Resume These More No

download Resume These More No

of 21

Transcript of Resume These More No

  • 8/14/2019 Resume These More No

    1/21

    1

    cole des Hautes Etudes en Sciences Sociales

    Formation Doctorale Musique Histoire Socit

    MTHODES ALGBRIQUES EN MUSIQUE ETMUSICOLOGIE DU XXe SICLE:

    ASPECTS THORIQUES, ANALYTIQUES ETCOMPOSITIONNELS

    Moreno ANDREATTA

    RSUMde la thse soutenue le

    12 dcembre 2003 avec la mention

    trs honorable et les flicitations du jury lunanimit

    Jury de thse

    Alain POIRIER (CNSMDP): directeur de thseGuerino MAZZOLA (Universit de Zrich): rapporteurJohn RAHN (Universit de Washington): rapporteur

    Grard ASSAYAG (IRCAM): examinateurMarc CHEMILLIER (Universit de Caen): examinateurJean PETITOT (EHESS): examinateur

  • 8/14/2019 Resume These More No

    2/21

    2

    Note prliminaire sur le contexte du travail de thse

    La thse reprsente le prolongement et, pour certains aspects, laboutissement dun travail de rechercheque je mne depuis plusieurs annes autour du rapport entre mathmatiques et musique. Ce domaine a tdabord lobjet dune Tesi di Laurea en mathmatiques [ANDREATTA 1996], travail dans lequel jaicommenc tudier le problme de la formalisation algbrique de la structure musicale des canons rythmiquesen mappuyant sur le modle propos par le mathmaticien Dan T. Vuza [VUZA 1991] partir de certainesides thoriques du compositeur roumain Anatol Vieru [VIERU 1980]. Jai ainsi mis en vidence pour lapremire fois lorigine lointaine de ce problme mathmatique qui remonte une conjecture gomtriquedHermann Minkowski [MINKOWSKI 1896, 1907] rsolue avec les outils de lalgbre par le mathmaticienhongrois G. Hajs [HAJS 1942] mais dont certaines gnralisations gardent toujours un intrt certain pour lesmathmaticiens [AMIOT 2004].

    Jai ensuite poursuivi ltude de ce modle en essayant de lintgrer une approche plus gnrale sur la

    musique, comme celle propose par le thoricien et mathmaticien suisse Guerino Mazzola partir des annes1980 [MAZZOLA 1984]. Cette approche est dcrite en dtail dans un rcent ouvrage auquel jai particip avecune contribution sur les mthodes algbriques en musique [MAZZOLA 2003]. La thorie mathmatique de lamusique de Mazzola a t lobjet dun mmoire de D.E.A. [ANDREATTA 1999] dans lequel jai galementcommenc traiter le problme de limplmentation des thories algbriques dans un environnement daide lanalyse et la composition assiste par ordinateur. Cet axe de recherche a t dvelopp en collaborationtroite avec lEquipe Reprsentations Musicales de lIRCAM, mon laboratoire daccueil partir de 1999 etpendant toute la dure de la thse. Nous avons ainsi accompagn la recherche thorique avec un travaildimplmentation doutils algbriques en OpenMusic, un langage de programmation visuelle dvelopp parlEquipe Reprsentations Musicales [AGON 1998].

    Dans le mme temps, ltude dtaille de la thorie mathmatique de la musique de Mazzola a permis

    dattirer lattention du public francophone sur une approche qui restait assez mconnue et difficilementaccessible sans une solide formation mathmatique. Cest ainsi que nous avons pu envisager une collaborationentre le groupe de recherche dirig par Mazzola (Universit de Zrich, T-U Berlin) et lIRCAM, collaborationqui a t la base de la cration de deux Sminaires dtudes lIRCAM: dabord le Sminaire MaMuPhi(Mathmatique/Musique et Philosophie), sous la direction de Grard Assayag, Franois Nicolas et GuerinoMazzola et ensuite le Sminaire MaMuX (Mathmatiques/Musique et relations avec dautres disciplines), que jai conu et que je coordonne depuis novembre 2001. Ces Sminaires dtudes, ainsi que dautresmanifestations que jai co-organises (comme le rcent Colloque International Autour de la Set Theory dansle cadre des rencontres Rsonances 2003), ont t fondamentaux dans la bonne russite du travail de thse.

    1. Rsum la thse

    La thse contient deux aspects troitement lis. Premirement, il sagit dune tude historique,qui vise retracer lmergence du concept de structure algbrique en musique et musicologie

    du XXe sicle. De ce point de vue, le travail a t salu par le jury comme la premiremonographie ddie lapproche algbrique en musique et musicologie dans ses aspects la

    fois thoriques, analytiques et compositionnels. En effet, bien que dautres tudes aient pris en

    considration les mthodes algbriques dans la recherche musicale ( partir de[CHEMILLIER 1990] jusqu [MAZZOLA 2003]), il ny avait pas douvrage qui abordait

    une discussion la fois historique et technique sur la place des structures algbriques en

  • 8/14/2019 Resume These More No

    3/21

    3

    musique, avec une articulation permanente entre les aspects thoriques, analytiques et

    compositionnels (et dans une perspective visant intgrer aussi bien les propositions

    thoriques en Europe et en Europe de lEst que dautres traditions, comme celle de lamusicologie amricaine).

    Deuximement, la thse contient les rsultats de mes recherches sur quelquesproblmes thoriques en musique susceptibles dintresser aussi bien les musicologues et les

    compositeurs que les mathmaticiens et les informaticiens. la diffrence de lapproche

    traditionnelle dans ltude des rapports entre mathmatiques et musique, consistant discuterlapplication doutils mathmatiques au domaine musical, nous avons choisi de partir des

    problmes poss par la musique afin dessayer de mettre en vidence la place singulire desmthodes algbriques dans la musicologie du XXe sicle.

    Lutilisation des mthodes algbriques en musique met en uvre trois aspects qui sontsouvent troitement lis: aspects thoriques, analytiques et compositionnels. Dans notre

    travail, nous avons propos de les sparer afin de mettre en vidence leurs propres modes defonctionnement, la fois musical et musicologique. Mais nous avons galement insist plusieurs reprises sur le caractre trs limitatif dune telle catgorisation qui prtendrait

    dfinir les champs possibles dapplication de toute mthode algbrique la musique ou lamusicologie. Il est bien connu quau XXe sicle, thorie musicale, analyse et composition sont

    des disciplines qui sinfluencent mutuellement. Toute tentative de sparer ces trois domaines

    se heurte des difficults qui sont particulirement frappantes dans le cas de lapprochealgbrique.

