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2/4 PÉRIODE «RENAISSANCE» 1981 - 1995 RECUEIL DE PRESSE FRANCOPHONE DU GROUPE YES

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Période «renaissance»1981 - 1995

recUeiL de PresseFrancoPHone

dU groUPe Yes

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(par ordre alphabétique)

Jon ANDERSON (Chant)

Bill BRUFORD (Batterie)

Steve HOWE (Guitare)

Tony KAYE (Clavier)

Trevor RABIN (Guitare)

Chris SQUIRE (Basse)

Rick WAKEMAN (Clavier)

Alan WHITE (Batterie)

LISTE DES MUSICIENS DE LA PÉRIODE «RENAISSANCE» (1981/1995)

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Table des matières(cliquer sur l’article désiré)

1981.07 - Rock en Stock n° 44 : Critique «The friends of Mr Cairo» 41981.07 - Rock en Stock n° 44 : Critique «1984» 41982.05 - Rock n° 52 : Critique «Asia» 51982.05 - Rock n° 52 : Critique «Asia» 51982.12 - Rock & Folk n° 191 : Asia «Pavillon Baltard (7/10)» 61983.03 - Guitare Magazine n° 28 : Entretien Steve Howe «Steve Howe, l’œil de Yes, cœur d’Asia» 71984.01 - Guitares & Claviers n° 37 : Critique «90125» 91984.01 - Rock & Folk n° 204 : Critiques «90125» & «Alpha» 91984.01 - Best n° 186 : Critique «90125» «Nouveau numéro» / Chronologie & discographie de Yes 101984.03 - Best «Yesterday... And Today» 131984.06 - Circus n° 75 : Discographie de Yes 151984.07 - Guitares & Claviers n° 43 : Entretien Jon Anderson «Résurrection» 171984.08 - Circus n° 77 : Évènement Concerts à Bercy du 7 et 8 juillet «Yes : le show... Sublime !!!» 221984.08 - Best n° 193 : Entretien Jon Anderson & Trevor Rabin «Oui-dires» 231986.01 - Best n° 210 : Entretien Jon Anderson «Oui, c’est Noël !» 271986.07 - Best n° 216 : Publicité & critique «GTR» 281987.10 - Rock This Town : Critique «Big Generator» 291987.11 - Rock & Folk n° 246 : Publicité «Big Generator» 291987.10 - Télémoustique : Publicité & critique «Big Generator» 291987.11 - Guitares & Claviers n° 79 : Critique «Big Generator» 301987.12 - Best n° 233 : Critique «Big Generator», «In-oui» 301989.06 - Belgique n° 1 : Critique «ABWH», «Conte capillaire» 311989.06 - Guitares & Claviers n° 97 : Entretien Steve Howe «Yes or no ?» 321989.07 - Télémoustique : Critique «ABWH» 341989.08 - L’express : Critique «ABWH» 341989.08 - Best n° 253 : Critique «ABWH» 341989.09 - Musicien n° 11 : Critique «ABWH» 341989.09 - Hard Rock Mag : Critique «ABWH» 351989.09 - Guitares & Claviers : Article Steve Howe 351989.09 - Rock & Folk n° 266 : Entretien Jon Anderson «NO» 351989.11 - Musicien n° 13 : Entretien Jon Anderson «Yes or Yes» & publicité «ABWH» 361989.11 - Rock This Town n° 73 : Reportage «Two pages of Yes music» 371989.11 - Keyboards Magazine n° 27 : Entretien Rick Wakeman «Yes pour ABWH !» 391991.06 - Télémoustique : Critique «Union» 411991.06 - La Libre Belgique : Reportage «D’excellents musiciens...» 411991.06 - La Libre Belgique : Entretien Rick Wakeman «Yes ou l’esprit de famille» 421991.06 - Guitarworld : Entretien Steve Howe «Clé de voûte du système Yes» 441991.06 - Guitarworld : Entretien Trevor Rabin «À bord du vaisseau Yes» 451991.07 - Télémoustique : Critique «Yessongs» 461991.07 - Guitares & Claviers n° 105 : Critique «Union» 461991.09 - Télémoustique : Critique «Yesyears», «Les années Yes» 471991.10 - Télémoustique : Critique «Page Of Life» 481991.11 - Télémoustique : Critique «Yesyears» 481991.12 - Rock & Folk (hors série) : Critique «Close To The Edge» 481993.12 - Batteur Magazine n° 63 : Entretien Bill Bruford 491994.07 - Guitar & Bass n° 9 : Entretiens Chris Squire «Les années Yes» & «Une Rickenbacker sinon rien» 521994.07-08 - Rockstyle n° 5 : Entretien Jon Anderson 551994.07-08 - Rockstyle n° 5 : Critique «Symphonic Music Of Yes» 591994.09-10 - Rockstyle n° 6 : Critique «An Evening Of Yes Music Plus» 591995.03 - Rockstyle n° 9 : Critiques éditions remastérisées «Flash Back» 601995.09 - Rockstyle n° 12 (HS) : Critiques «The Moon Revisited» & «Tales From Yesterday», «Flash Back» 601995.12 - Rock & Folk HS n° 11 : Critique «Tales From Topographic Oceans» 61

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1981.07 - Rock en Stock n° 44 : Critique «The friends of Mr Cairo»

JON ET VANGELISThe friends of Mr CairoPolydor 2442188

Ben, tiens ! Un nouveau Vangelis. Pourtant j’avais bien l’impression d’en avoir chroniqué un le mois dernier. Me voici, recherchant dans mes archives : celui chroniqué en janvier est bel et bien là, ainsi que ceux de septembre, décembre, février, avril, juin, juillet. Non, pas d’erreur.

C’est le nouveau Vangelis, enregistré avec son ami Jon Anderson, le petit qui ne dira plus jamais «oui». Décidément, les journaliste peuvent dormir tranquille ! Côté «lutte antichomage», J. et V. ont pensé à tout. Côté lutte créative, le problème devient plus complexe. Non pas que Jon et Vangelis sont tombés dans la vulgarité et la facilité. Mais il faut bien reconnaître que «Friends of Mr Cairo» n’a rien d’un grand disque (à une exception près). On nous asperge d’un rock and roll au séquenceur, d’une mélodie où le seul génie résident dans les harmonies déjà connues de Vangelis. On nous ressert sur un plateau doré la voix d’Anderson toujours plus frêle, toujours plus haute. Sans parler de la production nickel, trop nickel, du disque. Mais tout cela, on le savait depuis maintenant 8 ans. Vangelis nous gratifie au passage de ses orchestration symphoniques grandioses uniques, toujours aussi fortes même plus fortes qu’avant.

Mais sans surprise ! «Friends of M.C.» serait un LP inutile si il n’y avait pas une empreinte, un signe, une pièce monumentale qui a caractérisé toujours ces 2 génies (tout de même) que sont J. et V., même dans leurs productions les plus moyennes.Cette pièce de 12’05, du nom de l’album, justifie, à elle seule le reste de ce disque. Un document sonore retraçant l’ambiance, l’histoire, la chaleur blanche des films noirs américains de l’avant-guerre. Une musique documentaire où se mêlent la voix l’Anderson et les claviers de Vangelis dans un nuage de nostalgie qu’accentue une simple petite mélodie (leitmotiv) dont le grec possède seul le secret. Des bruits mécaniques d’appareils de projection, des frottements de bobines de film arrivées en fin de course, des grincements de voitures, des voix «off» : vaste domaine sonore que cimente avec délicatesse la voix de Jon. Approchez vos oreilles de vos encentes et écoutez avec quelle sensualité, Jon prononce la phrase : «Silent golden movies, talkie, technicolor, long ago». La séduction m’impose l’arrêt immédiat de cette chronique. À vous de la continuer... Comme il vous revient le droit de juger si 12’05 justifie l’achat de ce disque...

Luc Marianni

1981.07 - Rock en Stock n° 44 : Critique «1984»

RICK WAKEMAN1984Charisma 6302136 (Dist. Phonogram)

Que peut-on attendre de Wakeman en 1981 ! Qu’il explose, qu’il vole, qu’il court, mais surtout pas qu’il reproduise les plans qu’il affectionne depuis la grande époque de Yes, des «Femmes d’Henri 8» ou de «Strawbs». On désire également que Rick laisse au panier des œuvres comme «Rhapsodie», «White rock» ou «Criminal Record».Pour la seconde partie, notre souhait est réalisé car «1984» met

fin à un longue série de disques plus que tristes. Quant à notre première requête, eh bien ce n’est pas encore pour aujourd’hui.

Avec «1984», le blondinet a tout juste remonté le long chemin qui le séparait de la lumière. De là à tendre vers le soleil...! On reécoute avec plaisir tous les ingrédients du maître : les envolées symphoniques, et les contre-chants au synthé et les passages grandiloquents et les solos d’orgues Hammond et d’église. On atteint même la stratosphère avec l’ouverture romantique de «1984», la partie 2 de «The room» ou le final de la face 2.Mais tout cela ne suffit pas pour sortir de l’atmosphère. Même l’inséparable ami Anderson, présent dans une composition, ne parvient pas de sa voix envoûtante à franchir la ionosphère. L’état d’apesanteur est proche, mais la gravitation sans cesse nous ramène vers la terre. L’énergie manque cruellement, à croire que notre homme éveillé en a tellement dépensée dans ses jeunes années qu’il ne lui en reste plus assez pour se dépasser lui-même. Et comme nous ne voulons pas, nous autres auditeurs, suivre le même chemin décalcifiant, désolez Rick si pour cette fois nous laissons «1984» dans le bac des disquaires. Ce qui ne nous empêche pas de rester attentif à ton prochain disque.

Luc Marianni

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1982.05 - Rock n° 52 : Critique «Asia»

ASIAAsiaGeffen Records 85577 Dist. CBS

Les dessins féeriques et magiques de Roger Dean, la batterie de Carl Palmer reconnaissable entre mille de par ses rythmes lourds et appuyés, les claviers de Geoff Downes s’envolant vers les sommets de l’Himalaya, la guitare de Howe s’infiltrant dans les endroits les plus imprévus avec toujours cette point d’agressivité, la voix de Wetton réchauffant chaque endroit où elle se pose : un super-groupe est né, synthèse vivante de toute la musique anglaise des années 70, descendant direct de King Crimson, ELP, Yes, et successeur de UK...Mais il est vrai qu’en 1982, parler de «star», de «guitare-héros» et du super-groupe conduit aux portes de la ringardise. Tout comme parler des «has been» d’ailleurs ! Alors, je vous entretiendrai de Asia, nouveau groupe «Is» et peut-être «will be»...Asia nous transporte au-delà de l’Asie, de la mer de Chine et du détroit de Bering. Et chaque fois que des harmonies chaudes sortent de la voix de Wetton, que des notes hachées s’échappent de la guitare de Howe, que des roulements syncopés s’enfuient de la batterie de Palmer, le rêve envahit nos esprits. Nostalgie d’une époque ? Sûrement ! Mais aussi, façon délicate d’introduire les éléments musicaux, de les faire tourner dans différents espaces, de les mettre en relief et non pas de les fondre dans un univers unidimensionnel, réducteur, rationalisé.Je crois que ce style de musique ne peut être apprécié que par des gens ayant vécu cette époque. Asia reflète son public, tout comme le public d’Asia symbolise les années 70. Et même si l’on ne peut plus parler de «musique

progressive», (car Asia développe en 82 des plans connus maintenant de tous depuis les envolées symphoniques aux claviers, les rythmes dérivés du Boléro, les cassures orchestrales (spécialité de Genesis) jusqu’à la sophistication des harmonies vocales) ; peu importe ! D’ailleurs la musique progressive a-t-elle déjà exité ? Il ne s’agit pas de convertir les fans de UK, ELP, Yes... qui, dès les premières notes de «Wildess dreams» ou «Here comes to feeling» seront déjà à genoux devant leurs enceintes. Non ! Il s’agit de faire partager aux autres, certains côtés de l’esthétisme des vêtements amples, des foulards de soie, des cheveux longs, des bijoux colorant les doigts. Esthétique aussi séduisante que celle des cheveux courts teints, des jeans serrés... Les formes, les objets changent ; le rock reste avec ses questions, ses angoisses, ses pulsions. Là encore, je ne m’adresse pas aux convaincus (convaincus qui feraient bien quelquefois, d’aller voir d’autres paysages) ! Je fais appel aux autres indifférents et opposés, pour qu’ils écoutent avec attention l’un des groupes «quintessence» de ce style, sans «a priori» sans jugement établi, en dépassant pour une fois le «j’aime, j’aime pas». L’«Écoute».Recherche, l’analyse ouvrent les voies de la compréhension et de l’amour... (Amen !). Asia existe bel et bien et n’est pas la pâle copie d’un style puisqu’il en est l’original et la synthèse. Condition idéale pour s’investir dans cette musique et remonter aux sources avec douceur et enchantement.

Luc Marianni

1982.05 - Rock n° 52 : Critique «Asia»

JON ANDERSONAnimationPolydor 2383 624

Là où elle se pose, la voix de Jon Anderson émerveille, purifie, enchante, ce qui n’est qu’ordinaire. Elle apporte la petite substance fragile qui transforme une pierre pourtant précieuse en un joyau magique. Ce qui ne veut pas dire néanmoins que le miracle se produise à chaque fois. Dernier échec en date pour illustrer notre propos : «Song of seven», secont Lp solo de Jon, décousu, inégal dans les compositions, un Jon Anderson délaissant pour le première fois les albums concepts, se retrouvant seul et bien embarrassé même si entre temps, son travail avec

Vangelis lui avait redonné un peu de chaleur au cœur. On pouvait repérer ça et là de petits éclats de pierre lunaire ou de pierre couleur de temps. Mais les scintillements étaient brefs et trop espacés pour espérer rallumer les feux déjà lointains du génial «Olias».Et c’est là qu’en juin 82 intervient «Animation», nouvelle étape dans la carrière de Jon, un disque profondément actuel dans la forme et dans le son mais qui garde intact sa personnalité (chose que ne respectait pas «Song of seven»).

Petites mélodies où l’on n’hésite pas à se frotter au funk, au reggae, à la samba mais toujours en écartant la vulgarité. Et comment éviter la vulgarité ? En personnalisant chaque son, chaque forme, chaque rythme, même les plus petits, surtout les plus petits et en travaillant le relief de chaque morceau. Il ne s’agit plus de développer une atmosphère sur l’ensemble du disque mais de construire une ambiance différente.Ici on danse et on chante, là on écoute et l’on rêve. La prédominance des rythmes et des percussions en tout genre n’empêchent pas Anderson de rester fidèle à ses fameux recording de voix et aux arrangements symphoniques traduits par les claviers électroniques qui s’incrustent aux quatre coins de l’album.«Alors, d’après vous, Animation est un grand disque ?»«Non, pas tout à fait. Il replace Jon sur le chemin créateur et cela pour la première fois depuis son départ de Yes» (Si l’on excepte ses expériences avec Vangelis, dans lesquelles il faut bien reconnaître l’influence majeure du grec).Animation n’est pas un disque exceptionnel. Ce qui ne l’empêche pas de contenir deux pièces musicales merveilleuses : l’une «climateuse»,

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ASIAPavillon Baltard (7/10)Si vous avez lu le journal le mois dernier, vous savez ce qu’est Asia : l’association de musiciens plus ou moins virtuoses, venus, à une exception près, de trois grands groupes des années 70 : ELP (Carl Palmer) Roxy Muxic (John Wetton) et Yes (Steve Howe). Ce type de rencontres, vous le savez aussi, avorte le plus souvent ; les exemples sont légion. Asia, à la surprise générale, fait aux États-Unis un tabac que les groupes précités, malgré toute leur valeur (Yes), leur inventivité (ELP), n’ont jamais su provoquer, en quelque dix années de musique. Si dans l’absolu, la chose ne prouve rien, force est de reconnaître que nous sommes revenus à un système de valeurs au sein duquel, au contraire, elle prouve tout, ou presque (Fleetwood Mac). Que fait Asia ? Quel est son but ? Réponse : «Insuffler toutes les qualités de Yes ou d’ELP à des chansons de trois minutes» (Carl Palmer). Ceux qui ont beaucoup aimé les formations dans lesquelles jouaient Howe et Palmer auront sans doute senti, à la lecture de ces mots, comme une contradiction. Et c’est en sceptique mais également en curieux que je suis allé écouter Asia à Nogent-sur-Marne. Le groupe frappe fort, projette beaucoup de lumière et crée, de prime abord, un effet impressionnant. Le rock d’Asia est d’une précision, d’une fougue, mais surtout d’une hyper-cohérence dont on se doute qu’elles sont peu courantes. La surprise, si l’on songe à toutes les tentatives de ce genre qui ont échoué, provient davantage du fait qu’Asia possède, à l’évidence, une véritable âme de groupe : les quetre hommes jouent ensemble sans se piétiner et leur art prend parfois les teintes d’un enchantement : ainsi du presque renversant passage acoustique offert par Steve Howe, et de

brusque démarrages collectifs, imprévisibles, vraiment beaux et même originaux. Hélà, cet effet initial s’émousse vite, en tout cas s’émoussa vite ce jour-là. Malgrè ses qualités, qualités au nombre desquelles il faut ajouter une certaine générosité - car le groupe n’y va pas de main morte - Asia, chemin faisant, plonge la tête la première dans une mélasse scintillante : le vide, la gratuité,

qu’on critiqua tellement chez ELP apparaissent, après une heure d’écoute, régner en maître au sein d’une musique qui en plus est ici et là de la pure variété. Asia fait dans le sublime et dans le pathétique aussi bien. L’un dans l’autre, ce rock qui se veut «celui des années 80» est toujours mille fois meilleur que celui des Styx. ELO et autres Kansas. La belle affaire, me direz-vous - B.F.

1982.12 - Rock & Folk n° 191 : Asia «Pavillon Baltard (7/10)»

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Steve Howe, guitariste et fondateur de Yes. De 1969 à 1980, Yes a enregistré douze albums dont deux doubles et un triple. Steve Howe, deux albums solo. À Nogent-sur-Marne, Steve Howe était sur scène avec le groupe Asia. Un «super-groupe» où chaque musicien exécute, à tour de rôle, son petit numéro de «super-vedette».Geoff Downes, ex-Buggles, tel l’homme-octopus de Leonardo Da Vinci, emblème de l’intérim, se crucifie frénétiquement d’un clavier à l’autre ; début du solo orteil pied gauche, fin du solo à cinq mètres de là, auriculaire main droite, dix sauts de carpe et visite de vingt-cinq synthétiseurs entre les deux.Carl Palmer, ex-Emerson Lake & Palmer, embarqué sur un vaisseau moins spatial mais au moins digne de la machinerie du Châtelet, sort de ses gongs (ornés de dragons style fumerie chinoise vue d’Hollywood) torse nu ruisselant, bracelet et petite culotte Borg, vainqueur de son 5/7 solitaire.John Wetton, ex-King Crimson, ex-U.K. fait le marteau-piqueur avec les mains et la Castafiore avec la bouche.Steve Howe, ex-Yes, prend une guitare sèche et envoie une ballade moyenâgeuse suivie de deux r a g t i m e -b l u e s , comme un folkeux de s a m e d i soir à la M.J.C.- Steve, c ’ e s t important p o u r toi, la guitare

acoustique ?- C’est la simplicité du message qui m’intéresse. Seul sur scène avec juste une guitare acoustique, tu touches le public très facilement. C’est l’instant du spectacle où je suis le plus relax, où je joue avec le plus de plaisir.- Le premier titre est un peu médiéval, style Davy Graham ou Bert Jansch.- C’est «Mood», tiré de «Fragile», l’album de Yes. Mais je n’ai jamais été influencé par les guitaristes de folk anglais. Les seuls que j’admire sont américains. Les deux autres titres que j’ai joué, «Ham» de mon album solo, «Beginnings» et «Clap» de «The Yes Album» sont plus ragtime blues. Mon guitariste préféré, dans le style, c’est Chet Atkins, sans conteste... et Merle Travis quand il est bon.- Mais toi, tu joues au médiator avec plus de swing et de vigueur que de précision et de propreté...- Je joue avec le médiator et le majeur. C’est la technique de main droite qu’utilisait Albert Lee. Mais pour le blues et le ragtime, j’adore Big Bill Broonzy. J’ai été très influencé aussi par Ry Cooder.- Quelle guitare as-tu utilisée sur scène ?- Une Martin 0018 de 1953 avec micro-con tac t Barcus Berry. Le pré-amp l i est un peu trafiqué e t , surtout, nous

a v o n s b e a u c o u p t r a v a i l l é

l’égalisation avec l’ingénieur du son. Il s’appelle Dave Natel, c’est un américain passionné par les problèmes de prise de son des guitares acoustiques. Avant chaque concert, on essaie d’améliorer les réglages, on en discute partout, à l’hôtel, au resto, pendant toutes les tournées.- Quelles cordes emploies-tu sur la Martin ?- Les regular-light Martin - 012 à 056 - c’est assez fort comme tirant.- Pendant le spectacle, à part cet intermède acoustique, tu joues uniquement sur une Gibson électrique ?- Oui, j’ai fait fabriquer quatre Gibson ES Artist. Une blonde custom que j’utilise en studio et chez moi, et trois autres pour la route. Je joue sur la Sunburst, celle que je préfère, pendant tout le concert et sur une Black Finish pour le titre de rappel. Je l’accorde un demi ton en-dessous du diapason pour jouer en do dièse. La quatrième reste sur le côté de la scène, en cas d’accident.- Quels tirants de cordes emploies-tu ?- 010, 012, 016, 028, 044, 056. Cela permet des basses bien rondes, au son plein.- Quels effets utilises-tu sur scène ?- J’ai un rack dont l e s

é l é m e n t s d i f f è r e n t

a s s e z

1983.03 - Guitare Magazine n° 28 : Entretien Steve Howe «Steve Howe, l’œil de Yes, cœur d’Asia»

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souvent. En ce moment une pédale d’expression Ernie Ball, un vieux Fuzz Tone Gibson, des Flanging, un Korg Multi Pedal, un delay digital Roland et des boîtes à rythmes Electro Harmonix.- Ici, à l’hôtel, tu as une Martin D 35... c’est une véritable collection ?- Je possède des dizaines de guitares. J’ai une autres Martin 0045. Des Gretsch, Fender, Guild, Rickenbacker de tous modèles. Il faudrait des heures pour tout recenser. Je collection aussi les guitares très anciennes. Pas de lutherie italienne, mais les guitares anglaises et françaises du XVIIIe et XIXe, elles sont excellentes. Certaines viennent de Mirecourt, d’autres de Londres comme une Apollo Lyre Guitar et beaucoup de Light Guitars. J’ai aussi une Harp Guitar Gibson et une 0 Style Guitar Gibson avec crosse

enroulée.- Tu joues également de la mandoline ?- J’ai six mandolines dont une Martin très ancienne, une Gibson F4 de 1910 et une F5 des années 1960. Également une mandole et un mandocello Gibson K4 Artist des années 1920.- Sur l’album Yes «For the one», tu joues de la steel et de la pedal steel guitar. Juste un petit essai ou es-tu très intéressé ?- Je joue de la steel déjà sur «Close to the Edge». C’est un instrument qui me fascine. J’ai une Gibson lap steel EH des années 30, mais sur scène j’utilisais une Fender Twin Neck Console. Un manche accordé en mi majeur et l’autre comme une guitare. Quand j’ai acheté la Gibson, on m’a donné un steel bar round nose. Si je n’ai pas ce steel bar,

je ne peux pas jouer. Ma plus grosse influence à la guitare hawaiienne, c’est Roy Smeck... The Wissard of Strings ! Il jouait de la guitare, de l’ukulele, du banjo ténor, de l’hawaiienne... À

l’hawaiienne électrique, il était fabuleux. Le premier à

employer les boutons de volume et de

g r a v e - a i g u

comme effets... À la pedal-steel je préfère Speedy West. J’ai fait fabriquer deux pedal-steel chez Sho-bud, une dix cordes et une à deux manches. Je m’accorde en mi 9e Nashville.- Tu joues aussi du dobro ?- J’ai deux Dobro en bois des années 1930, et deux National Reso-Phonic 1950 en fausse nacre, l’une rouge, l’autre noire. J’aimerais trouver une Tri Plate National. Le son est fabuleux.- Tu as enregistré deux albums solo : «Beginnings» et «The Steve Howe Album». As-tu d’autres projets du genre ?- Pour l’instant, je joue avec Asia. C’est une priorité. Nous préparons un nouvel album et ce groupe est actuellement le véhicule essentiel de ma musique. C’est très important pour ma carrière. Mais parallèlement, j’écris pour moi, et pour un autre disque solo. Car un guitariste n’est jamais reconnu comme un grand guitariste s’il reste dans un groupe, fût-il Asia ou Yes.- Yes pourrait se reformer dans l’avenir ?- Il n’exste aucun projet de ce genre en ce moment. Yes est un groupe des années 70. Je ne crois pas qu’il ait quelque chose à dire aujourd’hui.

Propos recueillis par Cyril LEFEBVRE

Réputé, élu chaque année meilleur guitaristede rock par la presse spécialisée,il demeure néanmoins méconnu. Surprenant !

Oui c’est bien Yes, non ce n’est pas Rick Wakemanmais Steve Howe avec sa pédale-steel-support guitares.

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YES90125Atlantic 90125

Ce retour s’annonçait pathétique et embarrassant. Motivé par le succès d’Asia et le manque de réussite des diverses carrières des anciens Yesmen, il avait débuté par la création de «Cinema», qui réunissait Chris Squire, Alan White, Tony Kaye avec le nouveau venu Trevor Rabin, guitariste sud-africain connu pour avoir été produit par Ray Davies. Il en reste aujourd’hui l’intrumental Cinema, le Leave It de Chris Squire et vraisemblablement Changes, en partie chanté par Rabin, et très proche du style Asia. Quand Jon Anderson est venu se joindre à ses anciens compagnons, il est devenu évident que le groupe ne pouvait qu’être Yes. Car la grande leçon de «90125» (rien d’ésotérique dans ce titre, c’est le numéro de référence) c’est que Yes c’est lui. Quel que soit le talent des autres. «Drama» c’était tous les autres sans Anderson et c’était un disque sans âme, sans couleur. Ici Jon est revenu et instantanément ça sonne Yes. «Trop de chefs et pas assez d’indiens» ; m’avait dit le lutin du nord de l’Angleterre pour m’expliquer pourquoi il avait déclaré fortait il y a quatre ans. Dans «90125», il règne, même si Yes 83 est bien différent de Yes 78. Et c’est tant mieux. Ce Yes-là est volontairement moderne, sans oblitérer aucune de ses qualités. Et c’est bon de retrouver ce son invraisemblablement aigu, celui des voix de Jon et des autres. Les sons agressifs d’Alan White et la basse extraordinaire de Chris Squire, un des génies de l’instrument. Quant à Trevor Rabin, s’il n’est pas Steve Howe, il se tire d’autant plus remarquablement de sa tâche qu’elle était extrêmement délicate. Bien sûr, les défauts sont toujours les mêmes. Yes a tendance à la pomposité et au symphonisme, et les paroles d’Anderson restent souvent cryptiques ou hippisantes. Mais «Owner of a lonely heart» est le meilleur 45 tours du moment, et la voie de l’avenir. Yes !

Y.B.

YES90125Atco 790125 (WEA)

ASIAALPHAGeffen GEF 25 508 (CBS)

Un civet, plus on le réchauffe, meilleur il est. Pour le rock, c’est souvent le contraire. Pour réussir un bon civet, il suffit de s’en tenir à une bonne recette. Pour le rock, c’est souvent le contraire. Mais cessons là le parallèle musico-culinaire et humons l’air : le second album d’Asia sent encore plus mauvais que le premier, et ce n’est pas peu dire. Il pue la prétention et la complaisance, il exhale l’ennui, il lui manque la plus infime trace de talent. C’est la vanité même, et tonitruante. Certaines médiocrités sont discrètes, celle-ci est outrageante. Wetton n’aura finalement été qu’un opportuniste dont Robert Fripp et Phil Manzanera auront épuisé les quelques richesses ; à l’exeption d’un titre, peut-être le moins mauvais, qu’il a composé, il n’est plus qu’un parolier sans intérêt et un chanteur sans âme. On savait que Steve Howe était un piètre compositeur - ses petits camarades s’en sont aperçus - mais on avait encore quelque espoir en le guitariste et le musicien ; ils étaient vains. De Palmer et de Downes, on n’attendait rien, on pensait ne pas être déçu, on avait tort : celui-là qui, avec E.L.P., avait contribué à créer dans les années 70 toute une école de batteurs anglais, précis, prolixes et musicaux, s’est laissé emporter dans le tintamarre général et l’évidente indigence du concept ; quant à celui-ci, qui signe tous les thèmes, il semble bien être le maître d’œuvre de toute cette pernicieuse entreprise. Exit Asia. Ce groupe n’a pas de vrai passé, et je persiste à penser qu’il n’a pas d’avenir.Le Yes est une tout autre affaire. Il ne s’agit pas d’une artificielle remise sur pied d’un groupe démantelé, mais d’une résurgence, d’une renaissance. Anderson et Squire ont toujours été l’originalité de Yes, sa créativité. Admirablement servis par des vituoses tels que Bill Bruford, Patrick Moraz, Rick Wakeman ou... Steve Howe, la musique, la direction, le style de Yes, c’était Anderson et Squire qui les donnaient, les autres ne faisant qu’enrichir une trame que l’«équipe dirigeante» (qui ne se voulait pas telle, ce fut peut-être la cause principale de la débandade) laissait volontairement ouverte. Yes a un prestigieux passé et il se pourrait bien que la nouvelle formule ait un bel avenir.

C’est qu’Anderson a prouvé que sa verve était bien loin d’être épuisé et qu’il était, à l’instar des plus grands, fort capable de se renouveler, de ravir, voire d’étonner - sa carrière-solo, de «Short Stories» à «Animation» en passant par «Mr Cairo» et «Private Collection», est pavée de chefs-d’œuvre. C’est que l’esprit de Yes (l’équipe Squire-Anderson), sinon la lettre (ce qu’aurait été une artificielle reformation du groupe de «Close To The Edge» ou de «Relayer») est retrouvé dans sa plénitude. C’est que, encore cette fois, les autres membres de la nouvelle formation ne sont ni des utilités, ni des «personnalités» choisies pour leur surface commerciale, mais de vrais musiciens capables comme leurs prédécesseurs d’apporter une contribution considérable à un groupe dont eux savent qu’ils ne sont pas l’âme mais la cheville ouvrière. Tony Kaye, dont on avait quelque peu perdu la trace (ce fut le premier claviste de Yes), est excellent et si l’on sait que, sur scène, Eddie Jobson le remplace, on n’a pas de souci à se faire de ce côté. Quant à Trevor Rabin, il a cette sorte de fureur, de sauvagerie, qui se sont tant émoussés chez Howe depuis «Relayer», au point d’avoir complètement disparu chez Asia. Et puis, avec lui, Yes devient un véritable ensemble vocal («Leave It» en est la magnifique illustration), Anderson et sa voix inimitable gardant la prépondérance mais se voyant fort judicieusement complémentés par les accents très différents du guitariste. La musique est variée, allant du typique Yes 70’s («Cinema») à des choses beaucoup plus proches de «Animation» et de «Song Of Seven» («Hold On», «City Of Love»), avec toujours ce style d’orchestration que Yes a inventé et qui consiste à remplir véritablement tout le spectre sonore d’un entrelacs de parties distinctes et précises. Un art dont Asia, qui n’en tire que bouillie et brouhaha, aura montré toute la difficulté.

Jean-Marc BAILLEUX

1984.01 - Guitares & Claviers n° 37 : Critique «90125»

1984.01 - Rock & Folk n° 204 : Critiques «90125» & «Alpha»

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YES« 90125 »(Atco WEA 790125-1)

Il y a des reformations qui prêtent franchement à rire ; tout le monde s’était esclaffé à l’annonce des retours des Animals, de Crosby and Co ou de Vanilla Fudge. Par contre, la renaissance de Yes, dès qu’elle fut connue, fut prise très au sérieux par chez nous. Peut-être parce que le split était encore suffisamment récent pour ne pas reléguer le groupe dans la préhistoire. Sans doute parce que l’on se doutait que des musiciens de la trempe de Squire (le reformateur), White et Anderson n’allaient pas se réunir pour une vulgarité sans nom.Le pressentiment était fort bon, car cet album de résurrection, au titre étrange, au look radicalement différent du Yes d’antan, est une splendeur et fournit à nouveau la démonstration qu’une reformation peut être un acte constructif et non pas un remords, une nostalgie ou un moyen d’arrondir ses revenus. King Crimson avait déjà montré la voie, Yes en fait de même en oubliant ce qu’il fut pour appliquer toutes ses qualités à une musique nouvelle. Il n’y a ainsi que dans l’ultime morceau, «Hearts», que l’on renoue avec le groupe des «Yessongs», tout le reste est totalement inédit. Mais pas seulement neuf pour Yes, mais neuf dans l’absolu. Alors qu’Asia a assuré son coup prudemment, loin de toute audace musicale, Yes a décidé de surprendre et d’innover. On peut pour situer ce nouveau groupe – car c’en est un – évoquer par instants Police, dire qu’il est plus hard, mais l’on peut tout résumer en disant que Yes a mis toute sa virtuosité instrumentale et vocale, tout son sens des mélodies, toute son intelligence des structures rythmiques et harmoniques, au service d’une musique qui n’a rien à voir avec les seventies, qui est de l’actualité on ne peut plus fraîche, comparable à «Synchronicity» ou «War», ni plus ni moins.Tout ici fait mouche, et le groupe ne peut que réaliser l’unanimité. Les amateurs de hits sont comblés par «Owner of a lonely heart», ceux de rock pimenté par les pulsions hard de «Hold on» ou «City of love», les consommateurs de belles orfèvreries sonores par «Changes» ou «Leave it», Anderson, White et Squire donnent visiblement le

Nouveau numéro

ton (les tons) à ce Yes régénéré, alors que Kaye, partie depuis, se montre plus discret. Mais la révélation est constituée par le Sud-Africain Trevor Rabin qui parvient à assumer le remplacement de Steve Howe – gageure qui semblait impossible – sans nous donner de regrets, car il apporte à Yes de nouvelles couleurs, une vigueur hard, un son tranchant qui rajeunissent avec science les motivations de la bande.J’ignore ce que Yes fera d’un tel album, s’il sera un plaisir sans lendemain ou au contraire le début d’une nouvelle carrière jalonnée de concerts, mais quant à moi, je m’en vais de suite le mettre sur mon compte suisse : pareil capital de musique ne se rencontre pas si fréquemment.

