Réflexions sur la cyclologie traditionnelle et la Fin des Temps

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Réflexions sur la cyclologie traditionnelle et la Fin des Temps Jean Phaure commence par attirer l’attention de son auditoire sur la nécessité de lire son ouvrage fondamental sur Le Cycle de l’Humanité adamique [1]. A cela on peut ajouter la lecture d’un article paru dans Atlantis au printemps 1977, qui développe les mêmes thèmes que le cours présenté ci-dessous [2]. Nous voici aujourd’hui aux trois-quarts de ce terrible mais passionnant XXe siècle qui marque dans l’Histoire des Temps modernes ce « retour du tragique » que prédisait Nietzsche à la fin du XIXe siècle. Pour les esprits méditatifs que n’aliènent pas les hymnes hystériques au prétendu « Progrès », mais qui savent lire dans le chaos actuel les signes d’un futur redressement, notre époque se révèle incontestablement comme porteuse d’une relative restauration de la Tradition métaphysique. Sous l’amas d’une littérature débile ou ordurière où pullulent les ouvrages de fausse vulgarisation et d’occultisme luciférien, d’autres livres nous restituent les

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Réflexions sur la cyclologie traditionnelle et la Fin des TempsJean Phaure commence par attirer l’attention de son auditoire sur la nécessité de lire son ouvrage fondamental sur Le Cycle de l’Humanité adamique [1]. A cela on peut ajouter la lecture d’un article paru dans Atlantis au printemps 1977, qui développe les mêmes thèmes que le cours présenté ci-dessous [2].

Nous voici aujourd’hui aux trois-quarts de ce terrible mais passionnant XXe siècle qui marque dans l’Histoire des Temps modernes ce « retour du tragique » que prédisait Nietzsche à la fin du XIXe siècle. Pour les esprits méditatifs que n’aliènent pas les hymnes hystériques au prétendu « Progrès », mais qui savent lire dans le chaos actuel les signes d’un futur redressement, notre époque se révèle incontestablement comme porteuse d’une relative restauration de la Tradition métaphysique. Sous l’amas d’une littérature débile ou ordurière où pullulent les ouvrages de fausse vulgarisation et d’occultisme luciférien, d’autres livres nous restituent les fragments authentiques d’un trésor salvateur. Parmi les quelques penseurs de notre pourrissant Occident qui, parfois dans l’indifférence générale, méritent le nom de Maîtres, René Guénon (1886-1951) commence de nos jours à prendre sa véritable stature et à former dans le silence les élites spirituelles de demain.

Un de ses apports les plus précieux a été sans conteste la restitution qu’il a opérée à notre profit de la doctrine traditionnelle des Cycles du Temps qualifié. Voici ce qu’il écrivait en 1927, au début de La Crise du monde moderne :

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La doctrine hindoue enseigne que la durée d’un Cycle humain, auquel elle donne le nom de Manvantara, se divise en quatre Âges, qui marquent autant de phases d’un obscurcissement graduel de la spiritualité primordiale ; ce sont ces mêmes périodes que les traditions de l’antiquité occidentale, de leur côté, désignaient comme les Âges d’Or, d’Argent, d’Airain et de Fer. Nous sommes présentement dans le Quatrième Âge, le Kali-Yuga ou « Âge sombre », et nous y sommes, dit-on, depuis déjà plus de six mille ans, c’est-à-dire depuis une époque bien antérieure à toutes celles qui sont connues dans l’Histoire « classique ». Depuis lors, les vérités, qui étaient autrefois accessibles à tous les hommes, sont devenues de plus en plus cachées et difficiles à atteindre ; ceux qui les possèdent sont de moins en moins nombreux et, si le trésor de la sagesse « non humaine » antérieure à tous les Âges ne peut jamais se perdre, il s’enveloppe de voiles de plus en plus impénétrables qui les dissimulent aux regards et sous lesquels il est extrêmement difficile de le découvrir. C’est pourquoi il est partout question, sous des symboles divers, de quelque chose qui a été perdu, en apparence tout au moins et par rapport au monde extérieur, et que doivent retrouver ceux qui aspirent à la véritable connaissance ; mais il est dit aussi que ce qui est ainsi caché redeviendra visible à la fin de ce Cycle, qui sera en même temps, en vertu de la continuité qui relie toutes choses entre elles, le commencement d’un cycle nouveau [3].

