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Temps fort à la MC93 de Bobigny du 10 au 20 avril 2019 RETOURS COMPAGNIE NACERA BELAZA

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Temps fort à la MC93 de Bobigny du 10 au 20 avril 2019

RETOURS

COMPAGNIE NACERA BELAZA

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Et s'il ne s'agissait pas d'assister à un spectacle mais d'accepter une expérience ?

Lâcher prise, se défairede ses innombrables représentations en accueillant ses visions les plus intimes, son propre imaginaire,ce qui ne laisserait pas de rappelerà chacun les vastes étenduesde son univers intérieur, perdantde vue un moment les contoursdu monde apparent...

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À ÉCOUTER . . .

∞ UNE VIE D’ARTISTE : Le sentiment intérieur avec Nacera Belaza et Karim Kal animée par Aurélie Charon. France Culture. 20/04/2019 Audio: https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-dartiste/une-vie-dartiste-emission-du-samedi-20-avril-2019

À LIRE . . .

LA TERRASSE par DELPHINE BAFFOUR. 23 MARS 2019.

Entrée dans la danse en autodidacte, ce qui lui a permis de poursuivre un chemin singulier où le mouvement naît d’un profond lâcher-prise dans la rigueur et la contrainte, d’une disponibilité entière à ce qui peut advenir et à ce qui entoure, Nacera Belaza a pendant quinze ans chorégraphié pour deux corps : le sien et celui de sa sœur Dalila. Puis en 2012, à l’occasion du Trait, le duo s’est scindé en deux soli en même temps qu’elle s’ouvrait à d’autres interprètes. Ont alors suivi des pièces pour trois, quatre, ou cinq danseurs comme dans Le Cercle, sa dernière création. Invitée pour deux longs week-ends à la MC 93, elle propose une plongée dans ce second volet d’un répertoire d’une remarquable cohérence.

Liberté et transcendance

Chez Nacera Belaza, toujours, le plateau joue l’épure, les costumes – de simples joggings – n’en sont pas et la lumière côtoie l’obscurité tandis que le geste se répète à l’envi, comme pour mieux rencontrer son essence. Tissant de pièce en pièce son univers qui a quelque chose d’une transcendance, elle invite le public à entrer dans la transe, à accueillir ses propres visions, à plonger librement dans son imaginaire. Des superbes La Nuit, La Traversée et Sur le fil présentés dans une même soirée, à l’unisson paroxystique et déstructuré du Cercle, ses créations fascinent. La Procession, qui convie les spectateurs, dans et autour de la MC93, à un parcours jalonné de moments chorégraphiques préparés et exécutés par des amateurs, complète ce riche et captivant programme.

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TRANSFUGE par HENRI GUETTE. AVRIL 2019.

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LE FIGARO par ARIANE BAVELIER. 6 AVRIL 2019.

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LA CROIX par MARIE-VALENTINE CHAUDON. 8 AVRIL 2019.

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LE MONDE par ROSITA BOISSEAU. 12 AVRIL 2019.

LA CHORÉGRAPHE NACERA BELAZA APPRIVOISE LA PÉNOMBRE La danseuse et chorégraphe algérienne présente quatre de ses spectacles à la MC93 de Bobigny.

Un halo de lumière diffuse dans le noir total. On distingue les contours d’un corps qui tourne sur lui- même, propulsé par une force tranquillement irrésistible. Le mouvement prend de la vitesse pendant qu’une tempête se lève, suspendue à un long son continu. La rotation s’élargit, devient course de planètes qui se dispersent en combustion d’étoiles soufflée par la voix d’Herman Dune et son rock prenant.

Ce trip cosmique, cette spirale d’extase, cette tornade douce s’amarrent à un seul point fort : la danseuse et chorégraphe algérienne Nacera Belaza. Elle est à l’affiche, jusqu’au 20 avril, de la MC93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis) où Hortense Archambault, directrice depuis 2015, lui offre une superbe exposition de son travail à une époque friande de « one shot » qui s’avale vite. En ouverture, mercredi 10 avril, le programme de trois pièces, composé du solo La Nuit, du quatuor La Traversée, puis du trio Sur le fil, a emporté la soirée dans un seul grand mouvement, souple et progressif, dilatation d’une même cellule palpitante qui se démultiplie et s’envole.

