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TimothyBeresfordestl'undesmultimilliardaireslesplusenvuedelaplanète:jeuneetinsolemmentbeau, il est à la têted'une fleurissante entreprise et s'investit dans l'humanitaire.Sa fortune fait desenvieux, sa société est en danger, et il ne peut faire confiance à personne, à l'exception de MilaWieser,unejeuneetambitieuseavocated'affaires,quiseraprêteàremuercieletterrepourl'aider.Entre les deux jeunes gens, le coup de foudre est immédiat et une relation torride s'installe.MaisTimothy n'est pas un homme simple, et l'apprivoiser semble tout aussi complexe que déjouer lecomplotquivisesesactifs.Heureusement,Milaestd'uneténacitéhorspair.Découvrezl'universsensuelettrépidantAnnaChastel!

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Loveme(ifyoucan)

DamonLennox,milliardaire, tatoué et tellementmystérieux, débarquedans la vie rêvéed'Adèle etjettesondévolusurelle.LaFrançaisepensaitavoirdéjàtouchélejackpot:unnouveaudépartàSanFrancisco,unfiancébrillantetpleinauxas,unrestaurantfrançaisquicartonne,desemployésqu'elleconsidèrecomme la famillequ'ellen'apas.Mais l'attraction est trop forte et le danger tropgrand.Adèleva-t-elletoutrisquer?Quecachelemilliardairetatoué?Qu'est-ilvraimentvenuchercher?Sila vengeance est un plat qui se mange froid, la passion, elle, se dévore tant qu’elle est brûlante.Savourez lanouvellesériedeFelicityStuart,quidonnepour lapremière fois laparoleà sesdeuxhérosdansunéchotroublant,gourmand,palpitant.

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Lucie Lerner, brillante étudiante en architecture, est sélectionnée pour le prestigieux concoursGoldstein.Elle s'envolepourMalteoùont lieu lesépreuvesdequalification.Mais lesémotions, levoyage, lachaleur...et làvoilàquitombe,évanouie,danslesbrasd'unséduisantinconnu...quin'estautre que Christopher Lord, le parrain du concours. La ravissante jeune fille se laissera-t-elleenvoûterparlecharmemagnétiquedumilliardaire?SuccombezàlanouvellesagaérotiquedeHannahTaylor,unesériedanslalignéedeCentfacettesdeMrDiamonds,oùunejeunefemmequiignoretoutdel'amourpartàlarencontredesondestin...

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Emma Green a encore frappé ! *** "Multimilliardaire recherche nanny." *** En débarquant àLondresavecsasœurjumelle,Sidonies'attendaitàtoutsaufàdevenirlanounoudeBirdie,lapetitefille capricieusedu richissimeEmmettRochester.La jeuneFrançaise vient deperdre samère, sonnouveaupatronpleuresafemme,disparuedeuxansplustôtdansunviolentincendie.Cabossésparlavie,cesdeuxcœursmeurtrissesontendurcis.Leurcredo:pourneplussouffrir,ilsuffitdenerienressentir.Maisentreeux,l’attiranceestfataleetlacohabitations'annonce…explosive.Objectifnuméroun:nejamaiscéderenpremier.Objectifnumérodeux:nepastomberamoureux.Lequeldesdeuxflancheralepremier?

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«Personneneviendranousdéranger.Rienque toi etmoi.Tune sais riendemoi,Anna,mais j'aicompris qu’il fallait que je te dise qui je suis et quelle estma vie, si je veux avoir une chance derentrerdanslatienne.»JusteavantdequitterlaFrancepourcommencerunenouvellevieàNewYork,AnnaClaudel,25ans,faitlaconnaissancedeDaytonReeves,leguitaristed'ungroupederock.Attractionanimale,attirancemagnétique…lesdeuxjeunesgensseretrouventbienviteentraînésdansunespiraledesentimentsetd'émotions.QuandAnnaréalisequ'ellenesait finalementpasgrand-chosedeDayton, intriguéeparsontraindevieluxueux,sesmystérieusesabsencesetsessilencesinexpliqués,ilestdéjàtroptard…EtsiDaytonn'étaitpasceluiqu'ilprétendaitêtre?LaissezvousentraînerdanslanouvellesériedeLisaSwann,auteuredePossédée,quiadéjàconquisdesmilliersdelecteurs!

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AliceKinney

VAMPIREBROTHERS

Volume1

1.Mystérieuxinconnu

Celafaitdixminutesquej’airetrouvéIrisàl’entréeducampusdel’universitédeMissoula,dansleMontana.Nonpasque je la retrouveaprèsune longuecoupureestivale : je l’aivuehiersoir,nousavonsbuunverre,ellearencontréuntypeavecquielleestpartiepasserlerestedelasoiréeetm’adonné rendez-vous ici à9heures.Depuisquand sommes-nous inséparables ?Probablementdepuisque nous nous sommes rencontrées à l'école élémentaire. Pour moi qui suis fille unique, Iris estcommeunesœur.

Unesœurtrèsbavarde,quandmême!

Ilest9h10etnoustraversonslegrandparcducampusversl’entréedelafac.Jecontemplelesgrandespelousesvertesombragéespardegrandsérables, ledédaledesbâtimentsdebrique rougequiformentlessallesdecours,derecherche,etleschambrescommecellequ'Irisetmoipartageons.Lecampusestencaisséaumilieudesmontagnes,etcet îlotdeculturehumaine formeuncontrastesaisissantaveclanaturesauvagequil'entoure.

MaisIrisnemelaissepasletempsdemeconcentrersurlabeautédusite:ellen'arrêtepasdemerebattrelesoreillesaveccetueurensériequiafaitdéjàquatrevictimesdanslarégioncetété.

–Toutesdesjeunesfillesdevingtans,Deva,tuterendscompte?Commenous!–Commentest-cequ’illesatuées?–Deva?Tuneregardes jamais les infos?Tun’asplus la téléouquoi? Il lesavidéesde leur

sang!

Non, je ne regardepas la télé.Et non, cegenred’informationnem’intéressepas.Alorsqu’Irissemblesedélecterdumoindreévénement,fut-ilsordideouglauque,quivientromprelamonotoniedenosexistencesprovinciales,jetrouvequecettehistoirefaitplutôtfroiddansledos.

– Et tu sais quoi, Deva ? Toutes ces filles, c’étaient de jeunes blondinettes, toutes orphelines,exactementcommetoi!

Voila, elle a réussi à me faire peur pour de bon avec sa blague de mauvais goût. Iris est mameilleureamie.Ellerespirelajoiedevivre,ellerendlaviepluslégère,etjepeuxcomptersurellepourmeremonterlemoraloupouréchangerdesconfidences,maispouravoirdutact,çanon.

–Jetesignale,machèreIris,qu’onnesaitpassijesuisorpheline.J’aiétéadoptée,c’estdifférent,j’aipeut-êtredesparentsbiologiquesquelquepart,quisait?

Ellerit,priseendéfaut,avantdechangerdesujetdeconversation.

–Plussérieusement,tamère,est-cequ’ellevamieux?

Non,décidémentIrisColen’aurajamaisdetact,elleestbientropspontanéepourça.Jesensmes

yeuxquisemettentàmepiquer.

Ohnon.Non.Jeneveuxpaspleurer.Paslà.Paslematindelarentrée,alorsquej’aidécidéquecetteannéeseraitunebonneannée.

Je prends une grande bouffée d’air pour défaire le nœud qui s’est formé dansmon ventre à laquestiond’Irisetjeluiréponds:

–Çava çavient, tu sais.Elle apu sortir du lit pourqu'onprenne lepetit déjeuner ensemble cematin,onauraitpresqueditqu'elleallaitmieux!

J'ai essayé de prendre un ton enjoué pour aborder le sujet, mais il m'est toujours compliquéd'évoquer la maladie de ma mère, et le cancer contre lequel elle se bat depuis plusieurs années,alternantdesphasesderémissionetderechute.C'estpourcetteraisonquejemesuisinscriteàlafacdeMissoulapoursuivremoncursusd'histoiredel'artetpourresterprèsd'elle.J’aitoujourseudesfacilitéspourapprendre.Jenemeconsidèrepascommemeilleureouplusintelligentequelesautres,mais j’imagineque jesuiscequ’onpourraitappeleruneélèvebrillante.À la findemonannéedeterminale,j'auraispuintégrerdeprestigieusesuniversitéscommeHarvardouPrinceton.J’auraispuétudier là-basetdevenirchercheuse, travailleravec lesplusgrands.Mais jeneveuxpasquittermamère.Mêmesielleainsistépourquejeprofitedemavied'étudianteetquejeprenneunechambresurlecampusavecIris, jen'aipaspumerésoudreàmettredescentainesdekilomètresentrenous.Elleétaitcélibatairequandellem’aadoptée,etellem’aélevéeseule.Elleest toutceque j’ai,et jeveuxl’accompagnerdanscetteépreuvequ’estlamaladie,quellequ’ensoitl’issue.

Etmesyeuxquiseremettentàmepiquer…

Ilfautquejechangedesujetetvitesijeneveuxpasm’effondrer.

–Tunem’aspasditcequetuprévoyaispourcetteannéeàlafac,aufait.Tucontinueslethéâtre?

Irisahésité tout l'étéquantauxmatièresqu'elleallaitprendre,et finalementellenes'estdécidéequecematin.Tellequejelaconnais,elleadûremplirlesformulairessurInternetdixminutesavantlaclôturedesinscriptionsenligne!

–Le théâtre?Pourmeretrouveravec tousceshasbeenquipensentqu’ilsvontdevenirScarlettJohanssonouBenAffleck?Sansfaçon.Non,cetteannéej’aidenouveauxplans:jevaisapprendrelegrec ancien, répond Iris en fermant les yeux et en levant son doigt d’un air inspiré qu’elle penseprobablementêtreintellectuel.

–Le grec ancien ? Tu t’intéresses aux langues anciennesmaintenant ? lui demandé-je, d'un tonstupéfait.

Jesuisplusquesurprise,j’aidumalàrestersérieusedevantcettenouvelle.Irisaussid’ailleursàenjugerparlesourireamuséquiilluminesonvisagedepoupée.

– Parfaitement, mademoiselle White. Le grec ancien a su trouver des arguments pour meconvaincre.

Endisantcesmots,Irismedésignedumentonetavecunclind’œilentenduleprofesseurArcherTaylorquienseignecettematière.Unetrentained’années,grand,unesilhouettecarrée,descheveuxbruns, il porte des lunettes de soleil et une veste en cuir qui accentuent la ligne puissante de sesépaulesetquiluidonnentunairunpeurebelle.Ilsetourneversnous,etenapercevantIrisilluilancefugitivementunsourirecharmeurquidécouvresesdentsbrillantesetparfaitementalignées.Oui, leprofesseurArcher,quoiquen’étantpasspécialementmongenre,aquelquechosedetrèsconvaincantpourattirerdenouvellesélèvesdanssoncours!

–Jetelaisse,meditIrisàlahâte.Jenevoudraispasêtreenretard,unefilleaussisérieusequetoicomprendrabien,meglisse-t-elleenmefaisantunsourirecomplice.

Etjelaregardes’éloigner,sescheveuxrouxglissantssursesépaulesenboucleschatoyantes,soncorpssouplesemouvantentrelafouledesétudiantscommeceluid’unechatteentredesbibelots.IrisCole.Mameilleure amie depuis l’enfance etmaintenantma camarade de chambre. Il y a quelquechosedesolairedanscettefilletellementsûred’elleetquicroqueleshommesetlavieavecfièvreetpassion. J’aimerais être comme elle. J’aimerais avoir plus confiance en moi, être capable de melaisser aller au lieu de toujours faire ce qui est raisonnable. J’aimeraismoi aussi être capable demarchercommesijeportaisunecouronneinvisiblesurlesommetdematête.

Allez,Deva,cetteannée,c’estaussi tonannée.Finidese laisserabattre.Relève le front,prendsunegrandeinspirationetavancetoiaussicommeunereineparmilafoule!

D’ailleurs,ilestl’heurepourmoiaussiderejoindremoncoursdelamatinée.Drapéedansmonairdignedecettenouvelleannée,j’entredansl’amphithéâtreoùvaavoirlieumoncourssurlesartsantiques.J’ajustemadémarchealtièrepourprogresserdansl’escalieretmonterdansl’amphithéâtre,et….Aaaahhh!

P*****,lahonte!

Je m’étale de tout mon long dans les marches de l’escalier. Et avec ça je sens que mes jouescommencentàmebrûler,jedoisêtretouterougepourcouronnerletout!

Nooon,paslepremierjour!!!

Lefeusurmonvisagemegênetellementqu’ilm’estpresqueplusdouloureuxquemesgenoux!Siseulement je pouvaisme faire toute petite etme cacher dans un trou ! Je suis horriblementmal àl'aise, et les gloussements étouffés que j'entends de la part de quelques étudiants de l'amphin'arrangentrien!

–Toutvabien?

Unevoixchaudeetsensuellevientm'arracheràmespensées.Jelèvelesyeuxet jesuispétrifiéeparlavuedeceluiquiaparlé.Bienqu’ilsoitassis,ondevinequ’ilestgrand.Samâchoirecarrée,sesépaulessolidesetlargescontrastentunpeuaveclatenueélégantequ’ilporte,unpolobleumarineetunjean.Iladescheveuxcourtsetchâtains,etsurtoutdesyeuxd’unbleud’acierquiplongentdanslesmiens.Jesensmoncœurbattredeplusenplusviteetjeneparvienspasàmedétacherdesonregard.Mesgenouxsedérobentsousmoi,etsijen’étaispasdéjàparterre,jeseraispeut-êtreencoretombée,

maladroitecommejesuis.Commeondoitsesentirsolideappuyéecontreuncorpscommelesien…

–Toutvabien?répète-t-ilavecquelquechosed’unpeupluspressantdanslavoixquimetireunenouvellefoisdemarêveriecontemplative.

C'estàmoiqu'ilparle?!

Ilestbeaucommeundieu,maisiln’apasesquisséunseulmouvementpourm’aideràmerelever.Àcôtéde lui, un autre jeunehomme, sansdouteunami, fixe également surmoideuxyeuxbleus,froids et interrogateurs. J’avalema salive et tente de rassembler ce qu’ilme reste de dignité pourreleverlatêteetmeremettresurpieds.

– Ça va très bien, merci beaucoup pour ton aide, lui lancé-je d'un ton sarcastique, avant deremonterenhautdel’amphithéâtreetdem’asseoirdansuncoin.

***

Qu’ai-jeretenudececoursinitialsurl’artantique?Pasgrand-chose,jelecrains.Quesais-jedecet inconnu?Qu’ilestcanon,quecontrairementàmoi toussesmouvementssontsûrs,quecesoitquandil joueàfairetournersonstyloentresesdoigts,quandilsepencheverssonvoisinpourluimurmureruneplaisanterie,quandilsepasselamainsurlanuquepourétirersoncorpsprisonnierdesapositiond'étudiant appliquépendant trop longtemps, ou lorsqu'il fait glisser ses doigts dans sescheveuxchâtains.

J’aipassélesdeuxheuresquiviennentdes’écouleràleregarder,enluilançantdescoupsd’œildérobésaudébut,puisencédantàlacontemplationetenlaissantcomplètementtombercequin’étaitpaslui.Lui,lemuflequim’alaisséeseulemereleveretramassertoutesmesaffaireséparsesdanslesescaliers,soitditenpassant.Jen’ai jamaisressentiuneattirancepareillepourunhomme.J'aibeauessayerdem'enempêcher,monregardestirrésistiblementattiréverslui.

Lafinducoursarrive,etjeveuxsortirleplusvitepossible,quepersonnenemeremarque:horsdequestionderester«lafillequiesttombéeaupremiercoursdel’année»jusqu’aumoisdejuin.Jeramasse tousmes livresetmes feuillesd’unemainhâtiveet lesempiledans lecreuxdemonbrassansmêmeprendre lapeinede les rangerdansmonsac.Maisàpeineai-jepassé laportequemeslivresm’échappentetserépandentavecunbruitsourdàterre.

Ohnon,pasencore!!?Pourladiscrétion,c'estraté!

Jenesaispassi jedoisrire,oupleurer,oumesauveret rentrerchezmoiachever tranquilleaufonddemonlitcettehorriblepremièrejournéederentrée.Jem’agenouilleetcommenceàramassermesaffaires.

–Lajournéerisqued’êtrelongue!

Cette voix suave qui prononce ces mots d’un ton compatissant me fait un effet au creux del’estomacquinemelaissepasdedoutesurceluiquialaissétombercesmots.Jelèvelesyeux.Ila

pliéungenoupourêtreàmahauteuretmetendundemeslivres,maisilresteplusgrandquemoietjedoisleverlatêtepourleregarder.Ilsouritetsembleamusé.Moqueurpeut-être?Monbelinconnua cette fois daigném’aider. Je ne peuxm’empêcher de lui sourire, et une fois de plus, jeme sensfollementattiréepar lui,d’autantquejesuisassezprochedeluipoursentir l’odeurdélicieusementvirile qui se dégage de son corps. Jem’imagine déjà plongeantmon visage dans son cou afin depouvoirlerespirertoutmonsoûl…

–Tristan,tuviens?

C’est sonamiquiaparlé, celuiquiétait assisàcôtéde lui. Ilme jetteun regard froid.Son tonlaissepeudeplace à la contradiction.Mon inconnu se lève et romptbrusquement le charmequi abrièvementsembléopérerentrenousdeux.Jemesensfrustrée,laisséesurmafaim,jesouhaiteraisqu’il revienne et, enmême temps, j'avoue que jeme sens libérée de l’effet si puissant qu’il a surmoi…Jeleregardes’éloigneret,toutenpartant,iljetteundernierregardversmoi,par-dessussonépaule.

Tristan?J'espèreterevoirtrèsbientôtalors,etsanstombercettefois!

2.Troppourmoi

–Devinequiarendez-vouscesoiravecArcherTaylor?

Lesouriretriomphantetl’airravid’Irisquimerejointàlacafétériaoùnousnoussommesdonnérendez-vouspourdéjeunerlaissentpeudeplaceàladevinette.

