trigéminal car leur activation via la corne dor-sale de la moelle induit la libération de cytokines [17].

3. La neurostimulation :• Stimulation du grand nerf occipital [18] : essentiellement développée dans le traitement de la migraine chronique. Cette technique est celle qui est la plus avancée et testée lors d’essais thé-rapeutiques à large échelle. Elle peut en cas d’échec être couplée avec la stimulation du nerf supra-orbital.

• Stimulation du ganglion sphé-nopalatin [19] : un stimulateur est implanté via une procédure trans-orale peu invasive, couplé à un déclencheur externe rechargeable qui met en route le stimulateur en début de crise• Stimulation du nerf vague [20] : un stimulateur externe délivre des stimulations transcutanées de 90 secondes de la branche cervical du nerf vague avec stimulations sépa-rées de 15 minutes.• Stimulation magnétique trans-crânienne [21] : sur des modèles animaux il a été montré qu’elle inhibe la dépression corticale enva-hissante.

« Trouver LA véritable cause de l’augmentation du risque vasculaire dans la migraine avec aura devrait permettre une prévention ciblée. »

1. Les problèmes non résolus• Une maladie encore mécon-nue du grand public… et des médecins ! Accéder à la filière de soins !La migraine touche 12 à 21 % de la population adulte française [22]. La maladie migraineuse peut être très handicapante dans la vie so-ciale, familiale et professionnelle des patients et peut altérer profon-dément leur qualité de vie. La ma-ladie migraineuse coûte cher : l’en-semble des coûts avait été estimée à 1 milliard d’euros en France en 2000 pour la migraine épisodique et à près de 2 milliards pour les cé-phalées chroniques quotidiennes (avec les céphalées avec abus mé-dicamenteux au 1er rang) [23]. Or, seuls 20 % de l’ensemble des sujets migraineux sont médicalement sui-vis, même si 60 % d’entre eux ont déjà consulté spécifiquement pour leur migraine [22]. Cette pathologie (et donc les patients) souffre encore de nombreux préjugés. Les critères

diagnostiques de la classification IHCD-III sont pourtant simples mais encore imparfaitement mai-trisés par nos confrères, alors que cette pathologie est la seule patho-logie neurologique qu’un médecin généraliste (MG) peut prendre en charge seul dans la grande majorité des cas, sans l’aide du neurologue. Tout comme un MG pose des ques-tions systématiques sur l’existence d’allergie, de tabagisme chez un patient le consultant la première fois, il devrait systématiquement s’enquérir de l’existence de cépha-lées épisodiques et les caractériser lors d’une première consultation. Les autres acteurs du système de

soins, notamment les pharmaciens, devraient pouvoir être mis à contri-bution pour l’aide au diagnostic et l’orientation dans le circuit de soins pour leurs clients venant acheter des antalgiques en OTC pour leurs céphalées.

• Rester dans la filière de soins !La qualité de la première consulta-tion est déterminante pour main-tenir ou pas le patient dans la filière de soins comme nous avions pu le montrer dans l’étude Framig III [24]. Outre les explications sur la patholo-gie et la prescription de traitements de crise spécifiques à haut niveau de preuves (AINS et triptans), les trai-tements de fond sont sous et mal prescrits. Des efforts, notamment de diffusion, des recommandations restent à faire.

2. Les grands enjeux pour les années futures• Les 15 dernières années ont per-mis des progrès fantastiques dans

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La maLadie migraineuse

40 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

1. Headache Classification Committee of the International Headache So-ciety. Classification and diagnostic criteria for headache disorders, cranial neuralgias and facial pain. Cephalalgia 1988 ; 8 (suppl 7) : 1-96.2. Headache Classification Committee ; Olesen J, Bousser MG, Diener HC et al. The International Classification of Headache Disorders: 2nd edition. Cephalal-gia 2004 ; 24 (suppl 1) : 9-160.3. Headache Classification Committee ; Olesen J, Bousser MG, Diener HC et al. New appendix criteria open for a broader concept of chronic migraine. Cephalalgia 2006 ; 26 : 742-6.4. Headache Classification Committee. The International Classification of Hea-dache Disorders: 3rd edition beta version). Cephalalgia 2013 ; 33 : 629-808.5. Lantéri-Minet M, Demarquay G, Alchaar H et al. Démarche diagnostique générale devant une céphalée chronique quotidienne (CCQ). Prise en charge d’une CCQ chez le migraineux : céphalée par abus médicamenteux et mi-graine chronique. Recommandations de la SFEMC, ANLLF et SFETD. Revue Neurologique 2014 (In Press).6. Ducros A. Génétique de la migraine. Rev Neurol (Paris) 2013 ; 169 : 360-71.7. Lanteri-Minet M, Valade D, Géraud G et al. ; Société française d’étude des migraines et des céphalées. Recommandations pour la prise en charge de la migraine chez l’adulte et l’enfant. Rev Neurol (Paris) 2013 ; 169 : 14-29. 8. Rothrock JF, Cady RK, Aurora SK et al. Needle-free subcutaneous sumatrip-tan for triptan users requiring a change in migraine therapy: efficacy and im-pact on patient-related functionality, satisfaction, and confidence. Curr Med Res Opin 2011 ; 27 : 2185-91.9. Patel SR, Zhong H, Sharma A, Kalia YN. In vitro and in vivo evaluation of the transdermal iontophoretic delivery of sumatriptan succinate. Eur J Pharma-ceut Biopharmaceut 2007 ; 66 : 296-301.10. Silberstein S. MAP0004: dihydroergotamine mesylate inhalation aerosol for acute treatment of migraine. Expert Opin Pharmacother 2012 ; 13 : 1961-8.11. Luthringer R, Djupesland PG, Sheldrake CD et al. Rapid absorption of suma-triptan powder and effects on glyceryl trinitrate model of headache following intra nasal delivery using a novel bi-directional device. J Pharm Pharmacol 2009 ; 61 : 1219-28.12. Ho TW, Ho AP, Chaitman BR, Johnson C et al. Randomized, controlled study of telcagepant in patients with migraine and coronary artery disease. Hea-dache 2012 ; 52 : 224-35.

