Réformes des retraites et pensions en Malaisie

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Revue internationale du Travail, vol. 153 (2014), n o 3 Copyright © Auteur(s) 2014 Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2014 Réformes des retraites et pensions en Malaisie Habibah TOLOS*, Peijie WANG**, Miao ZHANG*** et Rory SHAND**** Résumé. Les auteurs font le point sur les problèmes que connaissent les régimes de retraite et sur la réforme des pensions en Malaisie. Les modèles proposés par le Bureau international du Travail, la Banque mondiale et l’Association de Ge- nève sont analysés et comparés, ce qui fournit un cadre conceptuel pour la mise en place et la réforme des régimes en question. Ce cadre est utilisé pour évaluer la réforme des pensions en Malaisie, avec ses avantages et ses inconvénients pour les travailleurs. Les auteurs concluent en proposant un certain nombre de recom- mandations en matière de régimes de retraite. L e système de retraite est de première importance, tant pour les travailleurs que pour les entreprises. Il se manifeste dès le début de la carrière d’un individu, tout au long de sa vie professionnelle et durant sa retraite. Un élé- ment important du système de retraite est le choix du régime de pensions, sujet de plus en plus complexe, car les options à la disposition des salariés vont en se restreignant. On fait prendre conscience aux gens de la nécessité d’un régime de pensions dès leur adolescence: lorsque Furnham et Goletto- Tankel (2002) ont interrogé un échantillon de jeunes Britanniques âgés de 16 à 21 ans sur leurs connaissances et leurs attitudes en matière d’épargne, de pen- sion et d’assurance vie, ils ont observé divers degrés de connaissances et de compréhension à propos des pensions. Les réponses allaient de «un travail avec une pension professionnelle est important pour moi» à «des pensions privées sont nécessaires pour avoir une bonne qualité de vie lorsque l’on est âgé». Les * Université Utara Malaysia, courriel: [email protected]. ** Université de Plymouth et IESEG, courriel: [email protected]. *** Université Kingston, courriel: miao.zhang@kingston. ac.uk. **** Université de Plymouth, courriel: [email protected]. Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

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Revue internationale du Travail, vol. 153 (2014), no 3

Copyright © Auteur(s) 2014 Compilation et traduction des articles © Organisation internationale du Travail 2014

Réformes des retraites et pensions en Malaisie

Habibah Tolos*, Peijie Wang**, Miao Zhang*** et Rory Shand****

Résumé. Les auteurs font le point sur les problèmes que connaissent les régimes de retraite et sur la réforme des pensions en Malaisie. Les modèles proposés par le Bureau international du Travail, la Banque mondiale et l’Association de Ge-nève sont analysés et comparés, ce qui fournit un cadre conceptuel pour la mise en place et la réforme des régimes en question. Ce cadre est utilisé pour évaluer la réforme des pensions en Malaisie, avec ses avantages et ses inconvénients pour les travailleurs. Les auteurs concluent en proposant un certain nombre de recom-mandations en matière de régimes de retraite.

Le système de retraite est de première importance, tant pour les travailleurs que pour les entreprises. Il se manifeste dès le début de la carrière d’un

individu, tout au long de sa vie professionnelle et durant sa retraite. Un élé-ment important du système de retraite est le choix du régime de pensions, sujet de plus en plus complexe, car les options à la disposition des salariés vont en se restreignant. On fait prendre conscience aux gens de la nécessité d’un régime de pensions dès leur adolescence: lorsque Furnham et Goletto-Tankel (2002) ont interrogé un échantillon de jeunes Britanniques âgés de 16 à 21 ans sur leurs connaissances et leurs attitudes en matière d’épargne, de pen-sion et d’assurance vie, ils ont observé divers degrés de connaissances et de compréhension à propos des pensions. Les réponses allaient de «un travail avec une pension professionnelle est important pour moi» à «des pensions privées sont nécessaires pour avoir une bonne qualité de vie lorsque l’on est âgé». Les

* Université Utara Malaysia, courriel: [email protected]. ** Université de Plymouth et IESEG, courriel: [email protected]. *** Université Kingston, courriel: [email protected]. **** Université de Plymouth, courriel: [email protected].

Les articles paraissant dans la RIT, de même que les désignations territoriales utilisées, n’engagent que les auteurs, et leur publication ne signifie pas que le BIT souscrit aux opinions qui y sont exprimées.

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systèmes de retraite, et les études sur le sujet, suscitent donc beaucoup d’at-tention de la part des employeurs, des salariés, des chercheurs et des pouvoirs publics.

Le présent article est divisé en cinq parties. Dans la première, nous fai-sons le point sur les modèles actuels de systèmes de pensions pour établir un cadre conceptuel aux fins de la conception et de la réforme des systèmes de pensions. Dans la deuxième, nous présentons les problèmes qui se font jour en Malaisie en matière de retraite, puis, dans la troisième, nous évaluons les récentes réformes des régimes de pensions dans ce pays pour les situer dans le cadre conceptuel susmentionné, dans la quatrième partie. La cinquième partie est consacrée à nos conclusions et suggestions.