–Déjà?Maisiln’estpasunpeuvieuxpourtoi?–Commentvieux?Biensûrquenonvoyons,ildoitavoirunetrentained’années,etpuistusais,je

suistrèsmûrepourmonâge,onmel’atoujoursdit.J'ensaisdéjàbeaucoup,continueIrisavecunelueurdansl’œilquienditlongsurlegenredetalentsdontelleparle.EtpuisarrêteunpeuDeva,medit-ellegentiment,n'essayepasdemecontamineravectonstyledeviedebonnesœur.Etnemedispasquetucomptesencoreteterrerseuleàseuleavectesbouquinscetteannée!m'avertit-elle.

IrisaimemerappelerquemondernierpetitcopainOliverKaneremonteautoutdébutdel’annéedernière.Çaadurédeuxmois,etpuisj’aibiendûouvrirlesyeux:jeneressentaisabsolumentrienpour ce jeune garçon niais et fade qui me regardait avec adoration et entre les bras de qui j’aidécouvert le sexe… Je lui ai donc rendu sa liberté, pour replonger dans l'étude des arts avec uneferveurrenouveléeparmadéception.Leshommesfinalement,c'esttrèssurfait.

Mêmesimarencontredecematinpourraitmedonnertort…

J’ouvrelabouchepourluirépondreavecassurance:

–Non,cetteannée,jeveuxchanger,jeveuxvivrepleinementmavie,jeveux…

Jem’interromps,parcourueparunfrisson.Ai-jesentisaprésenceavantdelevoir?A-t-ilfaitunbruitquiaattirémonattentionmalgrémoi?JemeretournejusteaumomentoùTristanentredanslacafétériaàsontour,toujoursaccompagnédesonacolytedecematin.Jelesuisdesyeux,fascinéeparlaforcequisedégagedesafaçondesemouvoir.Ilaquelquechosed'unprédateuretenmêmetempsquelquechoseaussid’infiniment rassurant.Alorsque je le fixe, lesoufflecourt, lecœurbattant, iltournelatêteetm’aperçoit.Maissoudain,unedouleurfugacemelancedepuismamainetj’étouffeuncri.

Maisc'estpasvrai!

Perdue dans mes pensées à regarder ce type qui se fiche pas mal de moi, j’ai fait un fauxmouvementetjemesuisentaillélapaumeaveclecouteauquej’avaisàlamain.JerelèvelesyeuxjusteassezrapidementpourvoirTristandétournerrapidementsonregarddemoi,avecunairagacé.Je levoisdirequelquesmotsà sonami,mais je suis trop loinpourentendrecequ’il luidit.Moncœurseserre.

Moiquivoulaisvivrepleinementmavie,çacommencebien!Ildoitvraimentmeprendrepouruneidiote!

–Toutvabien,Deva?medemandeIris.–Oui…oui,jemesuiscoupée,c’esttout…réussis-jeàbafouiller.

J’ai beau avoir toujours à l’esprit le regard énervédeTristanquand ilm’avue, je nepeuxpasm’empêcherdetournerlatête,unedernièrefois,justepourl’apercevoir.Irissurprendmongesteetsontonsefaitanormalementsévère.

–Ilteplaît?Laissetomber,jelesenspascetype.

Iris qui n'aime pas un mec ? Et qui ne me pousse pas dans les bras du premier venu ? C'estnouveau,ça!

Jelaregardeétonnée.

–Qu’est-cequetuveuxdireparlà?Tuleconnais?–Non,pasvraiment,jenesaispas,jelesaicroisésdanslescouloirs,sonfrèreetlui,maisjete

jure,ilnem’inspirepasconfiance.Ilsontquelquechosedeflippant...–Commenttusaisquec’estsonfrère?

Irissembledécontenancéeetmefaitunsouriregênéavantdebafouiller:

– Je ne sais pas, regarde, ils sont toujours ensemble… et puis leurs yeux… ils sont du mêmebleu…Etpuisilsontunairdefamille,tunetrouvespas?

–Oui…Oui,maintenantquetuledisc’estvraiqu’ilsontlesyeuxexactementdelamêmecouleuretlemêmeregard,jen’avaispasremarqué.Tuaspeut-êtreraisonaprèstout.Etpuisc’estvraiqu’ilal’airspécial.Voireunpeugrossiersurlesbords:cematinj’avaisuncoursaveclui;j’aitrébuchéetje suis tombée à ses pieds dans l’amphi, et il n’a pasmême esquissé un geste pourm’aider àmerelever.Nonvraiment,rassure-toi,jen’aipasdutoutenvied'apprendreàleconnaître!Etpuisildoitavoirbienassezdefillesquiluicourentaprèscommeça.

–Tuasbienraison,évite-leautantquetupourras…Maistuasvul’heure?Jefile,j’aicoursetjesuisdéjàenretard!

Iriss’enfuitcommeunecomèteavantquej’aieeule tempsdedirequoiquecesoit.Sonattitudeferméeesttrèssurprenante,elleestplutôtdugenreàtoujoursessayerdemeconvaincrequelavraievieconsisteàsortiravecleplusdetypespossible,«pourfairedesexpériences»,commeelledit.Jemedemandebiencequ’ellepeutreprocheràTristan.Elleal'airdebienl'avoirobservéenplus...J’aifanfaronnéendisantquejeneluiparleraiplus,maisjemesensunpeudrôleàl’idéedeneplusluiadresserlaparole.

–Jepeux…m’asseoir?

Jetournelatêteversceluiquivientdeparler.Ungrandbrunpâle,avecunelégèrebarbedetroisjoursetdesyeuxclairs,meregardeunpeugêné,sondéjeunerentre lesmains. Il sebalanced’unejambesur l’autrecommes'il avaitpeurdema réponse. J’aicrudevinerun légeraccentquand il aparlé.Ilal'airunpeutimide,unpeugêné.

Ondiraitmoiquandjedébarquedansunnouvelendroit!

Je me prends tout de suite de sympathie pour lui, si on ne peut même plus s’entraider entrepersonnesmalàl’aise!Jeluisorsmonplusbeausourirepourlerassurer:

–Biensûr,installe-toi!Tuesnouveauici?

Ils’assoitetposesonrepas,puispasseunemaindanssescheveuxpoursedonnerunecontenanceetmerépondensourianttoujours:

–Oui, jem’appelleDante, jeviensrencontrer leprofesseurBasilotipour terminermathèsesurBotticelli.Jesuisvenud’Italiespécialementpourça.

–Botticelli?C’estintéressant!Jem’appelleDeva,jesuisétudianteenhistoiredel'art,moiaussi!Et j’aimeraismespécialiserdans l’artde laRenaissanceaussi !C'estdinguecommecoïncidence !Dommagequenousn’ayonspasletempsdeparler,j’aicourslàetjedoisyaller!

–Toutdesuite?Dommage,c'estvrai…D’autantquejeneconnaispersonne,tueslaseuleàavoirlagentillessedem’adresserlaparole,lesautresmeregardentcommeunextraterrestre…

J’aiunpeudepeinepourlui,d’autantquelesujetqu’ilétudiem’intéressevraiment…

–Quefais-tudemainaprès-midi?Sinousnousretrouvionsàlacafétériadelabibliothèqueavantd’alleryfairequelquesrecherches?

–Parfait!Vers18h30,çairaitpourtoiDeva?–Trèsbien,detoutefaçon,jen’airiendeprévuaprèslescours.

En me retournant pour prendre ma veste, mes yeux cherchent instinctivement à recroiser unedernièrefoisceuxdeTristan.Ilest toujourslà,accompagnédesonprobablefrère,maisilfixesurmoiunregardglacialquimefaitressentirunfrissondansl’échine.Jemedemandebiencequ’ilpeutluiprendre.Qu’est-cequej’aibienpufairepoursusciteruntelmépris?OK,jesuismaladroitemaisilenrajoutelà,quandmême...

Ets'ilétaitjaloux!?…OK,Deva,tefaispasdefilms!

Jeme sens un peu ridicule de penser ça, et je tourne la tête pour fuir l’attractionmordante etdélicieusedesyeuxbleusdeTristan.JemetourneversDanteenluidisantaurevoir,etjemerendscomptequeleursyeuxsontdelamêmecouleur.Cettecoïncidencearracheunsourireàmonvisagequis’étaitfaitsisérieux.Jesuistellementchambouléeparcesdernièressecondes,peut-êtremêmepartoutecettematinée,quejem’échapperapidementsansmerendrecomptequ’avantquejeparteDantem’atendusamainàserrerpourmedireaurevoir.

Quelleidiote!

***

Lajournéed’hiers’estterminéecommeelleavaitcommencé:quelquescours,lasoiréedansnotrechambre avec Iris. Notre chambre est en fait une grande pièce dontma colocataire a couvert unepartiedesmursdephotosd'actricesetd'acteurs,vestigesdesescoursdethéâtredel'andernier,tandisqu'au-dessusdemonlitj'aiaccrochéunereproductiondeLaCréationd'AdamdeMichel-Angeetun

cadrereprésentantdesphotosdemamèreetmoi,oudessouvenirsdemomentspassésavecIris.Dansun coin, un bureau, le mien, il est encombré de piles de livres. Iris, elle, préfère travailler à labibliothèque,ouassiseentailleursursonlit.

Irism'aracontésonrendez-vousavecleprofesseurArcher.Elleétaitcontentedesavoirquepourma part j’avais également une sorte de rendez-vous, et le côté italien de Dante a éveillé sa soifd’exotisme:commejemedéfendaisd’êtreintéresséeparluiautrementquepourdevenirsonamie,ellem’afaitjurerdeleluiprésentersijamaisjelerepoussais.Irissemblepenserquej’aiuncharmefouquirenddinguestousleshommes.

C'estcela,oui...

–C’estjustequeturefusesdelevoirDeva,passe-t-ellesontempsàmerépéter.

Enfin,puisquel'heuredemieuxconnaîtreDanteestarrivée,nousallonsbienvoircequel'avenirnousréserve!

Jeme regarde dans lemiroir duhall de la grandebibliothèquede la fac avant d’entrer dans lacafétéria : j’aidétachémescheveuxblondcendréqui tombenten longuesboucles souples surmesépaules,misenvaleurmesyeuxvertsavecunpeudemascara.J’aimêmeappliquéunpeuderougesurmeslèvres:enfindecompte,quisaitsicebelItaliennesaurapasmeséduireenparlantd’art?Pourmettre toutes les chances demon côté, je porte une robe blanche en liberty, dont lesmotifsrappellentencoreunpeul'été,etquimetenvaleurmescheveuxblondsetmonteintclair.

EtpuisTristanserapeut-êtrelàaussi,quisait?

Après tout, le destin semble lui faire toujours croiser mon chemin. J’essaye désespérément dechassercegenredepenséesdemonespritdepuishiermatin,maisc’estcommesilaphrase«NEPASPENSERÀTRISTAN»étaitécritedansmoncerveauetquejelavoyaisdèsquejeclignaisdesyeux:pasfaciledefaireautrement…J’aibeaumerépéterqu’ilsefichepasmaldemoi,qu’ilmeméprisepeut-êtreetquemêmeIrispensequejeferaismieuxdenepasl'approcher,jeneparvienspasàm’enempêcher, iloccupemonespritsansarrêt.Sasilhouetteathlétique,sesyeuxbleuscommeunfjord,sonparfumquandilm’afrôléepourm’aideràramassermeslivres…

Reprends-toiDeva,tuesarrivée.

–BonjourDeva.

C'estpasvrai!D'oùest-cequ'ilsortencore!Etcommentest-cequ'ilconnaîtmonnom?

Une fois de plus, c'est la voix de Tristan qui me fait sursauter. J'étais tellement concentrée àvérifiermatenuequejenel'aimêmepasvuarriver...

Jechercheunpeudansmonespritcommentengagerlaconversation,puisqu’ildaignem’adresserlaparole,maissesyeuxbleusmedéstabilisentetjenetrouvepasgrand-chose.

–Tuasdesrecherchesàfaire?réussis-jenéanmoinsàbalbutier.

–Jeviensretrouvermonfrère,Elliott,pourfiniruntravailqu’onfaitencommun.Ettoi?

AlorsIrisavaitraison,c’estbiensonfrère!

–Moi,oh,j’airendez-vousavecuncopain.

LestraitsdubeauvisagedeTristanseraidissent.Samâchoirecarréeetvirileseserresansquejecomprennecequilerendaussifroidtoutàcoup.Lebleudesesyeuxsefaitplusélectriqueencoreetparadoxalement,jepeineàmedétacherdesonregardquipourtantparaîtsidur.

–Méfie-toidesinconnus,meglisse-t-il,avantdepousserlaportedelagrandesallederecherches.

Ilyaquelquechosed’unpeunerveuxdanssafaçondemarcherquimontreunefailledanssabelleassuranced'hiermatin. Jenecomprendsdécidément rienàcemec,nidequoi il semêle,niquellemouchepeutbienlepiquerpourqu’ilsoitamicaluninstantethostilelemomentquisuit.Toutcequejesais,c’estquejamaisjenemesuissentieaussiviolemmentattiréeparquelqu’un.

Jerestecommeunesottequelquessecondesavantdereprendremesespritsetdemedirigerverslacafétériadelabibliothèque.Quandj’entredanslapièce,Danteestdéjàinstalléàunetableetmefaitsigneavecunsourirecharmantauqueljenepeuxpasm’empêcherderépondre.

Nouscommençonsàdiscuter,etpuisrapidementlaconversationprenduntourpluspersonnel.IlmeracontelesdoucesettièdesvalléesdeToscane,jeluiparledesmontagnesetdesforêtssauvagesduMontana.

–Alors,tuesd’ici?medemande-t-il.–Oui,j’aitoujoursvécuàMissoula,maisjesuisnéeàPhiladelphie.–Tesparentsontdéménagé?–Non,j’aiétéadoptéequandjen’étaisqu’unbébé.Jen’aijamaisconnumesparentsbiologiques.–Oh,fait-il,unpeugêné.

Maisjetiensàlemettreàl’aisealorsjereprends:

–Çanemerendpastriste.Mamèrem’aadoptéeetm’adonnétoutel’affectiondontj’avaisbesoinetmêmebienplus.Jen’aijamaisconnumesparentsbiologiquesmaisjen’aimanquéderien.Etpuis,j’aicettebaguequimevientd’eux.

Jevoisuneflammed’intérêts’allumersoudaindanssonregardquandjeluitendsmamaindroite,àlaquellejeporteunelourdebagueenargent.

–C’estunetrèsanciennebague,ondirait.Personnenet’ajamaisditcequesignifiaitlesymbolequiyestreprésenté?

–Non.Jepensequec’estjustedécoratifetqueçan’apasdesensparticulier.C’estjusteunbijoudefamille.

Unlégerrictusvientretrousserlescoinsdeseslèvresdemanièrefugace.C’estunétudiantenartluiaussi,etcommenoustousildoitaimerlesvieuxobjets.Mesyeuxtombentsurlapendule.

Ilestdéjà19heures!

–Dante,nousdevrionsallerensallederecherches,pourquejepuissetemontrerleslivresaveclesquelsj’aitravailléetquetumedisescequetuenpenses.

Àpeineavons-nouspassélaportequej’aperçoislatableàlaquelleTristanetsonfrèreElliottsesont installés.Elliott lève la têteun instantennousvoyantentreravantde revenirà sonordinateurportable, sur lequel il est en train de travailler. Tristan, lui, me fixe, l’œil sombre. Il jette unœilmauvaisàDante.

Maisilestjalouxmaparole?

Jenepeuxm’empêcherdesourireàcetteidée,etjedécidedel’ignoreretdecommenceràflirteravecDante.JeneregardeplusTristan,maisj’ail’impressiondecontinuerdesentirsonregardquimebrûle,etj’adorecettesensation.

Nous nous installons. Je pose mon sac et ma veste avant de partir entre les rayonnages, à larecherchedesouvragesque jeveuxmontreràDante.Jemesuis toujourssentiebienaumilieudeslivres,commesileurodeurdepapier,d’encre,etmêmedepoussièremerassurait.Deboutdevantlerayon qui porte sur l’art de la Renaissance, la pointe de la langue contre ma lèvre supérieure,j’effleureduboutdudoigtlestranchesreliées,avecbonheur,cherchantletitrequ’ilmefaut.Quandsoudain,cetteodeurentêtante,cetteprésencequimetientsoussonjoug:Tristanestlà,appuyécontrelerayonnage,sortidenullepart.Mesmainssontmoites,jesenslatêtemetourneretmonsangpulserdansmestempesavecunbruitdetambour.

C'estquandmêmedinguequ'ilmefasseuneffetpareil...

–Méfie-toidelui,megrogne-t-ildansunsouffle.

Vraiment, il ne manque pas d’air celui-là. Je lui jette un regard agacé avant de prendre surl’étagèrelelivrequim’intéresse.Jesuissurlepointdepartir,quandtoutàcoupilplacesesmainsdepartetd’autredemonvisage,enappuicontreleslivresderrièremoi.Ilestsiprochequej’enperdsmesmoyens.Unefoisdeplus,j’ail’impressiond’avoirdesjambesencoton.

–Écoute-moiDeva!

Iln’apasparléfort,maissontonimpérieuxetbrutalapeut-êtresurprisdesétudiantsautravail,caronentendun«Chut!»agacéfaireéchoàsaphrase.Ilsepenchealorsàmonoreillepourmemurmurer:

–Rentrecheztoi.Neprendsmêmepastesaffaires,jem’occuperaidetout,jediraiquetut'essentiemal.Tunepeuxpastelieraupremiervenusanssavoircequ’ilteveut!C'estimportantDeva!

J’essaye de me concentrer sur ce qu’il dit. J’essaye de trouver révoltant ce type qui me parlecommesij’étaisunegaminealorsqu’ilmeconnaîtdepuishier.Maistoutcequejeparviensàfaire,c’estfermerlesyeuxpourmieuxprofiterdelasensationdélicieusedesonsoufflechauddansmoncou.Nous sommes si près, il suffirait de si peu pour que, glissant un peu plus contrema peau, il

déposeunbaisersousmonoreilleavantdelaisserglisserseslèvresjusqu’auxmiennes…

Maisjesuisfolleouquoi?Ilfautquejeréagisse!

JerouvrelesyeuxetfixeceuxdeTristanquimedévisagent.Jeprendsmavoixlaplussévèreetjeluidis:

–Tucroispasquetuenrajoutes?Çadoitteparaîtreétrangecesgensaimablesetd’humeurégalequitefontlaconversationets’intéressentàtoiaulieudechangerleurattitudeàtonégardàtoutboutdechamp.Etpourtantc’estdrôle,maisilsinspirentinfinimentpluslaconfiance!Jenesaisriendetoi,jenesaismêmepaspourquoijetetrouvetoujourssurmaroutedepuiscematin,siçasetrouve,c'estplutôtdetoiquejedevraismeméfier!