13. Bigal ME, Walter S, Rapoport AM. Calcitonin gene-related peptide (CGRP) and migraine: current understanding and state of development. Headache 2013 (in press).14. Fakkila M, Diener HC, Geraud G et al. Lasmitidan (COL-144), a selective 5HT1F agonist, is a rapid and effective oral treatment for acute migraine. J Headache Pain 2010 ; 11 (Suppl 1) : S43.15. Diamond S, Freitag F, Phillips SB et al. Intranasal civamide for the acute treatment of migraine headache. Cephalalgia 2000 ; 20 : 597-602.16. Holland PR, Akerman S, Goadsby PJ. Modulation of nociceptive dural input to the trigeminal nucleus caudalis via activation of the orexin 1 receptor in the rat. Eur J Neurosci 2006 ; 24 : 2825-33.17. Watkins LR, Milligan ED, Maier SF. Glial activation: a driving force for patho-logical pain. Trends Neurosci 2001 ; 24 : 450-5.18. Schwedt TJ, Dodick DW, Hentz J et al. Occipital nerve stimulation for chro-nic headache. Long-term safety and efficacy. Cephalalgia 2007 ; 27 : 153-7.19. Tepper SJ, Rezai A, Narouze S et al. Acute treatment of intractable migraine with sphenopalatine ganglion electrical stimulation. Headache 2009 ; 49 : 983-9.20. Cecchini AP, Mea E, Tullo V et al. Vagus nerve stimulation in drug-resistant daily chronic migraine with depression preliminary data. Neurol Sci 2009 ; 30 (Suppl 1) : S101-4.21. Misra UK, Kalita J, Bhoi SK. High frequency repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS) is effective in migraine prophylaxis: an open labeled study. Neurol Res 2012 ; 34 : 547-51.22. Lanteri-Minet M, Valade D, Géraud G et al. Migraine and probable mi-graine. Results of FRAMIG3, a French nationwide survey carried out according to the 2004 IHS classification. Cephalalgia 2005 ; 25 : 1146-58.23. Pradalier A, Auray JP, El Hasnaoui EI et al. Economic impact of migraine and other episodic headaches in France: data from the GRIM2000 study. Pharma-coeconomics 2004 ; 22 : 985-99. 24. Lucas C, Valade D, Géraud G, Chautard MH, Lanteri-Minet M. Recogni-tion and therapeutic management of migraine in 2004 in France. Hea-dache 2006 ; 45 : 715-25.25. Maniyar FH, Sprenger T, Monteith T et al. Brain activations in the pre-monitory phase of nitroglycerin-triggered migraine attacks. Brain. 2013 Nov 25.

BiBliographie

la compréhension de la physiopa-thologie de la migraine avec, en particulier, les phénomènes de dépression corticale envahissante qui sont à la base de l’aura migrai-neuse ; mais, à ce jour, on ne sait toujours pas si migraine sans aura, forme la plus fréquente, et migraine avec aura par-tagent la même physiopatho-logie. Cela est fondamental pour non seulement la compréhension de la maladie mais pour l’aspect thérapeutique.

• Par ailleurs, jusqu’à il y a peu de temps, on pensait que les généra-teurs de la migraine étaient dans le tronc cérébral ; mais une publi-cation toute récente suggère qu’à l’instar de l’algie vasculaire de la face, le vrai générateur est hy-pothalamique [25]. Les travaux de neuro-imagerie fonctionnelle devraient permettre des avancées significatives dans ces domaines.

• On sait que la migraine avec aura est associée à un risque vascu-laire augmenté mais les explica-tions potentielles sont multiples. De plus, on ignore si un traitement préventif efficace de la migraine avec aura est corrélé à une baisse du risque vasculaire. Les enjeux sont colossaux : trouver “la” véritable cause de l’augmentation du risque vasculaire devrait permettre une prévention ciblée. Si un traitement préventif diminue par ailleurs le risque vasculaire cela modifierait profondément nos pratiques.

• Au plan génétique, on dis-pose de nombreuses données sur des loci de susceptibilité à la migraine, mais loci de suscep-tibilité ne veut pas dire gènes responsables. Les grands tra-vaux d’analyse pangénomique devraient permettre d’affiner la carte génétique de la migraine et

les différentes interactions entre ces loci.

• On dispose de nombreux traite-ments de fond découverts souvent empiriquement, contrairement aux triptans qui ont été élaborés se-lon la physiopathologie présumée de la migraine. Un traitement de fond spécifique avec un très bon ratio efficacité-tolérance reste à découvrir… l

Correspondance

Dr Christian Lucas

Service de Neurologie et Pathologie

neurovasculaire

Hôpital Roger Salengro

CHRU de Lille - 59037 Lille Cedex

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Migraine, Classification, Génétique,

Thérapeutique, Neurostimulation,

Risque vasculaire

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 41

Maladie de Parkinson

La maladie de Parkinson :une maladie à prion ?

La maladie de Parkinson est la plus fréquente des alpha-synucléinopa-thies.Récemment, les recherches sur cette protéine ont montré que non seulement l’alpha-synucléine était le composant majoritaire des corps de Lewy (CL), mais que les échanges intercellulaires de sa forme mal conformée jouaient un rôle impor-tant dans la diffusion des lésions et donc de la maladie. Cette hypothèse de transmission de type prion-like est initialement venue de l’étude post mortem du cer-veau de patients atteints de maladie de Parkinson et ayant bénéficié d’une

greffe embryonnaire de cellules do-paminergiques dans le striatum [1-2]. Ces greffons apparaissaient quelques années plus tard contaminés par la présence de CL, suggérant une infec-tion directe par les neurones envi-ronnants du receveur.Cette hypothèse s’est étoffée secon-dairement par des études in vitro montrant que, par des phénomènes d’exocytose puis d’endocytose, les neurones affectés pouvaient trans-mettre les agrégats d’alpha-synu-cléine à des neurones sains adja-cents [3]. Une des questions en suspens est de savoir pourquoi et comment l’al-pha-synucléine devient mal confor-mée. Par un jeu de stress oxydatif et d’inflammation, l’action d’un agent

pathogène externe (toxique et/ou infectieux), suggéré par le modèle de Braak [4], pourrait être le facteur dé-clenchant de cette agrégation. Les nouvelles hypothèses physiopa-thologiques ouvrent bien sûr la voie à de nouvelles cibles de thérapies neuroprotectrices [5-6].