Les modèles de systèmes de pensionsIl existe de par le monde toute une variété de systèmes de retraite et de pen-sions. Certains peuvent être pris comme modèles pour réformer ce qui existe ou pour en établir de nouveaux. Ces modèles nous offrent aussi un cadre concep-tuel pour analyser les problèmes qui se profilent dans les systèmes de retraite. Plusieurs organisations ont plaidé en faveur d’une approche fondée sur plusieurs composantes, dont la Banque mondiale, le Bureau international du Travail (BIT), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Association de Genève1 dont le programme «Les Quatre Piliers» a été lancé il y a vingt-cinq ans (Ostaszewski, 2012). Il est généralement admis qu’une approche à plusieurs étages ou piliers doit être adoptée en matière de conception et de réforme des systèmes de pen-sions, même si des différences persistent entre les modèles défendus par les deux organisations les plus impliquées sur ce sujet: le BIT et la Banque mondiale. Nous présenterons brièvement ci-dessous le modèle à plusieurs piliers proposé par la Banque mondiale, le modèle à plusieurs niveaux proposé par le BIT, ainsi que le programme «Les Quatre Piliers» de l’Association de Genève.

Le modèle à multiples piliers de la Banque mondialeLe modèle à multiples piliers que défend la Banque mondiale, qui met l’accent sur la diversification et l’efficacité, est fondé sur une approche du type «porte-feuille de placements». Dans ce modèle, chacun des cinq piliers «se caractérise par le type spécifique de risque qu’il couvre» (Holzmann et Hinz, 2005, p. 42). A l’origine, en 1994, la Banque mondiale avait proposé un système de pensions à trois piliers, dans son rapport Averting the old age crisis où elle énonçait ses grands principes et concepts (Banque mondiale, 1994). Depuis, elle s’est atta-chée à peaufiner sa conception afin d’adapter ces principes à la grande variété des situations et de mieux prendre en compte les besoins des diverses popu-lations face aux risques associés au vieillissement. Le cadre conceptuel du

1 L’Association de Genève ou encore Association internationale pour l’étude de l’écono-mie de l’assurance est un club de réflexion de premier plan des entreprises du secteur de l’assu-rance. Pour plus d’information, voir à l’adresse <www.genevaassociation.org/about-us> [consulté le 9 septembre 2014].

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travail de la Banque mondiale sur les pensions est présenté dans son rapport de recherche de 2005 intitulé Old-age income support in the 21st century: An international perspective on pension systems and reform (Holzmann et Hinz, 2005), et il fait l’objet d’une discussion plus approfondie dans Holzmann, Hinz et Dorfman (2008). Dans ce cadre, la structure de départ à trois piliers a été élargie pour comprendre deux piliers supplémentaires, un pilier «zéro» de base et un «quatrième pilier» reposant sur l’entraide familiale.

Dans le cadre conceptuel actuel, le système de pensions à multiples pi-liers est donc composé d’une combinaison de ces éléments de base: a) un «pilier zéro», non contributif, qui confère une protection minimale; b) un «pre-mier pilier», financé par des cotisations en fonction du revenu, et qui a pour objet d’assurer le remplacement d’une certaine partie du revenu; c) un «deu-xième pilier», obligatoire, essentiellement constitué par un compte individuel d’épargne, aux modalités variées; d) un «troisième pilier», volontaire, qui peut prendre diverses formes, mais qui est de nature flexible et discrétionnaire; e) un «quatrième pilier», relevant de l’entraide familiale, financière ou autre, et s’étendant aux soins de santé et au logement. Dans ce cadre conceptuel, la viabilité du «pilier zéro» dépend toutefois des ressources budgétaires dispo-nibles et de la conception des autres éléments du système de pensions.

Le modèle à plusieurs niveaux du BITLa conception et la structure du modèle à plusieurs niveaux du BIT sont présentées en détail dans Social Security Pensions: Development and Reform (Gillion et coll., 2000). Les principes directeurs du BIT en matière d’établis-sement et de réforme des régimes de pensions sont: la couverture universelle, l’affiliation obligatoire, la solidarité et l’égalité de traitement. La structure des prestations des régimes de pensions peut donc être pensée en fonction de cinq objectifs généraux: extension de la couverture à l’ensemble de la population; protection contre la pauvreté pendant la vieillesse ou l’invalidité, ou en cas de décès du soutien de famille, pour toute la population; versement d’un revenu de remplacement des gains perdus du fait d’une retraite volontaire ou invo-lontaire, pour tous les anciens cotisants; ajustement de ce revenu pour tenir compte de l’inflation et, du moins dans une certaine mesure, de l’élévation générale du niveau de vie; création d’un contexte favorable à l’adoption de régimes de retraite complémentaires volontaires (ibid., p. 399).