Hervé PICART

YES

En cette période bizarre de reformations plus ou moins spectrales, l’une au moins de ces résurrections présentait un intérêt musical suffisamment fort pour venir chahuter d’outre-tombe le présent, celle de Yes. Peut-être parce que le défunt consortium de choc de la progressive anglaise était encore tout chaud, puisque seulement décédé en 1980. En tout cas, Yes est de retour et son nouvel album semble indiquer que ce n’est pas un caprice de moribond coriace, mais bien une nouvelle offensive pleine de vigueur et, paradoxe croustillant, de jeunesse musicale.L’on ignore encore si la formation du disque (Anderson-Squire-White-Kaye plus le guitariste sud-africain Trevor Rabin, l’élément surprise) sera celle des tournées car l’on dit que Jobson aurait déjà remplacé Tony Kaye, et que Steve Howe, plus ou moins sur le départ d’Asia, serait fort tenté de reprendre la place qui fut la sienne. Mais peut-être était-il bon de rappeler à tous ceux qui vont découvrir

1984.01 - Best n° 186 : Critique «90125» «Nouveau numéro» / Chronologie & discographie de Yes

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le Yes version eighties les épisodes les plus fameux de la carrière de celui qui fut, avec Genesis et King Crimson, le leader du mouvement appelé «progressive music» et qui mena la meute sophistiquée des Jethro Tull, Caravan, Van der Graaf Generator, Camel et autres Pink Floyd ou Soft Machine. Tout un mouvement qui semble d’ailleurs être dans une sorte de regain, pour éviter le terme de «revival», si l’on considère la persistance de Genesis, le come-back ahurissant de King Crimson, le succès foudroyant d’Asia et la montée d’une nouvelle génération digne de d’ancienne avec le bouillonnant Marillon. 1984 sera-t-il une ère progressiste ?Quoi qu’il en soit, c’était plutôt des temps psychédéliques que l’on sortait quand Yes naquit en 1968. Trois de ses membres, Jon Anderson, Chris Squire et Peter Banks, avaient d’ailleurs fait partie de beautiful people londonien avec Syn, confrère du Pink Floyd de Syd Barrett pour les happenings de l’UFO, les longues dérives musicales flottantes, baignées dans les troubles visions de l’acide. À cette époque, l’on faisait du rock avec de l’imagination et des délires savants, l’on ne se souciait pas de hit singles et de petites chansonnettes expédiées en trois minutes. Ces groupes-là voulaient avaler l’espace et le temps, et avaient le cerveau largement aussi bariolé que leurs vêtements. Yes se distingua d’emblée par le fait qu’il possédait des instrumentistes d’un niveau très supérieur à la moyenne. Si l’on cumule cela et la prime à l’imagination prioritaire à l’époque, l’on comprend pourquoi le groupe était appelé, tout comme Crimson, à faire craquer de partout les frontières du rock, car il pouvait compter sur sa monstrueuse technique pour se permettre toutes les audaces musicales. Ce qu’il fit, dès son premier album. Le rock devint avec lui ouvert, nerveux, inventif, fébrile de mille mélodies nouvelles, de rythmes inédits. Il faut dire qu’avec des virtuoses incontestables comme Squire (l’homme à la basse Rickenbaker le plus remuante du monde), Bill Bruford déjà impérial et le jazzy et aristocratique Peter Banks, l’on pouvait aller loin. Sur une base musicale faite de Beatles, de psychédélisme, de Nice, Yes ouvrit donc une voie nouvelle. Mais là ou King Crimson s’imposait en ultra violence, Yes œuvrait davantage dans l’éthéré, le fluide, le pastel, surtout grâce à la merveilleuse voix diaphane de Jon Anderson et aux magiques harmonies vocales (héritées des Beatles et du rock américain à la Byrds ou à la Beach Boys) qui furent très vite une des marques distinctives de ce quintette raffiné.Puis vint Steve Howe, hallucinant guitariste, incapable de répéter trois fois le même accord sans s’ennuyer, désireux de dépasser à chaque solo la vitesse de la lumière, mélodiste touffu, virtuose échevelé, et Yes alla encore plus loin, gagnant en vigueur électrique,

en rage d’innover, tout en gardant son esthétisme et son sens des mélodies qui hypnotisent. De «Fragile» à «Relayer», la musique de Yes ne cessa de croître en splendeur, en complexité, passant de simples morceaux de rock à de véritables épopées d’une face, et touchant, avec cette œuvre achevée de quatre faces qu’est «Tales From Topographic Oceans», l’un de ces points de non-retour, et donc d’achèvement, qu’a atteint le rock dans sa quête du «Perpetual Change».Entre-temps, Rick Wakeman, autre technicien surdoué, se joignit à l’entreprise, non sans apporter avec lui quelques révérences classiques, mais en conférant au groupe une dimension électronique supplémentaire. Le plus étonnant – ou le plus rassurant – de cet itinéraire, c’est qu’avec une musique aussi élaborée, aussi sophistiquée, parfois totalement déroutante, Yes connut un succès planétaire indescriptible, devint l’une des valeurs commerciales les plus sûres du marché américain, et fut l’objet d’un culte comme seul le public anglais sait en fonder (Beatles et Jam furent l’objet d’une telle «mania», mais Yes aussi, au milieu de ces seventies qu’il a marquées de façon indélébile).Seulement, à la différence de bien des groupes, Yes ne fit jamais parler de lui que par sa musique. Pas le genre de groupe à alimenter les gazettes de ragots juteux. Mais ces gens-là sont des Musiciens, pas des cabots comme on en rencontre tant dans le monde du rock. La différence est essentielle. Bien sûr, comme tous les groupes cette fois, le succès a usé Yes. La thérapie des albums solos ne fut qu’un remède éphémère et après des splits partiels et des albums moins brillants, le groupe finit par s’évaporer, non sans quelques soubresauts étranges comme l’épisode de l’incorporation des Buggles.Mais Anderson, Squire, White et peut-être les autres ont-ils compris que Yes était ce qu’ils avaient fait de mieux dans leur vie, et qu’un groupe pareil ne s’abandonne pas.

Hervé PICART

CHRONO

1968Septembre : naissance officielle de Yes avec Jon Anderson (chant), Chris Squire (basse), Peter Banks (guitare), tous trois ex-Syn, plus Bill Bruford (batterie, ex-Savoy Brown) et Tony Kaye (claviers, ex-Winstons’s Fumbs). Jon Anderson confessa plus tard que Yes était alors un curieux mélange de Beatles, de Nice et de Fifth Dimension. En octobre, recommandé par le manager des fameux Nice (d’Emerson), Yes remplace au pied levé Sly Stone et sa famille au Speakeasy de Londres, ce qui lui permet d’obtenir la première partie du concert évènement de

cette fin 68 : l’adieu des Cream à l’Albert Hall. Leurs versions très personnelles de «Eleanor Rigby» ou de «I See You», ainsi qu’un fabuleux medley de «West Side Story», les imposent à la presse et au public. Atlantic s’empresse de signer ce groupe devenu en trois mois l’espoir n° 1 en Angleterre.

1969Yes écume les clubs de Londres de l’époque (Roundhouse, Speakeasy, résident au Marquee) et ouvre le bal pour Janis Joplin à l’Albert Hall. Il s’impose au printemps au festival de Plumpton où il fait une rude concurrence aux Who. Un premier 45 tours, «Sweetness», paraît en été, avec en face B la fameuse adaptation de «West Side Story» (rien à voir avec le «America» – de Paul Simon – qu’ils réviseront plus tard). Premier album, première tournée européenne en automne. La foule du mythique festival d’Amougies succombe à la voix magique d’Anderson, aux rythmes touffus de Bruford et aux solos nerveusement ciselés de Peter Banks.

1970En janviers, Yes s’illustre au festival 666 de l’Olympia. Chant du cygne pour Peter Banks qui quitte le groupe pour végéter dans une carrière solo et dans Flash. Anderson fait appel à son ami Steve Howe (ancien guitariste de Keith West puis de Bordast) qui prend le relais pour l’album «Time and a Word». Transition malaisée, disque pas très réussi. Yes tourne intensément pour vraiment rôder sa nouvelle formule et Howe force le groupe à se surpasser, notamment au Crystal Palace, puis au Lyceum où «The clap», son morceau de bravoure, est capturé live. Au même moment, Squire et Anderson s’entichent du jeune clavier des Strawbs, un certain Rick Wakeman. «The Yes album», enregistré fin 70, montre que Yes est totalement au point. Parallèlement, Anderson chante sur le «Lizard» de King Crimson : le clan progressif prend l’Angleterre en main.

1971Cela commence mal : Yes est pris dans l’émeute du Palais des Sports de la Porte de Versailles. Matériel détruit, bleus et frayeurs diverses : il évitera la France pour un bon moment. Peu importe, «The Yes album» connaît un succès météorique qui les propulse en Italie au Mexique et surtout aux States (première tournée avec Jethro Tull). Dès lors, Yes sera toujours une valeur sûre pour les tourneurs américains. Sur ce, Tony Kaye craque et part : Rick Wakeman prend sa place, et enregistre «Fragile» dans la foulée, avec ses partitions de Brahms sous le bras. Sounds sacre «The Yes Album» disque de l’année. Bruford déclare en toute modestie : «Nous avons de grands instrumentistes capables de jouer n’importe quoi, la

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meilleure sono et la meilleure équipe de roadies d’Angleterre».

1972La sortie de «Fragile» et une tournée simultanée déclenchent une Yesmania aux USA : 56 concerts en 49 jours, 100 000 dollars de bénéfice. Ca marche ! Le projet d’un triple live naît à l’écoute des bandes de New York et Buffalo. En attendant, on se contente de mettre en boîte un simple chef d’œuvre, «Close to the edge». Toutefois, Bruford, ayant accepté de rejoindre Fripp dans King Crimson, annonce qu’il partira après la tournée américaine de septembre où le triple «Yessongs» est pour la première fois enregistré. En octobre, Alan White prend les baguettes (après avoir frappé pour Joe Cocker, les Balls et le Plastic Ono Band de Lennon). On recommence donc quasiment tout «Yessongs», en Angleterre cette fois. Yes accapare les premières places des référendums anglais.

1973Yes tourne partout tandis que «Yessongs» (disque et film) résume le tout et que

Wakeman entame parallèlement sa carrière solo avec «The six Wives of Henry VIII». Yesmania en Angleterre : le triple album va rester deux ans dans le Top 30. Pendant ce temps, Yes s’enferme quatre mois en studio pour l’Œuvre, le double «Tales from topographic oceans». Il fait sa rentrée au Rainbow en novembre avec 20 tonnes de matériel, un show féerique. Yes devient aux anglais ce que leur fut Jam récemment : indispensable.

1974Wakeman frappe encore avec son adaptation du Voyage au Centre de la Terre, avec orchestre symphonique. On commence à sourire. Puis le show de «Tales» conquiert les States et l’Europe. À la fin du printemps, Wakeman croit pouvoir désormais voler de son propre zèle. Il est remplacé par le Suisse Patrick Moraz (qui avait participé au remake de Nice sans Emerson : Refugee). «Relayer» est enregistré, et le «Relayer show», que nous ne verrons jamais, captive les Américains.

1975Année sabbatique. Le groupe est usé, les egos de tous ces monstres de musique ont besoin de se défouler : vacances générales, album solo pour tout le monde. Howe apparaît en concert avec l’élite de la guitare (Baden Powel, Narcisso Yepes et Yupanqui) : c’est la reconnaissance suprême. Pendant ce temps, Wakeman joue au roi Arthur et patine sur glace : on rigole franchement. Parution des albums de Squire et de Howe en fin d’année (ce n’est pas l’enthousiasme).

1976Parution des trois autres albums solos, dont un White insipide. Heureusement, le «I» de Moraz et surtout le merveilleux «Olias of Sunhillow» d’Anderson relèvent sérieusement le niveau. En été, Yes reprend la route aux States : la tournée fait apparaître des divergences avec Moraz, qui s’éclipse. Surprise de l’automne, on annonce le retour de Rick Wakeman dont les albums solos ont été des bides (d’où la musique-commande alimentaire des Jeux Olympiques d’Hiver de 1976. «White Rock») et qui a autant besoin de motivations musicales que de dollars (il s’est ruiné avec son Arthur et son English Rock Ensemble !). «Going for the One» est ajusté pendant cinq mois en Suisse. La Côte de Yes a baissé en Europe mais reste très forte aux USA.

1977«Going for the one» relance le groupe qui accomplit une marathonienne tournée mondiale. On commence à remarquer qu’Anderson et Wakeman font un peu bande à part. Mais c’est reparti, et bien reparti !

1978Accouchement long et sans doute douloureux de «Tormato». Une crise larvée couve, qui finit par aboutir aux départs quasi simultanés d’Anderson et Wakeman.

1979Surprise générale et indignation parfois : les survivants engagent carrément les deux Buggles de «Video killed the radio star» : on croit rêver de voir Trevor Horn et Geoff Downes dans Yes. On en cause beaucoup dans les gazettes !

1980Et pourtant ça marche, «Drama» est un excellent album. Malheureusement, si la musique tient le coup, l’équipage est usé et le groupe n’existe plus que de nom. On aboutit donc à l’inévitable séparation. Steve Howe part pour Asia. Mais Chris Squire n’a pas dit son dernier «Yes !». Têtu, il convainc White de continuer. On sourit. Il retrouve Tony Kaye (qui avait erré de Badger en Bowie). On se moque. Mais l’obstiné finira par avoir raison après trois ans d’acharnement.

DISCO

(La première date indique l’année d’enregistrement, la seconde celle de parution ; le signe *** désigne les albums indispensables, ** les recommandés, * les intéressants, et le PF s’ils sont disponibles en pressage français).

• « Yes » (1969-1969) PF *• « Time And A Word » (1970-1970) PF• « The Yes Album » (1970-1971) PF **• « Fragile » (1971-1972) PF **• « Close To The Edge » (1972-1972) PF ***• « Yessongs » (1972-1973) PF ***• « Tales From Topographic Oceans » (1973-1973) PF ***• « Yesterdays » (divers-1974) PF• « Relayer » (1974-1974) PF **• « Going For The One » (1976-1977) PF *• « Tormato » (1978-1978) PF• « Yesshows » (1976, 77, 78-1980) PF *• « Drama » (1979-1980) PF **(tous Atlantic – Dist. WEA)

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«CE YES-LA EN ETAITARRIVE A NE PLUS

FAIRE QU’UN MORCEAUPAR FACE. IL EN EST

REVENU A QUATRE ETPASSE EN RADIO AVEC

SUCCES, CE QUIN’ETAIT JAMAIS ARRIVE

A L’AUTRE.»

1984.03 - Best «Yesterday... And Today»

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YESTERDAY...AND TODAY

Que «You say yes» soient les trois premiers mots de «Hello Goodbye» prend un sol tout particulier en ce début 1984. Car si la permanence de Genesis, de Bowie, des Stones est le fruit d’une tenace volonté de rester avec entêtement au premier plan, le succès de Yes avec «90125» et «Owner of a lonely heart» est plus sidérant car ce groupe prestigieux avait disparu de la scène en 1980 sans espoir de retour. Et la voilà qui se reforme, et voilà que c’est reparti comme en 1973 ! Le caractère prestigieux de cette reformation-résurrection est loin d’expliquer tout l’attrait de ce retour car si Simon & Garfunkel n’ont eu qu’à se féliciter de leurs retrouvailles, d’autres aussi prestigieux, comme Crosby, Stills & Nash, ou les Animals, n’ont pas vraiment réussi leur coup. La reformation n’est pas une assurance de retour à la gloire, loin de là, car il ne faut pas que la légende redevenue vivante exhibe trop de rides et trop de radotages. C’est ce que Yes a parfaitement compris, car, sous la réapparition du scintillant et fier label en trois lettres, c’est un tout autre groupe qui est arrivé. Si le personnel est le même à peu de choses près, si Yes a conservé des accents qui ne trompent pas (des gens comme Jon Anderson ou Chris Squire sont instantanément reconnaissables), si tous

continuent d’étaler une insolente virtouosité, c’est pourtant un groupe qui n’a rien à voir avec celui des «Yessongs» et «Tales from Topographic Oceans» qui nous est révélé par «90125».

MELODY MAKER

En 1973, Yes était déjà au sommet, mais ce n’était pas du tout le même Yes. Celui qui trusta cette année-là toutes les premières places du référendum du Melody Maker et qui tenait l’Angleterre sous hypnose était un groupe de la plus pure lignée progressive. Comme on le lisait alors à l’époque Yes faisait partie de ce courant «qui veut faire du rock une musique de recherche, une sorte de symphonisme des temps modernes, recherchant, au-delà de swing, de l’obsession rythmique, des tangages éphémères, une nouvelle sorte du sublime». À la différence des Stones, on ne pourrait évidemment plus employer le discours de 1974 pour qualifier le Yes de 1984. L’on est loin du symphonisme pionnier des «Tales from Topographic Oceans», parfois labyrinthique, incroyablement complexe techniquement, et toujours somptueux. Ce Yes-là en était arrivé à ne plus faire qu’un morceau par face. Il en est revenu à quatre et passe en radio avec succès, ce qui n’était jamais arrivé à l’autre, ne serait-ce que pour d’évidentes raisons de minutages. «Owner of a lonely heart» n’est pas de la même race que «Nous sommes du soleil»,

c’est évident, et il exprime assez bien la démarche de Yes. Le groupe a puisé dans son environnement musical actuel matière à créer une atmosphère des eighties imprégnée de Police et du funky, et il a laissé son tempérament artiste transmuer ce matériau de base. Si bien que ce qui, écouté de loin, laisse deviner des influences funky ou Poice, s’avère des près n’avoir rien à voir avec ces références, comme Genesis n’a strictement rien de cousin avec Earth, Wind & Fire. Tout groupe est un reflet de son temps, mais chaque miroir possède sa personnalité, et il se trouve que, parce qu’il possède un savoir-faire, une musicalité, une virtuosité, une profondeur musicale faite d’expériences audacieuses et d’aventures périlleuses, un tempérament aussi, Yes brille bien plus que ses concurrents plus récents, même, à musique égale. La qualité fait la différence. Du coup, ce groupe d’hier apparaît comme un groupe d’aujourd’hui à part entière, car les jeunes acheteurs de «Owner of a lonely Heart» ne savent rien de «Close to the Edge». Ils évaluent le présent, et celui de Yes les séduit davantage. Voilà qui rend assez prophétique le «Yesterday and today» qui figurait sur le premier album de Yes, il y a très longtemps, sur une autre planète. Orwell l’avait dit : 1984 sera l’année des Grands Frères.

Hervé PICART

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YES en France, c’est pour juillet !Super-groupe majeur des années 70 à nos jours, prototype avec Genesis, son aîné de deux ans, de musique «progressive», inventeur d’une certaine finesse, d’une certaine perfection et d’une certaine profondeur dans la rock-music, créateur de sonorités inouïes, lyriques et virtuoses, inspirateur de toute une lignée de groupes «énormes», dont par exemple, Supertramp ou Mike Oldfield (qui lui doivent davantage qu’à Genesis), YES, l’exemple du «dinosaure» bien vivant et plus que jamais créatif, YES, donc, YES arrive enfin parmi nous. On sait que la tournée avait subi un sérieux contretemps, du fait d’un bête accident arrivé au guitariste T. Rabin - éclatement de la rate provoqué par une plongeuse imprudente qui lui est tombé dessus dans une piscine où il faisait trempette ! -, mais tout s’est arrangé, et voici les dates à ne manquer sous aucun prétexte en juillet : le 5, Nantes ; le 6, Orléans ; les 7 et 8, Paris/Bercy ; le 20, Nice ; le 21, Béziers ; le 22, Biarrits...Histoire de bien se remettre en mémoire l’importance de ce groupe, effectuons une petite balade historique succincte, à travers une écoute attentive de sa discographie. Je remercie, pour leur concours, Patricia Blanc (de WEA) et Manuel «The Fox» Droguet. Et j’ajoute que tous les disques de YES sont disponibles au catalogue de la firme Atlantic.Les Débuts (1968)Septembre : naissance de YES à Birmingham, fruit de la rencontre de cinq bonshommes : Jon Anderson (chant, guitare, percussion), Christopher Squire (basse et chant), Peter Banks (guitare), tous trois ex-Syn, un groupe psychédélique du moment, Bill Bruford, ex-batteur de Savoy Brown, et Tony Kaye, ex-organiste des Winston’s Fumbs. Dès Novembre, YES assure la première partie du concert d’adieu de Cream à l’Albert Hall de Londres, avec une adaptation personnelle de «West Side Story». En février 1969, tournée avec Janis Joplin et parution d’un premier simple, «Sweetness». En fin d’année, passages au Festival d’Amougies et à l’Olympia de Paris. Mais, auparavant, en septembre, paraissait leur premier album.YES (1969)Produit par Paul Clay et YES, et malgré la vétusté du son, il laisse bien pressentir Napoléon sous Bonaparte. Des accents psychédéliques à la Pink Floyd - c’est l’époque - et déjà, cette façon inhabituelle de mener une chanson qui part en plusieurs directions et vous attend là où vous ne l’attendiez pas. On sent peut-être une légère influence de Genesis, et l’on assiste à des démonstrations à la fois jazz (solos, rythmique) et classiques (jusqu’à des citations de Bach), ce qui définit assez bien le style de la musique

dite «progressive». À côté d’un titre des Beatles et d’un de McGuinn/Crosby, on note que Jon a composé seul trois morceaux et qu’il a participé à deux autres (sur les huit du disque). Squire co-écrit trois titres.Time and a Word (1970)La production est de Tony Colton, le son est encore «casserolle», et encore deux reprises (R. Havens et S. Stills) Anderson confirme sa suprématie en écrivant trois titres seul, deux avec D. Foster et un avec Squire. L’influence floydienne est toujours là, mais le style est presque trouvé, fait de virtuosité instrumentale, d’envolée presque «pomp» de mélodie bizarres, aux orchestrations riches et subtiles (ce qui ne fera que d’amplifier par la suite), et d’une présence de l’orgue, à la fois lyrique et ironique. Car, dès le début, YES ne se prend pas au sérieux, même si son œuvre est profondément «sérieuse» !The YES album (1971)Un acquis à long-terme : la production est signée YES et Eddie Offord, et il en ira de la sorte jusqu’en 1974 (Relayer), avec une qualité de son d’emblée exemplaire. En revanche, un changement dans le groupe. Peter Banks est remplacé par Steve Howe, qui restera jusqu’en 1981 (Drama), avec une guitare surdouée. Anderson compose trois titres, Squire deux, les deux ensemble un, Howe deux autres, et l’ensemble du groupe un autre. Le style est rôdé, c’est probablement le premier disque de YES complètement personnel ; et Squire fait merveille à la basse. On remarquera les premiers morceaux vraiment long qu’affectionne le groupe : 9’10’’ et 10’ (bien qu’il y en eut déjà de 6’ dans les précédents albums).Fragile (1972)Tony Kaye va se ranger dans un placard (dont il ressortira pour YES, en 1983), remplacé aux claviers par Rick Wakeman qui donne cette coloration «classique», à jamais caractéristique du «son YES». Ici, d’ailleurs, Wakeman arrange Brahms à sa sauce, fort goûteuse au demeurant ! Les compositions sont bien partagées entre les membres du groupe, et le record d’endurance est battu, avec un titre de 10’34’’. Un excellent YES «de croisière» ; et la démonstration que le groupe, sachant garder son humour, ne franchit pas la limite du vrai «pomp-rock», généralement assez prétentieux. Ici commence la collaboration avec l’illustrateur Roger Dean, responsable du logo et de la plupart des pochettes splendides, de YES.Close to the edge (1973)Le premier vrai «grand» album de YES, l’un de ses purs chefs-d’œuvre ; un rock «cosmique» plein de majesté, de souffle, de pureté. La face A contient un seul morceau (éponyme) de 18’12’’, signé Anderson/Howe, en quatre chapitres, le fleuron de l’art de YES, tout en nuances, en inventivité, en fantaisie, en trouvailles

inouïes, en fulgurantes beautés. Beau comme une symphonie inachevée, mais en plus, achevée ! La face B comporte deux titres de 11’ (en trois parties) et 10’ par Anderson seul deux fois, et une fois Bruford/Squire : en plus concis, la même verve, le même lyrisme. C’est le premier disque où explose réellement la basse de Squire, probablement la meilleure du monde, et où les claviers de Wakeman (probablement les meilleures du monde, à égalité avec ceux de John Lord) s’envolent en état de grâce. Et d’ailleurs, c’est dans la foulée que Rick enregistre son premier LP solo, The six wive of Henry VIII, une réussite. La même année, également, premier album «live» de YES, intitulé...Yessongs (1973)Un triple album live, la quintessence de l’art yessien (aïe !) la plus glorieuse démonstration de son incroyable impact public. C’est véritablement la consécration mondiale, et elle est méritée. Du point de vus discographique, c’est assurément l’un des meilleurs lives jamais mis en boîte. Plus, ravageur, moins poli qu’en studio, le son n’est pas comparable au super-léché des diques, mais il montre au moins que l’on a affaire à des fabuleux musiciens, et, surtout, qui jouent totalement ensemble. Ce jeu profondément collectif qui est la marque de YES n’est pas une évidence ; regardez Asia, ce sous-produit yessien (houla !), où c’est chacun pour soi...Tales from topographic oceans (1973)D’aucuns considèrent cet album comme le chef-d’œuvre de YES ; je ne partage pas cet avis, communément répandu, et m’en excuse par avance. Tien ! Encore un changement (c’est devenu monnaie-courante dans le groupe). Bruford s’en va, remplacé aux drums par l’ex-Plastic Ono Band, Alan White, actuel batteur de YES. Avec leurs morceaux de plus en plus longs, nos amis se sentant à l’étroit sur les deux faces habituelles des disques, décident donc de s’étaler sur quatre face ! Découpage : face A, 20’25’’ ; face B, 20’38’’ ; face C, 18’34’’ ; face D, 21’35’’. À part les paroles, signées Anderson/Howe, toutes les compositions sont de YES collectivement, et c’est la première fois. Donc, un album de «grandes premières» : énormité du propos, collectivisation des compositions. Sur mon exemplaire, le son est plutôt dégueu : est-ce général ? Et est-ce pour cela que je suis légèrement déçu ? La face A n’est pas très heureuse ; longuette, moins riche qu’on pouvait l’attendre. Face B, idem, avec un peu plus d’ambiance et des moments «planants» réussis. La face C remonte le niveau, d’emblée plus variée, plus fantaisiste, entre jazzy et symphonique. Et la face D développe encore un de ces morceaux passablement longuet qui caricaturent le style du groupe, mise à part une montée de percussion fort bien venue. Au total, un disque semi-raté, car un peu boursouflé,

1984.06 - Circus n° 75 : Discographie de Yes

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où manquent la simplicité, l’humour des précédents. Mais ce n’est pas grave : YES en a vu et en verra d’autres, et saura toujours se reprendre en main !Relayer (1974)Et voilà Wakeman qui nous quitte, pour une carrière en solitaire avec des hauts et des bas, mais toujours passionnante. Il est remplacé par le suisse Patrick Moraz, ex-Refugee, qui, s’il n’a pas le fabuleux toucher de Rick, n’en redonne pas moins un sacré tonus à Yes, juste le temps de cet album et d’une tournée estivale en 1975. En face A, un seul titre de 21’50’’ ; en face B, deux titres ; le tout écrit et composé par YES ensemble. Le long développement de face A est riche et changeant, faisant partiellement oublier les «ratés» du précedent album. Ses envolées «à la Floyd», modulées par des sanglots d’orgue et les vocalises éthérées de Jon, font merveille. La face B commence jazz bien diceré, avec une infinie brillance dans l’invention mélodique et beaucoup de variété dans les arrangements. Le second morceau est plus faible, tout du moins réentendu rétrospectivement aujourd’hui... Et YES, qui n’a pas débandé depuis cinq années, gagnant sa place de leader à coup de disques, tournées, hits et shows, s’accorde un moment de repos. Peut-être pour enrayer ses problèmes internes, il faudra donc attendre 1977 pour écouter son prochain album...Going for the one (1977)Coucou, me revoilà ! Exit Moraz et retour de Wakeman, qui reste jusqu’à la grande tournée de 1980. Autre changement notable : pour la première fois, et jusqu’à sa dissolution en 1981, c’est le groupe qui assure la production. Trois titres en face A, deux en face B, tous enregistrés en Suisse, à Montreux. Retour à la diversification : deux titres sont de Jon seul, un de Chris seul, un de Anderson/Howe/White et un de Anderson/Howe. Ce dernier, «Awaken» (près de 16’ en face B) est le seul vraiment génial de l’album, avec un Wakeman souverain, une Squire éblouissant, tous les autres superbes, et même une chorale pour agrémenter le tout ! Génial ! Et ce titre efface la très légère déception ressentie à l’écoute des autres titres, réputés les moins «complexes» de YES par les spécialistes, et pourtant déjà pas mal ciselés...Tormato (1978)Surprise : neuf titres de longueur normale. Courts, oui, mais de qualité constante. L’inspiration est variée dans ce disque détendu, «cool», léger, sympa. Une maîtrise totale de l’instrument, et une soif de communiquer font de Tormato un album fort et assez émouvant, qui sonne, rétrospectivement, comme le chant du cygne de YES. Et c’est en effet la fin d’une façon de YES qu’il marque, la fin d’une époque, d’un style, d’une équipe. Une grave crise se traduit par le redépart de Wakeman, et surtout, ce qui est plus inquiétant, le départ du «pilier» Jon Anderson. Les survivants s’accordent

deux année de réflexion afin de redonner un sang neuf au groupe moribond. Dans l’entretemps, parution du second «live».Yesshows (1980)Un double album collectant des concerts de 76 à 78, avec deux organiste Wakeman et Moraz. Débutant par du Stravinski, cet album remarquable reste un témoignage du génie de YES à l’époque ; il présente les mêmes qualités que Yessongs, l’état de grâce en moins...Drama (1980)En sus de Squire, White et Howe, toujours là ; le sang neuf est apporté par de luo des fameux Buggles : Geoff Downes (claviers) et Trevor Horn (chant et basse). Choix étonnant, mais nullement sot, et très positif. Bien sûr, les vocaux de Horn sont moyens, mais efficaces ; l’orgue de Downes ne possède pas la folie et le lyrisme de celui de Wakeman, mais il est remarquable, et il perpétue la tradition des citations classiques (ici, Widor). Incontestablement le styles bugglesien confère un son et une séduction particuliers à YES, qui s’offre même une reprise, meilleure que l’original, de «I am a camera». Un album très intéressant et souvent beau, du très bon YES, et de dirai même du vrai YES. Et puis, vu d’aujourd’hui, c’est particulièrement émouvant d’écouter l’ultime prestation du groupe. En effet, YES se sépare officiellement en 1981, alors que sa popularité est quelque peu retombée.L’intérim (1981-83)Durant deux années, les ex-YES s’occupent comme ils peuvent. Anderson collabore avec Vangelis à de beaux disques, chics et à succès. Wakeman continue de triturer ses claviers en (presque) solitaire. Moraz, un temps installé chez les Moody Blues, joue en duo avec Bruford. Downes fait l’organiste de luxe chez Asia. Horn commence une carrière de producteur dans le vent. Mais, dans l’ombre, des tractations ont lieu ; et, un beau jour de 1983, c’est la bombe...90125 (1983)Ce titre est tout bonnement le numéro de

série du disque ; il suffisait d’y penser, direz-vous, mais c’est une bonne idée quand même ! Voici donc retrouvés, égaux à eux-même, MM Anderson, Squire et White, plus le vétéran sortie de son placard, M Tony Kaye, plus un «petit jeune», le guitariste sud-africain Trevor Rabin (celui qui se dilate la rate dans les piscines). À la production, Horn, qui accomplit des merveilles. 90125 est un double évènement : évènement de la reformation, inespérée, d’un groupe immense, et évènement «en soi», car c’est un choc musical, l’un des rares grands disques de l’année. Pas un seul titre indifférent, ni même moyen ; chaque morceau porte la marque de l’exceptionnel ! Et je ne parle pas seulement de ce «tube» au triomphe inattendu, «Owner of a lonely heart», accompagné d’une vidéo superbe, triomphe d’autant plus inattendu qu’il s’agissait de la reformation d’un «dinosaure» en sommeil depuis deux ans. Neuf titres assez courts, tous composés en collaboration avec une évidente volonté de réussite commerciale. Mais pas à n’importe quel prix ; jamais le génie de YES n’est sacrifié à la facilité, au contraire, le groupe n’a peut-être jamais pondu un disque aussi subtil, aussi fouillé, aussi «expérimental», avec des superpositions mélodiques et sonores ahurissantes, et une prodigieuse inventivité qui replace sans conteste YES en tête des groupes intelligents et créateurs des années 80.