    Une analyse historique de lmergence de lapproche algbrique en musique met en

    vidence la place centrale occupe par certains compositeurs/thoriciens qui nont pas hsit proposer des applications analytiques de leurs dmarches thoriques et compositionnelles.Notre tude se concentre, en particulier, sur trois compositeurs/thoriciens qui sont

    emblmatiques de la place de la rflexion thorique sur la musique, non seulement dans ses

    ramifications analytiques et compositionnelles, mais aussi dans son caractre minemmentalgbrique. Milton Babbitt aux Etats-Unis, Iannis Xenakis en Europe et Anatol Vieru en

    Europe de lEst reprsentent une trinit de compositeurs/thoriciens, lalgbre tantllment unificateur de leur pense thorique, analytique et compositionnelle. Tous les trois

    sont arrivs, presque au mme moment et dune faon indpendante, la dcouverte du

    caractre algbrique du temprament gal. Plus prcisment, ils ont mis en vidence la notionmathmatique de groupe en tant que concept unificateur de leur pense thorique.

    Ces trois dmarches thoriques ont par contre eu des influences diffrentes danslanalyse musicale. Aux Etats-Unis, les ides de Milton Babbitt sont la base de la Set

    Theory, une discipline analytique dont certains dveloppements rcents, notamment autour dela thorie transformationnelle de David Lewin, ont pouss la formalisation algbrique trs

    loin des ides originaires. Dans le cas dAnatol Vieru, les ressemblances avec la Set Theory

    ont t mises en vidence par le compositeur lui-mme qui a donn une analyse trs lucide delimportance dune dmarche algbrique en thorie et analyse musicale. la diffrence des

    deux compositeurs prcdents, une application analytique des thories algbriques proposespar Iannis Xenakis, partir de la thorie des cribles, change radicalement la notion danalyse

  • 8/14/2019 Resume These More No

    4/21

    4

    musicale en ouvrant le champ ce quon appelle dsormais lanalyse musicale assiste par

    ordinateur (AAO). Linformatique musicale et lanalyse musicale assiste par ordinateur ont

    reprsent un axe transversal dans ce travail de thse sur les mthodes algbriques enmusique. Limplmentation de nombreux outils thoriques daide lanalyse musicale dans

    un langage de programmation visuelle tel quOpenMusic1

    ouvre le problme de lacalculabilit dune thorie musicale et transforme, progressivement, la nature mme de la

    discipline musicologique. Un des enjeux de ce travail de thse a t de discuter les

    fondements dune nouvelle approche en musicologie qui ajoute llment computationnel aucaractre systmatique de la discipline, telle quelle sest constitue vers la fin du XIXe

    sicle. Nous avons ainsi essay de dfinir quelques lments majeurs de ce quon appelledsormais la musicologie computationnelle partir des propositions thoriques concernant

    lapproche algbrique en musique.Les mthodes algbriques sadaptent trs bien cette dmarche computationnelle et

    permettent en mme temps de rsoudre, dune faon trs lgante, certains problmesclassiques concernant lnumration et la classification des structures musicales. Bien quecertaines techniques puissent se gnraliser dautres paramtres que les hauteurs ou les

    rythmes, la dmarche algbrique en musique reste ancre dans la notion traditionnelledintervalle. De ce point de vue, notre travail a une porte limite car il se concentre sur les

    proprits dorganisation des hauteurs dans un espace tempr dont on essaie de fournir une

    interprtation possible de certains noncs dans le domaine rythmique. Cela correspond aussi une proccupation majeure des trois compositeurs/thoriciens qui ont tous propos des

    lectures algbriques diffrentes de la relation existant entre lespace des hauteurs et lespace

    des rythmes.Toutes ces approches reposent sur des cadres conceptuels relativement lmentaires

    dun point de vue mathmatique car la structure algbrique sous-jacente est

    fondamentalement une structure de groupe. Cependant, des mthodes algbriques plus

    rcentes, et en particulier les mthodes dveloppes par le mathmaticien et thoricien suisseGuerino Mazzola partir de la thorie mathmatique des catgories [MacLANE 1997],

    offrent la musicologie computationnelle un norme pouvoir dabstraction et deformalisation. Nous avons montr dans la thse comment la gnralisation de la Set Theory

    amricaine par David Lewin et le modle thorique propos par Guerino Mazzola se

    rejoignent en postulant la primaut de la notion de transformation sur celle dobjetmusical. Ce changement de perspective, qui est implicite dans toute dmarche algbrique,

    est riche de consquences philosophiques, car il ouvre une question fondamentale sur lerapport entre objets mathmatiques et structures musicales.

    1 Ce langage de programmation, dvelopp par lEquipe Reprsentations Musicales de lIrcam[ASSAYAGetal.1999], tait initialement conu pour la composition assiste par ordinateur mais il est de plusen plus employ comme outil analytique, comme nous aurons loccasion de le montrer en prsentantlenvironnement algbrique daide lanalyse musicale que nous avons conu dans le cadre de la thse.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    5/21

    5

    1.1 Structure de la thse

    La thse est divise en trois parties. Chaque partie dveloppe un des trois aspects majeurs des

    mthodes algbriques en musique et musicologie du XXe sicle (aspects thoriques,

    analytiques et compositionnels) tout en essayant de discuter leur articulation permanente. Enconclusion de chaque partie, une section appele Interludium permet de rentrer un peu plus endtail sur certains aspects mathmatiques et informatiques de la relation entre mathmatiques

    et musique.

    1.1.1 Premire partie

    La premire partie, intitule Aspects thoriques: Formalisation et reprsentation desstructures musicales, est consacre certains aspects thoriques des mthodes algbriques

    en musique et musicologie. partir des propositions thoriques de Milton Babbitt, IannisXenakis et AnatolVieru, nous avons choisi de placer le problme de la formalisation etreprsentation des structures musicales lintrieur dune discussion sur la musicologie

    systmatique afin de mieux montrer la double porte musicale et musicologique de ladmarche algbrique. En effet, ltude des aspects thoriques des mthodes algbriques en

    musique et musicologie soulve une double question. Tout dabord, dun point de vue

    musicologique, une telle rflexion demande une enqute autour de la nature systmatique dela discipline. Nous sommes donc remonts aux sources dune telle dmarche en musicologie

    telle quelle sest prcise tout dabord en Europe [ADLER 1885] et par la suite aux Etats-

    Unis [SEEGER 1977]. Deuximement, nous avons discut larticulation entre musicologie etrflexion thorique sur la musique, en particulier autour de la naissance, aux Etats-Unis, duconcept de thorie de la musique au sens moderne (music theory).