Les principes directeurs du BIT en matière de pension sont fondés sur des considérations d’égalité et de lutte contre la pauvreté. Ainsi, le premier ni-veau de son modèle de système de pensions est un dispositif contre la pauvreté. Il en va différemment dans le modèle à trois piliers proposé par la Banque mondiale en 1994, dont le premier pilier est un régime par répartition, qui correspond au deuxième niveau dans le modèle du BIT. Toutefois, le système à cinq piliers de 2005 de la Banque mondiale comprend un pilier «zéro» sup-plémentaire non contributif, spécifiquement destiné à atténuer la pauvreté. Selon Gillion et coll. (2000), le système de pensions à plusieurs niveaux devrait comprendre: a) un niveau plancher, constitué par des prestations attribuées

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sous condition de ressources et financées par les recettes générales, afin de fournir un revenu aux personnes qui n’ont pas d’autres ressources; b) un deuxième niveau, constitué par un régime par répartition à prestations défi-nies, obligatoire et à gestion publique; c) un troisième niveau, constitué par un régime obligatoire, à cotisations définies, éventuellement privé; d) un qua-trième niveau constitué par un régime volontaire à cotisations définies.

«Les Quatre Piliers» de l’Association de GenèvePar son programme de recherche «Les Quatre Piliers», rebaptisé «Life and Pensions», l’Association de Genève plaide pour la consolidation des sources de financement des pensions par le développement complémentaire des deuxième et troisième piliers, et d’une manière générale pour la modernisa-tion de la sécurité sociale en y intégrant de façon plus poussée les assurances privées. Ainsi, le programme promeut notamment l’idée d’un quatrième pilier consistant à maintenir les retraités au travail, essentiellement à temps partiel, afin de compléter les revenus provenant des trois premiers piliers.

Selon l’Association de Genève (2012, p. 19), la conception du programme «Les Quatre Piliers» repose sur le fait que, dans la plupart des pays, le finan-cement des pensions est fondé sur trois piliers, et qu’il sera nécessaire, à l’ave-nir, d’allonger la vie professionnelle de façon souple, essentiellement à temps partiel, afin de compléter le revenu issu des trois piliers existants. Ces derniers sont: a) un premier pilier consistant en un régime de pensions public, par ré-partition et obligatoire; b) un deuxième pilier, consistant en un régime complé-mentaire, souvent professionnel, par capitalisation; c) un troisième pilier fondé sur l’épargne individuelle, comprenant une pension et des actifs personnels et une assurance-vie. Selon cette association, la pensée qui sous-tend la notion de quatrième pilier devrait être étendue à l’emploi dans son ensemble: il est important de prendre en considération et de promouvoir le travail à temps partiel en général comme un élément de base des systèmes de sécurité sociale bien équilibrés, car cette forme de travail est un élément clé de la reconstruc-tion de la société du bien-être dans le nouveau millénaire.

Nouveaux problèmes en matière de retraite et réforme des pensions en MalaisieDans le domaine des retraites, un certain nombre de problèmes émergents ont été identifiés par les employeurs, les travailleurs et les pouvoirs publics: report de l’âge du départ à la retraite, allongement de la vie professionnelle et transition vers un régime à cotisations définies. Nous allons passer ces questions en revue afin de dessiner un cadre d’examen des dernières réformes des pensions en Malaisie.

Recul de l’âge de départ à la retraiteSi l’âge de la retraite varie d’un pays à l’autre, il a été partout relevé. Comme le constate Giarini: «l’allongement du cycle de vie implique la possibilité (et bien souvent la nécessité) de repousser l’âge de la retraite. Lorsque l’on a pris

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les premières dispositions en matière de retraite, elles dépendaient de l’âge moyen de décès. Aujourd’hui, dans de nombreux pays, au moment où arrive l’âge de la retraite, l’espérance de vie est encore de 15 à 20 ans» (2012, p. 6). Gillion et coll. suggèrent que: «un déterminant essentiel du coût des pensions est le taux de dépendance des personnes âgées, défini comme le rapport entre la population dépassant un certain âge […] et la population en âge de travail-ler» (2000, p. 273). Sans réforme des régimes de pensions, les déficits seront inévitables, car «ce taux a augmenté dans la plupart des pays depuis un demi-siècle ou plus [et que] de nouvelles augmentations sont prévues dans les pro-chaines décennies (ibid.). Ils signalent que «partant de 60 ans en 1950, l’âge de la retraite [devrait] passer à 67 ans en 2020, en réaction à la montée continue des taux de dépendance» (ibid., p. 279). Liedtke confirme: «Globalement, la plupart des régions du monde souffriront d’une perte nette de capital humain dans les décennies à venir, essentiellement du fait que leur taux de fécondité sont inférieurs au seuil de remplacement» (2011, p. 1). Il souligne que c’est la chute du taux de fécondité – et non le fait qu’il est bas – qui détériore le taux de dépendance des personnes âgées, à cause du décalage dans le temps que cela provoque (ibid.). Etudiant la transition démographique et le déficit démo-graphique, Harper (2011) observait une détérioration des taux de dépendance dans l’Union européenne (UE), où la part de la population en âge de travail-ler dans la population totale devrait chuter, pour passer de 62 pour cent au moment de l’étude à 51 pour cent en 2050. Pour faire face au vieillissement de la population, elle propose d’encourager une augmentation des taux de fé-condité et d’immigration. S’agissant de l’immigration, la question est toutefois très sensible et soulève des problèmes éthiques. Compte tenu de toutes ces contraintes, la manière la plus efficace de réduire le taux de dépendance des personnes âgées est de repousser l’âge de la retraite, ce qui réduit la propor-tion de personnes qui ne travaillent pas.