Les «Best of»Yesterdays (1974), compilation d’extraits des deux premiers albums, plus deux titres presque inédits : «America» de P Simon, tiré de l’album compilatoire collectif The age of Atlantic (72), et «Dear father» d’Anderson/Squire, la face B du single de «Sweet dreams» (70)Classic (1981), compilation d’extraits de The Yes album, Fragile, Going for the one et Close to the edge. Ça ne devait pas être coton de trouver des morceaux courts là-dedans !?!

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1984.07 - Guitares & Claviers n° 43 : Entretien Jon Anderson «Résurrection»

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- Jon, il y a deux ans tu m’as dit que Yes se séparait «parce qu’il y avait trop de chefs et pas assez d’Indiens». Qu’est-ce qui a changé ?- Oh, je suis vraiment content que tu te souviennes de ça ! Ben, on est tous des Indiens maintenant.- Comment ça s’est décidé, cette reformation ?- Pas d’un seul coup. À Noël 82 j’ai rencontré Chris et il m’a fait écouter les maquettes de son nouveau groupe, Cinema. Je lui ai dit que je trouvais ça vraiment très bien et nous n’en avons plus parlé. Il m’a rappelé au printemps et m’a demandé de venir entendre leur album. C’était impressionnant et je lui ai dit : «Chris, qu’attends-tu de moi ?». Il m’a répondu : «Je veux que tu chantes». C’est là que le nom de Yes a resurgi. J’ai dit : «Chris, tu sais bien que si je chante, tout le monde dira que c’est Yes». J’ai retravaillé les paroles et les mélodies et ça collait si bien que nous avons décidé

de voir s’il restait de la vie dans ce vieux groupe. Au départ on voulait juste faire un album honnête et partir en tournée pour voir si ça marchait encore entre nous, car Yes, contrairement à ce que beaucoup de journalistes assaient de faire croire, a toujours été principalement un groupe de scène. Bien sûr nous ne pensions pas obtenir notre premier numéro 1 quelques semaines plus tard. Tous nos plans ont été bouleversés à notre plus grande surprise. Nous nous attendions à ce que les anciens fans de Yes achètent l’album, mais voir des gosses de dix ou douze ans devenir fous sur Owner of a lonely heart, quelle joie !- Comment s’est passé le travail sur l’album, précisément ? Il était déjà fini lorsque tu es arrivé... ?- C’est ça. Il a fallu adapter les morceaux à ma tessiture, à ma sensibilité et à mes idées. J’ai retravaillé beaucoup de choses et Trevor Rabin a réenregistré la plupart de ses soli après que j’ai chanté.

Auparavant Chris et lui s’occupaient des vocaux. Ils le font toujours avec moi d’ailleurs, le nouveau Yes est plus fort que l’ancien dans ce domaine.- Trevor Horn le producteur, est pour beaucoup dans le modernisme de certains titres de l’album. L’ironie est que c’est lui qui avait pris ta place de chanteur au sein du groupe pour «Drama» !- C’était gênant au début parce que Trevor se demandait ce que j’allais penser de lui. Mais je ne lui en ai jamais voulu. Quand j’ai quitté Yes c’était une délivrance pour moi, comme pouvoir respirer à nouveau. La paranoïa m’avait envahi et les problèmes me semblaient insurmontables. Sans compter que j’étais comblé par mon travail avec Vangelis et que j’en avais marre de traîner Yes derrière moi tout le temps. Mais Trevor craignait que je considère qu’il m’avait piqué mon boulot. Ça n’était pas le cas. Il s’est juste trouvé pris dans une situation dont il n’était pas responsable. Ça l’a

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rendu nerveux mais tout va bien, je l’aime et c’est un producteur exceptionnel.- Qu’est-ce que tu penses de «Drama» ? Ça ne t’ennuie pas aujourd’hui qu’il existe un album de Yes auquel tu n’as pas contribué ?- Je me souviens que tout le monde attendait ma réaction à cet album, mais à l’époque j’étais tellement content de m’être tiré que je n’y ai pas prêté attention. Le titre en tous les cas était bien choisi, parce qu’à cette période la vie dans Yes était un véritable drame. Heureusement que ça a changé.- Cet épisode a prouvé que Yes n’existe pas sans ta voix. Tu es le son du groupe...- C’est moi qui ai fondé ce groupe, j’y ai fait mes débuts et je ne pense pas que les Rolling Stones existeraient sans Mick Jagger, même si on peut imaginer

un disque des Rolling Stones avec un autre chanteur. Chris et moi avons lancé Yes en 1968 et nous revoilà en 1984. Le groupe nous a beaucoup manqué et nous profitons de cette nouvelle chance. On avait en fait seulement envie de remonter sur scène ensemble, et voilà ce qui arrive !- L’absence de Steve Howe est-elle un problème ?- Pour moi pas du tout parce que je sais que Steve a énormément de succès avec Asia et que Trevor Rabin est un très bon jeune guitariste doublé d’un excellent compositeur avec qui j’espère collaborer bientôt plus étroitement.- Sur l’album, il chante Changes, une de ses propres chansons...- Cette chanson était prête mais il n’était pas certain des paroles et de toute la

ligne mélodique. J’ai pu le conforter. J’apprécie sa rapidité et son énergie sur scène. Changes manquait de refrain, j’en ai donc écrit un mais je n’arrivais pas à chanter les couplets suffisamment bien. Comme Trevor possède une très bonne voix, il était logique qu’il le fasse. D’autant plus que la chanson relate une histoire triste qu’il a vécue avec une fille. Cette chanson était très importante pour lui. Alors je ne chante que le refrain qui dit : «Allez, il faut changer maintenant, oublie-la.»- Ce qui est amusant, c’est que c’est la seule chanson du disque qui me rappelle Asia.- Vraiment ? Peut-être, je n’y avais jamais pensé. Il est vrai que Trevor a une voix proche de celles de John Wetton et Greg Lake, qui a inventé ce style. En fait moi

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aussi je chante comme d’autres. Des filles surtout ! Il y avait cette blague en Angleterre il y a quelques années qui disait que je chantais comme Cilla Black !- Peux-tu nous confirmer que Tony Kaye est bien définitivement le clavier de Yes ? Il y a eu un micmac pas possible pour ce poste !- Oh oui, quel bordel. Tony était notre clavier original pendant les quatres premières années du groupe. Ensuite il est parti à Los Angeles où il a travaillé avec Bowie et Zappa. Il avait envie de rester là-bas et continuer son travail de studio, parce qu’il n’était pas à l’aise dans ce nouveau Yes. Trevor Horn est assez dictatorial pendant les séances,

puis j’ai débarqué et il est reparti à LA en sentant la galère. Jouer sur l’album lui suffira. Alors nous avons essayé trois ou quatre personnes jusqu’à Eddie Jobson que j’aime beaucoup. Et tout se passait bien jusqu’à ce que deux des membres du groupe pensent que Tony serait plus efficace pour Yes, d’autant plus qu’il avait participé à l’album. Ils ont appelé Tony et lui ont demandé son avis. L’album était déjà un succès et Tony s’est décidé. Alors nous avons demandé à Eddie ce qu’il en pensait. Le choix lui appartenait et il a préféré se tourner vers sa propre carrière. D’ailleurs son album venait de sortir et il y croyait beaucoup. C’est compliqué mais Tony est avec nous. Il n’est pas

une star comme Rick Wakeman, mais nous sommes en 1984. On ne peut plus parader avec des capes dorées derrière des murs d’instruments !- Owner of a lonely heart est le tube parfait et il replace Yes à l’avant-garde sonore et musicale...- Trevor Horn y est pour beaucoup. Quand je la chantais en studio, je sentais qu’elle avait quelque chose de spécial. C’est bien qu’elle représente le nouveau Yes, au même titre que Leave It qui indique bien ce que sera le Yes des années 80. Chaque titre sur cet album est indépendant des autres, alors que dans le temps il y avait toujours un fil conducteur qui reliait les morceaux. Jusque-là nous

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n’avions jamais eu de véritables tubes. Je suis incapable de savoir à l’avance ce qui va marcher. Nous avons toujours travaillé sur des albums.- Le tempo d’Owner of a lonely heart est proche de Police...- Leur influence sur le business ces quatre dernière années a été énorme. Je les aime comme tout le monde. L’album de Malcolm McLaren a fait changer notre attitude aussi. Surtout en studio. Mais pour moi l’essentiel est que les gens nous aiment toujours sur scène. C’est là que Yes existe véritablement.- Quels sont les morceaux que vous jouez ?- Quand nous avons commencé à répéter, nous nous disions : «On va faire trois titres du nouvel album, deux de «Fragile», un de «Drama» et tous les classiques. Mais le succès de l’album est tel que nous le jouons en entier parsemé de quelques tubes anciens comme Roundabout. Notre force principale vient du fait que la section rythmique est meilleure que jamais. Chris me disait l’autre jour qu’Alan et lui se sentent plus forts que jamais. Comme chanteur je crois m’améliorer, même si je commence à vieillir. Je ne sais pas quand ça s’arrêtera car j’ai l’impression de progresser et de chanter un peu mieux chaque année. Je peux en particulier travailler encore l’expression.- Sur l’album on sent quand même et encore le vieux Yes présent, avec ses qualités et ses défauts...- Hold on ressemble à nos premiers disques et Hearts est la chanson type de romantique cosmique que j’écrivais dans les années 70. Mais je suis comme ça, très optimiste. Que ça plaise ou non !- À ce sujet, que cache le titre du nouvel album ?- Je ne peux rien dire. «90125» est quelque chose de très cosmique et secret que je ne peux pas révéler. Mais cela arrivera !- Le nombre d’Or ?- Oh oui, puisque c’est le numéro de catalogue de l’album !- Comment vois-tu l’itinéraire du groupe pour en arriver jusqu’à ce comeback, peut-être le plus réussi de l’histoire du rock ?- C’est étrange mais, crois-moi, je suis un fan de Yes. Mon premier groupe s’appelait les Warriors. Nous jouions les tubes de l’époque : les Beatles, les Searchers, les Rolling Stones, Tamla Motown... Quand nous avons commencé Yes nous avons pris ça aux sérieux.

J’ai appris à chanter, à écrire, sans me prendre pour un poète, mais en étant un parolier compétent, puis j’ai trouvé mon style cosmique et je me suis mis à croire aux choses que j’écrivais. C’était l’époque de Time and a word. Pour l’album «Yes» j’ai rencontré Steve, le meilleur musicien que je connaisse avec Vangelis, nous nous sommes mis à écrire ensemble des choses comme Roundabout et Fragile. Puis Rick Wakeman est arrivé et le groupe n’était plus composé que de très grands musiciens. Je me suis senti débordé et je me suis mis au piano, puis à la guitare. Le «Yes album» a donné Fragile puis Close to the edge. Ma conception de la musique a changé à ce moment-là. Je me suis aperçu que l’on pouvait dépasser le format d’une chanson de trois minutes pour créer des pièces de musique de dix minutes ou plus. Je me suis mis à écouter

des compositeurs classiques comme Stravinsky ou Sibelius. Vers 1973 j’ai réalisé que Yes n’était pas fait pour des tubes, mais pour un idéal musical. Nous avons enregistré Close to the edge qui est un morceau de vingt minutes de musique sans sol. Une pièce stucturelle. Nous avons mis très longtemps à l’engistrer, les mouvements étant joints au montage. Mais sur scène on avait l’impression que le morceau n’en finissait plus et le seul pas supplémentaire aurait été de mettre la Bible en musique.Je voulais continuer dans ce style mais les radios ne voulaient pas passer ce style, les albums ont perdu leur attrait pour le public, le single est revenu en force et le disco a pris le dessus, rameutant tous les professionnels de l’industrie. Yes ne pouvait pas lutter avec les Bee Gees.

- «Relayer» était influencé par le jazz...- Oui, un bon album avec Pat Moraz, qui nous a entraînés vers le jazz tant il en joue bien. Un formidable musicien arrivé dans le groupe à un moment extrêmement délicat. Nous étions si intensément impliqués dans nos croyances et dans notre musique, qu’il était difficile pour nous de communiquer, surtout après le semi-échec de «Topographic». «Going for the one» a été marqué par le retour de Rick Wakeman. Y figure le morceau le plus réussi de toute l’histoire de Yes et qui s’appelle - écoutez bien fans de Yes - Awaken. Après on a commencé à s’accrocher et le dernier album que j’ai enregistré avec Yes «Tormato» est un loupé.- On aurait dit plusieurs albums solos mis côte à côte.- Tout à fait. Chaque titre aurait pu être

plus long. Mais il nous fallait vivre à la mesure du succès de «Wonderous stories» et il n’est pas facile de faire changer de direction à un groupe qui a dix ans. On était tous coincés. Nous ne voulions plus travailler ensemble. Pourtant le dernière tournée, en 1979, a été la meilleure, juste parce que nous voulions nous prouver les uns aux autres que nous étions vraiment des bêtes !- Tes albums solos n’ont pas été vraiement saignants...- J’ai aimé les faire et j’ai aimé la liberté de travailler avec d’autres musiciens pour la première fois. Pendant douze ans je n’avais pas joué avec plus de huit musiciens. Alors ma première décision a été de rassembler six musiciens de studio et d’enregistrer des chansons simples pour me débarrasser de la pression qui pesait sur moi à cause

des problèmes que je rencontrais au sein de Yes. Puis je suis passé à la formule opposé en travaillant avec Vangelis. C’est avec lui que j’ai retrouvé le bonheur d’enregistrer librement une musique ouverte. C’est vrai que l’insuccès de mes disques en solo m’a attristé, mais ça fait du bien quand je rencontre quelqu’un qui les a aimés. J’ai l’impression de partager quelque chose de plus intime peut-être. Mais je crois que je ne serai jamais un artiste solo. J’aime trop travailler en collaboration avec d’autres personnalités musicales. Je ne suis pas Sacha Distel, rassurez-vous. Vous pourrez en juger au Palais Omnisports de Bercy les 8 et 9 juillet. Yes !

Propos recueillis par Y. Bigot.

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YES : LE SHOW... SUBLIME !!!

Dans ma (courte) vie, j’ai déjà assisté à quelques concerts mémorables. Relativement peu, il est vrai, dans la quantité accumulée au fil des années : Supertramp, Kiss, Pink Floyd, Judas Priest, Queen, les Who aux Arènes de Fréjus, Magma sont pratiquement les seuls souvenirs d’exception qui me restent en la matière. Et voici donc le récent show, le sublime show d’Yes qui s’ajoute à la liste. Dans le N° 75 de Circus, vous aurez pu lire notre dossier sur ce groupe légendaire et qui rajeunit d’année en année, au point d’être aujourd’hui le plus «en pointe» des avant-gardistes de la rock-musique (bon, j’avoue, j’exagère un tout petit peu...). Les milliers d’heureux élus qui ont eu la chance d’assister à l’un de leurs concerts en sont restés babas (et pas cools), car c’est la perfection

absolue qu’ils ont entendu, et vu, et ressenti ! Une scène-soucoupe volante arrosé de lasers super-précis, d’effets lumineux super-rôdés, de films sciemment projetés, et cet effet final à couper le souffle, quand les ponts d’éclairage se sont mis en mouvement sur les envolées superbissimes de cinq Yes : fabuleux ! Le groupe a réussi le parie d’être encore meilleur en scène que sur disque, je veux dire techniquement meilleur, leur son jaillissant avec mune pureté, une perfection dignes des meilleurs productions de studio. Tout 90125 y est passé, bien sûr, plus les classiques yessiens durant deux heures et demie (si ! si !) ininterrompues, où l’on a pu remarquer, savourer et hurler sa joie devant un remarquable solo de claviers de Kaye, un extraordinaire solo de guitare de Rabin, un bouleversant «Nous sommes du Soleil» par Anderson soutenu à

l’orgue (tandis que 20 000 mains tendaient une flamme fervente au ciel de Bercy), et un démentissisme solo de basse démente du dément Squire ! White n’a pas fait de «solo», car on peut considérer les deux heures et demie de défonce à la batterie comme un solo continu... Je crois bien que c’est la première fois que je me suis surpris à chialer à un concert de rock. Il faut dire qu’il y avait de quoi. Et je ne parle pas de la chaleur qui se dégage de la scène, de ce groupe soudé, complice, content de jouer ensemble et de combler des fans qui sont autant de vieux amis. Il n’y a pas de mystère : quand un groupe est génial en soi, que ses membres sont de grands musiciens, qu’ils s’entendent bien et aiment communiquer, toutes les conditions sont là pour une représention exceptionnelle. Ce fut le cas...

(ci-dessous : illustration NSDS)

1984.08 - Circus n° 77 : Évènement Concerts à Bercy du 7 et 8 juillet «Yes : le show... Sublime !!!»

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OUI-DIRESOù Hervé Picartrencontre un toutnouveau groupe

nommé Yes qui parleau futur...

Un petit épisode significatif en guise de prologue aussi savoureux que fortuit. Dans le train qui me menait à Roissy, à deux banquettes de moi, un gamin s’excitait sous l’écouteur de son Walkman, sous les yeux narquois de Maman. À cet âge-là, on veut convertir tout le monde à ses enthousiasmes, à commencer par ses chers parents qu’on rêve de vêtir de cuir. «Écoute ça, m’man, s’écria donc le gamin en tendant son casque, c’est génial, c’est un tout nouveau groupe super, ça s’appelle Yes !».La scène se passe en 1984 et je m’en vais intercepter le-dit «nouveau groupe super» dans sa triomphale tournée allemande. Vous avec dit «has been», mon cher cousin ?

LES ANCIENSET LE NOUVEAUFrancfort, 29 juin. Ce sont les retrouvailles avec un groupe que je cotoie depuis N années - et il faut préciser comme en mathématiques : N étant un très grand nombre - mais que je n’avais pas eu l’occasion de rencontrer depuis le double départ d’Anderson et Wakeman, l’intermède Buggles/

Drama, la période de silence et le retour fulgurant marqué par «90125». Un trou de trois au quatre années, fertile en péripéties pour ce groupe tour à tour malade, rescapé, défunt et ressuscité. Je me demandais franchement, en arrivant à Frankfurt am Main, si ces quelques années de charivari n’avaient finalement pas compté plus lourdement que toutes les autres dans la carrière du groupe, et marqué davantage les hommes, d’autant que les récentes photographies de Yes laissaient voir à l’évidence un certain vieillissement des traits chez ces héros des seventies qui avaient quand même commencé leur aventure du côté de 1968.Et effectivement, au premier abord, l’on ressent ce changement physique dans l’équipage, bien que déjà corrigé par rapport aux premières photos faites juste après la reformation, et qui avaient saisi le groupe tel quel, pris au dépourvu par la rapidité inopinée de son succès, et n’ayant eu ni le temps ni le souci de se confectionner un look. Indiscutablement, c’est Chris Squire qui a été le plus remodelé par le temps. Lui qui était un grand jeune homme mince et souple, est devenu une sorte de colosse, dont la stature domine tout le monde. Ses mains, déjà longues par le passé - c’était ce qui lui avait fait choisir la basse comme instrument - sont désormais de véritables battoirs et, sur scène, sa carrure est telle qu’elle lui permet de tenir sa légendaire Rickenbaker, d’un encombrement pourtant conséquent, comme s’il s’agissait d’un modeste ukulele. Sa maîtrise de l’instrument n’en paraît dès lors que plus monstrueuse alors. Certes, il s’est fait blondir les cheveux, sans doute pour dissimuler quelques filaments gris, mais l’âge a décidément bien transformé notre Squire. Ceci dit, l’on comprend aisément, à le voir désormais si puissant, qu’il ait pu être l’homme du renouveau de Yes, celui qui a eu la volonté tenace de croire que le mot de la fin n’avait pas été dit avec «Drama», celui qui a porté sur ses épaules de nouvel Atlas ce groupe réactivé jusqu’au planétaire succès d’«Owner of a Lonely Heart».Tony Kaye, l’organiste filiforme des temps primitifs du groupe, a également changé d’allure. Il a toujours le même visage osseux, mais le cheveu court et volontairement blanc. Alan White s’est également un peu déplumé, mais tous deux affichent une stabilité et une jovialité enviables.Quant à Jon Anderson, il semble

jouir dans ce Yes version eighties, d’une quiétude qu’il n’avait pas dans le précédent. Il a à présent le cheveu plus court, bouclé et blondi sur le dessus, ayant visiblement cherché à se donner un allure nouvelle. Lui aussi a un peu empâté, ses traits se sont un tantinet durcis, mais il est quand même, de tous, celui qui s’est le moins transformé. Il est peut-être mal venu d’insister ainsi sur les marques que le temps a laissées sur le groupe, d’autant qu’il affiche en studio comme sur disque une merveilleuse jeunesse musicale et une combativité qu’il avait même perdue du temps des seventies. Mais, pour qui les connaît depuis un certain temps, c’est effectivement un fait marquant, et peut-être d’autant plus marquant qu’il y a parmi eux, pour accentuer le contraste des âges, ce jeunot de Trevor Rabin.Ce sud-africain est incontestablement la grande révélation du nouveau Yes et le fait qu’il ait été si facilement accepté par tous à la place d’un Monsieur aussi considérable que Steve Howe montre que l’on n’a pas là affaire au premier venu. Trevor se distingue évidemment de ses quatre complices par son teint plus frais, son goût pour le cuir - souvenir de son passé récent de hard rocker ; on sent également qu’il n’est pas aussi serein que les autres, car il n’a pas leur habitude du succès, et sent qu’il doit chaque soir faire ses preuves alors qu’Anderson ou Squire sont admis d’avance. On sent en lui une certaine fébrilité qui complète assez sa jeunesse. Toutefois, rassurons-nous, il n’est pas question de faire jouer à Yes le rôle du Quarletto Basileus, ce quatuor classique mis en scène dans un récent film, où un jeune soliste vient déséquilibrer un orchestre vieillissant. Il y a réellement dans ce Yes 84 une grande communauté d’enthousiasme entre les anciens et le nouveau, l’humeur du groupe est assez rigolarde - on le serait à moins avec les ventes de l’album, mais souvent le triomphe rend les superstars paradoxalement moroses, question de pression ou de fraîche noblesse.Dans l’attente du concert de Francfort, le groupe était à l’évidence plus que détendu. Il a désormais surmonté cette phase de vertige qu’il a connue après la parution de «90125» et le succès inattendu qui s’ensuivit, il domine la situation et s’en amuse. À l’image d’un Squire qui avait choisi ce soir-là, en coulisse, un look «médical» et ne cessait d’apparaître en blouse

1984.08 - Best n° 193 : Entretien Jon Anderson & Trevor Rabin «Oui-dires»

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blanche par les portes du backstage en demandant : «Next please ?» («À qui le tour, s’il vous plait ?»). Mais il est vrai qu’il est un peu le bon docteur du nouveau Yes...

CINEMADans ce Yes partagé à tous les niveaux (personnel, répertoire) entre son passé presigieux et un présent fructueux, Trevor Rabin constitue indiscutablement l’attrait majeur de son actualité. Pratiquement inconnu il y a encore un an, ce jeune sud-africain qui, vu de profil, possède un faux air de Platini, s’est affirmé en quelques mois comme un virtuose de premier plan, capable de faire rentrer chez les vieux fans leur nostalgie de Steve Howe, et comme celui qui, grâce à son tempérament assez hard, a apporté à Yes une sorte d’élément de catalyse qui l’a régénéré. Du coup, tout le monde se passionne pour le nouveau-venu, on recherche ses anciens disques (certains avec Rabbit, le groupe sud-africain, et trois en solo chez Chrysalis), on veut en savoir plus.Il va de soi que j’ai mis à profit cette virée en Allemagne pour le coincer dans une loge et lui demander comment il en était arrivé là :« J’ai quitté l’Afrique du Sud il y a sept ans, quand j’avais 22 ans. Je suis né là-bas, et je faisais partie d’un groupe appelé Rabbit qui était assez important en fonction du marché sud-africain. Cela marchait bien, on vendait bien, on tournait dans de bonnes conditions avec de grands concerts. Mais j’ai préféré partir autant pour des raisons musicales que politiques. Je ne me sentais pas tout à fait libre là-bas. J’avais produit quelques musiciens noirs, nous avions joué ensemble, dans les moments de repos, nous étions allés dans des restaurants pour noirs. Et j’ai senti que cela coinçait, autant du côté noir que du côté blanc. Chacun préfère rester de son côté, ce n’est pas très agréable. Et puis, surtout, le business sud-africain est très étriqué, il a la vue très courte. Du moment que l’argent rentre dans ses caisses, c’est tout ce qui l’intéresse, et il n’a aucune envie de voir plus loin, de permettre aux groupes de se faire connaître hors d’Afrique du Sud.C’est pourquoi j’ai préféré partir pour Londres. Je rêvais de grand management international, de contrats superbes. C’était idiot. J’aurais d’abord dû penser à la musique, c’est quand même le plus important. Je suis resté alors trois ans à Londres. J’ai fait mes trois albums solo pour Chrysalis en tant

qu’artiste, mais j’ai fait aussi pas mal de production à l’époque, notamment pour Wild Horses, Mandrec Mann, Jack Bruce, et j’ai collaboré avec Ray Davies des Kinks qui a produit mon troisième album. Puis, il y a trois ans, je suis parti m’installer à Los Angeles, pour faire des sessions et réaliser un nouvel album solo.C’est alors que Chris Squire m’a contacté. Il connaissait ce que j’avais fait et voulait que l’on joue un peu ensemble. Je suis allé à Londres, on a joué quelques jours ensemble, avec Alan White, Chris et moi, cela marchait bien. Puis je suis revenu à Los Angeles. Je n’ai pas eu de nouvelles pendant quelques temps, mais, au moment où j’allais commencer mon album solo, il m’a rappelé, et m’a demandé de tout laisser tomber pour qu’on fasse un groupe ensemble avec Alan.À cette époque, il n’était même par encore question de reformer Yes. Pour Chris, Yes était une histoire terminée, il me proposait d’aller avec lui dans une toute autre direction, tout à fait nouvelle, autant pour lui que pour moi. Nous n’avions alors aucun label, aucune assurance de succès ; nous ne tenions même pas à faire de la musique commerciale, mais simplement à nous faire plaisir, et à marier les éléments que nous avions chacun envie d’apporter. Le groupe s’appelait alors Cinema, nous avons gardé ce nom en souvenir pour un titre

de morceau».L’on peut quand même s’étonner que Squire et White, qui n’étaient pas les premiers venus, aient ainsi fait appel à un quasi-inconnu, et qu’en plus ils aient eu recours à quelqu’un que ses albums avaient classé comme un hard rocker, certes raffiné, mais un hard rocker quand même, ce qui n’était pas tout à fait le genre de la maison Yes.Rabin explique volontiers ce rapprochement inattendu :«Au moment où cela s’est fait, il est vrai que j’étais inconnu du public, mais par contre mes productions diverses, mes demos avaient circulé pas mal dans le milieu musical ; des gens comme Ray Davies, Jack Bruce, Simon Phillips ou Manfred Mann avaient parlé de moi. Bref, mon nom était connu, comme quelqu’un de compétent et de disponible. Et tout s’est débloqué d’un coup. Six semaines avant, personne ne connaissait visiblement mon numéro de téléphone, et, coup sur coup, en quelques jours, j’ai été contacté par Chris, mais aussi par Keith Emerson qui remontait un groupe, et par Boston et Foreigner qui voulaient aussi m’embaucher.Comme j’avais vraiment envie de jouer avec Chris, je n’ai pas réfléchi davantage. À l’époque, c’était pourtant l’offre la moins intéressante pour moi du point de vue business, argent, etc., mais j’avais pris l’habitude de faire mes choix seulement en fonction

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de mon plaisir de musicien. Certains n’ont pas compris à quel point l’histoire du nouveau Yes est spontanée, pas préméditée du tout. C’est simplement une série de rencontres, de hasards, de déclics, simplement des gens que l’idée de jouer ensemble excitait. Ce n’est pas du tout une opération comme celle d’Asia, monté de toutes pièces pour obtenir le groupe le plus prestigieux possible, attirer le public grâce au renom de superstars et entasser des millions de dollars. Non, d’ailleurs, la meilleure preuve en est que le groupe s’est longtemps appelé Cinema, ce n’est vraiment qu’à la fin que le nom de Yes a ressurgi.Il est vrai qu’on peut aussi s’étonner que Chris ait fait appel à quelqu’un qui avait une réputation de hard rocker, mais ce qui l’intéressait alors en moi, c’était que, comme il n’avait pour son groupe que la section rythmique, j’étais à la fois chanteur, guitariste, organiste et compositeur. Au départ, je faisais tout cela dans Cinema. Mais je me considère avant out comme un guitariste, et je ne tenais pas à jouer de claviers sur scène, même si pour le disque il était prévu que je les tiendrais en grande partie.Nous avons alors fait tout naturellement appel à Tony Kaye. Il était le premier sur notre liste, et certainement pas parce qu’il était l’organiste original de Yes. En fait, Chris et moi le connaissions, et surtout, il était le genre de claviériste que nous cherchions, pas vraiment soliste -j’étais là pour ça- mais plutôt un accompagnateur très solide, et un bon arrangeur. Par la suite, comme il avait un boulot à finir à Los Angeles, il est reparti, après l’album, ne pensant pas qu’il y aurait une suite comme celle que nous vivons en ce moment. Nous avons fait un essai avec Eddie Jobson, mais nous avons compris très vite que ça ne collerait pas : il est très brillant, mais n’a pas du tout l’esprit de groupe. Alors nous avons rappelé Tony.Puis nous avons enregistré comme cela pendant près d’un an ; je chantais. À la fin, nous avons trouvé amusant d’inviter Jon Anderson à venir chanter un morceau, comme ça. Il ne faisait rien de spécial alors. Il est venu, il a fait quelques essais, et quelque chose s’est passé, cela nous a tous excité, lui le premier. Moi, je dois avouer que c’est mon chanteur préféré, et que j’étais aux anges. Et il a alors décidé de se joindre au groupe, tellement cela lui plaisait. Je trouvais alors tout naturel qu’il chante tous les morceaux, mais, et cela m’a beaucoup étonné et beaucoup touché, il a tenu à ce que l’on garde des

morceaux chantés par moi. Si bien que je suis encore chanteur dans le groupe. Jon a vraiment apporté quelque chose sur la fin du disque, nous avons, avec lui, remodelé les morceaux. Et comme il retrouvait vraiment dans ce groupe les vibrations du Yes des premiers temps, nous avons décidé de reprendre de nom de Yes.Moi, cela m’était totalement égal, seule la musique avait un sens pour moi. Mais beaucoup de gens y ont vu une intention mercantile. Cela a même déplu à certains, comme Steve Howe qui critiqua ce choix en disant que ce groupe n’était pas Yes. Il me semble pourtant que ce groupe est plus proche de Yes que celui de «Drama», où il était, avec les deux Buggles. Je crois que le chanteur est l’âme d’un groupe, et que Cinema avec Jon Anderson avait effectivement retrouvé l’âme de Yes».

