RELATIONS UlTURE-IN USTRIE - horizon.documentation.ird.fr
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OFFICE de la RECHERCHESCIENTIFIQUE et TECHNIQUE
OUTRE-MER
Centre de TANANARIVE
quelques typ
de
RELATIONS
UlTURE-IN USTRIE,a
Madagas
D. Hardel1966
OFFICE de la RECHERCHESCIENTIFIQUE et TECHNIQUE
OUTRE-MER
Centre de TANANARIVE
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de
RELATIONS
UlTURE-IN USTRIE,a
Madagas
D. Hardel1966
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Tanin~razana _ Terre Geo anc~tre5
PanjaI<.ana - bdniniatration
CENTRE O.R.S.T.O.M.
DE TANANARIVE
ESSAI SUR
QUELQUES TYPES DE RELATION
AGRICULTURE - INDUSTRIE A
lilADAGASCAR
par
D. HARDEL
/
Madagascar
France
Centre ORS'roM - B.P. 434 - TANANARIVE
" - 24, Rue Bayard - PARIS 8°
1er semestre 1966
Janvier 1968
TABLE DES riIATIERES
Page
Première Partie: Milieu Industriel 0 ••••••••••••••••••••••••••••• 00
Introduction générale 0000000000000000000000000000000000000008000000
Chap. l
Chap. II
Présentation des entreprises ••••••••••• 0 ••• 0 •••••• 0.
Incidence de l'Agriculture sur l'Industrie 0.0.0 •••• 0
1
3
48
A) Principales caract6ristiques ••••• 0 •••••••••••••••••• 00 8
a) Caractéristiques de la Production Agricole •••••• 0 8
b) Caractéristiques de l'activité Industrielle ••• 0.0 10
B) Réactions de l'Industrie •••••• 0 •••••••••••• 0 ••••• 0 •• 00
a) Réaction à l'irrégularité de la production •••••••
b) Réaction à l'incertitude de la réaction des agri-cult eurs 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 CI 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 ct
..c) Saisonnalité et Périssabilité du produit OOOODODOO
10
11
19
28
Conclusion ooooooooooooooooooooOOOOOOODOOOOOOooooooooooooO 32
Deuxième Partie: Milieu Agricole ••• 0 ••••••••••••••••••••••••••• 0.. 38
Intraduction 00000000.0000000 D 0 0 0 0 0 000000 DO 0 0 0 0000000 e 00000 0 0000 39Chap. l Analyse des budgets ••••••••••••••••••••••••••••••• 0. 41
a) Limites et définition de l'analyse ••• ' •••• ' ••••• 0 41
b) Structure du budget •••••••••••••••••••••••••••• 0. 42
c) ~ux monétaires 0000000000000000000000000000000000 51d) Impact monétaire de l'usine •••••••••••••••••• 0.00 56e) Conolusion 000000000000000000000000000000000000000 58
Conclus ion 000 0 " 0 0 0 0 0 0 0 0 0') 0 0 0 0 0 0 00 00 00 0 000 1) 0 00 0 0 00 000 00. 0 0 0 00 000
Synthès e 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0 • 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 0 00 0 0 0 0 0 .0 00 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 •
'...Chap. II Analyse sooiologique 00000000000000000000000000000 •••
a) But du travail 8t utilisation de l'argent ••••••••
b) Raisonnements économiques ••••••••••••••• 0 ••••••• 0
c) Réactions par rapport à l'usine ••••••••••••••••• 0
d) Conclusion oooooooooooOOODoooooooooooooOOoooOOOOOD
000
62
63
1888
108
110
120
Page
Annexes
Carte
Tab. l
Tab. II
Tab.III ··Tab. IV ··
Localisation des industries étudiées
Evolution indiciaire des quantités et des prix
Ecart-type et variations des indices
Structure globale des budgets
Flux monétaires
..
•
,-
Textes
Ambalavola
Ambato-Boéni
But du travail et utilisation da l'argent ••••••• a1-1
Raisonnements économiques •••••••••••••••• 0 ••• 00 a1-I1
Rapports avec l'usine ••• 0 ••• 0 •• 0000 •• 0 •• 00 ••• 0. a1-II1
But du travail et utilisation de l'argent 0000.0 a3-1
Raisonnements économiques 0.0.0.0000000000000000 a3-I1
Rapports avec l'usine 00.0000.0.0000.0000000.000 a}-III
..
•
INTRODUCTION
GENERALE
..
..
•
...
1
Dans cette étude sur les relations entre agriculture et in
dustrie, nous nous efforcerons d'examiner quelle est la nature des liens
existant entre ces deux secteurs de l'économie. Mais pour cela, il nous
faut définir quels sont exactement ces secteurs. Il ne s'agit pas en effet
de l'intégralité de l'agriculture ni de celle de l'industrie mais très
précisément des industries agricoles, c'est-à-dire de celles qui utilisent
comme matières premières des produits élaborés par le secteur agricole, et
des milieux agricoles correspondants, c'est-à-dire de ceux qui approvision
nent ces industries (1).
Ceci étant posé, on voit quel peut être l'intérêt d'une pa
reille étude. Par le biais de l'industrie elle va en effet nous permettre
de poser le problème des débouchés des produits agricoles et par là de
l'intégration de l'agriculture au circuit monétaire. Il semble en effet
qu'une des conditions d'un développement économique sérieux de l'agricul
ture est la multiplication des échanges avec les autres secteurs. Echan
ges qui, au niveau économique, se traduisent par un accroissement des
flux monétaires et une baisse relative de l'autoconsommation. Plus parti
culièrement, nous pourrons voir alors quel peut être le rôle de l'indus
trie agricole dans le développement rural, si elle est ou non un facteur
de progrès et pourquoi. En effet, la connaissance des raisons qui ont
poussé l'entreprise à tel ou tel comportement vis-à-vis de l'agriculture
et celles qui ont motivé les réactions correspondantes d~ celle-ci sera
très précieuse. Car c'est à partir de cette connaissance-là qu'on pourra
déterminer quels sont les éléments favorables et ceux qui ne le sont pas
• ••
(1) Etant bien entendu que les milieux agricoles étudiés seront ceux dusecteur paysannal local, non celui des concessions par exemple. Lesréactions du premier nous paraissent beaucoup plus importantes puisqu'elles intéressent la très grande majorité des agriculteurs.
•
2
à l'avenir des relations entre l'agriculture fournisseuse de matières pre
mières et l'industrie utilisatrice de ces dernièreso Or il semble que cette
connaissance soit assez utile dans le cadre plus général du problème des
débouchés des produits agricoles car il sera peut-être possible alors de
déterminer quelles seraient les meilleures méthodes pour oeuvrer en ce sens
à partir de l'outil que représentent les industries agricoles.
Pour ce faire, nous avons tenté d'étudier ces relations en
analysant successivement les deux termes du rapport: d'une part, quelles
étaient les réactions de l'industrie agricole en face de ce marché d'ap
provisionnement aux caractéristiques et aux contraintes très particulières
qu'est l'agriculture - d'autre part, quels étaient les comportements des
agriculteurs devant cette irruption d'un élément de l'économie moderne dans
leur horizono Aussi bien dans une première partie, étudierons-nous plus par
ticulièrement l~ milieu industriel et dans la seconde le milieu agricole
avant de tenter une synthèse de leurs relationso
Ce travail ne prétend aucunement à des conclusions définitives en
particulier la faiblesse des moyens matériels mis à notre disposi
tion ne permettaient d'analyser qu'un très faible nombre d'entre
prises et encore moins de zones rurales o
00.
•
PREMIERE PARTIE
3
•
MILIEU l N DUS TRI E L
•
Ir
•
4
CHAPITRE l
PRESENTATION DES ENTREPRISES
Nous avons trois entreprises appartenant au groupe générale
ment qualifié d'Industries Agricoles et Alimentaires, ce sont: .
- les Etablissements Laborde-Lachaize
- la Société Anonyme Rochefortaise de Produits Alimentaires
(SARPA)
Madagascar-Conserves
et une industrie textile, à savoir
- la Société de Filature et Tissage de Madagascar (FITIM).
Nous allons essayer de caractériser rapidement chacune de ces
Sociétés avant d'entrer dans le plein de notre sujet (voir aussi la carte
jointe en Annexe).
a) Les Etablissements Laborde-Lachaize.
C'est une entreprise familiale installée depuis longtemps sur
les Hauts-Plateaux (à environ 350 km au Sud de Tananarive) dans une bonne
région agricole qui, en dehors de l'aliment de base qu'est le riz, fournit
une assez grande variété de fruits et légumes ainsi que des produits ani
maux: diverses volailles, porcs, etc •••
La structure moyenne de son chiffre d'affaires est la sui-
vante :
•• 0
5
• Viande (Boeuf - Porc - Volailles) 0000000. 45 %Riz 00000000 37,8 %Fruits (tempérés et tropicaux) 00000000 15,4 %
- Légumes 00000000 2,6 %
Total 00000000 100 %
Il montre l'assez grande variété de production de cette usine
qui, il faut le noter dès maintenant, n'utilise que des matières premières
facilement périssables une fois la récolte faite.
On observe d'autre part que:
•
•
- i) malgré la similitude des productions agricoles de la ré
gion et des matières premières utilisées par l'usine, l'aire d'approvision
nement de celle-ci déborde de beaucoup la zone géographique où elle est
implantée
- ii) l'usine s'approvisionne généralement sur le marché ou
auprès d'intermédiaires commerciaux, elle n'a pas de relations directes
avec l'agriculteur.
Compte tenu de ces deux faits, on est amené à penser que le
poids de l'usine en milieu rural est sans doute assez faible étant donné
les écrans de distance et de personnes qui existent entre elle et lui.
- iii) l~ financement propre de l'entreprise bst relativement
faible et l'augmentation régulière des capitaux circulants est de plus en
plus financée par des prêts à court terme qui ont ainsi tendance à prendre
une place importante dans le financement. Il s'ensuit une certaine dépen
dance vis-à-vis de l'extérieur et une accélération de la rotation des ca
pitaux. Par conséquent, on peut avancer, qu'avec le temps, l'entreprise a
tendance à se comporter comme une affaire plutôt comnerciale qu'industriel
le.
•
6
b) La SARPA
C'est une société anonyme importante dont l'activité princi
pale depuis de nombreuses années est la transformation et l'exportation
de la viande de boeuf. Lors de notre enquête, cette activité se répartis
sait entre trois usines: l'une au Nord de l'Ile, à Diégo-Suarez, l'autre
au Sud-Ouest, à Tuléar - la dernière enfin, sur les Hauts-Plateaux à
Fianarantsoa qui, outre le boeuf, traitait du porc ainsi que des fruits
et légumes.
Son approvisionnement se fait dans les grandes zones d~élevage
de Madagascar et n'utilise qu'une partie des boeufs en âge d'être exploi
tés. Aussi bien, à l'instar des Etablissements Laborde-Lachaize, elle se
contente de se présenter sur les marchés traditionnels de boeufs pour
acheter ae dont elle a besoin et d'assurer ensuite le transport des ani
r:laUX jusqu'au lieu d'abattage •
On remarque par ailleurs que la part des capitaux propres dans
le financer"lent de cette société est relativement élevée et, de ce fait,
procurE: une très grande stabilité tant à la structure du bilan qu'à celle
de l'exploitation annuelle.
c) Hadagascar-Conserves
C'est une entreprise récente dont l'activité consiste à fabri
quer du concentré de tomates (à 28%) tant pour le marché intérieur que
pour l'exportation. Elle est installée à Ambato-Boéni (à 130 km de Majunga
sur la route de Tananarive) dans une zone agricole spéciale dite de
"baibohos" c' <_st-à-dire où les cultures sont pratiquées sur les terrains
de décrues des fleuves. A l'origine, la tomate ovale qui est utilisée pour
la fabrication du concentré, n'était pas du tout produite. Aussi, en vue
d'assurer son approvisionnement, l'entreprise a lancé une culture moderne
8 ••
1
en grand sur les concessions européennes voisines et a aidé directement
au développement de la production en milieu rural plus traditionnel. Il
faut noter que celui-ci est formé par une bonne part d'émigrés des Hauts
Plateaux (Betsileo en particulier) qui viennent s'installer (provisoire
ment ou durablement) pour pratiquer des spéculations agricoles rapporb..n-l;
de l'argent (arachide, haricot, oignons, etc ••• ). Ils ont donc un compor
tement assez nettement différent de la population Sakalava originelle ~ui
reste très attachée à la possession traditionnelle du troupeau de boeufso
d) La FITIM
Société anonyme déjà ancienne, elle est installée à Majtmga
où elle fabrique des sacs de jute essentiellement à usage intérieur POUY
le transport de quelques-unes des grandes productions agricoles de riada
gascar : sucre, café, riz, etcoo o Son approvisionnement vient pour partie
du marché international du jute et pour le reste d'une fibre locale de
quali té très voisine de celle du jute, à savoir le "paka" 0 Des peuplem8ntEl
naturels de cette fibre existaient à Antsohilw (sur la côte Ouest, au Hcrd
de Majunga), mais, insuffisants, il a fallu en faire des plantations ce
qui fut réalisé par une action directe de la société dans le milieu agri
cole local.
Les capitaux propres de l'entreprise sont suffisamment impJr
tants pour financer la majeure partie de ses capitaux circulants o Aussi
la structure des bilans et comptes d'exploitation est assez stable d'una
année à l'autreo
•• 0
8
CHAPITRE II
INCIDENCE DE L'AGRICULTURE SUR L'INDUSTRIE
A) Principales caractéristiques
a) Caractéristiques de la Production Agricole.
On peut en énumérer quatre que nous allons définir rapidement.
1 - Irrégularité de la production: les moyens matériels de
production intervenant encore assez peu à Madagascar, celle-ci sera donc
encore plus dép8ndante des facteurs naturels qu'en France. Certains d'en
tre eux ne varient guère dlunë année à l'autre tels que la qualité des
sols, d'autres au contraire se modifient parfois considérablement, c'est
surtout le cas des conditions climatiques. Selon que celles-ci seront fa
vorables ou non, les quantités produites seront largement excédentaires
ou bien déficitaires. Ces fortes variations quantitatives s'accompagneront
évidemment sur les marchés de variations de prix en sens contraire. Mais
elles ne sont pas les seules et on pourra assister également à des varia
tions de qualité des produits selon par exemple, qu'il y aura eu ou non
une m~turité suffisante, ou encore des attaques de parasites. En défini
tive, la faible maîtrise de l'homme sur les éléments naturels entraînera
le risque possible de fortes variations quant à la quantité, la qualité
et la valeur monétaire des produits obtenus.
2 - Incertitude de la réaction des agrioulteurs :
Le plus souvent en ~ffet, CGux-ci réagissent lentement à toute incitation
extérieure, qu'elle soit d'ordre phYsique, économique, technique, etc •••
Par ailleurs, il n'est pas du tout évident que oes réactions, même lentes,
s~ dirigent dans le sens qui est supposé être le meilleur par les agents
économiques extérieurs. L' agriculteur aura en effet plus fréquemment
•••
9
qu'ailleurs dûs comportements d'ordre plutôt subjectif qu'objectif où les
relations de personne à personne joueront un rôle de premier plan. Aussi
sera-t-il difficile de dire à priori comment s'orientera leur effort de
production devant une incitation nouvelle venue de l'extérieur. Il s'en
suit qu'il risque d'y avoir dans beaucoup de CaS une inadaptation plus ou
moins permanente entre l'offre du produit agricole et la demande qui exis
te d'autre part pour celui-ci.
3 - Saisonnalité : La plupart des produotions agricoles arri
vent sur le marché à une époque déterminée de l'année durant quelques mois
au maximum. Elles devront donc être traitées ou consommées assez rapidement
selon la nature de chacun des produits.
4 - La nature du produit: en effet, suivant que celui-ci est
périssable ou non, on pourra plus ou moins parer au caractère de la saison
nalité un 10 stockant. De toutes les façons ce stockage sera onéreux car
il portera sur de grosses quantités et exigera parfois des installations
spéci~les (frigorifique par exemple) simplement pour conserver le produit
en l'état jusqu'à ce qu'il puisse être traité.
5 - L'échange avec des agents économiques extérieurs est beau
coup ~oins vital pour l'agriculture qu'il ne l'est pcur l'industrie. Ceci
est particulièrement vrai dans un pays où le taux d'autoconscmmation reste
élevé et donc où les rapports monétaires avec l'extérieur sont plus ou
moins marginaux.
L'ensemble de ces faits montre donc la très grande difficulté
d'obtenir une production stable et homogène, trop de faoteurs différents
interviennent pour empêcher d'arriver à ce résultat et ont plutôt tendance
à accentuer les irrégularités par rapport à la demande industrielle comme
nous allons le voir maintenant.
• ••
•
10
b) Caractéristiques de l'activité industrielle
1 - Adaptation à la demande: l'offre des produits fabriqués
p~r l'entreprise s'efforcera de suivre au plus près les variations de la
demande ; ses variations seront donc dépendantes de celles-ci et non auto
nomes comme dans le secteur rural.
2 - Production en série de qualités homogènes: nécessitées à
la fois par la technique de production et pur l'exigence des consommateurs.
3 - Tendance à·l'étalement de la production sur toute l'année
suivant en cela généralement l'évolution de la demande mais aussi pour
pouvoir étaler les frais fixes sur un plus grand nombre d'unités produites,
ce qui permet évidemment d'abaisser le prix de revient et, donc, d'amélio
rer les conditions de vente.
4 - Enfin la fonction essentielle de l'entreprise est d'ache
ter de la matière première pour la transformer et la vendre sous un autre
état. Il lui est donc absolument nécessaire de travailler dans un milieu
d'échanges, de biens et de monnaie, avec d'autres agents économiques en
amont et en aval.
Comme on peut le constater aisément, cette brève énumération
s'oppose presque point par point à ce que nous constations à propos de
l'agriculture. Il existe donc une distorsion assez accentuée entre les
tendances de l'un et l'autre de ces agents économiques. Comment alors les
industries agricoles ont essayé de résoudre ce problème, c'est ce que nous
allons essayer d'examiner ..
B) Réactions do l'industrie
A travers les cas que nous avons pu observer, nous allons es
sayer d'analyser les réactions des entreprises à ces différences profondes
....
•
11
qui existent entre leur comportement et celui de l'agriculture. Nous exa
minerons successivement les réactions à l'irrégularité - à la saisonnali
té - à l'incertitude sur le comportement des agriculteurs - à la nature
du produit agricole.
a) Réaction à l'irrégul~rité de la production: deux cas se
présentent selon que la production agricole du se~teur local (1) est net
tement supérieure à la consommation qu'en fait l'industrie ou bien ne suf
fit pas à approvisionner celle-ci.
1 - Production ~gricole du secteur local supérieure ~ux besoins
industriels. L'usine se présente donc sur le marché avec d'autres acheteurs
que les agriculteurs du secteur local ont l'h~bitude d'approvisionner.
Comm~nt va-t-elle alors se prémunir contre les irrégularités physiques de
la production agricole? Deux entreprises se trouvent dans cette situation
les Ets Laborde-Lachaize et la SARPA - voyons comment elles ont agi :
i) Ets Laborde-Laclli.ize : Pour pallier à l'insuffisance ou
l'irrégularité de l'approvisionnement en matières premières, l'entreprise
a largement étendu sa gamme de production escomptant que la baisse de l'un
soit compensée par la hausse d'un autre et ainsi de suite. L'usine traite
en effet quatre grandes catégories de produits, chacune d'entre elles pos
sédant fréquemment de nombreuses vari~tés, si bien qu'elle peut utiliser
de 20 à 30 sortes de matières premières différentes. Cette politique per
mettra effectivement d'obtenir un approvisionnemont d'ensemble relativement
stable bien que chacun des composants en soit assez irrégulier comme le
montre le calcul suivant. On a cherché l'écart-~pe moyen de l'indice-
000
(1) On entend par secteur local, celui qui groupe le paysan malgachetravaillant avec une méthode plus ou moins proche de la traditionnelleet avec des moyens assez réduits.
•
12
volume des quantités utilisées par l'usine de quelques ~es principaux
de produits, puis de leur ensemble, les résultats en sont rassemblés dans
le tableau suivant :
! , 1 !Produits ! fue~ Porc ;Volail-; Fruits
1Fruits , Ensemble
!les itempérésitropicauxi
, ! ! !;Ec~rt-t,ype de l'in~; 1,95 0,50 0,80 ! 1,53 ! 0,50 ! 0,39dice-volume .
! !
On constate ~onc que, d'une année à l'autre, la variation
moyenne des quantités de l'ensemble des matières premières absorbées par
l'usine est beaucoup moins forte que celle de chacune d'entre elles pri
ses isolément. Il s'ensuit que le volume global traité par l'usine est
relativement stable comparé au volume de chacun des produits utilisés •
Cependant, il faut noter que cette méthode n'empêche pas l'entreprise
d'être tributaire de la production physique agricole au moins quant à la
composition de son approvisionnement qui déterminera très largement celle
de sa production finale.
ii) S.A.R.P.A. : Elle se trouve au départ dans le même cas
mais S'bst orientée très différemment. En effet l'entreprise a cherché à
se spécialiser dans le traitement d'une seule catégorie de produits, ce
qui limite à quelques unités les différentes sortes de matières premières
utilisées. Ne pouvant plus compter sur la diversification de celles-ci
pour obtenir un volume suffisant à traiter, la SARPA s'est efforcée d'éten
dre considérablement son réseau de commercialisation en amont. Cette ex
tension s'est d'abord opérée en essayant de couvrir le plus grand nombre
de régions productrices afin que le déficit de l'une puisse être globale
ment compensée par l'excédent de l'autre. Ce réseau a eu également pour
tâche de s'approcher le plus possible du producteur pour éviter en quelque
13
sorte le:. "fuite" de la ma.tière première vers d'autre secteur que l' indus
trie et ajouter ainsi à l'instabilité de l'approvisionnement.
En définitive, cos deux entreprises se sont prémunies (ou
du moins ont tenté de le faire) contre l'irrégularité de la production
agricole en ess~~t d'étendre au maximum leurs possibilités d'approvision
nement soit en variant les matières premières destinées à être usinées
soit en augmentant considérablement l~s zones d'approvisionnement. Les
variations de l'offre des produits agricoles concernés seront donc globa
lement compensés et cela permettra d'utiliser au mieux les capacités de
production installées. Ceci en période normale évidemment car une année
vraiment mauvaise sur tous les plans se fera de toutes façons sentir sur
l'approvisionnement des industries.
Ce rapprochement de Laborde-Lachaize et de la SARPA est
d'autant plus significatif que leurs structures de financement sont extr~
mement différentes ce qui aurait pu provoquer des comportements divergents.
En particulier, la SARPA, dont la part de financement propre est extrême
ment élevé (1) aurait pu se permettre d'opérer des actions plus directes
dans le milieu rural avec lequel elle est en relations économiques alors
que les Ets Laborde-k--:.chaize ne pouvaient de toutes les façons se le per
mettre étant donnée la faiblesse de leurs ressources financières (2). Par
conséquent, si la nécessité économique ne pousse pas l'entreprise, celle-ci
ne sera guère tentéb d'agir véritablement sur la production agricole comme
nous le verrons plus bas à propos de Madagascar-Conserves et de la ~TIM•
.....
(1) Le rapport Capitaux propres/Capitaux empruntés ~~ 4,64(2) Le rapport Capitaux propres/Capitaux empruntés ~ 0,84
14
Dès maintenant il faut observer que cette protection de l'in
dustrie contre les variations de l'offre de ses matières premières n'est
pas reversible, c'est-à-dire que les méthodes utilisées ne protègent ab
solument pas l'agriculture contre les variations de la demande industriel~
le. En effet qu~ ce soit les Ets Laborde-Lachaize ou la SARPA, un rétrécis
sement de leurs débouchés fera qu'elles achèteront moins de matières pre
mières à l'agriculture pour adapter le plus possible leur production aux
variations de la conjoncture et les techniques employées ne peuvent faire
écran à cela. Par conséquent toutes les variations de la production indus
trielle, ou du moins l'essentiel de cellos-ci, seront supportées non seule
ment par l'entreprise mais surtout pnr l'agriculture. Dans le cas d'une
baisse par exemple, cela sera plus coûteux pour celle-ci que pour celle-là
car, physiquement la matière première agricole existera et ce sera l'agri
culteur qui supportera tous les frais de la mévente alors que l'industriel,
lui, ne verra qu'une baisse dans l'utilisation de sa capacité de produc
tion. Autrement dit, dans ses relations avec l'agriculture, l'usine ne
jouera pas un rôle très différent de celui du secteur commercial classique
puisque, à l'instar de celui-ci, elle se prémunira le plus possible contre
le secteur à qui elle aohète tout en lui faisant supporter au maximum tou
tes les variations, surtout négatives, du secteur auquel elle vend sa pro
duction. Aussi en dehors du fait, non négligeable bien sûr, qu'elle absor
be une partie de la production agricole arrivant sur le marché, l'usine
n'aura guère d'influence et d'influence positive, sur le secteur agricole
avec lequel elle est en relation économique. En sera-t-il de même dans le
second groupe où les conditions du marché seront assez différentes?
2 - Production agricole du seoteur local généralement infé
rieure aux besoins de l'entreprise. L'entreprise devra alors compléter
d'une manière ou d'un autre ce que ne peut lui apporter le secteur agricole
ordinaire. Deux usines parmi celles que nous avons étudiées, se trouvent
être dans cette situation; ce sont Madagascar-Conserves et la FITDi dont
0.0
15
nous allons examiner les expériences.
i) Madagascar-Conserves : Elle a repris un système classique
et assez répandu auparav~nt à savoir celui de la concession. Celle-ci est
chargée de fournir à l'usine une quantité suffisante de produits pour
qu'elle puisse être assurée d'un minimum de production en cas de défaillan
ce plus ou moins prononcée du secteur local. Comme, d'autre part, on emp
loie autant que possible sur ces concessions des méthodes modern~s de cul
ture qui permettent d'échapper au moins partiellement aux aléas des condi
tions physiques de la production, les variations de celle-ci seront bien
moins accentuées qu'ailleurs et, en tout état d~ cause, pourront suivre
d'assez près le développement de l'~ffaire. D'autant plus qu'il y aura
unité d~ direction entre le domaine agricole et le domaine industriel per
mettant une adaptation assez souple à l'évolution des débouchés industriels
compte tenu des contraintes inhérentes à toute production agricole.
On notera par ailleurs que la superficie de la concession est
limitée et non extensible et que l'entreprise s'est engagée par contrat
avec l'Administration d'absorber par priorité un contingent très important
de matière première provenant du secteur local. De ces deux faits il s'en
suit que s'il y a extension de l'affaire, l'usine ~evra de plus en plus
faire appel à ce même secteur local, par contre s'il y a stagnation ou
régression temporaire ce sera d'abord et surtout la conoession qui en
supportera les frais.
ii) la FITIM : Consommant une matière première fort peu pé
rissable et qui n'a pas besoin d'être traitée immédiatement après la ré
colte, l'entreprise préfère se placer sur le marché international corres
pondant, assez vaste pour qu'elle soit sûre d'y trouver les quantités comp
lémentaires qu'elle n'a pu se procurer dans sa zone d'approvisionnement
locale o On remarquera d'ailleurs que, dans la mesure du possible, l'usine
00.
,
16
préfèr8 s'approvisionner dnns celle-ci plutôt qu'à l'extérieur où le mar
ché est généralement très spéculatif rendant la matière première relative
ment plus coûteuseo Pour s'en assurer on calculera les ~oefficients de
corrélation entre d'une part le volume de la production du paka (p-a) et
le volume de celui-ci utilisé par l'usine (p-u), d'autre part ce dernier
et le volume du jute importé et utilis0 par l'usine (j-u) e On a respecti-
vernent :
R p-u / p-a = + 0,824
R p-u / j-u = - 0,20
Le premier coefficient est fortement positif indiquant que le
volume de la matière première locale utilisée par la FITIM suit d'assez
près celui de la production agricole correspondant~e A l'inverse le deuxiè
me coefficient est faiblement négatif ainsi que la corrélation entre le
volume des matières premières importées et leur prix correspondant (i')
R j-U / i' = - 0,25
Ceci montre simplement que les matières prem~eres importées
sont un appoint, soit que la production loc~le ait baissé ou stagné (années
1955 à 1958 par exemple), soit que, même augmentant, elle ne suffise pas
à alimenter l'usine dont le développement est plus rapide (années 1962 et
1963 par exemple)e Cette idée est renforcée par le faible lien négatif
entre le volume importé et les prix correspondants qui prouve que l'usine
ne cherche pas automatiquement à acquérir au meilleur prix sur le marché
internation<l.l et que, par conséquent, celui-ci ne sera qu'un palliatif aux
insuffiso..nces du marché nationale Uhe conséquence logique de tout cela
sera que le variations annuelles des quantités de pn.ka absorbées par l'usi-
ne seront moins fortes que celles du jute importé, c'est bien ce qui se
passe puisque les écarts-t,ype moyens annuels (E) d~s indices-volumes sont
respectivement :
•
11
Ep = 0,375Ej = 0,586
De cet ensemble de faits on peut déduire que si les variations
de la production agricole locale vont se répercuter directement sur l'usi
ne en l'obligeant à s'approvisionner ailleurs, les fluctuations à oourt
terme des débouchés de l'usine ne se répercuteront pas sur le producteur
~gricole mais sur les achats à l'extérieuro
De ces deux expériences, on peut déduire aisément que dans la
situation où elle se trouve, ce genre d'entreprise va s'efforcer de se pro
curer un "volant de sécurité" (concessions - importations - etcooo) pour
son approvisionnement mais en dehors du secteur agricole localo Ce qui
signifie que ce sera ce "volant de sécurité" qui sera chargé d'absorber
les à-coups de la production industrielle quand ils ne manifestent pas
de tendance à long terme et non pas l'ngriculteur indépendanto On voit là
toute l~ différence et tout l'intérêt par rapport à ce qui se passe pour
les deux premières entreprises où, en réalité, c'est le producteur de ma
tière première qui amortit toutes les fluctuations à court terme de la pro
duction industrielle.
Dans ce dernier cas, de trop fortes variations se renouvelant
assez fréquemment auront pour résultat de décourager durablement l'agri
culteur qui ne verra aucun intérêt à travailler pour des débouchés aussi
peu sûrs o Il s'ensuivra souvent des difficultés grandissantes d'approvi
sionnement ou tout au moins une stagnation de la production qui ne pourra
qu'handicaper l~ développement de l'affaire (voir plus bas le cas de
Laborde-Lachaize).
Dans l'autre cas au contraire, l'usine semble devoir assurer
à l'agriculteur un débouché assez stable d'une année à l'autre puisqu'il
o ••
•
18
ne subira pas normalement les vexiations de l'approvisionnement de l'indus
trie. Il s'ensuit que, toutes choses étant égales par ~illeurs, la production
en secteur local aura plutôt tendance à s'accroître apportant ainsi à l'usi
ne une plus grande sécurité dans l'approvisionnement surtout si le chiffre
d'affaires a tendŒnce à se développer.
Ainsi donc, l'usine qui utiliser~ une matière première déjà
~bondarnment produite aura tendance à faire retomber sur l'agriculteur tou
tes les fluctuations de son affaire car les réactions négatives qu'il pour
rait ::.voir ne se répercuteront guère sur l'approvisionnement de l'usine
étant donnée l'étendue du marché. Mais un tel état de fait risque de dé
grader la situation à long terme et insensiblement si bien que l'entrepri
se verra peu à peu surgir des problèmes d'approvisionnement d'autant plus
difficiles à résoudre que ses immobilisations l'empêcheront de se déplacer
et qu'il sera beaucoup moins aisé à ce moment-là de lutter contre la mé
fiance des agriculteurs après une première expérience malheureuse.
