Respect mag 41

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GRATUIT ÉCOUTER CHINESE MAN 10 ANS DÉJÀ ! LA GUEULE DE L’EMPLOI L’HOMME SAGE-FEMME S’INTERROGER ÊTES-VOUS ROUSSISTE ? ENTREPRENDRE APPARENCE PHYSIQUE ET RECRUTEMENT NUMÉRO 41 ÉTÉ 2014 « J’ai appris à m’assumer » Ce qu’en pensent vraiment les Français ! RESPECT ET DIVERSITÉ DANS LE FOOT SONDAGE EXCLUSIF OPINIONWAY POUR RESPECT MAG FOCUS

description

Respect mag se penche sur l’importance du respect et de la diversité au sein de ce sport. Sondage exclusif Opinion Way pour Respect mag, ce qu’en pensent vraiment les Français : les joueurs doivent-ils chanter la Marseillaise ? Les signes religieux peuvent-ils apparaître sur le terrain ? Rencontre avec Inna Modja, chanteuse, comédienne et mannequin, c’est aussi une femme engagée qui se bat contre les violences faites aux femmes.Inna Modja se livre à la rédaction de Respect mag. Également au sommaire de cette édition : - ÉCOUTER : Chinese man, 10 ans déjà ! - REGARDER : Les séniors font leur cinéma - ENTREPRENDRE : Apparence physique et recrutement / L’homme sage-femme - DECOUVRIR : La Villeneuve, lieu du possible - Nouveauté ! MIND MAP : As-tu tes papiers ?

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GRATUIT

ÉCOUTERCHINESE MAN10 ANS DÉJÀ !

LA GUEULE DE L’EMPLOI L’HoMME SAgE-fEMME

S’INTERROGERÊTES-vouS rouSSISTE ?

ENTREPRENDREAPPArENCE PHYSIQuE ET rECruTEMENT

NuMÉro 41 ÉTÉ 2014

« J’ai appris àm’assumer »

Ce qu’en pensent vraiment les Français !

respect et diversité dans le foot

Sondage excluSifoPinionWaY

PouR ReSPecT Mag

foCuS

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emise en jeuTous les quatre ans, tous les 1 460 jours, c’est la même chose. Non, nous ne sommes pas sur une année bissextile (pour info, elle tombe en

2016). Non, une météorite géante ne frôlera pas la Terre (pour info, j’en sais rien). Non, nous ne commémorerons pas un halo de paix universelle tombé du ciel… (pour info… non). Tous les 208 mois, les équipes nationales de foot de 32 pays se retrouvent autour d’un ballon de 70 cm de diamètre, sur un terrain à la portée médiatique planétaire. Certains en souriront, mais ils auront tort. L’enjeu est de taille. Hommes, femmes, enfants, valides et handicapés, homos et hétéros, que nous aimions habituellement ces rencontres ou pas, nous aurons tous été nous installer dans un stade ou devant un écran, prêts à hurler de joie ou de désespoir aux résultats de notre équipe. Notre équipe ? À Respect mag, nous nous sommes rendus sur d’autres terrains, ceux de l’ouverture, de la différence ou du partage. Profiter de cette rencontre mondiale pour questionner la dimension fédératrice du football. Et s’interroger sur ce que nous, Français, pensons de la place de la diversité et du respect dans le foot. L’occasion d’un sondage exclusif Opinion Way pour Respect Mag. Des résultats, une enquête à découvrir dans un dossier spécial. Et en attendant le match d’ouverture, le 12 juin, au Brésil, nous avons voulu un Respect mag encore plus proche de nous, de vous. Un numéro qui offre plus de témoignages, avec de nouvelles pages. De quoi découvrir, rencontrer, comprendre, s’interroger sur notre façon de vivre ensemble. Pour rester vigilants, et regarder plus loin que les limites de son terrain.

Valérie Aider Rédactrice en chef

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Édito

80, rue de Paris — CS 10025 93 108 Montreuil

Courriel : [email protected] Internet : www.respectmag.com

Directeur de publication : Jean-Marc Borello: [email protected]

Directeur de publication délégué : Gilles Dumoulin: [email protected]

Éditeur : Groupe SOS / Insertion et Alternatives

Directeur général : Valère Corréard : [email protected]

Rédactrice en chef : Valérie Aider : [email protected]

Rédacteurs : Valérie Aider, Isabelle Barth, Patrick Cœuru, Jacqueline Costa-Lascoux, Anna Demontis, Émilie Drugeon, Fanny Fontan, Ugo Martinez, Anne-Laure Pineau, Vincent Reberioux, Florent Reyne, Matthieu Windey.

Correctrice : Anne-Rozenn Jouble

Réalisation : www.presscode.fr

Direction artistique : François Bégnez : [email protected] : Nicolas Naudon, Floriane Ollier, Christophe Coumrouyan, Peggy Moquay Stagiaire : Soultane Saidou

Photographes : Darnel Lindor

Illustrations : Nicolas Naudon, FBZ, Peggy Moquay

Communication et partenariats : Stéphanie Veaux : [email protected] Delphine Esselin : [email protected]

Développement : Pierre Pageot

Ressources : Valentin Burgaud, Marine de Percin.

Régie publicitaire : Mediathic/Respect éditions Chef de publicité : Alassane Sow : [email protected] 01 56 63 94 57 Assistante : Violaine Bailleul : [email protected]

Responsable des relations presse : Stéphanie Veaux : [email protected] Assistante : Delphine Esselin : [email protected]

Abonnements : France Hennique [email protected] — 04 96 11 05 89

ISSN : PROV007781. Dépôt légal à parution

Impression : Imprimé en France par Maury imprimeur

Distribution : Presse Pluriel

Tous droits de reproduction réservés. Les articles publiés n’engagent que leurs auteurs.

Impression réalisée sur papier PEFC

N° 41/ÉTÉ 2014/GRATUIT

GROUPE SOS 102, rue Amelot - 75 011 Paris Tél. : 01 58 30 55 55 — Fax : 01 58 30 55 79 www.groupe-sos.org

Avec 11 000 salariés et 330 établissements, le GROUPE SOS est une des premières entreprises sociales européennes. Depuis près de 30 ans, il met l’efficacité économique au service de l’intérêt général. Il répond ainsi aux enjeux de société de notre époque en développant des solutions innovantes dans ses cinq cœurs de métier : jeunesse, emploi, solidarités, santé, seniors. Chaque année, les actions du GROUPE SOS ont un impact sur plus d’un million de personnes.

Avec le soutien de :

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 3

portfolio

Juliette Murez élue au CVL du lycée Douanier Rousseau, Mayenne.

Ici tout le monde a déjà adopté Respect mag !!

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 3

le Respect !Imposons

Marlène,

sur la Color in run de Paris.

Chaque trimestre, nous publions les meilleures photos

qui mettent en situation votre magazine. Clichés

insolites, décalés, ou carrément barrés, lecteurs de

la rue, lecteurs de salon ou du bout du monde, posez

votre mag là où le respect s’impose ! À vos objectifs !

[email protected]

Vincent, 35 ans.

Dans un centre sportif. Paris 16e.

Mercipour ces

recommandationsbeautés !!

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SOMMAIRELEMAGAZINEDIVERSITÉ

ÉTÉ 2014

respectable

interview

« J’ai appris à m’assumer »

8

12 ÉCOUTER CHINESE MAN, 10 ANS DÉJÀ !

13 L’ENTOURAGE, TRIP COLLECTIF

14 REGARDER LES SÉNIORS FONT LEUR CINÉMA

16 MIND MAP AS-TU TES PAPIERS ?

38 DÉCOUVRIR la villeneUve, lieU DU pOssible

42 CUlTURE FESTIvALS

44 S’INTERROGER ÊTES-vOUS ROUSSISTE ?

46 VIVRE ENSEMblE CACHEz CE CRACHAT

48 bEAUTÉS LE TATOUAGE DEvIENT ARTISTIQUE

50 PARTAGER SEMOULES

26 APPRENDRE SANS-AbRI

28 COMPRENDRE LE GENRE

29 ENTREPRENDRE APPARENCE PHySIQUE ET RECRUTEMENT

32 ENTREPRENDRE L’HOMME SAGE-FEMME

34 COMPRENDRE LE DROIT DE vOTE DES ÉTRANGERS

36 RENCONTRER L’ÉLECTRON LIbRE DU SÉNAT

41n°

18 l’eXpressiOn Mise en JeUX

20 INTOlERANCE racisMe et FOOtball pOUrQUOi Ça tOUrne pas rOnD ?

22 HANDICAP FOOt-FaUteUil le brÉsil en 2015 ?

23 FOOT FÉMININ la cOUpe aU bOUt Des pieDs

24 PARIS FOOT GAy le pFG DOnne Des cartOns rOUGes

Ce qu’en pensent vraiment les Français !

respect et diversité dans le foot

Sondage excluSifoPinionWaY

PouR ReSPecT Mag

FOcUs

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Un physique de rêve, un sourire inoubliable, on a du mal à réaliser que cette jeune chanteuse, comédienne, mannequin, est aussi une femme qui se bat. Contre les violences faites aux femmes ou contre l’excision… Après un premier album « Every day is a new world », sorti en 2009, Inna Modja marque l’année 2011, avec son titre « French Cancan, Monsieur Sainte Nitouche ». Son album, « Love révolution » est alors disque d’or… À quelques semaines de la sortie de son troisième opus, rencontre avec une artiste cosmopolite qui s’assume et s’engage.

« J’ai appris à m’assumer »

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respectable

interview

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AMREF, TOSTAN ET PLAN ENFANcEInna Modja est ambassadrice de L’Amref, depuis le début de l’année. Une association qui permet la formation de sages-femmes avec un programme Stand up for African Mothers qui aide les jeunes mamans et s’occupe de leur nouveau-né ; Elle vient de créer une berceuse pour eux.

La jeune femme est aussi marraine de Tostan, une association qui permet aux femmes de vivre dignement, plus indépendantes. Une ONG qui lutte, entre autres, pour l’abandon collectif de la pratique de l’excision et des mariages précoces ou forcés.

Inna s’engage aussi auprès de Plan Enfance qui s’occupe de la protection des petites filles à travers le monde.

Inna Modja, vos chansons sont gaies, entraînantes, mais vos paroles ne sont-elles pas douces-amères ?Oui, complètement, l’idée est de faire passer des messages qui ne sont pas forcément adaptés au rythme. Ce double discours me plaît. Dire quelque chose d’assez grave sur un ton plutôt léger mais qui,dans le fond, ne l’est pas…

Vous vous êtes d’ailleurs récemment engagée contre la violence faite aux femmes avec un clip, « La Valse de Marylore », pourquoi ?Ce n’est pas une violence que j’ai vécue personnellement mais elle me touche, en tant que femme. Je voulais monter un projet qui ne soit pas misérabiliste. Il fallait que ce soit esthétique et que ça porte le message fortement. Je me suis associée au réalisateur et photographe Marco Conti Sikic et plus tard nous avons fait appel à Julien Seul, qui nous a aidé à monter le film. Il y a un court métrage, un clip et une série de portraits, « Dans la peau de Marylore ». Pour cette série, 35 personnes se sont mobilisées avec moi. Tout le monde s’est très facilement prêté à l’exercice, qui consistait à se faire maquiller de traces de coups. [voir enca-dré p.11] On se doute un peu qu’autour de nous il y a quelqu’un qui a déjà été abusé physiquement ou psychologiquement. On est tous concernés. Ce qui était trou-blant, c’est que pendant la séance de maquillage, on entrait tous, progressive-

ment, dans la peau d’une personne vio-lentée. Du coup, le poids et l’importance du sujet nous apparaissaient encore plus clairement. C’est une expérience qui nous a tous vraiment liés.

Il y a quelques années, vous aviez déjà porté un engagement contre une violence que vous avez connue, cette fois…Oui, depuis une dizaine d’années je milite contre l’excision. Cela fait partie de mon histoire puisque j’ai été excisée, ainsi que mes quatre sœurs, et à l’insu de mes parents. Un jour je me suis sentie assez forte pour pouvoir en parler. Ce n’est pas facile pour toutes les filles. C’est un sujet délicat. On a besoin du soutien de nos proches, de notre famille. J’ai eu la chance d’être entourée et encouragée à me faire « réparer ». À en parler aussi. Mes parents trouvent que c’est juste. La réparation, ça a été une deuxième vie qui commençait. Je ne pensais pas qu’on me rendrait un jour ce qu’on m’avait pris. Il y a encore 10 ans, on ne communiquait pas autant sur les réparations possibles. C’est mieux connu, mais toujours pas assez.