LE TEMPSSi Trevor Rabin jubile effectivement quand il évoque ses prestigieux complices que sont Squire et Anderson, ces derniers sont tout aussi enthousiasmés par ce que leur a apporté le sud-africain, et notamment Jon Anderson.Celui-ci, dernier arrivé dans le groupe, le considère d’une toute autre façon que le Yes de jadis :«Avant, je voulais être le leader de Yes, le diriger là où je voulais qu’il aille. Mais dans le Yes actuel, je me considère simplement comme un membre du groupe, rien de plus».Position plus modeste certes, mais sans doute plus féconde aussi. En tout cas, alors que ce Yes 84 était au départ marqué par la dualité maîtresse Squire-Rabin, au fil des mois, une autre complicité s’est instaurée entre Anderson et Rabin, tous deux prenant de plus en plus de plaisir à travailler ensemble et il est certain que ce couple sera la cheville ouvrière du futur album. Car Yes s’est brusquement ouvert un futur, au lieu de réveiller le passé, c’est ce qui ressort des propos sereins que tient Jon Anderson sur ce groupe neuf qu’il apprécie avec un savant mélange de philosopie et d’enthousiasme :«Ce que j’aime dans cette histoire, c’est que Yes s’est refait par hasard, sans que personne ne le planifie ; simplement parce qu’une musique excitait de façon identique un petit groupe de musiciens ; c’est comme s’il s’agissait de notre premier groupe. Et puis le succès est venu, et surtout en tournée. C’était le point le plus important pour nous, cela a balayé nos derniers

doutes. Nous ne savions pas vraiment ce que le public attendait ou voulait d’un groupe comme Yes. Et la réaction a été très bonne. En fait, tout un public nous reçoit comme si nous étions un groupe inconnu, et c’est parfait. Le public actuel écoute du heavy metal, de la new wave, de l’électronique, mais des groupes comme Genesis ou Yes lui apportent quelque chose de totalement différent, cela le sort de ses habitudes.Ce que je trouve important, c’est que le jeune public se soit intéressé à notre musique sans tenir compte du fait que nous n’avons pas précisément 25 ans. C’est important, parce que cela veut dire que les critères extra-musicaux comme le look ou l’âge cessent d’être les conditions nécessaires du succès, et que l’on apprécie à nouveau la musique pour elle-même. Quand j’était jeune, cela ne me dérangeait pas d’admirer des gens comme Bill Haley, beaucoup plus âgés que moi ; l’important était ce qu’ils me procuraient dans leur musique. Yes semble agir de même à présent sur les jeunes kids».Et quand on fait quand même remarquer à Jon ce curieux revers de l’histoire rock qui ramène au sommet, en cette année 84, les princes de la progressive anglaise, Yes, Genesis, King Crimson, renforcé par Marillion leur émule, il se contente de commenter :«Il faut croire que l’histoire est cyclique. Je pense que tous ont saisi comme nous l’opportunité de jouer, sans arrière-pensées. Ce sont simplement des musiciens qui se sont remis à croire en leur musique, auxquels le public a réservé un bon accueil, leurs noms importent peu en fait, ce ne sont que des labels, et puis, tous ces groupes font des choses radicalement différentes de ce qu’ils faisaient avant. Seul le nom les rattache au passé, mais leur musique est l’actualité même, si l’on en croit la décision du public. Je ne crois pas du tout qu’il y ait là un quelconque retour aux seventies. Nous faisons tous autre chose».Pourtant, ce passé des seventies, il a bien fallu, pour Yes, en tenir compte au moment de composer le répertoire des shows qu’il nous présente. S’il était évident, comme il l’a fait, qu’il fallait donner la priorité aux morceaux du dernier album, un vaste vivier de pièces anciennes s’offrait pour complèter le spectacle. Choix épineux. Mais pas tant que cela pour Jon Anderson :«Non, ce fut en fait assez facile, même évident. Chacun a choisi les morceaux anciens qu’il voulait rejouer, nous avons fait aussi choisir Trevor qui réécouta tous nos vieux albums, et les

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mêmes titres sont très vite revenue dans nos suffrages, comme «Long distance runaround», «Roundabout», «And you and I», «Starship Trooper», «Yours is no disgrace». Nous en avons en fait essayé pas mal, mais nous ne les avons pas tous gardés. Parfois, nous en jouons un de plus en second rappel».On remarque toutefois que ce choix met totalement entre parenthèses toute la dernière période de Yes, de «Tales from Topographic Oceans» à «Drama». Était-ce là une exclusion volontaire ? Pas du tout pour Anderson : «Non, c’est simplement un premier choix. Par exemple, dans une émission que nous allons faire avec orchestre, nous allons jouer «Awaken». Et puis, quand nous nous en sentirons l’énergie suffisante, nous avons le projet de rejouer «Tales from Topographic Oceans», en entier, et même d’en faire un film vidéo. C’est une idée à laquelle ne m’accroche beaucoup, et que nous pourrons réaliser quand le moment

sera venu. Nous ne sommes pas pressés. Nous avons le temps».Évidemment, cette révision des anciens morceaux posa davantage de problèmes à Trevor Rabin qu’à ses complices déjà familiers de ce répertoire. Pourtant, selon Trevor, la succession du funambulesque Steve Howe ne fut pas aussi périlleuse qu’on aurait pu le croire :«J’aurais cru que cela allait être plus difficile que cela, avoue le sud-africain, mais je jeu de Steve, s’il est très complexe, très riche, n’est pas trop dur à reproduire, car c’est juste une question de technique et de mémoire. Howe est un pur technicien, donc la technique permet de la reproduire. Ce serait beaucoup plus dur si l’on me demandait de reproduire du B.B. King, qui joue lui entièrement au feeling, ce qu’aucun technique ne vous permettra d’attraper».Finalement, Trevor se trouvait tellement à l’aise dans les pantoufles de Steve Howe qu’il voulut même qu’on rejoue

«Sound Chaser», et ce furent les autres qui durent déclarer forfait !Mais en fait, dans la situation de succès phénoménal où se trouve à présent le groupe, c’est soudain son futur qui devient plus encombrant que le passé. On pense à Asia, son démarrage fulgurant, et puis ce second album trop vite fait, et finalement superficiel à l’usage :«Nous essaierons d’éviter leur erreur, commente narquoisement Anderson. En fait, nous ferons le disque suivant quand nous le voudrons, et pas quand la compagnie le dira. Moi je serais prêt à enregistrer dès maintenant, mais il y a cette tournée à achever. Nous repartons ensuite pour un autre tour américain. Mais, encore une fois, nous avons le temps. Rien ne presse. Trevor et moi, avons même tout loisir pour poursuivre nos carrières solo. La leçon de ce retour de Yes est qu’il faut simplement faire les choses au moment où l’on en ressent vraiment l’envie, ne pas faire de plans stricts et de projets grandioses. Yes prend désormais les choses comme elles viennent au lieu de vouloir forcer la situation. C’est beaucoup mieux ainsi. Et cela réussit puisque nous n’avons jamais été aussi populaires, même du temps de notre gloire première.En fait, en ce temps-là, nous étions un groupe qui connaissait le succès, mais un succès fermé sur lui-même, sur un public de spécialistes. À présent, grâce à la radio, grâce à la vidéo, nous sommes réellement un groupe populaire. Pourtant, nous faisons une musique qui n’est pas davantage commerciale, je pense. Mais il existe maintenant des moyens bien supérieurs de la faire connaître».Yes, groupe d’avenir ? Cet apparent paradoxe semble pour Anderson un évidence. Et le fait d’avoir vu le groupe en concert, dans son féérique show de deux heures et demie, m’a conduit à la même conclusion car, de toute évidence, lors de ce spectacle magnifique, véritable régal pour la pupille antant que pour le tympan, le grand frisson passait davantage sur le répertoire de «90125» que sur les anciennes épopées. Or, il est bien connu que les groupe vieillissants se refont toujours une santé sur leurs vieux morceaux alors que leur répertoire plus actuel est souvent fade ou creux. Pour Yes, c’est l’exact contraire. Et cela invite effectivement à penser que ce Yes-là a un grand avenir devant lui. À suive donc.

Hervé PICART

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JON ANDERSON : «Simplement accepter de croire»

Curieusement, c’est l’un des Yes les plus actifs pendant la séparation du groupe (1980/1983) qui défendit sa reformation avec le plus d’enthousiasme face à une presse ricanante (y’avait de quoi) et sceptique (idem). Jon Anderson avait ses raisons et n’a pas eu tort vu le succès mondial de «Owner Of a Lonely Heart» prolongé par une tournée triomphale qui s’est achevée début 85 en Amérique du Sud.Depuis, silence. Les auteurs de cette impeccable résurrection se sont enfermés en studio, Jon attend le moment propice pour retrouver Vangelis et l’une des plus pures voix du rock ne donne signe de vie qu’à l’occasion de bandes originales de films (après «Metropolis», «St Elmo’s Fire», «Legend», «Sceam For Help»).

Et puis se pointe sans prévenir avec un quatrième album solo en forme de disque de Noël, tradition anglosaxonne oblige...Jon Anderson : - J’arrive après Tino Rossi, j’espère que ça va pas être trop dur ! C’est en fouillant dans ma collection de disque de Noël - Nat King Cole, Stevie Wonder, Phil Spector - que j’ai eu cette idée. Mais aussi parce que j’ai toujours ressenti l’émotion particulière qu’il y a dans l’air au moment des fêtes, comme une sorte d’éveil spirituel... J’ai essayé de faire un album intemporel, j’espère qu’il tiendra la distance et que je pourrai l’écouter dans dix ans...- Tu fais des reprises de traditionnels...- Parce qu’il y en a d’immuables comme «Three Ships», «Ding Dong Merrily On High», «The Holy and the Ivy» ou «Oh Holy Hight». Tout le reste est de moi sauf «Easier Said Than Done» que j’ai écrit avec Vangelis. J’ai voulu éviter de reprendre des classiques ayant trop de connotations religieuses tout en gardant un feeling spirituel...- Quelle est la différence ?- Il me semble qu’être religieux, c’est faire partie d’un gang alors que la spiritualité c’est simplement accepter de croire...- «How It Hits You» conviendrait tout à fait à Yes...- C’est exactement ce qu’ils m’ont dit quand ils ont entendu ce titre. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas pensé une seconde à le proposer au groupe...- Tu es plutôt bien entouré pour un album solo...- Je ne considère pas «3 Ships» comme un album solo. Tout le monde a vraiment participé à l’aventure, je dirais presque «en profondeur». De Roy Thomas Baker (producteur, Queen, NDR) à Bob Esty qui est l’arrangeur de

Barbra Streisand, de Trevor Rabin qui est venu jouer sur «Where Were You» à Elliot Easton des Cars qui a fait les autres guitares...- Il y a aussi un paquet de choriste !- Dans certains morceaux ce sont des enfants, dans d’autres ce sont des gens extraordinaires qui font partie du Cavalry Baptist Church of Santa Monica Inspirational Choir. Et c’est Sandra Crouch qui fait la deuxième voix de «Oh Holy Hight». Quand elle chante on dirait un tremblement de terre !- Et Yes dans tout ça ?- En pleine forme, je reviens de Milan où nous sommes en train d’enregistrer le prochain album. Si tout va bien, il devrait sortir au Printemps et nous serons en tournée l’été prochain...- L’inspiration est au rendez- vous ?- À mon avis, les chansons sont excellentes, plus simples, plus directes. En fait, tout a été composé en avril et en mai dernier à Los Angeles mais nous avons attendu que Trevor soit libre pour commencer à travailler, il était occupé par Frankie et Grace Jones...- On ne vous a pas demandé de faire plus vite du côté de votre maison de disque ?- Nous avons évité les pressions en décidant de partir en Amérique du Sud au début de l’année au lieu d’enregistrer. C’est un marché important et ça a été la folie, aussi bien à Rio qu’à Buenos Aires...- Les membres de Yes pressent-ils encore leur pied sur scène ?- Plus que jamais ! Nous planons sur la vague comme si nous faisions du surf et nous nous entendons bien. Pour moi, le succès de Yes est un rêve. Je sais que c’est facile à dire aujourd’hui mais j’ai toujours pensé que l’histoire n’était pas finie, que toutes les années passées avec le groupe depuis le début n’étaient pas perdues...

J-M R.

1986.01 - Best n° 210 : Entretien Jon Anderson «Oui, c’est Noël !»

OUI, C’EST NOËL !

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GTR(Arista-RCA)

GTR n’est pas le nom de code d’un nouveau monstre de la route, mais celui d’un groupe de grosse cylindrée. GTR comme guitar, bien entendu puisque cette formation toute neuve regroupe rien moins que Steve Howe, historique guitariste de Yes, et Steve Hackett, légendaire guitariste

de Genesis. Toute une époque en deux Steve majeurs !L’un comme l’autre n’avait pas franchement réussi sa sortie : Howe ne trouva pas vraiment ses marques dans Asia et ne fut pas non plus invité à la reformation de Yes.Quant à Hackett, sa carrière solo assez brillamment entamée prit vite un tour végétatif et vira au médiocre. La réunion de ces deux monstres pouvait être une solution pour régénérer l’un autant que l’autre, mais ce n’est pas vraiment le résultat

obtenu si l’on en juge d’après cet album somme toute décevant.Décevant d’ailleurs non par ce qu’il est, mais parce qu’il ne propose pas. Qu’attendait-on de l’association Howe-Hackett ? Un grand groupe néoprogressiste à la musique ambitieuse : celle proposée est très sage et sans audace. Un monument à la Asia entassant les tubes ? Pas de traces ici de méga-hits. Des empoignades de guitare héroïques ? On n’en a même pas : nos deux virtuoses laissent la part belle à un médiocre chanteur, Max Bacon, et ne se lancent guère dans de grands épopées en six-cordes, leurs seules échappées solo n’étant que des remake de déjà fait, pour Howe avec Yes (le classique numéro de guitare sèche), pour Hackett avec son groupe («Hackett To Bits» a déjà été entendu).Donc, si le disque en soi est irréprochable (gros son, musiciens experts, pas la moindre faute de goût, du prestige), il ne répond à aucune des exigences qu’on est en droit d’avoir vis-à-vis de telles superstars. Finalement, les très bons sont interdits d’assez bien.

Hervé PICART

1986.07 - Best n° 216 : Publicité & critique «GTR»

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YES

«Big Generator» où ces vieux baba-cool de Yes à la poursuite de la modernité, désespérément. Assez futés pour s’accrocher au crédit de Trevor FGTH Horn à la production. Trop conservateurs pour songer à virer leur chanteur, Jon Anderson, dont les vocalises grandiloquentes les datent du côté des seventies mieux que carbone 14. Assez malins pour s’abstenir d’exhiber leurs rides et leurs cheveux gris en choisissant pour la pochette de leur nouvel album un total look computerisé. Trop paresseux pour produire autre chose pour leur premier album studio en quatre ans qu’un copie conforme de leur Owner Of A Lonely Heart de 1983...

Marc ANDRÉ

Yes - «Big Generator» - Atco/WEA

YES : «BIG GENERATOR». Yes n’avait pas raté son come-back en 83. On peut même affirmer que son LP de reformation «90125» était une belle réussite. Seulement, les autres années passées depuis le hit n’ont-elles pas élimé les dons du quintet ? Honnêtement, non ! Pour «Big Generator», Anderson, Kaye, Rabin, Squire et White ne déméritent pas. Loin des sentiers du commercial, Yes a toujours un faible pour les longues plages alambiquées (I’m Running) et démontre qu’il fonctionne mieux en 87 qu’au temps de Patrick Moraz ou des «Tales From Topographic Oceans». Pour nouveaux et anciens adeptes. (Atco-WEA)

1987.10 - Rock This Town : Critique «Big Generator»

1987.11 - Rock & Folk n° 246 : Publicité «Big Generator»

1987.10 - Télémoustique : Publicité & critique «Big Generator»

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YESBIG GENERATORAtlantic UK : WX 70 790 522-1

Quatre ans exactement depuis «90125», quatre ans durant lesquels cet album fut à plusieurs reprises annoncé, puis retardé ; quatre ans, donc depuis «90125» qui nous avait permis d’affirmer que Yes avait mieux négocié son virage que Genesis. En effet, pas de cassure brutale chez eux : «Tormato» fut l’album charnière entre deux courants bien différents et permit d’aboutir à «90125» en toute continuité, ce qui ne fut pas le cas chez Genesis après les départs successifs de Gabriel et de Hackett. Mais revenons à «Big Generator» : cet album rassure. Après le projet solo de Jon Anderson, «Three Ships» sorti en décembre 1985, cadeau de Noël un peu décevant ; après «9012 Live» un peu mieux accueilli (mais ce ne sont pas cinq petits morceaux live qui consolent totalement), «Big Generator» est un grand disque. Yes a retrouvé une seconde jeunesse et confirme tout le bien que l’on pouvait penser de lui après «90125». Remontés à bloc, ils nous délivrent un merveilleux opus aux facettes multiples : volonté d’innovation par fusion des ambiances de «Close To The Edge» avec les mécanismes de «90125», compositions soignées (Shoot High Aim Low est la splendeur de la face A), riffs élégants de Trevor Rabin sur Love Will Find A Way, Trevor Rabin qui signe ou cosigne ici sept des huits morceaux. À n’en pas douter, le grand bonhomme du groupe. Notons également que les deux faces sont bien différentes, ou plutôt complémentaires : la première propose une musique dans la veine de «90125», en mieux (Rhythm Of Love et Big Generator) ou en moins bien (Almost Like Love, seule petite déception). La deuxième nous plonge dans un univers plus complexe, dont un morceau comme I’m Running au chorus à la Police, serait une savante illustration. Les nostagiques, ceux qui sont restés dix ans en arrière, pourront se délecter avec Final Eyes, tout droit issu d’un «Tormato». Enfin, Rhythm Of Love et Love Will Find A Way (ah l’amour !) semblent être voués aux premières places des charts. Le son est évidemment superbe et

généreux, moins appuyé cependant que précédemment, les parties de basse de Chris Squire se montrant plus discrètes. «Big Generator» est un album fort, haut en couleurs, avec en prime quelques clichés noir et blanc pour les Anciens, un album qui laisse entrevoir un avenir prometteur pour un nouveau groupe nommé Yes. Un grand passé, un futur grand.

P.M.

In-ouiYESBIG GENERATOR(Atco-WEA)

Jon Anderson déclarait en juin 84 : «Je suis prêt à entrer dès demain en studio pour faire un nouvel album de Yes». Visiblement, il n’avait pas dû bien mettre son réveil à sonner le lendemain, car ce digne successeur de «90125» vient finalement d’éclore juste quatre pleines années après lui. Il est vrai qu’il a fallu entretemps que le groupe se remette de très inattendu succès planétaire remporté par son come-back, et empoche les monstrueux bénéfices de «Owner Of A Lonely Heart». La suite se fit donc attendre, et quand enfin elle arrive, on s’aperçoit que ce n’est justement pas la suite.Même pas soucieux d’arrondir encore sa fortune et d’emprunter tranquillement le sillage doré de «Owner», Yes a carrément décidé de surprendre encore une fois, de n’en faire qu’à sa guise, de débarquer là où on ne l’attendait pas. On devine l’embarras de certains businessmen qui conséraient déjà Yes comme une

rente, le dinosaure qui rapporte gros, puis se retrouvent hagards face à ce «Big Generator» et ne savent pas par quel bout le vendre. C’est à peine si Yes leur a laissé de quoi trouver un hit-single aisément programmable.Pour l’essentiel, le groupe s’active entre de foudroyantes machineries qui sont presque du hard rock, d’une rare sécheresse de riff, et d’autre part de vaste cathédrales sonores de plus de six minutes qui échafaudent leurs acrobatiques splendeurs avec un mépris total des exigences radiophoniques. Cette attitude tranchée, puriste, marginale même, de musiciens pourtant légendaires qu’on croyait rangés et à l’abri de l’audace, est parfaitement réjouissante. En fait, on a l’impression ici que Yes refuse d’être ce que l’on attend qu’il soit et d’exploiter sans vergogne son mythe.Alors, pas de «Owner n° 2», pas non plus de «Close To The Edge», mais des surprises dans tous les coins, et c’est tant mieux, car ce Gros Générateur crée la plus saine des commotions, sauve Yes du péril de la routine et s’intalle comme une grande réussite. De références aux Yes mélodieux de jadis, il n’y a que celles, d’ailleurs sublimes, de «Final Eyes» et «Holy Lamb». Pour le reste, «Rhythm Of Love», «Big Generator» et «Almost Like Love» renouvellent furieusement la panoplie sonore d’un Yes qui n’avait jamais cogné aussi dur, tandis que «Shoot High» et «I’m Running» (aux curieux débords tropicaux) s’élèvent très haut dans les sphères supérieures réservées aux chefs-d’œuvres. Fonceur remuant, bouillonnant de partout, «Big Generator» est tout le contraire de ce que les esprits prévenus attendaient d’un groupe trop vite traité de faisandé et mis prématurément hors du coup. Il est au contraire d’une belle et terrible violence, et l’on comprend que ce disque virtuose, prolixe, tourbillonnant, fort de toute une science de la musique, ait donné la diarrhée aux esprits faibles et varétineux qui le traitèrent d’«étron», peu habitués qu’il sont à tant de hauteur en musique.Il est vrai que Yes procure un fameux vertige, et laisse ici dans son sillage venteux une formidable impression de fraîcheur et de jeunesse que doivent lui envier tous ces groupes timorés qui ont remplacé l’audace par la simple envie de voleter dans le Top 10.

1987.11 - Guitares & Claviers n° 79 : Critique «Big Generator»

1987.12 - Best n° 233 : Critique «Big Generator», «In-oui»

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Les nostalgiques sont aux anges. Non seulement ces dinosaures de l’aube des seventies, survivent ou renaissent de leurs cendres mêlées de paillettes mais ils se dédoublent à présent ! Là, dans la vitrine du disquaire, deux, je dis bien 2 !, albums de Yes. L’un, sorti sur le label Atlantic, est signé Yes, mais le Yes nouvelle mouture, avec Alan White et Trevor Rabin. L’autre, sur Arista, est paraphé Anderson, Bruford, Wakeman et Howe, autrement dit la voix de Yes plus les instrumentiste les plus célèbres du fossile, ceux de la période bénie, pour les fans ! de Fragile, Close To The Edge, etc. Les effets de manche des avocats ont empêché ces derniers de reprendre à leur compte le nom chéri, mais rassurez-vous : leur musique à la couleur du Yes millésimé ‘72-’74. Même la pochette fait référence à la grande époque (elle est d’ailleurs signée Roger Dean, le graphiste qui a illustré les albums pré-cités).Alors, les neufs titres proposés par les ex-Yes, mais Yes quand même - j’espère que vous me suivez - qu’en dire ? Que

la voix de Jon Anderson, bon, est très particulière, ça passe ou ça casse, qu’ils se sont vraiment décarcassés pour que ça sonne moderne (en embauchant par exemple Tony Levin, le bassiste de Peter Gabriel), qu’ils parlent des aborigènes - c’est très à la mode, mais que l’album tombe en 1989 comme un cheveu, de baba-cool, dans la soupe.

On le doit en grande partie à cette grande douille de Rick Wakeman qui ne peut s’empêcher de renouer avec sa jeunesse en laissant ses claviers dégouliner partout, le sale. Faut dire qu’il y a vingt ans, il se lançait, les cheveux au vent, dans des soli qui envahissaient des faces entières d’albums ! C’est dire qu’il frémissait, le bougre ! Il a seulement oublié le décalage horaire. Résultat : ses cheveux ne sont plus au vent... mais dans la soupe.

1989.06 - Belgique n° 1 : Critique «ABWH», «Conte capillaire»

ANDERSON, BRUFORD, WAKEMAN, HOWE :

CONTE CAPILLAIRE

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YES OR NO ?Londres, le 12 avril 1989.Les représentants des journaux spécialisé du monde entier sont réunis pour une méga-conférence de presse tape-à-l’œil. But de l’opération : lancer le nouveau groupe Anderson, Bruford, Wakeman & Howe, une association inattendue qui nous ramèneaux jours glorieux de la pop progressive des années soixante-dix.

Les prémices de ce faux-nouvel orchestre remontent à l’été 1988. Le chanteur Jon Anderson, en rupture du Yes actuel (la mouture qui a réalisé «90125» et «Big Generator»), passe ses vacances sur l’île grecque d’Hydra et compose de nouveaux morceaux. Désirant les réaliser dans une formule musicale efficace, il contacte quelques-uns de ses anciens comparses en rentrant à Londres : le guitariste Steve Howe (son trio avec Nigel Glockner et Billy Currie n’a qu’une existence sporadique), le batteur Bill Bruford (il fait des sessions de fusion au Japon avec des gens comme le guitariste Kazumi Watanabe), et «le sorcier» des claviers Rick Wakeman. Tous ont été des figures marquantes du Yes d’autrefois, les quatre musiciens ayant gravé ensemble deux des disques essentiels du groupe, «Fragile» (1971), et de définitif «Close To The Edge» (1972).

Les retrouvailles se passent dans un climat chaleureux. Dès leur première rencontre, Steve Howe joue à Anderson un motif qui deviendra la base d’un futur morceau (Brother Of Mine) ; Rick Wakeman voit dans l’entreprise une occasion inespérée de remettre en pratique ses idées de rock symphonique ; Bill Bruford,

enfin, débarque avec sa batterie-computer dernier cri. Il exige à ses côtés la présence du bassiste Tony Levin, un champion du «stick» avec qui il a beaucoup travaillé dans la dernière formule de King Crimson. Seul point noir : le groupe n’a pas le droit de s’appeler Yes, puisque le nom appartient actuellement à Chris Squire, Tony Kaye et Alan White. Le sujet est délicat, on pourrait discuter des heures pour savoir qui est en réalité le vrai Yes. Chacun des deux orchestres possède en son sein deux membres d’origine : Squire et Kaye chez Yes, Anderson et Bruford chez les autres. Du côté de Yes le batteur Alan White n’est pas vraiment un imposteur (il est là depuis «Yessongs»), mais il est vrai que le pedigree du guitariste Trevor Rabin laisse à désirer, alors que dans le camp adverse, Howe et Wakeman sont tous les deux estampillés Yes à vie... Et déjà on

imagine les angoisses des managers pour éviter que les deux groupes ne se croisent au cours de leurs tournées-mammouth respectives ! Une situation cocasse qui rappelle la rivalité entre le Pink Floyd et Roger Waters en solo. Nos quatre rescapés optent donc pour le patronyme sans équivoque de Anderson, Bruford, Wakeman & Howe (ils n’ont tout de même pas osé s’appeler No... !). Ils rentrent en studio près de Paris à la fin de 1988 pour cinq semaines de préparation intensive de leur premier album, augmentés non seulement de Tony Levin (basse) mais aussi de deux musiciens additionnels, Milton McDonald (guitare) et Matt Clifford (claviers), un virtuose des programmations qui a déjà travaillé avec Steve Howe dans GTR. La finition des bandes a lieu début 1989 à Montserrat aux Antilles, avec le producteur Chris Kimsey et le mixage définitif se passe aux

1989.06 - Guitares & Claviers n° 97 : Entretien Steve Howe «Yes or no ?»

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Bearsville Studios près de New York, sous la houlette de Steve Thompson et Mike Barbiero. Titre de cet opus initial : «Anderson, Bruford, Wakeman, Howe», tout simplement. Sortie mondiale annoncée pour début juin 1989, avec version longue exclusivement disponible en CD et en cassette. Restait à habiller l’ensemble. Jon Anderson n’y est pas allé par quatre chemins, il a fait appel au vétéran Roger Dean, célèbre décorateur-architecte et concepteur de la plupart des pochettes de Yes, Asia, Steve Howe en solo, Osibisa, Greenslade, et même Uriah Heep. Dean, d’ailleurs, ne se contentera pas de créer le logo du groupe et de peindre quelques-unes de ces grandes fresques surréalistes dont il a le secret pour illustrer le packaging des disques : c’est lui qui visualisera les fantasmes scéniques de ces messieurs et imaginera les décors de leurs spectacles. Jon Anderson est formel sur ce point : «Nos chansons sont avant tout des morceaux de scène, a-t-il expliqué à Londres, elles doivent s’inscrire dans un show global pour prendre leur vrai dimension.» Le spectacle sera intitulé «An Evening Of Yes Music Plus...», tout un programme.

Steve Howe a bien voulu nous accorder une interview particulière à l’issue de la conférence de presse du groupe. Le guitar hero favori des fans de progressif nous a parlé de jazz, de guitares et de jazz...

- Dans quel état d’esprit abordes-tu ce nouveau groupe ?- Je joue toujours la même musique, j’ai les mêmes influences mais nous ne sommes pas pour autant du «déjà vu». Ce qui est fantastique, c’est qu’on fait de la musique comme il y a vingt ans quand on s’est rencontrés pour la première fois. Nous retrouvons la même spontanéité.

- Vous avez tout de même l’expérience en plus...- Comme disait Bill tout à l’heure, à dix-huit ans il croyait en savoir plus que Mozart au même âge, alors qu’aujourd’hui il admet avoir considérablement moins de connaissaces que lui... Nous sommes plus généreux, nous écoutons les autres, nous sommes prêts à quitter ce carcan trop confortable, à essayer d’autres choses. Nous voulons faire de la bonne musique. Notre album en sera la base, nos concerts la preuve.

- Cette histoire de rivalité avec Yes est un peu lamentable, non... ?- Il n’y a aucune compétition, Yes autrefois a toujours été non-conformiste et non-commercial. Le Yes actuel ne pense qu’à faire des hits. Nous, nous désirons réaliser avec intelligence, avec une texture et de belles harmonies, les fantasmes musicaux de Jon, nous ne pensons pas à entrer dans les charts ! Bref, nous sommes très différents du Yes de 1989. D’une certaine manière, nous sommes un groupe de jazz.

- De jazz, vraiment... ?- Bien sûr. Mes idoles à moi sont des

guitaristes comme Les Paul, Paco de Lucia, Tal Farlow, Segovia et par-dessus tout Chet Atkins et Wes Montgomery que j’ai eu la chance de voir sur scène avant sa mort... Pour moi, le jazz est la musique la plus belle et la plus libre que l’on puisse jouer. Bill aussi se considère avant tout comme un batteur de jazz. [À ce propos, voir le nouvel album de l’autre groupe de Bruford, Earthworks, à sortir fin mai chez AVL/Virgin, NDF.]

- Conserves-tu des perspectives de projets en solo ?- Oh oui ! Ce groupe n’est pas et ne sera jamais une prison. Il y a vingt ans, on appartenait à un seul groupe. De nos jours, on peut faire plusieurs

choses à la fois, même s’il y a évidemment des priorités à certains moments. Alors que notre album collectif est un album de morceaux chantés, je travaille parallèlement en solo sur un disque de guitare, instrumental et très produit, avec des couleurs luxueuses. Il y a longtemps que l’on n’a pas fait ce genre de disque. D’ailleurs, nous avons tous des projets en solo.

- Sur quelles guitares joues-tu ?- Les mêmes qu’avant. Mon instrument de prédilection est la Gibson AS 175 D, mais je travaille aussi sur une Stratocaster, et je suis un adepte de toute la famille des guitares, de la mandoline à la steel ! Il y aura un aperçu de tout ça dans notre album.

- Quel est ton rapport avec la technologie ?- Je recherche avant tout un son de guitare propre, qui soit créé sans artifice, même si je suis prêt à l’améliorer et à l’enrichir un peu par la suite. Autrefois j’étais ignorant et inconscient de tout cela. Mais Yes m’a aidé à réaliser ce que je sais faire actuellement. J’étais ambitieux et ignorant, maintenant je suis toujours ambitieux mais j’ai en plus des connaissances.

- Comment vois-tu les prochains concerts ?- Nous allons donner le meilleur de nous, et même s’il y a des appareillages électroniques sur scène (surtout au niveau de Rick, de Matt, et un peu de Bill), il n’y aura pas de ces ambiances de «vide synthétique» [Steve Howe parle en anglais de «computer death», NDR.] Non, le feeling sera énorme, nous serons comme un gigantesque animal... !

P. BUSSY

- Album : «Anderson, Bruford, Wakeman, Howe» (Arista/BMG), sortie le lundi 5 juin 1989.- Concerts : le 2 novembre 1989 à Bruxelles (Forest National), le 18 à Bâle (St-Jakob’s Halle), le 19 à Paris (Bercy), le 25 à Grenoble (Palais des Sports), le 26 à Montpellier (Zénith), le 27 à Toulouse (Palais des Sports). Ne les manquez pas !

«Dans les prochains concerts,le feeling sera énorme, l’ambiancefolle, nous seronscomme un gigantesque animal...»

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1989.07 - Télémoustique : Critique «ABWH»

ANDERSONBRUFORDWAKEMAN

HOWETELEMOUSTIQUELa dénomination Yes étant propriété du bassiste Chris Squire, ses quatre ex-compères ont dû se résoudre à cette association de nom. Cependant, même si la pochette signée Roger Dean renoue avec le passé, même si la voix de Jon Anderson demeure intacte, cet album n’est ni à raccrocher au Yes des année ‘80 ni au Yes de «Fragile» ou «Topographic Oceans». A.B.W.H. n’en a ni la créativité ni le souffle. Bref, c’est ce qu’on appelle rater le coche !

(Ariola-BMG Ariola)

1989.08 - L’express : Critique «ABWH»

Le plus étonnant dans ce retour des ex-Yes (regroupés sous un patronyme alambiqué, parce qu’il n’ont plus la propriété du nom) n’est ni la musique -affreusement datée-, ni les chansons -terriblement absentes-, mais le succès qui marque cet euro-rock cher aux nostalgiques du symphonique du début des années 70. Plus dinosauresque que jamais, ce come-back propose un voyage spatio-temporel, de luxe, mais inutile et tout compte fait, éprouvant pour toute oreille sensible. («Anderson, Bruford, Wakeman, Howe» chez BMG)

1989.08 - Best n° 253 : Critique «ABWH»

Faute de pouvoir s’appeler Yes -pour cause de guéguerre légale entre eux, leur ex-manager, et Trevor Horn, et le Yes de Chris Squire qui continue à exister malgré tout et sans la voix essentielle d’Anderson-, et faute de se trouver un nom satisfaisant - du genre The Affirmative, No ou The Group... -, Anderson, Bruford, Wakeman et Howe en sont donc restés à leurs patronymes. Les fans s’y retrouveront sans mal et sauront bien que c’est quand même de Yes qu’il s’agit là, mais le groupe devra se passer de l’impact du légendaire label auprès du grand public qui s’y connaît moins.En tout cas, musicalement, le doute n’est pas permis : c’est vraiment de Yes qu’il s’agit. Et du plus classique. L’on a l’impression que le groupe, désireux de retrouver sa vérité essentielle, et las de jouer avec sa propre identité pour

déjouer les attentes et la routine (ce qu’il avait fait sur les deux derniers albums), que le groupe donc en est revenu aux chapitres «Close To The Edge», «Tales», «Relayer», et qu’il a décidé d’inventer seulement maintenant des pages suivantes. Plus que d’un retour nostalgique à l’âge d’or de Yes, la démarche de nos quatre larrons (plus Tony Levin, rien que ça) les a conduits à reprendre là où ils l’avaient abandonné le meilleur de leur grand-œuvre.Le résultat est dans l’ensemble superbe, si l’on excepte les trois premiers morceaux de face 2 particulièrement inintéressants. Pour le reste, il n’est fait aucune concession au FM, à l’attrait des Top, voire au rock simple : on retrouve alors le Yes compliqué, savant, aérien, techniquement incroyable, tel que l’on savoura tant jadis. La fraîcheur du propos égale l’allant retrouvé de musiciens pas du tout fatigués, à l’image d’un Wakeman que l’on guettait avec scepticisme et qui délivre ici, surprise intégrale, des partitions de claviers complétement folles, loin de son pompiérisme habituel. Bref, c’est magnifique. Mais fallait-il en douter ?