L’ère des complications psycho-comportementales liées aux agonistes dopaminergiques

Pendant de nombreuses années, le neurologue a principalement été attentif aux complications mo-trices liées à la L-dopa. Cependant, au cours des dernières années, c’est

sans aucun doute l’identification des troubles du contrôle des impulsions (TCI) qui a modifié le plus la pratique de prise en charge des patients parkinsoniens. Des troubles du comportement, à type de comportements compulsifs et répétitifs, tels que le jeu patholo-gique, les achats compulsifs et une hypersexualité, ont en effet été

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« Le challenge des années futures : traiter les signes axiaux et cognitifs dopa-résistants chez les patients non bloqués et non dyskinétiques. »

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

rapportés avec la levodopa et les agonistes dopaminergiques, prin-cipalement chez les patients traités pour une maladie de Parkinson [7].Ces TCI ont fait l’objet d’une atten-tion particulière en raison de leurs conséquences familiale, sociale et professionnelle parfois drama-tiques. Leur fréquence (environ 14 % des patients présentent un

«  Des échanges intercellulaires de la forme mal conformée de l’alpha-synucléine joueraient un rôle important dans la diffusion des lésions, et donc de la maladie. »

Sophie Drapier1 et David Maltête2 1. Service de Neurologie, EA – 4712 « Comportement et Noyaux Gris Centraux » Université Rennes 1 et CHU Pontchaillou, Rennes 2. Département de Neurologie, INSERM U1079, CHU de Rouen

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Maladie de Parkinson

42 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Thérapie génique : traitement prometteur de la maladie de Parkinson

La thérapie génique constitue cer-tainement une voie d’avenir pour le traitement de la maladie de Par-kinson. Différentes techniques de trans-fert de gènes ont d’ores et déjà été évaluées au cours d’études de phase I-II avec des objectifs dis-tincts [15-17] : 1. fétablir la transmission dopami-nergique en modulant l’expression des enzymes impliquées dans la synthèse de la dopamine, telle que l’amino acide décarboxylase ; 2. favoriser la synthèse de facteurs neurotrophiques, par exemple le GDNF-neurturin ; 3. moduler l’activité des noyaux gris centraux en favorisant la syn-thèse de GAD.

Identification de biomarqueurs : un défi majeur pour le développement de traitements de la maladie de Parkinson

De nombreuses équipes se sont concentrées sur l’identification de paramètres mesurables qui pour-raient être utilisés comme des indi-cateurs du processus pathologique de la MP. La mise en évidence de ces biomarqueurs, analysable à différents stades de la maladie, per-mettrait non seulement d’établir le diagnostic positif dans les stades précliniques, mais aussi de suivre la progression de l’affection dégé-nérative. En outre, elle constitue une étape cruciale pour le dévelop-pement et la validation de traite-ments neuroprotecteurs.

A l’heure actuelle, il n’existe pas de biomarqueur validé de la mala-die de Parkinson. Plusieurs pistes ont néanmoins été explorées dont certaines demandent confirma-tion. Le dosage de l’alpha-synu-cléine (principal constituant des corps de Lewy) dans le liquide céphalorachidien a fait l’objet de plusieurs études [10]. La mise en évidence d’agrégats d’a-synu-cléine, corps et neurites de Lewy dans la muqueuse colique et le plexus sous-muqueux, les glandes salivaires ou la peau, facilement

accessible à la biopsie, pourrait également constituer différents marqueurs histologiques à l’ave-nir [11-14].

Traitement de la maladie de Parkinson : les nouvelles cibles non dopaminergiques

La lésion principale de la mala-die de Parkinson est l’atteinte des neurones dopaminergiques de la voie nigro-striatale. Néanmoins, d’autres systèmes peuvent être lésés ou interagir avec le système dopaminergique. Ces dernières années, plusieurs études ont été menées afin d’éva-luer l’efficacité et la tolérance d’agents non dopaminergiques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Voici, pêle-mêle, la liste des voies et les récepteurs qui ont fait l’objet d’essais cliniques les plus aboutis : l’acétylcholine (donépézil, nico-tine), la noradrénaline (méthyl-phénidate, fipamezole), la séroto-nine (pardoprunox, sarizotan), les récepteurs de l’adénosine (istrade-fylline, preladenant), du glutamate (NMDA : traxoprodil, mémantine ; AMPA : perampanel ; mGlu : mavo-glurant, dipraglurant), ou des cibles multiples (tesofensine, zonisamide, safinamide, lévétiracétam) [14].Les résultats restent actuellement décevants.

«  Une étude a évalué la transfection bilatérale dans le striatum des gènes codant pour les principales enzymes limitant la synthèse de la dopamine, avec des résultats prometteurs. »

TCI actif ), les facteurs favorisants (âge jeune et antécédents person-nels ou familiaux d’addiction) et l’influence des différents traite-ments antiparkinsoniens (risque multiplié par 2 à 3 sous agonistes dopaminergiques) sont parfaite-ment établis [8, 9]. La prescription

des agonistes est particulièrement surveillée, sans distinction entre les différentes molécules (effet de classe), y compris dans les autres indications (syndrome des jambes sans repos, atrophie multisystéma-tisée). La prise en charge de ces manifes-

tations est avant tout préventive et soumise à la diffusion d’une infor-mation claire au patient et à l’aidant principal. Les complications psy-cho-comportementales liées aux agonistes dopaminergiques font désormais partie de l’histoire de la maladie de Parkinson.

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 43

Maladie de Parkinson

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Symptômes non dopaminergiques : l’enjeu de demain

Le traitement de la maladie de Parkinson (MP) au stade avancé des fluctuations motrices grâce à la stimulation cérébrale profonde, la pompe à apomorphine et la pompe à Duodopa, est sans doute le plus grand progrès thérapeutique de

apparaître une “nouvelle” forme de MP avec des patients non blo-qués et non dyskinétiques, mais présentant des signes axiaux et cognitifs dopa-résistants [21]. Le challenge des années futures sera de traiter ces symptômes ô combien impactant sur la qualité de vie des patients et des conjoints [22] et qui poseront rapidement un problème de santé publique par la difficulté du maintien à domicile de ces patients et l’absence de struc-tures d’aval pour les accueillir. l

ces dernières années. Cette prise en charge optimisée du déficit dopaminergique a ainsi permis à nombre de patients de survivre à leurs fluctuations motrices aux conséquences anciennement dra-matiques. Cependant, ces techniques n’em-pêchant pas l’évolution de la mala-die notamment sur les voies non dopaminergiques [19, 20], ont fait

Mots-clés : Maladie de Parkinson, Alpha-synu-cléine, Agonistes dopaminergiques, Trouble du contrôle des impulsions,

Biomarqueurs, Thérapie génique, Signes axiaux, Troubles cognitifs

Correspondance

• Dr Sophie Drapier

Service de Neurologie – EA- 4712 ”Comportement et Noyaux Gris Centraux”

Université Rennes 1 et CHU Pontchaillou - Rue Henri Le guilloux – 35033 Rennes Cede

E-mail : [email protected]

• Pr David Maltête

Département de Neurologie – INSERM U614 – CHU Charles-Nicolle

1 rue de Germont – 76031 Rouen Cedex - E-mail : [email protected]

La plupart des essais ont permis de valider la tolérance de ces pro-cédures.