JPEG - 66.4 koSi nous voulons ici résumer les données fondamentales de la Cyclologie traditionnelle appliquée à notre Humanité issue de l’Adam primordial, nous dirons que les quatre

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Âges à la spiritualité dégressive et aux durées proportionnelles à la Tétraktys pythagoricienne inversée (4, 3, 2, 1), s’échelonnent ainsi :

Âge d’Or 25 920 ansÂge d’Argent19 440 ansÂge d’Airain12 960 ansÂge de Fer6 480 ansEn effet, ces durées procèdent du cycle de base qui est celui de la Précession des équinoxes - de 25 920 ans - et de ses innombrables sous-multiples, dont le principal est évidemment le temps que met le Point Vernal à parcourir un signe du Zodiaque stellaire : l’Ère précessionnelle de 2 160 ans. Paul Le Cour [4] et Schwaller de Lubicz [5] ont été les premiers, au début de ce siècle, à nous restituer cette tradition et à montrer combien, dans le passé, le passage d’une Ère à l’autre avait profondément modifié le symbolisme religieux de l’Humanité : les civilisations post-diluviennes du Taureau, l’épopée d’Abraham à l’entrée du Bélier, et l’Incarnation du Verbe divin en Jésus-Christ à l’entrée des Poissons. C’est ce même glissement précessionnel du Point Vernal qui, presque deux mille ans plus tard, explique le chaos de notre époque, puisque nous sommes dans la période de transition entre les Poissons et le Verseau, et que toute période de cette nature apporte de profonds bouleversements humains. Mas ces bouleversements sont aujourd’hui d’autant plus grands que nous abordons la fin du Cycle adamique tout entier.

Le texte de René Guénon que je viens de citer a été écrit en 1917, date charnière qui marque cyclologiquement l’entrée de l’Humanité dans la première tribulation de

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l’Apocalypse, et plus généralement dans les temps de la Fin. 1917 est en effet le début :

du temps des guerres planétaires, par l’intervention des États-Unis d’Amérique dans la guerre européennedu temps des totalitarismes de masse : Révolution bolchévique, nazisme, capitalismes destructeursde la nouvelle question d’Orient et des combats eschatologiques situés en ce « nombril du monde » que sont la Palestine et le Sinaï : en effet, 1917 est la date de la Déclaration Balfour, qui devait préluder à la restauration d’Israëldes dernières injonctions morales relatives aux échéances eschatologiquesCette même année paraissait ce « livre-bombe » qu’est Le Déclin de l’Occident d’Oswald Spengler [6], extraordinairement lucide et prophétique, car nous savons, en 1914 mieux qu’en 1917, que la toute puissante race blanche et le tout puissant Occident sont en effet entrés dans leur déclin, et que les centres de décision planétaire se situent aujourd’hui ailleurs. En 1919, Paul Valéry écrivait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous voyons que l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout le monde ». En 1927, Georges Bernanos : « La religion du Progrès pour laquelle on nous avait poliment priés de mourir est une gigantesques escroquerie à l’Espérance ». En 1937, Paul Le Cour : « L’esprit a rétrogradé en même temps que se développait la science de la matière, et la négation de l’esprit entraîne la négation de Dieu ».

Or, si cette année 1917 s’avérait si cruciale, c’est qu’elle se trouvait marquer avec précision la fin d’un cycle

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fondamental, dit « Cycle de Daniel » (en référence avec ce livre de l’Ancien Testament) d’une durée de 2 520 ans, et dont le « départ » correspond au plus fameux des songes de Nabuchodonosor, en 603 av. J.-C. En effet, 603 + 1917 = 2520. Le cycle de Daniel, figuré symboliquement par ce songe de la statue à tête d’or, à poitrine d’argent, aux ventre et cuisses d’airain et aux jambes de fer, se divise ainsi :