Par contre si la matière première n'est pas suffisante au dé
part, ou même ineXistante, ltusine devra être beaucoup plus attentive à
ses fournisseurs. Plus ou moins volontairement, elle cherchera à leur évi
ter des à-coups trop brusques, les reportant de préférence sur d'autres
agents économiques pour lesquels cela n'aura pas d'importance. Mais, dans
la. réalité, l'entreprise ne se contentera pas d'avoir un "volant de séou
rité" qui ne pourra assurer qu' 'lm minimum de production. Si elle veut que
celle-ci se développe (ce qui est évidemment l'habitude! ) elle devra al
ler beaucoup plus loin. C'est-à-dire qu'elle va s'efforcer non seulement
de se prémunir contre les irrégularités provenant des conditions physiques
de ln production agricole mais également contre l'incertitude quant à
l'attitude et à la réaction des agriculteurs à la présence de l'offre de
l'usine. Celle-là devient alors la principale contrainte à l'extension
parallèle de l'approvisionnement et du chiffre d'affaires. Nous allons
•••
19
étudier maintenant comment les usines ont essayé de réduire au mieux cette
incertitude.
b) Réaction à l'incertitude de l'attitude des agriculteurs.
Une attitude qui a été le fait de nombreuses entreprises avant l'indépen
dGnce a été de mettre en culture des concessions suffisamment importantes
pour que celles-ci puissent assurer la majeure partie de l'approvisionne
ment de l'usine dans un avenir prévisible. Le volant de séourité est alors
le secteur agricole local utilisé seulement pour faire l'appoint. Il n'est
pas besoin d'être très clairvoyant pour voir ce que ce système peut avoir
de négatif sur l'évolution de l' agricul teur en le maintenant dans une si
tuation instable sans l'intégrer dans un circuit économique véritable.
Dans ce cas-là, l'usine n'aura aucune influence sur l'agriculture locale,
elle risque m~me d'être négative 1 Elle vivra en vase clos, isolée psycho
logiquement et économiquement du milieu rural qui l'entoure et ne pourra
donc être un agent de progrès pour celui-ci.
A l'inverse dG celL1, examinons comment ont réagi Madagascar
Conserves et la FITIM à cette incertitude. Nous avons constaté plus haut
que les "volants de sécurit~" qui étaient à leur disposition n'étaient
pas suffisants pour un approvisionnement normal, présent ou futur; d'autre
part, il était hors de question pour elles d'encadrer de façon plus ou
moins autoritaire le paysannat local ce qui aurait réglé apParemment le
problème. On va voir alors que, malgré des conditions économiques et finan
cières assez différentes, des matières premières sans aucun point commun
si ce n'est le fait d'être agricoles, nos deux entreprises vont essayer
d'agir dans le milieu rural de façon relativement semblable en employant
des moyens autres que purement économiques (tel que l'incitation par les
prix par exemple).
e ••
•
20
i) Madagnscar-Conserves : Quand l'usine s'est implantée, il
n'existait pas de production de la matière première qu'elle utilise. La
concession eut pour rôle d'~ssurer le démarrage mais elle ne pouvait suf
fire pour permettre un développement ultérieur sérieux, comme d'autre
part, e.insi que nous l'avons vu plus haut, un contrat avec l'administra,
tion l'oblige à prendre en priorité un contingent important de la produc
tion du secteur local, il lui a fallu agir en milieu rural. Dans ce Put,
elle prit un certain nombre de dispositions qu'on peut résumer ainsi:
- distribution gratuite de plants à ceux qui désirent faire
des plantations
- traitements phytosanitaires des cultures gratuits pour ceux
qui le demandent
- prise en charge par l'usine d'un contremaître chargé de
montrer aux agriculteurs la technique de la culture à tous les stades
- prix de la marchandise rendue-usine fixé à l'avance et con-
nu de tous
- vente toujours assurée à l'usine.
De cette énumération on peut retenir deux choses. D'abord, la
liberté de l'agriculteur est entièrement respectée: il peut accepter ou
refuser de rentrer dans ce système, de faire ou de ne pas faire la culture
qui intéressé l'usine. Cette liberté se retrouve à tous les niveaux depuis
l'obtention du matériel végétal jusqu'à la prop~sition d'aide technique.
Ensui te le fait de toujours pouvoir vendre à l'usine pour un prix déter
miné connu à l'avance donne à l'agriculteur une assurance quant aux dé
bouchés db ses productions. A la longue il risquera donc d'être plus tenté
par une pareille culture que par d'autres spéculations aux débouchés ins
tables et pour lesquels il est impossible de faire des prévisions de pro
duction.
• ••
21
En somme~ à l~ certitude de la vente et du revenu monétaire,
l'usine s'est efforcée de lier explicitement une assistance technique qui
facilite le travail de l'agriculteur. De la sorte, elle tend à créer un
réseau d'échanges entre producteur et utilisateur, sans intermédiaire ni
écran, qui soit autre que purement économique et totalement anonyme per
mettant ainsi une meilleure compréhension réciproque des problèmes qui se
posent. Cela sera sans doute d'autant plus efficace que, dans l'état actuel
des esprits, des rapports purement objectifs, tels qu'il en existe d'ail
leurs, sont beaucoup moins appréciés et compris car ils font passer trop
brutalement d'un monde où les rapports personnels sont de première impor
tance à un autre où ils sont relégués tout à fait au second plan.
ii) La FITIM : La situation est quelque peu différente. Au
départ l'usine avait affaire à des peuplements naturels du produit qu'elle
traitait, coux-ci se sont trouvés peu à peu réduits par l'extension d'au
tres cultures. Aussi pour redresser la situation on a agi sur deux plans
différents, t~chnique et économique:
- plan technique : un réseau de techniciens a été mis en place
dans les zones écologiquement favorables. Il distribua une assistanoe tech
nique (façons culturales, semences, etc ••• ) à très bon marché ou même gra
tuitement au début, devenant payante par la suite au fur et à mesure que
la culture prenait dans le milieu local.
- plan économique un accord avec l'Administration a été .passé
de telle sorte que le prix payé au producteur ne subisse que très peu de
variations et de faibles amplitudes. S'ajoute à cela la certitude du dé
bouché pour l ' agriculteur.
Là encore il ne pouvait être question de forcer l'agriculteur
à pratiquer cette culture si elle ne l'intéressait pas. On a simplement
mis à sa disposition un certain nombre d~ moyens qui pouvaient l'attirer
•••
..
22
en lui permettant de s'intégrer progressivement dans un domaine nouveau
pour lui snns que le résultat dt son travail soit trop incertain étant
donnée la certitude du débouché que l'usine lui procuree
Dans ces deux expériences faites en des lieux, à des moments
et dans des conditions économiques assez différentes, on peut observer qu'il
a paru absolument nécessaire d'apporter à l'agriculture autre ohose qu'une
offre d'achat de sa production CRr 10 producteur ne réagit que peu et très
lentement à des incitations d'ordrG purement économique. En effet deux
problèmes comptent b0aucoup pour celui-là 9 que ne peuvent résoudre celle-
ci :
- l'incertitude de l'avenir savoir su moment où on,plante.si
l'on va pouvoir v~ndre l'intégralité de la récolte à un prix suffisamment
rémunérateur
la méconnaissance des techniques à employer pour une culture
nouvelle dont on ignore tout, en particulier, la façon de travailler et
les rendements qu'on pourra en obtenir.
Le raIe de l'entreprise a donc été de réduire le plus possible
ces incertitudes dans l' eaprit de l ' agriculteur. De ce fai t-là, elle ré
duisait considérablement l'incertitude qu'elle-même pouvait avoir quant
à l'attitude des agriculteurs vis-à-vis de la production des matières pre
mières dont elle-même a besoin e
Mais cette méthode semble avoir d'autres conséquences très
utiles au développement de l'agriculture:
- Il est d'abord fait appel à l'intelligenc~ du produoteur à
qui l'on propose un choix. C'est à lui de constater les avantages et les
inconvénients du système qu'on lui propose et de décider en conséquence o
00.
•
23
La présenc~ d'agents techniques, dépendant explicitement et
exclusivement de l'usine, permet de personnaliser en quelque sorte les re
lations entre agriculteurs et industriels. Ceci est très important, semble
t-il, pour le milieu rural qui est loin d'avoir objectivé ses relations
économiques.
Ces deux conséquences vont donner à l'agriculteur la possibi
lité de s'intégrer de lui-même plus étroitement dans un système économi
que où l'échange monétaire pourra pr€mdre progressivement une place pré
pondérante. La transition du secteur d'autoconsommation au secteur moné
taire sera donc beaucoup plus progressive et plus saine dans la mesure
où c'est l'intéressé qui la fera de son propre chef et consciemment. La
transformation sera d'ailleurs beaucoup plus durable et profonde. Il n'est
d'ailleurs que de comparer cette situation avec des expériences récentes
en d'autres domaines où l'on a voulu imposer aux paysans d'une région un
système de production entièrement nouveau sans leur demander leur avis.
Le résultat assez commun a été un blocage psychologique tendant à replier
les communautés rurales sur elles-mêmes au lieu de les ouvrir à l'extérieur
ce qui était l'opposé du but recherché. Evidemment la méthode envisagée
plus haut représente une oeuvre de longue haleine car ce n'est pas en deux
ou trois années que l'on réussira à convaincre un nombre élevé d'agricul
teurs ; mais cet inconvénient est compensé par de tels avantages à long
terme tant pour l'agriculteur que pour l'industrie que le résultat est tout
de même largement bénéficiaire, d'autant plus, qu'en attendant, l'usine
peut utiliser les ressources dt> son "volant de sécurité".
Mais avant dû conclure, il serait bon de savoir si ces dif
férences de méthodes, quant aux relations avec le monde rural, se sont
traduites concrètement dans les faits et en particulier dans les varia
tions des quantités et des prix des produits achetés et vendus par l'usine •
•••
24
On peut ess~er d'en donner une démonstration en comparant les écarts
type et les variations des indices-volume (1) et indices-prix de la ma
tière premièr~ et du produit finit qui lui correspond (Tableaux l et II
en Annexe).
iii) Indices-prix : on observe assez généralement que les prix
industriels varient moins que les prix agricoles (l~s Ets kkborde-Lachaize,
la SARPA et partiellement la FITIM pour le jute importé)o Ceci peut signi-
fier plusieurs choses :
- l'usine régularise le cours des produits agricoles et absor
be, au moins partiellement les variations des prix agricoles sans les trans
mettre en aval perce qu'elle leur fait subir une transformation qui permet
de les adapter à un marché de consommation étalé sur toute l'année et
s'adressant à un plus grand nombre d'acheteurs, évitant ainsi des change
ments brutaux provenant par exemple d'une offre abondante mais très limitée
dans le temps et même dans l'espace.
l'usine renforce les variations des prix des matières pre
mières en ajoutant aux vnriations provenant de l'offre agricole proprement
dite celles qu'elle subit elle-même par les fluctuations de ses débouchés.
Ceci est particulièrement vrai pour Laborde-Lachaize.
En somme, on pourrait dire que l'entreprise répercute les va
riations des prix de ses produits finis sur celles des prix des matières
premières agricoles qui ont servi à les fabriquer mais qu'elle amortit
assez sensiblement les variations des prix agricoles pour ne pas avoir à
les transmettre sur les prix des produits qu'elle vend elle-même. On
00.
(1 ) Calculés selon la formule de Lnspeyres soit:
l' indice-prix = 1&2 ) po, qo = prix et volumo de l'annéepoqo ( de base
- l' indice-volume = .E29:)
P, q = prix et volume cle l'année(poqo ) considérée
,
L
25
constate donc bien que l'usine ne filtre, si l'on peut dire, le niveau de
prix que de~s le sens qui lui est favor~ble, c'est-à-dire qui lui assure
ses débouchés ..
Ce comportement semble bien être celui de Laborde-Lachaize et
de la SARPA. qui appartiennent au groupe des usines s'approvisionn~t sur
un m~rché assez large et existnnt déjà de lui-même. Le cas est assez dif
férent pour la FITIM. Car si les prix du produit importé sont fluctuants,
cela provient da causes totalement étrangères à l'entreprise (m~rché in
ternational spécul~tif) .. Il n'en est pas de même pour les prix des matiè
res premières produites localement qui ne varient que très peu. On observe
alors que les prix du produit industriel varient plus, ce qui prouve à ce
moment-là que c'est la seule usine, ou son "volant de sécurité" (ici la
matière première importée), qui subit la conséquence des variations
de la demande de ses produits fabriqués et non les prix de la production
agricole locale .. L'entreprise joue alors parfaitement son rôle de filtre
vis-à-vis du secteur agricole auquel elle évite des ve~iations préjudicia
bles. Mais retrouve-t-on le même phénomène pour les variations en volume?
iiii) Indices-volume : On observe sensiblement la même chose
à savoir que les variations des quantités industrielles produites sont
plus faibles que celles des produits agricoles correspondants.
A la FITIM, l'écart-type moyen annuel (s,) est plus fort
pour la matière première produite localement (p) que pour celle qui est
~ortée (j). En effet les variations en volume de "pli suivent de près
oelles des récoltes proprement dites (voir plus haut la corrélation qui
les lie: Rp-u/p-a = + 0,824), ce qui montre bien que c'est l'usine qui
subit les fluctuations de la production locale et doit les amortir et non
le contraire" Par contre les variations calculées avec l'écart-type par
rapport à la moyenne (s) sont plus fortes pour les matières importées
(47.5 %) que pour les locales (34 %). Cela prouve que les variations
•••
,
26
moyennes des quantités absorbées par l'usine sont beaucoup plus fortes pour
le "volant de sécurité" que pour le produit local ce qui est bien en con
tinuité logi~e avec ce que nous affirmions plus haut. Mais les V'"'J'iations
du volume industriel sont, elles, de toutes façons plus faibles. Cette dif
férence s'explique par la présence de stocks de matières premières qui
permet à l'entreprise d'absorber la variation de la production agrœcole
sans la répercuter sur la production industrielle.
Chez Laborde-Lachaize et la SARPA, on constate au contraire
que les variations dë volume tant des matières premières que des produits
finis sont plus fortes et généralement assez voisines les unes des autres.
Comme on sait par ailleurs que le marché des produits agricoles concernés
est généralement suffisant pour ces deux entreprises, on en déduit que les
usines répercutent à peu près entièrement sur les marchés agricoles les va
riations quantitatives de leurs possibilités de vente. Autrement dit les
variations de volume des matières premières proviendraient non pas des
fluctuations de l'offre agricole mais de celles de la demande industrielle
. à l'inverse de ce qui se passe chez la FITIM. Bien qu'elles n'aient guère
la possibilité de stocker suffisamment la matière première, pour amortir
les à-coups, il ne semble donc pas que ce soit tellement cela qui soit la
Cél.use de cette absence de "filtrage" des variations tant des prix que des
quantités. Ce serait plutôt que ces entreprises se sentant peu liées au
monde rural qui les approvisionne lui feront subir à peu près tous les
contre-coups de leur production car elles savent que cela n'aura pas de
répercussion immédiate et tangible pour la satisfaction de leurs besoins
en matières premières. La différence des résultats chiffrés entre Laborde
Lachaize et la SARPA d'une part, la FITIM de l'autre semble bien confirmer
cette idée.
D8 cette analyse, on peut conclure qu'à l'inverse de ce qui
se passe dans le premier groupe, les entreprises qui ont été obligées
de se pencher de près sur leurs problèmes d'approvisionnement, ont pu,
•••
•
27
dans certains cas, Bvoir une influence positive sur le développement d'un
secteur de l'agriculture en essayant de s'adapter et de résoudre les pro
blèmes qui s'y posent sans, pour autant, bousculer l'agriculteur. Dans ce
cas-là, l'usine peut jouer un rôle privilégié pour le développement de
l'agriculture. En effet au lieu de répercuter sur celle-ci toutés les
variations d'une conjoncture économique à laqu~lle le producteur se sent
totalement étranger et qu'il ne peut percevoir directement du fait de son
éloignement tant psychologique que géographique, l'entreprise devient une
sorte de filtre entre le monde extérieur et l'agricultureo Par là, elle
pourra éviter une rencontre trop brutale qui risquerait de refermer l'agri
culteur sur soi au lieu de l'ouvrir. D'autre part elle devient un interlo
cuteur beaucoup plus accessible et compréhensible que l'anonymat du marohé.
Enfin, en lui procurant des conditions de travail plus avantageuses et en
lui rendant son revenu monétaire moins aléatoire, elle donnera au p~san
la possibilité de pénétrer plus hardiment et plus franohement dans ce sec
teur monétaire dont il est enoore assez méfiant et duquel il est assez peu
habitué aux mécanismes.
De l'étude de nos quatre entreprises, il ressort donc très
clairement que, d'une façon ou d'une autre, elles chercheront à se prému
nir le plus possible contre des variations de l'offre de leurs matières
premières qui peuvent les gêner considérablement dans leur production pro
prement dite o Mais selon que celles-là se trouvent déjà abondamment sur
les marchés traditionnels ou non, les entreprises auront tendance à se
comporter vis-à-vis de ceux-ci comme de simples commerçants ce qui peut
avoir des répercussions fâcheuses sur l'agriculture et sur elles-m~mes à
longue échéance - ou bien elles seront amenées à agir en milieu rural et
à faire écre~ avec l'extérieur pour lui procurer des conditions suffisam
ment acceptables et saines pour l'agriculteur, ce qui, en définitive, pour
ra être un bien pour celui-ci CO~1e pour l'usineo
•••
28
Nous allons examiner maintenant les réactions de l'entreprise
à deux autres caractéristiques de la production agricole pour lesquelles
l'action en milieu rural n'aurait aucune signification étant donné qu'elles
sont étroitement dépendantes de la nature des choses, ce sont la saison
nalité de la production agricole et la nature, périssable ou non, du pro
duit traité. Les entreprises devront donc surtout trouver en elles-m~me
les moyens de parer à ces difficultés.
c) Saisonnalité de la production et périssabilité du produit.
Le premier problème que l'entreprise devra résoudre sera celui
du financement de ses achats de matières premières. En effet, le plus fré
quemrlent, celles-ci ne sont produites et utilisables que sur une petite
période de l'année pendnnt laquelle il faudra que l'usine achète de très
grosses quantités qui permettront toute sa production de l'année. Pour
cela, elle mobilisera une partie assez importante de ses fonds propres, ce
sera 18 cas de la SARPA et la FITD1 en particulier où l'ensemble dos va
leurs réalisables et disponibles représentent en moyenne respectivement
29 %et 26 %de l'Actif o Par contre, chez Laborde-Lachaize où la trésorerie
est plus difficile, on fera surtout appel aux capitaux extérieurs sous
forme d'emprunts à court terme qui représenteront en mOY6nne plus de 40 %du Passif total. Comme on le constate donc, ce fait peut peser assez lour
dement sur le bilan de l'entreprise, mais de façon différente selon la
structure de son financement.
Le second problème qui se pose alors immédiatement va être
celui de la période de production. La réaction de la plupart des entrepri
ses sera de l'étaler le plus possible pour essayer de travailler une bonne
partie de l'année sinon l'année toute entière. Cela est principalement
dû au fait que, si l'activité est saisonnière, la capacité de production
installée va être inutilisée pendant le reste de l'année ce qui représente
.00
29
deux inconvénients majeurs: d'abord un manque à gagner certain puisque
les immobilisations ne servent que pend~t quelques mois sur douze - d'au
tre part une plus lourde charge provenant de l~ présence de frais fixes qui
restent toujours les mêmes que l'usine tourne ou ne tourne pas, ce sera en
particulier le cas des amortissements, des assurances, d~ certains impôts,
du pers0nnel permanent, etc •••
La méthode qui apparaît alors la plus simple est de stocker
la matière première pour l'utiliser au fur ~t à mesure des besoins. C'est
ce que pratique normalement la FITIM pour laquelle les stocks de matière
première représentent en moyenne près de 25 %du total de l'Actif, leur
vitesse de rotation étant relativement lente (1). M~is outre des disponi
bilités financières que toutes les entreprises n'ont pas, il faut bien re
marquer que ce qu'utilise la FITIM n'est pas périssable et peut donc être
stocké pour longtemps aux moindres frais.
Il n'en est malheureusement pas de même pour les entreprises
de la branche des Industries Agricoles et Alimentaires dont la plupart des
produits qu'elle traite sont périssables plus ou moins rapidement. Dans ce
ca~ il sera beaucoup plus difficile de pallier complètement à la saison
nalité et les solutions envisagées ou mises en place n'ont jamais été to
talement satisfaisantes. Nous allons les passer rapidement en revue:
i) Extension de la gamme de production: c'est la voie dans la
quelle s'est engp.gée Laborde-Lachaize. Outre les avantages dont nous par
lions plus haut qui lui permettent de ne pas ressentir trop fortement les
brusques à-coups de la production agricole, l'augmentation du nombre de
produits traités permet de faire des séries de production échelonnées dans
le temps - l'arrivée à maturité de chaque catégorie se situant à des pério
des différentes de l'année. De cette façon, l'usine parvient à tourner
•••
(1) La moyenne du ratio Achats de matières premières est de 1,69 sur 11. Stocks de matières premièresexerc1ces.
1 •
1 •
1
1
)0
à peu près tout le temps avec tout de même des variations d'activité assez
sensibles.
Mais cette solution n'est réellement possible que si le
matériel est assez polyvalent ou peu spécialisé permettant de l'utiliser
pour des productions assez variées. C'est d'ailleurs bien l'atout de
Laborde-Lachaize dont les immobilisations ne sont pas très importantes
mais qui emploie suffisamment de personnel pour pouvoir l'affecter à une
tâche puis à une autre selon les besoins. De fait, dans les autres entre
prises, on n'a encore eu que la velleité d8 prendre cette solution car
seulement une petite partie du matériel existant pourrait être polyvalent,
et il serait même parfois nécessaire de faire de nouveaux investissements.
ii) Reprise en intercampagne : c'est ce que tente de faire
Madagascar-Conserves pour laquelle le problème est particulièrement cru
cial car le produit qu'elle utilise doit être impérativement usiné d~
les 24 heures qui suivent la récolte et, d'autre part,le matériel mis en
place ne peut pratiquement pas être utilisé à d'autres fins. Il s'agit
alors de stocker le produit "en cours" à un stade où sa conservation ne
pose pas de problèmes importants. Il est ~nsuite repris en inter-campagne
ce qui permet tout de même une décongestion au moment où celle-là bat son
plein et un meillour étalement de la production.
Cette méthod8 n'est évidemment possible que si les moyens
de conservation ne sont pas trop onéreux. On ne pourra évidemment agir
ainsi s'il est nécessaire d'avoir par exemple une installation frigorifique
onéreus~ par son fonctionnement et les immobilisations de capitaux qu'elle
peut représenter. C'est par exemple le cas de la SARPA qui, de ce fait, n'a
pas pu trouver de solutions satisfaisantes à ce problème de la saisonnali
té.
• ••
•
•
31
Ainsi, pour un certain nombre d'entreprises dont la matière
première est très périssable et dont l'equipement est assez spécialisé,
il sera pratiquement très difficile d'échapper complètement à la périodi
cité de la production agricole et de n'en pas subir les conséquences que
nous signalions précédemment. Il ne leur restera plus qu'à utiliser la
saison cruuse à la vente d'une production effectuée en quelques mois.
Il apparaît en définitive que l'industrie de transformation
d8 produits agricoles se situant entre une offre périodique de matières
premières et une demande à peu près également répartie sur toute l'année
de biens manufacturés devrait faire office de régulateur des flux de biens
et de monnaie entre ses fournisseurs et ses clients que le stockage se
fasse avant ou après l'usinage selon les caractéristiques du produit trai
té •
• ••
•
32
CONCLUSION
Au cours de cette analyse qui nous a p8rmis d'examiner
les incidences de l'agriculture sur quelques entreprises travaillant avec
elles,nous avons pu remarquer que trois facteurs jouaient un rôle primor
dial dans les relations économiques entrû ces d~ux secteurs de l'économie,
ce sont :
la structure du financement de l'entreprise
la nature de l'activité de l'entreprise
la situation du marché d'approvisionnement de l'entre-
prise.
Le premier Gst un facteur purement interne à l'entreprise
et se résume surtout dans la part de financement propre des activités
industrielles. Si celui-ci est insuffisant ou devra faire appel à des ca
pitaux extéri~urs av~c tout Cê que cela comporte d'aléas, de limitation
dans l'extension de l'activité et d'incertitude continuelle dans la marche
de l'entreprise. Le principal effet de cette situation sera une moins gran
de maîtrise du milieu économique que ce soit en aval mais surtout en amont
de l'usine.
Le second facteur dépend à la fois de la nature; du produit
à traiter et du degré de transformation qu'il subit à l'usinage. Selon
que le produit est périssable ou non, il pourra ou non être stocké en grand
et sans frais majeurs permettant ainsi de régulariser les fluctuations pro
v~nant de la production agricole. Quant au degré de transformation du pro
duit, plus il sera grand, plus il exigera des investissements importants
et spécialisés qui limiteront, en particuli~r, la possibilité de pallier
aux inconvéni~nts que représente la saisonnalité de la plus grande partie
de la production agricole, surtout quand elle n'est pas stockable.
DO.
•
33
Le dernier factbur enfin est entièrement indépendant, du
moins au départ, de l'entreprise proprement dite. Il représente simplement
le fait que le marché ~gricole local est capable ou non d'approvisionner
de lui-même l'usine pour que la capacité de production d~ l'entreprise soit
utilisée au miGux.
Ceci étant, comment ces trois facteurs interfèrent les uns
sur les autres et conditionnent l'activité économique de nos entreprises?
Il apparaît que le premier facteur, la dimension du financement propre de
l'entreprise, joue un rôle de premier plan. Il ne faut pas oublier en effet
que c'est celui-ci qui détermine la liberté de manoeuvre de l'usine: il
est bien évident que si cette dernière est obligée de faire largement appel
aux capitaux extérieurs, elle ne pourra pas réaliser tout ce qu'elle dési
rerait et sera limitée dans son action et son développement optimum. Par
conséquent, les réactions aux deux autres facteurs seront assez différen
tes selon la situation du premiùr. Effectivement on a observé que Labordb
Lachaize, qui est la seule à se trouver dans une situation caractérisée
de financement propre insuffisant, a un comportement assez différent de
celui des autres entreprises. Elle no stocke absolument pas sa matière
première, ne disposant pas d'installations suffisantes - ses investissements
sont peu élevés et assez polyvalents lui permettant dG traiter des produits
bruts différents et d'obtenir une variété de production assez large - en
fin, bien que cela s'avèrerait nécessaire, elle ne cherche pas à agir dans
son milieu rural d'approvisionnement. Etant ainsi relativement dépendante
(au moins pour les quantités et les prix des produits pris un à un) de ses
approvisionnements et de ses débouchés, il s'ensuivra que la structure de
son compte d'exploitation sera fort irrégulière d'une année à l'autre.
Co~e par ailleurs, ses capitaux propres sont insuffisants pour atténuer
ces fluctuations elles se répercuteront sur la structure de ses bilans qui
présentùront la même instabilité à cause de l'appel nécessaire au finan
cement extérieur. Il n'en sera pas de même pour les autres entreprises dont
le financement propre suffisant assure tout d'abord une certaine stabilité
•••
34
à leurs structures financières permettant all1si de faire écran aux irrégu
larités provenant de la production agricole. Il assure ensuite une liberté
de manoeuvre plus grande donnant des moyens de stockage plus importants,
la possibilité de faire des investissements plus lourds et d'agir en mi
lieu rural pour s'assurer d'un minimum d'approvisionnement nécessaire à
la bonne marche de l'usine.
C'est alors qu'on voit agir plus nettement les deux autres
facteurs. Tout d'abord, le fait de pratiquer des investissements plus im
portants et plus spécialisés rendra l'entreprise beaucoup plus sensible
à la saieannalité de la production agricole quand celle-ci ne pourra ~tre
stockée durablement à l'état brut comme c'est le cas dans la branche des
Industries Agricoles et Alimentaires, Sur ce point, l'entreprise Laborde
Lachaize possède un avantage certain puisqu'elle peut traiter une grande
variété de production dont les maturités s'échelonnent sur une bonne par
tie de l'année. Il n'en sera pas ainsi pour la branche textile dont la ma
tière première se conserve très bien sans autres immobilisations que la
valeur qu'elle représente, les entreprises correspondantes pourront donc
travailler toute l'année sans difficulté.
Quant au dernier facteur - l'excédent ou l'insuffisance de
la production agricole par rapport aux besoins de l'usine - on remarquera
que, généralement, si l'entreprise se trouve dans le premier cas, elle se
laissera guider par la facilité. En effet, elle cherchera à s'assurer un
certain nombre de marchés d'approvisionnement pour avoir une quantité suf
fisante de matières premières à traiter "bon an, mal an", mais cette action
n'ira pas au-delà car les avantages n'en paraissent pas clairement évidents
aux entrepreneurs. Ce sera, par exemple, le cas de la SARPA qui, de ce fait,
se rapproche de l'attitude de Laborde-Lachaize qui, elle, est commandée
par la dimension de son financement propre. Dans le cas d'insuffisance au
contraire, ce sera quasiment une nécessité pour l'entreprise d'agir en
milieu rural si elle veut avoir une source d'approvisionnement convenable •
• ••
•
35
Or, dans la situation des entreprises étudiées il n'était pas possible de
le faire de ~anière autoritaire ou en s'isolant (par la concession) du sec
teur agricole local, elles ont donc été amenées à se Mettre directement en
relation - économique et technique - avec le milieu rural qui devait les
approvisionner. Par conséquent, dans le premier cas, les entreprises n'ont
pas cherché à s'intéresser réellement au producteur agricole et n'ont eu
avec lui que des relations purement économiques et souvent indirecteso Le
résultat logique de cette attitude fut qu'elles ont eu tendance à répercu
ter eux leurs fournisseurs toutes les variations de la demande de leur
production industrielle que ce soit en quantité ou en prix afin d'en subir
elle-même le moins possible le contre-coupo Par contre, pour celles que
la nécessité obligeait d0 tenir compte de la réaction et du comportement
des agriculteurs, elles ont eu nettement tendance:
d'une part à faire supporter 1es variations de leur de
mande par ce que nous avons défini plus haut comme étant leur "volant de
sécurité" (concession - importations - etcooo) et dont le coût leur incombe
en définitive.
- d'autre part à chercher à avoir d'autres relations que
purement économiques (au sens libéral du terme) avec l'agriculteur. Celui
ci y étant assez réticent du fait de son incertitude continuelle sur l'ave
nir de ses récoltes et du prix auxquelles elles seront payées. En défini
tive, les entreprises chercheront à promouvoir ce qu'on pourrait appeler
une "action intégrée". C'est-à-dire qu'elles vont s'efforcer de lier étroi
tement action technique et économique à la fois concrètement et explicite
ment aux yeux des agriculteurs. Action technique dans la mesure où elles
proposeront aux paysans une assistance (1) (au vrai sens du terme, c'est
à-dire qui respecte leur liberté, leur possibilité de refuser) qui leur
donnera une plus grande assurance quant aux résultats concrets de leur tra
vail. Ceux-ci ne seraient pas suffisants s'il restait l'incertitude majeure
(1) Assistance au sens large du terme c'est-à-dire qui comprend aussi bienla fourniture de moyens matériels de production QUO l'encadrement pardes techniciens.
36
des débouchés et des prix dont les variations ruineraient tous les efforts
précédents. D'où l'action économique qui s'enchaîne logiquement avec la
première et, par laquelle, l'usine s'engage à absorber les quantités pro
duites par l' agricul teur à un prix fixé à l'avance. On notera avant de ter
miner, que ces entreprises n'ont pu opérer de cette manière dans le secteur
agricole local que parce qu'olles avaient les moyens financiers (c'est-à
dire un pourcentage de capitaux propres suffisamment élevé) de le faire.
