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Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé Revue de presse du 24 mai au 9 juin 2017 N° 333 35, rue Saint-Dominique – 75700 Paris 01.42.75.66.44 DIFFUSION RESTREINTE

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Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé

Revue de presse

du 24 mai au 9 juin 2017

N° 333

35, rue Saint-Dominique – 75700 Paris

01.42.75.66.44

DIFFUSION RESTREINTE

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SOMMAIRE n° 333 du 24 mai au 9 juin 2017

I- ÉTHIQUE Un fils et une sœur face à la maladie d’Alzheimer 1/2 La Croix, 30/05/17 Fin de vie : le Conseil constitutionnel valide de nouvelles dispositions 2 Le Figaro avec AFP, 02/06/17 Exit : 2 frères continuent leur combat en justice 2/3 La Tribune de Genève, 05/06/17 « Tuer la mort » : un essai controversé en Amérique latine 3/4 Bioedge, 06/06/17 Un vétérinaire exercera-t-il à l’hôpital Mondor ? 4 Le Figaro, 07/06/17 Le comité d’éthique se prononcera avant la fin juin sur la PMA 5 La Croix, 07/06/17 Les sénateurs et évêques de République dominicaine défendent la vie 5/6 Famille Chrétienne, 07/06/17 PMA : un homme de 69 ans obtient le droit d’être père 6 Le Parisien, 07/06/17 Essai Biotrial : le profil du médicament aurait dû inquiéter 7 Le Figaro, 09/06/17 La Cour Suprême d’Angleterre demande l’arrêt des soins du petit Charlie 7/8 BBC, 08/06/17 Sédation profonde : la SFAP précise les notions de « court terme » et de « souffrance réfractaire » 8/9 Famille Chrétienne, 08/06/17 II- SOCIÉTÉ Dernier chèque à la ligue contre le cancer 10/11 Dernières Nouvelles d’Alsace, 23/05/17

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Prévenir pour préserver la santé du fœtus 11/12 Le Quotidien du Médecin, 22/05/17 Fin de vie, le Conseil constitutionnel décidera le 2 juin 12/13 La Croix, 24/05/17 Le Parlement polonais limite l’accès à la pilule du lendemain 13/14 Le Monde 29/05/17 Le procès du Mediator aura lieu d’ici fin 2018 14/15 Le Figaro, 25/05/17 « Malades, nous devons nous imposer comme un contre-pouvoir » 15/16 Libération, 30/05/17 Dépister la trisomie 21 sera bientôt gratuit 16/17 La Libre Belgique, 29/05/17 L’Allemagne met fin à l’anonymat des donneurs de sperme 17/18 La Libre Belgique, 27/05/17 Des femmes privées d’Avastin contre le cancer du col de l’utérus 18/19 Le Monde Science et Techno, 31/05/17 Bruxelles repousse encore l’épilogue de la saga des perturbateurs endocriniens 20 La Croix, 31/05/17 Quelle filiation pour les enfants nés d’une mère porteuse ? 21 La Croix, 31/05/17 Imagine, des médecins du monde entier au cœur de Paris 21/23 La Croix, 31/05/17 GPA : la place du parent d’intention devant les juges 23/24 Le Figaro, 31/05/17 Santé : la France devra faire face en 2020 à une forte hausse des traitements de longue durée 24/25 Le Monde, 01/06/17 Pourquoi l’UE n’arrive-t-elle pas à trancher sur les perturbateurs endocriniens 25/27 La Croix, 01/06/17 Fin de vie : la procédure d’arrêt des soins validée 27/28 Le Monde, 03/06/17 « Monsanto Papers » : la bataille de l’information 28/33 Le Monde, 03/06/17 A Paris, les difficiles débuts de la « salle de shoot » 33/35 La Croix, 06/06/17 Mediator : pourquoi le parquet demande un procès contre les laboratoires Servier 35/37 Le Monde, 07/06/17 Le gala Autistes sans frontières à l’hôtel Marcel Dassault 37/38 Le Figaro, 07/06/17 Une victime de la pollution de l’air attaque l’Etat 38/40 Le Monde, 08/06/17

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Concilier PMA et emploi reste difficile 40/41 Le Monde, 08/06/17 Amniocentèse mortelle : l’hôpital hors de cause 41/42 La Nouvelle République, 06/06/17 Alerte à la codéine, médicament détourné en nouvelle drogue à la mode 42/43 Le Parisien, 09/06/17 Le moustique OGM n’est « pas une solution miracle » 43/44 Le Monde, 09/06/17 III – RECHERCHE Découverte de 40 gènes impliqués dans l’intelligence 45 Sciences et Avenir avec AFP, 23/05/17 A quand la reconnaissance de la stimulation magnétique transcrânienne en France ? 45/47 Le Monde Science et Techno, 24/05/17 CRISPR, des mutations « off-targets » encore plus inattendues 47/48 Le Quotidien du Médecin, 29/05/17 Infertilité : la sécurine, clé d’une fertilité retrouvée ? 48 Santé Log, 26/05/17 La guerre des bactéries lancée dès l’arrivée à l’hôpital 48/49 Le Figaro, 30/05/17 Glyphosate et cancer : des études-clés ont été sous-estimées par l’expertise européenne 49/51 Le Monde, 31/05/17 Sclérose en plaques : pourra-t-on un jour « réparer » les neurones ? 51/52 Sciences et Avenir avec AFP, 31/05/17 Des questions et des solutions 52/53 Libération, 02/06/17 Le LSD pourrait-il devenir un médicament ? 54/55 Le Figaro, 06/06/17 Peut-on dépolluer les océans ? 55/56 La Croix, 07/06/17 Dans la fabrique des plantes du futur 56/60 Le Monde Science et Techno, 07/06/17 Les cellules reprogrammées iPS « utiles pour toutes les maladies » 61 L’Orient-Le Jour, 08/06/17 Nanobiotix espère révolutionner le traitement du cancer 61/62 Le Figaro, 07/06/17

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IV - PERSONNALITÉS, FILMS ET OUVRAGES Qui est Tedros Adhanom Ghebreyesus, premier Africain à la tête de l’OMS 63/64 La Tribune, 24/05/17 Le charme discret de la clinique 64/65 Le Quotidien du Médecin, 18/06/17 Vincent Guillot, l’arrache-corps 65/67 Libération, 29/05/17 L’enfant, le grand oublié 67/69 La Libre Belgique, 26/05/17 Act Up sur les marches du Festival de Cannes 69/70 La Croix, 06/06/17 Agnès Buzyn brosse la santé dans le sens du poil 70/71 Libération, 07/06/17 La prévention sera au cœur de la mission d’Agnès Buzyn à la Santé 71/72 Le Figaro, 09/06/17

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ÉTHIQUE

Un fils et une sœur face à la maladie d’Alzheimer La Croix du 30 mai 2017 par Pierre Bienvault

Le courrier des lecteurs de « La Croix » a reçu deux appels de proches de malades. Deux histoires de détresse ordinaire face à une vie déboussolée.

C’est important le courrier des lecteurs, dans un journal. C’est comme un baromètre des humeurs du jour. Des humeurs primesautières et, parfois, chagrines. Il y a les lecteurs enthousiastes, chaleureux, qui alignent les compliments. Il y a aussi les lecteurs déçus, furieux, qui, parfois, vont jusqu’à menacer de changer de « crémerie » pour continuer à s’informer. Et puis, de temps en temps, il y a aussi des lecteurs désespérés. Pas parce qu’ils ont lu tel ou tel article. Désespérés simplement par la vie qui ne va plus comme il faut. Perdus au point de ne plus avoir d’autre solution que d’écrire à un journal comme on lance une bouteille à la mer.

« Je suis désespéré, me sens totalement impuissant et me demande si cela ne vaut pas (…) un petit mot dans la presse puisque seuls les médias sont porteurs de solutions. » C’est par ces mots que Jacques termine son courrier. L’histoire d’un fils qui s’occupe de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer et « d’une affection cardiaque assez grave nécessitant un suivi médical régulier ». Une dame hébergée depuis quatre ans dans une maison de retraite et dont le médecin traitant vient de cesser son activité. Alors depuis trois semaines, son fils remue ciel et terre pour trouver un autre généraliste. Il en a contacté plus d’une vingtaine. Tous débordés et dans l’incapacité de prendre une nouvelle patiente. « J’ai tout essayé, les élus, le département et la région Normandie… », écrit Jacques qui ajoute : « Aujourd’hui où l’on n’entend parler que de solidarité, de protection et que sais-je encore, une vieille dame de bientôt 87 ans va se retrouver sans médecin et donc seule à attendre de mourir. » Quelques jours plus tard, au téléphone, Jacques confie que frapper à toutes les portes a fini par payer. « La maison de retraite devrait lui trouver un médecin », explique, au téléphone, ce fils qui, depuis trois semaines, avait « perdu le sommeil ».

« Je ne sais pas quoi faire… » C’est par ces mots que Nicole commence le message adressé au site Internet de La Croix. Une histoire d’Alzheimer encore. Et d’une dame de 90 ans qui veut rester chez elle, tout en refusant toute aide extérieure. Juste une heure le matin, le ménage hebdomadaire et des plateaux-repas qu’on lui apporte le soir. Mais rien d’autre. Une dame qui ne veut plus voir l’infirmière, ni les dames « pourtant très gentilles » qui venaient à midi et le soir pour l’aider à manger. Au grand désespoir de Nicole, sa sœur, 85 ans, qui vit à 10 kilomètres et passe tous les week-ends. « Le dimanche, je prends le relais et je fais ses courses, la lessive et je gère l’administratif. Le week-end dernier, comme j’étais absente, je lui avais tout acheté pour le dimanche et tout écrit sur une feuille collée sur le réfrigérateur. Mais elle n’a rien mangé, que les pots de yaourt, de crème au lait ou gâteau de semoule ou riz (seize pots en trois jours). Je ne sais pas si je dois râler, si je dois ne rien dire… Elle veut rester seule chez elle, sans visite. Je suis désorientée, car moi aussi je vieillis et j’ai une famille, des enfants, des petits-enfants et même sept arrière-petits-enfants. » Au téléphone, l’angoisse, cette fois, est toujours là. « De temps en temps, elle renvoie la personne du matin. J’ai peur que l’association finisse par ne plus envoyer personne. Je n’en dors plus », confie Nicole.

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Deux courriers à un journal. Deux détresses ordinaires face à une maladie qui chamboule tous les repères. « Elle ne me reconnaît presque plus », dit l’un. « C’est moi qui ne la reconnais plus », dit l’autre. Deux « aidants » parmi d’autres, déboussolés. Mais une fois le téléphone raccroché, le même sentiment que, malgré la fatigue et la solitude, ces deux-là ne vont pas baisser les bras. « C’est ma mère », dit l’un. « C’est ma sœur », dit l’autre.

Fin de vie: le Conseil constitutionnel valide de nouvelles dispositions Le Figaro avec AFP du 2 juin 2017

Le Conseil constitutionnel a validé aujourd'hui les dispositions sur l'arrêt des traitements par les médecins des patients hors d'état d'exprimer leur volonté, sous réserve que les proches puissent exercer un recours en justice « effectif » contre cette décision médicale. Dans sa décision, le Conseil a apporté des garanties aux proches en précisant que la décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie doit être « notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile ».

Les Sages avaient été saisis par l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) déplorant que l'arrêt des traitements d'un patient incapable de s'exprimer et qui n'a pas laissé de directive incombe actuellement aux seuls médecins et estimant que le doute concernant la volonté du patient devrait profiter au « droit fondamental à la vie ».

Exit: 2 frères continuent leur combat en justice La Tribune de Genève du 5 juin 2017

A Genève, les deux frères qui voulaient empêcher leur aîné de mourir avec l'aide d'Exit Suisse romande ont recouru contre la décision de non-entrée en matière du Ministère public.

Dans son ordonnance du 16 mai, dont l'ats (Agence télégraphique suisse) a pris connaissance ce lundi, le Ministère public écarte toute omission de prêter secours. Les deux frères avaient porté plainte contre Exit fin octobre. Ils estimaient que leur aîné, âgé de 82 ans, était en parfaite santé physique et que son désir de mourir était lié à une dépression. Or, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité ne lui avait pas proposé d'aide psychologique. Exit faisait valoir le fait qu'elle apporte désormais son aide aux personnes atteintes de « polypathologies invalidantes liées à l'âge ». Mais ce critère ne correspond pas aux exigences de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) : le patient doit être capable de discernement, être en fin de vie en raison de sa maladie et avoir la possibilité de suivre des traitements alternatifs.

Dans l'attente de trancher cette question, la justice avait interdit à Exit de prescrire ou de remettre toute substance létale à l'octogénaire. Ce veuf avait fait état de souffrances psychiques et physiques intolérables pour expliquer son recours à l'association dont il était membre depuis de nombreuses années. Il a finalement mis fin à ses jours seul le 11 novembre 2016.

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Dans leur recours du 29 mai contre l'ordonnance de non-entrée en matière, les frères rappellent les déclarations du vice-président d'Exit à L'Illustré du 2 novembre : il disait être « sûr » que l'homme se suiciderait « dans les prochains jours ». Selon eux, il y a bien eu omission de prêter secours. Le « mobile égoïste» était « de sauver la face » de l'association vu l'interdiction prononcée par la justice. Le défunt s'étant tué sans aide, le Ministère public n'a pas non plus retenu, dans son ordonnance de non-entrée en matière, d'infraction à la loi fédérale sur les médicaments et dispositifs médicaux. Les recourants considèrent, eux, que du pentobarbital de sodium, utilisé dans le cadre de l'assistance au suicide, a été prescrit de manière illégale à leur frère, même s'il ne l'a pas utilisé. La jurisprudence du Tribunal fédéral exige que cette substance soit remise sous ordonnance médicale. Dans le cas présent, le médecin qui a établi cette ordonnance est à la retraite, n'a jamais eu son propre cabinet et est membre du comité d'Exit, dénoncent les recourants, qui l'accusent aussi d'escroquerie et de faux dans les titres, avec la complicité du vice-président d'Exit.

Cette affaire se poursuit devant la justice genevoise, alors qu'Exit Suisse alémanique débattra lors de son assemblée générale, à mi-juin, de la possibilité d'élargir son champ d'action. Elle veut permettre le recours au suicide assisté aux personnes âgées en forme physiquement, mais qui souhaitent mourir par lassitude, comme l'ont révélé « Le Matin Dimanche » et la « SonntagsZeitung » dimanche. La question est aussi politique. Le Grand Conseil neuchâtelois a adopté en mars une initiative cantonale demandant au Parlement fédéral de se pencher sur les bases légales de l'assistance au suicide. Selon le Vert Laurent Kaufmann, auteur du texte, il s'agit de préciser le cadre dans lequel travaillent les organisations actives dans ce domaine, comme Exit ou Dignitas, qui fixent leurs propres règles.

« Tuer la mort » : un essai controversé en Amérique latine Bioedge du 6 juin 2017 par Michael Cook

« Tuer la mort ». Cet objectif transhumaniste est au cœur d’un essai controversé de réanimation de patients en état de mort cérébrale, le projet Reanima. La société de biotechnologies Bioquark, qui avait déjà fait parler d’elle en mai 2016 (cf. Essai « ReAnima » : des chercheurs veulent ramener à la vie des patients en état de mort cérébrale), envisage de débuter un nouvel essai en Amérique latine d’ici quelques mois. Le protocole, identique au premier essai annoncé mais avorté en Inde*, consiste à injecter des cellules souches du patient dans sa moelle épinière pour stimuler la croissance de neurones, les pousser à se connecter les uns aux autres, « et ainsi ramener le cerveau à la vie ». Des « thérapies » complémentaires seront également mises en œuvre : injection d’un mélange de protéines dans la moelle épinière, stimulation nerveuse électrique et traitement du cerveau au laser. Bioquark souhaite intégrer vingt patients à cet essai.

De nombreuses questions sont à ce jour sans réponses : « Qui décide si le patient est réellement en état de mort cérébrale ? Comment une personne décédée peut-elle participer à l’essai ? Qu’est-il prévu si les patients "ressuscitent" et sont gravement handicapés ? Les chercheurs ne jouent-ils pas avec les espoirs des familles ? Même en Amérique latine, obtiendront-ils une approbation éthique ? ». Nombre de scientifiques et bioéthiciens accusent Bioquark de « charlatanisme », et d’ « abuser des espoirs des familles en deuil ». Le PDG de Bioquark, Ira Pastor, reconnait que l'idée est « audacieuse », mais il pense que cela est possible, à l’instar de jeunes patients rétablis après une mort cérébrale : « De tels cas soulignent que les choses ne sont pas toujours noires ou blanches dans notre compréhension des graves troubles de la conscience », explique-t-il. En outre, il aurait mené des essais chez l’animal et les différentes phases du protocole ont déjà été testées chez des patients - vivants - atteints de lésions cérébrales, avec des résultats positifs.

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*L’essai annoncé à Rudrapur en Inde en avril 2016 n’a jamais inclus de patients ; il a été clôturé en novembre 2016.

Un vétérinaire exercera-t-il à l’hôpital Mondor ? Le Figaro du 7 juin 2017 par Anne Jouan

La nomination d’un spécialiste de santé animale dans l’équipe d’anatomopathologie suscite des interrogations en interne à l’AP-HP.

Un vétérinaire sera-il en poste dans l’un des plus prestigieux établissements de la région parisienne ? Pourra-t-il signer des comptes rendus d’analyses biologiques ou de tissus de patients humains ? Le 20 avril dernier s’est tenue à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne) une commission médicale d’établissement locale (Cmel), instance représentant les soignants de l’établissement. Dans le compte rendu consulté par Le Figaro, il est fait mention des nouveaux arrivants à Mondor. Puis il y a cette nomination surprenante qui a étonné plus d’un médecin de l’établissement. Elle concerne l’arrivée d’un anatomopathologiste, spécialité dédiée à l’étude morphologique des anomalies macroscopiques et microscopiques des tissus biologiques. Problème: l’« anapath » est… vétérinaire !

Après la mention « sous réserve », le compte rendu de la Cmel indique: « G. J. est vétérinaire, spécialisé en neuropathologie et a exercé comme pathologiste en diagnostic à l’École nationale vétérinaire d’Alfort. Il est actuellement expert à Pasteur. La demande vise à renforcer (…) l’équipe neuromusculaire » dans le contexte du départ de deux médecins. Le groupe chargé d’analyser les candidatures en amont d’un recrutement définitif « a mis la recevabilité de la demande sous condition d’obtention de la validation des acquis ou d’une délégation de tâche pour la lecture des biopsies neuromusculaires ». Le texte ajoute que, d’après « les premières informations » de la Direction générale de l’offre de soins qui dépend du ministère des Affaires sociales et de la santé, cette autorisation ne pourra pas être obtenue.

Un cadre de l’établissement explique : « Juridiquement, un vétérinaire qui n’a pas de formation de médecin ne peut pas valider des analyses biologiques. Les services du ministère de la Santé doivent trancher, et nous attendons leur avis définitif. » Pour le Conseil national de l’ordre des médecins, la question ne se pose même pas : « Il n’est pas possible pour un vétérinaire de faire de l’anatomopathologie humaine. » « Pour une candidature, nous analysons l’intérêt universitaire avant l’intérêt hospitalier », constate un cadre de l’établissement, expliquant que les capacités de recherche sont privilégiées par rapport aux compétences liées au soin. Une chef d’unité d’Henri-Mondor s’étrangle : « Dans les hôpitaux, les patients se plaignent de plus en plus d’être traités comme du bétail. Nommer un vétérinaire n’est finalement que la suite logique. »

En attendant l’arbitrage ministériel, Martine Orio, la directrice de Mondor, confie au Figaro « ne pas être favorable à un recrutement qui ne permette pas la validation des analyses anatomopathologiques ». Autrement dit, elle se prononce contre cette nomination. Mais alors, qui est à l’origine de cette idée ? Pourquoi avoir pensé à un vétérinaire si, juridiquement, sa formation ne lui permet pas d’occuper des fonctions de validation de biologie humaine ? Quid des questions d’éthique ? Sollicité par Le Figaro, le vétérinaire en question n’a pas répondu à nos appels. Enfin, que pense la ministre de la Santé de cette histoire ? Son mari, Yves Lévy, patron de l’Inserm, fut longtemps chef du service d’immunologie clinique à Mondor et y a conservé des attaches. A-t-il fait part à Agnès Buzyn de cette nomination et des remous qu’elle suscitait ?

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Le Comité d’éthique se prononcera avant la fin juin sur la PMA La Croix du 7 juin 2017 par Emmanuelle Lucas

Mercredi 7 juin, le président Jean-François Delfraissy a détaillé son agenda pour les prochains mois. Plusieurs grands chantiers seront au rendez-vous.

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) rendra « avant la fin du mois de juin » un avis très attendu sur la PMA (procréation médicalement assistée), notamment pour les couples de femmes, a annoncé mercredi 7 juin son président, Jean-François Delfraissy. « Il y aura des positions claires », l’avis du Comité sur cette question extrêmement polarisante « ne fera sûrement pas l’unanimité » et pourrait « déclencher des anticorps de part et d’autre », a prévenu le spécialiste du sida et des maladies infectieuses au cours d’une conférence de presse. La PMA, qui désigne l’ensemble des techniques médicales destinées à aider les couples infertiles à avoir un enfant, telles que la fécondation in vitro ou le don de sperme, est aujourd’hui interdite en France aux mères célibataires et aux couples de femmes. Un groupe de travail du Comité d’éthique planche sur la question d’une éventuelle ouverture depuis deux ans et sa réflexion « est arrivée à maturité », a indiqué le professeur Delfraissy, qui a pris la tête de cet organe consultatif en janvier. Cet avis sera, de fait, étudié à la loupe. Pendant la campagne présidentielle, en effet, le candidat Emmanuel Macron s’était déclaré « à titre personnel » favorable à l’extension de la PMA à des indications non plus seulement médicales, mais sociétales, tout en expliquant qu’il « respecterait » l’avis du CCNE sur la question et regarderait aussi « l’état de la société et des débats qui s’y jouent pour agir de manière apaisée ».

Quoi qu’il en soit, Jean-François Delfraissy a d’ores et déjà annoncé que cet avis sur la PMA ferait l’objet d’une révision dès la fin 2018 afin de prendre en compte les évolutions technologiques très rapides qui sont à l’œuvre, citant l’exemple de l’utilisation de Crispr-Cas9 (ciseaux moléculaires permettant de couper un gène) sur les gamètes. « Nous n’aborderons pas cette question dans l’avis à venir, mais nous devrons clairement nous positionner dessus en 2018-2019 », a expliqué le professeur Delfraissy.

Révision des lois de bioéthique et fin de vie au programme

Par ailleurs, le CCNE se prépare en vue de la révision des lois de bioéthiques prévue fin 2018. « Nous serons prêts pour soumettre des propositions à la nouvelle Assemblée nationale à l’automne 2018 », a expliqué le professeur Delfraissy, qui veut « ouvrir des fenêtres de réflexion » afin que les comités scientifiques (de l’Inserm, Pasteur, etc.) et la société civile puissent « interagir ». L’autre « grand sujet régalien » de la bioéthique est celui de la fin de vie. Si la loi Leonetti a représenté une avancée « très importante », selon le président du CCNE, il faut désormais faire un bilan de la pratique hospitalière, et notamment « se poser la question de comment on s’en empare dans les services, alors qu’il semble exister une grande hétérogénéité des pratiques. » Là encore, un bilan est annoncé pour 2018-2019.

Les sénateurs et évêques de République dominicaine défendent la vie Famille Chrétienne du 7 juin 2017

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Dans un communiqué du 1er juin, les évêques de République dominicaine « remercient » et « félicitent » les sénateurs pour le Code pénal qu’ils ont adopté le 31 mai. « La nation a donné un signal vigoureux quant à la défense de la vie comme valeur inviolable et comme fondement de la société ». Le Sénat a en effet rejeté plusieurs dispositions visant à dépénaliser l’avortement, portées par le gouvernement, avec le soutien d’ONG comme Amnesty International. Cette dernière y voyait une « occasion unique » de « se débarrasser d’une loi qui est l’une des plus répressives au monde ».

PMA: un homme de 69 ans obtient le droit d'être père Le Parisien du 7 juin 2017

Un homme a obtenu le droit d'être père à 69 ans : l'Agence de la biomédecine française, sur ordre de la justice, a accepté que lui soit rendu son sperme congelé pour qu'il puisse entamer un processus de PMA en Belgique, avec son épouse âgée de 33 ans.

L'établissement public a déclaré mercredi avoir finalement donné son feu vert à cette exportation de sperme, confirmant une information du quotidien Le Parisien. L'homme s'était vu refuser par un centre de PMA (procréation médicalement assistée) de pouvoir utiliser ses paillettes de sperme congelé en France, car il avait plus de 60 ans lors de sa demande. Le couple avait donc demandé à l'Agence de la biomédecine l'autorisation d'exporter ses paillettes pour procéder à une PMA en Belgique. Mais cette dernière avait refusé, également parce que l'homme était considéré comme trop vieux. Luigi et son épouse vivant en Seine-Saint-Denis s'étaient engagés dans la PMA en 2013 car elle avait du mal à tomber enceinte. Il avait alors 65 ans et était en pleine forme. Jusqu'à ce que le traitement d'un problème de santé s'accompagne d'une stérilité irréversible. Il avait fait cependant congeler son sperme avant son traitement, comme cela se fait habituellement pour certains cancers. Faute de pouvoir tenter une PMA en France, le couple se tourne vers la Belgique.

Confrontés au refus de restitution du sperme congelé, les époux saisissent la justice et obtiennent gain de cause auprès du tribunal administratif de Montreuil en février 2017. La cour administrative d'appel de Versailles a ensuite rejeté, le 24 avril, la demande de sursis à exécution de l'agence sanitaire, l'obligeant à accepter l'exportation des gamètes. L'Agence de la biomédecine indique qu'elle poursuit la procédure judiciaire « au fond » auprès de la cour d'appel de Versailles car elle a, ainsi que les professionnels de terrain, « besoin d'une clarification des règles applicables en matière d'AMP (PMA) et de savoir de façon incontestable comment doit être interprétée la loi de bioéthique dans ce domaine ». La loi impose d'être en âge de procréer et renvoie pour apprécier cette condition aux équipes médicales de PMA puis à l'Agence de la biomédecine pour les exportations et les importations de gamètes. « Dans la pratique depuis de nombreuses années, un nombre important de professionnels de santé (...) se fixent une limite de prise en charge à 60 ans pour l'homme », commente l'agence sanitaire.

Ce n'est pas la première fois que l'Agence de la biomédecine refuse l'exportation de sperme congelé en raison de l'âge du dépositaire. Mais c'est la « première fois » qu'elle se trouve contrainte d'accepter de donner le feu vert à l'exportation de sperme congelé, refusée en raison de l'âge de l'homme, précise-t-elle.

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Essai Biotrial : le profil du médicament aurait dû inquiéter Le Figaro du 9 juin 2017 par Damien Mascret et Anne Jouan

Une trentaine d’experts internationaux ont décortiqué la molécule responsable du drame.

Des biochimistes spécialistes du médicament ont dressé le profil de sécurité de la molécule BIA 10-2434, mise en cause dans l’essai clinique mortel de Rennes en janvier 2016. Et les résultats montrent sans l’ombre d’un doute qu’il est temps de revoir la façon dont les essais cliniques sont conçus en Europe et ailleurs. C’est la conclusion qui s’impose à la lecture de l’article signé par une trentaine d’experts néerlandais, américains et italiens publié ce jeudi dans la revue internationale Science.

La molécule administrée à fortes doses répétées à des volontaires sains avait entraîné un décès et provoqué des séquelles cérébrales chez plusieurs d’entre eux. Au dépit de la communauté scientifique internationale, le Comité temporaire d’experts français, mis en place par l’Agence du médicament, n’avait rendu que des conclusions spéculatives en avril 2016. Sans préciser si l’on aurait pu éviter le drame. Les expériences menées sur la molécule, notamment à L’Institut de chimie de l’université de Leiden aux Pays-Bas, inclinent à le penser. Car le profil de la molécule est très inquiétant. Suffisamment en tout cas pour que l’on prenne des précautions qui auraient sans doute évité la catastrophe. D’abord, « la molécule avait montré une toxicité incontestable dans les essais précliniques », explique au Figaro le Pr Alain Privat, neurobiologiste, membre de l’Académie de médecine qui a suivi le dossier depuis janvier 2016. En outre, « il s’agit bien d’une molécule bricolée dont on n’était absolument pas certain de la spécificité. » En clair, la molécule avait été conçue pour bloquer l’action d’une enzyme particulière au niveau du cerveau, mais rien ne permettait de penser qu’elle n’agirait que sur cette cible.

D’autant que l’inhibiteur enzymatique BIA 10-2434 devenait complètement imprévisible à partir d’une certaine dose. D’abord parce que contrairement à ce qu’avait affirmé son fabricant, le laboratoire Bial, son action n’était pas réversible. Or, « habituellement, les inhibiteurs irréversibles deviennent de plus en plus puissants au fur et à mesure des prises », explique le Pr Mario van der Stelt, qui a coordonné le travail publié dans Science. Deuxième alarme: en étudiant la molécule avec des méthodes de protéomique chimique (étude de l’ensemble des protéines d’un système), on détecte des dégâts collatéraux considérables. « L’étude montre que la molécule atteint des cibles en dehors de l’enzyme (off-targets), notamment les lipases qui sont extrêmement toxiques pour le système nerveux central car elles peuvent détruire les membranes des neurones et même la myéline (gaine protectrice des neurones, NDLR) », explique le Pr Privat. Selon lui, « la technique utilisée par les auteurs de l’article devrait l’être pour toutes les nouvelles molécules mises en essai clinique, en particulier celles visant le système nerveux central ». C’est aussi l’avis du Pr Adam Cohen, directeur du Centre for Human Drug Research de Leiden, qui n’a pas participé à l’étude : « Cela pourrait être une nouvelle méthode pour s’assurer qu’une molécule en développement est sans danger. » Le Pr van der Stelt refuse de spéculer : « Je pense que les cibles collatérales auraient pu être identifiées à la phase préclinique. Mais il est impossible d’affirmer que cette tragédie aurait pu être évitée. »

La Cour Suprême d'Angleterre demande l'arrêt des soins du petit Charlie

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BBC du 8 juin 2017

La décision est tombée le 8 juin : la Cour Suprême britannique a refusé l’appel fait par les parents du petit Charlie Gard.

Atteint d’une maladie génétique rare, le nourrisson devait être emmené par ses parents aux Etats Unis pour un traitement jugé trop « expérimental » par les médecins. L’hôpital où Charlie est maintenu en vie a demandé l’arrêt des soins. L’affaire est passée en justice (cf. Un juge britannique autorise les médecins à laisser mourir un nourrisson contre l’avis de ses parents; La Cour britannique insensible aux appels de parents pour soigner leur enfant malade) jusqu’à arriver devant la Cour Suprême. Cette dernière a confirmé hier les jugements précédents en demandant l’arrêt du respirateur artificiel de l’enfant. Face à cette nouvelle, les parents ont souhaité faire appel devant la Cour européenne des Droits de l’Homme. Le respirateur artificiel de Charlie fonctionnera encore jusqu’à 17h ce soir, pour donner aux juges de Strasbourg le temps d’analyser le cas.

Sédation profonde : la SFAP précise les notions de « court terme » et de « souffrance réfractaire » Famille Chrétienne du 8 juin 2017 par Antoine Pasquier

Dans quatre documents mis en ligne sur son site Internet fin mai, la Société française de soins palliatifs précise les termes de la loi Leonetti-Claeys instaurant la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Elle met en garde contre le risque « d’une agonie prolongée sur plusieurs semaines » en cas d’utilisation abusive de cette sédation.

Comme elle l’avait annoncé début janvier, la Société française de soins palliatifs (SFAP) a précisé, dans trois fiches-repères mises en ligne sur son site Internet fin mai, les termes de la loi du 2 février 2016 ouvrant la possibilité de recourir à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Coordonné par le docteur Frédéric Guirimand, responsable du pôle de recherche à la maison Jeanne Garnier, le groupe de travail « Sédations » a rendu ses conclusions sur deux aspects fondamentaux, et sujets à interprétations, de la loi Leonetti-Claeys : l’évaluation du caractère réfractaire de la souffrance et celle du pronostic vital engagé à court terme. Il a également délimité la mise en œuvre médicamenteuse de la sédation.

La notion de « court terme » avait été longuement discutée durant les débats parlementaires précédant l’adoption de la loi. Jusqu’à combien de jours pouvait aller ce « court terme » ? Comment et qui était en mesure de juger que le pronostic vital d’un patient était engagé à court terme ? La SFAP donne des réponses à l’adresse des professionnels de santé pour encadrer ce critère central de la loi de 2016. « Un pronostic vital engagé à court terme correspond à une espérance de vie de quelques heures à quelques jours », indique le groupe de travail dans sa première fiche-repère. Selon les études réalisées au Québec, sur lesquelles s’appuie la SFAP, il semble qu’un pronostic à deux semaines soit la limite maximale à ne pas dépasser. Pour déterminer si le patient est entré dans un pronostic à court terme, les soignants devront s’appuyer sur un faisceau d’indices, notamment sur la chute rapide de l’état de santé du patient, passant d’une espérance de survie de 20 à 7 jours, et ce moins de trois jours après son admission.

La SFAP pointe du doigt le risque « d’une agonie prolongée »

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Ce pronostic de « court terme », ajoutent les experts de la SFAP, ne pourra être établi qu’à l’issue d’une évaluation réalisée dans le cadre d’une procédure collégiale « afin d’avoir un éclairage pluri-professionnel » pour une « évaluation plus fiable ». Pour éviter une utilisation abusive de la sédation profonde et continue, le groupe de travail estime que celle-ci « n’est pas recommandée » dans le cas d’une demande où le pronostic vital du patient ne serait pas engagé à court terme. « Il n’est pas possible d’engager cette sédation au risque de créer une agonie prolongée sur plusieurs semaines », met en garde le document. Toutefois, si le décès n’est pas imminent, mais qu’une souffrance réfractaire est détectée, « une sédation réversible de profondeur proportionnée au besoin de soulagement peut être discutée » et proposée au patient.