    Cette rflexion savre ncessaire pour comprendre la porte musicologique du

    problme de la formalisation algbrique des structures musicales et de leurs reprsentations.Les deux figures suivantes montrent deux exemples de reprsentation algbrique du systme

    tempr traditionnel: la reprsentation circulaire et la reprsentation torodale. Les deuxreprsentations sont quivalentes dun point de vue mathmatique (Thorme de Sylow) mais

    elles nont pas t intgres au mme titre dans les propositions thoriques dveloppes au

    cours du XXe sicle. Dans le cas de la reprsentation circulaire, lhypothse sous-jacente estcelle qui permet de formaliser tout accord musical (dans une division de loctave musicale en

    un nombre n de parties gales) comme un sous-ensemble dun groupe cyclique dordre n.Tout accord de m notes (distinctes, modulo loctave) peut donc se reprsenter dun point de

    vue gomtrique comme un m-polygone inscrit dans un cercle et on peut lui associer de faonunique une suite de nombres entiers qui comptent les intervalles successifs dans laccord

    (structure intervallique). Une telle structure intervallique est un invariant qui permet

    didentifier de faon unique un accord et ses transpositions (musicales), celles-ci tant des

    rotations du polygone inscrit dans le cercle dun multiple de 2/n (o n est lordre du groupe

    cyclique). La figure suivante (figure 1) montre la reprsentation circulaire et la structureintervallique de laccord de do majeur.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    6/21

    6

    Figure 1 : Reprsentation circulaire et structure intervallique

    Une reprsentation gomtrique alternative de lespace tempr douze degrs est donne parle tore, une structure qui utilise, comme nous lavons mentionn, un thorme de

    dcomposition du groupe cyclique Z/12Z dans le produit du groupe Z/3Z dordre 3 et dugroupe Z/4Z ayant quatre lments. La construction de la reprsentation torodale du

    temprament est dcrite dans la figure suivante:

    Figure 2 : Reprsentation torodale de Z/12Z

    La thse montre galement comment ce deuxime type de reprsentations peutsinscrire dans un contexte thorique plus large issu de la thorie mathmatique des

    catgories, une approche qui a surtout t dveloppe par Guerino Mazzola et auquel nousavions dj consacr un travail danalyse dans le cadre du mmoire de DEA [ANDREATTA

    1999]. La discussion sur larticulation entre la notion de formalisation et celle dereprsentation, que nous avons aborde dans la partie conclusive du premier chapitre de la

    thse, met en vidence une singularit de la dmarche algbrique par rapport dautres

    approches formalises en thorie musicale. Traditionnellement, la reprsentation prcde laformalisation, au sens quon formalise ce quon sait dj reprsenter. Dans le cas de la

    dmarche algbrique, la reprsentation circulaire aussi bien que la reprsentation torodalesont plutt les rsultats dune formalisation qui montre la possibilit dassocier de faon

  • 8/14/2019 Resume These More No

    7/21

    7

    naturelle toute division bien tempre de loctave une structure algbrique de groupe

    cyclique laquelle on peut appliquer des thormes dalgbre qui permettront daboutir

    dautres types de reprsentations (comme, par exemple, la reprsentation torodale).Une enqute parallle autour de certaines tapes de la pense algbrique en

    mathmatiques savre donc ncessaire pour bien articuler la rflexion sur le rapport entreformalisation et reprsentation. Au mme temps elle permet de mieux comprendre la place

    des trois compositeurs/thoriciens tudis, par rapport au problme de lmergence de lide

    de structure algbrique en musique. En effet, lhistoire des mathmatiques montre que,presque la mme poque que la rflexion de Guido Adler sur le caractre systmatique de la

    recherche musicologique, les mathmaticiens ouvraient une rflexion qui dpassera largementle cadre de leur propre discipline. Notre regard rtrospectif sur les tapes de la pense

    algbrique en mathmatiques a mis en vidence certains lments qui ont reprsent,historiquement, le point de dpart dune rflexion thorique sur les fondements algbriques de

    la musique, une rflexion que lon a articule autour de la formalisation et des reprsentationsdes structures musicales. Pour cela, nous avons dabord analys lvolution du concept destructure algbrique partir du Programme dErlangen de Felix Klein (1872) jusquaux

    dveloppements les plus rcents sur la thorie mathmatique des catgories, en passant parlaxiomatique hilbertienne et lexprience Bourbakiste, deux moments de la pense

    mathmatique contemporaine qui ont influenc de faon dcisive la naissance et lvolution

    de la thorie de la musique au sens moderne. Nos recherches ont permis galement de mettreen vidence la nature algbrique de certaines orientations formelles en analyse musicale, en

    particulier en ce qui concerne la Set Theory amricaine (en tant que discipline musicologique

    issue des ides des thoriciens tels que Milton Babbitt, Allen Forte et David Lewin). Cetteapproche, encore mconnue en France, a t analyse en dtail dans la deuxime partie de lathse.

    Dans lInterludium qui conclut la premire partie, nous sommes rentrs dans lun des

    problmes musicaux qui a le plus fascin la fois thoriciens de la musique, compositeurs etmathmaticiens: celui de la classification des sries dodcaphoniques tous-intervalles. Ces

    sries ont la proprit remarquable de contenir tous les intervalles entre les notes successives(sauf lintervalle 0 qui nest pas autoris car une srie dodcaphonique nadmet pas de

    rptition de notes). Gnralement, on considre louvrage Grundlagen der musikalischen

    ReihentechnikdHerbert Eimert [EIMERT 1964] comme la premire tude systmatique desproprits des sries dodcaphoniques tous-intervalles, car il contient le catalogue complet

    des 1928 sries ayant cette proprit remarquable.Cependant, au-del de lexhaustivit, la dmarche dEimert ne semble pas donner une

    indication prcise sur la stratgie employe dans l'tablissement dun tel catalogue. Lesrecherches menes presque la mme poque par Andr Riotte en France puis par Robert

    Morris et Daniel Starr aux Etats-Unis ont permis de mieux comprendre le caractre algbrique

    sous-jacent un tel problme thorique, tout en gardant laspect computationnel de ladmarche telle que Eimert lavait envisage. Cependant, contrairement ce quon pense

    habituellement, le problme dtablir des sries tous-intervalles nest pas li lorigine latechnique dodcaphonique. Le trait de modulation du compositeur danois Thorvald

  • 8/14/2019 Resume These More No

    8/21

    8

    Otterstrm [OTTERSTRM 1935] offre en effet un catalogue exhaustif des sries tous-

    intervalles tablies partir de considrations sur la nature combinatoire du systme tempr,

    mais sans aucune rfrence la technique srielle. Lanalyse des stratgies thoriquesdveloppes dans cet ouvrage nous a permis doffrir un bon exemple de formalisation

    algbrique dun problme musical qui a merg de considrations diffrentes de celles quisimposeront par la suite dans la recherche musicale.