Allongement de la vie professionnelleAvec l’allongement de la vie professionnelle, on aborde dans une perspective différente les questions de l’augmentation de l’espérance de vie et du vieillis-sement de la population. Loretto et White (2006) montrent que de nombreux travailleurs s’attendent à devoir allonger leur vie professionnelle, voire à la pour-suivre à temps partiel, mais en sont empêchés par des contraintes telles que la rigidité des employeurs. L’étude confirme la complexité de l’imbrication des fac-teurs – personnels, financiers et institutionnels – qui influencent les attentes des travailleurs âgés en matière de travail et de retraite, et elle souligne combien les préférences des individus sont influencées par la possibilité ou l’impossibilité de faire des choix. De même, Kim et Devaney (2005) observent une association négative entre l’état de santé et la retraite à plein temps, ce qui signifie que les travailleurs âgés en bonne santé ont plus de chances de continuer à travailler à plein temps. Certains auteurs ont évalué les effets des régimes de pensions. Ainsi, Mitchell et Fields (1984) ont montré que les décisions des travailleurs d’allon-ger leur vie professionnelle dépendent de leur régime de pensions et que les

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différences d’âge de départ à la retraite sont dues aux préférences des travail-leurs, mais aussi aux apports de revenu. French (2005) observe que la fiscalité associée au régime de retraite est un déterminant essentiel des taux élevés de dé-part à 62 et 65 ans. Manchester (2010) a examiné les effets incitatifs des régimes de pensions pour constater que les travailleurs qui ont un régime à prestations définies partent seize mois plus tôt que ceux dont le régime est à cotisations dé-finies. Blundell, Meghir et Smith (2002) ont modélisé la probabilité de départ à la retraite en fonction des incitations associées aux plans de pensions indivi-duels, compte tenu d’autres facteurs socio-économiques. Les résultats montrent que les systèmes de pensions ont des effets significatifs sur l’incitation au départ.

Transition vers les régimes à cotisations définiesOn observe, partout dans le monde, un mouvement de transition des régimes de pensions à prestations définies vers des régimes à cotisations définies, en partie du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation des taux de dépendance. Selon Coggburn et Reddick (2007), les régimes à pres-tations définies sont prépondérants dans le secteur public et couvrent environ 90 pour cent de la fonction publique. Au cours des deux dernières décennies, les régimes à cotisations définies se sont développés rapidement, tandis que le nombre des régimes à prestations définies déclinait fortement (Kapoor, Dla-bay et Hughes, 2001). Les déficits des régimes de pensions découlant de l’aug-mentation des taux de dépendance des personnes âgées sont plus marqués lorsqu’il s’agit de régime à prestations définies, ce qui explique le mouvement en cours2. Costo (2006) a analysé l’évolution de la couverture des régimes de retraite aux Etats-Unis sur la période 1992-2005 et il a constaté que les régimes à cotisations définies ont supplanté les régimes à prestations définies. Sur la pé-riode 1992-93, 32 pour cent de tous les travailleurs du secteur industriel privé étaient affiliés à des régimes à prestations définies, alors qu’ils étaient 35 pour cent à participer à des régimes à cotisations définies. En 2005, la participation aux régimes à prestations définies avait chuté pour ne plus représenter que la moitié de la participation aux régimes à cotisations définies (21 et 42 pour cent, respectivement). La Commission d’experts en régime de retraite (2008) de l’Ontario, au Canada, a relevé une évolution dans le même sens, bien que moins forte, avec une progression des régimes à cotisations définies. En 1985, environ 8 pour cent des affiliés l’étaient à des régimes à cotisations définies ou mixtes, proportion qui s’élevait à 18 pour cent en 2005. Même si cela représente un mouvement significatif d’un type de régime vers l’autre, celui-ci est moins marqué qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni3. Ainsi, les régimes à presta-

2 Plusieurs études viennent à l’appui de ce raisonnement, parmi lesquelles Ippolito et Thompson (2000), Ross et Wills (2002), Bryne (2007), Even et Macpherson (2007), FitzPatrick et Chu (2007), Craig et Toolson (2008), Kruse (1995), OCDE (2002), Milevsky et Promislow (2004), Mottola et Utkus (2008), Papke (1998 et 2004), Schieber et Shoven (1996) et Ross (2000).

3 Sarfati et Ghellab observent qu’au Royaume-Uni «moins de 10 pour cent de ceux qui tra-vaillent dans le secteur privé sont aujourd’hui affiliés à un régime à prestations définies, contre en-viron 35 pour cent en 1997» (2012, p. 22).

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tions définies continuent d’être prédominants dans les régimes de pensions professionnels de l’Ontario. Clark et Monk (2007) avancent que les régimes à prestations définies ont porté préjudice à nombre de ceux qui les finançaient, voire à des secteurs d’activité entiers. C’est l’une des principales raisons qui expliquent le déclin des régimes de pensions privés à prestations définies dans de nombreuses économies occidentales. Il est désormais généralement admis que les régimes à cotisations définies sont de plus en plus populaires ou do-minants dans le monde.