Créées entre 2012 et 2016, ces trois étapes semblent naturellement jaillir l’une de l’autre dans un flux continu qui se réinvente en plongeant régulièrement dans l’obscurité. Happée par la puissance giratoire du

Nacera Belaza, Sur le fil © Carolina Farina

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tourbillon pendant près d’une heure trente, Nacera Belaza accomplit chaque soir un exploit physique et mental. Elle y danse les yeux mi-clos. Elle est d’ailleurs plusieurs fois tombée du plateau. En 2018, à Porto, son vol plané ne l’a pas empêchée de finir la pièce. « Dans le noir intégral, je suis dans un tel état de relâchement et de confiance qu’il est impossible de se faire mal », explique-t-elle.

Une danse liée à la religion

Nacera Belaza, 50 ans, fête cette année trente ans de recherche vissée, persistante autour de motifs de prédilection qu’elle renouvelle sans cesse. La nuit, les textures de la pénombre, les épaisseurs de la lumière lorsqu’elle ne découpe pas l’air mais nappe l’espace comme un brouillard, la répétition insistante et sensuelle d’un seul geste, l’effacement du corps fondent une œuvre austère et envoûtante. Née en Algérie, arrivée en France à l’âge de 5 ans, professeure de français jusqu’en 1996, cette autodidacte, qui a fondé sa compagnie en 1989, alterne d’abord solos et duos avec sa sœur Dalila avant d’ouvrir son plateau à d’autres, dans les années 2010. « Au départ, il s’agissait juste de danser sans but particulier, explique-t-elle. Et puis avec la création, en 1994, du duo Périr pour de bon, j’ai su que je m’engageais dans quelque chose de sérieux. »

Nacera Belaza est musulmane. Dans un contexte qui proscrit la danse comme art de la séduction et du divertissement, celle qui était « interdite de danse » lorsqu’elle était plus jeune par ses parents a lentement progressé sur une voie chorégraphique rigoureusement ajustée à sa religion. « Je viens d’une culture ankylosée et verrouillée et j’aspirais à la liberté mais c’est ma foi qui a forgé et dicté ma démarche, confie-t-elle. J’ai travaillé sur l’introspection, évidé le geste pour être certaine de ses motivations. J’ai longtemps eu la peur au ventre de ne pas réussir à atteindre ce que je désirais, je n’avais pas d’exemple devant moi. J’ai avancé jusqu’au début des années 2000 en terrain inconnu. Chez moi, le corps est la partie visible d’un mouvement intérieur. »

Pas de décor donc chez Nacera Belaza à l’exception de la lumière, pas de costumes – les danseurs sont en jogging et tee-shirts manches longues noirs. Pas question de représentation non plus pour celle qui « ne crée pas une danse à voir avec les yeux » et définit cet art « comme un acte naturel et sacré qui anime l’espace en lui donnant une âme ». L’unité du plateau s’impose sans hiérarchie, couronnée par une bande-son mixée sophistiquée conçue par la chorégraphe elle-même.

Relation avec le spectateur

Dans son cocon sombre, Nacera Belaza accueille qui en a envie et se révèle très soucieuse de sa relation avec les spectateurs. « Je pense souvent aux premières secondes de la pièce, à ce moment où l’on se demande à quoi ça va ressembler et où l’on se met dans un état de disponibilité totale, commente-t-elle. Je ne cherche pas à répondre à une attente du public, ni à lui plaire ou le séduire. Je veux créer un autre mode de perception et atteindre des zones plus profondes où ma danse s’imprime et se révèle peu à peu. »

Depuis deux ans, Nacera Belaza a élargi son cercle aux amateurs, « parce que rien ne vaut l’expérimentation pour comprendre et ressentir au plus près un travail artistique ». La performance intitulée La Procession, qui rassemblera cinquante personnes, se déroulera, samedi 13 avril, en plein air et dans les murs de la MC93 de Bobigny. Le Cercle terminera le parcours, du 17 au 20 avril.

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MACULTURE.FR AVRIL 2019.

Carte Blanche à Nacera Belaza

Je n’ai pas pour habitude d’écrire ou de réagir sur des faits d’actualité, bien que je sois comme chacun et chacune de nous frappée, traversée tour à tour par la violence, la colère, l’espoir que suscitent les événements qui criblent nos sociétés.

