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SPECIAL TRIBUNAL FOR LEBANON TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2009 - 2010 Pricipales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban TSL

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SPECIAL TRIBUNAL FOR LEBANONTRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN

RECUEIL DE JURISPRUDENCE

DU TSL2009 - 2010

Pricipales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

TSL

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RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2009 - 2010

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RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL

2009 - 2010

Sélection de décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

Tribunal spécial pour le LibanLeidschendam

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Tribunal spécial pour le LibanLeidschendamPays-Bas

©2012 Tribunal spécial pour le Liban

Les documents figurant dans cet ouvrage ne constituent pas les archives officielles du Tribunal spécial pour le Liban et sont uniquement destinés à l’information du public.

ISBN 978-94-90651-04-6

Imprimé au Liban

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Table des maTières

Préface 7

1. Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, affaire n° : CH/PTJ/2009/01, 27 mars 2009 (« Dessaisissement »)

9

2. Ordonnance relative aux conditions de détention, affaire n° : CH/PRES/2009/01/rev, 21 avril 2009 (« Détention »)

19

3. Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, affaire n° : CH/PTJ/2009/06, 29 avril 2009 (« Mise en liberté »)

35

4. Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal, affaire n° : CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010 (« Compétence et qualité pour ester en justice JME »)

53

5. Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Riachi de la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en application de l’article 25, affaire n° : CH/PRES/2010/08, 5 novembre 2010 (« Récusation du juge Riachi »)

81

6. Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Chamseddine de ses fonctions à la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en vertu de l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve, affaire n° : CH/PRES/2010/09, 5 novembre 2010 (« Récusation du juge Chamseddine »)

129

7. Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, affaire n° : CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010 (« Compétence et qualité pour ester en justice CA »)

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Index 179

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PRÉFACE

Ce recueil de jurisprudence inaugure une collection que le Tribunal spécial pour le Liban prévoit de publier tout au long de son existence, qui contiendra une sélection des décisions les plus importantes rendues chaque année par ses juges. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de communication du Tribunal. Le but recherché est de rendre la jurisprudence du Tribunal plus accessible au Liban comme ailleurs.

Ce volume contient sept décisions d’importance rendues par le Tribunal – trois en 2009 et quatre en 2010 –, toutes également accessibles sur le site Internet du Tribunal (www.stl-tsl.org). Il propose aussi un index analytique visant à faciliter les recherches des étudiants et universitaires.

Le Tribunal spécial pour le Liban étant le premier tribunal international compétent pour connaître des affaires de terrorisme, la portée de sa jurisprudence s’étend bien au-delà du prétoire. J’espère que cette publication sera utile aux étudiants, professeurs, universitaires, érudits, juges, avocats et autres acteurs de la communauté juridique, tout comme au grand public – au Liban comme ailleurs – désireux de s’informer, d’étudier et de commenter la jurisprudence du Tribunal.

David Baragwanath

Président

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Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de

l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes

« Dessaisissement »

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : CH/PTJ/2009/01Devant : M. le Juge Daniel FransenLe Greffier : Robin VincentDate : 27 mars 2009

ORDONNANCE PORTANT DESSAISISSEMENT EN FAVEUR DU TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN DE LA JURIDICTION

LIBANAISE SAISIE DE L’AFFAIRE DE L’ATTENTAT CONTRE LE PREMIER MINISTRE RAFIC HARIRI ET D’AUTRES PERSONNES

Le Procureur :M. D.A. Bellemare

Le Gouvernement du Liban

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Dessaisissement

I. – La requête

1. Le 25 mars 2009, le Procureur du Tribunal spécial pour le Liban (le « Procureur » et le « Tribunal » respectivement) a saisi le Juge de la mise en état d’une requête aux fins « d’enjoindre aux autorités libanaises saisies de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes (l’« affaire Hariri ») de : 1) Se dessaisir en faveur du Tribunal, 2) Transmettre au Procureur les éléments de l’enquête, ainsi qu’une copie des dossiers de procédure et de tous les éléments de preuve pertinents, et 3) Présenter au juge de la mise en état une liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête » (la « Requête »).

2. La Requête se fonde sur l’article 4, paragraphe 2) du Statut du Tribunal (le « Statut ») joint à l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création du Tribunal (l’« Accord »), lui-même annexé à la Résolution 1757 (2007) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 30 mai 2007 (S/RES/1757 (2007)). La Requête s’appuie également sur l’article 17 du Règlement de procédure et de preuve entré en vigueur le 20 mars 2009 (le « Règlement »).

II. – Les dispositions applicables

3. Les dispositions à prendre en considération dans le cadre de cette ordonnance sont l’article 4, paragraphe 2) du Statut, l’article 17, paragraphes A) et B) du Règlement et l’article 15, paragraphe 1) de l’Accord.

4. L’article 4 du Statut règle de façon générale les compétences concurremment exercées par le Tribunal et les juridictions libanaises. Son paragraphe 2, qui concerne spécifiquement l’affaire Hariri, est libellé de la façon suivante :

Dès l’entrée en fonction du Procureur nommé par le Secrétaire général, et deux mois au plus tard après celle-ci, le Tribunal spécial demande à la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes de se dessaisir en sa faveur. La juridiction libanaise transmet au Tribunal les éléments de l’enquête et copie du dossier, le cas

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échéant. Les personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sont déférées au Tribunal.

5. L’article 17 du Règlement met en œuvre les dispositions de l’article 4 du Statut et envisage concrètement la manière dont s’opère le dessaisissement des autorités judiciaires libanaises en faveur du Tribunal. Ses paragraphes A) à D) concernent spécifiquement l’affaire Hariri. À ce stade de la procédure, seuls les paragraphes A) et B) sont pertinents. Ils sont libellés de la façon suivante :

(A) En application de l’article 4 2) du Statut, deux mois au plus tard après l’entrée en fonction du Procureur, à la requête de celui-ci, le Juge de la mise en état demande aux autorités judiciaires libanaises saisies de l’enquête relative à l’attentat commis contre Rafic Hariri, dans un délai de quatorze jours, de :

i) Se dessaisir en faveur du Tribunal,

ii) Transmettre au Procureur tous les éléments de l’enquête, ainsi qu’une copie des dossiers de procédure et de tous les éléments de preuve pertinents, et

iii) Présenter au Juge de la mise en état une liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête.

(B) Après avoir reçu la liste visée à l’alinéa A) iii), le Juge de la mise en état la transmet au Procureur. Le Procureur dépose dès que possible une requête motivée, accompagnée de tout élément à l’appui de sa demande, dans laquelle il indique, pour chaque personne figurant sur la liste, s’il requiert son maintien en détention ou s’il ne s’oppose pas à sa mise en liberté par le Juge de la mise en état, le cas échéant, sous conditions, conformément à l’article 102.

i) Pour chaque personne figurant sur la liste dont la mise en liberté ne fait pas l’objet d’opposition de la part du Procureur, le Juge de la mise en état décide dans un délai raisonnable d’enjoindre ou non aux autorités libanaises de mettre en liberté la personne en question avec effet immédiat, sous réserve des mesures nécessaires aux fins d’assurer sa sécurité, le cas échéant. Sa décision est rendue en audience publique, en présence du Chef du Bureau de la Défense et du Procureur. La requête du Procureur visée à l’alinéa B) sera rendue publique à ce stade.

ii) Pour chaque personne figurant sur la liste dont la mise en liberté fait l’objet d’opposition du Procureur, le Juge de la mise en état tient, dès

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Dessaisissement

que possible, une audience publique, le cas échéant, par le biais d’une vidéoconférence pour la personne et son conseil, afin de déterminer si elle doit être déférée au Tribunal en vertu de l’article 4 2) du Statut ; le Juge de la mise en état peut également, après avoir entendu la personne ou son conseil, délivrer toute ordonnance ou tout mandat d’arrêt pertinent à cet égard.

6. L’article 15 de l’Accord régit de façon générale la coopération entre le Tribunal et les autorités libanaises. Son paragraphe 1 est libellé de la façon suivante :

Le Gouvernement coopère avec tous les organes du Tribunal spécial, en particulier avec le Procureur et le conseil de la défense, à tous les stades de la procédure. Il facilite l’accès du Procureur et du conseil de la défense aux lieux, personnes et documents dont ils ont besoin à des fins d’enquête.

III. – La compétence

7. Selon l’article 4, paragraphe 1) du Statut, le Tribunal et les juridictions libanaises sont concurremment compétents dans le cadre de l’affaire Hariri. Toutefois, dans les limites de sa compétence, le Tribunal a la primauté sur les juridictions libanaises. Pour exercer cette primauté conformément à l’article 4, paragraphe 2) du Statut, le Tribunal doit adresser une demande de dessaisissement à la juridiction libanaise saisie de l’affaire Hariri, et ce dès l’entrée en fonction du Procureur et au plus tard dans un délai de deux mois à compter de celle-ci. En outre, conformément à l’article 17, paragraphe A) du Règlement, il appartient au Juge de la mise en état, sur requête du Procureur, d’adresser cette demande de dessaisissement.

8. Le 1er mars 2009, lors du commencement des travaux du Tribunal, le Procureur a pris ses fonctions. Le 25 mars 2009, celui-ci a saisi le Juge de la mise en état d’une requête aux fins d’enjoindre aux autorités libanaises saisies de l’affaire Hariri de se dessaisir en faveur du Tribunal.

9. À la lecture des articles 4, paragraphes 1) et 2) du Statut et 17, paragraphe A) du Règlement, et dans la mesure où le Procureur a pris ses fonctions et déposé sa Requête dans les délais prescrits, le Juge de la mise en état est compétent pour statuer sur ladite Requête.

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Dessaisissement

10. Par ailleurs, il convient de noter que, par courrier du 27 février 2009, le Ministre de la justice du Liban a informé le Tribunal que le Liban entendait « coopérer et [...] donner suite à ses engagements internationaux » et que « le pouvoir judiciaire [de cet État] [a] déclar[é] solennellement […] qu’il accept[ait] de se dessaisir des dossiers, procès-verbaux et résultats d’enquête [...] » relatifs à l’affaire Hariri en faveur de la juridiction du Tribunal. S’il témoigne de la volonté du Liban de coopérer avec le Tribunal, ce courrier ne saurait néanmoins être assimilé à un acte formel de dessaisissement de la part des juridictions libanaises, dans la mesure où, comme évoqué au paragraphe 7 de la présente ordonnance, ce dernier ne peut intervenir qu’à la suite d’une demande du Tribunal.

IV. – L’exposé des motifs

11. L’exposé des motifs commence par des observations sur les fondements et la logique sur lesquels repose l’article 17 du Règlement, à la lumière de l’article 4 du Statut. Il traite ensuite des mérites de la Requête.

A. – Observations liminaires

12. Selon l’article 4, paragraphe 2) in fine du Statut, « [l]es personnes détenues dans le cadre de l’enquête sont déférées au Tribunal ».

13. Ces termes – qui pourraient laisser penser que toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête relative à l’affaire Hariri sont automatiquement transférées au siège du Tribunal – doivent être interprétés conformément à l’article 31, paragraphe 1) de la Convention de Vienne sur le droit des traités (adoptée le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980). Or, cette disposition prévoit qu’« [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ».

14. Interprété dans le contexte général de l’Accord et du Statut qui y est joint, l’article 4, paragraphe 2) in fine vise à garantir que toutes les personnes dont le Juge de la mise en état ordonne, sur requête du Procureur, le maintien en détention soient déférées devant le Tribunal. En revanche, cette disposition ne pourrait

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Dessaisissement

raisonnablement être interprétée comme s’appliquant également aux personnes que le Juge de la mise en état entend libérer, sur requête du Procureur. Il serait en effet contraire aux exigences du procès équitable et aux impératifs d’efficacité et d’économie judiciaire, tel qu’il résulte de l’esprit du Statut, de transférer ces personnes au siège du Tribunal pour s’entendre notifier leur mise en liberté et devoir retourner dans leur pays.

15. Il en résulte que l’article 4, paragraphe 2) du Statut doit être interprété comme marquant une distinction entre, d’une part, la demande de dessaisissement et de transmission des éléments de l’enquête et de la copie du dossier et, d’autre part, le cas échéant, la remise au Tribunal des personnes détenues au Liban. En effet, ce n’est qu’une fois les éléments de l’enquête et la copie du dossier remis au Tribunal que celui-ci pourra se saisir de l’affaire Hariri et ensuite statuer sur le transfèrement et le maintien en détention de ces personnes.

16. Conformément à l’interprétation donnée ci-dessus de l’article 4, paragraphe 2) du Statut, l’article 17, paragraphes A) et B) du Règlement consacre cette distinction. Il détaille les différentes étapes du dessaisissement des juridictions libanaises en charge de l’affaire Hariri à savoir une décision formelle de dessaisissement, la transmission des dossiers et de la liste des personnes détenues (paragraphe A) de l’article 17 du Règlement) et les distingue de la question de la détention qui ne pourra être soumise à l’appréciation du Tribunal qu’une fois celui-ci saisi (paragraphe B) de l’article 17 du Règlement).

B. – L’examen de la Requête

17. La Requête est déposée dans le délai de deux mois à compter de l’entrée en fonction de ce dernier. Elle est dès lors recevable.

18. Dans la mesure où son dispositif reprend explicitement les termes de l’article 17, paragraphe A) du Règlement, la Requête est fondée. Il y a lieu d’y faire droit en requérant les juridictions libanaises de se dessaisir formellement de l’affaire Hariri en faveur du Tribunal.

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19. Toutefois, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et de la célérité des procédures, il convient de régler la procédure en deux phases successives, comme évoquées aux paragraphes 15 et 16 de la présente ordonnance, et ce de la manière suivante :

i) la remise dans les meilleurs délais des éléments de l’enquête et d’une copie du dossier ainsi que d’une liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête relative à l’affaire Hariri, le cas échéant ; ceci devant permettre au Procureur de solliciter, en application de l’article 17, paragraphe B) du Règlement, le maintien ou non en détention de ces personnes et, le cas échéant, leur transfèrement au Tribunal ; et

ii) ultérieurement, en fonction de l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état statuant sur la requête mentionnée au point i), et, le cas échéant, après avoir entendu les personnes détenues et leur conseil, conformément à l’article 17, paragraphe B) du Règlement, le transfèrement au Tribunal des personnes dont la détention sera maintenue ou leur remise en liberté.

V. – Le dispositif

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 4 paragraphe 2) du Statut, 17 paragraphes A) et B) du Règlement et 15 de l’Accord,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

DÉCLARE la requête recevable et fondée ; et

REQUIERT la juridiction libanaise saisie de l’affaire Hariri de :

se dessaisir de cette affaire en faveur du Tribunal ;

i) dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 14 jours de la réception de la présente, transmettre au Procureur tous les éléments de l’enquête et copie du dossier relatifs à l’affaire Hariri, le cas échéant ;

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Dessaisissement

ii) dans les meilleurs délais et au plus tard dans les 14 jours de la réception de la présente, transmettre au Juge de la mise en état la liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’affaire Hariri, le cas échéant ;

iii) entre le moment de la réception des éléments de l’enquête et de la copie du dossier visés au point ii) ci-dessus et celui de la décision du Juge de la mise en état sur le maintien ou non en détention des personnes détenues dans le cadre de l’affaire Hariri, conformément à l’article 17, paragraphe B) du Règlement, détenir ces personnes au Liban ; et

iv) ultérieurement, en fonction de l’ordonnance rendue sur le maintien ou non en détention des personnes visées au point iv) ci-dessus par le Juge de la mise en état en vertu de l’article 17, paragraphe B) du Règlement, déférer au Tribunal les personnes dont la détention serait maintenue ou procéder à leur mise en liberté avec effet immédiat.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 27 mars 2009

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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Ordonnance relative aux conditions de détention

« Détention »

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LE PRÉSIDENT

Affaire n° : CH/PRES/2009/01Devant : M. le Juge Antonio CasseseLe Greffier : M. Robin VincentOrdonnance rendue le : 21 avril 2009Date : 21 avril 2009

ORDONNANCE RELATIVE AUX CONDITIONS DE DÉTENTION

Le Procureur :M. D.A. Bellemare, MSM, QC

Le Chef du Bureau de la Défense :M. François Roux

Le Gouvernement du Liban

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Détention

1. En Notre qualité de Président du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal »), Nous avons été saisis de la demande du Chef du Bureau de la Défense, M. François Roux, s’agissant de quatre personnes actuellement détenues par les autorités libanaises.

I. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

2. Le 1er mars 2009, le Tribunal a démarré ses activités. L’Assemblée plénière des juges a adopté le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), le Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement ou d’appel devant le Tribunal ou détenues sur l’ordre du Tribunal spécial pour le Liban (le « Règlement de détention »), et la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense (la « Directive relative à la commission d’office »). Ces documents sont entrés en vigueur le 20 mars 2009.

3. Le 27 mars 2009, à la demande du Procureur du Tribunal (le « Procureur »), le Juge de la mise en état a délivré une ordonnance aux fins d’enjoindre à la juridiction libanaise saisie de l’affaire relative à l’attentat commis contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes (l’« affaire Hariri ») de se dessaisir de l’affaire en faveur du Tribunal dans un délai de quatorze jours à compter de la réception de l’ordonnance1.

4. L’Ordonnance du 27 mars 2009 sollicitait, conformément à l’article 17 du Règlement, à la juridiction libanaise saisie de l’affaire Hariri de maintenir en détention les personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire à partir du moment où le Procureur reçoit les résultats de l’enquête de la part des autorités libanaises, ainsi que la copie des comptes rendus d’audience, et ce, jusqu’à ce que le Juge de la mise en état rende une décision en l’espèce2.

1 Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, affaire n° CH/PTJ/2009/01, 27 mars 2009 (l’« Ordonnance du 27 mars 2009 »).

2 Id.

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Détention

5. Le 8 avril 2009, les autorités judiciaires libanaises ont transmis la liste des personnes détenues au Juge de la mise en état. Selon les termes de cette liste, les personnes détenues sont Jamil Mohamad Amin El Sayed, Ali Salah El Dine El Hajj, Raymond Fouad Azar et Mostafa Fehmi Hamdan (les « personnes détenues »).

6. Le 15 avril 2009, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance par laquelle il a confirmé que, depuis le 10 avril 2009, les personnes détenues relèvent de l’autorité juridique du Tribunal, tout en demeurant détenues au Liban par les autorités libanaises. Le Juge de la mise en état a ordonné que, conformément aux normes internationales en matière de droits de l’homme et aux principes généraux de la procédure et du droit international pénal, et vu la complexité de l’affaire en question, le Procureur doit déposer au plus tard le 27 avril 2009 sa requête motivée, selon les termes de l’article 17, paragraphe B) du Règlement, afin d’indiquer s’il demande le maintien en détention des personnes détenues.3

7. Le 20 avril 2009, le Chef du Bureau de la Défense, après s’être rendu au quartier pénitentiaire où se trouvent actuellement les personnes détenues en application de l’Ordonnance du 15 avril 2009 rendue par le Juge de la mise en état, Nous a adressé une lettre, en Notre qualité de Président du Tribunal, aux fins de la délivrance d’une ordonnance disposant que :

i) toutes les réunions entre les avocats et leurs clients sont protégées par le secret professionnel et confidentielles, sans qu’aucun fonctionnaire du quartier pénitentiaire ni aucune autre personne soit autorisé à écouter ou à enregistrer la communication.

ii) les détenus sont autorisés à se réunir, sous réserve de mesures de sécurité raisonnables, pour une durée de deux heures par jour ; et

iii) le Greffier, qui est responsable des conditions de détention tant que les détenus se trouvent sous l’autorité du Tribunal, doit informer les autorités libanaises concernées de la présente décision.4

3 Ordonnance portant fixation du délai de dépôt de la Requête du Procureur en application de l’article 17, paragraphe B), du Règlement de procédure et de preuve, affaire n° STL/PTJ/2009/03, rendue le 15 avril 2009 (l’« Ordonnance du 15 avril 2009 »).

4 Demande, p. 2.

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Détention

Nous avons donné au Procureur la possibilité de s’exprimer sur la question, ce qu’il a fait.

II. LA COMPÉTENCE

8. En application du Règlement de détention (notamment les articles 3 et 6), la détention des personnes par le Tribunal relève généralement de l’autorité du Greffier, le Chef du quartier pénitentiaire étant responsable de tous les aspects de l’administration quotidienne du quartier pénitentiaire. Toutefois, ces dispositions s’appliquent principalement lorsqu’une personne est détenue dans un quartier pénitentiaire du Tribunal5.

9. Dans les circonstances actuelles, les autorités libanaises doivent se charger de l’administration quotidienne du régime de détention des personnes détenues. Le Juge de la mise en état a estimé qu’il serait contraire aux exigences d’un procès équitable et aux impératifs d’efficacité et d’économie judiciaire de transférer les personnes détenues sous l’autorité directe du Tribunal aux Pays-Bas avant qu’il n’entende les arguments motivés du Procureur quant à la question de savoir s’il demande leur maintien en détention ou s’il ne s’oppose pas à leur remise en liberté6.

10. Afin de garantir que les personnes détenues disposent de voies de recours effectives contre toute violation de leurs droits durant leur détention par les autorités libanaises au nom du Tribunal, ce dernier doit être en mesure d’exercer une certaine forme de contrôle de leur détention. Sans un tel contrôle effectué par le Tribunal, les droits des personnes détenues risquent d’être gravement compromis et elles pourraient se retrouver sans voie de recours effective possible contre toute violation éventuelle de leurs droits7.

5 Voir, par exemple, les articles 83 et 101, paragraphe G) du Règlement.

6 Ordonnance du 27 mars 2009, par. 14.

7 S’agissant de la nécessité d’une voie de recours effective pour toute violation de droits fondamentaux durant la détention en vertu de l’article 2-3 du PIDCP, voir notamment Le Procureur c/ Kajelijeli, affaire n° ICTR-98-44A-A, Arrêt, 23 mai 2005, par. 255 et 324.

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Détention

11. Plus précisément, les pouvoirs conférés au Président par l’article 32, paragraphe D) du Règlement (en vertu desquels le Président « contrôle les conditions de détention ») rendent les dispositions de l’article 101, paragraphe G) du Règlement (en vertu duquel le Président est autorisé à « demander la modification des conditions de détention » lorsqu’une personne est détenue dans un quartier pénitentiaire situé hors de l’État) applicables à l’espèce. Bien que les personnes détenues n’aient pas déposé de requêtes elles-mêmes, l’article 57, paragraphe F) du Règlement dispose que le Chef du Bureau de la Défense a le droit d’être entendu sur des questions en rapport avec les droits des suspects ou des accusés.

12. En l’espèce, et vu que les personnes détenues sont placées en détention sous l’autorité du Tribunal en application de l’Ordonnance du 15 avril 2009, Nous considérons qu’en qualité de Président, Nous sommes compétents pour connaître de la requête.

III. LE DROIT APPLICABLE

A. Le droit de communiquer librement et sous couvert du secret professionnel avec le conseil

13. Le Statut du Tribunal (le « Statut ») dispose, dans l’article 16, paragraphe 4), alinéa b), qu’un accusé a le droit, entre autres, de « communiquer librement avec le conseil de son choix ». En outre, l’article 163 du Règlement – rédigé sur le modèle de l’article 97 du Règlement de procédure et de preuve du TPIY – dispose expressément que les communications « échangées dans le cadre d’une relation professionnelle entre une personne et son conseil sont considérées comme protégées par le secret professionnel ». L’article 65, paragraphe F) du Règlement de détention dispose que les visites du conseil ont lieu sous le regard du personnel du quartier pénitentiaire mais hors de portée de voix. Les droits des suspects ou des accusés placés en détention selon les termes de ces dispositions doivent nécessairement être considérés comme applicables, mutatis mutandis, à toutes les personnes détenues, même si elles n’ont pas été formellement considérées comme suspects ou accusés.

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Détention

14. Le droit des personnes accusées à communiquer librement et sous couvert du secret professionnel est énoncé dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Ce droit est expressément consacré par la Convention américaine relative aux droits de l’homme (article 8-2-d), et implicitement dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 14-3-b) (« PIDCP ») et la Convention européenne des droits de l’homme (article 6-3-b). Lorsque le droit est uniquement implicite dans le texte de l’instrument international, il a été explicité par la suite dans la jurisprudence de l’organe de surveillance. Cela est particulièrement le cas pour la Cour européenne des droits de l’homme8.