    1.1.2 Deuxime partie

    La deuxime partie de la thse, intitule Aspects analytiques: la place des mthodes

    algbriques dans lanalyse musicale au XXe sicle, est consacre aux aspects analytiques

    des mthodes algbriques en musicologie, dans ses articulations avec les aspects thoriquesdcrits dans la premire partie. Afin de mieux comprendre la place des mthodes algbriques

    en analyse musicale, nous avons essay de dfinir une typologie minimale des approches

    analytiques formalises au XXe sicle. Cette typologie, qui ne prtend pas lexhaustivit,identifie quatre catgories de la pense analytique ayant donn une place centrale la notion

    de formalisation des structures musicales: approches informationnelles, smiotiques,gnratives et algbriques. Au-del du caractre limitatif dune telle typologie, qui ne prtend

    pas recenser toutes les approches formelles en analyse musicale, cela prsente nanmoinslavantage de dgager certaines catgories majeures de la pense analytique au XXe sicle et

    doffrir quelques lments pour comprendre la singularit dune dmarche analytique de typealgbrique. lintrieur de lapproche algbrique en analyse musicale, deux thories ont

    acquis une place considrable dans la rflexion analytique contemporaine: la Set Theory et

    lanalyse transformationnelle.Nous avons approfondi tout dabord ltude de la Set Theory dAllen Forte [FORTE

    1973], une thorie musicologique qui a subi des dveloppements considrables dans lesdernires annes tout en laissant apparemment la France en dehors de cet intressant dbat.

    la diffrence des prsentations traditionnelles de la Set Theory, comme celle dAllen Forte, lathorie des ensembles de classes de hauteurs se prte trs bien tre intgre dans une

    approche algbrique qui utilise pleinement les potentialits de la reprsentation circulaire du

    temprament gal. Cette dmarche nous a permis dintroduire galement les concepts de basede lanalyse transformationnelle, telle que David Lewin la conue partir notamment dune

    algbrisation des outils de base de la Set Theory.Nous avons tudi en dtail ce processusqui a conduit la dfinition dune nouvelle mthodologie en analyse musicale, dont les

    ramifications mathmatiques sont loin dtre puises. Lanalyse transformationnelle consiste

    segmenter une partition de musique travers un recouvrement de sous-ensembles qui sontlis par des oprations musicales de transposition et dinversion [ANDREATTA et SCHAUB

    2003]. Elle permet ainsi de crer un espace abstrait de relations de transpositions etdinversion entre les accords qui peut dcrire le droulement temporel de la pice

    ( progression transformationnelle) ou bien une organisation hors temps, pour reprendre laterminologie de Iannis Xenakis, des transformations algbrico/musicales (rseau

    transformationnel).

  • 8/14/2019 Resume These More No

    9/21

    9

    La figure suivante (Figure 3) montre un exemple dune dmarche transformationnelle

    dans le cas de lanalyse du Klavierstck IIIde K. Stockhausen par David Lewin [LEWIN

    1993], une analyse que nous avons reprise en utilisant la reprsentation circulaire pour mettreen vidence les transformations musicales qui permettent de dcrire la partition partir dune

    mme structure de pentacorde. Ces transformations ne changent pas la nature ensemblistedu pentacorde, car les cinq formes sont quivalentes une transposition ou une inversion

    prs (ou une combinaison des deux oprations).

    Figure 3 : Segmentation de la pice par des transformations dun mme pentacorde

    Lanalyse transformationnelle ouvre galement des perspectives mathmatiquesnouvelles lorsquelle est envisage sous langle de la thorie des catgories. La thse suggre

    comment procder pour donner une formulation catgorielle certains rseaux

    transformationnels particuliers en sappuyant sur la thorie mathmatique de la musiquedveloppe par Guerino Mazzola dans louvrage The Topos of Music [MAZZOLA 2003].

    Mais au-del des aspects minemment thoriques, la Set Theory et lanalysetransformationnelle ouvrent le problme de la place occupe par lordinateur dans la

    recherche musicologique contemporaine. Cet aspect a t dvelopp en dtail dans

    lInterludium qui conclut la deuxime partie et qui prsente notre formalisation algbrique desconcepts de base de la Set Theory ainsi que limplmentation que nous en avons ralise en

    OpenMusic. Limplmentation a t conue en collaboration avec Carlos Agon, informaticienet chercheur lIRCAM, et Killian Sprotte, compositeur, et a t intgre dans la dernire

    version de ce logiciel (2003). Il sagit dune architecture paradigmatique, dans le sens quelimplmentation permet lanalyste de choisir son propre critre dquivalence entre

    structures daccords en utilisant comme paradigmes danalyse les diffrents groupes que

    lon peut choisir de faire oprer sur lensemble des notes.En particulier, nous avons implment les relations dquivalence (donc les catalogues

    daccords) induites par laction de quatre groupes sur lensemble des notes dun tempramentmusical choisi: le groupe cyclique (ou paradigme de lquivalence une transposition

    musicale prs), le groupe dihdral (paradigme de la Set Theory, i.e. quivalence unetransposition et une inversion musicale prs), le groupe affine (quivalence une

  • 8/14/2019 Resume These More No

    10/21

    10

    multiplication prs) et groupe symtrique (quivalence une permutation prs). Larchitecture

    paradigmatique de cet environnement est dcrite dans la figure suivante qui montre les

    reprsentations circulaires et les structures intervalliques associes aux diffrentes classesdquivalence dun mme accord (figure 4):

    Figure 4 : Architecture paradigmatique de la librairie Groups. Un accord est rduitprogressivement et visualis selon des relations dquivalence induites par quatre groupes

    diffrents.

    La figure suivante (figure 5) montre la distribution symtrique du nombre de classesde transposition daccords dans le systme tempr 12 et 24 degrs:

    Figure 5 : Nombre de classes de transpositions daccords dans le systme tempr 12 et 24

    degrs.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    11/21

    11

    Le catalogue des possibilits se rduit en considrant laction du groupe dihdral Dn sur Z/nZ,

    comme le montre la figure suivante (figure 6):

    Figure 6 : Distribution du nombre d'orbites sous laction de Dn dans le cas de la division de

    l'octave en 12 et en 24 parties gales.

    Ces outils informatiques que nous avons dvelopps dans notre travail de thse

    ouvrent des questions nouvelles sur lanalyse assiste par ordinateur et, dans le mme temps,

    offrent aux compositeurs la possibilit de mettre en relation les proprits combinatoires dunespace tempr n degrs (i.e. une division de loctave musicale en n parties gales)avecltude des structures rythmiques priodiques. La thorie des canons rythmiques de pavage,

    que nous avons dcrite en dtail dans la troisime partie de la thse, reprsente un aspect de

    cette analogie structurale.

