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Rembrandt:LaRondedenuit …ledestintraverselarue…

LaRondedenuit–1642–Huilesurtoile-3,65x4,38m–Rijkmuseum,Amsterdam.LepluscélèbretableaudeRembrandtest-ilaussileplusmystérieuxdesonœuvre?Mêmesipratiquementtoutesaproductionappellelemystère,laRondedeNuitatoujours intrigué, aussi bien par sa composition que par la technique employée.Comme«laJoconde»,«laRondedeNuit»adéchaînélespassions:en1975,ilfutattaqué au couteau puis en 1990, à l’acide. Peut-on supposer que des maladesmentauxpuissentseprendrepourlebeaucapitaineFransBanningCocq?Contrairement à d’autres tableaux, «la Ronde de Nuit» supporte mal lareproduction photographique courante. Pour en étudier la richesse, il faut lacontempler de près au musée ou bien disposer de reproductions enmacrophotographiedebonnequalité.Il s’agit de la plus grande toile qui nous soit parvenue de Rembrandt (la«ConjurationdeClaudiusCivilis»étaitoriginellementd’unetailleplusimportantemais, après son refus par les commanditaires, elle fut découpée pour êtrerevendue).Ilsemblequ’onl’appelatrèsrapidement«laRondedeNuit»tellementelleétaitnoirciparlesfuméesetlescouchesdevernissuccessifsqu’onluifitsubir.C’estseulementaprèslenettoyage«risqué»de1946qu’onendécouvrittoutelalumière et le Rijkmuseum le désigne aujourd’hui comme «La sortie de lacompagniedetireursducapitaineFransBanningCocqetdulieutenantWillemvanRuytenburch»,sontitreoriginal,retrouvédansunereproductionayantappartenu

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aucapitaineCocq.Pourtant,toutlemondecontinueàl’appeler«laRondedeNuit»,titrepluscommodemaisaussiplusenaccordavecsapartdemystère…Avec la luminosité retrouvée, cequiétonneenpremier lieudans lacomposition,c’estlaprésencedel’enfantquitraverselacohortedesmiliciensetregardeverslecapitaine. C’est une enfant au visage adulte, une naine nimbée de lumière,débarquéelàcommeuneextra-terrestre,unepouleaccrochéeàsaceinture.Cetteprésencecomplètementdécaléedanslacompositionainterpellétousceuxquisesontpenchésdeprèsoudeloinsurletableau.

Rondedenuit–détails

Rembrandt:Laleçond’anatomiedudocteurTulp–1632–1,69x2,16mMaurithuismuseum–LaHaye.

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Rembrandt:Lesyndicdesdrapiers–1662–1,85x2,74m–RijkmuseumAmsterdam.Si certains considèrent que «la Ronde de Nuit» n’est pas lemeilleur tableau deRembrandt,ilestpourtantceluiquiestleplusadmiré.Ilaétépeinten1642,annéeoù la vie de Rembrandt était en train de basculer. Lui ne le savait pas mais ilsemblequesaPeinture,elle,lesavait.Letableauestcommandévers1640parlamilicedirigéeparlecapitaineCocqpourfigurer dans une nouvelle salle de tir du Doelen des Coulevrines avec 5 autrestableaux. Achevé en 1642, peu de temps avant la mort de Saskia, il s’agit d’unportraitdegroupecommeleshollandaisencommandaientauxpeintresderenomau 17ème siècle. Dans ce genre, Rembrandt a peint la «Leçon d’anatomie duprofesseurTulp»,sonpremiergrandtableaudegroupeen1632,oule«SyndicdesDrapiers» beaucoup plus tard, en 1662. Il est important de préciser que laparticipationfinancièredescommanditairesvariaitselonleurplacesurletableau.L’œuvreétantpayéed’avance, lepeintreavaitpeudelibertépours’écarterdecequ’ilétaitconvenudereprésenter:desbourgeois,commerçantsetprotestants,quin’avaientd’autresouciquedefairevaloirleurpositionimportantedanslasociété.Lors de la livraison du tableau, les commanditaires l’ont accueilli plutôtfroidement.SiRembrandtavaitàpeuprès respecté le contrat, il avait rompu lesconventionsd’usageenpeinture:«laRondedeNuit»estuntableaureprésentantdes hommes en action et non des portraits de notables figés dans leurs habitsd’apparat. Si le capitaine Cocq et son lieutenant devaient être satisfaits de leurposition,lesautrespersonnagesfiguraientpluspourservirlapeinturequepouryêtrereconnus.IlsobtinrentqueRembrandtajoutadanslehautdelacompositionunécussonoù figuraient leursnoms.Le tableau,qui avait étépayé1600 florins,une somme assez considérable, resta quelques années dans la salle de tir duDoelen puis il fut transféré en 1713 à l’Hôtel de ville d’Amsterdam. Pour qu’ilpuisseteniràlaplacedésignée,onn’hésitapasalorsàle«raccourcir»dequelquesdizainesdecentimètressurlagaucheetsurlehaut.