15. L’article 14-3-b) du PIDCP – lequel a été ratifié par le Liban le 3 novembre 1972 et est entré en vigueur le 23 mars 1976 – prévoit le droit de « communiquer avec le conseil de son choix ». Le Comité des droits de l’homme a apporté une précision en indiquant que cette disposition « exige que le conseil communique avec l’accusé dans des conditions qui respectent intégralement le caractère confidentiel de leurs communications. Les avocats doivent être à même de conseiller et de représenter leurs clients conformément aux normes et critères établis de la profession, sans être l’objet de restrictions, d’influences, de pressions ou d’interventions injustifiées de la part de qui que ce soit9 ». Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 93 des Règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies dispose que « [l]es entrevues

8 Dans l’arrêt S. c. Switzerland, rendu le 28 novembre 1991 (« S. c. Suisse »), la Cour a conclu qu’« à la différence de plusieurs législations nationales et de l’article 8 par. 2 d) de la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme, la Convention européenne ne consacre pas en termes exprès le droit, pour l’accusé, de communiquer sans entrave avec son défenseur. Toutefois, au sein du Conseil de l’Europe, il se trouve énoncé à l’article 93 des Règles minima pour le traitement des détenus (…). La Cour estime que le droit, pour l’accusé, de communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique et découle de l’article 6 par. 3 c) (art. 6-3-c) de la Convention. Si un avocat ne pouvait s’entretenir avec son client sans une telle surveillance et en recevoir des instructions confidentielles, son assistance perdrait beaucoup de son utilité, alors que le but de la Convention consiste à protéger des droits concrets et effectifs.» (par. 48). Voir également Brennan c. Royaume-Uni, arrêt du 16 octobre 2001: « le droit, pour un accusé, de communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable et découle de l’article 6 par. 3 c). (...) Les dispositions internationales citées plus haut (…) illustrent l’importance à accorder à la confidentialité de pareilles consultations, notamment au fait qu’elles doivent se tenir hors de portée d’ouïe de tiers » (par. 38), et Lanz c. Austriche, arrêt du 21 janvier 2002, par. 50.

9 Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 13: L’égalité devant les tribunaux et le droit d’être entendu équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et établi par la loi (art. 14), 13 avril 1984, par. 9.

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Détention

entre le prévenu et son avocat peuvent être à portée de la vue, mais ne peuvent pas être à la portée de l’ouïe d’un fonctionnaire de la police ou de l’établissement10 ».

16. La reconnaissance très large par la communauté internationale du droit de communiquer avec son conseil librement et sous couvert du secret professionnel, ainsi que l’attitude générale adoptée par les États et les organes judiciaires internationaux eu égard à son importance, démontrent que ce droit est désormais accepté dans le domaine du droit international coutumier comme l’un des droits de l’homme fondamentaux en matière de procès équitable. En effet, le droit d’une personne accusée à communiquer avec son conseil librement et sous couvert du secret professionnel est une condition indispensable à l’exercice efficace de la plupart de ses autres droits. Comme l’a fait remarquer de manière pertinente la Cour européenne, « si un avocat ne pouvait s’entretenir avec son client sans [une telle] surveillance et en recevoir des instructions confidentielles, son assistance perdrait beaucoup de son utilité »11. Les droits de la Défense, dont ce droit est un élément essentiel, sont l’une des bases du principe d’un droit équitable.

17. Le droit de communiquer avec son conseil librement et sous couvert du secret professionnel s’applique également à une personne soupçonnée d’avoir commis un crime. Ces personnes peuvent également avoir besoin d’une assistance juridique couverte par le secret professionnel, notamment lorsqu’elles se trouvent en détention.

18. Le droit dont il est question comporte toutefois des limites. D’autres exigences impératives ayant trait à la bonne administration de la justice ou à la nécessité d’empêcher la perpétration de crimes peuvent rendre nécessaire la restriction temporaire de ce droit12. Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu

10 Adopté par le Premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, qui s’est tenu à Genève en 1955, et approuvé par le Conseil économique et social dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977.

11 Voir Artico c. Italy, 13 mai 1980, par. 33, ainsi que S. c. Switzerland, par. 48.

12 Dans l’arrêt Brennan c. Royaume-Uni, rendu le 16 octobre 2001, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que : « [...] la jurisprudence de la Cour indique que le droit de consulter un solicitor peut faire l’objet de restrictions pour la bonne cause et que, dans chaque cas, la question est de savoir si, à la lumière de l’ensemble de la procédure, la restriction a privé l’accusé d’un procès équitable. S’il n’est pas nécessaire que le requérant prouve que la restriction a eu un effet préjudiciable sur le cours du procès, à supposer qu’il soit possible d’apporter une telle preuve, celui-ci doit pouvoir affirmer que la restriction l’a directement touché dans l’exercice des droits de la défense » (par. 58).

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que des restrictions peuvent être justifiées lorsqu’il existe un risque de collusion entre l’accusé et un conseil de la défense13, ou lorsqu’un accusé est susceptible d’utiliser un conseil de la défense pour influencer des témoins ou altérer des éléments de preuve.

19. Toutefois des restrictions du droit en question peuvent être admissibles uniquement lorsqu’elles remplissent certaines conditions, à savoir: i) qu’elles sont prévues par la loi ; ii) qu’elles sont nécessaires (c’est-à-dire, si elles sont indispensables du fait de la nécessité de contrer d’éventuels conséquences négatives) ; (iii) qu’elles sont proportionnelles à l’exigence qui les justifie (à savoir, qu’elles sont proportionnées à la réalisation de ladite exigence et ne vont pas au-delà – cela peut supposer que la restriction soit d’une durée limitée) ; et (iv) qu’elles sont soumises à un examen judiciaire régulier.

20. De même, pour toute personne détenue, ce droit fondamental peut être limité uniquement si des conditions telles que celles énoncées ci-dessus sont remplies. Cette notion est clairement énoncée dans le Principe 18 de l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement14 lequel dispose comme suit :

1. Toute personne détenue ou emprisonnée doit être autorisée à communiquer avec son avocat et à le consulter.

2. Toute personne détenue ou emprisonnée doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour s’entretenir avec son avocat.

13 Par exemple, dans l’arrêt Lanz c. Autriche du 21 janvier 2002, la Cour a conclu que : « [TRADUCTION] Toutefois, la Cour ne peut établir que ces motifs suffisent à justifier la mesure. La surveillance par le juge d’instruction des entrevues entre un détenu et son conseil porte gravement atteinte aux droits de l’accusé, et des motifs très sérieux doivent être invoqués pour justifier une telle surveillance. Cela a été le cas dans l’affaire Kempers c. Autriche, où le demandeur était soupçonné d’appartenir à un gang et où une confidentialité absolue était requise afin d’appréhender les autres membres (n° 21842/93, Kempers c. Autriche, Dec. 27.2.97, non publié). En l’espèce, de tels éléments particuliers ne peuvent être présentés. La Cour estime que les tribunaux nationaux se sont essentiellement basés sur le risque de collusion, mais il s’agit précisément de la raison pour laquelle une détention provisoire a déjà été ordonnée. La restriction relative aux contacts entre le conseil de la défense et une personne se trouvant déjà en détention provisoire constitue une mesure additionnelle qui nécessite la présentation d’arguments supplémentaires. La Cour ne peut conclure que les tribunaux ou le gouvernement autrichiens ont présenté des arguments convaincants à cet égard (par. 52). Dès lors, il y a eu violation de l’article 6 § 3 (b) et (c) de la Convention » (par. 53).

14 Adopté par l’Assemblée générale, résolution 43/173 du 9 décembre 1988.

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3. Le droit de la personne détenue ou emprisonnée de recevoir la visite de son avocat, de le consulter et de communiquer avec lui sans délai ni censure et en toute confidence ne peut faire l’objet d’aucune suspension ni restriction en dehors de circonstances exceptionnelles, qui seront spécifiées par la loi ou les règlements pris conformément à la loi, dans lesquelles une autorité judiciaire ou autre l’estimera indispensable pour assurer la sécurité et maintenir l’ordre.

B. La question de la séparation des détenus

21. Il convient d’établir une distinction entre la séparation d’un détenu d’un coaccusé ou d’un cosuspect, d’une part, et la séparation entre un détenu et toute autre personne détenue dans le même quartier pénitentiaire, d’autre part. Les raisons et le régime juridique relatif à ces deux catégories de séparation diffèrent, comme cela est exposé ci-dessous.

22. S’agissant de la séparation entre un détenu et tous les autres détenus, conformément au principe général énoncé à l’article 41 du Règlement de détention, un détenu ne peut être séparé des autres détenus, hormis pour les raisons exposées à l’article 42, paragraphe A) du Règlement, à savoir, pour : i) préserver la sécurité et le bon ordre du quartier pénitentiaire ; ii) protéger le détenu ou les détenus en question ; ou iii) empêcher qu’il soit nui ou porté préjudice à l’issue de la procédure engagée contre le détenu ou les détenus ou de toute autre procédure. Même si le Règlement de détention ne s’applique pas expressément à une personne détenue par les autorités d’un État, cette disposition consacre un principe plus général pertinent en l’espèce.

23. La séparation de toutes les autres personnes détenues dans un quartier pénitentiaire, si elle est prolongée, peut constituer un traitement inhumain et dégradant. L’article 7 du PIDCP dispose que « [n]ul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». L’Observation générale du Comité des droits de l’homme relative à cette disposition indique que la séparation de toutes les autres personnes détenues dans un quartier pénitentiaire, si elle est prolongée, peut constituer un traitement inhumain et dégradant proscrit par l’article 715.

15 Comité des droits de l’homme, Observation générale n° 20, Interdiction de la torture et des mauvais traitements (art. 7), 10 mars 1992, par. 6.

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24. Le pouvoir des autorités pénitentiaires d’ordonner la séparation d’un détenu doit être justifiée par des motifs bien fondés et proportionnelles à la nécessité de l’isolement. La mesure de séparation doit faire l’objet d’un examen régulier par une autorité judiciaire et il doit y être mis un terme dès que les circonstances exceptionnelles qui l’ont justifiée ne sont plus en vigueur.

25. D’autre part, la séparation entre un détenu et un coaccusé ou un cosuspect est souvent justifiée par la nécessité d’empêcher toute collusion entre des personnes susceptibles d’avoir été impliquées dans la même infraction et par conséquent, susceptibles d’avoir des raisons de concocter un alibi ou de se mettre d’accord sur d’autres desseins aux fins d’atténuer leur responsabilité pour l’infraction dont ils sont soupçonnés ou accusés. Une autre raison de séparer un détenu d’un coaccusé ou d’un cosuspect peut être la nécessité d’empêcher un accusé de faire pression sur un autre coaccusé, ou d’empêcher toute conspiration visant à entraver la procédure16.

26. La jurisprudence internationale a considéré que la deuxième catégorie de séparation était justifiée, dans certaines conditions. Par exemple, dans une décision rendue récemment, la Cour pénale internationale a conclu que « les mesures sollicitées constituent une restriction importante des droits » et « ne peuvent donc être imposées que si les conditions de nécessité et de proportionnalité sont remplies17 ». La Cour a estimé que, dans l’affaire en question, qu’aucune preuve concrète de collusion justifiant la séparation n’a été présentée.

27. De même, les co-juges d’instruction des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, ont conclu, dans une ordonnance relative aux conditions de la détention provisoire rendue le 20 mai 2008, qu’«[Traduction] un régime de détention préalable au procès peut être justifié, entre autres, par la nécessité d’empêcher toute collusion entre les coaccusés ». Ultérieurement, la Chambre préliminaire de cette même instance a conclu que « la limitation des contacts entre détenus ne peut être ordonnée pour empêcher que des pressions soient exercées sur

16 Voir, à cet égard, mutatis mutandis, l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Gorski c. Pologne le 4 octobre 2005, par. 56 à 58.

17 Situation en République démocratique du Congo, Affaire Le Procureur c. Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, affaire n° ICC-01/04-01/07, Décision levant l’interdiction des contacts et des communications entre Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui, 13 mars 2008, en particulier p. 9 à 11.

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des témoins ou des victimes que lorsque, selon les éléments de preuve disponibles, on peut raisonnablement invoquer qu’existe un risque concret que la personne mise en examen se concerte avec d’autres personnes mises en examen pour exercer de telles pressions lors de la détention. Avec le temps, le seuil requis augmente à mesure que l’instruction progresse et le risque de pression sur les témoins et victimes diminue inévitablement18 ».

28. En résumé, la séparation entre un détenu et un autre codétenu soi-disant impliqué dans la même infraction peut être justifiée dans la mesure où il existe un risque concret de collusion, de tentative commune d’altérer des éléments de preuve ou d’influencer des témoins, ou d’entraver la procédure. Dans ces circonstances, la séparation peut être garantie, à condition qu’elle soit nécessaire et proportionnelle au risque. Au fil du temps, ce risque peut s’amoindrir, et la séparation peut s’avérer inutile ou disproportionnée. À ce stade, il peut y être mis un terme.

IV. L’EXPOSÉ DES MOTIFS

A. Le droit de communiquer librement et sous couvert du secret professionnel avec le conseil

29. Afin que le droit fondamental d’une personne détenue de communiquer avec son conseil soit respecté, il est impératif que les communications entre la personne détenue et son avocat soient couvertes par le secret professionnel, à moins que les fonctionnaires du quartier pénitentiaire ne démontrent qu’il existe des raisons extraordinaires justifiant la restriction temporaire de ce droit.

30. Si l’on prend en compte les considérations juridiques énoncées aux paragraphes 18 à 20, Nous estimons que, quels que soient la nature et l’impact des raisons initiales justifiant la restriction du droit de communiquer librement et sous couvert du secret professionnel avec le conseil, une telle restriction ne semble

18 Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, affaire n° 002/19-09-2007-ECCC/OCIJ (PTC09), Décision relative à l’appel interjeté par Nuon Chea concernant les conditions de détention provisoire, 26 septembre 2008, par. 21.

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désormais plus justifiée. Au fil du temps, et en l’absence de nouveaux éléments de preuve, une telle restriction serait déraisonnable et disproportionnée par rapport à la nécessité d’empêcher le risque de collusion ou la commission d’autres infractions.

31. En outre, le Procureur ne s’est pas opposé à la mise en place de restrictions portant sur le droit des personnes détenues de communiquer librement et sous couvert du secret professionnel avec leur conseil.

B. La question de la séparation des détenus

32. Il apparaît, selon la requête et les précisions apportées ultérieurement par le Chef du Bureau de la Défense, que les quatre personnes détenues sont placées en détention dans un bâtiment de la prison de Beyrouth séparé des autres quartiers pénitentiaires. Les quatre détenus ne demandent pas l’autorisation de se mélanger avec les autres détenus, mais simplement celle de communiquer entre eux dans l’enceinte du bâtiment séparé dans lequel ils se trouvent.

33. Même s’il est possible que la séparation des quatre détenus les uns des autres était initialement justifiée par l’un des motifs mentionnés aux paragraphes 26 à 28, il semblerait que toute nécessité raisonnable d’une telle séparation ait cessé d’être pertinente à ce stade. En outre, s’agissant de la question de la séparation des personnes détenues les unes des autres, le Procureur ne considère pas que ce régime soit nécessaire. Dès lors, Nous estimons que seuls des motifs impérieux du genre de ceux mentionnés ci-dessus justifieraient de refuser aux personnes détenues le droit de se rencontrer, si elles le souhaitent.

V. LE DISPOSITIF

À la lumière des considérations juridiques figurant ci-dessus, Nous :

1) FAISONS DROIT à la demande du Chef du Bureau de la Défense, et, en conséquence,

2) DEMANDONS aux autorités libanaises :

(i) de s’assurer que le droit des personnes détenues de communiquer librement et sous couvert du secret professionnel avec leur conseil soit pleinement mis en œuvre. Il est entendu que les autorités libanaises peuvent prendre toutes

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les mesures de sécurité qu’elles jugeront nécessaires selon les circonstances, notamment la vidéosurveillance, pour autant que le droit des détenus au respect de la confidentialité des communications avec leurs conseils soit garanti ; et

(ii) de mettre fin au régime de séparation des personnes détenues, et de veiller à ce que, en conformité avec le dispositif de sécurité qu’elles jugeront appropriées, les personnes détenues soient autorisées à communiquer les unes avec les autres sur demande, et ce, à raison de deux heures par jour ; et

3) DEMANDONS au Greffier de signifier la présente ordonnance aux autorités libanaises et de solliciter l’assistance de celles-ci pour ladite signification aux personnes détenues.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 21 avril 2009

Antonio Cassese Président

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Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et

d’autres personnes

« Mise en liberté »

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : CH/PTJ/2009/06Devant : M. le Juge Daniel FransenLe Greffier : M. Robin VincentDate : 29 avril 2009

ORDONNANCE RELATIVE À LA DETENTION DES PERSONNES DETENUES AU LIBAN DANS LE CADRE DE L’AFFAIRE DE

L’ATTENTAT CONTRE LE PREMIER MINISTRE RAFIC HARIRI ET D’AUTRES PERSONNES

Le Procureur :M. D. A. Bellemare, MSM, QC

Le Chef du Bureau de la Défense :M. F. Roux

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Mise en liberté

I. – Rappel de la procédure :

1. Le 1er mars 2009, le Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») a débuté officiellement ses activités. Au cours du mois de mars 2009, les Juges du Tribunal, réunis en séance plénière, ont adopté le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), le Règlement portant régime de détention des personnes en attente de jugement ou d’appel devant le Tribunal et la Directive relative à la commission d’office des conseils de la défense. Le 20 mars 2009, ces documents sont entrés en vigueur.

2. Le 25 mars 2009, le Procureur du Tribunal (le « Procureur ») a saisi le Juge de la mise en état d’une requête aux fins d’enjoindre aux autorités libanaises saisies de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes (l’« affaire Hariri ») de : i) se dessaisir en faveur du Tribunal ; ii) transmettre au Procureur les éléments de l’enquête, ainsi qu’une copie des dossiers de procédure et de tous les éléments de preuve pertinents ; et iii) présenter au Juge de la mise en état une liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de l’enquête (les « personnes détenues »). Cette requête se fondait sur l’article 4, paragraphe 2) du Statut du Tribunal (le « Statut ») joint à l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création du Tribunal (l’« Accord »), lui-même annexé à la Résolution 1757 (2007) adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 30 mai 2007 (S/RES/1757 (2007)). La requête s’appuyait également sur l’article 17 du Règlement.

3. Le 27 mars 2009, faisant suite à la requête du Procureur, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal de la juridiction libanaise saisie de l’affaire Hariri. Il a notamment enjoint cette juridiction de : i) se dessaisir de cette affaire en faveur du Tribunal ; ii) transmettre au Procureur tous les éléments de l’enquête et copie du dossier relatifs à l’affaire Hariri, le cas échéant ; iii) transmettre au Juge de la mise en état la liste de toutes les personnes détenues dans le cadre de cette affaire, le cas échéant ; et iv) entre le moment de la réception des éléments de l’enquête et de la copie du dossier et celui de la décision du

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Mise en liberté

Juge de la mise en état sur le maintien ou non en détention des personnes détenues, détenir ces personnes au Liban.

4. Le 8 avril 2009, les autorités libanaises ont présenté au Juge de la mise en état la liste des personnes détenues. Selon les termes de cette liste, les personnes détenues sont : « au contradictoire » le Général Jamil Mohamad Amin El Sayed, le Général Ali Salah El Dine El Hajj, le Brigadier Général Raymond Fouad Azar et le Brigadier Général Mostafa Fehmi Hamdan ; et « par contumace » M. Zuhair Mohamad Said Saddik. Cette liste était annexée à une décision rendue le 7 avril 2009 par le Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais dans l’affaire Hariri, en vertu de laquelle, outre son dessaisissement, ce magistrat a levé les mandats d’arrêt décernés « au contradictoire » à l’encontre des quatre premiers cités et « par contumace » à l’encontre du dernier cité.

5. Le 10 avril 2009, les autorités libanaises ont remis au Procureur les éléments de l’enquête et la copie du dossier relatifs à l’affaire Hariri. Depuis cette date, le Tribunal est officiellement saisi de cette affaire et les personnes détenues relèvent formellement de son autorité.

6. Le 15 avril 2009, le Procureur a indiqué au Juge de la mise en état, à la demande de ce dernier, qu’il souhaitait déposer sa requête motivée relative au maintien ou non en détention des personnes détenues dans un délai de trois semaines à compter de ce jour. Le Procureur a justifié ce délai par les circonstances suivantes : i) l’ampleur du dossier en cause comportant 253 dossiers et plusieurs milliers de pages, la plupart manuscrites et rédigées en langue arabe ; ii) la nécessité d’enregistrer, numéroter et traduire sommairement chaque document reçu, avant d’effectuer une recherche comparative avec ceux recueillis ou reçus par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (la « Commission d’enquête ») et d’en mesurer la portée sur les réquisitions à prendre ; iii) le devoir de faire preuve de la plus grande diligence en la matière ; et iv) la gravité des faits en cause. Le Procureur a toutefois noté que si son travail d’examen était terminé plus tôt que prévu, il en informerait aussitôt le Juge de la mise en état.

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7. Le 15 avril 2009, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance portant fixation du délai de dépôt de la requête motivée du Procureur relative au maintien ou non en détention des personnes détenues. Selon cette ordonnance, eu égard aux exigences du procès équitable, aux circonstances exceptionnelles de la cause et aux arguments invoqués par le Procureur dans son courrier du 15 avril 2009, ce dernier devait déposer sa Requête dans un délai prenant fin le 27 avril 2009 à midi. En cas de circonstances exceptionnelles, le Procureur était toutefois autorisé à déposer une requête motivée de prorogation de délai avant le 22 avril 2009 à midi. Dans le cadre de cette ordonnance, il a également été pris acte du fait que, par décision du 7 avril 2009, le Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais dans l’affaire Hariri avait levé « le mandat d’arrêt par contumace » émis à l’encontre de M. Zuhair Mohamad Said Saddik.

8. N’ayant pas sollicité de report de délai, le 27 avril 2009 avant midi, le Procureur a adressé sa requête au Juge de la mise état conformément à l’article 17 du Règlement (la « Requête »).

9. Le 27 avril 2009, le Juge de la mise en état a fixé au mercredi 29 avril 2009 à 14.00 heures l’audience publique prévue à l’article 17 du Règlement.

II. – La Requête :

10. Se fondant sur l’article 4 du Statut et les articles 2, 17, 63, 68, 101 et 102 du Règlement1, le Procureur a invité le Juge de la mise en état à ordonner la mise en liberté, avec effet immédiat, de Jamil Mohamad Amin El Sayed, d’ Ali Salah El Dine El Hajj, de Raymond Fouad Azar et de Mostafa Fehmi Hamdan2. Il a noté par ailleurs que, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, il serait opportun d’ordonner des mesures visant à garantir la sécurité de ces individus s’ils sont remis en liberté3.

1 Requête, paras. 18 à 22.

2 Ibid., para. 34.

3 Ibid.

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11. À l’appui de ses conclusions, le Procureur a invoqué le fait que, conformément à l’article 63, paragraphe D) du Règlement, une personne ne peut être détenue en tant que suspect que pour une durée n’excédant pas 90 jours, à moins qu’au terme de cette période un acte d’accusation ait été confirmé par le Juge de la mise en état4. Le Procureur considère qu’il ne peut requérir la détention provisoire d’ un suspect que s’il est en mesure de le mettre en accusation dans les plus brefs délais5.

12. Or, en l’espèce, après un examen approfondi de l’ensemble des pièces du dossier récoltées tant par la Commission d’enquête et les autorités libanaises que son Bureau, le Procureur a considéré que les informations dont il disposait à l’heure actuelle n’étaient pas suffisamment crédibles pour justifier la mise en accusation des personnes détenues6. Dans ces conditions, et en application du principe de la présomption d’innocence, le Procureur a estimé qu’il n’y avait pas lieu, à ce stade de la procédure, de les maintenir en détention.

