Retour d’expériences d’établissements de l’enseignement ... · La herse étrille est...
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Retour d’expériences d’établissements
de l’enseignement agricole
Le désherbage mécanique peut s’envisager comme l’une des possibilités techniques de
contrôle des adventices en complément ou en substitution des herbicides chimiques. Il permet
notamment d’éviter la sélection d’adventices résistantes aux herbicides.
En grandes cultures, trois outils de désherbage mécanique sont disponibles : la herse étrille,
la houe rotative et la bineuse. S’ils agissent de façon différente avec chacun des spécificités,
leur efficacité dépend surtout des conditions climatiques, de l’état et du type de sol, du stade
de développement des adventices et de la culture. Maîtriser le désherbage mécanique
demande donc l’adoption d’une approche multifactorielle, qui nécessite la mise en place de
pédagogies innovantes pour une compréhension du levier par les apprenants.
Les expériences des établissements publics locaux (EPL)
d’enseignement agricole du Pas-de-Calais et de
Quetigny Plombières-lès-Dijon en sont des
exemples.
Réduire l’usage des herbicides
grâce au désherbage mécanique
Témoignages des Directeurs d’exploitations
Geoffrey Billaut,
directeur de l’exploitation
de Tilloy-lès-Mofflaines
de l’EPL du Pas-de-Calais
« La plaine de l’Artois est un
secteur de grandes cultures à problématiques
multiples. La pomme de terre ou le pois de
conserve nécessitent une protection phytosanitaire
sans faille pour assurer le rendement, la qualité des
produits et l’économie des exploitations. De fait, les
résidus de produits phytosanitaires sont très
présents dans les eaux souterraines et de surface.
Nous connaissons par ailleurs, des phénomènes
de résistance des vulpins aux herbicides, sans
parler du coût croissant des produits. Si de plus en
plus d’agriculteurs du secteur souhaitent réduire
leurs IFT (Indices de Fréquence de Traitement), ils
manquent encore de références techniques sur
l’efficacité des leviers alternatifs.
En 2009, à l’entrée de l’établissement dans l’Action
16 Ecophyto I, nous avons débuté le désherbage
mécanique avec l’appui de l’Institut Technique de la
Betterave qui nous accompagne encore aujourd’hui
dans nos choix techniques. Deux ans plus tard,
trois systèmes de culture ont été mis en place : un
système innovant avec pour objectif de réduire de
50% les produits phytosanitaires, un système
témoin et un système d’expérimentation endivière.
Nous avons également étendu les pratiques de
désherbage mécanique. Le passage de la bineuse
sur colza et betterave sucrière s’avère assez
efficace. En 2015, l’achat d’une herse étrille
Treffler, nous a permis de poursuivre les tests de
l’efficacité du désherbage mécanique sur betterave,
pois de conserve et pomme de terre, et d’obtenir
des résultats très intéressants.
L’utilisation du désherbage mécanique demande un
investissement en temps de la part des salariés de
l’exploitation pour observer les adventices sur les
parcelles et être prêt à intervenir rapidement. Les
étudiants de BTS Agronomie Productions
Végétales sont mobilisés sur ces périodes, et
peuvent aider à la prise de décision. »
Lionel Raynard,
directeur de l’exploitation
de l’EPL de Quetigny
Plombières-lès-Dijon
« Les nappes superficielles concernent
la quasi-totalité de la plaine de Dijon et du Val de
Saône. Les bassins de captage sont nombreux et
alimentent en grande partie la ville de Dijon ; il y a
donc un enjeu fort de réduction des pollutions d’origine
agricole, aussi bien au niveau des produits
phytosanitaires que des nitrates. Si l’agriculture côte-
d’orienne s’est récemment diversifiée vers des filières
originales (moutarde, soja), une majorité
d’exploitations en grandes cultures pratique une
rotation ultra-simplifiée de type colza/blé/orge, qui a
engendré des problématiques de salissement des
parcelles et de résistance de certaines adventices. La
réduction des intrants entre peu à peu dans les
mœurs, par opportunisme – souscription à des
mesures agro-environnementales (MAE) – ou par le
fait d’une réelle prise de conscience.
L’exploitation de l’EPL de Quetigny considère depuis
longtemps que le levier chimique doit être actionné en
dernier recours. Avant le démarrage de l’Action 16
Ecophyto I, le binage était pratiqué de manière
irrégulière. En 2009, l’Action 16 a systématisé cette
pratique, venant compléter une batterie de leviers
agronomiques comme la mise en place d’une rotation
longue et optimisée, le décalage des dates de semis
en blé ou le faux semis. Presque toutes les cultures
sont désherbées mécaniquement, à la fois sur les
parcelles en système intégré et en bio. La herse étrille
est utilisée sur blé et orge de printemps. Nous avons
monté des buses sur le semoir pour pratiquer
l’herbisemis sur le rang pour la moutarde et le
tournesol. L’inter-rang quant à lui est biné
systématiquement.