Vous êtes auteure, compositrice, interprète, les mots ont une grande importance pour vous ?Oui, vraiment ! J’ai d’ailleurs fait une fac de lettres. Les mots sont essen-tiels pour moi. J’ai dû écrire ma pre-mière histoire à l’âge de sept ans. Une sorte de conte avec une princesse… Ma mère l’a encore et mes frères et

sœur me font chanter avec, parce que c’était bourré de fautes ! [rires] J’ai tou-jours écrit, des blogs, des journaux, des nouvelles et, à 14 ans, j’ai com-mencé à écrire des chansons, du slam, de la poésie…

Ces mots sont parfois en français, beaucoup en anglais, mais aussi en bambara…Oui, très jeune, j’ai beaucoup voyagé, mon père était diplomate. Toute la fa-mille devait être capable de s’adapter rapidement. J’ai grandi en Afrique anglo-phone, notamment au Ghana. Mais à la maison, mes parents me parlaient fran-çais. Et quand je suis à Bamako, je parle tout de suite le bambara.

Comment définiriez-vous votre musique ?Une pop un peu africaine. Un mélange d’influences très différentes. Oui, pop et soul africaine. Plus jeune j’écoutais du rap, des sons hardcorde, du rock, je passais d’un style à l’autre très vite ! Mes parents écoutaient plutôt du rythm and blues, Ella Fitzgerald, Ray Charles, Otis Redding, et je les écoute encore. J’ai moi-même commencé la musique à 15 ou 16 ans avec Salif Keita et son Rail Band de Bamako. Une vraie référence pour moi. Tout comme Nina Simone, Oumou Sangaré et Gainsbourg !

© darnel lindor

En exclu sur le webRetrouvez l’interview bonus sur Respectmag.com

leS TroiS CoUPS de PoUCe

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KinKs in My Hair(DeS friSottiS DAnS MeS cheveux) 2013Extrait traduit de l’anglais

« Je suis une tête crépue (…) Je m’assume avec fierté

Si tu as des tâches de rousseur sur le visage, (…) Si tu es homosexuel, Sois fier de toiIl n’y a aucune honte à avoirFais face au monde et montre

que tu es fier de ce que tu es Tu vois des rides sur ton visage,

Moi je vois un sourire magnifique »

respectable

interview

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 10

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Vous préparez un prochain album ?Oui, le troisième. Je termine l’enregistre-ment. Avec celui-ci, j’ai voulu explorer d’autres pistes. Mon côté cosmopo-lite, français, anglais, bambara, italien… L’inspiration me vient tout naturellement dans les différentes langues. Pour moi la musique est un vrai vecteur de partage.

La différence, le partage justement, reviennent souvent dans vos chansons, comme dans « Kinks in my Hair » sorti en 2013 ?Oui, je prône vraiment la différence. Res-pecter ce qui fait qu’on est unique. On a trop tendance à vouloir se fondre dans la masse. Tellement de gens vivent mal le fait d’être différent. On apporte tous notre petite pierre à l’édifice qui fait que le monde est intéressant. Moi-même, ado, j’étais filiforme avec un look un peu aty-pique, mais j’avais des frères et sœurs très originaux avec de fortes personna-lités aussi. J’ai appris à l’assumer. À aimer mes différences et mes imperfections.

Propos recueillis par Valérie aiderMerci à l’oréal Professionnel.

interview réalisé en partenariat avec raJe.

Le court métrage « La Valse de Marylore » met en scène des couples, hétéros ou homosexuels, d’origines et milieux sociaux différents qui, au rythme d’une composition musicale entraînante, passent de la douceur à la violence avec une simplicité troublante. Cette vidéo est accompagnée de 35 photos de personnalités. Maquillées, elles offrent un visage tuméfié et meurtri. Parmi elles, Anggun, Axelle Laffont, Elodie Frégé... Cette initiative est soutenue par le ministère des Droits des femmes. www.lavalsedemarylore.com

PHarrel WilliaMS

HAPPy

naUgHTy boy

LA LA LA

LA vIE EN ROSE

graCe JoneS

LA PLAYLISTIDÉALE D’ inna

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BACK LOT MUSIC, COLOMBIA

NOT ON LABEL

ISLAND RECORDS

En exclu sur le webLa playlist d’Inna Modja

le CHoC deS PHoToS

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écouter

Avant d’être un des labels indépendants les plus

prolifiques et décalés de la scène marseillaise,

Chinese Man n’était qu’un moyen d’échapper

au quotidien. « À l’origine, Sly, Haiku et moi [Zé Mateo

ndlr] on est des amis de longue date, on a toujours fait

de la musique à côté de nos métiers respectifs. Nous

avons eu envie de presser notre vinyle et de créer un

petit label indépendant. Notre priorité à nous, c’était

d’inventer de la musique pour les DJ. Le Chinese Man,

le groupe, s’est immiscé naturellement, à un rythme

très zen. C’est devenu un moyen de fédérer autour

d’un univers asiatique des musiciens, des cinéastes, des

producteurs. » Au fur et à mesure des années, chaque

membre a affiné son style, de l’abstract hip-hop, au

swing-électro, en passant par le trip-hop, parsemant

chaque titre de samples de musique du monde. « Une

des forces de Chinese Man, c’est sa diversité musicale.

Elle provient d’un désir de conserver nos influences et

de faire évoluer notre son au gré des rencontres. » Les

dernières rencontres en date sont présentes dans le

titre « Once Upon a time » : Tumi, un rappeur d’origine

sud-africaine qui tient une place importante dans les

courants musicaux sur l’émancipation postapartheid et

Zbuz, qui est connu pour ses textes engagés prônant

une Afrique indépendante et pour ses messages positifs

destinés aux jeunes de ce continent. « Once Upon a

Time » c’est un peu une empreinte de ce qui se passe

dans notre monde moderne, de ce qui s’est passé et de

ce qui va se passer. Nous ne faisons pas de politique, on

n’a pas de message à faire passer dans notre musique,

mais les artistes avec qui on collabore représentent

le paysage dans lequel Chinese Man s’inscrit. On

n’a jamais fait de discours engagé. Mais forcément

lorsqu’on utilise des samples de musique brésilienne,

africaine ou orientale, ça crée une couleur, une notion

de métissage qui est représentative de notre parcours.

Moi, je suis issu d’une culture méditerranéenne, mes

parents sont nés à Casablanca. Leurs familles étaient

originaires d’Italie et d’Espagne. Donc il y a un brassage

et un métissage naturels qui se ressentent dans ma

musique. » Zé Mateo et ses compères ont grandi dans

ce bassin méditerranéen, entre Aix-en-Provence et

Marseille, deux villes où le FN a fait une belle percée

lors des municipales. Difficile d’y appliquer la théorie de

l’esprit zen chère à Chinese Man. « Dans notre région,

on a déjà vu Vitrolles, Marignane et Orange sous le

pouvoir du FN, et c’était pas glorieux, on a l’impression

que les gens n’ont pas retenu la leçon de l’époque. »

Florent Reyne

Groupe, label, confrérie, collectif artistique

marseillais… Cette année, l’homme chinois fête

ses dix ans d’activité et pour l’occasion, il sort

une nouvelle mixtape, The Groove Sessions

volume 3 et part en tournée dans toute la

France jusqu’à la fin de l’été. Entre deux séances

de méditation musicale, Zé Mateo cofondateur

du groupe a endoctriné Respect Mag.

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hiP-hoP/ÉLeCTro

Chinese Man,

10 ans déjà

En exclu sur le webRetrouvez l’interview bonus sur Respectmag.com

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Après cinq ans de vie commune, les Entouragiens », comme ils se nomment entre eux, s’étaient promis de sortir un album. Pari tenu, puisque voici Jeunes Entrepreneurs, le premier vrai opus de L’entourage. il est sorti le 26 mai chez Believe recordings.

PRemieR album imminent

Condensé d’identités multiples, L’Entourage gravite autour d’une énergie commune. Coup de projecteur sur cette tribu prête à décoller.

Né en 2009, L’entourage s’impose comme la valeur montante du hip-hop français. Le collectif rassemble MCs (maîtres de cérémonie), réalisateurs, rappeurs, etc. Avec la volonté directrice de « défendre des valeurs plus que des idées ». Ce projet est une marque de fabrique qui fédère des « potes ». Sous sa bannière, de nombreux artistes ont déjà été reconnus, que ce soit Nekfeu, Deen Burbigo, eff Gee, 1995, S-Crew, Jazzy Bazz… C’est bien connu, l’union fait la force, et les différentes entités du collectif se montrent toujours aussi prolifiques, publiant régulièrement ePs, albums et productions variées. Côté son, L’entourage réussit à tirer profit d’instrumentaux chiadés comme sur leurs titres Caramelo et Jim Morrison. Les paroles creusent le sillon du quotidien, avec des textes n’évitant pas les clichés. Les membres reconnaissent d’ailleurs un éloignement avec le rap plus engagé, ce qui ne les empêche pas d’évoquer quelques sujets de société comme l’exclusion.

matthieu Windey

hiP-hoP

L’Entourage, trip collectif

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 14

regarder

LoNG MÉTrAGe

Les séniors font leur cinémaEntre Amour, Cortex, expendable ou Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, la vieillesse a le vent en poupe au cinéma ! Avec aujourd’hui 600 millions de personnes âgées dans le monde, la révolution silencieuse qu’est l’allongement de la vie prend part à tous les univers, cinéma compris !

Depuis 15 ans, la vieillesse s’invite dans tous les genres et infuse le cinéma dans son ensemble. elle est regardée comme jamais elle ne le fut : avec réalisme, dans ce qu’elle signifie d’abandon, de solitude, d’infirmité, de souffrance. Docteur en histoire contemporaine, Ariane Beauvillard s’est penchée sur la question. Dans Les croulants se

portent bien ?, cette experte note que « le phénomène en France date de la fin des années 90, avec le vieillissement des réalisateurs et des acteurs de la Nouvelle Vague qui s’est juxtaposé à une prise de conscience de la société sur le vieillissement de la population ». Une chronique sur l’isolement d’une vieille femme dans rue du retrait

(2000), de rené Féret, emboîte le pas à ce nouveaux genre et se poursuit avec Loin d’elle (2007), de Sarah Polley, autour d’un couple qui vacille alors que la femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais cela ne reste qu’un effet de loupe grossissante sur un sujet précis : « Dans le cinéma, il y a une forte représentation de la vieillesse institutionnalisée alors qu’elle n’est représen-tative que de 5 % de la population de plus de 70 ans », déplore le docteur. L’exemple couronné de succès est évidemment celui d’Amour (2012), du réalisateur autri-chien Michael haneke, dont la Palme d’or au Festival de Cannes, associée au plébiscite critique et public, marque un moment symbolique dans la reconnaissance d’un tel type de sujet par le cinéma. Dans l’enclave du troisième âge, les styles et les genres ne se ressemblent pas, il y en a pour tous les goûts. De la comédie avec d’indian Palace (2012), au polar avec Cortex (2008), en passant par le drame familial de Manoel de oliveira Gebbo et l’ombre (2012) ; même la sexualité des séniors est mise en avant dans le film Gerontophilia (2014). Bien évidemment, les acteurs machos des années 80 ne s’avouent pas vaincus ! Dans The Expendables (2012), les gros bras de Stallone et Schwarzenegger se retrouvent pour en découdre avec les méchants. Pour Serge Guérin, sociologue spécialiste de la « séniorisation » le cinéma « est un marqueur de changement de notre société, cet engouement est re-

présentatif d’une population qui prend de l’âge mais qui n’est pas vieillissante car elle reste très active. »La fréquentation est au rendez-vous : 1,5 million d’en-trées pour The Expendable, Les Invasions barbares et La Tête en friche et près d’un million de spectateurs pour Grantorino, Amour et Indian Palace. Cette tendance risque de s’installer dans la durée ; outre le fait qu’il y aura 1,8 milliard de personnes âgées dans le monde en 2050, le tournage d’Indian Palace 2 (avec richard Gere) est en cours et Expandabelle (une version féminine d’Ex-pendable avec Meryl Streep) est déjà dans les cartons. Ariane Beauvillard avait raison, « les croulants, au cinéma, se portent bien ».

Florent Reyne

« au-delà de 60 ans, les RéalisateuRs vont Plutôt tRaiteR des sujets qui leuR PaRlent »

Adapté du best-seller de Jonas Jonasson (éditions Presses de la Cité) , Le vieux qui ne veut pas fêter son anniversaire raconte l’histoire d’Allan Karlsson, centenaire qui décide de fuguer de sa maison de retraite le jour de ses 100 ans.

Chaussé de ses plus belles charentaises, il saute par la fenêtre de sa chambre et prend ses jambes à son cou. Débutent alors une improbable cavale à travers la Suède et un voyage décoiffant au cœur de l’histoire du XXe siècle.

le vieux qui ne veut Pas FêteR son anniveRsaiRe

En exclu sur le webDes extraits de films sur Respectmag.com

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 16

S’INTERROGER

OUI

POURQUOI ?

POURQUOI ?

TES PARENTS SONT FRANÇAIS

T’ESSÉRIEUX

LÀ ?

TU LES AS ACHETÉSÀ BANGKOK

TU ES THAÏLANDAIS

GO !

ARRIVÉ À PARIS, TU DISTRIBUES

50 000 FLYERS : «UN BO BUN TAÏ POUR 6 € !»