    1.1.3 Troisime partie

    La troisime partie, intitule Aspects compositionnels: thorie des groupes et combinatoiremusicale, examine quelques applications compositionnelles des mthodes algbriques. Cette

    partie offre donc loccasion de reprendre, dans une nouvelle perspective, les dmarches destrois compositeurs dont nous avons tudi quelques propositions thoriques au cours de la

    premire partie. Dans le cas de Milton Babbitt, nous avons pu montrer comment la notion

    mathmatique de partition, en tant que recouvrement dun ensemble avec des sous-ensembles disjoints, offre le cadre naturel pour tudier deux concepts thoriques sur lesquels

    nous avons beaucoup insist dans la premire partie : la combinatorialit (en particulier, auniveau des ensembles de trois, quatre et six notes) et le systme des time-points. Nous avons

    analys lapplication compositionnelle de ce concept dans deux pices pour piano quiappartiennent deux priodes diffrentes de la production musicale de Milton Babbitt:

    Partitions (1957) et Post-Partitions (1966). Nous avons ainsi propos au public

  • 8/14/2019 Resume These More No

    12/21

    12

    musicologique franais quelques lments pour comprendre limportance, dans lhistoire de la

    musique du XXe sicle, dun compositeur qui reste, somme toute, assez mconnu en France.

    Clestin Delige semble hsiter sur la possibilit de parler, dans le cas du compositeuramricain, des combinatoires hauteurs-dures, le problme tant lindpendance que [le

    compositeur] entend donner au processus des dures [DELIEGE 2003, 587]. Pourtant,comme nous avons pu le montrer dans la thse, lindpendance nest quun piphnomne par

    rapport la nature algbrique qui sous-tend aussi bien lunivers des hauteurs que le domaine

    des rythmes. Ces ides avaient dj trouv une application dans la pratique compositionnellede Babbitt ds la deuxime moiti des annes quarante, en particulier dans les Trois

    compositions pour piano (1947-48). Il sagit dun moment important dans lhistoire de lamusique du XXe sicle car, dans la mme priode, Olivier Messiaen cre lvnement,

    pour reprendre une expression de Clestin Delige, avec la pice Mode de valeurs etdintensits (1949). Cette pice a eu une influence considrable sur toute une gnration de

    compositeurs auxquels on doit le dbut de la rflexion en Europe sur la srie gnralise.Nous avons pu avancer une hypothse sur une possible influence de Babbitt sur la conceptionmme de cette troisime pice des Quatre tudes de rythme, dont laudace semble contredire

    le caractre pondr du compositeur franais [DELIEGE 2003, 101]. Cette hypothse estcorrobore par une conversation que nous avons eue avec Milton Babbitt qui nous a confirm

    avoir particip aux cours de composition tenus par Olivier Messiaen Tanglewood en 1948,

    donc avant la ralisation de la pice Mode de valeurs et dintensits. En effet, les deuxpremires tudes de rythmes ont t composes aux Etats-Unis, comme le frontispice de la

    partition lindique. Lindication Darmstadt - 1949 sur la partition de Mode de valeurs et

    dintensits confirme que la pice a t effectivement compose aprs la rencontre entreMessiaen et Babbitt.

    Nous avons analys une deuxime application compositionnelle des thories

    algbriques, sans doute influence par les ides de Messiaen (et galement par la

    combinatoire de Babbitt, si nous acceptons lhypothse prcdente) qui est propose parIannis Xenakis dans la piceNomos Alpha pour violoncelle solo (1966). Pour cela nous avons

    utilis linformatique qui nous a permis de mettre en vidence un aspect peu tudi dans larecherche musicale contemporaine, savoir larticulation entre thorie et analyse du

    processus compositionnel. Limplmentation des mthodes algbriques utilises par Iannis

    Xenakis dans Nomos Alpha montre lintrt musicologique de la modlisation du processuscompositionnel, une stratgie analytique qui permet dtudier lensemble des potentialits

    dune uvre parmi les plus riches du rpertoire contemporain (en ce qui concerne les aspectsmathmatiques). La modlisation informatique de Nomos Alpha a permis de mettre en

    vidence certaines proprits du processus de Fibonacci que Xenakis utilise dans le groupedes rotations du cube, proprits qui ne sont pas videntes dmontrer dun point de vue

    mathmatique et qui ont des retombes musicologiques trs significatives.

    Les chanes engendres par un processus de Fibonacci appliqu aux 24 rotations ducube ont toujours un comportement cyclique duquel il nest pas vident de donner a priori la

    priode (longueur) ni le nombre dlments diffrents (degrou taux de recouvrement).Pourtant, une implmentation montre que dans un espace de 576 possibilits, les boucles de

  • 8/14/2019 Resume These More No

    13/21

    13

    Fibonacci ayant une longueur maximale (gale 18) et le plus grand taux de recouvrement

    (gal 13) reprsentent un sous-ensemble suffisamment riche, car il contient 216 lments

    (cest--dire le 37,5% du total).Xenakis a choisi ses boucles de Fibonacci lintrieur de ce sous-ensemble et cest

    prcisment ce choix qui dtermine la forme globale de la pice, divise en 18 parties, chaquepartie correspondant un lment du groupe des rotations i.e. une permutation des huit

    sommets du cube (donc une suite bien dfinie dobjets musicaux que le compositeur appelle

    complexes sonores). La suite de Fibonacci de longueur et degr maximaux utilise par lecompositeur est reprsente en figure 7 dans la modlisation ralise en OpenMusic (et selon

    la notation adopte par Xenakis).Notons que la modlisation informatique permet dobtenir dautres variantes de la

    pice simplement en utilisant des sries cycliques de Fibonacci diffrentes mais ayant lesmmes proprits structurales. Cette dmarche a galement un intrt dun point de vue

    musicologique car le compositeur a souvent soulign la possibilit dutiliser dautres sries deFibonacci. Une tude mathmatique des sries de Fibonacci gnralises (i.e. valeurs dansun groupe) reste un sujet ouvert de recherche musicale qui a, selon nous, un vritable intrt

    dun point de vue mathmatique. Il pourrait galement avoir des applications musicales tout fait nouvelles notamment via linformatique, do lintrt dimplmenter ce processus dans

    un environnement daide lanalyse et la composition assistes par ordinateur.

