Revue MÉTHODAL · 2020. 7. 2. · Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue...
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Revue MÉTHODAL REVUE INTERNATIONALE DE MÉTHODOLOGIE
DE L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES LANGUES
No 4 – Juin 2020
––––
Enseignement du français langue étrangère
en contexte universitaire : divergences
entre L1 et L2 – réflexion et méthodes
PUBLICATION DU LABORATOIRE OUVERT, INTERUNIVERSITAIRE
ET INTERDISCIPLINAIRE POUR LA MÉTHODOLOGIE
DE L’ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE DES LANGUES
« MÉTHODAL OpenLab »
Thessalonique-Nicosie, 2020
3
SOMMAIRE
Préface Silvia ADLER
Isabelle DOTAN
Université Bar-Ilan
5
Les bilingues sont-ils des schizophrènes ?
Jonathan
BENDENNOUNE
Université hébraïque de
Jérusalem, Israël
9
L’enseignement du français langue
étrangère à l’épreuve du bilinguisme :
défis, interférences, calques
Angeliki KORDONI
Mona WEHBE
Sorbonne Université Abu
Dhabi, Émirats Arabes
Unis
21
L’interférence du malais (Bahasa Melayu)
dans l’apprentissage du FLE chez les
étudiants du programme de français à
l’Université Malaya
Hadjar CHAIBI
Université de Lille, France
Patricia Nora RIGET
University of Malaya,
Malaisie
31
Il y a temporel dans l’enseignement du
FLE aux polonophones. Approche
didactique et lexicographique
Monika GRABOWSKA
Witold UCHEREK
Institut d’Études romanes,
Université de Wrocław,
Pologne
47
La production écrite et l’acquisition
du vocabulaire dans une perspective
linguistique en contexte universitaire
Fatima ZIOUANI
Université Amar Telidji,
Algérie
65
La démarche interculturelle pour
travailler
les divergences culturelles dans
l’enseignement/apprentissage du FLE en
contexte universitaire français
Angélique MASSET-
MARTIN
Université d’Artois, Arras,
France
75
Préparer les apprenants polonais de FLE à
la lecture de la littérature francophone.
Joanna GÓRECKA
Izabela ORCHOWSKA 85
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
4
Réflexion didactologique sur l’exploitation
des critiques littéraires au niveau B2
Université Adam
Mickiewicz de Poznań,
Pologne
Le français : langue fluente, langue
fuyante. Divergences phonétiques entre L1
et L2
Isabelle DOTAN
Université Bar-Ilan, Israël 109
La ponctuation en classe de FLE : enjeux
et difficultés. Le cas des étudiants du
département de français de l’université de
Laghouat
Thameur TIFOUR
Imane Amal AIT
MECHDAL
Zahia DZAIT
Université Amar Téledji-
Laghouat, Algérie
123
“Ask a North Korean: do you learn foreign
languages?”
Learning FLE for (not) using it?
Alexandrine BOUFFLERS
Ministère de l’éducation
nationale, France
141
47
Il y a temporel
dans l’enseignement du FLE aux polonophones.
Approche didactique et lexicographique
Monika GRABOWSKA
Witold UCHEREK
Institut d’Études romanes, Université de Wrocław, Pologne
Résumé
L’article porte sur le traitement de la locution il y a, prise dans son sens temporel, dans
10 méthodes de FLE et dans 35 dictionnaires bilingues français-polonais. Les auteurs
des méthodes consultées introduisent le il y a temporel relativement tôt, ce qui est
justifié par sa fréquence, et ils restent fidèles à l’approche onomasiologique. Le
traitement lexicographique du il y a temporel souffre de plusieurs défauts dont l’analyse
est accompagnée de quelques suggestions d’amélioration de la pratique actuelle.
Mots-clés : il y a temporel, méthode de FLE, dictionnaire français-polonais, traitement
lexicographique.
Abstract
The paper deals with the presentation of the expression il y a, taken in its temporal sense,
in 10 workbooks of French as a foreign language and in 35 bilingual French-Polish
dictionaries. The authors of the workbooks introduce the temporal value of il y a at a
relatively early stage, which is justified by the frequency of the expression and the
onomasiological approach of their teaching methodology. Nevertheless, the
lexicographic presentation of the temporal il y a suffers from several faults, the analysis
of which is accompanied by some suggestions for improvement of current
lexicographical practice in order to provide the learners with Polish equivalents.
Keywords: il y a temporal, workbook of French as a foreign language, French-Polish
dictionary, lexicographical description.
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
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1. Objet de l’étude, objectifs
Le gallicisme il y a est considéré par Wagner (1964 : 10) comme « symbole
fondamental du français ». Or, comme le souligne Skibińska (1996 : 47), l’absence
d’une catégorie de la langue cible dans la langue-source constitue une source, tant de
difficultés dans la traduction que d’interférences dans l’apprentissage de la langue
étrangère.
Du point de vue catégoriel, il convient de distinguer deux constructions
homonymiques : un il y a verbal, traditionnellement considéré comme présentatif, qui,
comme le précisent Riegel, Pellat et Rioul (2005 : 454-455), possède en réalité deux
valeurs, car en plus de fonctionner comme présentatif (« Il y a un vaisseau qui a
emporté ma bien-aimée », Cf. le calligramme Il y a d’Apollinaire), il peut tout
simplement exprimer l’existence (Cf. Il y a des cigognes noires), et un il y a
prépositionnel et temporel (il a commencé ses études il y a cinq ans). Par ailleurs, il
existe une construction, il y a … que, qui exprime un rapport temporel sans être une
locution prépositive (Cf. il y a dix ans qu’il habite ici) ; du fait que il y a garde alors sa
valeur de noyau verbal, Narjoux (2018 : 551) l’interprète comme un présentatif
complexe servant à mettre en relief le complément de temps [1].