UN FLYER ARRIVE À L’ÉLYSÉE,

FRANÇOIS HOLLANDE T’INVITE

...CITOYEN FRANÇAIS !

TU VAS EN PRISON !

...OÙ TU ÉCRIS UN BEST-SELLER,

LES AMOUREUX DE SANGATTE

T’INTERVIEWE EN PRISON

TON RÊVE C’EST DE VIVRE À

TU ES CUISTO, LES CANTINES TAÏ

À 6 LE BO BUN ONT UN SUCCÉS FOU

EN FRANCE

TU LES A GAGNÉSEN JOUANT

AUX ÉCHECS

ON TE LES A VOLÉS

TU ES UNÉTUDIANT ÉTRANGER

ENFIN ! IL FAUT QUAND MÊME JUSTIFIER TON

IDENTITÉ

JOKER ! TU ES LE JUSTICIER

MASQUÉ

TU BRAQUES LA PRÉFECTURE

TU DISTRIBUES LES PAPIERS

D’IDENTITÉÀ TOUS LES

SANS-PAPIERS

C’EST PAS OBLIGATOIRE

TU VAS À LA

SURTOUT PAS ! OUI

ON TE REFUSE TA PHOTO

TU ENTAMES UNE GRÈVE DE LA FAIM

TU PASSES À LA TÉLÉ, TA MÈRE NATURELLE

QUI T’AVAIT ABANDONNÉ DÉCIDE DE TE RECONNAÎTRE

C’EST TOI LE ROI

LE DIRECTEUR DE L’IMMIGRATION ET DE L’INTÉGRATION

T’OUVRE SES PORTES

QUI T’ENVOIEAU TRIBUNAL

QUI TE RENVOIE ÀLA PRÉFECTURE !

TU REMPLIS DES DOSSIERS !

IL TE FAUT UNTRADUCTEUR

C’EST UNETRADUCTRICE

VOUS VOUS MARIEZ

ELLE EST FRANÇAISE,

TU OBTIENS...

TROP CHER

TON DOSSIER EST INCOMPRÉHENSIBLE

RECONDUITE À LA FRONTIÈRE

UNE CARTE DE SÉJOUR TEMPORAIRE D’UN AN

ILS ÉTAIENTFAUX !

NON

POURQUOI ?

TU DEVIENSCÉLÈBRE ET...

DANS 4 ANS, SI VOUS N’AVEZ PAS DIVORCÉ ET QUE TU EN FAIS LA DEMANDE...

POURQUOI ?

BEST-SELLER

QUI T’ENVOIE À LA COUR

ADMINISTRATIVED’APPEL

mind mapAs-tu

tes papiers ?

Info

gr

aph

Ie p

atr

Ick

ur

u

*Fahim, Un roi clandestin

témoignage recueilli par Sophie

Le Callennec et Xavier Parmentier,

Éditions Les Arènes.

*

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Coupe du Monde oblige, entre le 12 juin et le 13 juillet 2014, nous aurons tous été réunis dans un

stade ou devant un écran à hurler la victoire de notre équipe. Notre équipe ? La question se pose,

car la puissance fédératrice de ce sport planétaire ne doit pas nous aveugler. Ce terrain de jeu,

à la portée économique unique, est un enjeu d’expressions politiques et religieuses inouïes.

Mais le foot porte-t-il les couleurs du respect et de la diversité ? Racisme, Marseillaise,

signes religieux… Enquêtes et sondage exclusif Opinion Way pour Respect mag.

22

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 18

Les prières de Franck Ribery ont-elles leur place dans un stade ? Cette attitude serait contraire à l’esprit du sport et aux principes laïques français.

;en france;

Un joueur professionnel de ligue 1 génère 23 emplois

au niveau national et 322 000 euros de taxes, d’impôts et

de cotisations sociales.(1)

Sur les 40 clubs professionnels, 4 900 personnes sont

employées et développent un chiffre d’affaires de

1,243 milliard d’euros.(2)

1) Chiffres challenges 2) Foot Pro Impact

;La 20è coupe;;du monde;de footbaLL;;en chiffres;

stades accueillent la compétition.

3,7 millions de places sont

disponibles

1% des tickets sont réservés

aux personnes handicapées.

11 milliards d’euros auront été dépensés par le Brésil

pour l’organisation de la manifestation.

53%des personnes

interrogées pensent

qu’il faut interdire les

signes religieux sur

les terrains de sport.

sondage excLusifopinionWaY

pour respect mag

Ce qu’en pensent vraiment les Français !

respect et diversité dans le foot FOCUS

Enquête réalisée les 7 et 8 mai 2014 sur un échantillon de 1129 personnes, représentatif de

la population française âgée de 18 ans et plus. OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant

les procédures et règles de la norme ISO 20252.

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 19

« L’argumentation de la Fifa est que le voile n’est pas un signe religieux mais un signe culturel, analyse Pascal Boniface, directeur de l’institut de relations inter-nationales et stratégiques (Iris) et auteur de « Football et mondialisation » (Ar-mand Colin, 2010). Mais chacun sait qu’il s’agit en fait de croyance. C’est certes hypocrite, mais je pense que derrière cette autorisation, il y a le désir d’aug-menter la pratique du football chez les femmes dans des pays aux réglemen-tations très strictes. La Fifa n’a pas cédé à un lobby comme le suggèrent certains, elle veut simplement et progressive-ment augmenter la pratique du football. Les joueuses concernées porteront d’ailleurs un voile adapté. » Le fonda-teur de l’Iris estime qu’il s’agit d’un com-promis, qui « pourrait avoir une consé-quence positive pour le sport et pour l’émancipation, à terme, des femmes. Cela permettra de développer la pra-tique sportive féminine dans des pays où elle est encore très réduite. C’est un

moyen de faire avancer les choses. » Pascal Boniface rappelle que la pré-sence de la religion dans le football n’est pas un phénomène nouveau : « Il me paraît incohérent de s’offusquer du port du voile et de ne rien dire quand des joueurs effectuent le signe de croix en entrant sur le terrain ou après avoir marqué un but. Cela donne raison aux personnes qui pensent qu’une religion, plus que d’autres, est visée. »

Ballon rond et sphères d’influencesLa décision de la Fifa d’autoriser le voile va-t-elle contre le « principe d’univer-salité » du sport, et du football en par-ticulier ? C’est ce qu’a laissé entendre Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel en France. Le débat existe, et il prouve une nou-velle fois la place du football dans les sujets de société. Ce sport ultramédiatisé

exalte mieux que tout autre les problé-matiques contemporaines. Racisme dans les tribunes, violence ou individua-lisme, il incarne aussi la joie et la commu-nion, à l’instar de la victoire de l’équipe de France contre l’Ukraine le 19 novembre 2013 lors des éliminatoires de la Coupe du Monde. Une soirée glorieuse qui en-voyait toute une nation à la compétition reine, organisée cette année au Brésil. Le football déchaîne donc les passions par sa dimension sociale comme spor-tive. La quenelle d’Anelka sur un terrain anglais ou l’hommage à Nelson Mandela de Didier Drogba symbolisent l’influence du football et de ses acteurs au-delà des stades. Lors de la Coupe du Monde au Brésil cet été, la planète entière aura les yeux rivés sur les stars du ballon rond.

matthieu Windey

L’ExprESSiOn MiSE En jEUx

22

Le joueur internationnal Kaka remercie Dieu après un but. Agenouillé, il découvre un maillot explicite.Merci au journal l’Équipe pour la mise à disposition de ses pages.

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84%des personnes

interrrogées souhaitent

que les joueurs chantent

la Marseillaise.

Le 1er mars 2014, la Fédération internationale de football (Fifa) a officiellement autorisé le port du voile et du turban sur les terrains. Dans le même temps, tout message à caractère politique, religieux ou personnel était proscrit par l’instance internationale de football.

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foot INtoLÉRANCE

Racisme et football, pouRquoi ça ne touRne pas Rond ?

Ces dernières semaines, les matchs de football ont été le théâtre d’incidents racistes et plusieurs cas éparpillés ont fait ressurgir le spectre de l’intolérance. Libération de la parole raciste, anonymat des foules, laxisme des institutions et des dirigeants ? Comment appréhender l’émergence des dérives xénophobes ? Le sondage exclusif Opinion Way pour Respect Mag est sans appel : parmi les personnes interrogées 92% pensent qu’un acte ou une parole raciste doit être impérativement sanctionné.

es minorités souffrent de plus en plus de l’impunité offerte à ces débordements. Et même

si Sepp Blatter, président de la Fifa, a récemment menacé de pénaliser les clubs, les sanctions exclusivement sportives apparaissent inefficaces. L’institution internationale a renforcé son règlement en 2013 en menaçant les clubs concernés de retrait de points

,Coups d’envoi,d’un raCisme médiatisé,

ou de relégation, mais les agissements condamnables restent non sanctionnés dans leur grande majorité. Au cœur des foules comme sur Internet, l’anonymat protège. À moins que la décision du FC Villarreal de retrouver et de bannir à vie de son stade le responsable de la ba-nane jetée à Dani Alves soit imitée… Mais dans un système complexe, structuré en fédérations, institutions nationales, internationales, les responsables se ren-voient la balle. Qui doit sanctionner ? La timidité des décideurs du football agace. Le porte-parole de l’UEFA, Pedro Pinto a récemment déclaré : « Lorsque les faits

interviennent en dehors de notre com-pétence, nous soutenons des actions appropriées par les autorités compé-tentes. » Jusqu’à présent, la justice des États n’est quasiment pas parvenue à appliquer son autorité pour des dérives racistes au cours de matchs. Les vic-times ne semblent pouvoir compter que sur elles-mêmes, résignées à exercer leur métier dans des dans des espaces où la loi ne s’applique pas. À croire que dans certains lieux le racisme n’est plus un délit. Aujourd’hui, la législation du football adresse des amendes supé-rieures pour une infraction liée au spon-soring que pour un délit raciste. Le sujet est épineux, et parfois peu économique. Arrêter une rencontre, ça coûte avant tout beaucoup d’argent…

matthieu Windey

92%pensent qu’un acte

ou une parole raciste doit

être impérativement

sanctionnée.

En 1978, Viv Anderson devient le premier joueur noir à porter le maillot de l’Angleterre. Malgré des menaces de mort fréquentes, Anderson tiendra bon toute sa carrière.

En 1996, c’est le Français Marcel Desailly qui subit l’invective du Bulgare Hristo Stoichkov : « Noir de merde » au cours d’un match international. À cette époque, les cas de racisme médiatisés ont principalement lieu au cours de matchs internationaux.

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,La forCe, ,des symboLes,

La question divise :

53%des personnes interrogées

ne souhaitent pas

qu’un match soit annulé et

44% pensent que ce serait

une bonne chose !

Seul le courage de quelques joueurs n’hésitant pas à envoyer des messages forts, parvient à mobiliser. En novembre 2005, à 21 ans seulement, Marc-André Zoro est victime de remarques humiliantes venant de supporteurs de l’Inter Milan, son propre club. Excédé, il quitte le terrain. Un geste qui aura le mérite de sensibiliser au traitement déplorable des footballeurs noirs dans le championnat italien.

Récemment, le Brésilien Dani Alves, qui a récemment mangé une banane envoyée par un supporteur du FC Villarreal lors d’un match de championnat espagnol, a entraîné une chaîne de solidarité sur les réseaux sociaux.

Quelques jours plus tard, la danse de Pape Diop, joueur de Levante, a été saluée par le président de l’UEFA, Michel Platini. Mais les soutiens à distance ne suffisent plus.

Le ras-le-bol monte chez les victimes de la haine, à l’instar du Ghanéen Kevin Prince-Boateng, qui avait réussi à faire arrêter, en 2013, un match amical en Italie après des chants racistes.

France, 2009. Un joueur d’une division départementale est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende. Le match avait été suspendu par l’arbitre, un fait rarissime.

La même année, l’UEFA, pointée du doigt pour son manque de rigueur, durcit la règle. Il revient aux arbitres de prendre la décision d’arrêter ou non un match.

Mais la procédure concernant cette décision, longue et subjective, ne change pas la donne les années suivantes. Les rencontres vont à leur terme malgré des agissements racistes.

,une mixité réCente,Les transferts par les clubs professionnels s’accélèrent véritablement au début des années 1990. Jusque-là, les manifestations internationales restent l’occasion majeure de rencontres entre joueurs étrangers. Mais la globalisation du sport pousse les championnats nationaux à accueillir de plus en plus de footballeurs venus du monde entier. La mixité identitaire des équipes de championnats nationaux se renforce. Mais cette différence est loin d’être acceptée partout. La Fédération internationale de football (Fifa) prend conscience de ce phénomène et instaure, en 2002, une Journée contre la discrimination. Les joueurs rentrent désormais chaque année sur le terrain avec une banderole, « Dites non au racisme ». Nous sommes aujourd’hui dans une situation où le ressenti est très partagé. À la question « Diriez-vous de l’équipe de France qu’elle représente les diversités de la société française ? » 56 % des personnes interrogées répondent oui et 43%, non.

