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La tombe et les reliques retrouvées de l’apôtre saint Paul par Michel Defaye Le lundi 11 décembre 2008, le cardinal Andrea Cordero Lanza Di Montezemolo, archiprêtre de la basilique Saint-Paul-hors-les- Murs, a officiellement confirmé la présence d’un sarcophage conte- nant les reliques de l’apôtre saint Paul. Ce sarcophage est situé sous l’autel majeur de la basilique, comme le voulaient les traditions orale et écrite. La découverte de cette illustre tombe arrive après celle de l’apôtre saint Pierre en l’année 1950. Signe des temps ? Certai- nement. Les « deux colonnes de l’Église » reviennent pour encoura- ger les chrétiens à garder la foi dans ces temps de « grande aposta- sie ». L’auteur tient à remercier MM. Dorsaz et de Jacquelot pour leur contribution. Le Sel de la terre. ORS DE SA CONFÉRENCE DE PRESSE, le 11 décembre 2008, le cardinal Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, archiprêtre responsable de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs depuis 2005, a affirmé : « La tombe de saint Paul est bien là et peut être vue sur un côté ». Le prélat a expliqué qu’une ouverture avait été réalisée sous l’autel principal de la basilique afin de permettre aux pèlerins d’apercevoir un côté du sarcophage qui contient les reliques de saint Paul. Ce sarcophage mesure 2,55 m de long, 1,25 m de large et 0,97 m de hauteur. A quelques mètres en dessous du maître-autel, le sarcophage n’a « jamais été ouvert », a précisé le cardinal Montezemolo. Cette découverte nous invite : — à offrir une brève biographie de l’Apôtre des Gentils ; — à présenter le lieu du martyre de saint Paul aujourd’hui appelé Saint- Paul-des-Trois-Fontaines ; — à exposer l’historique de la sépulture du saint apôtre à partir des découvertes récentes ; L

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La tombe et les reliques retrouvées de l’apôtre saint Paul

par Michel Defaye

Le lundi 11 décembre 2008, le cardinal Andrea Cordero Lanza Di Montezemolo, archiprêtre de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, a officiellement confirmé la présence d’un sarcophage conte-nant les reliques de l’apôtre saint Paul. Ce sarcophage est situé sous l’autel majeur de la basilique, comme le voulaient les traditions orale et écrite. La découverte de cette illustre tombe arrive après celle de l’apôtre saint Pierre en l’année 1950. Signe des temps ? Certai-nement. Les « deux colonnes de l’Église » reviennent pour encoura-ger les chrétiens à garder la foi dans ces temps de « grande aposta-sie ».

L’auteur tient à remercier MM. Dorsaz et de Jacquelot pour leur contribution.

Le Sel de la terre.

ORS DE SA CONFÉRENCE DE PRESSE, le 11 décembre 2008, le cardinal Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, archiprêtre responsable de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs depuis 2005,

a affirmé : « La tombe de saint Paul est bien là et peut être vue sur un côté ». Le prélat a expliqué qu’une ouverture avait été réalisée sous l’autel principal de la basilique afin de permettre aux pèlerins d’apercevoir un côté du sarcophage qui contient les reliques de saint Paul. Ce sarcophage mesure 2,55 m de long, 1,25 m de large et 0,97 m de hauteur. A quelques mètres en dessous du maître-autel, le sarcophage n’a « jamais été ouvert », a précisé le cardinal Montezemolo.

Cette découverte nous invite : — à offrir une brève biographie de l’Apôtre des Gentils ; — à présenter le lieu du martyre de saint Paul aujourd’hui appelé Saint-

Paul-des-Trois-Fontaines ; — à exposer l’historique de la sépulture du saint apôtre à partir des

découvertes récentes ;

L

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LA TOMBE RETROUVÉE DE SAINT PAUL

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— à comprendre le combat de saint Paul contre les judaïsants, combat qui n’a pas perdu de son actualité.

Biographie succincte de l’Apôtre des Gentils

Les auteurs discutent certaines dates. Nous avons établi cette chro-nologie d’après Giuseppe Ricciotti, Saint Paul Apôtre, Robert Laffont, 1952 et J.Renié S.M., Manuel d’Écriture sainte, t. 5, 1954.

Vers 5-10 : Naissance de Saül (Paul de son nom romain), à Tarse en Cilicie (Ac 21, 39), de père pharisien (tribu de Benjamin, Rm 11, 1 & Ph 3, 5), citoyen de cette ville (Ac 21, 39) et citoyen romain (Ac 22, 28).

Jusque vers 28-30 : Éducation soignée à Tarse (2 Tim 1, 3 ; Ac 23, 6 ; Ph 3, 5), où il reçoit une formation à la fois juive et grecque. Au temps de son adolescence (ejk neovthto", Ac 26, 4), il va étudier à Jérusalem, à l’école rabbinique de Gamaliel (Ac 22, 3). Il ne semble pas avoir vu le Christ, ni assisté à sa passion.

Il est merveilleusement préparé à sa mission d’apôtre des Gentils par la Providence (« vas electionis », Ac 9, 15) : juif de race et d’éducation, grec par le lieu de naissance et le parler, citoyen romain ; il est au point de contact des trois mondes.