Comme elle l’avait déjà fait en 2009 dans ses recommandations de bonnes pratiques de la sédation en cas de détresse, la SFAP s’attache, dans sa deuxième fiche-repère, à définir ce qu’est une souffrance réfractaire. Une souffrance est définie comme réfractaire si « tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre sans obtenir le soulagement escompté par le patient, ou qu’ils entraînent des effets indésirables inacceptables ou que leurs effets thérapeutiques ne sont pas susceptibles d’agir dans un délai acceptable ». Si seul le patient est en mesure d’apprécier le caractère insupportable de sa souffrance, seule l’équipe médicale, dans le cadre d’une procédure collégiale, peut déterminer si cette souffrance est réfractaire. Le groupe de travail insiste d’ailleurs sur le caractère multidimensionnel de cette souffrance, celle-ci pouvant mêler tout à la fois « des aspects physiques, psychologiques, sociaux, familiaux, existentiels et spirituels ».

Les parents inclus dans le cas d’une sédation d’un enfant

La SFAP pose deux garde-fous dans l’évaluation du caractère réfractaire : que celle-ci soit réalisée dans un délai approprié et non pas dans la précipitation, et que l’équipe en charge du patient fasse appel à une équipe référente formée en soins palliatifs afin que cette dernière vérifie que « toutes les solutions thérapeutiques ont été envisagées » au préalable. Dans le cas d’un patient mineur, le groupe « Sédations » demande expressément que « l’évaluation pour la décision de mise en œuvre d’une sédation se fasse au sein d’une relation enfant-parent-soignant ». « La parole de l’enfant doit être prise en compte dans un dialogue qui inclut les parents », insiste le document. Dans sa troisième fiche-repère, plus technique, la SFAP préconise l’utilisation du midazolam comme « agent sédatif de première intention », et demande que l’administration de ce médicament face l’objet d’une « surveillance adaptée et de réajustements fréquents ».

Dans un quatrième document, dressant la typologie des pratiques sédatives à visée palliative en fin de vie, la SFAP rappelle que le recours à une sédation à visée palliative n’a qu’un seul objectif : soulager des souffrances réfractaires. Est donc exclue toute intentionnalité autre que ce soulagement, « notamment une volonté de raccourcir la vie que ce soit dans une visée compassionnelle ou à la demande du patient ». Avec cette précision, la société de soins palliatifs espère contrecarrer l’interprétation extensive de la loi de 2 février 2016 défendue par son rapporteur Alain Claeys pour qui l’intentionnalité de la sédation - soulager ou précipiter volontairement la mort - importe peu.

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SOCIÉTÉ

Dernier chèque à la Ligue contre le cancer Dernières Nouvelles d’Alsace du 23 mai 2017

Une campagne nationale sur le prix des médicaments émanant de la Ligue contre le cancer a provoqué par ricochet la perte d’un financement local qui lui était versé par la course La Strasbourgeoise, elle-même soutenue par le laboratoire Lilly.

Se battre contre le prix élevé de certains médicaments peut avoir un coût différé. Le comité bas-rhinois de la Ligue contre le cancer vient d’en faire l’expérience. Il percevait depuis plusieurs années une contribution de 4 euros par inscrit à une course nommée La Strasbourgeoise – soit 67 000 euros l’an passé. Mais cette section départementale de la Ligue a été avertie qu’il n’y aurait pas de chèque pour l’édition 2017. L’épreuve sportive et grand public organisée à Strasbourg afin d’aider la lutte contre le cancer bénéficie d’une contribution annuelle d’environ 40 000 euros versée par l’Institut Lilly. Il s’agit d’une fondation du groupe pharmaceutique dont l’un des plus grands sites industriels dans le monde se trouve en Alsace. Or, cette multinationale a mal digéré la pétition contre le prix « exorbitant et injuste » des anticancéreux lancée par la Ligue.

« Les collaborateurs de Fegersheim notamment ont été très marqués par le dénigrement qu’a véhiculé cette campagne », reconnaît Véronique Delvolve-Rosset, directrice de la communication et des affaires publiques et gouvernementales chez Lilly France. Elle estime qu’il y a eu un effet de choc en interne, notamment chez les salariés habitués à se joindre aux 16 000 coureurs et marcheurs effectuant le parcours de 5 km dans Strasbourg. Claude Schneider, président de l’association organisatrice de La Strasbourgeoise, confirme avoir été au courant de ce « contexte » dès l’année passée. Il a pris sa décision il y a deux mois. Dans ce climat de tension entre la Ligue et un mécène associé à la fondation de la manifestation, il explique avoir préféré un autre bénéficiaire pour le chèque délivré après chaque course. Même s’il réfute pour sa part toute idée punitive, il lui a paru évident que continuer à financer le comité local de la Ligue, c’était voir à terme « l’Institut Lilly se retirer » de cette opération.

« Tant mieux pour eux »

En faisant plutôt un don au futur Institut régional du cancer (IRC), le responsable de l’association des courses de Strasbourg pense qu’il préserve l’action conduite en faveur d’une importante cause médicale. « La Ligue elle-même n’est qu’un intermédiaire dans le financement de la lutte contre le cancer. » Pour lui, changer d’attributaire représentait « la meilleure solution ». À la Ligue, certains commentaires sont bien plus durs. Un membre du comité bas-rhinois a publié sur Internet des propos violents contre l’entreprise pharmaceutique. Le président, Gilbert Schneider, reste plus diplomate et garde à l’esprit le noble objectif de son mouvement : « Tant mieux si l’IRC profite de cet argent, mais pour nous c’est la moitié d’un budget de prévention qui est perdue. » S’il dit n’avoir appris la mauvaise nouvelle qu’à l’occasion de la remise de l’ultime chèque, celui de l’édition 2016, il fera tout pour que « l’argent qui ne rentrera pas ne manque pas aux malades. » Il est vrai que le comité parvient à distribuer aux patients, et plus encore à la recherche, un total de 1,5 million d’euros par an. Le président de la Ligue du Bas-Rhin constate simplement que « la dénonciation de la cherté des médicaments a déplu à Lilly ». Son ancien partenaire à la tête de La Strasbourgeoise tient à relativiser : « Les pressions, ce n’est pas mon problème. L’essentiel est que soit sauvegardée une source de financement de la recherche contre le cancer. »

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Chez Lilly France, on se limite à souligner que les organisateurs de la course sont « des gens responsables. » Tout en ajoutant que « le laboratoire continuera à être partenaire de La Strasbourgeoise, pour aider la recherche contre le cancer ». Il est même précisé que « les ponts ne sont pas coupés avec la Ligue »…

Perturbateurs endocriniens

Prévenir pour préserver la santé du fœtus Le Quotidien du Médecin du 22 mai 2017 par Guillaume Bouvy

Les perturbateurs endocriniens constituent la pollution principale chez la femme enceinte. « Il est primordial de faire de la prévention en préconception et auprès des femmes enceintes, pour préserver la santé du fœtus », explique le Dr Pascale Mirakian, endocrinologue et gynécologue spécialisée en médecine de la reproduction au sein du centre de procréation médicalement assistée de Natecia (Lyon).

Leurre hormonal, xénohormone, disrupteur endocrinien, ou encore perturbateur endocrinien : tous ces mots désignent la même réalité. Les endocrinologues et de façon plus générale, la communauté médicale reconnaissent l’impact sur le développement sexuel et sur la fécondité. « Les perturbateurs endocriniens constituent la pollution principale chez la femme enceinte. Si certaines causes, comme la pollution atmosphérique, les pesticides contenus dans l’alimentation ou encore les plastiques, ne sont pas maîtrisables à l’échelle individuelle, il est important de veiller à limiter tous les produits qui dépendent de nous : la cosmétique, le vernis, les crèmes solaires et certains produits ménagers. Tous ces polluants se retrouvent dans le sang du cordon, dans le lait, dans les cheveux et dans les urines. Par ailleurs, le tabac est le deuxième réservoir de perturbateurs endocriniens », alerte le Dr Pascale Mirakian, endocrinologue et gynécologue spécialisée en médecine de la reproduction au sein du centre de procréation médicalement assistée de Natecia à Lyon.

La liste à la Prévert des polluants en cause n’a de cesse de s’étendre : pesticides, herbicides, plastiques utilisés dans les jouets d’enfant et biberons (phtalate, bisphénol...), la cosmétique (paraben), mais aussi d’autres, plus problématiques compte tenu de leur exposition régulière : certains dentifrices contiennent du p-hydroxybenzoate de propyle (propylparaben), ainsi que du sodium lauryl sulfate, contenu dans des médicaments et cosmétiques ; les produits d’entretien ménager, dont le liquide vaisselle, contiennent des alkylphénols, tout autant nuisibles que les retardateurs de flamme que l’on retrouve dans les tissus de matelas et de vêtements et l’électronique. Les emballages des aliments en plastique, la pollution atmosphérique (dioxines et hydrocarbures aromatiques polycycliques) sont également pointés du doigt. « Il faut avoir conscience des mécanismes des perturbateurs endocriniens et leurs effets sur la reproduction et le cancer. Durant les premiers colloques, en 2007 notamment, les endocrinologues qui dénonçaient ces perturbateurs se faisaient critiquer. Depuis, les effets oestronogéniques de ces polluants ont été démontrés, tout comme l’augmentation de + 138 % du cancer du sein entre 1980 et 2005. Cela pose deux problèmes : l’allongement des délais de conception d’une part, la transmission du patrimoine au fœtus d’autre part », commente le Dr Mirakian.

Formation et ateliers pratiques

À la clinique Natécia, le personnel reçoit une formation en santé environnementale et des ateliers pratiques sont proposés aux patientes. « L’alcool et le vin affichent une très importante concentration de pesticides. On y retrouve jusqu’à 4 000 substances nocives pour la santé.

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De la même façon, il est préférable de filtrer l’eau qui reste ce l’on consomme le plus. Il est primordial de faire de la prévention en préconception et auprès des femmes enceintes, pour préserver la santé du fœtus », poursuit l'endocrinologue.

Plusieurs autres conseils simples sont ainsi formulés : « Éviter de mettre trop de produits sur la peau, privilégier les produits d’entretien portant le sigle Ecolabel, manger bio, peler les fruits et légumes ou les laver au vinaigre ou au bicarbonate, favoriser une peinture à l’eau ou végétale, surtout pour la chambre du nourrisson. De la même manière, quand on vient d’avoir un enfant, ce n’est pas le moment de changer de voiture, les émanations des plastiques et autres composants étant alors beaucoup plus dangereux pour la santé », met en garde le Dr Pascale Mirakian. En octobre 2015, lors d’une réunion à Vancouver, la FIGO (Fédération internationale des gynécologues-obstétriciens) a donné pour la première fois la recommandation de manger bio. Afin de montrer l’exemple, la clinique Natécia a mis en place quelques mesures pour éliminer toute source de polluants potentiels, du choix du matériel médical en contact direct avec les nouveau-nés, aux cosmétiques et aux bâtiments (y compris la peinture). Les changes sont réalisés uniquement à l’eau, laquelle est analysée. En complément, les patientes peuvent être orientées vers des sources d'information sur Internet : projetnesting.fr ou encore des blogs de jeunes femmes.

Fin de vie, le Conseil constitutionnel décidera le 2 juin La Croix du 24 mai 2017 par Marine Lamoureux

Hier, au cours d’une courte audience, l’avocat des familles de traumatisés crâniens et cérébro-lésés a appelé les sages à mieux protéger le droit à la vie des personnes hors d’état d’exprimer leur volonté.

Hier, l’audience qui s’est tenue devant le Conseil constitutionnel pouvait sembler technique. En réalité, des questions fondamentales ont été soulevées concernant l’arrêt des traitements médicaux pour des patients en état végétatif ou pauci-relationnel, n’étant pas en mesure d’exprimer leur volonté : comment respecter le droit à la vie ? Le droit de décider pour soi-même ? Quel doit être le rôle du médecin ? des proches ? Pour Me François Molinié, l’avocat de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (Unaftc), à l’origine d’une question prioritaire de constitutionnalité, la procédure actuelle est très imparfaite. « Aujourd’hui, la loi permet par exemple d’arrêter les traitements, et de provoquer le décès d’un enfant mineur contre la volonté (de ses parents), elle ne fixe aucun garde-fou », a ainsi dénoncé l’avocat. Ce dernier faisait référence aux situations dans lesquelles l’équipe médicale considère que la poursuite des traitements revient à une « obstination déraisonnable » ; par exemple le maintien en vie d’un enfant prématuré extrême ou d’un accidenté de la route, souffrant de séquelles gravissimes et irréversibles.

Dans ces cas, la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, soucieuse d’éviter tout acharnement thérapeutique, autorise l’arrêt des traitements à l’issue d’une procédure collégiale, le médecin portant la responsabilité de la décision. Pour l’avocat, dans de telles situations, « la consultation des membres de la famille ne suffit pas, leur adhésion doit être recherchée et, dans toutes les situations où la volonté du patient ne peut être reconstituée avec certitude, le doute devrait profiter au droit fondamental à la vie ». Et d’insister : « La décision ne devrait pas être prise par le seul médecin. » Hier, Me Molinié a également déploré les lacunes du droit au recours des familles dans de telles circonstances. Certes, la saisine en urgence du juge administratif est prévue par les textes.

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Toutefois, selon l’avocat, « rien ne permet de garantir que la décision (d’arrêt des traitements) ne sera pas exécutée dans l’hypothèse d’un recours ».

Hier, le représentant du gouvernement a contesté cette interprétation. Il a rappelé que le « requérant peut agir très rapidement » en référé et que, selon la jurisprudence du Conseil d’État, « il revenait au juge d’ordonner, le cas échéant, la suspension à titre conservatoire de la mesure ». « Lorsque le juge est saisi d’un référé, a-t-il ajouté, les établissements de santé et les équipes médicales attendent la décision du juge » – ce qui a été le cas, par exemple, dans l’affaire Vincent Lambert. Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 2 juin.

Le Parlement polonais limite l’accès à la pilule du lendemain Le Monde du 29 mai 2017 par Jakub Iwaniuk

Les défenseurs des droits des femmes contestent la décision prise par la majorité conservatrice.

Le Parlement polonais, dominé par les ultraconservateurs du parti Droit et justice (PiS), a voté, jeudi 25 mai, une loi limitant l’accès à la pilule du lendemain, qui sera désormais accessible uniquement sur ordonnance. La précédente majorité de centre-droit avait rendu possible, conformément aux réglementations européennes, l’accès à cette pilule de contraception d’urgence aux mineures âgées de plus de 15 ans, sans prescription médicale. Le texte était attendu et redouté par les associations féministes. En février, le ministre de la santé, Konstanty Radziwill, avait provoqué l’indignation en déclarant qu’« en tant que médecin [il] ne prescrir[ait] pas à ses patientes la pilule du lendemain, même en cas de viol ». « J’utiliserais la clause de conscience », avait-il ajouté. Pour le ministre, cette méthode de contraception, « potentiellement dangereuse », a un « effet abortif », et sa mise à disposition sans ordonnance s’est faite « sur une base idéologique ». La vice-ministre de la santé, Jozefa Szczurek-Zelazko, a pour sa part soutenu devant l’hémicycle que « la pilule EllaOne [son appellation commerciale] contient des doses d’hormones considérablement plus importantes que les moyens de contraception classiques, qui peuvent influer négativement sur le développement des jeunes organismes ».

Limitation des droits des femmes

La directrice de la Fédération pour les femmes et le planning familial (Federa), Krystyna Kacpura, dénonce un « pas en arrière supplémentaire en matière de respect des droits des femmes » et une décision « socialement nuisible », ajoutant : « Nous sommes indignés par l’argumentation de la majorité, mensongère d’un point de vue scientifique, qui affirme que c’est un moyen de contraception qui “provoque une fausse couche”. Dans les recommandations des autorités de santé, rien n’indique qu’une supervision médicale serait nécessaire. » Les organisations féministes réfutent aussi l’argument du gouvernement selon lequel la pilule serait utilisée « massivement » par les adolescentes : au contraire, son prix élevé en Pologne – environ 30 euros – serait hautement dissuasif. « Selon les études menées, 2 % seulement des mineures y ont déjà eu recours, et la Pologne est le second pays de l’UE où cette pilule est le moins employée », ajoute Mme Kacpura. Pour les associations féministes, cette décision survient dans un contexte plus large de limitation des droits des femmes depuis l’arrivée du parti ultraconservateur au pouvoir, en novembre 2015. Un projet de loi visant à l’interdiction totale de l’avortement dans le pays, porté au Parlement à l’initiative des organisations « pro-vie », avait provoqué des manifestations de femmes sans précédent à l’automne 2016.

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« Que l’enfant ait un nom »

Face à l’ampleur de la mobilisation, la majorité conservatrice avait fait marche arrière. Mais la législation encadrant l’avortement en Pologne reste l’une des plus restrictives d’Europe. Elle est autorisée dans trois cas seulement : en cas de viol ou d’inceste, de graves pathologies du fœtus ou de risques avérés pour la vie ou la santé de la mère. Pour donner des gages aux organisations « pro-vie » et à l’Eglise, le ministère du travail et de la famille vient d’entamer une campagne de communication visant à inciter les femmes à ne pas mettre un terme à leur grossesse quand l’embryon est atteint d’anomalies génétiques graves ou d’une maladie incurable. Depuis le 1er janvier, le gouvernement dispense également une allocation de 4 000 zlotys (environ 1 000 euros) aux femmes qui se décident à accoucher d’enfants handicapés, renonçant ainsi à leur droit à l’avortement. Le président du PiS, Jaroslaw Kaczynski, avait indiqué vouloir lutter contre ce que les conservateurs appellent les « avortements eugéniques » concernant des embryons porteurs de handicaps. « Nous allons tendre à ce que même les cas de grossesses très difficiles, quand l’enfant est condamné à mourir ou fortement déformé, se finissent quand même par un accouchement, pour que l’enfant puisse être baptisé, enterré, qu’il ait un nom », déclarait-il en octobre 2016.

Clause de conscience

Un groupe parlementaire d’élus conservateurs travaille aussi sur des propositions visant à gratifier les médecins et les établissements hospitaliers qui ont recours à la clause de conscience pour ne pas pratiquer un avortement. « La majorité est consciente que toute remise en cause de la législation sur l’avortement serait potentiellement explosive d’un point de vue social. Ils travaillent donc à des moyens de contourner cette loi pour limiter l’accès à l’avortement », précise Krystyna Kacpura. Le gouvernement a également suspendu le financement public de la fécondation in vitro. Les organisations « pro-vie », de leur côté, collectent des signatures sur un nouveau texte d’initiative citoyenne visant à restreindre l’accès à l’avortement, qui devrait prochainement être soumis au Parlement.

Le procès du Mediator aura lieu d’ici fin 2018 Le Figaro du 25 mai 2017 par Anne Jouan

Le rejet, mercredi matin, des recours des laboratoires Servier ouvre la voie à leur comparution. Un soulagement pour les victimes. Mercredi après-midi, le parquet de Paris a enfin signé son réquisitoire définitif (597 pages) dans l’affaire Mediator à propos du volet concernant la tromperie, la prise illégale d’intérêts, le trafic d’influence et une partie du volet blessures et homicides involontaires. Une instruction qui avait été ouverte en février 2011. Le parquet a demandé que soient jugées l’entreprise Servier, l’Agence du médicament mais aussi dix autres personnes morales et quatorze personnes physiques. Un procès se tiendra donc pour les victimes du Mediator, après que les juges d’instruction auront décidé de renvoyer les protagonistes devant le tribunal correctionnel. Ce médicament était prescrit aux diabétiques avant d’être largement détourné en coupe-faim, et vendu en France de 1976 à 2009. Une date d’audience pourrait être fixée fin 2018. Les experts judiciaires estiment que la molécule de Servier pourrait avoir fait 1 800 morts à long terme. La chambre de l’instruction avait rejeté mercredi matin les deux recours des laboratoires Servier, qu’elle étudiait depuis le 22 mai. Le laboratoire a aussitôt décidé de se pourvoir en cassation.

Une clé USB abîmée

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Dans ces recours, l’entreprise Servier demandait à échanger son statut de mise en examen contre celui, plus enviable, de témoin assisté. Mais surtout, assure la défense du laboratoire, elle demandait à être considérée de la même manière que l’Agence du médicament (à l’époque, Afssaps), qui était seulement témoin assisté dans cette affaire. C’est d’ailleurs la grande question de Servier: pourquoi l’instruction judiciaire s’est-elle essentiellement focalisée sur les fautes de l’industriel et a-t-elle laissé sur le bas-côté les manquements patents des autorités sanitaires, du moins en ce qui concerne le volet de la tromperie et de l’escroquerie ? Le raisonnement de l’entreprise est simple : il n’a pas été possible de commercialiser pendant trente-trois ans un médicament inefficace et aux effets secondaires potentiellement dangereux (hypertension artérielle pulmonaire et atteinte des valves cardiaques) sans une incompétence ou un laxisme de la part de l’Agence du médicament.

Le second recours visait à obtenir un complément d’expertise informatique concernant la clé USB perquisitionnée en février 2012 chez un ancien membre de l’Agence, chargé pendant une dizaine d’années de l’évaluation du Mediator. Avant ses fonctions administratives, Catherine Rey-Quinio avait travaillé chez Servier, où elle s’occupait notamment de l’Isoméride, une molécule très proche du Mediator et retirée du marché en 1997 en raison de ses effets indésirables. Mais cette clé a été abîmée par les enquêteurs, de sorte qu’un tiers seulement de son contenu est exploitable. Servier assure n’avoir eu accès à ses 8 500 fichiers que deux ans après sa saisie. Charles Joseph-Oudin, avocat des parties civiles, se félicite de cette décision : « Enfin ! Il faut rappeler que les premières plaintes ont été déposées en décembre 2010 devant le procureur de la République de Paris, notamment pour une femme aujourd’hui décédée du fait de ses pathologies cardiaques liées au Mediator », souligne-t-il.

Pour le Dr Irène Frachon, qui a bataillé pour faire interdire le médicament, « ces trois dernières années posent la question des moyens, notamment financiers, dont disposent les criminels en col blanc pour asphyxier la justice. Si l’on ne peut pas juger des gangsters responsables de milliers de morts en France, c’est un fiasco pour notre système judiciaire ». François de Castro, l’un des avocats de l’industriel prévient : « Lors du procès, les laboratoires Servier auront à cœur de s’expliquer et de se défendre en soulignant tous les dysfonctionnements qui ont émaillé une instruction judiciaire partiale. »

« Malades, nous devons nous imposer comme un contre-pouvoir » Libération du 30 mai 2017 par Eric Favereau

Alain-Michel Ceretti vient d'être élu à la tête de la nouvelle structure qui regroupe toutes les associations de malades. Il prône une attitude combative pour renforcer le point de vue des patients et citoyens face aux professionnels de santé et responsables administratifs.

Bien sûr, le succès à Cannes du film retraçant les combats d’Act Up dans les années 90, 120 Battements par minute, est sûrement mérité. Mais le décalage avec le moment présent est saisissant. Act Up et son insolence salutaire, Act Up et ses coups de gueule efficaces, ont nettement disparu des combats actuels. Au point même que lors des dernières luttes autour de la réduction des risques, l’association la plus turbulente de lutte contre le sida est apparue conservatrice. Peut-être est-ce le cycle habituel de ceux qui, un temps, ont innové ? C’est un symptôme, en tout cas. Aujourd’hui, globalement, le mouvement des usagers de la santé n’est pas très en forme. Fatigues, problèmes de financement, les difficultés sont légion. D’autant qu’il n’est pas simple d’être à la fois malade et de se battre pour les autres. On le voit, par exemple, dans l’univers des malades mentaux, où les associations ont un mal fou à tenir face au rouleur compresseur des experts en tous genres.

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Il n’empêche, ils sont là. Ils résistent. Ces derniers jours, l’autre bonne nouvelle en la matière a été l’élection d’Alain-Michel Ceretti comme président de France Assos Santé, le nouveau nom de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé (Unaass), qui remplace le CISS (Collectif interassociatif des usagers de la santé). Plus qu’un changement de sigle, il s’agit d’un vrai bouleversement.

Succès tangibles

Alain-Michel Ceretti est un militant atypique. Assureur de formation, rien ne le prédisposait à militer pour défendre les malades. En 1997, pourtant, il crée l’association « Le lien », à la suite de l’affaire de la Clinique du sport (Entre 1988 et 1993, une cinquantaine de patients y avaient été infectés par une mycobactérie, une épidémie devenue emblématique des infections nosocomiales), dont a été victime son épouse Béatrice. Le voilà d’une obstination sans faille, et il arrive à faire du combat contre les infections hospitalières une urgence sanitaire. « Vous rentrez en bonne santé à l’hôpital, vous en sortez malade pendant des mois, et il faudrait trouver cela normal », disait-il alors avec force. Le combat fonctionne, il obtient des succès tangibles. Comme l’obligation juridique de résultats en matière de stérilisation des instruments chirurgicaux, la notion de responsabilité sans faute pour les infections nosocomiales, l’établissement de tableaux de bord hospitaliers, mais aussi la création de centres de référence pour la prise en charge des infections osseuses.

En 2006, Alain-Michel Ceretti propose de créer un dispositif de médiation en santé auprès de la Haute Autorité de santé (HAS), puis il rejoint en 2009 Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, pour créer son pôle Santé, devenu depuis pôle santé du Défenseur des droits. Parallèlement, il milite au CISS, le Collectif interassociatif des usagers de la santé, qui est une des structures les plus originales, impulsées par les associations de lutte contre le sida, en particulier Aides. Dans le CISS se retrouvent, en effet, toutes les grandes associations de malades. Et leur union va changer la donne, s’imposant comme l’interlocuteur des pouvoirs publics.

L’an 2 de la démocratie sanitaire

« Cela a été un premier pas, nous explique Alain-Michel Ceretti. Malades, nous devons nous imposer comme un contre-pouvoir, uni, reconnu et respecté. Aujourd’hui, nous n’avons toujours pas réussi à nous imposer en tant que force collective. » Avec la loi santé de Marisol Touraine, le CISS s’est dissous pour se transformer en France Assos Santé, censé regrouper toutes les associations. « C’est l’an 2 de la démocratie sanitaire. Nous devons porter l’expression d’une vraie volonté du monde associatif. Nous devons surtout être visibles.  Aujourd’hui, personne ne nous connaît. Les Français ne savent pas à quoi l’on sert. » Alain-Michel Ceretti n’a pas peur des conflits. « Nous devons devenir un vrai contre-pouvoir, avec un financement pérenne ». Aujourd’hui, bon nombre d’associations n’ont d’autres voies que de se tourner vers les labos pharmaceutiques pour trouver un financement. « Ce n’est pas sain. Il faut se battre aussi pour la formation, et en finir avec des représentants usagers dans les structures qui ne sont que des potiches. Les questions de santé sont trop importantes pour les laisser entre les seules mains des professionnels de santé et des responsables administratifs. Plus aucune décision d’importance pour notre système de santé ne se fera sans que France Assos Santé ait été consultée », lâche-t-il.

Neuf autres membres complètent le bureau de France Assos Santé, dont Gérard Raymond comme vice-président (Fédération française des diabétiques), Arnaud de Broca (Fnath – accidentés de la vie), Danièle Desclerc-Dulac (Union régionale des associations agréées d’usagers du système de santé – Centre Val-de-Loire), Samuel Galtie (Aides) et Didier Lambert (E3M, Association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages).

Dépister la trisomie 21 sera bientôt gratuit

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La Libre Belgique du 29 mai 2017

Le test prénatal non invasif, qui coûte actuellement 290 euros, sera intégralement remboursé dès juillet.

A partir du 1er juillet prochain, le test prénatal non invasif (NIPT) de dépistage de la trisomie 21 chez le bébé à naître sera intégralement remboursé en Belgique pour les femmes enceintes bénéficiaires de l’intervention majorée. Le prix du test pour les autres patientes sera de maximum 8,68 euros alors que son coût est actuellement de 290 euros. La ministre de la Santé publique Maggie De Block (Open VLD) a dégagé 15 millions d’euros pour cette mesure, qui rendra possible le remboursement de 100 000 tests par an.

Le Comité de l’assurance, composé de représentants des prestataires de soins, des mutualités et des employeurs, a approuvé ce remboursement lundi. La Belgique deviendra ainsi le premier pays d’Europe à rendre le test – quasi – gratuit. Le test prénatal non invasif (NIPT) permet, sur la base d’un prélèvement de sang de la femme enceinte, de dépister le syndrome de Down (trisomie 21) chez le fœtus par examen de l’ADN du bébé qui s’y trouve. Grâce à cette technique non invasive, il n’est plus nécessaire de réaliser un grand nombre d’amniocentèses, qui provoquent des fausses couches dans 1% des cas. En moyenne, chaque année en Belgique, environ cinquante femmes perdent leur bébé après une amniocentèse dont l’objectif était de détecter la trisomie ou le syndrome de Down. Ce test prénatal non invasif présente l’avantage d’être plus précis que l’examen échographique combiné à une prise de sang. Ce test combiné ne décèle pas la trisomie chez un bébé porteur sur quatre. Le NIPT permet quant à lui de découvrir la trisomie dans 99,8 % des cas.

Le risque moyen qu’un enfant soit atteint de trisomie 21 est de 1/700. Cependant, ce risque augmente drastiquement dès que la mère atteint 35 ans. Ainsi, à 25 ans, le risque est de 1/1000 alors qu’il est de 1/100 pour une femme de 40 ans. De par son prix élevé, ce test a d’abord été proposé aux femmes enceintes à risque dont l’âge dépasse souvent les 35 ans ou qui ont des prédispositions génétiques dans leur famille. La ministre De Block a quant à elle affirmé qu’elle mettait ce test « à disposition de toutes les femmes enceintes qui souhaitent l’effectuer », ce qui explique le nombre élevés de 100 000 tests prochainement remboursés chaque année. Ces tests peuvent ouvrir à une Interruption médicale de grossesse (IMG). En cas de détection de trisomie 21 chez l’enfant, le recours à un avortement est autorisé au-delà de la limite légale des 12 semaines prescrite par la loi. En Belgique, 95,5 % des cas de diagnostic positif de la trisomie 21 pendant la période prénatale conduit à une interruption de grossesse.

L’Allemagne met fin à l’anonymat des donneurs de sperme La Libre Belgique du 27 mai 2017 par Nathalie Steiwer

Berlin vient d’adopter une loi qui permettra aux enfants nés d’un don de sperme de retrouver la trace de leur père biologique.

Les yeux de maman mais d’où vient ce menton volontaire ? C’est en jouant à retrouver les traits de famille qu’Anne Meier-Credner a appris à dix ans qu’elle n’était pas la fille « biologique » de son père mais qu’elle était née grâce à un don de sperme. « Sur le moment, j’étais perplexe, contrariée et puis finalement curieuse », raconte-t-elle. Très vite, elle a pensé à chercher la trace du donneur mais "seulement une fois adulte" : « j’avais immédiatement conscience de ce que cette recherche avait de douloureux pour mes parents ».

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Anne a donc attendu sa trentaine et le soutien de ses parents pour se mettre en chasse mais les médecins n’ont eu de cesse de lui mettre les bâtons dans les roues. « La clinique me disait qu’ils n’avaient pas reçu mon mail puis ma lettre. On m’a dit ensuite qu’il n’y avait plus de dossier… ». Pour l’heure, elle n’a toujours pas retrouvé la trace de ce père biologique. Pas plus que la plupart de la centaine de membres de l’association allemande des enfants nés d’un don, « Spende Kinder », dont elle fait partie.

Avec la nouvelle loi allemande qui s’appliquera à partir de 2018, les choses vont changer, espère l’association. Le Bundestag vient d’adopter un texte qui crée un registre central des donneurs de sperme et des femmes receveuses. Ces données devront être conservées pendant 110 ans, beaucoup plus donc que ce que prévoit la loi belge de 2007 sur la reproduction médicalement assistée qui fixe le délai à 30 ans. La grande différence avec la Belgique est surtout que les donneurs ne seront plus anonymes en Allemagne. Leur nom pourra être retrouvé via le fichier central à la demande des enfants de plus de 16 ans. En revanche, la loi exclut clairement toute constatation judiciaire de la paternité du donneur qui pourrait impliquer un droit de garde ou un héritage. Pour entamer des recherches, encore faut-il que ces enfants sachent d’où ils viennent. Environ 1200 enfants naissent chaque année en Allemagne grâce à un don de sperme. Seuls 20 % des parents leur racontent leur origine, estime à la louche Anne. Or, pour elle, « il est beaucoup plus facile de vivre en sachant, qu’avec ce sentiment que quelque chose ne va pas, sans savoir quoi ». Ce « non-dit » est un élément perturbant pour les enfants, souligne également Nina. « J’ai longtemps eu le sentiment de venir d’ailleurs, de ne pas ressembler à ma famille », raconte-t-elle sur le site de l’association Spende Kinder. Elle a eu la chance de retrouver et de rencontrer le donneur, ce qui a enclenché en elle « un sentiment de libération, comme si je sortais d’une prison ».

Pour les parents, cette recherche peut être en revanche douloureuse, notamment pour les pères qui doivent avouer leur infertilité. « Beaucoup de pères "sociaux" ont peur de raconter la vérité de peur d’être rejetés par leur enfant », constate Anne, qui est devenue entre-temps psychothérapeute. Du côté des donneurs, rares sont ceux qui souhaitent rencontrer leur « progéniture ». Beaucoup d’entre eux sont très jeunes et ne se rendent pas nécessairement compte de l’implication de leur don à long terme. La nouvelle loi suggère des entretiens psychologiques approfondis avec les donneurs et les parents receveurs, mais Anne doute de leur effet s’ils ne sont pas indépendants : « ce n’est pas dans l’intérêt des médecins qui font de la procréation assistée de dissuader donneurs et patients ».