Si sanctionner les auteurs est une priorité, il faut reconnaître que la question divise : 53 % d’entre les sondés ne souhaitent pas qu’un match soit annulé et 44% pensent que ce serait une bonne chose. Le report du match n’est pas à l’ordre du jour puisque nous sommes 61% à ne pas y être favorable.

,des sanCtions,à repenser,

Diriez-vous de

l’équipe de France

qu’elle représente

les diversités de

la société française ?

56%OUI

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foot handicap

FOOT-FAUTEUIL objectif brésil 2015Handisport le plus développé, le foot-fauteuil prépare sa Coupe du Monde. Une célébration du ballon rond qui réunit plus de 800 licenciés en France. Rencontre avec l’équipe de Ramonville, en bordure sud de Toulouse.

foot handicap

rissements de pneus, vrombis-sements de moteur, collisions métalliques… Le foot-fauteuil

est spectaculaire. En cet après-midi de début de printemps, l’équipe de Ramon-ville (31) s’entraîne dans le gymnase du centre Asei Jean-Lagarde (1). Ici, le ter-rain est tout petit. Il a normalement la taille d’un terrain de basket. On y joue à quatre, dont un gardien, avec un ballon trois fois plus gros que celui des valides.Secrétaire médicale dans un cabinet de podologie, Marie Battistella, 29 ans, est capitaine de l’équipe, elle joue aussi en nationale. L’équipe de France sera en lice du premier Championnat d’Europe des Nations qui se tiendra en juillet en Ir-lande, et sera qualifiant pour la Coupe du Monde 2015 au Brésil. « Mais les autres jouent en fauteuil dernier cri. C’est un peu comme s’ils roulaient en Ferrari et nous en Clio. »

Savoir communiquer Arthur Bataille, étudiant à l’Insa, est at-taquant à Ramonville. Il a lui aussi joué en équipe de France.« Il existe deux types

de fauteuil : les Storm (10 000 euros), et les Strike force (11 000 euros). Les premiers, les nôtres, sont des fauteuils motorisés classiques auxquels ont été ajoutés des pare-chocs métalliques. Les seconds sont plus puissants, et plus so-lides car constitués d’une seule et même pièce. » explique Marie, gardienne de l’équipe.Mais comme pour la plupart des sports mécaniques, le matériel ne fait pas tout. « Cela requiert une certaine intelligence du jeu. Il faut savoir antici-per, et où se positionner, calculer l’angle de frappe avec les pare-chocs. Un peu comme au billard ! » Et elle ajoute : « Le plus important, finalement, est de bien communiquer, et de s’adapter aux han-dicaps de ses coéquipiers. D’ailleurs, en match, la plupart de temps, on n’entend que moi sur le terrain, confesse-t-elle en riant. Et puis, en tant que gardienne de buts, je me dois d’être bourrine. » En effet, les joueurs ne lâchent rien et n’hésitent pas à entrer en collision, parfois violem-ment. Dans quelques jours l’Asei Ramonville, en tête du classement de D2 affron-

tera l’équipe d’Auch, en D1. « Ce sera un match à enjeu », annonce aux joueurs l’éducateur sportif Jérémy Bachelar. Habituellement elle aussi en première division, l’équipe n’a qu’un seul objectif : y remonter ! Quant à la coupe du monde des valides ? Avec son franc-parler et ses grands yeux bleus dévorant le monde, Marie n’est pas sûre de la suivre : « Leur comportement m’a écœurée lors du dernier mondial. Nous on galère à acheter un fauteuil. Avec tout l’argent qu’ils gagnent, je considère qu’ils pour-raient au moins être dignes. »

Fanny Fontan

1) L’A.S.E.I (Agir, soigner, éduquer, insérer) est une association qui gère 48 centres regroupant 88 établissements et services sanitaires et médico-sociaux en Midi-Pyrénées. Le centre Jean-Lagarde est un Centre spécialisé d’enseignement secondaire.

un Sport pour touSApparu dans les années 80, le foot-fauteuil français compte quatre divisions, plus de 70 équipes engagées, et 800 licenciés. C’est l’un des seuls sports pouvant être pratiqué par les personnes lourdement handicapées. En 2002, une commission fédérale (FFH) crée la première Coupe de France de la discipline. S’ensuit la naissance de la Fédération internationale de Powerchair football association (FIPFA) en 2005 et du premier mondial de 2007 à Tokyo.

Source : www.foot-fauteuil.com

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Médiatiquement, le foot féminin n’est plus aujourd’hui un « parent pauvre » de son homologue masculin. Pour preuve, le record absolu d’une audience TNT a été signé en juillet 2011 avec la demi-finale du Mondial, perdue par les Bleues, avec pas moins de 2,3 millions de téléspecta-teurs, et un pic à plus de 3 millions en fin de match. Des chiffres impressionnants qui feraient presque oublier qu’avant 2009, le foot féminin n’avait jamais eu les honneurs d’une diffusion télé…

un nouvel élanEt les joueuses dans tout ça ? L’équipe de France féminine, en pleine campagne de qualification pour le Mondial 2015, qui aura lieu au Canada, multiplie les points presse. « Depuis la demi-finale, on sent que les filles sont mises en avant. La fédération porte des projets impor-tants dans ce sens » assure Gaëtane Thiney, attaquante. Les joueuses, ber-cées autant par les exploits de Laurent Blanc que de Corinne Diacre (devenue

l’adjointe du sélectionneur de l’équipe de France), voient cette féminisation d’un très bon œil : « Quelques postes clés se féminisent, c’est important d’avoir des relais à la fédération. Mais si des femmes comme Brigitte Henriques sont là (se-crétaire générale en charge du dévelop-pement du football féminin, ndlr), c’est avant tout pour leur expérience et leur professionnalisme », note Sabrina De-lannoy, jeune recrue au poste de défen-seur.

l’objectif coupe du mondePourtant, même si la prochaine attribu-tion des droits TV (et des retombées qui s’ensuivent) devrait changer les choses, les joueuses sont souvent obligées de travailler à côté. Un problème pour ces internationales ? Pas vraiment. Sabri-na Delannoy, pro au PSG (chose rare), pourrait se contenter de son salaire de joueuse. Mais elle a choisi de travailler également pour la Fondation PSG.

« C’est un plus pour mon avenir. Et j’ai besoin de ça pour mon équilibre », nous confie-t-elle. De son côté, Gaë-tane Thiney pense à « l’après-foot » depuis qu’elle a obtenu son bac et ses diplômes de prof de sport, et travaille sur ce qu’elle appelle un « double projet », à savoir « joueuse et conseillère tech-nique nationale à la FFF ». Des sportives organisées, prévoyantes et surtout per-sévérantes… « Un titre mondial instal-lerait définitivement le foot féminin en France », assure pour conclure Gaëtane Thiney. « Autant dire qu’avec la Coupe du Monde 2015, nous avons le développe-ment du foot féminin entre nos mains ! »

Ugo Martinez

DES FILLES EN BLEUla coUpe aU boUt des piedsLe foot féminin rassemble de plus en plus. Avec un nombre de licenciées en hausse constante, il est aussi porté par une équipe de France parmi les meilleures nations mondiales. Alors, où en est la féminisation du foot français ? Enquête.

Gaëtane Thiney Ci-dessus : Corinne Diacre, adjointe du sélectionneur de l’équipe de France.

une vraie montée en puissance29 millions de femmes jouent au football dans le monde, 12 % des juniors sont des filles,24 équipes participeront à la Coupe du Monde féminine de la Fifa, au Canada, en 2015.Fédérateur, le foot féminin rempli les stades. Récemment, la nomination de la potugaise Héléna Costa, au poste d’entraîneuse du Clermont foot 63, en deuxième division, a marqué une révolution. C’est la première fois, en France qu’une femme entraîne une équipe masculine de foot.

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ho

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: FFF

foot féminin

En exclu sur le webEntraînement et rencontre avec l’équipe nationale de foot féminin sur Respectmag.com

Ci-dessus : Céline Déville passe le ballon à Laëtitia Philippe.

87%sont pour un football

féminin plus médiatisé.

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 24

foot homosexualité

es chiffres sont éloquents : 41 % des footballeurs et 50 % des élèves en centre de formation à

ce sport se déclarent hostiles aux ho-mosexuels. Pour le Paris Foot Gay (PFG) « c’est un grand spectacle masculin avec des valeurs viriles dominantes et une compétitivité exacerbée », explique Jacques Lizé, porte-parole du PFG, « des valeurs qui ne vont pas aider au respect de l’homosexualité. Sans oublier la tradi-tion de l’homophobie qui s’est dévelop-pée à travers les supporters, les chants et les banderoles. L’homophobie est présente dans presque tous les sports, mais c’est dans le football que cela a été ritualisé. » Les joueurs et les supporters ne sont pas seuls responsables de cette dérive. Didier Deschamps, par exemple, qui en 2007 a entraîné la Juventus de Turin, a vu rouge lorsque ces joueurs ont arboré leur maillot rose : « Je n’aime pas, c’est la couleur des gays », avait-il lancé. « Le problème est global, c’est pour ça qu’on intervient à tous les échelons avec des formations de sensibilisation pour les entraîneurs, des rencontres avec les supporters, et des appels du pied vers les hautes instances », explique Jacques Lizé. Il faut dire que la Fédération fran-çaise, à la différence des fédérations hollandaise, australienne ou allemande,

ignore complètement les problèmes posés par l’homophobie. « Et il en est de même pour le racisme et le sexisme », ajoute le porte-parole.

Bouger les lignesUne discrimination en cachant souvent une autre, la parité n’est pas respectée dans les postes de décisionnaire de la FFF et, de la même manière, très peu de personnes de couleur gravissent les échelons du football. Selon le porte-pa-role de PFG, il est clair que « les actions de la fédération manquent de courage et de volontarisme dès qu’on parle de discrimination. L’UEFA semble cepen-dant vouloir bouger les lignes en s’asso-

ciant avec le réseau Football Against Racism, par exemple. Le PFG doit aussi rencontrer William Gaillard, l’assistant de Michel Platini. » Pour autant, le futur ne s’annonce pas rose pour l’homosexua-lité dans le football, la Coupe du Monde de cette année est déjà entachée par des affaires de sexisme sans oublier les propos de Sepp Blatter (président de la Fifa) au sujet de la Coupe du Monde au Qatar qui rappelle aux homosexuels qu’ils devront « s’abstenir d’avoir une sexualité ! », « On part de loin et on ne s’attend pas à grand-chose », conclut Jacques Lizé.

Florent Reyne

SE rESPECTErLe Paris foot gay donne des cartons rougesLa championne de tennis Amélie Mauresmo, le rugbyman gallois Gareth Thomas, ou Jason Collins, joueur de NBA… De nombreux athlètes se sentent de plus en plus libres de faire leur coming outourtant, les footballeurs restent étrangement discrets… Taboue, l’homophobie est en effet la plus importante des discriminations du football professionnel. Rencontre avec le Paris Foot Gay qui tacle les hautes instances footballistiques.

Lilian Thuram rencontre le Paris Foot Gay« J’ai pris connaissance des résultats de l’enquête d’Anthony Mette sur l’homophobie dans le football professionnel que le PFG avait commanditée. J’avoue ne pas comprendre pourquoi la FFF et le ministère des Sports ne mettent pas en place un programme d’action sur cette discrimination comme cela se fait dans d’autres pays européens. Seule la Ligue de football professionnel s’est engagée sur ce terrain, mais il y a urgence à organiser une large mobilisation ; en particulier auprès des jeunes ! Ces questions ne sont jamais abordées dans les cursus des éducateurs sportifs. Pourtant, le sport, comme l’école, sont des espaces d’éducation où les enfants apprennent à devenir de futurs citoyens. »

Page 25: Respect mag 41

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 25

Est-il selon vous important que les joueurs de l’équipe de France connaissent et chantent la Marseillaise ?

Dans l’hypothèse d’un acte ou d’une parole à connotation raciste dans le public d’un match de football, êtes-vous favorable... ?

Diriez-vous de l’équipe de France qu’elle représente les diversités de la société française ?

On voit parfois des joueurs se signer ou porter des signes religieux, faut-il selon vous interdire les signes religieux sur les terrains de sport ?

... à sanctionner le ou les auteurs ? ... à l’annulation du match ? ... au report du match ?

Oui

Non

Oui

Non

Ne se prononce pas

Oui

Non

Ne se prononce pas

Oui

Non

Ne se prononce pas

84%

16%

92%6%2 3

53% 44%

56% 1

43%53%

146%

61%

36%

3

SONDAGE OPINION WAY POUr rESPECT MAGce qu’en Pensent Les français…

Enquête réalisée les 7 et 8 mai 2014 sur un échantillon de 1129 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252.

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LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 26

APPRENDRE

Sans-abri et morts de rue

11 millionsde logements vacants et…

4,1 millionsde sans-abri en Europe.