Au physique et au moral. Saül était d’apparence chétive (cf. Actes de Paul, apocryphe de 180 environ ; 2 Co 10, 10), souffrant d’un mal chroni-que (stimulus carnis : 2 Co 12, 7), mais habité par une âme de feu et une énergie peu commune (cf. 2 Co 11, 24-28). Fort et tendre à la fois (voir les épîtres aux Galates, aux Corinthiens et aux Philippiens). Doué d’une intel-ligence magnifique. Surtout, une fois converti, brûlant d’un amour incroyable pour Notre-Seigneur Jésus-Christ (cf. le prologue de saint Thomas aux Épîtres de saint Paul : saint Paul est dit vas electionis parce qu’il est « plein du nom de Jésus-Christ »)

36 : Lapidation de saint Etienne, avec la connivence de Saül (Ac 7, 58). Il reçoit du Grand Prêtre le mandat de pourchasser les chrétiens à travers les synagogues de Palestine et de Syrie.

Notre-Seigneur l’arrête et le convertit subitement quand il va entrer à Damas pour combattre les chrétiens (Ac 9, 1-19 ; 22, 3-21 ; 26, 9-20). Il est baptisé par Ananie.

36-39 : Séjour et première prédication à Damas (Ac 9, 19-25), avec une interruption de durée incertaine pour un séjour en Arabie (Ga 1, 17 ; pour prêcher : interprétation des Pères ; pour une retraite préparatoire à son ministère : interprétation des modernes).

39 : Saül est contraint par les dénonciations des Juifs de quitter Damas « dans un panier » (2 Co 11, 32). Il se rend à Jérusalem (il y reste quinze jours selon Ga 1, 18-20) et y consulte Pierre et Jacques le Mineur,

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auprès desquels Barnabé l’a introduit (Ac 9, 26-30 ; Ga 1, 18). Nouvelle vision du Seigneur qui le confirme dans sa vocation d’apôtre des Gentils (Ac 22, 17-21). Retour à Tarse, et prédication en Cilicie (Ga 1, 21).

39-43 : Saül prêche en Cilicie. Peut-être sa famille rompt-elle avec lui : il apprend le métier de tisserand (Ac 18, 3), dont il vivra désormais pour n’être pas à charge des communautés qu’il aura fondées (Ac 20, 33 ; 1 Co 4, 12 ; 1 Th 2, 9).

Entre 42 et 44 : Ravissement de Saül au « troisième Ciel » – grande Révélation qui l'arme définitivement pour sa mission future (2 Co 12, 1-4).

Vers 43 : Barnabé va le quérir à Tarse et ils se rendent tous deux à Antioche de Syrie (Ac 11, 25-26).

Vers 44 : Il est envoyé avec Barnabé à Jérusalem (2e voyage à Jéru-salem, non cité dans l’épître aux Galates) porter les subsides d'Antioche à l’occasion de la famine (Ac 11, 27-30). Il retourne à Antioche en compagnie de Jean-Marc, cousin de Barnabé (Col 4, 10).

Vers 45 : Mandat officiel de l’Église d’Antioche l’envoyant avec Barnabé porter l’Évangile dans les terres païennes (Ac 13, 2-3).

45-49 : Premier voyage missionnaire avec Barnabé. Voyage très long, à travers l’île de Chypre et le sud de l’Asie Mineure (Pamphylie, Pisidie, Lycaonie ; Ac 13 & 14 ; 2 Tim 3, 11).

À Chypre, la punition miraculeuse du mage Elymas détermine la conversion du proconsul Sergius Paulus (Ac 13, 7-12). Désormais, Saül ne portera plus que son nom latin de Paul.

En Asie Mineure, Marc abandonne ses compagnons (Ac 13, 13). Les Juifs persécuteurs tourmentent et font chasser les apôtres qui évangélisent cependant Derbé, Antioche de Pisidie, Iconium et Lystres. À Lystres, Paul et Barnabé sont pris par les païens pour des dieux, mais les juifs survien-nent et font lapider Paul (Ac 14, 18-19 ; 2 Co 11, 25), le laissant à demi-mort.

49 : Retour à Antioche. Enthousiasme de l’Église au récit du succès des apôtres. Blâme des judaïsants qui leur reprochent d’avoir admis au baptême des païens sans leur avoir imposé la circoncision (Ac 15, 1-3). Paul et Barnabé, accompagnés de Tite (païen converti. Ga 2, 1), se rendent à Jérusalem (3e voyage) pour soumettre la question au collège apostolique.

Automne 49 : Concile apostolique de Jérusalem (Ac 15, 1-35 ; Ga 2, 1-10).

Pierre, venu à Antioche après le Concile, se laisse aller à certaines concessions dangereuses à l’égard des judaïsants, par prudence exagérée. Paul le reprend publiquement (Ga 2, 11 sq.).

49-52 : Deuxième voyage missionnaire, avec Silas (ou Sylvain), mais sans Barnabé (Ac 15, 36-41).

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Ils se rendent en Asie Mineure (Ac 16, 1-10), à Lystres ; ils s’adjoignent Timothée (que Saint Paul circoncit pour faciliter sa mission auprès des Juifs).

Vision à Troas (Ac 16, 9-10), et passage en Macédoine. Évangélisa-tion de Philippes (conversion de Lydie). Arrestation et flagellation de Paul ; la prison est miraculeusement ébranlée la nuit : conversion du geôlier, libération des missionnaires (Ac 16, 16-40).

Mission à Thessalonique (Ac 17, 1-10). À cause des Juifs, Paul doit fuir à Bérée, puis gagne Athènes (Ac 17, 11-34). Prédication sur l’aréopage.

Évangélisation de Corinthe (Ac 18, 1-17), pendant 18 mois (2 Co 1, 1). Conversion de Priscille et Aquila ; Paul est chassé de la synagogue et dénoncé auprès du proconsul Gallion (le frère de Sénèque), qui déclare la plainte sans objet et fait chasser les plaignants (Ac 18, 16) ; Paul se tourne vers les Gentils.