Des femmes privées d’Avastin contre le cancer du col de l’utérus Le Monde Science et Techno du 31 mai 2017 par Pascale Santi

L’Avastin – traitement innovant et fort onéreux du cancer du col de l’utérus – ne bénéfice pas du statut dérogatoire qui permettrait sa prise en charge par l’Assurance-maladie. Le ministère de la santé assure avoir « identifié le problème »

Médecins oncologues et associations de patients se mobilisent depuis des mois. Environ 400 femmes n’ont plus accès à l’Avastin (bevacizumab), un traitement contre le cancer du col de l’utérus à un stade avancé ou en récidive. Commercialisé par Roche, ce médicament d’action ciblée (anticorps monoclonal) n’a pas été inscrit dans la liste dite « en sus ». Cette « liste des médicaments facturables en sus des prestations d’hospitalisation » permet de garantir l’accès aux produits innovants mais onéreux.

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Pronostic sombre

Le cancer du col de l’utérus touche chaque année près de 3 000 femmes. Les formes persistantes (rechute ou métastatiques) présentent un pronostic assez sombre. Elles concernent quelque 400 patientes. « Nous savons depuis 2014 que ce médicament [l’Avastin] améliore l’efficacité globale de la chimiothérapie et la durée de vie », au vu d’une étude parue dans le New England Journal of Medicine, qui montrait une amélioration de la médiane de survie globale de 3,9 mois, pointe le Groupe d’investigateurs nationaux pour l’étude des cancers de l’ovaire et du sein (Gineco). Ce réseau de cancérologues avait interpellé les pouvoirs publics dès janvier. Des patientes n’ont pas pu avoir accès à ce traitement. Et « nombre de ces femmes s’inquiètent de savoir si, en cas de rechute, elles y auront droit », explique Brigitte Massicault, présidente d’Imagyn (Initiative des malades atteintes des cancers gynécologiques), association de patientes. Elle se bat depuis des mois, en vain jusqu’ici. « Il y a un médicament qui existe et qui permet de leur donner un peu de temps de sursis. Et on le leur refuse », dénonce Rose Magazine, un magazine gratuit destiné aux femmes atteintes d’un cancer. Comment expliquer cette situation ? Déjà commercialisé pour traiter différentes tumeurs en phase avancée, par exemple du sein, de l’ovaire, du côlon, l’Avastin a obtenu une autorisation de mise sur le marché pour le cancer du col de l’utérus à un stade avancé ou métastatique en mars 2015. La commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a ensuite été saisie. Elle a rendu un avis en juillet 2016. Conclusion : le service médical rendu (SMR) dans cette indication est jugé « important ». « Ce médicament représente une avancée, et la commission a recommandé le remboursement », explique le docteur Anne d’Andon, chef du service évaluation des médicaments à la HAS.

« Nous avons un avis favorable médicalement et scientifiquement justifié mais il est vrai que le prix est un obstacle », estime le docteur d’Andon. Problème : les règles pour cette liste « en sus » ont changé en mars 2016. Seuls les médicaments ayant une « bonne note » peuvent être éligibles sur cette liste, les autres non. Ainsi, dans le cas de l’Avastin, dans cette indication, « il n’y a pas de financement dérogatoire mais une prise en charge par les groupements homogènes de séjour », précise l’Assurance-maladie. En clair, c’est à l’établissement hospitalier de prendre en charge – ou non – ce surcoût. « Au sein de la plupart des établissements, les cancérologues se voient imposer de ne pas prescrire, c’est en totale contradiction avec leur éthique », précise l’oncologue Patricia Pautier, à l’institut Gustave-Roussy, et présidente de Gineco. Reste alors la prise en charge par la patiente. Une injection d’Avastin, qui doit être effectuée toutes les trois semaines – et de sept à huit fois –, coûte 1 600 euros. « Je peux le prescrire à des patientes qui viennent du Koweït, mais pas à d’autres patientes françaises dépendant du régime général, c’est injuste », dénonce-t-elle. « Nous avons du mal à comprendre, c’est kafkaïen. C’est une situation très inégalitaire », renchérit l’oncologue Anne Floquet à l’institut Bergognié (Bordeaux), membre du conseil scientifique de Gineco.

Au ministère de la santé, on assure que « le problème est identifié. Ce système ne donne pas satisfaction ». « Les services ont déjà été mandatés pour trouver des solutions », ajoute-t-on. La nouvelle ministre de la santé, Agnès Buzyn, cancérologue qui a présidé la HAS, connaît bien le sujet. « Des travaux sont en cours pour faire évoluer les critères actuels, assure le professeur Christian Thuillez, qui préside la commission de la transparence de la HAS. Nous souhaitons que ce médicament soit mis à disposition de ces femmes et qu’il soit pris en charge. » « Si, dans la majorité des cas, le cadre actuel fonctionne, cette non-inscription illustre la rigidité des critères qui ne peuvent pas couvrir toutes les situations », déplore Frédéric Chassagnol, directeur de l’accès au marché chez Roche. D’autres médicaments ne seraient plus couverts par cette liste en sus. « Il ne peut y avoir une médecine à deux vitesses, c’est une perte de chances », dénonce Imagyn. Plus largement, c’est la question du prix de ces thérapies innovantes – de plus en plus chères en cancérologie – qui est posée, ce que dénoncent nombre de médecins et patients.

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Bruxelles repousse encore l’épilogue de la saga des perturbateurs endocriniens La Croix du 31 mai 2017 par Céline Schoen

L’Europe est incapable de s’accorder sur la définition des perturbateurs endocriniens. Hier, une réunion qui devait être conclusive s’est à nouveau soldée par un échec.

Pourquoi le dossier des perturbateurs endocriniens semble-t-il dans l’impasse ?

Huitième réunion, huitième échec. Depuis la présentation par la Commission européenne, à la mi-2016, de trois critères pour identifier – et surtout interdire – les perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques qui interfèrent dangereusement avec le système hormonal, les réunions du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale (qui regroupe les 28 États membres) se suivent et se ressemblent. Des textes de compromis sont présentés aux experts, sans parvenir à convaincre une majorité qualifiée d’entre eux. Le vote crucial est donc inlassablement repoussé, de réunion en réunion. La rencontre d’hier, supposée conclusive, n’a pas fait exception. À Bruxelles, dans les couloirs des institutions, on dénonce une « saga ridicule ». Il n’en reste pas moins vrai que la définition des perturbateurs endocriniens est nécessaire à la mise en œuvre de toute réglementation : sans elle, impossible de bannir du marché commun les molécules potentiellement dangereuses, susceptibles de se retrouver partout (emballages, nourriture, vêtements, meubles, etc.) et de provoquer cancers, diabète, infertilité ou autisme.

Pourquoi les critères de définition suggérés par la Commission peinent-ils à convaincre ?

Selon la Commission européenne, une substance qui génère l’apparition d’effets indésirables, et dont le mode d’action endocrinien (au niveau cellulaire et moléculaire) est avéré, devrait être identifiée comme perturbateur endocrinien, du moins si, en plus, une corrélation entre les deux critères précédents existe. La communauté scientifique s’offusque d’un « niveau de preuve » jugé bien trop élevé. De plus, pour de nombreuses ONG, ces critères ne sont pas assez englobants. En amont de la réunion d’hier, Générations futures appelait ainsi le gouvernement français, « et particulièrement son nouveau ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot », à ne pas voter les critères proposés par la Commission. Selon des sources européennes, la France fait bien partie des États qui « réclament plus de temps de réflexion » et ont demandé à repousser le vote. Le Danemark et la Suède sont aussi vent debout contre ces critères d’identification jugés trop peu protecteurs de la santé et de l’environnement.

Quelles sont les prochaines étapes ?

La Commission promet un vote, qui plus est positif, « avant les vacances d’été ». Mais en plus des critères qui posent problème, le chapitre des dérogations qui pourraient être accordées à telle ou telle substance active (notamment celles qui ont été conçues pour perturber le système endocrinien de différents organismes autres que les vertébrés) fait aussi grincer des dents. « Les pays de l’Europe de l’Est, ainsi que l’Espagne, craignent que sans pesticides, les agriculteurs ne s’en sortent pas », expose Hans Muilerman, coordinateur des campagnes relatives aux produits chimiques de l’ONG bruxelloise Pesticide Action Network Europe (PAN Europe). Si la Commission décide de passer à l’étape du vote mais n’obtient pas la majorité qualifiée nécessaire, elle pourra porter le dossier devant un comité d’appel. S’ouvrirait alors, comme pour le dossier du glyphosate, tout aussi épineux, une deuxième discussion à un niveau de représentation plus élevé. « La Commission risque de se faire des ennemis », explique encore l’expert, qui admet ne pas savoir quand espérer un épilogue à cette interminable saga des perturbateurs endocriniens. Il n’a qu’une certitude : « La Commission doit protéger la santé et l’environnement. Or, elle n’est pas à la hauteur de la mission qui lui est confiée. »

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Quelle filiation pour les enfants nés d’une mère porteuse ? La Croix du 31 mai 2017 par Marie Boëton

L’avocat général près la Cour de cassation s’est déclaré favorable mardi 30 mai à ce qu’un enfant né par GPA ait un lien de filiation reconnu avec ses deux parents.

Les parents d’un enfant né par GPA à l’étranger peuvent-ils tous les deux être reconnus comme ses parents légaux ? Telle est l’épineuse question examinée par la Cour de cassation. Depuis une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (juin 2014), le lien de filiation entre l’enfant et son parent biologique doit figurer à l’état civil.

Mais quid de son parent social ? Quid de celui qui élève au quotidien l’enfant sans avoir aucun lien biologique avec lui ? Les juges de Strasbourg restent muets sur le sujet, laissant les états libres d’en décider. Saisie sur le sujet, la Cour de cassation examinait le 30 mai deux contentieux. Le premier concerne des jumelles nées par GPA en 2001 en Ukraine et élevées aujourd’hui par un couple de Français. Invoquant la nécessité pour les fillettes « d’avoir un lien de filiation reconnu avec leurs deux parents », Me Françoise Thouin-Palat a estimé « qu’on ne pouvait reprocher à ces jumelles leur mode de conception » en refusant de reconnaître leur lien de filiation avec leur mère d’intention. Estimant qu’on ne pouvait préjuger de l’avenir (« Si le père décède ? Et si le couple se sépare ? »), l’avocate a appelé à pérenniser les liens entre les filles et leurs deux parents.

Second dossier examiné par la Cour : celui d’un couple d’hommes ayant eu recours à une mère porteuse californienne. Seul le père biologique de l’enfant (10 ans) a été reconnu à l’état civil français. L’avocat du couple, Me Patrice Spinosi, a demandé à la Cour d’aborder ce contentieux sous l’angle du « pragmatisme » et estimé qu’« on ne saurait laisser un enfant évoluer dans une même famille avec une parentalité à deux vitesses ». Il a plaidé pour que le conjoint du père biologique puisse adopter l’enfant, ce qui permettrait que les deux pères figurent bien, in fine, à l’état civil de l’enfant. Une option retenue par l’avocat général près la Cour de cassation. Philippe Ingall-Montagnier a en effet estimé qu’une telle option permettait de prendre en compte « l’intérêt supérieur de l’enfant » en lui offrant « une protection juridique » grâce à un « lien légal et stable » avec ses deux parents.

L’avocat général, représentant du ministère public, tout comme les avocats des plaignants, se sont tous défendus hier de vouloir revenir sur la prohibition de la GPA en France. Reste que pour les associations les plus activement engagées contre le recours aux mères porteuses, permettre au parent d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint reviendrait – de fait – à permettre aux couples de contourner cet interdit. La Cour de cassation devrait rendre sa décision le 5 juillet prochain.

Imagine, des médecins du monde entier au cœur de Paris La Croix du 31 mai 2017 par Denis Sergent

Tout au long de la semaine, « La Croix » revient sur cette France qui favorise les rencontres et se nourrit des différences. En plein centre de Paris, le nouvel Institut des maladies génétiques Imagine brille par son excellence et attire patients et chercheurs étrangers.

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Une énorme étrave de paquebot entièrement vitrée à l’intersection du boulevard du Montparnasse et de la rue de Sèvres à Paris, menant à l’hôpital Necker-Enfants malades : c’est ainsi qu’apparaît Imagine, l’Institut des maladies génétiques. Mais une fois entré, on est immédiatement projeté dans un lieu inédit, à la fois hôpital, centre de recherche et méga-service de consultations. Le tout dans une ambiance bon enfant, multilingue, sans odeurs de produits antiseptiques, et animés par des gens plutôt souriants. Au cœur de ce bâtiment dessiné par Jean Nouvel et Bernard Valéro, un jardin d’hiver avec plantes vertes et bacs de jouets pour enfants donne, au rez-de-chaussée, sur une dizaine de cabinets de consultations où les médecins-chercheurs reçoivent les patients. Au-dessus, sur une demi-douzaine d’étages, les laboratoires de recherche, très lumineux grâce à de grandes baies vitrées, donnent tous sur des balcons surplombant le jardin intérieur.

« Au sein de chaque laboratoire, plusieurs langues peuvent se faire entendre, mais c’est l’anglais qui prime. C’est la langue la plus employée dans les revues, les congrès ou les réunions à distance via Internet (l’application Skype) entre scientifiques de divers pays », assure Marina Cavazzana, Italienne née à Venise, arrivée en France voici trente ans. Coauteur de deux grandes corrections de gènes réussies – le déficit immunitaire des « bébés bulles » avec Alain Fischer et Salima Hacein-Bey-Abina dans les années 2000 ; puis une maladie du sang, la drépanocytose, chez un enfant, avec Philippe Leboulch en 2014 – Marina Cavazzana est aujourd’hui codirectrice du laboratoire de lympho-hématopoïèse. « D’ailleurs la plupart des aide-mémoires collés un peu partout sur les appareils ou sur les bocaux de réactifs chimiques sont griffonnés en anglais », poursuit-elle.

C’est donc dans ce lieu, futuriste et international, qu’est née une démarche radicalement nouvelle de pratiquer la médecine humaine : réunir et faire travailler main dans la main, sous le même toit, médecins consultants, chercheurs biologistes et patients, ces derniers étant à deux pas de l’hôpital Necker s’ils doivent être hospitalisés. En tout, 25 laboratoires, spécialisés notamment sur les maladies du sang, du cœur, du rein, du muscle ou du système nerveux, avec, Enfants malades oblige, une prédominance pour la pédiatrie. « En 2016, nous avons réalisé 32 000 consultations d’enfants qui nous étaient envoyés par leur médecin, 20 % venant de la région Île-de-France et 80 % des autres régions françaises ou de l’étranger », observe Stanislas Lyonnet, professeur de génétique à l’université Paris-Descartes et directeur d’Imagine, qu’il dirige depuis 2016, à la suite d’Alain Fischer. Fort de ses 850 médecins, chercheurs et personnels, le pôle d’excellence Imagine s’efforce de diagnostiquer et de prendre en charge 9 000 maladies génétiques (dont 7 000 rares), 90 % ne disposant pas de traitement curatif. La réputation de l’Institut des maladies génétiques à l’étranger auprès des patients a eu pour effet d’attirer les meilleurs chercheurs. En janvier 2016, Imagine employait 77 % de Français et 23 % d’étrangers – 14 % d’Européens et 9 % de non-Européens. Le conseil scientifique, présidé par l’Américaine (d’origine australienne) Elizabeth Blackburn, prix Nobel 2009, est très international et comprend huit étrangers sur neuf membres.

« Ouvrir et attirer les meilleurs chercheurs étrangers a toujours fait partie de nos objectifs, insiste Stanislas Lyonnet. Un souhait d’autant plus fort que, même entre Européens, nous avons des cultures différentes et des approches cognitives variées, ce qui, in fine, facilite l’émergence de nouvelles idées. » L’institut a récemment recruté plusieurs chercheurs étrangers de haut niveau. Matias Simons, professeur de biologie du développement formé à l’université de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne), vient de prendre les rênes du laboratoire « Epithelial biology and disease », spécialisé dans les maladies génétiques rénales. Le Britannique Yanick Crow, professeur de génétique à l’université de Manchester, dirige depuis peu le laboratoire de neurogénétique et neuro-inflammation. L’Espagnol Antonio Rausell, formé à l’université de Madrid et ayant fait de la recherche aux universités de Lausanne et du Luxembourg, anime dorénavant le laboratoire de bio-informatique clinique.

Pour les médecins et chercheurs, l’organisation d’Imagine présente des avantages. « C’est un lieu unique, où les consultations ont lieu au rez-de-chaussée, les prises de sang et autres prélèvements dans l’hôpital attenant, ce qui permet de rassembler les patients ayant des maladies rares. Cette disposition nous incite à travailler plus efficacement et à publier plus rapidement, explique Isabelle André-Schmutz, du laboratoire de lympho-hématopoïèse.

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Imagine n’a pas d’équivalent en Europe. Avec cet environnement, nous empruntons le plus court chemin entre la paillasse du chercheur et le lit du malade. » Pour en faire un lieu de recherche international attractif, il faut aussi y intégrer les industriels de la pharmacie. Imagine collabore avec GSK (Royaume-Uni) ou Bluebird bio (États-Unis) et avec le français Cellectis. « Ce sont de véritables partenariats où chacun apprend de l’autre, sans chercher à s’accaparer le savoir de l’autre, insiste Marina Cavazzana. « On assiste ces dernières années à un changement de mentalité », confirme Isabelle André-Schmutz. Imagine a même accueilli dans ses murs une vingtaine de chercheurs d’Alexion, une société de biotechnologie américaine. À la satisfaction de tous et pour forcer l’imaginaire…

Une fondation flexible et efficace

Créé en 2007, Imagine, Institut des maladies génétiques, a rassemblé ses 25 laboratoires et plateformes technologiques (génomique, imagerie, transfert de gènes, banque d’ADN) dans le bâtiment Jean Nouvel en 2014. Juridiquement, c’est une fondation de coopération scientifique, de droit privé à but non lucratif, soumise aux règles des fondations d’utilité publique, selon la loi pour la recherche de 2006. Elle a six membres fondateurs : l’AP-HP, l’Inserm, l’université Paris-Descartes, l’Association française contre les myopathies, la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France et la mairie de Paris. Imagine dispose d’une grande flexibilité administrative et peut, contrairement aux organismes publics, créer rapidement un poste ou acheter un appareil.

GPA : la place du parent d’intention devant les juges Le Figaro du 31 mai 2017 par Agnès Leclair

Le premier avocat général de la Cour de cassation est favorable à l'adoption simple des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger.

C'est une nouvelle étape vers la reconnaissance du « second parent » des enfants nés de mère porteuse à l'étranger. Mardi, la Cour de cassation s'est penchée sur plusieurs affaires qui posent la question de la place des parents d'intention d'enfants issus de GPA réalisées à l'étranger. Dans un couple hétérosexuel, il s'agit de la mère d'intention, sans lien biologique avec l'enfant, et dans un couple d'hommes, du « second » père, celui qui n'a pas donné son sperme pour concevoir l'enfant.

Après plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), la Cour de cassation a déjà validé en 2015 la transcription du lien de filiation entre l'enfant et son parent biologique. Deux ans plus tard, ira-t-elle plus loin ? « Ce n'est pas le procès de la GPA (...) mais cette affaire pourrait être celle de la définition des parents », a averti Philippe Ingall-Montagnier, premier avocat général de la première chambre civile de la Cour de cassation, au sujet de la première affaire examinée mardi. Cette dernière concerne un couple hétérosexuel qui demande la transcription en France de l'état-civil de jumelles nées par GPA en Ukraine en 2011. L'acte de naissance étranger des fillettes ne mentionne pas de mère porteuse et désigne le couple comme les parents. En France, les jumelles sont uniquement liées à leur père biologique. « Deux enfants, un père, un projet parental mais pas de mère », a résumé l'avocate du couple, Françoise Thouin-Palat avant d'invoquer l'intérêt supérieur de l'enfant. « Traiter différemment le père et la mère d'intention, ce n'est pas admissible », a-t-elle également pointé. « L'intérêt supérieur de l'enfant n'implique pas de retranscrire des notions fantaisistes à l'état civil », a objecté le premier avocat général après avoir rappelé que le Code civil français était largement fondé sur le principe de droit romain selon lequel la mère est la femme qui accouche.

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L'autre affaire emblématique examinée mardi est la demande d'adoption simple d'un petit garçon né en 2006 d'une mère porteuse en Californie par le « second père » d'un couple d'hommes. « L'adoption peut apparaître plus conforme à la réalité biologique puisque c'est un mécanisme qui permet d'établir une filiation à l'égard d'une personne avec laquelle on n'a pas de lien de sang. C'est une troisième voie qui pourrait être choisie par la Cour de cassation », a estimé l'avocat du couple, Me Patrice Spinosi après l'audience. « Il me semble absolument nécessaire que ces enfants puissent faire établir leurs liens de filiation non seulement à l'égard de leur parent biologique mais aussi à l'égard de l'autre parent. Celui qui les a aimés, qui les a chéris, qui les a voulus et qui, à ce titre, a autant de droits que le parent biologique, a-t-il également fait valoir. Sans cette reconnaissance, l'enfant va se retrouver dans une situation compliquée en cas de séparation de ses parents ou de décès de son parent biologique. » La « solution » de l'adoption simple a en tout cas été jugée « conforme à l'intérêt de l'enfant » par le premier avocat général qui n'y a pas vu un « détournement de l'institution de l'adoption ». En attendant la décision de la Cour de cassation, le 5 juillet prochain, les opposants à la GPA s'inquiètent de l'avènement d'une « filiation puzzle ». « On voit bien que la reconnaissance du parent d'intention irait dans le sens d'une marchandisation de l'humain et de l'ubérisation de la filiation, dénonce Ludovine de la Rochère, de la Manif pour tous. N'oublions pas que les parents d'intention sont à l'origine de l'abandon de l'enfant par la mère porteuse. Reconnaître un lien de filiation, c'est encourager la pratique très lucrative de la GPA, une pratique d'exploitation du corps des femmes d'une violence inouïe. » Des inquiétudes partagées par le CoRP (Collectif pour le respect de la personne). « L'adoption simple n'efface pas la mère porteuse mais entérine le fait que cette dernière abandonne tous ses droits parentaux, analyse un de ses membres, le juriste Emmanuel Jauffret. En un sens, cela aboutit à une reconnaissance des effets de la GPA en France. »

Santé : la France devra faire face en 2020 à une forte hausse des traitements de longue durée Le Monde du 1er juin 2017 par François Béguin

Selon l’Assurance-maladie, un demi-million de patients en plus souffriront d’au moins une pathologie chronique ou nécessiteront des soins au long cours.

Une population plus nombreuse et plus âgée, des maladies plus fréquentes… En 2020, la France devrait compter 548 000 personnes de plus qu’en 2015 atteintes d’au moins une pathologie chronique ou nécessitant un traitement au long cours (diabète, cancer, maladie psychiatrique…). Cette projection inédite a été dévoilée mercredi 31 mai par la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à l’occasion de la présentation d’une analyse « médicalisée » des dépenses de santé en 2015.

Pour la première fois, les statisticiens de la CNAM ont croisé les prévisions démographiques de l’Insee et les évolutions prévisibles des principales pathologies. L’objectif était d’établir celles qui connaîtront les plus fortes hausses d’effectifs ces prochaines années et ainsi mieux « identifier les leviers de maîtrise de dépenses ». Entre 2015 et 2020, le nombre de personnes atteintes d’une maladie cardio-neuro-vasculaire devrait par exemple grimper de 13 % et passer de 4,5 millions à 5,1 millions de patients, les deux tiers de cette hausse s’expliquant par la seule évolution démographique, soit en l’occurrence le vieillissement de la population.

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D’autres pathologies devraient également connaître de fortes hausses de leurs effectifs au cours de cette période : + 12 % pour le diabète (455 000 patients de plus), + 10 % pour les maladies respiratoires chroniques (340 000 patients de plus), + 11 % pour les maladies psychiatriques (100 000 patients de plus), + 20 % pour les maladies inflammatoires (234 000 patients de plus). Des hausses spectaculaires qu’il faut lire avec prudence car les patients qui cumulent plusieurs pathologies sont comptabilisés plusieurs fois. Ayden Tajahmady, le directeur adjoint de la stratégie et des études statistiques à la CNAM, explique : « Cette progression peut paraître importante mais il n’y a pas d’explosion. C’est la poursuite d’une tendance qui tend même à se ralentir en raison d’une évolution démographique plus modérée ». L’augmentation du nombre de patients atteints de maladies cardio-neuro-vasculaires ne serait ainsi que de 2,7 % par an jusqu’en 2020, contre 3,3 % chaque année entre 2013 et 2015. Plus exceptionnellement, on assiste même à quelques diminutions d’effectifs. Le nombre de personnes prenant des traitements psychotropes ou des traitements du risque cardio-vasculaire devrait ainsi « reculer respectivement de 8 % et de 6 % ».

Budget contraint

Une évolution du nombre de malades à laquelle l’Assurance-maladie devra répondre avec un budget contraint, ce qui l’oblige, comme elle le détaille chaque année à la fin du mois de juin, à engager des actions de prévention ou de « maîtrise médicalisée » des dépenses (réduction de la durée de séjour à l’hôpital, optimisation de l’utilisation des ambulances, etc.). Emmanuel Macron a annoncé pendant la campagne qu’il entendait plafonner la progression des dépenses à 2,3 % chaque année (contre 2,1 % cette année, et 1,75 % en 2016). Mercredi, la CNAM n’a pas souhaité chiffrer les dépenses supplémentaires qu’entraîneront nécessairement ces centaines de milliers de nouveaux patients. « Ce calcul aurait été trop hasardeux, chaque pathologie ayant vingt-sept postes de dépense différents », souligne M. Tajahmady, en rappelant qu’il est aujourd’hui impossible de prédire l’évolution du prix de certains traitements médicamenteux. L’Assurance-maladie s’est toutefois prêtée à cet exercice a posteriori pour certaines maladies. Elle a par exemple constaté une hausse de la dépense moyenne de soins pour le traitement du cancer du sein, passée de 11 288 euros par patiente par an en 2012 à 12 035 euros en 2015. Une augmentation due à un recours croissant à des nouveaux médicaments, plus onéreux. A contrario, la dépense moyenne annuelle par patient traité pour une maladie coronaire chronique, comme une angine de poitrine, a baissé de 2,7 % entre 2012 et 2015 en raison de la baisse des prix de certains médicaments et une diminution des dépenses d’hospitalisation, « concomitante à une hausse des soins infirmiers en ville ».

Pourquoi l’UE n’arrive-t-elle pas à trancher sur les perturbateurs endocriniens ? La Croix du 1er juin 2017 par Jean-Baptiste François et Céline Schoen

Pour la huitième fois en un an, les États de l’UE ont échoué mardi à se mettre d’accord sur une définition réglementaire des substances chimiques qui interfèrent dangereusement avec le système hormonal. Pour être votée, cette disposition requiert la majorité qualifiée des États de l’UE, mais la France, le Danemark et la Suède font blocage et demandent des critères d’identification plus protecteurs.

Florent Saint-Martin, membre du Collège of Europe, spécialiste des questions de lobbying européen : On attend peut-être de la Commission quelque chose qu’elle ne peut pas faire.

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J’ai moi-même suivi le dossier des perturbateurs endocriniens de 2010 à 2012 en tant qu’attaché parlementaire de l’eurodéputée écologiste Corinne Lepage. À cette époque-là, on ambitionnait de donner une définition à ces substances, ce qui est un préalable à toute interdiction. Mais l’horizon qu’on s’était donné pour le faire est dépassé depuis des années déjà. On attend peut-être de la Commission européenne quelque chose qu’elle ne peut pas faire. Certes, on peut sans doute reprocher à l’exécutif européen de ne pas suffisamment faire entendre sa voix sur le sujet, mais il ne doit pas être le seul à endosser la responsabilité des blocages. Car ce sont aussi les États qui n’arrivent pas à se mettre d’accord à la majorité qualifiée.

La Commission européenne n’a pas la main sur tout. Notamment, elle n’a pas de prise sur les agences européennes qui fournissent la compétence technique et les panels d’experts, qu’il s’agisse de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Or, il y a un problème lorsque celui qui rend l’avis technique n’est pas totalement irréprochable. La Commission devrait au moins avoir un contrôle sur ces agences pour améliorer la gestion des conflits d’intérêts, alors que la littérature sur la dangerosité des perturbateurs endocriniens commence à être bien fournie. Bruxelles, en attendant que la controverse soit tranchée, pourrait quoi qu’il en soit appliquer le principe de précaution. La notion est souvent dévoyée. Il ne s’agit pas de retirer tous les produits potentiellement concernés du marché, comme le demandent les écologistes les plus radicaux. Il faudrait en revanche mettre en place des mesures temporaires vis-à-vis des publics les plus exposés – je pense aux femmes enceintes et à l’effet sur le fœtus – tout en favorisant la recherche scientifique dans le domaine concerné. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) ne dit pas autre chose. Dans son article 191, l’UE doit contribuer à « la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement », et à « la protection de la santé des personnes ». Sa politique est « fondée sur les principes de précaution et d’action préventive ».

Enfin il y a une dernière possibilité à exploiter : le recours en carence, qui peut être activé lorsque l’exécutif ne fait pas quelque chose qu’il est tenu de faire dans les règlements. Le Parlement européen, le Conseil européen ou n’importe quel État membre pourrait s’en saisir pour mettre en demeure la Commission de se mettre en action.

Natacha Cingotti, chargée de campagne « santé et produits chimiques » au sein du réseau Heal : Bruxelles privilégie une approche trop compartimentée.

La méthode n’est pas la bonne car elle est trop opaque. Des experts mandatés par des États membres discutent à huis clos d’une proposition de la Commission sans qu’aucun observateur ne soit présent.

Par ailleurs, la Commission privilégie une approche trop compartimentée, c’est-à-dire en séparant les divers secteurs – les critères proposés ne couvrent que les pesticides, négligeant de nombreux secteurs comme les cosmétiques, ou les produits pharmaceutiques. Il faudrait plutôt regarder les choses dans leur ensemble. L’exécutif européen persiste à agir ainsi, alors même que, depuis 2013, le septième plan d’action pour l’environnement donne un cadre à ce type de réflexion. C’était une excellente nouvelle, car on évitait un traitement secteur par secteur tout en répondant à l’ambition du « mieux légiférer », c’est-à-dire avoir des législations plus efficaces et cohérentes. Mais la Commission n’a établi de critères que pour les seuls pesticides. On arrive donc au paradoxe où la Commission va pouvoir identifier les perturbateurs endocriniens contenus dans un nombre limité de pesticides, mais si on en trouve dans des emballages alimentaires, même avec de bons critères, ils ne seront pas identifiés, rendant restrictions ou interdictions impossibles…

Le plus gros problème dans la proposition actuelle, c’est le niveau de preuve trop élevé avant qu’un produit puisse être identifié comme un perturbateur endocrinien. Les critères reposent sur le « mode d’action » (l’effet produit au niveau moléculaire), « l’effet adverse » (sa nocivité sur la santé) et la démonstration qu’il y a un lien entre les deux. Il paraît donc très difficile d’isoler les substances dangereuses, d’autant que celles-ci sont souvent mélangées à d’autres.

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La position de la Commission n’est pas claire. Elle est brouillée à la fois par une inertie face au consensus scientifique, le lobbying intense de l’industrie des pesticides et des produits chimiques, son credo qui la pousse à chercher toujours plus de croissance, et ses divisions internes, avec des directions qui s’affrontent. Les questions environnementales et sanitaires ne sont pas une priorité dans les arbitrages politiques. La question des perturbateurs endocriniens n’est pourtant pas nouvelle : ces substances sont connues depuis longtemps ; la communauté scientifique est très mobilisée et souligne qu’il est grand temps de réguler. Quand l’écoutera-t-on ?

La Commission et les États membres doivent prendre leurs responsabilités en appliquant le principe de précaution, c’est-à-dire en restreignant ou en retirant les produits présumés dangereux du marché, quitte à introduire par la suite des exemptions pour certains produits avérés inoffensifs. L’approche actuelle suit une logique contraire, en laissant la population exposée. Le principe de précaution permettrait d’éviter de nombreuses contaminations.

Fin de vie : la procédure d’arrêt des soins validée Le Monde du 3 juin 2017 par François Béguin

Le Conseil n’a pas voulu reconnaître un « droit à la vie », réclamé par une association, mais a apporté des garanties aux familles.

Un médecin a bien le droit de décider seul, à l’issue d’une procédure collégiale consultative, au titre du refus de l’obstination déraisonnable, l’arrêt de traitements indispensables au maintien en vie d’un patient, lorsque celui-ci est incapable d’exprimer sa volonté et qu’il n’a pas laissé de directives anticipées. Appelé à se prononcer pour la première fois sur cette disposition-clé de la récente loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, et alors que les affaires Vincent Lambert ou Marwa ont suscité bien des débats, le Conseil constitutionnel a jugé, dans une décision rendue vendredi 2 juin, qu’elle était conforme à la Constitution.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par l’Union nationale de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) qui souhaitait « consacrer pour la première fois le droit à la vie », le Conseil s’est gardé d’ouvrir une telle brèche susceptible d’entraîner des contestations, notamment sur l’IVG, mais a toutefois apporté deux précisions au texte adopté par le Parlement en janvier 2016. Toute décision d’arrêt ou de limitation des traitements de maintien en vie doit être « notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile ». Ce recours doit par ailleurs « pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compétente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée ». Deux réserves d’interprétation qui viennent rappeler que les décisions des médecins en la matière doivent bien pouvoir être soumises au contrôle du juge.

« Cette décision clarifie le texte et sa portée », a réagi vendredi Philippe Petit, l’un des représentants de l’UNAFTC, estimant qu’il existait désormais « un risque majeur de judiciarisation des conflits ». Si l’UNAFTC avait souhaité contester cette disposition de la loi Claeys-Leoneti, c’est parce qu’elle estimait qu’en l’absence de témoignage direct de la volonté du patient, une décision d’arrêt des traitements ne pouvait être « strictement médicale ». « Au moment de l’affaire Vincent Lambert, nous avons reçu des appels de familles terrifiées à l’idée qu’un médecin puisse imposer un arrêt de l’alimentation à leur proche dans un état végétatif ou pauci-relationnel », raconte M. Petit.