III. – Les dispositions applicables :

13. Les dispositions à prendre en considération dans le cadre de la présente ordonnance sont l’article 4, paragraphe 2) du Statut, les articles 17, paragraphe B), 63 paragraphes A) à D), 101, paragraphes A) et B), 102, paragraphe A) du Règlement et l’article 15 de l’Accord.

14. L’article 4 du Statut règle de façon générale les compétences concurremment exercées par le Tribunal et les juridictions libanaises. Son paragraphe 2, qui concerne spécifiquement l’affaire Hariri, est libellé de la façon suivante :

2. Dès l’entrée en fonction du Procureur nommé par le Secrétaire général, et deux mois au plus tard après celle-ci, le Tribunal spécial demande à la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes de se dessaisir en sa faveur. La juridiction

4 Ibid., para. 19.

5 Ibid., para. 25.

6 Ibid., paras. 23 à 33.

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libanaise transmet au Tribunal les éléments de l’enquête et copie du dossier, le cas échéant. Les personnes arrêtées dans le cadre de l’enquête sont déférées au Tribunal.

15. L’article 17 du Règlement met en œuvre les dispositions de l’article 4 du Statut et règle la procédure relative au maintien ou non en détention des personnes détenues. Ses paragraphes A) à D) concernent spécifiquement l’affaire Hariri. Dans la mesure où le Procureur ne sollicite pas le maintien en détention des personnes détenues, seul le paragraphe B), alinéa i) est pertinent. Il est libellé de la façon suivante :

B) Après avoir reçu la liste visée à l’alinéa A) iii), le Juge de la mise en état la transmet au Procureur. Le Procureur dépose dès que possible une requête motivée, accompagnée de tout élément à l’appui de sa demande, dans laquelle il indique, pour chaque personne figurant sur la liste, s’il requiert son maintien en détention ou s’il ne s’oppose pas à sa mise en liberté par le Juge de la mise en état, le cas échéant, sous conditions, conformément à l’article 102.

i) Pour chaque personne figurant sur la liste dont la mise en liberté ne fait pas l’objet d’opposition de la part du Procureur, le Juge de la mise en état décide dans un délai raisonnable d’enjoindre ou non aux autorités libanaises de mettre en liberté la personne en question avec effet immédiat, sous réserve des mesures nécessaires aux fins d’assurer sa sécurité, le cas échéant. Sa décision est rendue en audience publique, en présence du Chef du Bureau de la Défense et du Procureur. La requête du Procureur visée à l’alinéa B) sera rendue publique à ce stade.

16. L’article 63 du Règlement concerne le transfèrement et détention provisoire de suspects. Son paragraphe D) est libellé de la façon suivante :

D) La détention provisoire d’un suspect est ordonnée pour une durée qui ne saurait dépasser 30 jours à compter de la date de transfèrement du suspect au siège du Tribunal. Au terme de cette période, et à la demande du Procureur, le Juge de la mise en état peut décider, à la suite d’un débat contradictoire entre le Procureur et le suspect ou son conseil, de prolonger la détention provisoire de 30 jours au maximum, si les besoins de l’enquête le justifient. Au terme de cette prolongation et à la demande du Procureur, le Juge de la mise en état peut décider, à la suite d’un débat contradictoire entre le Procureur et le suspect ou son conseil, de prolonger à nouveau la détention provisoire de 30 jours au

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maximum, si des circonstances particulières le justifient. La durée totale de la détention ne saurait en aucun cas excéder 90 jours, à l’issue desquels, si l’acte d’accusation n’a pas été confirmé et un mandat d’arrêt signé par le Tribunal, le suspect est remis en liberté ou, le cas échéant, remis aux autorités nationales initialement requises.

17. L’article 101 du Règlement réglemente la détention provisoire. Seuls ses paragraphes A) et B) sont pertinents. Ils sont libellés de la manière suivante :

A) Après i) le transfèrement au siège du Tribunal d’un suspect ou d’un accusé en application de l’article 83 du Règlement, ii) le transfèrement au siège du Tribunal d’une personne détenue, y compris un transfèrement visé à l’article 4) du Statut, ou iii) l’arrestation d’un accusé en application de l’article 79 du Règlement suite à sa comparution volontaire devant le Tribunal, le Juge de la mise en état ou une Chambre, selon le cas, s’assure que la personne a été informée des crimes dont elle est accusée ou soupçonnée, ainsi que des droits que lui confèrent le Statut et le Règlement, y compris le droit de demander sa mise en liberté provisoire.

B) Une personne transférée au siège du Tribunal qui a été arrêtée ou placée en détention en vertu du paragraphe A), ou son conseil, peut demander la mise en liberté provisoire. Lorsqu’il statue sur la demande, le Juge de la mise en état ou une Chambre, selon le cas, applique le critère fixé à l’article 102 et motive sa décision.

18. L’article 102, paragraphe A) du Règlement énumère les conditions devant être remplies pour refuser la mise en liberté provisoire. Il est libellé comme suit :

A) Le Juge de la mise en état ou la Chambre, selon le cas, ne peut refuser la mise en liberté provisoire que s’il ou elle a la certitude que la détention provisoire est nécessaire : i) pour garantir que la personne se présentera au procès, ii) pour garantir que la personne n’entravera ou ne compromettra pas le déroulement de l’enquête ou de la procédure, par exemple en intimidant ou en exposant une victime ou un témoin à un risque, ou iii) pour empêcher que la personne n’adopte une conduite similaire à celle pour laquelle elle est soupçonnée. La mise en liberté provisoire ne s’effectue pas dans l’État hôte sans le consentement de celui-ci.

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19. L’article 15 de l’Accord régit de façon générale la coopération entre le Tribunal et les autorités libanaises. Son paragraphe 1 est libellé de la façon suivante:

1. Le Gouvernement coopère avec tous les organes du Tribunal spécial, en particulier avec le Procureur et le conseil de la défense, à tous les stades de la procédure. Il facilite l’accès du Procureur et du conseil de la défense aux lieux, personnes et documents dont ils ont besoin à des fins d’enquête.

IV. – La compétence :

20. Le Juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les mérites de la Requête en vertu des articles 17, 101 et 102 du Règlement susvisés.

V. – L’exposé des motifs :

A. – Observations préliminaires :

21. Il convient d’effectuer les trois observations préliminaires suivantes.

22. Premièrement, la détention provisoire est une mesure à caractère exceptionnel qui ne peut se justifier que dans les cas où elle s’avère strictement nécessaire7 et dans les conditions prévues par le Règlement.

7 Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a rappelé à plusieurs reprises que « la détention avant jugement doit être l’exception » (Comité des droits de l’homme, Hill c. Espagne, Communication No. 526/1993, 2 avril 1997, para. 12.3). En outre, il considère que le maintien en détention doit être non seulement légal mais également « raisonnable et nécessaire à tous égards » (Comité des droits de l’homme, Van Alphen c. Pays-Bas, Communication No. 305/1988, 23 juillet 1990, para. 5.8 et Comité des droits de l’homme, Spakmo c. Norvège, Communication No. 631/1995, 5 novembre 1999, para. 6.3). De même, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme « [l]a substance même du paragraphe 3 [de l’article 5 de la Convention] […] est le droit de rester libre dans l’attente d’un procès pénal. […] L’objet de l’article 5 § 3 est essentiellement d’imposer la mise en liberté provisoire à partir du moment où le maintien en détention cesse d’être raisonnable […]. Dans cette perspective, la Cour considère que la détention provisoire doit apparaître comme la solution ultime qui se justifie seulement lorsque toutes les autres options disponibles s’avèrent insuffisantes » (CEDH, Arrêt Lelièvre c. Belgique du 21 mars 2008, para. 97).

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23. Deuxièmement, le Juge de la mise en état statue uniquement sur la question de la détention provisoire, au stade actuel de l’enquête, des personnes détenues, qui sont présumées innocentes, et ce sans préjudice d’éventuelles poursuites ultérieures devant le Tribunal.

24. Enfin, il importe de rappeler la situation exceptionnelle dans laquelle la présente ordonnance est rendue dans la mesure où la détention des personnes détenues depuis le 10 avril 2009 ne fait pas l’objet d’une décision d’arrestation du Procureur mais résulte de l’application de l’article 4) paragraphe 2) du Statut qui prévoit que le dessaisissement de la juridiction libanaise implique que les personnes arrêtées dans le cadre de l’affaire Hariri soient déférées au Tribunal.

B. – Les critères d’examen de la Requête :

25. Conformément à l’article 11 du Statut, il incombe au Procureur de diriger les enquêtes et d’exercer les poursuites contre les personnes présumées responsables de crimes relevant de la compétence du Tribunal. Ce faisant, comme il l’a lui-même souligné à juste titre8, le Procureur doit agir, non pas uniquement en qualité de partie à la procédure, mais également comme un organe de Justice, garant de l’intérêt public qu’il représente. À ce titre, conformément à l’article 55, paragraphe C) du Règlement, il est tenu « [d’]aide[r] le Tribunal à établir la vérité, […] [de] protége[r] les intérêts des victimes et des témoins [et] [de] respecte[r] […] les droits fondamentaux des suspects et des accusés ». En outre, poursuivant les travaux de la Commission d’enquête entrepris depuis juin 2005, ayant conduit ses propres investigations et reçu les pièces transmises par les autorités libanaises, le Procureur dispose d’une compréhension approfondie du dossier relatif à l’affaire Hariri, lui permettant d’évaluer, en pleine connaissance de cause, si les personnes détenues doivent être ou non placées ou maintenues en détention.

26. Pour sa part, le Juge de la mise en état, sans préjudice des pouvoirs que lui confère le Règlement en matière d’investigation9, n’a pas à se substituer au Procureur pour rechercher, au travers de l’examen du dossier de la procédure,

8 Requête, para. 23.

9 Cf. les articles 89, paragraphe I) et 92 du Règlement.

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l’existence d’éléments de preuve à charge susceptibles de justifier, le cas échéant, la détention provisoire d’un individu. En revanche, dans l’hypothèse où le Procureur demanderait le placement en détention provisoire d’une personne, le Juge de la mise en état devrait examiner toutes les pièces pertinentes du dossier, afin de veiller au respect des droits fondamentaux de cette personne.

27. En l’espèce, comme le Procureur a demandé la mise en liberté des personnes détenues, le Juge de la mise en état n’a donc pas à examiner les pièces du dossier récoltées par le Procureur et la Commission d’enquête dans le cadre de leurs investigations ainsi que celles transmises par les autorités libanaises le 10 avril 2009. Il doit statuer sur les mérites de la demande de mise en liberté des personnes détenues exclusivement à la lumière des arguments présentés par le Procureur à l’appui de la Requête et en tenant compte du pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont ce dernier dispose. Dans cette perspective, le Juge de la mise en état se limitera à examiner : i) quelles sont les conditions légales applicables en matière de détention provisoire ; et ii) si l’application par le Procureur de ces conditions aux faits de la cause n’est pas manifestement déraisonnable10.

C. – Les conditions légales de la détention provisoire :

28. Comme rappelé ci-dessus, le 7 avril 2009, le Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais dans l’affaire Hariri a levé les mandats d’arrêt émis à l’encontre du Général Jamil Mohamad Amin El Sayed, du Général Ali Salah El Dine El Hajj, du Brigadier Général Raymond Fouad Azar et du Brigadier Général Mostafa Fehmi Hamdan. Le 10 avril 2009, date à laquelle ces personnes ont officiellement relevé de l’autorité du Tribunal, elles ont été placées « en garde à vue » durant la

10 Dans ces circonstances, le pouvoir du Juge de la mise en état pourrait, de façon générale, s’assimiler à celui qu’exerce la Chambre d’appel des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda lorsqu’elle est appelée à examiner une décision des chambres de première instance prise dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire. Cf. notam. TPIY, Décision relative à l’appel interlocutoire formé contre la décision de la Chambre de première instance relative à la commission d’office des conseils de la défense, Slobodan Milosević c/ Le Procureur, IT-02-54-AR73.7, 1er novembre 2004, paras. 9 & 10 ; et TPIY, Décision relative à l’appel interlocutoire contre des décisions portant mise en liberté provisoire rendues par la Chambre de première instance, Le Procureur c/ Zdravko Tolimir, Radivoje Miletic et Milan Gvero, IT-04-80-AR65.1, 19 décembre 2005, para. 4.

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période nécessaire au Procureur pour étudier le dossier relatif à l’affaire Hariri et requérir ou non leur placement en détention provisoire.

29. Conformément à l’article 102, paragraphe A) du Règlement, une personne ne peut être placée en détention provisoire que lorsque cela s’avère nécessaire pour : i) garantir que la personne se présentera au procès, ii) garantir que celle-ci n’entravera ou ne compromettra pas le déroulement de l’enquête ou de la procédure, ou iii) empêcher que la personne n’adopte une conduite similaire à celle pour laquelle elle est soupçonnée.

30. Toutefois, conformément à l’article 101, paragraphe A) du Règlement et aux normes et à la jurisprudence internationales en vigueur11, il convient au préalable de s’assurer que cette personne est suspectée ou accusée d’un crime relevant de la compétence du Tribunal. En effet, comme l’a souligné la Cour européenne des droits de l’homme, « [l]a persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir accompli une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention »12. Si cette condition n’était pas remplie, il serait donc superflu d’examiner les autres conditions prévues à l’article 102 du Règlement nécessaires pour justifier la détention provisoire.

31. Au terme de l’article 2 du Règlement, le suspect se définit comme « toute personne au sujet de laquelle le Procureur a des motifs raisonnables de croire qu’elle pourrait avoir commis un crime » et l’accusé, comme « toute personne faisant l’objet, dans un acte d’accusation, d’un ou plusieurs chefs d’accusation confirmés conformément au paragraphe 1) de l’article 18 du Statut et au paragraphe H) de l’article 68 ». Selon l’article 68, paragraphe B) du Règlement, le Procureur transmet

11 Cf. l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; l’article 5 paras. 1 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; et l’article 7 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme. Cf. égal. l’article 107 du Code de procédure pénale libanais.

12 CEDH, Arrêt Letellier c. France du 26 juin 1991, para. 35. Cf. égal. CEDH, Arrêt Stögmüller c. Autriche du 10 novembre 1969, para. 4 et CEDH, Arrêt Lelièvre c. Belgique du 21 mars 2008, para. 94. Cette jurisprudence est conforme à celles de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (Arrêt Acosta-Calderón v. Ecuador, 24 juin 2005, para. 75) et du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Dans la Communication No 16/1977, Monguya Mbenge c. Zaire du 25 mars 1983 (para. 20), ce dernier a affirmé que, dans la mesure où l’État n’avait pas allégué qu’il existait des charges contre la personne, celle-ci était détenu arbitrairement en violation de l’article 9 du Pacte.

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au Juge de la mise en état un acte d’accusation auquel il joint tous les éléments justificatifs « si l’enquête permet d’établir qu’il existe des éléments de preuve suffisants démontrant qu’un suspect a commis un crime susceptible de relever de la compétence du Tribunal ».

32. Enfin, il y a lieu de constater que, selon l’article 63, paragraphe D) du Règlement, le suspect ne peut être placé en détention provisoire que pour une période n’excédant pas au total 90 jours, à moins qu’au terme de cette période un acte d’accusation ait été confirmé et un mandat d’arrêt émis par le Tribunal.

D. – Le caractère raisonnable des conclusions du Procureur :

33. Dans l’exposé des motifs de la Requête, le Procureur a invoqué le fait que, pour demander la détention provisoire d’un suspect, il devait être en mesure de le mettre en accusation dans les délais prévus par le Règlement. Or, le Procureur a estimé que les informations dont il disposait à l’heure actuelle ne lui permettaient pas de mettre en accusation ces personnes détenues. Selon lui, la question de la détention provisoire ne se posait donc pas13.

34. Pour parvenir à cette conclusion, le Procureur a affirmé avoir :

i) procédé à un examen approfondi de tous les éléments et informations pertinents et disponibles à cette date, qu’il s’agisse d’éléments récoltés par son Bureau, par la Commission d’enquête ou provenant des autorités libanaises14 ;

ii) pris en considération et réexaminé les déclarations des personnes détenues ainsi que celles d’autres personnes y relatives et évaluer leur crédibilité15 ;

iii) réexaminé les données relatives aux communications pertinentes ainsi que tous autres éléments dont ceux de preuve matériels recueillis16 ;

iv) réexaminé les analyses de police scientifique effectuées17 ;

13 Requête, para. 25.

14 Ibid., para. 27.

15 Ibid. para. 28.

16 Ibid.

17 Ibid.

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v) réexaminé les actes et décisions relatifs aux requêtes de mise en liberté adressées aux autorités libanaises par les personnes détenues et leurs conseils18 ;

vi) tenu compte, en réexaminant l’ensemble de ces informations, des contradictions existant entre des déclarations de témoins capitaux et du manque de preuve susceptible de corroborer ces déclarations19 ; et

vii) pris en compte le fait que certains témoins ont modifié leurs déclarations et qu’un témoin capital a expressément rétracté ses dires à charge des personnes détenues20.

35. Le Juge de la mise en état considère que le Procureur pourrait théoriquement, en vertu de l’article 63 du Règlement, solliciter la détention provisoire d’une personne en qualité de suspect, s’il estime avoir les éléments suffisants pour ce faire. Ensuite, au terme du délai de 30 jours, le cas échéant prorogé à deux reprises, à la lumière de tous les éléments de preuve recueillis à cette date, il aurait à apprécier la nécessité de la mise en accusation de ce suspect et, le cas échéant, requérir la prolongation de sa détention provisoire.

36. Toutefois, comme indiqué au paragraphe 26 de la présente, il n’appartient pas au Juge de la mise en état d’exercer en lieu et place du Procureur le pouvoir d’apprécier si, sur la base des éléments de faits disponibles, une personne est suspect et s’il convient de la mettre en accusation et, le cas échéant, de requérir sa détention provisoire. Autrement dit, le Procureur est le seul à même d’évaluer si – et dans quel délai – il est en mesure de considérer une personne comme suspect et, le cas échéant, de la mettre en accusation.

37. Dans le cadre de l’évaluation du caractère raisonnable des conclusions du Procureur conformément au paragraphe 27 de la présente, le Juge de la mise en état prend acte du fait que le Procureur n’entend pas mettre en accusation les personnes détenues dans les délais prévus par l’article 63 du Règlement. Il prend également acte du fait que, pour aboutir à cette conclusion, le Procureur s’est fondé

18 Ibid.

19 Ibid., para. 30.

20 Ibid.

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sur les informations listées ci-dessus et, en particulier, sur le fait qu’il a réexaminé l’entièreté du dossier, à la lumière notamment des documents fournis par les autorités libanaises, que certains témoins ont modifié leurs déclarations et qu’un témoin capital a expressément rétracté ses dires à charge des personnes détenues. Enfin, le Juge de la mise en état prend note du contexte dans lequel s’inscrit la Requête, à savoir la détention au Liban des personnes détenues depuis le 30 août 2005.

38. Dans ce contexte, et compte tenu des informations et considérations, succinctes mais suffisantes, fournies par le Procureur, le Juge de la mise en état considère que les conclusions de ce dernier ne sont pas à ce point déraisonnables qu’il aurait manifestement commis une erreur d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

39. En conclusion, le Juge de la mise en état constate que les personnes détenues ne peuvent, au stade actuel de l’enquête, être assimilées ni à des suspects ni à des accusés dans le cadre de la procédure pendante devant le Tribunal. En conséquence, en application du Règlement, elles ne remplissent pas une des conditions sine qua non pour être placées en détention provisoire, voire même pour être libérées sous condition.

40. L’analyse des conditions prévues aux articles 63, paragraphe B), iii) et 102, paragraphe A) du Règlement est dès lors sans objet.

VI. – Le dispositif

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION de l’article 4, paragraphe 2) du Statut, des articles 17, paragraphe B), 63 paragraphes A) à D), 101, paragraphes A) et B), 102, paragraphe A) du Règlement et de l’article 15 de l’Accord;

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

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Mise en liberté

ORDONNE, s’ils ne sont détenus pour autre cause, la mise en liberté, de Messieurs Jamil Mohamad Amin El Sayed, Ali Salah El Dine El Hajj, Raymond Fouad Azar et Mostafa Fehmi Hamdan ;

ENJOINT aux autorités libanaises de prendre toutes les mesures nécessaires aux fins d’assurer la sécurité de Messieurs Jamil Mohamad Amin El Sayed, Ali Salah El Dine El Hajj, Raymond Fouad Azar et Mostafa Fehmi Hamdan, conformément à leur obligation de coopérer avec le Tribunal ;

ENJOINT aux autorités libanaises de mettre à exécution la présente ordonnance ;

DIT qu’à défaut pour les parties concernées ou l’une d’elles de notifier un acte d’appel au greffe du Tribunal ou d’y renoncer anticipativement de manière expresse, l’ordonnance sortira ses effets à l’échéance des délais d’appel fixés à l’article 102, paragraphes C), D) et E) du Règlement; et

REQUIERT le Greffier de signifier la présente ordonnance à qui de droit, de veiller à sa bonne exécution et, le cas échéant, de notifier aux autorités libanaises l’existence d’un acte d’appel.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 29 avril 2009

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester

en justice devant le Tribunal

« Compétence et qualité pour ester en justice JME »

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LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT

Affaire n° : CH/PTJ/2010/005Devant : M. le Juge Daniel FransenLe Greffier : M. Herman von HebelDate : 17 septembre 2010Langue de l’original : FrançaisType de document : Public

ORDONNANCE RELATIVE À LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL POUR SE PRONONCER SUR LA REQUÊTE DE M. EL SAYED DU 17 MARS 2010 ET À LA QUALITÉ DE CELUI-CI POUR ESTER EN

JUSTICE DEVANT LE TRIBUNAL

Conseil :M. Akram Azoury

Bureau du Procureur :M. Daniel Bellemare, MSM, QC

Le Chef du Bureau de la Défense :M. François Roux

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I. – Rappel de la procédure :

1. Le 17 mars 2010, M. Jamil El Sayed (le « Requérant »), représenté par son conseil, l’avocat Akram Azoury, a déposé une requête auprès du Président du Tribunal spécial pour le Liban (le « Président » et le « Tribunal » respectivement) ayant pour objet la « demande de remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire » (la « Requête »).

2. Le 15 avril 2010, le Président a rendu une ordonnance attribuant la cause au Juge de la mise en état aux fins de : i) statuer sur la compétence du Tribunal à l’égard de la Requête ainsi que sur la qualité du Requérant à ester en justice devant le Tribunal ; et ii) en cas de réponse affirmative à ces deux questions, examiner le bien-fondé de la Requête1. Après avoir rappelé que tout individu avait un droit indérogeable, sans être toutefois absolu, de pouvoir accéder à la justice2, le Président a noté qu’aux dires du Requérant, les juridictions libanaises lui ont refusé ce droit en se déclarant incompétentes pour statuer sur la demande d’obtention des éléments de preuve attestant de dénonciations calomnieuses portées à son encontre et ayant, selon lui, fondé sa détention arbitraire du 3 septembre 2005 au 29 avril 20093. Il a par ailleurs observé que, selon le Requérant, ces documents, à l’heure actuelle en la possession du Tribunal, seraient nécessaires pour intenter une action contre les auteurs de ces dénonciations devant les juridictions nationales compétentes4.

3. Le 21 avril 2010, aux fins de statuer sur la Requête conformément à l’Ordonnance du Président, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance invitant le Requérant et le Procureur à faire valoir leurs arguments respectifs sur les questions relatives à la compétence du Tribunal et à la qualité du Requérant à ester en justice5.

1 Ordonnance du Président, 15 avril 2010, para. 39.

2 Idem, paras. 20 à 36.

3 Id. paras. 7, 8 et 38.

4 Id. paras. 9 et 38.

5 Ordonnance du Juge de la mise en état portant fixation d’un calendrier aux fins de statuer sur la requête de M. Jamil ElSayed datée du 17 mars 2010, 21 avril 2010, pp. 3 et 4.

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4. Conformément aux délais prescrits par l’Ordonnance du Juge de la mise en état du 21 avril 2010, le Requérant a déposé un mémoire le 12 mai 2010 (le « Mémoire du Requérant ») et le Procureur le 2 juin 2010 (le « Mémoire du Procureur »). Ils ont ensuite déposé des conclusions respectivement le 17 juin 2010 (la « Réplique du Requérant ») et le 23 juin 2010 (la « Duplique du Procureur »).