À Corinthe, saint Paul, qui a reçu des nouvelles des Églises de Macédoine par Silas et Timothée, écrit la 1ère épître aux Thessaloniciens (début 51), puis la 2e aux Thessaloniciens (fin 51).

52 : Pèlerinage à Jérusalem pour accomplir un vœu (Ac 18, 18-22), avec halte à Éphèse où s’arrêtent ses compagnons Aquila et Priscille. Retour à Antioche de Syrie (fin 52).

Printemps 53-57 : Troisième voyage missionnaire (Ac 18, 23 à 21, 16). Paul repasse en Galatie et en Phrygie.

À Éphèse, prédication d’Apollos dont l'instruction est parachevée par Aquila et Priscille. Apollos passe à Corinthe où sa présence est d’une grande utilité aux chrétiens (contulit multum, Ac 18, 28 ; cf aussi 1 Co 1, 12 ; 1 Co 3, 4-6 et 22).

Paul rejoint Éphèse (Ac 19). Il y séjourne deux ans en dépit de ses premiers projets de rejoindre rapidement l’Achaïe via la Macédoine (Ac 19, 21-22 et 1 Co 16, 2-11). C’est l’apogée du ministère de saint Paul. L’émeute de Démétrius le contraint à quitter Éphèse (Ac 19, 23-40).

C’est vraisemblablement à Éphèse que saint Paul écrit la 1ère épître aux Corinthiens (vers 55) pour enseigner aux chrétiens de Corinthe la sagesse de Dieu manifestée dans le Christ crucifié et réprimer certains désordres moraux, et aussi l'épître aux Galates (55 ou 56), dans laquelle il enseigne la justification par la seule foi au Christ, contre les judaïsants.

Visite des Églises de Macédoine (Ac 20, 1-2), où il est rejoint par Tite qui le rassure sur la situation de l’Église de Corinthe. Il écrit alors la 2e aux Corinthiens (fin 56), pleine d’affection pour les fidèles de cette Église, et dans laquelle il répond à ses détracteurs judaïsants en faisant sa propre apologie.

Séjour de trois mois à Corinthe (Ac 20, 3), chez un certain Caius (Rm 16, 23). De là, il envoie l’épître aux Romains (fin 56 ou début 57), qui est la plus importante au plan doctrinal.

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Empêché par les juifs de rejoindre Jérusalem par la route la plus directe (c’est-à-dire par la Syrie), pour y porter le fruit de la collecte qu’il a organisée, saint Paul remonte en Macédoine (Ac 20, 3), passe en Asie Mineure (à Troas, il ressuscite le jeune Eutyque tombé du troisième étage, Ac 20, 6-12), gagne Milet, où il tient aux anciens d’Éphèse venus à sa demande un discours d’adieu très émouvant (Ac 20, 18-38).

À Césarée, le prophète Agabus prédit à saint Paul l’emprisonnement qui l’attend à Jérusalem (Ac 21, 9-14). Malgré les supplications des fidèles, l’Apôtre continue son voyage.

57 : Sept jours après son arrivée à Jérusalem, Paul est arrêté par le chiliarque Lysias qui l’arrache à la foule des juifs prête à le lyncher (Ac 21, 17-36). L’Apôtre prononce devant le peuple un discours pour se justifier (Ac 21, 37 à 22, 21), et il comparaît devant le sanhédrin sur ordre de Lysias (Ac 22, 30 à 23, 10). Le chiliarque le fait conduire sous escorte à Césarée, pour le sauver d’un complot combiné par les Juifs (Ac 23, 12-35).

57-59 : Captivité à Césarée. Le procurateur Félix instruit la cause de Paul, et s’entretient volontiers avec lui dans l’intention de lui soutirer de l’argent (Ac 24). Son successeur Festus – fonctionnaire intègre – rouvre le procès, et propose à Paul d’être jugé à Jérusalem. Paul interjette appel à César. Festus le fait comparaître devant le roi Agrippa II, et le fait conduire à Rome (Ac 25 & 26).

Automne 59 – printemps 60 : Voyage vers Rome. Traversée pleine de péripéties en compagnie de Luc et d’Aristarque, sous la garde d’un centurion romain. Le bateau sur lequel Paul a embarqué fait naufrage et les naufragés passent l’hiver à Malte (Ac 27 & 28, 1-15).

Au terme du voyage, saint Paul est accueilli par les chrétiens de Rome aux Trois Tavernes.

Printemps 60 à 62 : Custodia libera à Rome (Ac 28, 16-31). Saint Paul, quoique prisonnier, reçoit les juifs et les chrétiens dans sa maison et conti-nue son ministère apostolique. C’est de Rome, captif, qu’il écrit :

– la lettre à Philémon, pour l’exhorter à reprendre son esclave fugitif Onésime (En Philémon 9, il se dit « vieux », presbuvth", ce qui implique 50 à 60 ans) ;

– l’épître aux Colossiens (61 ou 62), pour mettre en garde les fidèles de cette Église contre les hérésies gnostiques qui amenuisaient la primauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ ;

– l’épître aux Éphésiens (61 ou 62), qui est un petit traité (une « encyclique » ?) ; reprenant le thème de la lettre précédente et traitant du Corps Mystique. C’est la plus haute synthèse doctrinale présentée par saint Paul.

– l’épître aux Philipiens (printemps 62), qui est une des plus person-nelles et des plus touchantes écrites par l’Apôtre, et dans laquelle il envi-sage l’issue heureuse de son procès (Ph 1, 25 et 2, 24).

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Vraisemblablement, le procès de saint Paul s’acheva par un non-lieu en 62, et l’Apôtre fut libéré.