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Le décret publié par le gouvernement le 3 août 2016, contesté par l’UNAFTC, prévoit une « concertation » avec l’équipe soignante et « l’avis motivé » d’un médecin extérieur « consultant ». La personne de confiance, « ou, à défaut, la famille ou l’un des proches » peut rapporter la volonté du patient mais n’est pas associée à la décision afin, notamment, de ne pas faire peser sur elle le poids d’une telle décision. « La consultation des membres de la famille ne suffit pas : leur adhésion doit être recherchée », avait plaidé François Molinié, l’avocat de l’association, lors de l’audience devant les juges constitutionnels le 23 mai, estimant qu’en cas de désaccord, « le doute devrait profiter au droit fondamental à la vie ». Pour l’UNAFTC, le législateur aurait dû inscrire des « garde-fous » dans la loi, comme la nomination d’un médiateur en cas d’absence de consensus.

Ces dernières années, deux situations de désaccord entre médecins et familles nécessitant un recours à la justice administrative ont été fortement médiatisées. Celle de Vincent Lambert, un jeune homme tétraplégique plongé dans un état végétatif depuis 2008 sur le sort duquel sa famille se déchire depuis quatre ans, le Conseil d’Etat puis la Cour européenne des droits de l’homme ayant successivement validé l’arrêt de ses traitements, sans que celui-ci ne soit pour autant ensuite mis en œuvre. Le neveu de Vincent Lambert, François, qui s’est toujours prononcé en faveur de l’arrêt des traitements, a salué la « très bonne décision » du Conseil constitutionnel. « Le Conseil constitutionnel était la seule juridiction à ne pas encore s’être prononcée. Cette décision montre que le principe de dignité et de liberté personnelle est défini et protégé par la Constitution, pas juste dans le sens du droit à la vie mais dans les deux sens », a-t-il affirmé à l’Agence France-Presse. « Le Conseil constitutionnel dit que le patient est au cœur et que la procédure se termine par le procès et non par une nouvelle procédure collégiale », a-t-il ajouté.

Pour Marwa, une petite fille d’un an et demi lourdement handicapée, le Conseil d’Etat, saisi en appel, avait ordonné le 8 mars la poursuite des traitements, comme le réclamaient ses parents, mais contre l’avis des médecins qui jugeaient qu’il y avait une situation d’obstination déraisonnable. Au-delà de ces deux cas, les situations de désaccord semblent rares, les médecins passant rarement outre un refus de la famille. « Des affaires Lambert, il y en une tous les dix ans, reconnaît Philippe Petit. Mais depuis cette affaire des familles nous disent avoir été mises sous pression. Ces conflits sont en émergence. »

« Monsanto Papers » : la bataille de l’information Le Monde du 3 juin 2017 par Stéphane Foucart et Stéphane Horel

Pour sauver le glyphosate, la firme s’en prend à l’agence des Nations unies contre le cancer, qui a classé son produit phare cancérogène.

Elle l’avait promis « plus inoffensif que le sel de table », mais c’était dans les publicités. Le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé sur la planète, le principal ingrédient de son produit-phare, le Roundup, sur lequel elle a bâti son modèle économique, sa fortune et sa réputation, commercialisé depuis plus de quarante ans et devenu best-seller avec le développement des semences transgéniques dites « Roundup ready », serait en réalité cancérogène. Le 20 mars 2015, Monsanto accuse le coup. Ce jour-là, le glyphosate est déclaré génotoxique (il endommage l’ADN), cancérogène pour l’animal et « cancérogène probable » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Le jury : un groupe de dix-sept experts chevronnés de onze nationalités, rassemblés par cette agence officielle des Nations unies chargée de dresser l’inventaire des substances cancérogènes et dont les avis font autorité depuis près d’un demi-siècle.

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Il ne fait alors aucun doute que ce sera aussi la destinée de leurs conclusions sur le glyphosate, publiées sous la forme d’un rapport, la « monographie 112 ». Loin des regards, la fureur du groupe américain traverse l’Atlantique par fibre optique. Le jour même, une missive au parfum de déclaration de guerre part à Genève, en Suisse, à la direction de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maison mère du CIRC.

Le papier à en-tête arbore la célèbre petite branche verte encadrée d’un rectangle orange : le logo de Monsanto. « Nous croyons comprendre que les participants du CIRC ont délibérément choisi d’ignorer des dizaines d’études et d’évaluations réglementaires publiquement disponibles qui soutiennent la conclusion que le glyphosate ne présente pas de risque pour la santé humaine », accuse Philip Miller, le vice-président de Monsanto chargé des affaires réglementaires. Parmi les points qu’il annonce vouloir aborder lors d’un « rendez-vous en urgence », des « mesures à prendre immédiatement pour rectifier ce travail et cette conclusion hautement contestables », les critères de sélection des experts ou encore les « documents comptables où figurent tous les financements concernant la classification du glyphosate par le CIRC, y compris les donateurs ». Les rôles sont inversés : ce serait à l’organisation internationale de rendre des comptes à la firme. Au fil de l’été 2015, CropLife International – l’organisation de lobbying du secteur de l’agrochimie, dont Monsanto est membre – prend le relais de l’intimidation épistolaire. Exigences intrusives rivalisent avec menaces voilées.

Le CIRC, lui, en a vu d’autres. Ce n’est pas la première fois qu’il endure critiques et attaques : elles sont à la mesure de sa réputation. Bien que dépourvues de toute valeur réglementaire, ses évaluations menacent des intérêts commerciaux parfois considérables. L’exemple le plus documenté à ce jour concerne les dangers du tabagisme passif, évalués par le CIRC à la fin des années 1990. Mais même à la grande époque des affrontements avec les géants du tabac, les fleurets étaient plus ou moins mouchetés. « Je travaille au CIRC depuis quinze ans et je n’ai jamais vu quoi que ce soit qui ressemble à ce qui se passe depuis deux ans », confie Kurt Straif, le chef des monographies à l’agence.

Difficile de faire passer le CIRC pour une institution controversée, sujette à un biais « anti-industrie », qui serait contestée au sein même de la communauté scientifique. Pour une immense majorité des scientifiques du monde académique, spécialistes du cancer ou chercheurs en santé publique, l’agence de l’OMS représente un bastion d’indépendance et d’intégrité. « J’ai honnêtement du mal à imaginer une manière plus rigoureuse et plus objective de procéder à des expertises scientifiques collectives », estime l’épidémiologiste Marcel Goldberg, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a participé à plusieurs monographies. Pour chacune de ces monographies, le CIRC rassemble une vingtaine de chercheurs de divers pays, sélectionnés en fonction de leur expérience et de leurs compétences scientifiques, mais aussi de leur stricte tenue à l’écart de possibles conflits d’intérêts. Aussi, fonde-t-il ses avis sur des études publiées dans des revues savantes, et exclut les études commanditées par les industriels, confidentielles. Ce n’est pas le cas de la plupart des agences réglementaires qui accordent, elles, une importance décisive aux études réalisées et fournies par les entreprises dont les produits font l’objet d’une évaluation. Parmi elles : l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). A l’automne 2015, l’avis de cette agence officielle – chargée d’évaluer les risques liés aux pesticides – sur le glyphosate est très attendu. C’est en fonction de ses conclusions, notamment, que l’Union européenne (UE) doit décider si elle renouvellera pour au moins une décennie son autorisation du glyphosate. En novembre, Monsanto peut respirer. L’avis de l’EFSA contredit celui du CIRC : l’agence considère que le glyphosate n’est ni génotoxique ni cancérogène. Mais le bol d’air est de courte durée.

Quelques semaines plus tard, les conclusions de l’EFSA sont sévèrement critiquées dans une revue réputée par une centaine de scientifiques, qui les jugent entachées de nombreux manquements. A l’initiative, un scientifique américain qui a assisté le travail des experts sur la monographie du CIRC en tant que « spécialiste invité ». C’est sur lui que le tir va se concentrer.

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Dans les milieux de la santé environnementale, Christopher Portier n’est pas n’importe qui. « J’ai pu lire ici ou là que Chris Portier n’était pas compétent, et c’est probablement la chose la plus ridicule qu’il m’ait été donnée d’entendre, rigole Dana Loomis, le directeur adjoint des monographies du CIRC. C’est lui qui a développé bon nombre des techniques d’analyse utilisées partout pour interpréter les résultats des études toxicologiques ! » M. Portier fait partie de ces scientifiques dont le CV ne tient pas sur moins de trente pages. Auteur de plus de 200 publications scientifiques, il a été directeur de la santé environnementale des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), directeur de l’Agence américaine des substances toxiques et du registre des maladies, directeur adjoint du National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) et du National Toxicology Program. « C’est une carrière incontestablement unique », dit Robert Barouki, directeur d’une unité de recherche en toxicologie à l’Inserm.

Jeune retraité, Christopher Portier propose désormais ses compétences comme expert et conseiller à divers organismes internationaux, dont une ONG américaine de protection de l’environnement, l’Environnemental Defense Fund (EDF). Et c’est cet homme qui va être visé par de violentes attaques… Le 18 avril 2016, l’agence de presse Reuters publie un long article sur le CIRC, présenté comme une agence « semi-autonome » de l’OMS, coupable de créer « la confusion chez les consommateurs ». Elle y évoque une « inquiétude concernant de potentiels conflits d’intérêts qui impliqueraient un conseiller de l’agence étroitement lié à l’Environmental Defense Fund, un groupe de pression américain opposé aux pesticides ».

Des « critiques », écrit Reuters, « soutiennent que le CIRC n’aurait pas dû l’autoriser à être impliqué dans l’évaluation du glyphosate ». Détail piquant : l’agence de presse – qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations du Monde – donne par ailleurs la parole à trois scientifiques qui éreintent l’institution, sans qu’il soit jamais mentionné qu’ils sont tous trois, et de notoriété publique, consultants pour l’industrie. Mais quels sont donc ces « critiques » sans nom ? Ils se résument en fait à l’obscur blog d’un ancien lobbyiste de l’industrie chimique, passé par la firme de relations publiques Burson-Marsteller, David Zaruk. A Bruxelles, où il est installé, M. Zaruk est connu comme le loup blanc pour son penchant pour l’invective (les auteurs de cet article en ont été les cibles à plusieurs reprises). C’est lui qui, le premier, proteste contre les conflits d’intérêts de M. Portier, minant selon lui l’avis du CIRC. Il éreinte le scientifique américain avec persévérance. Il publiera au total vingt longs billets autour du glyphosate. Sans compter les tweets.

Le professeur Portier est tour à tour qualifié de « militant », de « rat », de « démon », de « mauvaise herbe », de « mercenaire », et même de « petite merde », qui s’est « introduit comme un ver » dans ce fruit que serait le CIRC. L’agence, elle, est comparée à une « croûte » dont on peut voir sortir le « pus » quand on la « gratte », tant elle est « infectée par son arrogance », « sa science militante politisée » ou « son parti pris anti-industrie ». M. Zaruk dit avoir eu « trois contacts » avec Monsanto, mais dément formellement avoir été rémunéré pour écrire. « Je n’ai pas touché un centime pour mes blogs sur le glyphosate », a-t-il assuré dans un courriel au Monde. En avril 2017, il publiait encore une diatribe contre les ONG, Christopher Portier et plusieurs journalistes, et l’illustrait par une photographie de nazis brûlant des livres sur l’Opernplatz à Berlin, en 1933.

Les élucubrations de M. Zaruk pouvaient être très facilement vérifiées et invalidées. Mais la prestigieuse caution journalistique de Reuters donne le top départ à leur diffusion. En quelques semaines, ces accusations de conflits d’intérêts sont reprises et citées dans le Times de Londres, le quotidien The Australian, et aux Etats-Unis dans National Review ou The Hill, sous la signature de Bruce Chassy, un professeur émérite de l’université de l’Illinois financé par Monsanto, comme l’ont montré des documents confidentiels obtenus en septembre 2015 par l’association US Right to Know (USRTK). Le « travail » de M. Zaruk est également cité dans la revue Forbes sous la plume d’un biologiste affilié à la Hoover Institution, un think tank proche du Parti républicain, et dont on trouve la trace dans les archives déclassifiées des industriels du tabac. L’intéressé proposait, à l’époque, de faire publier des tribunes ou de mettre à profit ses apparitions médiatiques pour « communiquer sur les risques et la science ». Tarifs compris entre 5 000 et 15 000 dollars.

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Les attaques du blogueur bruxellois sont aussi relayées par des sites de propagande bien connus, l’American Council on Science and Health et le Genetic Literacy Project, animé par des communicants en lien avec les industries des pesticides et des biotechnologies. L’article consacré à Christopher Portier et au CIRC est d’ailleurs signé par Andrew Porterfield, qui se qualifie lui-même, en toute simplicité, de « consultant en communication pour l’industrie des biotechnologies ». Et qu’en est-il de l’interrogation sur les conflits d’intérêts de M. Portier ? L’Environmental Defense Fund aurait-il, à travers lui, pesé sur la décision du CIRC de classer le glyphosate « cancérogène probable » ? « Du fait de son lien avec cette association, M. Portier avait le statut de “spécialiste invité”, explique Kathryn Guyton, la scientifique du CIRC chargée de la monographie 112. Cela signifie que le groupe de travail l’a consulté, mais qu’il n’a pas contribué à la décision de classer la substance dans telle ou telle catégorie. » De véritables conflits d’intérêts, il y en a pourtant. Mais ailleurs.

En mai 2016, alors que presse et blogosphère bruissent des soupçons de mauvaises pratiques au CIRC, un autre groupe d’experts des Nations unies donne à son tour son avis. Le Joint Meeting on Pesticides Residues (JMPR), un groupe conjoint de l’OMS et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui ne juge que sur les risques liés à l’exposition alimentaire (et non par inhalation, par contact dermique, etc.), dédouane le glyphosate. Près d’un an auparavant, une coalition d’ONG avait alerté l’OMS sur des conflits d’intérêts au sein du JMPR. Trois de ses membres collaborent en effet avec l’International Life Science Institute (ILSI), une organisation de lobbying scientifique financée par les grands industriels de l’agroalimentaire, des biotechnologies et de la chimie. De Mars à Bayer, de Kellogg à Monsanto.

Tout en étant président du conseil d’administration de l’ILSI, le toxicologue Alan Boobis (Imperial College, Royaume-Uni) officiait comme coprésident du JMPR. Tout en étant consultant et membre du conseil d’administration d’une structure créée par l’ILSI, Angelo Moretto (université de Milan, Italie) siégeait comme rapporteur du JMPR. Tout en étant consultante et présente dans divers groupes de travail de l’ILSI, Vicki Dellarco était membre du JMPR. Or les experts du JMPR sont soumis aux mêmes règles d’indépendance – parmi les plus strictes au monde – que ceux du CIRC : celles de l’OMS. Parce qu’il peut altérer la crédibilité de l’institution et de ses décisions, un conflit d’intérêts apparent y est aussi grave qu’un conflit d’intérêts avéré. Pourtant, interrogée par Le Monde, l’OMS assure qu’« aucun expert n’était dans une situation de conflit d’intérêts l’empêchant de participer au JMPR ». Une réponse qui laisse insatisfaits Hilal Elver et Baskut Tuncak, respectivement rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation et rapporteur spécial sur les produits et déchets dangereux des Nations unies. « Nous appelons respectueusement l’OMS à expliquer comment exactement elle en est arrivée à conclure que les liens des experts avec l’industrie ne représentaient aucun conflit d’intérêts, apparent ou potentiel, en fonction de ses propres règles », ont réagi les deux experts, sollicités par Le Monde. « Des processus solides, clairs et transparents sur les conflits d’intérêts sont essentiels à l’intégrité du système », précisent-ils, avant d’« encourager » les organisations des Nations unies à les « réviser ».

De « graves allégations » existent sur « le fait que les industriels “achèteraient” des scientifiques pour qu’ils confirment leurs arguments », avaient écrit les deux experts dans leur rapport sur le droit à l’alimentation. « Les efforts déployés par l’industrie des pesticides, insistait ce texte remis au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en mars 2017, ont entravé les réformes et paralysé les initiatives visant à restreindre l’utilisation des pesticides à l’échelon mondial. » Jeter le discrédit sur le CIRC, les experts de son groupe de travail, la qualité du travail scientifique qui a été mené : des « efforts » qui relèvent de l’importance stratégique, voire de la nécessité vitale pour Monsanto. A ses trousses, plusieurs cabinets d’avocats américains représentent victimes ou proches de victimes décédées d’un lymphome non hodgkinien (LNH), un cancer rare affectant les globules blancs, qu’ils attribuent à une exposition au glyphosate.

Pour eux, la monographie 112 du CIRC constitue une pièce à conviction primordiale. Pour Monsanto, elle risque de peser sur les verdicts.

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Selon les documents légaux, le montant des dommages et intérêts à verser aux Etats-Unis aux 800 plaignants pourrait se chiffrer en milliards de dollars. D’autant que le nombre de demandeurs devrait « probablement » atteindre 2 000 d’ici à la fin de l’année, estime Timothy Litzenburg, l’un des avocats pour le cabinet Miller.

Mémos confidentiels, tableaux garnis de chiffres ou briefs internes : en tout, 10 millions de pages arrachées aux cartons d’archives et aux entrailles des PC de Monsanto. C’est la quantité de documents que la firme a été contrainte de livrer à ce jour à la justice. Aux Etats-Unis, la procédure dite de « discovery » (« découverte ») autorise ce genre de raid dans la paperasse de l’adversaire. De cette masse de documents scannés des « Monsanto papers », révélés au compte-gouttes, affleure le plan de riposte de la multinationale. Comme ce document PowerPoint « confidentiel » du 11 mars 2015, dont les diapositives déroulent une stratégie d’influence sous la forme de « projets scientifiques ». Y est notamment évoquée une « évaluation complète du potentiel cancérigène » du glyphosate par des « scientifiques crédibles », « éventuellement via la formule d’un panel d’experts ». Ce sera chose faite.

En septembre 2016, une série de six articles paraît dans la revue scientifique Critical Reviews in Toxicology. Ils exonèrent le glyphosate. Mais la publication étant ouvertement « sponsorisée et soutenue par Monsanto », le contraire eût-il été seulement possible ? Leurs auteurs : les seize membres du « panel d’experts glyphosate » auxquels Monsanto a confié la mission de « réexaminer la monographie du CIRC sur le glyphosate ». Leur recrutement a été délégué à Intertek, un cabinet spécialisé dans la production de matériau scientifique pour les entreprises en difficulté réglementaire ou judiciaire avec leurs produits. Monsanto et ses alliés feront également appel à Exponent et Gradient, deux autres de ces cabinets dits de « défense de produits ».

Dans le document PowerPoint de gestion de crise, il est aussi question de publier un article sur le CIRC lui-même : « Comment il a été formé, comment il fonctionne, n’a pas évolué au fil du temps. Ils sont archaïques et désormais inutiles. » Le scientifique évoqué pour l’écrire n’a, depuis, rien publié sur la question. Un article correspondant en tous points à ce cahier des charges hostile paraît en revanche en octobre 2016 dans une revue mineure. Le système de classification du CIRC, « devenu obsolète », « ne sert les intérêts ni de la science ni de la société », écrivent les dix auteurs. « C’est ainsi que la viande transformée peut se retrouver dans la même catégorie que le gaz moutarde. » L’approche du CIRC, assènent-ils, est à l’origine de « peurs sanitaires, de coûts économiques inutiles, de la perte de produits bénéfiques, de l’adoption de stratégies plus coûteuses pour la santé, du détournement des financements publics vers de la recherche inutile ». Un ton très inhabituel pour une revue scientifique. C’est peut-être parce que Regulatory Toxicology and Pharmacology est une publication un peu particulière. Non seulement son comité éditorial compte pléthore d’industriels et de consultants, mais son rédacteur en chef, Gio Gori, est une figure historique de l’industrie du tabac.

Propriété du puissant groupe d’édition scientifique Elsevier, c’est la revue officielle d’une « société » prétendument savante, l’International Society of Regulatory Toxicology & Pharmacology (ISRTP). Aucune information n’étant disponible sur son site Internet, et ni M. Gori, ni l’ISRTP, ni Elsevier n’ayant répondu aux sollicitations du Monde, il n’a pas même été possible d’en identifier les responsables. Ses sources de financement, encore moins. Cependant, la dernière fois que l’ISRTP publiait la liste de ses sponsors, en 2008, elle en listait six. Parmi eux : Monsanto. Quant aux dix auteurs de l’article eux-mêmes, certains ont travaillé ou travaillent pour le groupe suisse Syngenta, membre de la « glyphosate task force » constituée par les industriels qui commercialisent des produits à base de glyphosate. D’autres sont consultants privés. Ces derniers, des scientifiques exerçant dans le milieu académique, participent aux activités de l’ILSI, l’organisation de lobbying scientifique. Parmi eux : Samuel Cohen, professeur d’oncologie à l’université du Nebraska, Alan Boobis, le coprésident du JMPR, et Angelo Moretto, le rapporteur du même JMPR….

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Ces trois-là n’en restent pas là. Quelques mois plus tard, ils publient sur Genetic Literacy Project – ce site de propagande qui avait relayé les attaques personnelles contre Christopher Portier – un texte appelant cette fois à « l’abolition » du CIRC.

L’agence est accusée d’exciter la « chimiophobie » du public. S’il n’est pas réformé, écrivent-ils, le CIRC « devrait être relégué au musée de la réglementation auquel il appartient, auprès d’autres artefacts historiques comme la Ford modèle T, l’avion biplan et le téléphone à cadran ». Dans le milieu scientifique, les usages veulent que l’auteur qui rédige le premier jet d’un texte prend en charge le suivi des modifications jusqu’aux dernières corrections. Lequel d’entre eux a écrit ces deux textes – celui publié dans la revue scientifique et l’autre, publié sur le site Genetic Literacy Project ? « Je ne m’en souviens pas », répond Alan Boobis qui, interrogé par Le Monde, met en avant un « long processus » de rédaction et de « peaufinage tout au fil de l’année. » Le propos relève « un peu de la stratégie du choc », reconnaît M. Boobis. Une raison de publier sur ce site ? M. Boobis admet que Genetic Literacy Project n’est pas réputé pour sa rigueur, mais explique que le texte a été refusé par une revue scientifique.

Leurs arguments sont identiques à ceux de Monsanto et de ses alliés ? « Nous sommes maintenant dans une situation singulière, où la moindre association avec l’industrie est immédiatement considérée comme un indice de partialité, de corruption, de facteur de confusion, de distorsion et de que sais-je encore », rétorque M. Boobis. Est-ce l’« abolition » du CIRC que Monsanto souhaite ? Aux questions du Monde, la firme n’a pas souhaité répondre.

A Paris, les difficiles débuts de la « salle de shoot » La Croix du 6 juin 2017 par Christine Legrand

Implantée depuis sept mois au cœur de Paris, la « salle de consommation de drogues à moindres risques » accueille une population extrêmement précaire, qui cumule les difficultés. Mais elle continue à focaliser la colère de certains riverains.

Rue Ambroise-Paré, à Paris, entre la gare du Nord et Barbès. La grille verte qui donne accès à la « salle de consommation de drogues à moindres risques », adossée à l’hôpital Lariboisière, est discrète. Seule une pancarte « Espace Gaïa » signale sa présence. À 20 h 30, les derniers usagers sortent dans la rue. La plupart, reconnaissables à leur gros sac à dos, sont sans abri. Jane, 24 ans, n’a pas de sac, ni même de poches. Elle enserre dans ses poings fermés tout ce qu’elle possède : du crack, une petite pipe, un cachet… Elle est encore vêtue de la combinaison verte jetable que lui a fournie l’hôpital Bichat, où elle a été opérée la veille. « J’avais un ulcère car je me suis mal shootée. J’étais à la limite de la gangrène », dit-elle en montrant ses pieds gonflés, glissés dans des surchaussures d’hygiène en plastique bleu.

Ce n’est pas la première fois que Jane s’échappe de l’hôpital pour rejoindre « la salle », qui est devenue son repère. « J’ai vécu pendant quatre ans au fond du parking, en attendant que cette salle puisse ouvrir », lance-t-elle. « Ma vie était un désastre. J’en voulais à la vie, à la drogue, à ceux qui la vendent… C’était la première fois qu’on s’occupait de moi. » « Mais ils veulent d’abord que je me soigne, ajoute-t-elle. Ils n’ont pas voulu que je consomme, car j’étais hospitalisée. » Elle parle avec émotion de son fils placé dans une famille d’accueil, du père qui est en prison, de son arrivée de Picardie à la gare du Nord, où elle a rejoint les « crackers ». « J’ai honte. Je me suis prostituée. J’en ai marre », lance-t-elle avant d’enfiler la rue Saint-Vincent-de-Paul.

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Elle s’arrête alors pour chasser des insectes imaginaires, qu’elle sent grouiller sur ses pieds, ses bras, ses cheveux… « Je psychote », dit-elle. Un riverain exaspéré sort de sous un porche. L’échange est violent. « Casse-toi ! Crève ! », lance l’homme. « Je vais crever doucement. Ma tombe je la creuse toute seule », réplique Jane, avant de s’asseoir en larmes sur le bord du trottoir et de préparer fébrilement sa pipe de crack. Une heure plus tard, elle sera rejointe par un autre toxicomane et ils se feront mutuellement leurs injections de Skenan.

Si la salle de consommation à moindres risques (SCMR) a ouvert dans ce quartier, fréquenté par des toxicomanes depuis de nombreuses années, c’est précisément pour que ce genre de scène tragique ne puisse plus se produire. « L’idée était d’accompagner les usagers de drogues les plus précaires, qui vivent dans la rue, consomment dans les parkings et les halls d’immeubles du quartier, afin de réduire la morbidité et la mortalité dans l’espace public, mais aussi les nuisances dans l’environnement », souligne Thomas Dusouchet, pharmacien et directeur adjoint de l’association Gaïa, qui gère la salle. « Aujourd’hui, on s’aperçoit que cette population qu’on visait (précaire, loin du soin) est bien celle qui fréquente la salle : plus de la moitié sont sans domicile fixe, un tiers n’a pas de couverture sociale. »

De ce point de vue, le premier bilan donné par le comité de suivi fin avril se veut plutôt positif : avec 200 passages par jour en moyenne, « 33 000 consommations se sont faites en six mois dans la salle qui ne se sont pas faites dans la rue », résume Thomas Dusouchet. Mais la salle ne prétend pas à elle seule résoudre tous les problèmes liés à la drogue. En offrant aux plus précaires un espace où ils peuvent consommer des produits stupéfiants, supervisés par des intervenants qui veillent à l’hygiène, mais aussi aux overdoses, elle pare souvent au plus urgent. Derrière l’usage de drogue, l’association se trouve confrontée, en toile de fond, à tous les problèmes de la grande précarité, « à commencer par l’accès au logement, souligne Thomas Dusouchet. Beaucoup cumulent les problèmes de santé physique (VIH, hépatite) et psychiatrique. En particulier de nombreux schizophrènes qui n’ont jamais été suivis. On leur propose de voir sur place un médecin, essaie de les aiguiller vers des structures de soin adaptées, qui parfois se les renvoient mutuellement. Mais certains refusent de se faire soigner, et on ne peut pas les y obliger. »

L’ouverture de la salle n’a pas produit non plus, pour l’instant, les effets escomptés sur l’espace public. L’épicier de la rue Ambroise-Paré n’a pas enlevé les grillages qui protègent son étalage, et que le précédent propriétaire avait installés. « C’est chaud, pour nous les habitants, soupire l’employé d’origine algérienne, qui les connaît bien, à force de les voir défiler chez lui acheter des canettes de bière. Ce sont toujours les mêmes qui sont là. On voit même des nouveaux. Il y en a des mauvais, mais aussi des types bien, ajoute-t-il. Ils y sont pour rien, madame, ils me font de la peine », dit-il en montrant un jeune homme au teint blafard qui marche sur le trottoir. « La salle c’est bien s’ils restent dedans, mais comme ensuite ils se déversent dans la rue… », soupire M. Cissé, qui tient la Retoucherie africaine, juste en face de la salle, et qui continue à voir sa clientèle diminuer. « Ce sont des êtres humains, comme nous, reprend-il. Je ne sais pas comment ils peuvent s’en sortir. Ma copine, elle est là-dedans, dites-moi madame, comment peut-elle s’en sortir ? » Jean, 45 ans, surnommé « le gardien », qui vide les poubelles des immeubles voisins, déboule dans la boutique. « Des tox, il y en a de plus en plus, et ils ramènent du deal, du recel, des vols. » Mais il a sa « théorie ». « Le vrai problème, c’est l’argent que génère le trafic de drogues. On parle toujours des toxicomanes pauvres, jamais des riches. Ici, vous voyez les pauvres ! »

Dans la rue Saint-Vincent-de-Paul, les habitants sont plus virulents. Ils racontent « les hurlements », « les gens qui se piquent dans le caniveau », « les scènes de trafic sous les arcades du parking ». « Le soir, on interdit aux enfants de regarder dehors et ceux du rez-de-chaussée sont obligés de fermer leurs volets, car ils viennent s’asseoir sur le rebord de leur fenêtre, témoigne la mère de trois adolescentes. Tout l’espace public nous est confisqué. » « On trouve même des toxicos dans les Autolib en train de se shooter dès 9 heures le matin », déplore un jeune père de famille. « La santé des toxicos, c’est bien, mais c’est notre santé mentale à nous qui est compromise », abonde une commerçante.

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La plupart de ces riverains ont rejoint le collectif « Non à la salle de shoot dans un quartier résidentiel. » Ils ont signé une pétition pour exiger son déménagement et ils postent régulièrement sur les réseaux sociaux des photos et des vidéos de scènes quotidiennes auxquelles ils assistent. « Parler de réelle aggravation est très discutable », tempère Didier, membre d’Action Barbès, une autre association du quartier. « Les gens se sont imaginé que l’ouverture de la salle allait régler d’un coup de baguette magique un problème qui existe depuis de longues années. » Et sept mois d’expérimentation ne suffisent pas, pour en évaluer les effets. « Il y a certes des mesures à prendre, reconnaît-il. Il faudrait peut-être plus de présence policière, mais aussi élargir les horaires d’ouverture de la salle et qu’une seconde salle soit créée pour soulager celle-ci. »

C’est aussi l’avis de Rémi Féraud, maire du Xème arrondissement. « Le collectif dénonce des choses bien réelles, mais qui existaient avant dans des proportions plus importantes, argue-t-il. C’est un quartier pas facile à vivre, sous pression de la toxicomanie et de l’errance depuis dix ou quinze ans. Il faut que l’ambiance sur la voie publique aux abords immédiats de la salle s’apaise et que son environnement soit entièrement protégé », ajoute-t-il. Il souhaiterait notamment que « Gaïa dispose de davantage de moyens pour effectuer des maraudes ». « Mais aborder une question de santé publique aussi importante par le biais de “pas dans mon arrière-cour” est réductrice. » Et il n’est pas question pour lui de fermer la salle ni de la déménager.

La « salle de consommation à moindres risques » parisienne a ouvert le 11 octobre 2016 pour une « expérimentation » de six ans. Une autre salle a ouvert depuis à Strasbourg. Un Comité de voisinage se réunit tous les deux mois, composé de représentants des acteurs concernés : Mairie de Paris, Préfecture de police, ministère de la santé, Mission interministérielle de lutte contre les drogues, associations impliquées (Gaïa, Safe), SNCF, RATP, exploitants de parking, associations de riverains et de parents d’élèves… Ils transmettent leurs observations à un Comité de suivi, qui procède si besoin est à des réajustements. Un travail de recherche de l’Inserm, mené par la sociologue Marie Jauffret-Roustide, vise à évaluer l’impact de cette salle sur la santé des usagers et l’environnement de vie des riverains, en particulier dans ses aspects « acceptabilité sociale et tranquillité publique ». 86 salles de consommation ont déjà été expérimentées dans 7 pays d’Europe, avec des effets positifs sur la santé des usagers et l’ordre public.

Mediator : pourquoi le parquet demande un procès contre les laboratoires Servier Le Monde du 7 juin 2017 par Simon Piel

Le ministère public réclame le renvoi des laboratoires Servier et de plusieurs cadres de l’agence du médicament devant le tribunal pour des faits de tromperie, d’escroquerie, d’homicides et de blessures involontaires.

Sept ans après le dépôt des premières plaintes concernant le Mediator, et trois ans après la mort de Jacques Servier, président-fondateur des laboratoires du même nom, la tenue d’un procès se rapproche. Le parquet de Paris a signé le 24 mai un réquisitoire définitif exceptionnellement détaillé dans lequel il demande le renvoi devant le tribunal de « la firme », comme il l’appelle tout au long des 597 pages du document que Le Monde a pu consulter, notamment pour des faits de tromperie, d’escroquerie, d’homicides et de blessures involontaires.

Commercialisé en 1976, le Mediator, présenté par Servier comme un antidiabétique, a finalement été interdit en 2009 après que le risque de complications cardiaques et pulmonaires a été mis au jour.

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En France, ce sont près de cinq millions de personnes qui auraient consommé le médicament, en réalité souvent utilisé comme « coupe-faim » et non comme antidiabétique. A terme, la dernière expertise judiciaire sur le sujet a estimé qu’entre 1 500 et 2 100 personnes sont mortes de ses effets indésirables. Pour le ministère public, les laboratoires Servier ont délibérément dissimulé aux autorités de contrôle les effets anorexigènes du Mediator, et cela pour des raisons de pure stratégie commerciale, Servier disposant déjà de molécules de ce type sur le marché. Circonstances aggravantes, alors que la dangerosité des fenfluramines (une molécule proche de celle métabolisée par le Mediator) était sérieusement documentée au moins à partir de 1995, à aucun moment les laboratoires n’en ont tiré les conséquences, poursuivant leur entreprise de lobbying auprès des autorités de contrôle afin d’obtenir le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché du Mediator. Un comportement qualifié de « jusqu’au-boutiste ».