Dans l’étude très récente [18] me-née conjointement par les équipes de Créteil et de Cambridge, les chercheurs ont évalué la tolérance et l’efficacité de la transfection bilatérale dans le striatum, des gènes codant pour les principales enzymes limitant la synthèse de la

dopamine, i.e. la tyrosine hydroxy-lase, l’amino-acide décarboxylase et la cyclohydrolase I, via l’injec-tion in situ du lentivirus ProSavin®. Quinze patients ont reçu des doses croissantes avec un suivi prolongé jusqu’à 48 mois pour 3 d’entre eux. La procédure chirurgicale était bien tolérée. Les principaux effets indé-sirables étaient rapportés dans les 12 premiers mois ; les plus fréquents étant la recrudescence de dyski-

nésies induites par le traitement dopaminergique (11 patients) et des phénomènes on‑off (9 patients). Une amélioration significative du handicap moteur (score UPDRS III recueilli en off pré-opératoire) était noté aux 6 et douzième mois de suivi. Ces résultats prometteurs de-mandent à être confirmés mais ils offrent une note d’espoir pour les patients parkinsoniens.

1. Kordower JH, Chu Y, Hauser RA et al. Lewy body-like pathology in long term embryonic nigral transplants in Parkinson’s disease. Nature Med 2008 ; 14 : 504-6.2. Li YJ, Englund E, Holton JL, et al. Lewy bodies in grafted neurons in sub-jects with Parkinson Disease suggest host-to-graft disease propagation. Nature Med 2008 ; 14 : 501-3.3. Lee HJ, Patel S, Lee SJ. Intravesicular localization and exocytosis of alpha-synuclein and it’s aggregates. J Neurosci 2005 ; 25 : 6016-24.4. Braak H, Del Tredici K, Rub U et al. Staging of brain pathology related to sporadic Parkinson’s disease. Neurobiol Aging 2003 ; 24 :197-211.5. Masliah E, Rockenstein E, Adame A et al. Effects of alpha-synuclein im-munization in a mouse model of Parkinson’s disease. Neuron 2005 ; 46 : 857-68.6. Bae EJ, Lee HJ, Rockenstein E et al. Antibody-aided clearance of extracel-lular alpha-synuclein prevents cell to cell aggregate transmission. J Neu-rosci 2012 ; 32 : 13454-69.

7. Ceravolo R, Frosini D, Rossi C et al. Impulse control disorders in Parkin-son’s disease: definition, epidemiology, risk factors, neurobiology and management. Parkinsonism and related disorders 2009 ; 155 : S111-S115.8. Weintraub D, Siderowf AD, Potenza MN et al. Association of dopamine agonist use with impulse control disorders in Parkinson disease. Arch Neurol 2006 ; 63 : 969-73.9. Voon V, Sohr M, Lang AE et al. Impulse control disorders in Parkinson disease: a multicentre case-control study. Ann Neurol 2011; 69 : 986-96.10. Kang JH, Irwin DJ, Chen-Plotkin AS, and the Parkinson’s Progression Markers Initiative. Association of cerebrospinal fluid beta-amyloid 1-42, T-tau, P-tau181, and αalpha-synuclein levels with clinical features of drug-naive patients with early Parkinson Disease. JAMA Neurol 2013, Aug 26. doi: 10.1001/jamaneurol.2013.3861.11. Adler CH, Beach TG, Dugger B et al. Salivary gland biopsy as a diagnos-tic test for Parkinson’s disease. Mov Disord 2013 ; 28 (Suppl1) : 883.12. Pouclet H, Lebouvier T, Coron E et al. A comparison between rectal

BiBliographie

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Maladie de Parkinson

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colonic biopsies to detect Lewy pathology in Parkinson’s diseas. Neurobiol Dis 2012 ; 45 : 305-9.13. Wang N, Gibbons CH, Lafo J, Freeman R. αAlpha-synuclein in cutaneous autonomic nerves. Neurology 2013 ; 29 : 1604-10. 14. Lorraine VK, Brotchie JM, Fox SH. Novel non-dopaminergic targets for motor features of Parkinson’s disease: review of recent trials. Mov Disord 2013 ; 28 : 131-44.15. Muramatsu S, Fujimoto K, Kato S et al. A phase I study of aromatic L-amino acid decarboxylase gene therapy for Parkinson’s disease. Mol Ther 2010 ; 18 : 1731-5.16. Marks WJ Jr, Ostrem JL, Verhagen L et al. Safety and tolerability of intra-putaminal delivery of CERE-120 (adeno-associated virus serotype 2-neur-turin) to patients with idiopathic Parkinson’s disease: an open-label, phase I trial. Lancet Neurol 2008 ; 7 : 400-8.17. LeWitt PA, Rezai AR, Leehey MA et al. AAV2-GAD gene therapy for advanced Parkinson’s disease: a double-blind, sham-surgery controlled,

randomised trial. Lancet Neurol 2011 ; 10 : 309-19. 18. Palfi S, Gurruchaga JM, Ralph GS et al. Long-term safety and tolera-bility of ProSavin, a lentiviral vector-based gene therapy for Parkinson’s disease: a dose escalation, open-label, phase 1/2 trial. Lancet 2014, Jan 10 : doi:10.1016/S0140-6736(13)61939-X .19. Braak H, Del Trecidi K. Invited article. Nervous system pathology in spo-radic Parkinson disease. Neurology 2009 ; 201:1-119.20. Devos D, Defebvre L, Bordet R. Dopaminergic and non-dopaminer-gic pharmacological hypothesis for gait disorders in Parkinson’s disease. Fundam clinic Pharmacol 2010 ; 24 : 407-21. 21. Fasano A, Romito LM, Daniele A et al. Motor et cognitive outcome in Patient with Parkinson disease 8 years after subthalamic implants. Brain 2010 ; 133 : 2664-2676.22. Leroi L, McDonald K, Pantula H et al. Cognitve impairment in Parkinson disease: impact on quality of life, disability and caregiver burden. J Geriatr Psychiatry Neurol 2012 ; 25 : 208-14.

BiBliographie

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

« Plutôt qu’un objectif de neuroprotection, le plus raisonnable à moyen terme : développer des traitements symptomatiques efficaces sur les signes cliniques résultant de l’atteinte non dopaminergique. »Pierre Krystkowiak Service de Neurologie, CHU d’Amiens

La maladie de Parkinson a long-temps été considérée comme une maladie purement motrice. Puis, l’on a découvert que cette pa-thologie comportait également des troubles cognitifs, certains troubles psycho-comportemen-taux, et le concept de maladie neuropsychiatrique a émergé. Ainsi, pendant longtemps, la MP a été considérée comme étant une maladie purement “céré-brale” mais, plus récemment, grâce notamment aux travaux de Braak, c’est le concept de mala-die systémique qui a commencé à émerger. Il a ainsi été suggéré que les agrégats d’alphasynu-cléïne, qui constituent les corps de Lewy, marqueur neuropatho-

logique de la maladie, étaient dé-tectés très précocement dans les plexus nerveux myentériques (dans la muqueuse gastro-intes-tinale) mais également dans le bulbe olfactif, avec l’hypothèse suivante : un initiateur externe est ingéré et/ou inhalé et met en branle un processus de dégénéres-cence caudo-rostral ascendant au niveau encéphalique, à partir du bulbe olfactif (stades de Braak), mais également un processus de dégénérescence rétrograde à par-tir de la muqueuse gastro-intes-tinale jusqu’aux noyaux du nerf vague dans le tronc cérébral.