63-66 : Saint Paul libéré quitte vraisemblablement l’Italie pour de nouveaux voyages missionnaires.

Comme il l’avait annoncé jadis (Rm 15, 24-28), il alla certainement en Espagne (cf. le témoignage de saint Clément de Rome dans sa lettre aux Corinthiens 5, 5-7). Peut-être est-ce de là (ou d’Italie) qu’il écrivit l’épître aux Hébreux (entre 62 et 64. Fut-elle rédigée avec le concours d’un des disciples les plus autorisés ? Silas, Barnabé, Apollos ? On multiplie les hypothèses).

Par les lettres pastorales, nous savons aussi qu’il retourna vers l’Orient : en Crète, où il laissa Tite (Tit 1, 5), à Éphèse, où il laissa Timothée (1 Tim 1, 3). D’autre part, il écrivit la 1e épître à Timothée en Macédoine (entre 62 et 66), et dans la lettre à Tite (3, 12), il dit son intention d’aller à Nicopolis, en Épire. Entre ces deux épîtres, on ne peut fixer laquelle est antérieure à l’autre.

66-67 : Saint Paul est à nouveau fait prisonnier (à Troas ? cf 2 Tim 4, 13), et ramené à Rome enchaîné (2 Tim 1, 16-17), mais on ignore les circonstances de son arrestation. De Rome il écrit la 2e épître à Timothée, qui est comme son testament (2 Tm 4, 6-8).

En 67, après neuf mois passés à la prison Mamertine avec saint Pierre, il fut condamné à mort. La tradition rapporte que les deux apôtres se séparèrent devant la Porte Latine pour aller chacun au lieu de son supplice. Alors, bifurquant à gauche, le peloton d’exécution s’engagea dans la voie Laurentana. Arrivé dans un vallon marécageux appelé Aquæ Salviæ, Paul fut décapité le 29 juin 65 ou 67. Saint Paul gagnait sa couronne de gloire, proclamant jusqu’au martyre sa foi au Christ ressuscité.

Romulus et Remus avaient fondé dans le fratricide une Rome péris-sable et bientôt décadente... Pierre et Paul, dans l’amitié surnaturelle, devenaient, par l’offrande de leur vie, les deux inséparables colonnes de l’Église catholique 1.

1 — « Ô Rome ! Ce sont ces hommes illustres qui ont fait briller pour toi les lumières de

l’évangile; tu étais maîtresse de l’erreur, et par eux tu es devenue disciple de la vérité. Ils sont tes pères et tes véritables pasteurs ; ils ont jeté sur ton sein les bases éternelles d’un royaume qui ne périra jamais ; tu leur dois plus qu’aux hommes qui ont creusé les fondements de tes premières murailles, qu’à ces hommes dont l’un, celui qui t’a donné ton nom, rougit ton sol du sang de son frère. Isti enim sunt viri per quos tibi Evangelium Christi, Roma, resplenduit ; et quæ eras magistra erroris, facta es discipula veritatis. Isti sunt sancti patres tui verique pastores, qui te regnis cœlestibus inserendam multo melius multoque felicius condiderunt, quam illi quorum studio prima mœnium tuorum fundamenta locata sunt : ex quibus is qui tibi nomen dedit fraterna te cæde fœdavit. » Saint LÉON LE GRAND, Serm. LXXXII pour la fête des saints Pierre et Paul, PL 54, col. 422.

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Le lieu du martyre de saint Paul : les Eaux salviennes

La basilique Saint-Paul-hors-les-Murs est le lieu de la sépulture de

l’apôtre saint Paul, mais il fut décapité au lieu-dit Les Eaux Salviennes, à quelque trois kilomètres de la basilique. Très tôt, cet endroit sanctifié par son sang devint un sanctuaire qui fut appelé Saint-Paul-des-Trois-Fontai-nes, endroit rustique, enveloppé de paix et de grand silence, du moins

Schéma n° 1

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lorsque les charismatiques n’envahissent pas les lieux. L’enceinte de Saint-Paul-des-Trois-Fontaines compte trois édifices : la

basilique Saint-Vincent et Saint-Anastase que l’on découvre après avoir passé l’élégant porche d’entrée ; la Scala Cœli, sur la droite, en haut de rudes escaliers ; et l’église des Trois-Fontaines, construite à l’emplacement même de la décollation de saint Paul. L’édifice actuel date de la fin du 16e siècle et a remplacé deux chapelles construites sur les fontaines miraculeu-ses.

En effet, la tradition rapporte que le chef de saint Paul fit trois bonds d’où jaillirent trois sources, chacune à une température différente : le mira-cle est représenté par la fresque de l’abside de l’église. Sur ces trois fontai-nes ont été construits trois édicules lors de la restauration du 16e siècle. A droite de ces fontaines, derrière une grille, se dresse la colonne – quelle insigne relique ! – sur laquelle le saint apôtre présenta son cou au glaive du bourreau.

La sépulture de saint Paul en la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs

La décision d’entreprendre des fouilles archéologiques pour vérifier la

présence de la tombe de saint Paul a été prise après la demande grandis-sante des pèlerins qui se sont rendus à Rome en l’an 2000 et qui, après avoir vu la tombe de l’apôtre Pierre, demandaient à voir celle de Paul. Les recherches ont été entreprises sur la base de relevés topographiques effectués au milieu du 19e siècle, au moment des travaux réalisés après l’incendie de 1823 qui détruisit une partie importante de la basilique.