Il semble surpris de la violence dema réponse,mais je n'ai pas le temps dem'attarder sur sessentiments. Je force le barrage queme font ses bras et vais pour partir quand ilm’attrape par lepoignetpourmeforceràl’écouter.

–Méfie-toi des apparences alors, me lance-t-il quand soudain il se fige, comme s’il venait deprendreconsciencequ’ilm’avaittouchée.

Ilsemblechoquéd’avoirétablicecontact,etregardesamaind’unairincrédule.Jeprofitedesademi-seconded’inattentionpourm’échapper,blessée.

Jeledégoûteàcepoint?

Jeneveuxplus le revoir,ni luiparler.Etpuiscet effetqu’il a surmoi, c’est tropdangereux. Ilm’obsèdetellementquej’aitoujoursl’impressionquelapeaudemonpoignet,làoùilm’atouchée,mepicote. Instinctivement, je regardemonpoignet etmamain, etmoncœur s’arrêteun instantdebattre.Sousmesyeux,lablessurequejem’étaisfaitecemidiquandjem’étaiscoupéeestentraindeserefermer,etjevoismapeauredevenirlisseetblanche.Jeregardel’endroitoùcemiracleaeulieu,laboucheouverte.

Est-cequej’airêvécequej’aivu?Est-cequejesuisentraindedevenirfollepourdebon?

J’arrive à la table où Dante m’attend toujours. Je dois être un peu pâle, ou avoir l’air un peubouleversé,d’ailleurs,pourêtrehonnête,jelesuisvraiment.

–Toutvabien,Deva?medemandeDante.–Oui…

JeregardeTristanregagnersatableetéchangervivementquelquesmotsavecsonfrère,commes’ilssedisputaient.Non,çanevapassibienqueçaenfait.Jesuislassetoutd’uncoup,jevoudraisjusteretourneràmachambre.D’ailleursildoitêtretard,lanuitesttombée.

–Est-cequecelatedérangesinousparlonsdetoutcelaplustard,Dante?Jemesensfatiguéetoutàcoup,j’aimeraisrentrer.

Ilregardeparlafenêtreluiaussi,puismedit:

–Biensûr.Ilfaitnuit,jevaisteraccompagner.Nousauronsl’occasiondereparlerdetoutcela.

Lanuitmeparaîtfraîchequandnoussortons,etjeresserreautourdemoilespansdemavesteenfrissonnant,maiscefroidmefaitdubien.Tristan,sonattitudeambiguë,cetteblessurequiguérittouteseule,cetterentréesiétrange,c’estbeaucouptropendeux jours.Jeveux justerentrer,prendreunedouchechaude,etattendrequ’Irisrentredejenesaisquelrencardpourluiracontermesmalheursetavoirunediscussionréconfortanteavecelle.

JesuisdoncsirepoussantequeTristannesupportemêmepasl’idéedemetoucher?…Pourquoiest-cequejenepeuxpasjusteenlevercetypedemonesprit?

Perdue dans mes pensées, je suis Dante dans la nuit qui commence à devenir de plus en plusfraîche. Nous serpentons entre les hauts bâtiments qui, dans la nuit, semblent d'une noirceurmenaçante,ilmesemblequ'aulieuderetournerversleschambres,noussommesplutôtallésau-delàdessallesdecours.L’endroitsefaitplussombre,noussommesàlaborduredelaforêt,àl'extrémitéducampus,làoùpersonnenepassejamais.

C'estquoicecheminqu'onapris?Onestperdus,là...

Dante n'est pas ici depuis longtemps, il a dû se tromper de route.Nous sommes seuls dans cetendroitsisilencieux,siseulsqueçamefaitfroiddansledos.Jem’arrête.

–Machambren’estpasparici,nousdevrionsrebrousserchemin,Dante,jecroisquenousnoussommesperdus…commencé-jeàdireenscrutantlesenvironspourretrouverlabonneroute.

Maisj’aiàpeineletempsdefinirmaphrasequeDantemesaisitd’unepoignebrutaleetquinemelaisse aucune possibilité de bouger avant de poser sa bouche sur mon cou avec une rapiditéfulgurante. Je n'ai même pas le temps de percevoir tous ses mouvements tant leur rapidité estsurhumaine,etdéjàunedouleurlancinantemepétrifieetjemesensinondéed’unliquidechaudquimeglissedanslecouetlelongdelapoitrine:Danteestentraindememordreetmonsangruissellesurmoi.

3.Étreintemortelle

Lapeurmeparalyse.LesbrasdeDanteseserrentcommeunétauautourdemoidansuneétreintemortelle. Je l’entends déglutir bruyamment à chaque gorgée de mon sang qu’il absorbe, et j’ail’impressiondemeviderdemesforcespetitàpetit.Laterreuraenvahichacundesintersticesdemoncorps et demon esprit, et je suis la spectatrice demon propre assassinat.Combien de temps s’estécoulédepuislemomentoùils’estsaisidemoi?Peut-êtrequelquessecondes,peut-êtredelonguesheures, je ne parviens plus à rien percevoir nettement. Je ferme les yeux, fatiguée, impuissante…Quandsoudain...

–Ilssontlà!

C'est la voix de Tristan. Je rouvre les yeux, et à peine ai-je le temps d’entrapercevoir Elliottrepousser Dante d’un coup de poing d’une puissance incroyable que je sens deux bras forts melibérer.Tristanm’aprisecontrelui.Avecuncrideterreur,desoulagement,defrayeur,jemeserrecontresoncorpsmuscléetjecommenceàpleureretàhoquetercommeunbébé.

Jesensqu’ilessayedemetenirdesortequejenepuisseplusvoirmonagresseur,etpourtantjemeretourne,pourm’assurerqueledangerestbienéloignédemoi.Jesuissaisieparlavisionterriblequis’offrealorsàmoi.

ParterregîtlecorpsdeDante,lesyeuxouvertsetfixésdanslevideàtoutjamais,mort.Maislepluseffrayant estque soncorps semet soudainà sedécomposeravecune rapiditéquin’a riendenormaloudenaturel. J’étouffeuncrienplaquantmesmainssurmabouche tandisqueTristanmeserredenouveaucontrelui.

Qu’est-cequejeviensdevoir?Qu’est-ilentraindesepasser?

Jesuiscommepétrifiéeetjeneparvienspasàdétachermesyeuxdutasdepoussièreinformequ'acréélecorpsdeDante.

OhmonDieu!

***

– Notre frère, Graham, est officier de police, je vais l’appeler directement, il va arriver dans5minutes.Net’inquiètepasDeva,toutvabien,meditElliottd'untonégalensortantsontéléphone.

JesurprendsleregardqueTristanluilanceensilencequandilditcesmots.Moiaussij’aidumalàcomprendresondétachement.

Ils sont là, tous les deux réunis autour demoi. Les frèresGrant. J'ai beau avoir l'esprit encoreembrumépartoutcequivientdem'arriver,jenepeuxpasm'empêcherdemedirequ'ilssonttouslesdeuxcanons,chacundanssongenre:Tristanetsonairdemystère,etElliottleténébreux.

Non,ilnes’estpasrienpassé.Unhommeestmort.J’aifailliêtretuée.

GrahamGrant arrive au bout d'une dizaine deminutes seulement. Enfin je crois... C'est un belhommeluiaussi:unetrentained'années,desyeuxaussibleusqueceuxdesesfrères,unairrassurantquiinspireaussitôtlaconfiance.Ilmeparleavecdouceurenessayantdemeréconforter,tandisquejetente de faire le tri dans mes pensées et dans mes souvenirs pour raconter ce qui s’est passé. Leproblèmeestquejen’aiaucuneidéedeceàquoij’aiassisté.

–Vousvousrappelezdesonnom,Deva?medemandeGrahamdesavoixgraveetrassurante.–Non,ilm'ajustedonnésonprénom...Dante...

GrahaméchangeunregardavecTristan,commesij'avaisdonnélaréponseattendue.

–Vousleconnaissez?demandé-je.–Peut-être,répondGraham,levisagepenchéverssoncarnetsurlequelilprenddesnotesd'unair

sérieux,ilsepourraitquecesoitletueurensériequiasévicetété...NousnousintéressonsdeprèsàuncertainDanteInvierno,ilsepourraitquecesoitlui.

LetueurensériedontIrisparlaithier?Çamefileraitpresquelanausée…

–Doncilvousaattiréeici,etpuisils’estjetésurvous,c’estbiencela,Deva?reprendGrahamavecbienveillance.

–Oui,ils’estjetésurmoietilm’amordue,ici.

Jepassemamaindansmoncou,etjesensmoncœurs’arrêter.

Aucunetracedeblessure!Pourtant,jesuiscouvertedesang!

–Je…jenecomprendspas…réussis-jeàbalbutier,ilm’amordue,j’ensuisquasimentcertaine…Toutcesang,c’estbienlemien…

Marobeesteneffetmaculéedetachesrouges.D’ailleurs,siTristanetElliott,quisonttoujourssurlascèneducrime,tententderesterdignes,jelestrouvebienpâles,probablementgênésparlavuedetoutcesang.Grahams’enrendcompteégalement.Ils’adresseàsesfrères:

–Tristan,Elliott,allezfaireuntoursivousvoulez,ourentrez,jepourraitoujoursvousposerdesquestionsàlamaisonpourcompléter.

–Tuasraison,çavautmieux,ditElliott,avantdes’éloignerdanslanuitsansdemandersonrestenimêmedireaurevoir.

Tristan,enrevanche,prenduneinspiration.

–Jereste,dit-il.JeraccompagneraiDevachezelleensuite.–Trèsbien,situessûrdepouvoirprendresurtoi,reprendGraham.Puisilseremetàmeparler.

VousêtesbiencertaineDevaqu’ilvousa…mordue?–Oui!C’estElliottquil’aarrachédemoncouenlefrappant!–Etvousnecroyezpasquecesangpourraitêtreceluidevotreagresseur?Après tout,dans la

confusion,lapanique,vousn'avezpeut-êtrepasbienperçucequis’estpasséet,detouteévidence,sivousn'êtespasblessée…

Sontonestdoux,maisferme.Ilmeparaîtévidentqu’ilnemecroitpas.

Jeviensdemefaireagresser,l’officiersupposém’aiderpensequejesuisunefolle.Super...

JeregardeTristanpourtrouverdusoutien.Ilmeprendparlesépaulesavantdedéclarer:

–Quandnoussommesarrivés,Danteétaiten traindeserrer tagorge, touten tenantuncouteau,commes’ilcomptaittetueravec,maisElliottsembleêtreintervenuavantqu’ilnepuissetefairequoiquecesoitdemal.C'estcequej'aivu.TuessouslechocDeva,c'estnormal...

–Maisnon,jesaiscequej'aivuetressenti!

Enfait,jecommenceàmedemandercequiestvraimentarrivétanttoutmeparaîtabsurde.

J’enaiassezdecettesoirée.J’enaiassezquepersonnenemecroie.

Jesuiscomplètementperdue,j’aimalpartout,etjesensqueleslarmescommencentàmemonterauxyeux,maisjeveuxresterforte.C'estvraiquejesuissonnée,physiquementetmoralement.Mesjambestremblent,jenesuismêmepascertainequ'ellesréussirontàmeporterjusqu'àmachambre.Moncœurtambourineencoreàtoutealluredansmapoitrine,j'aienviedevomiretjemesensmal.Jene suis plus capablede réfléchir raisonnablement.Toutm'a semblé réel, je jurerais queDantem'amordue,etpourtant,decequejedisoudecequeTristanprétendavoirvu,jenesaispascequiparaîtleplusfou.Jesuissifatiguée...

–Est-cequejepeuxrentrerchezmoi,s’ilvousplaît,officierGrant?Onpourradiscuterdetoutcelademain?Jenem’ensenspascapablecesoir,j’aibesoindemeposer,jecrois…

–BiensûrDeva.Jevaism’occuperpersonnellementdecetteenquête,etjevousenferaisavoirlesrésultatsauplus tôt.Mais jeneseraispasétonnéquenousayonsenfinmis lamainsurce tueurensériequiaœuvrétoutl’été.Vousn'allezpasrentrertouteseule,Tristanvavousraccompagner.

Ets’ilavaitraison?Sij’avaistoutimaginé?

J’en veux tellement à Tristan de n’avoir pas soutenu ma version des faits… Tout à coup, unenouvelleinterrogationmevientàl'esprit:

– Tristan ?Comment est-ce que tu savais pourDante ? Je veux dire, tum'as tellementmise engardecontrelui,commentc'estpossible?luidemandé-jed'untonaccusateur.

J'aicommel'impressionquetuensaisplusquecequetuveuxbienmefairecroire...

–Mon frère est fonctionnaire de police, je sais très bienqu'un tueur rôde, et qu'il s'attaque auxjeunesfillesquionttonprofil,c'estunpeunormaldetediredeteméfier,non?

Jerestesansvoixdevantcetteréponsedébitéeavec tellementd'assuranceetd'untonégal.Est-cequej'ensuissatisfaite?Pastoutàfait,maispourl'heurej'enaiassezdesmystèresetdestueurs.J’ai

beau avoir du ressentiment à l'égard de Tristan, je suis tellement crevée que je ne cherche pas àrésisteràlachaudepressiondesonbrassurmataillequim’éloignedecetendroitterribleoùj’aiétéagressée. Je me retourne avant d’avoir complètement quitté les lieux pour poser une dernièrequestionàGraham:

–Dante...Soncorps...Qu’est-cequ'ils’estpassé?

Ilsemblegênéderépondre,etjecrainsuninstantqu’ilnemediseencorequej’aitoutimaginé.

–JenesaispasDeva,nousallonsenquêter,jevousdiraiquandnousensauronsplus.

Ilesttard.Jemesatisfaisdecetteréponselaconique,etm’éloigne,appuyéecontreTristandontjerespire leparfumréconfortant.Nousmarchonsensilence.Jemeblottiscontre lui,profitantdufaitqu’ilnemerepoussepaspourunefois.C’estsurprenantqu’aprèstouscesévénementsjepuissemesentiraussipaisible,rienqu’àsoncontact.Jeressensdelasérénité,maisaussiquelquechosedetièdeau creux de mon ventre qui, malgré tout ce qui s’est passé, ressemblerait presque à du désir.J’imaginequesiTristanestaussiprévenantcesoir,c’estjustepourmerassurer,etquedèsdemainilreprendrasonattitudechangeanteet recommenceraàsemontrerglacial,mais j’essayedenepasypenser.

Nousarrivonsdevantlaportedemachambre.

Pourvuqu’Irisnesoitpasrentrée,ouqu’ellesoitentraindedormir,quejepuissemecoucherettoutoublierjusqu’àdemain.

Demainj’aurailaforcedetoutluiraconter,maispascesoir.Cesoirjevoudraisjustegardermatête sur l’épaule de Tristan, son bras autour de mes reins. Pourtant le moment est venu de nousséparer.Nousrestonsunpeugênéssurlepasdelaporte,sanstropsavoirquoinousdire.Jecherchemesclefsdansmonsacpourmedonnerunecontenance,etTristanmeregardefaire.Quandjelesaitrouvées,j’oseenfinleregarder,etjeréalisesoudainqu'ilmemanqueuneinformationessentielle...

–Commentas-tusuoùj’étais?Jeveuxdire,commentas-tupumeretrouverlàoùDantem’avaitemmenée,alorsquemoi-mêmejen’avaisaucuneidéedel’endroitoùjemetrouvais?

Unmagnifiquesourireilluminesonvisage,ilposesesyeuxbleussurmoiavecunairprotecteur.Ilsepencheversmoi.

Maisilvam’embrasser?

Je retiensmon souffle et je sensmoncœurqui s’emballe pendant queTristan sepenche àmonoreille.

–C’estquemêmesitunemevoispas,jegardetoujoursunœilsurtoi,DevaWhite,mesusurre-t-il,avantdeseredresser,metournerledosetmequitter,melaissantfatiguéemaisnoninsatisfaite.

4.Hésitation

C'estlebruitdemontéléphonequejegardetoujoursalluméquimeréveille.Jeviensderecevoiruntextod'Iris:

[Tuasjusqu’à9h30pourmerejoindreauShelter.Dépêche-toi,j’aidestrucsàteraconter.]

Jeregardelelitd'Iris:iln'estpasdéfait,pourêtresimatinale,ellen'amêmepasdûrentrer.

LeShelterCoffee,c’estnotrecafé,celuioùnousnousretrouvonsrégulièrementpourdiscuter,etsi Irism’ydonne rendez-vous, jepariequec'estparcequ'elleadeschosesàmedireausujetd'uncertainprofesseurTaylor...

Enprenantmadouche,jerepensemoiaussiàtoutcequis’estpassélaveille.J’aitellementbesoind’en parler avecmon amie pour exorciser, et enmême temps je ne sais pas ce qui s’est vraimentpassé.Pourqui est-cequ'ellevameprendre si je luidisque j’ai étémordueparun tueuren sérieavantqu'ilnesedécomposedefaçonincroyableetàlavitessedel'éclairjustedevantmoi?

Je ferme les yeux comme pour chasser cette image horrible de mon regard et essaye de meconcentrer sur la caresse de l’eau chaude le long demon corps. Je pense àTristan.À la façon sidouceetprometteusedontilm’aquittéehiersoir.Tristansichangeant,quisaitsiaujourd’huiilnesemontrerapasfroidetdistantcommeilsaitsibienlefaire?J’aicomplètementoubliécommejeluienvoulaishier,quandiln’apassoutenumaversiondesfaits.Jesuissifaibleenfacedelui,jenesaispasrésisteràsoncontact,àsachaleur,àsonodeur…

***

Irisestassiseàunetableprèsdelafenêtre,ellemesouritquandellemevoit.Ellesemetàparlervite commeà sonhabitude,me raconte sanuit de folle étreinte avecArcher, commeelle l’appellemaintenant, du frisson d’interdit qu’elle a ressenti quand il l’a embrassée puis quand ils ont faitl'amour, lui, le professeur de grec à l’université, et elle l’étudiante. Et puis vient le moment quej’attendsetquejeredoute,celuioùellemedemandecomments’estpasséemasoirée.Jen’aiaucuneidée de ce par quoi je vais commencer, les images se bousculent dansmon esprit, et je vois sonvisageinquiet,probablementàcausedemonsilenceetdemonairgêné.