Ces pratiques ont engendré une forte baisse des IFT
(Indices de Fréquence de Traitement) Herbicides tout
en conservant une marge située dans la moyenne
régionale. Les nombreuses potentialités des outils de
désherbage mécanique stimulent les salariés, qui
apprécient de les tester dans des situations
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Résultats du système de culture innovant
Sur le système de culture innovant, la réduction de l’utilisation
des produits phytosanitaires est satisfaisante. Depuis 2013,
l’IFT Herbicides du système connaît une baisse significative du
fait de l’usage plus fréquent du désherbage mécanique et de
l’acquisition de compétences pointues sur l’efficacité et l’usage
des matières actives.
Néanmoins, d’un point de vue économique, cette moindre
utilisation ne compense que partiellement les charges
engendrées par les passages d’outils mécaniques.
Le temps de travail a d’ailleurs sensiblement augmenté. Le
désherbage chimique avec un pulvérisateur de 27m de long
avançant à 12km/h est 12 fois plus rapide que les outils de
désherbage mécanique de l’exploitation d’Arras qui font 9m de long et avancent à 3km/h. L’optimisation du
temps de travail est donc un des nouveaux objectifs de ce système de culture.
De façon globale et au vu des objectifs fixés par le pilote, le système est satisfaisant. Les rendements des
différentes cultures sont en augmentation (sauf pour la pomme de terre qui a connu une année 2015
difficile) et la marge brute moyenne atteint 900€/ha.
EPL du Pas-de-Calais : utilisation de la herse étrille et de la bineuse
en complément de la lutte chimique
Elodie Craye, formatrice en agronomie au Centre de
Formation Professionnelle et de Promotion Agricole d’Arras
« Avec les apprenants en BPREA (Brevet Professionnel
Responsable d'Exploitation Agricole), nous devons aborder tous
les leviers de désherbage en 5-6 h et en faisant si possible du
terrain. C’est sportif ! J’utilise les supports disponibles. Si
l’opportunité se présente sur l’exploitation – passage de herse étrille
Treffler sur betterave ou pomme de terre par exemple –, nous allons
observer et décrypter l’opération technique sur place. Si cela n’est pas possible, j’utilise des
vidéos tournées au préalable sur l’exploitation.
Il faut réussir à faire comprendre aux apprenants que l’observation des adventices à des
stades très jeunes est cruciale pour un passage en mécanique. Or peu d’agriculteurs mettent
le genou à terre pour observer. Il y a souvent un blocage psychologique chez les apprenants
qui pensent qu’il y aura des pertes. Ils sont impressionnés qu’une culture puisse supporter un
passage mécanique… mais ils trouvent normal qu’elle supporte les produits phytosanitaires.
A l’avenir, j’aimerais mettre en place un suivi des adventices par les apprenants, en
comparant avant/après le désherbage mécanique ou chimique. On
associerait alors reconnaissance, méthode de comptage et
effet visuel. Les apprenants construiraient leurs savoirs par
eux-mêmes. »
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2013 2014 2015
Evolution de l'IFT Herbicides du système de culture innovant
de 2013 à 2015
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Bernard Bourgeon, enseignant en BTS Agronomie Productions Végétales (APV)
« Que ce soit en 1ère ou en 2ème année, les apprenants de BTS APV baignent dans les pratiques
alternatives de désherbage, dans le cadre des modules M58 « Itinéraires techniques », M59
« Systèmes de culture » ou encore des Projet d’Initiative et de Communication (PIC).
En 1ère année, les pratiques de désherbage mécanique de l’exploitation sont étudiées
sur blé, colza, maïs et luzerne. Je fournis aux apprenants un document qui résume
les avantages et inconvénients de chaque outil, pour chaque culture.
En 2ème année, les BTS APV découvrent des systèmes variés. Je considère
que c’est à partir de cas concrets que les apprenants peuvent construire leurs
savoirs. Nous allons chez quatre agriculteurs aux pratiques contrastées – de
l’intensif au bio – pour récolter des informations sur une demi-journée. Puis, en
classe, les apprenants établissent un mini-diagnostic à l’aide d’indicateurs de
durabilité.
Chaque année, un PIC est dédié aux pratiques de désherbage mécanique. Un
groupe d’apprenants organise un événement ouvert aux agriculteurs, avec
exposés en salle et démonstrations sur les parcelles de l’exploitation du
lycée.