C’est le il y a temporel, et avant tout prépositionnel, qui a attiré notre attention compte
tenu de sa prégnance dans une approche onomasiologique de la compétence
grammaticale d’une part, et des défaillances dans sa description lexicographique
bilingue franco-polonaise de l’autre. Notre démarche, tout en étant subordonnée aux
enjeux pédagogiques de l’enseignement du FLE, notamment dans le contexte
universitaire, contiendra par conséquent aussi une réflexion développée sur le
traitement lexicographique du il y a temporel, conformément aux postulats de
Grabowska (2016) sur le statut incontestable du dictionnaire en tant qu’outil
pédagogique, autant pour les activités de réception que pour les activités de production
dans l’enseignement/apprentissage d’une langue étrangère à l’époque du Cadre
européen commun de référence pour les langues (CECRL). Or, selon une enquête
(Ibid. : 66), 64 % des étudiants de français à l’Institut d’Études romanes de l’Université
de Wrocław consulteraient régulièrement des dictionnaires bilingues jusqu’au
deuxième cycle d’études [2].
Le but du présent article est de décrire et d’évaluer le traitement lexicographique de la
locution il y a à valeur temporelle dans des dictionnaires généraux français-polonais,
compte tenu de sa place dans les méthodes de FLE contemporaines. Lors de l’analyse,
nous proposerons certaines améliorations de la pratique actuelle. Faute de place, nous
nous limiterons à examiner les ressources lexicographiques susceptibles de réconforter
l’apprenant polonophone dans la situation de décodage ; l’analyse des moyens proposés
par les dictionnaires polonais-français, qui devraient permettre de produire des énoncés
contenant le il y a temporel, mérite sans doute une étude à part.
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
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2. Il y a temporel dans la perspective didactique
Nous avons procédé à l’examen d’une dizaine de méthodes de FLE (niveaux A1-A2)
[3] disponibles à la bibliothèque de l’Institut d’Études romanes de l’Université de
Wrocław, un établissement supérieur dispensant un enseignement « philologique »
dans trois filières : française, espagnole et italienne. Dans la filière française, les
candidats au premier cycle d’études sont recrutés autant parmi ceux qui peuvent se
légitimer d’une connaissance préalable du FLE que parmi de vrais débutants. Ces
derniers se voient dispenser 675 h de FLE dont 360 h de cours de compétences intégrés,
basés sur une méthode de FLE qui les accompagne pendant les trois premiers semestres
d’études, tandis que les premiers, censés avoir préalablement acquis au minimum le
niveau A2 du Cadre, en reçoivent 180 en première année (pour plus de détails Cf.
Grabowska, 2018).
Dans la suite, nous nous focaliserons sur la place de la structure il y a temporel et sa
dénomination métalinguistique en tant qu’objectif opérationnel spécifique de chaque
manuel analysé [4], ainsi que sur les contextes où elle se présente dans le cadre de la
composante linguistique ou pragmatique de la compétence de communication, et sur
l’explication de ses valeurs.
Dans toutes les séries examinées (Cf. bibliographie finale), la structure il y a est
introduite précocement dans sa fonction présentative, tandis que sa fonction temporelle
suit logiquement la prise en charge du passé composé. Dans six cas examinés (Alter
ego+, Cosmopolite, Édito, Entre nous, Totem, Vite et bien), le il y a temporel se situe
dans le volume 1 de la série, et dans quatre (Agenda, Déjà vu, Le nouveau taxi !,
Mobile), seulement dans le volume 2.
La démarche pédagogique est d’habitude inductive. La démarche déductive
introduisant le contenu grammatical sous forme d’un encadré qui verbalise les règles
ne se retrouve que dans Mobile A2, Totem 1-2 et Vite et bien 1. Les exercices
d’entraînement associés consistent soit à choisir la forme correcte [5], soit à compléter
des phrases à trous [6], éventuellement à associer une question portant sur le temps et
une réponse [7]. Certaines méthodes proposent des tâches d’apprentissage sans toujours
passer par la pratique des éléments de la langue décontextualisée. On demande aux
apprenants de répondre par vrai ou faux après avoir lu un témoignage [8], de parler de
la vie de quelqu’un à partir de son CV [9], de parler de la gastronomie française hier et
aujourd’hui [10] dans le cadre d’une situation de communication simulée, ou de parler
d’une rencontre personnelle [11], des moments importants de leur vie [12], de
l’historique de leur logement actuel [13], dans le cadre d’un échange authentique.
Le seul manuel qui introduit aux niveaux A1-A2 l’expression il y a ... que pour indiquer
une durée est Agenda 2. Ce manuel consacre d’ailleurs, avec Alter Ego+ 2, le plus
d’attention au il y a temporel, qui apparaît à la page 95 et revient à la page 156 dans une
démarche explicite (tableau systématisant les expressions temporelles [14]).
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
50
Dans les méthodes qui pratiquent une explication grammaticale explicite, il y a est
appelé marqueur temporel [15], indicateur de temps [16], expression de temps [17],
expression temporelle [18]. Parfois, on ne lui attribue pas d’hyperonyme
métalinguistique, on présente exclusivement sa fonction (situer une action dans le
passé [19] ; raconter un changement de vie [20]). C’est une conséquence de la
démarche onomasiologique de l’enseignement de la grammaire, qui refuse le
métalangage – vu l’incertitude sur le fait que l’apprenant ait la compétence de le
comprendre – et lui supplée des formulations liées aux intentions communicatives.
Quant aux contextes linguistiques dans lesquels le il y a temporel est présenté en tant
qu’objectif spécifique d’une unité du manuel, Alter ego+, l’un des deux manuels les
plus riches quant à la prise en charge du contenu grammatical de l’objet du présent
article [21], oppose il y a, qui se construit avec une expression de la durée, à depuis, qui
se construit aussi avec « un évènement ». Alter ego+ 2 élargit progressivement le
champ onomasiologique des marqueurs temporels, tout d’abord en opposant il y a à
pendant et dans, à l’exclusion de depuis [22], ensuite [23], en l’opposant à pendant,
depuis et pour, à l’exclusion de dans.