Certaines données suggèrent que cet initiateur externe pourrait

être un toxique d’ordre envi-ronnemental, et certaines don-nées épidémiologiques et certains modèles animaux (par exemple celui à la roténone) suggèrent la possible responsabilité des pesti-cides. Ce mécanisme irait de pair avec des facteurs de susceptibilité génétique dont les études les plus récentes suggèrent qu’ils seraient au nombre de 28, sur 24 loci identifiés. La cause précise de la maladie dans sa forme spo-radique reste toutefois encore méconnue. Le corolaire de ce pattern tem-poro-spatial de neurodégéné-rescence est l’identification d’un stade prémoteur de la maladie,

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 45

Maladie de Parkinson

la dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire (corrélée au syndrome par-kinsonien) ne survenant finale-ment qu’assez tardivement, soit 15 à 20 ans après le tout début de la maladie : troubles olfac-tifs, constipation, dépression, troubles du comportement en sommeil paradoxal notamment, autant de signes qui surviennent AVANT l’apparition du syndrome parkinsonien. L’idée est donc de diagnostiquer plus tôt, dans le but de soigner plus tôt, en l’occur-rence avant les premiers signes moteurs dont on sait qu’ils sur-viennent alors que 70 à 80 % des

neurones dopaminergiques ont disparu. Ce concept nécessite ce-pendant la mise au point de trai-tements neuroprotecteurs qui, pour le moment, peinent encore à émerger malgré certaines études encourageantes (rasagiline dans l’étude ADAGIO).

Un autre concept qui a émergé très récemment, et qui est en plein essor, est la possible pro-pagation de l’alphasynucléïne pathologique de neurone en neu-rone selon un mécanisme prion-like. Qui plus est, cette alpha-synucléine anormale pourrait favoriser l’agrégation de l’alpha-

« Longtemps, la MP a été considérée comme une maladie purement “cérébrale” mais, plus récemment, c’est le concept de maladie systémique qui a commencé à émerger. »

synucléine du neurone dans le-quel elle serait passée. Cette idée a récemment été étayée, notam-ment par les travaux de P. Brun-din et pourrait déboucher sur de nouveaux espoirs thérapeutiques.

Dans la pratique quotidienne, une attention toute particulière est dé-sormais portée aux signes non mo-teurs de la maladie, que ce soit la dys-autonomie, les troubles cognitifs, les troubles psychiatriques, les dou-leurs, etc. Alors qu’ils ont été pen-dant longtemps considérés comme secondaires par rapport aux signes moteurs, les études ont montré à quel point ils étaient impliqués dans l’altération de la qualité de vie des patients et, par conséquent, à quel point il était nécessaire de les détec-ter (nombre de questionnaires ont émergé en ce sens) pour mieux les prendre en charge. Ils sont en effet présents à tous les stades de la mala-die, que ce soit chez des patients de novo, en lune de miel, au stade des fluctuations - fluctuations sensi-tivo-douloureuses, fluctuations dysautonomiques, fluctuations cognitivo-psychiques - ou à des stades plus tardifs encore.

Depuis la conférence de consen-sus, qui date désormais de 13 ans, les choses ont également sensible-

ment évolué en terme de stratégie médicamenteuse : alors que les recommandations stipulaient de prescrire des agonistes dopaminer-giques chez les sujets jeunes jusqu’à une posologie maximale, avant d’envisager l’ajout de L-dopa, et ce afin de retarder l’apparition des fluc-tuations motrices et des dyskiné-sies, l’émergence des “nouveaux” effets indésirables des agonistes dopaminergiques que sont les troubles du comportement hyper-dopaminergiques (avec notamment les troubles du contrôle des impul-sions) a changé la donne.

Par ailleurs, nombre de techniques de stimulation dopaminergique continue ont progressivement trouvé leur place dans le paysage thérapeutique, que ce soit la pompe à apomorphine, l’instillation intra-duodénale d’un gel de L-do-pa (Duodopa®) ou la stimulation cérébrale profonde dont certaines études (EARLYSTIM) ont montré l’intérêt à un stade beaucoup plus précoce que l’on ne le proposait an-

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

térieurement. Ainsi, avec le passage progressif de ces différentes tech-niques dans la “routine”, l’on craint moins l’émergence des fluctuations motrices et des dyskinésies lorsque l’on instaure un traitement par L-dopa. Pour toutes ces raisons, on prescrit ainsi volontiers la L-dopa beaucoup plus tôt, notamment chez le sujet jeune, sans atteindre la poso-logie maximale de l’agoniste.Mentionnons enfin l’émergence de la rasagiline comme possible

  « Une attention particulière

est désormais portée aux

signes non moteurs, que

ce soit la dysautonomie,

les troubles cognitifs, les

troubles psychiatriques, les

douleurs... »

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Maladie de Parkinson

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neuroprotecteur (doublé d’un effet symptomatique), ce qui tend à modi-

fier la stratégie dichotomique habi-tuelle agonistes/L-dopa en proposant

cet IMAO-B aux stades les plus pré-coces de la maladie, quel que soit l’âge.

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

On peut raisonnablement attendre la mise au point de biomarqueurs qui offriront la possibilité de dia-gnostiquer la maladie à un stade de plus en plus précoce, que ce soit par exemple avec des biopsies co-liques ou de glandes salivaires, avec l’étude de l’échogénicité de la substance noire, avec des tests cognitifs ou des biomar-queurs électrophysiologique. L’idée est d’être prêt, lorsque les traitements neuroprotecteurs

viendront à émerger, à diagnos-tiquer la maladie à un stade pré-moteur, c’est-à-dire à un stade où la dégénérescence neuronale n’est pas à un stade trop évolué.Cela nécessite néanmoins d’être capable d’identifier les patients au stade prémoteur de la maladie et cela n’est pas simple : certaines études de cohorte (européenne, Arizona, Hawaï) sont en effet en cours et leur objectif est de déter-miner la valeur prédictive de cha-

cun des biomarqueurs utilisés, seuls ou surtout de façon combi-née. Une fois cette étape atteinte, il sera alors indispensable de dis-poser de traitements neuropro-tecteurs.En attendant, on peut miser sur le développement de traite-ments symptomatiques tels que l’IPX066 - une “vraie” L-dopa à longue durée d’action -, les modulateurs des récepteurs à l’adénosine ou du glutamate.