–Est-cequ’ils’estpasséquelquechosedegrave,Deva?Quelqu’unaessayédetefairedumal?C’estenrapportavecTristan?

Maparole,ellelitdansmespenséesouquoi?Commentest-cequ'ellepeutsavoirtoutça?

–Maiscommentlesais-tu?!Oui,ils’estpasséquelquechose.Jevaisbien,rassure-toi.

Jeluiracontetout:larencontreavecDante,sicharmantetgaietintéressant,lerendez-vousàlabibliothèque, la dispute avec Tristan me prévenant de ne pas m’approcher de lui, mon

incompréhensiondevant ses avertissements, etmonentêtement…Etpuis cemomentoùDantem’aguidéedansunrecoinsombreetperdu.Puisj’hésite,nesachantpascommentcontinuer.

Est-ce que j’ai rêvé cette morsure dont je n’ai aucune trace ?Que s’est-il vraiment passé hiersoir?

–Deva...ilt’amordue?

Irisapresquecriécesmots,etdéjàelleregrettedelesavoirprononcésetappuiesesdeuxmainssur sa bouche commepour les faire rentrer.Mais ses yeux paraissent aussi écarquillés que si elleavaitvraimentassistéàlascène.Cemomentestsurréaliste!Commentsait-elle?!

Jeneluiairiendit!Put***,qu'est-cequisepasse,là?!

Nousnousfixonsquelquessecondesensilence,étonnéesl’unecommel’autre.C’estmoiquibrisecesilencelapremière:

–Maiscommentlesais-tu?Enfin,jenesuismêmepassûremoi-mêmedecequim’estarrivé!–Jenesaispas,moi…jel’ailudanslesjournauxprobablement,avecceshistoiresdemeurtresen

série…Tusaisbien…– Je ne sais rien du tout !Comment sais-tu queDante est le tueur en série dont on parle ?Les

journauxenparlentdéjà?

Maparole,ellemeprendpouruneidioteelleaussiouquoi?

Jenesaispassi jedoisêtrefurieuse,oueffrayée,ou justesurprisepar le faitqu’irissache toutcela.Jesuissurtoutatterrée,ellemecachequelquechose,jelevoisbienàlafaçondontellefuitmonregardetdontellesetortillesursachaise,ellen'ajamaissumentirdetoutefaçon.Elleobserveunsilence gêné, elle regarde unemiette demuffin qu’elle touche du bout de son ongle parfaitementmanucuréenévitantdecroisermesyeuxinquisiteurs,etpuisaprèsavoirhésité,ettoujourssansmeregarder,ellereprend:

–Écoute,nemeprendspaspourunefolle,d’accord?Jevaist’avoueruntrucbizarre.–Honnêtement,jenesaispasquiestlaplusfolled’entrenousdeuxIris,situsavaiscommejeme

senspauméeencemoment,moiaussi…–Cen’estpasuneblague,Deva,promets-moidenepasmeprendrepourunefolle.–Jetelepromets,dis-jedansunsoupir.–Etprometsaussiden’enparleràpersonne…–Oui,jetelepromets!Dis-moi!

C’estbienelledes’entourerd’uneaurademystèrealorsquejevoudraisjustequ’ellem’expliquecommentellepeutensavoirautantsurcequim’estarrivé.Elleprenduneprofondeinspirationetmelâchelanouvelle:

–Jecroisquejelisdanslespensées.

Ilnemanquaitplusqueça!

Cettefois,c’estmoiquiailesoufflecoupé.Jenesaispassijedoisrireoulaprendreausérieux.Jedoisavoirunvisageahuricarjelavoiss’inquiéter:

–Tumeprendspourunefolle,pasvrai?–Maisnonvoyons…Tulisdanslespensées…Commentça?–Çaacommencépardessensationsquand je touchais lesgens,etpuisquand je lescroisais, je

sentais leur état d’esprit, s’ils avaient des soucis, s'ils étaient heureux… Et puis ça s’est mis à sepréciser : maintenant, je vois des images, un peu floues souvent, parfois c’est plus clair. Là, parexemple,j’aivupleind’imagessesuccéderrapidement,commesiellessesuperposaientlesunessurlesautresetjen’aipastoutcompris,j’aivuunhommetemordre,j’aisentitaterreur,etpuisjel’aivudevenir…Jenesaismêmepascequej’aivu,maisc’étaitterrible.Tuvasbien?

– Je vais bien, mais je suis un peu surprise. Disons que ce que tu me racontes est un peu…désarçonnant.

–Maispourtantc’estlavéritéDeva,jetepromets,çaparaîtdingue,jesais!

J’aienviedeluidirequepleindechosesdinguessontentraind’arriverdepuisquelquesjourset,dans ce contexte, ce qu’elle me raconte est presque plus crédible que tout le reste. Je décide dem’ouvriràellemoiaussi.

– Écoute, puisqu’on en est aux confidences surnaturelles, je crois que moi aussi il m’arrivequelquechosed’unpeufou.Tutesouvienshiermidiquandjemesuiscoupéeaudéjeuner?Figure-toiqu’ilm’asemblévoirlablessureserefermertouteseulequandj'étaisàlabibliothèque.Etc’estlamêmechosepourcequim’estarrivélesoir:j’aivraimentressentiladouleurd’unemorsurequandDante s’est jeté surmoi, j’ai sentimon sang ruisseler, et puis quand tout a été fini, je n’ai trouvéaucune trace de blessure. Tristan et son frère Graham, l’officier de police, m’ont dit que j’étaissûrementsouslechocetqu’ildevaityavoiruneexplicationlogiqueàtoutcela,maisjenesaispas,c’estcommesilamorsureavaitaussiguérid’elle-même.

–Alorsrésumons:nousavonsuninconnuquisejettesurtoipourtemordre,avantdeseratatineren tas de poussière sans qu’on ne sache comment ni pourquoi. Toi, tu es sujette aux guérisonsspontanées.Moi,jelisdanslespensées.Quelgenred’équipedemonstressommes-nousentraindeformer?C'estdudéliretotal...

Jereconnaisdanssavoixunepointed’excitation:Irisest toujoursfascinéepartoutcequivientbousculer la monotonie de nos existences. Moi, je trouve que tout ça n'est pas rassurant. Je n’ycomprendsrien,etjen’aimepasça.

–Tucroisquoi?Qu’ilsepassequelquechosedesurnaturelouuntruccommeça?–Jenesaispas.C’estbizarredesejetersurlesgensenlesmordant,non?Etcesfillesvidéesde

leursang?Tucroisauxvampires,Deva?

Jenesaispassielleme taquine,ousielleestsérieuse,maisellemefaitpeur.Jen’ai rienà luirépondre.Avec toutcequivientdenousarriver, toutceque jecroyaisvraimesemblemaintenantvaciller,etjenesaistropquoipenser.Maislesvampires,non,cen'estquandmêmepaspossible...

–NonIris,jenecroispasauxvampires,c’estabsurde.Çadevaitjusteêtreunesortedetaréquiseprendpourunvampire,unpointc’esttout.MonDieu,heureusementqueTristanetElliottsontarrivés

àtemps,nepuis-jem’empêcherd'ajouter.–CequejecroisDeva,reprendIrisd’unevoixsérieuse,c’estquetonTristan,jelesenspas,etque

d’aprèscequetumedis,sonattituden’estpastoutàfaitclaire:commentest-cequ’ilsavaitqueDanteétaitdangereux?Commentest-cequ’ilsavaitoùtuétais?Etd'oùilssortenttouslestrois?Sonfrèreetluiontbeauêtrebeauxcommedesdieux,jenelessenspas,c’esttout.Jenesaispastroppourquoi,etpourtanttusaisquejesuislapremièreàfermerlesyeuxsurlesdéfautsdeshommesdumomentqu’ilssontbeaux.Ilst’ontditqu’ilyavaituneexplicationlogiqueàuntypequitemordpuisquisedécompose?Soitilssontvraimentbornésetincapablesdeconsidérerlesfaits,soitilsensaventplusquecequ'ilsnedisent,jenevoispasd’autresolution.

Çamefaitmaldel’entendremedireça.JerefusedepenserqueTristanpourraitsavoircequis’estvraimentpasséetmementir.Etpourtantjepensequ’Irisaraison,sonattituden’estpasclaire,etj’aibesoin de savoir la vérité surmon agression, j’ai besoin de savoir que je n’ai pas juste perdu laraisonsuiteàuneexpériencetraumatisante.Jeveuxqu’iladmettequemêmesijenesaispaspourquoic’estarrivé,jesaiscequis’estpassé.Moncœurseserredansmapoitrine.JustequandTristanetmoicommencionsànousrapprocher.Etenmêmetemps,quelgenrederelationestpossibleentrenoussinouslaissonsdetelsmensongesenêtrelefondement?

– Tu as raison Iris, je dois aller lui parler. Je vais y aller maintenant, pendant que j’en ai lecourage.

Jejetteuncoupd’œilrapideàlapendulekitschenformedethéièrequiorneunmurduShelterCoffee.

–Nousavonsuncoursencommundansunedemi-heure,jedevraisletrouverassezfacilementsurlecampus,jetelaisseavantdechangerd’avis.

J’aidécidédeprofiterdel’élandecouragequ’Irism’adonné,etjefilerapidementhorsducafé,directionlafac.

***

Commeprévu,ilmefautpeudetempspourtrouverTristan,assissurunbancunpeuàl’écartdurestedesétudiants,entraindelireunlivredontjenedéchiffrepasletitre.

Heureusementquesonfrèren'estpasaveclui,ceseraplusfacilepourl'aborder!

Jecroisqu'avecsonairhautainetfroid,Elliottmefaitpeurenfait.

Tristan a dû sentir ma présence, car il lève la tête et me sourit. Malgré moi, je lui rends sonsourire.Ilesttellementbeau,aveclesoleilquijouedanssescheveuxchâtainsetquiprojettel’ombrede son corps parfait en lui donnant quelque chose de sombre qui ajoute à son mystère et à saprestance. Jenepeuxme résoudreà le trouverdangereux,quoiqu’endisent Iriset lesapparences.Maisjevenaispleinedebonnesrésolutionspouravoiruneconversationsérieuse,paspourmelaisserattendrir.

–Jevoudraisqu’onparle,Tristan,luidis-je.–Alorsassieds-toi,medit-ilgentimentenmefaisantuneplaceprèsdelui.

Jemesenstellementbientoutàcoup,siprochedelui,quej’aimeraisjusteresterlà,sansparler,àprofiterdel’instant.Maisjeveuxaussiconnaîtrelavérité,etqu’ilcessedemementir.

–C’estausujetd’hier.Dequandj’aiété…agressée,réussis-jeàarticuler.

Sonvisageseferme,etpourtantilcontinuedemefixerpourm’engageràcontinuer.Jepoursuisdonc:

–Tunepeuxpast'obstineràmedirequetoutcequej’aivuoucrusentirn’étaitquelefruitdemonimagination… Je veux dire… C’est injuste, et c’est faux, tu le sais aussi bien que moi, j’en suiscertaine…J’ailedroitdeconnaîtrelavéritésurcequim’estarrivéetjesuissûrequetulaconnais!

Je suis bouleversée de parler de tout cela, bien plus que ce que j’aurais cru. Je crois que j’aibeaucoupdemalàcomprendrequ’ilmemente,çamefaitsouffrir.Jedevraisprendrecelaavecplusdedétachement,parcequ’aprèstout,qu’est-ilpourmoiàpartunbelétudiantsurlequelj’aicraqué?Etpourtant,jesensmagorgesenouerpendantquej’essayedeluiformulercequejepensevraiment.Tristanest redevenufroidetsemontreplusdistantque jamais. Ilnemeregardeplus,maisfixeunpoint droit devant lui.Quand je repense à hier, jeme rends bien comptemaintenant que s’il s’estmontréaussidouxetgentil,c’étaitprobablementjustepourêtrerassurant.Pourtantsavoixsuaveestcertesferme,maisplusengageantequejenel'auraiscruquandilmerépond.

–Jecomprendsceque tu ressens,Deva.Tuas raison, tuas ledroitdeconnaître lavérité.C’estjustequetudoisêtreprêteàl’entendre,lesréponsesquejepourraistedonnerbouleverseraienttouttonuniversetremettraientenquestiontoutcequetupensaisêtreréelouirréel.

Qu'est-cequ'ilveutdireparlà,bonsang?

Jesensunfrissonmeparcourirl’échine.Toutcelamerappellelaconversationquej’aieueplustôt avec Iris. Je ne suis plus certaine de vouloir tout savoir, et en même temps j’ai besoin deconfirmations.

Jecroisquej’aipeurdecequejepourraisapprendre.

Tristanvientinterromprelecoursdemespensées.Ilmedemande:

–Qu’est-cequetucrois,toi,Deva?–Jecroisqu’ilm’arrivedeschosesétranges.Depuishier,j’aiàdeuxreprisesguéritouteseulede

blessures,d’abordunecoupurequejem’étaisfaite,puiscettemorsurequeDantem’ainfligée.Parcequeoui,jesuispersuadéequ’ilm’avraimentmordue,pourjenesaisquelleraison.JemedemandesiDanteétaitunfou,ouunesortede...vampire.Jenesaispassijesuisfolleousic’estlemondeautourdemoiquil’est,maissituasdesréponsesàm’apporter,tudoism’aider,Tristan.

J’aiparléd’untonfermeetsanslequitterdesyeux,jesuisassezfièredemoisurcecoup-là.

Cecidit,pourvuqueTristanneserendepascomptequemesmainstremblent.

Troptard.Ilposedoucementsamainsurlamienne.

–AlorstupensesqueDanteétaitunvampire?–Jenesaispasquoipenser,Tristan.Avectoutcequis’estpasséendeuxjours,pourquoiest-ceque

ceseraitmoinscrédiblequelereste?–Tu te rends compte de ce que cela voudrait dire, si tu ne te trompais pas ?À quel point cela

affecteraittafaçondevoirlemonde?

Letondesavoixestvibrant,troublé,troublant.Ilmefixed’unregardsévère,commepourjaugermacapacitéàentendrecequ’ilvamedire.Samainn’apaslâchélamienne.Moncœurbatplusvite.

Est-celui?Est-cecetteatmosphèretendue?

Pourtantjemesenscalme.Ilreprendlaconversationd’untonplusdur.

–Etsijetedisaisquetunetetrompespas?SijeteconfirmaisqueDanteappartenaitbienàuneracesanguinaireetsanspitié,quisenourritdesanghumainetquitetueraitsanshésitation?

Ilalâchémamainets’estlevé.Moiaussij'aibondisurmesjambesàcetterévélationquimefaitl'effetd'unebombe.

Maisenfin, cen'estpaspossible...Alors ilnemeprendpaspourune folle?Toutecettehistoirepourraitêtrevraie?

Ilmefaitfacemaintenant,maisn’osepasmeregarder.

Est-ilentraindemeracontern'importequoi?Ouest-cequ’ilpensequej’airaison?

Jen’aiaucuneidéedecequiestentraindesepasser,etenmêmetempssacolèreparaîtsiréelle.Jerepenseàl’attaquequej’aisubiehier,unefoisdeplus.Machinalementjepassemamaindansmoncou.

Cette morsure, ces guérisons… Comment cela pourrait-il être possible ? Tristan me croit-ilfinalement ? Ou est-il en train de se moquer de moi ? Tout ceci paraît complètement dingue ettellementréelenmêmetemps...

–Tristan…dis-je.

Ilmeregarde.Maislasonneriestridentedemontéléphoneportableretentitetvientinterromprelaphrase que j’allais prononcer. Je le cherche en fouillant dansmon sac, je regarde une seconde cenuméro qui s’affiche et que je ne connais pas avant de décrocher. Une voix de femme, un peunerveuse,s’adresseàmoi:

–DevaWhite?demande-t-elle.–Oui,c’estmoi,réponds-je.

– Ici l’hôpital Saint-Patrick. Votre mère vient d'être admise en urgence. Nous tentons de laréanimer,maisjenevouscachepasqu’elleestauplusmal.Danscombiendetempspouvez-vousêtrelà?Letempsluiestprobablementcompté,ilfautfairevite.

Letéléphonem’échappedesmainsetjemebaisselentementpourleramasser.J’entendscettevoixlointaineetmétalliquequicontinuedemeparler:

–MademoiselleWhite?MademoiselleWhite,vousêtestoujourslà?

Maisjen’aipluslaforcederépondre.

5.Douleuréternelle

Je me précipite dans le hall encombré de l'hôpital à toute allure, Tristan a insisté pourm'accompagneravecsavoitureetentrejustederrièremoi.J'annonceàlasecrétairedel'accueilmonnom,etilmesemblequ'ellemetdesheuresàretrouversursonordinateurlenumérodelachambre.Toutautourdemoimesembleflou.J'ailesoufflecourt.

–Chambre301,mademoiselle,au3eétage.

Quand les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur le couloir, j'avance d'un pas décidé malgré mesjambes flageolantes. Je vois déjà des médecins qui discutent, et quand ils me voient arriver, ilsviennentàmarencontreavecunairgrave.Jem'arrêtealorsetregardeTristanquimeprendlamain.

–MademoiselleDevaWhite?medemandel'und'entreeux.–C'estmoi.Commentvamamère?Jevoudraislavoir.

Ilsecouelatête.

OhmonDieu.Pasça.Non.Jenesuispasprête.

JecommenceàpleureretsiTristannemeretenaitpasjepensequejemeseraiseffondrée.Lavoixdudocteurmevient de très loin, d'unmondedont je neperçois plusgrand-chose, hébétéeparmapeine:

–Jesuisvraimentdésolée,mademoiselle.C'est trop tard,votremèrenousaquittés.Nousavonsfaittoutcequiétaitennotrepouvoir,maislabatailleétaitperdued'avance.

C'estmoiquisuisperdue.

LesbrasdeTristanautourdemoi,samainquiappuiematêtecontresonépauleetmecaresselescheveuxpendant que je sanglote sont les seules choses quime raccrochent encore à la réalité.Mamèrevientdemourir,elleaététoutpourmoietjen'aimêmepaseuletempsdeluidireaurevoir.