Des variantes de ces contextes vont se reproduire dans certaines autres méthodes ; nous
les résumons dans le tableau suivant :
depuis pendant dans jusqu’à pour autres
Agenda 1 pas de il y a temporel
Agenda 2, p. 95
au début ≠ à la fin,
après, peu à peu,
petit à petit
Agenda 2, p. 156 + + +
Alter Ego 1 +
Alter Ego 2, p. 26 + +
Alter Ego 2, p. 41 + + +
Cosmopolite 1 + + + avant, quand
Cosmopolite 2 + + +
Déjà vu 1 pas de il y a temporel
Déjà vu 2 + +
Édito A1 +
la semaine dernière,
hier, demain, la
semaine prochaine
Édito A2 + +
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
51
Entre nous 1 +
Entre nous 2 pas de il y a temporel
Le nouveau taxi ! 1 pas de il y a temporel
Le nouveau taxi ! 2 +
Mobile A1 pas de il y a temporel
Mobile A2 + +
la semaine dernière,
avant-hier, hier,
aujourd’hui, demain,
après-demain, la
semaine prochaine
(dans une semaine)
Totem 1 +
en + mois/année, X
ans/mois/semaines
jours après, à la fin
de + déterminant +
nom, hier
Totem 2 +
Vite et bien 1 + + + +
en + verbe au
présent, passé, futur ;
avant ≠ après + nom
Tableau 1 – Le il y a temporel comme objectif spécifique
des unités des manuels en corrélation
avec d’autres expressions temporelles
Ci-dessous nous résumons les différences majeures de l’approche pragmalinguistique
du il y a temporel dans les dix méthodes étudiées :
Du point de vue linguistique, l’élément contrastif de base pour le il y a temporel
est depuis – présent dans sept séries et, en deuxième lieu, pendant – présent dans
six séries ; viennent ensuite dans, jusqu’à et pour.
Du point de vue pragmatique, le contexte minimal de il y a est celui des
marqueurs temporels du passé. Ainsi par exemple, Cosmopolite 1 introduit il y
a dans un tableau de marqueurs temporels du passé établis par rapport au
moment de l’énonciation, englobant aussi avant et quand (avant, elles étaient
journalistes ; quand j’étais infirmière, je m’ennuyais) ; de même, Édito A1 [23]
intègre il y a dans la catégorie des mots (sic) qui permettent de répondre à la
question « Quand ? ».
Cependant, les méthodes élargissent fréquemment le contexte aux
circonstanciels de temps au présent et futur. Ainsi, Cosmopolite 2 [24] ajoute à
la triade il y a / pendant / depuis le marqueur du futur dans en mettant en
corrélation il y a et dans comme marqueurs temporels parallèles sur un axe de
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
52
temps s’étendant du côté gauche vers le passé et du côté droit vers le futur. Édito
A1 [25] place il y a en compagnie de : la semaine dernière, hier, demain, dans
trois jours, la semaine prochaine, et Mobile A2, dans le Précis grammatical
[26], l’incorpore dans la chronologie absolue allant de il y a une semaine/la
semaine dernière, avant-hier, hier, à travers aujourd’hui jusqu’à demain, après-
demain, la semaine prochaine/dans une semaine – visualisés sur l’axe de temps
(comme d’ailleurs dans Édito A1).
D’autres méthodes insèrent il y a dans un paradigme sémantiquement
hétérogène des expressions temporelles. Un exemple emblématique peut être
celui de Agenda 2 [27]. Pour « situer dans le temps » (citation exacte du titre de
l’encadré), il faudrait employer les expressions il y a, au début, à la fin, mais
aussi... peu à peu et petit à petit (ex. petit à petit, je me suis habitué au froid) ;
cinquante pages après, il y a est quand même intégré dans une triade plus
logique basée sur les oppositions ponctuel/durable et initial/final, à savoir :
point de départ d’une action (depuis, depuis que, il y a), point final d’une
situation (jusqu’à) et durée (il y a ... que, pendant). Entre nous 2 appartiendrait
à la même catégorie : sa section Grammaire [28] insère il y a trois jours entre
hier et la semaine / l’année dernière pour parler d’un moment dans le passé, en
plus des moyens utilisables pour parler d’un moment précis ; pour exprimer une
période ; pour parler d’un intervalle de temps entre deux dates ; pour exprimer
une idée de durée dans le passé et les marqueurs de continuité et de
discontinuité. De même, Totem 1 évoque il y a dans une phrase à la page 80,
mais lui consacre plus de place dans le mémento grammatical en fin de livre
[29], en le classant parmi les moyens servant à indiquer un moment, énumérés
dans le tableau ci-dessus, à côté des moyens à employer pour indiquer la
chronologie, pour exprimer la durée et pour exprimer l’antériorité/la
postériorité. Finalement, Vite et bien, dans sa démarche déductive, répertorie
différentes expressions de temps en insistant sur leurs traits de sélection (verbe
au présent, passé ou futur ; nom).
Dans ce paysage, se distingue Totem 2 qui subordonne il y a à l’objectif
pragmatique raconter un changement de vie, selon le modèle suivant [30] :
Je suis arrivé en France il y a dix ans.
J’ai travaillé pendant vingt ans.
Et puis, j’ai eu des enfants.
J’ai décidé de changer de carrière.
J’ai changé de voie.
Qu’en est-il de la valeur sémantique de il y a dans les manuels de FLE étudiés ? Les
gloses de il y a dans notre corpus fournissent les informations sémantiques suivantes
sur le il y a temporel :
on utilise il y a pour situer un événement dans le passé [31] ;
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
53
il indique le point de départ d’une situation [32] ; d’une durée [33], le moment
originel [34] ;
l’action est terminée au moment de la parole [35] ;
l’action est ponctuelle [36] ;
avec il y a + durée, on indique le temps écoulé entre un événement passé et le
moment présent [37].