5. Le 25 juin 2010, le Juge de la mise en état a fixé au 13 juillet 2010 la date d’une audience publique afin de permettre au Requérant et au Procureur de présenter oralement leurs arguments ainsi que d’aborder notamment la question de l’opportunité pour le Requérant d’avoir accès aux documents demandés au stade de l’enquête6.

6. À l’audience publique du 13 juillet 2010, le Requérant et le Procureur ont exposé leurs points de vue et le Chef du bureau de la défense a également fait part de ses observations.

II. – L’objet de la Requête :

7. Aux termes de la Requête7, le Requérant sollicite l’obtention des documents suivants :

– une copie certifiée conforme des procès-verbaux de plaintes du Requérant transmises au Tribunal par les autorités libanaises le 1er mars 2009 ;

– une copie certifiée conforme des procès-verbaux des dépositions de témoins qui l’auraient impliqué directement ou indirectement dans l’assassinat de Rafic Hariri8 ;

– les rapports remis au Procureur libanais concernant l’évaluation des dépositions susvisées et notamment le rapport de M. Brammertz remis le 8 décembre 2006 ;

6 Ordonnance du Juge de la mise en état portant fixation d’une audience, 25 juin 2010, paras 8 et 9.

7 Requête, 17 mars 2010, pp. 7 et 8.

8 Les noms des personnes citées dans la Requête ne sont pas mentionnés dans la présente ordonnance pour des raisons de confidentialité.

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– l’avis de M. Bellemare concernant la détention du Requérant et les autres détenus qui aurait été communiqué au Procureur de la République Libanaise ; et

– tout autre élément de preuve « nécessaire à la poursuite des infractions » que le Président possèderait.

III. – Les arguments du Requérant et du Procureur :

8. Le Juge de la mise en état rappellera successivement les arguments évoqués dans le Mémoire du Requérant (A), le Mémoire du Procureur (B), la Réplique du Requérant (C) et la Duplique du Procureur (D).

A. – Le Mémoire du Requérant :

9. Le Requérant fait valoir trois arguments principaux : i) entre les 30 août 2005 et 7 avril 2009, ses droits d’accéder au dossier le concernant ainsi qu’à un juge pour qu’il soit statué sur la légalité de sa détention ont été constamment violés9 ; ii) à partir du 7 avril 2009, le Tribunal a compétence exclusive pour se prononcer sur l’objet de sa demande10 ; et iii) ayant été détenu sous l’autorité du Tribunal du 7 au 29 avril 2009, le Requérant a qualité pour s’adresser au Tribunal dont l’un de ses organes (en l’occurrence, le bureau du Procureur) est débiteur vis-à-vis de lui d’une obligation de lui remettre les éléments de son dossier11.

10. S’agissant du premier argument, le Requérant invoque :

– les éléments de fait suivants : i) le 29 août 2005, le Requérant a été arrêté puis transféré au siège de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (la « Commission d’enquête ») où il a été détenu pendant quatre jours comme suspect sur base de fausses déclarations de témoins12 ; ii) le

9 Mémoire du Requérant, paras. 3 à 29.

10 Idem, paras. 30 à 33.

11 Id. paras. 35 à 37.

12 Id. para. 9.

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3 septembre 2005, le Requérant a été entendu par un juge d’instruction libanais, puis placé en détention jusqu’au 7 avril 200913, sur la base d’un mandat d’arrêt émis par ce juge, sans que lui soit communiqué les documents fondant sa détention14 ; iii) du 3 septembre 2005 au 7 avril 2009, le juge d’instruction n’a pas entendu les témoins visés au point i) ni procédé à aucun acte d’instruction à l’encontre du Requérant15 ; iv) pendant cette même période, le Requérant n’a pas pu avoir accès au dossier le concernant ainsi qu’à un juge pour qu’il statue sur la légalité de sa détention, et ce en dépit des demandes répétées adressées à la Commission d’enquête, à la justice libanaise et au Conseil de sécurité des Nations Unies (le « Conseil de sécurité »)16 ; v) l’illégalité de la détention du Requérant s’illustre par le fait que les 27 et 29 avril 2009, le Procureur et le Juge de la mise en état du Tribunal ont respectivement demandé et ordonné la mise en liberté du Requérant et reconnu l’absence de crédibilité des témoins susvisés17 ; vi) le Requérant s’est constitué partie civile devant plusieurs juges d’instruction afin de poursuivre « […] les auteurs des infractions commises à son préjudice et connexes à sa détention arbitraire […] »18 mais ces juges se sont tous déclarés incompétents19 ; vii) en violation du principe de la séparation des pouvoirs, le Ministre de la justice du Liban a enjoint les tribunaux compétents de ne pas statuer sur les requêtes déposées par le Requérant20 ; viii) le groupe de travail sur les détentions arbitraires institué au sein de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies a lui-même reconnu que la détention du Requérant était arbitraire21 ; et

– les éléments de droit suivants : i) les droits de pouvoir saisir un juge indépendant et d’accéder au dossier sont des droits distincts et indépendants l’un de l’autre, le premier est absolu, le second « existe indépendamment de la qualification de la détention et doit être respecté d’une manière rigoureuse

13 Id. para. 10 et 11.

14 Id. para. 10.

15 Id. para. 13.

16 Id. para. 16 à 18.

17 Id. para. 19.

18 Id. para. 24.

19 Id. paras. 22 à 24.

20 Id. para. 26.

21 Id. para. 28.

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et absolue, en particulier dans le cas où la détention est arbitraire »22 ; ii) la Cour européenne des droits de l’homme (la « CEDH ») a rappelé, à plusieurs reprises, que le droit d’accès au dossier « […] revêt[ait] une importance particulière lorsqu’il s’agi[ssait] de contester la légalité de la détention »23 ; et iii) « [m]algré l’indépendance des deux droits susmentionnés, il s’avère que dans le cas présent le respect du droit d’accès est une condition de l’exercice du droit de recours. En effet, violer le droit du Requérant à l’accès au dossier de l’instruction conduit automatiquement à le priver de son droit à recourir à un juge national »24.

11. S’agissant du second argument, le Requérant précise :

– les éléments de fait suivants : bien qu’à la suite des amendements portés au Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), il soit incompétent pour statuer sur la question de la véracité des témoignages qui fondent la détention du Requérant, le Tribunal doit lui permettre de recueillir ces témoignages pour qu’il puisse saisir les juridictions libanaises compétentes25; et ce pour plusieurs raisons : i) du 7 au 29 avril 2009, il a été détenu sous l’autorité du Tribunal sans titre juridique valable puisque, par décision de dessaisissement du 7 avril 2009, le juge d’instruction avait levé le mandat d’arrêt émis à son encontre et le Procureur du Tribunal n’avait ouvert aucune information à son sujet26 ; ii) durant cette même période, le Requérant disposait d’un droit de s’adresser au Tribunal pour contester la légalité de sa détention27 ; iii) une fois libéré par le Tribunal, « en sa qualité d’ancien détenu arbitrairement », le Requérant conserve son droit d’accès aux éléments du dossier le concernant pour exercer un recours devant les juridictions libanaises28 ; iv) et ce d’autant plus qu’il ne peut intenter un recours devant le Tribunal, celui-ci s’étant déclaré incompétent pour statuer sur la question des

22 Id. para. 5.

23 Id. para. 6.

24 Id, para. 7.

25 Id. para. 33.

26 Id. para. 30.

27 Id. para. 33.

28 Ibidem

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« faux témoignages »29 ; v) le Tribunal ne saurait en aucune mesure entraver le droit du Requérant de s’adresser aux juridictions nationales compétentes en le privant des éléments de preuve qui lui sont nécessaires à cet effet30 ; et vi) s’il s’est déclaré compétent pour ordonner aux autorités libanaises le transfert du dossier concernant le Requérant et statuer sur son maintien en détention, a fortiori le Tribunal est compétent pour statuer sur la Requête31 ; et

– les éléments de droit suivants : le Tribunal est compétent pour se prononcer sur la Requête en application de l’article 17 du Règlement qui permet au Juge de la mise en état de délivrer des ordonnances enjoignant aux autorités libanaises de transmettre au Procureur « des éléments de l’enquête, ainsi qu’une copie des dossiers de procédure et de tous les éléments de preuve pertinents » et des articles 61, 77, para. A) et B), 88, 110, 112 et 114 du Règlement qui autorisent ce même Juge à délivrer des ordonnances ou des autorisations relatives au rassemblement et à la communication des éléments de preuve32.

12. S’agissant du troisième argument, le Requérant note que, selon l’Ordonnance du Président, il peut être assimilé à un participant à la procédure au sens de l’article 2 de la Directive pratique sur le dépôt des documents auprès du Tribunal, quand bien même il n’est ni détenu ni accusé33.

B. – Le Mémoire du Procureur :

13. Après avoir rappelé l’importance du droit d’accès à la justice34, le Procureur fait valoir que : i) le Tribunal n’a pas compétence pour traiter de ces questions35 et ii) le Requérant n’a pas qualité pour ester devant le Tribunal36.

29 Ibid.

30 Ibid.

31 Ibid.

32 Ibid.

33 Idem, paras. 40 à 42.

34 Mémoire du Procureur, paras. 2 à 4.

35 Id. paras. 6 à 24.

36 Id. paras. 25 à 42.

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14. S’agissant de la question de la compétence, le Procureur souligne que ni le Statut du Tribunal (le « Statut ») ni le Règlement ne donne juridiction au Tribunal pour se prononcer sur la Requête. À cet égard, il note que l’article 1er du Statut limite la compétence du Tribunal à statuer sur la responsabilité des personnes ayant perpétré l’attentat contre Rafic Hariri et les attentats connexes et que l’article 2 du Statut énumère précisément les crimes dont ces personnes peuvent être accusées37. Certes, les Juges doivent respecter pleinement les droits des suspects et accusés et la dignité des victimes et témoins38. Toutefois, ne siégeant pas dans une instance de droits de l’homme mais pénale39, ils ne sont pas habilités à connaître d’autres infractions que celles spécifiquement visées par les dispositions du Statut susmentionnées, lesquelles doivent être interprétées restrictivement40. Le fait que le Requérant ait été placé sous la garde du Tribunal ne saurait en rien justifier que les Juges étendent leur compétence au-delà de ces dispositions41. Par ailleurs, le Règlement ne permet guère aux Juges de communiquer des pièces à d’autres personnes que des suspects ou accusés42. Il en résulte donc que les Juges n’ont ni le pouvoir ratione personae ni le pouvoir ratione materiae pour se prononcer sur la Requête. Celle-ci doit, en conséquence, être rejetée in limine litis43.

15. S’agissant de la question de la qualité à agir, hormis le Procureur, personne n’a qualité pour ester en justice devant le Tribunal tant que l’acte d’accusation n’a pas été confirmé44. À l’appui de cette affirmation, le Procureur invoque la jurisprudence des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (le « TPIY ») et pour le Rwanda (le « TPIR »), notamment dans les affaires Opačić et Ntabakuze et alia, en particulier, le fait que, dans cette dernière affaire, la Chambre d’appel du TPIR avait rejeté « l’affirmation selon laquelle toute personne prétendument victime d’un

37 Id. paras. 13 et 14.

38 Id. para. 15.

39 Id. paras. 14 et 15.

40 Id. para. 12.

41 Id. para. 15.

42 Id. para. 23.

43 Id. paras. 21 à 23.

44 Id. para. 28.

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préjudice du fait de telle ou telle décision a qualité pour ester en justice aux fins d’un réexamen de celle-ci »45. Le Procureur fait remarquer, à ce titre, que le libellé de l’article 131 du Règlement est analogue à celui de ces Tribunaux internationaux (hormis la référence aux tierces parties et amicus curiae)46. De plus, le Requérant ne constitue pas une partie à la procédure au sens des articles 2 (qui ne concerne que les parties au sens strict du terme, à savoir le Procureur et l’accusé et/ou son conseil), 17 et 86 (qui ne concernent que les victimes participant à la procédure) et 131 du Règlement (qui ne concerne que les tierces parties et amicus curiae)47. Ni le Statut ni le Règlement ne lui confèrent donc une quelconque qualité à ester devant le Tribunal.

16. Le Procureur en conclut que la Requête doit être rejetée au motif que le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur celle-ci et, subsidiairement, que le Requérant n’a pas qualité pour ester devant le Tribunal48.

C. – La Réplique du Requérant :

17. Le Requérant fait valoir plusieurs arguments à l’encontre de ceux évoqués par le Procureur concernant l’incompétence du Tribunal49 et l’absence de qualité du Requérant pour ester en justice devant lui50. Il convient de rappeler les principaux d’entre eux.

18. S’agissant de la compétence du Tribunal, le Requérant affirme que : i) la compétence du Tribunal ne peut se limiter aux textes du Statut et du Règlement dans la mesure où ces textes ne concernent ni la phase antérieure à la création du Tribunal ni « le sort des matériaux collectés par l’UNIIIC [Commission d’enquête], devenus inutiles pour l’instruction »51 ; ii) même s’il n’est pas, à proprement parler, une cour chargée d’assurer la protection des droits de l’homme, le Tribunal doit

45 Id. paras. 30 à 32.

46 Id. para. 34.

47 Id. para. 37.

48 Id. paras. 43 et 44.

49 Réplique du Requérant, paras. 15 à 47.

50 Id. paras. 48 à 55.

51 Id. para. 17.

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respecter les normes nationales et internationales permettant au Requérant d’exercer son droit de recours devant les juridictions nationales compétentes52 ; iii) le Tribunal doit autoriser le Requérant à avoir accès au dossier le concernant dans la mesure où il a été détenu sous son autorité entre les 10 et 29 avril 200953 ; iv) bien que le Requérant ait été libéré, le droit d’accès au dossier demeure nécessaire pour qu’il puisse exercer un droit de recours contre sa détention illégale54 et obtenir réparation du dommage qui en résulte, conformément à la jurisprudence internationale en vigueur et à l’article 85 du Statut de la Cour pénale internationale (la « CPI »)55 ; et v) le Procureur fait une confusion entre l’obligation de communiquer le dossier après l’acte d’accusation dans le cadre d’une procédure pénale et l’objet de la Requête qui est indépendant de l’enquête en cours et de l’émission d’un acte d’accusation56 ; les matériaux demandés sont d’ailleurs « neutres » par rapport à un quelconque acte d’accusation57 ; vi) le Tribunal dispose d’une compétence exclusive sur la Requête dans la mesure où il est le seul détenteur des matériaux demandés et, en se déclarant incompétent, il priverait le Requérant du droit d’avoir accès à un juge58 ; et viii) les tribunaux internationaux reconnaissent généralement qu’ils peuvent se prononcer sur « toute question incidente et connexe nécessaire à une bonne administration de la justice, sans se limiter à la compétence de la juridiction telle qu’énoncée dans les décisions du Conseil de sécurité »59.

19. S’agissant de la qualité à agir, le Requérant développe trois arguments : i) il lie sa propre qualité à agir à la compétence du Tribunal arguant que dans l’hypothèse où celui-ci se déclarait compétent, il n’aurait d’autre choix que de reconnaître la qualité à agir du Requérant détenu par ce même Tribunal. Par conséquent, sa qualité à agir ne peut être limitativement déterminée par l’article 17 du Statut et les articles 2, 86 et

52 Id. para. 21.

53 Id. para. 23.

54 Id. para. 23.

55 Id. paras. 27 et 28.

56 Id. para. 30.

57 Id. para. 31.

58 Id. para. 38.

59 Id. para. 39.

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131 du Règlement, ceux-ci ne pouvant constituer une liste exhaustive de personnes pouvant intervenir devant le Tribunal60 ; ii) en l’espèce, le Tribunal ne statue pas comme une juridiction pénale, mais en tant que juridiction ordinaire ; de ce fait, la qualité du Requérant à ester devant lui doit être examinée de façon extensive comme le ferait un tribunal national ordinaire ayant une compétence générale et régulière61 ; et iii) comme la Requête n’est pas d’ordre pénal, le Procureur agit comme « une simple partie invitée par le Président à présenter ses observations sur la Requête » et, par conséquent, celui-ci « doit justifier d’un intérêt légitime à résister aux prétentions du Requérant comme condition de sa qualité.62 ».

D. – La Duplique du Procureur :

20. Dans la Duplique, le Procureur répond aux arguments soulevés par le Requérant concernant la compétence du Tribunal et la qualité de ce dernier pour ester devant le Tribunal63.

21. S’agissant de la compétence du Tribunal, le Procureur confirme les arguments susvisés développés dans son Mémoire et ajoute certaines observations. En réponse à l’argument du Requérant selon laquelle la procédure qu’il a engagée est gracieuse, il affirme que les règles générales en matière de compétence doivent en tout état de cause s’appliquer64 . Il revient également sur la référence faite par le Requérant à l’article 85 du Statut de la CPI en soulignant qu’il ne concerne que la CPI et non le Tribunal et, qu’en tout état de cause, il s’applique à une situation différente de celle dans laquelle le Requérant se trouve à savoir « une personne qui avait été placée en détention et a été libérée à la suite d’un acquittement définitif ou parce qu’il a été mis fin aux poursuites pour ce motif »65.

60 Id. paras. 48 et 49.

61 Id. para. 51.

62 Id. para. 53.

63 Duplique du Procureur, paras. 2 à 15.

64 Idem, para. 4.

65 Id. paras. 5 et 6.

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22. S’agissant de la qualité du Requérant pour ester devant le Tribunal, le Procureur rappelle les arguments susvisés développés dans son Mémoire et ajoute que le Requérant « confond les questions d’accès à la justice, de compétence et de qualité pour ester devant le Tribunal »66. Il estime également qu’il est contradictoire d’alléguer, d’une part, que le Procureur n’a pas qualité pour ester dans le cadre de cette instance et, d’autre part, de demander des documents qu’il possède67.

IV. – L’exposé des motifs :

23. Après avoir effectué des observations préliminaires (A), le Juge de la mise en état examinera successivement la question de la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la Requête (B) et celle de la qualité du Requérant à agir devant le Tribunal (C). Il abordera ensuite la problématique du droit d’accès au dossier pénal et de sa mise en œuvre (D).

A. – Observations préliminaires :

24. Il convient d’effectuer les quatre remarques préliminaires suivantes.

25. Premièrement, le Requérant soulève des éléments portant sur le contexte général et le fond du dossier, notamment en rapport avec la légalité de sa détention au Liban et à la nature calomnieuse des déclarations dont il sollicite la communication68. Dans la mesure où elles dépassent le cadre de cette ordonnance, ces considérations ne seront pas abordées dans la présente ordonnance.

26. Deuxièmement, l’ensemble des arguments, y compris ceux qui n’auraient pas été rappelés aux paragraphes 8 à 22 ci-dessus et ceux invoqués lors de l’audience du 13 juillet 2010, ont été pris en compte dans cette ordonnance.

66 Id. paras. 7 et 8.

67 Id. para. 9.

68 Cf. notam. Mémoire du Requérant, paras. 9 à 29.

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27. Troisièmement, le Requérant soutient que la présente procédure intervient au sein d’un contentieux « administratif » et non « judiciaire » du fait que la Requête a été déférée au Juge de la mise en état par le Président agissant en sa qualité « administrative »69. Ce raisonnement ne peut être suivi. Certes, le 15 avril 2010, pour attribuer la Requête au Juge de la mise en état, le Président a pris une ordonnance en vertu des pouvoirs administratifs dont il dispose afin d’assurer le « bon fonctionnement du Tribunal et l’administration de la justice », conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Statut et au paragraphe B) de l’article 32 du Règlement70. Il n’en demeure pas moins que les questions soulevées par la Requête, visant à solliciter de la part d’un organe du Tribunal certaines pièces de procédure, sont de nature judiciaire et relèvent de la fonction juridictionnelle du Tribunal. Ces questions doivent dès lors être tranchées par un juge, bien que le Requérant aurait également pu s’adresser directement au Procureur pour obtenir ces pièces dans le cadre d’une procédure gracieuse. Au sein du Tribunal, ce juge est le Juge de la mise en état, compte tenu du fait d’une part que la procédure relative à l’affaire Hariri est au stade préliminaire et d’autre part que le Président du Tribunal lui a explicitement confié le soin de se prononcer sur la Requête71.

28. Quatrièmement, les deux questions initiales soumises au Juge de la mise en état peuvent être formulées de la façon suivante. Premièrement, le Tribunal est-il compétent pour statuer sur la demande du Requérant de se voir remettre des éléments du dossier pénal susceptibles de le concerner ? (B) Deuxièmement, le Requérant a-t-il la capacité de s’adresser personnellement au Tribunal pour obtenir de tels éléments ? (C) Le juge de la mise en état devra également répondre à une troisième question, sous-jacente aux deux premières : le Requérant dispose-t-il, en l’espèce, du droit d’accéder – fut-ce partiellement – au dossier pénal qui le concerne ? (D).

B. – La compétence du Tribunal :

69 Réplique du Requérant, paras. 9 à 14.

70 Ordonnance du Président, 15 avril 2010, para. 12.

71 Idem, para. 39.

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29. Préalablement à tout examen au fond, il importe de déterminer si le Tribunal est compétent pour accueillir la demande du Requérant d’accéder à certaines pièces du dossier pénal le concernant.

30. Comme le note le Procureur72, la compétence matérielle du Tribunal est strictement limitée par le mandat que l’article 1 de l’Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise sur la création du Tribunal, annexé à la Résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité du 30 mai 2007 (l’ « Accord ») ainsi que les articles 1 et 2 du Statut lui confèrent. Il s’agit de juger les auteurs de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes ainsi que, le cas échéant, les auteurs d’autres attentats connexes. Le Tribunal ne saurait valablement excéder ce mandat sans violer les principes fondamentaux de légalité et de spécialité73.

31. Toutefois, conformément à la jurisprudence constante de la Cour internationale de justice74, des Tribunaux pénaux internationaux75 et d’autres juridictions

72 Duplique du Procureur, paras. 12 à 14.

73 Cf. notam. CIJ, Avis consultatif Licéité de l’utilisation des armes nucléaires par un État dans un conflit armé, 8 juillet 1996, Recueil de la CIJ, 1996, pp. 78 et 79, par. 25.

74 Cf. notam. CIJ, Arrêt Affaire des essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), 20 décembre 1974, Recueil de la CIJ, 1974, p. 463, paras. 22 et 23 ; CIJ, Arrêt La Grand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), 27 juin 2001, Recueil de la CIJ, 2001, p. 502 et suiv.

75 Cf. notam. TPIY, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Le Procureur c. Duško Tadić, 2 octobre 1995, paras. 14 à 18 ; TPIY, Arrêt relatif à l’appel de la décision portant condamnation pour outrage au Tribunal interjeté par Anto Nobilo, Le Procureur c. Aleksovski, 30 mai 2001, para. 30 ; TPIY, Decision on Rule 11bis Referral, Le Procureur c. Radovan Stanković, 1 septembre 2005, para. 51. Dans cette dernière affaire, la Chambre d’appel a affirmé à propos de la théorie des pouvoirs implicites que : « It cannot be said that judges – whether a Referral Bench, a Trial Chamber, or the Appeals Chamber – are limited strictly and narrowly to the text of the Rules in carrying out their mandate. Instead, judges have the inherent authority to render orders that are reasonably related to the task before them and that ‘derive automatically from the exercise of the judicial function’ ». Cf. TPIR, Décision relative à la requête de la défense en juste réparation, Le Procureur c. Rwamakuba, 31 janvier 2007, para. 47. Dans cette affaire, la Chambre de première instance a affirmé à propos du pouvoir implicite du TPIR d’accorder des réparations à un ancien accusé par le TPIR que : « […] les Chambres de première instance sont habilitées à donner effet au droit à une juste réparation à raison de la violation des droits d’un accusé ou d’un ancien accusé parce qu’un tel pouvoir est indispensable pour l’exercice de leurs fonctions judiciaires, et notamment pour assurer une bonne administration de la justice. C’est d’autant plus vrai en l’espèce que le droit en cause, à savoir le droit à l’assistance d’un défenseur, est l’un des éléments fondamentaux du droit à un jugement équitable reconnu à tout accusé dans un procès pénal ».