« Les laboratoires Servier développaient un discours officiel très strict sur ce qu’il convenait de dire sur le Mediator tant en interne qu’en externe. Le groupe luttait fermement contre tout ce qui pouvait contrevenir à cette ligne officielle », notent ainsi les vice-procureurs Flavie Le Sueur et Aude Le Guilcher. Celles-ci font notamment référence à une note du directeur général du groupe Servier, Jean-Philippe Seta, transmise en 1999 aux dirigeants du groupe et dans laquelle il précise le discours à tenir sur le Mediator et minimise les possibles effets toxiques du médicament (le taux de libération de norfenfluramine). « Une erreur technique », indiquera-t-il aux juges. En résumé, pour l’accusation, les laboratoires Servier ont tout fait pour cacher le rôle de cette molécule parce qu’elle constituait à la fois la raison essentielle de l’activité du Mediator (son rôle de coupe-faim) et son facteur de nuisance principal (les maladies cardiaques et pulmonaires).

Liens incestueux

Le réquisitoire du parquet de Paris est par ailleurs l’occasion d’une plongée vertigineuse dans l’univers du médicament où les enjeux stratégiques et financiers d’un laboratoire ont fait plier toutes les digues des autorités de contrôle aux dépens des consommateurs. Trafic d’influence, prise illégale d’intérêts, escroquerie… Tel un petit inventaire du code pénal, les chefs de ce renvoi souhaité par le parquet de Paris décrivent les leviers utilisés par les laboratoires Servier. La longue vie du Mediator aurait ainsi, selon l’accusation, tenu notamment à la capacité du groupe à « tisser un réseau de relations sociales et professionnelles très large, permettant d’“investir” sur des personnes chargées du contrôle de ses produits en les rémunérant ». Les exemples de ces liens incestueux entre les laboratoires et les autorités sanitaires chargées de leur surveillance mis au jour par l’enquête judiciaire sont légion. « L’instruction a permis de démontrer que le groupe Servier entretenait financièrement des experts chargés de la décision en matière administrative du produit tout au long de sa vie sur le marché », note le parquet de Paris. Quatorze personnes, parmi lesquelles le directeur général du groupe et plusieurs cadres de l’agence du médicament ayant entretenu des liens d’intérêts avec Servier, pourraient ainsi être renvoyées.

L’Agence du médicament – nommée Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) à partir de 2012 – a échappé à une mise en examen pour tromperie – au grand dam des conseils de Servier, qui considèrent que l’enquête s’est attachée à protéger les intérêts de l’Etat pour pointer uniquement les responsabilités du laboratoire. Mais le parquet constate « les graves défaillances du système de pharmacovigilance ». Il souligne que « l’Agence du médicament (…) se montrait particulièrement défaillante dans son rôle de “gendarme du médicament” ». Celle-ci a ainsi fait preuve d’un « manque de réactivité manifeste » et de « négligences successives qui ont perduré dans le temps », concourant ainsi « à la commission des faits de blessures et d’homicides involontaires » – faits pour lesquels le parquet demande le renvoi de l’agence au tribunal.

« Pressions et menaces »

L’instruction a en outre montré que les activités de « lobbying » du laboratoire ne s’étaient pas limitées aux seuls experts chargés de la régulation. « Le recrutement de scientifiques et l’échange de services, notamment avec ces derniers ou les politiques, permettaient de faire passer un message de promotion et de mise en valeur du groupe », note le parquet.

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Ainsi en 1998, Philippe Douste-Blazy, alors ex-ministre délégué à la santé, avait vu le club de football de la ville de Lourdes dont il était maire (UDF) bénéficier d’un contrat de sponsoring de Servier à hauteur de 300 000 francs. Une façon d’entretenir les liens avec celui qui deviendra six ans plus tard ministre de la santé et, selon son propre terme, « ami » de Jacques Servier. L’ex-sénatrice (Paris, UMP) Marie-Thérèse Hermange pourrait par ailleurs être renvoyée devant le tribunal pour complicité de trafic d’influence pour avoir modifié les termes d’un rapport en faveur du Mediator sur les conseils d’un homme rémunéré par le groupe. « A l’extérieur du groupe, la firme n’hésitait pas à employer des méthodes de contrôle sur le contenu éditorial des articles scientifiques, exerçant des pressions, voire des menaces, sur des scientifiques s’opposant aux produits Servier », explique le ministère public. L’un des médecins ayant pris publiquement la parole pour dénoncer la dangerosité du Mediator avait ainsi eu la surprise de découvrir à deux reprises une couronne mortuaire devant la porte de son domicile personnel en novembre 1996.

Les juges d’instruction peuvent désormais rendre leur ordonnance d’ici un mois. S’ils vont dans le sens des réquisitions du parquet de Paris, ce qui fait peu de doutes, plus rien ne s’opposera à l’organisation complexe puis à la tenue d’un procès qui réunira de très nombreuses parties civiles.

Le gala Autistes sans frontières à l’hôtel Marcel Dassault Le Figaro du 7 juin 2017 par Carole Bellemare

La cause valait bien une telle mobilisation. Quelque 250 personnalités du monde des affaires et des médias notamment étaient réunies à l’hôtel Marcel Dassault, mis à disposition par la famille Dassault pour le gala Autistes sans frontières. Créée en 2004, forte d’une équipe de 50 personnes, l’association ASF soutient aujourd’hui 600 familles. Troubles de l’interaction sociale et de la communication notamment, l’autisme se développe de manière fulgurante en France comme partout. 600 000 personnes en souffrent dans notre pays. Et d’une naissance sur 2000 en 1960, c’est une naissance sur cent qui serait concernée aujourd’hui. Soit plus que le sida, le diabète et le cancer réunis ! Une vraie cause nationale, alors qu’un médecin sur trois ignorerait encore ce trouble du développement…

Financer l’accompagnement scolaire des enfants autistes, telle est la principale vocation de l’association ASF, présidée par Estelle Malherbe. Le groupe Dassault soutient fidèlement son gala annuel, comme le chef étoilé de l’Arpège Alain Passard, qui officiait cette année avec le chef pâtissier Christophe Michalak et le traiteur Saint-Clair. Un dîner accompagné des vins Château Dassault, Louis Latour et des champagnes Taittinger. C’est Marie-Hélène Habert, en charge de la communication et du mécénat du Groupe industriel Marcel Dassault( (GIMD), qui a ouvert la soirée, rappelant combien le soutien à l’association ASF tient particulièrement à cœur à sa famille, soucieuse « d’améliorer la recherche et d’espérer pour tous les enfants autistes une meilleure qualité de vie ». La fille du président Serge Dassault, mère de cinq enfants, était accompagnée de son époux Benoît Habert, le « M. Stratégie et Développement » du groupe, et de son frère, Laurent Dassault, directeur général délégué du GIMD. Ce dernier, également président de de Dassault Wine Estates, qui offrait les vins Château Dassault et Château La Fleur, et président aussi de sa propre table, a de la même façon exprimé sa satisfaction de soutenir cette cause. Le Groupe Figaro, partenaire du gala, était représenté par son directeur général Marc Feuillée.

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Comme l’a souligné Marie-Hélène Habert, qui accueillait l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot, si un grand nombre peut être scolarisé, bénéficiant d’un accompagnement scolaire, « 80 % des enfants autistes ne vont pas à l’école, car la prise en charge des pouvoirs publics est quasi inexistante, et le coût d’un accompagnateur est onéreux et compliqué à mettre en place ». Mais, pour cette dirigeante engagée, « la bonne nouvelle est que le nouveau gouvernement a décidé de faire de l’autisme une priorité ». Alors que celui-ci est mieux détecté et plus tôt, il reste beaucoup à faire pour améliorer la recherche et aider les enfants à s’intégrer dans la société.

C’est aussi l’avis d’Estelle Malherbe, qui a succédé à la présidence d’ASF à Vincent Gerhards. Maman d’une petite Chloé autiste, elle a expliqué que cette maladie prend de multiples formes et qu’elle souffre d’idées reçues. Pour elle, tout passe par « le mode d’emploi ». La preuve : les progrès faits par sa fille depuis deux ans. Bluffant. Comme les performances réalisées par ce petit Arnault, qui, accompagné de sa maman, Anne-Sophie, a raconté tout ce qu’il est capable de faire. Un grand moment d’émotion. La journaliste Peggy Le Roy, mère d’un enfant autiste, très engagée aussi dans l’association, a souligné avec enthousiasme ces belles histoires.

Porteur d’espoir aussi, le témoignage de Frédéric Vezon, fondateur de l’entreprise hight-tech AsPertise (sa 4ème !), qui a montré comment cet atypisme peut aussi être un atout. La Silicon Valley en regorge, Microsoft a examiné 700 CV d’autistes l’an dernier et une étude d’Harvard montre qu’il y a deux fois plus d’entrepreneurs parmi eux. De quoi encourager les invités et les partenaires (également Carrefour, L’Oréal, Malakoff Médéric, Bouygues, LJ Corporate, Laurent Dassault, Gecina, René Ricol, François Hisquin) à se montrer généreux.

Avec la vente aux enchères orchestrée par le jeune commissaire-priseur d’Artcurial Stéphane Aubert, ce sont près de 60 000 euros qui ont été récoltés au cours de la soirée.

Une victime de la pollution de l’air attaque l’Etat Le Monde du 8 juin 2017 par Stéphane Mandard

Un premier recours pour « carence fautive de l’Etat » doit être déposé mercredi devant le tribunal administratif de Paris. D’autres devraient suivre dans plusieurs régions.

Chaque matin, c’est le même rituel. Lorsqu’elle se lève, Clotilde Nonnez lance fébrilement l’application Airparif sur son smartphone pour découvrir l’indice de pollution de la journée. Puis elle prend deux grandes bouffées d’Innovair 200, un comprimé de Singulair, un sachet d’Exomuc et se lance dans quelques exercices de respiration et de méditation. « Si je ne faisais pas de yoga, je vivrais depuis longtemps sous assistance respiratoire », dit-elle.

Elle souffre de problèmes respiratoires qui se transforment en cauchemar à chaque pic de pollution. Lors du dernier épisode de décembre 2016, elle a bien cru qu’elle allait « y laisser [sa] peau ». Alors, cette Parisienne de 56 ans, qui donne des cours de hatha yoga, a décidé de réagir. Et de demander des comptes à l’Etat. Mercredi 7 juin, son avocat, François Lafforgue, doit déposer une requête devant le tribunal administratif de Paris pour « carence fautive ». Une première. « Nous engageons la responsabilité de l’Etat, car nous considérons que les déboires médicaux subis par les victimes de la pollution sont le résultat de l’inaction des autorités administratives contre la pollution de l’air, qui cause chaque année 48 000 morts prématurées en France », explique François Lafforgue.

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L’avocat, qui s’est forgé une solide réputation dans les dossiers de santé publique (AZF, amiante, Monsanto), assure qu’une vingtaine de recours, au total, sont prêts à être déposés dans les prochaines semaines auprès de tribunaux des agglomérations de Paris, de Lyon, de Lille et dans la vallée de l’Arve (Haute-Savoie).

Le cas de Clotilde Nonnez, s’il est emblématique, n’est pas isolé. L’association Respire, qui l’accompagne dans sa démarche avec Ecologie sans frontière (ESF) et Générations futures, a recueilli près de 600 témoignages, en trois ans, de personnes souffrant de la mauvaise qualité de l’air. « Les victimes de la pollution de l’air sont comme la pollution : invisibles, résume Olivier Blond, le président de Respire. On est un peu comme dans la situation de la Gay Pride il y a vingt-cinq ans, des gens meurent tous les jours et tout le monde s’en fout. On veut les rendre visibles. » Et comme « rien d’autre ne marche pour faire bouger les décideurs », ils ont convaincu Clotilde Nonnez de se retourner contre l’Etat. « Jusqu’à maintenant, il nous a toujours manqué le lien de causalité avec les victimes, explique Franck Laval dont la plainte – avec son association ESF – pour mise en danger d’autrui lors du pic de pollution de 2014, déjà avec Me Lafforgue, avait été classée sans suite après l’ouverture d’une enquête préliminaire. Mais là, le dossier est solide judiciairement. » Que dit précisément le dossier de Clotilde Nonnez ? Que cette ancienne danseuse du Crazy Horse aux yeux bleu délavé a commencé à développer, trois ans après son arrivée en 1979 dans la capitale depuis sa Bretagne natale, des pathologies respiratoires (asthme et bronchites chroniques). Qu’elle a enchaîné les traitements lourds à base de corticoïdes, d’antibiotiques, d’injections, de kinésithérapie respiratoire et autres cures thermales. Qu’elle a multiplié les séjours à l’hôpital (« une dizaine, souvent au moins dix jours ») pour des pneumopathies à répétition, des sinusites, des otites et une pleurésie.

La dernière hospitalisation remonte à l’hiver 2016. Dans la nuit 5 au 6 décembre, alors que l’Ile-de-France vient de passer en état d’alerte pollution (les taux de particules fines PM10 ayant atteint 104 µg/m³, soit deux fois le seuil limite), Clotilde Nonnez est victime d’un malaise associé à une crise d’insuffisance respiratoire aiguë. Les bouffées de Ventoline et d’Innovair ne la calment pas. Prise de douleurs thoraciques, elle est emmenée par son compagnon aux urgences à l’hôpital Cochin, où on lui diagnostique une infection virale. Le lendemain, elle consulte son médecin traitant qui fait immédiatement « un lien direct avec l’épisode de pollution », comme elle l’écrit sur le certificat que Clotilde Nonnez a soigneusement conservé. Malgré la prise de cortisone et d’antibiotique, la douleur se fait plus intense. La professeur de yoga n’est plus en mesure d’assurer ses cours. Elle prend rendez-vous le 13 décembre chez son pneumologue. « J’avais mal au cœur, c’était à hurler », raconte Clotilde Nonnez, qui croise alors son cardiologue qui lui fait passer aussitôt un scanner. « Vous avez beaucoup de chance, car depuis huit jours, vous auriez pu faire un arrêt cardiaque à tout moment », lui lance le médecin, qui diagnostique une péricardite avec un épanchement important. « J’avais de l’eau autour du cœur, c’est pour ça que j’étais totalement épuisée », traduit Clotilde Nonnez pour qui le jargon médical n’a plus de secret. Pour soigner sa péricardite, la Parisienne, qui vit dans le 5ème arrondissement, a dû ajouter pendant cinq mois à son traitement de fond quotidien des prises de Colchicine, trois séances de kinésithérapie respiratoire par semaine et un antibiotique (l’azithromycine) pour prévenir les infections bronchiques, qu’elle devra sans doute garder à vie.

Mais aujourd’hui, Clotilde Nonnez n’a pas retrouvé ses capacités d’avant le pic de pollution et a dû réduire ses cours de yoga. « Il n’y a pas un jour où je suis bien, confie-t-elle sans pouvoir contenir les crépitements qui montent de ses poumons et l’obligent à cracher régulièrement dans un mouchoir. Le week-end de l’Ascension, il y avait de la pollution à l’ozone à Paris, personne n’en parlait, mais moi je peux vous dire que j’en ai encore pleuré. » Elle qui ne supporte plus la cortisone et les séances de kiné a dû se lever en pleine nuit pour faire la chandelle contre le mur, tête en bas, afin d’essayer d’évacuer ce qui l’encombre, raconte-t-elle en joignant le geste à la parole. « Je vieillis… Un jour, je ne pourrai plus faire tout ça, et je serai obligée de quitter Paris pour ne pas y laisser ma peau, dit Clotilde Nonnez, qui a conservé son port de danseuse. Mais mon avocat m’explique que ce n’est pas à moi de partir, mais à l’Etat de payer. »

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François Lafforgue, dont la première demande d’indemnisation, le 28 février, auprès du ministère de l’environnement et du préfet de Paris, est restée lettre morte, attend aujourd’hui du tribunal administratif qu’il « déclare l’Etat responsable du préjudice subi » par sa cliente et le condamne au paiement de 140 000 euros.

Dans le cas du pic de pollution de décembre 2016, qui a duré quasiment un mois, l’avocat reproche notamment aux services de l’Etat de ne pas avoir pris les mesures efficaces comme l’interdiction d’utiliser du bois en chauffage individuel d’appoint ou d’avoir attendu une semaine avant de décider la circulation alternée et de ne pas l’avoir maintenue. Des « carences fautives de l’Etat » au regard du droit national (le code de l’environnement reconnaît à chacun le « droit à respirer un air qui ne nuise pas à la santé ») et du droit européen (la France fait l’objet d’une mise en demeure de Bruxelles pour dépassement des valeurs limites des particules fines et de dioxyde d’azote, particulièrement en Ile-de-France). « Ce combat, c’est pour améliorer notre air à tous, dit simplement Clotilde Nonnez, qui confie avoir de plus en plus de problèmes déontologiques : je passe ma vie à expliquer aux gens comment respirer… un air pollué ».

Concilier PMA et emploi reste difficile Le Monde du 8 juin 2017 par Léonor Lumineau

Recourir à la procréation médicale assistée relève encore pour les couples concernés du « parcours du combattant ».

En 2014, 144 000 tentatives de fécondation in vitro (FIV) et d’insémination artificielle ont eu lieu en France, selon l’Agence de la biomédecine. Examens médicaux multiples, traitements lourds, manque de visibilité dû à un protocole calé sur le corps, échecs… En janvier 2016, une loi a modifié le code du travail pour soulager les salariés engagés dans un protocole de procréation médicale assistée (PMA). Mais les couples concernés évoquent toujours un « parcours du combattant », éprouvant physiquement et mentalement, impactant tous les pans de la vie, y compris professionnelle. « Les soins nécessaires aux différents protocoles d’assistance médicale à la procréation [AMP] sont très chronophages et leur organisation dépend des centres d’AMP, qui peuvent être loin du lieu de travail. Le salarié se retrouve à “jongler” avec ses horaires de travail et les horaires imposés par l’institution médicale. Les absences et/ou les retards liés aux protocoles de soins sont souvent sources de conflits, plus ou moins latents, entre l’employeur et le salarié, mais aussi entre employés », détaille le collectif BAMP, une association de patients confrontés à l’infertilité.

Les femmes sont en première ligne. Elles témoignent sous couvert de l’anonymat. Sophie, 37 ans, se souvient de sa deuxième stimulation ovarienne (injections quotidiennes d’hormones) : « C’est tombé en période-clé au travail. Pendant une dizaine de jours, ce traitement m’a épuisée, sans compter que nous nous sommes levés cinq fois à 4 h 30 du matin pour être au centre d’AMP avant 7 heures pour les examens médicaux, et arriver à temps au travail. » Marie, 36 ans, confirme : « Faire cohabiter mon protocole d’AMP et mon poste me pompe énormément d’énergie, je joue sans cesse à l’équilibriste pour que le premier empiète le moins possible sur le second et que mon employeur ne puisse rien me reprocher. » En outre, le stress subi peut mettre en péril le succès du protocole. Côté entreprise, le risque est de se retrouver face à des salariées aux retards imprévisibles, fatiguées et ayant des difficultés à se concentrer, voire à des congés posés au dernier moment. Jusqu’en 2016, ces situations étaient ignorées par le code du travail. Les salariées devaient poser des RTT ou des congés pour leurs examens, perdant leur journée de travail.

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Mais la loi du 26 janvier 2016, qui a modifié l’article L1225-16 du code du travail, permet désormais aux employés engagés en AMP de bénéficier d’autorisations d’absences pour les examens médicaux (illimité pour les femmes, au nombre de trois pour les hommes). L’absence est considérée comme du travail effectif, et le salaire, maintenu. En matière d’embauche, de mutation ou de licenciement, ces salariées bénéficient de la même protection que dans le cas d’une grossesse. Une « protection juridique nécessaire », estime la sociologue Irène-Lucile Hertzog : « Parmi les trente-deux cadres en parcours d’AMP que j’ai suivies pour ma thèse, trois ont été sommées par leur employeur de démissionner. »

Mais la loi ne résout pas tout : des femmes préfèrent ne pas profiter de leurs droits. « En entreprise, le désir d’enfant est encore souvent mal vu et peut freiner la carrière. Et certaines femmes estiment que cela relève de l’intime », explique la sociologue. Un silence choisi afin de ne pas être cataloguées comme désinvoltes ou peu impliquées si elles n’arrivent pas à concilier les deux agendas. Auquel cas, la conséquence est la même : « Certaines femmes en AMP sont bloquées dans leur progression professionnelle, dans leur augmentation salariale, ou refusées à des postes, constate Virginie Rio, la présidente du collectif BAMP. D’autres ont démissionné pour suivre leur protocole. Elles se sont tournées vers l’intérim, ou se sont fait mettre en arrêt maladie. » Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de l’équilibre des temps et de la parentalité en entreprise, insiste sur l’importance d’une sensibilisation : « L’AMP est encore tabou au sein de la société, et donc aussi dans le monde du travail. Il faut sensibiliser les employeurs à être à l’écoute des salariés concernés et à adopter, de manière générale, une attitude bienveillante et discrète pour qu’ils soient sûrs que cela ne s’ébruite pas. » Le collectif BAMP, qui a œuvré à la mise en œuvre de la loi de 2016, a annoncé l’ouverture d’une enquête dans les prochains mois afin d’établir un premier bilan.

Amniocentèse mortelle : l'hôpital hors de cause La Nouvelle République du 6 juin 2017

La cour administrative d’appel a mis hors de cause l’hôpital de Blois dans l’affaire qui l’opposait depuis seize ans à une ancienne patiente.

Cette patiente avait fait une fausse couche à 35 ans suite à une amniocentèse pratiquée en juillet 2001 après ses trois premiers mois de grossesse. Cette femme et son mari, convaincus que la mort du fœtus était due à une « faute » du centre hospitalier, demandaient 110 000 € de dédommagements pour les préjudices qu'ils avaient subis, eux et leurs deux autres enfants. Après une expertise menée en 2008, le tribunal administratif d'Orléans avait toutefois rejeté leur requête en février 2012, tout comme la cour administrative d'appel de Nantes en juin 2013. Le couple s'était alors tourné vers le Conseil d'État, qui leur avait donné en partie raison en juillet 2015 : la plus haute juridiction administrative française avait estimé que les juges nantais n'avaient pas correctement motivé la raison pour laquelle ils écartaient tout « manquement à l'obligation d'information » de la patiente sur ses risques de fausse couche.

Pour ce second procès à Nantes, les parents maintenaient donc que le centre hospitalier de Blois avait commis une « faute », dans la mesure où le « caractère indispensable » de l'examen n'était « pas établi ». La patiente recevait toutefois un traitement antiépileptique, qui pouvait aggraver les risques de malformations de l'enfant à naître. « La fissuration des membranes du placenta a permis l'infection nosocomiale du fœtus, qui a été mortelle », soutenait encore le couple.

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La mère maintenait en particulier ne « pas avoir été informée du risque de fausse couche », mais seulement du risque de trisomie 21 de son enfant à naître. « Si un germe a été retrouvé […] sur la peau du fœtus, il n'est pas établi qu'il ait pu le contaminer in utero », avait répliqué l'hôpital de Blois dans ses écritures. L'établissement trouvait, de toute manière, que les dédommagements réclamés par le couple étaient « injustifiés » et « hors de proportion » avec les indemnités allouées en de pareils cas. « Il ressort du rapport d'expertise […] que la mort du fœtus a été la conséquence directe d'une complication rare de l'amniocentèse, intervention qui, même pratiquée selon les règles de l'art, expose la patiente à un risque de fausse couche », rappelle la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt. « Bien que faible, ce risque est connu. » En l'occurrence, la parturiente avait bel et bien « signé un imprimé » le 25 juin 2001, trois semaines avant sa fausse couche, dans laquelle elle reconnaissait avoir été informée de tels risques. « Elle reconnaît d'autre part dans ses écritures avoir été informée que les risques de fausse couche […] étaient plus importants que les risques de malformation », fait observer la cour.

Alerte à la codéine, médicament détourné en nouvelle drogue à la mode Le Parisien du 9 juin 2017 par Elsa Mari

Deux ados sont morts depuis le début de l'année après avoir ingurgité ce médicament détourné en drogue.

Ces chiffres ne sont que la partie émergée d'un phénomène en pleine expansion. Depuis le début de l'année, cinq cas d'intoxication grave à la codéine ont été signalés chez des jeunes, dont deux sont décédés, selon l'ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament). Comme Pauline, 16 ans, la dernière victime en date, que ses proches croyaient sans histoires, de plus en plus de mineurs détournent l'usage d'antidouleurs à la codéine, vendus en pharmacie sans ordonnance, à des fins « récréatives ». Cet antalgique, de la même famille que l'opium, provoque une sensation de défonce avec un ralentissement du rythme cardiaque. Il y a un an, le « purple drank », mélange de sirop pour la toux à la codéine, d'antiallergique, de Sprite et de colorant violet, avait déjà fait l'objet d'une mise en garde de l'ANSM. L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) évoquait aussi « plusieurs cas d'hospitalisation » dès 2015.

Malgré ces alertes, la mode de ce cocktail lénifiant, vanté par les rappeurs américains dès les années 1990, ne faiblit pas. Mais, depuis un an, une nouvelle tendance émerge : celle des comprimés à la codéine, comme le Klipal ou le Codoliprane vendus 2 à 3 € la boîte. « Nous voyons arriver de plus en plus de personnes en difficulté avec ces substances psychoactives », constate un médecin sur le forum de discussion et de prévention Psychoactif. Ces observations de terrain devancent les études, encore rares. Selon Florence Vorspan, addictologue à l'hôpital Fernand-Widal, à Paris (AP-HP), la toxicité de la codéine « peut entraîner un coma, parfois mortel si cette substance est associée à des anxiolytiques et de l'alcool ». Au bout de quelques mois d'usage régulier, la dépendance s'installe. Et l'arrêt de sa consommation provoque de grandes douleurs et une incapacité à dormir pendant quatre à cinq jours. Sans compter le paracétamol contenu dans le Codoliprane à l'origine d'hépatites aiguës à haute dose.

Les comprimés sont-ils encore plus dangereux que le sirop ? « Oui. Si on le sniffe ou on l'injecte, les effets sont démultipliés, selon Florence Vorspan. Mais, en France, les médicaments sont plus faiblement dosés qu'aux Etats-Unis où il y a une vague de surdoses. »

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Pourtant, aujourd'hui, même des enfants peuvent s'en procurer légalement dans les officines. « Les professionnels ont le droit de refuser s'ils ont des doutes », défend Alain Delgutte, président du Conseil central de l'ordre national des pharmaciens. Sur la question de l'interdiction, il estime que c'est à l'ANSM de se prononcer. Mais il le reconnaît : « Ce phénomène nouveau témoigne d'un mal-être chez les jeunes, d'une volonté d'échapper au quotidien. C'est un vrai problème. »

Cette substance initialement contenue dans le pavot a été synthétisée au début du XIXème siècle. De la même famille que la morphine, elle est environ six fois moins puissante. Les médicaments codéinés sont pour la plupart disponibles sans ordonnance, contrairement au Tramadol, une substance voisine, dont les effets secondaires sont encore plus graves. Initialement, c'est le Néo-codion, utilisé en substitution à l'héroïne, qui avait la faveur des toxicomanes. Désormais, les best-sellers sont Klipal, Tussipax ou Padéryl.

Le « purple drank » est un « cocktail» associant sirops à la codéine et à la prométhazine. Cette dernière a des effets sédatifs et antihistaminiques qui atténuent les démangeaisons provoquées par la codéine.

Le moustique OGM n’est « pas une solution miracle » Le Monde du 9 juin 2017 par Nathaniel Herzberg

Le Haut Conseil des biotechnologies a rendu son avis sur ce nouvel outil contre les maladies vectorielles

Certains scientifiques parlaient de révolution sanitaire. Avec les moustiques transgéniques, la planète caressait le rêve de se débarrasser de certains de nos pires fléaux : le paludisme, la dengue, le chikungunya ou encore Zika. Premier tueur sur la surface du globe avec quelque 1 million de morts par an, l’insecte allait bientôt s’autodétruire… Saisi en octobre 2015 d’une demande d’éclairage sur les « atouts et faiblesses des nouvelles techniques de modifications des insectes », le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) a rendu mercredi 7 juin, un avis mesuré : une « perspective intéressante » mais « pas une solution miracle ». « Le recours aux moustiques modifiés présente assurément des avantages et l’on ne doit pas se priver de cet outil, indique Christine Noiville, la présidente de l’organisme public. Mais à condition de le replacer dans la palette des techniques existantes, d’avoir pris toutes les précautions juridiques et d’avoir associé les populations locales ». Prudence et équilibre, donc.

Sur le front des maladies vectorielles, la situation invite à la mobilisation. Certes, la lutte contre la paludisme a permis de réduire de 60 % en quinze ans le nombre de morts liées à la maladie. La distribution massive de moustiquaires imprégnées a fait des merveilles. Mais les progrès marquent le pas, d’autant que de plus en plus d’anophèles développent des résistances aux insecticides. De leur côté, le chikungunya et surtout la dengue, progressent. Les moustiques Aedes ne cessent d’étendre leur aire de répartition et tout le monde redoute l’apparition de nouveaux virus dans le sillage du dernier venu, Zika. Sans compter les vaccins, à peine émergents ou peu efficaces et des pathogènes, eux aussi, toujours plus résistants aux traitements. Sur ce terrain sont arrivés les moustiques génétiquement modifiés. Avec un principe simple : intervenir sur le génome de l’insecte afin de rendre sa descendance non viable. En lâchant sur un territoire une nuée de mâles ainsi bricolés, on confisque les femelles et réduit la population. Depuis sept ans, le firme britannique Oxitec a testé ce principe à travers le monde (Malaisie, Îles Caïmans, Brésil).

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Avec un succès variable : en Malaisie, les autorités ont interrompu les essais faute, selon elles, de résultats. Au Brésil, elles multiplient les expérimentations avec des baisses locales de « population animale » de 80 % à 95 % en deux saisons. Par « animal », entendre Aedes. Car c’est l’un des principaux atouts de la méthode : « elle est sélective », rappelle Catherine Golstein, coordinatrice du comité scientifique du HCB. Contrairement aux insecticides qui éliminent tout ce qui vole alentours, le moustique frappe avec discernement.

Les experts ne s’emballent pas pour autant. Car si la méthode fait diminuer la population d’insectes, elle ne la fait pas disparaître. Surtout, l’objectif final demeure la santé humaine. Or, « les effets positifs en termes d’impacts sur les épidémies restent à déterminer », relève le Haut Conseil. En outre, l’intervention impose plusieurs lâchers d’insectes, sur plusieurs saisons. « Si les moustiques modifiés devaient s’inscrire dans une perspective de prévention et de contrôle, ce serait sur le long terme et non comme un outil d’urgence », précise-t-il. En cas de « crise sanitaire », les insecticides resteraient « nécessaires », ajoute le rapport. Encore faudra-t-il avoir évolué, « préalablement aux lâchers », les impacts environnementaux et sanitaires. Si, lors de la présentation, l’éventualité théorique d’une transmission d’une modification génétique vers un humain malencontreusement piqué ou une araignée trop vorace a fait rire les scientifiques présents pour l’occasion, les conséquences de modifications de niches écologiques provoquent de réelles interrogations. Le moustique éliminé ne risque-t-il pas de laisser la place à un autre, plus contaminant encore ?

Le haut Conseil invite donc à bien régir ces expérimentations. « Le cadre réglementaire applicable aux OGM en Europe apparaît à cet égard adapté », indique-t-il. Il réclame en revanche une « clarification » pour d’autres moustiques, modifiés par l’injection de bactéries Wolbachia, avec des effets similaires. Des essais ont déjà été réalisés, notamment en Polynésie française, dans un « flou juridique » peu satisfaisant. De même, il souhaite qu’une attention particulière soit portée sur le « forçage génétique » (« gene drive »), méthode encore expérimentale qui permet de lancer une sorte de réaction en chaîne pour modifier – stériliser ou vacciner – toute une population de moustiques.

Enfin l’organisme public exige « d’associer la société civile aux processus de décision et de suivi ». Une obligation éthique : ce sont les populations locales qui portent le poids des fléaux et celui des éventuels effets délétères des remèdes. Mais aussi une condition du succès. Pas suffisante mais assurément nécessaire.

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RECHERCHE

Découverte de 40 gènes impliqués dans l'intelligence Sciences et Avenir avec AFP du 23 mai 2017

Une vaste étude portant sur plus de 78 000 individus a permis de découvrir 40 gènes associés à l'intelligence. Une avancée majeure vers la compréhension des bases génétiques du quotient intellectuel.

Quarante nouveaux gènes associés à l'intelligence ont été identifiés, révèle une étude publiée le 22 mai 2017 dans Nature Genetics. Un pas de plus vers la compréhension des fondements génétiques du quotient intellectuel (QI). « Pour la première fois, nous détectons un nombre important de gènes qui prennent part à l'intelligence », a expliqué à l'AFP Danielle Posthuma de l'université libre d'Amsterdam aux Pays-Bas et coauteur de l'étude. De précédents travaux avaient permis de mettre en évidence 12 variations génétiques associées à l'intelligence. Cette nouvelle étude, la plus vaste menée jusqu'à maintenant sur le sujet, se base sur plus de 78 000 individus de souche européenne, adultes et enfants. Étudiant le lien entre leur génome et leurs résultats à des tests d´intelligence, Danielle Posthuma et ses collègues ont cette fois débusqué 52 gènes associés au QI dont 40 jusqu'ici inconnus. La plupart de ces gènes ont une fonction dans le cerveau et plus particulièrement dans la régulation du développement cellulaire.

TESTS QI. Dans cette étude, « l'intelligence » des participants a été mesurée grâce à différents tests QI, mais ces derniers restent très discutés et ne peuvent prétendre à l'universalité. De plus, comme le rappelle Danielle Posthuma, les gènes ne déterminent pas tout dans l'intelligence, et de nombreux facteurs environnementaux entrent en jeu. « Ces résultats fournissent pour la première fois des indices clairs sur les mécanismes biologiques sous-jacents de l'intelligence », a déclaré Danielle Posthuma. L'étude a également montré que les variations de ces gènes étaient également en lien avec d'autres traits, tels que la réussite scolaire, la maladie d'Alzheimer, la schizophrénie, les symptômes dépressifs, la taille ou encore l'autisme. Par exemple, « une variante associée à une augmentation de l'intelligence est également associée à un risque accru du trouble du spectre autistique », explique Danielle Posthuma. Une autre peut être reliée à une diminution de l'indice de masse corporelle ou encore une autre à un risque réduit de schizophrénie.