De ce qui précède, il résulte indubitablement que le il y a temporel est... une expression
de temps, mais que ses relations paradigmatiques dans le système de la langue française
sont fluctuantes. Du point de vue syntagmatique, à part des informations irrégulières
sur la combinatoire du il y a temporel avec le passé composé, seul Édito A1 [38] a le
mérite de fournir aux apprenants une règle supplémentaire : « En général, les
indicateurs de temps se placent au début ou à la fin de la phrase ». Pour ce qui est de la
sémantique, les données globales sont tout à fait conformes au Trésor de la langue
française informatisé [39], mais en situation didactique, l’apprenant n’accède qu’à une
fraction d’entre elles (par exemple « L’action est terminée au moment où on en parle »
[40]).
Un apprenant polonophone sera-t-il capable de construire, sur la base de ces indices, un
pont entre le il y a temporel français et une expression à valeur équivalente dans sa
langue-source ? Or, étant donné son origine polonaise, la seule méthode qui fournit la
traduction du il y a temporel est Déjà vu [41] : il y a quelques minutes = kilka minut
temu.
3. Il y a temporel dans la perspective lexicographique bilingue
Dans la majorité des méthodes consultées (6 cas sur 10), le il y a temporel est introduit
dans le premier volume, soit à un stade relativement précoce de l’apprentissage. Cette
pratique correspond à la démarche des rédacteurs du Dictionnaire du français langue
étrangère (Cf. Dubois éd., 1978, 1979 ; désormais, respectivement DFLE I et DFLE II)
qui, se basant sur le critère de fréquence, présentent le sens temporel de il y a dès le
premier volume, renfermant une nomenclature d’environ 2500 entrées et censé
correspondre « au premier niveau des méthodes d’apprentissage du français » (DFLE
I, p. VII) ; dans le DFLE II (p. IX), on précise que « on a aussi ajouté des sens nouveaux
aux 2500 mots retenus dans le niveau I ». Ainsi, l’application de ce critère fréquentiel
devrait contraindre les lexicographes bilingues à inclure le il y a temporel dans tous les
dictionnaires que nous avons étudiés, vu que le plus petit d’entre eux, le HLE [42],
propose justement une nomenclature d’environ 2500 items dans chacune de ses deux
parties. Ajoutons ici que – et ce n’est guère étonnant – le mot polonais temu,
correspondant de base du il y a temporel, fait lui aussi partie du lexique fondamental :
il figure parmi les 1500 items les plus fréquents du polonais selon Kurcz et al. (1990).
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
54
La question n’est donc pas tant de savoir s’il faut ou non inclure il y a (dans toutes ses
acceptions) dans un bilingue français-autre langue, mais plutôt où l’inclure : dans la
nomenclature ou dans l’article d’un (ou plusieurs) de ces formatifs (il, y, avoir) ? Or,
théoriquement, une séquence entièrement figée, telle il y a, devrait faire l’objet d’un
article à part (Cf. Gross, 1996 : 16) ; c’est d’ailleurs cette solution qui a été retenue dans
le DFLE (I et II) dont l’usager est informé que « les mots sont à leur ordre alphabétique,
y compris les adverbes ou les prépositions comportant plusieurs constituants » (DFLE
I, p. IX ; aux articles avoir et y de ce dictionnaire – mais pas dans celui de il – figure un
renvoi à il y a). Si on penche vers l’autre solution, il faudrait respecter le principe
général de traitement des unités figées en vertu duquel elles « devraient idéalement être
présentées sous chacune de leurs composantes sauf celles purement grammaticales »
(Roberts, 1993 : 40). Il s’ensuit que il y a serait à chercher à l’article du verbe avoir.
Or, ce dernier mot, du fait de sa haute fréquence d’emploi et du nombre de ses
acceptions, appartient à ce qu’on considère comme les bêtes noires des lexicographes.
Bref, la nature locutionnelle de il y a ainsi que la nature de ses formatifs laissent prévoir
certaines difficultés dans le traitement lexicographique de cette unité.
Voyons à présent comment les lexicographes bilingues se sont acquittés de cette tâche.
Comme corpus, nous avons retenu 35 dictionnaires (bipartites ou monopartites français-
polonais) de toutes les tailles, publiés sur support papier à partir des années 1960 et
adressés, exclusivement ou entre autres, aux apprenants de FLE.
La solution du BER est à la fois simpliste et inappropriée : il y a est tout simplement
absent. Il en est de même dans le MBO, ouvrage dans lequel « le premier critère du
choix des mots et des abréviations est leur fréquence d’utilisation » (p. 7) ; remarquons
néanmoins qu’en tant que locution, il y a a pu échapper à ce critère de sélection du
lexique. La différence entre le MBO et le BER tient à ce que le premier, plus
volumineux, propose plus souvent des exemples d’emploi. Or, il nous a paru intéressant
de voir si le il y a temporel apparaît dans l’exemplification des noms qu’il peut
sélectionner ; pour le vérifier, nous avons consulté les articles de quelques noms de
mesure du temps (NMT) susceptibles de se combiner avec il y a (minute, heure, jour,
semaine, mois, an) et, à l’article mois, nous avons trouvé l’exemple il y a un mois →
miesiąc temu (pour le BER, la consultation de ces six articles a donné un résultat
négatif).
Cinq dictionnaires incluent il y a, mais pas dans son acception temporelle. Le HLE
propose la correspondance il y a → jest, znajduje się (s.v. avoir), le KUZ donne il y a
→ jest, są, znajduje się, znajdują się (s.v. avoir ; à la différence du HLE, les verbes
polonais sont également donnés au pluriel) et dans le NOM (s.v. y), on trouve les
équivalences il y a → jest, il n’y a pas → nie ma (ici, la locution française figure aussi
à la forme négative). Notons en passant que la nomenclature polonaise de ce
dictionnaire contient un article temu : temu il y a ; rok temu – il y a un an, où l’entrée
est suivie d’un bon équivalent, dont l’emploi est correctement illustré. Le SPR
renseigne sur il y a dans deux articles, y (il y a → jest) et avoir (il y a → jest, istnieje ;
Qu’est-ce qu’il y a ? → Co jest ? Co się dzieje ?), tout en négligeant son sens temporel.