1,1 milliarda été consacré à l'hébergement d'urgence et à l'aide alimentaire

aux sans-abri en 2009.

110 millionssupplémentaires ont été

consacrés à l'hébergement d'urgence en 2010.

100 000personnes sont accueillies pour

des durées longues dans des services d'hébergement social

ou dans un logement bénéficiant d'un financement public.

C’est l'espérance de vie d'un SDF en 2014.

33 000personnes viventen France entre la rueet les dispositifs d’accueil d’urgence.

3,5 millionsde personnes sont mal logées ousans-abri.

453 SDFsont morts dans la rue en 2013 en France.

À VENDRE

À VENDRE

À VENDRE10 millionssont concernées par la crise

du logement.

(1)

(2) enfants étaient sans-abri en France, début 2012 .

30 000 (4)

(4)

(4)

(5)

(3)

(3)

(1)

(4)

personnes ont été logées / hébergées dans un dispositif du groupe SOS* en 2013, dont 2 000 via l’Intermédiation locative.

Environ

5 000

(1)

Il y a 60 ans, le lundi 1er février 1954, Henri Grouès, dit l’Abbé Pierre, lance sur Radio Luxembourg, un appel qui fera date. Durant quatre minutes, le fondateur d’Emmaüs exhorte les Français à « l’insurrection de la bonté », déclenchant une pluie de dons pour les sans-abri. Mais depuis…

1) Selon des données rassemblées par The Guardian. 2) Selon l’Insee. 3) Recensement du collectif Les Morts de la rue annoncé début mars dans un livret à leur mé-moire. 4) Estimation de la Fondation Abbé Pierre publiées dans son 19e rapport annuel, le 31 janvier 2014. 5) Évaluation de l’association Les Enfants de Don Quichotte.

Resp

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ublic

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gro

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SOS.

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COMPRENDRE

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 28

Le genre est une théoriePour décrédibiliser les chercheurs qui étudient le genre, les « anti » présentent ce concept de science sociale comme une théorie. Mais le genre existe, c’est ce qui définit le masculin et le féminin : les rôles, les compor-tements et les qualités que la société attribue à chaque sexe. Cette catégorisation « justifie les discriminations entre les hommes et les femmes », explique Alban Jac-quemart, sociologue au centre d’études de l’emploi, spé-cialiste du genre. « Les garçons sont censés aimer le bleu et le sport, tandis que les filles sont censées aimer le rose et les robes », précise le journaliste de Yagg.com, Julien Massillon. Si tu es un garçon et que tu n’aimes pas le foot, la société considère que quelque chose cloche chez toi. « Toute déviance aux normes de genre est associée à l’homosexualité », ajoute Alban Jacquemart. Un homme efféminé est considéré comme gay, tandis qu’une femme masculine est perçue comme lesbienne. L’orientation sexuelle et l’identité de genre sont pourtant deux notions distinctes : on peut être un « garçon manqué » et aimer les hommes.

Le genre, c’est miLitantLes universitaires qui étudient le genre seraient des mili-tants, incapables de faire la différence entre le politique et le scientifique. « Ces recherches se plient aux règles des disciplines universitaires », conteste Alban Jacquemart. De même, le genre viendrait du terme gender, importé des États-Unis au début des années 2000. « Cela fait au moins 40 ans que ces recherches existent en France », rappelle l’universitaire. Déjà, en 1949, Simone de Beauvoir interrogeait le genre, sans le nommer, dans son ouvrage « Le Deuxième Sexe » (éditions Gallimard).

Le genre nie Les différenceshommes/femmesRemettre en cause la complémentarité hommes/femmes en critiquant le genre serait effacer les diffé-rences entre les sexes. Pourtant, « les différences biolo-giques existeront toujours », tranche Julien Massillon. Ce qui est contesté, ce sont les inégalités et les stéréotypes qui en découlent. Selon Alban Jacquemart, « ce n’est pas une destinée obligatoire d’aimer le rose quand on est une fille ». Même si elle préfère le bleu et jouer au foot, une fille ne se transformera pas en garçon.

Le mariage gaY Vise À imPoser La théorie du genreCertes, l’ouverture du mariage aux couples homosexuels remet en cause l’un des fondements de l’ordre social : un couple, ce n’est plus obligatoirement un homme et une femme. Pour autant, personne n’essaye « d’imposer la théorie du genre ». Le genre est une réalité qui dicte déjà les normes sociales. La reconnaissance des mariages homosexuels « légitime l’homoparentalité, selon Alban Jacquemart. Mais elle n’implique pas une remise en cause des normes de genre pour tout le monde. » Il appartient à chaque individu d’accepter ou de rejeter ces règles, sans que son choix ne lui soit imposé.

L’homoParentaLité et L’enseignement du genre Vont créer une génération d’homosAu sein de la famille, les normes de genre attribuent des rôles spécifiques aux femmes et aux hommes. « La mère apprend à sa fille comment être une fille et le père apprend au garçon comment être un homme », explique le Julien Massillon. Les enfants élevés par des parents homosexuels ne se développeraient donc pas correctement d’après les antigenders. Néanmoins, « il s’avère que globalement leurs comportements ne varient pas fondamentalement de ceux de la population générale », écrit le pédopsychiatre Sté-phane Nadaud dans son ouvrage « Homoparentalité, une nouvelle chance pour la famille ? » aux éditions Fayard .

Anna Demontis

Après l’introduction des modules « ABCD égalité » dans les programmes scolaires une forêt de boucliers

s’est levée. Derrière cette forêt, une crainte, celle de voir s’installer une déconstruction du genre .

Un idée alimentée par plusieurs fantasmes.

IDÉE REÇUE

tout ce que vous croyez savoir sur…

le genre©

D.R

.

Page 29: Respect mag 41

LEMAGAZINEDIVERSITÉ n°41 29

entreprendre

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BREAkFASt DIvERSItÉ

apparence physique et recrutementLa loi de 2001 sanctionne tout traitement inégalitaire motivé par l’apparence physique d’un individu. Et pourtant. Selon une enquête menée par le Défenseur des Droits en octobre 2013, 29 % des demandeurs d’emploi interrogés et ayant subit une discrimination mettent en cause leur apparence physique. De même, 37 % des recruteurs estiment que l’apparence d’un candidat a de l’influence sur son éventuelle embauche. Alors que le poids des images est de plus en plus prégnant dans nos sociétés, le physique compte lors des proces-sus de recrutement. Et force est d’admettre que les préjugés associés jouent également.À partir de ce constat, l’AFMD (Association française des managers de la diversité) et Respect mag ont réuni autour de la table Groupama, Casino, la Française des Jeux, L’Oréal, GDF-Suez, Air France, Orange et le Groupe SOS *. Lors d’un « Breakfast de la diversité », ils ont échan-gé sur la discrimination fondée sur l’apparence physique lors des proces-sus de recrutement, avec deux spécialistes de la question.

Anna Demontis

Oumaya Hidri-NeysMaître de conférences en STAP à l’Université Lille 2, elle étudie la place que tient généralement l’ap-parence physique dans la vie sociale des individus.

Les métiers de la relation commerciale, de l’ordre et de l’encadrement sont ceux où il y a le plus de straté-gies développées pour travailler son apparence. J’ai as-sisté à l’entretien de Yoann, par exemple, qui postulait à Décathlon pour travailler au rayon « sports collectifs ». Son CV, ses connaissances et la façon dont s’est dérou-lé l’entretien répondaient aux attentes de l’entreprise, sauf son apparence physique, qui était plutôt celle d’un body builder. C’est pourquoi il a finalement été recruté pour le rayon « fitness ». Les entreprises veulent faire coller au maximum le corps de leurs salariés à l’image que se font les clients de ces personnes. »

En exclu sur le webRetrouvez les interviews bonus sur Respectmag.com

*Respectmag est une publication du GROUPE SOS

Article réalisé en partenariat avec :

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Isabelle BarthDirectrice de l’École de Ma-nagement de Strasbourg. Ses travaux de recherche portent sur le management de la diversité, notam-ment en ce qui concerne l’apparence physique.

En ayant ce type de biais fondé sur l’apparence, sous prétexte que le candidat n’a pas le physique de l’emploi, on passe à côté de talents et de compétences. Le stéréotype est un processus normal et humain, le problème, c’est quand il devient un préjugé. On doit travailler sur cette prise de conscience, en processus de recrutement et plus généralement quand on est en interaction avec les autres. Car face à une personne, on conserve, inconsciemment, tout ce qui renforce notre premier jugement et on écarte tout ce qui pourrait le remettre en question. »

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entreprendre

Aristote disait déjà : « La beauté est une meilleure re-commandation que n’importe quelle lettre ». La ques-tion des apparences est fort ancienne, mais la pression a augmenté avec Internet et les réseaux sociaux. Se mettre en scène pour être vu et reconnu est devenu un enjeu personnel et professionnel.On distingue deux types d’apparence : celle dont on convient qu’elle est « subie » : on ne choisit pas d’être noir ou blanc, petit ou grand, dépourvu d’un membre, avec une transpiration excessive, ou encore d’être « laid » ou « disgracieux », roux ou… chauve. Et l’appa-rence dite « choisie » qui renvoie à des caractéristiques délibérément modifiées ou provoquées : ce sont les ta-touages, les piercings, la coiffure, mais aussi le poids, la façon de bouger ou de s’habiller.

Des stéréotypes aux préjugés Dès notre plus petite enfance, nous construisons notre rapport au monde en nous appuyant sur un proces-sus de catégorisation. Ce processus nous amène à construire des stéréotypes, qui ont valeur de repères mais pas de jugements. Les préjugés apparaissent lorsque l’on juge sans connaître, sur la base d’informa-tions non vérifiées, incomplètes… Et moins on connaît,

La beauté est une meilleure

recommandation que n’importe quelle lettre !

Aristote

L’AnALySE BrEAkfASt DIvErSIté

Le grand méchant look

isabelle Barth est directrice générale de l’école de Management de strasbourg. elle est notamment l’auteure avec Yann-Hervé Martin de « La Manager et le Philosophe, Femmes et hommes dans l’entreprise : les nouveaux défis » Le Passeur Éditeur, 2014.

Code déontologique du CandidatSachez déclencher l’alerte si vous avez eu des

interpellations qui questionnaient ou mettaient en cause votre apparence physique! vous rendrez service à d’autres et vous éviterez des mauvaises pratiques. Le whistleblowing (le fait de donner l’alerte) a mauvaise presse en france mais c’est aussi une façon de faire évoluer les mentalités et les pratiques.

regardez autour de vous pour être certain qu’il n’y

a pas de double discours : les enseignants, les professionnels que vous croisez en dehors de l’entretien ont-ils l’air bien dans leurs baskets ? Sont-ils différents dans leurs looks, leur comportement ? Et surtout, vous correspondent-ils ? Car il s’agit bien, à travers cet entretien, de choisir votre école ou votre entreprise.

Dites-vous que c’est vous qui ferez bouger les

lignes des préjugés. Demain, ce sera à vous de prendre le relais pour que l’apparence ne soit plus un poids dans le monde du travail : alors aidez-nous à le faire dès maintenant!

I.B.

Article réalisé en partenariat avec :

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plus les préjugés comblent les lacunes de cette connais-sance insuffisante. C’est comme cela que nous pouvons penser, ou affirmer que « les roux sentent mauvais », « les blondes sont idiotes », « une personne maigre est une angoissée », « un gros est sympa », « un tatoué est un marginal » …

Ce qui est beau est bon Les études montrent que les personnes attractives sont considérées comme plus sociables, plus indépendantes, plus sincères, moins timides, moins névrosées ... mais aussi plus intelligentes, plus compétentes, plus qua-lifiées. On sait que c’est déjà le cas dans les salles de classe où les enfants « mignons » sont plus souvent in-terrogés et mieux notés que ceux jugés plus disgracieux. Décidément, « ce qui est beau est bon ». Les chiffres tirés d’observations dans le monde du travail sont là pour objectiver ces comportements que l’on peut qualifier de discriminatoires : la prime de beauté est de l’ordre de 12 % en moyenne, contre 5 à 10 en moins avec la pénalité laideur. Entre deux candidats de tailles différentes, 72 % des recruteurs choisissent le plus grand. Lors d’un recru-tement, un banquier trouvera plus crédible un interlocu-teur en costume ou tailleur. Les postures vont être inter-prétées : les mains moites seraient un signe d’angoisse, les bras croisés un signe de retrait… Or, les recruteurs bien formés savent que c’est sur la compétence qu’il faut se concentrer.

Votre pire ennemi forme de renoncement perverse et sourde, l’autocen-sure est un véritable handicap. C’est ainsi que les per-sonnes se jugeant en surpoids ne vont pas aller vers des métiers de relation, celles qui se jugent disgracieuses vont se réfréner dans leurs ambitions professionnelles, les tatouages vont être camouflés et les piercings enle-vés. nous sommes nos pires ennemis en préjugeant du regard que l’autre va porter sur nous.