Hervé PICART

1989.09 - Musicien n° 11 : Critique «ABWH»

C’est tout bonnement du Yes qui n’a pas le droit de dire que c’est du Yes.Enfer et damnation. Quelle mouche a bien pu piquer Jon Anderson, véritable instigateur de cette reformation d’un Yes presque au complet (si l’on occulte l’absence pourtant remarquable de Chris Squire), pour qu’il croit aussi fermement à une possible renaissance du mythe quelque vingt ans après la bataille. Jon Anderson rappelle ses troupes comme un gradé ses réservistes, pour un (ultime ?) défilé comme au bon vieux temps. Mais suffit-il de ressortir son uniforme flambant neuf pour retrouver sa place parmi l’élite ? Oui a aussitôt répondu le public

américain, avide de nostalgie. Thèmes, en trois volets, ouvre la marche avec un instrumental, une partie chantée et un autre instrumental pour clore le débat, méthode qui fit ses preuves maintes fois par le passé et bâtit même la renommée du (grand) Yes. Malheureusement, après quelques goutelettes de piano sur fond maritime de synthés, telle Atlantide s’écroule, sitôt que le premier tambour Bill Bruford sonne une charge maladroite avec un roulement de batterie... électronique, quelque peu déplacé pour l’occasion. Le second thème s’enchaîne sur un vulgaire rythme où le stick de Tony Levin, qui assure l’intérim, trouve difficilement sa place. Jon Anderson, lui, chante divinement bien, comme à son habitude, mais la mélodie vocale autrefois fer de lance de la troupe, demeure ici plutôt insipide. Changement de rythme pour le troisième et le dernier thème, entrée de Steve Howe pour un contrepoint, mais la Byrdland s’essouffle vite. Emballé c’est pesé, 5’58’’ au chrono, là où The Gate Of Delirium franchissait allègrement les vingt minutes. Suivent First Of Fire et Brother Of Mine, le single, au goût d’inachevé. Il faut attendre Birthright pour ressentir ce qui pourrait être le premier frisson. Un morceau enfin aéré, deux accords de guitare sèche soutenant le rythme ponctué par un mur de guitares «distos».Cela s’achève sur la seule voix d’Anderson, soutenue par des nappes de synthés et une guitare espagnole ; l’harmonie hésite entre mode mineur et majeur pour un brusque changement de ton et tout repart de plus belle avec des montées énergiques de Rick Wakeman sur le Moog, parfums de la grande époque. Las !La suite est plutôt terne. Order Of The Universe débute bien sûr comme une référence au passé mais s’achève un peu trop comme le Yes de la période californienne. Quartet et Let’s pretend avec guitares acoustiques et mandolines auraient pu figurer dans «Tales From Topographic Oceans», sans toutefois en posséder le souffle créatif. Bref, cet album est formé de bric et de broc où le Malin semble avoir attaché les mains de Bill Bruford dans le dos et transformé le Stick de Tony Levin en un fifre à moustaches. Si l’on excepte les périodes à part dans l’histoire de Yes (Buggles avec «Drama», californienne avec «90125»), ce nouvel album très controversé marquait la fin d’une époque, celui-ci a la lourde tâche d’en rouvrir une autre. La parade est bien morose. Tant pis.

D.A.

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1989.09 - Hard Rock Mag : Critique «ABWH»

ANDERSONBRUFORDWAKEMAN

HOWEEn 1977, les punks londoniens appelaient de leurs vœux un génocide qui aurait concerné les dinosaures de l’époque : à mort Genesis, ELP, Yes et toute la clique. Vive le rock ! Douze ans plus tard, les punks ont presque tous disparu, notre belle jeunesse se tape des Sex Pistols et vénère les survivants des seventies et/ou leurs copieurs : Genesis et Marillion, par exemple.C’est, je vous l’accorde, un triste constat que le retour de Yes ne va pas améliorer. Car, oui, Yes is back ! Enfin, Jon Anderson, Bill Bruford, Rick Wakeman et Steve Howe, puisque le méchant Chris Squire a décidé de faire bande à part. Donc, le faux Yes (pour tout le monde, le vrai) est arrivé. Par conscience professionnelle, j’ai écouté l’album : c’est beau, lyrique, superbement interprété, la pochette de Roger Dean est admirable, mais c’est aussi mou, inodore et chiantissime au possible, sans aucune réelle motivation si ce n’est le fric. Si, pour vous, rock doit rimer avec esthétisme avant toute chose, cet album vous comblera. Si, par contre, le rock signifie pour vous jeunesse, rébellion et expression individuelle, vous ressentirez cet album comme une véritable insulte. Loin de moi d’idée de ranimer la querelle des anciens et des modernes, mais A.B.W.H. fait du rock ménopausé, tout droit sorti de l’asile ou de l’hospice, un truc qui vous fait vraiment penser que le punk-rock n’a jamais existé. Mais, comme cet album est aussi une merveille de musicalité, je concluerai par une fameuse affirmation : «Dans la vie, tout n’est qu’une question de choix...»

1989.09 - Guitares & Claviers : Article Steve Howe

STEVE HOWE(1947, Londres, Grande-Bretagne)

À la fin des sixties, Steve Howe sévit au sein du groupe psychédélique Tomorrow, avant de rejoindre Yes en

1970 pour leur troisième galette, «The Yes Album». Le groupe commence alors à tourner intensivement et les albums qui suivent se vendent par millions. La popularité grandissante du groupe et de son guitariste lui permet de remporter, en 1976, le trophée du «meilleur guitariste international» décerné par le Melody Maker et, de 1977 à 1981, celui de Guitar Player. Après la dissolution de Yes, au début des années quatre-vingts, il crée le groupe Asia, avec qui il sort trois albums studio et retrouve le chemin du succès ; avant de former GTR pour un unique album et un hit, When The Heart Rules The Mind. En 1989, Steve Howe revient au premier plan avec Anderson, Bruford et Wakeman, une association qui ressemble plus à l’ancien Yes que le Yes actuel de Chris Squire !... Album conseillé : Yes «The Yes Album» (WEA).

1989.09 - Rock & Folk n° 266 : Entretien Jon Anderson «NO»

JON ANDERSON

NO«Dans les Seventies, le chef, l’architecte de Yes, c’était moi et personne d’autre, même si ça n’était

pas écrit sur les pochettes. Vingt ans plus tard, rien n’a changé.» Jon Anderson, soudain, tombe le masque de baba cool bronzé au soleil de la Grèce pour refléter les traits moins reluisants vieux requin agacé. Même si ça a le goût du Yes (la voix, les envolées lyriques), l’emballage du Yes (Roger Dean, aujourd’hui architecte à Frisco) ou le line-up de Yes, le groupe de notre revenant est condamné à s’appeler tout bêtement Anderson, Bruford, Wakeman, Howe, l’appellation contrôlée Yes étant entre les mains de gang désormais rival dirigé par Chris Squire. Les boules !«C’est une situation unique dans l’histoire du rock, et passablement injuste. Que les gens qui s’appellent Yes aujourd’hui sortent un album, et les fans jugeront qui doit porter ce nom ! En tout cas, en tournée, on compte bien reprendre les vieux morceaux de Yes. Après tout, ils sont à nous !» Yes ou pas, tout ça nous promet un beau come-back en perspective : «On a commencé dans les années soixante. On s’est développé dans les années soixante-dix. On a erré durant toutes les eighties... Maintenant, on est prêt pour affronter les années quatre-vingt-dix et s’y épanouir.» L’avenir s’annonce PLANANT !

P.B.

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Jon Anderson, Bill Bruford, Steve Howe et Rick Wakeman sont de nouveau associés. Mais pas sous le nom de Yes, qui est désormais la propriété des dissidents de la précédente reformation du groupe (Trevor Horn & Co.). Ils s’appellent donc, en toute simplicité, Anderson-Bruford-Wakeman-Howe. Mais leur chanteur n’en pense pas moins. Voici ce qu’il nous confie, à l’heure où les deux groupes tournent simultanément.Qu’allez-vous jouer au cours de cette tournée ?Jon Anderson. Ce sera un mélange du nouveau disque et de nos vieux «classiques» des années 70 comme Close To The Edge, And You And I, Heart Of The Sunrise... Quand je commence à les énumérer, ça me fait un frisson dans le dos, ce sont des chansons que tout le monde devrait connaître, et dont certains peut-être se souviennent, c’est une musique intemporelle. Il y a aussi les décors de Roger Dean, les éclairages, qui sont différents des horreurs qu’on voit d’habitude dans les concerts rock. Ils constitueront l’essentiel des effets visuel, ce sera simple et beau ; et en même temps c’est une aventure ; avec cette tournée, nous essayons vraiment de nous renouveler.Comment avez-vous sélectionné les anciennes compostions ?J’ai toujours voulu reprendre Close To The Edge, c’est celle que j’ai choisi en premier. J’ai demandé aux autres ce qu’ils souhaitaient jouer. Bill a

sélectionné Heart Of The Sunrise, Steve, And You And I, Rick, Trooper... Toutes ces chansons, nous les avons écrites, enregistrées, nous devons les jouer, c’est aussi simple que cela, et personne ne peut les interpréter comme nous.Pourtant, un autre groupe homonyme tourne en même temps que vous, avec un répertoire en partie semblable.Si la musique est bonne, elle le reste. Même s’ils jouent les mêmes titres que nous, cela prouve qu’il sont bons. Pendant la dernière tournée américaine, nous avons joué Owner Of A Lonely Heart et le public faisait «yeah ! yeah !» ; mais quand nous avons entamé Starship Trooper, ils sont devenus dingues ! Alors que cette musique date d’il y a quinze ans. Cela montre le pouvoir de la musique quand elle est bien écrite ; on peut la jouer éternellement. Il n’y a pas d’inconvénient à ce que d’autres la reprennent. Si les «autres» jouent de bonnes choses, je serai le premier à les applaudir, et j’irai les voir.Les fans ne peuvent concevoir Yes sans votre voix.On dirait. J’ai toujours chanté en recherchant la Vérité, et cette

recherche est devenue l’emblême de Yes. Chaque album est différent car nous poursuivons toujours cette recherche. Quand on essaie de faire Yes sans que ce soit moi qui chante, ce n’est pas vraiment Yes, mais une opération promotionnelle, une exploitation du nom. Nous porterions encore le nom de Yes si nous avions pu en conserver la propriété. Quant à moi, je sais que je chante toujours de la «Yes music».Qu’est-ce qui fait toujours courir des gens comme vous ?Je ne sais pas... Nous sommes à un âge où la musique est, disons transcendantale. Tout musicien véritable continue d’évoluer avec sa musique. J’ai encore des rêves à réaliser, et les gens qui m’entourent également. Certains jeunes musiciens ont peut-être plus de talent que nous, mais ils ont encore beaucoup à apprendre. Quand nous avons débuté, les gens du jazz ne nous aimaient pas parce qu’on faisait de l’argent et que leurs clubs fermaient. Ils ont dû s’adapter, se lancer dans le jazz-fusion, le jazz-rock. J’ai moi-même travaillé plus tard avec Vangelis, qui est un artiste orienté vers le classique, et cela m’a beaucoup apporté. Il faut être un peu caméléon, s’adapter aux évolutions de la musique, comme des arbres sous le vent, qui plient sans rompre. Ce que j’essaie d’écrire aujourd’hui n’est pas très éloigné des premiers disques de Yes - je suis seulement plus mûr, je me bonifie. Et je crois toujours à la musique.

Bigot/Perry

1989.11 - Musicien n° 13 : Entretien Jon Anderson «Yes or Yes» & publicité «ABWH»

YES OR YES

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Décidément, Los Angeles fait toujours rêver. Hollywood a beau ne plus finir de rendre l’âme, le mythe est toujours vivant. Increvable. Des quatre coins de la planète, ils sont nombreux à avoir tout quitté pour tenter l’aventure hollywoodienne. Jean-Claude Van Damme par exemple. Lui, il a réussi, il habite un palace sur Sunset Boulevard. Seulement voilà, pour un Van Damme, ils sont des milliers à s’être cassé les dents. L.A. est énome, immense et impitoyable. Se planter à L.A. est plus dur à encaisser que dans n’importe quelle autre ville du monde. Les plus chanceux se retrouvent au Mac Do ou survivent grâce au porno (industrie très florissante dans le coin). Pour les autres, c’est l’enfer. Crack et prostitution avec bien souvent la mort sinon la déchéance au bout du chemin. Faut s’accrocher !

Cela dit, j’aime profondément cette ville. La dernière fois que je l’ai quittée, c’était en 81. Depuis, rien n’a changé mais tout s’est amplifié. C’est la démesure banalisée, la folie normalisée. Et ce, à tous les échelons de la société. Les plus riches (Beverly Hills) et les plus pauvres (Downtown L.A.) sont séparés par quelques kilomètres à peine. Le contraste est effrayant. Il suffit d’aller jeter un coup d’oeil à Downtown. Rien à envier aux bidonvilles de Calcutta ou du Caire. En remontant Sunset Blvd en voiture vers le Pacifique, après une dizaine de minutes, c’est Beverly Hills. La richesse qui s’y étale est insolente, écœurrante. C’est fou ! Comme le fait de fermer tous les établissements à deux heures du mat. Du coup, ils ont inventé le cocooning. Le retour aux valeurs traditionnelles de la société américaine : la famille, la maison,... Le home sweet home quoi ! Voire. Avant, on faisait «la fête dehors», maintenant, on la fait dedans. Résultat, on ne peut plus rien contrôler. Tout se passe à huis-clos. Mais ça emmerde moins la police, parano

et complètement dépassée. Tout dissimuler et laisser

faire ne résoud rien, évidemment.

M a i s

rassurez-vous, à L.A. il y a aussi le soleil. Et puis, si vous êtes dans le coin, allez donc jeter un coup d’œil au bar de Mickey Rourke. Avec un peu de chance, il sera là et vous servira le plus simplement du monde C’est pas beau ça ?

$$$$$ !!!

Chaque jour, une moyenne de 70 à 80 concerts se déroulent à L.A. Beaucoup de monde mais aussi un beau paquet de dollars. J’étais là pour rencontrer Anderson, Bruford, Wakeman et Howe. Il ne faut pas se leurrer, c’est bien Yes qui était présent. Même s’ils ne s’appellent plus comme cela. Même s’ils ont perdu le procès qui les opposait à l’ancien bassiste Chris Squire, co-fondateur du groupe et apparemment propriétaire légal du nom. Bill Bruford et Chris Squire se haÏssent copieusement. Hormis cet élément, personne ne me fournira une explication cohérente quant à la séparation du groupe. Après tout, qu’est-ce que ça peut faire puisque j’ai eu droit à

un des plus beaux concerts qu’il m’ait été donné de voir et

entendre.

Tous les quatres font montre d’une rare lucidité. Vis-à-vis des autres et vis-

à-vis d’eux-mêmes. Et puis, quel bonheur de rencontrer des gens qui, pour une fois, pensent la même chose que votre serviteur. Vingt minutes d’interview avec Bill Bruford étaient prévues, j’en ai passé près de 50. J’ai ensuite rencontré Rick Wakeman durant une heure pendant que l’attachée de presse de BMG Belgique buvait le thé avec Jon Anderson dans sa loge transformée en tipi. Il est dans un trip indien en ce moment... Juste pour vous dire que comme tous les grands artistes, ils sont d’une simplicité et d’une gentillesse désarmantes. Des vrais de vrais. En pleine tournée US (sold out) et malgré quelques ennuis de santé pour Tony Levin (habituellement bassiste de Peter Gabriel), ils respirent tous un apparent bonheur béat et une solide envie de jouer. Tony Levin atteint d’hépatite à Boston sera retapé sous peu et présent le 2 novembre à Forest National.

Tranchons dans le vif. À ceux qui les accusent de vil mercantillisme et de visées financières only, ils répondent avec un sourire pas forcé qu’ils n’en ont rien à cirer. Rick Wakeman : «Je suis riche depuis longtemps. Steve Howe aussi est très riche ; en plus de Yes, il s’est payé le luxe de cartonner avec Asia et GTR. Bill est peut-être le moins fortuné, mais il paye son loyer sans problème. Quant à Jon, il est couvert de dollars depuis Yes, Jon & Vangelis et quelques albums solo qui ont très bien marché. Jon a composé ou co-composé la quasi totalité des titres du groupe depuis vingt ans. Il en est l’âme et il a été bien payé en retour. Alors, nous accuser de remonter sur scène pour l’argent est stupide. C’est un non-sens. Croyez-vous un instant que les Stones ou McCartney tournent pour gagner de l’argent ? Leur fortune est colossale. Ils ne parviennent même plus à en dépenser les intérêts. L’argent, ils s’en tapent, et nous aussi. Si nous sommes sur scène, c’est que nous ne savons rien faire d’autre. Et nous devons cela à nous-mêmes et à nos fans».

1989.11 - Rock This Town n° 73 : Reportage «Two pages of Yes music»

And more, puisque Marc Ysaïe, Monsieur Système 21, de retour de Los Angeles, où il a intercepté le tourné US de Anderson Bruford Wakeman & Howe (bouh, que c’est compliqué juste pour dire oui) en profite pour remettre certaines pendules à l’heure : des seventies ou du rêve californien par exemple.

TWO PAGES OF MUSIC

«Se foutra-t-onde Peter Gabriel

ou de Stings’ils sortent encore

des albums à 65 ans ?»

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Seventies

Personnellement, je serais plutôt enclin à le croire. Il ne faudrait pas perdre de vue que Yes fut dans les seventies aussi, sinon plus populaire que U2 actuellement, par exemple. Les seventies... Le mot est lâché. La clé des dix prochaines années tient sans doute là-dedans. Les seventies sont en passe de devenir aussi magiques que ne le furent les sixties pour toute une génération.

À l’aube des années 90, la situation est claire. On assiste lentement mais sûrement à la reformation systématique des monstres des 70’s. Deep Purple, Jethro Tull, Ten Years After, Grateful Dead, Poco, Aerosmith, Yes, Who, Pink Floyd, Lynyrd Skynyrd et autres Molly Hatchett. Sans compter les époustouflants come-backs de ceux qui n’ont jamais réellement disparu. Lou Reed, Alice Cooper, Queen, Neil Young et les Stones pour n’en citer que quelqu’uns. Seul manque à l’appel pour l’instant Led Zeppelin qui passe à la radio 500 fois par jour en moyenne. Le carton d’«Hotel California» ressorti tel quel l’été dernier après son premier succès il y a treize ans ne trompe pas. Le pouvoir aux anciens ? Triste, dramatique, affligeant ? Je ne le pense pas. C’est comme ça, on peut difficilement lutter contre l’Histoire. Au risque de passer pour un réac, un néo Baba ou un passéiste, il faut se rendre à l’évidence. Les derniers grands groupes comme U2, Simple Minds, INXS ou Eurythmics ont tous 10 ans d’âge. La relève ? Apparemment absente. Bien sûr il y a Jesus and Marychain ou Tanita Tikaram, mais ils resteront en seconde division. Et ce ne sont pas les infâmes Pogues (le groupe le plus surestimé du monde) ou les Sugarcubes qui arrangeront les choses.

Je sais, il y a Guns’n’Roses, génial, mais ils doivent tout au Zep et à Aerosmith. La boucle est bouclée, c’est inéluctable. Le Rock va gentiment vieillir avec ceux qui l’ont fait et son public. Comme le Blues ou le Jazz. Le «no future» de 77 s’appliquait à la société, son véhicule était le rock. Aujourd’hui le «no future» ne s’applique plus à la société et le rock ne revendique plus, ou presque plus. Il ne véhicule plus grand chose. Qu’importe, la tradition se perpétue. Times are changing et après tout, tant mieux si je me trompe.

L’idée même du vieillissement a toujours fait frémir. Les critiques ont souvent

tendance à se faire les rock-stars une fois le trentaine atteinte. Rick Wakeman : «Je suis probablement le musicien dont la presse s’est le plus payé la tête en 15 ans. Cela ne m’a pas empêché de vendre mes disques». Une attitude d’autant plus déplorable que personne ne s’est jamais foutu d’Armstrong ou de Fats Domino parce qu’ils étaient encore sur scène à plus de 60 ans. Pas plus qu’on ne s’est attardé sur le fait que Beethoven, Bach ou Wagner écrivaient toujours au crépuscule de leur vie. Se foutra-t-on de Peter Gabriel ou de Sting s’ils sortent encore des albums à 65 ans ? Or, c’est ce qui risque d’arriver...

ABW&HAnderson Bruford Wakeman & Howe

ont enregistré un très bon album, la production est impeccable et c’est un évident retour aux sources. Rien n’a été laissé au hasard. Ils ont même été repêcher Roger Dean qui offrit à Yes voici 20 ans ses plus belles pochettes et son logo. Il dessina également de très belles choses pour Uriah Heep et Nazareth. Mais c’est sur scène qu’ils remettent définitivement les pendules à l’heures.Le concert qu’ils donnèrent voici un mois à Santa Barbara (150 kilomètres de L.A., la banlieue quoi !) fut éblouissant. Près de trois heures de bonheur total. Jon Anderson apparaît le premier, tout seul.

Il sourit. Pendant cing minutes, il chante seul Owner Of A Lonely Heart a capella. C’est grandiose, il maîtrise tellement bien sa voix que c’est à peine réel. Ce gars est transporté, ça touche au mysticisme. Ensuite, il cède la place à Steve Howe qui revisite avec un plaisir non dissimulé tous les classiques acoustiques du groupe dont Mood For A Day et Clap. Puis, Howe se retire et c’est au tour de Rick Wakeman qui l’assistance par la virtuosité d’un jeu à couper le souffle. Il est enfin rejoint par Bill Bruford puis par Howe et Anderson. Ils sont quatre plus trois musiciens d’appoint dont un guitariste-choriste hors norme. Cette fois, c’est parti ! Et ça fait très mal. Tous les classiques du groupe y passeront : Siberian Khatru, Roundabout, Long Distance Runaround, Soon Oh Soon, And You And I, Close To The Edge (en entier), Heart Of The Sunrise, etc. Le tout ponctué par des extraits du dernier LP (Brother Of Mine et Order Of The Universe, entre autres). Pas un des morceaux que tout le monde attend ne manque. Ce n’est pas pour rien que les concerts de la tournée mondiale s’intitulent «An evening of Yes music». Jon Anderson dirige la manœuvre avec une précision diabolique, il ne lâche pas la scène une seconde. Il est le moteur, même si cela n’a pas toujours été le cas lors de ses 20 années passées avec le groupe. Il est impérial.

Reste à savoir si le concert du 2 novembre à Forest sera à la hauteur de celui de L.A. À première vue, il n’y a pas de raison d’en douter. Si vous aimez ou avez aimé Yes, vous ne serez pas déçus. Si Yes ne vous dit rien, c’est dommage, mais soyez là quand même. Pour deux raisons. D’abord, vous aurez l’occasion de voir sur scène des virtuoses, ce qui se fait rare de nos jours. Ensuite, ces bonshommes, conscients ou non et peut-être malgré eux, ont écrit une large part de l’histoire musicale contemporaine. «An evening of Yes Music» ? Le 2 novembre avec Radio 21.

Ces bonhommes ont écrit une large part de l’histoire musicale contemporaine

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Comment s’est produit cette reformation ?

D’une façon assez imprévue. Aux USA, Yes était sous contrat avec Atlantic pour cinq albums et deux albums solo de Jon qui n’était pas du tout satisfait des termes du contrat. Après l’enregistrement de «90125» et de «Big Generator», il quitta Atlantic et partit pour la Grèce afin de travailler avec Vangelis. C’est sur l’île d’Hydra qu’il eut l’inspiration des chansons de l’album. Jusque là, Jon était

frustré par le manque de liberté que lui laissait Atlantic et la frustration est une motivation puissante. Il avait donc des chansons solides, bien inspirées, et après pas mal d’hésitation, il décida que nous étions ceux qui comprendraient le mieux sa musique. Il appela d’abord plusieurs maisons de disques qui se montrèrent toutes intéressées. Le projet était viable. Le moment était venu de nous contacter. Je n’avais pas travaillé avec Jon depuis 1980 mais j’ai accepté de faire un

essai pour voir si, musicalement, nous avions toujours des atomes crochus. Il ne m’a fallu que dix minutes pour que je sois convaincu. Son enthousiasme, ses frustrations et sa motivation ne faisaient qu’un et cela m’a touché. Je lui ai dit qu’il pouvait compter sur moi à fond. Bill Bruford et Steve Howe ayant fait de même, nous avons commencé le travail préliminaire des maquettes.

Quel studio avez-vous choisi ?

Nous nous sommes réunis pendant sept semaine dans les Studios de La Frette, à Sartrouville. Nous enregistrions à des moments différents, afin que chacun puisse donner le meilleur de lui-même, sans problème. Tout dépendait du résultat final. Nous savions déjà que les négociations pour la tournée aux USA marchaient très bien et il est dommage que nous l’avons su si vite parce que cela nous a obligé à travailler avec la pression. Avant cela, dans le pire des cas, nous aurions pu prétendre que notre reformation n’était qu’une rumeur. Heureusement, tout s’est bien passé, surtout parce que nous travaillions sur de bonnes compositions.

Pourquoi avoir choisi la France et les Studios de La Frette ?

J’ai vécu un an en France. Jon y a habité trois ans. Les Studios de La Frette sont proches de Paris, bien équipés techniquement et isolés, ce qui était indispensables à notre travail. En fait, nous n’y étions que pour faire des maquettes, mais finalement nous avons utilisé presque la moitié de ces bandes pour le disque parce que la qualité était excellente. Nous avons terminé le disque à Monserrat.

Il y a un Fairlight et un Synclavier aux Studios de La Frette. Les as-tu

utilisés ?

Non, mais j’ai utilisé tellement de matériel que c’en est comique. Je voulais garder le choix des options, avoir un maximum de pistes avant le mix définitif. C’est Gaffarel qui nous a fourni en matériel neuf, directement de Paris. Je n’ai utilisé aucun des instruments du studio. Rien que du neuf !

Quel est le concept musical de ce Yes déguisé ?

Clive Davis, le directeur d’Arista nous a laissé le contrôle artistique total de notre musique. Nous étions libre de faire ce que nous voulions. Et nous avons tenu à briser toutes les règles médiatiques et commerciales du style : le single doit obligatoirement faire moins de trois minutes. Pourquoi ? Ce genre d’obligations amoindrit le niveau musical des groupes. Si tu fais une liste des grands guitaristes, bassistes, chanteurs et autres instrumentiste des seventies, tu trouveras au moins une trentaine de noms pour chaque liste. Si tu fais la même chose pour les années 80, tu auras de la chance si tu obtiens plus de dix noms par liste. Et c’est parce que les contraintes médiatiques et les impératifs commerciaux ne laissent pas aux

1989.11 - Keyboards Magazine n° 27 : Entretien Rick Wakeman «Yes pour ABWH !»

Sous le nom de Anderson, Bruford, Wakeman & Howe, c’est bel et bien Yes qui s’est reformé, même si Ahmet Ertegun et Atlantic retiennent encore les droits d’utilisation de leur nom. Leur nouvel album est objectivement une réussite, stylistiquement à l’opposé du techno-Yes des années 80. Ce retour sous les feux des projecteurs du rock progressif n’est qu’un prélude à une tournée mondiale qui s’annonce déjà comme un succès. Rick Wakeman nous en parle, ainsi que de son concept des prochaines et imminentes années 90.

Alvin Jackson

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musiciens de cette décade le temps de jouer, de s’exprimer et d’explorer leur instrument ! Nous avons brisé cette oppression et notre musique passe à la radio malgré tout. Je vois cela comme une porte. Je vois cela comme une porte ouverte sur la création.

Comment vois-tu les années 90 et le futur ?

Les années 80 ont été la décade de l’avance technologique qui nous a offert des sonorités que l’oreille humaine entendait pour la première fois. C’est comme si l’on avait mis à la disposition des peintres une palette de nouvelles couleurs. C’est impressionnant, énorme et la musique en a été changée. Mais en cette fin de décade, les sons n’impressionnent plus personne par leur seule nouveauté. Il est courant d’entendre des violons, des pianos samplés, au point que personne n’y prête plus attention. Nos oreilles se sont habituées, le public est blasé. C’est pour cela que les années 90 seront celles des musiciens qui pourront se servir de ces techniques pour s’exprimer avec feeling, pour faire vivre la musique. Il y a une génération entière qui n’attend que cela : la créativité. Il est temps de commencer parce qu’en l’an 2000, avec le recul, je suis sûr que l’on s’apercevra que les années 80 ont été les plus faibles du point de vue de la création musicale. Et je parle de qualité, pas de quantité !

Quel matériel as-tu utilisé ?

C’est Matt Clifford qui s’occupait de programmer mes machines pour moi. Il préparait tout, les sections de cordes au synthé, les sons séquencés, de façon à ce que je n’aies plus qu’à m’asseoir devant les claviers et jouer créativement. J’ai utilisé uniquement du matériel que tout le monde peut se procurer en magasin. Pas de Synclavier ni de Fairlight. J’ai utilisé le D50 avec le rack D550, l’Oberheim 1000, le Roland U 110 multisons, le Roland 330, un Mini Moog MIDIfié, des échantillons de piano Korg et Yamaha et un Roland 880. Sur scène, j’emmènerai le Roland 880 et trois autres claviers maîtres avec un rack pour chacun. J’aurai aussi un Kawai K1R et un Yamaha TX 202 qui est en fait un DX7 monté en rack, le Korg DSM 1, un sampleur Akaï S 1000. J’aurai aussi un Cheetah MS6 qui est un module synthétiseur analogue monté en rack. J’aimerais avoir un EMU Proteus et un Emax Plus mais ils sont difficilement trouvables pour l’instant. Tout comme le VFX Ensoniq, j’ai téléphoné à Ensoniq et il n’y en a aucun disponible actuellement. Mais ce que j’aurai sur scène et qui m’est indispensable, c’est un

Korg DW 8000 analogue, parce que le son de l’analogue en digital est différent, plus chaud, ce qui se fait de mieux, en fait.

Comment fais-tu tes sons ?

Je les choisis parmi ce que me présente Matt Clifford, parfois j’en fais moi-même. Ensuite, nous les enregistrons sur un D.A.T. et nous les échantillonnons sur l’Akai.

Quel MIDI Patcher emploies-tu pour tel claviers maîtres ?

Mon équipe m’a construit un AAT avec quatre prises MIDI. J’y branche mes quatre claviers maîtres sans problème.

Comment va se passer la tournée ?

Nous commençons par les USA et nous terminerons avec l’Europe en fin d’année ou l’année prochaine. Les répétitions auront lieu à Londres. Comme tu le sais avec le matériel que nous utilisons, il n’est pas question de se réunir dans un studio et de compter 1, 2, 3, 4... Il faut des semaines de programming préliminaire pour séquencer les accompagnements. C’est Matt Clifford qui s’en occupe pour moi avec mon équipe technique habitelle. Depuis trois semaines, mon ensemble de clavier est monté dans mon studio et nous travaillons dessus. Tous les jours ils arrivent de Londres avec des boîtes et des effets nouveaux qu’il faut essayer. Heureusement, j’habite l’Île de Man et il n’y a pas de problèmes de voisinage. Bill Bruford, de son côté, passe son temps à organiser ses programmes avec le SDX. Il travaille avec Milton McDonald qui est notre guitariste rythmique et un programmeur accompli. Cela fait, nous pourrons nous réunir dans un hangar et compter 1, 2, 3, 4.

Qui retient les droits sur le nom de Yes ?

Atlantic et Chris Squire pour l’instant, mais nous avons le droit d’utiliser notre ancien répertoire. En fait, nous pensons déjà à un deuxième album qui sortira peut-être sous le nom de Yes. Personnellement, je pense que notre succès - les concerts de la tournée US sont déjà sold out - tient au fait que nous avons su nous éloigner de la formule qui avait fait le renouveau de Yes. Ce nouvel album contient beaucoup plus que des chansons pop enregistrées pour gagner de l’argent. Il contient notre âme et un sentiment de révolte contre l’uniformité.

Quels morceaux allez-vous jouer ?

Jon veut faire une version acoustique de «Owner Of A Lonely Heart». Nous jouerons «Starship Trooper», «Close To The Edge», «Roundabout», et bien d’autres de cette période de Yes. Nous jouerons aussi les morceaux du nouvel album parce que ce sont des morceaux vivants, faits pour être joués souvent. Au niveau du light show, nous avons décidé d’utiliser quelque chose de différent, de plus théâtral. Nous ne voulons pas des éclairages classiques, rouge pour les morceaux rapides, bleu pour les ballades. Ce sera un spectacle inédit et en dehors des clichés professionnels. Notre but principal est de jouer la musique que nous aimons, de la

manière que nous voulonset de nous sentir bien sur scène.

Comment Tony Levin s’est-il retrouvé avec vous ?

C’était le choix logique pour la basse à cause de son association avec Bill, et chacun de nous connaissait sa manière de jouer, il est le meilleur actuellement. Il tournera avec nous, de même que Matt Clifford et Milton McDonald.

Cet album est un renouveau tout en sonnant comme un album classique de Yes...

