Reverdies n°2 juillet 2014

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1 REVERDIES N°2 JUILLET 2014 DES PHOTOS ET DES REVES…

description

magazine de photos et de textes sur la nature.

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REVERDIES

N°2

JUILLET 2014

DES PHOTOS ET DES REVES…

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A LA RECHERCHE DE L’OCEAN INTERIEUR

LES MERS INTIMES

LUCILELONGRE.COM

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© Lucile Longre 2014

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Chercher de nouveaux territoires à explorer et à découvrir, après l’époque des grandes découvertes, c’est vers l’explorations des mers et continents in-

times qu’il faut se tourner à présent. Là tout est encore à défricher et à parcourir, nos océans intérieurs sont loin d’avoir encore laissés tous leurs secrets

et attendent encore leur Christophe Colomb et leur Vasco de Gamma. Partons à la découverte de ces terres inconnues, Cipango et l’île d’Avalon nous

attendent.

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A LA RECHERCHE DE L’OCÉAN INTERIEUR

J'étais bien au chaud, tout doucement roulée en boule, j'étais au milieu d'un liquide tiède et accueillant, j'entendais les doux clapotis de l'eau contre

les parois à mes oreilles. Le bruit de l'eau me berçait, il chantait à mes oreilles comme la voix d'une mère, il me calmait et me rassurait et m'entourait

comme le feraient les bras d'un parent à un tout petit enfant. Le flux et le reflux de l'eau sur ma peau, le frisson qui me parcourait à chaque mouve-

ment de vague dont l'eau était souvent animée, l'eau qui me baignait tout entière, tout suscitait en moi un bonheur et une jouissance à nulle autre pa-

reille. J'étais plongée dans l'eau, je pensais eau, je sentais eau, j'étais l'eau, le liquide bienfaisant était pour moi comme le sang circulant dans mes

veines, un élixir de vie et d'éternelle jeunesse.

Il n'y avait pas de temps, à l'intérieur de cette bulle, j'étais à l'extérieur de toute temporalité, enfin apaisée et allègre. Le temps n'avait pas de prise sur

moi, il me glissait dessus comme l'eau sur les plumes d'un canard, j'étais l'éternel enfant, toujours à recréer et toujours en création. Une durée immo-

bile et pourtant en mouvement régnait dans mon milieu interne, car je bougeais, j'évoluais, je le sentais bien, mais cela se faisait sans les heurts ni

souffrances qui accompagnent naturellement la vie ici-bas. Je croissais en esprit, en sagesse et dans mon corps mais dans le calme et sans précipita-

tion, car je savais qu'ici j'étais à l'abri et que rien ne pourrait me menacer.

Tout danger ici était écarté et je pouvais enfin, délivrée de toutes craintes, poursuivre mon processus de développement, un moment interrompu par

l'ombre du néant. Je me baignais, je roulais dans cette eau claire, tiède et enveloppante en poussant moult cris de joie, je découvrais les voluptés de

mon corps, j'explorais les beautés de mon cœur, avec délices et aussi souvent que je le désirais. Je sentais tout doucement mon corps grandir et se

raffermir, mon esprit se muscler et mon âme croître et embellir et cela se faisait presque malgré moi, j'assistais à ce spectacle presque de l'extérieur,

comme on découvre petit à petit la beauté d'un paysage dans la lumineuse clarté d'un soleil levant. J'étais à l'Origine et j'étais le Commencement,

j'assistais à la Création du Monde et j'étais ce Monde au berceau. J'étais l'enfant de l'Univers, la source et le début de toutes choses, j'étais dans le

calme et la paix du Cosmos d'avant le Big Bang.

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JE BOIS L’EAU DE TES YEUX

Comme je m'abreuverais

A un lac de montagne,

Je me ressource à ton eau lustrale

Comme je me baignerais

Dans le cours du plus pur des torrents.

Tes yeux ont la beauté

D'une conque marine,

Ils sont plus profonds

Que l'Océan,

Plus graves et doux

Que les vagues venant lécher

Le sable du rivage.

Tes yeux sont plus clairs et lumineux

Qu'une rivière au printemps,

Plus frais et vivifiants

Qu'une cascade tombant

Du haut des rochers.

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Tes yeux ont l'âge des calanques,

Ils portent la mémoire des vallées ennoyées

Et des grottes ornées,

Tes yeux sont verts comme ceux des sirènes,

Ils ont le charme des naïades et des ondines.

Tes yeux ont le mystère des mondes engloutis,

Ils étaient là au moment où l'Atlantide

Et la ville d'Ys sombrèrent sous flots,

Tes yeux ont pour moi l'amitié que les dauphins

Montrèrent de tous temps aux marins.