Il est bien évident que ce genre d'action n'est pas rentable dans l'immé
diat puisqu'il s'agit de modifier des mentalités et des habitudes, ce qui
exige pour cela des investissements dont on ne sait pas s'ils donneront
ou non des résultats - investissements ~i ne peuvent être pratiqués que
par des usines dégagées des soucis immédiats de trésorerie et qui peuvent
immobiliser une partie de leurs capitaux dans des opérations qui dépassent
le stade de l'activité industrielle proprement dite. Par ailleurs cela
nécessite dûS disponibilités suffisantes pour absorber, par l'achat, des
variations quantitatives de production qui peuvent être assez fortes et
ne pas correspondre avec l'évolution de la demande finale sans pour cela
être obligé de faire appel trop largement à l'extérieur. En fin de compte,
ce sera ce type de comportement qui donnera aux relations agriculture
industrie toute leur efficacité. En effet l'entreprise y jouera un r81e
~amique par son action en milieu agricole. Elle servira véritablement
de filtre entre le monde extérieur et l'agriculture en ce sens qu'elle lui
évitera d'en subir les fluctuations importantes à court terme et qu'elle
réduira fortement les incertitudes des agriculteurs sur l'évolution de
celle-là. A partir de là, il sera vraisemblablement plus facile d'intégrer
de plus en plus étroitement les agriculteurs au secteur monétaire. Il est
à noter que le comportement opposé (celui de Laborde-Lachaize et la SARPA
en particulier) aura, dans le meilleur des cas, que des conséquences posi
tives réduites dans la mesure où la présence passive de l'entreprise n'en
traînera pas un changement sérieux des caractéristiques du marché ni de
modifications sensibles quant à la certitude des débouchés pour les
•••
37
producteurs. Mais le plus souvent ce comportement risquera d'être néfaste
à l'approvisionnement même de l'entreprise par le découragement des agri
culteurs qui devront supporter presque toutes les variations de la deman
de finale.
En définitive donc, si la dimension du financeMent propre
de l'entreprise apparaît très nécessaire aux bonnes relations entre l'agri
culture et l'industrie de produits agricoles, elle n'est pas suffisante et
il y faut en plus une volonté nettement orientée en ce sens. Cette volonté
n'existera d'ailleurs que si les industriels sont persuadés de l'utilité
d'une pareille opération pour le développement de leur affaire.
On rappellera enfin que, quel que soit le financement, la
nature de l'activité ou la situation du marché d'approvisionnement, l'en
treprise s'efforcera toujours d'échapper aux contraintes provenant de ses
matières premières. Ceci est tout à fait normal si l'on songe que les con
traintes que l'usine subit elle-même et sur lesquelles elle ne peut le
plus souvent avoir d'influence sont assez différentes et peuvent parfois
même être assez contradictoires et qu'elle sera amenée à suivre les inci
tations ven~1t de celles-ci plutôt que de celles-là.
Mais, tout ceci étant, il nous reste à examiner quelle va
être la réaction des agriculteurs à la présence de l'usine et à son action
quand il y en aura une. Car c'est seulement à partir de là qu'on pourra
juger plus objectivement que telle ou telle méthode est plus valable et a
plus de chance d'avoir des résultats intéressants tant pour l'agriculture
que pour l'industrie, C'est ce que nous allons tenter de faire dans la
seconde partie.
O ••
•
DEUXIEME PAnTIE
38
MILIEU AGRICOLE
•
39
INTRODUCTION
Dans cette seconde partie, nous allons tenter d'analyser
le milieu rural correspondant à quelques-unes des industries étudiées pré
cédemment. Dans ce but, nous nous sommes efforcés d'utiliser deux méthodes
différentes :
- une analyse chiffrée des budgets, en ressources et emplois,
monétaires uniquement, des familles situées dans les zones rurales étudiées
en essayant de faire une rétrospective sur une année o
- ces données chiffrées étant aléatoires et ne pouvant
nous donner qu'une vue globale, statique, un résultat en quelque sorte dont
on ne connaîtrait pas la manière qui a permis de l'obtenir, on a fait des
enregistrements de conversations individuelles ou de réunions portant sur
des thèmes déterminés en fonction de notre étude o Ceci va nous permettre
de compléter la première analyse et surtout de la ~amiser c'est-à-dire
de voir quelles sont les réactions des agriculteurs par rapport à ce qu'on
pourrait appeler le monde économique qui les entoure et fait pression sur
eUXe En outre, nous pourrons observer comment l'attitude et l'action des
entreprises Laborde-Lachaize et Madagascar-Conserves est comprise, acceptée
ou refusée par le milieu rural environnant.
Ceci étant il nous faut caractériser les zones rurales que
nous allons étudier
Ambalavola est dans la zone d'approvisionnement de
Laborde-Lachaize et fait du riz et des fruits utilisables par l'entreprise
Ambato-Boéni se trouve dans la m@me situation par rapport
à Madagascar-Conserves et fait surtout de la tomate ovale utilisée par
l'usine - de l'arachide absorbée en totalité par un organisme de
00.
•
40
commercialisation que nous dénommerons "Compagnie" qui a une politique de
prix et débouchés sensiblement parallèle à celle dû l'usine - des oignons,
des haricots et du riz de luxe vendue aux commerçants locaux, de la tomate
ronde enfin vendue dans les conditions habituelles du marché •
Vavatenina dans une zone différente des deux premières,
sans usine, nous servira de point de comparaison pour l'analyse du budget.
En définitive, notre plan de travail va découler de notre
méthode d'étude dans un premier chapitre, nous ferons cette analyse de
budget qui nous permettra quelques conclusions provisoires - le second
chapitre essaiera d'analyser et d'expliquer le comportement et les réac
tions des agriculteurs en fonction des données déjà acquises.
000
"
41
CHAPITRE l
ANALYSE DES BUDGETS
a) Limites et définition de l'analyse
Avant d'entamer celle-ci, il convient d'en marquer les
limites. l~ effet, les données recueillies ne correspondent à aucun plan
de sondage systématique et raisonné. On a simplement recueilli les entrées
et sorties monétaires des familles (ou "unités budgétaires") des zones ru
rales où l'enquête se situait et dont on cherchait par ailleurs à analyser
les réactions. Pour éviter des erreurs trop grossières, nous ne considére
rons que les résultats globaux pour les 3 zones étudiées, nous aurons donc
trois séries de résultats pour tous les postes du budget. r1ais, de toutes
façons, les chiffres obtenus n'ont qu'unG valeur indicative - permettant
seulement de préciser un certain nombre de phénomènes ; ils ne prétendent
être ni parfaitement exacts, ou objectifs et encore moins généralisables
de façon absolue. Il faut les resituer dans le contexte de notre étude
sur les relations Agriculture-Industrie et, en particulier, ils permettront
de mieux comprendre les réactions des agriculteurs que nous analyserons
plus bas"
Ceci étant, les trois zones étudiées correspondent pour
deux d'entre elles, Ambalavola et Ambato-Boéni, à une partie des zones
rurales où les entreprises Laborde-Lachaize et Madagascar-Conserves s'ap
provisionnent. La troisième zone, Vavatenina (1) correspond à un secteur
•••
(1) Vavatenu1a est située sur la côte Est en économie de traite (principalement pour le café) donc dans une situation géographique et économiquetrès différente d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni. Il ne nous a malheureusement pas été matériellement possible de faire l'etude du milieu ruralcorrespondant à la SARPA et la FITIM, ni surtout de faire des comparaisons avec d~s milieux proches d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni mais oùil n'y eut pas d'usine.
42
de l'agriculture plus classiqu8 dont l'essenti81 du revûnu monétaire con
siste ~n la vente au secteur commercial d'un ou deux produits nous donnant
ainsi la possibilité de points de comparaison avec des zones rurales où il
n'bXiste pas d'usine ou d'organisme très proche et d'un comportement ana
logue. Enfin, pour donner un ordre db grandeur de la dimension de nos en
quêtes, nous noterons que chacune d'entre 0118s porte environ sur 200 per
sonnes 0t 40 "unités budgétaires" soit plus précisément:
1 Ambalavola ~Ambato-Boéni Vavatenina!
Nombre ! !
d'habitants ! 229 ! 198 186! !
Nombre d'U.B. I !! 38 ! 46 40correspondants! !
Nous examinerons donc successivement la structure de ces
budgets globaux, c'est-à-dire l'origine des ressources monétaires puis
l'emploi qui est fait d~ celles-ci - ensuite l'origine puis la destination
des flux monétaires passant par ces secteurs ruraux - enfin, plus préci
sément, l'impact monétaire de l'usine sur ces secteurs.
b) Structure du budget (en pourcentage du total des ressources ou des
emplois : voir tableau III)
1) Ressources: elles sont de trois ordres, celles provenant
d~ la vente de la production agricole, végétale ou animale - celles venant
de reV8nus non agricoles tels que le salariat (même si c'est un salariat
agricole) ou d'autres petites activités plus ou moins artis,anales - celles
enfin venant de transferts (c'est-à-dire sans la contrepartie des biens et
services) consistant Gssentiallement en dons, allocations familiales, etc ••
• a •
43
Les résultats du tableau III montrent immédiatement que
les produits agricoles sont loin d'être la seul~ source de revenus moné
taires des agriculteurs quelle que soit la zone étudiée. Ils représentent
en effet un maximum de 70 %dbs ressources à Ambato-Boéni o Dans les trois
cas le complément est principalement constitué par du salariat, agrioole
ou non, qui représente entre 21 et 33 %du total. Il y a donc là, semble
t-il, un phénomène assez caractéristique qui peut s'expliquer de deux ma
nièr8s plus ou moins complémentaires :
le revenu tiré de la vente des produits agri
coles n'ost plus suffisant pour satisfaire les
besoins des agriculteurs soit que le prix de
ses produits ait stagné ou augmenté moins rapi
dement que celui des biens qu'il achète - soit
que la pression démographique augmente relati
vement plus vite que le revenu nominal - soit
que ces deux causes combinent leurs effets o
les besoins des agriculteurs en biens manufac
turés ou plus généralement accessibles unique
ment par l'intermédiaire de la monnaie ont cru
plus rapidement que les revenus qu'ils pouvaient
tirer de leurs produits agricoles. De toutes
les façons, il apparaît que les besoins moné
taires des agriculteurs ne peuvent plus être
couverts par les ressources provenant de leurs
productions agriooles proprement dites, aussi
ont-ils tendance à chercher en dehors de l'agri
culture une autre source de revenus o Cette ten
dance est confirmée par les corrélations plus
ou mnins négatives existant dans chaque zone
entre l'importance des reVbnus agricoles et
000
44
celle des revenus non agricoles comme l'indique
le tableau suivant :
1oR1 (rev.ag/rev.non1
1ag)!
!
Ambalavola1iAmbato-Boéni
0,206
Vavatenina
On notera, d'autre part, pour la répartition des produits
agricoles, que seul Ambalavola maintient l'équilibre entre produits animaux
et végétaux (ce qui explique la présence d~ l'usine Laborde-Lachaize) alors
que les produits végétaux sont très nettement dominants dans les deux autres
zones Ambato-Boéni et Vavatenina.
Enfin en ce qui concerne les transferts, le cas d'Ambalavola
paraît un peu aberrant et doit être relativement exceptionnel puisqu'ils
y représentent 30 %du total des ressources monétaires alors que, plus nor
malement, ils ne sont que de l'ordr6 de 5 %ailleurs.
En définitive, de l'origine des ressources monétaires des
secteurs ruraux que nous avons ~xaminés, on peut conclure (au moins à
titre d'hypothèse) que les agricult8urs éprouvent un besoin assez net du
signe monétaire et que, dans l'état actuel des choses, les produits agri
coles ne p~uvent le satisfaire, parfois de beaucoup. Si cette conclusion
se révèle exacte; il apparaîtrait alors que 18 secteur rural est plus in
tégré qu'on ne le pense à une économie monétairû dont il ne peut plus se
passer au moins pour certaines catégoriüs de produit. D'autre part l'acti
vité économique agricole tell~ qu'ellù existe actuellement ne lui permet
trait pas d~ s'insérer suffisamMent dans ce secteur monétaire; situation
qui provient sans doute à la fois d'un problème puremùnt technique d'amé
lioration des rendem~nts et d'un problème économique de débouchés et de
prix. A ce sujet on peut remarquer que la zone d'Ambato-Boéni, où
o ••
45
l'organisation de la vente et de l'utilisation des produits agricoles est
relativement la meilleure p est précisément celle où les ressources moné
taires provenant de l'agriculture sont les plus élevées (environ 70 %du
total). Par contre Vavatenina où subsiste une économie de traite tradition
nelle et surtout Ambalavola qui ne peut fournir beaucoup de produits agri
coles pouvant être massivement vendus dans l'état actuel du système de
commercialisation retirent relativement moins d'argent de leurs activités
agricoles (moins de 63 %et de 30 %respectivement). Ce point est donc
important à retenir car il conditionne en partie tout l'intérêt qu'on peut
apporter au problème des débouchés agricoles et plus particulièrement à
celui des industries utilisant et transformant des produits agricoles. Car
il est bien évident que le secteur rural ne s'intégrera vraiment au sec
teur moderne qu'à partir du moment où il pourra se procurE:r suffisamment
d'argent par rapport à la totalité de ses besoins par la vente de ses pro
ductions.
Cependant, pour mieux préciser cette idée d'intégration,
il nous faut voir encore comment l'agriculteur emploie les ressources qui
lui parviennent de différentes origines. Pour cela nous allons essayer
d'examiner la structure (en %) des emplois globaux dans nos trois zones
rurales.
2) Emploi : Les emplois sont de trois sortes essentielle
ment, les biens et services de consommation (nourriture, services p habil
lement, biens durables) - les investissements et dépenses de production
(soit: dépenses d'exploitation p construction et investissements divers,
les écoles = "écolage" + livres) - enfin les transferts dont font princi
palement partie les impôts. Reste d'autre part le solde positif entre la
totalité et celle des autres dépenses pour la seule zone d'Ambato-Boéni o
00.
46
On observe immédiatement que la consommation forme l'essen
tiel des emplois monétaires soit la moitié en moyenn8 (de 43 %pour Ambato
Boéni à 60 %pour Vavatenina)e A l'intérieur de celle-ci, ce sont les biens
alimentaires dont principalement 18 riz (d~ 17 %à 20 %du total) qui en
sont la part la plus importanteo Cela semble normal pour Ambato-Boéni et
Vavatenina dont la production de riz est n8ttement déficitaire par rapport
aux b8soins o Ce fait a plus ou moins obligé 16s producteurs à se tourner
vers des produits commercialisables leur procurant l'argent nécessaire à
l'achat de cette nourriture que l'autoconsommation ne pouvait leur fourniro
Par contre la situation d'~,balavola est beaucoup moins positive o En effet
lu riz (première production de cettG zon8) est un8 des principales ressour
ces monétaires (au moins la plus régulière) provenant de la production
agricole, or - en valeur - les agriculteurs dépensent trois fois plus d'a~
gent pour cette céréale qu'ils n'en gagnent grâce à el18 0 Une des causes
de cette situation est le bas prix payé au producteur au moment où il a
besoin d'argent et les prix élevés pratiqués en période de soudure o Ce sont
les intermédiaires qui absorbent la différence bien que le service rendu
soit faible (stockage entre la récolte et la soudure - ou même usinage
quand on fait passer du stage paddy au stade riz blanc car cette industrie
nè donne qu'une faible valeur ajoutée au produit qu'811e traite) 0 Malheu
reusement il semble que ce prélèvement excessif du secteur non-agricole
n'a pas poussé l'agriculteur vers des productions commercialisables pour
trois raisons :
ce fort prélèveMent monétaire dont l'agricul
teur a très nettement conscience ne l'incite
absollliDent pas à augmenter et diversifier la
production venant de son travail agricole
puisque, par expérience, il sait qu'il n'en
pourra pas r8tirer beaucoup d'argent et que la
majGure partie de son bénéfice ira en d'autres
mains 0
•
47
d'autre part, il a la possibilité de se pro
curer l'argent dont il a besoin par d'autres
moyens que ce soit le salariat Ou même de
simples transferts monétaires (on sait leur
importance dans les ressources d'Ambalavola).
enfin, 18 fait d'une production rizicole ap
paremment suffisante en quantité, freine vr.ai
semblablement l'agriculteur dans son désir
d'améliorer son revenu agricole en se lançant
dans d'autres productions ayant une meilleure
valorisation.
Il est à noter que ces trois raisons jouent un rôle bien
moindre pour Ambato-Boéni et Vavatenina :
le prélèvement monétaire, quand il existe, est
beaucoup moins ressenti car le produit, une
fois vendu, disparaît totalement de l'horizon
de l'agriculteur à l'inverse du riz revendu en
période de soudure par Ambalavola.
le salariat et surtout les transferts ne pro
curent pas suffisamment d'argent.
la production physique (en quantité) de riz
n'est absolument pas suffisante pour satis
faire les besoins minima des agriculteurs.
En définitive, il semblerait donc que èe soit à la fois des
conditions techniques propres à la production agricole et des conditions.
économiques provenant plus de l'environnement extérieur de l'agriculture
qui conditionneraient partiellement le comportement de l'agriculteur
•••
•
48
vis-à-vis de son intégration au secteur monétaire.
Quant aux autres éléments du poste "Consommation", ils
apparaissent tout à fait justifiés dans la mesure où ils consistent pour
l'essentiel soit en des services que ne peut fournir l'agriculture (trans
port - soins médicaux par exemple) - soit surtout qu'on ne trouve qu'à
l'extérieur parce que provenant surtout du secteur industriel (habillement
et biens durables en particulier).
A côté de cela p le second poste p "Investissements-Production",
paraît plutôt réduit: de 16 %du total pour Ambalavola à 26 %pour Vava
tenina. Et si les dépenses d'exploitation en sont l'élément le plus impor
tant, il faut noter tout de suite qu'elles sont constituées pour l'esaen
tiel par du salaire agricole (approximativement la moitié en moyenne) puis
ensuite par des animaux (boeufs essentiellement) dont on sait qu'ils sont
loin d'être intégralement utilisés pour l'exploitation proprement dite. Il
s'ensuit donc que, pour ses dépenses de production p l'agriculture fait
extrêmement peu appel à l'extérieur (les dépenses de semences et d'engrais
par exemple sont ridiculement faibles ou même nulles). On notera p par ail
leurs, que les dépenses pour l'enseignement des enfants peuvent être rela
tivement importantes (pour Ambalavola en particulier) mais p malheureuse
mentp cela ne signifie pas un investissement agricole le plus souvent.
En définitive, l'extérieur semble n'apporter qu'extr~mement
peu d'élements positifs p sous forme de biens et de services p~ants, pour
le développement de la production agricole de nos trois zones. Il semble,
apparemment, qu'en la matière p le secteur agricole vive plutôt en vase
clos et qu'en tout cas beaucoup de dépenses d'exploitation ne passent pas
explicitement par l'intermédiaire de la monnaie: semences rendues en na
ture ou payées par la récolte correspondante achetée à un prix inférieur
par exemple.
00 Il
49
A propos de ces deux premiers postes, "Consommation" et
"Investissements-Production", on remarqUEœa que les produits ayant subi
W1e transformation industrielle assez importante 0ntrent généralement
pour 10 ti~rs des dépenses monétaires en Ambato-Boéni et Vavatenina, pour
les deux-cinquièmes environ en Ambalavola. Cuci montre combien insuffisam
ment .mcore l' agricul ture est entrée dans un circuit économique "utile",
c'est-à-dire où le flux monétaire est créateur des valeurs réelles en biens
ou en services. Cependant il est assez vraisemblable, que si les prix d'usu
re pratiqués au moment de la soudurû dans la revente du riz aux agricul
teurs revenaient à un niveau normal, la part de la notœriture baisserait
dans la structure des emplois au profit des biens de consommations manufac
turés qui auraient alors tend~1ce à augmenter tant en valeur absolue qu'en
valeur relative.Cette remarque ajoutée au fait d'un certain pourcentage
déjà existant prouve quo le secteur agricole a tendance à utiliser et à
consommer l~s productions des autres secteurs de l'économie. Ceci apparaît
comme un facteur favorable à une meilleure intégration ultérieure du sec
teur agricole au circuit économique général à la condition "sine qua non"
d'un assainissement absolument nécessaire du secteur commercial qui relie
l'agriculture au reste.
Quant au dernier poste, les "Transferts", il esc; surtout
formé des impôts dont la pression globale sur le revenu monétaire va de
5 %pour Ambato-Boéni, à 11 1~ pour Vavatenina ; à ce niveau donc, elle ne
paraît pas excessive (1) et, dans la situation présente, ce ne sera guère
elle qui obligera l'agriculteur à entrer dans le circuit monétaire. En ce
qui concerne les autres transferts, il s'agit essentiellement de dons à
o ••
(1) Il s'agit, répétons-le, de moyennes: il n'en est pas forcément ainsidans chaque cas, surtout lorsque l'on sait que les familles nombreusessont exemptées du minimum fiscal.
•
50
des personnes ou à des collectivités et sont l'expression de comportements
religieux et sociologiques. Ils sont peu élevés à Ambato-Boéni et Vavate
nina au contraire d'Ambalavola où ils représentent 11 %des emplois d'ar
gent ce qui est tout de m§me assez considérable.
Reste enfin à expliqu8r le poste "Solde" qui n'existe que
pour Ambato-Boéni. Alors que, globalement, les emplois et les ressources
totalisés s'équilibrent approximativement dans les zones d'Ambalavola et
Vavatenina, le budget totalisé d'Ambato-Boéni montre un fort excédent des
ressources monétaires sur leurs emplois (27 %du total). Ce solde impor
tant indique soit des dépenses qu'on n'a pas voulu déclarer (achat de
boeufs en particulier) - soit une épargne sous forme liquide (ce qui est
sans doute moins vraisemblable) - soit un transfert vers les zones d'ori
gine d~s producteurs (Ambato-Boéni est une zone d'immigration des Plateaux)
- soit les trois à la fois. De toutes les façons, il semble qu'on puisse
considérer ce solde comme une sorte d'épargne dont au moins une bonne par
tie est retirée du circuit économique normal.
De cette étude de la structure des emplois monétaires, on
retiEmdra :
l'importance des sommes consacrées à une con
sommation plus ou moins immédiate en particu
lier à la nourriture et à des biens ~ant subi
peu ou pas de transformations mais ayant sim
plement transité par le secteur commercial.
la faiblesse de la 'part des investissements et
dépenses de production surtout de celles qui
ont pour but l'achat de biens manufacturés.
la part non négligeable consacrée à l'achat de
biens manufacturés destinés à la consommation.
o ••
51
3) Conclusion sur la structure globale des budgets :
L'analyse des ressources et emplois semble devoir nous
montrer que l'activité agricolû proprement dite est encore assez peu in
tégrée au secteur moderne soit qu'elle n'en retire pas suffisamment d'ar
gent par la vente qu'elle y fait, soit qu'elle lui achète surtout des
biens et des services qui ne représentent le plus souvent qu'une activité
marginale des autres secteurs (secteur commercial mis à part), particuliè
rement celui d~ l'industrie.
Mais nous allons essayer de préciser cette idée en tentant
d'examiner sommairement quelles sont l'origine et la destination des flux
monétaires qui transitent par le secteur agricole des trois zones.
c) Flux monétaires :
Toujours en pourcentage du total pour chaque zone, on clas
se 10s rossources et les emplois en .trois secteurs principaux qui sont à
la fois la source et la destination de l'argent passant par les mains des
agriculteurs, mais pas dans les mêmes proportions. On distinguera donc
(voir tableau IV) le secteur des administrations (c'est-à-dire l'adminis
t~ation publique plus des collectivités) - le secteur non agricole qui
englobe toutes les activités productives autres que l'agriculture (commer
çants et industriels principalement) et qui lui achètent ses productions
enfin le secteur agricole proprement dit. On a classé à part ce qui est
acheté ou vendu aux marchés parce qu'il est pratiquement impossible d'en
déterminer, mime approximativement, ce qui revient au secteur agricole et
au secteur non agricole. Enfin, une troisième colonne indique la différen
ca entr.e Ressources et Emplois permettant de situer ainsi d'où viennent
les excédents et où sont les déficits.
0.0
52
Ceci étant, nous allons examin8r pour chaque zone l'origine
des ~essources et la destination des emplois d'argent et voir comment les
déficits sont comblés.
1) Ressources
Il Y a une différence considérable entre Ambalavola d'une
part, Ambato-Boéni et Vavatenina de l'autre. Pour le premier en effet, la
plus grande p~tie des ressources (41 %) provient du secteur agricole sous
forme de salaires et surtout de transferts. La seconde source d'argent est
ensuite l'administration (30 %) également sous les mêmes formes de salaires
et transferts. Vient 8nfin le secteur non-agricole qui fournit moins de
20 %des ressources monétaires o Pour les seconds par contre c'est le sec
teur non-agTicoles qui est, de loin, la principale origine de l'argent que
reçoivent les agriculteurs (81 %pour Ambato-Boéni et 63 %pour Vavatenina).
Mais la situation n'est plus exactement la même pour les deux autres sec
teurs. En effet Ambato-Boéni reçoit son complément surtout de l'administra
tion alors que Vavatenina le r3çoit du secteur agricole (32 %) grâce a~~
salaires. Cette comparaison nous montre donc, que sauf pour Ambato-Boéni
qui tire l'essentiel de ses ressources monétaires de l'échange, surtout
de ses biens, avec le secteur non-agricole, les deux autres zones reçoi
vent une part non négligeable de leur revenu du même secteur agricole
(41 %et 32 %respectivement) a
2) naplois
Les situations des trois zones sont ici beaucoup plus pro
ches. En effet, l'essentiel des emplois d'argent se fait avec le secteur
non agricole et, principalement, les commerçants (soit de 42 %à 73 %).Le secteur agricole y est pour une bonne part puisqu'il représente de 15 %à 37 %du total des emplois. Vient en dernier lieu le secteur administra
tif qui fait toujours moins de 15 %du total.
~oo
•
53
3) Comparaison Ressources-Emplois
Par secteurs tout d'abord, on observe que les échanges les
plus faibles se font généralement avec l'administration et que les plus
élevés se font avec le secteur non-agricole, le secteur agricole se si
tuant habituellement entre les deux. Il existe donc chez ce dernier une
circulation monétaire qui est loin d'être négligeable mais qui n'apporte
pas, semble-t-il beaucoup d'argent frais, d'autant plus qu'une partie est
plus ou moins immobilisée sous une forme d'épargne ou une autre et ne sus
cite guère d'activités productrices.
Ceci étant, il va Gtre intéressant de comparer la différen
oe (R~ssources - Emplois) pour chaque secteur et chaque zone. On remarque
ra que, pour Ambalavola, le déficit essentiel se trouve être dans le sec
teur non-agricole et particulièrement avec les commerçants (- 35 %). Ce
besoin d'argent qui se manifeste en cet endroit est satisfait, par ordre
d'importance, par les excédents provenant de l'Administration (+ 16 %),du secteur agricole (+ 12 'fa), enfin du Marché (+ 7 %)0 Ceci montre que les
salaires et transferts monétaires provenant de l'administration et de
l'agriculture sont presque suffisants pour satisfaire les désirs en biens
monnayables. Par conséquent, dans cette zone, le flux monétaire passe
assez nettement à côté de l'activité agricole proprement dite et ne peut
donc la féconder en quelque sorte. Trouvant de l'argent par ailleurs et
plus facilement que dans le travail de la terre, l'agriculteur n'est pas
poussé du tout à accroître sa production et en tout cas pas à la monéta
riser sérieusement.
Pour Ambato-Boéni au contraire, llessentiel de son excédent
monétaire provient du secteur non-agricole (+ 39 %) auquel SI ajoute un
excédent beaucoup plus faible en provenance de l'administration (+ 6 'fa).
Ces excédents sont absorbés partiellement par le marché mais surtout par
le secteur agricole en particulier sous forme d'épargne. Cette situation
o ••
•
54
est au fond un peu l'inverse de la précédente: l'argent que se procure
Ambato-Boéni auprès du secteur non-agTicole grâce à son activité produc
trice est immobilisé, pour une part importante, à l'intérieur du secteur
agricole et ne retourne pas apparemment dans l~ circuit économique sinon
après un long détour. Dans le cas présent donc, une partie du flux moné
taire provenant de l'extérieur de l'agriculture est absorbée par celle-ci
pour un temps plus ou moins long sans qu'il y produise d'activités créa
trices de valeur.
En somme, dans le premier cas, les flux monétaires prove
nant d'autres sources étant largement suffisants, empêchent l'intégration
de l'agriculture proprement dite dans les échanges avec l'extérieur -
dans le second cas, si l'activité agricole intègre le secteur à l'extérieur
et est la source de flux monétaires, les agriculteurs, eux, en détournent
une partie importante et la stérilisent plus ou moins.
Quant à la troisième zone, Vavatenina, l'excédent provient
uniquement du secteur agricole et surtout des salaires. Cet excédent per
met d'alimenter les déficits vis-à-vis de l'Administration (- 6 %) et du
secteur non-agricole (- 10 %).Dans ce cas-là, le sens du flux monétaire
s'oriente de l'agriculture vers les autres secteurs.
En définitive, dans nos trois zones, il apparaît que les
flux monétaires jouent un rôle incomplet ou bien que les sotœces extérieures
de financement soient suffisantes eu égard aux besoins des agriculteurs
Ou bien que ceux-là soient limités et laissent un solde qui ne retourne
pas ou que tardivement dans le circuit économique rural. De par ses réac
tions globales, vues à travers les chiffres des budgets, il semble que le
secteur agricole n'utilise pas toujours de façon économique (1) les flux
•• 0
(1) C'üst-à-dire qui l'intègre au secteur moddrne par l'échange monétaire
&
•
•
55
monétaires qui passent par lui car ses besoins semblent limités à un cer
tain niveau il ne cherchera donc pas à améliorer ses ressources monétai
res s'il en a et l'excédent, quand il existe, sera détourné de son circuit
ordinaire. Cela signifie-t-il pour autant que l'agriculture soit complète
ment coupée des autres secteurs de l'économie? Certainement pas, surtout
pour les zones d'Ambato-Boéni et de Vavatenina. En effet, pour celles-ci,
l'insuffisance des ressources monétaires provenant de l'administration ou
de l'agriculture les oblige à produire pour vendre à l'extérieur. Une
bTande partie de l'argent retiré de ces ventes retourne presqu'immédiate
ment dans le circuit par les achats effectués auprès des oommerçants de
biens plus ou moins manufacturés.
L~ cas d'Ambalavola comparé à celui des deux autres, est
assez remarquable dans la mesure où il semble devoir nous indiquer que le
revenu provenant de la vente de produits agricoles peut n'êtr~ qu'un pis
aller quand on ne peut se procurer de l'argent par d'autres moyens. Cela
apparaît tout de même assez extraordinaire pour des zones vraiment rurales
(même si elles sont proches de petits centres urbains) et où, à priori,
pour Ambalavola et Ambato-Boéni, il existe plusieurs débouchés possibles,
étant donnée l'existence d'une usine absorbant certains des produits agri
coles récoltés dans la région. Tout se passe, à Ambalavola du moins, comme
si l'agriculteur ne pouvait trouver dans ses productions les revenus suf
fisants. Reste à savoir quelle est la cause de ce comportement, si cela
provient d'une attitude plus ou moins réticente de l'agriculteur qui ten
drait à travailler surtout pour son autoconsommation ou bien s'il existe
d'autres causes extérieures à lui-même qui, en définitive, le freinent
dans son désir d'accroître sa production et de la vendre. C'est ce que
nous nous efforcerons de voir plus bas en étudiant leurs réactions vis-à
vis de ces problèmes.
nais avant dG clore ce chapitre sur l'analyse des budgets,
nous allons examiner plus précisément quel peut être l'impact monétaire
•
56
de l'usine par rapport à l'agriculture dans les zones d'Ambalavola et
d'Ambato-Boéni. Cola nous permettra dG mieux mesurer quelle est la place
et l'importance de cette unité économique dans le budget des secteurs
agricmles et de ce fait quelle est l'importance d8s liens qui peuvunt unir
ces deux secteurs.
d) Impact monétaire de l'usine (voir tableau IV)
Si on néglige les dépenses faites par les agriculteurs qui
sont peu importantes et paraissent même exceptionnelles, on ne tiendra
compte que de l'argent distribué par l'entreprise aux agriculteurs. Pour
mieux préciser cet impact monétaire, nous allons examiner à quelles pres
tations il correspond :
r r r1 l il II r
~ ~ .. ~t~Am__b_a_l_a_v_o_l_a~i~Am__b_a_t_o_-_B_O_é_n_i:iAmbalaVOlaiAmbato-Boéni:
r SI' r 2 1 1 44 Il 75 ! 40 4 11 a a1re . r ' ! '!l l'!J Vente de Prod.Agr1c.! 0,7 1 6,5 !l 25 ! 59,6 !
r Tot aIl 2 8 1 10 Il 100 1 100 1! ,,9 Il ! 1
l = en %du total des ressources monétaires
II = en %du total des ressources monétaires provenant del'usine.