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internationales76, un tribunal international a le pouvoir de se prononcer sur des questions qui, sans à proprement parler relever de sa « compétence originelle »77, y sont étroitement liées et doivent être examinées dans l’intérêt de l’équité des procédures et d’une bonne administration de la justice. En d’autres termes, dans l’exercice de ses fonctions, le Tribunal dispose d’une compétence implicite de se prononcer sur des questions incidentes en lien avec son mandat ou ayant un impact sur celui-ci et qui doivent être tranchées dans l’intérêt de la justice.

32. À cet égard, il convient de constater que ni le Statut ni le Règlement ne confèrent expressément de titre au Requérant pour accéder aux pièces du dossier pénal dans lequel il a été mis en cause et détenu. Néanmoins, l’objet de la Requête relève effectivement des pouvoirs implicites du Tribunal en ce qu’il est intimement lié à la compétence matérielle originelle de ce dernier et doit être tranché dans l’intérêt de l’équité des procédures et d’une bonne administration de la justice.

33. En effet, la Requête concerne le dossier relatif à l’affaire de l’attentat perpétré contre l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes. Or, depuis le 10 avril 2009, conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Statut, le Tribunal a exercé sa primauté sur les juridictions libanaises pour connaître de cette affaire78. Depuis lors, il est exclusivement compétent pour statuer sur celle-ci, dont il est le seul saisi et possède les pièces du dossier79.

34. Par ailleurs, la Requête porte sur un des aspects fondamentaux des droits de la défense tels que définis par le droit international, celui pour un accusé d’accéder aux pièces du dossier, dont le Tribunal doit assurer le respect dans l’intérêt de la justice. Le Juge de la mise en état reviendra sur ce point lorsqu’il examinera la troisième question visée au paragraphe 28 ci-dessus.

76 CEDH, Arrêt Mamatkoulov et Askarov c. Turquie, 4 février 2005, paras. 103 à 129.

77 Ainsi, la Chambre d’appel du TPIY fait-elle une distinction entre la compétence « originelle » ou « principale » du TPIY telle que définie par son Statut et la compétence « incidente » ou « implicite » du TPIY qui découle automatiquement de l’exercice de sa fonction judiciaire (TPIY, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Le Procureur c. Duško Tadić, op. cit., para. 14).

78 Cf. Ordonnance de Juge de la mise en état portant fixation du délai de dépôt de la requête du Procureur en application de l’article 17, paragraphe B) du Règlement de Procédure et de Preuve, 15 avril 2009, para. 5.

79 Cf. Ordonnance du Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais [sic] du 7 avril 2009.

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35. Dès lors, vu sa compétence exclusive, s’il se déclarait incompétent pour se prononcer sur la Requête, le Tribunal priverait le Requérant de toute possibilité de voir ses prétentions à faire valoir un droit fondamental examinées par un juge. Il exclurait ainsi le Requérant du droit au bénéfice d’une protection juridictionnelle effective80.

36. En conclusion, le Tribunal a compétence pour se prononcer sur la Requête.

C. – La qualité du Requérant à agir devant le Tribunal :

37. La compétence du Tribunal pour statuer sur la Requête étant établie, il importe dorénavant de déterminer si le Requérant est habilité à s’adresser à cette juridiction.

38. À ce propos, le Juge de la mise en état constate que le Requérant n’est ni une partie à la procédure, à savoir le Procureur ou la Défense, au sens de l’article 2 du Règlement, ni une victime participant à la procédure au sens des articles 2, 17 et 86 du Règlement, ni une tierce partie ou un amicus curiae au sens de l’article 131 du Règlement. Or, comme l’a pertinemment souligné le Procureur81, ni l’Accord ni le Statut ni le Règlement ne prévoient explicitement la possibilité pour une autre personne d’adresser des requêtes au Tribunal.

39. Cela étant, le Requérant n’est pas une personne totalement étrangère aux procédures qui se sont déroulées et se poursuivent devant le Tribunal. En effet, le paragraphe 2 de l’article 4 du Statut prévoit que « [l]es personnes arrêtées [par la juridiction libanaise] dans le cadre de l’enquête [concernant l’affaire Hariri] sont déférées au Tribunal » et les paragraphes A) et B) de l’article 17 du Règlement exigent que le Juge de la mise en état se prononce sur le maintien en détention de ces personnes dans un délai raisonnable à compter de leur transfert au Tribunal. Or, le Requérant figurait parmi ces personnes.

40. Plus précisément, le 3 septembre 2005, en vertu de l’article 107 du nouveau Code de procédure pénale libanais, le Requérant s’est vu signifier par un juge

80 Ordonnance du Président, 15 avril 2010 ; Tribunal de première instance des Communautés européennes, Arrêt Jégo-Quéré c. Commission, T-177/01, 3 mai 2002, para. 51.

81 Mémoire du Procureur, op. cit., paras. 37 et 38.

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d’instruction libanais un mandat d’arrêt comportant une description de l’infraction qui lui est imputée82. Sur cette base, il a été détenu par les autorités judiciaires libanaises jusqu’au 10 avril 2009, date du transfert du dossier au Tribunal. À cette date, conformément à l’Ordonnance du Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais [sic] du 7 avril 2009, le Requérant a été déféré au Tribunal83. Il a ensuite été détenu sous l’autorité juridique de celui-ci du 10 avril 2009 au 29 avril 2009, date à laquelle il a été libéré par le Juge de la mise en état84.

41. Il convient de souligner que, depuis qu’il a été déféré au Tribunal, le Requérant n’a pas été mis en accusation par le Procureur. Il n’a pas pour autant fait formellement l’objet d’un non-lieu. À cet égard, il échet de rappeler que sa libération est intervenue « sans préjudice d’éventuelles poursuites ultérieures devant le Tribunal », comme il ressort des termes de l’Ordonnance du Juge de la mise en état du 29 avril 200985.

42. Dans ces circonstances, le Requérant a qualité pour saisir le Tribunal des questions liées à la privation de liberté dont il a fait l’objet.

D. – Le droit d’accès au dossier pénal et ses conditions de mise en œuvre :

43. Le Tribunal étant compétent pour se prononcer sur la Requête et le Requérant ayant qualité pour le saisir, il importe désormais de déterminer si le Requérant, au vu de sa situation telle que décrite aux paragraphes 39 à 41 ci-dessus, est en droit d’accéder au dossier pénal qui le concerne. Dans l’affirmative, il faudra examiner la

82 L’article 107, alinéa 5 du nouveau Code de procédure pénale libanais prévoit que : « La citation à comparaître, le mandat d’amener ou le mandat d’arrêt visant le défendeur indique l’identité de celui-ci, la date d’émission, et comporte une description du défendeur et de l’infraction qui lui est imputée, la mention de l’article de loi qui la réprime, la signature du juge d’instruction qui l’a émis ainsi que le cachet de sa juridiction ». L’aliéna 6 de cet article mentionne que : « Tout mandat d’amener ou d’arrêt est signifié au défendeur, même s’il se trouve déjà en détention pour une autre infraction au moment de leur exécution. Il lui est remis copie de l’exploit de signification ».

83 Cf. Ordonnance du Juge d’instruction auprès du Conseil judiciaire libanais [sic] du 7 avril 2009 et la liste y annexée.

84 Ordonnance du Juge de la mise en état relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, 29 avril 2009.

85 Ordonnance du Juge de la mise en état relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le premier Ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, op. cit., para. 23. Voy. égal. Requête du Procureur adressée au Juge de la mise en état en application de l’article 17 du Règlement de procédure et de preuve, 27 avril 2009, paras. 31 à 33.

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manière dont ce droit doit être mis en œuvre et, le cas échéant, dans quelles limites et sous quelles conditions.

44. S’agissant du droit d’accès au dossier pénal, il échet de constater qu’il s’agit d’un droit international coutumier reconnu à toute personne mise en accusation. Ce droit constitue un des moyens essentiels d’assurer l’exercice effectif des droits de la défense, notamment pour contester la légalité d’une détention, voire son caractère arbitraire.

45. Certes, ce droit n’est pas explicitement énoncé dans les principaux instruments internationaux de protection des droits de l’homme86. Toutefois, il découle directement des droits de la défense consacrés par ces instruments et, en particulier, des droits de bénéficier de tous les moyens pour préparer sa défense, de connaître de manière détaillée les accusations portées contre soi et du principe général de l’égalité des armes87. Ce droit est par ailleurs reconnu par de nombreux États, aussi bien de tradition romano-germanique que de common law88, ainsi que par les principaux

86 En effet, ni l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ni l’article 8 de la Convention américaine de droits de l’homme, ni l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ou encore l’article 47 de la Charte de l’Union européenne des droits fondamentaux, relatifs aux droits de la défense n’ont expressément reconnu le droit d’accès au dossier pénal.

87 L’article 14.3.b du Pacte international relatif aux droits civiques et politiques prévoit que toute personne accusée d’une infraction pénale doit « disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. » Au paragraphe 33 de l’Observation générale n° 32 : « Article 14 : Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable » du 23 août 2007, le Comité des droits de l’Homme a noté que « les « facilités nécessaires » doivent comprendre « l’accès aux documents et autres éléments de preuve, à tous les éléments à charge que l’accusation compte produire à l’audience, ou à décharge ». Par ailleurs, l’article 16.4.b du Statut du Tribunal contient une disposition similaire.

88 Le caractère fondamental du droit d’accès au dossier est reconnu par de nombreuses juridictions nationales. À titre d’exemple, dans un arrêt du 12 juin 1996, la chambre criminelle de la Cour de Cassation française a jugé « [q]u’il s’ensuit que toute personne ayant la qualité de prévenu ou d’accusé est en droit d’obtenir, en vertu de l’article 6 par. 3 (art. 6-3) de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, non pas la communication directe des pièces de la procédure, mais la délivrance, à ses frais, le cas échéant par l’intermédiaire de son avocat, de la copie des pièces du dossier soumis à la juridiction devant laquelle elle est appelée à comparaître ». Les juridictions britanniques ont également souligné l’importance de la communication de documents du dossier par le Procureur permettant au détenu de contester la légalité de sa détention (Regina v. the Director of Public Prosecutions, ex p. Lee [1999] 2 All ER 737). De la même manière, la Cour Suprême de Namibie a jugé que « [t]he order refusing disclosure of Police statements to the defence was tantamount to a denial of the right of a fair trial to an accused person » (Abiud Joseph Kandovazu v. the State, SA 4/96, 2 octobre 1998.). La Cour Suprême d’Afrique du Sud a jugé, quant à elle, que le droit d’accès au dossier « [e]xtends to all documents that might be ‘important for an accused to properly ‘adduce and challenge evidence’ to ensure a fair trial’ » (National Director of Public Prosecutions v. King (86/09) [2010] ZASCA 8

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organes internationaux de protection des droits de l’homme, dont le Comité des droits de l’homme89 et la CEDH90.

46. Il convient à cet égard de rappeler que, le 3 novembre 1972, le Liban a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « Pacte »), lequel est entré en vigueur le 23 mars 1976. De surcroît, bien que le Liban ne soit pas partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 (la « Convention européenne »), la jurisprudence de la CEDH est instructive en ce que celle-ci a été amenée à préciser les contours des droits garantis par cette Convention en tenant compte de l’existence d’un dénominateur commun aux systèmes juridiques des États, tant de droit civil que de common law91, qui y sont parties92. En outre, les principes dégagés par cette juridiction sont particulièrement importants pour le Tribunal dans la mesure où la jurisprudence de la CEDH est largement reconnue comme norme de référence en matière d’interprétation des droits fondamentaux voire comme le reflet et l’expression de principes généraux de droit par de nombreuses juridictions internes liées ou non par la Convention européenne ainsi que par d’autres juridictions internationales93.

(8 March 2010). Ce droit est également consacré par les législations de plusieurs pays dit de « droit romano-germanique ». En Belgique par exemple, l’article 61 ter, paragraphe 1, du Code d’instruction criminelle prévoit que « l’inculpé non détenu et la partie civile peuvent demander au juge d’instruction à consulter le dossier ». En outre, l’article 61 bis de ce même code ajoute que « [b]énéficie des mêmes droits que l’inculpé toute personne à l’égard de laquelle l’action publique est engagée dans le cadre de l’instruction ». S’agissant de la Suisse, l’article 101(1) du (nouveau) Code de procédure pénale prévoit que « [l]es parties peuvent consulter le dossier d’une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l’administration des preuves principales par le ministère public […] ». En Algérie, l’article 68 du Code de procédure pénale prévoit aussi un accès au dossier dès l’instruction bien que celui-ci soit réservé exclusivement au conseil. Enfin, l’article 30 paragraphe 1 du Code de procédure pénale néerlandais (« Wetboek van Strafvordering ») permet au suspect d’accéder à son dossier. Selon l’article 30, paragraphe 2 de ce même code, la transmission du dossier peut être restreinte si l’intérêt de l’enquête l’exige. Cependant, selon l’article 33 dudit code aucune restriction ne peut être faite, une fois l’enquête clôturée.

89 CDH, Communication n°676/1996, Yasseen et Thomas c. République du Guyana, 7 mai 1998, para. 7.10.

90 CEDH, Arrêt Öcalan c. Turquie, 12 mars 2003, paras. 158 à 170.

91 Ordonnance du Juge de la mise en état portant fixation du délai de dépôt de la Requête du Procureur en application de l’article 17, paragraphe B) du Règlement de procédure et de preuve, op. cit., paras. 10 et 14.

92 Ibidem. Il importe de souligner que les dispositions du Pacte présentent d’importantes similitudes avec celles de la Convention européenne.

93 Voy. Cour pénale internationale, Ch. Prél., Décision sur les demandes de participation à la procédure de victimes, Situation en République Démocratique du Congo, VPRS 1, VPRS 2, VPRS 3, VPRS 4, VPRS 5 et VPRS 6, 17 janvier 2006 ; TPIR, Arrêt Barayagwiza c. Le Procureur, 3 novembre 1999, para 83 ; TPIY, Order

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47. Ainsi, par exemple, dans l’affaire Mooren c. Allemagne, la CEDH a souligné que :

« L’égalité des armes n’est pas assurée si l’avocat se voit refuser l’accès aux pièces du dossier qui revêtent une importance essentielle pour une contestation efficace de la légalité de la détention de son client »94.

48. Dans la même optique, la CEDH a considéré dans l’affaire Öcalan c. Turquie, que :

« […] le fait que le requérant n’a pas bénéficié d’un accès approprié aux documents du dossier, à part l’acte d’accusation, a aussi contribué à compliquer la préparation de sa défense, au mépris des dispositions de l’article 6 § 1 combinées avec celles du paragraphe 3 b) »95.

[…]

« […] le principe de l’égalité des armes constitue un élément de la notion plus large de procès équitable, qui englobe aussi le droit fondamental au caractère contradictoire de la procédure pénale. Le droit à un procès pénal contradictoire implique, pour l’accusation comme pour la défense, la faculté de prendre connaissance des observations ou éléments de preuve produits par l’autre partie, ainsi que de les discuter. La législation nationale peut remplir cette exigence de diverses manières, mais la méthode adoptée par elle doit garantir que la défense jouisse d’une possibilité véritable de commenter les accusations»96.

49. Le droit d’un accusé d’accéder aux pièces du dossier pénal le concernant est également indirectement consacré par l’article 110 du Règlement. En effet, cette

on Motion for Provisional Release, Le Procureur c. Rahim Ademi, 20 février 2002 ; Cour Suprême fédérale des Etats-Unis, Arrêt Lawrence et al. c. Texas, 26 juin 2003, 539 U.S. 558 (2003) ; Cour Suprême fédérale des Etats-Unis, Arrêt Roper c. Simmons, 1er mars 2005, (03-633) 543 U.S. 551 (2005); Cour Suprême du Canada, Arrêt Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et immigration), 23 février 2007, [2007] 1 R.C.S. 350, 2007 CSC 9, para. 80 ; Cour Constitutionnelle d’Afrique du Sud, Arrêt Mohamed et autre c. Le Président de la République d’Afrique du Sud et autres, 28 mai 2001, (CCT 17/01) [2001] ZACC 18, para. 49.

94 CEDH, Arrêt Mooren c. Allemagne, 9 juillet 2009, para. 124. Cf. égal. CEDH, Arrêt Lamy c. Belgique, 30 mars 1989, para. 29 ; CEDH, Arrêt Nikolova c. Bulgarie, 25 mars 1999, para. 58.

95 CEDH, Arrêt Öcalan c. Turquie, op. cit., para. 163.

96 Idem, para. 166.

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disposition prévoit que l’accusé se voit communiquer, dans les 30 jours suivant sa comparution initiale ou tout autre délai fixé par le Juge de la mise en état, « [l]es copies de toutes les pièces justificatives qui ont été jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation, ainsi que toutes les déclarations de l’accusé recueillies par le Procureur ». Il doit également recevoir, dans le délai fixé par la Chambre de première instance ou le Juge de la mise en état, les copies des déclarations de témoins à charge et de toutes les déclarations écrites, comptes rendus de dépositions ou tout autre compte rendu auquel il a été procédé.

50. Par ailleurs, en ce qui concerne la notion de mise en accusation, comme l’a noté la CEDH, elle est à considérer avec souplesse. Cette notion ne doit en effet pas être prise au sens formel du terme mais comme signifiant « ‘la notification officielle, émanant de l’autorité compétente, du reproche d’avoir accompli une infraction pénale’, idée qui correspond aussi à la notion de ‘répercussions importantes sur la situation du suspect’ » (italiques ajoutés) 97.

51. Enfin, les droits de la défense persistent même si la personne qui a fait l’objet d’une enquête pénale n’est plus formellement accusée ou a bénéficié d’un non-lieu98. Il en va également du droit d’accès au dossier pénal qui ne saurait disparaître avec la libération de l’individu. En effet, le droit fondamental de pouvoir, le cas échéant, obtenir réparation du préjudice subi par une détention illégale, également consacré par les principaux instruments de protection des droits de l’homme99, doit avoir pour corollaire le droit d’accès aux pièces de la procédure sous peine qu’il reste lettre morte, faute de pouvoir prouver l’illégalité de la détention.

52. En conséquence, même si le Requérant n’est pas formellement accusé par le Tribunal, la notification officielle des charges portées à son encontre dans le mandat d’arrêt émis par les autorités judiciaires libanaises et les répercussions importantes qu’elle a engendré sur sa situation, notamment en raison de sa détention, même si

97 CEDH, Arrêt Mc Farlane c. Irlande, 10 septembre 2010, para. 143; CEDH, Arrêt Tejedor Garcia c. Espagne, 16 décembre 1997, para. 27 ; CEDH, Arrêt Serves c. France, 20 octobre 1997, para. 42 ; CEDH, Arrêt Deweer c. Belgique, 27 février 1980, para. 42.

98 CEDH, Arrêt Tejedor Garcia c. Espagne, op.cit., paras. 27 et 28.

99 Article 9(5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; Article 5(5) de la Convention européenne.

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celle-ci a pris fin, doivent être prises en compte. Dans ce contexte, il doit bénéficier des droits fondamentaux de la défense similaires à ceux conférés à une personne mise en accusation, comme celui d’avoir accès à son dossier pénal.

53. S’agissant de la question de l’exercice du droit d’accès au dossier pénal, il ressort des législations et de la jurisprudence tant nationale qu’internationale que ce droit n’est pas absolu. En effet, ce droit est susceptible d’être soumis à des restrictions. Celles-ci peuvent résulter notamment du fait que la communication des pièces pourrait compromettre une enquête en cours ou à venir100, porter atteinte à des intérêts fondamentaux, tel que l’intégrité physique de personnes concernées par ces pièces ou affecter la sécurité nationale ou internationale. Ces restrictions peuvent également tenir aux difficultés inhérentes à la conduite d’enquêtes en matière de terrorisme101. Dans certains cas, pour remédier à ces difficultés, il a été admis que ce droit était respecté même si l’accès au dossier était limité aux seuls avocats de l’accusé102.

54. D’autres considérations peuvent également limiter la possibilité pour une personne de solliciter directement d’une juridiction les pièces que celle-ci détiendrait. Il en va, par exemple, des mécanismes classiques d’entraide et de

100 L’article 116 du Règlement du Tribunal prévoit, par exemple, la possibilité de restreindre la communication de certaines pièces lorsqu’elle : « i) est de nature à compromettre l’enquête en cours ou une enquête ultérieure ; ii) est susceptible de menacer gravement la sécurité d’un témoin ou de sa famille ; ou iii) est susceptible pour toute autre raison, d’être contraire à l’intérêt général ». À cet égard, la CEDH a, par exemple, affirmé dans l’affaire Garcia Alva c. Allemagne du 13 février 2001 que : « The Court acknowledges the need for criminal investigations to be conducted efficiently, which may imply that part of the information collected during them is to be kept secret in order to prevent suspects from tampering with evidence and undermining the course of justice. However, this legitimate goal cannot be pursued at the expense of substantial restrictions on the rights of the defence. Therefore, information which is essential for the assessment of the lawfulness of a detention should be made available in an appropriate manner to the suspect’s lawyer » (para. 42).

101 À cet égard, la CEDH a, par exemple, affirmé dans l’affaire Fox Campbell et Hartley c. Royaume Uni du 30 août 1990 que : « Il ne faut certes pas appliquer l’article 5 § 1 c) (art. 5-1-c) d’une manière qui causerait aux autorités de police des États contractants des difficultés excessives pour combattre par des mesures adéquates le terrorisme organisé (voir, mutatis mutandis l’arrêt Klass et autres du 6 septembre 1978, série A n° 28, pp. 27 et 30-31, §§ 58 et 68). Partant, on ne saurait demander à ces États d’établir la plausibilité des soupçons motivant l’arrestation d’un terroriste présumé en révélant les sources confidentielles des informations recueillies à l’appui, ou même des faits pouvant aider à les repérer ou identifier » (para. 34).

102 CEDH, Arrêt Kamasinski c. Autriche, 19 décembre 1989, paras. 87 à 88 ; CEDH, Arrêt Kremzow c. Autriche, 21 septembre 1993, para. 52 ; CEDH, Arrêt Foucher c. France, 18 mars 1997, paras. 35 et 36 et CEDH, Arrêt Öcalan c. Turquie, op.cit., para. 160.

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Compétence et qualité pour ester en justice JME

coopération internationale entre États qui imposent à des tierces personnes de passer par l’intermédiaire des autorités nationales compétentes pour effectuer de telles demandes. Dans la même optique, le TPIY exige, dans le cadre de la procédure prévue au paragraphe H) de l’article 75 du Règlement de procédure et de preuve, que les demandes de coopération soient soumises aux juges de ce Tribunal, en principe, avec l’aval d’un magistrat ou un collège de magistrats national103, sans préjudice de celles pouvant être adressées directement au Procureur.

55. À la lumière de ces considérations, il convient de déterminer si, dans le cas d’espèce, le Requérant peut exercer son droit d’accès au dossier pénal ou si les limitations et restrictions susvisées, voire d’autres, s’appliquent. À cet égard, le Juge de la mise en état avait invité le Requérant et le Procureur à aborder ces questions lors de l’audience du 13 juillet 2010104. C’est ainsi que le Requérant a notamment souligné que : i) le droit libanais n’imposait aucune restriction en matière de terrorisme quant à l’accès d’un individu aux éléments de son dossier105 ; ii) selon l’article 76 du Code de procédure pénale libanais, celui-ci doit pouvoir prendre connaissance de ces éléments avant d’être interrogé par un juge106 ; et iii) les autorités syriennes, saisies à l’heure actuelle de la question des « faux témoignages », n’adresseront aucune demande d’entraide au Tribunal car elles ne reconnaissent pas sa compétence107. En revanche, le Procureur n’a pas souhaité évoquer ces questions considérant qu’elles

103 Cette disposition envisage qu’une demande puisse être adressée directement au Tribunal par une tierce partie, soit par l’intermédiaire d’un juge interne, soit avec son aval. Elle est libellée de la façon suivante : « Un juge ou un collège de juges saisi d’une affaire portée devant une juridiction autre que le Tribunal, une partie à cette affaire habilitée par une autorité judiciaire compétente, ou une victime ou un témoin bénéficiant de mesures de protection ordonnées par le Tribunal peut demander l’abrogation, la modification ou le renforcement de mesures de protection ordonnées dans une affaire portée devant le Tribunal en soumettant une requête en ce sens au Président du Tribunal, lequel la transmet: i) à toute Chambre encore saisie de la première affaire, quelle que soit sa composition ; ii) à une Chambre saisie d’une deuxième affaire, si aucune Chambre n’est plus saisie de la première affaire ; iii) à une Chambre nouvellement constituée, si aucune Chambre n’est plus saisie ». Il convient également de prendre en compte la directive pratique adoptée par le TPIY le 4 février 2008 mettant en œuvre cette disposition et libellée de la façon suivante : « Directive pratique établissant la procédure à suivre pour demander, en application de l’article 75 H) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal international, la modification de mesures de protection afin d’obtenir l’accès à des pièces confidentielles du Tribunal » (IT/254).