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

La mise au point des traite-ments neuroprotecteurs s’avère pour le moins périlleuse et pour le moment, mis à part l’espoir suscité par la rasagiline, force est de constater que les déceptions ont été au rendez-vous, que ce soit avec les traitements médi-camenteux (ganglioside GM1, pramipexole, isradipine pour ne citer que les études les plus ré-centes) mais également avec les approches de thérapie génique (GDNF, neurturine).On peut peut-être davantage espérer du renouveau de la thé-rapie cellulaire avec l’émergence des cellules souches, mais les dif-

préliminaires encourageants.

Cependant, sur un plan symp-tomatique, peut-être est-il plus raisonnable d’espérer à moyen terme le développement de traitements efficaces sur les signes cliniques qui résultent de l’atteinte de systèmes non dopa-minergiques, que ce soient les troubles cognitifs, la dysautono-mie ou les signes moteurs axiaux tardifs (chutes, instabilité postu-rale). l

ficultés restent nombreuses.L’émergence des mécanismes in-flammatoires dans la mort neu-ronale et de la théorie du prion pourraient être à la base du ra-tionnel des traitements destinés à limiter l’accumulation et l’agré-gation de l’alphasynucléïne, par exemple avec les vaccins, mais les écueils restent également nombreux. Très récemment, une étude de thérapie génique conduite par S. Palfi (utilisant un vecteur len-tiviral, le ProSavin®, ayant pour but d’accroître la conversion intra-striatale de L-dopa en do-pamine) a montré des résultats

Correspondance

• Pr Pierre Krystkowiak

Service de Neurologie - CHU Hôpital Nord, Pôle C - CHU d’Amiens

Place Victor-Pauchet - 80054 Amiens Cedex 1

E-mail : [email protected]

Mots-clés : Maladie de Parkinson, Alphasynu-cléïne, Génétique, Pesticides, Stade

pré-moteur, Troubles cognitifs, troubles psycho-comportementaux,

Dysautonomie, L-dopa, agonistes do-paminergiques, stimulation cérébrale

profonde, Rasagiline, Neuroprotection, Biomarqueurs, thérapie cellulaire

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 47

Pathologies musculaires

Même si les toutes premières vé-ritables études médicales de l’An-tiquité ont porté sur les muscles avec les premières dissections anatomiques 300 ans avant notre ère, la Myologie est long-temps restée un parent pauvre de la Neurologie, au point même

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

de n’être réellement identifiée comme un authentique champ disciplinaire que très récem-ment : en témoigne la création de la Société Française de Myologie il n’y a qu’une dizaine d’années, permettant une structuration au niveau national.

Le domaine des pathologies mus-culaires relève maintenant de plus en plus de sur-spécialistes, pas uniquement neurologues, qui s’investissent plus spécifiquement dans la prise en charge de patients, la recherche fondamentale et cli-nique sur les myopathies.

La structuration des centres ex-perts, avec l’implication de spécia-listes d’origine multidisciplinaire et leur labellisation en Centre de Référence ou de Compétence lors de Plans Maladies Rares ont fon-damentalement changé la prise en charge des patients porteurs de maladies musculaires au cours des dernières années.

Elles se sont accompagnées :• de  progrès  diagnostiques  très 

de thérapie génique, très at-tendus.

La Myologie, longtemps passive devant des patients auxquels on ne pouvait rien proposer, est devenue très dynamique. A tel point qu’une phrase qui aurait paru totalement incongrue il y a 10 ans, pourrait résumer la situation actuelle des maladies musculaires : « tout pa-tient doit rentrer dans un pro-tocole » !

importants (merci la génétique) avec un démembrement - qui n’est pas terminé - des très nombreuses myopathies ; • d’une  meilleure  coordination avec les acteurs du secteur social ou sanitaire ; • de collaborations plus étroites au niveau national (ex. : bases de don-nées et registres mis en place) ; • et  surtout des premiers véri-tables essais thérapeutiques à grande échelle, en particulier

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

« La structuration des centres experts a fondamentalement changé la prise en charge des patients. »Yann Péréon Centre de Référence Maladies Neuromusculaires Nantes-Angers

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Pathologies musculaires

48 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

La grande avancée attendue, pré-visible, repose sur l’utilisation large des nouveaux outils de diagnostic génétique tels que le Next Generation Sequencing (NGS) qui va révolutionner la dé-marche diagnostique dans les ma-ladies musculaires (mais pas que). Il ne va cependant pas nécessai-

rement la simplifier autant qu’on pourrait l’espérer : le séquençage complet de l’exome ou du génome va fournir un nombre important de mutations et la difficile question sera de faire la part des choses, de faire le lien entre les mutations et les pathologies, en s’appuyant sur un phénotypage clinique très

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

précis dont l’importance ne va pas diminuer, bien au contraire. Un authentique challenge à venir pour cliniciens et généticiens !

S’y associeront probablement des questions éthiques quant à l’information à fournir aux pa-tients et aux familles.

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

mettant de guérir à elle seule les patients, mais probablement une efficacité obtenue par l’asso-ciation de multiples outils thé-rapeutiques incluant certes ces deux types de traitements, mais aussi des outils pharmacolo-giques plus classiques qui n’ont pas dit leur dernier mot : les pro-grès en matière de physiopatho-logie vont permettre d’identifier de nouvelles drogues (ou parfois d’utiliser à bon escient d’autres déjà connues) pouvant contri-buer à ralentir une évolution ou améliorer la qualité de vie des patients. l

Le grand enjeu reste la théra-peutique.

La découverte de la dystrophine à la fin des années 1980, puis de nom-breux autres gènes à sa suite avait fait croire que les problèmes thé-rapeutiques pourraient être rapi-dement résolus. Il n’en a rien été et les premiers essais thérapeutiques n’ont vraiment débuté que ces toutes dernières années, avec des succès très relatifs et beaucoup de déception il faut bien reconnaître.

La thérapie génique et la thé-rapie cellulaire des maladies

musculaires représentent les challenges du futur, mais une leçon déjà retenue est qu’il n’y

aura pas une forme unique de thérapie efficace, géniale, per-

Mots-clés :

Muscles, Myologie,Diagnostic génétique,

Thérapeutique,Thérapie génique

Correspondance

Pr Yann Péréon

Centre de référence des maladies neuromusculaires rares Nantes-Angers

CHU, Hôtel-Dieu – Place Alexis Ricordeau – 44 093 Nantes Cedex 01

E-mail : [email protected]

«  Les challenges du futur reposent sur l’association de plusieurs outils thérapeutiques incluant thérapie génique et thérapie cellulaire... »

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 49

Pathologies du nerf PériPhérique

Il est difficile de dire que tel ou tel concept précis a évolué au cours des dernières années dans le monde du périphérique.