Dans ce tableau, on peut constater deux faits évidents:
- la faiblesse de la part de l'usine dans l'ensemble des
revenus monétaires de l'agriculteur. Ceci est particulièrement flagrant
pour Ambalavola où l'entreprise Laborde-Lachaize intervient pour moins de
3 %dans ceux-là - même pour la seconde zone, le pourcentage procuré par
•••
•
57
Madagascar-Conserves est inférieur à 11 %. Cependant il faut noter que ces
chiffres correspondent à la première campagne de cette dernière. Par contre
il faut se souvenir que Laborde-Lachaize est implantée depuis longtemps
dans sa région et que la zone correspondante étudiée en est géographique
ment assez proche. Il y a donc là un fait important à retenir.
- l'importance que prennent relativement les salaires dans
l'ensemble des ressources monétaires distribuées par l'usine. Ils repré
sentent ~n effet 75 %en Ambalavola et encore 4D %en Ambato-Boéni. Ce
fait ne reflète que la situation générale que nous signalions plus haut
à propos de l'insuffisance des revenus monétaires procurés par l'agricul
ture. Par conséquent, dans la situation présente de nos deux zones, l'usine
ne distribue qu'assez peu d'argent au titre de l'activité agricole propre
ment dite c'est-à-dire du revenu qu'on peut tirer de la vente d'une pro
duction agricole: cela ne représente que D,7 %de l'ensemble des revenus
globnux d'Ambalavola et 6,3 %de ceux d'Ambato-Boéni. Nous pouvons répéter
ici brièvement les causes qui proviennent de l'entreprise proprement dite
et dont nous avons déjà parlé dans la première partie. Pour Laborde-Lachaize
elles sont les suivantes :
extension de la Eone d'approvisionnement
grandt:l variété de productions.
Le résultat est donc une grande dispersion des producœeurs
vendant à l'usine et chacun ne semblant faire qu'une petite opération aveo
celle-ci (1). Pour Ambato-Boéni, la raison est plus simple et moins grave
•••
(1 ) Il faut noter que l'entreprise Laborde-Lachaize s'approvisionne auprèsdu marché urbain qui fournit 8nviron 9 %du revt:lnu monétaire de la zoneAmbalavola. Mais alors l'acheteur ne semble pas être perçu comme venantexplicitement de l'usine: l'effet psychologique est donc nul. Quant àà l'effet monétaire, il est assez difficile à déterminer, mais comptetenu des autres catégories d'acheteurs sur le marché, il ne doit pasêtre très important.
1
1 ~
•
58
pour l'avenir, semblb-t-il, dans la mesure où ce faibl~ pourcentage (déjà
beaucoup plus élevé qu'à Ambalavola) proviùnt essentiellement de la jeu
nesse de l'êntreprise qui ne faisait que débuter son activité.
Dans ces conditions, il apparaît à priori que l'influence
économique de l'usine sur l'agriculture risque d'être faible ou même nulle
puisque le lien monétaire existant entre les deux secteurs est des plus
réduits. nais une fois de plus, ce que nous pouvons prévoir à travers les
chiffrùs devra être vérifié par l'étude de la réaction des agriculteurs
~ar rapport à l'usine car il n'est pas évident que le lien monétaire soit
le seul 8xistant et le seul efficace pour que l'entreprise ait une réper
cussion sur le milieu rural qui l'approvisionne.
e) Conclusion
L'ètude chiffrée sur les budgets globaux de nos trois zones
nous a permis de constater que l'agriculture n'était jamais totalement in
tégrée, amont et aval, au reste dG l'économie monétaire soit que l'exté
rieur apporte au paysan' suffisamment d' argent pour qu'il n'ait pas besoin
de vendre l'essentiel de sa production agricole - soit qu'il détourne une
partie de ses bénéfices dans des circuits où 11 argent ne présente plus au
cun intérêt économique. Etant donnée cette conclusion, on peut alors se
demander quel rôle peut jouer une industrie agricole ayant des relations
directes avec le milieu rural surtout quand (ainsi que o'est le cas pour
Laborde-Lachaize et Hadagasoar-Conserves) les liens monétaires sont f.aibles
entre ces deux protagonistes. Il lui faut en effet développer absolument
ceux-là pour que l'agriculteur se trouve inséré dans un nouveau circuit
d'échange. S'il s'est lassé du système existant (purement, ou presque,
commercial) et qu'il a ess~é de s'en passer en recherohant d'autres sour
ces monétaires plus rémunératrices c'ost qu'il y avait sans doute quelques
raisons suffisamment fortes.
• ••
•
•
59
Il semble bien effectivement que ce s,ystème ait eu des dé
fauts majeurs qui n'ont pas poussé l'agriculteur à monétariser de plus en
plus sa production en particulier :
- fort prélèvement exercé sur l'agriculteur se traduisant
dans la réalité par des prix assez bas qui ne valorisaient pas suffisam
ment la production aux yeux du cultivateur •
- assez grande irrégularité des prix pratiqués, au cours
d'une saison ou bien d'une année à l'autre, le système commercial répercu
tant pratiquenent l'intégralité de la demande sur les agriculteurs alors
que ces derniers sont surtout dépendants du volume p~sique de leur pro
duction. Cette irrégularité a plusieurs conséquences: elle empêche d'abord
le producteur de faire des plans sur l'avenir et de le guider dans les dé
cisions à prendre pour le choix de ses productions. Elle accroît ensuite
ses incertitudes quant à l'évolution de son revenu monétaire alors qu'elles
existent déjà pour de simples raisons techniques. Enfin ces variations
continuelles du montant de ses recettes l'empêchent quasiment d'améliorer
son système de production et de s'intégrer à un système économique dont il
ne subit que les inconvénients sans qu'il lui soit matériellement possible
d'èn voir les avantages.
- stagnation fréquente du revenu monétaire qu'il tire de
ses productions en ce sens que le prix de c611es-ci n'augmente que peu
et relativement beaucoup moins rapidement que le prix des produits qu'il
achète chez le commerçant (1).0.0
(1) Ceci est évide~ent la description poussée à l'extrême des défauts dusystème commercial habituel, cela signifie qu'ils se retrouvent absolument partout mais leur existence est particulièrement néfaste à laproduction agricole en généralo
•
60
Cee raisons, et d 1 autres encore, qu'elles agissent ensemble
ou séparément, ont fait en définitive que, plus ou moins consciemment,
11 agriculteur s'est aperçu qu'il ne retirait plus assez d'argent de son
activité agricole (1). Sa réaction, toute naturelle, a donc été de recher
cher cet argent dont il avait besoin par d'autres moyens o
Dans ces conditions, 11 us ine n'aura vraisemblablement de
chauoe de se développer et d'augmenter ses liens avec l'agriculture que
si son comportement est différent sinon même totalement opposé à celui
du système commercial traditionnel. En résumé, il lui faudra dono :
mieux valoriser aux yeux de l'agriculteur, les
productions de celui-ci
restreindre au mieux l'incertitude de l'agricul
teur en lui procurant une certaine certitude sur
les débouchés et les prix annuels, lui assurant
de cette façon un revenu suffisamment stable dans
l'avenir pour qu'il puisse libérer son esprit de
cette préoccupation des lendemains toujours in
certains.
Nous avons déjà vu dans la première partie que cela était
possible et que quelques entreprises le pratiquent dès maintenant. Il exis
te donc pour l'entreprise des moyens d'agir très différemment du système
commercial et, par conséquent, de faire le pont entre l'agriculture et le
reste de l'économie. Seulement pour juger si cette influence existe ou
non réellement il va falloir aller voir auprès des intéressés eux-mêmes
pour enregistrer et analyser leurs réactions à ce propos, c 1 est ce que
nous nous efforcerons de faire plus loin dans le prochain chapitre o
•• 0
(1) Rappelons à ce propos la comparaison que nous faisions plus haut entreAmbaot-Boéni , zone à plus fort revenu agricole et Ambalavola, Vavatenina, zones où les revenus agricoles sont moins importants et où lesystème commercial est bien plus défiaient.
li
61
Cependant il ne faut pas se faire d'illusions sur la portée
de l'action de l'usine: elle reste limitée à l'achat de produits agri
coles. Or l'exemple d'Ambato-Boéni nous montre bien qu'il faut également
susciter des besoins de biens et services fournis par le secteur moderne
pour éviter que l'argent n'aille se perdre dans des circuits longs et
stériles mais permettre au contraire qu'il revienne dans sa presque tota
lité dans le circuit économique. Si on peut se permettre une image, l'usine
ne pourra jouer que le rôle d'une pompe "foulante" t il faudra ailleurs une
pompe "aspirante" pour permettre au secteur agricole d'être complètement
intégré à l'économie monétaire. En fin de compte, ce chapitre nous a permis
d'observer comment circulaient les flux monétaires à l'intérieur de nos
trois zones et, dans ce cadre général, a pu nous resituer, quel pouvait
y être le rôle d'une entreprise industrielle. Mais, parallèlement, la seule
interprétation des données chiffrées nous est apparue continuellement in
suffisante et peu sûre en elle-même, donnant lieu à des explications dif
férentes. Aussi dans le chapitre suivant, allons-nous essayer de compléter
cette première approche du problème en analysant les réactions des agri
culteurs eux-mêmes pour Ambalavola et Ambato-Boéni où se situait une
usine.
•••
•
62
CHAP ITRE II
ANALYSE SOCIOLOGIQUE
Nous nous appuierons pour cela sur les enregistrements au
magnétophon8 d8 conversations individuelles ou de réunions de groupe avec
les agriculteurs des zones d' Ambalavola et d' Ambato-Boéni. Pour ne pas
alourdir le cours du texte nous avons laissé en annexe la plupart des
extraits de ces enregistrements qui nous ont paru les plus intéressants
et 18s plus caractéristiques et en nous efforçant de les classer selon
les trois critères suivants:
l = But du travail et utilisation de l'argent
II = Raisonnements économiques portés par les agricul
teurs sur leur situation
III = Réactions par rapport à l'usineo
A l'intérieur de ces rubriques, chaque citation est numé
rotée en chiffres arabes (par exemple 11-18) qui correspond au classement
de l'ensemble des citations fait en annexe o
Ceci dit, les trois critères choisis montrent bien ce à
quoi nous voulons en veniro D'abord essayer d'appréhender d'après les ré
ponses des intéressés comment ils jugent leur activité économique agrico
le, comment ils s'y comportent, quelles sont leurs réactions par rapport
à l'environnement économique o Cette première analyse nous permettra sans
doute de mieux comprendre leurs attitudes vis-à-vis de chacune des deux
entreprises 0
Nous examinerons donc successivement au cours de ce cha
pitre chacun des trois critères en regroupant à l'intérieur de ceux-ci les
principaux thèmes qui se dégagent sans pouvoir en donner une fréquence
chiffrée 0
63
a) But du travail et utilisation de l'argent
Ce premier critère va pouvoir nous donner une idée des mo
tivations qui poussent les agriculteurs à pratiquer une activité économi
ques en s'intégrant plus ou moins au secteur monétaire. Les principaux
thèmes qui se sont révélés peuvent être regroupés, plus ou moins artifi
ciellement, en trois rubriques: psychologique - traditionnel - économique.
assez diverse.
1) Aspect psychologique il peut se présenter de façon
•
1
1
1
l,
f
i) Etre l'égal de ses semblables: on en retrouve
assez fréquewùent la formulation aussi bien à Ambalavola qu'à Ambato-Boéni
en particulier dans les textes suivants :
Ambalavola
1-1 : "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses com
patriotes. o. pour servir son "tanindrazana" ••• pour que les enfants puis
sent profiter de l.'instruction".
1-4 : "Le but du travail est pour moi, le suivant :
entretenir et nourrir la famille,
s'acquitter du devoir fiscal,
être l'égal de ses semblables".
1-6 : "Le vrai motif de ces grandes dépenses (cérémonies,
fêtes o •• ) C'l:lst de ne pas me déshonorer vis-à-vis de mes compatriotes".
Ambato-Boéni
1-2 : "Si on fournit des efforts parfois surhumains dans
la vie pour le travail, c'est qu'on veut être l'égal de ses semblables" •
• 0 ..
•
64
1-) : "J8 dois travailler beaucoup pour que je ne sois pas
l'inférieur de mes semblables, car si on est pauvre, personne ne vous res
pecte plus".
1-12 : "Moi, je dois travailler pour que mes enfants ne
ne restent pas paysans comme moi. Car être paysan n'est pas mauvais mais
il faut suer énormément pour pouvoir vivre aisément. Je dois travailler
aussi avec acharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes
trop pauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pour
tant - on doit travailler pour l'argent du Fanjakana" ..
Il est intéressant de noter d'ailleurs que ce désir dl~tre
semblable aux autres (et parfois de les dominer) passe obligatoirement par
l'intermédiaire de l'argent que ce soit explicite ou non. Souvent il est
affirmé qu'on doit beaucoup travailler pour être l'égal des autres or
il Gst bien évident que ce n'est pas le travail proprement dit qui per
mettra cela mais le produit qui en est retiré. Deux textes (Ambato-Boéni =1-) et 1-12) vont plus loin puisqu'ils disent très nettement que si on est
pauvre (c'ust-à-dire sans argent), personne ne vous respecte plus .. Uhe
dernière réflexion (Ambalavola = 1-6) précise encore cela, en affirmant
que le vrai motif des grandes dépenses (fêtes ••• ) est de ne pas se dés
honorer vis-à-vis des autres. Ces quelques faits montrent à quel point
l'argent (même s'il n'est pas obligatoirement utilisé de manière économi
que) est entré dans les moeurs puisque an critère de réussite sociale
semble être le fait d'en posséder beaucoup et que le désir est apparemment
grand chez ceux qui en possèdent moins de parvenir à ce résultat. Par
conséquent dans ces deux zones il appara!t qu'une motivation économique
importante est le fait de pouvoir gagner beaucoup d'argent pour ne pas
être inférieur à ses semblables.
....
d'Ambato-Boéni
ii) Imitation-Habitude
65
deux petits textes
..
1-4 : "Non, il n'y a pas de pression mais seulement l'envie
des gens qui ont eu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les
imiter".
1-10 : "Oui d'ailleurs, on nEJ peut laisser tomber ça (l'an
cienne culture d'arachide), car cette culture devient une habitude presque
indélébile" •
nous montrent que ce facteur peut avoir une certaine importance. Nous
veTrons en effet plus bas à propos de l'usine que le comportement de beau
coup d'ag~iculteurs est d'attendre, de voir ce que font les autres avant
de faire quelque chose soi-même. Par aill~urs il faut noter la force de
l'habitude qui ~st un handicap sérieux à une modification quelconque de
tout système de produotion •
iii) RefUs de l'esprit d'entreprise individuelle
dans la oommunauté rurale. Ceoi est surtout le fait d'Ambalavola :
1-11 : " Je ne veux pas que quelqu'un COlIlr1e moi ait un
stock (de riz) suffisant et que de oe stock il m'en vende une partie, alors
que, de mon côté, ~ant travaillé comme lui, je suis dans l'obligation
d'acheter chez lui".
1-15 : " Les autres en vous voyant engraisser un porc
lancent avec ironie les paroles suivantes : "Ohl le prétentieux, paraî1;-il
qu'il a envie d'engraisser un poro, quelle ambition, nous ne voulons pas
vendre nos provendes à oet ambitieux".
il Y existe une sorte d'instinct d'égalitarisme qui entraîne, lorsque
quelqu'un essaie d'émerger économiquement d'une façon ou de l'autre, tous
les autres à ess~er de l'en empêcher. C'est un peu l'aspect négatif et
•••
•
66
le revers de la médaille du point i) : on accepte que ceux qui sont plus
bas s'élèvent à votre niveau mais on fera tout pour empêcher qu'on vous
dépasse. Dans le premier cas il y a un élément de dynamisme certain, dans
l'autre une tendance fâcheuse à la stagnation. Ceci prouve d'ailleurs que
si l'argent fait parti de l'univers da nos agriculteurs, d'autres éléments
sociaux interviennent pour l'empêcher de jouer tout son rôle.
iiii) Crainte du risque et incertitudes quant aux
revenus monétaires: on en trouve d'assez nombreux tex1es mais uniquement
dans la zone d'Ambalavola, en particulier les suivants:
1-12 : " L'achat de boeuf est indispensable pour un ou deux
boeufs mais pas plus et l'achat des objets modernes est lui aussi profita
ble, mais ce qui nous manque le plus c'est l'esprit de risque: risquons
un peu et vous verrez que vous sortirE:z vainqueur" •
1-16 : " Fais attention car c'est le tanindrazana qui en
supportera toutes les conséquences (des risques pécuniers encourus par
l'achat de biens de production)".
1-17 : " On s'écarte un peu de la méthode traditionnelle,
ce geste ne vous apporte rien, on suit la méthode traditionnelle, ce geste
non plus ne peut vous apporter quelque chose de profitable ••• Mais que
faire, on n'a rien comme capital".
1-19 : "Le peu (d'argent) que nous avons à notre disposi
tion, nous ne voulons pas le mettre à l'épreuve sinon c'est la misère
totale pour nous".
On Y sent les agriculteurs réticents devant toute innovation non parce que
c'est une nouveauté mais parce que cela entralne des risques. Cette atti-·
tude signifi8 implicitement que les risques courus paraissent trop impor
tants aux producteurs par rapport aux bénéfices attendus. Or ces risques
•• CI
•
67
proviennent, à notre avis, non seulement de données purement techniques
mais également économiques car les débouchés et les prix de cette zone
sont suj~ts à de fortes fluctuations. Il est d'ailleurs caractéristique
qu'on n'ait relevé aucune réflexion de ce genre dans la zone d'Ambato
Boéni où ces problèmes de débouchés et prix se posent de façon beaucoup
moins sensible. Ceci confirme ce que nous disions dans le chapitre pré
cédent où l'analyse comparée des budgets d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni
nous inclinait à penser que les agriculteurs de la première zone cherchaient
des sources monétaires autres que la vente de leur produit agricole à cause
de l'incertitude qui régnait continuellement sur ce genre de revenus.
En définitive, l'aspect psychologique des motivations éco
nomiques possède donc aussi bien des éléments positifs (-i- en particulier)
et négatifs, qu'ils viennent surtout d'une pression sociale interne au
village (-iii) contre laquelle il sera plus difficile de lutter - ou bien
de raisons très vraisemblablement externes au village (-iiii-) et qu'il
sera alors plus facile de résoudre sans doute.
Voyons maintenant ce qu'il en est de l'aspect traditionnel.
2) Aspect traditionnel: qualifié ainsi dans la mesure ~Ù
les réactions qui y sont groupées sont d'un type plus commun, plus habi
tuel. On peut y distinguer trois rubriques principales.
i) Thésaurisation :
Ambalavola :
1-5 : " Les paysans, s'ils ont de l'argent, n'ont que le
choix entre deux possibilités: ou bien acheter des terrains ou bien des
boeufs. Cette dernière attitude est due à ce que nous ne voulons pas dépen
ser inutilement notre ar.gent, mieux vaut donc l'affecter à des achats de
•••
68
boeufs 0 Pour moi, les boeufs ont i\;rois significations:
moyen de garder l'argent,
travailler les rizières et donner du fumier,
être abattu pour un morto
Ambato-Boéni :
1-15 : " Si j'ai 500000 fmg, je les divise en trois parties o
Avec un tiers, j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé
avec le second tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture
le dernier tiers restant je le garde dans un coffre et, lorsque le moment
de la culture arrive, je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent".
Cela indique le désir de garder de l'argent soit sous forme liquide (1-15)
mais le plus souvent sous forme de boeufs, qui, ainsi qu'il est dit fré
quemment, est comme une "malle", c'est-à-dire garde la valeur réelle de
la monnaie. Il semble d'ailleurs que le boeuf réponde souvent à un double
besoin: économique d'abord car c'est un moyen de production (travail et
fumier) et de se procurer rapidement de l'argent liquide si le besoin s'en
fait sentir - traditionnel ensuite dans la mesure où le boeuf est intégré
dans un système psycho-social bien défini dont il est un instrument pri
vilégié. Ce comportement de thésaurisation est dans la suite logique du
paragraphe précédent car il représente un moyen important de se prémunir
contre les risques dont nous parlions plus hauto D'autre part, la forme
la plus fréquente que prend cette thésaurisation (achat de boeuf) semble
indiquer le peu de confiance qu'ont les agriculteurs dans la monnaie qu'ils
préfèrent changer le plus rapidement possible contre quelque chose qui,
à leurs yeux, ne perd pas sa valeur (voir également les textes d'Ambala
vola significatifs à cet égard :
•••
69
11-1 : "On nous pousse à améliorer la production quand on
a une épargneo Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait
que diminuer sans cesse! 000 Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse res
pecter le cours officiel et, dans ce cas, nous sommes prêts à le suivre.
Voilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour que l'argent que j'y
engage y reste intact et invariable à travers le tempsllo (A propos du
refus, du à la jalousie réciproque, de vendre entre paysan) II croient
ils que l'argent n'est pas le même ici et à Ambohimahasoa ?11
11-8 : ''Pour nous, les boeufs ne sont pas une richesse
qu'on veut avoir en nombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument
qui garde intact la valeur de l'argent comme une malle, comme le riz dans
le grenierll •
En un sens leur attitude est assez logique car il n'y a aucune intérêt
à garder l'argent inutilisé, sans emploi mais c'est aussi vraisemblable
ment l'indice que les agriculteurs n'ont pas compris toute l'utilité du
signe monétaire et qu'il peut parfois ne représenter que le simple inter
médiaire d'un échange de troc o Il est bien possible d'autre part que cette
tendance à la thésaurisation s'atténue si les risques qu'elle cherche à
couvrir en partie baissent considérablement.
ii) Consommation
Ambalavola :
1-9 : "On a, depuis longtemps, souffert, alors si on a de
l'argent en excédent, c'est normal si on fait une fête différente des
autresll •
000
70
Ambato-Boéni
1-8 : "Cette culture (l'arachide) m'a permis de bâtir une
maison, d'acheter des boeufs".
Cette attitude est à l'opposé de la précédente. Le premier texte est si
gnificatif puisqu'il indique clairement que l'excédent d'argent est épuisé
par une fête assez importante ou par l'achat de biens durables. Elle in
dique que pour toute une partie des agriculteurs les besoins monétaires
semblent limités à un certain niveau. Si ce dernier est dépassé, on s'ef
force de résorber l'excédent en le dépensant d'un seul coup dans une fête
par des consommations importantes qui, si elles ne rapporteront rien éco
nomiquement, seront une nouvelle source de prestige très importante pour
l'intéressé. Ce que nous disions précédemment à propos de la thésaurisa
tion se retrouve ici: si l'agriculteur a toujours compris que l'argent
pouvait être un moyen d'échange privilégié, il n'a pas toujours vu qu'il
pouvait être employé à l'amélioration de ses mqyens de production (on
verra plus loin que ce n'est pas absolument général) et, de ce fait. à
l'accroissement de ses possibilités de consommation. Cette observation
est d'ailleurs confirmée par l'analyse des budgets faite auparavant qui
nous a montré l'importance de la consommation courante dans les dépenses
monétaires des agriculteurs.
iii) Famille - "Tanindrazana" : on en trouve les
échos tant à Ambalavola qu'à Ambato-Boéni, en particulier dans les textes
suivants :
Ambalavola
1-1 : "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses
compatriotes ••• pour servir son "tanindrazana"... pour que les enfants
puissent profiter de l'instruction".
000
71
1-4 "Le but du travail est pour moi, le suivant:
entretenir et nourrir la famille,
s'acquitter du devoir fiscal,
être l'égal de ses semblables".
Ambato-Boéni
1-9 : "Tout cela (le travail) afin que nous puissions ac
complir et servir loyalement le "tanindrazana", nous avons planté pour
les enfants, pour les parents misérables".
1-15: "Si j'ai .50 .OOOfmg, je les divise en trois parties a
Avec un tiers, j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé
avec le second tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture
le dernier tiers restant je le garde dans un coffre et, lorsque le moment
de la culture arrive; je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent".
1-16: "Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des
produits de la terre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre
pour qu'il me rapporte le double l'an prochain. Quant à la seconde partie,
elle sert à l'achat de nourriture et d'habillement pour la famille".
1-17: "Moi, si j'ai cet argent, j'achète des terres, une
charrue pour que mon travail à l'avenir soit plus efficace, et que cet
argent me revienne à cause de cela. Après je ferais profiter mes enfants
des études".
Cette motivation apparaît donc assez générale; elle s'exprime surtout pour
trois catégories de dépenses: la nourriture, l'habillement et l'instruc
tion des enfants. Elles représentent en effet dans notre struoture des
budgets les principaux postes de dépenses. Les trois premiers textes
(Ambalavola = 1-1 et 1-4, Ambato-Boéni = 1-9) parlent seulement du travail
•• 0
72
ce qui pourrait faire songer surtout à l'autoconsommation. En fait quand on
pose directement la question de l'utilisation de l'argent (trois derniers
textes d'Ambato-Boéni) on observe qu'il y en a toujours une partie qui est
destinée à l'achat de nourriture et d'habits. Ces réactions montrent donc
que, par toute une partie de leur vie qui les touche de près, les agricul
teurs sont bien intégrés au système monétaire puisqu'ils ne pensent pou
voir résoudre un certain nombre de leurs besoins que par l'achat à l'ex
térieur. On remarquera par ailleurs les sacrifices relativement importants
consentis par les parents pour l'instruction de leurs enfants, particuliè
rement en Ambalavola.
Ainsi donc, à l'instar des motivations psychologiques,
l'ensemble des motivations d'ordre plus traditionnel et habituel a des
résultats contradictoires quant à la manière dont l'argent est utilisé
qu'il soit détourné dans des circuits plus ou moins stériles (point -i-
et -ii-) ou qu'il revienne au contraire normalement dans le circuit habi
tuel (point -iii-). Ces motivations semblent d'ailleurs montrer que si
l'horizon économique de l'agriculteur est limité (grandes dépenses de con
sommation s'il y a excès d'argent), il n'en existe pas moins réellement
et l' agr i culteur apparaît sensible à la valeur de la monnaie et aUX pos
sibilités qu'elle peut lui apporter. D'ailleurs, le troisième type de
comportement que les textes nous indiquent et que nous qualifierons d' "éco
nomique" va nous permettre de préciser cela.
3) Aspect économique : on peut distinguer deux groupes de
textes, les uns indiquent une volonté particulière d'investissements, les
autres indiquant, plus généralement, un désir de progrès ainsi que celui
de l'argent en tant que tel.
i) Investissements : de façon assez caractéris
tique, on ne trouve pas de textes de cet ordre dans la zone d'Ambalavola
mais seulem~nt en Ambato-Boéni, à savoir :
....
73
1-13 : ''Pour moi (le but du travail) c'est d'acheter ce qui
manque dans mon ménage tels que la terre - la charrue - la nourriture 00 0"
Q : "Mettons qu'il vous arrive d'avoir 500000 fmg, à quoi
utilisez-vous cet argent? ""
1-16 : "Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des
produits de la terre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre
pour qu'il me rapporte le double l'an prochaino Quant à la seconde partie,
elle sert à l'achat de nourriture et d'habillement pour la famille""
1-17 : "r~oi, si j'ai cet argent 1 j'achète des terres, une
charrue pour que mon travail à l'avenir soit plus efficace et que cet ar
gent me revienne à cause de cela o Après je ferais profiter mes enfants
des études""
On constate parmi les dépenses envisagées des dépenses en biens de produo-1
tion, essentiellement terres et charrue" Dans les deux derniers textes,
le but de ces achats est fort bien explicité et la notion d'investissement
assimilée puisque dans l'esprit de l'un cela permettra de doubler son re
venu et dans celui de l'autre, cela rendra son travail plus efficace et
lui fera revenir l'argento Il faut reconnaître que cette différunce sen
sible entre Ambalavola et Ambato-Boéni ne se retrouve pas au niveau de
l'analyse des budgets où nous avons pu constater que les dépenses en ce
domaine représentaient approximativement le même pourcentage, d'ailleurs
très faible en réalitéo Ceci s'expli~e par ce que ces investissements ne
se renouvellent pas chaque année dans une zone déterminée et que le genre
d'investissements auquel il est fait allusion est rendu plus facile à
Ambato-Boéni qu'à Ambalavola du fait de structures foncières et sociolo
giques plus favorables et d'un revenu monétaire moyen tout de m~me plus
élevé"
14
ii) Désir de progrès et d'argent: cette fois-ci
on retrouve la motivation dans les deux zones, principalement dans les
textes suivants :
Ambalavola
1-2 : "Si on travaille, le but est dt-: faire hausser le ni
veau de vie o En dehors de cela pour moi, il n'y a rien o On ne se contente
jamais de son sort, on veut toujours évoluer"o
1-3 : "Ce qui nous occupe le plus, nous paysans, étant don
né que la vie d~vient de plus en plus dure, c'est l'argentoo o On s'oocupe
du travail où les rentrées d'argent sont les plus sûres, voilà pourquoi
nous nous concentrons davantage à la culture du riz, (pour) les autres
produits oo • leur prix est tout à fait sous-évalué (en particulier ceux
utilisée par l'usine)" 0
Ambato-Doéni
1-4 : "Non, il n'y a pas de pression mais seulement l'envie
des gens qui ont eu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les
imiter ".
tiver ? "
1-1 Q "Quelle est la raison de cette décision de cul-
R : "C'est simple, l'argent. J'ai travaillé seulement
à l'usine tout d'abord, cela ne peut me suffire, alors j'ai décidé de pren
dre la bêche pour cultiver tout en restant salarié de l'usine".
1-11 : "Je puis vous dire que l'usine peut apporter du pro
fit aux paysans car elle distribue de l'argent. Voilà le profit" •
•••
•
75
1-12 : ll~ioi, je dois travailler pour que mes enfants ne
restent pas paysans comme moi. Car âtre paysan n'est pas mauvais mais il
faut suer énormément pour pouvoir vivre aisément. ~e dois travailler aussi
avec aoharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes trop
pauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pourtant
on doit travailler pour l'argent du Fanjakana".
1-18 : "Cette culture de tomate ovale est une culture ré-
cente, l'année dernière, nous n'avons fait qu'observer et cette année-ci
nous l'avons fait pour constater si vraiment elle peut nous apporter quel
que chose. Maintenant cette constatation est satisfaisante, nous sommes
prêts à en cultiver et l'année prochaine et les années à venir. Et si vous
voulez savoir la profonde raison qui m'a poussé à la faire, c'est simple
l'argent. Pour nous paysans, tout ce qui peut procurer de l'argent nous
intéresse vivement" ..