Les réformes des pensions en MalaisieL’Organisation malaisienne de sécurité sociale (SOCSO), organisme créé en 1971 sous l’égide du ministère des Ressources humaines (anciennement mi-nistère du Travail), est chargée de la protection sociale de tous les salariés et travailleurs de Malaisie. Elle administre deux régimes: l’un, d’assurance contre les accidents du travail, et l’autre, d’assurance invalidité. Le Département du service public est chargé de la politique des pensions et de leur réglementa-tion. Ce département est l’une des institutions centrales des services du Pre-mier ministre. Etabli par la loi du même nom en 1991, le Fonds de prévoyance des salariés, qui dépend du ministère des Finances, constitue le régime national obligatoire de retraite des salariés du secteur privé et des salariés du secteur public qui n’ont pas droit aux pensions de la fonction publique. Il s’agit d’un régime par capitalisation intégrale, à cotisations définies. Les fonctionnaires ont leur propre régime de pensions, non contributif et à prestations définies, régi par la loi de 1980 sur les pensions.

Suivant la tendance mondiale, l’âge de la retraite a été relevé à plusieurs reprises en Malaisie. L’âge obligatoire de départ à la retraite est passé de 55 à 56 ans en octobre 2001, de 56 à 58 en juillet 2008 et de 58 à 60 en janvier 2012, en vertu de la loi de cette même année sur l’âge minimum de départ à la retraite (Département du service public, 2013). Le dernier relèvement a pris effet au 1er juillet 2013 (Administration de la sécurité sociale, 2013). Ainsi, au total, l’âge de la retraite a été repoussé de cinq ans sur une période de douze ans. Toutefois, ces reports ont été accompagnés d’un certain nombre de me-sures destinées à améliorer les prestations servies aux travailleurs.

Les économies réalisées grâce au report de l’âge de la retraite ont permis au gouvernement de la Malaisie de procéder à un certain nombre de réformes du régime de pensions des fonctionnaires, en augmentant ses prestations et en étendant sa couverture. Par exemple, la durée de service ouvrant droit à une pension complète a été allongée de vingt-cinq à trente ans, mais avec une augmentation du montant de la prestation; une pension mensuelle minimale de 720 ringgit (environ 220 dollars des Etats-Unis) est garantie aux salariés du secteur public ayant au moins vingt-cinq ans de service; en cas de décès du travailleur, le taux de réversion des pensions attribuées aux survivants ou aux ayants droit est passé de 70 à 100 pour cent; les salariés du secteur public qui avaient choisi d’adhérer au Fonds de prévoyance des salariés ont été autorisés

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à basculer vers le régime de pensions des fonctionnaires en janvier 2009, avec effet au 1er février 2009 (Administration de la sécurité sociale, 2009).

En mai 2007, le Parlement de la Malaisie a amendé la loi de 1991 sur le Fonds de prévoyance des salariés afin d’inciter les salariés concernés à ac-croître leur épargne en vue de la retraite (Fonds de prévoyance des salariés, 2007). Cette initiative, dénommée «Au-delà de l’épargne», avait pour but de renforcer la sécurité financière durant la période de retraite compte tenu de l’inflation, de l’affaiblissement de la famille élargie, de l’augmentation de l’es-pérance de vie et de l’accroissement du coût des soins de santé. La réforme a été mise en œuvre sur une période de cinq ans, à partir du 1er novembre 2007. Les cotisants étaient encouragés à continuer de travailler au-delà de 55 ans, à étaler le retrait de leur épargne sur une période plus longue et à participer en gérant leurs propres investissements. Il était aussi demandé à tous les sala-riés de verser des cotisations mensuelles au fonds, selon un barème à double taux: pour ceux qui avaient moins de 55 ans, le taux de cotisation obligatoire était maintenu au niveau antérieur, de 11 pour cent pour le travailleur et 12 pour cent pour l’employeur; entre 55 et 75 ans, le taux applicable était de 5,5 pour cent pour les travailleurs et 6 pour cent pour l’employeur. Une autre modification consistait à ajouter aux comptes du Fonds de prévoyance des sa-lariés une composante d’épargne de base, leur donnant la possibilité d’inves-tir plus précocement.

En septembre 2012, face à l’évolution de l’environnement social et dé-mographique, la Malaisie a institué un régime privé de retraite, volontaire, à cotisations définies, ouvert à tous les résidents malaisiens âgés de 18  ans et plus (Administration de la sécurité sociale, 2012). Ce régime privé complète le régime public obligatoire et est censé élever le niveau d’épargne de l’en-semble de la population, en vue de la retraite. Ce régime étant volontaire, le montant des cotisations n’est pas fixé. Par ailleurs, une nouvelle loi est entrée en vigueur en octobre 2010, qui étend aux travailleurs à temps partiel la cou-verture du régime public de pensions et leur confère certains droits: congés payés et congés de maladie, rémunération des jours fériés et des heures supplé-mentaires (ibid., 2010). Le ministère des Ressources humaines a estimé qu’ainsi douze millions de travailleurs à temps partiel seraient protégés par la nouvelle réglementation. Le gouvernement attend aussi de cette loi qu’elle encourage plus de Malaisiens à réintégrer la main-d’œuvre, en particulier les mères céli-bataires, les femmes au foyer, les retraités ou les handicapés.