Isabelle Barth

Plusieurs études montrent qu’en France l’apparence physique est un critère de discrimination courant, notamment à l’embauche. C’est sur ce constat que l’AFMD s’est fondée pour mettre en place une commission, pilotée par isabelle Barth. La spécialiste interroge les motifs de jugements sur l’apparence physique qu’ils soient favorables ou pas.

Prenez conScIence de voS PréjugéS Pour mIeux leS détruIre

deS SalarIéS ont le SentIment d’avoIr déjà été dIScrImInéS Pour leur aPParence (étudeS IPSoS Pour le défenSeur deS droItS en juIllet 2013).

29 %

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femme. « Dès les premiers stages, ça m’a plu », ajoute-t-il. À la maternité d’Amiens, Alexandre découvre un métier qui échappe à la routine. « Que ce soit en urgence, en salle de naissance ou dans les services de grossesses pathologiques, il n’y à jamais la même chose à faire. Il y a un côté excitant, car tu ne sais jamais sur quoi tu vas tomber. » De quoi satisfaire cet esprit imprévisible. Les sages-femmes suivent les grossesses dès le diagnostic, et jusqu’à l’accouchement. Autre tâche, aider et sensi-biliser les jeunes femmes à la contraception au sein du planning familial.

Le chouchou de L’hôpitaL Enthousiaste, Alexandre reconnaît cependant s’être senti mal-à-l’aise les premiers jours. « Tu touches à l’intimité de la personne et en plus, tu es un homme. » L’étudiant au caractère nerveux se braque la première fois qu’une patiente refuse de se faire examiner. « Tu veux aider et bien agir, mais au final on te congédie parce que tu es un homme. C’est très frustrant », explique-t-il. Aujourd’hui, il adopte une attitude plus modérée et prend ces situa-tions moins à cœur. Il choisit de s’effacer, ou non, au cas par cas. Surtout que, « trois fois sur quatre, peu importe à la patiente que tu sois un homme ou une femme. Ce sont les accompagnants qui sont plus réticents ».Être un homme à la maternité ne pose, dans les faits, que peu de problèmes. Plusieurs avantages se sont même révélés à Alexandre. Réputés plus doux, « les hommes apportent aussi un regard extérieur à la profession et n’ont pas le même vécu que les femmes, par rapport à l’accouchement », précise-t-il. Au sein des équipes de

i c’était à refaire, Alexandre ne changerait rien à son parcours. Du haut de ses 27 ans, cet étu-diant est en 3e année d’école de sages-femmes.

Pourtant, barbe de trois jours, regard franc et appuyé, le jeune homme nous explique que rien ne le destinait à une telle vocation. D’abord, parce qu’en 2010, il décroche une licence d’informatique. Ensuite, car la profession de sage-femme n’est ouverte aux hommes que depuis 1982. Alexandre en témoigne : 30 ans ne suffisent pas effacer des stéréotypes encore bien ancrés.

un métier anti routine En 2011, Alexandre termine une première année de médecine difficile, à Amiens. « J’étais en parallèle gérant d’une boîte de nuit, c’était dur à concilier avec les études et je n’ai pas obtenu ce que je voulais au concours. J’ai eu le choix entre trois spécialités », raconte-t-il. Peu intéressé par la kinésithérapie, réticent à l’idée de partir à Reims pour devenir dentiste, il se décide : ce sera sage-

entreprendre

En 2011, il intègre l’école de sages-femmes Michel Vitse d’Amiens. Dans un an, Alexandre rejoindra le… 1 % d’hommes que compte la profession.

LA guEuLE DE L’EmPLoIL’homme sage-femme

Aujourd’hui, lA FrAnce compte 20 000 sAges-Femmes, dont 200 hommes

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le terme « sAge-Femme » désigne lA pAtiente enceinte, et non le prAticien

UNE MIXITÉ ENCORE RELATIVELe métier de sage-femme est ouvert aux hommes depuis 1982. C’est une directive européenne, consacrée à la non discrimination sexuée des métiers, qui introduit cette réforme. Aujourd’hui, la France compte 20 000 sages-femmes, dont 200 hommes. Ils représentent 1 % de la profession. Dans les écoles, ils sont entre 8 et 10 % d’étudiants. La promotion d’Alexandre, à Amiens, compte huit garçons pour 27 filles.

sages-femmes, le jeune homme est bien accueilli. Il se fait régulièrement « chouchouter » par ses collègues.

SageSSe deS femmeS De plus en plus d’hommes s’orientent vers des études de sage-femme par choix, voire par vocation : dans l’établissement michel Vitse d’Amiens, ils sont une vingtaine de garçons sur 150 étudiants. « La percep-tion de la profession a changé depuis mes premiers jours à l’école », affirme Alexandre, qui affiche même un optimisme bienveillant quant à l’avenir du métier. « Il faut laisser le temps à la société de s’adapter », plutôt que de forcer les choses en optant, par exemple, pour le terme « maïeuticien ». « Cela créerait plus de confusion et les patients seraient perdus », tranche Alexandre. D’autant qu’en réalité le mot « sage-femme » désigne la patiente enceinte, et non le praticien. « La sage-femme c’est aussi celle « qui connaît la sagesse des femmes », qui sait les faire accoucher. »Voilà quelques semaines que l’étudiant a fini son dernier stage, à l’hôpital Camille Desmoulins d’Amiens. Cette année, il s’est aussi investi dans le mouvement de grève qui secoue la profession depuis novembre 2013. Il ne se satisfait pas de la solution trouvée par marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé : « Elle a joué des divisions en créant un statut propre aux sages-femmes. Elle a répondu aux attentes d’une partie d’entre elles et a balayé l’autre partie du mouvement. » Le jeune homme imagine une fonction publique hospitalière revi-sitée, qui comprendrait un service spécifique aux sages-femmes afin d’englober toutes leurs missions. En atten-dant, Alexandre sera diplômé dans un an.

Anna demontis

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COMPRENDRE

30 ans de perdu !À la fin des années 70, le Centre de recherches et d’ac-tions sociales (Ceras) organisait à Paris un colloque sur le droit de vote des étrangers. Ses défenseurs se comp-taient sur les doigts d’une main. Ils tiraient argument de l’expérience des pays du nord de l’Europe où le suffrage des étrangers aux élections locales ne déstabilisait pas les équilibres locaux : leurs voix se répartissaient entre les grands partis avec, simplement, un taux d’absten-tion supérieur à celui des nationaux. Mais il s’agissait d’une question de principe : l’amélioration de la condition des étrangers par la participation à la vie citoyenne. Les détracteurs du droit de vote des étrangers dénonçaient à la fois son inutilité, du fait de la diversité des moyens d’acquérir la nationalité française et donc la citoyenneté, et la lourdeur de la procédure pour modifier la Constitu-tion. Par ailleurs, deux autres arguments étaient avan-cés : cela ne changerait rien aux difficultés sociales et économiques des immigrés; cela créerait une citoyen-neté de seconde zone. Les élections se succédant, les

arguments se précisèrent. La Constitution fut changée pour les communautaires, sans bouleversement majeur, et beaucoup de jeunes devenus Français, réclamèrent le droit de vote non pour eux mais pour leurs parents. Le vote était la reconnaissance de l’apport économique et culturel des migrants et la contrepartie du paiement de l’impôt. La majorité de l’opinion publique devenait favo-rable. Alors pourquoi, après trente ans, rien ne change ? Les évolutions géopolitiques récentes jouent certaine-ment : le fossé entre les démocraties européennes et les pays d’origine s’est creusé. Avec la crainte que les migrants reproduisent le clientélisme, les oppositions ethniques et religieuses, dans les quartiers où ils sont concentrés. Mais l’échec de la promesse tient d’abord à la responsabilité des politiques, qui n’ont pas défendu l’idée lorsque l’opinion publique était prête. Pire, ils l’ont agitée comme un chiffon rouge à chaque élection. L’élec-toralisme a triomphé des principes.

Anna Demontis

C’est bon pour la démoCratie ! En démocratie, les lois sont celles de la majorité et nous devons défendre le droit des minorités à faire valoir leur point de vue, malgré les risques de sanctions. Et dans le fond, ce n’est que dans ce cas-là que l’objection de conscience est admissible car elle est politique. On la retrouve chez Gandhi ou dans le mouvement pour les droits civiques des noirs américains et contre la ségré-gation, puisqu’on affirme qu’une loi n’est pas légitime au regard d’une autre loi : celle de l’égalité. Dans cette perspective, certes, la démocratie doit défendre le droit à l’objection de conscience. Mais cela ne veut pas dire que nous pouvons tous évoquer n’importe quelle rai-son pour ne pas obéir à la loi. Dans le cas des maires, l’autoriser reviendrait à légitimer le droit à une pratique discriminatoire qui est précisément ce contre quoi la loi

de la République lutte. De plus, à ceux qui craignent un changement de société, je réponds que cette loi ne pro-duit pas de révolution anthropologique, mais entérine un mouvement qui a débuté en France en 1944, lorsque la loi proclame que nous sommes tous hommes et femmes, égaux au regard de la citoyenneté. À partir du moment où se réalise le programme égalitariste annon-cé en 1789, la contradiction est devenue intenable : on ne peut plus soutenir que nous sommes tous égaux et en même temps dire « sauf celui-ci ou celui-là ! .» Et cette loi en est la manifestation. Elle est le fruit d’un principe égalitariste qui, petit à petit, se débarrasse de tout ce qui n’est pas fondé en termes démocratiques. En fait, cette loi valide deux cents ans de reconnaissance de l’individu comme un être autonome, indifféremment de ce qu’il est et de ce qu’il fait.

JaCqueline Costa-lasCoux est sociologue. Directrice de recherche au CNRS, elle dirige l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration depuis 2004. Elle est aussi membre du Haut conseil à l’intégration.

VinCent rebérioux est le vice-président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et porte-parole du collectif Votation citoyenne. Il co-anime le collectif Droit de Vote 2014.

Le droit de vote des étrangers aux élections municipales a souvent été brandi en promesse de campagne. En 2012, François Hollande n’a pas dérogé à la règle. Mais les étrangers non européens restent exclus du scrutin local. Retour sur le parcours de cette proposition, des années 1970 à nos jours.

TRIBUNES

droit de vote des étrangers

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1972La gauche, unie, promet que « les travailleurs immigrés profiteront des mêmes droits que les travailleurs français ». En 1974, un Tunisien, Djellali Kamal, se présente à l’élection présidentielle.

Dés 2006Plusieurs villes organisent des référendums d’initiative locale sur le droit de vote des étrangers. La commune de Saint-Denis (93) est pionnière. 64 % des votants y sont favorables.

1981En vue de l’élection présidentielle, François Mitterrand s’engage sur le droit de vote des étrangers aux scrutins municipaux. Six ans plus tard, il estime que la France n’est pas prête.

2011Le Sénat vote la proposition de loi sur le droit de vote des étrangers, 11 ans après son adoption par l’Assemblée nationale. Elle fait toujours la navette entre les deux chambres du Parlement.

2013François Hollande annonce que sa promesse sera tenue après les élections municipales de 2014. Selon lui, il est impossible de modifier la Constitution en moins d’un an.

1976Le président Valéry Giscard d’Estaing légalise le regroupement familial. Se pose alors la question de la participation à la vie publique des familles d’immigrés et de leur descendance.

2007Nouvelle élection présidentielle. Nicolas Sarkozy dit adhérer à cette idée, « à titre intellectuel » et « sur la base de la réciprocité ». Une position déjà affirmée dans son ouvrage Libre, paru en 2001.

1992Le traité de Maastricht instaure le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, pour les citoyens européens. Les autres étrangers restent privés de ce droit civil et politique.

2012La proposition n°50 du programme de François Hollande promet le droit de vote des étrangers aux élections municipales. Il est élu, mais dès le mois de novembre, il revient sur son engagement.

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RENCONTRER

orinne Bouchoux nous reçoit dans sa perma-nence d’Angers, affable et tout sourire. Après un rapide tour du propriétaire plein de « propa-

gande féministe », la jeune quinqua admet détonner au Palais du Luxembourg. Il faut dire qu’elle est de plusieurs minorités : féministe et homosexuelle dans une assem-blée d’hommes (22 % de femmes), elle est aussi l’une des douze élus verts (sur 348 sièges). Née en région parisienne d’un père de droite et d’une mère « catho de gauche », elle nous glisse à demi-mot que son enga-gement s’est construit en réaction. À 18 ans, elle est bénévole au Planning familial et à la Ligue des droits de l’homme et se lance, à la fac, dans le syndicalisme étu-diant.