Le premier texte indique d'abord ce désir assez vague d'améliorer son niveau d~ vie parce que, est-il dit, "on ne se contente jamais de son sort,
on veut toujouts évoluer". Ce cas particulier montre une volonté très nette
et intériorisée, non imposée de l'extérieur, qu'on veut sortir de la si
tuation actuelle: c'est là un élément de qynamisme qu'il ne faut pas per
dre de vue. Ceci étant, il est frappant de constater que dans l'une et
dm1s l'autre zone on observe une convergence très nette de réponses quant
au moyen à utiliser, c'est l'argent. Ce désir peut provenir d'un constat
selon lequel la vie est de plus en plus dure et qu'il faut travailler de
plus en plus pour avoir encore de l'argent (Ambalavola = 1-3 ; Ambato
Boéni = 1-12)0 Ces textes confirment d'ailleurs ce que nous disions dans
le chapitre précédent à propos de l'insuffisance de revenu monétaire que
tirait les agriculteurs de leur travail sur la terre 0 Les textes 1-11 et
1-18 d'Ambato-Boéni affirment en définitive très nettement que ce qui
intéresse les paysans c'est le profit, c'est 1 'argent 0 Ces remarques et
000
76
réflexions semblent donc prouver qu'il existe toute une couche de la popu
lation rurale qui ressent plus ou moins fortement un désir du signe moné
taire. Non pas, samble-t-il, en tant qu0 tel mais parce qu'on sait que ce
signe monétaire ost un moyen essentiel pour se procurer un certain nombre
de biens et de services. Il faut remarquer en effet que, parmi les textes
que nous avons cités jusqu'à présent, il y en a un très grand nombre qui
en indique une utilisation assez large depuis l'achat de boeufs ou la thé
saurisation jusqu'aux investissements sous forme de charrue ou de terre
par exemple, en passant par les dépenses de la vie courante pour la fa
mille. On peut en déduire que dans l'esprit de leurs auteurs, m~me si cela
n'est pas exprimé très clairement, l'argent est un médiateur universel,
c'est-à-dire que, quel que soit le moyen dont il a été gagné, on peut
l'utiliser à des usages très différents sans liens entre eux autre que le
désir de tels biens ou tels services déterminés.
En fin de compte, ce dernier aspect des motivations qui
poussent au travail et à l'utilisation de l'argent apparaît assez positif
dans la mesure où il signifie deux choses: la possibilité comprise de
faire servir l'argent à des usages multiples et en particulier à l'inves
tissement, c'est-à-dire à une dépense qui n'apporte pas une jouissance
immédiate - enfin le désir de gagner et d'utiliser plus d'argent.
4) Conolusion
Ces réaotions que nous avons enregistrées à propos des buts
du travail et de l'utilisation du signe monétaire par des agrioulteurs in
diquent une très grande hétérogénéité de leur oomportement soit d'une per
sonnalité à une autre, soit même dans un même personnage. Il y joue à la
fois des inoitations psychologiques provenant de la pression sooiale ou de
pressions économiques externes - un horizon économique plus ou moins fermé
mais qui n'empêche pas l'agriculteur de s'intégrer au circuit monétaire -
0.0
77
et des comportements économiques assez rationnels. Quoiqu'il en soit ce
pendant, on peut noter un besoin marqué qui a profondément pénétré l'es
prit des gens, du signe monétaire destiné à différents usages, pas tous
forcément valables sur le plan économique strict, mais qui de toutes les
façons, tendent à faire circuler le signe monétaire soit à l'intérieur
de l'agriculture soit en retour vers d'autres secteurs. D'autre part cette
motivation jointe à d'autres(désir d'améliorer son niveau de vie, d'être
l'égal de ses semblables, etc.o o) sont certainement des facteurs de ~a
misme pour un développement économique ultérieur à condition que celui..(lÏ
entraîne une hausse constatable du niveau de vie par exempleo A notre avis,
cet ensemble de textes montre qu'il existe des éléments positifs dans la
psychologie et le comportement des agriculteurs (au moins dans Ambalavola
et hnbato-Boéni) pour l'amélioration de la situation économique de l'agri
culture. Mais il semble que ce dYnamisme ne se manifestera que si on fait
disparaître un certain nombre de blocages qui ne sont pas forcément du
fait du secteur agricoleo Ce que nous disons là ne signifie pas pour au
tant qu'il n'existe pas des freins en celui-ci, l'hétérogénéité des atti
tudes que nous rappelions plus haut le prouve assez, mais il n'en reste
pas moins qu'il y a des éléments d'attente qui ne demandent qu'à être
satisfaits et on peut se demander alors si l'usine de produits agricoles
ne peut pas jouer un rôle dynamique à ce niveau en répondant à cette at
tente.
Mais cette idée que nous nous faisons sur l'attitude du
monde rural va peut-être se trouver renforcée par l'examen du second cri
tère : les "Raisonnem8nts économiques".
"..
..
78
b) Raisonnements économiques
Nous avons regroupé sous ce terne un certain nombre de
réflexions qui, pensons-nous, tendent à prouver que des agriculteurs, sinon
la totalité d'entre eux, ont compris et assimilé un oertain nombre de points
de rationalité économique d'abord en ce qui conoerne la signifioation de
l'argent - d'autre part pour ce qui a trait aux mécanismes du marché
enfin les calculs économiques.
1) Argent comme médiateur universel : nous avons déjà ob
servé au paragraphe préoédent (-3ii-) que, dans l'esprit des agrioulteurs,
l'argent pouvait avoir de multiples emplois très différents., Cette idée
est ici accentuée par deux petits textes, l'un à Ambalavola r
(A propos du refus, du à la jalousie réoiproque, de vendre
entre paysan) : "croient-ils que l'argent n'est pas le même ioi et à
Ambohimahasoa ?"
l'autre à Ambato-Boéni
11-14 : "Ici ou là-bas, on peut avoir de l'argent étant
donné que l'argent est partout".
Dans le premier, il est formulé que l'argent est partout le même à un en
droit ou à un autre et donc implicitement, qu'il y joue partout le même
rôle de moyen d'éohanges. Dans le seoond, il y est dit que l'argent est
partout, qu'on pclut l'obtenir n'importe .ù : cela montre bien que l'au
teur de cette phrase a parfaitement conscience que le signe monétaire est
répandu de façon universelle et que, de ce fait, il permet des échanges
en tous les endroits.
• ••
•
79
2) Mécanismes du marché: les réflexions qui s'y rapportent
portent surtout sur les prix et tout ce qui y a trait sur la relation
offre-demande et sur la notion de profit.
i) Les prix: on a deux séries de textes, essen
tiellement pour Ambalavola :
11-1 : nEn ce qui concerne les prix des produits, on dirait
que le Fanjakana est inexistant car il fait promulguer des cours offioiels
sans après les surveiller ni les contrôler" ..
11-2 : "0 ... On (les collecteurs ...... ) va acheter le kg de
leur riz traité à 16 frs (au lieu de 25) 6t le padqy à 8 frs (au lieu de
16). Les paysans en apprenant ce prix n'ont pas voulu vendre mais que
faire devant les menances de ces fonctionnaires (venant cheroher l'impôt
derrière les colleoteurs) et devant votre devoir fisoal non réglé vis-à
vis du Fanjakana".
11-7 : "On nous pousse à améliorer la production quand on
a une épargne. Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait
que diminuer sans cesse 1 o ... Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse
respecter le cours officiel et, dans ce cas, nous sommes prêts à le sui-
vreD
Ambato-Boéni
11-3 : "Oui il Y a beaucoup qui en ont fait car ils ont su
que cette culture leur apporte un avantage, d'ailleurs la vie est de plus
en plus dure si bien qu'on est obligé d~ faire quelque chose d'autant plus
que la cultur6 du riz n'est plus rentable".
000
•
80
11-5: liCe qui nous gêne un peu, nous autres paysans, c'est
que l'arachide n'a qu'un seul débouché, cela freine l'augmentation des
prix" 0
Ils indiquent que l'agriculteur est très sensible au fait que les prix,
fixés de façon officielle, ne soient pas respectés même sous les yeux de
l'Administration (Ambalavola = 11-1 et 11-2). Celui-là se rend très bien
compte que, si on ne surveille pas les marchés, les prix ne suivront pas
le cours officiel. Un autre point délicat surtout pour la zone d'Ambala
vola, sePlble-t-il,est la dégradation continuelle des prix, ce qui se tra
duit par des réflexions du genre ilIa vie est de plus en plus dure" que
nous avons déjà rencontrées à propos du premier critère et qui prouvent
que l'agriculteur a parfaitement conscience de la dégradation de son ni
veau de vie par rapport aux nouveaux besoins qu'il se crée et au prix des
denrées qu'il achète o
Une conséquence logique de cette constatation qu'ils font
sera d'ess~er de se prémunir contre cette dégradation de la valeur de
l'argent, d'où les réflexions suivantes:
Ambalavola :
11-1 : "On nous pousse à améliorer la production quand on
a une épargneo Cependant le prix du kg de cette denrée (le riz) ne fait
~ue diminuer sans cesse! .00 Que le Fanjakana contrale le prix, fasse
respecter le cours officiel, et, dans ce cas, nous sommes prêts à le sui
vre. Voilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour qu~ l'argent que
j' y engage y reste intact et invariable à travers le temps" 0
eo.
•
81
11-8 : ''Pour nous, les boeufs ne sont pas une richesse qu'on
veut avoir en nombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument qui
garde intact la valeur de l'argent comme une malle, comme le riz dans le
greniel''' •
où il est nettement dit qu'on achète des boeufs surtout pour se prémunir
contre ce phénomèneo Cela ne veut pas dire que ce soit le seul motif de
ce genr0 d'achat mais la raison qui y est apportée est tout de même signi
ficative d'une certaine réalité.
On observe à nouveau qu'on retrouve beaucoup plus fréquem
ment ces questions à Ambalavola qu'à Ambato-Boénio Ce fait concorde bien
avec ce que nous avons déjà dit de ces zones où visiblement le système
commercial de la première est bien plus défectueux que celui de la secon
de (par rapport aux agriculteurs évidemment).
ii) Relation offre-demande
Ambalavola :
11-4 : ". 0 0 Si nous convenons de ne pas apporter du riz
deux Samedis de suite, crois-moi, c'est le district tout entier qui en
supportera les conséquences, il y aura supplication des citadins aux pay
sans pour que ces derniers apportent leur production et il s'ensuit que
le prix du kg de riz aUgnl8nte un PE;U" 0
111-1 : "Il n'y a pas do rapports directs entre l'usine et
les paysans. Si elle avait des concurrents, peut-être ferait-elle atten
tion".
0.&
..
82
111-9 : L'usine est comparée à "un fils unique dans la
famille qui fait à son gré co qu'il veut" c'est-à-dire qu'elle pratique
de bas prix parce qu'elle a le monopole.
Ambato-Boéni :
11-5 : "Ce qui nous gêne un peu p nous autres paysans, c'est
que l'arachide n'a qu'un seul débouché p cela freine l'augmentation des
prix" •
Il apparaît dans ces textes que l'agriculteur a compris
comment se formaient les prix à partir de la relation entre l'offre et la
demande. Voir en particulier l'auteur d'Ambalavola (11-4) qui incite à ne pas
aller sur lQ marché un certain temps pour faire monter les prix par la
rareté du produit et ensuite p»ofiter de cette hausse provoquée volontai
rement. nais plus profondément l'agriculteur peut se sentir assez dépen
dant des acheteurs ou plutôt de l'acheteur éventuel de ses produits. Il
se rend compte (voir les deux autres textes) que lorsqu'il n'existe qu'un
seul acheteur (qui détient donc un monopole) celui-oi pratique les prix
qu'il veut au détriment de la multitude de vendeurs qui n'arrivent pas à
s'entendre entre eux pour se défendre.
1erons un texte
Ambalavola
iii) Notion du profit pour terminer nous signa-
11-3: "Quand pourrait-on savoir qu'on a bien travaillé?
Cela se sait au moment où on a fait une bonne économie, au moment où on
a une épargne suffisante".
000
83
où il es't dit que le fait d'avoir de l'argent (une "bonne économie" - une
"épargne suffisante") est le signe qu'on a bien travaillé et donc de la
réussite o Cette réflexion est bien l'indice d'une certaine rationalité
économique d'un monde OÙ l'argent a fini par prendre une valeur univer
selle, non seulement au simplG niveau des échanges, mais également comme
signe de prestige social accruo
Cet ensemble de textes, plus ou moins homogènes, sur cer
tains mécanismes du marché, nous a montré au moins que les agriculteurs
y étaient sensibilisés, non seulement cela, mais qu'ils avaient acquis une
certain8 clairvoyance sur leur situation personnelle par rapport à ce mar
ché o r1alheureusem~nt, il est apparu également à travers ces réflexions que
cette clairvoyance s'arrêtait là, qu'elle n'arrivait pas à se concrétiser
dans les faits. Les agriculteurs tout en sachant (ou en croyant) que leur
situation se dégrade semblent incapables de la redresser, do défendre leurs
intérêts contre ceux des autres o C'est là où l'on se rend compte qu'il y
a encore loin de l'idée à la réalisation. Mais c'est déjà un point posi
tif que l·idée soit acquise, car si on aplanit certaines difficultés qui
arrêtent de prime abord l'agriculteur, on a quelques chances de le voir
ess~er et réaliser oe dont il a pris conscience.
3) Calculs économiques: il y a d'assez nombreux textes
qui peuvent être regroupés sous cette rubrique en particulier :
Ambalavola
11-5 : "Vous voulez dépenser pour un mort alors que les
vivants s'habillent de haillons, ça c'est triste. Vous avez égalem~nt du
moyen de garder de l'argent dans l'achat de boeufs: pourquoi voulez-vous
que l'argent reste intact, ne préférez-vous pas le reproduire 1"
000
•
II-6 : "Si j'ai de l'argent, j'améliorerai mes cultures ou
bien j'achèterai d'autres rizières. Avec 10.000 frs, vous pouvez avoir un
boeuf qui vous reviendrait encore à 10.000 frs après 8 ou 10 mois. Moi,
avec cette somme, je peux me procurer une petite rizière qui, non seule
ment m'appartient, mais me rapporte égalemEmt une produetion annuelle. Ce
cycle se répète et se renouvelle toujours et au bout de quelques années,
la somme de 10.000 frs devient 100.000 frs.
II-9 : "Les boeufs ne rapportent rien : le boeuf qu'on
aohète à 9.000 fmg demande, si on veut l'engraisser pendant six mois,
5.000 fmg de manioc, 1.500 fmg de feuilles de patates, pourtant si on le
vend, le prix ne pout dépasser 15.000 fmg".
Ambato-Boéni
II-1 : "J'ai fait oomme à l'aoooutumée des tomates rondes
car los tomates ovales sont trop bon marohé et néoessitent des frais énor
mes ••• l'usine les prend à 125 fmg la oaisse alors que les frais de ohar
rette nous reviennont à 75 fmg ot oeux de pirogue à 10 fmg, alors foroe
nous est de nous abstenir "
II-2 : "La terre est mauvaise, inaooessible à l'eau et si
j'avais persisté à en planter c'est sûr que j'aurais eu un grand défioit".
II-4 : "On doit tout faire, oar en oulture, il n'y a rien
de sÛT, si vous ne faites que de la tomate ovale par exemple et que la
saison est mauvaise, où irez-vous ? Alors que si vous faites deux ou trois
oultures, au Cas où l'und d'elles est mauvaise, il y a l'autre qui peut
vous sauver. D'ailleurs j'ai fait de la tomate ovale, oar oette oulture
est toujours satisfaisante qu'il y ait ou non assez de pluie".
ooe
85
11-6 : "La rentrée d'argent par l'arachide est minime:
d'une part il y a les impôts, les tickets et d'autre part les frais de
culture".
11-11 : "Je ne suis pas d'accord avec vous, car pour moi,
même sans boeufs, jE: peux m'en sortir dans la vie. Pour moi, ce qui est
important, c'est la terre et l'avenir des enfants. La terre, parce qu'une
terre qu~ voUs achetez 10.000 fmg, si vous arrivez à la travailler conve
nablement, peut vous rapporter 100.000 fmg, alors qu'un boeuf à 10.000 fmg
c'est tout à fait exceptionnel si vous pouvez le vendre 15.000 fmg. Alors
moi, jo vous dis: la terre est plus importante que les boeufs. Je le dis
également pour l'avenir des ùnfants, car si vous laissez des enfants igno
rants, même si vous avez de nombreux boeufs, ils vont les vendre à leur
gré car ils seront dupés par ceux qui seront mieux: éclairés qu'eux".
11-12 : "Mais cependant nous ne pouvons pas suivre ce con
seil du Fanjakana (de planter de la tomate ovale) car nous habitons loin
de l'usine et si nous produisons de la tomate ovale, nous allons être alour
dis par les frais de transport en voiture et en pirogue".
La première réflexion (Ambalavola = II-S) nous indique
tout de suite l'esprit dans lequel sont faits ces calculs économiques. En
effet il y est affirmé que l'argent ne doit pas rester intact (par l'achat
de boeufs par exemple, ainsi que nous l'avons observé plus haut) mais être
reproduit, o'est-à-dire qu'il doit circuler et qu'on doit l'utiliser de
telle sorte qu'on doit pouvoir en obtenir plus. On a ensuite des données
de deux sortes. Tout d'abord, une comparaison entre deux emplois d'argent
très différents, l'achat de terres ou de boeufs; comparaison qui, assez
significativement, est faite en des termes presque identiques en Ambalavola
(11-6) et Ambato-Boéni (II-11). L'auteur essaie chaque fois d~ prouver
avec un exemple chiffré qu'il est bien plus intéressant d'acheter une terre
DDO
86
qui permette d'augm~nter sa production et donc son revenu monétaire qu'un
boeuf qui, au mieux, laissera le revenu à un niveau constant, concrétisant
ainsi fortement que l'argent doit se reproduire. Tous les autres textes
sont plutôt ce qu'on pourrait appeler des calculs de rentabilité. C'est-à
dire que l'auteur essaye de mettre en balance chiffrée les coûts et les
bénéfices d'une opération agricole déterminée. Pour les animaux, cela
mettra 8n comparaison l'achat de l'animal augmenté des frais d'engraisse
ment aV8C le prix de vente (Ambalavola = 11-9) - pour les cultures, cela
consistera à examiner les débours monétaires nécessaires à leur réalisa
tion et en particulier les ooûts de transport du lieu de production.
Cet ensemble nous fait voir que les agriculteurs peuvent
savoir que l'argent, bien utilisé, peut leur permettre d'en gagner plus.
On observe d'autre part que certains d'entre eux ne font pas inconsidérem
ment n'importe quelles dépenses en biens de production mais qu'ils cher
ohent à calculer quel bénéfice ils pourront retirer de tel ou tel achat
et de comparer les avantages relatifs de plusieurs projets. Bien sûr les
calculs ainsi faits sont très sommaires et il manque bien des éléments
d'appréciation mais, à leur niveau, ils sont justes dans leur principe.
Ils prouvent en tout cas que le paysan est tout à fait oapable (à l'in
verse de ce que l'on croit trop généra.lement) d'effeotuer un calcul éco
nomique, même sommaire, qui lui donne des éléments assez objectifs pour
ses décisions. Les discussions entre agriculteurs que nous avons enregis
trées montrent cependant que ce type de raisonnement n'est pas le fait de
tous mais d'une partie seulement. Cela n'enlève rien, malgré tout, au
côté positif de oes réflexions dnns la mesure on ce genre d'idées fait
peu à peu son chemin surtout si nous mettons cela en relation avec le fait
observé plus haut que, d'une certaine façon, l'argent semblait avoir pro
fondément pénétré les moeurs. Aussi, a plus ou moins longue échéance, le
désir de faire fructifier se généralisera avec tout ce que cela implique •
•••
..
87
L'ensemble de ces réflexions groupées sous le vocable de
"raisonnements économiques" semblent devoir montrer qu'il existe très cer
tainement ce qu'on pourrait appeler une rationalité économique. Celle-ci
fait que le lien monétaire, existant entre le secteur agricole et les
autres secteurs de l'économie, n'est pas purement formel et extérieur ou
superficiel. L'emploi de cet argent traduit chez certains agriculteurs
(qui ne sont sans doute pas un nombre négligeable) une intégration plus
profonde au niveau du comportement, do la psychologie. Ceci est un fac
teur de succès à ne pas négliger pour une éventuelle action économique
dans la mesure où elle pourrait répondre à une attente plus ou moins con
fuse et exprimée du milieu rural Ququelle elle s'adresse. Car, tout de
même, si jusqu'à présent, ces facteurs positifs n'ont pu se manifester
beaucoup et de façon uniy,erselle, c'est que des causes suffisamment for
tes ont pu l'empêcher et il est vraisemblable que ces causes sont à la
fois d'ordre interne (mentalité traditionnelle essentiellement) et d'ordre
externe (problème des débouchés et des prix qui sont parmi les plus im
portants mais pas les seuls). L'étude précédente nous a permis de voir
que les causes internes pouvaient évoluer d'elles-mêmes et cette évolu
tion sera à peu près certainement facilitée si on arrive à résoudre, au
moins partiellement, les causes externes.
L'étude des deux premiers critères nous a donc permis
d'examiner comment l' agricul teur lui-même se situait dans un ordre écono
mique. Il est apparu que son comportement bien qu'issu de motivations
fort diverses et même parfois aux conséquences économiques peu positives
pouvait l'amener à s'insérer normalement dans le seoteur monétaire. Le
second critère nous a montré d'autre part que ce comportement se doublait
d'une prise d~ conscience dos mécanismes économiques, et, implicitement,
des lois qu'ils supposaient ce qui, en définitive, le rendait plus sensible
à d~s incitations d'ordre économique. En définitive, nous avons pu oons
tater que le monde rural était assez pénétré (mais pas complètement, loin
a ct ct
88
de là) par le secteur moderne, à la fois par le simple fait de la circu
lation monétaire et par l'esprit qUG celle-ci suppose (ce qui est beaucoup
plus important pour l~ développement à venir) 0 D'autre part il s'est avéré
qu'au moins une partie dûs agriculteurs n'est pas restée passive devant
cett8 pénétration mais qu'elle a eu tendance à réagir assez sainement (1)0
Réaction qui, malheureusement, n'a pu toujours entrer dans les faits
étant donnée la situation actuelle de l'agriculture bien qu'un désir assez
fort en existe certainement a
Ceci étant posé, on a pu remarquer, tout au long des tex
tes que, sur certains points, il y avait des différonces notables de com
portement entre les agriculteurs d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni o En effet,
assez fréquemment, les premiers sont apparus plus pusillanimes, moins dis
posés à se lancer dans des investissements. En un sens on les sent rétrac
tés vis-à-vis du sectêur monétaire alors que ceux d'Ambato-Boéni parais
sent beaucoup plus ouverts de ce côté, plus calculateurs également. Si
ces réactions différentes proviennent des situations générales respecti
ves d'Ambalavola et d'Ambato-Boéni, on peut à priori se demander si les
usines n'y sont pas également pour quelque chose. On va donc tenter d'ana
lyser les réactions de nos agriculteurs vis-à-vis de ces entreprises d'un
type spécial qui se sont install~dans leur univers, en nous efforçant
de tenir compte de ce que nous a.vons essayé d'analyser sur ce qui peut
constituer le monde économique de l'agriculteur.
c) Réactions par rapport à l'usine
Un premier point frappe tout d'abord c'est le fait que
dans tous les enregistrements faits à Ambalavola et Ambato-Boéni, les
réflexions sur l'usine viennent beaucoup moins facilement et moins fréquem
ment dans la conversation des aericulteurs d'Ambalavola que ceux de d'Am
bato-Boéni. Ceci est déja un indice qu'il existe une différence d'influence
(1) Toujours "économiquement" parlanto
89
dans 18 milieu rural entre ces deux entreprises. Pour préciser cela et
eS(,ayel' d'en déterminer les raisons, nous allons examiner les textes que
nous avons à notre disposition sur ce sujet en les regroupant en quelques
rubriques comme nous avons déjà fait jusqu'à présent, soit: l'usine comme
source d'argent pour les agriculteurs - relations directes entre les agri
culteurs et l'entreprise - assistance technique et matérielle procurée
par l'usine à l'agriculteur qui l'approvisionne.
1) L'usine comme source d'argent: trois éléments d'ordre
différent peuvent alors intervenir; d'abord les revenus mmnétaires à
strictement parler qu'on peut retirer de la présence de l'usine - ensuite,
ce qui caractérise les débouchés qu'elle offre et les prix à l'achat
qu'elle pratique.
i) Usine comme source de revenus monétaires : on
constate sur ce point une profonde différence dans les réflexions des agri~
culteurs d'Ambalavola et ceux d'Ambato-Boéni.
Ambalavola
1II-2 : "Quant à l'usine p il n'y a pas de profit pour la
masse paysanne, le marché, oui, peut apporter un profit aux paysans".
111-6 : "Dans notre contrée, comme source de revenu, on ne
peut citer que la culture du riz, en dehors de cela, on peut dire qu'il
n'y a rien".
III-7 : "Depuis l'installation de cette entreprise, per
sonne dans la région n'aurait pu faire fortune si on travaillait unique
ment pour le compte de l'usine. Heureusement qu'il yale marché" •
•• 0
Ambato-Boéni
111-4 : "L'usine, dansla région, est comme un don de la
Providence. Elle a partagé l'année dernière plus d'un million de francs,
nvec ce million, les gens, les p~sans surtout, ont pu écarter beaucoup
de problèmes et de soucis".
111-13: "Si l'usine s'est implantée là, ce n'est pas seule
ment elle qui peut avoir du profit, mais les paysans aussi auront leur
part" •
111-14: "La présence d'une usine est indispensable car elle
donne à certains gens du salaire et elle procure aux p~~sans des ressour
ces supplémentaires".
111-18 "L'usine est tout à fait importante pour la région
car, non seulement elle reçoit les produits fournis par les p~sans mais
également elle embauche des travailleurs".
Les premiers affirment en effet catégoriquement qu'on ne peut absolument
pas compter sur l'usine pour en obtenir un revenu monétaire et déclarent
préférer de beaucoup le marché 0 Il Y en a même un qui affirme tout simple
ment qu'il n'y a que le riz comme source de revenu c'est-à-dire que tous
les autres produits susceptibles d'être achetés par l'entreprise n'en sont
pas et pourtant co sont des cultivateurs dont les terres ne sont pas très
éloignees de c~lle-ci Les seconds au contraire (sauf une ou deux excep
tions) ont tendance à dire exactement le contraire. Ils apprécient l'usine
parce qu'elle leur distribue de l'argent à ln fois par la vente de leur
production que par les salaires qu'elle distribue au moment de la pleine
saison. Par conséquent, dans un cas, les agriculteurs ont le sentiment que
l'usine leur est très utile parce qu'elle leur distribue des revenus alors
que dans l'autre ils restent très réticents vis-à-vis d'elle car ils n'ont
000
91
pas du tout l'impression d'en retirer un avantage pécuni~r quelconque.
Ceci confirme bien les résultats de la structure des ressources monétai
res dans lb chapitre l où nous constations que, relativ<ment, celles pro
venant d'Ambato-Boéni étaient bien plus importantes que l'équivalent ve
nant d'Ambalnvola bien que cett8 dernière fut d'impl~lt~tion beaucoup plus
ancienne.
Cette premièrE:: série du t8xtes nous perl'let donc de cons
tater, outre la différence notable des réactions, la commune origine de
cellee-ci o A savoir qu'on trouvera un premier intérêt à une unité écono
mique de ce genre que si ellc peut vous distribuer de l'argent et être
une source de revenus monétairds suffisamment importante o
ii) Caractéristiques des débouchés et des prix
pratiqués ,
Ambalavola :
111-10 : "UnE; usinE; doit prendr8 directement les matières
premières dont elle a bbSOin aux paysans producteursoo. L'usine n'a nul
lem~nt l'intention d'appliquer C8 principe. Nous apportons notre produc
tion à l'usine» tout d'un coup» une semaine après» l'usine ne reçoit plus.
Mais comme nous sommes paysans, comme notre consommntion familiale est
limitée, nous ne pouvons pas stocker, s'il s'agit d~ pêches par exemple.
Alors, force nous est d'aller au marché ~t» là-bas» nous devons supporter
malgré nous» n'importe quel prixoo. (car) nous voulJns de l'argent. oo Cette
usine a ét~ construite pour seulement une catégorie de gens: les citadins"o
ce seul texte d'Ambalavola nous montre que l~ constat fait par les paysans
que Ventreprise Laborde-Lachaize ne leur distribue pas de revenus moné
taires a d'autres causes. Il indique en effet que l'usine ne présente
00.
•
92
aucune stabilité de débouchés: le producteur sent qu'il est entièrement
à la merci de la politique de l'industriel et, comme pour lui, il est ab
solUMent obligé (techniquement et financièrement) d'écouler sa production,
s'il y a carence du l'usine, il devra se rabattre sur le marché à des
prix peu ou pas rémunérateurs du tout. On comprend alors !!lieux les réti
cencus de l'agriculteur vis-à-vis dû cetto entreprise dans laquelle il se
sent étranger ("elle est faite pour les citadins") et avec laquelle il a
souvent des déboires dans ses espoirs de vente. Cette variation de la de
mande de Laborde-Lachaize, constatée par l'agriculteur, il est à noter ~le
notre première partie à propos de l'étude de l'entreprise proprement dite o
Les réponses d'Ambato-Boéni sont à la fois plus nombreuses
et plus complètes :
Ambato-Boéni :
111-2 : "Je crois que la Compagnie est indispensable •• 0
car elle a établi une fois pour toutes le prix du kg "Q
111-3 : "Oui, le kg dt; tomate ronde est de 40 fmg et celui
de tomate ovale de 5 fmg, ça je l'admets o Cependant, le prix du premier
est variable, voilà le premier défaut o Secondement, le rendement n'est
pas le même un hectare de tomate ronde n0 donne que 8 tonnes au maximum
alors qu'un hectare de tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voi
là le second défaut. Les débouchés en to~ate ronde sont aléatoires: si
vous avez de la chance, vous pouvez avoir des acheteurs au moment même
de la récoltb, si vous n'en avez pas il se peut bien que vos produits pour-,
rissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut. Donc il
n'.y a aucun intér~t à faire de la. tomate ronde car là tout est aléatoire
prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assurés" 0
00.
...
93
1II-8 : "Oui, il sc peut qu'il Y ait un profit pour nous
car l'usine est à prDximité dû nous, nous n'avons plus de difficultés pour
écouler nos produits". "L'usine est indispensable et c'eet une bonne idée
de la part de l'Administration car les paysans ne vont plus ailleurs pour
vendre leurs produits".
111-9 : Q : "Alors vous êtes bien conttlnt qu'il y ait deux
entreprises (au sens large du terme) chez vous, l'une pour la tomate ova
le, l'autre pour l'arachide ?"
R : "Tout à fait content, car au moment de la ré
colte, on ne se casse plus la tête pour trouver des débouchés, on a des
acheteurs à proximité"
111-12 : "On sait à priori, que, en cultivant les tomates
ovales, on est sûr qu'il y a une usine qui peut les recevoir. Voilà un
atout essentiel. Si, en cultivant, on ne savait pas à qui vendre, ce serait
difficile et presque inutilo. Cett6 remarque reste valable pour l'arachide ..
il y a là la Compagnie. Ce n'est donc pas difficile d'en faire, car l'ache
teur est prêt à recevoir cù que vous produisez".
111-16 : Q : "En quoi consiste vraiment l'attachement que
vous avez à la Compagnie ?".
R "Nous voulons la Compagnie, car le débouché
est sûr".