C’est vrai, cela vient des chansons qui ont eu le temps dévoluer. «Brother Of Mine» est un classique instantané avec un son moderne. «Teakbois» est une incursion dans la musique africaine. «Themes», «Quartet» et «Order Of The Universe» sont des pièces composées de plusieurs thèmes différents auxquels nous avons tous contribué. Je pense que le résultat final est en harmonie avec la façon dont nous ressentons la vie en ce moment et c’est là qu’est le secret, je crois.

Quel conseil donnerais-tu auxkeyboardistes ?

Pour les débutants, la musique est avant tout un moyen de se faire plaisir, il faut rechercher ce plaisir et ne pas hésiter à s’y abandonner. Pour ceux qui veulent aller plus loin, je leur conseillerais de passer du temps à créer leurs propres sons. Oubliez les présets et expérementez un peu. Ensuite, choisissez ce qui colle à votre style, tel son est urbain, tel autre est romantique. À vous de choisir. Gardez-en 5 ou 6 et travaillez avec. C’est ainsi que vous deviendrez différents. Mon autre conseil pour les instrumentaliste est de s’atteler à la composition d’une pièce de musique de plus de cinq minutes, avec plusieurs thèmes. Réécoutez, recommencez et réarrangez. Quel que soit le résultat final, vous verrez que vous ferez assez vite des progrès étonnants. Même si vous préférez le format commercial de moins de trois minutes, il est toujours bon de savoir que vous êtes capable de faire plus et que vous avez les moyens de devenir professionnel.

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YES : «UNION» : Même si cette réunion est plus financière que sentimentale, elle a du moins le mérite d’être qualitativement supérieure au projet «Anderson Bruford Wakeman Howe», lesquels ont été rejoints pour «Union» par Trevor Rabin, Tony Kaye, Chris Squire et Alan White (bref, toute la famille Yes, à l’exception de Patrick Moraz et Peter Banks). Une certaine osmose en résulte, réveillant la fibre sentimentale du fan période «Tormato». Yes aurait pu toutefois développer plus longuement un thème au lieu d’en présenter autant (15 sur CD). On peut toujours rêver d’un nouveau «Fragile». (Arista - BMG Ariola)

1991.06 - La Libre Belgique : Reportage «D’excellents musiciens...»

D’excellents musicienspour un bon concert ? Yes

Si le groupe Yes existe depuis plus de vingt ans, c’est aussi parce que le public en redemande. À Francfort, première date européenne de la tournée «Union», Yes a attiré quelque 10 000 personnes dans la superbe «Festhalle». Aux fans de la première vague - dont certains n’avaient pas hésité à emmener leur progéniture - se mêlaient des adolescents,

preuve que Yes franchit allègrement le fossé entre les générations.

SCÈNE BIEN REMPLIE. Au moment où elle s’éclaire, la scène montre qu’elle est au moins aussi remplie que la salle : ils sont bien là tous les huit, Alan White, Rick Wakeman, Bill Bruford, Steve Howe, Tony Kaye, Trevor Rabin, Chris Squire et le chanteur Jon Anderson, tout de blanc vêtu. Après une brève intro, les choses sérieuses commencent avec «Yours is no disgrace» puis «Rhythm of love», pendant lequel on comprend comment Steve Howe a réussi à conserver une ligne d’ascète : il ne cesse de sautiller comme un diable. Avant d’entamer le premier morceau tiré de l’album «Union», «Shock to the System», Jon Anderson salue le public tandis que Chris Squire, armé de sa guitare, de ses reebocks et d’une cape d’arlequin quelque peu ringarde, se balade d’un musicien à l’autre. Le public, et surtout les vieux de la vieille installés ou plutôt coincés dans les premiers rangs, est visiblement nostalgique. Son enthousiasme se déchaîne lorsqu’arrive «Heart of the Sunrise» - une chanson du bon vieux temps comme l’introduit Jon Anderson - d’autant que le groupe en profite pour faire quelques allusions à la récente unification de l’Allemagne (grâce à une voix féminine enregistrée, l’allemand de Jon Anderson se limitant à «bitte schön» et «danke schön»), la mettant en parallèle avec la réunion des deux groupes qui forment aujourd’hui Yes.

LE MOMENT SOLO. Le meilleur moment, c’est le moment solo, dit la pub. Yes y croit visiblement puisqu’au cours du concert,

on aura successivement droit aux prouesses individuelles de Steve Howe, Trevor Rabin, Chris Squire et Rick Wakeman. Ce qui n’est pas un désavantage, les quatre musiciens étant d’une virtuosité incroyable.Huit sur scène, c’est parfois un peu beaucoup : certains membres du groupe s’éclipsent donc lorsque sont joués des morceaux qui n’appartiennent pas à leurs souvenirs personnels. Ainsi, pour le hit «Owner of a Lonely Heart» Steve Howe et Bill Bruford ont discrètement et momentanément disparu. L’entracte (une habitude américaine, paraît-il) permet de souffler un peu dans ce concert d’environ 3 heures où certains morceaux durent plus d’un quart d’heure. «I’ve Seen all Good People» donne à Jon Anderson l’occasion de faire chanter la salle et à Steve Howe celle de sortir sa troisième guitare de la soirée. On aura ainsi droit à un petit échantillon de sa collection personnelle qui en compte cent cinquante. «Long distance», écrite par Jon Anderson il y a 20 ans, fera encore plaisir aux passéistes ; d’ailleurs, il n’y aura qu’un deuxième morceau issu du nouvel album «Union» : «Lift me up». Visiblement, le public comme le groupe sont venus pour le bon vieux temps. Et il est bon, parce que les membres de Yes sont d’excellents musiciens qui savent comment se donner en spectacle, sans gadgets ni fioritures. À Francfort, les huit se sont tombés dans les bras au terme d’une performance généreusement applaudie. En sera-t-il de même à Bruxelles ?

Yes, en concert, le 22 juin à Forest-National. CD «Union», distribué par BMG International - Arista

1991.06 - Télémoustique : Critique «Union»

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Il y avait quelque chose de pourri dans l’histoire de Yes. Entendez par là que le groupe créé en 68 à Birmingham par Jon Anderson (chant), Chris Squire (basse), Peter Banks (guitare), Bill Bruford (batterie) et Tony Kaye (clavier) et maintes fois remanié - pas moins de huit moutures différentes, on vous épargne les détails des sautes d’humeur de ces messieurs qui quittent le groupe souvent pour mieux y revenir - était coupé en deux depuis 88. D’un coté Trevor Rabin, Chris Squire, Alan White et Tony Kaye, possesseurs de l’appelation contrôlée Yes étaient bien en peine de trouver une voix au moins aussi extraordinaire que celle de Jon Anderson, qui les avait quittés après «Big Generator» (1987). De l’autre côté, Jon Anderson, Bill Bruford, Rick Wakeman et Steve Howe s’étaient dénommés «ABWH» (soit les initiales de leurs noms, bravo l’imagination) mais bâtissaient évidemment une partie de leur succès sur leur passé au sein de Yes. Un procès était même en cours entre les deux parties, les premiers reprochant aux seconds l’exploitation de leur nom.VENT DE RÉCONCILIATION. Mais les années 90 ont soufflé un vent de réconciliation : après tout, quelle meilleure solution pouvait-on trouver

que celle de se regrouper tous ensemble (plus on est de fous, plus on s’amuse), ce qui a l’avantage de régler à la fois le problème du chanteur et de l’appelation du groupe. Les thèses diffèrent sur l’origine de cette réunion : pour certains, l’idée vient des membres du groupe, pour d’autres, qui disent ne plus croire au Père Noël, elle viendrait plutôt du management. Quoi qu’il en soit, Yes est de retour, avec une neuvième mouture qui est plutôt nombreuse, puisqu’elle inclut Alan White (batterie), Chris Squire (basse et chant), Tony Kaye (clavier), Trevor

Rabin (guitare, chant et clavier), Jon Anderson (chant), Rick Wakeman (clavier), Bill Bruford (batterie) et Steve Howe (guitare). Leur nouvel album, «Union» (en fait, la mise en commun des albums que ABWH et Yes étaient en train d’enregistrer) est sorti chez BMG Ariola et leur tour en quatre-vingts dates passe par Forest-Nationnal le 22 juin prochain.Au sein de Yes, Rick Wakeman (clavier) est sans doute parmi les plus instables puisqu’il a successivement joint le groupe en 71, quitté en 74, rejoint en 76, requitté en 80

1991.06 - La Libre Belgique : Entretien Rick Wakeman «Yes ou l’esprit de famille»

Yes ou l’esprit de famillePour la énième fois reconstituée, la «famille» cette fois au complet sort un album. Sa tournée européenne passe par Bruxelles avec un concert, le 22 juin, à Forest.

(De notre envoyée spéciale à Francfort)

Ils sont venus, ils sont à nouveau tous là...

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pour rejoindre ABWH en 88 puis Yes réuni en 91. Nous l’avons interrogé sur différents aspects de ce comeback de Yes neuvième version.

- La nouvelle mouture de Yes ne compte pas moins de huit personnes. Mettre ces huit egos ensemble n’a pas posé trop de problèmes ?- Non. Mais on n’aurait sans doute pas pu se permettre un groupe aussi nombreux il y a dix ans. Maintenant nous sommes plus mûrs et nous avons prouvé notre valeur - tant au sein du groupe qu’individuellement : certains d’entre nous ont mené à bien des projets solo - donc on ne se sent plus obligé de se mettre en avant, quitte à écraser les autres. En fait, les seuls problèmes d’egos sont venus des managers et des firmes de disques (rires)...

- Que pensez-vous de l’album qui consacre votre «Union» et de la manière dont il a été fait ?

- Je ne l’aime pas du tout. En fait, la première fois que je l’ai entendu tout à fait fini, je roulais sur une autoroute aux États-Unis. Avant même d’avoir entendu la totalité de l’album, j’avais jeté la cassette par la fenêtre.Quelque part, sur le bord d’une autoroute de la côte est des E.-U., se trouve donc une cassette «Union» en morceaux (rires)... La finition et la production ne me plaisent pas. Cela dit, j’accepte cet album et je crois qu’on a eu raison de la faire. ABWH était au milieu d’un album et Yes était aussi occupé à enregistrer. On a

mis le tout ensemble très vite afin de pouvoir commencer une tournée. La solution idéale aurait été de se réunir, d’écouter ce qui avait été fait puis de tout reprendre à zéro ensemble. Mais un véritable album «Union» aurait pris six mois de plus et donc retardé considérablement la tournée. Et puis la musique est quelque chose d’immédiat, c’est un sentiment. Et cet album symbolise le fait que l’on est à nouveau tous ensemble. Il ne contient pas de chefs-d’œuvre, mais quelques bons morceaux, comme «Lift me Up» par exemple. Et j’ai le sentiment que comme le «Drama» album a mené à «90125», cet album «Union» préfigure un album extraordinaire.

- Vous comptez donc faire un autre album ensemble. Cette nouvelle carrière de Yes ne nuit-elle pas à vos projets solo à vous ?- On va certainement faire un album ensemble, et cette fois sans producteur extérieur, uniquement avec des gens qui font partie de Yes. Cet album comportera un «classique» des années 90, j’en suis sûr. Mais cela ne m’empêche pas de continuer parallèlement une carrière solo : je viens de terminer mon 32e album et j’ai l’intention d’en faire d’autres. Évidemment, au moins pour les deux ou trois années à venir, il me faudra adapter ma carrière individuelle à celle de Yes. J’ai besoin d’une carrière solo, pas pour des raisons financières mais parce que je ne peux pas faire tout ce dont j’ai envie en sein de Yes. J’écris de la musique religieuse,

de la musique d’opéra, des bandes sons pour le cinéma et la télé,... tout ça je ne peux le faire avec le groupe. Et il y a aussi des projets que j’ai envie de réaliser avec d’autres membres de Yes : j’ai terriblement envie de faire un album avec Jon, qui a une voix formidable et un autre avec Trevor, qui est techniquement très doué. Aucun de ces deux projets n’est impossible -j’en ai déjà parlé à Jon et à Trevor- la seule question c’est de savoir quand est-ce qu’ils se feront.

- Le cas de Yes, né il y a plus de 20 ans et toujours vivant, est exceptionnel dans l’histoire mouvante du rock...- C’est tout à fait vrai. Je ne sais pas ce qui nous maintient ensemble. C’est un sentiment bizarre car même dans les moments où je ne faisais plus partie du groupe, je me sentais encore membre de Yes. D’ailleurs, dans le milieu, on est connu comme le groupe «mafia» parce qu’on est un peu comme une famille très unie. On pourrait presque dire que quand on y est, c’est pour la vie. Très peu de gens venant de l’extérieur travaillent avec Yes seulement pour une courte période, même pour le management ou les roadies. D’une certaine façon, je pense que Yes sera encore là dans une trentaine d’année, avec d’autres musiciens bien sûr. Nous sommes une sorte d’orchestre du rock’n roll : il y aura toujours un «London Symphony Orchestra», peu importe qui forme le groupe, du moment que la musique est bonne.

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Clé de voûte du système Yes, considéré comme l’un des techniciens les plus émérites de sa génération, Steve Howe balaie l’argument d’un revers de manche fougueux. Artiste au sens premier du terme, la technique l’ennuie profondément. Seules trouvent grâce à ses yeux les notions d’inspiration et de spontanéité.

Ne vous avisez pas de vous fourvoyer lors d’une conversation avec ce maniaque de la douze-cordes dans des sentiers extra-musicaux. Rien en saurait en effet l’irriter davantage. Le pourquoi du comment de l’assemblée des cadres de l’entreprise Yes, tous directoires confondus ? Sans importance ! Les luttes intestines qui ont alimenté les discussions de ces dernière années ? Tout juste bon à satisfaire les dérives chroniques de dénigrement gratuit de vulgaires gratte-papier ! Le sieur Howe ne vit que pour la musique et ne voit que par elle. Le terrain ainsi défriché et balisé, la conversation peut s’engager sous de meilleurs auspices.- Doit-on voir en «Union» une véritable étape pour Yes ou juste la suite logique d’une aventure qui se perpétue depuis plus de vingt ans ?- C’est inattendu, surprenant de nous retrouver tous ensemble sur un album. Je ne parlerais pas non plus de logique. L’idée première ne concernait qu’une simple tournée et, de fil en aiguille, elle prend la forme d’un album. Rien n’a donc été planifié. «Union» tient plus de l’inhabituel, de l’étrange et de la fragilité. Deux équipes ont travaillé en parallèle sur cet album, Bill Bruford, Rick Wakeman et moi d’un côté (avec l’aide de Tony Levin), Chris Squire, Alan White, Tony Kaye et Trevor Rabin de l’autre. Seul Jon Anderson a participé aux deux phases du projet.- Une description du matériel, pour la route !?- Tu me laisses une demi-heure ? En règle générale, j’utilise une bonne douzaine de guitares : une Fender Steel, une Showburn Pedal Steel, une mandoline Gibson, une Gibson 175 T, une Telecaster, une Stratocaster, des Steinberger 6 et 12-cordes, une acoustique Martin 018, une 12-cordes acoustique Martin, une Gibson Chet Atkins et une 12-cordes portugaise. J’ai autrement à ma disposition deux Fender Twin Reverb et un rack d’effets contrôlé par un pédalier confectionné par Pete Holmes de chez Quark qui, malheureusement, n’existe plus. Pete Holmes a travaillé avec Peter Gabriel dans son home-studio de Bath. Le pédalier de contrôle se compose de vingt-quatre switches, trois niveaux de volume et une wah wah. Les switches sont reliés à des unités comme le Rockman, le Korg A3 ou le Roland GP8. Je possède également toute une série de délais Roland. En ce qui

concerne les cordes, j’ai choisi des Gibson pour toutes les guitares électriques avec, pour la Gibson 175, des tirants de .012, .016, .026, .040 et .050 et pour la Telecaster des tirants de .010, .012, .017, .028, .040 et .050. Pour les acoustiques, ma préférence va à des cordes Martin Linkage ou Brown.- Quels seraient les ingrédients qui définiraient au mieux le son Steve Howe ?- Steve Howe, basiquement ! Sinon mes doigts, ma sensibilité, mon approche musicale et la guitare que j’utilise ! La Gibson 175 est définitivement ma guitare préférée pour sa coloration électrique hors du commun, même si, au bout du compte, je ne pense pas que le son en général soit inflexible. Quand je

joue sur Telecaster, la différence n’est pas si énorme. Mon son ne se confine pas à un seul instrument. Il est une combinaison de tout ce que j’utilise, Gibson/Humbucker/délai. Même lorsque je passe sur acoustique, on sait rapidement que c’est Steve Howe qui joue et non pas un quelconque imitateur comme cet anglais venu en France et qui se fasait passer pour moi, ce que j’ai ressenti comme une profonde insulte. J’espère qu’il croupit maintenant en prison et qu’il y croupira longtemps.- Combien d’heures consacres-tu à la pratique par jour ?- Je ne m’exerce jamais. C’est bien trop fastidieux et ennuyeux. Je joue, je compose, mais je ne suis pas ce que l’on appelle un guitariste studieux. Je préfère laisser la

place à la spontanéité, à la fraîcheur de l’improvisation. Donc jamais de pratique, ou tout au plus cinq minutes, histoire de me dégourdir les doigts par des gammes en mineur ou en majeur. C’est une telle perte de temps ! Je préfère m’exercer en jouant ce que j’écris et reprendre seul, par exemple, Mood For A Day. La technique pure n’a finalement qu’un intérêt limité et, en aucun cas, je n’y consacrerais une partie de mes préoccupations.- Yes repart en tournée. À quoi pouvons-nous nous attendre ?- C’est encore un peu tôt pour le dire. Nous n’en sommes qu’au tout début des répétitions. La seule certitude concerne la scène tournante

qui sera du voyage.- Après toutes ces années sur les routes, où puise-t-on encore l’énergie et la motivation ?- Elles sont la résultante d’un très grand self-control, d’une grande patience, d’une sérieuse détermination, sinon tu t’écroules au bout de quelques semaines. Elles trouvent également leur source dans la complicité qui règne entre nous. Mais, en fait, le contexte se présente à chaque fois différent et c’est toujours un plongeon dans l’inconnu.- Es-tu parfois étonné de constater combien le public est resté fidèle à Yes au long des années ?- Oui, naturellement et nous ne pouvons qu’admirer nos fans pour leur loyauté mais aussi pour leur bon sens. Ils ne nous sont pas bêtement dévoués, prêts à ingurgiter tout ce que nous faisons, sous le simple prétexte que ceci ou cela est signé Yes. Cela dit, il me semble assez délicat de parler du public et de porter un jugement sur lui. Nous sommes à son service et nous ne sommes pas habilités à les juger. Nous leur sommes juste reconnaissants d’apprécier notre travail.- Que répondrais-tu à ceux qui disent que Yes n’a pas évolué d’un pouce depuis bien longtemps ?

- Je n’y prête plus vraiment attention. Nous avons été considérés tout à la fois comme des génies puis comme d’horribles dinosaures, particulièrement en Europe où j’ai lu que Yes était désormais un fléau ! Aux États-Unis, l’enthousiasme est toujours intact à la différence de l’Europe. C’est d’ailleurs une chance sans pareille car il y a fort à parier que, sans l’Amérique, Yes n’aurait pas continué. L’autre différence saisissante est qu’ici les médias se focalisent uniquement sur des considérations musicales. Je ne comprends pas pourquoi des européens ont la fâcheuses habitude de nous parler d’argent et d’avocats. C’est pour moi particulièrement fatiguant à la longue.

(Propos recueillis par Xavier BONNET)

1991.06 - Guitarworld : Entretien Steve Howe «Clé de voûte du système Yes»

STEVEHOWE

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Encore un peu surpris de se retrouver à bord du vaisseau Yes, Trevor Rabin vit tous ces évènements avec philosophie. Une carrière parallèle d’artiste solo lui donnant pleine satisfaction et une collaboration apparemment fructueuse avec Roger Hodgson (ex-Supertramp) sont peut-être une explication rationnelle à un tel détachement apparent.

Fin 1988. C’est dans une obscure salle de tribunal où les loges des magistrats fleurent bon la naphtaline que l’on débat d’un potentiel avenir de Yes. Motif du litige : qui de Chris Squire ou de ses partenaires d’antan Anderson/Bruford/Wakeman/Howe est le plus à même de prétendre à la paternité de la marque déposée ? Mai 1991, l’heure est au Grand Pardon ! La famille est au complet pour le banquet des retrouvailles, intitulé pour l’occasion «Union». Finies les palabres et les mesquineries fratiricides, même si la disposition de la table en deux rangées distinctes, Bruford/Wakeman/Howe d’un coté, Squire/Kaye/White/Rabin de l’autre, et le patriarche conciliateur Jon Anderson au centre, pourraient laisser présager une fin de soirée orageuse. Mais au diable les sous-entendus manichéens, le méchoui est à point. À table ! Et qui donc est le plus prompt à s’approcher du buffet ? Ne serait-ce pas cet affamé de Trevor Rabin ?- Comment est née l’idée de cette grande réunion de famil-le ?- La situation est différente pour chacun d’entre nous. En ce qui me concerne, j’ai reçu un appel de Jon Anderson, il y a un peu plus d’un an, me proposant d’assurer quelques parties de guitare et d’écrire certains titres pour Anderson/Bruford/Wakeman/Howe. J’avais alors décliné l’offre pour incompatibilité d’emplois du temps. Mais l’idée était née, avant de prendre d’autres proportions dans l’esprit de promoteurs désireux, eux, de réunir tout le monde. Pour être tout à fait franc, l’initiative m’a tout d’abord parue des plus saugrenues, certes financièrement rentable mais créativement inintéressante. Puis, à force de longues discussions avec Jon Anderson quant aux éventuelles perspectives du projet, de par l’insistance de ce promoteur renforcée par celle de mon manager, j’ai finalement cédé ! J’avais déjà entamé ma collaboration avec Roger Hodgson. Je n’ai donc pu composer que trois titres pour Yes, que je réservais d’ailleurs au départ pour un album solo. Chris Squire a également composé un titre et nous avons regroupé les travaux de chacun. La première écoute fut littéralement saisissante. Il y avait une telle unité entre ces titres ! C’était comme si nous avions travaillé tous ensemble, alors que chacun s’était concentré

sur son travail respectif.- On te sait très proche de Tony Kaye et d’Alan White. Ont-ils été plus faciles à «convaincre» que toi ?- Nous en avons longuement parlé ensemble, comme tu l’imagines. Ils n’étaient pas plus chauds. Nous étions persuadés que ça ne pouvait pas marcher, après toutes ces histoires de batailles juridiques et les épreuves que nous avions alors traversées les uns et les autres. Puis, au bout du compte, nous avons pensé qu’il y avait là un bon moyen de mettre les discordes passées au placard et que le public comprenne que cette histoire tenait plus de la formalité administrative décidée entre avocats. Ces

rivalités, souvent exagérées par les médias, entre Steve et moi, Alan et Bill, Tony et Rick, voire entre Jon et moi, devaient rentrer dans le domaine du passé.- Comment réagis-tu, a posteriori, à cette bagarre juridique de 1988-1989 ?- J’ai toujours pensé qu’elle était une perte de temps, qu’elle n’avait aucun sens et ne résoudrait nullement les problèmes. Pourquoi certains d’entre nous ne pouvaient-ils soudainement plus exploiter le nom Yes alors qu’ils en étaient partie intégrante ? Cela dit, je comprends la réaction de Chris à cette époque. Il faisait partie du groupe depuis vingt ans et l’aventure arrêtait là, brutalement. D’un point de vue personnel, je préférais conserver l’image d’une collaboration heureuse à l’écriture des deux derniers albums, «90125» et «Big Generator». Je préfererai toujours

dépenser mon énergie devant une console de studio qu’à la barre d’un tribunal !- Comment considérer «Union» ? Comme un retour aux sources pour Yes ?- Difficile à dire. Je pense que c’est un projet intéressant, dans l’esprit de ce que je considère être la signature Yes, c’est-à-dire ce désir d’aller toujours de l’avant, de ne pas se cantonner dans l’acquis du passé. C’est d’ailleurs ce qui m’avait marqué lors de ma première rencontre avec Chris Squire et Alan White. D’où un plaisir évident à constater que rien n’avait changé à ce niveau.- Parlons un peu matériel...- Je joue sur une Halbery Signature, avec deux humbuckers basiques et quelques

options concernant les phasers, ainsi qu’un vibrato Kahler. J’aime le son chaud de cette guitare. En ce qui concerne les amplis, priorité à l’Ampeg 120 VT. En fait, ils sont deux, couplés en stéréo. J’ai aussi un Bradshaw Switching System. Les cordes sont des D’Addario avec des tirants qui s’échelonnent de la façon suivante : .008, .011, .014, .022, .030 et .038. Pour les effets, je fais confiance à Korg, avec un A3, une unité de distorsion et deux délais monos, eux aussi couplés en stéréo. Je possède également un Eventide 3000 et d’autres machines dont je ne me souviens même plus du nom !- Les progrès de matériel modifient-ils ton approche de la guitare et de la composi- tion ?- Je dirais qu’ils m’ont facilité la tâche. Le fait, par exemple, de posséder mon propre home-studio m’a fait gagner en temps et en possibilités nouvelles. Ce studio, concentré dans une seule pièce, me permet de me passer d’amplis si je le désire. Je me branche directement sur la console à laquelle je peux également relier un Korg A3 ou un Rockman. Tout devient donc largement simplifié.- Ton avis sur la «nouvelle vague» de techniciens de la guitare ? Leur démarche

t’intéresse-t-elle ou te semble-t-elle définitivement trop éloignée de tes propres conceptions musicales ?- J’aime leur façon de jouer et lorsque je m’exerce, je m’amuse à faire du tapping et autres petites spécialités techniques de ces messieurs ! Je suis d’ailleurs très ami avec celui que l’on peut considérer comme le précurseur, le pionnier de cette nouvelle génération, Eddie Van Halen. Nous adorons jammer ensemble car, l’un comme l’autre, se confronter à un style différent nous semble primordial. J’aime tout autant écouter Satriani, Vai ou Blues Saraceno que Wes Montgomery ou John McLaughlin. La seule restriction que j’émettrais à propos de ces nouveaux techniciens se situe au niveau du son et du cachet personnel

(Propos recueillis par Xavier BONNET)

1991.06 - Guitarworld : Entretien Trevor Rabin «À bord du vaisseau Yes»

TREVORRABIN

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«YESSONGS»de PETER NEAL (1973) :

YES en concert en ‘72 au Rainbow de Londres, époque «Close To The Edge», au moment où avec ELP il galvanisait le monde de sa musique cérébrale et kilométrique. Le son, bien que retravaillé digitalement, patauge dans la soupe et les images sont sous-exposées,

granuleuse, floues et sans dimension. Visuellement c’est tout, sauf spectaculaire. Un triple album du soundtrack du film était sorti simultanément. On se croyait lésé en étant interdit de «Yessongs» en salle à l’époque. En fait, on l’avait échappé belle.

(B.M.G. - 73 min - hi-fi stéréo - 799 F - B.M.G.) - E.M.

(l’image figure ainsi dans l’article)

YES - Union - Arista/BMG

Cet «Union» synthétise deux albums et deux groupes en un puisque Yes (ou détenteurs du titre) et Anderson-Bruford-Wakeman-Howe (qui ne rêvaient que de réintégrer le nom) ont enfin consenti à rejouer ensemble. Moralité : voici plus d’une heure de musique dense et souvent virtuose (en particulier dans la guitare et les synthés), triomphale. Leur «progressive rock» s’est un peu terni au contact de la FM, me direz-vous, et il est beaucoup plus lourd que du temps des sublimes «Close to the Edge» ou «Fragile». Il s’envole donc moins haut, mais il s’envole quand même. Le principal étant que leur concept hypra-positif ait su résister au cynisme des années «No Future». On retrouvera leurs harmonies lutines, leurs sons aigus et flash (d’aucuns diront criards), leur lyrisme forcené, bref, leur foi en un monde idyllique. Le Dieu si grand si bon ne les a pas complètement laissés tomber. Non, Yes n’est pas qu’une barre chocolatée.

Arnaud ROMET

1991.07 - Télémoustique : Critique «Yessongs» 1991.07 - Guitares & Claviers n° 105 : Critique «Union»

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Les termes progressif et Yes ne vont pas l’un sans l’autre. Ils naquirent ensemble avec la disparition du mouvement psyché et la fin du blues boom anglais. Yes peut donc se définir comme suit : sophistication, classicisme, élégance, richesse de ses mélodies, complexité instrumentale, développement de longs thèmes et raffinement des arrangements.Les deux instigateurs de Yes, à savoir Jon Anderson et Chris Squire se rencontrent par hasard en 68 dans un night-club de Soho (Londres). Leur line up est complété par des membres de leur expérience antérieure. Après un premier L.P. «Yes» aux extravagances baroques mixées à des chansons des Beatles et des Byrds, le groupe croit bon sur «Time And A Word» de s’adjoindre une orchestration symphonique. Le constat d’échec est là : le guitariste Peter Banks est remplacé par Steve Howe (71). The «Yes Album»

montre la nette volonté du band à fusionner rock et musique classique. L’arrivé de Rick Wakeman (remplacant Tony Kaye) accentue cette direction musicale.Yes atteint alors l’apogée de sa créativité avec «Fragile» (71) et «Close To The Edge» (72), deux albums reflétant la technologie de l’époque et l’exploration des idiomes classiques. Le triple L.P. «Yessongs» (73) traduit cette complexité en live. L’album suivant «Topographic Oceans», beaucoup trop imbu de sa personne, se sabordera de lui-même. Wakeman s’en va. Patrick Moraz injecte du sang neuf et relance le groupe avec le surprenant «Relayer» (74). L’euphorie sera de courte durée car «Going For The One» (77) et «Tormato» (78) révèlent un Yes à cours d’inspiration, pris en plein tourbillon punk anglais. Malgrès un «Drama» (80) d’une qualité inattendue avec les ex-Buggles Trevor Horn et Geoff Downes

(en lieu et place d’Anderson et Wakeman), c’est le split suivi de son carrousel d’albums solo, d’Asia mania et de compils live (Yesshows).En 83, le phénix renaît de ses cendres. «90125», tout en gardant une certaine identité anglaise, se tourne vers les States où le single Lonely Hearts cartonnera. La nouvelle équipe Anderson-White-Kaye-Squire-Rabin réédite le coup en 87 sur «Big Generator», mais cette fois, le retour médiatique est absent.Ce coffret 4 CD’s «Years» (WEA) retrace la carrière de Yes jusqu’en 87. Il contient non seulement des extraits de ses albums studio remasterés, mais aussi une foule d’inédits (18) provenant soit de sessions captées pour la BBC, soit de singles parus à l’époque, soit de captages live (avec livret biographique super complet de vingt-neuf pages plus arbre généalogique). À l’évidence, les admirateurs du groupe ne pourront pas se passer de ce «Years». Par contre, si vous venez de découvrir Yes avec le récent L.P. «Union» et sa tournée, ceci vous servira de guide sonore tout en vous montrant à quel point Yes fut novateur en son temps, portant la musique progressive au zénith de sa créativité.

«Years» chez Warner.

1991.09 - Télémoustique : Critique «Yesyears», «Les années Yes»

Yes 1970, un autre monde.

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JON AND VANGELIS : «PAGE OF LIFE».

Ce n’est pas la première fois que le chanteur de Yes, Jon Anderson, et le claviériste grec, Vangelis O Papathanassiou collaborent. Ceux qui ont aimé leurs albums précédents peuvent acheter celui-ci en confiance : ils ne seront ni déçus... ni surpris. Ce qui veut dire aussi qu’il n’y a rien de particulièrement enthousiasmant.(Arista - B.M.G.)

1991.11 - Télémoustique : Critique «Yesyears»

«YESYEARS» de Michael MAC NAMARA (1991) : Suivez la flèche : les départs,

les arrivées, les retours, les débuts, le milieu, la fin, toutes les carrières de Yes et de ses membres évoquées chronologiquement dans un document où -au diable les disputes- on ne garde que les bons souvenirs. Énomément de bla bla qui interfère trop avec la musique, mais à l’arrivé un rockumentaire suffisamment complet - avec même des images de la RTBF - que pour expliquer le pourquoi de la bonne réputation de ce groupe qui a eu la bizarre idée de s’appeler Yes. (WMV - V.O. - 120 min - 950 F - hi-fi stéréo - W.E.A.) - « «

1991.12 - Rock & Folk (hors série) : Critique «Close To The Edge»

YESCLOSE TO THE EDGEATLANTIC/CARRERE

Yes est un groupe formidablement vivace et doit avec ce disque être considéré comme le chef de file de la tendance néo-classique, bien que ce soit lui qui se soucie le moins de retrouver des harmonies ou des sons des temps passés. Et puis, les musiciens de Yes forment un véritable groupe, qui sait parfaitement jouer comme tel, tout le monde ensemble, et non pas les uns après les autres (ce que l’on voit trop souvent).