Le régime d’assurance invalidité sert des pensions d’invalidité et des pen-sions de survivant; il ne correspond donc ni au premier niveau du modèle du BIT ni au pilier «zéro» du modèle de la Banque mondiale, pas plus qu’il ne correspond à la deuxième composante ni de ces deux modèles ni de celui de l’Association de Genève. De fait, les récentes réformes reviennent plutôt à établir l’équivalent du quatrième niveau du modèle du BIT, ou du troisième pilier des modèles de la Banque mondiale et de l’Association de Genève. Tou-tefois, en Malaisie, il n’existe pas encore de régime de pensions correspondant aux composantes de base des modèles du BIT et de la Banque mondiale. Le

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système actuel de pensions a essentiellement évolué sur la base du développe-ment complémentaire de régimes obligatoires et volontaires, et revient à une sorte de système à deux niveaux ou piliers.

Avantages et inconvénients des réformes au regard des «trois modèles»Ainsi, les réformes du système de pensions de Malaisie ont consolidé les ré-gimes obligatoires tout en promouvant les régimes volontaires. Ces réformes reflètent la logique de l’Association de Genève, consistant au développement complémentaire des deuxième et troisième piliers. Elles sont aussi conformes à l’objectif, qui est celui du BIT, de créer un contexte favorable à l’adoption de régimes de retraite complémentaires volontaires. Alors que le troisième pilier ou le quatrième niveau, volontaires, du système de pensions ont voca-tion de compléter le deuxième pilier ou le troisième niveau, obligatoires, cette composante-ci complète plutôt le quatrième pilier de la Banque mondiale, qui s’érode du fait de l’affaiblissement de la famille élargie. Cela ne s’ajuste pas au cadre conceptuel de la Banque mondiale, selon lequel le quatrième pilier est censé pallier les insuffisances du troisième. De fait, c’est exactement le contraire. Comme on l’a vu plus haut, lorsque le soutien familial vient déjà en complément du revenu des retraités, il ne peut être mobilisé une seconde fois pour compenser les manques du régime de pensions. Etant donné que la nou-velle législation assouplit le droit du travail et encourage les gens à réintégrer la main-d’œuvre, le quatrième pilier du modèle de l’Association de Genève – qui plaide pour la poursuite d’un travail flexible et à temps partiel après le départ à la retraite – pourrait devenir une option plus réaliste pour les ré-formes des pensions dans l’avenir. Néanmoins, avec un report de l’âge de la retraite de cinq ans au cours des douze dernières années, les effets de cette poursuite de l’emploi pourraient être insignifiants en Malaisie, du moins pour l’instant.

A bon droit, le BIT n’a pas encore proposé de niveau supplémentaire, au-delà de la composante volontaire, préférant mettre l’accent sur les problèmes immédiats auxquels sont confrontés de nombreux pays, dont la Malaisie. En plus de la création d’un contexte favorable à l’adoption de régimes de retraite complémentaires volontaires, les récentes réformes du système de pensions en Malaisie étaient conformes à d’autres objectifs du BIT. La nouvelle loi qui étend la protection du régime public de retraite aux travailleurs à temps par-tiel va dans le sens de l’extension de la couverture de tous les travailleurs. De même, le passage à 100 pour cent du taux des pensions de réversion assure une meilleure protection des familles contre la pauvreté en cas de décès du soutien de famille, et ce au bénéfice de tous.

Le premier élément, le plus marquant, de la réforme des pensions a été le report à plusieurs reprises de l’âge de la retraite. Ce report était nécessaire au regard de l’élévation rapide de l’espérance de vie dans les pays en déve-loppement, au cours de ces cinquante dernières années. Pour les travailleurs,

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l’avantage est de pouvoir continuer à travailler plusieurs années, tant qu’ils sont suffisamment actifs. C’est aussi une mesure essentielle à la permanence du système de retraite, qui garantit aux retraités un revenu durable et suffisant.

Toutefois, il y a aussi des inconvénients évidents pour certains travail-leurs, surtout ceux qui vieillissent précocement ou sont en situation précaire. A l’avenir, toute mesure relative aux retraites anticipées devra prendre ces éléments en considération, surtout pour l’établissement des prestations. Autre-ment dit, il faut une réforme des retraites anticipées qui fasse le pendant des réformes relatives au report de l’âge de la retraite.