111-23 : "Si l'usine n'existe pas, il n'y a personne qui
puisse prendre les tomates ov~les ; vous voyez les producteurs de tomates
rondes et leurs préoccupations à la veille de la maturité de la récolte,
un mois ou deux mois même vant que les tomates rondes soient mûres, il
faut trouver les débouchés et les acheteurs pour que les produits soient
vendus à un prix réconfortant".
o ••
•
94
111-24 (1) : 'rpour moi, l'intérêt que je peux avoir dans
l'installation d~ l'usine c'est la sûreté du débouché tout d'abordo Puis
après, puisque nous savons que le prix est de t~l, c81a nous permet de
faire dès maintenant nos "comptes" personnels si nous avons fait tant ou
tant d'hectares o Enfin l'unité dG prix est la même pour tout le monde
qu'il conn~isse quelqu'un ou non, un tel doit vendre au même prix qu'un
pauvre paysan" 0
Elles sont tout à fait l'opposé de celle d'Ambalavola o Tous les auteurs
de ces tGXtes apprécient énormément la certitude des débouchés de leur
production que ce soit auprès de la Compagnie ou de l'usine, certitude
qui signifie pour eux que, en tenant compte des aléas climatiques, ils
sont au moins assurés qu'ils pourront écouler la totalité de leur récol
te. L'unanimité des réactions en ce sens quand l'agriculteur sait que
l'usine lui achètera (2) toujours ses produits et les réactions inverses
quand il n'en est pas ainsi prouvent qu'il y a là, pour le paysan quel
qu'il soit, un grave problème qui est loin d'être résolu bien qu8 cela
semble assez nécessaire à son intégration économique ultérieure D
Mais ces réaotions ne se limitent pas là et abord~nt assez
fréquemment le problème des prixo Le t~xte suivant d'Ambato-Boéni (déjà
cité précédemment) :000
(1) On y a également mis les textes correspondru1ts, dits à propos de laCompagnie, car, pour ce problème précis, los comportements sont exactement les mêmes 0
(2) Compte tenu évidemment de certaines normes de qualité absolument nécessaires alors pour ne pas faire du gâchis.
95
111-3 : "Oui, le kg de tomate ronde t:st do 40 fmg et celui
de tomat~ ovalo d~ 5 fmg, ça je l'admets. 'Cependant, le prix du premier
est variable, voilà le premier défaut. Secondement, le rendement n'est pas
le m~me 1 un hectare de tomate ronde ne donne que 8 tonnes au maximum
alors qu'un hectare d~ tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voi
là le second défaut. Les débouchés en tomate ronde sont aléatoires: si
vous avez de la chance, vous pouvez ~voir des acheteurs au moment même de
la récolte, si vous n'en avez pas il se peut bien que vos produits pour
rissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut. Donc
il n'y a aucun intérêt à faire aux tomates rond0s car là tout est aléa
toire : prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assurés".
est assez instructif à ce sujet car l'auteur y résume assez bien et con
crètement l'ensemble de la question. Mais on trouvera d'autres textes
analogues où on observe bien que la plupart des agriculteurs sont sensi
bilisés aux problèmes de prix non seulement par leur niveau moyen mais
également par les variations importantos que les t,ypes de produits qu'ils
peuvbnt vendre, subissent. Bien que nous n'ayons pas de textes à ce sujet
pour Ambalavola, on peut assez facilement deviner quelles peuvent être
les réactions des agriculteurs si l'on sait (voir première partie) que les
prix d'achat pratiqués par Laborde-Lachaize peuvent être assez variables.
Ainsi, aux caractéristiques opposées des débouchés et des
prix offerts respectivem<Jnt par les entreprises Laborde-lachaize et Mada
gascar-Conserves, non sûrs et variables dans un cas, assurés et stables
dans l'autre, correspondent des attitudes très différentes de nos agri
culteurs mais qui, une fois de plus, s'expliquent de la même manière dans
l'un et l'autre oas. Ces réactions traduisent en effet un élémentaire et
légitinQ besoin de sécurité chez l'agriculteur quant à ses sources de
revenu monétaire et que le système commercial habituel ne peut généralement
pas satisfaire pour un certain nombre de raisons qu'il n'est pas dans notre
.. 00
96
but 4'approfondir ici. Ce minimum de sécurité nous semble d'ailleurs ab
Bol~ent nécessaire pour permettre à l'agriculteur une certaine liberté
d'etprit pour mieux s'intégrer au système monétaire (1)0 Pratiquement
d'~leurs cette différûnce dans les actiüns économiques menées par cha
cU4e des deux entreprises s'est traduite par des réactions concrètes de
lq part des agriculteurso Ceux d'Ambalavola se sont détournés, parce que
tI~couttés" finalement de l'entreprise Laborde-Lachaize qui était inca
pab~ de leur assurer un revenu stable et suffisant. Ceux d'Ambato-Boéni
oftt,eux, de plus en plus tendance à se tourner vers l'entreprise parce
~'1l~ se sont rendus compte que, bon an ou mal an, elle pouvait leur rap
porter de l'argent o La conséquence pour Laborde-Lac~.ize a donc été
l'ob~igation d'étendr8 do plus en plus sa zon~ d'approvisionnement (voir
prelJ1S.ère partie) alors qu'à l'inverse w l'entreprise 11adagascar-Conserves
voit peu à peu se former en secteur local géographiquement proche une
zone de production qui, dans l'avenir, pourra approvisionner régulière
ment l'usine o Dans le premier cas, les coûts d'approche de la matière
prl~ière croissent considérablement alors qu'ils restent stables dans le
seecndo Cet exemple précis nous prouve à quel point une politique déter
m~6e (qui est parfois une absence de politique !) vis-à-vis du secteur
d'approvisionnement peut avoir, indirectement et à plus ou moins longue
!chéance, dGS conséquences nuisibles ou favorables à la marche de l'af
fa~ comme aux agriculteurs eux-mêmes o Car w l'en l'occurrence, il nous
semble qu'il existe un lien plus ou moins étroit ùntre le sort des uns et
des autres et qu'on ne peut pas impunément faire supporter à un seul des
deux partenaires tous les aléas et les inconvénients d'un marché sans
qu'il n'y ait une "réaction boomerang" de la part de celui-ci pour se
défendre 0
000
Nous renvoyons à ce que nous avons déjà à CG propos dans le pnragraphe a) -1) et de ce même chapitre à propos de la crainte des risquesà prendre 0
97
~~ais les problèmes de débouchés, de prix et finalement de
revenus étant posés on peut se d0mander si les agriculteurs attendent
autre chose d~ la part de l'entreprise, hors du cadre de l'économie au
sens étroit du term~. C'est ce qué nous allons voir maintenant à propos
des deux rubriques suivantes.
2)Relations directes avec l'usine
lent qu'il est intéressant de signaler:
Am~Ç].lavola
quelques textes en par-
II1-1 : "Il n'y a pns de rapports directs entre l'usine
bt les paysans. Si ello avait des concurrents, peut-être ferait-elle
attention Il
'111-4 : ''Pourquoi nous préférons vendre nos boeui's aux
"Ambal1.iandro" •• o même si nous savons qu'ils nous exploitent davantage,
car, là, nous pouvons débattre le ~rix alors que là-bas (les intermédiai
res de l'usine) nous no somnes au courant ni du poids, ni du kilo (prix
au kilo? )" 0
111-10 : "Une usinù doit prendre directement les matières
premières dont'elle a besoin aux paysans producteurs •• 0 L'usine n'a nul
lement l'int~ntion d i app1iquer ce principe o Nous apportons notre produc
tion à l'usinb ; tout d'un coup, une semaine après, l'usine ne reçoit
plus. Mais comme nous sommes p~sans, comme notre consommation familiale
est limitée, nous nb pouvons pas stocker, s'il s'agit de pêches par exem
ple o Alors, force nous est d'aller au marché et, là-bas, nous devons sup
porter malgré nous,. ri' importé quel prix 0 •• (car) nous voulons de l'argent •••
Cette usine a été conS1truite pour seulement une oatégorie de gens : les
citadips" o'
0.0
98
Ambato-Boéni
111-17 :"L'usine est tout à fait utile pour nous paysans
étant donné qu'elle ne peut pas fonctionner sans les produits que nous
faisons et en compensation, nous avons de l'argent qui est utile à notre
existence" •
c'est surtout à Ambalavola qu'on observe ce désir, tout à fait insatisfait
au ~"é des auteurs, d'avoir des relations directes avec l'usine. Ils ont
l'impression de ne pas pouvoir débattre directement avec les responsables
de l'entreprise du prix de leurs produits et se plaignent de devoir pas
ser par les intermédiaires. De cette façon, pensent-ils implicitement, ils
ne peuvent prévoir quelles sont les réactions de l'usine ni surtout quels
sont ses besoins pour pouvoir lui ,vendre à bon escient. Il faut remarquer
d'ailleurs que du côté des industriels on fait la même remarque en sens
inverse à savoir que les agriculteurs préfèrent aller vendre sur le mar
ché plutôt qu'à l'usine. Il y a là une sorte de hiatus entre les deux Qui
prouve au moins qu'il existe une incompréhension assez grande entre les
partenaires qui restent enfermés chacun dans leur monde.
Au contraire, la réflexion d'un agriculteur d'Ambato-Boéni
montre que dans l'esprit de celui-ci, l'entreprise est bien intégrée dans
son horizon économique o Il observe en effet que l'usine ne peut pas fonc
tionner sans les produits que, eux cultivateurs, apportent. Il poursuit
d'ailleurs en montrant que l'usine peut être l'amorce d'un nouveau cir
cuit économique ~n procurant, en échange, de l'argent dont le paysant a
besoin 0
De nouveau donc, on observe ces différences de réaction
entre les deux zones (désir insatisfait dans l'une, satisfait dans l'autre)
mais provenant d'une même origine qui, dans le cas présent, ast la recherche
000
de relations directes avec l'entreprise qui, pensent-ils, pourraient leur
permettre de régulariser leur revenu.
r.~ais, en dehors du fait, que le producteur puisse s'adres
ser àirectement à l'usine pour la vente de sa récolte en quoi pourrait
consister ces relations directes? D'après les textes que nous allons voir,
il semble que ce soit surtout une action de l'usine qui se manifesterait
essentiellement par une assistance techniqut et matérielle auprès du
paysannat.
3) Assistance technique et matérielle
i) Il y a d'abord quelques textes qui y font al
lusion directement surtout à Ambato-Boéni
Ambalavola :
111-5 : "Ce que les paysans veulent, ce sont des hommes
prêts à indiquer aux p~sans la bonne voie au point de vue économique" 0
HI-8 : "Quant aux. fruits 0 • 0 pour nous mieux. exploiter on
a inventé des tas de conventions, on a fait différentes catégories quant
à la qualité ••• les fruits qui pourraient ûtre achetés en première caté
gorie sont achetés à un prix de troisième catégorie "
Ambato-Boéni :
111-10
tér ie11ement ?"
Q "Est-ce qu'elle (la Compagnie) vous aide ma-
R : "Non"
Q : "Et l'usine, est-ce qu'ëlle nu vous aide pas ?"
000
"celui
99
R : "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait
venir un agent pour voir si des chenilles attaquent nos plantations et
elle envoie ce même agent pour mettre des médicaments au cas où il y
a effectivement des chenilles".
Q : "Que voulez-vous si on vous laisse choisir,
la Compagnie ou l'usine 1"
R : "C'est l'usine, car un proverbe dit
qui rend visite fréquemment aux parents est aimé d8s siens".
Q : "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide
matérielle de l'usine 1 "
R : "Nous les approuvons bien car cette action va
dans le sens de nos intérêts: c'est pour notre bien si elle dit de mettre
à l'abri les plants, de prendre des médicaments"o
111-11 : Q : "Si jamais on vous fait payer les semences,
persistez-vous encore dans cette culture de tomate ovale 1 "
R : "C'est-à-dire, à l'instar de la Compagnie, eh
bion, si nous trouvons encore du profit, nous en ferons encore" 0
Q : "Et si jamais aussi, on vout fait payer les
médicaments, qu'en pensez-vous 1"
R : "Dans ce cas-là, c'est à nous de juger, si
nous pouvons encore avoir du bénéfice, nous cultivons, sinon nous consacre
rons nos IJfforts à d'autres cultures plus rentables que celle-ci".
111-15 : Q : "Il paraît quEl vous paysans d'ici êtes réfrac
taires à l'assistance technique de l'usine, est-ce vrai 1 "
R : "Ceci c'est du mensonge, ce que nous paysans
regrettons bien c'est le geste de l'usine et de la Compagnie qui nous dé
laissent et ne surveillent pas nos travaux. On sait bien que les pqysans
ne savent pas faire une culture tout à fait moderne, il~ut qu'il y ait
00.
100
quelqu'un de compétent tel qUé l'usine ou la Compagnie pour leur montrer
la bonne voie:"
"Passons à autre chose, car ce qUE; vous dites là est un faux bruit, au
, contraire y nous voulons qu'on nous regarde de près, car, nous-mêmes pay-
sans, nous employons d<.: vieilles méthodes qui sont moins rentables".
... 111-20
pourquoi pas nous ?"
"Tout le monde veut être aidé dans son travail et
III-21
l'usine ?"
Q "Etes-vous hostiles à toute forme d'aide de
R : "Tous ceux qui lancent ce bruit sont des men
teurs, nous voulons et nous souhaitons l'aide plus fréquente de l'usine
parce que, en tant que paysans, nous ne savons pas faire une culture d'une
façon tout à fait parfaite, c'est l'usine seule et ses agents qui peuvent
nous guider lorsqu'une maladie vie~t frapper notre culture et c'est elle
également qui peut savoir si notre terre n'est pas bonne pour les tomates
ovales".
On observe donc dans les deux zones un besoin aSsez net
d'une aide à la fois sous forme de conseils pour les méthodes de culture
et sous forme de moyens matériels modernes pOUl' les réaliser au mieux.
Cela ne: signifie pas d'ailleurs qu'ils ont une mentalité de mendiant, le
texte 111-11 d'Ambato-Boéni montre bien qu'ils sont prêts à payer les
semences, les traitements phytosanitaires, etc ••• , à condition qu'ils
continuent à retirer un bénéfice de la culture intéressée; o'est donc là
un raisonnement ~conomique très sain. Ces textes semblent être l'expression
chez les agriculte~s, de la prise de conscience qu'il leur manque des
éléments importants sur le plan technique pour pouvoir ruméliorer leur pro
duction et par là leur niveau de vie. Il faut remarquer que, sauf une
exception, les agriculteurs d'Ambato-Boéni approuvent vigoureusement
00.
..
101
l'assistanc~ de l'usin~ prouvant ainsi qu8 cülle-ci en apporte une et
qu'ell~ r6pond assez biGn aux besoins de la collectivité en la matière.
"A contrario", 1!'1 réflexion d'un agriculteur d'Ambalavola (111-8) montre
aSS8~ que l'entreprise Laborde-Lachaize ne cherche absolument pas à en
trer en contact avec les agriculteurs autrement que sur un plan purement
économique. Le simple fait que la distinction en différentes qualités
d'un produit déterminé soit compris par les agriculteurs comme une brimade
supplémentaire de la part de l'usine montre assez que celle-ci n'a rien
fai t pour .3xpliquer aux agriculteurs ce dont elle avait teclmiquement be
soin. Ce texte lêüsse penser d'autre part que la seule incitation du prix
(différencié ici selon les qualités des fruits) n'est pas suffisante pour
que l'agriculteur modifie sa façon de faire. Non pas qu'il soit insensible
à ces différences (ce que nous avons observé précédemment le prouve assez)
mais il n'en comprend absolument ~as les raisons parce que personne n'a
pris l~ temps de les lui expliquer vraiment en se mettant à sa portée.
Ceci dit, est-ce que cette assistance rentre dans le cadre
des relaticns directes avec 11 entreprise ? Une comparaison à Ambato-Boéni
av~c la COr1pagnie qui exerce son activité dans la même zone rurale que
llentr8prise va nous permettre d'éclairer cela.
ii) Comparaison de l'attitude de la Compagnie et
de celle de l'usine. Celle-là est assez valable, semble-t-il, dans la me
sure où ces deux unités économiques pratiquent une politique de débouchés
et de prix assez voisines, quoique sur des produits différents (arachide
pour la première et tomate ovale pour la seconde) mais que la Compagnie
n'a guère de politique d'encadrement et d'assistance teclmique propre et
qu'elle se repose pour cela sur les Services de l'Agriculture. Nous nous
appuierons sur les deux textes suivants :
III-10 : Q "Est-ce qul.elle (la Compagnie) vous aide ma-
tériellement ?"R : "Non"
.0.
•
102
Q "Et l'usine, est-ce qu'elle ne vous aide pas ?"
R "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait
venir un agent pour voir si des chenilles attaquent nos plantations et
elle envoie ce même agent pour mettre des médicaments au cas où il y a
effectivement des chenilles" •
Q "Que voulez-vous si on vous laisse choisir,
la Compagnie ou l'usine ? "
R "C'est l'usine, car un proverbe dit :"celui
qui rend visite fréquemment aux parents est aimé des siens"
Q "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide
matérielle de l'usine ?"
R : "Nous les approuvons bien car cette action va
~QllS le sens de nos intérêts; c'est pour notre bien si elle dit de mettre
à l'abri les plants, de prendre des médicaments".
III-22 : ''Par exemple pour l'arachide, tout le monde sait
que l'année va être dure, donc également la Compagnie, pourtant elle n'a
pas envoyé des agents pour voir nos cultures ne serait-ce que pour nous
faire prendre des précautions vu la dureté de l'année. Ce que nous voulons
aussi de vous, c'est que vous parliez avec la Compagnie pour qu'elle mette,
comme l'usine, des agents il. la di:3position de ses planteurs"
Les agriculteurs y notent bien (en comparaison avec d'autres textes) que
la seule différence entre la Compagnie et l'usine est celle que nous ve
nons de sign~ler. Différence qu'ils déplorent d'ailleurs car ils aimeraient
beaucoup que la Compagnie pratique la même politique que l'usine en la ma
tière. D'ailleurs quand on leur propose le choix entre les deux, la pré
férence se porte sur l'usine à cause de cela même.
o ••
103
Il apparait que les agriculteurs semblent apprécier que ce
soit la même unité économique qui achète leurs productions et qui fournit
parallèlement l'assistance technique nécessaire pour les obtenir e Il est
de fait que ce schéma simplifié est beaucoup plus clair pour le paysan :
pour un produit déterminé il sait qu'il peut s'adresser directement à la
même entité que ce soit pour résoudre ses problèmes culturaux ou pour ven
dre ses récoltese De cette façon, il ne se perd pas dans la multiplicité
des organismes qui s'intéressent plus ou moins au secteur agricole soit
au titre de l'encadrement, de la fourniture de biens de production, de
crédit agricole, soit au titre de la commercialisation ou de l'usinage de
ses produitse Cette simplifioation permet d'autre part une meilleure liai
son entre le secteur agricole et l'extérieur, en particulier l'industrie e
En effet, ces relations directes entre les principaux intéressés et à tous
les niveaux qui affectent de près ou de loin la production permettent de
mieux connaitre les besoins et les nécessités, techniques et économiques,
des uns et des autres par les échanges qu'elles exigente De ce fait, il
pourra y avoir une régularisation de la production et, par là, des flux
monétaires, qui évitera aux uns (les agriculteurs) de se lancer dano des
voies sans issues et de se décourager dans leur désir plus ou moins expli
cite de s'intégrer au circuit monétaire - et aux autres (les industries)
d'être à la merci d'un approvisionnement irrégulier tant en qualité qu'en
quantité qui se chiffre finalement en un prix de revient beaucoup plus
élevé qu'il ne faudrait, tout en évitant de passer par une série d'inter
médiaires souvent beauooup trop coûteux par rapport aux services qu'ils
peuvent rendre e
Ceci étant, même si l'agriculteur est sensible aux ques
tions de débouchés stables, de prix assurés, d'une assistance technique à
sa portée, il ne va pas se précipiter d'un seul coup sur une nouvelle for
mule ou culture qu'on lui' propose comme c'est le cas de la tomate ovale
pour Ambato-Boéni et dont quelques textes peuvent éclairer la signification
00.
104
d'une telle attitude.
iii) Attitude d'attente et d'observation de la
part des agriculteurs. Trois textes sont nets à cet égard, à savoir:
Ambato-Boéni :
111-5 : "Je n'ai pas encore fait (de tomate ovale) car je
suis en période de comparaison, mais maintenant que je suis en mesure de
connaître tout de cette culture, je pourrais commencer l'année prochaine".
111-7 : "C'est seulement l'année prochaine que je suis ca
pable de vous dire si la présence d'une usine est un bien pour nous" (plan
teur de tomate pour la première fois)
lII-26 : Il ••• Toute culture, surtout si elle est préconisée
par l'usine est bonne ••• A ce moment-là, cette idée n'était pas encore dans
ma tête, mais seulement après avoir constaté à l'heure actuelle le rende
ment que je pourrais tirer d~ cette culture que j'arrive à comprendre et
à raisonner ainsi".
Ils indiquent clairement que 18s agriculteurs interrogés ont adopté une
attitude prudente à l'égard de la nouveauté que représentait la tomate
ovale. Prudente car ils attendent d,e voir comment ceux qui s 'y sont enga
gés vont s'en sortir, quel rendement ils vont obtenir, avec quelle méthode,
quel va être le bénéfice d'exploitation, etc ••• Ce n'est alors que dans la
mesurù où ces résultats sont positifs ou leur apparaissent tels qu'ils
accepteront de s'y mettre vraiment.
La philosophie de cela est que l'agriculteur ne se lancera
pas inconsidérément dans une nouvelle spéculation agricole s'il n'est pas
sûr d'en retirer quelque bénéfice; cette certitude étant d'ailleurs
ooe
..
105
appuyée sur une observation concrète des résultats de ses voisins. Une
autre conclusion, indirecte, qu'on peut en retirer est que l'entreprise
r1adagascar-Concerves ne fait pas pression sur l' agriculteur (relire
Ambato-Doéni = 1-4 par exemple) afin d'obtenir qu'il cultive pour l'ap
provisionner. Elle se contente de lui proposer une sorte de contrat (non
formulé en tant que tel évidemment) par lequel l'agriculteur sait perti
nemment que sa récolte trouvera un débouché à un prix fixé à l'avance et
connu de tous et qu'il aura une aide pour les méthodes culturales e Il est
donc fait appel à l'intelligence du paysan, à sa capacité de réflexion,
pour peser les avantages et les inconvénients des solutions proposées.
Cette méthode laisse donc la liberté de choix à l'intéressée L'inconvé
nient sera évidemment la lenteur des réactions (due d'ailleurs en partie
à celle du cycle agricole étalé sur une année) qui fait qu'il faudra at
tendre plusieurs saisons avant ~ue le mécanisme tourne convenablement et
sur une échelle suffisamment importante. L'avantage, en contrepartie, sera
que le p~san se décidera en définitive pour des raisons qui lui sont
propres. Il y aura donc après cela beaucoup moins de réticences, psycho
logiques ou autres, à rester dans un nouveau circuit économique qu'il aura
choisi de lui-même. Nous retrouvons là sensiblement les mêmes conclusions
que nous faisions dans la p~emière partie (1) au sujet de l'attitude des
entreprises clevant l' incerti tude de la réaction des agriculteurs à letU'
égard. Mais c'est ici vu du côté des agriculteurs, ce qui prouve bien que
la méthode est employée telle quelle. Mais le plus intéressant à remarquer
est que ce style d'action a différents niveaux techniques et économiques,
utilisé en particulier par Nadagascar-Conserves se révèle être extrêmement
apprécié du milieu rural auquel il s'adresse com~e la plupart des textes
se rap1-ortant au critère "usine" de la zone d'Ambato-Boéni le prouve.
o ••
(1) Voir page 19 et sq.
•
106
4) Conclusion : il est assez vraisemblable que CGt-cn atti
tude est ga~éralisableo Eh offet, nous avons tout d'abord les réactions
d'P~balavola tout à fait opposées à Ambato-Boéni o Elles expriment &f-ûér&
lelllent un mécontentement par rapport à l'usine, ème inco:TI.:;œéhension assez
tot~le vis-à-vis de Gon comportement et de son activité économiqueo El~~s
mette:lt aussi en évidence un certain nombre de besoins ou de dêsirs r:.nE
satisfaits provoquant une plus ~~ando déception par cette absc:lce Cé r8-
(,. ,
ponse de l'entreprise 0 Or on sai i; dt e:...ltl'e part voir la premièro ro.-~· "~.C)
qu'une dûs principales différences qui séparent Laborde-Lach,s,ize de r~",rj,,
gascar-Conserves est précisément que la première so contente d'u'ci) i3C~' ch-;;:;
moyens pU:'ement économiques :pour s' approvisio~mer auprès de 1: agriel,-it L.::'O
alorE que l'autre possède toute une gamme à la portée du paysan Œoycn et
qui soit susceptible de l'attirer à la -production désirée o On n'ou1Jlier.:1
pac égslement la différence d'attitude envers la Compagnie et l'us~ne
ct.an'3 ~_a zone d'Amba.!;;0-Eo3ni qui, nous l'avons vu, provient surtout de IL
divergeno8 dans la politique ('.: 2.C~S is-L:tnne tecbnique aupr ès d-cl I-'<:'.Yf'é'r.:~1.r- +. ,
;, onsefTlblG dE. ces faits appara.ît c~onc convergent : ils prouven'L bÜ,l1 qvP.
du cûté do l'~gTiculteur - on 83t très sensible à la façon dont l'~~tr~
prise St présente ot dU genre d'action qu'elle peut mener o A :9riori~ le3
egl'icl:1-l;eurs sont loin d'être réfractaires lnais se laisseron~ con.duire pé..é
des ~onnées ~bjectiveso Aussi il se~ble bien qu'il soit nécessaire çue
l'usine se donne la peine d'a,roir une actio~ t~ la portd8 des egricultfl'J":::'s
a~ticn qui n'aura rien de spectaculaire et pour laquelle il faudra eïr.p1 C'P:T'
du tBmps mais qui, a partir des exemples que nous avons analysés, p~rQît
être:: le seul rnoycm sérieux et durable pour que la présence d 71.m:- Gn"c:.· ..}
prise en milieu rural ait des répercussicns positives dans celui-c:' C:J,.!·
il 8At bien éviàent qu'elle ne 88 fera écoute~ que si elle BO mat ù B~
portée.
Pou!' ce faire, il faudra d'ailleurs quc: l'uc.;;.ne rt.:~~nlJdG "
un certain nombre de besoins et cie désirs latents chez les agricult~n,'r;= c·b
dont les plus :mportants se sont exprimés dans les enregistrementQ ,
".0
107
1lassur~nce d'avoir des débouchés afin de pou
voir prendre suffisamment à temps la décision
de production tout en ayant un minimum de chance
de réussite (il ne faut pas oublier que~ dans
les conditions économiques où la plupart des
agriculteurs travai11ent~ il serait bien impro
bable que beaucoup d'industriels prennent des
décisions de production : ce qui est vrai pour
les uns ne pourrait-i1 l'être pour les autres ?)
l'assurance d' avoir un prix suffisamment rémuné
rateur et stable: l'assurance des débouchés
n'est en effet pas suffisante pour donner à l'agri
culteur un revenu monétaire convenab1e~ il faut
encore que les fluctuations de prix ne soient pas
excessives et qu'elles ne descendent pas au-des
sous d'un certain niveau qui détournerait l'agri
cu1t0vr d'intégrer son activité professionnelle
au secteur monétaire et de s'y développer norma
1ement.
une assistance technique qui lui donne les mqyens
de réaliser pratiquement ses productions. Ceci ne
signifie pas d'ailleurs qu'il faille une assis
tance lourde et importante car elle aurait alors
de fortes chances dlécraser~ par son propre poids,
ceux à qui elle s'adresse~ mais une assistance
qui soit adaptée chaque fois aux besoins des agri
culteurs et qui se présente sous une forme qui
soit assimilable par eux •
•• •
108
un désir de clarté et de simplification de ses
rapports avec les agents extérieurs du dévelop
pement car l'agriculteur se rend très bien compte
que les rapports directs entre intéressés sont
les plus (0 fficaces et les utiles pour chaoune
des deux parties qui peuvent en retirer un avan
tage l'unI':: et l'autre.
d) Conclusion
Cet essai d'analyse sociologique d'un milieu rural vu sous
l'angle des comportements économiques nous a fait constater qu'au moins
dans l~s deux zones étudiées, Ambal~vola et Ambato-Boéni, nombre d'agri
culteurs se trouvaient psychologiquement intégrés, plus ou moins partiel
lement, au secteur économique moderne. Même si les motivations de l'acti
vité sont loin de correspondre à celles d'une mentalité qu'on pourrait
qualifier da moderne, on a pu observer que, de toutes façons, elles de
vaient passer pour leur réalisation par l'acquisition puis la réutilisa
tion du la monnaie. Cette observation très importante signifie que même
si le comportement conscient reste apparemment traditionnel - le compor
tement de fait intègre déjà toute une partie de la vie de l'agriculteur
au circuit monétaire. l~ais nous avons noté plus loin que bien des agri
culteurs se rendaient compte en réalité de leur situation propre dans
l'économicl générale, qu'ils avaient compris certaines notions essentielles
concernant l'utilisation de l'argent, le mécanisme des prix, la sanction
du profit (ou la perte)D Nous avons vu également qu'à partir des éléments
économiques dont ils disposaient, ils étaient capables de faire des cal
culs de rûntabilité relativement valables pour asseoir leur prévision de
production sur des bases solid0s o En définitive, cette prise de conscience
de la vie économique du monde actuel amène normalement les agriculteurs
•••
109
à vouloir la concrétiser dans les faits c'est-à-dire à chercher à inves
tir, à faire circuler l'argent pour progresser et améliorer son niveau de
vie.
DaLs ce cadre général du comportement économique des agri
culteurs, leurs réactions vis-à-vis des entreprises selon l'attitude de
chacune d'entre elles s'éclairent alors très biene L'acceptation ou le
refus de ces unités économiques, leur faveur ou leur défaveur dans leur
milieu rural respectif semble devoir venir, après analyse, de la conscien
ce qu'ont les producteurs de matières premières de l'utilité ou du désa
vantage que peuv0nt leur apporter sur le plan économique de telles usinese
o.e
110
CONCLUSION
De la comparaison de l'analyse chiffrée et de l'analyse
sociologique, il résulte un certain nombre de convergences assez notables.
Le besoin d'argent, l'insuffisance de revenus monétaires provenant de
l'agriculture sur lesquels les producteurs ont insisté, se retrouvent au
niveau de la structure de leurs budgets où une part non négligeable de
leurs ressources provient d'autres activités, principalement là où le re
venu monétaire agricole paraît le plus instable et le moins sûr (zone
d'Ambalavola). La part minoritaire mais déjà assez forte des biens manu
facturés dans l'emploi des ressources monétaires telle que nous l'ont
révélée les budgets confirment ce que les agriculteurs disent ou révèlent
par leurs réflexions sur leur intégration actuelle et future au reste de
l'économie. Une seule distorsion importante nous est apparue dans les ré
sultats de nos deux enquêtes à savoir la faiblesse des achats en biens de
production, tels qu'ils ont pu être chiffrés, confrontée au désir exprimé
par maints agriculteurs d'employer une partie de leur argent à ce genre de
dépens~s. A notre avis, ceci doit s'expliquer par le fait, observé par ail
leurs, d'une insuffisance d'épargne monétaire stable pour songer à se lan
cer dans ces opérations (cas principalement d'Ambalavola) mais également
sans doute par l'habitude de recevoir certains de ces biens de production
soit gratuitement, soit remboursés en nature au moment de la récolte (cas
d '.Ambato-Boéni surtout) ce qui ne pouvait évidemment apparaître dans des
budgets concernant uniquement les ressourèes et emplois monétaires (1) •
•••
(1 ) Nous avons délibérément insisté sur les éléments positifs (économiquement parlant) qu'on pouvait retirer de cette analyse. Ceci ne signifiepas pour autant qu'il n'y ait pas de faits négatifs bien au contraire 1nous avons pu constater l'importance des motivations traditionnelles,l'emploi d'argent dans des circuits détournés, sans valeur économique.Mais tout ceci était bien connu et classique et empêchait de constaterl'autre aspect non moins vrai de ce qui constitue le monde rural quenous avons tenté d'observer.