    Figure 7: Groupe de rotations du cube et processus de Fibonacci associ induisant unepermutation des huit sommets du cube dans limplmentation ralise en OpenMusic (selon la

    notation de Xenakis). La srie des 18 transformations doit tre lue du bas vers le haut, donc partir de deux transformations d et q12.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    14/21

    14

    Limplmentation permet de crer des multiples variantes de la pice, variantes qui

    dpendent des transformations initiales utilises pour engendrer le processus de Fibonacci surle groupe des rotations du cube. Linformatique devient ainsi un lment fondamental pour

    pouvoir tudier le degr de perceptibilit du processus compositionnel utilis par lecompositeur. Cest une question qui est tout fait transposable dautres stratgies

    compositionnelles utilises par plusieurs thoriciens dont nous avons commenc analyser

    quelques aspects dans le travail de thse. Cela nous a convaincu de la ncessit daborder cetype de questions en essayant dtablir une articulation permanente entre recherche

    mathmatique et implmentation des rsultats thoriques dans un environnement daide lanalyse et la composition assiste par ordinateur.

    Dans le cas du compositeur roumain Anatol Vieru, nous avons analys lutilisation dela thorie des suites modales dans deux pices: la Symphonie n.2 et Zone doubli. La thse

    contient galement les rsultats thoriques des nos recherches sur les suites modales, uneapproche compositionnelle que Vieru navait pas pu formaliser intgralement. En travaillantavec le mathmaticien Dan T. Vuza, nous avons donn une caractrisation algbrique du

    processus dengendrement des suites priodiques par le calcul des diffrences finies. Cesrecherches ont fait lobjet dune publication avec Dan T. Vuza dans une revue de

    mathmatique [ANDREATTA et VUZA, 2001] et dune collection doutils informatiques

    intgrs dans la librairie dOpenMusic dont nous avons discut larchitecture paradigmatiquedans la partie prcdente.

    Nous avons galement analys une application compositionnelle rcente de la thorie

    modale dAnatol Vieru. Il sagit du problme de la construction de canons rythmiques quiavait aussi intress Olivier Messiaen et qui a constitu le point de dpart dun travail decollaboration avec le compositeur George Bloch. Ce travail, men dans le cadre dune

    invitation comme compositeur en recherche auprs de lEquipe Reprsentations Musicales

    de lIrcam, a permis de suivre de prs la relation oblique entre le travail de compositeur etla formalisation algbrique. En effet, la thorie de Vuza offre la possibilit de trouver

    explicitement des factorisations pour un groupe nayant pas la proprit de Hajs, mais elle nesintresse pas lespace combinatoire des solutions. Nous avons donn une classification

    exhaustive des solutions dans le cas de la factorisation du groupe cyclique Z/72Z en deux

    sous-ensembles non priodiques, cet ordre tant le plus petit pour un groupe nayant pas laproprit de Hajs2. Cette classification a t faite par rapport laction de trois groupes

    diffrents sur le groupe cyclique dordre 72, considr comme ensemble: le groupe cyclique,le groupe dihdral et le groupe affine. Dans le premier cas, la famille des sous-ensembles R et

    S comprend respectivement 6 et 3 solutions, pour un total de 18 canons rythmiques diffrents.Le nombre de canons rythmiques de pavage se rduit 9 si lon considre laction du groupe

    dihdral sur Z/72Z, les familles des sous ensembles R et S ayant trois lments chacune. Dans

    2 Un groupe (cyclique)possde la proprit de Hajs si pour toute factorisation en deux sous-ensembles R et S ,au moins lun des deux est priodique (o un ensemble R est priodique sil existe un lment g du groupe,diffrent de llment neutre, tel que g+S=S.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    15/21

    15

    le cas du groupe affine oprant sur Z/72Z, lespace des solutions pour R et S se rduit un

    seul sous-ensemble.

    On obtient ainsi le rsultat surprenant qui affirme lexistence dun seul canonrythmique de pavage ( une application affine prs). La solution, ainsi que le canon rythmique

    correspondant, est donne en figure 8:

    Figure 8: Factorisation unique ( une transformation affine prs) du groupe cyclique Z/72Z

    en somme de deux ensembles priodiques et reprsentation musicale sous la forme duncanon rythmique de pavage (notons que R et S correspondent la structure intervallique des

    deux sous-ensembles qui factorisent le groupe cyclique).

    Comme nous lavons dj mentionn, le travail de recherche men avec lecompositeur George Bloch est emblmatique en ce qui concerne les directions parfois trs

    inattendues quune recherche thorique peut prendre lorsquelle est soumise la primaut de

    la pense compositionnelle. Dans la thse, nous avons discut trois problmatiques que lecompositeur a poses autour du modle formel et qui sont la base de trois projets

    compositionnels : le projet Beyeler (2001), le projet Hitchcock (2001) et le projet Reims(2002). Ces problmatiques, troitement lies, concernent lorganisation mtrique dun canon

    rythmique de pavage, la rduction dun canon rythmique de pavage une collection de sous-

    canons auto-similaires et la modulation (mtrique) entre des canons rythmiques de pavages

  • 8/14/2019 Resume These More No

    16/21

    16

    diffrents. Nous avons analys ces trois problmes thoriques par rapport au travail

    compositionnel fait par George Bloch dans son Projet Beyeler. Il sagit dune une commande

    de la Fondation Beyeler de Ble pour une visite guide musicale de la collection permanenteet dune exposition particulire intitule Ornament and Abstraction. La pice de George

    Bloch, cre en juillet 2001 dans le cadre du Festival Europische Musikmonat, est intituleFondation Beyeler : une empreinte sonore.

    Dun point de vue musical, le Projet Beyeler consistait en cinq visites guides

    indpendantes, chaque visite tant conue autour dun musicien. La formation comprenait unviolon, une clarinette, un saxophone tnor, une contrebasse et une percussion. Les parties du

    Projet Beyeler qui concernent le plus directement le problme de pavage en musique sonttrois canons rythmiques qui interviennent des moments o les musiciens se rencontrent (au

    premier tiers de la dure de la visite, au deuxime tiers et la fin de la visite).Le premier canon, Canon 1, est un canon pour clarinette, saxophone et contrebasse. Le

    deuxime canon, Canon 2, est crit pour violon et berimbao. Le troisime, Canon Final,reprend le Canon 1 dans la mme formation, dveloppe une version diffrente du Canon 2pour violon, contrebasse et vibraphone et termine avec un troisime canon rythmique dans

    lequel tous les musiciens jouent. La figure suivante (figure 9) montre le processus demodulation canonique entre le Canon1 et le Canon2 tel quil a t utilis dans le Canon Final.