La suite «Close To The Edge» occupe toute la première face, musique généralement syncopée par les terribles coups de basse de Chris Squire tandis que la guitare de Howe dessine une mélodie sur laquelle s’appuient les vocaux d’Anderson. L’intermède («I Get Up I Get Down») est chanté sur un superbe fond d’orgue d’église et débouche sur un très rapide «Seasons Of Man» où la rythmique fait des choses démentielles. «And You And I» est le morceau de bravoure de Howe qui joue de plusieurs guitares sèches ou électriques et prouve l’originalité de son talent. C’est une longue chanson, prise sur un tempo relativement lent, qui bénéficie d’une prise de son et d’un arrangement d’une classe incroyable. Ce qui revient au talent des musiciens de Yes, c’est surtout le fait qu’il se passe quelque chose à chaque minute de musique, que l’une enrichit l’autre et que l’ensemble n’est pas prétentieux, bancal, ou tout simplement ennuyeux. Tout cela sans de longues démonstrations individuelles et solitaires, sans poudre aux yeux. «Siberian Khatru» est un thème au départ vaguement zappien, très rythmé, et le groupe tout entier est particulièrement à l’aise dans cette musique pleine d’élans collectifs, de breaks, de changement harmoniques amenés avec goût, sans obstentation. Un très grand disque de rock-music.

Jacques CHABIRON

Il en fallait quand même un : «Close To The Edge» l’a emporté.

1991.10 - Télémoustique : Critique «Page Of Life»

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Ce batteur a marqué de sa patte le rock progressif de Yes, collaboré aux projets les plus fous de Robert Fripp, contribué à la génèse du UK et même, assuré un intérim chez Genesis. Mais c’est aux commandes d’Earthworks qu’il se sent le mieux. Avec ce groupe où cohabitent orchestrations léchées et improvisation, il a inventé le jazz électronique. Les sorties récentes d’un live d’Earthworks, d’un coffret rétrospectif de Yes et de réorchestrations classiques des plus grands thèmes de groupe de rock progressif, ainsi que d’une compilation de King Crimson nous donnent l’occasion de faire le point sur un batteur qui s’est toujours situé à l’avant-garde.

«La musique est un langage, le plus important est de bien articuler et non pas de réciter l’alphabet à toute vitesse». Pour Bill Bruford, cette règle absolue s’applique pour tous les musiciens mais en particulier pour les batteurs qui ont trop souvent tendance à oublier ce que l’on attend d’eux, à savoir, accompagner d’autres musiciens au sein d’un groupe. «Il faut que les batteurs prennent conscience qu’ils auront rarement l’occasion de jouer tout seul, poursuit Bruford. Le but est de faire jouer les autres musiciens le mieux possible, qu’ils se sentent à l’aise. C’est du moins ce qu’il faut faire si on veut trouver du travail. Bien sûr, si on envisage de ne pas travailler mais de devenir une espèce «d’athlète du paradiddle»... De toute évidence ce n’est pas ce que l’ex-batteur de groupes aussi exigeants que Yes, King Crimson ou UK a recherché au cours de sa carrière. Le secret d’une telle réussite réside sans doute dans cette faculté d’utiliser la technique avec le maximum d’efficacité. En un mot, la musicalité. «Si la situation requiert davantage de technique, je fournirai davantage de travail technique. Mais mieux vaut à mon sens avoir d’abord les idées en soi. La technique doit venir ensuite, pas avant.»Ces préceptes s’appliquent à un batteur désireux de trouver sa place dans un groupe, s’appliquent-ils aussi à un batteur leader ?Tout à fait. Je suis leader mais je joue avec d’autre musiciens. Le but est de créer de la musique ensemble. J’aime travailler avec des musiciens sobres et ce sont parfois les choses les plus simples qui éveillent la plus grande inspiration chez un musicien.C’est étonnant d’entendre ce genre de propos de la part d’un batteur réputé pour s’être aventuré dans une musique plutôt complexe, qu’il s’agisse de Yes, King Crimson, UK ou Earthworks.C’est vrai, mais il n’empêche que si j’ai joué comme cela, c’est parce que ça correspondait au contexte ; je ne l’aurais

pas fait si j’avais joué tout seul par exemple. En ce qui concerne Earthworks, c’est différent : j’ai adopté la batterie électronique parce qu’elle me permettait de composer. Avec l’électronique, je peux écrire un véritable scénario, je peux dérouler un film de sonorités, c’est un outil très attirant pour cela, bien plus excitant que de jouer toujours avec le même instrument.Quand avez-vous adopté la batterie électronique ?En 1979, à la veille d’enregistrer un nouvel album avec King Crimson. King Crimson a toujours été un défricheur dans le domaine des nouvelles technologies. Nous avons toujours essayé de changer la manière habituelle de travailler et aussi de faire des choses que d’autres groupes ne pouvaient pas faire à cause de leur maison de disques. En 79, les guitaristes (Robert Fripp et Adrian Bellew) utilisaient déjà des guitares synthétiseur Roland, Tony Levin (le bassiste, NDR) jouait du Chapman Stick. Nous nous sommes dit : «Tiens, il y a cette batterie électronique, voyons comment sonne ce truc...». La batterie est arrivée au studio, elle produisait ce son bizarre et assez repoussant, ce n’était pas très bon à bien des égards mais ça correspondait parfaitement à certains contextes. Il m’était aussi possible d’utiliser cette batterie comme d’un instrument accordé, et j’aimais ça, j’étais intrigué.Il s’agissait d’une batterie Simmons analogique, non ?Oui, un instrument difficile, pratiquement impossible à jouer. Mais vous savez, les toutes premières guitares électriques ne valaient pas mieux.Il semble que soudainement vous avez été charmé par ce monstre électronique...Je voulais aller assez loin pour me faire une idée de la chose, voir si je pouvais développer quelque chose à partir de cet instrument. Je n’ai jamais considéré la batterie électronique comme un accessoire et finalement c’est devenu quelque chose de fondamental dans ma musique. Certaines compositions de King Crimson de cette période - je pense notamment à Industry - devaient être jouées avec une batterie électronique, c’est ce qui apportait toute la couleur. Je me suis donc passionné pour cet instrument, et ça fait plus de dix ans que ça dure !Vous avez aussi la chance de travailler en collaboration avec Simmons depuis tout ce temps-là.Oui, c’est certain, j’ai obtenu un contrat d’engagement avec la marque il y a dix ans, ça aide. J’ai collaboré à la conception du SDX. Le SCX est une machine très bien élaborée qui permet de faire plein de choses, et j’ai vraiment exploré ses

possibilités avec Earthworks. Le problème avec le SDX c’est que ça coûte une fortune, j’ai l’impression que cette machine a été fabriqué exclusivement pour moi et je connais bien peu d’utilisateurs de cet engin. Avec l’électronique, la plupart du temps, on perd l’identité du batteur ; le son numérique sonne fantastique, les accords sont de toute beauté... mais ça pourrait tout aussi bien être joué par un pianiste. J’ai donc travaillé dur pour éviter de tomber dans le panneau : «sonner comme un mauvais claviériste».Grâce à l’électronique, vous avez su créer un instrument hybride, entre la batterie et le clavier.Oui, mais ça m’a coûté cher ! Il y a dix ans, lorsque j’ai commencé à travailler sur ce concept, je me suis dit que tout le monde allait s’y mettre. Mais le marché n’est pas assez important, les machines restent trop chères et finalement peu de batteurs jouent de la batterie électronique. Alors, je me retrouve un peu tout seul. Ça ne me dérange pas, j’aime bien, mais ça rend les choses plus difficiles pour séduire le public. Les jeunes se disent : il n’y a que Bill Bruford qui peut se permettre ça.La technologie a tout de même évolué et les prix ont baissé de manière radicale.Oui, certainement, mais tout dépend de la demande, c’est vraiment ça qui détermine la baisse de prix du matériel électronique. En tout cas, ce n’est pas le cas de Simmons, ils se trouvent en marge de ce gros business. C’est une petite société désormais, de l’artisanat.Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement chez Simmons ?À vrai dire, je n’ai jamais essayé autre chose ! Ce qui me plaît chez Simmons c’est avant tout leurs pads qui comportent plusieurs zones vous donnant accès à différentes sonorités. Il est très facile de mélanger différents instruments, de les empiler. Je déteste changer de matériel car il faut à chaque fois se réadapter à une nouvelle situation. C’est comme si on disait à un violoniste : «Tiens, maintenant tu vas jouer avec une cinquième corde.» Ça vaut aussi pour la batterie acoustique ; je n’ai pas besoin d’essayer une nouvelle pédale de grosse caisse chaque jour !Quelle serait la batterie électronique de vos rêves ?Ce serait ce que j’ai déjà, mais réduit à une petite boîte toute simple. Et surtout quelque chose de facilement accessible, ergonomiquement parlant. Actuellement, il m’est difficile d’accéder à tous les accords que je désire, la programmation est trop complexe. J’envie les claviéristes, ils peuvent obtenir tel accord et telle sonorité instantanément. Je passe un temps fou à programmer ma machine. Mais quand ça fonctionne, c’est super. Pour la production des trois albums de

1993.12 - Batteur Magazine n° 63 : Entretien Bill Bruford

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Earthworks, je me suis usé à effectuer toutes ces programmations ; définir le concept, trouver les sonorités adéquates, organiser les pads pour qu’il soit possible de jouer les différents mouvements... C’est très difficile.Comment composez-vous ?Depuis cinq ans environ, je travaille principalement à partir du SDX, directement à partir des pads. Je mets en place les accords mais je laisse la partie mélodique au saxophoniste, c’est lui qui l’écrit d’ailleurs. Il dispose toutefois d’un cadre dans lequel évoluer. Je choisis la couleur du morceau, l’atmosphère, le rythme, le tempo.

Le plus difficile pour un «batteur électronique» doit être de définir la topographie de sa batterie : quels sons vont être déclenchés pas tel ou tel pad...C’est exact, mais ce n’est pas la seule difficulté. Il a à faire à un problème psychologique. Le public se trouve parfois aliéné car il voit un son, il écoute avec ses yeux ; avec des pads qui ne ressemblent à rien mais qui peuvent se tranformer en tambours du Burundi et en triangle la minute d’après, le public perd ses points de repère, il ne se rend plus compte que vous jouez de la batterie en entendant toutes ces sonorités qui n’ont rien à voir avec la batterie. Le problème est que le public attend une relation directe entre ce qu’il entend et ce qu’il voit ; il veut voir le batteur transpirer, les cymbales bouger, tout le cirque quoi ! Alors, généralement, sur scène, j’attaque les morceaux tout seul, pour que le public comprenne bien qui joue quoi.Le public est aussi perturbé par les séquenceurs que certains musiciens ne se privent pas d’employer sur scène, il ne sait plus très bien si les musiciens jouent ou non.Nous n’avons pas ce problème avec

Earthworks car nous jouons en temps réel, nous n’avons jamais utilisé de séquenceurs. C’est un groupe de jazz. Les séquenceurs sont d’un ennui mortel.Avec King Crimson vous mélangiez batteries électronique et acoustique. Pourquoi ce parti pris tout électronique avec Earthworks ?Figurez-vous que je vais revenir sérieusement à la batterie acoustique, dans une certaine mesure. J’ai besoin de retrouver «le pied et la caisse», et puis le reste du groupe est essentiellement acoustique. La batterie acoustique est un instrument merveilleux. Je l’adore. C’est bon de la retrouver.Est-ce difficile de passer de la batterie électronique à la batterie acoustique, et vice versa ?Très difficile. On peut comparer cela avec un pianiste qui passe d’un Fender Rhodes à un Steinway. Le contact est tout à fait différent et ça se ressent dans les poignets. Et puis avec les pads il n’y a pas de relation systématique entre la vélocité et le son.Votre son de batterie acoustique est reconnaissable entre tous, notamment votre caisse claire.Mon son provient davantage de la manière dont je frappe que de l’instrument lui-même. Mon son acoustique est assez ouvert, pratiquement pas de sourdine, et j’ai tendance à jouer en rim shot et avec le cul de la baguette. La raison pour laquelle je joue ainsi est simple : avec Yes, au début, ma batterie n’était pas reprise par des micros et Chris Squire (le bassiste, NDR) jouait très fort, c’était le seul moyen de me faire entendre.Vous avez toujours eu une préférence pour des sets de batterie plutôt hétéroclites.J’ai toujours pensé la batterie comme un ensemble d’instruments à percussion, à la manière d’un percussioniste d’orchestre symphonique. J’aime d’abord écouter la musique et créer la batterie qui la servira le mieux ensuite, je module l’instrument en fonction du contexte. Avec King Crimson par exemple, j’avais des gongs, des cloches, des Wood blocks, un xylophone, un carillon, des plaques de tôle... Ensuite, j’ai adopté les Rototoms pour leur sonorité claquante avec mon groupe (premier album solo «Feel Good To Me», avec Alan Holdsworth, Jeff Berlin, David Sinclair et Annette Peacock, NDR) et UK. Après cela, ce fut la batterie électronique. En somme, j’aime disposer d’instruments aux couleurs très variées, une batterie standard ne me convient pas.Et même avec une batterie relativement standard, vous mélangiez pas mal de marques (une grosse caisse et une caisse claire Ludwig, des toms Hayman...) jusqu’à ce que vous adoptiez les batteries Tama.Oui, je crois que je n’ai jamais joué d’une batterie «normale» car je n’ai jamais

voulu sonner comme d’autres batteurs - même si j’ai beaucoup écouté les grands batteurs, notamment Max Roach que j’admire particulièrement. Je suis un batteur autodidacte et je crois que les batteurs de ma génération (j’ai 44 ans) sont les derniers musiciens qui peuvent se permettre d’être autodidactes ; le niveau est devenus tellement élevé aujourd’hui. Cela dit, les batteurs ont tendance à sonner tous uniformément maintenant : l’école fusion. J’ai eu la chance d’apprendre sur le tas en faisant des disques, en tournant à une époque où il se passait beaucoup de choses sur la scène musicale. C’est bien différent aujourd’hui, un batteur de 18 ans aura bien plus de mal à faire une carrière maintenant. Mais, finalement, il importe peu d’être autodidacte ou de prendre des cours dans une école pour sonner d’une manière unique ; la décision appartient à chacun. Pour en revenir à ma batterie, je suis fidèle à Tama parce que j’aime le modèle Aristar et que les gens de chez Tama m’ont aidé dans ma carrière. Idem avec Paiste. Mais ce qui compte dans une batterie, ce n’est pas tant la marque que de savoir si le son nous convient bien, si l’on se sent bien avec. Je pense que le son est d’abord dans votre esprit et dans vos poignets. Mettez un bon batteur devant une batterie, n’importe laquelle, il la fera sonner.Quelle était donc cette redoutable cymbale crash très agressive de l’album «Red» (King Crimson) ?Oh, elle a rendu l’âme depuis longtemps ! Il s’agissait d’une vulgaire cymbale toute tordue et cassée que j’ai récupérée dans la poubelle du studio de répétitions. Une Zilkat, une cymbale très bon marché que le groupe précedent avait laissé là. Elle a tenu le coup quatre ou cinq mois, ensuite elle est partie en morceaux.Une batterie peut aussi traduire la personnalité d’un batteur. Que pensez-vous par exemple de Terry Bozzio qui a conçu une batterie unique qui reproduit des sons quasi électroniques avec des instruments acoustiques ?C’est fantastique, j’adore ! Terry Bozzio est extraordinaire, il a une puissance fantastique et ce qu’il fait en tant que soliste est tout simplement étonnant. Mais c’est difficile de reproduire ça sur disque. Nous parlons de batterie, mais mon problème n’est pas la batterie en solo mais de jouer en groupe, de produire des albums, qu’ils passent à la radio. Je m’intéresse à la batterie et aux batteurs, bien sûr, mais ce qui m’importe surtout est que la musique de mon groupe touche le public.Vous semblez un peu amer en disant cela. Je me trompe ?Oh, je ne m’attends pas à une super popularité. Tout d’abord c’est du jazz, ensuite il n’y a pas de chant, ni de guitare...

Bill Bruford durant la tournée américaine de King Crimson (1974). Sa batterie est un mélange de Ludwig (caisse claire et grosse caisse) et Hayman (toms). Un portique soutient une multitude de percussions.

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... Et Earthworks représente peut-être un concept un peu trop radical pour le public jazz moyen ?Oui, ça lui semble un peu bizarre, mais ce n’est pas bien grave. Je préfère de loin vendre 15 000 albums à des gens qui aiment ma musique et les toucher vraiment que de vendre 100 000 albums pour des gens qui ne m’écouteront pas et offriront le disque à leur petite sœur pour Noël. Cela dit, j’aimerais davantage tourner, notamment en France. J’espère que le message sera reçu...

«Je suis prêtpour une

reformationde Yes...

dans 25 ans !»

Que sera le prochain album ?Il va y en avoir beaucoup ! «The Very Best Of Yes», une compilation sur le label Atlantic, «The Concise King Crimson», une autre compilation, «Symphonic Yes», des thèmes de Yes que Steve Howe, Jon Anderson et moi (plus Steve Allen et Tim Haridge, bassiste d’Earthworks) avons réenregistrés l’été dernier avec le London Philarmonic Orchestra, c’était excellent. Ça va paraître sur le label BMG Classic. Mais tout ça, c’est de la musique ancienne. Mon bébé, c’est un live d’Earthworks enregistré à Boston et New York. Il n’y a pas de titres inédits, mais comme c’est du jazz, les versions sont bien différentes des originales.Vous avez un autre projet pour Earthworks ?Oui, j’ai toujours un nouveau projet en route pour Earthworks ! Mais je ne peux pas en parler pour le moment.OK, parlons d’autre chose alors. Que pensez-vous de l’annonce de la

reformation de King Crimson. L’idée de collaborer à nouveau avec Robert Fripp ne vous tente-t-elle pas ?King Crimson ne cesse de se reformer, ça fait sept ans que ça dure ! Je croirai à cette reformation quand je la verrai. Si toutefois Fripp m’appelle et se montre sympa, j’accepterais peut-être l’invitation. Robert Fripp pense que je suis quelqu’un de trop difficile, nous avons eu de nombreux désaccords. Cela étant, j’admire sa manière de travailler parce que c’est une personne très excentrique, mais ce n’est pas facile de collaborer avec lui. Et pour un batteur, c’est presque impossible de travailler avec lui. Tout ce que vous faites ne conviendra pas de toute façon. Je n’ai pas besoin de ce genre de relation maintenant.Et retravailler avec Yes pour la grande tournée 91, ce fut plus facile ?Non, ce fut difficile, c’était un show, une

«réunion pour le plaisir et la fête» (sur un ton ironique, NDR). J’ai quand même pris ça pour des vacances de quatre mois, loin des choses plus sérieuses. J’ai été très surpris qu’ils m’appellent. Réunir huit musiciens sur une scène comme nous l’avons fait, ça passe une fois. Je suis prêt à recommencer... dans 25 ans ! Ce n’était pas vraiment agréable de jouer à deux batterie (Bill Bruford partageait la rythmique avec Alan White, NDR). Yes est un groupe où il est difficile de jouer à deux batteurs, il n’y a pas assez de place. Et puis Alan White se trouvait à dix mètres de moi ; «Coucou Alan !» et il essayait comme un forcené de me faire un peu de place...Dans certains groupes la complémentarité de deux batteurs fonctionne pourtant bien.Non. Donnez-moi un exemble. Ne me citez pas le Grateful Dead ou l’Allman Brothers Band ! Un batteur plus un percusionniste, OK, mais deux batteurs

ensemble, ça ne fonctionne pas. À part avec James Brown, et encore...Vous avez pourtant joué dans Genesis aux côtés de Phil Collins ?Je ne dis pas que je suis incapable de jouer avec un autre batteur, mais cela doit être bien arrangé. Ce fut le cas dans King Crimson lorsque je partageais la rythmique avec le percussionniste Jamie Muir, en 72, 73 et 74. Avec Phil Collins, c’était différent car c’est un excellent batteur «naturel». Peter Cabriel venait de quitter le groupe, Phil recherchait un nouveau chanteur, aucun ne convenait alors il s’est mis au chant et m’a demandé de jouer de la batterie ; nous avions un peu la même approche de l’instrument. Il voulait quelqu’un qui assure derrière parce qu’il ne se sentait pas encore bien en confiance pour tenir le devant de la scène. J’ai donc joué dans Genesis pendant neuf mois pour donner un coup de main et je les ai quittés, je ne me sentais pas particulièrement impliqué dans ce groupe. Pour revenir au duo de batterie dans Yes, ce que l’on a fait durant la Reunion Tour n’est pas un brillant exemple.Le projet symphonique avec Yes s’est mieux passé dirait-on ?Oui, le projet orchestral valait vraiment la peine. Il s’agissait du «Yes de Londres» (le clan Jon Anderson/Steve Howe, NDR) et non pas du «Yes de Los Angeles» (le clan Alan White/Chris Squire/Trevor Rabin, NDR). Nous avons réorchestré les grands classiques : Close To The Edge, Roundabout... J’ai joué de la batterie acoustique et je suis content du résultat. Ça valait la peine de recréer les morceaux car la musique est bonne. Lorque nous avons créé ces chansons, nous n’étions pas aussi bons, nous ne savions pas vraiment bien jouer et les techniques d’enregistrement n’étaient pas aussi bonnes non plus. Nous avons gagné en puissance, et puis il y avait un orchestre de 54 musiciens. Nous n’avons pas enregistré avec eux, ils ont fait cela après, en overdub, une partie de plaisir pour le chef d’orchestre... Ils ont eu recours à un clic assez sophistiqué qui suivait les fluctuations de tempo que nous avons pu faire. Seulement certains musiciens classiques jouent toujours un peu en arrière du tempo, c’est pour cette raison que l’on avait prévu ce clic.Une question me titille depuis le début de cette interview : pourquoi avez-vous quitté Yes en pleine ascension du groupe ?Pour faire autre chose, tout simplement. Je ne voulais pas jouer avec les quatre même personnes toute ma vie. Alors j’ai pris un congé de vingt ans... et je suis à nouveau viré ! (Rires)

Propos recueillis par Christophe Rossi

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CHRIS SQUIRELES ANNÉES

YESDe tous les membres de Yes, Chris Squire fut le seul à ne jamais laisser son fauteuil vacant malgré les nombreux remaniements. Depuis près de trente ans, le bassiste s’est forgé une telle réputation qu’il paraît presque inamovible. Sur «Talk», le nouvel album, il est encore là. Une cape, une Ricken et c’est reparti pour un tour !

crois que c’est la première fois que nous allons réalisé un album sans utiliser de bandes. Tout a été conçu sur ordinateur avec un Direct To Disk. Voix, guitare et basse ont été traitées directement en machine. En fait, ce n’est pas la première fois que nous faisons appel aux ordinateurs, déjà sur l’album «Tales From Topographic Oceans» (en 1973 ndr) nous commencions à utiliser des machines. Bien sûr, dans un tout autre esprit et une toute autre époque. Aujourd’hui encore, il ne s’agit pas de travailler sur des séquences dance ou des patterns rythmiques ! Nous utilisons simplement l’ordinateur pour la phase d’enregistrement numérique, pas pour jouer des parties. Nous avons essentiellement travaillé chez Trevor avec des Mac Intosh équipés de Sound Tools. Ce sont des conditions idéales de travail

puisqu’il dispose de tout le matériel professionnel nécessaire pour réaliser un album et qu’en plus j’habite à deux kilomètres de chez lui !». On a beau retourner le livret dans tous les sens, le représentant Rickenbacker n’apparaît guère qu’à deux reprises dans les crédits. Une peau de chagrin lorsque l’on sait la part active qu’il prenait dans l’élaboration des morceaux autrefois : «C’est vrai, je n’ai co-écrit que deux titres, même si je reste, bien sûr, le seul responsable des parties de basse. Pour «90125», Jon, plutôt craintif, n’avait pas trop voulu s’investir dans la composition et il en fut de même pour l’album «Big Generator». Il voulait prendre un peu ses marques dans le groupe et se familiariser avec ce type de morceaux très rocks et nouveau pour nous. Alors, pour ce nouvel album j’ai pris la décision de laisser Jon écrire, en compagnie

1994.07 - Guitar & Bass n° 9 : Entretiens Chris Squire «Les années Yes» & «Une Rickenbacker sinon rien»

par didier aubert - photo tom farrington

Yes revient, avec un album mi-figue, mi-raisin, aux climats changeants, comme pour ressusciter les morceaux de bravoure d’autrefois. Sur le fond, tout porte à croire

que la nostalgie s’est emparée de nos héros des seventies. Les morceaux à tiroir refont leur apparition et Jon Anderson a tout loisir de faire admirer son petit filet de voix, sans doute l’un des plus beaux qui soit. Sur la forme, c’est encore un Yes façon rock FM qui nous est présenté, une habitude depuis que le guitariste sud-africain Trevor Rabin décida de jeter son dévolu, il y a une dizaine d’années, sur l’un des derniers groupes mythiques. C’est d’ailleurs dans son studio hyper-sophistiqué, une sorte de caverne d’Ali Baba du numérique, de Los Angeles, que «Talk» a été produit. Christopher Squire revient sur l’enregistrement : «Je

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de Trevor la majeure partie des titres pour voir un peu ce que leur collaboration pouvait donner. Je me suis assis sur un strapontin pour observer et je dois dire que le résultat est assez surprenant. C’était, je le crois, la meilleure manière de travailler que de les laisser entre eux.» Quant à la tendance très rock FM qu’a pris le groupe depuis «90125», Chris ne semble pas vraiment affecté à l’idée de mener une deuxième carrière de bassiste teigneux, lui l’apôtre de la ligne de basse progressive : «Toutes les musiques m’intéressent. J’écoute de tout, du jazz au heavy metal, passant d’un style à l’autre. Je pense que c’est une bonne chose pour Yes que sa musique soit tout le temps en train d’évoluer et de changer, sans prendre jamais en considération des impératifs commerciaux. Cet album sera fantastique à jouer sur scène, et comme rien n’est figé, nous allons encore faire évoluer les morceaux et les arranger différemment.»

PAUL, UNE TOURTEL

«En Angleterre, quelqu’un a écrit que Yes jouait une

musique plutôt particulière, que nous jouions ensemble, dans l’insouciance la plus totale, des choses que les autres musiciens n’auraient même pas imaginé jouer. Nous avions pour habitude d’assembler des parties aux antipodes les unes des autres, mais harmoniquement correctes. Nous avions un bassiste, Chris Squire, qui assurait une sorte de ligne de basse dans les médiums qui tirait tout le monde ; un batteur, Bill Bruford, qui prenait un malin plaisir à ne jamais jouer deux fois le même rythme. Avec un tel support rythmique, Rick Wakeman et moi-même avions le beau rôle, il nous suffisait de placer par dessus tout ce qui nous passait par la tête et laisser libre cours à notre imagination.» C’est sans doute Steve Howe qui, dans le numéro d’avril

1973 de Guitar Player, donna la meilleure définition du groupe Yes, une sorte d’association de virtuoses british qui allaient jeter les bases d’une musique nouvelle dite «progressive». Certains journalistes, peu avertis à vrai dire, allaient la qualifier de «planante». Les imbéciles ! Rien de ce qui fut composé par Yes n’était mièvre, tant dans l’harmonie, la richesse de la composition, que dans l’interprétation des musiciens. Comme toutes les bonnes histoires, c’est autour d’une bière que celle de Yes commença. Chris se souvient : «J’ai rencontré Jon Anderson en 1968 dans un pub à côté du Marquee Club, à Londres. C’est là que se retrouvent tout un tas de musiciens de la ville en attendant les concerts. Après quelques verres nous avons sympathisé et nous nous sommes revus chez moi pour enregistrer quelques démos. J’ai demandé à Peter Banks, le guitariste de mon groupe précédent, Syn, d’être des nôtres. Puis, ce fut au tour de Tony Kaye de nous rejoindre, un pianiste que je connaissais de réputation car il habitait à deux pas de chez moi. Pour le batteur, nous avons passé une petite annonce dans le Melody Maker et c’est Bill Bruford qui s’est pointé. Voilà la première mouture de Yes qui enregistra les deux premiers albums, «Yes» et «Time And A Word» et pour le troisième enregistrement, le «Yes Album», nous avons remplacé Peter Banks par Steve Howe. Le line-up a subi quelques modifications par la suite. Lors de notre première tournée aux États-Unis en ouverture de Jethro Tull, les choses se sont gâtées entre Steve et Tony qui ne s’appréciaient que modérément, si bien qu’après cette tournée, Tony Kaye fut remplacé par Rick Wakeman. C’est dans cette formation que nous avons enregistré immédiatement après l’album «Fragile». Rick est resté avec nous pour les albums suivants, excepté «Relayer» pour

lequel il fut remplacé par Patrick Moraz». Difficile pour le néophyte de s’y retrouver dans cet imbroglio de musiciens qui passent et repassent au gré des inimitiés ou des orientations artistiques. Il ne fait plus de doute pour personne que Rick Wakeman quitta provisoirement Yes après «Tales From Topographic Oceans» en désaccord avec les autres membres du groupe. Un exemple parmi d’autres, tant les mouvements de musiciens furent nombreux, l’histoire de Yes prenant parfois l’allure d’un jeu incessant de chaises musicales. Pourtant, le groupe gardera la même appellation (propriété de Chris Squire) tandis que la musique évolura pour prendre des couleurs différentes. «Relayer», «Drama», «90125», trois époques distinctes et autant de formations. Dans la tourmente, seul Chris Squire tira son épingle du jeu, si bien qu’au moment de «Union», il fait figure de gardien du Temple : «Union» est de toute façon à mettre à part, c’était un projet spécial. Nous voulions réunir un peu tous les musiciens qui avaient joué dans Yes à travers les âges, le groupe des seventies et le nouveau groupe. Un bon petit paquet de monde, et je dois dire que le seul privilégié du lot ce fut moi, car il n’y a jamais eu qu’un seul bassiste dans Yes ! À la fin de la tournée nous avons pensé qu’il serait difficile de refaire un album avec tout ce monde et nous avons décidé de retourner à la petite formation qui avait enregistré «90125» et «Big Generator».

PATTES D’EPHS POUR TOUT LE MONDE

De toutes les époques, la plus intéressante et la plus

riche commença sans doute en mars 1971 avec le «Yes Album», consacré «disque de l’année» en Angleterre, et dont le «single» Your Move fut classé dans le Top 40 du Billboard. Il installa Yes comme le «super groupe» anglais de rock

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sophistiqué, et les somptueux albums qui suivront «Fragile», «Close To The Edge», «Tales From Topographic Oceans» et «Relayer» atteindront des sommets musicaux, consacrant le groupe aux USA dans des tournées marathon triomphantes. Dans cette discographie sélective du Yes des années soixante-dix, un morceau d’anthologie peut être retranché et présenté comme le titre le plus représentatif de l’esprit du groupe et de la musique de l’époque. The Gates Of Delirium est une fresque musicale d’une vingtaine de minutes, alternant les passages enlevés et les ouvertures harmoniques, un chef-d’œuvre élaboré à tâtons comme le rappelle Chris : «Nous avions l’habitude, à l’époque, de répéter régulièrement en jammant. On partait souvent d’un simple riff, puis d’autres venaient se greffer par dessus et toutes ces idées mises bout à bout finissaient par ressembler à des morceaux. Ce fut le cas pour The Gates Of Delirium. Jon est arrivé avec une mélodie et un début de chanson qui est devenu Soon, la dernière partie du morceau. Pour ce qui est de l’enregistrement, à ce moment-là on travaillait beaucoup chez moi, en Angleterre, car j’avais installé un studio dans ma maison. On jouait en direct, mais en décomposant les morceaux

par pièces successives. Un jour on travaillait un tableau, le lendemain un autre et l’on rassemblait les deux. Mais pour revenir à The Gates Of Delirium, je préfère la version totalement live, qui figure sur l’album «Yesshows», enregistré en public, pour la simple raison qu’elle me paraît plus homogène. Lors de l’enregistrement studio nous ne savions pas, en débutant le morceau, à quoi ressemblerait la fin, alors que sur scène nous avions le déroulé en tête et cette version live me paraît jouée avec plus de feeling.»En 1975, Chris Squire sortit son premier et unique album solo, «Fish Out Of Water», entouré de Patrick Moraz, de Bill Bruford... et d’un orchestre à cordes. Inutile de chercher cette relique dans les bacs, le trouver est pratiquement impossible, vu qu’il arrive au compte-gouttes en import japonais, et que son prix reste assez prohibitif. «C’est vrai que ça fait un bail que mon album solo est sorti, mais je vais te rassurer, je suis en train de travailler sur un nouveau projet solo qui devrait sortir l’année prochaine. J’y travaille en ce moment avec minutie. Je ne peux pas te dire encore quels seront les musiciens qui m’accompagneront, mais je pense qu’une fois encore j’utiliserai un grand orchestre.»