360 ans pour les empires babylonien, perse et grec360 x 2 = 720 ans pour l’empire romain360 x 4 = 1440 ans pour le « Temps des Gentils » ou des Nations.Entre la chute définitive de Rome (476) et la Première Guerre mondiale, il y a en effet 1440 ans. Les « Nations », ce sont les pieds de fer et d’argile de la statue apparue en songe à Nabuchodonosor, et qui, au XXIe siècle, vont être frappés par cette mystérieuse « pierre » dont parle Daniel en ce chapitre deuxième de son livre. Cette pierre qui devient une grande montagne et qui remplit toute la Terre, c’est ce « Royaume », ce Règne du Christ-Roi promis pour la fin du Cycle humain. En ce vingtième siècle, c’est cette fin des Nations que nous vivons, d’autant plus qu’à côté du cycle de Daniel « classique » de 2 520 ans (360 x 7) il existe un « grand cycle de Daniel » qui, lui, est de 2 592 ans c’est-à-dire qui représente exactement le dixième du cycle fondamental de 25 920 ans ou « Précession des équinoxes ». La différence entre les deux cycles est de 72 ans (moitié de 144). Et si le « petit cycle de Daniel » s’est terminé en 1917, le « grand » s’achèvera, lui, en 1989, année cruciale marquée par ailleurs par une des plus grandes « doriphories » de l’Histoire, c’est-à-dire par l’accumulation de la plupart des planètes et des luminaires dans un seul

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signe du Zodiaque (en l’occurrence dans le Capricorne, « Porte des dieux ») [7].

C’est ainsi que tout le cours de l’Histoire des hommes se trouve rythmé par des cycles de différentes longueurs qui tous ont pour base la révolution des astres et les lois de l’arithmosophie. Le « hasard » n’existe pas, n’en déplaise à certains prix Nobel. Faut-il encore et sans cesse rappeler (oui, il le faut, car ceci hélas n’est pas enseigné dans nos organismes athées d’enseignement public, c’est-à-dire d’intoxication matérialiste) que le monde et que nous-mêmes sommes régis par trois facteurs : le déterminisme des Lois du monde sensible, parmi lesquelles les lois de la cyclologie ; la volonté humaine, moteur de notre libre arbitre ; et la divine Providence, qui la plupart du temps agit sur nous sans briser notre liberté, et qui n’exerce son pouvoir que dans la mesure où nous nous mettons en état de le mériter. Le monde est fait de l’harmonie entre ces trois influx, et cette connaissance se trouve à la base de toute science sacrée, en particulier de l’astrologie véritable, de l’astrologie spirituelle qui fait partie de la Tradition primordiale. Toute science sacrée a pour fin la réintégration de l’homme adamique en l’état originel antérieur à la Chute. Ces sciences constituent l’ésotérisme qui, par essence, ne peut être que désintéressé, alors que l’occultisme a pour fin la recherche des pouvoirs, ce qui est la voie luciférienne. C’est pourquoi, en ce qui concerne l’astrologie, éloignons-nous des charlatans impérativement prévisionnistes et souvenons-nous que la disposition indéfiniment changeante des astres n’est que l’horloge de notre destin, n’est que la qualification d’une ambiance cosmique où notre liberté trouve toujours, en définitive, à s’exercer.

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Le véritable objet de l’astrologie traditionnelle est la science des cycles du Temps qualifié, c’est-à-dire du dessein de Dieu sur le monde. C’est une leçon d’espérance car au sein des pires épreuves l’homme n’est jamais abandonné. Et dans cette perspective, un esprit doué de facultés de synthèse ne peut que constater que, non seulement l’ensemble des doctrines traditionnelles concourt à cette cohérence métaphysique, mais que bien des données des sciences modernes (à condition de les débarrasser des dogmes erronés du Transformisme et du « Progrès ») apportent de l’eau au moulin de la Tradition du Temps qualifié et du sens divin de l’Histoire.

JPEG - 57.3 koC’est dans cet esprit de convergence entre des disciplines parfois éloignées et de reconstruction des éléments éclatés des traditions les plus authentiques que j’ai été amené, au choc de l’œuvre guénonienne, à élaborer une vaste synthèse métaphysique et cyclologique dont une forme condensée a paru à la fin 1973 aux éditions Dervy : Le Cycle de l’Humanité adamique, introduction à l’étude de la Cyclologie traditionnelle et de la Fin des Temps, où neuf chapitres permettent de considérer, dans une lumière spirituelle et chrétienne parce que traditionnelle, l’alpha et l’oméga de l’Humanité issue de l’Adam primordial, comme les grands problèmes métaphysiques attachés à notre condition terrestre.