Mais le travail est loin d'être terminé. D'autres études, encore plus vastes, seront nécessaires pour identifier la totalité des gènes qui prennent part à l'intelligence car la famille pourrait être nombreuse. Selon la chercheuse, ces gènes pourraient être 800 à 1200. « À l'heure actuelle, on mesure bien mieux l'intelligence avec un test sur papier qu'en regardant nos gènes », s'amuse Danielle Posthuma.

A quand la reconnaissance de la stimulation magnétique transcrânienne en France ? Le Monde Science et Techno du 24 mai 2017 par*

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Un collectif de médecins spécialistes plaide pour l’encadrement de la thérapeutique innovante de la stimulation magnétique transcrânienne, dont les indications sont nombreuses : dépression, douleurs chroniques… Développée depuis le milieu des années 1980, la stimulation magnétique transcrânienne répétée (en anglais : Repetitive Transcranial Magnetic Stimulation, rTMS) est une technique de neurostimulation non invasive. Elle consiste, par l’intermédiaire d’un champ magnétique appliqué à la surface du scalp, à moduler l’activité des neurones et d’un ensemble de réseaux cérébraux connectés avec la zone initialement stimulée. Selon le type de stimulation, le fonctionnement de certaines régions du cerveau va être soit activé, soit inhibé, et c’est cette modulation temporaire qui va avoir un impact thérapeutique dans un grand nombre de maladies qui mettent en jeu le système nerveux central. Les indications sont en effet nombreuses dans le champ de la psychiatrie (principalement, la dépression et certains symptômes de la schizophrénie) et de la neurologie (principalement, les douleurs neuropathiques chroniques). Les données scientifiques sont désormais robustes, et plusieurs conférences de consensus et recommandations internationales convergent pour reconnaître les indications validées (dépression, douleur) et celles qui nécessitent encore des développements et des recherches ; définir les précautions d’emploi du traitement et le cadre réglementaire dans lequel il doit être utilisé.

Retard français

Alors que les autorités sanitaires de nombreux pays (Canada, Israël, Nouvelle-Zélande, Australie, Etats-Unis, Tchéquie, Finlande, Allemagne) ont validé la rTMS comme outil thérapeutique, ce qui permet d’encadrer tant la pratique que la valorisation de cette activité au sein des établissements de santé, ce n’est toujours pas le cas en France. Pourtant, la rTMS s’y est largement développée au cours des dix dernières années en pratique clinique, notamment pour le traitement de la dépression et des douleurs (environ 40 centres proposent cette thérapeutique dans la dépression résistante). Dans le cadre de la psychiatrie, une équipe nantaise a récemment publié deux études, l’une évaluant le coût de production d’une cure de rTMS dans la dépression (environ 2 000 euros), et l’autre proposant des pistes de remboursement de ce soin devenu indispensable (Revue d’épidémiologie et de santé publique, juin 2017). Le développement de la rTMS en pratique clinique répond à une double nécessité : proposer des solutions thérapeutiques adaptées à chaque malade, mais aussi des soins avec un très faible niveau de risque d’effets indésirables.

Pour le traitement de la dépression, la relative innocuité et les effets procognitifs (amélioration des capacités attentionnelles et de l’exécution de tâches cognitives rapportée chez les sujets sains et chez les patients déprimés) rendent cette technique plus acceptable et plus accessible que l’électroconvulsivothérapie, plus efficace mais plus contraignante (sous anesthésie générale) et ressentie parfois comme plus stigmatisante par les patients. De plus, la mise en œuvre de la rTMS est relativement simple, ce qui permet un traitement en ambulatoire, avec cependant la nécessité et la contrainte de répéter les séances durant plusieurs semaines à l’hôpital pour obtenir un effet thérapeutique durable. Une autre technique de stimulation cérébrale superficielle, la stimulation directe à courant continu, potentiellement utilisable à domicile, semble prometteuse dans différentes pathologies (dépression, schizophrénie, addictions), mais les résultats sont encore préliminaires.

Le développement de l’utilisation de la rTMS en psychiatrie en France a été réalisé sous l’impulsion de l’Association française de psychiatrie biologique et de neuropsychopharmacologie (AFPBN) grâce aux membres de la section STEP (Stimulation transcrânienne en psychiatrie) qui, depuis 2007, organisent des formations annuelles et proposent des programmes de recherche autour des techniques de stimulation transcrânienne non invasives. Près de 300 professionnels de santé ont ainsi été formés. Plusieurs centaines de malades ont eu recours à cette thérapeutique, mais la situation reste ambiguë puisque la Haute Autorité de santé (HAS) ne s’est toujours pas prononcée sur le cadre réglementaire d’utilisation de la rTMS.

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Encadrement de la pratique

Aujourd’hui, il nous apparaît indispensable d’encadrer cette pratique, en lui accordant une reconnaissance officielle et une place dans les stratégies thérapeutiques. Des dérives sont observées avec des praticiens qui proposent la rTMS dans des indications non validées et facturent des séances au prix d’acte d’exploration neurophysiologique à défaut d’autres solutions de tarifications de l’acte médical. Cela discrédite la technique, fait perdre du temps, voire de l’argent, et suscite de faux espoirs pour les malades. Aussi, des sociétés savantes comme l’AFPBN et la Société de neurophysiologie clinique de langue française (SNCLF) s’interrogent sur le devenir de la rTMS en France, mais au-delà, de toutes les techniques de stimulation transcrâniennes non invasives. Il est grand temps d’avancer et de permettre aux malades souffrant de maladies psychiatriques (plus d’un million de patients dépressifs seraient ainsi concernés) ou d’un syndrome douloureux, chronique notamment, d’accéder, comme dans d’autres champs de la santé, à des solutions thérapeutiques innovantes.

*Pr Emmanuel Haffen, Pr Emmanuel Poulet, Dr Anne Sauvaget, Dr David Szekely de l’Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN) - Stimulation transcrânienne en psychiatrie (STEP) ; Pr Jean-Pascal Lefaucheur, de la Société de neurophysiologie clinique de langue française (SNCLF).

CRISPR, des mutations « off-targets » encore plus inattendues Le Quotidien du Médecin du 29 mai 2017 par le Dr Irène Drogou

La technologie d'édition de génome CRISPR-Cas9 semble entraîner encore plus de mutations inattendues que prévu, explique une étude publiée dans « Nature Methods » ayant utilisé le séquençage du génome entier. Selon l'équipe dirigée par le Dr Vinit Mahajan de l'université de Stanford, la technique CRISPR introduit des centaines de mutations « off targets » non prévues par les algorithmes développés pour prédire les zones les plus susceptibles de subir des délétions et des insertions non voulues.

Les auteurs adressent une mise en garde aux scientifiques du monde entier utilisant CRISPR-Cas9 et plaident pour l'analyse par séquençage complet du génome, à l'heure où la technique d'édition de génome est testée dans des essais cliniques. Pour le Dr Stephen Tsang, ophtalmologue et professeur de biologie cellulaire à l'Institut de génomique médicale à Columbia, et coauteur : « Les chercheurs n'utilisant pas le séquençage du génome entier pour trouver des effets "off-targets" pourraient passer à côté de mutations potentiellement importantes. Même un changement d'un seul nucléotide peut avoir un impact très important ». Les algorithmes existants atteignent leurs limites pour une application à l'échelle de l'animal vivant, estiment les auteurs. « Ces algorithmes prédictifs sont performants quand CRISPR est utilisé dans des cellules ou des tissus en laboratoire, précise le Pr Alexander Bassuk, pédiatre à l'université d'Iowa et coauteur, mais le séquençage du génome entier n'a pas été employé pour chercher toutes les mutations off targets sur l'animal vivant ».

Après avoir démontré l'efficacité de CRISPR à corriger un gène de la cécité chez la souris, les chercheurs ont étudié le génome entier de deux animaux ayant été traités indépendamment par cette thérapie génique. Le séquençage a mis en évidence plus de 1 500 mutations d'un seul nucléotide et plus de 100 délétions et insertions plus grandes. Aucune de ces mutations n'avaient été prévues par les algorithmes couramment employés pour rechercher les mutations « off targets ».

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Le Dr Bassuk rapporte qu'aucune anomalie évidente n'a été constatée sur leurs animaux. « Nous sommes toujours enthousiastes à propos de CRISPR, explique le Dr Mahajan. Nous sommes des médecins et nous savons que chaque nouvelle thérapie présente potentiellement des effets secondaires, mais nous avons besoin de savoir de quoi il s'agit ». Alors que de nombreux travaux de recherche visent aujourd'hui à améliorer les différents composants de la technique (l'enzyme Cas9 ciseaux du génome, et le guide cible ARN), les auteurs recommandent d'utiliser le séquençage du génome entier pour déterminer les versions les plus précises et les plus sûres.

Infertilité : La sécurine, clé d’une fertilité retrouvée ? Santé Log du 26 mai 2017

Après 37 ans, La fécondité féminine diminue rapidement et le risque d’anomalies chromosomiques augmente. Si concevoir aux alentours de 40 ans est fréquent aujourd'hui, cela reste un véritable défi. Cette découverte de la Monash University et de l’University College de Londres est peut-être la clé de la fertilité retrouvée chez les femmes plus âgées. La clé, c’est une protéine, du nom de Sécurine, essentielle pour la méiose des ovocytes. Or, après un certain âge, la protéine apparaît à des niveaux insuffisants pour un déroulement normal de la deuxième étape de cette division (méiose II). Ces travaux, présentés dans la revue Nature Communications, contribuent à expliquer pourquoi les femmes âgées ont une incidence plus élevée de fausse couche et leurs bébés un risque accru d'anomalies chromosomiques. Enfin, ils ouvrent de nouvelles voies de recherche pour « débloquer » l’infertilité des femmes plus âgées.

La guerre des bactéries lancée dès l’arrivée à l’hôpital Le Figaro du 30 mai 2017 par Soline Roy

Des chercheurs ont suivi les échanges microbiens entre le patient et sa chambre.

Flambant neuf, l’établissement n’a pas encore ouvert ses portes, qu’il est déjà surpeuplé. Acinetobacter et Pseudomonas règnent en maîtres. Mais voici que des patients s’installent, transportant avec eux les troupes de bactéries qui résident sur leur peau. Dans ces lieux que l’on croit dédiés au repos s’engage une guerre farouche : dans les chambres, le premier jour, les ex-reines de l’environnement semblent avoir le dessus. Elles seront vite étouffées sous la petite flore cutanée des nouveaux occupants. J + 1 : Corynebacterium, Staphylococcus et Streptococcus ont gagné la bataille. Cette guerre, des chercheurs américains l’ont suivie à l’occasion de l’ouverture en février 2013 du tout nouvel hôpital de l’université de Chicago. Deux mois avant, puis durant dix mois après l’inauguration, ils ont collecté plus de 6 500 échantillons bactériens dans dix chambres de patients et deux salles de soin, tant sur les surfaces (sol, lit, ordinateurs…) que sur la peau des soignants et des soignés. Leur objectif : « dresser la carte détaillée des échanges microbiens et de leurs interactions dans un environnement hospitalier », explique Jack Gilbert, directeur du Microbiome Center et professeur de chirurgie à l’université de Chicago.

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«Empreinte bactérienne»

Aux États-Unis, « 100 000 personnes meurent chaque année d’infections liées au soin », détaille le site Internet du « Hospital Microbiome Project », dans le cadre duquel a été réalisée cette étude publiée dans Science Translational Medicine . L’enjeu : mieux « prédire le rôle de l’architecture et des matériaux pour contrôler la propagation des micro-organismes » dans un hôpital, précisent les responsables du projet. « C’est une question que l’on se pose dans la prévention des infections liées aux soins, explique le Pr Didier Lepelletier, chef du service de bactériologie et d’hygiène hospitalière au CHU de Nantes. Ces infections sont-elles dues à des contaminations entre soignants et patients ? Aux patients entre eux ? Ou à l’environnement ? »

« L’homme a 1 000 à 10 000 bactéries par centimètre carré de peau, c’est une flore dite “résidante” qui nous constitue », précise Didier Lepelletier. Ces bactéries ne sont pas pathogènes chez les individus en bonne santé. Mais, « si elles pénètrent dans l’organisme, par exemple à l’occasion d’une lésion ou de l’implantation d’un dispositif, elles peuvent provoquer des infections ou former des biofilms résistants aux antibiotiques », ajoute le médecin hygiéniste. Ainsi, les staphylocoques blancs, qui constituent 90 % de notre flore cutanée, peuvent adhérer au dispositif implanté et aboutir en quelques mois au descellement d’une prothèse de hanche, à une inflammation chez un porteur de prothèse cardiaque, etc. Les chercheurs de Chicago notent que les patients venus des urgences, où ils avaient souvent longtemps attendu, présentaient une flore environnementale plus variée. En revanche, ceux passés dans un bloc opératoire étaient moins contaminés par certaines familles bactériennes de l’environnement. « Sans doute parce que le patient a bénéficié d’une préparation cutanée par des antiseptiques avant l’opération », formant ainsi une barrière à l’installation des bactéries de l’environnement, avance Didier Lepelletier.

Dès la première nuit à l’hôpital, la flore du patient reprend le dessus et investit l’ensemble de la chambre, en particulier son lit et le sol en dessous. « Tout cela est parfaitement logique, juge le Pr Jean-Christophe Lucet, chef du service de bactériologie, hygiène, virologie et parasitologie au CHU Bichat-Claude-Bernard (AP-HP). Il y a trois ans, la même équipe avait montré que les familles possédaient leur propre “empreinte bactérienne”. Lorsqu’une famille quittait sa maison et qu’une autre s’y installait, les bactéries de la seconde prenaient très rapidement le dessus. »

Autre enseignement de l’étude américaine : plus de chaleur et de lumière dans la chambre, c’est moins d’échanges entre la peau du patient et l’environnement, tandis que l’humidité favorise les interactions. Acinetobacter et Pseudomonas aiment l’eau, « c’est pour cela que dans certains services, comme ceux qui accueillent les patients greffés, on interdit les fleurs ou les fontaines à eau », détaille Didier Lepelletier. Les antibiotiques pris par les patients par voie orale ou intraveineuse ont en revanche peu d’effet sur le microbiote cutané des patients. Didier Lepelletier note enfin un élément de l’étude qui « illustre bien un phénomène que l’on connaît déjà » : les micro-organismes prélevés sur les mains des soignants, notent les auteurs, ressemblent plus à ceux retrouvés sur les surfaces qu’à ceux présents sur la peau des patients. « Les infirmières font de plus en plus de gestes techniques qui les mettent en contact avec les objets et surfaces de soin, et réalisent une désinfection des mains par friction hydroalcoolique avant les soins », indique le médecin. Mais on peut aussi imaginer que, faute de temps, elles ont de moins en moins l’occasion de toucher le patient lors de gestes simples, comme leur tenir la main…

Glyphosate et cancer : des études-clés ont été sous-estimées par l’expertise européenne Le Monde du 31 mai 2017 par Stéphane Horel et Stéphane Foucart

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Ces révélations interviennent alors que la Commission européenne doit se prononcer sur la réautorisation du pesticide, le plus utilisé en Europe et dans le monde.

C’est une lettre embarrassante qu’a reçue, lundi 29 mai, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Son auteur, Christopher Portier, toxicologue et biostatisticien de renommée mondiale, ancien directeur de plusieurs institutions de recherche fédérales américaines, a eu accès aux données des études confidentielles sur le glyphosate – celles transmises par les industriels aux autorités européennes. Il y a découvert des informations passées jusqu’à présent inaperçues.

Selon M. Portier, la réanalyse de ces données met en évidence plusieurs cas de cancer dus au glyphosate, et qui n’ont pas été pris en compte par les agences d’expertise européennes. « Autant l’EFSA [Autorité européenne de sécurité des aliments] que l’ECHA [Agence européenne des produits chimiques] ont échoué à identifier tous les cas statistiquement significatifs d’augmentation d’incidence de cancers, dans les études menées sur les rongeurs », précise M. Portier à M. Juncker. Le glyphosate – le pesticide le plus utilisé au monde et principal ingrédient du célèbre herbicide Roundup – est au centre d’une bataille d’experts depuis plus de deux ans. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) – l’agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) chargée d’inventorier les causes de cancer – l’a classé « cancérogène probable » en mars 2015, alors que l’EFSA et l’ECHA estiment qu’il ne présente pas un tel danger. Après vingt-quatre mois de polémiques, l’affaire touche à son terme : la Commission européenne a proposé, le 16 mai, une réautorisation pour dix ans de la substance controversée. Le scientifique américain demande toutefois à M. Juncker de « s’abstenir de prendre toute décision sur le glyphosate » jusqu’à ce que les nouveaux éléments mis au jour soient inclus dans l’évaluation européenne.

Pourquoi un tel embrouillamini ? Il faut savoir que les agences de sécurité sanitaire, comme l’EFSA ou l’ECHA, fondent principalement leurs opinions sur des études confidentielles, fournies par les industriels. Généralement, nul autre que les experts de ces agences ne peut y avoir pleinement accès. Mais la polémique autour du glyphosate a défait les habitudes. « Après l’avis du CIRC, fondé, lui, sur des études publiées, il n’était plus tenable pour l’EFSA et la Commission de maintenir que les preuves de la non-cancérogénicité du glyphosate étaient des données industrielles auxquelles personne ne pouvait accéder, explique Martin Pigeon, chercheur à Corporate Europe Observatory, une ONG bruxelloise. Nous avons donc fait une demande d’accès à ces documents, en décembre 2015, et obtenu l’accès aux données de trois études que nous avons transmises à des toxicologues, dont M. Portier. »

« Mise en danger »

En mars 2016, après une réunion houleuse au Parlement de Strasbourg avec le directeur de l’EFSA, Bernhard Url, des eurodéputés écologistes requièrent de l’agence européenne la divulgation de plus de données. « Nous lui avons dit que des avis rendus sur la foi d’études secrètes n’ont aucune valeur scientifique, et les choses se sont assez mal passées, raconte la députée européenne Michèle Rivasi (EELV). J’ai expliqué au directeur de l’EFSA qu’il aurait des comptes à rendre si on réalisait dans quelques années que la réautorisation du glyphosate avait pu être responsable de morts ou de maladies. Nous avons finalement eu accès aux CD-ROM, sous certaines conditions. » M. Portier confirme au Monde avoir été sollicité par un groupe de députés européens pour mener une réanalyse de ces données (chaque étude totalise des centaines de pages de chiffres et de tableaux). Chercheur prolifique et ancien responsable d’organismes comme le National Toxicology Program, le National Institute of Environmental Health Sciences ou l’Agency for Toxic Substances and Disease Registries, M. Portier a donc passé en revue les données brutes d’une quinzaine d’études industrielles menées sur des rongeurs. « A ma connaissance, c’est la première fois que de telles données ont pu être réanalysées de manière indépendante », estime M. Portier. « J’ai trouvé huit cas d’augmentation d’incidence significative de différentes tumeurs qui n’apparaissent dans aucune des publications ou des évaluations officielles présentées par l’EFSA et l’ECHA, écrit-il dans sa lettre à M. Juncker.

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Certaines de ces tumeurs étaient également présentes dans plusieurs autres travaux, renforçant la cohérence des résultats entre études. » Les tumeurs mises en évidence par M. Portier incluent le poumon, le rein, le foie, la peau, la glande mammaire, la thyroïde ou les tissus mous (hémangiosarcome). « Je demande respectueusement aux agences impliquées dans l’évaluation du glyphosate de conduire leur propre analyse des localisations cancéreuses mentionnées [dans la lettre] et d’amender leurs conclusions en conséquence, plutôt que de simplement les ignorer », conclut M. Portier.

De son côté, la Commission accuse réception du courrier. « La majorité des questions soulevées par la lettre concernant l’évaluation scientifique, la Commission demandera à l’EFSA et à l’ECHA de répondre, dit-on à Bruxelles. A l’heure actuelle, vu l’examen strict de toutes les informations disponibles qui a été conduit par les deux agences européennes, il n’y a pas de raison de questionner les évaluations scientifiques du glyphosate menées par l’Union européenne. » L’EFSA, contactée par Le Monde, assure qu’elle « étudiera attentivement » les questions soulevées par M. Portier et qu’elle y « répondra en temps voulu ». Le courrier du scientifique coïncide avec la publication au compte-gouttes, outre-Atlantique, des « Monsanto Papers », un ensemble de documents interne de la firme du Missouri. Ceux-ci jettent une lumière parfois crue sur la manière dont Monsanto influence, de longue date, les agences d’expertise. « Avec mon collègue Eric Andrieu, dit l’eurodéputé belge Marc Tarabella (groupe socialistes & démocrates), nous demandons la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur les “Monsanto Papers” afin de déterminer les responsabilités de chacun dans ce qui ressemble de plus en plus à une mise en danger de la santé de 500 millions de citoyens européens. »

Sclérose en plaques : pourra-t-on un jour "réparer" les neurones ? Sciences et Avenir avec AFP du 31 mai 2017

La Journée mondiale de la sclérose en plaques, le 31 mai, est l'occasion d'aborder des travaux récents et prometteurs pour traiter cette pathologie que l'on ne sait pas encore guérir.

Et si on aidait les neurones à « réparer » les dégâts causés par la sclérose en plaques, maladie qui touche plus de deux millions de personnes dans le monde ? C'est la piste explorée par des chercheurs français pour freiner la progression de cette maladie auto-immune dégénérescente, qu'on ne sait pas encore guérir. « Le défi thérapeutique dans la sclérose en plaques, c'est de prévenir la progression du handicap, et l'une des voies pour y parvenir, c'est la réparation de la myéline », la gaine des fibres nerveuses, que la maladie détruit progressivement, explique à l'AFP Catherine Lubetzki, professeur de neurologie, à l'occasion de la Journée mondiale de la sclérose en plaques, le 31 mai 2017.

À l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), à Paris, où Catherine Lubetzki dirige une équipe de recherche, plusieurs travaux ont mis en évidence l'importance de ce processus de « remyélinisation », ou régénération de la myéline, dans l'état de santé des malades. Dans sa forme la plus fréquente, la sclérose en plaques se caractérise en effet par des poussées inflammatoires dans le système nerveux central (cerveau et moelle épinière), suivies de phases d'accalmie, durant lesquelles la myéline se reconstitue en partie. Mais de nouvelles techniques d'imagerie développées à l'Institut, plus précises que l'IRM, ont permis de montrer que ce « potentiel » de réparation est « très différent selon les patients », souligne Benedetta Bodini, neurologue chargée de recherche à l'ICM.

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« Sur une IRM classique, on voit les lésions cérébrales mais on ne voit pas ce qui se passe dans les lésions ». En injectant un traceur spécifique, qui se fixe sur la myéline, avant de réaliser une tomographie par émission de positons (ou PET scan, procédé d'imagerie médicale utilisant un produit de contraste radioactif), « on peut mesurer à quel degré la myéline est atteinte », détaille-t-elle. En comparant les images cérébrales de différents patients, prises à trois mois d'intervalle, l'équipe de chercheurs s'est aussi aperçue que ceux qui avaient une bonne capacité de régénération de la myéline allaient mieux que les autres et souffraient de moins de handicaps, ajoute-t-elle. « Cela veut dire que le jour où on aura des médicaments remyélinisants à notre disposition, on va pouvoir améliorer le pronostic des patients », espère la Dr Bodini.

Objectif : trouver des traitements présentant peu d'effets secondaires

Première étape vers cet objectif, une autre équipe de l'ICM a identifié une molécule qui est sécrétée de façon plus importante par les patients à faible capacité de remyélinisation. Cette molécule, baptisée CCL19, a fait l'objet d'un brevet début 2017. « C'est une cible thérapeutique intéressante : si on inhibe cette molécule, on pourra augmenter la réparation », a expliqué à l'AFP Violetta Zujovic, également chargée de recherche à l'ICM. Son équipe teste désormais « différents anticorps » pour déterminer lequel sera à même d'empêcher l'action de la molécule CCL19 sans provoquer trop d'effets secondaires. Les tests se font pour le moment in vivo, sur des cultures de cellules de patients, avant de passer à des études chez l'animal puis à des essais chez l'homme, un parcours qui prend « en moyenne 10 ans », prévient la chercheuse. Dans la sclérose en plaques, aux formes plus ou moins sévères, le système immunitaire du malade se dérègle et s'attaque à des éléments de son propre système nerveux. Il en résulte des symptômes variés : faiblesses musculaires, troubles de l'équilibre, de la vision, du langage, voire des paralysies, qui peuvent ensuite régresser.

À plus ou moins long terme, ces troubles peuvent progresser vers un handicap irréversible. Les traitements apparus depuis une vingtaine d'années réduisent la fréquence des poussées et améliorent la qualité de vie des patients, mais peinent à enrayer la progression de la maladie. Certains médicaments récents, efficaces sur les patients n'ayant pas bien réagi aux traitements classiques, présentent par ailleurs des risques d'effets secondaires graves.

Des questions et des solutions Libération du 2 juin 2017 Par Marine Dumeurger

Etat des lieux, conseils et perspectives alors que la recherche avance.

En France, la sclérose en plaques est la première cause de handicap moteur, après les accidents de la route. Environ 100 000 personnes en sont atteintes. Président de la fondation pour l’Aide à la recherche sur la sclérose en plaques (l’Arsep) et chef de service de neurologie du CHU de Dijon, Thibault Moreau fait état de la maladie et de l’avancée des traitements.

Qu’est-ce que la sclérose en plaques ?

La sclérose en plaque (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central : du cerveau et de la moelle épinière. C’est lui qui permet de marcher, de serrer un objet, de garder l’équilibre, de ressentir le chaud, le froid, etc. Et il subit des attaques à différents endroits. Ces inflammations ont lieu sur la myéline, la gaine qui entoure les voies nerveuses, et se produisent par à-coups.

Il y a plusieurs formes de SEP ?

En fait, la maladie comporte deux phases. La première dite « rémittente », où les patients souffrent d’une poussée qui dure quatre à six semaines, tous les dix-huit mois en moyenne.

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Après, il y a récupération et remyélinisation. Mais au bout d’environ quinze ans d’affection, ces mécanismes de réparation se fatiguent. La myéline est atteinte et c’est au tour de la cellule de s’abîmer. Dans 15 % des cas, on découvre la SEP alors que ce stade dégénératif est déjà installé. En fait, on pose le diagnostic plus tard, parce que la première phase n’a pas déclenché de symptômes physiques.

Peut-on établir un profil des personnes les plus touchées ?

Cette maladie débute généralement entre 20 et 35 ans et touche essentiellement les femmes : de nos jours, on compte trois femmes atteintes pour un homme. C’est aussi une pathologie de l’hémisphère Nord. Hormis l’Australie et le Japon, elle n’est pas présente dans le sud et elle est plus répandue en Scandinavie qu’en Italie. Pour certains, un environnement trop aseptisé modifierait le système immunitaire. D’autres évoquent l’ensoleillement et une carence en vitamine D. Une chose est sûre, le tabac est un facteur de risque, comme le virus de la mononucléose. En réalité, certainement tous ces facteurs se cumulent pour expliquer la maladie et le fait qu’elle soit en augmentation. Ainsi elle pourrait être liée aux changements d’habitudes de vie, comme les grossesses plus tardives et moins nombreuses, l’utilisation large de la contraception, ou même des modifications d’environnement aujourd’hui plus urbain que rural. Des facteurs génétiques interviennent aussi dans la susceptibilité à la maladie.

Comment se traduit la maladie au quotidien ?

Pendant les poussées, les troubles visuels, sensitifs, moteurs, durent quelques semaines puis s’atténuent. Après, les signes cachés persistent. La fatigue qui s’abat comme une chape, les troubles cognitifs, les difficultés à mémoriser, à trouver ses mots. Ça peut donner lieu à des situations très difficiles. Quand on a 25 ans et que l’on n’arrive pas à se concentrer au travail, à aller au cinéma ou faire l’amour, qu’on passe le week-end à dormir parce qu’on est trop fatigué…

Comment a évolué la prise en charge ?

De nos jours, le diagnostic est posé plus tôt. Grâce aux traitements, on arrive à bloquer la phase à poussées et les gens ne sont plus hospitalisés. Ils peuvent travailler, avoir des loisirs. Mais au-delà du médical, il est maintenant capital de proposer un accompagnement quotidien des patients, leur apprendre à gérer la fatigue, les troubles sexuels. Pour remplir cette fonction, vingt-trois centres de ressources et compétences, des CRC, sont en train d’ouvrir en France. Car il ne faut pas oublier que nous avons à faire à des jeunes gens. Ils sont en train d’installer leur vie, de se projeter et ils ont cette épée de Damoclès au-dessus d’eux. Pour les femmes, elles se demandent si elles pourront avoir des enfants. Or la grossesse n’aggrave pas la maladie et c’est important de pouvoir leur répondre ça, car la vie doit s’adapter bien sûr, mais avant tout continuer.

Par rapport à la recherche, où en sommes-nous ?

Aujourd’hui, on arrive à diminuer les poussées, à bloquer l’inflammation. Chaque année, une ou deux nouvelles molécules arrivent sur le marché, même s’il faut se méfier des effets secondaires. Notre grand drame, c’est surtout le processus dégénératif. Dans la première phase, certaines cellules réparent les zones lésées. L’objectif, c’est de comprendre comment stimuler ces cellules et favoriser ces mécanismes. C’est là-dessus que porte l’essentiel des recherches et pour la première fois, on a testé des médicaments efficaces sur la forme dégénérative. C’est très encourageant.

Cela signifie que recherche et laboratoires sont mobilisés ?

D’abord, il faut souligner que la maladie regroupe la recherche à un niveau international. Un fond commun a été constitué, nous y participons, et plusieurs dizaines de millions de dollars y sont consacrées. Ensuite, cette pathologie est un bon investissement pour les laboratoires. Je ne le dis pas de façon péjorative mais les personnes atteintes sont nombreuses et les cerveaux jeunes ont une capacité de réparation étonnante. C’est très motivant. Parmi les maladies dégénératives, la sclérose en plaques est de loin la plus étudiée et celle où l’on en sait le plus. Ces connaissances pourront d’ailleurs sans doute bénéficier un jour à d’autres pathologies, tels Parkinson ou Alzheimer.

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Le LSD pourrait-il devenir un médicament ? Le Figaro du 6 juin 2017 par Damien Mascret

La prise de microdoses de cette drogue hallucinogène pourrait être efficace contre la dépression ou l’anxiété.

Va-t-on un jour se traiter avec des microdoses de LSD, une drogue hallucinogène ? Il y a tout juste cinquante ans, les Beatles signaient avec « Lucy in the Sky with Diamonds » une chanson dont les initiales faisaient référence au LSD. C’est à nouveau d’Angleterre que vient une petite révolution stupéfiante, scientifique cette fois, qui signe le retour de l’acide lysergique diéthylamide. Le mois dernier a démarré en effet une étude originale dont l’objectif est d’observer en imagerie cérébrale (IRM fonctionnelle, IMRf) l’impact sur le cerveau du LSD à microdoses. Faute de financements publics, un appel aux dons pour financer ces travaux a été lancé par la fondation Beckley. Cette organisation s’efforce de promouvoir l’étude scientifique des substances psychoactives, pour en exploiter les intérêts tout en diminuant les risques liés à leur usage. Signe du sérieux de la démarche, l’étude sera menée conjointement avec l’Imperial College de Londres.

L’objectif est d’administrer à une vingtaine de participants un placebo (faux traitement) ou des doses de 10, 20 ou 50 microgrammes de LSD, puis d’observer leur activité cérébrale, en IRMf, lorsqu’ils réalisent des exercices ou jouent au jeu de Go. Les chercheurs considèrent qu’il s’agit là de microdoses de LSD puisque pour obtenir des effets hallucinogènes, il faut habituellement prendre des doses supérieures à 75 microgrammes. À l’origine de la fondation Beckley, la chercheuse Amanda Fielding est convaincue du potentiel des substances hallucinogènes depuis qu’elle a étudié le LSD dans les années 1960. Synthétisée en 1938, la molécule a été largement utilisée en psychiatrie dans les années 1950 avant que son usage récréatif n’explose dans les années soixante. Le LSD fut interdit en 1968 aux États-Unis, mais entre 1953 et 1973, pas moins de 116 études étaient financées par le gouvernement américain ! Des travaux prometteurs, tant sur la dépression et l’anxiété que sur les troubles obsessionnels compulsifs ou l’alcoolisme, mais malheureusement souvent de piètre qualité méthodologique au regard des critères scientifiques actuels.

En réalité, si l’intérêt d’Amanda Fielding pour les hallucinogènes ne s’est jamais démenti, celui des scientifiques n’est pas non plus totalement nouveau. Depuis quelques années, cette drogue illégale et potentiellement dangereuse est revenue dans les laboratoires des chercheurs en neurosciences. Avec cette fois des protocoles plus rigoureux. Une étude sur le mécanisme d’action du LSD sur le cerveau a justement été menée sous la direction de l’Imperial College de Londres avec la collaboration d’équipes allemandes, néo-zélandaises, canadiennes et américaines à la dose de 75 microgrammes. Elle a été publiée en mars 2016 dans les Actes de l’Académie des sciences des États-Unis. Les résultats montrent de façon spectaculaire que « les volontaires voyaient avec les yeux fermés », selon l’expression du Pr Carhart-Harris qui dirigeait l’étude avec le Pr David Nutt. Autrement dit, les zones visuelles de leur cerveau étaient activées comme s’ils avaient les yeux ouverts, ce qui cadre avec les hallucinations visuelles décrites par les usagers. Mais le plus étonnant, lorsque l’on regarde les images du cerveau en IRMf, est de voir que le cerveau tout entier semble s’éveiller. Ce « cerveau unifié » est lui aussi rapporté par les utilisateurs de LSD ou de champignons hallucinogènes, qui évoquent une dissolution du « soi » au profit d’un sentiment de connexion aux autres, à la nature, à l’univers.