111
Enfin sur le plan plus particulier des relations des agri
culteurs avec l'entreprise, l'analyse de budgets nous a montré qu~ l'im
pact monétaire de l'usine était faible principalement pour les Etablisse
ments Laborde-Lachaize en faveur de qui jouait pourtant une installation
beaucoup plus longue dans le pays. L'analyse des réactions des agricul
tburS confirme par ailleurs les conclusions qu'on n'avait pu tirer de la
première partie. L'absence ou la présence de liens économiques provient
en fait du comportement de l'entreprise dans l'action qu'elle mène ou non
auprès du milieu agricole qui doit l'approvisionner normalement. Action
qui, en elle-même, à strictement parler, n'a rien d'économique mais qui,
par ses répercussions t8chniques et ps,ychologiques finit par se traduire
dans des faits économiques indubitables. Ceci, parce qu'il est apparu que
les agriculteurs liaient assez nettement les deux. Ce fait peut bien sûr
s'expliquer par une besoin de relations personnelles avec l'interlocuteur
quel qu'il soit pour éviter un anonymat auquel l'agriculteur répugne plus
ou moins. Mais nous pensons, à travers les textes que nous avons récoltés,
qu'il a aussi conscience de son impuissance à démarrer de lui-même une
action agricole. Ceci non par incapacité personnelle mais parce qu'il ne
possède pas un niveau t~chnique suffisant pour améliorer sensiblement sa
production, et que, d'autre part, il se sent faible et démuni pour lutter
contre un système commercial qui lui mesura chichùment son revenu monétai
re : il n'a pas alors vraiment l'impression que celui-ci soit toujours à
la mesure de l'effort qu'il fournit. Aussi, il nous semble que tout l'ave
nir des relations économiques des agriculteurs avec l'usine, et, plus
généralement, avec les autres secteurs de l'économie, dépendra des solu
tions qu~on apportera à ces problèmes pour supprimer ces blocages. Ceci
dit, il est bien évident qu'on n'aura pas résolu pour autant le dévelop
pement agricole mais cet assainissement et cette clarification nécessaires
pourront y aider puissamment dans la mesure où ils répondent à un besoin
assez fort des agriculteurs.
000
..\
112
Avant de terminer cette seconde partie, il faut rappeler
que toutes les conclusions que nous en avons tirées s'appuient essentiel
lement sur deux zones rurales. Elles ne sont donc pas obligatoirement gé
néralisables. Nous noterons s'implement que les convergences observées en
tre ces deux zones extrêmement différentes à bien des égards peuvent 6tre
un indice favorable dans le sens de la généralisation.
,'1
SYNTHESE
113
1",
114
L'analyse successive des milieux industriels utilisant des
produits agricoles puis de quelques milieux ruraux correspondant nous a
permis de constater, au moins dans les cas que nous avons étudiés, deux
formes de relations assez différentes.
La première est constituée de liens (si l'on peut parler
ainsi) purement et uniquement économiques. C'est-à-dire que l'usine (ou
ses agents) d'un côté, l'agriculteur de l'autre, se présentent sur le mar
ché pour acheter et vendre. Les seules indications que pourra avoir l'agri
cul teur viendront donc du prix et des quanti tés achetées. Par ailleurs, ce
simple fait prouve que l'usine n'a aucune position privilégiée, qu'elle
se présente au milieu d'autres acheteurs et que, par conséquent ses propres
incitations, même simplement économiques, seront peu sensibles pour le pro
ducteur d~ matières premières. D'où provient cette situation? D'après
l~analyse, il semble qu'il y ait principalement deux causes. Tout d'abord
le fait qu'au départ il exis te une production déjà largement suffisante
pour que l'usine puisse s'y approvisionner sans autres difficultés. Il est
évident que dans ces conditions, l'industriel n'ait même pas eu l'idée
d'agir autrem~nt que d'aller se présenter sur le marché, c'est la réaction
normale en l'occurrence. Une autre cause peut alors renforcer cette ten
dance, à savoir l' insuffiàance de financement propre de l'entreprise. Dans
ce cas, celle-ci limitera au mieux ses immobilisations et aura tendance à
faire tourner ses oapitaux au maximum et donc à se comporter un peu comme
une entreprise commerciale, ce qui ne l'incitera pas à rechercher d'autres
liens qu'économiques avec ses fournisseurs.
Il est alors apparu que la réaction des agriculteurs était
assez négative. En ce sens d'abord que l'usine représente pour eux un mon
de totalement étranger dont ils ignorent les mécanismes et qui est assez
peu présent dans leurs préoccupations. ~ais cette attitude actuelle semble
être le résultat de déceptions vis-à-vis de l'usine; déceptions qui
o ••
115
proviennent essentiellement du fait que, matériellement, les agriculteurs
étaient bien incapables de s'adapter (1) aux variations rapides et impré
visibles de l'usine, provenant elles-mêmes des variations correspondantes
de sa demande de produits finis. Les résultats les plus clairs de cette
inadéquation de l'offre et de la demande sont les fluctuations continuel
les des prix et des débouchés entraînant pour le paysan une incertitude
également continuelle sur l'évolution de son revenu monétaire. Il en dé
coulera logiquement un certain repliement sur soi du secteur qui ne commer
cialisera que le strict nécessaire et aura même surtout tendance à recher
cher des sources d'argent ailleurs que dans la vente de produits agrico
les o Dans les deux cas, cela ne favorisera guère la meilleure intégration
aux autres secteurs de l'économie o
Mais il ne faut pas oublier que cette réaction négative
peut avoir des répercussions non négligeables sur l'usineo De ce fait, elle
risque en effet d'avoir des difficultés de plus en plus grandes d'appro
visionnement. Cela se traduira en définitive par un coût de la matière pre
mière plus élevée (et donc par une diminution des charges bénéficiaires)
que ce soit par exemple pour une nécessaire extension des zones d'appro
visionnement un circuit commercial plus lourd - une moins bonne qualité
des produits à traiter - etc •• o Mais, dtaprès ce que nous avons pu obser
ver, les entreprises qui se trouvent dans ce cas n'ont vu que très lente
ment évoluer cett8 situation. Aussi, elles n'ont pas eu tendance à modi
fier profondément leur comportement vis-à-vis du produoteur même quand
elles le pouvaient (financement propre relativement important) dans la me
sure où ell~s ne sentaient pas leur approvisionnement menacé de façon
gr·ave.
D ••
(1) Du fait des caractéristiques même de la production agricole.
116
En SOmn8, co typ~ de relations ontr8 l'agriculture et l'in
dustrie où c8tte dernière se comporte vis-à-vis de la première à peu près
comme une entreprise commercialb, apparaît surtout néfaste au secteur rural.
C'~st lui 8n effet qui supporte le plus durement les variations des débou
chés des produits industriels sans pouvoir les maîtriser. Cela tend évi
demment à le rejeter, économiquement et psychologiquement, du secteur mo
nétaire et donc à freiner considérablement ses possibilités de développe
ment bien que le désir en soit réel.
Nous avons observé par ailleurs que d'autres usines avaient
outre des liens économiques évidemment nécessaires, d'autres types de re
lations avec le secteur agricole local qui doit les approvisionner. Celles
là privilégient en quelque sorte l'usine aux yeux des agriculteurs parce
qu'elles se présentent sous deux formes assez communes mais qui répondent
à quelques-uns de leurs désirs profonds en la matière. Ces formes sont les
suivantes g d'abord une assistance technique et matérielle pour indiquer à
l'agriculteur comment produire le mieux et le plus possible (répondant à
la conscience qu'à l'agriculteur de l'insuffisance de sea méthodes et moyens
de productions) - ensuite une assurance donnée sur les débouchés et les
prix fixés à l'avance (donnant ainsi une bien meilleure certitude sur le
volume monétaire). Les raisons qui ont poussé les industriels à agir de
cette façon sont exactement à l'opposé du cas précédent. Les usines se
sont en effet trouvées devant une carence de la production sans même pou
voir la compenser par un système du genre concession. Elles ont donc été
obligées de mener une action dans le milieu rural local. Action qui, d'ail
leurs, ne pouvant être une politique plus ou moins coercitive, a du ima
giner d'autres moyens pour attirer les éventuels producteurs. Tout natu
rellement, semble-t-il, ces moyens se sont trouvés parmi ceux qui pouvaient
le mieux répondre aux besoins des agriculteurs (1) (ce qui prouve d'ailleurs
...(1) Cela ne signifie pas que ces moyens soient les seuls utilisables ni
que ce soit une "panacée" universelle.
117
que ces besoins ne sont pas du tout ignorés quand on le désire). On remar
quera d'autre part que ces actions n'ont pu être menées que dans la mesure
où le volume de financement propre des entreprises intéressées était suf
fisant pour leur permettre de mener une action étendue sur plusieurs an
nées et dont la rentabilité, même non immédiate, n'était pas évidente du
tout. Dans le cas contraire, il est vraisemblable ~u'elles n'auraient rien
fait car leurs frais généraux auraient alors été trop lourds par rapport
à leurs dimensions.
Les réactions, constatées, dGS agriculteurs à ce genre
d'action sont apparues assez po~itives comme l'on pouvait s'y attendre
étant donnés les besoins qu'ils ressentent. En effet, à l'inverse de ce
qui se passe ailleurs, ces agriculteurs apprécient les relations qu'ils
ont aveo l'usine avec laquelle d'ailleurs ils se sentent plus liés et
dont ils comprennent mieux le comportement. De ce fait, ils auront plus faci
lement tendanoe à passer par l'agTiculture et la vente de produits pour
se produrer leur l'evenu monétairG. Par là, ils intègreront mieux: l'agri
culture dans les circuits économiques normaux et faciliteront son dévelop
pement ultérieur. Cependant, les conséquences économiques plus directes
qui proviennent de ce t,ype de relations sont déjà importantes en elles-
mêmes : elles simplifiant en effet considérablement le circuit économique
entre la production de matières promières et son utilisation industrielle
en éliminant un certain nombre d'intermédiaires plus nuisibles qu'utiles
et qui ne faisaient qu'augmenter le coût de la matière première "rendue
usine" sans pour autant améliorer le rGvenu de l'agriculteur, c'est donc
un gain pour celui-ci et une économie pour celle-là. D'autre part l'exis
tence de liens assez directs entre le secteur rural et l'entreprise permet
de régulariser la production agricole, de mieux: la guider progressivement
vers les spéculations les plus intér3scantes tant du point de vue de l'agri
culture que de celui de l'économie générale évitant des pertes et des
contre-temps toujours coûteux. En l'occurrence, l'usine joue ici le rôle
•••
118
d'écran filtrant entre le reste de l'économie et l'agriculture. Le dévelop
pement de celle-ci est en effet freiné en partie pour des raisons extérieu
res à elle et contre lesquelles, d'elle-même, elle ne peut rien faire e Il
fallait donc que ce fut de l'extérieur qu'on essaye de faire disparaître
ces obstacles 0
En définitive, il ressort de cette analyse que ce second
type de relations, autre que purement économique a d'assez bonnes réper
cussions tant sur le milieu rural que sur l'usine qui l'instaure o De par
lui-même, il a tendance à mieux faire entrer l'agriculteur dans le circuit
monétaire en faisant appel à sa réflexion et en respectant sa liberté de
choix ce qui, tout en évitant tout blocage psychologique, rendra sa déci
sion, celle-ci une fois prise, beaucoup plus durable dans l'avenir.
**
De la comparaison de ces deux types de relations différen
tes entre l'agriculture et l'industrie on peut tirer quelques conclusions
intéressantes.
1 - Tout d'abord, il apparaît que l'entreprise est un agent
actif alors que l'agriculture aurait plutôt tendance à êtDe passi.e o En
effet dans les deux catégories de cas observés, l'agriculture réagit à une
situation donnée, fixée ou voulue par l'entreprise. Elle ne semble absolu
ment pas avoir la moindre initiative surtout lorsque la situation lui est
plutôt défavorable. Il y a plusieurs causes à cela: il faut noter en pre
mier lieu que l'entreprise est un seul centre de décision alors que l'agri
culture est formée d'une multitude de centres de décisions plus ou moins
autonomes, l'esprit communautaire ne jouant pas tellement dans les zones
étudiées. Ensuite l'entreprise a été créée dans un but précis: rentabi
liser les capitaux que les propriétaires y font entrer en satisfaisant les
•• 0
119
besoins d'un ou plusieurs marchés déterminés. L'agriculteur est là parce
qu'il y est né et qu'il y vit: en dehors d'une certaine marge étroite,
il n'a ~as choisi cette activité qui s'est imposée à lui comme la seule
possible quels que soient les revenus qu'il peut en retirer. L'entreprise
doit d'autre part vivre obligatoirement dans un système d'échange sans
quoi elle disparaîtrait rapidement. Au contraire, ces échanges ne sont pas
vitaux pour l'agricultetœ qui peut se replier en grande partie sur l'auto
consommation si les échanges monétaires ne lui apportent pas suffisamment.
Enfin, l'usine peut beaucoup plus faoilement maîtriser le milieu écono
mique environnant; il n'en est pas de même pour l'agriculture qui, de par
ses caractéristiques, reste très dépendante des conditions économiques
qu'on lui fait parce qu'elle maîtrise encore mal les instruments dont on
se sert (bien qu'ayant assez nettement conscience de leur rôle) en la ma
tière. Cela est d'ailleurs tout à fait compréhensible car elle reste en
core dans un système psycho-sociologique traditionnel du fait que, jusqu'à
présent, consommation et production sont assez peu dissociées au niv0au
de l'individu. Nous voulons dire par là quo l'individu consommant ce qu'il
produit (en partie sinon en totalité) est peu tourné vers l'échange. Or
il est bien évident que celui-ci est né d~ la dissociation entre ces deux
fonctions importantes de l'activité humaine. Au fur et à mesure que la
spécialisation de chacun augmentait rendant les échanges plus nombreux et
plus compl~ùs, il a fallu la présence d'un médiateur universel, le signe
monétaire, pour résoudre les problèmes cowne ne pouvait pas le faire le
troc par exemple. Dans cette sorte d'évolution qui a permis un progrès
économique, il s'avère que l'agriculture est en queue et l'entreprise à
l'autre extrémité d'où les àistorsions que nous avons pu constater. Ainsi
d'après son histoire et ses structures internes propres, il ne semble pas
que l'agriculture puisse au départ jouer un rôle actif dans le développement
•••
120
économique (1)0 Des agents économiques extérieurs lui seront toujours né
cessaires pour favoriser ce qu'il y a de positif en elle et l'aider à
démarrer sérieusement. Dans cette perspective, l'usine de produits agri
coles peut jouer un rôle très intéressant quoique incomplet pour agir di
rectement sur l'agriculture, en être un élément actif qui l'attire dans
le sens du développement économique général.
Tout ceci ne signifie pas que l'agriculture soit totalement
passive pour autant. En effet nous avons pu constater dans les zones rurales
étudiées qu'il existait un désir assez net du signe monétaire pour pouvoir
l'échanger contre des biens ou des services et que les agriculteurs étaient
tout à fait capables de comprendre les principaux mécanismes économiques
et donc de les utiliser s'ils en avaient les moyens. Il y a par conséquent
dans ce secteur rural des possibilités réelles de développement économique
mais qui reste à l'état de potentialités latentes et dont il faut par con
séquent favoriser l'expression.
2 - Ce fait que l'entreprise est un agent actif s'est ma
nifosté de deux manières soit qu'elle utilise des incitations purement éco
nomiques (et à la façon libérale) - soit qu'en plus de celle-ci, plus ou
moins transformée, elle en utilise d'autres. Dans la comparaison de ces
deux cas, on a pu constater assez nettement que les agriculteurs préfé
raient de beaucoup la seconde méthode à la première. Ceci est, au fond,
tout à fait normal si l'on regarde de près les conditions économiques ha
bituelles qui leur sont imposées. Nous ne développerons pas ce point que
nous avons déjà examiné, nous insisterons simplement sur ce fait qu'elles
sont telles qu'elles freinent très sérieusement tout développement
o ••
(1) Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut jouer aucun rôle, l'histoire économique semble devoir montrer en effet que, assez souvent, le développement a été financé par l' agriculture mais en faisant plus ou moinspression sur elle, directement ou non, pour obtenir les capitaux qu'elledétenait mais qu'elle n'utilisait pas dans ce sens.
•
121
économique de l'agriculture et que tout changement en la matière est bien
accueilli d~ celle-ci.
Il faut noter qu'une autre raison de cette attitude est que
lab~icultGLœ se sent techniquement démuni et que, par là, il n'ose pas
toujours aborder de nouvelles spéculations, il a donc le désir dtune aide
en ce domain~ qu~ Il action purement économique ne peut lui fournir.
Plus généralem,mt, le paysan se trouve inséré dans un mon
de traditionnel qui ne p~ut lui procurer les moyens techniques et écono
miques, dont il ressent parfois fortement le désir, pour s'intégrer au
circuit monétaire. En conséquence il a tendance à se tourner vers l'exté
rieur pour qU0 celui-ci supplée, au moins provisoirement, à ces carences.
Les suppressions de l'une et de l'autre sont d'ailleurs très étroitement
liées. Il ne servirait en effet de rien de pratiquer une politique écono
mique satisfaisante pour l'agriculteur si celui-ci ne pouvait founir,
faute de mOY8ns techniques, la production demandée par l'entreprise.
Il est nécessaire de rappeler enfin que cette action de
l'entreprise doit se situer au niveau de compréhension de l'agriculteur
et prendre dans c~ but des formes adéquates. En particulier si l'action
t0chniqué se situe à un niveau trop élevé pour les agriculteurs, c'est-à
dire quend elle emploie des moyens modernes en trop forte distorsion avec
les possibilités locales (le tracteur par rapport à l'angaqy par exemple),
ils considéreront, assez justement d'ailleurs, que ctest une affaire qui
ne les concerne pas, qui est inapplicable à leur horizon psychologique et
économique (1). AUSGi d~Vl'a-t-on être très attentif à la méthode choisie
•••
(1) Un exemple, caractéristiquG et classique à ce sujet, est celui des ouvriers travaillant sur des concessions européennes selon des teohniquesmodernes qui, de retour sur leurs propres terres, ne voulent ou ne peuvent appliquer ces techniques qu'ils connaissent, même quand elles sontà leur portée (par exemple la fabrication et l'utilisation intensive dufumier)
122
pour qu'el18 emploi0 un langage clair avec le p~san. Les moyens utilisés
seront donc simples et peu spectaculair~s.Il ne s'agit pas en effet de
bouleverser dG fond en comble les méthodl~s d0 production mais de les adap
ter progressivement de telle façon quo cela réponde à un besoin de l'agri
culteur (qui existe en l'occurrence) plutôt que d'être artificiellement
impos~ dG l'extérieur CG qui risquerait alors beaucoup de le bloquer psy
chologiquement en renforçant ce qu'on pourrait appeler ses tendances tra
di tionnelles •
Avant de terminer ce paragrayhe, nous noterons que les deux
expériences que nous avons étudiées respectaient à notre connaissance la
liberté do décision et de choix de l'agriculteur. Ceci nous semble très
important si l'on veut que pareille action en milieu rural ait des réper
cussions durables ~t solid0s par l'intériorisation que fera lui-même le
paysan. La contrepartie est évidemment la lenteur des résultats mais l'ex
périence semble montrer que, en définitive, c'est payant.
3 - Ces différentes modalités des actions menées par les
industries agricoles ont, d'autre part, tendance à clarifier, à simplifier
les relations économiqu13s qui existent entre l'agriculture et le monde ex
térieur. En effet, pour une catégorie de yroduits bien déterminés, les
différuntes actions à mener auprès de l'agriculteur le sont par une seule
et même unité (ici l'usine mais ce pourrait être tout aussi bien autre
chose). Celui-ci sait donc à qui s'adresser pour tout c~ qui le préoocupe
~ propos de cette production. Il n'y a plus cette multitude d'organismes
entr8 l~squels le paysan' ne savait pas trop choisir pour tal problème
~récis, ce qui ne l'encourageait guère à entreprondre quoi que ce soit.
Nous rappellerons également que ces relations direotes entre les deux par
tenaires permettent de faire des économies assez importantes en raocourcis
sant le circuit monétaire.
• ••
123
4 - L'étude du milieu industriel nous a permis d'observer
que, si ~'usine était un agent actif, son activité autre que purement éoo
nomique n'était rendue possible que si la structure de son financement
était t~lle que la dimension de ses capitaux propres l'autorisait à enga
ger C8 genre d'actions à rentabilité non immédiate. Cela est tout à fait
compréhensible si l'on songe qu'une entreprise ayant de faibles capitaux
propres a intérêt à les faire tourner assez rapidement et qu'elle ne peut
engager une activité dont l'intérêt n'est pas des plus évidents et qui né
cessiterait un appel de fonds à l'extérieur risquant de la rendre plus ou
moins dépendante de ce dernier. Aussi bien il est certain que la struc
ture de financement de l'usine va avoir une influence sur l'aspect de ses
relations avec l'agriculture dans la mesure où elle lui permettra d'être
ou non véritablement active avec celle-cio
Cependant si une certaine dimension des capitaux propres
industriels apparaît db cette manière absolument nécessaire à un t,ype
déterminé de relation avec l'agriculture, nous avons vu que cette condi
tion n'était pas suffisante o En effet il semble bien que l'entreprise
doive être en quelqu~ sorte forcée par les événements (en particulier
l'insuffisance de l'approvisionnement en matières premières)pour agir
en milieu rural et agi~ de tellb façon que celui-ci réponde positivemento
Cela exige le style d'action déjà décrit plus haut.
Mais celui-ci demande en définitive que l'usine possède
un curtain volant de sécurité dans l'approvisionnement chargé d'absorber
les à-coups provenant soit de l'offre de produits du secteur local soit
des variations des débouchés industriels afin que, de toutes façons,
l'agriculteur ne supporte pas ou peu les conséquences de telles fluctua
tions qui auraient alors tendance à l'éloigner des productions utilisées
par l'usine. En définitive, ce rôle d'écran entre l'agriculture et le monde
extérieur que nous avons défini précédemment n'est donc réalisé que si
o ••
124
l'approvisionnement en matières premières est insuffisant et si la struo
tur~ du financem6nt de l'entrepris", lui permet d'agir de cette manière.
** *
Ainsi, pour des raisons propres à la fois au secteur rural
et au secteur industriel, les relations qui se créent entre eux deux au
niveau de l'industrie agricolo peuvent être fastes ou néfastes pour l'agri
culture mais également pour l'industrie par contre-coup de ce qu'elle peut
faire ou non dans son secteur d'approvisionnemunt. L'usine qui joue le rôle
moteur peut donc être dans le premier cas un ag~nt important (mais pas
unique) du développement de l'agriculture, de sa meilleure "intégration au
circuit monétaire - dans le second cas ello düviont un élément nul ou même
négatif car, même inconsciemment, elle contribue, par fJon inaction involon
taire ou non, à maintenir l'agriculteur dans son rôle traditionnel de four
nisseur de matières premières entièrement soumis aux pressions économiques
externes, le dissuadant ainsi d~ tout effort sérieux do développement
quoiqu'il en exprime souvent le désir. Par conséquent bien que ces rela
tions ne soient pas à sens unique elles prennent une tout autre dimension
pour l' agriculture que pour l' inclustrie. Pour c8l1e-ci en effet, il s'agit
seulement d'acheter pour transform<:œ, puis vendre en gagnant de l'argent
dans l'opération. Par contre, l'enjeu est beaucoup plus important pour sa
partenaire puisqu'il est alors question de son développement économique
qui sera ou non favorisé par de telles entreprises. Il faudra donc être
extrêmement attentif à ce que celles-ci aient les possibilités, les moyens
et la volonté pour qu'ellos soient des facteurs de progrès pour l'agri
culture puisqu'elles peuvent l'être.
DoO
125
Ceci étant, on peut se poser la question de savoir si
l'usine de produits agricoles est un moyen de développement privilégié
pour l'agriculture ou non. Nous avons vu en effet que si l'usine allait
dans ce sens là elle avait trois fonctions essentielles
d'abord de faire écran entre le monde extérieur
et l'agriculture en protégeant celle-ci des
fluctuations aberrantes de celui-là
ensuite d'être une distributrice de revenus moné
taires et do techniques, ce qui permettrait alors
de mieux intégrer l'agriculture au circuit moné
taire.
enfin de mieux clarifier et simplifier les rel&
tions de l'agriculture avec le reste de l'écono
mie et par là de randre son développement acces
sible à un plus grand nombre de paysans.
Ces trois fonctions telles qu'elles sont définies, ne sont
pas l'apanage de la seul~ industrie. Par exemple, un système commercial
bien conçu et adapté à ce but pourrait tout aussi bien faire l'affaire.
Il ~eut également amortir les variations économiques externes, distribuer
de l'argent et une assistance t0chnique de façon intégrée et de la sorte
rendre les rGlations de l'agriculture avec les autres secteurs beaucoup
plus directes et simples.
Cependant, même en tenant compte de ceci, d'autres raisons
font que l'usine,quand elle est possible, est préférable à l'unité commer
ciale. En effet une industrie quelconque exige, pour tourner, des immobi
lisations beaucoup plus importantes que son équivalent commercial ainsi
qu'un minimum de personnel permanent. Par conséquent, elle assure dans le
00.
126
milieu rural ~e présencG durable beaucoup plus forte. Par ailleurs elle
est beaucoup moins tentée de se déplacer et db partir si un certain t,ype
de production ne convient plus p elle cherchera de préférence à se reconver
tir sur placG (ce fut par exemple le cas de Madagascar-Conserves) conti
nuant ainsi à ~ssurer une présence en milieu agricole en lui offrant ainsi
d'autres possibilités de revenus. D'autre part il y a les raisons même
de son existe~çe qui sont la transformation des produits agricoles p trans
formation qui, dans la plupart des cas, donne une plus grande durée au pro
duit et permet d'en étaler la vente sur une période beaucoup plus longue
que pour la matiàre premièreo Ces raisons font donc p que p plus naturelle
ment que le ~~tème commercial p l'usine a tendance à faire écran entre
l'agriculture et l'extérieur (ce qui ne veut pas dire qu'ello le fasse
automatiquemEJflt) etl régularisant plus ou moins les flux qui passent par
elle o
Il ressort en définitive que si l'entreprise n'a pas obli
gatoirement un rôle privilégié à jouer dans le secteur agricole p il peut
y être important surtout étant données ses caractéristiques propres par
rapport au secteur commeroial auquel elle peut valablement se substituer.
Mais de toutes les façons p il est bien certain que l"usine est insuffisan
te à elle seule pour assurer le démarrage du développement économique agri
cole. mout d'abord parce qu'elle se place à un seul stade de l'échange
monétaire, c'est-à-dire à la vente de produits agricoles et que de ce fait
elle n'assure pas automatiquement le retour de l'argent ainsi distribué
dans le circuit monétaire. Ensuite parce qu'on ne p0ut faire partout des
usines de produits agricoles pour la simple raison que ceux-ci ne sont
pas toujours destinés à subir une transformation industrielle. Ainsi, à
la différence par exemple du crédit agricole p l'action industrielle n'est
possible que pour des produits et des zones rurales bien déterminées p elle
n'est pas généralisable à l'ensemble de l'agriculture.
ANNEXES
..... - "
LOCALISATION DES INDllSTRIES AGRICOLES I!.TUDIUS. ET D~ LIi.UR, APPRGVlSIO""EMLMT
• =1 SARPA 1= Uaine.
)( ~ ~nllfu'CfIc.BlEUFS d·QPP.'OYIS'Onnement.
. nllll ~tucllQa oLnatUrIl da celui·c;
@ " %.A d'''l'provjllionnen~étudi~~Arnbo14vola .
--....~ Direc.tion du approYic;ionnlm...nb
TABLEAU l
EVOLUTION llŒICIAIRE DES QUANTITES ET DES PRIX
..
Années
LAIDRDE-LACHAIZE
Ind. Prix(Pr .animaux
Pr.finis (pr.végétaux(Ensemble
(Pr .animauxMat .Prem.(Pr .végétaux
(Ensemble
Ind. VolumePr.animaux
r.rat .Prem. Pr.végétaux(Ensemble
(Pr •animaux(Pr .végétaux(Ensemble
SARP A
Ind. Prix(Viande
Hat .Prem. (Riz
P f "· (Viander. J.n~s (Riz
Ind. Volume(Viande
Mat.premO(Riz
(ViandePr .finis (Riz
FITIM
Ind.PrixMat .prem.(Jute
(PakaProd.fin~Ensemble,
~ Ind. Volume" Mat .Prem o Jute
PakaPr.finis (F~semble
111
111
111
111
111
111
59 60 61 62 63 64 65 i: Mqy:
! 1 !!! !
! Il 1!0,99 1,06!1,05!1,07 1,07!1,14 1,03!I1,051!1,09!0,92!1,11!0,99 1,18!1,05 1,10!I1,05!! 1,03! 1,02! 1 ,0811 1,09! 1 ,05! 1 ,05! li ,04!i i i i "'"0,89~1,09~1,13;1,10 1,09~1,05;1,07;~1,05;
1,05"1,24; 1,22~ 1,24 1,38; 1,50; 1,32 ; j1,24;0,92 1,10i1,14i1,10 1,11i1,09i1,09i!1,07j
!! I!!! 1" i i Yi i
1,12 1,25; 1 ,49; 1,28, 1 ,70; 1,65;3,08;; 1,57j,1,09 1,51~1,21~1,75i1,88;2,26;2,43ii1,641i 1,221,38;1,44;1,46!1,77;1,80;2,60!!1,49!
!1,271,34!1,58!1,36!1,73!1,67!2,88!I1,611!1,171,96!1,49!2,07!1,97!2,78 !2,42!!1,861!1,2311,52!1,53!1,58!1,82!2,06!2,72!!1,681! ! ! 1 ! 1 ! I! 1! ! ! 1 ! , 1 !! 1! ! ! ! ! ! , li 1! ! ! ! ! ! ! li 1! ! li !0,84!0,69!0,85!0,82!10,841! ! !1 !0,94!0,89!0,95!1,12!!0,98!i , , , , , i " ,; ; ;1 ;1,06i1,21;1,01;1,26;;1,11ii ; ;1 ;1,01!0,97;0,96 ;0,94;;0,98!! ! ! ! 1, i i , , , i i ,
; , "1 ;2,40;1,33~0,81;2,76i 1, 57 i; " ;1 iO,73iO,84;0,95iO,22; 0,75,
! li !0,78!1,72!0,91!2,71! 1,421! !1 !1,39!1,09'1,52IO,38! 1,071! !,!!! li 1! !!!!! 1 !, , !!!! 1! ! I! 1 ! 1!0,93! 1,40' 1 ,71 ! 1,22! 1 ,20! 1, 15! 1 ,35! 1,11 1lO, 97! 1,01' 1 ,02! 1 ,03! 1 ,03! 1 ,05! 1,05' 1,02!!°,91 ! 1 , 12! 1 , 11 11 ,°3! 1 ,041 1,0811 , 141 1,°5!! 1 ! ! ! ! ! , !i , i , i , i 1 1~0,75;0,49;0,27;0,38;0,73;0,84;0,44, 0,61,; 1 , 11 ; 1 ,37; 2, 26 ~ 1, 23; 1, 21 ; 2 , 50 ; 2, 18i 1,641;1,17iO,88;0,90i1,09;1,18;1,29i1,231 1,151! ! ! ! ! ! ! ! 1
TABLEAU II
ECAR~TïPES ET VARIATIONS DES INDICES
Prix Prix ! ! Volume ! Volume, , 1 , ,!
agricole iindustriel i a.grioole jindustrieli
: LABORDE-LACHAIZE (1 ) ! ! 1 !! ! ! 1
Pr e animaux (s 0,°71 i 0,044 ! 0,615 ! 0,524(C.Ve 6,8 % 4,2 % ! 39,2 % ! 32,5 %
Pr •végétaux (s 0,153 0,077 ! 0,468 1 0,567(C.Ve 12,4 % 7,35 % 11 28,6 % ! 30,8 %! ! !. '
1 Ensemble (s 0,036 0,032 1! !! (C.V. 6,3 ~ 3 % 1! 1! (s' 0,089 0,°53 !l 0,66(3) 1 0,582(3) !! li ! !,
(2) 1! 1 !. SARPA! ! 1 1 1
Viande (s 0,098 0,1°7 li 0,714 ! 0,678(C.V. 11,7 % 9,6 % !! 45,5 % 47,8 %
Riz (s 0,078 0,026 li 0,423 0,396(C.V. 8 % 2,66%
! !56,4 % 37 %1!