104 Cf. Ordonnance du Juge de la mise en état portant fixation d’une audience, op.cit., paras. 8 et 9.

105 Compte-rendu de l’audience du 13 juillet 2010, p. 37.

106 Idem.

107 Id. pp. 38 et 39.

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touchaient au fond du dossier et n’étaient donc pas liées aux seules problématiques de compétence et de qualité à agir du Requérant devant être tranchées à ce stade de la procédure108. Par ailleurs, le Procureur a sollicité un délai de réflexion pour qu’il puisse faire valoir ses observations par écrit au sujet de questions aussi essentielles109.

56. Comme la compétence du Tribunal et la qualité du Requérant à agir pour exercer son droit d’accès au dossier pénal ont été reconnues, la question de savoir si la problématique des limitations ou des restrictions à ce droit relève ou non du fond du dossier n’est désormais plus d’actualité. En revanche, à ce stade de la procédure, il importe de permettre au Procureur et au Requérant de faire valoir leurs observations et arguments à ce sujet.

57. Dans cette perspective, le Juge de la mise en état invite le Requérant et le Procureur, seul détenteur du dossier relatif à l’affaire Hariri, à répondre notamment aux questions suivantes, dans les conditions et délais figurant dans le dispositif de la présente ordonnance :

Au stade actuel de l’enquête :

(i) Toutes les pièces sollicitées par le Requérant font-elles partie du dossier pénal qui le concerne et sont-elles en possession du Procureur ?

(ii) Les limitations ou restrictions susvisées aux paragraphes 53 et 54 s’appliquent-elles au cas d’espèce ?

(iii) D’autres limitations ou restrictions s’imposent-elles ?

(iv) Le cas échéant, ces limitations ou restrictions s’appliquent-elles à l’ensemble des pièces sollicitées par le Requérant ou seulement à certaines d’entre elles, et dans ce cas, lesquelles ?

(v) Le cas échéant, quelle forme l’accès au dossier devrait-elle prendre ? En d’autres termes, les pièces ou des copies de celles-ci doivent-elles être nécessairement remises au Requérant ou uniquement consultable par lui ? Cette consultation devrait-elle être limitée au Conseil du Requérant seulement ?

108 Id. pp. 33 à 36.

109 Id. p. 34.

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Compétence et qualité pour ester en justice JME

(vi) Des mécanismes d’entraide judiciaire internationale s’appliquent-ils et, le cas échéant, quelles en sont les conséquences par rapport à la demande du Requérant?

V. – Le dispositif :

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 1, 4 paragraphe 2 et 16 du Statut,

LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT,

DÉCLARE le Tribunal compétent pour statuer sur les mérites de la Requête ;

DÉCLARE que le Requérant a qualité pour ester en justice devant le Tribunal afin de solliciter l’accès aux pièces du dossier pénal relatif à l’affaire Hariri le concernant;

ORDONNE, avant de se prononcer plus avant sur les mérites de la Requête, que les mémoires écrits du Requérant et du Procureur contenant les réponses aux questions visées au paragraphe 57 de la présente ordonnance soient déposées au Greffe du Tribunal le 1er octobre 2010 au plus tard ;

ORDONNE que les mémoires soient communiqués simultanément au Requérant et au Procureur après traduction du mémoire du Procureur en français ;

ORDONNE que le Requérant et le Procureur déposent leurs répliques au Greffe du Tribunal dans les 10 jours qui suivront la communication simultanée des mémoires, avec la traduction française de celui du Procureur.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 17 septembre 2010.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Riachi de la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en application de l’article 25

« Récusation du juge Riachi »

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LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Affaire n° : CH/PRES/2010/08Devant : M. le Juge Antonio CasseseLe Greffier : M. Herman von HebelDate : 5 novembre 2010Langue de l’original : AnglaisType de document : Public

DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE RÉCUSATION DE M. LE JUGE RIACHI DE LA CHAMBRE D’APPEL PRÉSENTÉE PAR

M. EL SAYED EN APPLICATION DE L’ARTICLE 25

Le conseil du Requérant :Me Akram Azoury

Le Bureau du Procureur :M. Daniel Bellemare, MSM, c.r.

Le Bureau de la Défense :M. François Roux

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Récusation du juge Riachi

Je, Antonio Cassese, Président du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal »), suis saisi de la « Demande de récusation et de dessaisissement de Monsieur le Vice-Président Ralph Riachi » (la « Demande »), déposée publiquement le 20 octobre 2010. Conformément à l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal, je rends la décision exposée ci-après.

CONTEXTE

1. Le 30 août 2005, M. El Sayed (le « Requérant ») a été placé en détention dans le cadre de l’attentat commis contre le Premier ministre Rafic Hariri (l’affaire « Hariri ») par les autorités libanaises en application des procédures pénales nationales. Un juge d’instruction libanais a délivré un mandat d’arrêt le 3 septembre 2005, aux termes duquel le Requérant est demeuré en détention.

2. Le 27 mars 2009, sur la demande du Procureur du Tribunal (le « Procureur »), le juge de la mise en état a rendu une ordonnance enjoignant à la juridiction libanaise saisie de l’affaire Hariri de se dessaisir en faveur du Tribunal1.

3. Le 8 avril 2009, la juridiction libanaise a présenté une liste de personnes détenues par elle dans le cadre de l’affaire Hariri. Le Requérant figurait parmi ces personnes. Le 10 avril 2010, les résultats de l’enquête et le dossier de l’affaire ont été transférés au Tribunal. Depuis cette date, le Requérant relève formellement de l’autorité du Tribunal.

4. Le 27 avril 2009, le Procureur a considéré que les informations dont il disposait ne justifiaient pas la mise en accusation de l’une quelconque des personnes détenues par le Tribunal2. Le 29 avril 2009, le juge de la mise en état a rendu une ordonnance

1 Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, Affaire n° CH/PTJ/2009/01, 27 mars 2009.

2 Requête du Procureur adressée au Juge de la mise en état en application de l’article 17 du Règlement de procédure et de preuve, Affaire n° CH/PTJ/2009/004, 27 avril 2009.

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Récusation du juge Riachi

enjoignant notamment aux autorités libanaises de mettre en liberté le Requérant et trois autres personnes détenues3. Cette ordonnance a été exécutée le même jour.

5. Le 17 mars 2010, le Requérant a déposé une demande par l’entremise de son conseil, Me Akram Azoury, tendant à la « remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire ». Le 15 avril 2010, j’ai rendu une ordonnance portant renvoi devant le juge de la mise en état aux fins de statuer sur la demande4.

6. Après avoir dûment examiné les arguments écrits du Requérant et du Bureau du Procureur (le « Procureur ») et après avoir tenu une audience publique le 13 juillet 2010, le juge de la mise en état a rendu sa décision le 17 septembre 20105. Il a déclaré que le tribunal était compétent pour statuer sur les mérites de la requête, que le Requérant avait qualité pour saisir le Tribunal de questions relatives à sa détention antérieure, et a ordonné aux parties de déposer des réponses à un certain nombre de questions exposées dans sa décision6.

7. Le 29 septembre 2010, le Procureur a fait appel de la décision rendue par le juge de la mise en état7. Le 1er octobre 2010, j’ai rendu une ordonnance portant calendrier par laquelle le Requérant était invité à déposer un mémoire en réponse et le Procureur un mémoire en réplique8. Le 12 octobre 2010, j’ai rendu une nouvelle ordonnance annonçant la composition de la Chambre d’appel9.

3 Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, Affaire n° CH/PTJ/2009/06, 29 avril 2009.

4 Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, Affaire n° CH/PRES/2010/01, 15 avril 2010.

5 Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal, Affaire n° CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010 (« Décision de la Chambre de la mise en état »).

6 Décision de la Chambre de la mise en état, par. 36, 42 et 57.

7 Appel de l’« Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal » et demande urgent aux fins de suspension de l’ordonnance, n° OTP/AC/2010/01, 28 septembre 2010.

8 Ordonnance portant calendrier, Affaire n° CH/PRES/2010/02, 1er octobre 2010.

9 Ordonnance portant composition de la Chambre d’appel, Affaire n° CH/PRES/2010/03, 12 octobre 2010.

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Récusation du juge Riachi

8. Le 20 octobre 2010, le Requérant a déposé la Demande de récusation de M. le juge Riachi de la Chambre d’appel conformément à l’article 25 du Règlement10.

9. Dans l’ordonnance portant calendrier rendue par moi le 21 octobre 2010, j’ai invité M. le juge Riachi à formuler ses observations sur la demande de récusation déposée par le Requérant, et j’ai demandé à ce dernier de soumettre certains documents qui étaient mentionnés dans sa demande11. Le 26 octobre 2010, M. le Juge Riachi a présenté ses observations dans un mémoire à présent rendu public et annexé à la présente décision12. Le même jour, le Requérant a déposé les documents supplémentaires demandés. Je les ai consultés avec l’aide du personnel arabophone.

DROIT APPLICABLE

I. Article 25A et jurisprudence pertinente

10. L’article 25A du Règlement dispose que :

Un juge ne peut connaître, en première instance ou en appel, d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou a eu un lien quelconque de nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité. Dans ce cas, il doit se récuser, et le Président désigne un autre juge pour siéger à sa place.

11. L’article 25A est pratiquement identique sur le fond à l’article correspondant du Règlement du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (« TPIY »)13 et

10 Demande de récusation et de dessaisissement de Monsieur le Vice-président Ralph Riachi, Affaire n° OTP/AC/2010/01, 20 octobre 2010 (« Demande »).

11 Ordonnance portant calendrier concernant la demande de récusation de M. le Juge Riachi, Affaire n° CH/PRES/2010/06, 21 octobre 2010, p. 3.

12 Mémoire du Juge Ralph Riachi en réponse à la demande de récusation et de dessaisissement présentée par M. El Sayed, 26 octobre 2010 (« Annexe »).

13 Règlement de procédure et de preuve du TPIY, IT/32/Rev. 44, 10 décembre 2009 ; l’article 15A est ainsi libellé :« Un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité. En ce cas, il doit se récuser dans cette affaire et le Président désigne un autre juge pour siéger à sa place. »

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Récusation du juge Riachi

du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR »)14. Compte tenu de ces similitudes textuelles importantes, il est utile et pertinent d’examiner la jurisprudence de ces tribunaux en vue d’interpréter leurs articles équivalents à l’article 25A du Règlement du TSL.

12. J’observe toutefois la tendance des tribunaux à analyser globalement leurs articles traitant de la récusation, au lieu de les décomposer en éléments constitutifs aux fins d’une analyse juridique. En l’espèce, je propose de retenir la dernière approche par souci de clarté dans l’application qui en sera faite.

A. « Intérêt personnel » ou « toute association »

13. La première condition posée par l’article 25A est celle d’un « intérêt personnel » ou d’une « association » entre le juge et l’affaire en cause. Cette condition est exprimée de manière disjointe et séparée par le mot « ou ». Lorsqu’il a examiné le mot « association », le TPIY a considéré que toutes les associations, quel que soit l’éloignement, ne relevaient pas de l’article 15A de son Règlement. Selon lui :

« [TRADUCTION] Pour qu’il existe une association pertinente au sens du présent article [15A], […] la partie qui conteste l’impartialité du juge doit montrer que le juge a un intérêt personnel ou un lien particulier avec l’une des Parties, les témoins ou les faits de l’affaire.15 »

14. En d’autres termes, l’expression « toute association » au sens de l’article 15A du TPIY inclut uniquement les associations qui dénotent un intérêt personnel ou un lien dans l’affaire considérée. L’inclusion séparée de l’expression « intérêt personnel » dans l’article 25A (et, de fait, dans le propre article 15A du TPIY) semble ainsi quelque peu artificielle. Comme indiqué ci-dessus, ces éléments de phrase sont énoncés de manière disjointe et ne s’incluent pas. De plus, l’insertion

14 Règlement de procédure et de preuve du TPIR, 9 février 2010 ; l’article 15A est ainsi libellé :« Un juge ne peut connaître d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité. En ce cas, il doit se dessaisir de cette affaire. Lorsque le juge renonce à siéger au sein d’une Chambre de première instance, le Président désigne un autre juge de première instance pour siéger à sa place. Lorsqu’un juge renonce à siéger au sein de la Chambre d’appel, le Président de la Chambre d’appel désigne un autre juge pour siéger à sa place. »

15 TPIY, Le Procureur c. Krajišnik, Affaire n° IT-00-39-PT, Décision relative à la demande de récusation d’un juge du procès présentée par la Défense, 22 janvier 2003, (« Décision Krajišnik »), par. 8.

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du mot « toute » laisse entendre, en réalité, que toutes les associations relèvent de l’article 25A, non seulement celles qui impliquent l’existence d’un intérêt personnel ou d’un lien dans l’affaire en question.

15. Selon moi, « intérêt personnel » et « toute association » doivent être lus comme deux expressions complémentaires destinées à constituer un article passe-partout « lié à l’obligation statutaire d’impartialité et donc […] incluant dans son champ d’application tous les fondements possibles de dessaisissement16 ». Ainsi le TPIR a-t-il déclaré à juste titre qu’un tel article « [TRADUCTION] [devait] être lu dans ses grandes lignes afin que tout moyen contestant la partialité puisse être soulevé […] comme base de la récusation17 ».

B. «[D]e nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité »

16. La simple existence d’une association doublée d’un intérêt personnel dans une affaire donnée est généralement insuffisante en soi pour fonder la récusation d’un juge. Un élément supplémentaire est requis : il doit être démontré que cette association ou cet intérêt a un effet sur l’impartialité ou l’apparence d’impartialité du juge.

17. Il convient de souligner que les juges du Tribunal bénéficient d’une présomption d’impartialité en vertu du serment solennel qu’ils ont prêté18. Toutefois, je tiens à souligner que dans le cas du présent Tribunal, cette présomption est complétée par la manière dont les juges sont nommés. Les juges du TPIR et du TPIY, par exemple, sont nommés par leurs gouvernements respectifs puis élus par l’Assemblée générale

16 TPIY, Le Procureur c. Blagojević et consorts, Affaire n° IT-02-60, Décision relative à la demande déposée par Blagojević en application de l’article 15B, 19 mars 2003, par. 10.

17 TPIY, Le Procureur c. Karemera et consorts, Affaire n° ICTR-98-44-T, Décision relative à la demande de récusation de juges de la chambre de première instance présentée par Nzirorera, 17 mai 2004 (« Décision Karemera »), par. 8.

18 TPIR, Karemera, Décision, par. 11. Voir aussi TPIY, Le Procureur c. Karadžić, Affaire n° IT-95-05/18-PT, Décision relative à la demande de récusation du juge Picard et compte rendu adressé au Vice-président en application de l’article 15Bii, 22 juillet 2009 (« Décision Karadžić »), par. 17 ; TPIY, Le Procureur c. Blagojević, Affaire n° IT-02-60-R, Décision relative à la demande de récusation, 2 juillet 2008, par. 3 ; TPIY, Le Procureur c. Šešelj, Affaire n° IT-03-67-PT, Décision relative à la demande de récusation, 16 février 2007 (« Décision Šešelj du 16 février 2007 »), par. 5 ; TPIY, Le Procureur c. Furundžija, Affaire n° IT-95-17/1-A, Arrêt, 21 juillet 2000 (« Arrêt Furundžija »), par. 196 ; TPIY, Chambre d’appel, Galić, arrêt du 30 novembre 2006, par. 41.

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des Nations Unies19. Or, la nomination des juges de ce Tribunal se fait autrement. Les juges internationaux sont nommés par des États et des « personnes compétentes20 » tandis que les juges libanais sont nommés par le Gouvernement libanais sur proposition du Conseil supérieur de la Magistrature du Liban21. Le Secrétaire général des Nations Unies élit ensuite les juges uniquement sur recommandation d’un jury de sélection22. Ce mécanisme offre une protection renforcée contre les nominations fondées sur des éléments autres que la compétence, l’indépendance et l’intégrité.

18. La partie qui effectue la demande a la lourde charge de combattre la présomption susdite, critère qui ne peut être rempli qu’au moyen d’éléments de preuve fermement établis ; de simples conjectures ne suffisent pas23. Ainsi, par exemple, les nationalités des juges et les politiques de leurs gouvernements sont-elles sans rapport avec la détermination de l’impartialité24. Le TPIY en a expliqué succinctement les raisons :

« La raison en est, que si une apparence réelle de parti pris de la part d’un juge ébranle la confiance dans l’administration de la justice, l’impartialité et l’équité de la justice seraient également menacées si les juges accusés sans raison ni preuve d’un parti pris apparent devaient se déporter25. ».

19 Voir article 13bis1 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ; l’article 123 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda.

20 Résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies, Annexe, Accord conclu entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise, article 25b.

21 Ibid., article 25a.

22 Ibid., article 25d.

23 TPIY, Le Procureur c. Šešelj, Affaire n° IT-03-67-R77.3, Décision relative à la demande de récusation des Juges O-Gon Kwon et Kevin Parker présentée par le professeur Vojislav Šešelj, 22 juin 2010 (« Décision Šešelj du 22 juin 2010 »), par. 27 ; TPIY, Le Procureur c. Šešelj, Affaire n° IT-03-67-T, Ordonnance relative à la requête de l’accusation aux fins de récusation du Juge Frederik Harhoff, 14 janvier 2008 (« Décision Šešelj Harhoff »), par. 11.

24 TPIY, Le Procureur c. Martić, Affaire n° IT-95-11-A, Ordonnance relative à la requête de la Défense aux fins d’empêcher le Juge Wolfgang Schomburg de siéger en appel, 23 octobre 2007 (« Décision Martić »), Annexe, p. 3.

25 TPIY, Le Procureur c. Delalić et consorts, Affaire n° IT-96-21-A, Arrêt, 20 février 2001, par. 707.

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19. Après avoir examiné les définitions de l’impartialité internationale et nationale26, la Chambre d’appel du TPIY a formulé les observations suivantes au sujet de l’article 15 du RPP :

A) Un juge n’est pas impartial si l’existence d’un parti pris réel est démontrée.

B) Il existe une apparence de partialité inacceptable :

i. si un juge est partie à l’affaire, s’il a un intérêt financier ou patrimonial dans son issue ou si sa décision peut promouvoir une cause dans laquelle il est engagé aux côtés de l’une des parties. Dans ces circonstances, le juge est automatiquement récusé de l’affaire ; ou

ii. si les circonstances suscitent chez un observateur raisonnable et dûment informé une crainte légitime de partialité27. »

Cette formulation a été acceptée et appliquée dans de nombreuses décisions du TPIR et du TPIY en matière de récusation. Pour les besoins de l’article 25A du Tribunal, j’estime qu’elle doit être retenue.

20. Il s’ensuit que l’impartialité se caractérise par une absence de parti pris. Conformément à l’article 25A, le parti pris peut être soit i) un parti pris réel, soit ii) une apparence de partialité inacceptable.

i. Parti pris réel

21. Le parti pris réel renvoie à un manque d’impartialité au sens subjectif, et ce sous plusieurs formes possibles. Dans le contexte d’une procédure, le TPIY n’a pas « totalement [exclu] la possibilité que les décisions rendues par un juge ou une chambre suffisent en ellesmêmes à établir l’existence d’un parti pris réel, [mais] cela n’est envisageable que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles28 ». Lorsqu’une telle allégation est formulée, le tribunal a le devoir :

26 Furundžija, Appel, par. 181 à 188. Voir aussi TPIY, Le Procureur c. Brđanin & Talić, Décision relative à la demande de récusation d’un juge de la chambre de première instance présentée par Momir Talić, 18 mai 2000 (« Décision Talić »), par. 9 à 14.

27 Furundžija, Arrêt, par. 189.

28 Décision Blagojević, par. 14. Mais voir TPIY, Le Procureur c. Šešelj, Affaire n° IT-03-67-R77.2-A, Décision relative à la demande de récusation des Juges Fausto Pocar et Theodor Meron de la procédure d’appel, 2

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« [TRADUCTION] […d’]examiner le contenu des décisions judiciaires citées comme preuves du parti pris. Il s’agit là non de détecter l’erreur mais d’établir si cette erreur, le cas échéant, montre que les juges ont effectivement des préjugés, ou qu’il existe une apparence de partialité […] L’erreur, s’il y a lieu, sur un point de droit est insuffisante : ce que l’on doit montrer, c’est que les décisions sont ou seraient raisonnablement perçues comme étant liées à une prédisposition contre le requérant, et non véritablement fondées sur l’application du droit (qui peut donner lieu à plusieurs interprétations possibles) ou sur l’appréciation des faits pertinents29 ».

22. Certaines allégations de parti pris réel, fondées sur d’autres décisions judiciaires, ont été examinées de manière analogue. Par exemple, la confirmation d’un acte d’accusation qui se recoupait avec les crimes allégués dans une affaire connexe n’a pas en soi fondé l’existence d’un parti pris réel30, et le simple fait que deux mêmes juges aient déjà présidé une affaire pour outrage « [TRADUCTION] est insuffisant pour réfuter la présomption d’impartialité attachée aux deux juges dans le cadre d’une [autre] affaire pour outrage31 ». L’importance fluctuante de considérations temporelles et de l’économie judiciaire dans la conduite de la procédure ne suffit pas non plus pour conclure à un parti pris réel32.

23. Les décisions extra judiciaires qui fondent des allégations de partialité sont soumises à un examen tout aussi rigoureux. Ainsi un juge n’a-t-il pas été empêché de siéger à une Chambre de première instance au motif qu’il avait précédemment été le coconseil d’un ancien accusé, car rien ne laissait penser qu’il était influencé par

décembre 2009, par. 13.

29 TPIR, Le Procureur c. Ntahobali, Affaire n° ICTR-97-21-T, Décision relative à la demande de récusation de juges, 7 mars 2006, par. 12 ; TPIR, Le Procureur c. Seromba, Affaire n° ICTR-2001-66-T, Décision relative à la demande de récusation de juges, 25 avril 2006, par. 12 ; Décision Karemera, par. 13.

30 TPIY, Le Procureur c. Galić, Affaire n° IT-98-29-T, Décision relative à la requête de Galić en application de l’article 15B du Règlement, 28 mars 2003 (« Décision Galić »), par. 13-14 ; voir aussi TPIR, Kabiligi c. Le Procureur, Affaire n° ICTR-97-34-I, Décision relative à la demande d’extrême urgence aux fins de récusation et de contestation pour incompétence présentée par la Défense, 4 novembre 1999 (« Décision Kabiligi »), par. 49 et 50 (dans laquelle un juge ayant précédemment rejeté une demande de la Défense aux fins de disjonction d’instances n’a pas été empêché d’examiner ultérieurement une demande de jonction d’instances).

31 Décision Šešelj du 22 juin 2010, par. 32.

32 TPIR, Le Procureur c. Karemera et consorts, Affaire n° ICTR-98-44-T, Décision relative à la requête de Joseph Nzirorera aux fins de récusation du Juge Byron et de suspension des poursuites, 20 février 2009, par. 14.

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un intérêt personnel dans l’issue de l’affaire ou qu’il n’examinerait pas de manière impartiale et sans préjugés les questions posées au procès33. Dans la même veine, le fait qu’un juge ait été précédemment employé par un gouvernement étranger n’a pas suffi pour réfuter la présomption d’impartialité34 et les observations qu’un juge avait précédemment formulées sur l’application de ses décisions antérieures n’ont pas suffi pour établir l’existence de préjugés personnels contre l’accusé ou son pays35.