En revanche, l’effet du LSD à micro-doses n’a pas encore été étudié scientifiquement en dépit de sa popularité dans les milieux créatifs de la Silicon Valley, qui vantent sa capacité à stimuler le cerveau sans effets hallucinogènes. « Ce sont des témoignages anecdotiques de très faible valeur scientifique, explique au Figaro le Pr Torsten Passie, spécialiste du LSD à la faculté de médecine de Hanovre (Allemagne).

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Cependant, il ne faut pas exclure qu’un faible dosage de LSD puisse aider certaines personnes à faire face à leur dépression ou améliorer légèrement leurs performances professionnelles. »

Même prudence chez Matthias Lietchi, professeur de pharmacologie clinique à l’université de Bâle (Suisse) : « Je ne peux pas dire si cela est avantageux ou nuisible. En tout état de cause, le LSD a principalement des effets psychologiques et aucun effet somatique (sur les organes, NDLR) nuisible. Cependant, les personnes présentant un risque de psychose, par exemple avec des parents souffrant de schizophrénie, risquent de développer des troubles psychiatriques », met-il en garde.

Peut-on dépolluer les océans ? La Croix du 7 juin 2017 par Denis Sergent et Marie Verdier

En ouverture de la première conférence des Nations unies sur les océans lundi, à New York, son secrétaire général Antonio Guterres a appelé les États de la planète à préserver les océans « pour empêcher une catastrophe mondiale à long terme ».

Selon une étude récente, si rien n’est fait, le volume des déchets plastiques pourrait dépasser celui des poissons d’ici à 2050 dans les mers du Globe. En réponse à cette catastrophe annoncée, les participants à la conférence des Nations unies sur les océans qui s’est ouverte lundi 5 juin, à New York, devraient élaborer un « appel à l’action » pour réduire la pollution des océans, lutter contre la pêche illégale et protéger au moins 10 % des écosystèmes côtiers et marins d’ici à 2020.

« Techniquement c’est possible, mais ce sera un travail très long » : Gilles BŒUF, professeur de biologie marine à l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris

« La première des dépollutions est de ne plus jeter de résidus dans la mer. Rappelons que 80 % des déchets marins, solides et liquides, macroscopiques et microscopiques, proviennent des fleuves, rivières et décharges littorales. La deuxième est d’extirper cette pollution, de tous les océans et mers au moyen de techniques, variables selon la nature et la taille des déchets, et dont beaucoup sont à mettre au point. Plusieurs tentatives sont en cours ou en projet. Ainsi en juin 2016 a été lancée l’expérience Ocean Cleanup du Néerlandais Boyan Slat, destinée à se débarrasser des déchets plastiques des cinq grands tourbillons subtropicaux (gyres). À une vingtaine de kilomètres des côtes néerlandaises, les ingénieurs ont déployé en surface 100 mètres de flotteurs, arrimés aux fonds marins, auxquels sont accrochés des rideaux d’1,50 m de profondeur, durant un an.

Selon l’auteur, ce prototype doit supporter jusqu’à 80 tonnes de morceaux de plastiques et retenir les microparticules jusqu’à 1 mm de diamètre. Un test qui a coûté 1,5 million d’euros, pris en charge par le gouvernement néerlandais et le groupe Boskalis (services maritimes), dont on ne sait, à ce jour, s’il a été réussi. Certains océanographes comme François Galgani (Ifremer) ont toutefois émis des réserves quant à la faisabilité de cette méthode en plein océan. Quant à la détection des microparticules (0,2 micromètre) ingérées par les poissons et donc par l’homme, s’il devait être bientôt possible de les détecter à la surface de l’eau au moyen d’un laser, grâce aux travaux entre l’université de Rennes et la société Oxxius, comment va-t-on ensuite les ramasser ?

D’autres projets sont en cours, tels que celui de la société allemande Deurex qui a mis au point une cire synthétique, une super-éponge pour absorber les marées noires (hydrocarbures) dans les lacs, rivières et mers. D’autres encore, comme l’entreprise Alteo à Gardanne (Bouches-du-Rhône) ont certes fait installer des filtres-presse pour épurer les fameuses « boues rouges », des résidus de bauxite, riche en alumine et oxydes de fer.

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Si ces filtres ont permis de diminuer une partie de la pollution, il reste encore des résidus toxiques, dont le vanadium, ce qui oblige les autorités à interdire la pêche près de l’exutoire. En revanche, on ne sait apparemment pas encore filtrer les eaux usées chargées en perturbateurs endocriniens…

En résumé, le nettoyage des océans est en théorie techniquement et politiquement possible. Mais ce sera un travail au très long cours. En attendant, il est bien plus efficace d’ériger quelques règles comme l’interdiction de vendre des sacs en plastique comme la France l’a mis en œuvre le 1er juillet 2016.

« Il faut une police pour contrôler et une justice pour sanctionner » : Corinne LEPAGE, avocate, présidente de Cap 21, ancienne députée européenne et ministre de l’environnement

Il existe des conventions internationales, telle celle de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer qui comporte un volet spécifique sur les pollutions. Ou des conventions particulières telle la convention de 1969 (modifiée en 1992) sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures. On peut citer également l’engagement pris par les États en faveur des océans lors de la COP22 climat de Marrakech l’an dernier.

Les textes existent. Mais que valent les réglementations si elles ne sont assorties d’aucune police internationale de la mer pour contrôler, ni d’une justice internationale pour sanctionner ? Les océans occupent la majeure partie de la surface de la Terre et c’est en leur sein que se joue l’essentiel de notre avenir aussi bien en matière d’alimentation que de changement climatique. Et pourtant, ils restent le parent pauvre du droit international. Nous en revenons toujours au problème de la gouvernance au premier chef de la haute mer, qui reste une zone de non-droit.

Certains pays agissent pour préserver leurs eaux territoriales. La France a su lutter contre les dégazages en mer, en surveillant ses eaux, en remontant, en cas de pollution, jusqu’à la source du bateau pollueur et en se dotant de tribunaux maritimes qui sanctionnent lourdement. Mais l’on a de ce fait déplacé le problème des dégazages vers la pleine mer. Trop de ports ne sont pas équipés pour récupérer les huiles usagées, ou le sont, mais à des prix dissuasifs pour les navires. Or, lorsqu’il s’agit d’imposer des pratiques vertueuses, les pollueurs, qu’ils soient en mer ou sur terre, ont toujours beau jeu d’opposer l’argument économique de la distorsion de concurrence. Et lorsque les législations nationales existent pour imposer des stations d’épuration et de traitement des produits toxiques et dangereux, cela n’empêche pas les pays du Nord d’aller déverser leurs déchets dans les pays du Sud.

Que faire pour aller au-delà du sempiternel constat ? Au-delà de l’indignation de la création d’un septième continent de déchets fait de plastiques ? Soit l’on agit en amont sur les modes de production, en interdisant par exemple les plastiques. Il me semble que nous n’en sommes pas là. Soit on agit en aval en se dotant d’outils de contrôle et de sanction, de garde-côtes internationaux et donc de budgets mondiaux dédiés à ces causes. Mais même l’Union européenne, sensible à l’environnement, n’a jusqu’ici jamais envisagé de créer un corps de garde-côtes environnementaux à l’instar de ceux dédiés à la sécurité des frontières. Si les enjeux climatiques, la surpêche, les pollutions, etc., ont mis les océans sur le devant de la scène ces dernières années, force est de constater qu’il n’y a pas eu d’évolutions décisives pour les protéger.

Dans la fabrique des plantes du futur Le Monde Science et Techno du 7 juin 2017 par Nathaniel Hertzberg Les nouvelles méthodes d’édition du génome suscitent l’espoir dans l’agro-industrie : développer des variétés végétales plus performantes ou plus saines, en tournant la page des OGM.

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De l’extérieur, on dirait presque un aéroport. Une rangée d’immenses ventilateurs, façon réacteurs de Boeing, pulse l’air chaud d’un printemps tardif, comme prêts à faire décoller le bâtiment au-dessus des plaines du Midwest. A l’intérieur, c’est un théâtre. Avec, sur la scène de 15 000 mètres carrés, une série ininterrompue de mouvements, aussi variés qu’ordonnés, exécutés par des milliers de plants de maïs, de blé, de soja. Ici, une palette prend tranquillement un virage pour présenter les végétaux devant un distributeur d’eau. Une autre dépose sa cargaison sur un tapis roulant avant de poursuivre son chemin vers la piscine de lavage. Là, les pots entrent, un à un, dans une chambre noire, pour une série d’images hyperspectrales (de l’infrarouge à l’ultraviolet). Un peu plus loin encore, des lecteurs scannent les codes-barres de chaque plant avant prélèvement et analyse du matériel. Un impressionnant ballet, presque silencieux, ordonné par quelques rares humains. Dans la langue locale, on parle de « serres automatisées ».

Nous avions été prévenus. Avant de visiter le centre de recherche de Pioneer, dans l’Iowa, temple consacré aux végétaux du futur, mieux valait se préparer à un léger changement d’échelle. Oublier les restrictions spatiales ou matérielles de la science publique, laisser de côté les habituelles plaintes sur le manque de moyens techniques ou humains. Plus d’un millier de chercheurs, trois bâtiments de verre et béton, de 18 000, 20 000 et 28 000 mètres carrés, des serres vertigineuses et des champs pour les essais à perte de vue… Bienvenue dans le « campus de Johnston », comme le résume Sharyl Sauer, responsable de la communication de cette ancienne entreprise familiale, devenue géant mondial de l’agro-industrie.

Pioneer, c’est une de ces sagas chères aux Américains. Celle d’un fils de fermier de l’Iowa, ingénieur agronome, qui reprend au début des années 1920 l’exploitation de son père. L’hybridation, cette technique qui permet de croiser des espèces ou variétés différentes, fait ses premiers pas. Henry Wallace l’applique à sa céréale favorite : le maïs. Convaincu de tenir là un outil universel, il crée, en 1926, son entreprise (Hi-Bred, futur Pioneer). Le début de la gloire. Avec son franc-parler et son faux air de James Stewart, Wallace devient une figure politique, secrétaire à l’agriculture (1933-1940) puis vice-président de Franklin Roosevelt (1941-1945). « Nous sommes toujours sur ses terres et avons fait fructifier son héritage », explique fièrement Sharyl Sauer, elle-même fille de fermier de l’Iowa. En quatre-vingt-dix ans, Pioneer s’est développé à travers l’Amérique, avant de conquérir le monde. Rachetée par le géant de la chimie DuPont en 1999 pour environ 10 milliards de dollars (8,9 milliards d’euros), l’entreprise, avec ses 12 500 employés, présents dans 90 pays, tient la 2ème place du classement mondial de la production de semences, derrière Monsanto. Rester à la pointe de l’innovation pour offrir aux agriculteurs confort et rentabilité : à Johnston, le credo n’a jamais varié. Après l’amélioration des rendements, Pioneer a développé des variétés permettant de mieux supporter la sécheresse ou le froid, de résister aux maladies, aux parasites, ou encore aux herbicides. En sautant sur chaque innovation. L’hybridation, donc, puis la mutagenèse aléatoire et enfin les OGM (organismes génétiquement modifiés).

La grande affaire du moment se nomme Crispr. Un système immunitaire utilisé par les bactéries pour combattre leurs ennemis, les virus, transformé par les scientifiques en « couteau suisse de la génétique ». Crispr permet en effet d’intervenir à peu près n’importe où sur le génome de n’importe quelle espèce pour supprimer ou ajouter n’importe quelle séquence de nucléotides, ces briques fondamentales de l’ADN. Plus précis, plus simple et plus rapide – donc moins cher – que toutes les techniques disponibles jusque-là, Crispr s’est imposé, depuis sa mise au point en 2012, dans les laboratoires du monde entier. Pour éliminer des pathogènes, inventer de nouveaux traitements, doper des animaux, retrouver des espèces perdues, ou encore traquer les moindres détails du code génétique pour mieux comprendre le vivant : Crispr est partout. « Nous avons tout de suite compris que c’était une révolution », assure Neal Gutterson, vice-président de Pioneer, chargé de la recherche et du développement. Le groupe DuPont compte il est vrai, dans ses rangs, le centre de recherche sur les bactéries lactiques de Dangé-Saint-Romain (Vienne), là même où a été démontré le rôle immunitaire du système Crispr.

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A Johnston, il dispose également d’une batterie d’installations conçues, depuis vingt-cinq ans, pour la mise au point des OGM. Mais pour le biologiste, débarqué dans l’Iowa en 2014 après une carrière essentiellement conduite dans les start-up de biotechnologie, « le défi est double : scientifique, bien sûr, mais aussi culturel ».

A première vue, le principe peut paraître simple : appliquer aux plantes ce système universel de modification de l’ADN. Autrement dit, prendre la lame du « couteau suisse », une protéine baptisée Cas9, et « lui associer un guide sous la forme d’ARN, conçu de manière que la coupe intervienne au bon endroit dans l’ADN des cellules des végétaux », résume Neal Gutterson. Sauf qu’en réalité, l’opération recèle de multiples difficultés. D’abord, il faut déterminer le site d’intervention. Où couper pour obtenir quelle propriété. Un casse-tête tant le génome des plantes apparaît complexe. Prenez le maïs : plus de 50 000 gènes, le double du génome humain, répartis sur 10 chromosomes, avec des duplications et des séquences répétées sur plusieurs gènes comme aucun animal n’en connaît. Comprendre le rôle de chaque gène en devient d’autant plus difficile. « En plus, le génome des plantes présente une extrême diversité, souligne Jeffry Sander, chercheur au département d’ingénierie moléculaire. Entre deux variétés de maïs, il y a la même distance génétique qu’entre un homme et un singe. » Pioneer en propose plusieurs dizaines, selon l’humidité, la température, le vent, la nature des sols, ou encore les maladies ou les ravageurs à combattre… « Les faire évoluer pour les améliorer constitue notre cœur de métier, poursuit Jeffry Sander. Chaque fois, il faut recommencer le séquençage. »

Heureusement, les progrès en la matière ont été considérables. Imaginez : il a fallu trois ans et 32 millions de dollars (28,6 millions d’euros) pour séquencer les 2,5 milliards de paires de bases du génome d’une première variété de maïs, entre 2005 et 2008. Il suffit aujourd’hui de quelques jours pour réaliser la même opération, à un prix 10 000 fois moindre. « Au cours de ces six derniers mois, nous avons encore gagné en précision, en rapidité, en capacité de lecture… », souligne Gregory May, responsable de la division d’analyse génomique. Son labo ressemble, il est vrai, à une véritable usine à déchiffrer l’ADN. Lumière blanche, ambiance aseptisée, rangs de chercheurs alignés derrière des ordinateurs. Et pas moins de neuf séquenceurs, de différentes tailles, qui tournent sans discontinuer pour rechercher des « traits » favorables, sur le maïs, bien sûr, mais aussi le blé, le soja, le riz, le tournesol, le colza… Une fois identifiée la séquence sur laquelle intervenir, les chirurgiens opèrent. Autrement dit, ils lancent le système Crispr à l’assaut des cellules à l’aide d’un « canon à gène ». Une technique classique dans la production d’OGM. Mais la munition utilisée cache « une véritable percée scientifique », selon Peter Rogowsky, professeur à l’Ecole normale supérieure de Lyon et figure française de la recherche sur les plantes. A côté de la protéine Cas9 (la lame) et de l’ARN guide (le viseur), les chercheurs de Pioneer injectent un « régulateur morphogénique », un gène qui stimule la prolifération des cellules modifiées. « La théorie était connue, mais personne n’avait réussi à en faire un outil qui marche », précise le biologiste lyonnais. Les chercheurs de Pioneer y sont parvenus pour le maïs, mais aussi le riz, le sorgho et la canne à sucre. De quoi contourner une des principales difficultés du processus : la régénération.

Transformer une cellule modifiée in vitro en plante cultivable constitue un des cauchemars des fabricants de nouveaux végétaux. Cela impose de bien choisir le type de cellules cibles (embryon, graine, premières pousses…) et les mélanges de vitamines, minéraux et hormones avec lesquels les faire croître. Mais même plongées dans la potion magique d’Astérix, certaines plantes refusent de se prêter au jeu et seules les variétés de base reprennent vie. Pour modifier une variété élite – sélectionnée pour ses performances de rendement, de taille, de résistance aux intempéries –, huit à douze croisements, entraînant une quantité considérable de déchets, s’avèrent nécessaires. Ou plutôt s’avéraient. Par la grâce des « régulateurs morphogéniques », les chercheurs peuvent directement doper leurs championnes. Mieux encore : le stimulant disparaît de l’organisme modifié. Un enjeu fondamental car sur Crispr plane l’ombre des OGM. Pendant vingt ans, ces plantes ont fait la fortune de l’agro-industrie. Europe exceptée, la planète entière s’est convertie à la transgenèse. En introduisant un gène extérieur, venu par exemple d’une bactérie, on rendait une plante résistante aux ravageurs ou aux herbicides.

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Mais le panier dans lequel les semenciers ont mis tous leurs œufs se perce de plus en plus. Apparition de nouvelles mauvaises herbes, multiplication d’insectes résistants, classement du glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde, en « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer : l’image des OGM s’est abîmée. Si l’on ajoute le coût très élevé de leur développement (plus de 100 millions de dollars par produit, selon Pioneer), on comprend le souci des fabricants de créer un mur entre les deux techniques.

Leur plaidoirie tient en trois arguments, résumés par Neal Gutterson : « D’abord, nous n’intégrons aucun gène extérieur à l’intérieur du génome. Ensuite, nous ne modifions que quelques bases, un processus similaire aux mutations que chaque plante subit dans la nature. Enfin, nous retirons du génome tous les éléments de la machinerie Crispr qui pourraient y avoir été incorporés. » Les associations anti-OGM n’en croient pas un mot, convaincues qu’entre les erreurs de ciblage de Crispr et les bouts de gènes involontairement intégrés, des saletés demeurent forcément dans le génome. Une étude, publiée lundi 29 mai, dans Nature Methods, portant sur les animaux, a, du reste, montré l’ampleur de ces bugs. Gregory May, le patron de l’analyse génomique, conteste : « D’abord nous contrôlons in vitro que la modification a bien eu lieu là et comme nous le voulions. Nous ne gardons que 10 % des spécimens. Puis nous vérifions une nouvelle fois, in vivo, le génome, par les meilleures méthodes de séquençage. Encore une moitié est écartée. Enfin nous passons un troisième filtre, notre invention maison… » Cette loupe génomique, baptisée Southern by Sequencing, capable de scanner des portions de génome à la recherche d’éléments étrangers, envoie encore 15 % des plantes au rebut. « Il ne reste aucun intrus », jure Gregory May.

Rien que des produits soigneusement choisis « pour les consommateurs ». C’est la deuxième révolution Crispr, culturelle celle-là, insiste Neal Gutterson. « Depuis 1926, nous travaillions pour les fermiers. Désormais, nous devons penser à ceux qui vont consommer nos produits. Prenez les tomates. Pendant longtemps, on s’est juste soucié de produire des variétés moins fragiles et avec un meilleur rendement, sans penser au goût. On voit le résultat… Grâce à Crispr, nous pourrons, je l’espère, concilier un jour les deux. » Je l’espère… Un jour… On s’étonne d’une telle prudence. « Nous avons beaucoup promis avec les OGM », sourit-il. Comprendre : et beaucoup déçu… Il poursuit : « Tout va dépendre de la réglementation adoptée et de l’accueil du public. Nous n’allons donc pas commencer par la nourriture, le sujet est trop sensible », dit Neal Gutterson. Le premier produit Crispr, déjà autorisé par le département de l’agriculture américain (USDA) et annoncé pour 2020, sera un maïs cireux. Presque dépourvu d’amylose, il vise les industriels qui exploitent l’amidon (textiles, adhésifs, papiers, produits alimentaires…). Un autre maïs, résistant à la brûlure de la plante, est également dans les tuyaux. « Nous allons continuer avec d’autres céréales en visant la résistance aux maladies, les rendements, la tolérance à la sécheresse, la composition nutritive ou la durée de maturité », précise-t-il. La résistance aux herbicides ? Il secoue la tête. Trop mal vu, risquerait de discréditer la technique. « Nous n’introduirons pas non plus de gènes extérieur, ce que la technologie pourrait pourtant permettre de faire. »

Tous les industriels n’affichent pas la même réserve. Cap au nord à travers la Corn Belt et les rendements céréaliers les plus élevés du monde. L’entreprise de biotechnologie française Cellectis a choisi Minneapolis (Minnesota) pour installer sa filiale agronomique, Calyxt. Trente salariés, dont vingt-cinq chercheurs, presque un microbe mais un appétit de loup. La start-up a annoncé son entrée prochaine sur le Nasdaq, le 2ème marché financier américain. Car pour son président, Federico Tripodi, « cette technologie peut changer le monde ». Ce n’est pourtant pas de Crispr qu’il parle mais de Talen, des enzymes de restriction mis au point en 2009, capables, eux aussi, de couper l’ADN. L’arrivée de Crispr – plus simple, plus rapide – en a stoppé net l’expansion. Mais chez Calyxt, détenteur unique du brevet, on veut continuer à y croire. « Pour faire une photo professionnelle, vous n’utilisez pas un iPhone, même si c’est plus facile », avance Federico Tripodi. Ici, pas de serres automatisées. « Pas encore », corrige Feng Zhang, le directeur des opérations. La start-up vient d’acheter un terrain dans la banlieue de Minneapolis, où elle réalise manuellement ses premiers essais, et promet des installations de pointe. Pas de batteries de séquenceurs, non plus. Ni de nouveau dopant cellulaire.

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« Mais avec notre robot, nous pouvons assembler un Talen presque aussi rapidement que l’on construit un Crispr », assure le biologiste, en montrant fièrement une machine à l’apparence modeste, à peine plus grande qu’une malle à jouets.

Aussi, pas question de se fixer de limites. Pour répondre à la demande alimentaire, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) recommande une augmentation de la production agricole de 60 % d’ici à 2050. Talen dopera les rendements et aidera à résister à la sécheresse, assure-t-on. Le diabète, les allergies, l’obésité explosent ? « Nous proposons des produits plus sains », insiste Federico Tripodi. Et le biologiste d’aligner les variétés en cours de développement déjà autorisées par l’USDA : un soja capable de produire une huile stable sans acides gras trans (donc moins nocive pour l’appareil cardio-vasculaire) ; des pommes de terre qui ne noircissent pas, restent fermes dans le froid et ne dégagent pas, à la cuisson, d’acrylamide, un composé réputé cancérogène ; un blé à haute teneur en fibres, et un autre, conçu en partenariat avec une équipe chinoise, insensible à la maladie du blanc. Et même un troisième résistant à certains herbicides – « mais pas au glyphosate », précise-t-on immédiatement. Pas peur de brouiller néanmoins le message, en associant Talen aux vieilles recettes des OGM ? « J’ai passé vingt ans chez Monsanto. Les produits étaient bons pour les fermiers, mais n’apportaient rien au public. Notre priorité est opposée. D’abord, penser au consommateur, lui montrer ce qu’il a à gagner. On a accusé les OGM de réduire la diversité ? Nous voulons l’accroître en rendant de nouveau compétitives de vieilles variétés. On a soupçonné – sans jamais apporter les preuves – les OGM de nuire à la santé ? Nous allons lutter contre les maladies modernes. » On reste un peu songeur, comme devant une vieille chanson du passé que l’on retrouve. « La mariée ne serait-elle pas un peu trop belle ? », demande-t-on. Federico Tripodi sourit : « Elle est magnifique. »

Les techniques de sélection des plantes

Sélection des plantes sauvages : Il y a environ 12 500 ans, dans le croissant fertile, les humains domestiquent leurs premières plantes. Ils choisissent les mutants naturels les plus favorables : faible dispersion, régularité, robustesse…

Fabrication de lignées : En Angleterre, au XVIIIème siècle, apparaissent les premières lignées pures. L’objectif est d’assurer la présence d’un trait désiré.

Hybridation : Les premiers croisements volontaires de variétés distinctes sont réalisés en 1918. Comparés aux lignées pures, ces hybrides présentent un accroissement des performances (rendements, taille…).

Mutagénèse aléatoire : Les plantes sont soumises à un agent chimique (méthanesulfonate d’éthyle) ou à des radiations (l’équivalent de mille ans d’exposition à la lumière) afin de provoquer des mutations massives. Les survivantes sont sélectionnées en fonction de leurs qualités (forme, résistance aux intempéries, au sel, aux pathogènes…). Expérimentée en 1928, la technique est généralisée dans les années 1950.

OGM : En 1983, l’introduction dans le génome du tabac d’un gène extérieur déclenche une résistance à un antibiotique. Puis viendront la résistance aux ravageurs, aux herbicides, aux conditions extrêmes. 85 % des cultures transgéniques se trouvent sur le continent américain. En Europe, elles représentent 0,1 % de la surface agricole.

Crispr Ce système d’édition du génome dérivé d’un mécanisme immunitaire des bactéries a été mis au point en 2012. Il permet de viser quelques bases d’un gène existant et d’en modifier l’action. L’inactivation de gènes est désormais maîtrisée sur de nombreuses espèces. Leur transformation reste balbutiante.

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Les cellules reprogrammées iPS « utiles pour toutes les maladies » L’Orient-Le Jour du 8 juin 2017

La pionnière mondiale des études cliniques basées sur des cellules souches créées à partir du sang ou de la peau d'adultes et capables d'engendrer n'importe quel type de cellule du corps a expliqué à Tokyo que toutes les maladies pourront à terme bénéficier de cette technique.

Ces cellules dites iPS n'ont pas forcément vocation à guérir, mais aussi à améliorer le confort de vie des patients, a précisé mercredi Masayo Takahashi, professeur de l'institut public Riken. « A l'avenir, toutes les maladies pourront potentiellement être traitées, je ne dis pas guéries, grâce aux cellules issues d'iPS, même si les effets seront minimes au début », a-t-elle assuré. Les cellules souches pluripotentes induites (iPS) sont des cellules adultes ramenées à l'état quasi embryonnaire en leur faisant de nouveau exprimer quatre gènes (normalement inactifs dans les cellules adultes). Cette manipulation génétique leur redonne la capacité de produire n'importe quel genre de cellules (pluripotence), selon le lieu du corps où elles sont ensuite transplantées.

En septembre 2014, les travaux de l'équipe de Mme Takahashi ont permis d'implanter dans l'œil d'une patiente, une femme de 70 ans, un mince film de cellules créées à partir de cellules iPS, elles-mêmes issues de cellules adultes de la peau du bras de cette personne. Il s'agissait de traiter une des formes de la maladie oculaire appelée dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA), première cause de cécité des plus de 55 ans dans les pays industrialisés. « Nous avons observé une stabilisation sans traitement médicamenteux (nécessaire habituellement) et les patients peuvent être extrêmement contents de cette amélioration », a-t-elle expliqué, qualifiant cet essai de « grand succès ».

Le Japon est à la pointe dans ce domaine que le gouvernement encourage: le japonais Shinya Yamanaka a reçu en 2012 le prix Nobel de médecine pour avoir montré que des cellules matures différenciées pouvaient redevenir pluripotentes par manipulation génétique. Mme Takahashi se dit même assurée du bénéfice des iPS pour les maladies dégénératives dépourvues de traitement, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA). « Initialement, je ne voyais pas comment les cellules iPS pourraient aider à lutter contre cette pathologie qui touche l'intégralité du corps de façon systémique, mais les médecins m'ont dit que si les patients arrivaient ne serait-ce qu'à bouger un doigt, ce serait déjà un progrès pour leur permettre de communiquer, alors oui, même pour une telle maladie, elles peuvent être utiles ». Plus de 100 projets d'essais cliniques avec des cellules iPS sont actuellement à l'étude au Japon, où l'on travaille aussi sur des techniques de « banque de cellules iPS » ayant la particularité de pouvoir être utilisées sur des patients tiers sans phénomène de rejet, ce qui permettrait de notablement réduire les coûts. L'usage de cellules iPS ne pose pas de problème éthique fondamental, au contraire des cellules souches prélevées sur des embryons humains.

Parallèlement, le gouvernement nippon devrait donner la semaine prochaine accord pour la fabrication de cellules souches embryonnaires humaines (ES) à des fins de thérapie.

Nanobiotix espère révolutionner le traitement du cancer Le Figaro du 7 juin 2017 par Armelle Bohineust

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La start-up française a présenté à Chicago les résultats d'un traitement innovant à base de nanoparticules.

Au congrès de l'Asco (American Society for Clinical Oncology), à Chicago, grand-messe annuelle de l'oncologie, la start-up française Nanobiotix vient de dévoiler les résultats prometteurs d'un essai clinique. Il a été mené avec des patients atteints de cancers avancés de la tête et du cou, des malades âgés et fragiles qui ne peuvent être traités que par radiothérapie et dont la chance de survie est limitée. « Sur onze patients évalués avec notre produit, dix ont répondu au traitement. Et, pour sept d'entre eux, la tumeur a disparu totalement, entre trois et dix mois après le traitement, sans aucun effet indésirable à ce jour, explique Laurent Levy, PDG de Nanobiotix. Ces résultats semblent montrer que le mode d'action de notre technologie, NanoXray, est double: il détruit physiquement les cellules cancéreuses et, en même temps, permet au système immunitaire de reconnaître les tumeurs pour les attaquer. »

Nanobiotix développe des nanoparticules cristallines, injectées dans la tumeur puis activées à distance par la radiothérapie. Ces cristaux, qui s'accrochent aux cellules malignes, sont capables d'amplifier neuf fois l'énergie du rayon X. Cette innovation, qui a déjà été testée par Nanobiotix sur le sarcome, une tumeur rare, permet de réduire le nombre de séances et l'intensité des rayons. L'étude sur les cancers de la tête et du cou, un essai de phase I/II dont les résultats ont été publiés hier, n'a été réalisée que sur un très petit nombre de patients. Nanobiotix a déjà décidé d'élargir cet essai, mené jusqu'ici à l'Institut Curie à Paris et en Espagne, à d'autres pays européens et aux États-Unis, afin d'y inclure quarante-quatre patients supplémentaires. « Si les résultats obtenus se confirment sur des populations plus larges, alors on pourra parler de révolution. Notre produit aura une valeur médicale et économique largement égale à ce qu'on peut voir dans les grands produits », pronostique Laurent Levy.

D'autant plus que, contrairement à la médecine personnalisée et individualisée, la technologie de Nanobiotix s'applique à une gamme très large de cancers. Elle est compatible avec tous les traitements par radiothérapie, soit près de 60 % des cancers. Pour le traitement du sarcome, Nanobiotix devrait obtenir fin 2017 une autorisation de mise sur le marché. Six autres essais cliniques sont en cours. À terme, des millions de patients pourraient être traités avec cette technologie, dont le prix s'élèvera à plusieurs milliers ou plusieurs dizaines de milliers d'euros. C'est donc un marché de plusieurs milliards de dollars qui se profile.

En attendant, « ces résultats vont nous permettre d'accélérer la croissance de Nanobiotix », explique Laurent Levy. L'entreprise, créée en 2003, emploie une centaine de personnes en France et dans sa filiale américaine, implantée près de Boston. La société a les moyens de poursuivre ses développements. Cotée à Paris, elle a levé 25 millions d'euros il y a quelques semaines, ce qui porte à plus de 120 millions d'euros le montant des fonds levés depuis sa création.

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PERSONNALITÉS, PORTRAITS, FILMS ET OUVRAGES

Qui est Tedros Adhanom Ghebreyesus, premier Africain à la tête de l'OMS ? La Tribune du 24 mai 2017 par Jean-Yves Paillé

L'Ethiopien succèdera à Margaret Chan, le 1er juillet, à la tête de l'Organisation mondiale de la Santé. Cet ancien ministre de la Santé aura pour tâche de réformer cette institution rattachée à l'ONU.

Après deux jours de délibérations, les Etats membres de l'ONU ont nommé l'Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus Directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), mardi 23 mai, lors du 70ème congrès de l'institution rattachée à l'ONU. Il était en compétition face au Britannique David Nabarro et à la Pakistanaise Sania Nishtar. La nomination de Tedros Adhanom Ghebreyesus est historique. C'est le premier Africain à prendre la tête de l'OMS. Il succédera à la Chinoise Margaret Chan le 1er juillet, et ce, pour un mandat de cinq ans.

Quel est son parcours ?

Avant d'être ministre des affaires étrangères d'Ethiopie entre 2012 et 2016, ce quinquagénaire a occupé le poste de ministre de la Santé du pays entre 2005 et 2012. Dans son CV fourni lors de sa candidature pour briguer le poste de dirigeant de l'OMS, il a exposé un bilan très flatteur de ce mandat. C'est peut-être ce qui lui a permis de se démarquer des deux autres prétendants. Tedros Adhanom Ghebreyesus explique avoir fait baisser drastiquement (de deux tiers) la mortalité infantile dans le pays, les infections au VIH de 90 %, la mortalité due au paludisme de 75 %, et celle liée à la tuberculose de 64 %. Et ce, en créant notamment 3 500 centres de santé et embauchant 16 000 professionnels de santé. L'Éthiopien a en outre occupé plusieurs fonctions dans des organisations de luttes contre des maladies qui touchent particulièrement les pays en voie de développement. Il a été président du Conseil du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, une fondation à but non lucratif qui aide les pays pauvres à améliorer la prévention, ou à renforcer leurs systèmes de santé. Ou encore, il a présidé le Conseil du Partenariat Faire reculer le paludisme, une organisation lancée en 1998 par l'OMS et l'Unicef, entre autres, qui fournit des aides matérielles pour lutter contre le paludisme.

Pourquoi son élection fait-elle déjà polémique ?