Comme pour saint Pierre 1, les premiers chrétiens déposèrent le corps de saint Paul dans une nécropole voisine, le long de la voie qui mène à Ostie – la distance entre les deux lieux est de trois kilomètres environ – parce qu’une sainte femme offrit un terrain qu’elle y possédait. Au 2e siècle, ainsi que nous le rapporte le Liber Pontificalis 2, les chrétiens firent édifier, comme au Vatican, un humble monument d’une hauteur de deux mètres, appelé Memoria, en l’honneur du martyr. Le prêtre Gaïus – savant ecclésiastique vivant à Rome à la fin du 2e siècle ou au début du 3e – évoque ce monument dans sa lettre à l’hérétique montaniste Proclus. Celui-ci cherchait à rabaisser l’autorité de l’Église romaine en exaltant la présence en Asie de la tombe de l’apôtre Philippe. Gaïus lui répond :

1 — Voir Margherita GUARDUCCI, Saint Pierre retrouvé, Paris-Fribourg, Éditions Saint-

Paul, 1979, ch. II, p. 37-91. 2 — Il s’agit d’une suite de notices biographiques des différents évêques de Rome, dans

l’ordre chronologique, des origines jusqu’à la fin du 9e siècle.

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« Mais moi, je peux montrer les trophées des Apôtres. Si tu veux aller au Vatican et sur la route d’Ostie, tu trouveras les trophées de ceux qui ont fondé cette Église ».

De même qu’à la basilique Saint-Pierre, l’histoire de la construction de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs témoigne de la présence du corps de l’apôtre Paul. En effet, deux basiliques ont successivement été construites au 4e siècle sur cette tombe, chacune prenant la sépulture pour centre.

Ainsi, un premier sondage, en 2002, a permis de vérifier que, sous les marches de l’autel dédié à saint Timothée et accolé au maître-autel, exis-taient des traces de l’abside de l’ancienne basilique construite dès le règne de l’empereur Constantin, au début du 4e siècle.

Cette première basilique, trop petite en raison de l’affluence des pèle-rins, fut démolie, à la fin du 4e siècle, par les empereurs Valentinien, Théo-

dose et Arcadius. Ils décrétèrent la construction d’un édifice somptueux, plus grand même que la basilique Saint-Pierre. Comme le lieu du tombeau était inamovible et que les architectes étaient gênés à l’est par la voie d’Ostie et la présence d’une colline, ils décidèrent d’inverser l’ori-entation de la basilique primitive 1. La basilique théodosienne fut consacrée par le pape Sirice le 18 novembre 390.

Un second sondage, effectué cette fois en 2006 sous l’autel majeur, a permis de découvrir à l’intérieur de la confession 2 le sarcophage où repose saint Paul, au niveau du sol de la basilique « théo-dosienne » 3. A cette

1 — Voir le schéma 1. 2 — La confession est le lieu où se trouvent les reliques d’un saint, la tombe d’un

martyr. 3 — Voir le schéma 2.

Schéma nº 2

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époque – fin 4e siècle –, le tombeau de l’apôtre était un sarcophage recouvert de quatre plaques de marbre qui formaient un autel. Deux des plaques portaient l’inscription « Paulo Apostolo Mart » (à Paul Apôtre mart[yr]).

Très récemment, le 28 juin 2009, pour clôturer l’année Saint-Paul qui commé-morait le bimillénaire de la naissance de

l’Apôtre, Benoît XVI a confirmé, en la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, ce que la rumeur publique annon-çait déjà en mai 2007 : un sondage a été effectué dans le sarcophage de pierre et les restes de l’Apôtre ont été retrouvés.

Dans le sarcophage, a-t-il précisé, qui n’a jamais été ouvert depuis tant de siècles, une toute petite perforation a été pratiquée pour introduire une sonde spéciale, qui a permis de relever les traces d’un tissu précieux en lin coloré de pourpre, laminé d’or fin, et d’un tissu de couleur bleue avec des filaments de lin.

On a relevé « la présence de grains d’encens rouge », de « substances protéiques et calcai-res » et de « fragments d’os », qui ont été soumis à l’examen du carbone 14 « par des experts igno-rant leur provenance » : ils ont conclu qu’il s’agissait d’ossements appartenant à « une personne ayant vécu entre le 1er et le 2e siècle ». « Cela semble confirmer, a précisé Benoît XVI, la tradition unanime et incontestée qu’il s’agit des restes mortels de l’apôtre Paul 1. »

Le tombeau va-t-il être ouvert ? Le cardinal Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, a indiqué le 26 juin,

1 — Anita BOURDIN, « Un sondage a été effectué dans le sarcophage de Saint-Paul-hors-

les-Murs », Zenit.org, 29 juin 2009, http://www.zenit.org/article-21408?l=french.

Schéma n° 3

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lors d’une conférence de presse, que les travaux pour l’ouverture du tombeau impliqueraient le déplacement de l’autel et du baldaquin, et qu’ils n’étaient donc pas possibles pendant l’année Saint-Paul. Il est probable que l’ouverture du tombeau aura lieu dans les années à venir.

Le pape saint Léon le Grand fit, à son tour, des aménagements en suré-levant l’autel d’une soixantaine de centimètres tout en laissant le sarco-phage de l’Apôtre à son emplacement initial. Il prit simplement une des plaques de marbre où était inscrit « Paulo Apostolo Mart » pour en faire la table horizontale de l’autel.

Enfin, saint Grégoire le Grand (590-604) décida de surélever une nouvelle fois l’autel pour creuser une crypte autour de la tombe, comme il l’avait fait à la basilique Saint-Pierre. Cette crypte fut détruite au 16e siècle, mais la confession actuelle en épouse le périmètre. L’autel de saint Grégoire le Grand – qui est au niveau de l’actuel maître-autel – se trouve près de deux mètres au-dessus du sarcophage de l’Apôtre des Gentils 1.