24. Au vu de ce qui précède, pour qu’un parti pris réel puisse être établi, une partie doit fournir des preuves convaincantes que le juge est ou serait prédisposé à trancher l’affaire portée devant lui d’une manière partiale.

ii. Apparence de partialité inacceptable

25. Outre le fait d’être impartial au sens subjectif, le juge doit également être perçu comme étant objectivement impartial ; selon la célèbre maxime, il est fondamental que « non seulement justice soit faite, mais que l’on perçoive manifestement et indubitablement qu’il en est ainsi36 ». Cela comprend deux aspects :

a. Nemo debet esse judex in proprio causa

26. Le premier aspect reflète la maxime « nemo debet esse judex in proprio causa », à savoir « [l]a règle bien connue selon laquelle nul ne peut être juge dans sa propre cause37 ». Au Royaume-Uni, on a fait observer que :

« [TRADUCTION] Premièrement, celle-ci [la maxime] peut être appliquée à la lettre : si un juge est en fait partie au procès ou a un intérêt financier ou patrimonial dans son issue, il est alors effectivement juge dans sa propre cause. Dans ce cas, le simple fait qu’il soit une partie à l’affaire ou qu’il possède un

33 Décision Krajišnik, par. 12.

34 Décision Martić, Annexe, p. 4.

35 Décision Karadžić, par. 27.

36 R c. Sussex Justices ex parte McCarthy [1924] 1 KB 256, 259.

37 Interprétation du paragraphe 2 de l’article 3 du Traité de Lausanne, avis consultatif du 21 février 1925, Cour permamente de Justice internationale, série B12, n° 12, p. 32. La maxime remonte à presque 400 ans : Earl of Derby’s Case 12 Co. Rep. 114 ; 77 E.R. 1390 (1613). Voir aussi Matthew c. Ollerton 4 Mod 226 ;86 E.R. 362 (1693) ; Anonymous 1 Salk, 396 ; 91 E.R. 343 (1700) ; Between the Parishes of Great Charte c. Kennington 2 Str. 1173 ; 93 E.R. 1107 (1742).

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intérêt financier ou patrimonial dans l’issue de celle-ci est suffisant pour fonder sa récusation automatique. Ce principe trouve sa deuxième application dans le cas où un juge n’est pas partie au procès et n’a pas d’intérêt financier dans son issue mais où sa conduite ou son comportement peut de quelque autre manière jeter un doute sur son impartialité en raison, par exemple, de son amitié avec une partie38. »

27. Dans l’affaire en question, le principe de cette maxime avait été appliqué à un juge qui n’avait pas d’intérêt financier dans l’issue du procès, mais qui avait des liens avec une organisation défendant la cause en jeu, laquelle tendait à faire admettre qu’un ancien chef d’État ne pouvait jouir d’une immunité en cas d’allégations de torture39.

28. La Haute Cour d’Australie a pareillement expliqué que la récusation automatique pouvait résulter de l’existence d’un intérêt financier direct ou indirect ou autre « [TRADUCTION] lorsque la crainte d’un préjugé ou autre parti pris résult[ait] de quelque lien, expérience ou contact direct(e) ou indirect(e) avec une ou plusieurs personnes intéressées ou impliquées de toute autre manière dans la procédure40 ».

29. Au TPIY, bien que la maxime « nemo debet esse judex in propria causa » ait été judiciairement reconnue41, elle n’a toujours pas permis de motiver la récusation d’un juge. Elle n’a pas non plus été admise au TPIR, peut-être en partie parce que ce principe est parfaitement ancré dans la conscience des juges. Le professionnalisme et la formation des juges sont tels que leur attention est instinctivement éveillée sur ces points, et les récusations volontaires sont donc la procédure normale. Dès lors, peu d’affaires (véritables) sont examinées au fond. Celles qui le sont touchent généralement aux limites mêmes de la maxime.

38 R c. Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate Ex parte Pinochet Ugarte (No. 2) [2000] 1 AC 119 (“Pinochet (No. 2)”), 132 et 133 (Chambre des Lords) ; voir aussi R v. Altrincham Justices, Ex parte Pennington, [1975] Q.B. 549, 552 (Cour divisionnaire, Royaume-Uni).

39 Pinochet (No. 2), 135.

40 Webb c. The Queen (1994) 181 CLR 41, 74-75 (observation du Juge Deane) (Haute Cour d’Australie) (la Cour a qualifié cette situation de « récusation par association », même si elle a reconnu qu’elle se recoupait souvent avec des affaires dans lesquelles il existait un intérêt direct ou indirect dans l’issue de l’affaire, lesquelles reposaient à leur tour sur la maxime selon laquelle nul ne peut être juge dans sa propre cause).

41 Décision Šešelj Harhoff, par. 15 à 18.

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30. Ainsi, pour les besoins de l’article 25A, un juge est-il automatiquement dessaisi s’il détient un intérêt financier direct ou indirect dans l’issue d’une affaire ou s’il a un lien avec l’une des parties dans une cause qui sera promue ou défendue par sa décision.

b. Crainte de partialité

31. Le critère couramment appliqué dans ce second aspect consiste à analyser les faits présentés tel que le ferait « un observateur hypothétique impartial (ayant une connaissance suffisante des circonstances pour porter un jugement raisonnable)42 », c’est-à-dire une personne qui n’est pas impliquée dans le procès et qui connaît et comprend suffisamment bien les traditions d’impartialité et d’intégrité inhérentes aux institutions judiciaires pour pouvoir identifier le moment où le sens de la justice du public serait ébranlé et compromis par tels ou tels faits43. Ainsi, après analyse, l’apparence de partialité inacceptable dépend en grande partie, comme pour le parti pris réel, de la solidité de l’ensemble des faits.

32. Un juge ne serait pas dessaisi au seul motif qu’il est précédemment intervenu dans le rassemblement d’informations sur un conflit au cours duquel se sont produits les crimes allégués ont eu lieu44. Il ne suffit pas non plus d’affirmer que le fait qu’un juge ait déjà eu connaissance d’éléments de preuve devant être présentés au procès constituerait une apparence de partialité inacceptable45. Un observateur impartial sait qu’un juge est formé pour mettre de côté tous les éléments de preuve autres que ceux

42 Décision Krajišnik, par. 14. Voir aussi Décision Kabiligi, par. 33 (citant la Haute Cour d’Australie) ; Décision Karemera, par. 10 ; Furundžija, Appel, par. 185 (citant la Cour suprême du Canada) ; Décision Galić, par. 12 ; Décision Karadžić, par. 16 ; Décision Šešelj Harhoff, par. 15.

43 Voir généralement la Décision Krajišnik, par. 14 ; Décision Karadžić, par. 16 ; Furundžija, Appel, par. 185.

44 Décision Šešelj Harhoff, par. 22 (concernant un juge ayant précédemment participé à l’interrogatoire d’une personne qui devait témoigner au procès).

45 Ibid. par. 24 (« [TRADUCTION] la connaissance d’éléments de preuve qui seront présentés dans un autre contexte ne constitue pas un motif de récusation »). De même, les « juges ne sont pas empêchés de connaître d’une affaire parce qu’ils ont été en contact avec des témoins ou des éléments de preuve rattachés aux mêmes faits dans d’autres affaires » Décision Karadžić, par. 24. Voir aussi Le Procureur c. Kordić, Affaire n° IT-95-14-T, Décision du Bureau relative à la participation de juges de la Chambre de première instance dans l’affaire du Procureur c. D. Kordić et M. čerkez, 4 mai 1998, p. 2 ; Décision Šešelj du 16 février 2007, par. 25 ; Décision Krajišnik, par. 19.

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présentés au procès46. Par conséquent, le fait qu’un juge ait eu un contact préalable avec les faits d’une affaire (ou même avec l’accusé) ne suffirait pas à lui seul pour fonder un parti pris. Un observateur impartial sait que le rôle d’un juge peut varier d’un contexte judiciaire à l’autre47.

33. En revanche, des écrits extra judiciaires d’un juge de la Chambre d’appel du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (« TSSL ») ont suffi pour l’empêcher de siéger en l’affaire au motif que leur contenu critiquait et dénonçait le groupe de rebelles de l’accusé et semblait préjuger des crimes en cause48.

34. Il convient également de mentionner les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH ») dans Thorgeirson c. Islande49 :

« Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable, à commencer, au pénal, par les prévenus […]. Il en résulte que pour se prononcer sur l’existence, dans une affaire donnée, d’une raison légitime de redouter d’un juge un défaut d’impartialité, l’optique de l’accusé entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions de l’intéressé peuvent passer pour objectivement justifiées. »

II. Nécessité d’une application extensive de l’article 25A

A. Généralités

35. Avant d’examiner les arguments présentés par le Requérant, je note que, strictement parlant, l’article 25A cité ci-dessus ainsi que la jurisprudence pertinente se réfèrent à « une affaire », c’est-à-dire une procédure dans laquelle un accusé

46 Ibid. par. 25. Voir aussi Le Procureur c. Galić, Affaire n° IT-98-29-A, Arrêt, 30 novembre 2006, par. 44.

47 Décision Karadžić, par. 19 (dans laquelle le tribunal a reconnu que le rôle qu’un juge avait joué dans une cour des droits de l’homme était fondamentalement distinct du rôle joué dans un tribunal pénal) ; Décision Šešelj du 22 juin 2010, par. 32 (dans laquelle le Tribunal a reconnu que le rôle qu’un juge avait joué dans une affaire pour outrage antérieure n’avait aucun rapport avec une nouvelle affaire pour outrage qui concernait des faits totalement séparés et sans lien).

48 TSSL, Le Procureur c. Sesay, Affaire n° SCSL-2004-15-AR15, Décision relative à la requête en récusation du juge Robertson de la Chambre d’appel présentée par la Défense, 13 mars 2004, par. 2, 15.

49 CEDH, Thorgeir Thorgeirson c. Islande, arrêt du 25 juin 1992, série A n° 239, par. 51 (non souligné dans l’original) ; voir aussi Fey c. Autriche, arrêt du 3 février 1993, par. 30, série A n° 255-A.

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est confronté au Procureur et où le Tribunal exerce sa compétence « principale » (à savoir la compétence que lui confère l’article premier du Statut). Étant donné qu’une « affaire » vise à établir la culpabilité ou l’innocence d’une personne, il est essentiel que le tribunal ne soit composé d’aucun juge dont l’indépendance ou l’impartialité peut paraître entachée. La question de la culpabilité ou de l’innocence est si fondamentale que l’on doit tenir compte du moindre doute sur la capacité du juge à rendre un jugement avec une parfaite équanimité et l’évaluer comme il se doit. En l’espèce, nous examinons une demande déposée par une personne qui n’est ni un accusé, ni un suspect ni encore une victime, mais qui est néanmoins considérée par le juge de la mise en état comme relevant de la compétence inhérente du Tribunal. Comme il ne s’agit pas d’une « affaire » au sens propre, et que l’intérêt de la justice est moindre, je pourrais en théorie faire simplement observer que l’article 25A en tant que tel ne s’applique pas et rejeter d’emblée la demande. À titre subsidiaire, je pourrais appliquer des critères moins exigeants que ceux exposés à l’article 25A et dans la jurisprudence pertinente.

36. J’estime toutefois que le principe d’un procès équitable doit s’appliquer de manière générale. L’intérêt de la justice commande que dans une procédure, toutes les personnes impliquées aient le droit de contester l’impartialité ou l’indépendance d’un juge, et que le tribunal accueille ces contestations en recourant aux normes juridiques strictement consacrées dans l’article 25A et la jurisprudence pertinente. J’appliquerai par conséquent ledit article de manière extensive, y compris aux situations dans lesquelles le Tribunal entend des arguments qui ne constituent pas une « affaire » proprement dite relevant de la compétence principale du Tribunal.

B. Jurisprudence internationale présentant un intérêt particulier pour la procédure en l’espèce

37. Je rappellerai maintenant brièvement quelques affaires dans lesquelles les tribunaux internationaux se sont prononcés sur des faits proches de ceux du cas présent, sans perdre de vue ce que je viens d’écrire sur la différence entre les affaires examinées par les tribunaux internationaux et les caractéristiques uniques de la présente espèce. Les affaires citées ci-après peuvent donc être appliquées mutatis mutandis.

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38. Dans l’affaire Krajišnik, l’impartialité des juges a été contestée de manière quelque peu semblable à la demande formulée en l’espèce. L’accusé a fait valoir que l’un des juges qui connaissait de l’affaire, à savoir le juge Alphons Orie, devait se dessaisir de l’affaire au motif qu’il avait été précédemment le coconseil d’une personne condamnée par le Tribunal, Duško Tadić, lequel devait être appelé comme témoin à décharge dans l’affaire en question. Selon l’accusé, il existait un lien entre le juge Orie et l’affaire examinée, lequel compromettait l’impartialité du juge Orie. Le Juge président a rejeté la demande et déclaré que :

« [i]l serait erroné de considérer d’entrée de jeu que tout lien éventuel, si ténu soit-il, entre le juge et l’Accusé ou, du reste, un témoin ou les faits relatives à une autre affaire contre un témoin, constitue automatiquement un “lien” au sens de l’article 15. À mon avis, pour qu’un lien puisse exister en vertu de cet article, la partie mettant en cause l’impartialité d’un juge doit prouver que ledit juge a “un intérêt personnel ou particulier par rapport à l’une des parties, aux témoins ou aux faits de l’affaire”50. »

Et le tribunal d’ajouter : « Un tel intérêt personnel ou particulier diffère assurément de tout intérêt de nature professionnelle d’un avocat par rapport à l’objet de l’affaire51 ».

39. L’affaire Šešelj est dans une certaine mesure également rattachée à la procédure en cours. Le Procureur y avait demandé la récusation de l’un des juges au motif que celui-ci avait interrogé l’un des futurs témoins à charge alors qu’il exerçait des activités pro bono pour une organisation des droits de l’homme, le Comité d’Helsinki. Selon le Procureur, le juge Harhoff serait mis dans l’inconfortable position d’avoir à juger les résultats de son propre travail car il y avait des incohérences entre le rapport d’Helsinki et le témoignage attendu du témoin à charge. Le Procureur a donc fait valoir qu’il existait une apparence de partialité. Le Jury convoqué pour statuer sur la question a rejeté la demande, notant que « [TRADUCTION] [n]i le juge Harhoff ni le Comité d’Helsinki ne sont parties à la présente affaire, contrairement à l’affaire Pinochet dans laquelle un juge entretenait des liens étroits avec une organisation

50 Décision Krajišnik, par. 8. Voir toutefois ci-dessus les par. 13 et 14.

51 Ibid.

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participante52 ». Il a poursuivi en disant que « le travail bénévole du juge Harhoff ne visait pas à établir ou à évaluer la responsabilité pénale de Šešelj […]. Le fait que le juge Harhoff ait participé à l’interrogatoire d’une personne qui sera maintenant témoin au procès ne suffit pas en soi pour justifier objectivement une crainte de partialité53 ».

40. La troisième affaire pouvant être en rapport avec la présente demande est l’affaire Karadžić. L’accusé Radovan Karadžić a demandé le dessaisissement de l’un des juges qui siégeait en l’affaire, la juge Picard, indiquant que les décisions et déclarations publiques qu’elle avait faites lorsqu’elle présidait la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine (« CDH ») « reflétaient une apparence de parti pris inacceptable suscitant chez un observateur raisonnable et bien informé une crainte légitime de partialité ». La Chambre du TPIY convoquée par ordonnance du Président a rejeté la demande et déclaré que la compétence des deux tribunaux était différente :

« [TRADUCTION] La nature et l’objet des affaires portées devant les deux organes sont séparés et distincts : la CDH, en tant que cour des droits de l’homme, examine la responsabilité de l’État en cas de violation de ses obligations relatives aux droits de l’homme ; le Tribunal, en tant que tribunal pénal, apprécie la responsabilité pénale de personnes accusées de violations graves du droit humanitaire international. Un observateur impartial et informé sait donc que l’appréciation de faits spécifiques et l’application de critères juridiques par le Tribunal aux fins d’établir la responsabilité pénale de Radovan Karadžić diffèrent matériellement et fondamentalement des constatations et décisions de la Chambre des droits de l’homme relatives à la responsabilité de l’État dans les violations des droits de l’homme54. »

41. Quelle conclusion peut-on tirer de cette jurisprudence constante ? Dans ces trois affaires, l’un des juges avait un lien particulier avec l’affaire en cause parce qu’il avait été le conseil de la défense de l’un des futurs témoins, ou parce qu’il avait déjà interrogé l’un des futurs témoins, ou encore parce qu’il s’était prononcé, en

52 Décision Šešelj Harhoff, par. 18.

53 Ibid., par. 21 et 22.

54 Décision Karadžić, par. 19.

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tant que membre d’un autre tribunal, sur certains faits portés par la suite devant le tribunal international. Dans les trois affaires, le jury ou le juge concerné a déclaré que la présomption d’impartialité n’avait pas été réfutée. Le jury ou le juge statuant sur la demande de dessaisissement a considéré que le juge récusé n’avait pas auparavant rendu de jugement ou formulé de conclusions de fait ou de droit sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé. Le lien qu’il entretenait avec l’affaire n’était donc pas de nature à l’amener à préjuger de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé ou à l’empêcher d’apprécier de manière impartiale les éléments de preuve présentés au procès.

ARGUMENTS DES PARTIES

I. Arguments du Requérant

42. Le Requérant fait valoir que l’impartialité du juge Riachi ou son apparence d’impartialité à statuer sur toute question relative à sa détention arbitraire est compromise55. Le Requérant tire cette conclusion de l’analyse des faits suivants pris ensemble :

1) le juge Riachi a déjà statué sur une question intimement liée à la prorogation de la détention arbitraire du Requérant par le biais de deux décisions, celle du 17 juillet 2007, portant sur la suspension du juge d’instruction Elias Eid, et celle du 6 septembre 2007, portant sur la récusation de ce dernier56 ;

2) la prorogation de cette détention était conforme au souhait exprimé publiquement par le Gouvernement libanais57 ;

3) le Requérant avait demandé la récusation du juge Riachi devant la Cour de cassation libanaise58 ;

55 Demande de récusation, par. 4.

56 Demande de récusation, par. 1, p. 8.

57 Demande de récusation, par. 7, p. 8.

58 Demande de récusation, par. 13, p. 8.

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4) avant la nomination du juge Riachi en qualité de juge auprès de ce Tribunal, le Requérant avait adressé une lettre au Secrétaire général de l’ONU dans laquelle il remettait en cause l’impartialité du juge Riachi59 ; et

5) la nomination du juge Riachi a été faite par le Gouvernement libanais et a fait l’objet d’une condamnation publique dans un rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire adressé au Conseil des droits de l’homme de l’ONU60.

II. Le mémoire du juge Riachi

43. Dans son Mémoire qu’il m’a adressé en exécution de mon Ordonnance portant calendrier du 21 octobre 2010, le juge Riachi relève d’emblée que la Cour de cassation libanaise a été saisie non pas d’une demande de récusation comme le prévoit l’article 120 du Code de procédure civile libanais, mais d’une demande de renvoi d’une juridiction à l’autre pour suspicion légitime en vertu de l’article 340 du Code de procédure civile libanais. En effet, M. Ahmad Zahabi, le requérant, demandait que la Cour de cassation renvoie l’affaire à un juge d’instruction autre que le juge Eid. Si les autres parties civiles ont introduit une demande de récusation du juge Eid devant la Cour d’appel de Beyrouth en vertu de l’article 120 du Code de procédure civile, la Cour d’appel a rejeté cette demande au motif qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur les demandes de récusation à l’encontre de juges d’instruction de la Cour de justice61.

44. Par la suite, le juge Riachi fait observer que la décision de la Cour de cassation n’avait pas été prise par lui, mais par l’ensemble de la chambre, composée de trois juges délibérant à l’unanimité. Aucun des juges n’y a joint une opinion dissidente, comme le permet le droit libanais. L’absence de divergences de vues traduit, de l’avis du juge, le fait que la décision était conforme à la loi, « sans qu’aucune partialité ne soit soulevée à l’égard de ces décisions et à l’égard de tous les Juges qui les ont adoptées62 ». Par ailleurs, la Cour de cassation avait explicitement ignoré toutes les assertions concernant les informations diffusées par les médias au sujet du juge

59 Demande de récusation, par. 2, p. 8.

60 Demande de récusation, par. 3, p. 8.

61 Annexe, par. 6.

62 Annexe, par. 16 et 17.

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d’instruction, et avait considéré que de telles informations ne sauraient en aucun cas justifier le renvoi pour cause de suspicion légitime63.

45. Le juge Riachi fait observer en outre que l’absence d’impartialité ou l’apparence d’une telle absence d’impartialité peut résulter, comme le confirme la jurisprudence internationale, de : i) la parenté ou l’alliance entre un juge et une partie ; ii) la communauté ou le conflit d’intérêts entre un juge et une partie ; iii) la connaissance antérieure de la cause, si le juge a connu du procès comme magistrat, arbitre ou conseil ou s’il a déposé comme témoin sur les faits du procès ; ou iv) une manifestation de nature à faire suspecter l’impartialité du juge64. La partie qui demande la récusation d’un juge doit apporter la preuve de l’absence d’impartialité du juge mis en cause65. En l’espèce, le Requérant n’a produit aucune preuve à l’appui de ses affirmations.

46. S’agissant particulièrement de la décision rendue par la Cour de cassation, le juge Riachi ajoute que celle-ci était fondée sur deux éléments qui, pris ensemble, établissaient la partialité du juge Eid, à savoir que : 1° il a bénéficié mensuellement, sur décision de M. El Sayed, directeur général de la Sûreté générale de l’époque, de bons de carburant gratuits sans fournir aucune justification pour expliquer les raisons de ce don66 ; 2° la Sûreté générale versait à son frère, médecin, un traitement mensuel forfaitaire, qu’il ait traité des malades ou non67. Ce lien particulier entre M. El Sayed et le juge Eid constituait un motif de suspicion légitime, même si cette relation avait existé avant l’intervention du juge Eid dans l’affaire concernant M. El Sayed, étant donné que « les causes [antérieures] de la suspicion légitime demeurent opérantes, bien que [seulement] constatées après la saisine en question68 ».

63 Annexe, par. 27.

64 Annexe, par. 18.

65 Annexe, par. 19.

66 Annexe, alinéa. 23i.

67 Annexe, par. 11 et alinéa 23ii.

68 Annexe, par. 24.

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47. Le juge Riachi relève ensuite que M. El Sayed s’est lui-même désisté de sa demande de récusation du juge Riachi introduite devant la Cour de cassation69 et que, contrairement aux assertions du Requérant, il n’a reçu aucune lettre suivant la décision du 6 septembre 2007 de la part de M. El Sayed, bien que le Requérant lui ait envoyé trois lettres manuscrites avant qu’un arrêt n’ait été rendu par la Cour de cassation70.

48. Enfin, après avoir fait observer qu’il a été nommé juge du Tribunal par le Secrétaire général de l’ONU71, le juge Riachi prie le Tribunal de débouter le Requérant de sa demande.

EXAMEN

49. Les exigences de la justice pénale internationale et les dispositions de notre Règlement de procédure et de preuve m’imposent la responsabilité de statuer sur la Demande de récusation du juge Riachi présentée par le Requérant. En m’acquittant de cette responsabilité, je m’efforcerai de me mettre à l’abri de toute conviction préconçue et de la moindre inclination psychologique. Bien entendu, j’ai conscience de ce que le peuple libanais et l’ensemble de la communauté internationale exigent que notre Tribunal administre la justice dans la plus grande impartialité et la plus grande transparence. Je ne me laisserai donc guider que par notre Règlement, par les hauts impératifs des principes généraux de la justice tels que consacrés par la jurisprudence interne et internationale, ainsi que par la nécessité pour notre Tribunal d’agir de la manière la plus équitable et la plus limpide possible.