    Figure 9: Processus de modulation entre canons

  • 8/14/2019 Resume These More No

    17/21

    17

    Le Canon1, ayant pour priode 144, dploie une priode de 16 mesures 9/16 (lunit

    tant la double-croche). En gardant la mme unit, mais en interprtant le pattern rythmique

    dans un mtre de 3/4, les 16 mesures se rduisent 12, ce qui est exactement le nombre demesures de la priode du Canon2. Cependant, puisque le Canon2 na que 108 notes

    lintrieur de sa priode, lunit devient le triolet de croche et le tempo est lgrement pluslent. la fin du Canon final, la structure de Canon 2 cde la place celle dun canon RCCM

    de priode 216 par un procd semblable de modulation. Le tempo est donc deux fois plus

    rapide et les points dattaques deviennent tellement rapprochs quon na plus limpressiondun rythme isochrone mais dune texture dense volution lente.

    La dmarche compositionnelle de George Bloch vis--vis du modle algbrique descanons rythmiques est emblmatique du rapport entre thorie de la musique et composition.

    Le modle offre un catalogue des solutions possibles pour la construction de toutes formesmusicales canoniques ayant des proprits formelles apparemment trs contraignantes,

    comme labsence de rgularits locales lintrieur des patterns rythmiques de base, ou bienlirrgularit dans les entres de voix, ce qui le distingue des modles traditionnels de canonsmusicaux. Cependant, partir dune tude du catalogue, le compositeur peut envisager des

    stratgies pour rcrer tout dabord une organisation mtrique reconnaissable lintrieurdune structure musicale dans laquelle il ny a quun train de pulsations rgulires. Une telle

    exploration permet denvisager des solutions pour un autre problme pos par le modle

    formel, celui des nombres levs de voix. La ncessit de devoir respecter la fois laproprit gomtrique du pavage de laxe temporel et les caractristiques canoniques dune

    telle forme musicale pousse le compositeur chercher des stratgies pour rduire le nombre

    des voix sans renoncer la puissance du modle formel. Cest ainsi que la technique deconstruction des mtavoix trouve une justification la fois thorique et compositionnelle, touten donnant la clef pour dfinir un concept nouveau dans la thorie des canons de pavage:

    celui de modulation canonique.

    Le travail de recherche avec George Bloch nous a galement permis de mettre envidence une diffrence fondamentale entre la formalisation thorique et les stratgies

    compositionnelles. Aucune des trois problmatiques souleves par le compositeur nest uneconsquence directe du modle formel. La thorie algbrique des canons rythmiques de

    pavage offre dabord un catalogue des solutions qui sert essentiellement pour stimuler

    limaginaire du compositeur. partir du catalogue, le travail compositionnel consiste essayer de dgager des stratgies pour adapter le modle formel, parfois trs contraignant,

    une exigence prcise, par exemple la limitation du nombre dinstrumentistes par rapport auxrsultats prvus par le modle.

    Cest ainsi que le travail de composition sloigne de celui de lingnieur etsapproche de lattitude du bricoleur, pour reprendre une clbre expression de Lvy-Strauss

    que nous avons souvent cite dans la thse pour le travail thorique et compositionnel de

    Iannis Xenakis. Cependant, lattitude du bricoleur face un modle formel peut garder,comme dans le cas de la dmarche de Georges Bloch, une orientation thorique trs claire,

    consquence directe du fait davoir essay de prserver les proprits structurales du modle.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    18/21

    18

    La troisime partie de la thse sachve avec un Interludium sur lhistoire dune

    clbre conjecture en thorie des nombres de la fin du XIXe sicle (Conjecture de Minkowski)

    et de sa rsolution algbrique par le mathmaticien hongrois G. Hajs. La conjecture a tpropose par Hermann Minkowski, linventeur de la vision de la thorie des nombres au sens

    moderne, dans Geometrie der Zahlen [MINKOWSKI 1896] sous la forme dun problmedapproximation simultane de plusieurs nombres rels par des nombres rationnels.

    Minkowski a exprim la conjecture sous une forme gomtrique une dizaine dannes plus

    tard dans louvrage Diophantische Approximationen [MINKOWSKI 1907]. Dans cettedeuxime forme, la conjecture suggre que dans un pavage simple [simple lattice tiling]3 dun

    espace n dimensions par des cubes units, il y a au moins un couple de cubes qui ont encommun une face entire de dimension n-1.

    Dans le cas particulier de lespace trois dimensions, la conjecture exprime le fait que dansun pavage avec des cubes units, on trouvera toujours un couple de cubes ayant en commun

    une de leurs faces. La figure suivante (figure 10) montre ce cas, que Minkowski pensaitpouvoir gnraliser facilement toute dimension n.

    Figure 10 : Pavage de lespace tridimensionnel par des cubes unit (figure tire de louvrage

    Diophantische Approximationen, p. 74)

    la diffrence des prsentations traditionnelles des canons rythmiques [VUZA 1991],

    la thse prsente le problme de la construction de ces structures compositionnelles, commeune vritable mtamorphose musicale dun problme mathmatique dont certaines

    gnralisations constituent un domaine de recherche susceptible dintresser la fois le

    mathmaticien et le thoricien de la musique.

    De plus, un tel exemple ouvre des questions philosophiques profondes sur les rapportsentre lactivit du mathmaticien et du thoricien de la musique. Dans la partie conclusive dela thse, nous avons commenc rflchir sur quelques questions plus gnrales autour de la

    porte philosophique et des enjeux pistmologiques dune approche algbrique en musiqueet musicologie. En effet, dans une perspective traditionnelle, lapproche algbrique en

    sciences humaines renvoie un paradigme structuraliste dont on connat dsormais assez bien

    les aspects les plus problmatiques [PETITOT 1985, 23-91], et cela en dpit du fait quil soit

    3 Par un pavage simple dun espace n dimensions, nous entendons une collection de cubes congruents quirecouvrent lespace de telle faon que ces cubes nont pas dintersection (autre que la frontire) et que leurscentres forment un treillis. Ce treillis est appel simple pour le distinguer du cas (multiple) dans lequel lescubes ont plusieurs points dintersections (autres que les frontires).

  • 8/14/2019 Resume These More No

    19/21

    19

    parfois propos nouveau comme le paradigme dominant de tout discours philosophique

    [CAWS 1988].

    Cependant, la musique reprsente un terrain sur lequel on pourrait arriver conciliercertaines instances structuralistes avec les principes de base de la phnomnologie

    husserlienne. Cest une hypothse que nous avons avance en conclusion du travail de thse partir des crits de Cassirer dont certaines considrations algbriques sur la mlodie musicale

    semblent bien sinscrire dans une dmarche qui reste ancre sur le terrain de la

    phnomnologie [CASSIRER 1944]. En outre, larticulation entre lobjectal et lopratoire,que lpistmologue Gilles-Gaston Granger avait suggre partir de la fin des annes

    quarante comme tant le fondement de la notion du concept philosophique [GRANGER1994], semble toucher un aspect qui, selon les trois compositeurs/thoriciens analyss dans la

    thse (Milton Babbitt, Iannis Xenakis et Anatol Vieru), peut tre considr comme la dualit la base de la thorie musicale: larticulation entre le son et lintervalle.