Après la reconstruction de la basilique, en partie détruite par le feu en 1823, on découvrit la plaque où était inscrit « Paulo Apostolo Mart », située au-dessus du sarcophage de saint Paul. Elle mesure 2,12 m de long, 1,27 m de large et 0,75 m d’épaisseur. Cette plaque, percée de trois orifices, est liée au culte funéraire voué à saint Paul. En effet, ces orifices permettaient aux pèlerins de descendre des tissus, ou « branderas », jusqu’au sarcophage. Les pèlerins obtenaient ainsi des reliques par simple contact avec le tombeau.

Saint Paul, saint Pierre et les judaïsants

« On appelle en général « judaïsants » les membres de l’Église primi-

tive, qu’ils fussent Juifs ou prosélytes, qui regardaient l’observation totale ou partielle de la Loi mosaïque comme nécessaire au chrétien. Naturelle-ment, ces fausses doctrines avaient des degrés et les judaïsants pouvaient se diviser en catégories distinctes, sinon nettement tranchées :

— ceux qui concevaient le christianisme comme une secte juive, analo-gue aux pharisiens ou aux disciples de Jean-Baptiste, n’admettant, par suite, les non-Juifs qu’en vertu de la circoncision, moyen ordinaire d’incorporation au peuple élu.

— ceux qui, regardant la circoncision comme obligatoire pour les Juifs d’origine, admettaient cependant les Gentils dans l’Église, mais à un rang

1 — Voir le schéma 3. — Cette quatrième partie est extraite d’un article (revu et simplifié par nos soins) du

père Ferdinand PRAT S.J., spécialiste de saint Paul, qui écrivit sur les judaïsants, opposants farouches de l’Apôtre des Gentils, dans le Dictionnaire de la Bible publié par F. VIGOUROUX, Paris, Letouzey et Ané, 1926, col. 1778 à 1783. Voir aussi : A. DE BOYSSON, La Loi et la Foi : étude sur Saint Paul et les judaïsants, Paris, Bloud, 1912.

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inférieur comparable à celui des prosélytes de second ordre, ou les craignants Dieu.

— ceux qui, sans croire la circoncision nécessaire au salut, la jugeaient imposée par les circonstances, pour ne pas éloigner les Juifs de l’Église et pour faciliter les rapports entre les deux portions de la communauté chré-tienne.

— ceux enfin qui, n’ayant pas d’idées bien précises sur l’obligation de la Loi mosaïque, continuaient à l’observer par habitude, par piété, par scrupule de conscience et se scandalisaient de la voir violer autour d’eux.

Les deux premières catégories étaient formellement hérétiques ; la troi-sième commettait une erreur d’appréciation que saint Paul se fit un devoir de combattre ; la quatrième méritait l’indulgence et parfois saint Paul lui-même trouva bon de la ménager.

L’assemblée ou concile de Jérusalem vers 49 La première levée de boucliers des judaïsants amena la réunion de ce

qu’on a nommé le concile apostolique de Jérusalem vers l’an 49. Les judaï-sants venus de Judée à Antioche soutenaient expressément que les Grecs convertis ne pouvaient se sauver sans la circoncision. La circoncision assujettissait les nouveaux chrétiens à toute la Loi mosaïque ; et c’est bien ainsi que l’entendaient les judaïsants de Jérusalem qui, avant leur conver-sion, avaient appartenu à la secte des pharisiens. Les Apôtres et les anciens de la ville sainte, réunis pour cette question, après avoir entendu Paul, Barnabé et les autres envoyés d’Antioche, déboutèrent les judaïsants de leurs prétentions. Pierre rappela la conversion de Corneille et de sa famille, conversion sanctionnée par le Saint-Esprit lui-même, sans qu’il eût été question d’imposer aux néophytes le fardeau de la Loi. Pourquoi accabler les Gentils d’un poids qu’eux, les Juifs, avaient été impuissants à porter ? Jacques fut du même avis et il appuya son sentiment sur le témoignage de l’Écriture. Cependant, il apportait à la liberté des Gentils quatre restric-tions que l’assemblée approuva. Le motif qu’il en donnait reste assez obscur pour nous, mais les décisions prises par le concile sont parfaitement claires :

— Les Apôtres et les anciens de Jérusalem délèguent auprès des chré-tiens d’Antioche Judas, Barnabé et Silas.

— Les Apôtres désavouent les judaïsants qui, en troublant les Églises, ont agi sans aucun mandat.

— Des préceptes de Moïse, les Gentils n’ont à retenir que les quatre points suivants dont l’observation est seule nécessaire : abstention des viandes immolées aux idoles, du sang et de la chair des animaux étouffés et de la fornication.

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— Ce décret concerne les chrétiens d’Antioche, de Syrie et de Cilicie, les seuls qui soient en cause.

Saint Paul profita d’une occasion si favorable pour faire approuver son évangile et obtenir une déclaration solennelle qui, à l’avenir, fermât la bouche aux judaïsants toujours prêts à le calomnier. Il nous fait connaître dans l’épître aux Galates les résultats de ses démarches :

— Les colonnes de Jérusalem, Jacques, Céphas (Pierre) et Jean, ne trou-vent rien à reprendre ou à compléter dans la prédication de Paul.

— Ils lui tendent la main droite en signe d’alliance et l’on convient que Paul et Barnabé porteront l’évangile aux incirconcis, comme ils le prêche-ront eux-mêmes aux circoncis.