Dans une telle perspective traditionnellement involutive et cyclique de l’épopée adamique, la notion de Chute ou de péché originel prend évidemment une importance cruciale, et c’est pourquoi je lui ai consacré le chapitre central de ce

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livre. En effet, si la doctrine traditionnelle du Temps qualifié éclaire les modalités de l’involution générale, de la succession des quatre Âges et des cycles intérieurs, celle de la Chute nous éclaire quant à la pulsion originelle qui a provoqué cette involution. Certes, le développement de toute manifestation consécutive à une Création implique nécessairement un éloignement progressif par rapport au Principe, mais en ce qui concerne la création adamique, il est incontestablement intervenu à une certaine époque (la tradition védantique nous dit : 40 000 ans) un déchirement brutal provoqué par le mauvais usage d’une liberté accordée par le Créateur. Et il apparaît que l’Humanité primordiale, après cette désobéissance, son éviction du Paradis, son changement d’état - c’est-à-dire sa chute dans la chair - ait été bestialisée. Déjà, la paléontologie nous apprend la coexistence, aux environs de 40 à 50 000 ans, des « Sapiens » et des « Néanderthals » en leurs derniers représentants. Ainsi s’explique la nature des instincts de l’Humanité, instincts inscrits en sa chair, et qui n’ont été plus ou moins bien contenus dans les Âges précédents que parce que cette Humanité se trouvait plus près de sa source spirituelle et que les religions exerçaient pleinement leurs fonctions. Mais en notre fin de manifestation cyclique, en notre époque marquée par l’extériorisation, l’éclatement de tout ce qui avait été auparavant contenu par la tradition, il est hélas logique que cette ascendance animale greffée sur le phylum adamique s’épanche aujourd’hui librement.

Mais n’oublions pas que, quelle qu’ait pu être l’imprégnation animale à des degrés divers sur des races différentes, aux différenciations somatiques très marquées, nous sommes tous - Blancs, Noirs, Rouges ou

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Jaunes - les héritiers, dignes ou non, de l’Humanité primordiale, et par là-même des « receleurs » de cette parcelle d’Esprit divin qui fait de nous, que nous le voulions ou non, des Hommes et non des Animaux : alors que ceux-ci (y compris les Préhominiens) ne sont que corps et âme, nous reflétons le triple étagement du Cosmos en ses trois Mondes par notre corps, notre âme et notre esprit. Et c’est par cette « mémoire », dont étaient dépositaires les religions avant leur décadence, que nous pouvons espérer réintégrer quelque jour l’état adamique primordial.

Lorsque l’on envisage tous les aspects du mystère du Mal, depuis la révolte de Lucifer et la « chute des anges rebelles » jusqu’aux mécanismes de l’Involution et de la Fin des Temps en passant par la désobéissance adamique et la bestialisation du phylum primordial, on comprend qu’une tradition aussi complexe ait dû, au sein des diverses théologies et des divers catéchismes, faire l’objet d’un certain nombre d’adaptations et de simplifications ; mais on s’explique moins qu’il soit depuis des siècles pratiquement passé sous silence au sein de l’Église romaine, alors qu’il s’y faisait jour avec ampleur chez les Pères de l’Église et se trouve encore aujourd’hui l’objet d’enseignement dans l’Église orthodoxe. Même la notion pourtant bien catholique et bien claire de la chute des anges est de nos jours passée complètement sous silence par les prêtres issus de Vatican II, lesquels ont, il est vrai, jeté à la voierie tellement d’autres enseignements encore plus fondamentaux ! Comment s’étonner dès lors du succès remporté dans des milieux qui n’ont plus de chrétien que le nom par une « théologie » inversée et renversée, telle que celle du fuligineux Père Teilhard de

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Chardin [8], agent bien reconnaissable de la planétaire subversion anti-traditionnelle et antichrétienne qui submerge aujourd’hui le monde à la faveur de l’inculture croissante et de la médiocrité mentale des milieux dits « bourgeois » ? On sait que dans ce système, qui n’est qu’un maladroit camouflage de l’athéisme marxiste, Création et Chute sont prestement évacuées, de même que toute idée de Jugement dernier et de Réintégration par la souffrance, au profit d’un très matérialiste et scientiste « point Oméga », piteux avatar du prétendu « Progrès » transformiste.

Le travail de Satan étant la destruction des âmes, il s’emploie aujourd’hui en tant que Prince de ce monde, comme l’appellent les Évangiles, à distraire de toutes les façons possibles les hommes de notre fin de Cycle, de façon à tuer en eux toute mémoire des origines et toute préoccupation des fins dernières. Ainsi s’acheminent nos contemporains abrutis d’innombrables gadgets, pare-choc contre pare-choc, vers l’avenir radieux des abattoirs climatisés. A ceux qui ont encore gardé quelque pouvoir de réflexion et quelque intuition spirituelle, notre temps cependant offre des aliments de Vie et d’Espérance. La renaissance relative des sciences ésotériques, le dévoilement des anciennes civilisations, les annonciations mariales, nous aident puissamment à réintégrer notre conscience adamique et à nous préparer aux prochaines Tribulations planétaires. Celles-ci n’interviendront que pour filtrer cette Humanité de la Fin qui a provisoirement perdu jusqu’au souvenir de Dieu. Le long « escalier » descendu au long des Âges d’Argent, d’Airain et de Fer l’a été collectivement ; c’est individuellement, mais par l’Amour et la Connaissance, que nous pouvons aujourd’hui espérer le remonter.