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
55
Toutefois, le SPR place dans sa nomenclature polonaise la préposition przed qui est,
entre autres, un équivalent (stylistiquement marqué comme appartenant plutôt à la
langue écrite, voire littéraire ; Cf. Skibińska, 1995 : 134, Ucherek, 1997 : 377) du il y a
temporel (Cf. rubrique 3. de l’article przed : (rokiem, miesiącem itp.) il y a, cela fait ;
przed miesiącem il y a un mois, cela fait un mois). Le LIF, un dictionnaire scolaire par
excellence, se distingue des précédents en ce que il y a est placé directement dans la
nomenclature (d’une manière assez souple par rapport à l’ordre alphabétique strict : île,
îlot, il, il y a, illétré (sic), illettré) : il y a → jest, znajduje się.
En plus du LIF, trois ouvrages font figurer il y a dans la nomenclature, et ce, en
renseignant, d’une manière ou d’une autre, sur son emploi temporel. Dans le cas de
l’OXF, où il y a est situé entre ils et image, il s’agit d’un simple article de renvoi : il y
a [ilja] v zob. avoir (cependant, à l’article y de l’OXF, figure la rubrique 2. dédiée au il
y a présentatif : il y a jest, są ; il y a un café à côté (tu) obok jest kawiarnia ; il y a des
tomates au frigo w lodówce są pomidory). Remarquons que il y a est ici identifié
uniquement comme un verbe. Pourtant, à l’article avoir, la rubrique 6. est consacrée au
il y a verbal alors que la rubrique 7. porte sur le il y a temporel : il y a temu ; il y a deux
ans dwa lata temu. Le LEV, un dictionnaire dont les articles sont extrêmement pauvres,
situe il y a dans la nomenclature (à un endroit qui ne va pas de soi : il, il y a, île, illégal,
…) : il y a → temu (wstecz). Ici, la glose entre parenthèses (littéralement ‘en arrière’,
c’est-à-dire ‘vers le passé’) sert à informer qu’il s’agit de la seule acception temporelle
(passons outre la négligence du il y a présentatif). Le PWN, le dernier ouvrage dans
lequel il y a figure à la nomenclature (Cf. illustrer, il n’y a pas, il y a, image), propose
l’article suivant : il y a [ilija] exp imp jest, znajduje się ; są, znajdują się ; il y a deux
ans dwa lata temu. Abstraction faite de la prononciation, qui diffère de celle de l’OXF,
le défaut observé dans cet article tient à ce que tous les équivalents proposés sont ceux
du il y a verbal tandis que l’unique exemple atteste l’emploi du il y a prépositionnel,
qui se traduit d’une autre manière, à savoir par temu, absent de l’inventaire. Les quatre
traductions sont également citées dans l’article avoir du PWN où il y a n’est pas
exemplifié.
Le BCH et le SMI renseignent sur le il y a temporel uniquement à l’article il. Dans le
cas du BCH, il s’agit d’une simple mention dans la zone d’exemplification : il on ; il y
a 1. jest, są, znajduje się ; il pleut pada deszcz ; il y a longtemps dawno temu. On peut
supposer que la partie de l’article consacrée à il y a aurait dû être divisée en deux
rubriques, la seconde portant sur le il y a temporel, mais le chiffre 2, suivi d’un
équivalent, fait défaut de sorte que l’information sur sa traduction est à déduire de
l’adverbe lexicalisé dawno temu, équivalent de la locution adverbiale il y a longtemps.
Sous y, il y a est rendu uniquement par jest et znajduje się, et sous avoir, il n’est pas
mentionné ; il en est de même dans le SMI. En revanche, à l’article il du SMI, le
fragment portant sur il y a est subdivisé selon un principe sémantique, et ce, au moyen
de deux gloses, miejsce (‘lieu’) et czas (‘temps’) : (miejsce) il y a (tu) jest, znajduje się ;
(czas) il y a trois ans trzy lata temu. Cette partie de l’article il manque de cohérence :
pour le il y a verbal, on ne propose que les équivalents, alors que pour le il y a temporel,
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
56
on donne seulement un exemple ; de plus, il y a, introduit par un indice de
locutionnalité, devrait précéder la glose miejsce. Deux autres ouvrages, le POP et le
POW, renseignent sur le il y a temporel à l’article il, mais renvoient également à l’article
avoir. Dans la deuxième section de leur article il, dépourvue d’inventaire des
équivalents, figure entre autres l’exemple il y a deux ans → dwa lata temu. Quant à
l’article avoir, sa troisième section est subdivisée en deux rubriques, portant
respectivement sur le il y a verbal et temporel. Le contenu de cette dernière, introduite
par la glose (temporel) qui n’est suivie d’aucun équivalent, est pour le moins surprenant.
En effet, si le premier exemple cité (il y a 3 jours / 4 ans → 3 dni temu /4 lata temu)
illustre bien la valeur temporelle de il y a, il est impossible de l’affirmer pour les autres
(il n’y a plus rien à faire → nic więcej nie można zrobić ; il n’y en a que pour lui →
tylko to/on się liczy ; il n’y a pas de quoi ! → nie ma za co !).