— Paul, pressé par les judaïsants de faire circoncire Tite qui l’avait accompagné à Jérusalem, s’y refusa énergiquement. En d’autres circons-tances, il aurait pu consentir à cette pratique indifférente ; mais il résista cette fois, à cause des faux frères dont les manœuvres sournoises avaient pour but d’asservir Paul et ses disciples à la Loi. Une concession, en pareille occurrence, aurait compromis la vérité de l’Évangile, car on n’eût pas manqué d’y voir une obligation au lieu d’un acte de pure condescen-dance. Le cas de Timothée, à la circoncision duquel Paul se prêtera plus tard, est tout différent.

L’incident d’Antioche Après cette décision qui semblait devoir terminer à jamais les débats,

les judaïsants ne désarmèrent pas, et l’incident d’Antioche vint tout remettre en question. Nous admettons avec la quasi-unanimité des commentateurs :

— que l’incident eut lieu peu de temps après la réunion de Jérusalem et avant le départ de Paul pour sa seconde mission ;

— que le Céphas avec lequel Paul a une discussion est bien Pierre lui-même.

L’attitude de saint Pierre.

Avant l’arrivée à Antioche des gens de Jérusalem qui venaient d’auprès de Jacques et qui, peut-être, se disaient envoyés par lui, Pierre fréquentait librement les Grecs convertis et vivait comme eux, sans s’astreindre à la Loi.

A partir de l’arrivée de ces gens à Antioche, Pierre s’éloigna et se sépara des Gentils, non par un changement quelconque d’idées, mais par crainte des Juifs circoncis, comme saint Paul le dit expressément.

Le résultat de ce recul fut déplorable. Les autres Juifs imitèrent Pierre, et Barnabé lui-même se laissa entraîner. Bien plus, les Grecs, pour ne pas

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briser les rapports avec leurs frères de race juive, étaient moralement contraints de judaïser et d’abdiquer les privilèges que leur avait conférés le décret du concile.

L’attitude de saint Paul.

Il reproche à Pierre et à ses imitateurs, non pas un défaut de doctrine, mais une faute de conduite : « ils ne marchent pas droit selon la vérité de l’Évangile » (Ga II, 14).

Il accuse Pierre, non d’erreur, mais d’inconséquence. En effet, Pierre professe, comme Paul, que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais par la foi en Jésus-Christ ; tout Juif qu’il est, il ne se fait pas scru-pule, à l’occasion, de vivre à la grecque ; il est donc déraisonnable d’obliger moralement les Grecs à judaïser, c’est-à-dire à suivre les coutu-mes juives auxquelles rien ne les astreint. L’argument est sans réplique et le récit que fait saint Paul de toute cette affaire suppose que saint Pierre en comprit le bien-fondé et y conforma sa conduite.

Causes de la divergence.

Le décret de Jérusalem, tout clair qu’il est, laisse, par sa concision, la porte ouverte à plusieurs doutes.

Rien n’est réglé au sujet des Juifs. Participent-ils à la liberté accordée aux Gentils ? Les Juifs de Jérusalem continuent à observer exactement la Loi, leurs frères de la dispersion n’y sont-ils pas tenus, eux aussi ?

Désormais les Gentils sont déclarés exempts de la Loi, à l’exception de quatre articles ; mais ne sont-ils pas libres de l’observer tout entière ? Et n’y aurait-il point pour eux plus de perfection dans cette observation inté-grale ?

Les quatre articles qu’on leur impose par nécessité, sans spécifier la nature de cette nécessité, les assimilent aux prosélytes de second rang qu’on soumettait seulement aux préceptes dits de Noé. Mais cette mesure ne les constitue-t-elle pas dans un état d’infériorité par rapport aux Juifs de race ? Et cette inégalité ne serait-elle pas levée par l’observation intégrale de la Loi ?

Ces causes, nous le verrons, agiront plus tard dans tous les troubles suscités par les fauteurs de désordre.

Les luttes de saint Paul contre les Judaïsants

1ère phase : la période des grandes épîtres L’Église de Corinthe (Épîtres aux Corinthiens). De quelque nom qu’on les appelât, les judaïsants étaient très actifs à

Corinthe. Des esprits brouillons, des cerveaux étroits y avaient organisé une véritable contre-mission pour ruiner le prestige et l’œuvre de saint

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Paul. On lui contestait son titre d’Apôtre ; on s’autorisait contre lui de lettres de recommandation, vraies ou supposées ; on faisait sonner bien haut, pour le rabaisser, la prééminence des Douze. Il semble aussi qu’on lui reprochait des variations de doctrine, de la légèreté, de la vaine gloire, qu’on se faisait une arme de sa modestie, de sa condescendance, de son humble extérieur.

Ces attaques, qui obligèrent Paul à de longues apologies, trahissent la présence de ses adversaires acharnés, les judaïsants. Cependant, il ne paraît pas que le mal fût encore consommé. Les ennemis semaient l’ivraie, la mauvaise herbe commençait à lever et menaçait d’étouffer le bon grain, mais il était encore temps de l’arracher. Il est extrêmement important de remarquer que l’unité n’était pas rompue, que les partis, si l’on peut leur donner ce nom, ressemblaient plus à des coteries qu’à des schismes. Tout porte à croire que les deux lettres de l’Apôtre et la longue visite dont il les fit suivre suffirent à extirper le mal.