LA poLitique, une Arme contre LA discriminAtionPour rendre à l’école ce qu’elle lui a apporté, la jeune di-plômée de Sciences-Po Paris passe son Capes à 22 ans, et devient prof de sciences économiques et sociales en Picardie. À 30 ans, elle obtient même le concours de chef d’établissement. Une carrière brillante qui ne l’éloigne pas de son mojo : « Enseigner, militer, faire de la recherche ». Dans les années 90, on lui confie un ouvrage d’entretien avec Lucie Aubrac. Une rencontre exceptionnelle : « On a eu des conversations fascinantes, nous avons imaginé par exemple ce que ça aurait été, en termes de représen-tation nationale, si Jean Moulin avait été homosexuel ! » En 2002, Corinne Bouchoux suit sa compagne, l’histo-

rienne féministe Christine Bard, à Angers. Nichée dans une région rurale, la ville offre alors le tableau d’une cité open minded : sa bibliothèque universitaire abrite même le Centre des archives du féminisme. Une image quelque peu écornée aujourd’hui : « l’année passée, en plus des insultes à Christiane Taubira, notre arbre de la laïcité a été scié deux fois », s’inquiète l’élue. La sénatrice doit son entrée en politique aux présidentielles de 2002 : « dans le défilé contre Le Pen, ma fille de 10 ans m’a demandé si ça suffirait à faire reculer le Front National ». Convaincue qu’il faut s’impliquer, elle prend sa carte chez les Verts, « un parti où le dialogue est roi ». Et en 2011, un accord avec le PS la propulse au Sénat. Elle s’apprête aujourd’hui à rendre un rapport sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires et est aussi rapporteur d’une mission d’information sur l’accès aux documents administratifs, « capitale pour les militants politiques ».

des éLections encore peu pAritAiresEt pourtant l’hémicycle reste un défi : « après chaque journée au Sénat, je sais pourquoi je suis féministe ». Car au-delà de la place réduite des femmes au pouvoir, la sé-natrice le déplore, « dans des élections paritaires, les tête de listes hommes cherchent encore des suppléantes féminines ». Il y a quelques semaines, Corinne Bouchoux devait être sous les feux de la rampe : spécialiste de Rose Valland, l’héroïne de la résistance qui a sauvé des cen-taines d’œuvres de la spoliation ou de la destruction na-zies, elle devait se rendre à la première du film Monument Men de George Clooney. Atterrée par la peopolisation des politiques, la sénatrice nous quitte avec un sourire cynique : « Aucun journaliste ne m’a contactée pour mon travail sur les essais nucléaires, mais on m’a proposé de poser avec Clooney... Vous vous rendez-compte ? »

Anne-Laure Pineau

En avril 2012, une sénatrice en pantalon de jean se fait remarquer au Palais, c’est Corinne Bouchoux, élue Eu-rope-Écologie-Les Verts du Maine-et-Loire. Peu après son élection, la sénatrice, ouvertement homosexuelle, qualifie le Sénat « d’hétéroland ». Trop souvent réduite à sa réputation de grande gueule, la femme politique a bien d’autres choses à dire à Respect Mag. Portrait.

PoRtRAIt

corinne Bouchoux L’électron libre du sénat

Depuis 2000, la Bibliothèque Universitaire d’Angers abrite le Centre des rchives du féminisme, lieu de sauvegarde de la mémoire fémi-niste. Il rassemble des archives d’associations et de figures d’hier et d’aujourd’hui. Selon Maxime Szczepanski, conservateur des fonds spécia-lisés, c’est une fierté de mettre à disposition des chercheurs ces archives . Un avis que partage Christine Bard, présidente du CAF, très heureuse de nous expliquer : « je viens de recevoir le fond Benoîte Groult et commence juste à y mettre le nez ! »

Les Archives du féminisme

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PoRtRAIt

corinne Bouchoux L’électron libre du sénat

Les Archives du féminisme

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DÉCOUVRIR

La Villeneuve,lieu du possible

UNE VILLE / UN QUARTIER

À cheval sur les villes de Grenoble et d’Échirolles, en Isère, le grand ensemble de La Villeneuve naît en 1973. D’abord promoteur d’une vision innovante de l’urbanisme et de la mixité sociale, le quartier fut vite confronté à la marginalisa-tion. Malgré ce constat, les habitants et les associations essayent de perpétuer une conception solidaire de la vie en banlieue.

Au début des années 1970, La Villeneuve s’érige sur deux villes iséroises frontalières, Grenoble, au nord, et Échirolles, au sud. « À cette époque, les derniers grands ensembles sont construits en France. On s’oriente alors vers ce qu’on appelle la « ville nouvelle », ce qui donne d’ailleurs son nom au quartier. La Villeneuve est pen-sée par la municipalité en place. Elle prône un socialisme autogestionnaire », explique David Gabriel, responsable des Ateliers Populaires d’Urbanisme de La Villeneuve. Ce grand projet, qui verra le jour en 1973, prévoit des équipements

socio-culturels et éducatifs, ainsi qu’un parc de 17 hec-tares, placé en plein cœur des logements. Le lieu et son organisation sont étudiés en amont de sa construction. Au sortir de la décennie 1960, qui a vu le développe-ment rapide de grands ensembles, la Villeneuve s’appuie sur une approche réfléchie et innovante de la ville. À sa création, il existe « une dizaine d’écoles, deux collèges, un centre audiovisuel, une salle de spectacles », souligne David Gabriel. Cinq ans après mai 1968, le slogan « Chan-ger la ville » incarne les ambitions des mairies de Gre-noble et d’Échirolles pour ce nouveau quartier. « Le projet repose sur une vision nouvelle de l’architecture et de la mixité sociale.» Santé, éducation, culture, les services sont nombreux et adaptés à la vie locale. « Il y a un grand plan pour l’éducation alternative qui durera une dizaine d’années environ, de 1973 à 1983. C’est sûrement le plus

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DÉCOUVRIR

La Villeneuve, Zone de Sécurité Prioritaire Le 1er octobre 2012, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, annonce la création d’une zone de sécurité prioritaire (ZSP) à La Villeneuve. Cette décision intervient quelques jours après les décès de Kévin et Sofiane au cours d’une rixe, deux jeunes qui vivaient dans le quartier. L’objectif est de renforcer la présence des forces de l’ordre dans le quartier. Pour David Gabriel, « la décision de mettre en place une ZSP se situe dans la continuité de l’intervention policière de juillet 2010 et de septembre 2012. C’est une politique de sécurisation des quartiers populaires par les forces spéciales. »

grand projet de pédagogie alternative réalisé en France dans des écoles publiques », raconte David Gabriel. L’ar-chitecture est moderne, elle s’inspire de Le Corbusier. Mais le contexte de la fin des Trente Glorieuses et la crise économique affaiblissent l’emploi. « Il y a eu des aban-dons, cela peut se comprendre. Beaucoup de gens sont partis, se souvient Alain Manac’h, résidant du quartier et ancien délégué général de la Fédération Nationale des Foyers Ruraux. De plus, il semble que certains politiques ne croient plus au projet. »

UN LABORATOIRE DE LA FRANCE DE DEMAINLa baisse de la mixité sociale et la paupérisation sont autant de facteurs d’échec. La Villeneuve concentre de plus en plus de populations issues de l’immigration, des personnes en difficulté et des chômeurs. « Il ne suffit pas de dire qu’il faut vivre avec les milieux populaires pour que l’idéal devienne réalité. Déclarer une alliance entre des identités sociales différentes ne signifie pas que cela fonctionnera, analyse David Gabriel. Les classes dominantes ont tendance à s’attribuer l’ensemble des éléments pensés pour la vie sociale et culturelle dans le quartier. » Si La Villeneuve souffre aujourd’hui de son manque d’attraction, elle ne peut être réduite à une zone d’insécurité comme certains médias ou personnali-

tés politiques le laissent croire. En juillet 2010, un jeune du quartier décède après une course poursuite avec la police. S’ensuit une intervention policière de grande ampleur, mobilisant 300 hommes. Ces événements entraîneront ledit « discours de Grenoble » prononcé le 30 juillet par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. Depuis, les habitants souffrent de l’image caricaturale du quartier. Symbolisé par le reportage d’Envoyé Spécial intitulé « La Villeneuve : le rêve brisé », le traitement journalistique national a renforcé l’impression d’une zone de non droit, dévastée par la violence. Une idée tronquée selon Alain Manac’h : « Aujourd’hui il y a encore beaucoup de vie, il y a plein d’associations et des fêtes de quartier. On vit bien à La Villeneuve. Bien sûr qu’il y a des voitures qui brûlent parfois, cela arrive, comme ailleurs ». Engagé depuis son arrivée dans le quartier, il veut croire au potentiel de cet espace de vie. « C’est un lieu où on apprend la diversité. La Villeneuve reste un laboratoire car elle représente la France de demain, c’est-à-dire ultra colorée, avec une mixité religieuse que chacun doit apprendre. »Pour y parvenir, Alain Manac’h insiste sur la nécessité de « réintroduire de la mixité dans le quartier. » « Il faut atti-rer des emplois, intervenir sur l’économique, intervenir sur la culture, réinstaller des projets éducatifs, poursuit-il. Il y a tous les atouts ici pour le faire. » David Gabriel est aussi op-timiste : « La Villeneuve est un lieu du possible. Les loyers ne sont pas très chers, il y a une vie relationnelle forte ici. » Les élections municipales du mois de mars ont installé l’écolo-giste Eric Piolle à la mairie de Grenoble. Dans le quartier les chantiers sont nombreux, mais l’espoir reste d’actualité.

Matthieu Windey

;« Aujourd’hui il y A;;encore;beAucoup;;de vie, il y A plein;;d’AssociAtions;;et;des fêtes de ;quArtier. on vit bien;;à lA villeneuve »;

En excluRetrouvez les vidéos bonus

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fil info

MONTREUILFestival ta PaROleDu 9 au 15 juin, le Festival TaParole prend ses quartiers à Montreuil (93). Organisatrice de l’événement, l’association éponyme mise sur la convivialité, la solidarité et la curiosi-té du public en proposant des artistes émergents et enga-gés. Parmi eux, le rappeur Rocé, la chanteuse Eskelina ou encore le groupe Zoufris Maracas. Retrouvez la program-mation sur le site : www.festivaltaparole.org

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PaRIsFestival iRRUePtiONOrganisé par l’association Belleville Citoyenne, le festival IRRUEPTION est un lieu d’expression pour tous les genres artistiques. L’événement qui se déroule du 13 au 15 juin place l’utilité sociale au cœur de la culture en impliquant les habitants et les associations du xxe arrondissement de Paris. Gratuit, IRRUEPTION défend un projet moderne et participatif. Toutes les informations sont à trouver sur le site web : irrueption-belleville.fr

M.W.

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Le vendredi 23 mai, de 16h à 2h du matin, le festival Toukouleur invite à une grande fête de la solidarité sur le campus de Luminy, à Mar-seille (13). Au menu, des plats venus du monde entier, des concerts et des stands associatifs ouverts pendant dix heures d’affilée. Après deux ans d’absence, l’événement voit les choses en grand et ouvre gratuitement ses portes à chacun autour de la valeur du partage. Site web : www.luminy.org

M.W.

MaRsEILLEFestival tOUkOUleUR, aU-Delà Des clivages.

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S’INTERROGER

On pue, on a le diable au corps… Victimes du racisme antiroux, cibles des « poil de carottes » et autres blagues ordinaires (on ne vieillit pas, on rouille…) , mes amis, mes frères, unissons-nous ! Et si on arrêtait de nous mettre des bâtons dans les… ?

pourquoi moi ?

Êtes-vous roussiste ?

La porte de la classe se referme, j’ai 13 ans et je sais qu’il me reste 10 minutes pour « faire le poing » avec celui qui ne me lâche pas depuis le début de l’année. Des semaines qu’il me vanne sur mes cheveux roux, (« le roux de l’infortune ») des semaines que ses vannes commencent à devenir méchantes (« les roux p… »). Je suis une bonne proie. L’anti-roux n’est pas encore sous le joug de la loi. Je le sais, Juifs, Noirs, Arabes, gros, ils ont tous leurs « politiquement correct », leurs associations. pas les roux. Ce jour-là, j’ai décidé de me faire com-prendre. Cinq minutes plus tard, j’étais collé jusqu’à la fin du mois, mais mon harceleur avait compris mes limites. Les années passent et les vannes continuent : sur Face-book (dont le grand chef, mark Zuckerberg est roux…), sur des blogs, les antiroux s’en donnent à présent à

cœur-joie. Cela va de la blague à deux sous jusqu’aux limites dépassées d’une incitation à la haine.

Père Noël, baNque de sPerme et adoPtioNsNous pensions avoir soufflé sur les clichés ancestraux et incultes, mais force est de constater que le feu couve toujours un peu sous la braise. En décembre 2009, par exemple, lorsque les magasins Tesco diffusent leur carte de vœux. En plein cœur de l’irlande, avec ses 6 % de roux, la chose ne passe pas inaperçue : le père Noël y pose en majesté, un petit garçon roux sur les genoux et cette phrase : « Le père Noël aime tous les petits enfants, même les roux. » La chose fait des vagues et jusque chez nous. Tesco a repris ses tirages et pré-

d’où vienT ma rousseur ? « La rousseur est une mutation dans la synthèse du pigment. Ceux qui n’ont pas de parents roux dans leur famille auront malgré tout 3 % de chances d’avoir un enfant roux. Il y a des roux chez les Noirs, les Blancs et les Asiatiques. » réflexions sur la question rousse, Valérie André éditions Tallandier, 2007. 2007 2014

La rousseur infamante,

Valérie André éditions

L’académie de Bruxelles, 2014

En exclu sur le webRetrouvez l’interview bonus de Valérie André sur Respectmag.com

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L’expLication « L’attraction et la répulsion se confrontent, comme c’est souvent le cas dans des phénomènes de minorité (…). C’est une dépersonnalisation de l’individu qui est résumée à sa couleur de cheveux ». V.A.