Le deuxième élément majeur de la réforme des pensions en Malaisie – la création du régime privé de retraite – est d’une certaine façon complémentaire au report de l’âge de la retraite. Bien qu’il s’agisse d’un régime volontaire, sans prescriptions relatives aux cotisations, il existe un certain nombre d’incitations pour que les travailleurs y adhèrent: allégement fiscal pouvant aller jusqu’à 3 000 ringgit (961 dollars des Etats-Unis) sur les cotisations des travailleurs à ce régime; allégement fiscal pouvant atteindre 19 pour cent sur les cotisations des employeurs (identique à celui qui s’applique aux cotisations au Fonds de prévoyance des salariés); exonération fiscale du revenu des comptes indivi-duels. Toutefois, les salariés les moins aisés, ayant peu d’argent à placer dans ce régime, ne bénéficieront guère de ces avantages fiscaux.

Le troisième élément, le plus controversé, de la réforme des pensions est l’initiative «Au-delà de l’épargne». Pour les travailleurs, l’extension de l’obli-gation de cotiser au Fonds de prévoyance des salariés entre 55 et 75 ans pré-sente de grands avantages, mais aussi de sérieux inconvénients. En pratique, de nombreux retraités cotiseraient, non seulement durant toute leur vie profes-sionnelle, mais encore leur vie entière, étant donné que l’espérance de vie est en Malaisie de 72,6 ans pour les hommes et 77,5 ans pour les femmes, chiffres qui devraient passer respectivement à 74,2 et 79,1 en 2030. Au-delà de 55 ans, les travailleurs relativement aisés pourront bénéficier d’un complément de rémunération de 6 pour cent, de la part de leur employeur ou de leur ancien employeur. Mais pour les autres, moins aisés, les retraits de leurs comptes au régime public de pensions risquent de couvrir tout juste leurs dépenses du-rant la retraite et il leur sera difficile d’épargner 5,5 pour cent de leurs revenus sous forme de cotisations au régime de retraite. Etant donné l’espérance de vie actuelle et projetée, de nombreux travailleurs, aisés ou non, auront, lorsqu’ils seront à la retraite, un revenu inférieur à celui auquel ils auraient droit.

En plus des grandes réformes que nous venons d’évoquer, il faut men-tionner un certain nombre d’ajustements des taux de cotisation au Fonds de prévoyance des salariés. Si ces ajustements ont été salués comme des réactions proactives à l’évolution des conditions économiques, notamment comme des moyens de stimuler l’économie lors des périodes de récession, ils ont aussi été critiqués car induisant des incertitudes. Dans la logique des inquiétudes qui prévalent dans le monde entier quant à l’équilibre financier des régimes de pensions, les cotisations des salariés sont passées de 10 à 11 pour cent du salaire, avec effet au 1er janvier 1996, tandis que le taux de cotisation de l’em-

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ployeur restait à 12 pour cent. Le taux de cotisation des salariés a ensuite été réduit de 11 à 9 pour cent, pour une année, à partir d’avril 2001, afin de sti-muler l’économie. Il en a été de même entre juin 2003 et mai 20044. Toute-fois, il n’y a pas eu de réduction lors de la dernière crise financière, en partie parce que la réforme «Au-delà de l’épargne» a eu lieu juste avant que la crise n’éclate, en novembre 2007, et aussi parce que l’extension de la couverture aux travailleurs à temps partiel s’est située pendant cette crise, en octobre 2010.

Les réductions des cotisations des salariés lors des périodes de réces-sion étaient des mesures anticycliques bienvenues. Par nature, les caisses de retraite s’inscrivent dans la longue durée, mais risquent d’être mises en diffi-culté lors des récessions, lorsque le marché des actions est bas. Cela a servi de prétexte pour réduire le montant des pensions. Toutefois, comme les salariés ne prennent pas majoritairement leur retraite en même temps, il n’est pas justifié de réduire les pensions ou d’augmenter les cotisations. En réalité, des mesures anticycliques de relance peuvent avoir pour effet d’augmenter le volume des cotisations, en maintenant plus de salariés au travail, ce qui, à terme, augmente les réserves des caisses de retraite. Ainsi, si les réductions des cotisations des salariés étaient temporaires, leurs effets s’inscrivaient dans la durée, avec de possibles réductions de dépenses sociales comme les allocations de chômage. De telles mesures et pratiques, bien que temporaires, sont préférables à une attitude passive et pessimiste qui entretient la récession et sape les régimes de retraite, tant à court terme qu’à long terme.

Conclusions et suggestionsLes problèmes qui se posent en matière de retraite, comme l’allongement de la durée de la vie et l’affaiblissement de la famille élargie, ont rendu nécessaires les réformes des systèmes de pensions. En Malaisie, le régime privé de retraite qui a été créé récemment reflète le point de vue du BIT, selon lequel la prio-rité du moment est de créer un contexte favorable à l’adoption de régimes de retraite complémentaires volontaires. Prises ensemble, la réforme «Au-delà de l’épargne» et celle du Fonds de prévoyance des salariés, l’augmentation des prestations, l’extension de la couverture du régime de pensions de la fonction publique et la création de ce régime privé correspondent au développement complémentaire du deuxième pilier obligatoire et du troisième pilier volon-taire préconisés par l’Association de Genève. Si nous mettons les réformes des retraites en Malaisie en regard des trois modèles présentés plus haut, nous concluons que le BIT a eu raison de ne pas proposer de composante supplé-mentaire au-delà du régime volontaire. Le quatrième pilier du modèle de la Banque mondiale, qui met l’accent sur l’entraide familiale, et le quatrième pi-lier de l’Association de Genève, qui consiste à continuer de travailler une fois

4 Voir, dans la base de données de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS), «Profils des pays», l’article «Malaisie», puis la rubrique «Réformes», disponible à l’adresse <www.issa.int/fr/country-details?countryId=MY&regionId=ASI&filtered=false> [consulté le 18 septembre 2014].