Les Églises de Galatie (Épître aux Galates). Leur situation morale ressort assez clairement du texte lui-même. Les

judaïsants allaient répétant partout que Paul n’était pas un véritable apôtre comparable aux Douze, qu’il n’avait pas connu le Christ et, par suite, ne pouvait tenir de lui sa mission, qu’il prêchait un évangile humain. Les judaïsants enseignaient la nécessité de la circoncision, même pour les Gentils, sans peut-être insister beaucoup sur l’obligation d’observer toute la Loi qu’entraînait la circoncision, obligation que Paul ne manquera pas de rappeler. On a aussi l’impression qu’ils accusaient sa morale de laxisme. Les agitateurs étaient certainement d’origine juive. Ils judaïsaient au moins autant que le parti pharisien lors de l’assemblée de Jérusalem. Eux aussi se réclamaient de l’autorité des vrais, des « grands apôtres », des « colonnes de l’Église ». Ils avaient fait déjà quelque progrès et séduit plusieurs âmes. Néanmoins, le mal n’était pas sans remède ; le pas décisif n’était pas fait encore et l’Apôtre espérait toujours préserver ses chers Galates de la perversion, mais c’était un espoir mêlé de crainte. Nous ne connaissons pas le résultat de sa lettre, mais tout nous persuade qu’elle eut un plein succès.

L’Église de Rome (Épître aux Romains). L’Église de Rome était une Église mixte où les Gentils prédominaient

de beaucoup. On ne trouve pas dans l’épître la moindre trace de polémi-que directe. Ce n’est pas l’imminence du péril judaïsant qui poussa l’Apôtre à écrire son Épître aux Romains. Après les désordres qui venaient d’agiter si violemment les Églises de Galatie et de Corinthe, saint Paul voulut faire un large exposé doctrinal de son enseignement qui, désormais,

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couperait court aux chicanes et préviendrait de nouveaux troubles. Il adressa ce traité à l’Église qu’il allait bientôt visiter en personne.

2ème phase : les épîtres pastorales.

Après l’Épître aux Romains, la question judaïsante traversa une période d’accalmie. Les épîtres de la captivité ne conservent presque aucune trace de ces controverses et s’attaquent à un ennemi tout différent : un faux mysti-cisme philosophique où nous apercevons les germes de la gnose. L’Épître aux Philippiens renferme une vive sortie contre les docteurs judaïsants, « ces chiens, ces ouvriers pervers, qui se glorifient dans la chair » (Ph 3, 2-4). Mais il ne semble pas qu’ils fussent actifs en ce moment dans l’Église de Philippes. Au contraire, dans les épîtres pastorales, nous trouvons deux mentions des judaïsants. On ne peut que les reconnaître dans ces vains discoureurs « qui veulent être docteurs de la Loi et qui ne savent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment avec tant d’assurance » (1 Tm 1, 7). On les reconnaît aussi aisément dans ces « querelles et disputes au sujet de la Loi » (Tt 3, 9).

Les derniers vestiges des judaïsants aux premiers siècles de l’Église

L’histoire des judaïsants, après le siècle apostolique, devient assez

obscure. Les écrivains ecclésiastiques n’ayant pas tous une connaissance personnelle des diverses sectes, dont les dogmes ont pu et dû changer avec le temps, en parlent souvent d’après leurs prédécesseurs ; quelques auteurs vont jusqu’à confondre les sectes juives avec les sectes chrétiennes, et rangent les pharisiens, les sadducéens, les esséniens, parmi les hérésies primitives. Il ne faut pas perdre de vue que les premiers hérésiarques, bien que Juifs ou plutôt Samaritains d’origine, comme Simon le Magicien, Dosithée et Ménandre, ne peuvent pas être comptés au nombre des judaï-sants. Leur doctrine est un mélange bizarre et monstrueux d’éléments païens, juifs et chrétiens, avec une tendance aux spéculations cosmogoni-ques qui les feront considérer plus tard comme les pères du gnosticisme. Les vrais judaïsants, ce sont les judéo-chrétiens restés obstinément attachés à la lettre morte de la Loi. Déjà, saint Ignace d’Antioche s’élève fortement contre ces pratiques sans raison d’être : « Il est absurde de parler de Jésus-Christ et de judaïser 1. »

Les représentants classiques des judaïsants sont les ébionites. C’est saint Irénée, qui, le premier, nous en parle. La secte des ébionites conti-nuait à observer toute la Loi mosaïque et regardait saint Paul comme un apostat. Ils niaient la conception virginale de Jésus et sa divinité. Ils ajou-

1 — Saint IGNACE D’ANTIOCHE, Lettre aux Magnésiens, X, 3.

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taient à la Loi de Moïse des pratiques singulières. Saint Épiphane parle aussi longuement des ébionites mais aussi d’une autre secte, celle des nazaréens. Ces derniers diffèrent des Juifs ordinaires par leur foi au Christ qu’ils croient Dieu, né d’une Vierge. Ils différent des chrétiens par l’observation entière de la Loi mosaïque. En voulant être à la fois Juifs et Chrétiens, ils ne sont ni Juifs, ni chrétiens. Saint Jérôme mentionne fréquemment les nazaréens et les ébionites ».

(Fin des extraits de l’article du R.P Prat).

**********

En guise de conclusion, faison nôtre vœu le vœu de Michel Laurigan,

au moment où les judaïsants cherchent, depuis Vatican II, à changer la doctrine de l’Église sur le « verus Israël » :

En 1905, saint Pie X approuvait l’Archiconfrérie pour la conversion des Juifs. La situation actuelle demande une réponse analogue. Saint Paul – tout à la fois dévoré de zèle pour son peuple et grand adversaire des judaïsants – doit être particulièrement invoqué, à l’heure où son tombeau vient d’être retrouvé sous la confession de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Qu’il vienne à notre aide et qu’il nous obtienne les grandes et vraies conversions de Juifs dont l’Église et le monde ont besoin 1.

1 — Michel LAURIGAN, Chronologie d’un engrenage, De Nostra ætate (1965) à la synagogue

de Cologne (2005), Avrillé, éditions du Sel, 2005, p. 72.