Roux LibRes À l’étranger, les roux se mobilisent. Cette année, la cinquième convention irlandaise des roux (The Irish Redhead) se tient du 22 au 24 août 2014 à Crosshaven et réunira des roux du monde entier. Conseil sur les couleurs, les tenues idéales, les crèmes pour le corps en bonus. Aux États-Unis, une tournée de la Rock it like a Redhead passera par Los Angeles, Atlanta avant de terminer, fin 2014, à New York.

senté ses excuses. « C’est de la discrimination pure et simple », ont alors souligné des mères de familles réu-nies devant l’enseigne. « S’il s’agissait d’un enfant noir ou obèse, le magasin aurait dû fermer »(1). Deux ans plus tard, nouveau coup bas : Cryos international, la plus importante banque de sperme au monde, ferme ses portes aux donneurs roux. Le directeur de l’époque, ole Schou, explique que la demande n’est pas assez forte. petits écarts de langage par ci, décisions économiques par là… Et en août 2012, le site de rencontres adop-teunmec.com monopolise les abribus de France avec un slogan : « Cette semaine, série spéciale carottes. Adoptez un roux ! » Et devinez : le site fut dépassé par les demandes de posters ! La vanne de rouquin rien de mieux pour se faire buzzer !

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2006, un lycéen de 16 ans est condamné à 135 € pour avoir craché dans un abribus du IXe arrondissement de Paris.

2008, un jeune adulte est condamné à cinq mois de prison avec sursis pour un crachat… Qui par malchance avait touché un policier.

Il faut reconnaître que cette habitude est relativement masculine. « C’est quand j’ai un truc pas agréable dans la bouche... Autant le cracher » explique Paul, lycéen en 1ère à Montreuil (93). Et sa copine, elle n’a jamais rien de désagréable à cracher ? Et bien « non, pas vraiment » répond la jolie brunette qui l’accompagne.

SouS le coup de la loiAlors ? « Mais c’est normal, c’est tout, on est quand même libres ! » ajoute un Kevin, 18 ans, étudiant à Nan-terre (92) . Et quand on lui explique qu’on trouve ça dé-goûtant, il s’insurge « Mais quand j’ai soif ou après avoir fumé, vraiment, j’en ai besoin, c’est pas un crime ! » . Et bien si. Depuis le 22 mars 1942 un décret interdit de cra-cher dans les lieux publics. L’article 74 alinéa 8 précise même qu’il est « interdit à toute personne de cracher ail-leurs que dans les crachoirs disposés à cet effet ».

de touS tempS et en touS lieux Les crachoirs sont devenus rares. Mais si cette loi s’est imposée à un moment de l’histoire de France, c’est que la question est ancienne. Les anciens chiquaient (cette pâte de tabac qu’on pouvait mâcher 30 minutes avant de recracher). Les cowboys crachaient aussi, leur virilité en dépendait. Les Indiens mâchent un bétel mélangé de chaux, de noix d’arec et parfois de tabac qu’ils crachent le long des murs. De longues giclures rouges animent les

murs de certains quartiers. Mais s’ils ont plaisir à cette pratique, elle s’inscrit aussi dans une question de pré-vention des caries, une purification de l’haleine. En Eu-rope, la noix d’arec est utilisée dans certains dentifrices… Pour de nombreuses ethnies d’Afrique noire, il existe des « rites du crachat », où salive et paroles se mêlent. C’est aussi une question d’hygiène. Certains sont carrément dégoûtés de savoir que des Européens se trimballent avec un mouchoir de morve dans la poche, et les médecins ne leur donnent pas tort. Alors, certes, ce qui semble être une « sale habitude » n’est en général qu’un com-portement culturel.

on fait la paix ? Lorsqu’on leur explique qu’ils encourent jusqu’à 135 eu-ros d’amende, nos deux ados se marrent : « Tu vois la police nous courir après pour ça ? » Et son voisin d’ajou-ter « Moi, ça m’arrêterait pas, c’est n’importe quoi ! ». Alors, si ils faisaient attention à être plus discrets ? Ou à cracher dans les poubelles publiques, ce qui limi-terait la propagations de certaines maladies comme la coqueluche, la tuberculose ? « oui, peut-être », répondent-ils. Une autre façon de mieux vivre ensemble, non ? « C’est vrai, c’est un peu sale quand même, on marche dessus et on ramène des maladies chez soi », conclut la jeune fille.

Valérie Aider

Il exIste des “ rItes du crAchAt ” où sAlIVe et pAroles se mêlent

On a tous un jour eu un mouvement de recul, une grimace, un dégoût, une envie d’interpeller celui qui venait de cracher devant nous, en pleine rue. Pourtant, elle est dehors la rue, ce n’est pas comme si on avait craché dans notre salon, après tout. Sauf que ça nous agresse.

vIvrE ENsEMbLE

cachez ce crachat que je ne saurais voir…

mois deprison !

APPRENDRE

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comment expliquez-vous que le tatouage soit aussi populaire ?Les gens sont influencés par les stars. Il suffit que quelques footeux et animateurs télé se fassent tatouer pour qu’ils s’y intéressent. Or, plus le tatouage se démo-cratise, plus les tatoueurs sont nombreux et donc meil-leurs. Quand j’ai commencé, on comptait un profession-nel par grande ville ; depuis, leur nombre a été multiplié par 20 et aujourd’hui ils sont presque 4 000.

Qu’y a-t-il de nouveau dans cet univers depuis les années 90 ?Le tatouage est de plus en plus artistique. À l’époque, le tatoueur était un artisan qui copiait un motif. Aujourd’hui, on le choisit en fonction de son style ; certaines personnes viennent de loin pour voir tel artiste. Il y a 20 ans, il y avait des courants, des modes. Maintenant certains font du ré-alisme, d’autres des choses très graphiques ou abstraites. Bien sûr, on retrouve toujours le traditionnel old school, le japonais, les tatouages tribaux de Polynésie…

Donc le tatouage est devenu un élément de distinction ?Il peut être simplement esthétique, symbolique ou fait par amour… Il n’y a pas une raison de se faire tatouer, c’est ce qui fait sa force. Le tatouage est censé être propre à chacun, oui, c’est une façon de s’identifier,

de montrer ses goûts et d’être différent de son voisin. Mais on repère toujours des jeunes filles qui veulent des signes de l’infini et des lettrages sur le doigt pour faire comme Rihanna. On les pousse à réfléchir car la mode est éphémère et le tatouage définitif.

Le monde du tatouage est-il plus masculin ?On tatoue des secrétaires de 45 ans, des docteurs, des politiciens… Aujourd’hui, j’étais avec un architecte et une jeune vendeuse. Il n’y a pas de tatoués types. Par contre, il y a plus de mecs qui tatouent, même si les filles com-mencent à s’y mettre pas mal. Avec beaucoup de talent. À Toulouse par exemple, sur 25 tatoueurs, on compte déjà sept ou huit femmes.

Qu’est-ce qui vous a marqué cette année au Mondial ?Nous avions eu 15 000 visiteurs l’an passé. En 2014, ils étaient 25 000 ! Les gens commencent à avoir une bonne culture du tatouage. Parmi les 300 meilleurs pros au monde, ils prenaient d’assaut certains petits stands, en connaissance de cause. S’ils veulent quelque chose de réussi, ils laissent faire le tatoueur, comme s’ils lui commandaient une toile. Aucun ne fait la même chose ; les gens viennent voir de la diversité.

Propos recueillies par emilie Drugeon

Tin Tin (France) Victor Chil (Espagne) Paul Booth (New York) Dimitri (France) Filip Leu (Suisse)

Le musée du Quai Branly a rassemblé 300 œuvres dans une exposition intitulée « Tatoueurs, tatoués ». Il « fait écho à l’intérêt grandissant porté à cet art – à la fois objet de fascination et marquage identitaire – dans nos sociétés contemporaines », indique un communiqué. Du Japon aux États-Unis, en passant par l’Europe, les époques défilent et avec elles, tous les mystères du tatouage. Du 6 mai au 18 octobre 2014 www.quaibranly.fr

tatoo D’ici et D’aiLLeurs

tatoueurs, tatoués

Cofondateur du Mondial du tatouage, Piero milite pour que le statut d’artiste soit accordé aux professionnels. Ce musicien toulousain a commencé à tatouer dans les années 1990 ; aujourd’hui, il se réjouit de voir le secteur monter en compétences, proportionnellement à l’intérêt du public.

« Le tatouage devient artistique »

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Ingrédients• 300 g de semoule fine• 200 g de farine• 1 c à s de sucre

• Une pincée de sel• Levure boulangère• 1 œuf• Eau

PréParationMélanger la semoule, la farine, le sel, le sucre, ajouter la levure diluée dans de l’eau tiède et votre œuf. Ajou-ter de l’eau et mélangez (c’est plus efficace à la main). Vous devez obtenir une pâte liquide et sans grumeaux. Laissez ensuite lever 1 heure. La cuisson de la crêpe est simple, une louche de pâte sur une poêle anti-adhésive que vous laissez cuire d’un seul côté. Ôtez de la poêle et beurrez généreusement.

MaroC seMoule fine de bléCrêpe marocaine ou crêpe mille-trous (Baghir)Préparation : 5 min - Cuisson : 3 min

PréParationHumidifiez l’attiéké d’une tasse d’eau puis faites-le cuire à la vapeur dans un couscoussier, au moins 20 minutes. Au pire, vous pouvez placer votre attiéké humide au micro-ondes, 6 à 7 minutes. Une fois votre couscous de manioc cuit, mettez-le dans un saladier, salez et ajoutez une cuillère à soupe d’huile végétale. Pour la salade de to-mates qui vient en accompagnement, coupez la tomate, les oignons et le concombre en dés. Salez et arrosez de quelques gouttes de citron. Servez votre attiéké avec un poulet braisé et la salade de tomates. Placez des bananes plantains frites (alloco). Selon votre tolérance, ajoutez un peu de piment.

Côte d’ivoire ManioCAttiéké nature et sa saladePréparation : 20 min Cuisson : 20 min

Ingrédients• 500 g d’ Attiéké sec ou congelé• 2 cuisses de poulet grillé• 1 grosse tomate fraîche• 1 oignon• 1 concombre• 1 citron•  1 c à s d’huile• 1 tasse d’eau• sel

IngrédientsPour le moelleux• 90 g de polenta (farine de maïs)• 4 œufs entiers• 130 g de sucre en poudre• 12 cl de lait d’amande• 150 g de poudre d’amandes• 1/2 sachet de levure• 2 oranges Pour humidifier• Le jus et le zeste haché d’une orange• 150 g de miel

PréParationPlacez les deux oranges (bio, puisque vous conservez la peau) dans une casserole d’eau et laissez bouillir 3/4 d’heure à feu moyen. Laissez-les refroidir sur un linge avant de les couper en quatre. Versez dans un mixer et mettez la pâte obtenue de côté. Préchauffez le four à 180°C. Dans un saladier, mélangez œufs, sucre et fouet-tez jusqu’à ce que la pâte soit crémeuse. Incorporez la purée d’orange et le lait d’amande. Mélangez puis ajoutez la poudre d’amandes, la polenta et la levure. Verser dans un moule et mettez au four 50 minutes. Pour le sirop : mettez le zeste d’orange à bouillir 5 minutes. Videz l’eau et remplacez-la par le jus d’orange et le miel et mettez à cuire 4 à 5 min. Arrosez le gâteau de sirop et attendez 15 à 20 minutes avant de servir.

italie seMoule de MaïsMoelleux de semoule de maïs à l’orangePréparation : 15 min - Cuisson : 1h45

Denrée universelle la semoule se retrouve dans de nombreuses recettes et fédère au-delà des peuples et

des générations. On pense bien sûr au couscous, mais connais-sez-vous la semoule cuisinée au sucre, à la fleur d’oranger ou avec des fruits ? Savez-vous que, traditionnellement réalisée à partir du grain de blé, la semoule se prépare aussi à partir du maïs, ou de manioc ? Tour de table en trois recettes et quelques grains.

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La semoule

Certaines épiceries africaines en proposent. Séchée et vannée, puis mise à cuire à la vapeur. l’Attiéké est prêt à être consommé. Légè-rement acide, il est un peu collant mais son goût n’est pas si différent du couscous de blé. L’Attiéké qui accompagne viandes ou pois-sons grillés, est un plat réputé d’Afrique noire et du sud de la Côte d’ivoire en particulier. Merci à www.recettesafricaine.com

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