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JPEG - 59.6 koApocalypse, ne l’oublions pas, signifie « Révélation ». Si la première tribulation de cette Fin de notre cycle d’Humanité, que nous vivons et dont nous n’avons pas encore atteint le phase la plus cruciale, a commencé en cette tragique année 1917, elle prendra fin lorsque s’achèvera le « grand cycle de Daniel » de 2 592 ans, c’est-à-dire peu après la grande Doriphorie astronomique de la Noël 1989. Là est peut-être le « Jour de Yahvé », là finit le « Temps des Nations ». Là s’ouvre le Sixième Sceau. Là commence « l’entracte divin » de l’Église de Philadelphie où se réarmeront spirituellement ceux qui auront à combattre le second visage de la Bête. Car après l’Antéchrist-Légion du XXe siècle s’élèvera contre Dieu qu’il singera l’Antéchrist-Homme : ce sera la seconde et dernière tribulation de l’Apocalypse.

Aussi sera-t-elle étroite, la Porte du Verseau, la porte de ce Millenium annoncé par saint Jean et dont nul ne peut connaître la durée !

Car il est dit dans saint Matthieu (24 :36) que, quant à ce « jour » personne ne peut le connaître, ni les anges, ni même le Fils. Or, quelle est cette Heure, quel est ce Jour ? C’est ce dont Paul le Cour a tant parlé dans l’Ère du Verseau, c’est le grand avènement du Verbe sur la Terre, non plus Jésus crucifié, mais le Christ triomphant, le Christ en gloire, tel que depuis mille ans nous le voyons sculpté sur le tympan de nos églises romanes.

Si le Cycle de l’Humanité proprement dit s’achève avec la fin de la seconde Tribulation de l’Apocalypse et dans la

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première moitié du XXIe siècle, c’est ce « Second Avènement » qui, plus tard, viendra clore définitivement l’épopée adamique et assumer la descente de la Jérusalem céleste, Paradis du cycle futur. Ce que nous devons de toutes nos forces préparer, c’est justement ce temps intermédiaire, ces « Mille ans », comme dit saint Jean. Nombre symbolique qui veut dire plénitude, cette durée qui coïncidera en effet avec une partie du passage du Point Vernal dans le signe stellaire du Verseau.

C’est dans ce temps que saint Jean, au chapitre 20 de son Apocalypse, voit revenir à la vie « tous ceux qui n’avaient pas adoré la Bête ni sa statue, et qui n’avaient pas reçu sa marque sur le front et la main ». « Et ils régnèrent avec le Christ ». Car c’est là en effet ce Règne social de Jésus-Christ qu’avait pour tâche de préparer le Hiéron du Val d’Or de Paray-le-Monial [9], aujourd’hui mis sous le boisseau avec tant d’autres avertissements divins par l’Église apostate (que je ne confonds pas avec l’Église éternelle, celle des fidèles au Christ et qui durera jusqu’à la Fin des Temps). Car l’Ère du Verseau est aussi l’Ère du Lion, le temps du Christ vainqueur, du Christ-Roi.

Si l’Antiquité, c’est-à-dire les Ères du Taureau et du Bélier, représentait le Temps du Père, si nous vivons en ce moment la fin du Temps du Fils avec l’Ère des Poissons, l’Ère du Verseau sera, elle, le Temps du Saint-Esprit, selon un enseignement fondamental de l’ésotérisme chrétien qui remonte à saint Grégoire de Naziance [10] et à Joachim de Flore [11].

Alors qu’en cette fin du XXe siècle, en ces effluves mêlés et négatifs des Poissons et du Verseau, nous ne connaissons

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encore de l’Ère nouvelle que l’aspect anarchique et destructeur, l’entrée dans l’Ère proprement dite nous donnera le Fleuve de Vie retrouvé, dans cette « liberté des enfants de Dieu » dont parle saint Paul, et dont nous avons jusqu’à présent si mal usé.