Tes yeux sont pour moi l'appel de mer,

L'appel des grands espaces et des vastes horizons,

L'appel du grand large, par-delà la raison,

En eux, je veux me fondre,

Comme au fond de l'onde,

Et en émerger comme Vénus ressuscitée.

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TU ES LA BARQUE DE MON CŒUR

Lorsque je m'en vais promener la nuit,

Tu es la barque de mon cœur, pour m'en aller voyager

Sur le vaste océan de mes jours,

Je suis ton faucon, ton Apollon,

Tu es mon nautonier,

Mon Dieu céleste et généreux,

Sur ta barque,

Je m'en vais dérivant,

Le long des cataractes du fleuve,

Je poursuis les oies sauvages,

Jusqu'au creux des roseaux du Nil,

Parmi tous les temples du fleuve,

Je m'en vais célébrer ton culte,

De Karnak à Thèbes,

Toi, qui chaque nuit,

Me permet de remporter la victoire

Sur le serpent Apophis,

Félon, cruel et dangereux,

Tu me permets de remporter la victoire

Et de me m'égaler aux Dieux,

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Toi, Amon-Râ,

Mon père bien-aimé,

Partout, je devine ta présence,

Partout, je sens ta chaleur,

Moi, le presque mort,

Je me réchauffe à tes rayons,

Et j'y absorbe ton miel,

Comme j'absorberais la vie,

Moi, le presque mort,

Je me réchauffe à ton amour,

Plus brûlant que le désert,

Comme une cascade d'eau

Sous le ciel de plomb de midi,

Je m'abreuve à tes eaux sacrées,

Je m'abreuve à tes fontaines lustrales,

Tu es ma joie et ma désespérance,

Mon puits d'amour,

Et mon torrent d'allégresse,

Tu as fait reverdir mon désert,

Et resplendir ma prairie,

A jamais, je suis ton célébrant,

Parmi les siècles des siècles,

Jusqu'aux confins du Monde et de l'Eternité .

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TU ERRAIS DANS LA NUIT

A la recherche d'une sombre lueur,

Vers l'astre de vérité ta route était tracée,

Le cercle des ancêtres sans bruit t'accompagnait,

Ton passé et ton avenir tout d'un coup

Devant la Pierre s'étaient révélés,

Et les douze chevaliers autour de toi s'étaient réunis,

Jusqu'où iras tu chercher la Sainte Coupe,

Qui les blessures du roi méhaigné à jamais pourra guérir,

Le vaisseau est déjà arrivé le long des havres gris,

Tu y découvriras le secret de tes origines,

Et pourquoi tu as pour toujours

Une voile dans le coeur.

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LE CHANT DE LA SIRENE Le vieux de la montagne réside au plus profond de la montagne, assis sur son trône de pierre. N’aimant rien que le minéral et l’immuable, il fait petit à petit prisonnier tous les animaux de la forêt, enfermés dans des cages exiguës, au fond de son repaire. Sa dernière capture, mais non des moindres, est la sirène, que ses hommes ont réussi à capturer par chantage, en menaçant de tuer un à un tous les animaux prisonniers, si elle ne se rendait pas. La sirène captive, le vieux de la montagne espère avoir enfin réduit à néant tout espoir de vie, de chaleur et d’amour. Enfin, jouir d’un éternel hiver, enfin le règne du silence et du marbre froid allait régner, enfin jouir d’un sommeil pareil à la mort. Mais voilà, la sirène se met à chanter, et ces hommes ont beau mettre leur maître à l’abri derrière de puissantes murailles d’acier, derrière de puis-

santes portes de forteresse, la sirène chante toujours et encore. Même dans son sommeil de glace, le vieux est tourmenté par ce chant diabolique

et tentateur. Des images inouïes viennent l’obséder, lui, le maître des ténèbres et de la nuit, des rêves de printemps et de chant d’oiseaux, des

songes d’eau claire des ruisseaux et de naïades au clair visage. Lui, toujours si sûr de lui et étouffant la vie à sa source, il se prend de désir pour la si-

rène au corps luisant. Il n’en peut plus, son désir de lancinant devient une véritable torture, lui, il ne peut aimer, ce serait contre nature et contre sa

volonté, lui le maître de toutes choses.

Et la sirène continue son chant si séducteur, si tentateur, un cœur se met soudain à palpiter dans la poitrine, il se prend à désirer vivre, enfin.

C’est plus qu’il n’en peut supporter, il fait ouvrir la cage de la sirène pour qu’elle entraîne tous ces animaux indésirables avec elle. Plutôt mourir que

d’aimer, plutôt mourir que d’avoir des sentiments humains de fraternité et d’amitié. La sirène partie, il pourra à nouveau se statufier dans son si-

lence de mort, devenir pareil aux roches qui l’entourent, immobile et minéral.