Le seul bilingue à mentionner le il y a temporel seulement à l’article pronominal y est
le ROM. On n’y propose que les équivalents du il y a verbal (jest, znajduje się, są,
znajdują się ; le il y a verbal est aussi présent à l’entrée avoir), mais le second des
exemples fournis a la forme il y a deux mois → dwa miesiące temu. Sept autres ouvrages
signalent l’existence du il y a temporel aussi bien aux articles y que avoir. Ainsi,
l’article y du KSO contient le fragment il y a → jest, są ; temu. Il convient de souligner
que l’équivalent temu, s’imposant dans la traduction du il y a temporel, est présent dans
l’inventaire et qu’il est correctement séparé (par un point-virgule) des deux autres,
considérés comme synonymiques. Dans l’exemple censé illustrer cette équivalence (il
y a une semaine → tydzień temu, przed tygodniem) les auteurs montrent qu’il est
également possible d’employer dans la traduction przed, absent de l’inventaire (sans
raison car l’exemple devrait précisément illustrer des équivalents cités dans l’inventaire
et non en introduire d’autres). Le traitement de il y a dans l’article avoir du KSO est un
peu moins réussi dans la mesure où l’inventaire ne contient aucun équivalent du il y a
temporel, bien qu’un des exemples soit il y a un an → rok temu. Contrairement au ROM
et au KSO, le SZT et le JST interprètent le y de il y a comme un adverbe. Après avoir
cité quelques équivalents du il y a verbal (dont bywa et bywają), qui ne sont pas
exemplifiés, les deux ouvrages donnent le couple de syntagmes il y a trois jours → trzy
dni temu. Dans la partie de l’article avoir consacrée à l’emploi impersonnel de l’entrée,
les auteurs introduisent il y a suivi des équivalents polonais propres à son emploi verbal
et de quelques exemples ; pourtant, le dernier de ces exemples illustre l’emploi temporel
(il y a une quinzaine → dwa tygodnie temu). Dans les SPO et DUS, il y a figure dans
l’article pronominal y. Encore une fois, l’inventaire des équivalents ne contient aucun
correspondant du il y a temporel, mais c’est ce dernier qui est exemplifié (il y a un mois
→ miesiąc temu). À la fin de l’article avoir du SPO figurent les équivalences il y a →
jest, znajduje się et il y a dix ans → dziesięć lat temu ; ces constructions ne sont pas
typographiquement distinguées des autres, si bien que formellement, il faut les
considérer comme des exemples d’emploi de l’entrée à l’égal des syntagmes libres. Par
contre, dans son article avoir, le DUS fait précéder d’un losange noir (marque de
locution) aussi bien il y a traduit par jest, znajduje się que le syntagme il y a dix ans
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
57
traduit par dziesięć lat temu. Curieusement, l’exemple d’emploi du il y a verbal est, lui-
aussi, introduit par un losange ; d’autre part, l’information sur le il y a temporel est
réduite à l’exemple seul, non précédé par l’équivalence il y a → temu, qui devrait
s’intercaler entre le losange et l’exemple. Dans le DEL, il y a est placé dans la zone de
l’article y regroupant des expressions : il y a jest, znajduje się ; il y a deux ans dwa lata
temu. Une fois de plus, le il y a verbal est suivi des équivalents et non exemplifié, à
l’inverse du il y a temporel (formellement, les auteurs donnent comme expression tout
le syntagme il y a deux ans, ce qui est incorrect). Sous avoir, nous retrouvons il y a
suivi des équivalents aptes à rendre seulement son sens verbal, mais parmi les quatre
exemples, figure il y a trois ans → trzy lata temu. Dans l’article y, le GDF, unique grand
dictionnaire français-polonais, consacre toute une rubrique à il y a. Cette construction
est suivie de l’inventaire de ses équivalents dans l’emploi verbal. Ensuite, après un
losange blanc, qui sert à séparer les locutions phraséologiques non (ou peu) liées à un
sens de l’entrée (ici : il y a ?), sont regroupés les emplois temporels de il y a : on y
retrouve non seulement il y a suivi d’un NMT (Cf. il y a une semaine → tydzień temu,
przed tygodniem), mais aussi la construction il y a … que (Cf. il va y avoir quatre ans
que nous habitons dans cette maison → niedługo będzie <miną> cztery lata, jak
mieszkamy w tym domu). Par contre, dans l’article avoir du GDF, les emplois de il y a
ne sont pas aussi bien séparés : l’inventaire ne propose que les équivalents du il y a
présentatif alors que parmi les nombreux exemples, certains illustrent l’emploi du il y
a temporel, qui nécessite d’autres moyens de traduction (Cf. il y a un an → rok temu ;
minął rok – cette seconde traduction laisse perplexe, le verbe minąć pouvant être utilisé
dans la traduction de la construction il y a … que ; Cf. il y a trois ans que je suis arrivé
→ minęły trzy lata, jak wróciłem ; trzy lata temu wróciłem).
Les dictionnaires restants renseignent sur le il y a temporel exclusivement à leur article
avoir. Le BIE et le DPF offrent un inventaire des équivalents du seul il y a présentatif
tout en faisant figurer le il y a temporel dans l’exemplification (respectivement, il y a
quatre semaines → cztery tygodnie temu, il y a une semaine → tydzień temu). Le LAM,
le LAW et le LAP traitent il y a dans un sous-article, introduit par un carré blanc (signe
dont la fonction n’est pas expliquée) : la deuxième rubrique, privée d’inventaire des
équivalents, regroupe les emplois temporels (il y a trois ans → trzy lata temu ; il y a
plusieurs années que nous venons ici → przyjeżdżamy tutaj od kilku lat – cet exemple
est absent du LAW qui se limite au premier couple de syntagmes). Le LCP ne s’en
distingue que par les exemples (il y a dix ans → dziesięć lat temu ; il y a longtemps
qu’il est parti → wyjechał dawno temu). Le LAN, le POM, le POS, le POU, le SZK et
le WRZ consacrent à il y a une rubrique numérotée ; l’équivalent temporel temu, absent
de l’inventaire, est employé dans un exemple (il y a un an → rok temu ; il y a 3 jours
→ trzy dni temu). Dans le LIN, il y a est à chercher dans l’exemplification – y figure
notamment le couple il y a une demi-heure → pół godziny temu.
Après avoir analysé les 35 bilingues français-polonais, nous constatons que deux
d’entre eux, le BER et le MBO, n’ont inclus il y a, ni dans leur nomenclature, ni dans
un article consacré à un de ses formatifs (il, y, avoir), ce qui ne se laisse pas justifier.