Le deux lignes ondulées du signe zodiacal du Verseau, qui est signe d’Air, symbolisent les ondes dont est faite la matière, si peu « matérielle ». Elles représentent l’Énergie qui est la substance même du monde sensible, et la Vie universelle. Et Ganymède, qui porte le bonnet phrygien de l’initié et dont Paul Le Cour a mis en lumière les étymologies révélatrices, de son amphore analogue au Graal verse l’Eau de Vie et de Connaissance, ce torrent de grâces dont seront revivifiés les Élus de ce temps. Medomaï (je conduis, je protège), Agni (le Feu de la Connaissance) : tout ce qui était caché ou imperméable à l’intellection rationaliste de l’Humanité précédente sera dévoilé.

Car n’oublions pas que le signe stellaire du Verseau correspond à l’un des quatre « Vivants » de la vision d’Ézéchiel, le Kérubim à visage d’Homme, et à l’Ange de saint Matthieu. Et ce nom de Matthieu exprime la connaissance synthétique et universelle, la Mathesis.

Comment ne pas voir dès aujourd’hui, au sein même de la confusion de notre époque, monter les prémices de ce temps qui, s’il n’est pas l’Âge d’Or, en sera le reflet et rendra aux hommes de ce temps une partie des prérogatives de l’Adam primordial ?

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Que la Rose de l’Amour divin incessamment contemplé en nous, que cette Lumière des origines incessamment méditée en nous, nous aident à assumer, au sein des pires épreuves, notre fonction d’homo religiosus ! Car, comme le dit le grand poète Milosz [12] :

Retenez mes paroles : à l’horizon de fumée et de feu, de grandes choses, grandes choses se lèvent pour les purs [13].

Jean PhaureAnnexe - A propos de l’Ère du VerseauJPEG - 104.8 koL’horloge zodiacale est une idée remarquable : la grande aiguille va dans le sens direct, et la petite dans le sens inverse, sur un cadran dont les chiffres sont les signes du Zodiaque ; les deux aiguilles ne se superposent qu’à chaque changement d’ère. L’idée de l’Ère du Verseau - bien que s’appuyant sur les travaux de Dupuis, le conventionnel, auteur de l’Origine de tous les cultes, lequel édicte le principe de la religion solaire, avec le Christ comme symbole solaire et les douze Apôtres comme représentant les douze signes du Zodiaque - est une idée propre au XXe siècle, qui se développe dans les années 1920 avec la théosophe Alice Bayley [14], Francis Rolt-Wheeler [15], Paul Le Cour. La conception que ce dernier s’est faite de l’Ère du Verseau est fortement imprégnée des travaux du Hiéron du Val-d’Or de Paray-le-Monial, qui fut actif de 1873 à 1926 [16].

Le fondateur du Hiéron, le baron Alexis de Sarachaga, arrière-neveu de sainte Thérèse, devenu orphelin très jeune, avait été élevé par un oncle norvégien, le comte

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Morgenstern ; après des études d’ingénieur en Suisse, il avait été séduit par le matérialisme et fréquentait des factions révolutionnaires ; la réalité des guerres civiles en Espagne lui ayant descillé les yeux, il s’était converti en Russie sous l’effet d’une image du Sacré-Cœur contemplée dans l’église des dominicains de Moscou. et avait ensuite entrepris un pèlerinage à Paray-le-Monial, où étaient vénérées les reliques du bienheureux Claude de la Colombière et de sainte Marguerite-Marie Alacoque, apôtres du Sacré-Cœur. C’est là qu’il fit la rencontre du P. Victor Devron s.j., lié à des groupes millénaristes et naundorffistes nés de l’apparition mariale de La Salette (le 19 septembre 1846), et de son œuvre, la Communion réparatrice, qui consistait notamment à communier les premiers vendredis de chaque mois, voués au Sacré-Cœur. Après la mort du P. Devron, le baron de Sarachaga prit à cœur de développer le Hiéron du Val-d’Or. Evelyne Latour, qui a soutenu en 1995, sous la direction d’Antoine Faivre, une thèse sur la théorie de l’Ère du Verseau, propose une périodisation dans l’historique de cette institution [17]. De 1883 à 1886, on y traite essentiellement de la dévotion au Sacré-Cœur, en insistant sur le fait que la révolution est un châtiment divin envoyé à la France pour avoir refusé de se vouer au Sacré-Cœur. Le Hiéron inaugurera en 1893 un Musée Eucharistique, et gèrera une bibliothèque de 5 000 volumes, dont la charge incombe à Jeanne Lépine (1848-1926). Dans le même sens, l’Institut des Fastes du Sacré-Cœur (de 1889 à 1894), approuvé par le pape Léon XIII, raconte les miracles eucharistiques et l’action du Sacré-Cœur dans l’Histoire. De 1895 à 1900, l’intérêt se porte sur le Novissimum Organon, un exposé scientifique qui a pour but d’enseigner « la méthode par laquelle le Genre Humain accède, d’après l’ordre providentiel, à la Transformation de