J’ai toujours pensé que l’Art devait pouvoir répondre en profondeur aux grandes interrogations de notre temps ainsi qu’aux questions inhérentes à notre condition d’humain. Parce que l’acte artistique implique nécessairement une prise de recul, un pas de côté pour mieux voir, mieux entendre. Son temps n’étant  pas celui du réel fractionné et tapageur mais celui du silence infini dans lequel baignent nos âmes. Pour une fois cependant je veux être un témoin franc de ce qui secoue et soulève l’Algérie, en laissant de côté l’absolue nécessité de l’Art…

Curieusement, cette même semaine, on m’a proposé un entretien autour de la mémoire que nous ont léguée nos parents, cette génération « sacrifiée » s’il en est, celle qui s’est tue, celle qui a porté de toutes ses forces, et par delà elle même, l’avenir de ses enfants arrachés à leur terre. Suite à cette demande, j’ai dû observer d’un peu plus près certains événements relatifs à leur histoire, une Algérie meurtrie et bien différente de celle que j’ai connue.

Et puis ces dernières jours, on nous annonçait un raz de marée dans les rues d’Alger... Le mot qui revenait sans cesse était « soulèvement ». Ce mot renvoie bien évidement à l'« être soulevé vers le haut », qui s’arrache à sa condition, mais j’y entends également un souffle qui parcourt un corps pour le ramener à la vie, comme un dernier élan vers un ailleurs encore inconnu. C’est tout cela à la fois. Si les Algériens se soulèvent, ce n'est pas en premier lieu pour revendiquer de meilleures conditions de vie ou plus de liberté, mais avant tout pour défendre leur intégrité. L'humiliation par l'absurde, infligée par cette domination sans corps ni visage, est le véritable déclencheur de la colère d'un peuple dont l'autodérision a ses limites. Les algériens ont préféré tout risquer plutôt que de se taire plus longtemps. 

Il y a quelques jours, j’étais dans les rues d’Alger, et j’ai été frappée par le calme ambiant. Là où je m’attendais à sentir de la tension, de l’agitation, je n’ai trouvé que des sourires, des chants et un calme profond. Sans doute est-ce là le signe d’une grande détermination.

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C’est étrange ce mélange de fureur et de grand calme. Un calme qui prend sa source, sans doute, dans ce que les Algériens savent sur eux mêmes.

Que savent-ils ? Ils savent qu’ils ont déjà vécu le pire et qu’ils ne le craignent plus. Ils savent qu’ils ne peuvent plus revenir sur leurs pas, qu'il est trop tard. Le peuple entier se redresse dans un implacable mouvement. Ils savent encore qu’ils en ont trop et trop longtemps supporté, que la fracture était toute proche. C’est tout cela qui a mûri pendant tout ce temps sur cette terre, sous le règne écrasant d’un seul parti.

Pour cela, Il aura fallu le très long mutisme de celui qui se replie sur lui même pour se reconstruire seul. Il aura fallu enfanter une nouvelle génération assoiffée et déculpabilisée, prête à fendre l’air épais de nos villes endolories. Oui, c’est celle-ci qui aujourd’hui guide les pas des plus anciens qui, encore groggy, n’y croyaient plus, en leur redonnant l’ambition du rêve. C’est elle, encore, qui leur a indiqué les failles de ce géant de papier qui avait réussi à leurrer en régnant, depuis une éternité, sans visage. Elle a, d’un cri puissant, brisé les lourdes chaînes de la peur. La peur... pire encore que ces hommes voraces à la tête du pays ! La peur, qui œuvrait dans l’ombre, et avait fini par miner, ronger les corps et les esprits.

Le peuple algérien a dû au fil de son histoire affronter d’innombrables et innommables drames, et, pourtant, j’ai toujours été surprise de percevoir, de sentir que quelque chose en lui malgré tout survivait à ce qui aurait dû depuis bien longtemps le mettre à terre. Son échine ne s’est jamais brisée. C’est un peuple qui a appris à ressusciter ; habitué à vivre dans l’urgence, il ignore comment envisager l’avenir, le projeter, le construire. Il tient bon, s’en plus trop savoir pourquoi d’ailleurs.  Pour construire l’avenir il faut s’autoriser à rêver. Une futilité importée et refoulée. Mais un homme qui ne rêve pas est un homme fini.

Au pied de la grande poste, où que l’on regarde, on perçoit des visages souriants, ardents, affranchis de la peur. Ce sont désormais ces audacieux visages, ivres de la joie retrouvée, que j’ai envie de garder en mémoire. Tout le reste ne me semble être que tumulte et charivari de l’histoire. Il est pourtant bien rare que les manuels s’attardent ou capturent ces visages radieux qui font l’Histoire.

Il n’est évidement aucunement assuré que le dénouement de cet embrasement soit des plus heureux. Pourtant, souvent, le grand changement ne réside-t-il pas dans ce courage ultime à conjurer la peur ?