***

Lerévérendditdebellesphrasesausujetdelamortdemamère.Iriss’estmiseàcôtédemoi,àlaplacequ’auraienttenuelesmembresdemafamilleprochesij’enavais,maissansmamanjen’aipluspersonne.Sasœur,matanteHannahn’ajamaisététrèsproched’elle.Jelaregardeducoindel’œiletjelavoistapotersursontéléphone,désintéresséedel’enterrement.Çadevraitmemettrehorsdemoi,maisçam’estjusteégal.Sipeudejourssesontécoulésdepuisquel’hôpitalm’atéléphonépourmeprévenir que ma mère était en train de succomber au cancer contre lequel elle s’était battue cesdernièresannées.

Jemerevoisrecevantl’appel,dansleparcdel’université,Tristanquim’accompagneàl’hôpital

danssaCorvettedontjen’aimêmepaseuletempsd’admirerlaligneracéeouleluxe.Lesmédecinsquim’annoncentqu’ilesttroptard,moiquim’effondredanslesbrasdeTristan…Etpuisleretouràlamaison,seule,parcequ’ilfallaitquej’affrontetouteseulecettenouvelleviesansellequim’avaitadoptée, élevée et avait été tout pour moi pendant des années. Et enfin les formalités dues àl'enterrement,lescondoléancesàrecevoir...

Parfois le discours de l’officiantme fait prendre conscience de la réalité. Irisme tient lamaincomme une sœur, en cet instant difficile. Et pourtant je me sens étrangement calme, là, dans cecimetière.Tristanm'aaccompagnéemaisilestrestéàlagrille:

–Maplacen'estpaslà-bas,m'a-t-ildit.Partagecemomentaveclestiens,jet'attendraiici.

Nousnoussommespeuvuscesderniersjours,avectoutcequej’avaisàfaire,etpuisjenevoulaispasdevoirgérermapeineetmessentimentssipassionnésàsonégard,mais iln’apasmanquédeprendredemesnouvellesetdemesoutenirenm'envoyantdestextos.

Machinalement, mon attention se fixe sur les nuages qui commencent à obscurcir le ciel, puisglissesurlecercueildeboissombrequ’oninhumerad’uneminuteàl’autre.Quandlacérémoniesetermine,lesgenspartent.Certainsmedisentqu’ilssontlàsij’enaibesoin,plusparpolitessequ’autrechose.Jenelesconnaispasvraimentenfait,ousipeu...

–Jeseraisbienrestéemaistusais,montravailesttrèsprenant.Ons'appelle?medemandetanteHannah.

C'estprobablementladernièrefoisdemaviequejecroiselechemindecettefemmeavecquij'ail'impressionden'avoirrienencommun.

Ettantmieux...

Irisseuleesttoujoursprèsdemoi.

–Tuveuxquejereste,Deva?medemande-t-elle.

Maisjesecouelatêteensilence.J’aibesoind'unmomentdesolitude,alorselles'éloigne,etjemeretrouveenfinlibredepenser.

Jedécidedefaireunepetitemarche.Jen’osepassortirducimetièreencore,jem’ysensprotégéedumondeextérieur,et jevoudraisprofiterencoreunpeudecettesolitude.Jemesensétrangementcalme.Jesuistriste,maismapeinen’estplussilourdequ’ellel’aétéquandj’aiapprisquetoutétaitfini. Plusieurs années de maladie, à voir ma mère souffrir, à rester près d’elle pendant qu’elles’obligeait à sourire pourme cacher la profondeur de sonmal.Maintenant c’est terminé. Elle nesouffre plus. J’osemême espérer qu’elle est bien, là où elle se trouvemaintenant.Mon téléphonevibre.

[Toutvabien?]

C’estunmessagedeTristan.Jeveuxencoremarcherunpeu.Jeluiréponds:

[J'aibesoinderéfléchirunpeu,jeterejoinsaprès.]

Jesuistellementperduedansmespenséesquejem’éloignedel’alléeprincipaleetmeretrouveàl’autre extrémitédu cimetière, éloignéedu restedes tombes.Ondirait qu’il n’y aplus rien, àpartquelquesarbresquiannoncentlaproximitédelaforêtetquelquesrochers.Enmerapprochant,jemerendscomptequecenesontpasdesrochers:cesontdessépultures,enruinespourcertaines,àdemienterrées pour d’autres. Je suis dans la partie la plus ancienne du cimetière, qui a sûrement étéabandonnéeilyalongtemps.Jenesaispassic’estmonâmed’historiennequiparle,oulebesoindem’occuper,maismacuriositéestattiséeparcettedécouverte,et jem’avanceplusencoreaumilieudestombesanciennes.

Tout au fond, en lisière de la forêt, derrière des buissons, une tombe plus haute, qui paraît enmeilleurétatquelesautres,sembleattendre,cachéederrièrelanaturequiareprispossessiond’elle,taillée dans un marbre auquel le temps a à peine fait changer la couleur. Je m’en approche, etentreprends de repousser les branches qui me cachent la pierre tombale, juste pour tenter de lirel’année qui y est inscrite, etme faire une idée de l’époque de cemonument.Une femme ailée enpierre,telunange,estagenouilléesurlesommetdelapierretombale,levisagedanssesmains.

Ce style est caractéristique duXVIIIe siècle, et pourtant la couleur de la pierre semble récente.Difficiled'imaginerquequelqu'unvientprendresoindecettesépultureenparticulier...

Enécartant lesbranchages, jemerendsrapidementcomptequ’ils’agitd’uncaveaufamilial trèsancien, mais quand je déchiffre les noms inscrits dessus, mon cœur s’arrête de battre. Je restetétanisée:

AlmaGrant1749–1799

GrahamGrant1769–1799

TristanGrant1775–1799

ElliottGrant1776–1799

Qu'est-cequeçasignifie?

JechercheenvainuneraisonlogiquedetrouverainsilesnomsdeTristanetsesfrères,mortstousles trois en 1799. Et puis soudain, dans un éclair, tout me devient limpide. La vérité m’apparaît,terriblementangoissante,et lesmotsdeTristan,lorsdenotredernièreconversationaucampus,mereviennentalorsà l’esprit :«Tu te rendscomptedecequecelavoudraitdire, si tune te trompaispas?Àquelpointcelaaffecteraittafaçondevoirlemonde?»

J’ailatêtequitourne,monsangseglace.Unvampire.Tristanestunvampire.Chaquefoisquecemotmevientàl’esprit,ilmesembleressentirdespicotementsdanslecou,àl’endroitoùDantem’amordue.

Alorsceseraitvrai?«uneracesanguinaireetsanspitié»,medisaitTristan,«quitetueraitsansaucunehésitation.C’estdoncàcetteracequ’ilappartient?

Des souvenirs se précipitent dansmon esprit sans que je puisse lutter et prennent un tout autreéclairageencetinstant.GrahamGrants’adressantàsesfrères,alorsquejedécrivaismablessureetlesangquiavaitruisselésurmoi,pourleurdemanders’ilsnepréféraientpass’éloigner;lapâleurdeTristanetElliottàcetinstantquej’aimisesurlecomptedudégoûtdelavuedusang,alorsqu’ilsenavaient peut-être juste terriblement envie.Tristan, tendu,me débitant son couplet sur les vampires,sansosercroisermonregard,luisidirectd’habitude.

Alorsilestcommeeux.Dangereux.Commenta-t-ilpumecacherunechosepareille?

Çapeutparaîtreétrangeouidiot,maisjeveuxgarderunetracedecettedécouverte,commesiellerisquaitdedisparaître,alorsjesorsmontéléphoneetprendsenphotolapierretombalemauditequisignelafindemoninnocence.Jerevienssurmespasetregagneàgrandspaslasortieducimetière.Tristanm’attendeneffet.

Comment pourrai-je soutenir son regard,maintenant que je sais ce qu’il est ?Comment puis-jecontinuerd’êtresoussoncharme?

Jecomprendsmieuxlesentimentqu’Irisavaitàsonsujet.Alorselleavaitraison.

Etelleavraimentundon.

Leciels’assombritencoreetjel’entendsgronder.Unepluiefinesemetàtombersurmoi,etellese confond avec les larmes qui commencent à ruisseler le long demes joues.Mes nerfs lâchent.L’enterrement, cette découverte horrible, la fin demes rêves d’amour avecTristan, c'est beaucouppouruneseuleaprès-midi.

Tristanm'attendàlasortieducimetièresouslapluiequicommenceàtomber.Ilsetientdroit,cequisemblelerendreencoreplusgrandetimpressionnant,etilporteunevestenoirequiaccentuelesanglesmusclés de sa carrure d'athlète. Je voudrais juste pouvoirme blottir contre lui. Je pourraispresquecroirequ’ilestinoffensif.Jepourraisfairesemblantden’avoirrienvu,ignorercedontjeviensdemerendrecompte,maisjen’yarrivepas.

Jemesenstrahie.J’aipeur.Jeluienveuxtellementd’apparteniràcetteracemonstrueuse.Quandilvoitmonvisagedéfait,saminesedécomposeégalement.Iltendlesbraspourmeserrercontrelui,maisj’aiunmouvementinstinctifdereculquiarrêtesurseslèvreslesmotsqu’ilallaitmedire.

–Deva…a-t-ilsimplementletempsdeprononcer.–Jeneveuxplusquetum’approches.Plusjamais!

C’estuncoupquejeluiporte,àencroirel’airsurprisqu’ilmontrequandjeprononcecesmots.Maisilsereprendrapidementetreprendunairdigne.Meslarmescoulentdeplusbelle,etpourtantjetrouveencorelaforced’attrapermontéléphonepourluiagitersouslenezlaphotoquej’aiprise.

–Dis-moiqu’ilyauneexplicationrationnelleàça,Tristan,jet’ensupplie.

Maisilsecouelatête.

–Iln’yaaucuneexplicationquipuissetesatisfaire,Deva.Jepensequetusaistrèsbiencequeçasignifie.

Àcetteréponse,jememetsàsangloterbruyamment.Tristanmeprenddanssesbras,etcettefoisjen’aipaslaforcedereculer.J’aimeraisêtresuffisammentfortepourpouvoirrésisteràlachaleurquesonétreinteproduitdansmonventre,auxagréablespalpitationsquemeprocurel’odeurdesoncou,maisc’estplusfortquemoi.J’enoublieraispresquequejesuisentrainderisquermavieàêtresiprochedelui,Tristanlevampire.

–Tum’asditquelesvampiresétaientdangereux…Tum’asditdelesfuiretdenejamaism’enapprocher…Comment as-tupunepasmedire toute la vérité, comment as-tupume cacher qui tuétais?Tum’asmentiTristan,tum’astrahie!

–Jet'aiditlavérité,Deva,dit-ildoucementencaressantmescheveux.Noussommesdangereux,nous pouvons déguiser notre vraie nature,mais nous restons cette engeancemaudite ennemie deshumains.TuesspécialeDeva,tuasdûcommenceràt’enrendrecompte.Tul’esbienplusencorequetunepeuxl’imaginer.Ettudoismefuir,moiaussi,parcequejenesuispascertaind’êtretoujoursenmesuredeteprotégerdemoi-même,sinousnousrapprochonsencore.

Lapluietombedeplusenplusfortsurnous.Mescheveuxétaientrelevésenchignon,etmaintenantdesmèches tombent dansmes yeux. Tristanme repousse légèrement et appuie sesmains surmesépaules.

–Tuas raisonDeva.Tuas raisondemefuir,etnousnenousverronsplus.Maisavantquenoscheminss’éloignent,souviens-toid’êtreprudente,card’autresvampiresviendront,ettechercheront,maismesfrèresetmoiveilleronssurtoi.Deloin...C'estplusprudent.

Ilsepencheversmoi.Quandsonvisageestàquelquesmillimètresdumien,ilsemblehésitertrèsbrièvementetjesenssonsoufflechaudsurmonfront.Jefermelesyeuxpourprofiterdecederniermomentoùjepeuxletoucher,ressentirlaproximitédesoncorps,l’odeurdesapeau,tandisquemoncœurseserredansmapoitrine. Il frôleenfinmes lèvresavec lessiennes, trèsdoucement,dansunbaiser léger et chastequi enflammepourtantmes senset je sensun frissonmeparcourir.Lapluieruissellesurmoietpourtantj'aichaud.Quandildétacheseslèvresdesmiennes,ilmurmuredansunsouffle:

–Mêmesitunemevoispas,sachequejegardetoujoursunœilsurtoi,DevaWhite.

Puisilseredresse,mejetteundernierregardemplidetendresse,ets'envasansseretourner,melaissantdévastée.

6.Hasardtroublant

–Mange.

Irism’ainvitéeàdéjeunerauShelter,maisjejoueàpoussermanourrituredansmonassietteaveclapointedema fourchette sansy toucherdepuis dixbonnesminutes. Jen'ai pas fait unvrai repasdepuisl'enterrement.Dixjoursdonc.Ellereprend:

–Tuesalléeencourscematinoùtuesrestéedanslachambreàtemorfondrejusqu’àmaintenant?

Jen’osepasluidirequec’estexactementcequej’aifait.J’avaleunebouchéedenourritureavecmauvaise grâce. J’ai complètement perdu l’appétit. Il faut dire que cette boule dans ma gorge nem’aidepasàavalerquoiquecesoit,etjesensmonestomacserréenpermanence.

–Çaneteressemblepastoutça,Deva.Jesaisquetun’espasbien.Ilyaeutamère,tadisputeavecTristan,maistunepeuxpasresterprostréecommeça,ilfautquetutereprennes,vraiment.

JemesensunpeucoupableparcequelapeinequejeressensdepuiscetincidentavecTristanoùnousavonsdécidédeneplusnousrevoirabalayétouslesautressentimentsquejepouvaisressentir,commeuntsunami.

–Cen’est rienDeva, c’est normal.Tune peuxpas lutter contre cette peine, et c'est arrivé à unmomentoùtuétaisdéjàtellementfragile!

Notepourmoi-même:arrêterd’oublierqu’Irispeutmaintenantliredanslespensées,etdeplusenplusprécisément…

C’estvraiquejen’étaispasprêteàcequenotrerelationfinisseavantmêmed’avoircommencé,avecTristan.Ce n’est quemaintenant que jeme rends compte de la vérité : pour je ne sais quelleraisonquimedépasse,jesuisamoureusedelui.C’estdéraisonnableaupossible,etinexplicable,maisc’estunfait.

Jenel’aipasvudepuisunesemaine.Jesuisalléeencoursdeuxoutroisfois,etiln’étaitpaslà,seul Elliott était présent et fuyait mon regard. Je n’ai pas osé lui parler pour lui demander desnouvellesdesonfrère,jepensequej’auraiscraquérienqu’enprononçantsonnom:jenepeuxpasmerésigneràl'idéedeneplusjamaislerevoir,jeressensunmanqueaufonddemoncorps,etçamerenddingued'êtredansunétataussilamentableàcaused'untypequejeconnaisàpeine.Est-cequ'ilm'évite?Probablement.Ducoupj’aidécidédefuirlescoursmoiaussi,defuirlafac.Toutlemondemetmonattitudesurlecomptedelapertedemamèreet,àpartIris,personnen’enconnaîtlavraieraison. Je pensais prendrequelques jours, seulement pourme remettre d’aplomb, et je nevais pasmieux.

–C’estsidifficiledetournerlapage?medemandeIris.–Jemeposedesquestions,jen’arrêtepasdemerefairelefilm.Ilm’acachélavérité,trèsbien,et

je peux le comprendre. J’ai eu peur en découvrant la vérité, et maintenant encore elle me paraîttellementhallucinantequejemedemandesijen’aipasrêvé,ousijenesuispasentraindedevenirfolle.Pourtant,sijeregardebientoutcequiestarrivé:Tristann’ajamaiseuunseulgestequiauraitpumeblesseroumêmememettresimplementendanger.Aucontraire:ilveillesurmoi,ilmel’adit.Ilétaitlàpourmesauver.Mêmemaintenantjemedemandesilefaitqu’Elliottcontinuedevenirencoursn’estpasunemanœuvrepourcontinuerdevérifierqu’ilnem’arriverarien.Jeveuxdire:c'esthallucinant,maiscestypesontpresquetroiscentsans!Qu’est-cequ’ilsontencoreàapprendreàlafac?

–Quand jepenseque tumedisaisque tu trouvaisArcher tropvieuxpourmoi ! s’exclame Iris,m’arrachantainsiunsourire.

–C’estfou,n’est-cepas?MaistoiquiasressentidèsledébutquequelquechoseclochaitaveclesfrèresGrant,qu’est-cequetuenpensesmaintenant?

Ellesoupireavantdemerépondre.

–Jenesaispastropquoitedire.C’estvraiqu’ilsontuneauratrèsténébreuse,j’airessentiquelquechosedeviolentetd’effrayantchaquefoisquejelesaicroisés.Etpourtant,commetuledis,ilsn’ontrien fait contre toi. Au contraire, Tristan lui-même a accepté d’arrêter de te fréquenter pour êtrecertainqueturesteraisensécurité…

Çamefaitencoreplusmald’entendreIrisdirecequejepense.J’ailadouloureuseimpressionquej’ai fait une grosse erreur en repoussant Tristan. J’ai agi sous le coup d’une impulsion que je nemaîtrisaispas,j’aieupeurdecequ’ilétait,maissurtoutpeurdelavéritéelle-même,peurdecequejedécouvraissurlemonde.C’étaitvertigineuxdedécouvrirquerienn’étaitcommejel’avaistoujourscru.

Ondiraitquecen’estpasencoreaujourd’huiquejevaispasseràautrechose...

–Tuveuxquejeteprésented’autreshommes?J’enaipleindansmonrépertoiresituveux!–Nonmerci!dis-jeenm’efforçantderire.

Irisprendsonsacsursesgenouxetl’ouvre,puisensortuneenveloppequ'ellemetendd'unairunpeusecret.

–ÉcouteDeva,jejoueletoutpourletoutpourtefairesortiretrevenirparmilesvivants.Tiens.

Elleme tend l’enveloppeet,en l’ouvrant, jedécouvredeuxbilletspourCarmendeBizet,qui sejouecesoiràl’opéradeMissoula.Jelaregarde,incrédule,lesbilletsdanslamain.

C’estmonopérapréféré!

–AlorsDeva?Onyva?Tusaisquejedétestel’opéra:touscesgensquicrient,cen’estpasmontruc.Maispourteremonterlemoral,jedéplaceraisdesmontagnes.Alors,tuviens?

MerciIris,tuesvraiment…

–Uneamieenor?répondIrisensouriant.

***

Lesoir,dansnotrechambre,Irisasortisursonlittoutessesplusbellesrobesetmelesfaitessayerl’uneaprèsl’autredepuisuneheure.