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la terre en Temple-palais de l’Agneau ». L’année 1896 marque un renouvellement au Hiéron, avec le départ ou la mort de religieux et l’arrivée d’ésotéristes. C’est alors qu’apparaît le terme d’Aor-Agni, synthèse de deux mots désignant la Lumière, avec l’alliance d’un principe « christique » (Aor) et d’une vieille racine indo-européenne (Agni) désignant le feu actif. Dans la période suivante (1901-1906), le Politicon traite de l’Atlantide et de l’histoire du pacte adamique (conclu entre Dieu et Adam) : le but du Hiéron est de réintégrer dans sa plénitude cette alliance. De 1905 à 1912, le Pan-Epopéion présente une sorte d’épopée des peuples méditerranéens descendants des Hyperboréens, entremêlée d’actualités. Enfin, l’Egide (1913-1915) présente des annales bardiques et des travaux pour le Saint Graal.

C’est dans ce contexte qu’apparaît le thème des Ères précessionnelles, avancé par Mme Bessonet-Favre (qui a pour pseudonyme « Francis-André », fille d’un hermétiste chrétien ; une démarche analogue visant à suivre l’évolution de la religion chrétienne à travers les millénaires avait déjà été envisagée en 1872 par l’abbé Jalabert 1825-1916). Rappelons que le phénomène astronomique de la précession des équinoxes a été découvert par Hipparque 150 ans avant notre ère. Le Point Vernal, qui détermine l’intersection du plan de l’équateur céleste avec l’écliptique, effectue un tour complet du Zodiaque en douze mois de 2160 ans, soit une année de 25920 ans. L’idée que chaque ère précessionnelle se caractérise par une forme religieuse sera inspirée à Paul le Cour par Jeanne Lépine (devenue en 1909 la Secrétaire générale du Hiéron), au travers d’une correspondance

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étalée sur trois ans, de 1923 à 1926. Selon Evelyne Latour, c’est elle le véritable créateur de l’Ère du Verseau.

Dans une lettre datée du 11 mai 1924, adressée par Paul Le Cour à Jeanne Lépine, le disciple du Hiéron fait part de sa découverte :

J’écrirai quelques articles consacrés à cet avènement de Ganymède, à la précession des équinoxes, et qui succède aux Poissons, emblème du Christ. Ma découverte des cycles zodiacaux en rapport avec les religions successives date de février 1924.

S’inspirant de Joachim de Flore, Paul Le Cour partage l’année précessionnelle en trois périodes : celle du Père , comprise entre la submersion de l’Atlantide et le Déluge (4320 avant notre ère) ; l’époque du Fils (du Taureau au Verseau inclus) ; ensuite, celle du Saint-Esprit, qui s’achèvera à la Balance. Le Déluge correspond à l’ensevelissement de l’Agartha, terre du Roi du Monde : nous sommes, à cette époque, dans le contexte de la publication du livre de Ferdinand Ossendowski et de la fameuse réunion organisée autour de lui par Frédéric Lefèvre, avec René Grousset, Jacques Maritain et René Guénon. Evelyne Latour signale qu’un article de Paul Le Cour, paru au Mercure de France le 1er février 1924 fut repris dans l’édition de 1942 de L’Ère du Verseau, mais a été retiré des éditions ultérieures.

Charles RidouxAmfroipret, le 3 novembre 2012Notes

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[1] Phaure Jean, Le Cycle de l’humanité adamique. Introduction à l’étude de la Cyclologie traditionnelle et de la Fin des Temps, Dervy, 1977.

[2] Phaure Jean, « Cyclologie traditionnelle. Précession des équinoxes et Ère du Verseau », Atlantis, n° 292, mars-avril 1977, pp. 227-234.

[3] Guénon René, La Crise du monde moderne, Gallimard, 1946, « Idées », pp. 16-17.