Chris, te souviens-tu de tes premiers pas à la basse ?Je me suis mis à la basse car j’avais

un copain guitariste au lycée et nous avions envie de monter un groupe pour faire comme les Beatles qui étaient très impressionnants à l’époque. Nous avons comparé nos mains et il m’a certifié que les miennes étaient plus appropriées pour la basse ! Va pour la basse. Finalement j’aimais bien Mac Cartney et tout un tas de bassistes très intéressants à voir jouer, comme John Entwistle par exemple avec les Who. C’est donc avec leurs disques que j’ai commencé la basse, à l’âge de seize ans, et c’est devenu mon instrument.Tu as joué avec deux des plus grands batteurs des seventies, jouais-tu de la même manière avec l’un et l’autre ?On peut dire que j’ai été assez chanceux de pouvoir les côtoyer. Ce sont deux rythmiciens totalement différents. Bill Bruford, le premier batteur de Yes, était très influencé par le jazz, il en écoutait énormément. Je m’étais totalement fait à son jeu si particulier que ce fut un grand choc pour moi, quelques temps plus tard, de jouer avec Alan White dont le style est beaucoup plus carré et l’approche résolument rock. Ce fut un bienfait énorme pour moi de rencontrer ces deux batteurs et perfectionner ainsi mon jeu de basse. Une fois que tu as travaillé avec Bill et Alan, tu es paré pour toutes les formes de rythmes.Irrémédiablement, d’année en année, tu remportes le prix de meilleur bassiste rock dans les magazines spécialisés américains...C’est vrai et je trouve cela plutôt flatteur, d’autant que l’on ne m’a pas vu souvent ces derniers temps ! Je crois avoir une très solide réputation aux States. Mais, ces prochaines années nous allons beaucoup plus travailler avec Yes et nous aurons de multiples occasions de nous montrer à nouveau, et puis j’ai aussi un album solo à venir, si bien que l’on va me voir plus souvent.As-tu changé souvent de matériel depuis le début de ta carrière ?Pendant longtemps j’ai utilisé des amplis Marshall, mais j’ai opté récemment pour un Ampeg, le nouveau SVT II Pro. Je possède cinquante basses à la maison parmi lesquelles cinq ou six ont ma préférence, et qui sont de tous les voyages. Il va sans dire que cette brochette est à forte dominante Rickenbacker.Tu es célèbre pour tes lignes de basse qui évitent singulièrement les toniques et semblent jouer une mélodie. Les basses changent constamment et ton jeu au médiator s’apparente à celui d’un guitariste...C’est vrai, les gens apprécient mon style très personnel. J’ai toujours essayé de me démarquer des autres depuis le début. Lorsque je travaille une ligne, je cherche à créer une tension dans l’harmonie en essayant de contourner la fondamentale. C’est une démarche que j’ai toujours suivie dans le groupe. À chaque fois que nous abordons un nouveau titre je cherche d’abord comment transformer les bases harmoniques.

Florent TALBOT

UNE RICKENBACKER SINON RIEN

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Yescréer de la musique en pensant à la scène... Pas de faire un album trop commercial, car YES n’a jamais vraiment su comment s’y prendre. Voilà comment ça a commencé. L’année suivante, en 93, on a commencé à exploiter tout ça. TREVOR RABIN s’est occupé de la production, on a tout écrit ensemble et nous savions, début 93, qu’on obtiendrait un album dans le plus parfait style de YES. Après, la question a été de savoir qui jouerait dessus !

Donc, vous ne saviez pas à ce moment-là qui jouerait sur cet album ?On savait qu’on pouvait compter sur CHRIS SQUIRE, et donc avec lui sûr ALAN WHITE et TONY KAYE. On a demandé à RICK WAKEMAN, mais il était occupé à faire un million de choses à la fois. On a fait l’album, et on a fini quand on a senti qu’il sonnait comme nous le voulions. Un des grands moments, quand tu écoutes «Talk», c’est le «sonic sound». C’est très, très nouveau. On est arrivé

à ce résultat sans utiliser des tonnes d’ordinateurs.

N ’ a u r a i s - t u pas souhaité enregistrer un véritable album avec les huit m u s i c i e n s , contrairement à «Union» sur lequel les deux groupes,

A.B.W.H. et YES version «Owner of a lonely heart», si on peut dire, jouaient séparément pendant que tu assurais le chant sur tous les morceaux ?Si, bien sûr. Mais, tu sais, c’est comme vouloir amener tous les chevaux en même temps à l’abreuvoir : certains ont soif et ils boivent, d’autres pas. Parfois, j’ai rêvé du grand YES «réuni» (sic) pour un album, mais ça n’a pas pu marcher. C’est triste, mais dans ce cas il faut passer à la suite.

Les trois qui sont partis depuis «Union» sont STEVE HOWE, RICK WAKEMAN et BILL BRUFORD. Donc ceux qui étaient les plus anciens membres du groupe. Il doit bien y avoir une raison à cela. Ne se sont-ils pas sentis foués ?Non. C’est simple : BILL BRUFORD voulait continuer avec son groupe, EARTHWORKS. Un très bon groupe de jazz, very fine ! RICK WAKEMAN voulait retourner dans son monde à lui, faire de la musique avec des chanteurs d’opéra et travailler avec son fils. Quant à STEVE HOWE, il n’aime pas TREVOR RABIN.

Pourquoi, au juste ?

1994.07-08 - Rockstyle n° 5 : Entretien Jon Anderson

La présence des mots de JON ANDERSON dans ce numéro de Rockstyle tient presque du miracle. C’est d’abord un avatar de santé le contraignant à garder la chambre qui a eu raison de son déplacement promo à Paris. Puis son retour en studio avec TREVOR RABIN pour y enregistrer quelques voix. Enfin, c’est un crash sur l’autoroute et le bouchon d’au moins douze mille kilomètres qui retarda votre serviteur et lui fit manquer son rendez-vous avec JON ANDERSON. Mais la gentillesse du chanteur de YES permit d’arranger le coup. L’entretien d’une heure prévue autour d’un verre dans la suite d’un grand hôtel parisien s’est transformée en entrevue de vingt minutes à l’arrière d’un taxi, avec entre nous la charmante compagne, d’origine asiatique, du chanteur. Au moment où un YES relooké fait son retour dans les bacs et bientôt sur scène, Jon Anderson avait des choses à dire. Car la vie du groupe n’a jamais été des plus calmes et parce qu’au cours des trois dernières années, il s’en est passé des choses...

(par Jean-Philippe VENNIN)

JON ANDERSON : On a fait une longue tournée, après «Union», en 1992. On a voyagé tout autour du monde. Aux USA, au Canada, en Amérique du Sud (en Europe aussi, Jon ! Ndr). On a fini à Tokyo. La tournée, avec les huit membres au complet, a connu un grand succès. L’album était OK, mais ce n’était pas vraiment un album de YES. Ensuite, l’idée m’est venue de commencer à travailler sur un nouveau disque. Je voulais absolument le faire avec TREVOR RABIN. Nous nous sommes donc retrouvés, lui et moi, pour jeter les bases du disque. Pour ça, je suis parti à Saint-Clement, un petit village au bord de la mer, à côté de San Diego en Californie. Trevor est venu y passer une semaine et nous avons travaillé un peu. C’était en novembre 1992. C’était le première fois que nous écrivions ainsi ensemble. Et j’ai pensé que nous avions une bonne chance d’arriver à quelque chose qui soit vraiment du «classic Yes» : il était important pour nous de faire une longue pièce de musique, de

‘‘C’est une musiquetrès positive.C’est pour ça

qu’elle s’appelle«Yes».’’

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Il a du mal à s’entendre avec les gens, et il était important pour nous d’avoir des personnes qui s’apprécient entre elles. Steve est quelqu’un de très méticuleux, il aime faire les choses comme il veut, à sa façon. Et parfois, ce n’est pas la meilleure solution.

J’ai rencontré RICK WAKEMAN l’an dernier à Paris, quand il tournait avec son fils. Il avait l’air très déçu et m’a dit que tout dans YES, désormais, n’était que politique...Non. Non, non, non ! Tu vois, Rick écoute les mauvaises personnes. Il devrait m’écouter, moi.

Qui sont les mauvaises personnes ?Les managers. Les managers ne sont généralement pas impliqués pour les artistes. Ils sont impliqués pour l’argent. Alors, ils sont de mauvais conseil pour les gens. Les musiciens doivent écouter les autres musiciens, se faire confiance mutuellement, et c’est tout ! J’aime beaucoup Rick et je crois qu’il est l’un des plus grands musiciens de notre ère. Mais quand il est parti faire son travail solo, avec son manager, il n’a pas fait le bon choix. Il a pris une mauvaise direction, celle de faire de la musique de façon minimaliste. Pour un cercle

de gens très restreint.

Crois-tu qu’il vous serait possible de retravailler ensemble ?Oui.

Au sein de YES ?Non, je crois qu’avec Rick, j’aimerais bien faire un album spécial. Peut-être l’année prochaine... Avec des chansons d’amour. Avec Steve, je ne sais pas. Ça change tout le temps. Steve est toujours un très bon guitariste. J’aimerais écrire des parties de guitare pour jouer avec lui, mais quand je travaille avec Steve, il n’aime pas me laisser jouer de la guitare. Il est très... Comment dire ? C’est lui le guitariste, alors tu ne dois pas jouer de guitare ! Ce qui est triste, tu sais... J’aimerais bien faire quelque chose avec Steve, mais il s’impose à lui-même trop de restrictions. Il n’est pas très ouvert, en fait.

Quelles restrictions ?Eh bien, il ne veut travailler qu’en Angleterre... (réflexion). Même si maintenant, je le sais, il va parfois en Suisse... Il est par moments un homme avec qui il est très difficile de travailler, et par moments, il est vraiment merveilleux. Il est comme le vent. Il change comme le vent !

DINOSAURE ?

JON ANDERSON se fécilite du retour des «dinosaures» dans le paysage rock de la première moitié des nineties :«Si tu regardes les noms des groupes qui cartonnent ou, au moins, qui reviennent en ce moment, tu trouves les noms de PINK FLOYD, LED ZEPPELIN, les ROLLING STONES. Et c’est très bien comme ça.»Mais à la veille de partir pour une nouvelle tournée, l’homme à la voix d’or tient à rappeler les traits de caractères qui différencient YES des autres membres locataires du Jurassic Park rock :«Eux axent leurs shows sur l’aspect visuel alors que pour nous, le son reste l’élément moteur, primordial, comme il l’a toujours été.»D’où une inovation assez inattendue et étonnante sur la tournée «Talk» :«À chaque concert, nous distribuerons 200 casques à des personnes dans le public, directement reliés à la console. Cela permettra à ceux qui les porterons de suivre le concert en direct, avec un son numérique qui soit le plus proche possible de la perfection.»

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Tu penses donc que ces gens ne joueront plus avec YES. Que tout ce que vous ferez peut-être seront des projets à part... D’après toi, la formation actuelle est-elle alors définitive ?Je ne dis pas ça, mais... Je pense seulement que la formation actuelle est celle qui convient le mieux en ce moment. Il suffit d’écouter l’album. C’est le meilleur album de YES depuis longtemps.

Tu crois qu’il est plus proche du véritable «esprit YES» que «90125» et «Big Generator», enregistrés avec la même formation...Oui. C’est le YES parfait. Il est beaucoup plus dans la tradition musicale du groupe. Très puissant, avec beaucoup de lumières et d’ombres, beaucoup de couleur, d’énergie spirituelle. Et très bien joué, avec plein de bonnes idées pour la scène. C’est une musique très positive. C’est pour ça qu’elle s’appelle «YES».

Et le futur, tu le vois positif aussi ?Oui... La prochaine étape, c’est la tournée. Nous sommes très excité de créer un nouveau concept qui fera vivre cet album pendant deux ans. On sera en France en septembre, et puis on reviendra plus tard avec plus d’argent, donc un show meilleur visuellement. Les deux prochaines années, je vais les passer à faire de la musique avec YES, à mon travail symphonique et des concerts avec des orchestres. Je vais faire un album en Chine avec ma très jolie compagne... Et nous allons traverser le monde et avoir une merveilleuse, merveilleuse, merveilleuse vie !

Qu’en est-il de ton album solo ?J’ai deux albums qui arrivent pour cet été. L’un chez EMI, sur lequel je chante avec l’Orchestre de Chambre de Londres. Et aussi des parties de piano jouées par moi-même, avec l’orchestre. Et aussi un disque pour BMG, enregistré avec des musiciens sud-américains. Je chante en espagnol

et en portugais. Deux choses très différentes.Mais je parlais de «Power Of Silence», qui t’a occasionné apparemment quelques problèmes...Avec Geffen, oui. C’est maintenant un bon bootleg ! (rires)

Il ne sortira jamais ?Oh si ! Un jour, un jour prochain... Mais en fait, Geffen avait envoyé tellement de copies de cet album à des personnes tout autour du monde que certaines se sont mises à les vendres ! Pour rien ! Enfin, pas gratuitement, mais moi je n’ai jamais vu la couleur de l’argent. Maintenant,

tu dois pouvoir trouver une copie sans trop de problèmes... J’aime cet album, mais...

En fait, tu as rompu le contrat avec Geffen...Ils m’ont expliqué qu’ils ne voulaient pas dépenser d’argent pour la promotion. Pour aider l’album à sortir. Alors j’ai dit : «L’avez-vous au moins écouté ?». Ils m’ont répondu : «Oh, non !» Je leur ai demandé : «Comment pouvez-vous décider combien vous allez consacrer ou non à un album que vous n’avez pas écouté ? Je crois que je ferais mieux de quitter votre compagnie !» (rires, un peu jaune).

On a l’impression que tu ne t’en fais jamais trop, que tu vois toujours le bon côté des choses. Et cela se ressent dans tes textes : YES a rarement écrit une chanson triste, en tout cas négative. Tu es quelqu’un de très optimiste, en fait ?Très.

Pourtant, quand on regarde la monde, il n’y a pas que des choses réjouissantes à voir !Mais ce que tu vois, c’est ce que montre CNN. Une petite partie de la vie. Tu sais, nous sommes là à Paris? Il y a sept millions de personnes qui y vivent, et qui ont une vie agréable. Bien sûr, il y en a deux cents qui ont une vie terrible. Et une centaine qui ont un accident et qui se tuent. Et cinquante qui sont des criminels. Et vingt qui connaissent d’autres choses horribles. Mais sur ces sept millions, je crois que l’avantage est net pour ceux qui vivent bien. C’est comme le monde. Le monde est fait de tant de mystère. Et de tant de choses magiques... Mais nous ne voyons que la propagande répandue par CNN et tous ces nouveaux machins. Et les mauvaises nouvelles sont dans les journaux parce qu’elles font vendre. Mais tu sais, si on arrivait à cerner tous les mystères de la vie, on prendrait conscience que notre vie est bien meilleure que ça.

RACONTE !«Talk» le bien nommé. JON A N D E R S O N , auteur de tous les textes, a bien voulu disséquer les

thèmes abordés sur le nouvel album. Excepté pour «Walls», injustement oublié tant par l’interviewé que par l’interviewer. Mea Culpea...«The calling» : «The calling» est comme un hymne. Cette chanson incarne la joie de faire se rejoindre tous les gens de la terre pour apprécier la musique, le rock’n’roll. Parce que nous avons tous cette même flamme, ce même feu à l’intérieur de nous-mêmes.«I am waiting» : Ce que j’attends, c’est une vision plus claire de l’amour qui viendrait de l’univers».«Real love» : Cette chanson parle du pouvoir de la musique et du pouvoir de la terre mère. Le véritable amour, c’est la terre mère.«State of play» : Chaque jour, chaque chose qui se passe est comme un jeu. Tu ne peux rien juger de façon trop sûre, car c’est juste un univers de jeu. Regarde aujourd’hui : le soleil brille, et tu ne peux pas dire que ce ne sera plus le cas demain. Demain sera quelque chose de différent, une nouvelle aire de jeu. Tout n’est que juxtaposition.«Where will you be?» : Ce morceau parle surtout du mystère de la vie. Où seras-tu quand tu ne seras plus là ? Où seras-tu parti ? Dans la création infinie. Et reviendras-tu ? Là, je parle de la réincarnation, en laquelle je crois très fort.«Endless dream» : C’est une chanson pour dire que c’est la dernière fois que je dis que je crois en tout. C’est pour moi la cernière chance de me souvenir que je suis dans la lumière. Et que nous faisons tous partie de la grande famille de Dieu.

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«Yes»(1969-Atlantic)

«Le premier est comme le dernier : c’est comme un commencement. Tout ce que tu fais est comme un commencement. Tu espères que beaucoup

de gens apprécieront ton travail. C’est un album frais, avec des chansons intéressantes. Je me souviens que «Survival» était l’une des premières chansons à parler de l’écologie et de la vie, de comment nous pouvions survivre sur cette planète. C’était un album très futuriste. Il ne sonnait pas tellement bien, justement parce que c’était le début.»

Les albums de YES- commentés par -

Jon Anderson

«Time And A Word»(1970-Atlantic)

«Dans celui-là, il y avait encore des chansons enregistrées avec un orchestre, parce qu’à l’époque nous n’avions pas de claviers qui nous permettaient de créer le son de l’orchestre. J’étais déjà très excité de travailler avec cette couleur orchestrale. Une moitié de l’album est bien et l’autre moitié n’est pas très bonne.»

«The Yes Album»(1971-Atlantic)

«C’était les débuts de STEVE HOWE dans le groupe, et le début de la mise en commun, ensemble, d’une plus grande puissance pour

YES, comme pour un moteur. Nous avions plus de musique à donner. Il y avait un vrai sentiment de communauté dans le groupe.»

«Fragile»(1972-Atlantic)

«Cette fois, c’est RICK WAKEMAN qui venait d’arriver. Il y avait donc RICK WAKEMAN, STEVE HOWE, BILL BRUFORD, CHRIS SQUIRE et moi pour ce qu’on a appelé le classique du groupe dans les années 70. Pour faire «Fragile», on avait tellement de directions différentes à prendre, sans restrictions... On avait vraiment de grandes idées, et c’est pour ça qu’on a commencé à faire de longues plages de musique.»

«Close To The Edge»(1972-Atlantic)

«‘‘Close To The Edge’’ reste pour moi LE classique du YES des seventies, parce que nous avons composé un morceau de vingt minutes et deux de dix, et que c’était tout ce que nous avions de nouveau pour monter sur scène et jouer. Un album très important.»

«Yessongs»(1973-Atlantic)

«Je n’ai jamais aimé les enregistrement de concerts de YES, pour être honnête. Les gens les apprécient, moi je n’ai jamais été content de la production. Mais ce sont les gens qui ont sûrement raison !»

«Tales From Topographic Oceans»

(1974-Atlantic)«‘‘Tales From Topographic Oceans’’ représentait un grand projet, mais en fait ce fut un échec. Nous avions commencé avec

l’idée de faire quelque choses de très grand, nous avons fini avec quelque chose de très petit. Mais beaucoup de gens adorent l’album. J’ai l’intention de le réenregistrer l’année prochaine, avec un orchestre complet. J’aime la musique, les compositions. J’aurais aimé pouvoir le retravailler quelques mois plus tard, mais nous n’avions pas le temps. Nous étions tout le temps sur la route. C’était une période difficile, une période épuisante !»

«Relayer»(1974-Atlantic)

«C’était juste après que RICK WAKEMAN soit parti. Moi je voulais que VANGELIS intègre le groupe, mais bon, ça ne s’est pas fait... Finalement, nous avous trouvé ce gars très talentueux, PATRICK MORAZ. Nous avons fait un album très puissant, avec un énorme show, très visuel. Je trouve que nous avons dépensé beaucoup d’argent, de temps et d’énergie à faire ce disque, bien que celui-ci ne fasse pas partie des meilleurs. Selon moi, c’était un très bon album pour la scène. Parce qu’on y avait mis toutes ces choses, le Vietnam et toutes les destructions dues aux guerres et parce qu’à la fin, il y avait cette chanson, ‘‘Soon, oh soon the light...’’ Et j’ai trouvé cette chanson positive, en plein dans une période franchement pas drôle.»

«Going For The One»(1977-Atlantic)

«C’est l’album avec ‘‘Awaken’’, le plus grand morceau de YES.»

«Tormato»(1978-Atlantic)

«Un album difficile. Tout le monde regardait ailleurs, dans des directions différentes. On jouait ensemble depuis dix ans et nous étions tous très

fatigués. Nous ne pouvions même pas vieillir à côté de nos enfants, nous n’avions plus de temps à rien à part faire des albums, partir en tournée et faire gagner beaucoup d’argent à nos managers et à nos agents.»

«90125»(1983-Atco)

«C’était comme une bouffée d’air frais, une renaissance. Un grand moment dans ma vie, ce retour dans un groupe appelé YES avec un très grand album, vraiment. Être numéro 1 tout autour du monde, c’était comme un rêve devenu réalité.»

«9012 Live - The Solos»(1985-Atco)

Moue dubitative de Jon, Ndr) : «Cet album n’est pas très important pour moi.»

«Big Generator»(Atco-1987)

«Un très bon album, mais très difficile pour moi. Car je n’étais plus rien d’autre que le chanteur du groupe. Je n’avais pas eu la chance d’écrire

avec les autres». (Je fais remarquer à Jon qu’il laissait aussi de nombreuses parties de chant à TREVOR RABIN, Ndr). «Oui, ce n’était pas vraiment ma vision d’un album de groupe. Pour moi, cette situation était difficile. Alors, je suis partie encore une fois et j’ai commencé à retravailler avec VANGELIS et puis sur le projet ANDERSON, BRUFORD, WAKEMAN, HOWE.»

«Anderson, Bruford, Wakeman, Howe»

(1989-Atco)«Voilà l’aboutissement de la raison pour laquelle j’étais parti. Pour faire quelque chose de différents. J’ai apprécié de travailler avec mes vieux amis, plus TONY LEVIN à la basse.»

«Union»(1991-Atco)

«‘‘Union’’ n’a pas été un album très évident, ni très satisfaisant, mais il y a eu ensuite une super, super tournée. La meilleure. Tous les musiciens dans

le groupe jouaient tellement bien...»

«Talk»(1994-Barclay)

«Talk est le meilleur album, de tous....»

De «Drama» (1980-Atlantic), «Yesshows» (1980-Atlantic) et «Classic Yes» (1981-Atlantic), JON ANDERSON n’a rien voulu dire. Et pour cause :«Je n’étais pas là. J’étais dans le sud de la France à passer des moments merveilleux. J’étais beaucoup plus intéressé par mon travail avec VANGELIS.»

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Symphonic Music Of YesRCA Victor/BMG

Frédéric Delagelll¡¡

Après GENESIS période Gab’ et, plus récemment, les BEATLES, voilà maintenant YES à son tour «symphonisé» à la mode classique. Sur ce CD empaquetté par ROGER DEAN, on retrouve à l’intérieur beaucoup de monde : le LONDON PHILARMONIC ORCHESTRA, l’ENGLISH CHAMBER ORCHESTRA, et le LONDON COMMUNITY GOSPEL CHOIR. La production et l’enregistrement sont assurés par ALAN PARSONS, non en project, mais bien en personne. Et enfin, trois YES authentiques sont là (qui a lit las ?) : STEVE HOWE, BILL BRUFORD et, sur deux chansons seulement, la voix de JON ANDERSON. Aux premières écoutes, on tombe sous le charme inédit de cette redécouverte inattendue. Et cela suffit à transcender les versions instrumentales de «Heart Of The Sunrise», «Soon» ou «Starship Trooper» revisités par le souffle d’un véritable orchestre. Un peu comme si l’on retrouvait de vieux amis sous un nouveau jour. Seulement, ce genre de melting-pot entre rock et classique a quand

nouvelles aventures épiques à la «Close To The Edge». À l’arrivée, l’album d’ABWH présentait un bilan mitigé (l’immense «Birthright», l’imbuvable «Teakbois»). En revanche, la tournée qui suivit fut vraiment grandiose et, grâce à Fragile Records, voilà maintenant la quasi-totalité du concert «lasérifiée» avec un son irréprochable. Presque tout le premier CD est consacré aux solos et ce qui, de visu, créait une excitation crescendo, se révèle un peu agaçant sur disque : hey, messieurs ABWH, y commence quand votre concert ? Remarquez, quand ça commence vraiment, on n’est pas déçus : les doigts enchanteurs de Rick WAKEMAN introduisent une lumineuse version de «Long distance runaround» avant que le groupe n’enchaîne sur «Birthright» puis «And You And I» et toute la clique magique... Le plaisir est juste contrarié de-ci de-là par quelques sons de claviers trop pompiers (WAKEMAN, c’est le meilleur ou le pire : pas de demi-mesure chez les rois de la démesure) et par la batterie pétaradante de Bill BRUFORD, rappelant davantage le chant des mitraillettes que le champs d’action du fabuleux batteur de «Fragile». La suite de l’histoire allait de toute façon tuer dans l’œuf le projet ABWH, Jon ANDERSON ne pouvant se passer bien longtemps du vocable officiel YES. À moins que cela ne soit le contraire...

même, inévitablement, un côté bâtard. Comme il y a toujours la guitare à mille cordes du sieur HOWE et la baguette magique de Mister BRUFORD, comme «Roundabout» et «I’ve Seen All Good People» restent portées par la voix céleste d’Anderson, la remontée des souvenirs finit, au bout d’un moment, par susciter l’envie de plus fortes émotions. Alors, on se dit qu’aucune version de ce disque ne dépasse les originales. Et l’on finit par remettre sur la platine «Close To The Edge», le vrai, avec sa pochette verte, son lyrisme intomporel et sa rage électrique. Son disque le plus «rock & classique», YES l’a déjà sorti : c’était en 1972.

1994.09-10 - Rockstyle n° 6 : Critique «An Evening Of Yes Music Plus»

Anderson Bruford Wakeman HoweAn Evening Of Yes Music PlusFragile/Play It Again Sam

Frédéric Delagelll¡¡

Quand en 1989, Jon ANDERSON décida de rejoindre ses ex-acolytes du YES des seventies pour pondre avec eux un nouvel album, certains révêrent de

1994.07-08 - Rockstyle n° 5 : Critique «Symphonic Music Of Yes»

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YESÉditions remastérisées :

«Fragile» (71) / «Close To The Edge» (72) /«Tales From Topographic Oceans» (73) / «Relayer» (74) /

«Going For The One» (77)(Atlantic/Carrere)

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Le son a gagné en mordant et en profondeur, les pochettes sont désormais plus proches des originales et les voilà enfin agrémentées des paroles : les fans du YES des seventies vont revendre leurs (déjà) vieux CD pour se procurer les versions lasers définitives de ces cinq albums «classiques» qui ne le sont pas moins, définitifs. Car il s’agit bien là du legs immense d’un des plus singuliers groupes de l’histoire du rock (?) : YES, première génération, honni par les uns pour ses exubérances, ses artifices et son perfectionnisme outrancier, adulé par les autres pour sa virtuosité vertigineuse, sa profondeur de chant, ses plaisirs lumineux et saoulants. Comme votre serviteur se rapproche bien davantage des autres que des uns, adulons donc une nouvelle fois ce YES-là, usons de démesure pour qualifier la démesure, et surtout réécoutons, mes frères et mes sœurs, ces cinq tomes de versets angéliques venus de l’âge d’or du rock progressif. Dont, bien sûr, l’album du miracle ultime : «Close To The Edge», si proche du gouffre improbable de la perfection, album de rage céleste et d’évidente complexité, effrayant de grâce maîtrisée, cascades inouïes de beauté pensée devenue naturelle et s’écoulant dans nos tympans ébahis !!! Avec «Close To The Edge», YES était évidemment près du précipice, acculé au bord de la chute par un état de grâce forcément provisoire. Son talent permit au groupe d’éviter longtemps la dégringolade (qui ne survint qu’en 1979 avec le médiocre « T o r m a t o » ) . Mais malgré le second souffle FM entamé en 1983 par l’excellent «90125», jamais YES ne retrouva de si éblouissantes altitudes.(Frédéric Delage)

THE MOON REVISITED«Tribute to Pink Floyd»

(Magna Carta) 3/5

On le sait depuis des mois et des mois, la mode est aux albums-hommage. Celui-ci, commandité par le label américain Magna Carta, est dédié à PINK FLOYD. Guère original... Mais là où ça le

devient, c’est de la façon dont c’est fait : alors que la plupart des «tributes» est un conglomérat de morceaux sans guère de rapport les unes avec les autres, interprétés par des groupes n’ayant aucun lien musical avec celui qui les a soit-disant influencés, ce «Moon Revisited» a l’audace de reprendre «Dark Side Of The

M o o n » dans son i n t é g r a l i t é . Évidemment, p l u s i e u r s combos se sont attelés à la tâche, délivrant à tour de rôle une reprise issue du

chef-d’œuvre floydien. La démarche est courageuse et nouvelle. Si CAIRO et Rob La Vaque s’en tirent assez bien avec leurs versions de «Speak to me/Breathe» et «On the run», SHADOW GALLERY signe une version titanesque de «Time». Fidèle mais hyper-puissante, elle confirme toutes les espérances que l’on a su placer dans ce groupe. MAGELLAN nous offre une version étonnante de «Money», ENCHANT délivre un «Us & them» plus qu’honnête, et «Eclipse» interprété par la totalité des chanteurs présent sur ce tribute s’inscrit également parmi les réussites. Seul véritable point noir : la version de «Brain damage» que Robert Berry -on ne comprend toujours pas pourquoi- a amputé d’une bonne moitié. Les fans seront quand même ravis...

1995.03 - Rockstyle n° 9 : Critiques éditions remastérisées «Flash Back»

1995.09 - Rockstyle n° 12 (HS) : Critiques «The Moon Revisited» & «Tales From Yesterday», «Flash Back»

FLASH BACK

Page 61: recUeiL de Presse - nsds.frnsds.fr/Yespress_2.pdf · 1989.11 - Keyboards Magazine n° 27 : Entretien Rick Wakeman «Yes pour ABWH !» 39 1991.06 - Télémoustique : Critique «Union»

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TALES FROM YESTERDAY

«Tribute to Yes»(Roadrunner) 3/5

On reprend quasiment les mêmes et on recommence. Cette fois-ci, c’est YES qui se fait tirer le portrait. En 13 morceaux, les meilleurs représentants de la scène progressive américaine rendent hommage au groupe de Jon Anderson, MAGELLAN réalise la meilleure opération avec une cover superbe et très personnelle de «Don’t kill the whale», ENCHANT s’en sort avec les honneurs sur un «Changes» fidèle à l’original et WORLD TRADE passe l’examen avec mention en s’appropriant «Wonderous stories». Le plus pour les fans de YES, c’est la présence

de Steve Howe qui s’amuse à reprendre joliment le magique «Turn of the century» avec Annie Haslam (de RENAISSANCE), Peter Banks s’éclate sur «Astral Traveller» et Patrick Moraz se rappelle à notre bon souvenir avec une version un rien pompeuse de «Soon». Même le fils de Rick Wakeman (Adam, pour les intimes) a accepté l’invitation, reprenant avec quelques potes le mythique «Starship trooper». Dommage cependant que le choix des morceaux pour certains laisse à désirer. On aurait préféré entendre SHADOW GALLERY reprendre «Owner of a lonely heart» dans une version boostée plustôt que l’insignifiant «Release release». À part ce détail, ça l’fait !

Thierry Busson

YES«Tales FromTopographic Oceans»ATLANTIC/EASTWEST

Au début de l’été 73 paraît l’album live «Yessongs», confirmant en six faces magistrales tout le bien que l’on pensait de Yes, depuis «Close To The Edge». Pourtant le groupe n’attend pas l’arrivé des premières neiges pour asséner à la face du monde un monumental double-album. Novembre 73 voit l’éclosion du chef-d’œuvre incontournable. Un opus hors du commun et de surcroît intemporel, qui demeure, encore aujourd’hui, le must de son imposante discographie. «Tales From Topograph ic O c e a n s » paraît entre «Six Wives Of Henry VIII» et «Journey To The Center Of The Earth», deux albums solo de Rick Wakeman. Ce dernier quittera le groupe peu de temps après et sera remplacé par Patrick Moraz, transfuge du groupe Refugee. Inspiré de mythiques légendes hindoues, «Tales» est en fait conçu en quatre grandes pièces musicales : «The Revealing Science Of God», «The Remembering», «The Ancient» et «Ritual». Publié initialement en un double-LP, il affiche par son contenu toute son originalité. Si le premier album est le digne successeur de «Close To The Edge», le second se révèle étonnamment audacieux, riche de mille somptueuses trouvailles. Un esprit créateur

anime cette œuvre aux structures révolutionnaires pour l’époque. «The Revealing Science Of God - Dance Of The Dawn» occupe toute la face A du premier vinyle. Le lyrisme des vocaux assurés par Anderson et Squire donne le frisson. En clé de voûte majestueuse, la guitare de Steve Howe soutien l’ensemble et prépare au solo de Rick Wakeman, jusqu’au final chanté a cappella par Anderson, Howe et Squire. S’étendant sur toute l’autre face, «The Remembering - High The Memory» dégage un climat flirtant avec la perfection divine. Les vocaux s’enroulent dans le jeu de Wakeman et

Howe avec volupté. Avec le second vinyle, changemen t de programme. «The Ancient - Giant Under The Sun» se veut futuriste, m e t t a n t l ’ a u d i t e u r en complète déroute. Steve

Howe, à l’instar d’un Robert Fripp, tire de sa guitare des phrasés dissonants, aigus et éclatants à la fois. Il faut tout le génie de Rick Wakeman au mellotron et aux synthés pour apaiser ce maelström alimenté par une fantastique rythmique. Enfin, «Ritual - Nous Sommes Du Soleil» clôture magistralement ce double-album. Alan White fracasse un solo de batterie complètement visionnaire, qui n’altère en rien la performance vocale de Jon Anderson. Plus de vingt ans après, ces «Histoires» demeurent la plus belle réussite de ce Pygmalion du rock progressif.

Xavier CHATAGNON

1995.12 - Rock & Folk HS n° 11 : Critique «Tales From Topographic Oceans»

Page 62: recUeiL de Presse - nsds.frnsds.fr/Yespress_2.pdf · 1989.11 - Keyboards Magazine n° 27 : Entretien Rick Wakeman «Yes pour ABWH !» 39 1991.06 - Télémoustique : Critique «Union»

Tous les articles ont été reconstitués à l’instar de leur mise en page originale.Cependant, l’équilibre visuel et certaines contraintes techniques ont imposé quelques modifications.

Document réalisé en 2012 par Yves Moreaux pour l’associationNous Sommes Du Soleil - Fan-Club de YES - France - http://nsds.fr