–Cen’estpasquejen’aimepaslestiennes,maisjevoudraisquelquechosedeplusinhabituelpourtoicesoir,puisquenousfêtonstonretouràlavie.

Monretouràlavie…

Étant donné le contexte actuel je trouve cette plaisanterie spécialement malvenue, mais enregardant mon amie s’affairer autour de moi comme une abeille autour d’une fleur pour memaquilleretmeparerderobesetdebijoux,j’oubliesamaladresse.Etpuissabonnehumeurseraitpresquecommunicative.Ellem’acatégoriquement interditdeme regarder tantqu’ellen’auraitpasfini.

–Tada!s’écrie-t-ellealorsquejemedécouvre.

Ellea relevémescheveuxblondsenunchignonunpeunégligédontquelquesmèchesboucléessont savamment rattrapées par des épingles. Un fard gris légèrement pailleté et un trait de noirviennentagrandirmesyeuxvertsetrenforcerleuréclat.Irismefaitporterunerobevertfoncéquejen’aurais jamais choisie si elle nem’y avait pas presque obligée,mais quimetmagnifiquement envaleurma poitrine avec son décolleté plongeant, ainsi quemes jambes avec sa jupe que plusieursjuponsdetullefontbouffer.Surmesépaules,Irisamisunboléronoir,etjeportedesescarpinsnoirsaussi.Ellemeglisseunepochettedelamêmecouleurentrelesmainsetmepousseverslaporte.

–Onestenretard,medit-elle,allons-yvite.

Elleenfileenquelques secondesune robe fourreaugrisequi luiarriveauxgenouxetunevesteblancheaveclesquelleselleestd’uneélégancefolle,etnoussortons.

***

Unefoisqu’IrisaréussiàgarersavieilleHondaenfacedel’opéra,sontéléphonesonne.

–Oui, l’entends-jedire.Oh,c’estunesurprise,c’estcertain!Ouiunebonne,mais tuvois,c’estembêtant,jesuisavecmonamie…OuiDeva…Jeluiaipromisdepasserlasoiréeavecelle….

Jedevinequec’estArcherquil’appellepourluiproposerunrendez-vous,cequ'ellemeconfirmeaprèsavoirraccroché.

–Ilnedevaitpasêtredisponible,etpuisfinalementlaconférenceàlaquelleildevaitparticiperaétéannulée,etcommenousnenoussommespasvusdepuisunpetitmomentilmeproposaitquenousnousvoyions.Maisjepréfèrealleràl’opéraavectoitusais,etdeloin!ajoute-t-elleavecsincérité.

Maisjevoisdanssesyeuxqu'elleauraitbienaimépasserunesoiréeavecsonamant.

– Iris, je ne lis pas dans les pensées, mais je suis certaine que tu serais bien mieux avec tonprofesseurqu’avecmoientrainderegarderunspectacledonttuteficheséperdument.Allez!File!Jemedébrouilleraitouteseulecommeunegrande!

–Horsdequestion.Nousavonsprévuunesoiréeentrefilleset...–Tuasprévuunesoiréeàunspectacleoù tuvas t'ennuyermortellement.Si tucroisqueçame

branchederegarderuneœuvred'artàcôtéd'unefillequibâilleencontinu,tutemetsledoigtdansl’œil,mabelle,luidis-jeenplaisantant.

–MaisDeva,comment...–...Jemedébrouillerai,jesuisunegrandefille.Allez,plusunmot,fileetjeneveuxplustevoir!

finis-jeparm'exclamerenriant.–OhDeva,tuesunange!Etlaisse-moitedirequesisplendidequetuestunetrouvespasl’amour

cesoirmême,c’estquejenem’yconnaispas!

Commesijenel’avaispasdéjàtrouvé,etquejen’avaispasdéjàtoutgâché.

Irisfroncesesjolissourcils:

–Nem’obligepasàresteravectoi,file,profitedetasoiréeetdelamusique,etnepenseàriend’autre!

Enentrantdanslagrandesalleoùvasejouerlapièce,jesuisd’abordprisedanslefluxdelafoulequirentreets’installedansunbrouhahadedébutdespectacle.J’entendslesviolonsquis’échauffentsur des notes dissonantes et qui annoncent pourtant que dans quelques minutes un orchestresymphoniquenousjouerademagnifiquesairs.Etsoudaintoutsefige.

Tristanestlà.Ils'estlevéquandnosyeuxsesontrencontrés,etilmeregardesanscroirecequ'ilvoitluinonplus.Ilal’airpâle,lestraitstirés,etneparaîtpascomprendrecequejefaislà.Ilsembleunpeu inquietaussi :après la façondontnousnoussommesquittés,cen’estpasétonnant.Mais lalueurquibrûleetvientréchauffersonregardbleunemetrompepas : ilestcontentdemevoir.Jedevraislutter,passermonchemin,maisjen’aipluslaforce,etjemesenstellementsoulagéedelerevoir.

C'esttellementgrospourêtreunesimplecoïncidence!

Ilme semble qu’on a ôté un poids quim’empêchait de respirer depuis trop longtemps. Je suistroublée,jenevoispluslesgensautourdenous,etsanspouvoircontrôlerlàoùmemènentmespas,jemedirigeinstinctivementverslui.Saprésence,lachaleurquesoncorpsallumeaucreuxdemesreins,l’odeurvirilequiluicolleàlapeaum’onttropmanqué,etilsemblesoulagéaussiquandilmevoitm’approcherdelui,commes'ilavaiteupeurdemaréaction.

Pasétonnantsionsesouvientdeshorreursque je luiaidébitées ladernière foisquenousnoussommesvus...

Ilsembleavoirperduunpeusesmoyensetseslèvresesquissentunsourire.

–Deva...commence-t-il,commentsefait-il...–Jepourraisteposerlamêmequestion,luidis-je,toujoursincrédule,c'estuncoupmonté?

–Çam'étonnerait,j'aijusteditàmesfrèresquejeneseraispasàlamaisoncesoir,ilsnesaventpasquejesuisici...

EtIrisavaitl'airsincèrequandelleareçusonappeletqu'elleainsistépourrester,çam'étonneraitqu'elleaitmenti...Ondiraitque lehasardestdenotrecôtéce soir,alors !Pasquestionde laisserpassermachancecettefois!

Jeluisourisetluidemandeenmontrantlaplacelibreàcôtédelui:

–Jepeux?–Cen’estpassérieuxDeva,nousenavonsparlé…commence-t-il.–Çam’estégal.J’aieutort.J’aieuletempsderéfléchir,c’estidiotcequej’aidit.

Ilal'airsoulagéparmaréactionluiaussi,mêmes’ilsembletoujourstendu.Sonsouriremefaitfondre.Jevoudraispouvoirposermatêtesursonépauleetfermerlesyeuxpouroubliertoutlereste,etrattrapertoutcetempsperdusanslui,maisjem’enempêche.

– Tu es magnifique Deva, vraiment, me dit-il, et sa voix semble effectivement vibranted’admiration.

–Tun’espasmalnonplus,luiréponds-jeensouriant,quandleslumièress’éteignentpourlaisserplaceàlareprésentation.

Audébut,jenepensequ’àlui,qu’àsoncorpssiprèsdumien,etjepeineàmeconcentrersurcequi se jouedevantmoi tant jeme retiensdeme tournervers luipour lecontempleret laissermesyeux se repaître de son visage magnifique. Et puis je m’habitue, et parviens enfin à fixer monattentionsurCarmen.

Je me laisse bercer par ses chansons que je fredonne depuis mon adolescence, l’histoire metransporteetm’exalteetjereconnaisledébutdel’habanera:«L’amourestunoiseaurebellequenulnepeutapprivoiser…»LeschœursponctuentlachansondeCarmenapportantplusdecaractèreetdepassion.Arrivelemomentoùlerefrainestchantéavecintensitéparlasoprano:«Etsijet’aime,dit-elle en appuyant sur le mot « aimer », prends garde à toi. » Alors Tristanme prend la main. Jetressailleet tourne la têtevers lui, surprisequ’il soità l’initiativedececontactquimeravit, ilmeregarde aussi, et son regard est grave, comme s’il assumait ce geste et se le reprochait enmêmetemps.Mais toutcelam’estégal,mamaindans lasienne, jemerendscompteque jemesensbien,apaiséecommejenel’aipasétédepuisbientroplongtemps.

Unefoisl’opératerminé,noussortons.Enrallumantmontéléphone,jemerendscomptequej'aiunedizained'appelsenabsence,tousdelapartd'Iris,etuntexto:

[Comments'estpasséetasoirée?Est-cequetuvasmieux?]

Ellen'apasidée!Jemesenssurunpetitnuage!

Je ne parviens pas à lutter contre le sourire béat qui s'est figé surmes lèvres, d'ailleurs. Je luirépondsrapidementquetoutvabienpourlarassurer.

Tristanprendlaparolelepremier:

–C’étaittrèsbeau.Paslaplusbellereprésentationquej’aievue,maisc’étaittrèsbien.–C’estfaciled’avoirvumieux.Tuesnéavantquecetopérasoitcréé,tuasdûenvoirpasmalde

versions!

C'estsortitoutseul,jen'aipasréfléchiàlafaçondontilallaitprendremaplaisanterie.Jeluijetteunregardàladérobée.Maisilpartd’unfrancéclatderire.

–Eneffet!Etilm’afalluattendrequasimentquatre-vingtsanspourqueMariaCallasenfasselaplusbelleinterprétation!

–Jenel’aijamaisentenduechanterlerôle,j’aitoujoursaimélaversiondeJuliaMigenes.–Vraiment?AlorstudoisentendrelaversiondelaCallas.Maintenant.–Maintenant?–Oui!Vienschezmoi,jeteferaiécouterunvinyle,uneéditionoriginale,c’esttrès…vintage.–Irisestàsonrendez-vous,çavautpeut-êtremieuxquederentrerseuleàlamaison,luiréponds-

jeavecunsourire.

Ilm’accompagnejusqu’àsavoiture,laCorvette,etcettefoisj’aiparfaitementletempsd’appréciersaligneéléganteetsportiveetdegoûteravecplaisirleluxedessiègesencuir.Tristans’installeauvolantetfaitrugirlemoteur.

***

LesfrèresGrantviventdansunmanoirmoderneetluxueux,prochedelamontagne,làoùlavillecommenceàseconfondreaveclesbois.

Jen’aimeraispasvivreici,maisj’imaginequequandonestunvampireonnecraintnilesanimauxsauvages,nilescambrioleurs…

L’intérieurdumanoirestaussiélégantquetoutcequisembleentourerlesfrèresGrant.Lesmurssontd’unblancépuré,lesolestrecouvertd’unparquetclairquiaccrochelalumièreartificiellequeTristanallumeenentrant.Lapièceprincipaleest spacieuse,meubléeavecsobriété, et aumilieudusalontrôneunmagnifiquepianoàqueuenoir.Jenepeuxreteniruncridejoieenlevoyant:

–Vousavezunpiano!Ilyatellementlongtempsquejen’enaipasjoué!

Nousenavonseuunpendantlongtemps,etpuismamanesttombéemalade,etc’estpeut-êtreunedespremièreschosesquenousavonsvenduespourpouvoirpayersontraitement.

– Tu peux en jouer, tu ne dérangeras personne. De toute façon nous sommes seuls : Grahamtravaille,etElliotestpartichasser,ilenapourtoutelanuit.

Elliott?Chasser?

Jenesaispassic’estledégoûtoulafrayeurquisepeintsurmonvisage,maisTristansereprendrapidementetm’informed’untonrassurant,avecunepointedemoquerie:

– Nous ne nous nourrissons plus de sang humain depuis des décennies. Nous chassons desanimauxsauvagesquinousnourrissentdeleursang.

–Oh,fais-je.J’ignoraisquelesvampirespouvaientvivreensenourrissantd’animaux.Pourquoinelefont-ilspastousalors?demandé-jeavecnaïveté.

– C’est… différent, me dit Tristan. Nous sommes faits pour nous nourrir de sang humainnormalement.Le sanghumain est plus chaud, il a ungoûtdifférent.Lesvampires sont enquelquesorteprogramméspourtrouverduplaisiràlamiseàmortd’unhumaindontilssenourrissent,onneretrouve pas cette jouissance quand on se nourrit d’animaux…Mais il nous reste le plaisir de lachasse !Mais oublie tous ces détails un peu sordides, installe-toi au piano.Tu veux boire quelquechose?Jedevraisretrouverlechemindecettepiècequemesfrèresetmoiutilisonssipeuetqu’onnomme,ilmesemble,«lacuisine».

–Unverred’eau,ceseraparfait.

AlorsqueTristanquittelapièceetmelaisseseule, jem’assoisaupiano.Jecommenceparfairecourirmesdoigtsavecagilitélelongdestouchesblanchesetnoiresavecravissement,etleursonsiclairmefaitsouriredeplaisir.Puismesdoigtsretrouventlechemindemélodiesqu’ilsontjouéesetrejouées quand je pouvais le faire autant que je voulais à la maison. Mes mains se mettent enmouvementmalgrémoietfontjaillirdupianolesnotesbrillantesetdélicatesdel’AveMariadeLiszt.Jemeperdsunpeudans lebonheurdepouvoir jouer cettemusique, et jememets à chanterpouraccompagnerlepiano,instinctivement.J'aiprisdescoursdechantenmontemps,etonm'aditquej'avaisunejolievoix,maisj'ignores'ilenrestequelquechose.

Quandmavoixs’éteintaveclesdernièresnotes, jereprendsmesesprits.Jemeretourne,unpeugênée de revenir si brutalement dans le monde réel, et vois Tristan en train de me contempler.L’admiration emplit son regard. Mon cœur se met à battre la chamade. J’ai chaud et un frissonparcourtmacolonnevertébrale.Dansmonbas-ventres’allumeuneétincellededésir.Ilsedirigeverslepiano,posesurlerebordleverred’eauqu’ilétaitvenum’apporter,puisprendmonvisagedanssesmainsavantdem’embrasser,d’abordavectendresse,doucement,commesij’étaisfragileetqu’ilavaitpeurdemeblesser,puisdeplusenpluspassionnément.Il finitparmesouleverdanssesbraspuissantsavecunefacilitédéconcertanteetparm’emporterdanssachambreà l’étage.Ledésirquicouvaitàl'intérieurdemoidepuiscettepremièrefoisoùj'aivuTristanm'envahitcomplètement.Jevoudraismeperdreenluiàtoutjamais.

LaCallasattendra!

Il ouvre brutalement la porte avec son pied, et me dépose sur le lit doucement. Il interromptbrièvementnotrebaiser:

–J’aitellementpeurdeteblesser,Deva…

Jeprendssonvisageentremesmainspourlerassurer:

– Impossible, j’ai confianceen toi.S’ilyabienquelqu’unquinepourraitpasme fairedemal,c’esttoiTristan.

Ilreplongesurmeslèvres.Jesenssalanguefraîcheappuyercontrelamienne,lacaresser,etcela

commenceàagacermondésirpourlui.Cependantjelerepoussedoucementetluidemanded'untonhésitant:

– Tristan... Est-ce qu'on doitmettre un préservatif ou quelque chose comme ça ? En plus je neprendspaslapilule,tusais...

Ilritdoucementdemanaïvetéenreplaçantderrièremonoreilleunemèchedecheveux.

–Jesuisunvampire,Deva.Lesmaladies,lesgrossessesinvolontaires,tunerisquesriendetoutcelaavecmoi,quelquesoitlenombredefoisoùjeteferail'amour,medit-ilavantdem'embrasserdenouveau.

Un chatouillement parcourtmon ventre pour descendre se perdre entremes jambes. Alors quej’entreprendsavecfièvrededéboutonnersachemise,jesenslesmainsdeTristan,chaudesetdures,caresserl’intérieurdemesgenoux,remonterlelongdemescuissespuisdemesfesses,soulevantmarobe.Saboucheglissedelamienneetdéposeunchemindebaisersdemeslèvresàmoncou.

Lebaiserduvampire,nepuis-jem’empêcherdepenser,maisaulieudemefairepeur,cetteidéeintensifie lachaleurquicommenceàenvahirmoncorps.L’idéeque l’amour, ledésiret lamortsecôtoientdesiprèsm’excite.

Je parviens enfin à défaire la chemise de Tristan et à la lui retirer. Son torsemusclé confirmel’impression de force que je lui ai toujours trouvée. Je le caresse de mes paumes, avant del’embrasser à mon tour, faisant descendre mes baisers jusqu’à son nombril et à la limite de sonpantalonavantdemeredresseretdecommencerà ledéboutonner.Jedoism’interromprequandlamain de Tristan trouve mon sexe et se met à le caresser doucement d’abord, avant d’écarter maculottepourpouvoir le toucherdirectement.Unedécharged’excitationmeparcourtet jeme tends,allongéesurlelit,tandisqu’ilcaressetoujoursavecdouceurmonintimitéquiréponddeplusenplusàsessollicitations.

C’esttellementbon...

MaisTristanarrêtesacaresse.Je ressensunefrustrationaussidélicieusequedouloureuse tandisqu’ilentreprendderepassersamainlelongdemajambe,s’arrêtantpourapprécierlecontactdemapeau.

–Tuessidouce,Deva,laisse-moiprendreletempsdeprofiterdechaquecentimètredetapeau.

Je croise son regard, et ses yeux bleus ont revêtu une teinte et un éclat que je n’ai jamais vus.Jamaisjen’ailuundésiraussiintensequeceluiquejepeuxlireenlui.

Direquec’estmoiquiluifaisceteffet.

Je suis de plus en plus excitée.Mesmains hâtives tentent de se frayer un chemin pour pouvoiracheverdeledébarrasserdesonpantalon,mais ils’enaperçoitetavecunsouriresévèreilattrapemespoignetsfermementavantdelevermesmainsau-dessusdematêteetdelesmaintenirplaquéescontrelelit.

–Soispatiente,madouce.–Facileàdire,luimurmuré-jeenplaisantant,tuasl’éternitépourtoi,etmoi,pauvremortelle…–Alorslaisse-moitefairepartageruneéternitédequelquesinstants,merépond-ild’unairtaquin.