[4] Paul Le Cour (1871-1954) est le fondateur, le 24 juin 1926, de la Société d’Etudes Atlantéennes et de la revue Atlantis. Il est également l’auteur de l’Ère du Verseau (1937). Cf. le présentation, par Henri Bodard, des grands événements de la vie de Paul Le Cour (Atlantis, n° 426, 2006).

[5] René Schwaller de Lubicz (1887-1961), dit « Aor », égyptologue et ésotériste, est l’auteur du Temple de l’Homme (1957) qui présente l’enracinement mystique de l’Égypte antique, fondé sur les nombres et la géométrie.

[6] Oswald Spengler (1880-1936) est un des auteurs phares de la « Révolution conservatrice » en Allemagne. Son livre majeur, Le Déclin de l’Occident, rédigé avant Grande Guerre, parut en 1918 pour la première partie et en 1922 pour la seconde.

[7] Il est curieux de remarquer que Jean Phaure ne cite pas le nom de Raoul Auclair dont il résume pourtant ici la pensée.

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[8] Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955) paléontologue et philosophe, jésuite, théoricien de l’évolution qui trace dans Le Phénomène humain (1955) une histoire de l’Univers.

[9] Le Hiéron du Val d’Or est un courant de l’ésotérisme chrétien né de la rencontre, en 1873, du P. jésuite Victor Drevon et du baron de Sarachaga (1840-1918) autour de la dévotion au Sacré-Cœur. Le Hiéron subsista jusqu’en 1926 et eut une audience internationale. Paul Le Cour, le fondateur d’Atlantis en 1926, en revendiqua la succession.

[10] Grégoire de Naziance dit « Grégoire le Théologien » (329-390), docteur de l’Église, évêque de Constantinople, est considéré avec Basile de Césarée et Grégoire de Nysse comme l’un des trois « Pères cappadociens ». Il prend part à la lutte contre l’arianisme et défend, au Concile de Nicée, la place de l’Esprit Saint dans la théologie orthodoxe.

[11] Joachim de Flore (1130-1202), bienheureux, est un moine cistercien calabrais. C’est lors d’un pèlerinage en Terre Sainte et d’une retraite de quarante jours au Mont Thabor, lieu de la Transfiguration, qu’il conçoit l’idée de ses principaux écrits : La Concorde de l’Ancien et du Nouveau testament, l’Exposition de l’Apocalypse et le Psaltérion à dix cordes. Ses écrits inspirèrent le courant des « spirituels » parmi les franciscains, mais également nombre d’auteurs du XIXe siècle qui se sont réclamés de l’Évangile éternel (Michelet, Edgar Quinet, George Sand, Mazzini, Renan, Huysmans, Léon Bloy).

[12] Oscar Venceslas de Lubicz Milosz (1877-1939), diplomate lituanien et poète européen de langue française,

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né en Russie impériale, devient en 1919 le premier représentant à Paris de la Lituanie qui venait de recouvrer son indépendance. Dans ses recherches métaphysiques, il déchiffre la Bible au moyen de la Kabbale. Son neveu, Czeslaw Milosz 1911-2004), poète, romancier et essayiste polonais, a été Prix Nobel de littérature en 1980.

[13] Lettre d’Oscar Milosz à Armand Guibert, en date du 8 février 1934.

[14] Alice Bayley (1880-1949) est une des personnalités fondatrices du mouvement du New Âge. Elle fonda en 1920 le Lucis Trust, un institut spiritualiste. Elle affirme que la plupart des ouvrages qu’elle a écrits lui ont été dictés par un « Maître de Sagesse » tibétain, Djwal Khul. Son œuvre s’articule autour des enseignements de Mme Blavatsky.

[15] Francis Rolt-Wheeler (1876-1960), écrivain et ésotériste anglais, après une carrière de prêtre anglican durant vingt ans à New York, fonde un Institut Astrologique à Carthage en 1923, puis une revue d’ésotérisme, L’Astrosophie.

[16] On se reportera utilement aux deux numéros que la revue Atlantis a consacrés à « Paray-le-Monial, haut-lieu de la Tradition », n° 248, 1968 et n° 252, 1969. Outre des articles de Paul le Cour et de Jacques d’Arès, le deuxième numéro contient des documents précieux sur le Collège historique du Hiéron.

[17] Latour Evelyne, « L’Ère du Verseau », Politica Hermetica n° 12, 1998, Les contrées secrètes, L’Âge d’Homme, 2000, pp. 205-240.