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Déjà, la «Leçon d’anatomie» avait révélé une recherche de dynamisme dans lacomposition.Avec«laRondedeNuit»,Rembrandtadonnélaprioritéàlapeintureet la confrontation de son travail avec celui de ses rivaux est révélatrice sur cepoint. Le mot «rival» n’est pas trop fort car la concurrence était rude et lespeintres étaient avant tout des commerçants qui devaient savoir vendre leurstalents au meilleur prix. Samuel van Hoogstraten, ancien élève de Rembrandt,écrira un peu plus tard, qu’à côté de ce tableau, tous les autres avaient l’air decartesàjouer.Dans«laRondedeNuit», lareprésentationdumouvements’opposeà lastabilitéconventionnelle d’un portrait de groupe. Rembrandt a représenté plus depersonnagesquedecommanditairesetaucunneprendlapose,toussontenactiondansundésordresoigneusementcomposé.Dans l’arrièreplan, certainsmilicienssontméconnaissables.La troupevientde l’ombreet sedirigevers la lumièredusoleil: c’est l’ombre bien marquée de la main du capitaine sur la tunique dulieutenant qui nous l’indique. Cette main éclairée se situe en plein centre dutableau, ellemontre le chemin et constitue le point gravitationnel vers lequel sedirigel’amoncellementdepersonnages.L’impressiondemouvementestrenforcéepar de nombreux artifices comme cette formidable composition de lances, demousquetsetdrapeau.Ilestaussipossibled’évoquerunecertaine«sonorité»dutableauaveclesbruitsdebottes,lecoupdemousquet,l’aboiementduchienouleroulementdutambour.Ladimensionpoétiquede lapeinturedeRembrandtreposeaussi sur lamatière,ces empâtements si lourds et rugueux qui feront dire à Jan Van Dick «qu’onpourraityrâperdesnoixdemuscade».Làencore,Rembrandtestà l’opposédelatradition picturale hollandaise qui imposait un fini parfait sans aucune trace depinceau sous le vernis brillant. Pourtant, malgré ce travail de «sculpteur», lesdétailsapparaissentbienprécisetaccrochentlalumièred’unefaçoninédite.Ense laissantporterpar lapoésiede sapeinture,Rembrandtadoncbalayébonnombre des conventions de son époque, tant dans la composition que dans laréalisationtechnique.En1642, à trente cinq ans,Rembrandt est au sommetde sanotoriété.Quelquesannées avant, sonmariage avec Saskia l’avaitmis en relation avec une clientèleprestigieuseet,malgrélamortdeleurstroispremiersnouveauxnés,ilconnutseptannéesfastesetheureuses.Decettepériode,onsaitsesdépensesinconsidéréesenantiquitésetobjetsd’artdetoutessortes.Titusnaîtenseptembre1641.Atteintede tuberculose, Saskia est épuisée. Titus a neuf mois lorsqu’elle décède en juin1642,et«laRondedeNuit»vientjusted’êtrelivrée.LamortdeSaskiaétaitdoncimminentelorsqueRembrandtachevaitletableau.Aplusieursreprises,ill’adessinée,alitéeetmaladedanslachambrequisetrouvaitjuste en dessous de l’atelier. Il a vu son état se dégrader et ne pouvait ignorerl’issuefatale.Après ce drame, on sait la lente dégradation de la notoriété du peintre et cetteinexorabledescenteauxenfersquiafaitdireàcertainsqu’ilfutlepremierpeintremaudit.Durantseizeans,entre1647et1663,HendricjkeStoffelsluiasansdouteapportédubonheurainsiqu’unefille,Cornelia,laseuleenfantàluiavoirsurvécu.La vente de ses biens, l’abandon de sa maison sur la Breestradt, la mortd’HendrijkepuiscelledeTitusviendrontencoreajouterdedouloureusesépreuves.