Par contre, il est apparu évident à notre communauté qu’il n’y avait pas d’autres solutions que de tra-

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

vailler ensemble pour avancer en recherche concernant les mala-dies rares du nerf périphérique. Ainsi, différents travaux en cours sont venus s’appuyer sur la jeune Société Francophone du Nerf Périphérique et d’autres sont nés en son sein.

Ainsi, prenant l’exemple des neuropathies dysimmunes, les temps du diagnostic et de la thérapeutique se trouvent en-tourés de différents travaux de recherche clinique qui permet-tront à terme de simplifier ou d’optimiser les prises en charge.

Albert Einstein qui disait « On n’est intelligent qu’à plusieurs ». Elles permettent au quotidien à nos équipes d’avancer dans la compré-hension de dossiers difficiles. Elles sont des moments clés pour faire les meilleurs choix thérapeutiques pour nos patients. Ces choix d’experts auront aussi une valeur en cas d’indication hors AMM face à des tutelles qui ne raisonnent souvent qu’économiquement…

réponse au traitement. Ces bio-marqueurs, qu’ils proviennent de la génomique ou de la pro-téomique, permettront pour

La mise en place des centres ré-férents a certainement permis d’améliorer la prise en charge de nos patients. Les acteurs de soins ont pu se rencontrer et uniformiser leurs pratiques en s’enrichissant de toutes les expériences. Cliniciens, généticiens, anatomopathologistes et bien d’autres acteurs ont ainsi pu coordonner leurs efforts au ser-vice du diagnostic et de la prise en charge des malades. La volonté

Faire le diagnostic précoce d’une neuropathie rare et mettre en place un traitement adapté est difficile.

d’apporter une information de qua-lité aux patients a permis la réalisa-tion de documents dédiés.

Même si les essais thérapeutiques restent trop peu nombreux dans le domaine du nerf périphérique, le fonctionnement en centre expert ne peut que favoriser les inclu-sions. Les réunions de concerta-tions pluridisciplinaires ont pu encore une fois donner raison à

Depuis quelques années, de nom-breux travaux s’attèlent à essayer d’identifier des biomarqueurs diagnostiques, d’évolution ou de

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

« La recherche sur les maladies rares du nerf périphérique avance, avec la jeune Société Francophone du Nerf Périphérique. »Jean-Philippe Camdessanché Centre Référent Maladies Neuromusculaires Rares Rhône-Alpes

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Pathologies du nerf PériPhérique

50 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

Si les spécialistes des pathologies du nerf périphérique ont fait beau-coup d’efforts pour diagnostiquer, comprendre la physiopathologie et traiter des neuropathies rares comme les neuropathies dysim-munes, des neuropathies très fré-quentes comme la neuropathie diabétique font l’objet de trop peu d’études alors qu’elles ont une

répercussion socio-économique lourde dans nos sociétés.

Dans cette lignée, les travaux sur la neuroprotection ou la répara-tion du nerf périphérique n’ont pas dépassé le stade des balbu-tiements. Une dynamique est à créer pour progresser dans ces champs-là. l

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Mots-clés : Nerf périphérique, Neuropathies

rares, Neuropathies dysimmunes,

Diagnostic, Thérapeutique, Biomar-

queurs

Correspondance

Pr Jean-Philippe Camdessanché

Service de Neurologie

Hôpital Nord – CHU de Saint-Etienne

42055 Saint-Etienne Cedex 2

E-mail : [email protected]

un patient donné porteur d’une neuropathie rare, de proposer un meilleur typage de son affec-tion et de pouvoir réfléchir sur le mode évolutif de sa neuropathie, de pouvoir proposer d’emblée le

bon traitement parmi différents traitements par exemple immu-nomodulateurs ou immunosup-presseurs lourds ou non dénués d’effets indésirables. Dans l’hypothèse d’essais théra-

peutiques, le “profilage” des pa-tients permettra méthodologique-ment de travailler sur des groupes de patients plus homogènes et ain-si de répondre à plus de questions plus vite.

«  Les travaux sur la neuroprotection ou la réparation du nerf périphérique n’ont pas dépassé le stade des balbutiements. »

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Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164 51

Pathologies du motoneurone

Concernant les maladies du moto- neurone et la sclérose latérale amyotrophique (SLA), le caractère multifactoriel de l’origine de ces pathologies est un concept qui a maintenant quelques années.

Y a-t-il eu une évolution des concepts, au cours des toutes dernières années, dans votre domaine ?

Pour autant, cette réalité a pris une ampleur importante à la lu-mière des nombreux travaux de génétique, notamment suite à la découverte de la fréquente muta-tion pathogène C9orf72 ou au vu

des nombreux travaux illustrant le rôle de l’inflammation dans la mort du motoneurone. Ainsi le concept de neurodégéné-rscence a quelque peu été bous-culé !

sur le lieu de vie ;4. participer à la collecte des don-nées et aux programmes de re-cherche.

Quelques années plus tard, dif-férentes équipes étudient leurs cohortes de patients SLA pris en charge en centre afin d’illustrer les bénéfices pressentis et d’améliorer encore ce qui doit l’être.

Sans l’ombre d’une hésitation, la prise en charge des patients SLA en centre spécialisé a été un très grand progrès. Il est sans aucun doute important d’utiliser quelques mots de ce texte pour rendre hom-mage et remercier l’association de patients ARSla qui a été un ac-teur essentiel dans la création des centres SLA en exerçant la pression qu’il fallait sur notre gouvernance.

Trois quarts des patients SLA dé-cèdent de complications repira-toires. Des techniques de stimulation diaphragmatique ont vu le jour chez les traumatisés médullaires il y a quelques années.

Les directives données aux centres ont été appliquées : 1. améliorer l’accès au diagnostic et accompagner l’annonce ;2. réunir et organiser l’interdisci-plinarité nécessaire au suivi des patients ;3. assurer le transfert des connais-sances et des savoir-faire auprès des acteurs de proximité et mettre en œuvre des moyens nécessaires

Ces techniques ont pu être trans-posées aux patients SLA et, depuis un an, ont débuté les inclusions dans le cadre du projet hospitalier de recherche clinique RespiSTim SLA coordonné par le Docteur Jé-sus Gonzalez-Bermejo du centre

Quelles sont, pour vous, les avancées attendues pour les 2 ou 3 prochaines années dans votre domaine ?

Quels ont été les grands changements dans votre pratique au cours des dernières années ?