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
58
Par ailleurs, dans le MBO, nous avons repéré une occurrence du il y a temporel parmi
les exemples donnés dans l’article mois ; or, en bonne méthode, le lexique utilisé dans
les exemples d’un dictionnaire devrait y être expliqué.
Treize dictionnaires renseignent il y a seulement à l’article avoir, deux (LEV, LIF) se
limitent à le situer dans la nomenclature et un seul, le NOM, ne le décrit qu’à l’article
y ; aucun dictionnaire n’inclut il y a uniquement à l’article il. Dans la majorité des cas,
il y a est présenté à au moins deux endroits (le plus souvent, sous avoir et y – dix cas
de figure) ; notons ici l’absence quasi générale de renvois dans les articles concernés,
les heureuses exceptions étant l’OXF et deux dictionnaires PONS (POP, POW). D’autre
part, 28 ouvrages font figurer il y a sous avoir, 15 sous y, cinq sous il et quatre en font
un item de la nomenclature. En toute logique, la stratégie de recherche de il y a devrait
être la suivante : commencer par la lecture de l’article avoir, ensuite aller voir à y, puis
à il, et enfin rechercher l’article il y a dans la macrostructure. En outre, aucun des
dictionnaires qui retiennent il y a dans leur nomenclature ne se prononce, dans le
paratexte, sur les principes de traitement des unités polylexicales, si bien que,
contrairement aux DFLE, l’usager n’est pas averti de cette possibilité.
Une autre question touche au contenu des articles d’un même dictionnaire. À ce propos,
en règle générale, ce sont les articles avoir qui sont les plus riches en informations,
proposant aussi bien des équivalents du il y a verbal que du temporel. Toutefois dans le
cas du PWN et du ROM, c’est l’inverse : c’est, respectivement, dans les articles il y a
et y que l’on présente les deux emplois, alors que dans les articles avoir, seul le il y a
verbal est cité. De même, les deux emplois figurent dans les articles il du BCH et du
SMI tandis que les articles y de ces ouvrages se limitent à renseigner sur le il y a verbal.
En ce qui concerne les deux acceptions de il y a, le LEV est le seul à n’informer que
sur le il y a temporel et cinq ouvrages se bornent à mentionner le il y a verbal ; ces
solutions ne sont pas bonnes vu la fréquence élevée de il y a pris dans les deux
acceptions. De plus, sept dictionnaires introduisent le il y a verbal dans deux articles et
le DPF le fait dans tous les trois (il, y, avoir). Cependant, les huit ouvrages renseignent
sur le il y a temporel dans un seul article. La situation inverse n’a lieu que deux fois
(Cf. POP et POW). Ainsi, sans raison apparente, le il y a verbal est plus présent dans
les bilingues analysés que le il y a temporel.
Quant aux dictionnaires qui ne distinguent pas l’acception temporelle de il y a, dans
deux d’entre eux, cette construction est donnée en tant qu’équivalent d’une préposition
temporelle polonaise (Cf. l’article temu du NOM et l’article przed du SPR). Or,
normalement, les unités données comme équivalents dans une partie du dictionnaire
devraient figurer aussi dans l’autre ; les deux ouvrages nécessitent une harmonisation à
cet égard.
Les microstructures des articles contenant il y a présentent plusieurs défauts. Tout
d’abord, en tant que locution, il y a devrait figurer soit dans un sous-article, ce qui n’est
guère pratiqué que dans les dictionnaires Larousse, soit dans la zone phraséologique,
identifié par un indice de locutionnalité, ce qui est tout aussi rare. Certains ouvrages
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
59
placent il y a dans une rubrique numérotée ; cette technique permet certes de distinguer
la construction au sein de l’article, mais elle reste en désaccord avec la fonction
habituelle des chiffres dans les articles lexicographiques, qui est d’introduire les sens
successifs d’une entrée polysémique, et non des locutions qui la contiennent.
Ensuite, le cas échéant, il serait souhaitable de séparer les deux emplois de il y a, verbal
et prépositionnel, ce qui est tout aussi rare. D’habitude, ils restent confondus.
Notamment, certains ouvrages (Cf. DEL, DUS, JST, SPO et SZT s.v. y ; Cf. PWN)
proposent des équivalents du seul il y a verbal en ne fournissant qu’un exemple du il y
a prépositionnel. Encore plus nombreux sont les bilingues qui limitent leur inventaire
des équivalents à ceux qui traduisent le il y a verbal, mais qui, dans l’exemplification,
font figurer les deux emplois. Il arrive aussi que le syntagme contenant le il y a temporel
soit tout simplement noyé dans l’exemplification du mot d’entrée. En général, si les
lexicographes donnent volontiers un inventaire des équivalents du il y a verbal, ils
évitent quasi-systématiquement de le faire pour le il y a prépositionnel, ce qui nous
laisse perplexes ; à cet égard la bonne pratique observée dans le KSO constitue une
exception. Une des raisons en est peut-être que l’équivalent polonais temu est insolite,
car il passe pour l’unique préposition polonaise postposée à son régime [43].
Enfin, la construction il y a … que est absente des ouvrages consultés, à l’exception du
GDF et de trois dictionnaires Larousse (LCF, LAM, LAP), ce qui converge d’ailleurs
avec la réalité observée dans les méthodes de FLE. On pourrait tout de même s’attendre
à ce que les plus grands bilingues (GDF, LCF) offrent un inventaire plus complet des
moyens de la traduire, dont certains restent en distribution complémentaire (Cf.
Skibińska, 1995 : 135-141, Ucherek, 1997 : 377-378).
4. Conclusion
Ce que les manuels de FLE et les dictionnaires bilingues interrogés ont en commun,
c’est de ne pas identifier le il y a temporel comme une locution prépositive. Aux yeux
d’un apprenant débutant, ce n’est sûrement pas un défaut (en tout cas, pas un défaut
important) ; ce qui comptera plus, c’est la présence d’une explication sémantique
accompagnant cette locution, et telle est justement la pratique des méthodes consultées.