Il embrasse un instant ma bouche, avec fièvre, puis redescend dans mon cou, dont il respireprofondémentl’odeur,avantdedescendrelelongdemaclavicule.Illâchemespoignets,faitglissersesmainslelongdemesbraspuis,m’entourantdesesbras,ildéfaitlafermetureéclairdemarobequ’ilm’enlève, libérantmapoitrine,qu’il semetà embrasser. Ilmordillemes tétonsdélicatement,metsesmainsencoupeautourdemesseinsavantdeseremettreàlesembrasser.Puisildescendsurmonventre,allantdeplusenplusbas, jusqu’àmaculottequ’ilenlèveavantdeplongersonvisagedansmonsexe.Ilcommenceparlécherdoucementmonclitoris,faisantnaîtreenmoidespalpitationsdeplaisirquiremontententourbillonnantdansmonbas-ventre,avantdes’enfoncerplusintimementenmoi.Jecroisquejen’aijamaisrienconnud’aussibon.Leplaisirm’envahitetmefaitmecrisper,serrantmesmainssurlesdrapspourréussiràmecontrôler.Puisilinsèreundoigtauplusprofondde moi et, tout en continuant de lécher mon clitoris, il exerce des va-et-vient qui intensifient lessensationsquejeressensetcommencentàmefaireperdrelatête.

Continue,net’arrêtepas…

Nousn’ensommesqu’auxpréliminaires,maisjesaisdéjàquejamaisaucunhommenem’adonnéautantdeplaisiretn’aautantsuréveillermondésirquelui.

Depuis le premier jour, depuis le premier instant où mon regard a croisé le sien, j’attends cemoment,celuioùnoscorpspourrontsetoucher,sesentir,selécher,puissefondrel’undansl’autre.

Il continue ses caresses langoureuses, scrutant les signes demon corps pour aller plus vite, oumoins vite, embrassemon sexe tout en continuant de le toucher, en caresse lesmoindres recoins,variantlesrythmesainsiquel’intensité.Jemelaissealler,leplaisirirradiedanstoutmoncorpsetjelelaisses’infiltrerdanschaqueparcelledemoncorps.

Jevaisjouirs’ilcontinuecommeça.

–Tristan,murmuré-jeententantdereprendremesesprits.–Chut,medit-il,nedisrien.

Je lui obéis et je ferme les yeux pourmieux savourer les décharges de plaisir qui semettent àvrillerenmoi,pourseterminersurmeslèvresenundouxcridebien-êtreetd’abandon.Tristanseredresse.J’aiàpeineletempsdereprendremonsouffleetmesesprits.J’enprofitepourfinirdeluienleversonpantalonetpourlibérersonsexequis’érigefièrement.

Tristan,tuesparfait,despiedsàlatête.

C’estlaseuleréflexionquimevientquandjelevoisdressédanstoutesavirilité.Jesaisissonsexeàsabase,etlaisseunmomentcourirmamaindebasenhaut.Jelevoisfermersesyeuxethaleter,tenduparleplaisirquejeluidonne,etcelamerendfière.J’entreprendsalorsdeléchersongland,puislelongdesonsexe,avantdeleprendredansmaboucheentièrement.Sonsouffles’accélère,jesuisdeplusenplusexcitée.

Moi qui ai toujours été timide et réservée, j'aimerais bien savoir d'où me vient cet espritd'initiative!

Jemesurprendsmoi-mêmeàmesentirsiàl'aiseavecmoncorpsetavecceluideTristan.J'auraisprobablementétémortedehontesionm'avaitditquej'étaiscapabledetantd'audace,maistoutparaîtsi simple et si naturel en cet instant... Je continue de faire jouermesmains sur son sexe que j’aitoujours dans la bouche, et je le sens durcir enmoi.Cette sensation excitemon désir, etmême sij’aimeluiprocurerceplaisir,jecommenceàavoirenviedenouveaudesesmainssurmoi,partout,ycomprisdansmesrecoinslesplusintimes.Tristanadûentendremonappelmuetcarilmerepoussedoucementet,sesbrassurlesmiens,ilmeguidepourm'allongerdenouveausurlelit.Jesenssonsoufflefraissurmabouchejusteavantqueseslèvresdoucesneviennents’écrasersurlesmiennes.

–Oh,Deva,dit-il,j’enaienviedepuislapremièrefoisquejet’aivue,dit-il.Tuesaussiparfaiteque je l’ai toujours imaginé.Tun’aspas idée... J’aidûmeretenirdenepasme jetersur toidès lepremierinstant,dit-ildansunsouffle.

Se jeter surmoi, etme consommerdans tous les sens que ce verbe peut avoir s’agissant de lui,Tristan…

L’idéequeTristanpuisseavoir tellementenviedemoi, l’idéede la retenuequ’il exerce sur lui-mêmepournepasmebriserdesaforcesurhumaine,ounepasmeviderdetoutesmesforcesetdetoutmonsangcommeilpourraitlefairemefaitprendreconsciencedel’hommeexceptionnelquiesten traindeme faire l’amour.Moncœur s’emballe, et jeme jette sur ses lèvres pour faire taire lamontée de désir qui prend possession de moi, enflammant mes veines et mon corps tout entier.Tristansembleêtresousl’effetdelamêmeflambéed’excitationquemoi.Jelesensposersesmainssurmescuisses,sûrdelui,etrapidementellesretrouventlechemindemonsexehumideetoffertquineveutplusquelui.Mesmainscourentàlarencontredessiennes,versmonsexeavidedecaresses,maisTristanlesarrêtedansleurcheminement,emprisonnantunefoisdeplusmespoignets.

–C’estdemoiquetuasenvieDeva,demoi…Dis-le.–Oui,Tristan,detoi,etpersonned’autre,jeteveuxenmoi.

Montonestsuppliant,jedevraisavoirhonteetpourtantçam’estégal,j’aitellementenviedelui.Ilsouritetmepénètredesonsexedur.Jelesensglisserenmoiquisuisprêteàl’accueilliretpousseunsoupirdesoulagementensentantqu’ilm’aenfincomblée. Ilmedomine,de toutsoncorpsdont jepeux repaîtremes yeux. Il a posé sesmains de part et d’autres demon visage et se tient en appuidessus,lesbrastendus.Ilmeregardedanslesyeux,etnosregardsseparlentduplaisirquenousnousdonnonsmutuellement.

Enfin,ilcommenceàfairealleretvenirsonsexedanslemien,doucementd’abord,commepourmefaireprendreconsciencedesesproportionsparfaitesquivontetviennentàl’intérieurdemoi.Jesensmon intimitépleinede lasensationqu’il faitnaîtreenmoi,unbonheur,uneplénitude,dont jesaisqu’ilsfinirontenunejouissancepartagéeetexplosive,maisnousprenonsletempsdegoûterceplaisirpourl’instant,celuidesentirnospeauxsefrotteretsecaresser.Maissescoupsdeboutoirsefont plus pressants, plus affirmés et plus forts au fur et à mesure que l’excitation m’envahit, je

m’entendshaletersansreconnaîtrelesondemavoix.Jenevoispluslachambre,lelit,Tristanmêmequifaitcorpsavecmoi.Jenesensplusquesonparfumentêtant.Quelerythmeenivrantquesesreinsimposentauxmiens.

Je m'abandonne dans l'ivresse des sens qu'il me procure, je commence à m'habituer à cessensations délicieuses et inédites qu'il m'offre. J'ai l'impression de sentir mon sexe se contracterautourdusien,etdelesentirsedurcirencore,mecomplétantàmerveille.C'estcemomentoùjemeperdsdanslebien-êtrequ'ilchoisitpours'immobiliseravantdeseretirer.

–ReviensTristan,j'aitellementenviedetoienmoi,réussis-jeàgémir.

Jevois lasatisfactionsepeindresursonvisagetandisqueposant lesmainssurmesreins, ilmefaitmeretourneràgenouxsurlelit.Ensuite,ilseserrecontremondos.Jesenssonérectioncontremesfessestandisqu'ilprendmespoignetsetposemesmainsàplatsurledrap.Ilcaressemesfessesdesapaumedureetjegoûteleplaisirdecettemainchaudecontremapeau.

J'aitellementenviedelui,là,toutdesuite!Jevaisdevenirfolles'ilnemeprendpasmaintenant!

Ungémissementd'impatiencem'échappe.

–Dis-le,Deva.Jetemanque,c'estça?

Lesondesavoixvientexacerbermondésir.Jesuisenmanquedeluiàl'intérieurdemoi.

Jeleveux,etmaintenant.Jesuisprêteàlesuppliers'illefaut!

–Oh,Tristan!Nemelaissepascommeça,s'ilteplaît!

Denouveau,ilcaressemesfesses.

–C'est une trèsbelle vueque j'ai de là où je suis,me sussure-t-il.Unedesplusbelles que j'aiejamaisvue...

Cetteattentemerendfolle,jesuistellementexcitée,est-cequec'estaussilecaspourlui?

Serend-ilcompteàquelpointmessenssontaffolésparletraitementqu'ilvientdemeprodiguer?Probablement.

Ildoitestimerqu'ilaassezjouéavecmoi,carjesensleboutdesonsexechaudethumidefrottercontrel'entréedumien,ets'insérerlentement.J'étouffeungrognementdesoulagementàlesentirmeremplir à nouveau. Doucement d'abord, il commence à aller et venir en moi, et puis le rythmes'accélère.Commentfait-ilpoursavoirexactementquellecadencedonneràsescoupsdereinspourmepénétreravectellementdeprofondeuretdemaîtrise?

Jemeperdsdanslasensationquimonteenmoi,deplusenplusforteetdeplusenplus intense.Commeuntourbillon,leplaisirenvahittoutdansmoncorpsetabolittoutcequejepensaissavoirsurmoi ou sur ce que j'attendais du sexe. Je ne suis plus que cette fille qui s'abandonne à un amant

exceptionneletquioublietoutcequ'elleaétéjusqu'àcetinstantoùjemesensplusfemmequejenel'aijamaisété.

LeshanchesdeTristancognentrégulièrementcontremesfesses,melaissantunpeuplusravieàchaquefoisetleplaisirestdeplusenplusfort.Ettandisqu’unesensationd’unevoluptéintensemonteduplusprofonddemoijusquedansmonventre,jemelaisseallerdansunorgasmecontrelequeljenepeuxpluslutter,poussantuncridedélectationextatique.

Quelques secondes plus tard, Tristan me serre dans ses bras et étouffe un dernier soupir dejouissanceenposantdoucementses lèvrescontremoncou,appuyantsesdentscontremapeau,meprocurantparlàdessentimentsdebonheuretdedangermêlésquiprolongentmonplaisir.Soncorpssecrispesousl’effetdesspasmesqueluiarracheleplaisirultimequ’ilressent,avantdesereposercontremoi,partageantlamêmeivressesensuelle.

7.Nouvelunivers

Tristanm’afait l’amourd’unemanière incroyable.Jen’aurais jamaispenséquecelapuisseêtreaussifantastique!Cen’estpasquej’aiebeaucoupdepointsdecomparaison,misàpartOliverbiensûr. J'ai l'impression que pour la première fois, ce n'est pas seulement un homme qui m'a faitl'amour : j'ai vraiment partagé quelque chose avec Tristan, et il m'a fait ressentir des sensationstellementinsensées!

JecomprendsmieuxmaintenantcequevoulaitdireIrisquandelleparlaitdesensationsexplosivesetdeplaisirindescriptible!

Waouh!

Le jourest àpeine levé.La fenêtreest entrouverteet labrisedumatin fait jouerdoucement lesrideauxdemousseline.LesoleildessinesurlecorpsdeTristandesraisdelumière.Ilestallongéetmeregarde,sansdormir.

–Tuesréveillé?

Ilsourit.

–Lesvampiresnedormentpas,Deva.–Tuveuxdirequetuesrestéallongéicitoutelanuit,sansdormir?– Nous autres créatures des ténèbres apprécions néanmoins de nous reposer. Surtout en si

charmantecompagnie,medit-ilendéposantunbaisersurmonépaule.

Jesouriset jemeredressesurmoncoude.Hiersoir j’aiàpeineeule tempsderegarderàquoiressemblaitsachambre,c’étaitbienlecadetdemessoucis.Cematin,jepeuxenfinadmirerledécorélégantdanslequelj’aipassélanuit.Lesmurssontblancsetlesmeublessobres,commedanstoutlerestedelamaison.Descadrescontenantdesphotosennoiretblancapportentunpeudepersonnalitéà la pièce. Une grande baie vitrée donnant sur un balcon l’inonde de lumière. Au milieu de lachambre, le lit,grand, imposant,avecunetêtedelitencuirblanctoutesimpleetdesdrapsdesoiegrise,danslequelnoustraînons,baignésdanslalumièredumatin.

–Est-cequevousêtesriches,tesfrèresettoi?demandé-jesoudainement.

Tristanéclated'unrireamusé.

–Tuviensdepasserlanuitavecunvampire,ilyamillequestionsquetupourraismeposer,etlapremière chose qui te préoccupe, c'est de savoir comment nous payons notre loyer ? Tu esincroyable!

Ilesttellementbeauquandils'amuse...

Jerisàmontour:

–J'aiàteposermillequestions,maiscomprends-moi,jemeréveille,etlapremièrechosequejevois, c'est cette chambre hallucinante ! On se croirait dans un hôtel quatre étoiles ! Je veux justesavoird'oùvousteneztoutça...histoiredesavoirsic'estuneraisonlégaleousijedoisprendremesjambesàmoncou,luidis-jed'untontaquin.

–Évidemment,lesvampires,cen'estpasassezdangereuxpourtoi,iltefautaumoinsunmagnatde la drogue ou une sorte de mafieux pour t'effrayer, si je comprends bien, ajoute-t-il d'un tonfaussementvexé.

Jepassemesbrasautourdesoncouetl'attireàmoipourdéposerunbaisersurseslèvres:

–J'aibeauessayer,Tristan,jetejure,jen'arrivepasàavoirpeurdetoi!Alorsarrêtedechangerdesujetoujevaisfinirparpenserqu'ilyavraimentquelquechosedelouche.Dis-moi:est-cequevousêtesriches?

Ilatoujourscesourireamuséquimefaitfondrequandilmerépond:

– J'imaginequ'onpeut présenter les chosesde cette façon, en effet.Nousn'avonspasbesoindetravailler.SiGrahamestdanslapolice,parexemple,c'estsurtoutparcequec'esttrèspratiquepouravoirl’œilsurlesmortssuspectesquiauraientpuêtrecauséespardesvampires,oupourétoufferlesaffairesgênantesquipourraientmettrenotreraceaugrandjour.

–Est-cequetouslesvampireslesont?–Non, tous lesvampiresne sontpas riches, et loinde là.Certains errent et viventdeshumains

qu’ilstuent.Ilssemoquentduconfort.D’autresprofitentdeleurstatutpours’enrichirauxdépensdeshumains.Encequinous concerne,mes frères etmoi,nous avonsde la chance : notrepère, à sonépoque,avaitinvestidansdesactionsquiontprisdelavaleurauXIXesiècle.Nousn’avonseuqu’àfaire fructifier ce que nous avions déjà, en plaçant notre argent avec discernement. Le monde achangéendeuxcentsans,etnousavonsmontréuncertain talentpour la finance.C'estcequinouspermetdevivreaussiconfortablement.

Jetournelatêteverslafenêtreetunrayondesoleilm’éblouit,meforçantàplisserlesyeux.

– Je n'ai pas l'impression que la lumière du soleil te réduise en poussière, lui dis-je d'un toncurieux,commentest-cepossible?

Tristanritunefoisdeplus.

– Jepeuxaussivoirmon refletdans lesmiroirs, et jen’aipasbesoindeme régénérerdansuncercueilpleindelaterredemonpays,avantquetunedemandes!

Ildevientplussérieuxavantdereprendre.

–Ceciditnousnesommespasinsensiblesàl'effetdelalumière:parexemple,nousnepouvonsnousnourrirqu’une fois le soleilcouché.Nospouvoirségalement,ou les forcessurhumainesquenousdonnenotrenature,nepeuventse révélerqu’à lanuit tombéeoubienquand la luminositéesttrèsfaible,maisdanscecas,ilsnesontpasàleurpleinepuissance.

–Despouvoirs?Quelgenredepouvoirs?– Le don obscur diffère en chacun de nous, et il augmente avec notre âge. Certains vampires

peuventvoler.Certainspeuventhypnotiserleursproies.D’autreslisentdanslespensées.

CommeIris?Çapourraitvouloirdirequ'Irisestunvampireaussi?Paspossible!

–Ettoi,quelesttonpouvoir,Tristan?demandé-je,intriguée.–Mes frèresetmoisommescapablesde ressentir lesêtressurnaturels.Sans lesconnaître,nous

faisons ladifférenceentre leshumainset lesautres ;vampires, sorcières,commec'est lecaspourIris…C’estd’ailleursrassurantdesavoirqu’elleestdetoncôté,ajoute-t-ilavecunsourireentendu.

Iris?Unesorcière?Jen'avaisjamaisvuçadecettefaçon!

Quelquepart,jesuisunpeusoulagéedesavoirqu'ellen'estpasunvampire,jeluienauraisvouludemecacherunsecretpareil.MaislesmotsdeTristanm'intriguent:

–Qu'est-cequetuveuxdirepourIris?– Iris appartient également à une race surnaturelle. Une race bienfaisante pour les humains, la

plupart du temps en tout cas, et opposée auxvampires.Lespouvoirs des sorcières apparaissent engénéralàl'adolescence,maispourIrisiln'yaquetrèspeudetempsquenousavonsdétectésonaura.

–Alorstulesavais...–Tuvois,onnepeutrienmecacher!Jen'aimêmepasbesoindeparleràtesfréquentationspour

savoirquiilssont!

Jedevraisavoirpeur,maistoutescesrévélationsfontbattremoncœurencoreplusvite,c’esttout.J’aimefollementcetype,fut-ilvampireoudémon.Maismacuriositén’estpasencoresatisfaite.

–Cesontvosseulspouvoirs?–Tuasl’airdéçu,dit-ilpourmetaquinerenm’attirantàluipourm’embrasser.–Non,pasdutout,maisest-cequevousêtesplusfortsqueleshumains?– Nous sommes plus puissants, et nos sens sont infiniment plus aiguisés. Tu me demandais

commentj’aisuoùtuétaisquandDantet’aentraînéeàl’écartpouressayerdetetuer.Ilnousasuffidesuivretonodeur,etdetendrel’oreille.

Dante.L’agression.Toutcelameparaîttellementloin.LaDevaquivivaitdansunmondenormaletrationnelmesemblevenird’uneautreexistence...