Le poids des pratiques familiales est très important chez certains
apprenants et pour eux la démonstration économique des innovations est
cruciale. Les fermes visitées doivent pouvoir fournir les données
nécessaires à ces calculs. »
Résultats du système de culture intégré « SdC 30 »
Les IFT sont bien inférieurs à la moyenne régionale. La maîtrise du levier désherbage mécanique et la
combinaison avec la technique de l’herbisemis permettent une forte diminution de l’IFT Herbicides à
l’échelle du système, situé entre 0,5 et 1 (référence régionale 1,8).
Les risques pris en admettant une tolérance forte vis-à-vis de certaines adventices, au cours des trois
premières campagnes notamment, ont augmenté la pression de certaines comme la cirse des champs ou
la renouée, expliquant ainsi une lutte chimique plus intense en fin de succession culturale.
Si le rendement est pour certaines cultures
légèrement inférieur aux références locales,
les marges sont maintenues dans la
moyenne haute des analyses GEDA
(Groupes d'Etude et de Développement
Agricole). Le système de culture est
rentable.
Le temps d’observation nécessaire à
l’adaptation du désherbage fait partie de la
culture de la ferme. Les salariés sont
stimulés par les outils de désherbage
mécanique qui peuvent être testés dans
une diversité de situations.
EPL de Quetigny Plombières-lès-Dijon : désherbage précoce, binage,
herbisemis et impasses chimiques pour maîtriser la pression adventices
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2011 2012 2013 2014 2015
Evolution de l'IFT Herbicides du système de culture intégré "SdC 30" de 2011 à 2015
IFT H référence Grandes
cultures
… Enseigner autour du désherbage mécanique
Interroger les représentations des apprenants sur la notion de tolérance aux adventices. Les
sensibiliser à l’idée de « maîtrise » ou de « gestion » des adventices – plutôt que d’« élimination » – sur laquelle reposent les systèmes de culture innovants.
Problématiser pour questionner les objectifs de l’agriculteur son niveau de tolérance aux
adventices et plus largement sa conception de l’agriculture. Pourquoi les adventices posent-elles problème ? Comment limiter leur impact sur la culture ?
Présenter une diversité de situations que le professionnel peut rencontrer, en mobilisant différents
agriculteurs pour multiplier les points de vue et contextes où le désherbage mécanique est utilisé.
Sensibiliser à l’importance de l’observation et de la connaissance des adventices qui sont
indispensables pour déterminer l’outil de désherbage mécanique et son efficacité potentielle.
S’appuyer sur les agriculteurs ou des vidéos professionnelles pour aborder le volet technique et
le fonctionnement des outils.
Quelques enseignements pour ...
Pour aller plus loin :
Page du projet « Optimiser et promouvoir le désherbage mécanique en grandes cultures et pro-
duction légumière », site de l’ITAB : http://www.itab.asso.fr/programmes/desherbage.php
Dossier Ecophyto « Le désherbage mécanique en 5 questions » :
http://www.lutteintegree.com/IMG/UserFiles/Images/ecophyto_desherbage_mecanique.pdf
Site Infloweb « Connaitre et gérer la flore adventice » : http://www.infloweb.fr/
… Mobiliser le désherbage mécanique
Soigner l’implantation de la culture pour anticiper le passage des outils de
désherbage mécanique (écartement des rangs pour le passage de la bineuse, augmentation de la densité de semis pour compenser la perte de pieds, etc).
Utiliser l’outil - herse étrille, houe rotative ou bineuse - adapté au type de sol, au
type et au stade de développement de la culture et des adventices. Combiner les outils pour exploiter leurs particularités et atouts au maximum.
Rechercher un sol nivelé, rappuyé, meuble et ressuyé pour et optimiser la
pénétration des outils dans le sol. Intervenir rapidement après le semis (3 à 7 jours) pour favoriser le décalage des stades entre la culture et les adventices.
Surveiller le développement de la culture et des adventices et ne pas sous-estimer
la vitesse de développement des adventices.
Cette fiche-expérience a été réalisée en décembre 2016
par Opaline LYSIAK et le CEZ-Bergerie nationale de
Rambouillet, dans le cadre de l’Action 16 Ecophyto I.
Contact : Julie BLUHM – [email protected] –
01 61 08 68 32 – Bergerie nationale de Rambouillet -
Parc du Château - CS40609 - 78514 Rambouillet Cedex
Pour en savoir plus sur l’Action 16 Ecophyto I :
http://www.adt.educagri.fr/exploitations-et-ateliers-
technologiques/ecophyto/ecophyto-action-16/
Crédits photos et illustrations : EPL du Pas-de-Calais
et de Quetigny Plombières-lès-Dijon.