Le hashtag #NoTedros4WHO a été lancé sur Twitter pendant l'élection. L'Ethiopien est accusé d'avoir fait preuve de négligence lorsqu'il était ministre de la santé lors d'une épidémie de choléra qui a entraîné la mort de plusieurs centaines de personnes. Un conseiller de son rival britannique David Nabarro l'a accusé, dans un entretien avec le New York Times, d'avoir dissimulé trois épidémies de choléra quand il était ministre de la Santé. Des associations de droits de l'homme ont renchéri, l'accusant d'avoir à l'époque fait pression sur les professionnels de santé pour qu'ils ne déclarent pas d'épidémie de choléra, alors que les pays voisins le faisaient.

Quels chantiers attendent le nouveau patron de l'OMS ?

Le principal enjeu est purement et simplement de réformer l'Organisation mondiale de la santé.

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L'institution avait elle-même annoncé sa volonté de se réformer pour mieux « faire face aux défis de plus en plus complexes que représente la santé des populations au XXIème siècle. Qu'il s'agisse de problèmes persistants ou de nouvelles menaces émergentes pour la santé publique ». Dans son programme, l'Ethiopien a souligné l'importance de continuer cette réforme, afin de travailler sur « les nouvelles menaces sanitaires engendrées par la mondialisation, le réchauffement climatique et le mode de vie sédentaire ». Tedros Adhanom Ghebreyesus a une priorité absolue, particulièrement ambitieuse: « Garantir une couverture santé universelle ».

Le charme discret de la clinique Le Quotidien du Médecin du 18 mai 2017 par le Pr Claude Matuchansky*

Non, la clinique n'est pas cette « routine dépassée » que certains se plaisent à enterrer un peu trop vite et le Pr Claude Matuchansky se pose dans cette tribune comme son ardent défenseur.

« Tout commence et tout finit par la clinique. » Cet aphorisme qui, pour d'aucuns, appartiendrait à la médecine d'hier, reste d'une parfaite actualité : la clinique – de l'écoute et l'observation directe de la personne au « procès-verbal » de ses signes fonctionnels, généraux et physiques, de son histoire personnelle et familiale, aux déductions diagnostiques et thérapeutiques, et/ou à la recommandation d'investigations – représente encore, en effet, l'essentiel de l'exercice quotidien des quelque 89 000 médecins généralistes et de bon nombre des 110 000 autres spécialistes en activité régulière en France ; elle est aussi la part essentielle de l'activité des soignants non-médecins, infirmiers et sages-femmes notamment.

Pourtant la clinique n'a pas bonne presse. Elle intéresse peu les médias, étant peu « vendeuse » face aux biotechnologies et à l'imagerie. Pour nombre de « futurologues » et adeptes de prédictions médicales, elle ne serait plus qu'une routine dépassée qui devrait abdiquer face à la modernité technico-scientifique, toute de connexion informatique et de télécommunication vêtue. En réalité, il y a bien longtemps que la clinique n'est plus celle des Diafoirus père et fils du Malade Imaginaire : elle a évolué parallèlement aux techniques, et participe activement à la « médecine basée sur les preuves », à l'installation d'essais cliniques robustes, d'arbres de décision et d'algorithmes modernes.

Responsabilité pédagogique

La clinique, méthode médicale incarnée, fondée sur le discernement et, par essence, personnalisée, ne s'oppose donc pas aux technologies médicales les plus nouvelles, mais elle est un filtre de leurs indications, sachant les sélectionner et les hiérarchiser selon l'individualité du patient. Il n'est pas rare que les patients – bien qu'eux-mêmes souvent demandeurs d'examens paracliniques – s'étonnent d'avoir été peu examinés – auscultés – cliniquement. Les enseignants des facultés de médecine ont là une responsabilité pédagogique importante, que les pays anglo-saxons les plus avancés en matière de technologies médicales s'efforcent de conserver : les meilleures revues médicales internationales, telles que le New England Journal of Medicine ou le Lancet, n'omettent jamais d'inclure, lorsqu'elles sont disponibles, les données issues de la clinique, y compris de l'examen physique. Selon une récente étude nord-américaine (A. Verghese et coll. Am J Med 2015;128:1322-4), une insuffisance de l'examen physique était bien la cause du retard ou de l'omission diagnostique dans 2 cas sur 3 d'une série de plus de 200 patients ayant connu un problème de diagnostic.

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La télémédecine, le téléconseil voire la téléconsultation, sources d'une nouvelle « réalité médicale virtuelle », ont leur place dans des circonstances bien précises (isolement, résolution à distance de questions de grande urgence, suivi ou avis à distance sur des dossiers notamment d'imagerie ou de biotechnologies), mais elles ne sauraient se substituer régulièrement à la consultation clinique « physique » et au précieux colloque singulier, menacé, parfois contesté, mais toujours présent. On ne dématérialise pas la clinique comme on le fait d'une feuille de déclaration d'impôt ! Cette médecine futuriste sans le corps, si bien annoncée et analysée par Didier Sicard (« La médecine sans le corps », Plon, 2002) est-elle une évolution irrémédiable, ou faut-il, plutôt, savoir y résister ? La résistance a de bonnes raisons actuelles, notamment le fait que le raisonnement clinique, ancré de nos jours sur la « médecine basée sur les preuves », inclut aussi la gestion et la tolérance de l'incertitude, quoi qu'en disent les plus fervents adeptes de la médecine scientifique : dans une très récente Perspective du New England Journal of Medicine (A.L. Simkin et al. N Engl J Med 2016;375:1713-5), la gestion de l'incertitude est regardée comme l'élément-clé potentiel d'une prochaine révolution médicale.

Des défis très surmontables

Bien sûr, la clinique a ses défis, tels que le temps (en France la durée de consultation des généralistes est le plus souvent – dans 39 % des cas – de 15 à 18 minutes, et de 20 à 24 minutes dans près de 20 % des cas) et, surtout, tels que la raréfaction des médecins généralistes et la désertification médicale de certains territoires régionaux. Ces défis, qu'il ne faut pas considérer comme d'inévitables prétextes à l'installation systématisée de télécabines médicales et donc d'une médecine de consultations virtuelles, ne sont pas sans solutions permettant de les relever, au moins partiellement : modification du numerus clausus, valorisation de l'enseignement et du raisonnement cliniques dans les études et les revues médicales, revalorisation judicieuse et régulière de l'acte clinique délivré notamment par les médecins généralistes et les médecins internistes, développement des maisons médicales.

En définitive, défendre la médecine clinique, ce n'est pas contester, dans un esprit conservateur, les nouvelles technologies, mais c'est plutôt en personnaliser l'usage et en exploiter rationnellement les résultats. Il y a près d'un siècle, Albert Einstein disait déjà que « Nous vivons à un âge caractérisé par la perfection des moyens et la confusion des objectifs ». Dans les années 60, Georges Canguilhem dénonçait la transformation de l'acte médical qui aboutit à une « Mise entre parenthèses du malade individuel, objet singulier de l'attention et de l'intervention du médecin clinicien » (« Le normal et le pathologique », PUF, 1966). De façon similaire, de nos jours, Arnold Munnich conclut ainsi son remarquable ouvrage « Programmé mais libre : les malentendus de la génétique » (Plon, 2016) : « Je voudrais tant être entendu des étudiants d'aujourd'hui, médecins de demain. Ce ne sont ni leur érudition ni l'essor des technologies qui compteront dans l'avenir. Ce qui comptera demain, c'est l'usage humain ou inhumain qui sera fait des outils que nous laissons entre leurs mains. »

*Ancien médecin-chef de service des Hôpitaux de Paris, professeur émérite de l'université Paris-Diderot, et ancien membre du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé

Vincent Guillot, l’arrache-corps Libération du 29 mai 2017 par Catherine Mallaval

Rangé de force par la médecine dans la case homme, cet écorché défend la cause des intersexes.

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Dans un café de Quimper, il tente de faire ressurgir le passé. Il est un enfant de 7 ans dans une clinique de Courbevoie. Ses parents ont parlé d’une appendicite. A son réveil, sa mère est là. Après, il ne sait plus. Mais il se souvient qu’une semaine plus tard, ils sont rentrés en transport en commun et qu’il avait mal. « Quand j’ai montré ma dizaine de cicatrices à une copine infirmière, elle m’a assuré que je n’avais jamais été opéré de l’appendicite. Je crois qu’ils ont cherché si j’avais des testicules et ne les ont pas trouvés. Ils m’ont peut-être aussi enlevé quelque chose. Je ne peux avoir accès à mon dossier, la clinique a fermé. Il me manque des bouts, et pas que de mon histoire », balance-t-il avec un humour acide. Vincent Guillot, 52 ans, défenseur des intersexes, ces êtres ni homme ni femme, un peu des deux d’un point de vue anatomique, marque une pause. « Vie de merde », lâche-t-il. Une vie dont il témoigne - avec d’autres - dans Entre deux sexes, documentaire diffusé mardi sur Arte et sur le site de Libération ce lundi en avant-première.

L’écorché tente de détendre ce grand corps qui lui envoie de la douleur : 1,90 mètre, sveltesse glissée dans de l’ambigu (blouson de mec et jupe noire sur un legging), regard clair, cheveux gris courts (après du long couleur rouge), lésions neurologiques, problèmes urinaires : « Après cette première intervention, mon petit frère naît. En le voyant nu, je comprends ce que je ne suis pas… » Le bébé est un « vrai » garçon, pas lui. Il est bouleversé. Comment et à qui le dire ? « A ma naissance, on a dit à ma mère : "C’est un monstre. Il va mourir." J’ai survécu. Fait la paix avec elle. Mais à la toute fin de sa vie, elle m’a dit : "Ça aurait été plus simple que tu sois mort." » Silence. Et ce n’est pas un ange qui passe. « Après ma fausse appendicite, reprend-il de sa voix douce, on m’a orienté vers l’hôpital Trousseau à Paris. La boucherie a commencé. » Les opérations, une dizaine, s’enchaînent. Vincent, déclaré garçon à l’état civil, doit devenir un homme.

« Je pense qu’on m’a au moins retiré l’utérus, peut-être les ovaires. On m’a modifié le pénis. On a laissé ma cavité vaginale fermée. Je n’ai pas subi la folie de l’époque d’être transformé en fille. Si j’étais né sept ans plus tard, ça aurait été le cas. On castre, on féminise. Simple. » L’écœurement affleure contre ces « mutilations » que l’on pratique toujours en France sur les enfants pour les ranger de force dans l’un des deux sexes. A 10-11 ans, traitement à coups de testostérone. « J’étais sage, bon chrétien, bon élève. Subitement, ma vie se dégrade. Ma mère me fait mes injections. Elle me fait mal, et se fait du mal en le faisant. Elle délègue à une voisine infirmière. Avec cette hormone, je découvre la colère, des poils qui poussent, la voix qui mue… » A 14 ans, il balance son traitement. « Mais on me demandait sans cesse si j’étais une fille ou un garçon. » Sur un mur de sa rue, des cons badigeonnent « Vincent pédé ! ». Insultes, cassage de gueule. Que font les parents ? Guillot résume : famille de bourgeois cathos, mais de gauche en réaction aux grands-pères, l’un milicien, l’autre interprète de la Wehrmacht. « Mai 68 n’est pas passé chez nous. Ma mère a dû quitter son boulot d’assistante sociale quand elle s’est mariée avec mon père, historien. Elle a eu six enfants. Je suis le troisième. » Le couple est strict. Les enfants ne posent pas de questions, encore moins sur le sexe. « Et on était tout le temps fourrés à l’église. »

L’ado est en dépression. Il réussit pourtant son bac grâce à la philo et au breton (« Le genre y est peu présent. ») Rasséréné ? « Quand on est élevé comme un monstre, on a le syndrome de l’imposteur. » Il flingue ses deux premières années de fac. A 22 ans, il s’efforce de « passer socialement ». Reprend de la testostérone, devient employé au Crédit lyonnais. Politisé très jeune (du côté des anars), il devient syndicaliste CGT. Et s’installe en couple à Toulouse avec une femme de treize ans son aînée qui a trois enfants. Il s’en occupe. Veut devenir père. Ainsi naît en 1990 son fils Jérémy grâce à une insémination avec donneur. « Il a su ce que j’étais quand il a eu 10 ans. Quand j’ai quitté sa mère. » La séparation est rude. Un jugement ne l’autorise à voir son fils qu’une fois par mois en présence d’un éducateur spécialisé dans un lieu pour pères pédophiles. Inacceptable. Il vit alors avec un mec : « Mes compagnons ou compagnes sont homos ou hétéros, moi non. Ça n’a pas de sens pour moi. » Un temps SDF, il s’en sort en se réorientant vers l’insertion des jeunes handicapés. Et surtout en voyant en 2002 un reportage sur Arte (déjà !). Ce jour-là, il découvre des gens comme lui, et le mot rédempteur : intersexe.

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Direction Paris. Une association de transsexuels l’aide à trouver des semblables : « Avec les trans, on a des points communs : ce qu’on leur refuse, on nous l’impose. Je contacte l’Américain Curtis Hinkle qui défend les minorités opprimées dans les sociétés occidentales. On crée l’Organisation internationale des intersexes (OII). Nous ne sommes pas malades, ce sont les médecins qui le sont de s’attaquer à des corps sains d’enfant : nous, on place la question des intersexes sur le plan des droits humains. » La lutte s’organise, par pays. S’appuie sur le mouvement LGBT. Guillot devient porte-parole de la cause « Arrêtez les mutilations génitales ! ». 2006 : il organise la première université d’été sur les intersexes à Paris. Pousse le Conseil de l’Europe à prendre une résolution sur les droits des enfants à l’intégrité physique. Quand il ne plaide pas, il fait des petits boulots. Se fait virer : « Nos corps mal déterminés et souffrants ne collent pas avec le monde du travail. Pourtant, au fond, je l’aime ce corps. C’est la société qui le rejette. » Tentative de suicide. Un bel amour panse la douleur : Loïc, 35 ans, devenu son époux, lui « tombe dessus ». Le couple part s’installer dans une ferme du Finistère en 2007. La vie repart avec sa « passion pour les plantes », le bois à couper, les bêtes. Elle s’éclaircit quand, en 2013, son fils le retrouve : « Il avait contacté ma mère. J’ai cru défaillir. Mais je l’ai vu. Il a su me mettre à l’aise. On s’est tout dit. Il fait une thèse en maths. Du sport… » Le mot « merveilleux » jaillit.

En Bretagne, Guillot poursuit le combat. Soutient un master 2 sur les intersexes ; invite sa cause au festival du film de Douarnenez ; étrenne un forum international sur la question. Il est devenu un « colloqueur - globe-trotteur ». Jusqu’à l’ONU, où il témoigne et où le Comité de la torture condamne la France en 2016 pour ses opérations. Jusqu’à la Cour de cassation récemment, où il soutient l’ami intersexe Gaëtan Schmitt qui voulait - en vain - être déclaré de « sexe neutre ». « Justice de classe ! gronde-t-il. Avec Loïc, on est au RSA, alors que mon bourreau est mort avec sa retraite de chirurgien. »

1965 : Naissance à Neuilly-sur-Seine. 2003 : Cofonde l’Organisation internationale des intersexués (OII). 30 mai 2017 : Témoigne dans Entre deux sexes, documentaire diffusé à 23 h 45 sur Arte.

L’enfant, le grand oublié La Libre Belgique du 26 mai 2017 par Anne Schaub, psychothérapeute

Je veux dénoncer les écorchures imposées à l’enfant dans la gestation pour autrui. Fabriquer un bébé pour un autre, c’est se hasarder à générer chez ce petit de la souffrance et de la pathologie relationnelle.

Dans le débat sur les mères porteuses, je suis frappée qu’un intervenant est systématiquement oublié : l’enfant. Dans la gestation pour autrui (GPA), il s’agit apparemment d’une simple affaire de désir d’enfant, de générosité, de solidarité entre couples et entre femmes… et aussi d’argent. Que dire, que penser du développement in utero du petit être humain embryon dans le ventre d’une mère porteuse ? Que ressent ce petit enfant qui est remis/vendu à la naissance aux parents d’intention qui ont soit fourni eux-mêmes les gamètes, soit ont fait appel à un ou des donneurs externes ? Sur base des acquis en sciences humaines et en neurosciences, que peut-on présumer comme effets durables sur l’enfant ainsi projeté dans la vie ?

Le terreau de base

Il me semble essentiel de considérer les enjeux majeurs que représentent pour l’enfant à naître les circonstances de conception, de gestation et de naissance.

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De nombreuses démonstrations issues des neurosciences mettent en lumière l’importance biopsychologique et cognitive de cette période prénatale pour l’enfant. Ces étapes de vie représentent le terreau de base dans lequel seront ensemencées les premières expériences sensorielles, relationnelles et émotionnelles inconscientes, à connotation soit d’unité, de tendresse, de joie et de sérénité, soit de distance ou de confusion affective ; voire, de stress extrême entre autres, lié à l’angoisse de séparation.

Faciliter ou organiser une maternité/parentalité éclatée de la conception à la naissance charge l’enfant d’un bagage psycho-affectif empreint de ruptures et le marque d’une filiation brouillée. Hormis les circonstances de conception d’un enfant, déjà influentes sur son devenir, si celui-ci est séparé de sa mère de naissance même durant quelques heures, il est touché en plein cœur dans son besoin de continuité, de stabilité et de sécurité de base. Comme cela s’est produit pour Amélie, 6 ans. Son petit cœur restait écorché et à vif suite à une césarienne et une séparation de naissance de quelques heures. C’est comme si ses grosses colères répétitives à chaque contrariété cachaient un cri tragique répétitif : « Maman, pourquoi m’as-tu abandonnée ? J’ai encore souvent si peur ! Sans toi, je crois mourir ! »* En effet, toute situation qui impose au nouveau-né, même involontairement, la séparation avec la mère qui l’a porté neuf mois, entraîne chez lui selon le contexte et à des degrés divers, une blessure d’abandon qui peut aller jusqu’à une angoisse de mort. Le bébé il est vrai, se « sent » exister à partir de la présence en qualité et en quantité de sa mère, qu’il connaît de tous ses sens déjà depuis plusieurs mois et à laquelle il s’est attaché !

Le réflexe de l’attachement

Si une femme, une mère, quelle qu’en soit la raison, peut décider de ne pas s’attacher au bébé qu’elle attend, l’enfant lui, ne le peut pas. Le processus qui crée ce lien d’attachement du bébé vers la mère, relève d’un « réflexe » programmé de survie. Il s’agit bien d’un mécanisme biophysiologique et psychologique, incontournable et incontestable. Aucun contrat entre des parents d’intention et une mère porteuse, aucune pensée d’adulte qui désire de tout son cœur l’enfant attendu à distance, n’a le pouvoir de diminuer ou d’effacer cette expérience humaine d’attachement gestationnel qui se tisse tout en finesse et en subtilité chez le fœtus, et s’avère fondamentale pour son devenir. Qui, un jour ou l’autre, ne revient pas à ces fondements-là, pour mieux se comprendre ?

Le procédé procréatif propre à la GPA, expose de facto le jeune enfant à une dissociation entre la dimension génétique, corporelle et éducative. Pour la plupart des psychologues et pédopsychiatres, il s’agit bien d’un contexte d’origine susceptible d’entraîner chez celui-ci un bouleversement sensoriel et intrapsychique, au risque d’altérer la fondation de son identité. Des chercheurs ont filmé des nouveau-nés et ont observé par exemple que le nourrisson ensommeillé s’agite lorsqu’on place tout près de son visage un coton imprégné de l’odeur d’une femme qui lui est étrangère et par contre, s’apaise et se rendort rapidement quand il reconnaît l’odeur de sa maman*. Ces tout-petits attestent de leur compétence à discriminer qui est leur mère (odeur, voix, toucher, intuition profonde) et qui ne l’est pas. Nul ne peut les tromper et toute expérience de rupture maternelle aussi précoce qu’une séparation de naissance, porte atteinte à leur sentiment de sécurité de base et à leur intégrité existentielle.

La rupture volontaire

Autre sujet à discussion, quant au rapprochement à faire ou non avec l’adoption*. L’histoire de Julio, 48 ans, est à ce titre éloquente : il doit fréquemment composer avec les grosses colères de son fils de 12 ans. Il se souvient des siennes au même âge et de son opposition permanente à ses parents d’adoption sur qui il rejetait systématiquement la cause du moindre mal-être. Aujourd’hui il se sent apaisé et partage une belle complicité avec eux. Un travail psychologique lui a permis de mieux conscientiser combien à l’époque il rejetait à tort, sur ses parents d’adoption, sa révolte de fond liée à une permanente angoisse de séparation. Il a petit à petit conscientisé que ceux-ci, qui n’y étaient pour rien, avaient au contraire cherché par l’adoption à l’entourer de ce qu’il avait perdu par les aléas de la vie.

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Ainsi, la blessure la plus profonde que l’enfant issu de GPA aura sans doute à résoudre et qui n’existe pas chez l’enfant adopté, c’est de réaliser que ce sont ses parents qui ont eux-mêmes créé la situation de rupture avec la mère de naissance. Ce conflit intrapsychique est susceptible de sourdre en lui toute une vie, avec des questionnements identitaires et existentiels. Dans le débat autour de la GPA, il est essentiel de remettre le petit enfant au cœur du débat. Tout nouveau-né n’est-il pas un « petit sans voix » ? Sortons l’enfant de l’ombre, en vue de dénoncer les écorchures potentielles de base qui lui sont imposées dans la GPA ! Car « fabriquer » un enfant pour autrui, c’est se hasarder à générer de la souffrance et de la pathologie relationnelle chez l’enfant concerné.

*Extrait du livre « Un cri secret d’enfant… Attachement mère-enfant, mémoires précoces, séparation, abandon », Ed. Les acteurs du savoir, Anne Schaub (Préface du professeur Marcel Frydman).

Act Up sur les marches du Festival de Cannes La Croix du 6 juin 2017 par Pierre Bienvault

Le film « 120 battements par minute » a replacé le sida dans l’agenda médiatique. Avec, en tête d’affiche, une association à nulle autre pareille.

Et soudain, les médias se sont mis à reparler du sida. De ce virus qui, plus de trente ans après le début de l’épidémie, continue d’infecter silencieusement près de 6 000 personnes chaque année en France. Et qui tue toujours plus d’un million de personnes tous les ans dans le monde. Une infection, devenue chronique pour la médecine des pays riches, et qui ne fait plus guère parler d’elle qu’à l’occasion du « marronnier » médiatique du 1er décembre où des animateurs de télévision, ruban rouge en bandoulière, lancent un appel aux dons en rappelant que le VIH, ce n’est pas fini. Et voilà que le sida s’est invité sur les marches du festival de Cannes. Avec 120 battements par minute de Robin Campillo, récompensé par le Grand Prix du jury. Un film sur le sida au début des années 1990 et sur Act Up, association qui, avec son énergie, sa fièvre, sa colère et parfois ses outrances, a joué un rôle majeur dans le combat contre l’épidémie.

C’est en 1989 que trois journalistes ont créé Act-Up Paris en s’inspirant d’une association fondée deux ans plus tôt à New York. En juin, ses premiers volontaires organisent leur tout premier « die-in » dans les rues de Paris. Une quinzaine de jeunes gens qui se couchent sur le sol et restent immobiles et muets pendant quelques minutes. Leur message ? Autant que le virus, c’est le « silence » autour de l’épidémie qui est meurtrier. Le silence des « politiques » accusés de ne pas se mobiliser contre un virus qui décime les homosexuels et les usagers de drogue. « Cela a toujours été l’objectif principal d’Act-Up : dénoncer le fait que c’est un manque de volonté et d’action politique qui a abouti, notamment lors des premières années, à la contamination et à la mort de centaines de personnes en France », confie Christophe Martet, président d’Act-Up de 1994 à 1996.

Une association qui, avec des bouts de ficelle et une radicalité clairement assumée face aux ravages du sida, va partir à l’assaut de toutes les citadelles du pouvoir. Aussi bien politique, médicale que pharmaceutique. Bien aidée par une nouvelle génération de médecins, les associations, Aides et Act-Up en tête, vont affronter le paternalisme de mandarins peu intéressés par cette nouvelle maladie. « Act Up a pu s’opposer aux médecins, mais s’opposer de façon compliquée, car d’un côté ils étaient nos alliés, de l’autre c’était nos grands ennemis », racontait en 2003 Philippe Mangeot*, un ancien président de l’association. « Des alliés, car il fallait faire avec, c’était ceux qui nous soignaient et avec qui on pouvait mener des batailles communes.

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Nos ennemis, car il fallait arriver à imposer la parole des malades, face au pouvoir médical et au discours exclusif des médecins », ajoutait-il. Pendant des années, l’association a aussi ferraillé avec les laboratoires pharmaceutiques pour qu’ils mettent au plus vite leurs nouveaux médicaments à disposition des malades.

Face aux peurs et aux discriminations, Act Up a aussi et surtout donné une visibilité au sida dans l’espace public. Le sida, c’était la maladie du secret et du témoignage à visage caché. D’un seul coup, les malades n’ont plus été des patients obéissants et invisibles qui rasaient les murs des couloirs hospitaliers. C’étaient au contraire des jeunes gens en colère qui investissaient la rue, faisaient du bruit, invectivaient, s’enchaînaient aux grilles d’un ministère ou d’un labo pharmaceutique. « Ce qui était beau c’était le côté très enfantin de ce que l’on fabriquait et l’impact énorme auprès des gens, dit encore Philippe Mangeot : cela semait le trouble de voir des gens malades du sida qui s’allongeaient par terre. Sinon, ils ne les voyaient pas à l’époque, car quand les malades parlaient à la télé, leur voix était maquillée, leur visage caché, puis brusquement ils étaient là sous les roues de leurs voitures… »

Agnès Buzyn brosse la santé dans le sens du poil Libération du 7 juin 2017 par Eric Favereau

La nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé prend son temps pour mettre en place sa politique et tente de rétablir le dialogue avec les professionnels du secteur.

Mais que fait donc Agnès Buzyn, la nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé ? On l’avait quittée émue, un rien tendue, lors de la passation de pouvoirs avec Marisol Touraine. Elle avait juste suggéré qu’elle n’avait peut-être pas « le même caractère » que sa prédécesseuse. Depuis, c’est la discrétion qui prévaut. Et cette discrétion lui ressemble car elle a toujours entamé de cette façon ses différents postes, que ce soit à la tête de l’Institut national du cancer ou à la Haute Autorité de santé. D’abord ausculter le nouvel endroit avant de lancer les priorités.

Austère. Agnès Buzyn aime… ne pas trop se montrer. A ce jour, il n’y a aucun agenda officiel sur le site du ministère. Et c’est par la bande que l’on découvre qu’elle fait néanmoins quelques déplacements pour soutenir des candidats d’En marche aux législatives. « Elle écoute, et elle travaille sur sa feuille de route », dit-on seulement à son cabinet. Revenons un peu en arrière. Première étape, celle de la constitution de son équipe avenue de Ségur. On ne peut pas dire qu’elle a choisi le cabinet le plus folichon de la terre. Il est sérieux, austère, un côté technicien de haut vol, en particulier avec son directeur de cabinet, Gilles de Margerie, ancien inspecteur des finances de 61 ans, banquier et mutualiste. Un choix qui lui a été fortement conseillé, dans la mesure où le profil de celui-ci est complémentaire avec le sien, elle qui connaît surtout le monde de la santé. Les autres membres ? Des premiers de la classe. Le directeur adjoint chargé de la santé, Yann Bubien, dirigeait le CHU d’Angers avant de travailler au cabinet de Xavier Bertrand quand celui-ci était ministre de la Santé. Comme représentant du monde des professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH, les « mandarins » en somme), Buzyn a choisi le professeur Lionel Collet, spécialiste de l’audition et ancien président de l’université Lyon I.

En fait, dans ce cabinet l’originalité vient de la nomination de Jacques Olivier Dauberton, un tout jeune médecin généraliste qui avait été président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants. Le choix de ce jeune médecin libéral envoie un signal clair.

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D’autant que ce généraliste remplaçant de 35 ans s’est beaucoup investi dans les maisons de santé, un des axes de la campagne du candidat Macron. Bizarrement il est, sur le papier, en charge des questions de sécurité sanitaire. Allez comprendre…

Deuxième étape dans l’agenda discret d’Agnès Buzyn : « Se réconcilier avec les professionnels de santé. » C’est manifestement l’urgence, après les cinq années de tension avec Marisol Touraine qui avaient vu les malentendus s’accumuler avec le monde la santé. La nouvelle ministre s’y emploie non sans habilité. « J’ai l’impression que nous allons enfin sortir de cinq ans de tunnel », a ainsi lâché la semaine dernière le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, qui venait d’être reçu par la nouvelle ministre. Peu après, Agnès Byzyn a rencontré le Dr Claude Leicher, président de MG France. A sa sortie, il a salué « un accueil chaleureux ». Ajoutant : « Le fait de discuter entre médecins [la ministre est hématologue, professeur en médecine, ndlr] crée une atmosphère particulière, c’est perceptible d’emblée, mais cet accueil ne vaut pas carte blanche, nous jugerons la ministre sur ses actes. »

Galaxie complexe. Claude Leicher a néanmoins insisté sur l’urgence autour de la question des soins de proximité et l’épineux problème des « déserts médicaux ». Et quid du tiers payant ? « On n’en a pas parlé », nous a-t-il dit. Bref, l’heure est à la paix et on évite les sujets qui fâchent. Autre exemple de l’opération de réconciliation en cours, la visite de Buzyn la semaine dernière au congrès des urgences. Où la ministre n’a pas lésiné sur les compliments : « Votre spécialité innovante a su s’organiser très tôt en équipes pluriprofessionnelles, utiliser les nouvelles technologies et est mobilisée en permanence pour faire face à des situations exceptionnelles. » Pour la ministre, ces services sont « la porte d’entrée et la vitrine de l’hôpital, le réceptacle des maux de la société, le dernier refuge… Vous êtes dans les moments les plus tragiques l’incarnation de la force de la nation et de l’esprit de solidarité. » Des fleurs, donc. En visitant un centre de promotion familiale ATD Quart Monde de Noisy-le-Grand, Agnès Buzyn a juste précisé son timing : « Aujourd’hui, c’est le temps du diagnostic. Il y a aura une feuille de route sur la précarité, la pauvreté, et la réinsertion, c’est certain », a-t-elle dit, promettant de livrer de grandes orientations dès la mi-juin. Et rappelant, au passage, le périmètre très large de son ministère : famille, pauvreté, perte d’autonomie, vieillesse, retraites et santé.

« Elle tient beaucoup à mettre à égalité d’importance les questions de solidarités et de santé », explique-t-on à son cabinet. De fait, il semble acquis qu’après les législatives, elle sera épaulée par un secrétaire d’Etat sur la question des retraites. Enfin, dans la galaxie complexe de la santé, on peut noter la proximité de la ministre avec le directeur de l’assurance maladie, Nicolas Revel, lui-même très proche d’Emmanuel Macron, tous les deux ayant été au même moment secrétaires généraux adjoints de l’Elysée. Bref, cela dessine une configuration qui pourra aider la nouvelle ministre dans la mise en place de sa politique de santé. Mais laquelle ? Ça, c’est encore un mystère.

La prévention sera au cœur de la mission d'Agnès Buzyn à la Santé Le Figaro du 9 juin 2017 par Marie-Cécile Renault

La nouvelle ministre entend rompre avec la méthode martiale de Marisol Touraine.

Le dialogue est renoué avec les médecins ! Agnès Buzyn, la nouvelle ministre de la Santé, a rétabli les relations rompues entre les professionnels de santé et Marisol Touraine, devenue en cinq ans l'une des locataires les plus impopulaires de l'Avenue Duquesne.

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Hématologue reconnue, ancienne présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l'Institut national du cancer (INCa), la nouvelle ministre est respectée à la fois pour ses connaissances médicales et ses compétences de gestion institutionnelle. Sa « qualité d'écoute » et sa « volonté de dialogue » ont même été unanimement saluées par les syndicats de médecins, qu'elle a tous reçus ces dix derniers jours. Bref, l'inverse des commentaires qui étaient faits après une rencontre avec Marisol Touraine… « Elle connaît parfaitement les dossiers et souhaite établir des relations de confiance et de travail. Cela crée une attente d'autant plus forte sur ses premières décisions », indique Claude Leicher, le président du syndicat MG France. « A priori, c'est une ministre qui veut écouter, même si par expérience nous resterons vigilants», abonde Patrick Bouet, le président du Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM).

Le magistère de la nouvelle ministre commence donc sous les meilleurs auspices. Rien n'a d'ailleurs réussi à assombrir son arrivée. Ni la question de la tutelle de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), dirigé par son époux, Yves Lévy, qui sera directement gérée par Matignon pour éviter tout conflit d'intérêts. Ni la nomination comme directeur de cabinet de Gilles de Margerie, issu du monde de l'assurance (il était directeur général adjoint d'Humanis) et fin connaisseur des sujets de santé. Notamment pour rendre les contrats de complémentaires santé plus lisibles, comme l'a promis Emmanuel Macron, et parvenir au remboursement à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires et auditives d'ici à 2022. Pour le moment, tous les signaux sont donc au vert alors que s'amoncellent sur son bureau des dossiers aussi lourds financièrement que sensibles socialement : projet de budget de la Sécu, évolution du tiers payant généralisé, accès aux soins au moment où les déserts médicaux se multiplient, révision du numerus clausus. Sans oublier le dossier explosif de la réforme des retraites qui fait partie de ses attributions, même si Bercy devrait garder la main sur ce dossier majeur !

Agnès Buzyn aura une autre lourde mission : développer la prévention. Promesse forte du programme santé d'Emmanuel Macron, c'est aussi une conviction personnelle de la ministre, qui sait mieux que quiconque que certains cancers pourraient être évités. Tout comme certaines pathologies (type diabète) liées à des comportements, notamment alimentaires. Alors que la prévention reste en France le parent pauvre, la ministre semble déterminée à obtenir des résultats concrets. Par exemple, pour voir la consommation de tabac s'infléchir, avec l'objectif de parvenir à la première « génération sans tabac ». Ou encore lutter contre le sucre et la prévalence de l'obésité qui cause des dégâts énormes et coûte chaque année 20 milliards d'euros en France. Un objectif tant de santé publique que de justice sociale, car que l'on soit riche ou pauvre les comportements alimentaires, on le sait, ne sont pas les mêmes.