Néanmoins, dans le contexte universitaire qui nous intéresse plus particulièrement,
l’apprenant pourrait être progressivement sensibilisé à la dénomination linguistique des
unités de la langue étrangère, et d’autre part, ses connaissances grammaticales déjà
acquises sont susceptibles de lui permettre de tirer un profit des informations
grammaticales véhiculées par des marques telles que loc. prép., fréquemment
employées dans les dictionnaires. Rien n’empêche donc d’identifier le il y a temporel
comme une locution prépositionnelle, notamment dans un bilingue ; il est naturel que
le bagage (méta)linguistique des usagers ne soit pas égal, et que pour certains, cette
information reste obscure alors que pour d’autres, elle puisse s’avérer utile. Pourtant, il
faudrait d’abord que les lexicographes distinguent plus clairement les deux emplois de
il y a, ce qui est loin d’être la règle. En l’état actuel, l’usager désireux de connaître la
Revue MÉTHODAL No 4 Enseignement du français langue étrangère en contexte universitaire
60
traduction du il y a temporel doit être bien familiarisé avec la pratique du dictionnaire
et faire preuve d’une certaine imagination : il doit en effet chercher cette construction à
plusieurs endroits du dictionnaire et lire les articles lexicographiques dans leur
intégralité, puisque l’emplacement de l’information recherchée dans la microstructure
des articles n’est pas entièrement prévisible.
Notes
[1] Voir Skibińska (1995) pour les traductions polonaises du il y a temporel, et Skibińska (1996) pour
celles du il y a présentatif et existentiel.
[2] Sur le rôle important des dictionnaires bilingues dans l’apprentissage des langues étrangères, Cf. aussi
Tallarico, 2018.
[3] Ces niveaux correspondent aux deux premiers volumes des méthodes, à l’exception de Vite et bien qui
les couvre dans son premier volume.
[4] Nous excluons de nos investigations le contenu du cahier d’exercices.
[5] Alter Ego+ 1 (p. 174), Alter Ego+ 2 (p. 31), Édito A1 (p. 98).
[6] Vite et bien 1 (p. 136), Agenda 2 (p. 156), Alter Ego+ 1 (p. 174), Alter Ego+ 2 (pp. 31 et 49),
Cosmopolite 1 (p. 189), Cosmopolite 2 (pp. 41 et 162), Édito A2 (p. 23 ; la méthode, dans l’exercice 5, a
aussi le mérite de demander de justifier la réponse), Entre nous 1 (p. 117), Le nouveau taxi ! 1 (p. 59),
Mobile A2 (p. 47), Totem 2 (p. 47).
[7] Vite et bien 1 (p. 136).
[8] Entre nous 1 (p. 117).
[9] Agenda 2 (p. 157), Le nouveau taxi ! 1 (p. 117), Totem 2 (p. 43).
[10] Cosmopolite 1 (p. 135).
[11] Édito A1 (p. 98).
[12] Agenda 2 (p. 157), Totem 2 (p. 43), aussi Mobile A2 (p. 47) avec des questions biographiques.
[13] Alter Ego+ 1 (p. 174).
[14] Dans Alter Ego+ 2, Cf. pp. 26 et 41.
[15] Alter ego+, Cosmopolite, Entre nous.
[16] Le nouveau taxi !, Édito.
[17] Déjà vu, Vite et bien.
[18] Agenda, Mobile.
[19] Totem 1 (p. 80).
[20] Totem 2 (p. 42).
[21] Alter ego+ 1 (pp. 174 et 186).
[22] Alter ego+ 2 (pp. 26 et 31).
[23] Édito A1 (p. 98).
[24] Cosmopolite 2 (p. 41).
[25] Édito A1 (p. 98).
[26] Mobile A2 (p. 124).
[27] Agenda 2 (p. 95).
[28] Entre nous 2 (p. 204).
Monika GRABOWSKA & Witold UCHEREK Il y a temporel dans l’enseignement du FLE aux polonophones. Approche didactique et lexicographique
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[29] Totem 1 (p. 107).
[30] Totem 2 (p. 42).
[31] Totem 1 (p. 80) ; Totem 2 (p. 43) ; Cosmopolite (p. 41) ; Alter ego+ 2 (p. 41) ; Alter ego+ 2 (p. 26).
[32] Agenda 2 (p. 156).
[33] Mobile A2 (p. 47).
[34] Vite et bien 1 (p. 133).
[35] Le nouveau taxi ! 2 (p. 59), Entre nous 1 (p. 117), Édito A2 (p. 23).
[36] Cosmopolite 2 (p. 41).
[37] Alter ego+ 1 (p. 174), Alter ego+ 2 (p. 26).
[38] Édito A1 (p. 98).
[39] « [Jouant le rôle d’une prép. introduisant un compl. de temps] Il y a sert alors à fixer un point du passé
séparé du présent par le délai qu’indique le compl. temporel : il y a huit jours vise un point du temps
situé dans le passé huit jours avant le présent. Il y a s’oppose donc d’une part à dans* qui marque
symétriquement un point dans l’avenir à telle ou telle distance du présent et d’autre part à depuis* qui
indique un laps de temps écoulé à partir du moment repéré et qui comporte toujours une idée de limite
initiale [...] » (http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?30;s=2924596785;r=2;nat=;sol=6).
[40] Édito A1 (p. 23).
[41] Déjà vu 2 (p. 33).
[42] Les abréviations identifiant les dictionnaires bilingues sont développées dans la bibliographie.
[43] Sur l’histoire de la syntaxe NMT + temu voir Pisarkowa (1961) ; au sujet du statut grammatical de
cette forme dans le polonais contemporain, consulter Wiśniewski (1986) ; Cf. aussi Ucherek (2019 : 143-
144) pour sa place dans la nomenclature des dictionnaires.
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