«  La stimulation diaphragmatique, mise au point chez les blessés médullaires, est actuellement testée chez les patients SLA. »

« La prise en charge des patients SLA en centre spécialisé : un très grand progrès. »Jean-Philippe Camdessanché Centre SLA de Saint-Etienne

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Pathologies du motoneurone

52 Neurologies • Janvier 2014 • vol. 17 • numéro 164

designs des essais ont utilisé des méthodologies souvent nova-trices permettant de répondre aux questions à partir d’effec-tifs de patients moindre avec à la clé plus d’études possibles et plus d’hypothèses testées. l

La SLA est une maladie dont le pronostic reste effroyable. De-puis le riluzole, aucune molécule n’a montré de clair bénéfice chez les patients. Les attentes des patients, des familles et des équipes soignantes concernent bien sûr la thérapeutique.

Compte tenu du caractère plurifactoriel de la SLA sou-ligné plus haut, le choix des molécules ne ciblant qu’un processus pathologique est difficile. Si différents essais récents se sont soldés par des échecs, les

Quels sont les problèmes qui vous semblent encore non résolus et les grands enjeux pour les années futures ?

Mots-clés :

Motoneurone, Sclérose latérale amyotrophique, Génétique, Facteurs

prédictifs, Complications respiratoires, Stimulation diaphragmatique,

Prise en charge

Correspondance

Pr Jean-Philippe Camdessanché

Service de Neurologie

Hôpital Nord – CHU de Saint-Etienne

42055 Saint-Etienne Cedex 2

E-mail : [email protected]

SLA de Paris. Ainsi, 74 patients pourront être équipés et l’impact de la technique sur le délai de re-cours à une ventilation non inva-sive étudié.

Par ailleurs, l’étude d’une grande cohorte de patients SLA va commencer dans les mois qui viennent au sein des centres français. Cette cohorte, intitulée PULSE pour Pronostic valUe of biomarkers in amyotrophic Late-

ral Sclerosis & Endophenotypic study, se fixe pour but de définir des facteurs prédictifs de l’évo-lutivité de la SLA. Elle s’intéres-

sera notamment aux critères cli-niques, biologiques et génétiques en cas de SLA en comparaison à des groupes contrôles. Tous les acteurs de la SLA es-pèrent que ce travail de grande ampleur permettra de mieux comprendre la maladie et d’affi-ner les protocoles de surveil-lance et les décisions de prise en charge thérapeutiques des pa-tients SLA au plus près des réali-tés de la maladie.

«  La cohorte PULSE va évaluer les critères cliniques, biologiques et génétiques prédictifs de l’évolutivité de la SLA. »

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neuroagenda

Troubles cogniTifs eT AVc, rééducATions neuropsychologiques28-29 mars 2014, paris

• Renseignements et inscriptions Le CLEF, 9 bis bd Jean-Jaurès - 92100 Boulogne BillancourtTél. : 01 41 48 54 49 / 06 33 80 23 37 - Fax : 01 41 48 58 17E-mail : [email protected] - Site : www.le-clef.fr

Xiii europeAn sTroke conference6-9 mai 2014, nice

• Renseignements et inscriptions ESC 2014 c/o CongrexPeter Merian Strasse 80 - PO Box - 4002 Bâle, SuisseTél. : +41 61 686 77 77 - Fax. : +41 61 686 77 88E-mail : [email protected] - Site : www.eurostroke.fr

cony 2014 – 8Th World congress on conTroVersies in neurology8-11 mai 2014, berlin

• Renseignements et inscriptions E-mail : [email protected] Site : www.comtecmed.com/CONy

19es Journées d’elecTroneuroMyogrAphie 4-6 juin 2014 Saint-Etienne

ThèmesLa neuroimmunologie - Maladies du motoneurone - Controverse : pour ou contre l’échographie du nerf - Master class d’Erik Stalberg  : Single fiber EMG • Renseignements et inscriptions Le Public Système PCO - 38, rue Anatole France92594 Levallois-Perret CedexTél. : 01 70 94 65 21 - Fax : 01 70 94 65 25E-mail : [email protected] Site : www.enmg2014.org/

5e ediTion « douleurs eT déMences »6 juin 2014, paris

• Renseignements et inscriptions Le CLEFTél. : 01 41 48 54 49 / 06 33 80 23 37Fax : 01 41 48 58 17 - E-mail : [email protected] : www.le-clef.fr

inTernATionAl congress of pArkinson’s diseAse And MoVeMenT disorders8-12 juin - stockholm

• Renseignements et inscriptions MDS Congress Staff 555 East Wells Street, Suite 1100 - Milwaukee, WI 53202 USA Tél. : +1 414-276-2145 - Fax : +1 414-276-3349 E-mail: [email protected] : www.movementdisorders.org/ou www.mdscongress2014.org/

Xiie réunion frAncophone sur lA MAlAdie d’AlzheiMer & les syndroMes AppArenTés11-13 juin 2014 - Montpellier

• Renseignements et inscriptions • Secrétariat : ANT Congrès - 154 avenue de Lodève, 34070 Montpellier Tél. : 04 67 10 92 23 - E-mail : [email protected]• Inscriptions : ACTCOM EVENEMENT37 rue de l’aiguillerie 34000 Montpellier Tél. : 04 67 999 777 - Fax : 09.56.52.27.97Site : www.ant-congres.com

69Th fens foruM of neuroscience5-9 juillet 2014 - MilanFederation of European Neuroscience Societies

• Renseignements et inscriptions Ms. Rachel Gavrieli - Registration Manager Tél. : +41 22 9080488 Ext 944 Site : http://fens2014.neurosciences.asso.fr/

AcTriMs ecTriMs 201410-13 septembre 2014 - boston

• Renseignements et inscriptions c/o Opus 3 inc. - 417 Saint-Pierre St. Suite 302 - Montréal QC H2Y 2M4 - CanadaTél. : + 1 514 395-1808 E-mail : [email protected] : www.msboston2014.org/

CONGRÈS Quand soumettre vos abstracts ?

z 15Th World congress on pAin6-11 octobre 2014, buenos AiresDate limite de soumission : 7 mars 2014Site : www.iasp-pain.org/

z Xiie réunion frAncophone sur lA MAlAdie d’AlzheiMer - 11-13 juin 2014, MontpellierDate limite de soumission : 10 mars 2014Site : www.alzmontpelier2014.com

z 19es Journées d’elecTroneuroMyogrAphie14 -6 juin 2014, saint-etienneDate limite de soumission : 30 mars 2014Site : www.enmg2014.org/

z inTernATionAl congress of pArkinson’s diseAse And MoVeMenT disorders - 8-12 juin, stockholmDate limite de soumission : 1er avril 2014Sites : www.mdscongress2014.org/

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