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à la retraite, ne seraient guère utiles, ou bien sont actuellement irréalisables dans le cas de la Malaisie. Avec l’affaiblissement de la famille élargie, le qua-trième pilier du modèle de la Banque mondiale ne pourrait venir à l’appui des autres composantes: en fait, c’est ce quatrième pilier lui-même qui aurait besoin d’un complément. Quant au quatrième pilier de l’Association de Ge-nève – travail à temps partiel durant la retraite –, il n’est guère approprié en Malaisie pour l’instant du fait que l’âge de la retraite a été repoussé de cinq ans au cours des douze dernières années.

Notre analyse des avantages et des inconvénients de la réforme du Fonds de prévoyance des salariés dénommée «Au-delà de l’épargne» nous conduit à formuler les suggestions suivantes. Il faudrait envisager de réformer de façon graduelle le système du double taux de cotisation. Avec le report récent de l’âge de la retraite, le taux normal de cotisation obligatoire devrait être main-tenu pour les salariés jusqu’à l’âge de 60 ans plutôt que de 55. Les taux de cotisation des salariés de 60 à 75 ans devraient être dégressifs de deux façons, l’une par palier, l’autre en continu. Les taux de cotisation dégressifs par pa-lier pourraient être fixés ainsi: 5,5 pour cent pour les salariés et 6 pour cent pour les employeurs, lorsque les salariés ont entre 60 et 64 ans, ces taux pas-sant respectivement à 2,5 et 3 pour cent lorsque les salariés ont entre 66 et 69 ans, puis à 1 pour cent pour les salariés et les employeurs, lorsque les sala-riés ont 70 ans ou plus, enfin, 0 pour cent au-delà de 75 ans. Le taux de coti-sation dégressif en continu décroîtrait de façon continue pour atteindre 0 à l’âge de 75 ans. Il serait utile que les gestionnaires du Fonds de prévoyance des salariés et les pouvoirs publics conduisent une étude de faisabilité à ce propos.

Notre évaluation de la création du régime de retraite privé volontaire et des réformes des régimes obligatoires existants – le Fonds de prévoyance des salariés et le régime de retraite de la fonction publique – montre qu’en Malai-sie le système est à deux niveaux ou piliers. Toutefois, ceux-ci ne correspondent pas à ce que proposent le BIT ou la Banque mondiale. Nous suggérons donc l’institution d’un régime public obligatoire de retraite, par répartition, qui cor-respondrait au premier pilier des modèles de la Banque mondiale et de l’Asso-ciation de Genève, ainsi qu’au deuxième niveau du modèle du BIT. La réforme pourrait être menée dans le cadre de l’Organisation malaisienne de sécurité sociale, ou en réformant celle-ci, notamment en étendant ses activités en sorte d’y inclure les éléments de lutte contre la pauvreté.

Dans certaines circonstances, les mesures anticycliques, comme la ré-duction des cotisations des salariés lors des périodes de récession, relèvent d’une bonne pratique. Il faudrait donc étudier les effets de relance de telles mesures, en vue de maintenir le chômage aussi bas que possible et de soute-nir les rentrées de cotisations à court terme, tout en accroissant les réserves des régimes de retraite à long terme. Il serait aussi utile d’analyser les effets de telles mesures sur la réduction des dépenses sociales, notamment les allo-cations de chômage.

Enfin, il est intéressant de considérer le système de retraite et de pen-sions de la Malaisie dans une perspective comparative. Ainsi, le Royaume-Uni

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dispose d’un régime public de retraite par répartition depuis plus d’un siècle et a institué un deuxième régime public en 2002, mais n’avait pas de régime professionnel obligatoire, jusqu’à une période aussi récente qu’octobre 2012. Celui-ci existe désormais pour les plus gros employeurs, mais ne sera généra-lisé qu’en février 2018 (Pensions Policy Institute, 2013). A la différence du sys-tème public, évolué et complet, du Royaume-Uni, l’Organisation malaisienne de sécurité sociale a un potentiel de développement considérable. Autre diffé-rence: en Malaisie, les régimes de retraite professionnels obligatoires existent depuis des décennies. L’expérience du Royaume-Uni en matière de dévelop-pement de l’Etat-providence explique certainement ces différences. Toutefois, le Royaume-Uni, tout comme d’autres Etats-providence, n’a pas autant d’expé-rience que certains pays en développement en matière de régimes de retraite professionnels obligatoires. Notre dernière recommandation, qui n’est sans doute pas la moins importante, est donc que les décideurs des pays en déve-loppement et des pays développés échangent leurs expériences et apprennent les uns des autres en matière de conception et de réforme des pensions et des retraites afin d’améliorer leurs systèmes en la matière.

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