    Cette considration ouvre galement des questions qui touchent plus prcisment lesrapports entre mthodes algbriques, perception et cognition musicale auxquels le travail dethse na pas su donner une rponse exhaustive et qui seront donc intgres dans nos

    recherches futures. Nous voudrions prolonger dans notre futur travail de recherche ce type deproblmatiques qui demandent une remise en question des ramifications philosophiques de

    certaines thories algbriques, en particulier la thorie des catgories et des topo, appliques

    la musique. partir de rflexions des mathmaticiens sur la porte phnomnologique delactivit mathmatique contemporaine [PATRAS 2004], et en croisant ces auteurs avec

    dautres orientations plus pistmologiques sur la porte cognitive de la rflexion

    phnomnologique [PETITOT et al., 2002], nous pourrons peut-tre arriver constituer uncadre conceptuel nouveau lintrieur duquel certains problmes mathmatiques poss par lamusique ont des implications importantes pour la perception et soulvent des questions

    philosophiques auxquelles la philosophie toute seule naurait jamais pens.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    20/21

    20

    2. Bibliographie:

    [ADLER 1885] G. Adler: Umfang, Methode und Ziel der Musikwissenschaft,

    Vierteljahresschrift fr Musikwissenschaft,1, pp.5-20, 1885.

    [AGON 1998] C. Agon: OpenMusic : Un langage visuel pour la composition musicaleassiste par ordinateur, Thse, Paris VIII, 1998.

    [AMIOT 2004] E. Amiot: Why rhythmic Canons are interesting, Perspectives in Mathematical Music Theory, (G. Mazzola, E. Puebla et T. Noll d.), EpOs, Universit

    dOsnabrck.

    [ANDREATTA 1996] M. Andreatta: Gruppi di Hajs, Canoni e Composizioni, Tesi di

    Laurea, Facolt di Matematica dellUniversit degli Studi di Pavia, 1996.

    [ANDREATTA 1999] M. Andreatta: La Thorie mathmatique de la musique de Guerino Mazzola et les canons rythmiques, Mmoire de D.E.A. pour le doctorat en musique et

    musicologie du XXe sicle, E.H.E.S.S./Ircam, 1999.

    [ANDREATTA et VUZA 2001] M. Andreatta, D.T. Vuza: On Some propertis of periodic

    sequences in Anatol Vierus Modal Theory, Tatra Mt. Math. Publ. 23, 2001, pp.1-15.

    [ANDREATTA et SCHAUB 2003] M. Andreatta, S. Schaub: Une introduction la Set

    Theory: les concepts la base des thories dAllen Forte et de David Lewin, Musurgia,

    Vol.X/1, 2003, pp.73-92[ASSAYAG et al. 1999] G. Assayag, C. Agon, M. Laurson, C. Rueda: Computer AssistedComposition at Ircam: Patchwork and OpenMusic, Computer Music Journal, 23(3), 1999.

    [CASSIRER 1944] E. Cassirer: The concept of group and the theory of perception,

    Philosophy and Phenomenological Research, Vol. V, N. 1, pp.1-36, 1944.

    [CAWS 1988] P. Caws: Structuralism. A Philosophy for the Human Sciences, Contemporary

    Studies in Philosophy and the Human Sciences, Humanities Press, New Jersey, 1988.

    [CHEMILLIER 1990] M. Chemillier : Structure et Mthode algbriques en informatiquemusicale (thse), L.I.T.P., Institut Blaise Pascal, 1990.

    [DELIGE 2003] C. Delige: Cinquante ans de modernit musicale: de Darmstadt lIrcam. Constribution historiographique une musicologie critique, Mardaga, Bruxelles,

    2003.

    [EIMERT 1964] H. Eimert: Grundlagen der musikalischen Reihentechnik, die Reihe,

    Universal d., 1964.

    [FORTE 1973] A. Forte: The Structure of Atonal Music, New Haven, Yale University Press,1973.

  • 8/14/2019 Resume These More No

    21/21

    [GRANGER 1994] G.-G. Granger: Formes, oprations, objets, Librairie Philosophique J.

    Vrin, Paris, 1994.

    [HAJS 1942] G. Hajos: ber einfache und mehrfache Bedeckung des n-dimensionalenRaumes mit einem Wrfelgitter,Math. Zeit., 47, pp.427467, 1942

    [LEWIN 1993] D. Lewin: Musical Form and Transformation: 4 Analytic Essays, NewHaven, Yale University Press, 1993.

    [MacLANE 1997] S. MacLane : Categories for the Working Mathematician, Second Edition,

    Springer-Verlag, 1998.

    [MAZZOLA 1985] G. Mazzola : Gruppen und Kategorien in der Musik, Helderman, Berlin,1985.

    [MAZZOLA 2003] G. Mazzola (et al.) : Topos of Music, Birkhuser Verlag, 2003.

    [MINKOWSKI 1896] H. Minkowski: Geometrie der Zahlen, Leipzig, 1896.

    [MINKOWSKI 1907] H. Minkowski:Diophantische Approximationen. Eine Einfhrung in

    die Zahlentheorie, Chelsea Publishing Company, New York, 1907.

    [OTTERSTRM 1935] T. Otterstrm:A Theory of modulation, The University of Chicago,1935.

    [PATRAS 2004] F. Patras: Phnomnologie et thorie des catgories (dans L. Boi (d.): New Interactions of Mathematics with Natural Sciences and the Humanities, Springer (paratre).

    [PETITOT et al. 2002] J. Petitot, F. J. Varela, B. Pachoud, J.-M. Roy: Naturaliser la phnomnologie. Essais sur la phnomnologie contemporaine et les sciences cognitives,

    CNRS Editions, Paris, 2002.

    [SANDS 1957] A. Sands: On the factorization of finite abelian groupes, Acta Math.

    Acad. Sci. Hung., 8, pp.65-86, 1957.

    [SEEGER 1977] C. Seeger: Studies in Musicology (1935-1975), University of CaliforniaPress, 1977.

    [VIERU 1980] A. Vieru : Cartea modurilor, 1 ( Le livre des modes, 1), Ed. muzicala,Bucarest, 1980.

    [VUZA 1991] D.T. Vuza : Supplementary Sets and Regular Complementary UnendingCanons I , Perspectives of New Music, 29(2), pp.22-49, 1991.

    [XENAKIS 1992] I. Xenakis : Formalized Music, (Revised Edition), Pendragon Press,

    Stuyvesant NY, 1992.