–Commentest-cequetusavaisqueDanteétaitunvampire?Grâceàtondon?–Oui.Jel'aisudèsquejel'aivuentrerdanslacafétériaetvenirteparler.Jel'auraistuésur-le-

champ si Elliott ne m'en avait pas empêché, Graham et lui voulaient être sûrs que c'était bien levampirequenouscherchions.Moi...jenesupportaispasl'idéedetemettreendanger.

Ilserrelespoingsenparlant,commesilessentimentsqu'ilaalorsressentisluirevenaientpendantqu'ilenparle.

–Etpourquoiest-cequ'iltuaittoujourslemêmetypedejeunesfilles?

Tristanfixesurmoisonregardbleuetsemblevouloirmefaireprendreconscienced'unechosecapitale:

–Parcequec'étaittoiqu'ilcherchait,Deva.

Une fraction de seconde, j'ai l'impression que les battements de mon cœur sont suspendus. Jeretrouvequandmêmesuffisammentdesoufflepourdemander:

–Moi?Maisenfinpourquoi?–Tutesouviens,quandnousnoussommesquittés?Quandjet’aiditquetuétaisspéciale?

Commentest-cequejepourraisavoiroublié?

–Jem’ensouvienstrèsbien,maisjecroyaisquetuvoulaisdirequej’étaisspécialepourtoi,paspourtouslesvampires,luiréponds-je,unpeuvexée.

Monaircontritdoitl’amusercarilluiarracheunsourire.

– Évidemment tu es spéciale pourmoi, tu es même unique. Je savais que tu étais d'une beautéexceptionnelle,parcequ'ilyaunmomentquemesfrèresetmoit'observions.Etpourtantcejouroùtuestombéepresquedevantmoidansl'amphithéâtredelafac,jemesuissentiplusattirépartoiquejenel'avaisjamaisétéauparavantparpersonne,demaviedevivantoudemort.Jen'aipascomprisd'abord,etj'aicruquec'étaitl'appeldusangquiparlait.Etpuisj'aicruteperdreetjemesuisrenducomptequec'étaittoiquimemanquais:tonairvexéetfieràlafoisquandtufaisunemaladresse,leregarddouxetpensifquetupenchessurteslivresàlabibliothèquequandtutravailles,cemouvementgracieuxde lamainque tuaspourbalayer ta franged'un léger reversquandelle te tombesur lesyeux,c'esttoutcelaquej'aimecheztoi.Déjàquandjet'observaisdeloin,jesentaispoindreenmoiunecertaineattirance.C'estcegermequiagrandietquis'esttransforméenpassionquandj'aienfinputeconnaître,medit-il,etsavoixvibred'émotion.

Unfrissonparcourttoutmoncorps.

Alorsilressentlamêmechosequemoi?

Unsilencechargéd'émotions'installeunmomentavantqueTristannereprenne:

– Ceci dit, tu t’es bien rendu compte qu’il arrivait des choses étranges. Tu m’as parlé de cesblessuresquiontguéritoutesseulesparexemple,tutesouviens?

–Biensûrquejem’ensouviens,maispourquoi?–TueshumaineDeva,mais tuappartiensàunecatégoried’humains trèsparticulière.Tuesune

mona. Tu ne t'étais jamais régénérée auparavant parce qu'il a fallu qu'un vampire te touche pourdéclenchertonpouvoir,etc'estmoiquiaifaitcetteerreuràlabibliothèque.Enterévélantcedonttuétaiscapable,jet'aimiseendanger:tuesdevenueunevraiemona,tunepourraspastecacherencorelongtempsdesautresvampires,etilleurdeviendraplusfaciledetedécouvrirqueçanel'aétépourDante.

Ilserrelespoings,sacolèresembleaffleureràcesouvenirterrible.Maiscelam'importepeu,ila

excitéma curiosité plus encore.Des vieux souvenirs demes cours de grec de première annéemereviennentàl’esprit.

Mona,laseule…

–Qu'est-cequec'est,une«mona»?Est-cequeçasignifieque…j’aidespouvoirs,moiaussi?

Il hoche la tête gravement. Ses yeux se sont assombris comme souvent quand il prend son airsérieux.

–Tuportesunpouvoiretunegranderesponsabilité.Lesmonassonttrèsrares,onentrouveuneoudeuxuniquementparcontinent.Cesontdessortesde«gardiennes»,garantesdel’équilibreentreles humains et les vampires. C’est par leur seule existence que les pouvoirs des vampires sontlimités:silesmonasdisparaissaient,lespouvoirsdesvampiresseraientamplifiés:ilsn’auraientplusbesoind’attendrelanuitpoursenourrir,oupourêtreplusforts.Tuimagineslesmassacresdontilsseraientcapables?Commeleshumainsseraientfaiblesfaceàunetelleracequipourraitlesattaquerdejourcommedenuit?

–Ohoui,jevois.

Lavérité,c’estquejeneveuxmêmepasimaginerlepoidsdecetteresponsabilité.Pastoutdesuite.Jeveuxjusteensavoirplus.Tristanmeprendlamain.Il toucheduboutdesesdoigts lesentrelacscirculairesd'argentquisedessinentsurmabague.Ilseperduninstantdanssacontemplation.

–C'estunebaguedefamille,luidis-je,c'esttoutcequ'ilmerestedemamèrebiologique.–Jesais,medit-il,c'est labaguequeportenttouteslesmonas.Cescerclesquisemêlentlesuns

auxautresontunsens.Ilsreprésententl'équilibreentrelesdifférentesforcesquiexistent,cetéquilibreque lesmonasprotègent.C'estunsymbole traditionnelqueportent les femmesde tonespèce.C'estaussilesigned'unegrandepuissancesurlesvampires:lesangdesmonasauneffetfatalsurnous.Tonsanga lacapaciténonseulementdenousrendrehumain,maisencorederendreànotrecorpsl'âgequ'ildevraitavoir.Laplupartdesvampiresétanttrèsâgés,l'effetestmortelpoureux.C’estcequiestarrivéàDante.C’étaitunvampirequiétaitnéàlaRenaissance.Ils’estsacrifiépourtetuer.Ilétait probablement envoyé par un clan de vampires qui souhaite se débarrasser desmonas afin depouvoirvivrelibrement,dejourcommedenuit.

–Ils’estsacrifié?Qu’est-cequetuveuxdire?

Tristansoupire.Visiblement,parlerdecelalerendnerveux.

–Pourunvampire, iln’yaqu’uneseulefaçondetuerunemona: il fautboire toutsonsang,etdoncmourir.

–Maispourquoia-t-ilvoulusesuicider?–Quipeutsavoir?Paraltruismepourlessiens?Parcequ’onavaitmenacédesmembresduclan

qu’ilvoulaitprotéger?Oubienparcequecertainsvampiresconsidèrentcommeunemalédictionleurnatureetsouhaitentmouriretespèrentparlàatteindreuneformederédemption?Certainsselassentde l’immortalité, il estpossiblequecesoitcequiestarrivéàDante : il avaitplusdesixcentsansd’aprèslesrenseignementsqueGrahametElliottonttrouvésàsonsujet.Iln’attendaitpeut-êtreplusriendel’existence.

Ainsi des vampires veulent me tuer, simplement parce que je suis moi ? Cette attaque qui m'aterrorisée,çapourraitsereproduire?Desvampiresvontessayerdemetuer?Çamefaitfroiddansle dos. Toutes ces pensées se bousculent à une vitesse pas possible dansmon esprit, j'ai envie depaniquer, alors que nous étions si bien, Tristan et moi. Pour me rassurer, je pose ma tête contrel’épauledeTristanetmepelotonnecontrelui.Là,jemesensensécurité.Jesuiscertainequ’avecluiriennepourram’arriver.

–Vouspouvezmourirenbuvantmonsangalors...Ilyad'autresfaçonsdevoustuer?Ouàpartçavousêtesimmortels?

–Onnemeurtpasdemortnaturelle,onnevieillitpas,maisonpeutmourir,si...Lespieuxdanslecœur,couperlatête,arracherlecœurd’unvampire,lebrûlervif…Toutcelaestvrai.

–Etvouscraignezl’ailetlescrucifixaussi?–Pasune seule seconde !medit-il en riant, ce sontdes superstitions inventéespar lesgensdes

campagnes!

Tristan se rapproche de moi et me prend dans ses bras. Il caresse mon dos et m’embrasse denouveau.Lapressionfraîchedeseslèvressurlesmiennesravivel’excitationenmoi,etjemelaisseallercontreluiavecvoluptéetdésir.Ilrepoussemescheveuxdéfaitsquitombentdansmoncoupourpouvoirl’embrasseràsontour.Unenouvellequestionmevientàl’esprit.

Ilestdétendu,sembledisposeràmerépondre,c’estlemomentoùjamais.

–Tristan, lui dis-je, sans interrompre les caresses qu’ilme prodigue, est-ce que tu as envie deboiremonsangquandtuesavecmoi?

Toutàcoup,ilseredresse.Soncorpsseraidit,toutetracededécontractions’effacedesonvisage.Ilsemblecontrarié.

Nooon,j'auraisjamaisdûluidemanderça!

Il a repris son air sérieux et le moment n’est plus au batifolage. Ses yeux sont durs et metranspercentdeleuréclatmétalliquequandilmerépondenfin:

–Tonsang,Deva,dégageuneodeurtellequ’ilattirelesvampiresplusqueceluiden’importequelautrehumain.

–Commentça,«mon»sang?Pourquoilemienprécisément?C’estàcausedel’odeurdemonsangqueGrahamvousaproposédevouséloigner,Elliottettoi,lesoirdel’agression?

Tristanconfirmed'unmouvementdelatête.

– Nous nous sommes nourris d’humains au début de notre transformation. Nous étionsdéstabilisés.Pourunvampire,touslestypesdedésirsseconfondentenunseul:ledésirdesang.Ilfautdutempspourapprendreàdémêlersessensationsetàdistinguerlafaimdenosautresbesoins.Dutemps,etdelavolonté:beaucoupdevampiressecontententderenoncerpurementetsimplementàcequ’ilsavaientd’humain.Ilsviventseuls,ouenclans,secoupentdumondedeshumainsqu’ilsneconsidèrentplusquecommeunvivierdanslequelilspuisentleurrepas.SansGraham,jenesaispascequenousserionsdevenus,Elliottetmoi.C’estluiquinousaremisdansledroitchemin,quinousa

montréqu’uneautrevoieétaitpossible,quinousa redonnéunbut etune raisondegarderun lienavecl’humanité.

–Tupensesvraimentquetuauraispudevenirunêtresanguinaireetcruel,Tristan?Jenelecroispasuneseuleseconde.Jen’aipaspeurquetumefassesdumal,j’aicomplètementconfianceentoi,tum’assuffisammentmontréquetunevoulaisquemonbien.

J’aiposémesmainssursonvisage,etilsemblecroirel’espaced’uninstantlesmotsquejeluidis.Maisrapidementsavoixsedurcit,etenlevantavecdouceurmesmains,ilmerépondsérieusement,commes’ilessayaitdemepersuader:

– Détrompe-toi Deva, tu n’as pas idée de ce que c’est. Cela fait plusieurs décennies que jemenourrisdesangd’animaux,etjen’aipasgoûtéausanghumaindepuisplusd’unsiècle.Maisjeresteunprédateur.Jesuisprogrammépourcela.Aufonddemoi,jenepourraijamaisfairetairecettevoixquimeditquelaseulefaçonpourmoidemesentircomplet,c’estdeboirelesangd’unêtrehumain,serrantsoncorpschaudcontremoi,sentantnoscœursbattreàl’unissonpournesefondrequ’enunseulbattement,ralentissantjusqu’àlamort.

Ilpâlitendisantcela,etdétourneleregard,maisilnelâchepasmamain.

Voilàdoncl’ampleurdelalutteintérieurequ’ilmènechaquefoisqu’ilestavecmoi.

–J’aieupeurd’êtretropprochedetoiDeva,etj’aitentédetefuir.Pourlapremièrefoisdepuislongtemps, je ne savais pas si c’était l’odeur enivrante de ton sang quim’attirait, ou si c’était toi,tellement belle, tellement intelligente, sincère. J’ai échoué à garder mes distances, je suis devenuobsédé par toi, et quand nous nous sommes quittés, même sans te sentir, tu continuais d’occupertoutesmespensées.C’estàcemomentquejemesuisrenducomptequecen’étaitpasseulementtonsangquejevoulais,c’étaittoi,toutentière,tellequetues.J’avaispeurdefairel’amouravectoi,denepaspouvoirrésisteràmondésir,d’allerjusqu’auboutdecequemanatureauraitvoulu.Jepensequequelquepartaussij’avaispeurqueledésiretlessensationshumainesquetuavaisàm’offrirneme suffisent pas, mais ce fut tout le contraire : cette nuit que nous avons passée ensemble futmerveilleuse.Jenesaispascommentc’estpossible,maismessentimentspourtoiontdépassémonbesoindesangetmoninstinctmortel.Fairel’amouravectoiaétél’expériencelaplusextraordinairequej’aievécueenplusdedeuxcentsans.Jemesuissentitellementhumain,tellementcombléennefaisantplusqu'unavectoi,quecettesensationadépassétoutcequejecroyaissavoirdemoi-même.Enuncertainsenstoiaussituasrenversétoutesmescertitudes.

Je frémis de bonheur de l’entendreme parler de cette façon.C’estmoi cette fois qui posemeslèvressurlessiennesetquimeperdsenluienunbaiserdélicat.

–Alorstun'aspaspeurdemoi,jeuneinconsciente?medit-ilensouriant.

Monmalestbienpire,Tristanlevampire:jet'aime.

– Pas une seule seconde, lui réponds-je, et ma voix résonne avec une assurance que je lui airarementconnue.

Tristanposealorssurmoiunregardquisembleadmiratifquimemetunpeumalàl'aise:après

tout,jen'airienfaitdespécial.

–Ilfaitbeau,luidis-je,ceseraitsympadeprofiterdusoleil,l’hiverviendrabienassezvite.

Onavuplussubtilcommechangementdesujetdeconversation,Deva!

MaisTristanacquiesce.Jemelève,attrapesachemisepourenrevêtirmoncorpsnuetmerendreàlasalledebains.Ilmesuitetmedéshabilleavantdetournerlerobinetargentédelagrandedoucheàl'italienneverslaquelleilm'aguidée,etalorsqu'ilseremetàm'embrasser,jesensledésirreprendrepossessiondemoi.Pendantquesesmainshabilesmecaressent,jeregardel'eaufilersurlesdélicatesmosaïquesquirecouvrentlesoletlesmurs,etjelelaissememenerunenouvellefoisversl'amouretl'extase.

***

Jefinisdem'habilleretTristanaussi.

–J'aiunedernièrequestionàteposer,luidis-je.–Tuveuxdirequetoninterrogatoireaunefin?medemande-t-ilenplaisantant.–Çategênequejetedemandetoutça?

Ils'approchedemoietmeprenddanssesbrastoutenmeregardantdroitdanslesyeux.

–Tuesvraimentunique:tudevraisêtreterroriséedetoutcequetudécouvresetvouloirpartirencourant, au lieude toujours chercher à en savoirplus sur ceque je suisvraiment.Mais je t'adore,curieuse,etj'adoretesquestions.

–Situdormaisdansuncercueilemplidetaterrenatale,quelleseraitcetteterre?luidis-je.–La terredePhiladelphie.C’est làquenoussommesnésmesfrèresetmoi,etc'est làquenous

vivionsquandnousétionshumains.

Jerestebouchebéeetjeleregarde,incrédule.

–Philadelphie?Maisc’estlàquejesuisnée,moiaussi!

Tristanéclated’unriregaietmerépondd’unairmystérieux.

–Jelesaistrèsbien,puisquec’estGrahamquit’asauvéeett’aconfiéeàHeatherWhite,quandtamèrebiologiqueaététuée.

Autant tout ce que j’ai appris jusqu’ici a juste contenté ma curiosité de découvrir cet universsurnaturelnouveau,autantcettenouvellerévélationmecoupelesouffle.

Mamèrebiologique?Tuée?

Cettenouvelledécouvertem'abasourdit.J’ouvrelabouchepourposerdesquestions:jeressensdelapeineàl'idéequemamèrebiologiqueaététuéeetqu'elleestmortesansquejepuissejamaislaconnaître,etpourtantmoncœursegonfledejoiedesavoirqu'ellen'apasvoulum'abandonner!Je

voudrais en savoir plus mais un bruit de bois déchiqueté d’un seul coup interrompt notreconversation.Tristansemblesoudaininquiet.

–NebougepasDeva,jevaisvoircequec’est.

Levoirtellementalertémefaitpeur,etmesjambesmanquentdevigueurpourlesuivre.Ils’élancehors de la chambre.Quelques secondes se passent, ou quelquesminutes pendant lesquelles je n’aiaucuneidéedecequiestentraindesepasser.J’entendsd’aborddesbruitsdelutte.Maisc’estquandj’entendsdesvoixinconnuescriantdesordresquejenecomprendspasquejedécided’allervoir.

Pourvuqu’ilnesoitrienarrivéàTristan!

J’ouvrelaportedelachambreetmerendsàlabalustradeduhautdel’escalierpourvoircequisepasseenbas.Laterreurmetétaniseetmeserrel’estomac,quandj’aperçoisTristanentourédetroishommes,lesmainsattachées,sedébattantsauvagementpourselibérer.

–Tristan!crié-je.

Je n’ai le temps de rien prononcer d’autre : des bras puissants surgissent de derrière moi etm’attrapent,enserrantmesbrasdansmondosdetellesortequejenepeuxplusbouger.Onmepoussevers l’extérieur, et àpeine ai-je le tempsde croiser le regard foudeTristanqu’onme jettedéjà àl’arrièred’unefourgonnette.J’entendsunbruitdemoteur,etlevéhiculedémarre.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Egalementdisponible:

CaptiveduVampire

Le monde se divise désormais entre mortels et vampires. La société semble s’être adaptée à lacohabitationdesdeuxespèces,maislesméfiancespersistent.Une nuit, une grosse berline roulant à vive allure renverse Héloïse, une jeune femme de 22 ans.L'hommequiensort,visiblementpressé,s’emparedesoncorpset le transporte jusqu'àsavoiture.Cet homme, c'estGabriel, unmagnifique etmystérieuxvampire.Héloïse va devoir rester chez luijusqu'àlanouvellelune,27joursplustard.Une relation sensuelle et fascinante, contée avec talent par Sienna Lloyd. Un livre troublant etenvoûtant,àlacroiséedeTwilightetCinquantenuancesdeGrey!

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