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Certes, il continuera dans sa peinture à créer, à employer des procédés quiapparaîtront fantasques,mais, après 1642, après «la Ronde deNuit», sa joie devivre semble s’être évanouie. Ses autoportraits en attestent. Les commandesdiminuent, les regards sur sa vie avec Hendrijke sont hostiles et la faveur de labourgeoisie hollandaise se détourne de sa peinture. Hendrijke devra mêmecomparaître devant le conseil de l’Eglise pour «avoir forniqué avec Rembrandtcomme une putain». Il aura tout de même la joie d’assister au baptême de sonpetit-fils, né orphelin de Titus, avant de s’éteindre dans la solitude en 1669. Lasociétéhollandaisedel’époquen’apascrubondeconservernisasépulturenisesrestes.Cetteapparitionen formed’enfant (oudenaine…)qui traverse laRondedeNuitpeut-ellealorsfairesens?L’undesélèvesdeRembrandt(était-ceHoogstratenouFabritius?) aurait dit qu’elle avait le visage de Saskia et il est vrai que laressemblanceavec lesmultiplesportraitsqu’il a faitd’elleest troublante.Ellevamourir,Rembrandtlesaitetilinondealorsdelumièrececorpssiétrangedansletableau. Cette lumière irréelle qui crée la profondeur est puissante, elle surgitcommelamortetsefaufileparmileshommes.Personnenelaremarque:c’estellequi regarde et qui désigne. L’intensité de la lumière est encore renforcée par legantducapitainequi,tenuàdeuxdoigts,flottedansl’air,danslechampdelarobe.Derrièreelle,ondistingueuneautreformedemêmetailleetdemêmeallure,maisbeaucoupmoinsnette,commesondoublemaisàpeineesquissée.Rembrandtavêtul’enfantd’unetenued’adulte,luxueusemaisdécaléeaumilieudecetteassemblée.Asaceinture,enplusd’uneboursequipendpratiquementjusqu’àses pieds, est accroché un oiseau blanc, encore plus lumineux. On reconnaîtnettementlespattesd’unepoule.Pourquoia-t-ilaccrochécevolatileàlaceinturede cet étrange personnage? En Occident, la poule est symbole de fécondité, dematernité et d’instinct maternel. Les voyageurs des contrées lointaines qui luirapportaientdesobjetsafricainsluiont-ilsracontélesritesetcroyancesautourdecet animal? Le sacrificede la poulepour communiquer avec les défunts est unecoutumeassez répanduedans les sociétés primitives. Chez lesBalubaduCongo,lorsquequelqu’unéchappeàlamort,onluiditd’allerchercherunepouleblanche...Qu’enétait-ildesritessurlesvolaillesenHollandeau17èmesiècle?Rembrandt n’a pas installé cette «enfant» dans sa composition comme unpersonnageanodin.Saprésence,saphysionomie,sesattributsetlafaçondontelleestpeinte,danscettelumièresiintense,renvoientdansleurirréalitéaudramequevivait l’artiste dans sa vie d’homme. La mort rodait alors dans la maison deRembrandtetelles’estposéelà,surlatoile,sansquecelaémergeàsaconscience.Elle attire le regard au delà de l’imaginable, bien davantage que les deuxprincipaux personnages du tableau. S’il avait été un peintre classique, plusrespectueuxdesconventions,commeVanderHelstoumêmeFransHals,jamaisuntelécartneseseraitproduit.MaisilétaitRembrandt.LaPeintures’estimposéeàlui dans la lumière des plaines bataves comme dans l’ombre de son atelier. Ellenousditsapoésie,sesmystères,maisaussilesfracasdesonexistence.

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