C’est ainsi que la sirène, par la grâce de son chant, permit le retour du printemps et de la vie dans la forêt.

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JE SUIS NÉE DE DE L’ÉCUME DE MER

Je suis née de l'écume de mer,

Je suis la déesse de l'onde,

Et j'entraîne le monde

Dans une ronde folle,

A la poursuite du vent de l'air,

A la recherche du ciel des nuées.

Je suis née de la vague,

Et enfant de la pluie,

L'eau liquide est en mon âme,

Et des jaillissements

Fusent dans mon cœur.

La mer est mon royaume,

L'océan, mon élément.

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Du tonnerre des orages,

Un jour, je naquis,

Et soudain un éclair zébra la nuit.

Mon aigle alors s'éleva,

Et avec lui,

Celui d'être plus haut que le ciel,

Plus puissant que le soleil,

Plus amoureux qu'une abeille.

Je suis l'astre du jour,

Qui jamais ne plie,

Qui jamais ne rompt,

Souple comme un saule,

Fin comme un peuplier.

Je suis la princesse des vallées,

La souveraine des sept montagnes,

En mon cœur est mon amour,

Et pour lui, je combats nuit et jour.

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LA PHOTOGRAPHIE, UNE MEDITATION ?

« Dans l'art, le dynamique est le produit du contemplatif » (Edward Steichen, notes personnelles, cité dans Steichen, Une épopée photographique,

Thames et Hudson, 2007, p.248).

Cette phrase de Steichen dit pour moi ce qui est l'essence de la photographie, du moins la photographie telle que je la conçois et je la pratique, une

forme de méditation qui n'arrête pas le temps, ni ne le fige, mais au contraire fait circuler le flux de vie encore plus fort et plus vif. L'appareil photo

n'est pas, à mon sens, un "boîtier mélancolique" et toute photo n'est pas, comme le soutenait Barthes, essentiellement douloureuse.

La photographie est une pratique méditative au sens où elle permet la réconciliation du corps et de l’esprit dans un tout qui ne soit plus scindé ni séparé

en deux. La photographie fait appel autant à la technique qu’à l’artistique, à l’esprit aussi bien qu’aux sens, et c’est ce qui fait son puissant potentiel vi-

tal et son dynamisme.

Le processus de la photo, qu’on la prend ou qu’on la regarde, est un processus qui met en jeu aussi bien la synesthésie que des processus physiques ou

chimiques. La synesthésie c’est qui se passe quand un sens sollicité en évoque un autre : c’est ainsi que, pour certaines personnes, les jours ont tous une

couleur ou bien les chiffres sont également affectés chacun d’une couleur différentes (voir à ce sujet Je suis né un jour bleu de Daniel Tammet, où

l’auteur explique bien ce phénomène auquel lui-même est sujet).

Prendre ou une photo ou la regarder est un acte faisant intervenir la synesthésie, car beaucoup de gens disent ressentir le grain des tissus ou bien sentir

le goût des plats ou leur odeur rien qu’en les regardant. La photographie de mode ou bien la photographie culinaire par exemple ne reposent pas sur

autre chose que ce processus synesthésique, car il s’agit de faire ressentir au public de façon presque physique et en s’adressant à leurs émotions et à

leurs sens, la beauté ou le tombé d’une étoffe, ou bien les différents arômes d’un plat et ses odeurs rien qu’en regardant la photo. Il s’agit là avec ces

photos d’un acte presque sensuel, car elles visent avant à inspirer le désir de voir et de posséder ou de manger l’objet photographié juste par l’intermé-

diaire de la sollicitation du regard. Par conséquent, cela suppose de se laisser imprégner par l’image et de se laisser absorber par elle et en elle, un peu

comme le photographe, selon Edward Steichen, doit se laisser envahir et posséder, regarder par l’objet qu’il veut photographier : » Regarder le sujet,

penser à lui avant de le photographier, regardez le jusqu’à ce qu’il prenne vie et vous regarde en retour » (Edward Steichen, notes personnelles, op. cit.,

p.247).

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C’est en cela que la photographie est une pratique méditative, par la médiation du regard, il faut plonger en soi – même et en l’autre, ici le sujet à pho-

tographier ou l’image à regarder, jusqu’à ce que cela ne fasse plus qu’un tout indissociable, grâce notamment à la synesthésie. Ainsi, enfin congruent

avec soi – même, corps et esprit réconcilié, le photographe ou le lecteur de la photographie connait un élan profondément porteur de vie et de sérénité,

ces sens et son intelligence également sollicités par la photo, le processus désirant est de nouveau en route.