11
FITIM (1) ! !! 1
Jute (s 0,084- ! ! 0,29(C.V. 7,6 10 ! ! 47,5 %(s' 0,294 ! 1 0,38
Paka (s 0,025 ! !0,55
(C. V. 2,45%! ! 34%
(s' 0,02 ! ! 0,72liEnsemble (s 0,°7 li 0,15
(C.V. 6,5 % li 13,4 %(s' 0,°9 ! 1 0,155
1!
(1) Calculé sur 8 exercioes(2~ Activité partielle, sur 5 exeroices(3 "s'" au lieu de "s", oar expansion continue, "s" ne représente alors
plus grand chose e
N.B. s = Ecart-type par rapport à la moyenneSi = Ecart-type annuel
C.V. = Coefficient de variation.
TABLEAU III
STRUCTURE TOTALE DU BUDGET
(en ~ du total des ressources ou des emplois)
RESSOURCES Ambalavola Ambato-Boéni Vavatenina.
;produits agricoles; Végétaux: 15,06i Animaux: 1 14,55
29,61 11! 61,8! 8,16
70 62,6584,6
IR . l !, evenus non agr1co es,i Salaires ;1 Autres activités ;1 Revenus du capit. ;
33,445,71,42
40,56214,5
25,5 3130,5
0,5,jTransferts ! 30,20 ! 4,1 1 6,5 !j===================--T=================l================-T================~
i EMPLOI i i ! 11Consommation ! 65,4 1 43,2 ! 60 !1 Nourriture ! 50 ! 39,1 ! 49,5 (1)1 (dont riz) 1(18,5) !(17,3) 1(19,6)1 Services 1 3,7 ! 4,1 !1 Habillement ! 6,6 ! 7 ! 10,61 Biens durables ! 5,1 ! 1,6 !! !!l ,1Invest.-Product. 16,4 .1 Dépenses d'expl. 101 Constr. Inv.div. 0,8! Ecoles 5,6
8,42,92,7
1423,72,5
26,2
,; Transferts; Impôtsj Autres
7,411 ,1
18,54,92,5
7,411 ,31,4
12,7
1!Solde 1 1 27 1 1r:====================1================='=================1=================jIProduits ayant subi l , , ilune transformation, 42,8 . 32,3 ; 34,6 !,inde importante i . i 1==========================--==~==============================================
(1) Y compris biens durables.
Ressources(1) Emplois(1), 1,, Ressources-Emplois
a1 3' v a1 3' Ilail a 1 v '1 a1 a3 v
Administration (2)SalairesTransfertsEcolesDivers
Total
1 !! li
16 ' 96' 54 1 1 !I, , l ' ,- 1 - "
14,4i 4,1, fi 8,2; 5,3111 ,3'1! ! ,,5,6;2,7,- 11 !I 0,5; ; 0,1 1
30,411 3, 7 5,41 14, 3! 8 !11 ,4 !Il! 1 !
+ 16,1 - 6
TABLEAU IV
FLUX MONETAIRES
Secteur non agricoleCommerçantsCompagnieUsineDivers
Total
1 !!! 1, ""8,6;19 62,6; 51,2i38,6i72,81!
- ;46,6 -! 1,31 - I!2,8;11 1,4,-, Il
! 8 i 4,5 Il 2,1; 2,1; Il
!19,4!81,162,61154,7!42 !72,8!!! 1 Il ! Il
+ 35,3 + 39,1 - 10,2
(1) En %du total
(2) Au sens large duterme, i.e. y compris les collectivités
Le marché est misà part car il estdifficile d'en déterminer ce quirevient au secteuragricole et au secteur non agricole.
+ 16,7- 35,4+ 12,2
Marché (3) '1 , , l''93 -, ° ' 3 8 ()! ' 2,7 Il 2 1,5 - ! + 7, - 7, 1 3
..:.....-----------.....;.�--=--.;--...;�..;.I--;.....-..;....-.....:!~---...;----~-----:-I
Secteur agricole, , " 1Salaires ;12,7 2 25,1;; 2 3 13,4; !Produits agricoles i 8,1 - i i12,4 1 !Dépenses d'invest. ou , 'I! 1d'exploitation ; 5,5', 3,8 5,4 1,61Divers i 5, 1 - ; 0, 6 2 - IlTransferts ,15,4 1,4 j10,3 0,3!1Epargne , 27 1 ! !
Total 141,3 2 !32 129,137,4115,31!! Il! Il! 1 ! 1
NoB. a1 = Ambalavola (Laborde-Lachaize)a3 = Ambato-Boéni (Madagascar-Conserves)v = Vavatenina
a1-1
ANBALAVOLA (a1)
(Zone rurale de Laborde-Lachaize)
l - But du Travail et Utilisation de l'argent
1 - "Il faut qu'on travaille pour être l'égal de ses compatriotes oG" pourservir son "tanindrazana" ..... pour que les enfants puissent profiterde l'instruction" ..
2 - "Si on travaille, le but est de faire hausser le niveau de vie. Endehors de cela pour moi, il n'y a rien. On ne se contente jamais deson sort, on veut toujours évoluer" ..
3 - "Ce qui nous occupe le plus, nous paysans, étant donné que la vie devient de plus en plus dure, c'est l'argent .. oe On s'occupe du travailoù les rentrées d'argent sont les plus sûres, voilà pourquoi nousnous concentrons davantage à la culture du riz, (pour les autres produits ..... leur prix est tout à fait sous-évalué (en p~ticulier ceuxutilisés par l'usine)".
4 - "Le but du travail est pour moi, le suivant :entretenir et nourrir la famille,s'acquitter du devoir fiscal,être l'égal de ses semblables ..
5 - "Les paysans, s'ils ont de l'argent, n'ont que le choix entre deux POSl
sibilités : ou bien acheter des terrains ou bien des boeufs .. Cettedernière attitude est due à ce que nous ne voulons pas dépenser notreargent, mieux vaut donc l'affecter à des achats de boeufs .. Pour moi,les boeufs ont trois significations :
moyen de garder l'argent,- travailler les rizières et donner du fumier,- être abattu pour un mort.
6 - "Le vrai motif de ces grandes dépenses (cérémonies, fêtes ..... ) c'est dene pas me déshonorer vis-à-vis de mes compatriotes" ..
1 - " ..... Ces 500 frs affectés à cette modeste cérémonie (circoncision)n'avaient pas une signifioation propre" ..
8 - "Dans notre région, les dépenses folles affectées aux cérémonies seraréfient de plus en plus .. S'il y a des gens qui font des dépensesénormes, ce n'est pas qu'ils attribuent à cette cérémonie une signification propre, mais il y a là d'autres critères" ..
.. o.
..
a1-1
9 - "On a? depuis longtemps, souffert? alors si on a de l'argent en excédent? c'est normal si on fait une fête assez différente des autres"o
10 - "Tout cela (les frais engendrés par le travail communautaire) obligeparfois celui ou ceux qui ont un travail à faire en commun de préférer dépenser leur argent en salariés plutôt qu'en travail commun,car les frais engendrés par celui-ci sont plus importants et ilssont à l'abri des critiques des autres villageois"o
11 - "Je ne veux l'as que quelqu'un comme moi ait un stock (de riz) suffisant et que de ce stock il m'en vende une partie, alors que, de moncôté, ayant travaillé comme lui, je suis dans l'obligation d'acheterchez lui" 0
12 - "L'achat de boeufs est indispensable pour un ou deux boeufs mais pasplus et l'achat des objets modernes est lui aussi profitable, maisce qui nous manque le plus c'est l'esprit de risque: risquons unpeu et vous verrez que vous sortirez vainqueur"o
13 - "Acheter les boeufs à l'heure actuelle est une affectation inutilede revenu"
14 - ''Pour nous f'aysans? l'essentiel dans l'exhumation est le respect desancêtres o Mais (les fêtes et dépenses somptuaires) sont caractéristiques des habitants des grandes villes"
15 - "Les autres en vous voyant engTaisser un porc lancent avec ironie lesparoles suivantes: "Oh! le prétentieux, parait-il qu'il a envied'engraisser un porc, quelle ambition, nous ne voulons pas vendrenos provendes à cet ambitieux" 0
16 - "Fais attention car c'est le tanindrazana qui en supportera toutesles conséquences (des risques pécuniers encourus par l'achat de biensde production)".
17 - "On s'écarte un peu de la méthode traditionnelle, ce geste ne vousapporte rien, on suit la méthode traditionnelle, ce geste non plusne peut vous apporter quelque chose de profitable ooo Mais que faire,on n'a rien comme capital"o
18 - ''Pour moi, la raison qui me repousse à l'achat des objets modernes estla suivante: ces objets ont des multitudes de détails (sont trèscomplexes) qui égarent les paysans" 0 -
19 - "Le peu (d'argent) que nous avons à notre disposition, nous ne voulons pas le mettre à l'épreuve sinon c'est la misère totale pournous"o
•••
a1-II
II - Raisonnements économiques
1 - "En ce qui concerne les prix des produits, on dirait que le Fanjakanaest inexistant car il fait promulguer des cours officiels sans aprèsles surveiller ni les contrôler"
2 - " ••• On (les collecteurs) va acheter le kilo de leur riz traité à16 frs (au lieu de 25) et le pad~ à 8 frs (au lieu de 16)0Les paysans en apprenant ce prix n'ont pas voulu vendre mais quefaire devant les menaces de ces fonctionnaires (venant chercherl'impôt derrière les collecteurs) et devant votre devoir fiscal nonréglé vis-à-vis du Fanjakana".
3 - "Quand pourrait-on savoir quand on a bien travaillé? Cela se sait aumoment où on a fait une bonne économie, au moment où on a une épargnesuffisante".
4 - " •• 0 Si nous convenons de ne pas apporter de riz deux samedis de suite,crois-moi, c'est le district tout entier qui en supportera les conséquences, il y aura supplication d8s citadins aux paysans pour que cesderniers apportent leur production et il s'ensuit que le prix du kilo de riz augmente un peu" 0
5 - "Vous voulez dépenser pour un mort alors que les vivants s'habillentde haillons, ça c'est triste. Vous avez parlé également du moyen degarder de l'argent dans l'achat de boeufs: pourquoi voulez-vous quel' argen t res te intact, ne préférez-vous pas le reproduire".
6 - "Si j'ai de l'argent, j'améliorerai mes cultures ou bien j'achèteraid'autres rizières. Avec 10 0 000 frs, vous pouvez avoir un boeuf quivous reviendrait encore à 10.000 frs après 8 ou 10 mois. Moi, aveccette somme, je peux me procurer une petite rizière qui, non seulement m'appartient, mais me rapporte également une producfion annuelle.Ce cycle se répète et se renouvelle toujours et au bout de quelquesannées, la somme de 10.000 frs devient 100.000 frB."
7 - "On nous pousse à améliorer la production quand on a une épargne. Cependant le prix du kilo de cette denrée (riz) ne fait que diminuersans cesse! o.e Que le Fanjakana contrôle le prix, fasse respecterle cours officiel et, dans ce cas, nous SOmmes prêts à le suivreeVoilà pourquoi je préfère acheter des boeufs pour que l'argent queque j'y engage y reste intact et invariable à travers le temps. (Apropos du refus, du à la jalousie réciproque, de vendre entre p~san)g
"croient-ils que l'argent n'est pas le même ici et à Ambohimahasoa ?" 0
000
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8 - '~our nous, les boeufs ne sont pas une riohesse qu'on veut avoir ennombre considérable, mais c'est une sorte d'instrument qui garde intact la valeur de l'argent comme une malle, oomme le riz dans le grenier" •
9 - "Les boeufs ne rapportent rien : le boeuf qu'on aohète à 9.000 fmgdemaDde, si on veut l'engraisser pendant six mois, 5.000 fmg de manioc, 1.500 fmg de feuilles de pommes de terre, pourtant si on levend, le prix ne peut dépasser 15.000 fmgll •
a1-II1
III - Rapports avec l'Usine
1 - "Il n'y a pas de rapports directs entre l'usine et les paysans. Si elleavait des concurrents, peut-être ferait-elle attention".
2 - "Quant à l'usine, il n'y a pas de profit pour la masse paysanne, lemarché, oui, peut apporter un profit aux paysans" 0
3 "La vazaha achète à un prix. normal, mais l'intermédiaire nous exploite".
4 ''Pourquoi nous préférons vendre nos boeufs aux ".Ambaniandro" ••• mêmesi nous savons qu'ils nous exploitent davantage, car, là, nous pouvonsdébattre le prix. alors que là-bas (les intermédiaires de l'usine)~nous ne sommes au courant ni du poids, ni du kilo (prix au kilo ?)" 0
5 - "Ce que le paysans veulent, ce sont des hommes prêts à indiquer auxpaysans la bonne voie au point de vue économique".
6 - "Dans notre contrée, comme source de revenu, on ne peut ci ter que laculture d8 riz, en dehors de cela, on peut dire qu'il n'y a rien".
7 - "Depuis l'installation de cette entreprise, personne dans la régionn'aurait pu faire fortune si on travaillait uniquement pour le comptede l'usine. Heureusement qu'il yale marché".
8 - "Quant aux fruits o•• pour nous mieux exploiter on a inventé des tasde conventions, on a fait différentes catégories quant à la quantité_ooles fruits qui pourraient être achetés en première catégorie sontachetés à un prix de troisième catégorie".
9 - "L'usine est comparée à "un fils unique dans la famille qui fait à songré ce qu'il veut" c'est-à-dire qu'elle pratique de bas prix parcequ'elle a le monopole".
10 - "Une usine doit prendre directement les matières prem1eres dont ellea besoin aux paysans producteurs •• o L'usine n'a nullement l'intentiond'appliquer ce principe. Nous apportons notre production à l'usine;tout d'un coup, une semaine après, l'usine ne reyoit plus. Mais commenous commes paysans, comme notre conso~tion familiale est limitée,nous ne pouvons pas stocker, s'il s'agit de pêches par exemple. Alors,forcû nous est d'aller au marché et, là-bas, nous devons supportermalgré nous, n'importe quel prix ••• (car) nous voulons de l'argent. o •
Cette usine a été construite pour seulement une catégorie de gens:lE;s citadins."
000
..
~
1
a3-I
AMBATO-BJENI (a3)
(Zone rurale de Madagascar-Conserves)
l - But du Travail et Utilisation de l'argent
1 - "Après avoir 0U des boeufs ceux qui n'ont pas encore des terres enachètent et, après on s'occupe davantage de la nourriture".
2 - "Si on fournit des efforts parfois surhumains dans la vie pour le travail, c'est qu'on veut être l'égal de ses semblables"o
3 - "Je dois travailler beaucoup pour que je ne sois pas l'inférieur demes semblables, car si on est ~auvrep personne ne vous respecte plus".
4 - "Non, il n'y a pas de rression mais seulement l'envie des gens qui onteu beaucoup d'argent sur cette culture et le désir de les imiter".
5 - "La compagnie a beaucoup aidé à l'acquittement de l'impôt".
6 - "Mon mari ost en service (fonctionnaire ) et il ne va pas y resteréternellement, alors que nous avons planté dès maintenant car, tôtou tard, le jour viendra où on revient à la terre".
1 - "QR
Quelle est la raison de cette décision de cultiver?C'est simple, l'argent. J'ai tra~aillé seulement à l'usine toutd'abord, cela ne peut me suffire, alors j'ai décidé de prendre labêche pour cultiver tout en restant salarié de l'usine".
8 - "Cette culture (arachide) m'a permis de bâtir une maison, d'acheterdes boeufs".
9 - "Tout cela (le travail) afin que nous puissions accomplir et servirloyalement le "tanindrazanall
, nous àvons planté pour les enfants,pour les parents miBérables ll •
10 - "Oui, d'ailleurs, on ne peut laisser tomber ça (l'ancienne cultured'arachide), car cette culture devient une habitude presque indélébile" •
11 - "Je puis vous dire que l'usine peut apporter du profit aux paysans carelle d.is tribue de l'argent. Voilà le profit ll •
o. ft
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12 - "noi, je dois travailler pour que mes enfants ne restent pas paysanscomme moi. Car être paysan n'est pas mauvais mais il faut suer énormément pour pouvoir vivre aisément. Je dois travailler aussi avecacharnement pour être l'égal de mes semblables car si vous êtes troppauvre, on vous déconsidère et en fin de compte - cela est vrai pourtant - on doit travailler pour l' argen t du Fanjakana".
13 - 'Tour moi, (le but du travail) c'est d'acheter ce qui manque dans monménage tels que la terre - la charrue - la nourriture.
Q : "lIlettons qu'il vous arrive d'avoir 50.000 fmg, à quoi utilisezvous cet argen t ?".
14 -
15 -
16 -
R : "Moi, en premier, j'achète des vêtements pour la propreté, puisaprès, j'achète des boeufs pour les revendre un peu plus tardlorsqu'ils sont gras".
"Si j'ai 50.000 fmg, je les divise en trois parties. Avec un tiers,j'achète des boeufs, comme ça cet argent est thésaurisé - avec lesecond tiers, je m'occupe de mon ménage: vêtement et nourriture le dernier restant je le garde dans un coffre et, lorsque le momentde la culture arrive, je n'ai pas l'embarras de chercher de l'argent"o
"Etant donné que j'ai de l'argent qui me vient des produits de laterre, en premier lieu, j'en consacre une partie à la terre pour qu'ilne rapporte le double l'an prochaino Quant à la seconde partie, ellesert à l'achat de nourriture et d' habillement pour la famille" 0
•17 - "Noi, si j'ai cet argent, j'achète des terres, une charrue pour que
mon travail à l'avenir soit plus efficace et que cet argent me revienne à callse de cela. Après je ferais profiter mes enfants des études" •
18 - "Cette culture de tomate ovaJe est une culture récente, l'année deI\nière, nous n'avons fait qu'observer et cette année-ci, nous l'avonsfait pour constater si vraiment elle peut nous apporter quelquechose. Maintenant cette constatation est satisfaisante, nous sommesprêts à en cultiver et l'année prochaine et les années à veniro Etsi vous voulez savoir la profonde raison qui m'a poussé à le faire,c'est simple : l'argent. Pour nous paysans tout ce qui peut procurerde l'argent nous intéresse vivement"o
000
'...,
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II - Raisonnements économiques
1 - "J'ai fait comme à l'accoutumée des tomates rondes car les tomatesovales sont trop bon marché et nécessitent des frais énormeso. a
l'usine les prend à 125 fmg la caisse alors que les frais de charrette nous reviennent à 75 fmg et ceux de pirogue à 10 fmg, alorsforce nous Gst de nous abstenir".
2 - "La terre est mauvaise, inaccessible à l'eau et si j'avais persisté à.en planter c'est sûr que j'aurais eu un grand déficit"o
3 - "Oui il Y a beaucoup qui en ont fait car ils ont su que cette cultureleur apporte un avantage, d'ailleurs la vie est de plus en plus duresi bien qu'on est obligé de faire quelque chose d'autant plus quela culture du riz n'est plus rentable".
4 - "On doit tout faire, car en culture, il n'y a rien de sûr, si vousnd faites qu8 de la tomate ovale par exemple et que la saison estmauvaise,où irez-vous? Alors que si vous faites deux ou trois cultures, au cas où l'une d'elles est mauvaise, il y a l'autre qui peutvous sauver. D'ailleurs j'ai fait de la tomate ovale car cette culture est toujours satisfaisante qu'il y ait ou non assez de pluie".
5 - "Ce qui nous gêne un peu, nous autres paysans, c'est que l'arachiden'a qu'un seul débouché, cela freine l'augmentation des prix".
6 - "La rentrée d'argent par l'arachide est minime : d'une part il y a lesimpôts, les tickets et d'autre part les frais de culture".
7 - "Si jamais l'arachide ne marche pas, la tomate ovale peut me sauveret vice-versa car c'est une calamité si les deux ne marchent pas ensemble" •
8 - "Vous savez bien qu'à l' heure actuelle, la vie est de plus en plus difficile et si jamais dans votre entreprise vous loupez quelque chose,c'est le néant pour vous 0 Pour prévoir tels cas, il faut au moinsdeux cultures comme l'arachide et la tomate ovale ou ronde car elleest facile à faire et rapporte beaucoup et l'arachide car elle donnedes feuilles pour les boeufs"·
9 - '~uisque vous avez parlé de riz là, je tiens à vous dire qu'on ne peutpas délaisser cette culture, car si vous faites uniquement la tomat~
ovale et l'arachide ou les deux et vous négligez le riz, c'est lafaillite pour vous car, bien que vous ayez beaucoup d'argent et si aucun paysan ne produit du riz, c'est la faim pour tout le monde"o
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10 - "Il n'y a que les boeufs qui puissent nous sauver avant tout car nonseulement ils nous aident dans le travail mais après ils sont, commeon dit, notre malle. S'il n'y a pas de boeufs, on ne peut rien faire,ni avenir des enfants, ni achat de terre".
11 - "Je ne suis pas d'accord avec vous, car pour moi, même sans boeufs,je peux m'en sortir dans la vie. Pour moi, ce qui Gst important,c'est la terre et l'avenir des enfants. La terre, p~ce qu'une terreque vous achetez 10.000 fmg, si vous arrivez à la travailler convenablement, peut vous rapporter 100.000 fmg, alors qu'un boeuf à10.000 fmg c'est tout à fait exceptionnelsi vous pouvez le vendreà 15.000 fmg. Alors moi, je vous dis: la terre est plus importanteque les boeufs. Je le dis également pour l'avenir des enfants, carsi vous laissez des enfants ignorants, même si vous avez de nombreuxboeufs, ils vont les vendre à leur gré car ils seront dupés par ceuxqui seront mieux éclairés qu'eux".
12 - "Mais cependant nous ne pouvons pas suivre ce conseil du Fanjakana(de planter la tomate ovale) car nous habitons loin de l'usine etsi nous produisons la tomate ovale nous allons être alourdis par lesfrais de iransport en voiture et en pirogue".
13 - "L'usine en venant s'installer ici compte avoir des profits mais pouren avoir il faut qu'elle distribue de l'argent et nous, p~sans,
pouvons être bénéficiaires".
14 - "Ici ou là-bas, on peut avoir de l'argent étant donné que l'argentest partout"
00.
•..
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a3-III
III - Rapports avec l'Usine
1 - "L'usine aurait du élever son prix ••• car nous SO!nrles lésés et elle a,depuis son installation, pu faire déjà un grand bénéfice".
2 - "Je crois que la compagnie est indispensable ••• car elle a établi unefois pour toutes le prix du kg"
(A propos de la concurrence de tomate ovale et la tomate ronde)
3 - "Oui, le kilo de tomate ronde est de 40 fmg et celui de tomate ovalede 5 fmg, ça je l'admets. Cependant, le prix du premier est variable,voilà le premier défaut. Secondement, le rendement n'esi pas le même:un hectare de tomate rond0 ne donne que 8 tonnes au maximum alorsqu'un hectare de tomate ovale peut donner au minimum 25 tonnes, voilàle second défaut. Les débouchés en tomate ronde sont aléatoires: sivous avez de la chance, vous pouvez avoir des acheteurs au moment mêmede la récolte, si vous n'en avez pas il Se peut bien que vos produitspourrissent dans les champs ou les cageots, voilà le troisième défaut Q
Donc il n'y a aucun intérêt à faire la tomate ronde car là tout estaléatoire prix variable - tonnage inférieur et débouchés non assurés".
4 - "L'usine, dans la région, est comme un don de la Providence. Elle apartagé l'année dernière plus d'un million de francs, avec ce million,les gens, les pqysans surtout, ont pu écarter beaucoup de problèmeset de soucis".
5 - "Je n'ai pas encore fait (d<.l tomate ovale) car j8 suis en période decomparaison, mais maintenant que je suis en mesure de connaître toutde cette cultur5, je pourrais commencer l'année prochaine".
6 - "La compagnie ne nous aide pas, surtout nous paysans. Par exemple surla question de sacs, non seulement on ne nous les donne pas facilement, mais il faut des jours et des jours pour les avoir. Au momentde la pesée, il faut attendre 3 ou 4 jours et nuits pour avoir sontour" •
7 - "C'est seulement l'année prochaine que je suis capable de vous dire sila présence d'une usine est un bien pour nous" (planteur de tomatepour la première fois)
ooe
a3-II1
8 - "Oui, il se peut qu'il Y ait un profit pour nous car l'usine est àproximité de nous, nous n'avons plus de difficultés pour écouler nosproduits". "L'usine est indispensable et c'est une bonne idée de lapart de l'Administration car les paysans ne vont plus ailleurs pourvendre leurs produits".
9 - Q : "Alors vous êtes bien content qu'il y ait deux entreprises (ausens large du terme) chez vous, l'une pour la tomate ovale, l'autrepour l'arachide ?"
R : "Tout à fait content, car au moment de la récolte, on ne se casseplus la tête pour trouver des débouchés, on a des acheteurs à proximité" •
10 - Q
R
Q
"Est-ce qu'elle (la Compagnie) vous aide matériellement ?"
":r~on"
"Et l'usine, est-ce qu'elle ne vous aide pas ?"
R "Elle, oui, elle s'occupe de nous, elle fait venir un agent pourvoir si des chenilles attaquent nos plantations Gt qu'elle envoie cemême agent pour mettre des médicaments au cas où il y a effectivementdes chenilles".
Q : "Que voulez-vous,si on vous laisse choisir, la Compagnie ou l'usine ?"
R : "C'est l'usine, car un proverbe dit: "cE::lui qui rend visitefréquemment aux parents est aimé des siens".
Q : "Alors approuvez-vous les conseils et l'aide l"1atérielle de l'usine ?"
R : "Nous les approuvons bien car cette action va dans le sens de nosintérêts: c'est pour notre bien si elle dit de mettre à l'abri lesplants, de prendre des médicaments".
11 - Q : "Si jamais on vous fait payer les semences, persistez-vous encoredans cette culture de tomate ?11
R : "C'est-à-dire, à l'instar de la coopérative, eh bien si nous trouvons encore du profit, nous en ferons encore".
Q : "Et si jamais aussi, on vous fait payer les médicaments, qu'enpensez-vous ?11
R : -Dans ce cas-là, c'est à nous de juger, si nous pouvons encoreavoir du bénéfice, nous cultivons, sinon nous consacrerons nos efforts à d'autres cultures plus rentables que celle-cil1 0
•••
..
•
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12 - "Dr1 sait à priori que, en cultivant la tomate ovale, on est sûr qu'ily a une usi.ne qui peut les recevoir. Voilà un atout E,lflsentiel. Si,en cultivant, on ne savâit pas à qui vendre, ce sera;t difficile etpresque inutile. Cette remarque raste valable pour l'araohide, il ya là la Compagnie. Ce n'~st donc pas difficile d'en fair~, car l'acheteur est prêt à recevoir ce que vous produisez".
13 - 'fSi l'usine é'.est implantée là, CE: n'est pas seulement elle qui peutavoir du profit, mais les paysans aussi auront leur part" •
14 ... HLa p~ésence d'une usina est indispensable car elle donne à certainsgens du salaire et elle procure aux paysans des ressourc~s supplémentaires" •
15 - Q : "Il paraît que vous p~sans d'ici êtes réfractaires à l'assistancetechnique dG l'usine, est-cE: vrai 1"
R : "Ceci c'est du mensonge, ce que nous p~sans regrettons bien c'estle geste de l'usine et de la Compagnie qui nous délaissent et ne surveillent pas nos travaux. On sait bien que les paysans ne savent pasfaire une culture tout à fait moderne, il faut qu'il y ait quelqu'unde compétent tel que l'us ine ou la Compagnie pour leur montrer labonne voie".
"Passons à autre chose, car ce que vous dites là est un faux. bruit,~u oontraire, nous voulons qu'on nous regarde do près car, nous-mêmespaysans, nous employons dl;: vieilles méthodes qui sont moins rentables"
16 - Q t hErl. quoi consiste vraiment l'attachement que vous avez à la Compagnie ?"
R s -Nous voulons ia Compagnie, car le débouché est sûr".
17 ... "L'uàine est tout à fait utile pd11±' nous paysans étant donné qu'ellene peut pas fonctiohner sans les produits que nous faisons et encompensation, nous avonS dci l'argent qui est utile à notre axistence".
18 .. "L'usine est tout à fait importante pour la région, oar, non seulementelle reçoit les produits fournis par les paysans mais également elleembauche des travailleurs".
19 ~ '~ourquoi ne pas se réjouir lorsqu'une usine apparaît dans la région?Quand elle n'existait pas, pour avoir de l'argent, il fallait cultiver seulement la tomate ronde et l'arachide, maintenant que l'usineest là en plus de ces deux. moyens de ressource on a celle provenantde tomate ovale" ..
• ••
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20 "Tout le monde veut être aidé dans son travail et pourquoi pas nous ?"
21 "Q "EteJs-vous hostiles à toute forme d'aide de l'usine ?"
'Il
R : "Tous ceux qui lancent ce bruit sont des menteurs, nous voulonset nous souhaitons l'aide plus fréquente de l'usine parce que, entant qul;i paysans, nous ne savons pas faire une culture d'un8 façontout à fait parfaite, c'est l'usine seule et ses agents qui peuventnous guider lorsqu'une maladie vient frapper notre culture et c'estelle également qui veut savoir si notre terre n'est pas bonne pourla tomate ovale"o
22 - 'Tar exemple pour l'arachide tout le monde sait que l'année va êtredure, donc également la Compagnie, pourtant elle n'a pas envoyé desagents pour voir nos cultures, ne serait-ce que pour nous faire prendre des précautions vu la dureté de l'annéeo Ce que nous voulonsaussi de vous, c'est que vous parliez avec la Compagnie pour qu'ellemette, comme l'usine, des agents à la disposition de ses planteurs".
23 - "Si l'usine n'existe pas, il n'y a personne qui puisse prendre latomate ovale ; vous voyez les producteurs de la tomate ronde et leurspréoccupations à la veille de maturité d0 la récolte, un mois ou deuxmois même avant que les tomates rondes soient mûres, il faut trouverles débouchés et les acheteurs pour que les produits soient vendusà un prix réconfortant" a
24 - 'Tour moi, l'intérêt que je peux avoir dans l'installation de l'usinec'est la sûreté du débouché tout d'abord. Puis après, puisque noussavons que le prix est de tel, ce qui nous permet de faire dès maintenant nos "comptes" personnels si nous avons fait tant ou tant d'hectares. Enfin l'unité de prix pour tout le monde qu'il connaisse quelqu'un ou non, un tel doit vendre au même prix qu'un pauvre paysan".
25 - "Au moment de 1'inauguration officielle de cette usine par le PrésidentTsiranana, il s'est exprimé de la façon suivante: "Cette usine a.été conçue pour vous paysans". Pourquoi il se permettait de parlerainsi? parce que dès qu'une usine s'implante dans une région, leprincipal souci des p~sans est écarté: la difficulté des débouchés.Ce souci exclu, la culture va de soi-même, si celle-ci peut procurerdu revenu suffisant pour les paysans".
26 - "000 Toute culture, surtout si elle est préconisée par l'usine estbonne.a. A ce moment-là, cette idée n'était pas encore dans ma tête,mais seulement après avoir constaté à l'heure actuelle le rendementque je pourrais tirer de cette culture que j'arrive à comprendre età raisonner ainsi".
o • 0
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27 - "D'après moi, il vaut mieUX faire plusieurs cultures car Dieu seulsait si la saison sera bonne ou mauvaise. Si vous faites plusieurscultures, si l'une ne marche pas, l'autre peut vous sauver •••D'ailleurs il y a ih~érêt pour moi de faire cette culture oar l'usinequi doit recevoir nos produits n'est plus à cheroher dans un lieuéloigné" •