50. Le Requérant prétend que le lien direct que le juge Riachi a eu avec le contentieux de sa détention est de nature à compromettre son impartialité ou son

69 Annexe, par. 29.

70 Annexe, par. 30.

71 Annexe, par. 31.

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apparence d’impartialité72. Selon le Requérant, cette conclusion découle de cinq faits distincts :

1) la décision du juge Riachi portant sur la suspension du juge libanais Elias Eid ;

2) le fait que la prorogation de la détention de M. El Sayed répondait aux souhaits du Gouvernement libanais ;

3) la demande de récusation du juge Riachi introduite par M. El Sayed tendant à ce que celui-ci ne siège pas à la Cour de cassation ;

4) la contestation, par M. El Sayed, de la candidature du juge Riachi à la fonction de juge du Tribunal ;

5) la désignation du juge Riachi comme candidat à la fonction de juge du Tribunal par le Gouvernement libanais, un gouvernement « condamné » par le Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire.

51. Je dois relever d’emblée que la deuxième assertion manque manifestement de consistance. À l’évidence, qu’une décision judiciaire rendue par une juridiction puisse conforter la politique ou les attentes d’un gouvernement ne signifie pas nécessairement que cette juridiction a agi sous la pression du gouvernement ou a rendu ses conclusions au gré des exigences ou des demandes du gouvernement. Le Requérant devrait fournir des preuves convaincantes de son affirmation selon laquelle le gouvernement s’est immiscé dans le processus judiciaire d’une manière aussi grotesque et flagrante. En réalité, M. El Sayed ne soutient même pas qu’il y a eu une telle immixtion grossière. Il se borne à affirmer qu’il y a eu convergence entre les souhaits du gouvernement et la décision rendue par la Cour de cassation. Même si elle est avérée, cette coïncidence n’a manifestement aucune pertinence en ce qui concerne la question examinée.

52. Les troisième et quatrième assertions du Requérant n’ont elles aussi aucun rapport avec la question que soulève la récusation. Le fait que le Requérant ait antérieurement demandé la récusation du juge Riachi ne prouve aucunement que ses demandes antérieures aient été bien fondées, ni que la demande actuelle repose sur de solides motifs. Au contraire, les demandes antérieures de récusation du juge Riachi

72 Demande de récusation, p. 8.

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introduites par le Requérant sont révélatrices d’une tenace prévention, voire d’une profonde animosité du Requérant envers le juge Riachi. L’attitude du Requérant pourrait rappeler à l’esprit la boutade de Francis Bacon : « audacter calumniare, semper aliquid haeret » (mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose)73. Cette attitude n’est pourtant pas une preuve de partialité du juge Riachi à l’égard du Requérant. Le raisonnement selon lequel un juge accusé de partialité agirait, par mesure de représailles, de manière inique contre son accusateur trahit une grande ignorance de l’éthique judiciaire et devrait être étayé bien plus que par de simples insinuations.

53. De même, la cinquième assertion, notamment l’objection selon laquelle la candidature du juge Riachi à la fonction de juge de ce Tribunal a été proposée par un gouvernement ayant fait l’objet de critiques par un organe de l’ONU, est infondée. Que le Gouvernement libanais ait agi ou non en conformité avec les normes internationales n’a aucun rapport avec la sélection du juge Riachi comme l’un des candidats proposés par le Gouvernement libanais sur recommandation du Conseil supérieur de la Magistrature du Liban. En fin de compte, c’est le Secrétaire général de l’ONU, après un examen minutieux effectué par un jury de sélection constitué de deux éminents juges internationaux et présidé par le conseiller juridique de l’ONU, qui choisit parmi les divers candidats ceux les plus aptes à satisfaire aux conditions énoncées à l’article 9 du Statut du Tribunal. Dès lors, les juges choisis non seulement « possède[nt] une grande expérience judiciaire », mais également « doivent jouir d’une haute considération morale et être reconnus pour leur impartialité et intégrité ». Comme indiqué plus haut, au paragraphe 1774, les juges internationaux bénéficient de la présomption d’impartialité et d’intégrité, eu égard au minutieux et patient processus aboutissant à leur nomination. Pour réfuter cette présomption, il faut produire des preuves convaincantes tendant à établir l’absence d’impartialité ou d’intégrité d’un juge. Or, aucune preuve n’a été produite à cet effet.

54. La seule objection soulevée par le Requérant qui mérite qu’on s’y attarde est la première assertion, dans laquelle le Requérant avance que le juge Riachi a contribué

73 F. Bacon, De dignitate et augmentis scientiarum (1623), 8, 2, 34.

74 Supra, par. 17.

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à la prorogation de sa détention en prenant la décision portant récusation du juge Elias Eid pour cause de suspicion légitime dans le cadre de l’affaire le concernant. Une telle contribution résulte du fait – selon le Requérant – qu’il était connu de tous que le juge Eid voulait ordonner la mise en liberté du Requérant. La décision portant récusation du juge Eid dans le cadre de cette affaire pour cause d’absence d’impartialité, a eu pour conséquence, aux yeux du Requérant, son maintien en prison.

55. Il est vrai, comme l’a relevé le Requérant au paragraphe 12 de sa Demande, qu’il ressort de l’une des demandes de récusation du juge Eid introduites devant la Cour d’appel de Beyrouth que le juge Eid aurait eu l’intention d’ordonner la mise en liberté de M. El Sayed et d’un autre officier75. Ce constat donne lieu à deux considérations.

56. Premièrement, le fait que le juge Eid ait divulgué la position qu’il prendrait concernant la détention de M. El Sayed et d’autres personnes montre qu’il était effectivement nécessaire de le dessaisir de cette affaire, puisqu’un juge ne doit jamais révéler sa position ou ses intentions avant de prendre une décision judiciaire.

57. Deuxièmement, le simple fait que la demande de dessaisissement du juge Eid de l’affaire pour cause de suspicion légitime ait fait état de ces rumeurs (mentionnées dans les demandes de récusation introduites devant la Cour d’appel de Beyrouth) a mis les juges de la Cour de cassation dans une position inconfortable. En conséquence, ils ont forcément été exposés à des accusations de partialité. S’ils avaient décidé ne pas récuser le juge Eid, ils auraient été accusés de prendre le parti de M. El Sayed et de souhaiter la mise en liberté de celuici. Si, par contre, les juges s’étaient prononcés pour la récusation du juge Eid, on leur aurait fait grief de choisir le camp de tous ceux qui voulaient que M. El Sayed reste en prison. De toute évidence, l’allusion aux rumeurs susmentionnées par les parties civiles qui ont demandé la récusation du juge Eid n’a aucune pertinence quant à la réponse à la question de savoir si le juge Riachi a fait preuve de partialité dans sa décision – ou de partialité qui aurait une incidence sur la question plus restreinte soumise à l’examen de ce Tribunal.

75 Demande de récusation, par. 12.

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58. Par ailleurs, il ressort de l’analyse approfondie de la décision rendue par la chambre criminelle de la Cour de cassation présidée par le juge Riachi que c’est à bon droit que la Cour a ignoré ces rumeurs et explicitement affirmé que celles-ci n’avaient eu aucun poids dans la décision de renvoi ou non de l’affaire devant un juge différent. Pour parvenir à sa décision, la Cour s’est bornée à appliquer les strictes normes consacrées par la législation libanaise (article 340 du Code de procédure pénale et articles 1163 et 119 du Code de procédure civile). Ainsi la Cour atelle souligné deux ensembles de faits, à savoir : 1° qu’entre février 2003 et mai 2005, le juge Eid a reçu mensuellement des bons gratuits de carburant octroyés par la Direction générale de la sécurité dirigée par M. El Sayed ; et 2° que le 21 mars 2003, le frère du juge Eid, un médecin, a conclu un contrat avec la même Direction générale de la sécurité aux termes duquel celui-ci fournirait des services médicaux au profit de la Direction contre un forfait mensuel. Pour apprécier la portée de ces faits, la Cour a relevé que si chacun de ceuxci ne constituait pas en tant que tel un motif de suspicion légitime, leurs caractéristiques communes et les circonstances de leur survenance concomitante soulevaient des problèmes. La Cour a également examiné l’objection selon laquelle le cas du juge Eid n’était pas singulier, car de nombreux juges bénéficiaient de l’approvisionnement en bons gratuits de carburant offerts par la Direction générale de la sécurité. Sur ce point, la Cour a relevé qu’en fait, seuls onze juges en avaient bénéficié entre 1999 et 2007. Par ailleurs, la Cour a fait observer qu’aucune justification n’avait été fournie sur l’octroi de bons gratuits de carburant au juge Eid. La Cour a également tenu compte du fait que la mise à disposition gratuite de bons de carburant avait continué jusqu’en mai 2005 (au moment où M. El Sayed a quitté ses fonctions), notamment après l’assassinat de Hariri mais avant l’émission par le juge Eid d’un mandat d’arrêt contre M. El Sayed et d’autres personnes. La Cour a fait remarquer qu’il n’était pas nécessaire que les faits et les éléments jetant des doutes sur l’impartialité d’un juge soient contemporains des activités du juge mises en cause, mais qu’ils peuvent être antérieurs à celles-ci : « il suffit donc que ces faits antérieurs tendent à susciter un doute quant à l’impartialité de la juridiction saisie de l’action principale » pour qu’il y ait renvoi de l’affaire devant un nouveau juge.

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59. La Cour a conclu que tous ces faits démontraient l’existence de « […] liens particuliers […] [entre le donateur et le bénéficiaire], fondés sur des intérêts mutuels ou sur des liens d’amitié, […] susceptibles de justifier objectivement les doutes du requérant quant à l’impartialité du juge [Eid] ».

60. À première vue, les constatations de la Cour et son raisonnement juridique semblent judicieux. Certes, la Cour n’a pas tenu compte du fait que : 1° c’est le juge Eid qui avait ordonné l’arrestation et la détention de M. El Sayed et d’autres personnes en 2005 et 2° qu’il aurait rejeté, à plusieurs occasions, les demandes de mise en liberté soumises par M. El Sayed. On ne sait pas exactement pourquoi la Cour s’est abstenue de tenir compte de ces faits. Or, il revient aux juridictions nationales d’appliquer le droit interne et de l’interpréter de la façon qu’elles estiment la plus appropriée. Il appartenait également à la juridiction libanaise de soupeser les différents éléments portés à son examen et d’apprécier leur valeur probante. En l’espèce et dans d’autres affaires semblables, un tribunal international ne peut que vérifier si le droit pénal et la procédure pénale internes ont été appliqués par une juridiction nationale de manière si manifestement erronée qu’il s’agit d’un déni de justice. Cette affirmation juridique est conforme à une série de décisions internationales qui, de mon point de vue, ne sauraient être ignorées, bien qu’elles aient été rendues par des juridictions interétatiques et non par des tribunaux pénaux internationaux76. De manière générale, les juridictions internationales devraient appliquer le droit interne, soit principaliter (notamment dans l’exercice de leur compétence principale, lorsque les dispositions pertinentes commandent une telle

76 Dans Ida Robinson Smith Putnam, l’une des questions soumises à l’examen de la Commission générale des réclamations américano-mexicaine était celle savoir s’il y avait eu déni de justice par l’application d’une peine non proportionnée à une infraction pénale commise par un étranger. La Commission a conclu que :

[TRADUCTION] Sous réserve des procédures concernant la tutelle, toute question examinée par les juges locaux aux divers degrés de juridiction doit être présumée avoir été équitablement tranchée. Seule une injustice manifeste et flagrante, visible pour ainsi dire à première vue, pourrait constituer un motif pour un tribunal arbitral international saisi d’une question du genre de la présente, d’infirmer une décision rendue par une juridiction nationale portée devant lui et d’examiner les motifs de droit et de fait d’une telle décision.

(Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. IV, p. 153, non souligné dans l’original.)

Dans Jane Joynt Davies et autres, la Commission générale des réclamations américano-mexicaine a considéré qu’il y a déni de justice lorsque « [TRADUCTION] en cas de négligence ou d’omission punissable par la loi, les autorités d’un pays refusent de se conformer à leur propre législation telle qu’interprétée par les cours et tribunaux ». (Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. IV, p. 652.)

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application, à l’instar de l’article 2 du Statut du Tribunal) soit incidenter tantum (notamment pour trancher des questions incidentes), tel qu’interprété par les juridictions nationales77, à moins qu’une telle interprétation ne soit manifestement incompatible avec les normes juridiques internationales. Lorsqu’elles sont tenues par la nécessité de rendre justice, les juridictions internationales doivent également s’appuyer sur les conclusions de fait auxquelles sont parvenues les juridictions nationales78, à moins que ces conclusions ne donnent lieu à un déni de justice.

77 En 1895, un Tribunal de la colonie britannique de la République sudafricaine avait, dans l’Affaire des protégés britanniques au Transvaal, conclu que le droit national « [TRADUCTION] relevait de la seule et exclusive interprétation des tribunaux du pays dans la conduite de leurs activités ordinaires » (texte dans La Fontaine (éd.), Pasicrisie internationale. Histoire documentaire des arbitrages internationaux 1794-1900, Berne 1902, p. 460), ce qui signifie dès lors que le tribunal international s’obligeait à s’en tenir à cette interprétation. Le même principe a déjà été énoncé dans Fernando Dominguez (États-Unis c. Espagne) en 1879. (« [TRADUCTION] Les tribunaux des États-Unis sont les seuls interprètes des lois du pays, et il n’appartient pas au tiers arbitre de réexaminer leurs décisions en vue de déterminer si celles-ci sont conformes à ces lois. ») (in Moore, History and Digest of the International Arbitrations to Which the United States has been a Party, Washington 1998, vol. III, pp. 2596 et 2597).Ce principe a été davantage précisé par la Cour permanente internationale de justice en 1929 dans l’Affaire des emprunts serbes. La Cour avait affirmé que :

La Cour, amenée en cette occurrence à se prononcer sur le sens et la portée d’une loi nationale, fait observer ce qui suit : Il ne serait pas conforme à la tâche pour laquelle elle a été établie, et il ne correspondrait pas non plus aux principes gouvernant sa composition, qu’elle dût se livrer ellemême à une interprétation personnelle d’un droit national, sans tenir compte de la jurisprudence, en courant ainsi le risque de se mettre en contradiction avec l’interprétation que la plus haute juridiction nationale aurait sanctionnée et qui, dans ses résultats, lui paraîtrait raisonnable. Il serait particulièrement délicat de le faire là où il s’agit d’ordre public – notion dont la définition dans un pays déterminé dépend dans une large mesure de l’opinion qui prévaut à chaque moment dans ce pays même – et quant les textes ne se prononcent pas directement sur la question dont il s’agit. Ce sont les lois françaises, telles qu’elles sont appliquées en France, qui constituent en réalité le droit français, et si celuici ne s’oppose pas à ce que, en France, l’acquittement de l’obligation ait lieu conformément aux clauses stipulées, il est sans importance que le texte des lois puisse se prêter à une interprétation différente.

Arrêt du 12 juillet 1929, Série A, n° 20, p. 46 et 47 (non souligné dans l’original).

La CPIJ s’est référée à la même question dans l’Affaire des emprunts brésiliens, où elle a également développé une explication convaincante des raisons qui justifient l’application, par les tribunaux international tribunaux, de la législation nationale telle qu’interprétée et appliquée par les juridictions nationales. Arrêt du 12 juillet 1929, Série A, n° 21, p. 124.

78 Dans Kononov c. Lettonie, la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt du 24 juillet 2008) a considéré que « conformément au principe de subsidiarité inhérent au système de protection des droits individuels instauré par la Convention, l’établissement des faits de l’affaire et l’interprétation du droit interne relèvent en principe de la seule compétence des juridictions nationales ; la Cour ne peut les remettre en cause qu’en cas d’arbitraire flagrant et évident ». (García Ruiz c. Espagne [GC], n° 30544/96, §§ 28 et 29, ECHR 1999I).(par. 108, non souligné dans l’original).

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61. En l’espèce, l’appréciation faite par la Cour de cassation n’a été ni manifestement fausse, ni visiblement entachée d’erreurs de fait ou de droit.

62. Dès lors, j’estime avoir établi deux conclusions solides : premièrement, la décision de la Cour de cassation ne peut être attaquée, puisque celle-ci n’est entachée d’aucune erreur grave de droit ou de fait, et deuxièmement, l’idée que la décision de la Cour a contribué à la prorogation de la détention du Requérant est tout simplement fondée sur l’hypothèse non démontrée que le juge Judge Eid aurait ordonné la mise en liberté de M. El Sayed.

63. Reste cependant la question de savoir si le fait que le juge Riachi ait présidé la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant rendu la décision portant suspension du juge Eid suppose qu’il peut être, ou avoir l’apparence d’être, partial dans l’examen de la requête introduite devant ce Tribunal par M. El Sayed et dont la Chambre d’appel du Tribunal est actuellement saisie.

64. Je voudrais tout d’abord souligner que la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée de trois juges, a adopté la décision dont il est question à l’unanimité. Le caractère collégial de la décision affaiblit davantage l’accusation de partialité portée contre le juge Riachi.

65. Par ailleurs, je ne vois pas le « lien direct » qui, d’après le Requérant, existe entre le maintien de M. El Sayed en prison et la décision de la Cour de cassation portant récusation du juge Eid. La Cour de cassation n’a pas été appelée à statuer sur la détention de M. El Sayed ou sur les crimes qu’il aurait commis. Si la Cour l’avait fait, l’un de ses juges aurait éventuellement prêté le flanc aux accusations de partialité ou aurait été soupçonné de manque d’impartialité dans toute décision ultérieure concernant la même affaire devant une autre juridiction. La Cour de cassation a plutôt été saisie d’une demande de dessaisissement du juge Eid. Compte tenu des rumeurs qui circulaient au sujet de la position que prendrait éventuellement ce juge relativement à l’affaire exposée dans la demande elle-même, la Cour ne pouvait que prendre une décision qui pourrait avoir et aurait une incidence, d’une façon ou de l’autre, sur la situation juridique du détenu. Si la suspension du juge Eid n’avait pas été prononcée, il aurait ou non ordonné la mise en liberté de M. El Sayed.

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Si le juge Eid avait été remplacé, le nouveau juge d’instruction aurait ou non ordonné la mise en liberté de M. El Sayed.

66. Cependant, la Cour n’a pas tenu compte de ces éventuels scénarios. Elle s’est bornée à analyser la position du juge Eid à la lumière des lois libanaises pertinentes. En outre, la Cour n’a ni décidé du choix du remplaçant du juge Eid, ni eu un mot à dire sur cette question, puisque conformément à l’article 360 du Code de procédure pénale libanais, il appartient au ministre de la Justice de désigner le juge d’instruction avec l’approbation du Conseil supérieur de la Magistrature.

67. Dès lors, comme je l’ai relevé plus haut, je ne vois pas comment on pourrait avancer l’existence d’un « lien direct » entre le juge Riachi et le « contentieux relatif à la détention de M. El Sayed ». Par ailleurs, la prorogation de la détention de M. El Sayed est imputable aux décisions du juge d’instruction qui a remplacé le juge Eid. Elle ne résulte pas de la décision de la Cour de cassation.

68. Néanmoins, à supposer l’existence effective d’un tel « lien direct », les preuves qui m’ont été présentées n’établissent pas que ce lien est de nature à compromettre l’impartialité ou l’apparence d’impartialité du juge Riachi dans des affaires ultérieures à l’instar de celle portée devant la Chambre d’appel du Tribunal. Le « lien » du juge Riachi avec des affaires antérieures jugées par les juridictions libanaises n’est pas de nature à compromettre son impartialité, voire même à avoir la moindre incidence sur celle-ci.

69. Le juge Riachi n’est intervenu dans aucun contentieux relatif à la détention de M. El Sayed. Bref, il n’a statué sur aucune affaire concernant M. El Sayed. Je voudrais, à cet égard, me référer une fois de plus à certaines affaires portées devant le TPIY dont la jurisprudence peut être invoquée mutatis mutandis. J’évoquerai d’abord le Rapport soumis par un collège de juges à l’attention du Président du TPIY concernant la récusation du juge Harhoff dans l’affaire Šešelj. Les juges ont souligné que dans le cadre de son volontariat pour le compte du Comité d’Helsinki, le juge Harhoff avait eu à interroger un témoin potentiel à charge : ce travail de volontariat, avaient insisté les juges, « [TRADUCTION] ne visait pas à établir la responsabilité

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pénale de Šešelj79 ». De même, dans l’affaire Karadžić évoquée plus haut80, le collège de juges qui a statué sur la demande de récusation de la juge Picard a conclu que, dans ses fonctions de présidente de la Chambre des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine, même si la juge Picard avait connu ultérieurement des faits portés devant le TPIY, elle ne s’était prononcée ni sur la culpabilité, ni sur l’innocence de l’accusé81. Il en va de même pour la situation en cause dans l’affaire Krajišnik82. En d’autres termes, qu’il ait eu ou non un lien « étroit » avec une affaire, l’essentiel est de savoir si le juge concerné a pris une certaine position ou exprimé une opinion de nature à préjuger de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé du cas en l’espèce. La question soumise à l’examen de la Chambre d’appel (et au juge Riachi en sa qualité de membre de la Chambre d’appel), n’a, par ailleurs, qu’un lointain rapport avec la légitimité de la détention de M. El Sayed, encore moins in fine, avec sa culpabilité ou son innocence. Les juges appelés à statuer en appel sur la présente affaire devront se prononcer sur une question essentiellement procédurale, celle de savoir si le juge de la mise en état a commis une erreur de droit dans son ordonnance relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice en ordonnant « la remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire ». Je n’arrive pas à voir comment la décision concernant le juge Eid prise, entre autres, par le juge Riachi, a un quelconque rapport significatif – du moins au point de vue juridique – avec la question examinée ici.

70. En me fondant sur les dispositions de l’article 25A du Règlement du Tribunal et à la lumière de la jurisprudence invoquée plus haut relative à la notion de partialité, je suis d’avis que le Requérant n’a pas fourni de preuves convaincantes que l’opinion du juge Riachi est, ou serait, influencée par une prédisposition à trancher, de manière partiale, la question dont la Chambre d’appel est saisie. Rien n’indique avec certitude que le juge Riachi a, ou a eu, un intérêt personnel dans le présent contentieux ou a, ou a eu, un lien quelconque avec des procédures antérieures ou actuelles susceptibles de compromettre son impartialité.

79 Šešelj, Décision concernant le juge Harhoff, par. 21.

80 Supra, par. 40.

81 Karadžić, Décision, par. 24.

82 Supra, par. 38.

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71. Quant à l’apparence de partialité, sur le fondement du principe ci-dessus, lequel est habituellement appliqué pour déterminer l’existence d’une telle apparence (notamment le critère de la « personne raisonnable », qui doit être « une personne bien renseignée, au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris des traditions historiques d’intégrité et d’impartialité, consciente aussi du fait que l’impartialité est l’une des obligations que les juges ont fait serment de respecter83 »), je considère que la participation du juge Riachi à la décision rendue par la Cour de cassation libanaise ne crée aucune apparence de partialité.

72. Je crois fermement que si les juges internationaux doivent être absolument libres et être perçus comme étant affranchis de toute idée préconçue, il est également nécessaire que ces juges soient mis à l’abri de simples insinuations concernant leurs antécédents professionnels ou leur attitude actuelle. S’il n’existait pas de telles protections, les juges ne seraient pas en mesure de s’acquitter sereinement de leur mission difficile. Les accusations de partialité non étayées par des preuves convaincantes ne peuvent que semer la confusion et l’incertitude dans l’esprit de tous ceux qui suivent le déroulement de la justice internationale et troubler la conscience des juges, perturbant ainsi leur sérénité. Le Tribunal rejettera avec fermeté toute tentative de conjecture visant à projeter sur le Tribunal des desseins politiques qui lui sont pourtant étrangers et doivent toujours le rester, comme il convient à toute juridiction véritable.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 91, 101 et 21 du Statut et de l’article 25 du Règlement,

DÉCLARE M. El Sayed débouté de sa demande.

Fait en anglais, arabe et français, la version anglaise faisant foi.

83 TPIY, Chambre d’appel, Furundžija, Arrêt du 21 juillet 2000, par. 189. Voir également supra, par. 31.

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Récusation du juge Riachi

Le 5 novembre 2010 à Leidschendam, aux Pays-Bas.

Antonio Cassese Président

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MÉMOIRE

Date: Le 26 octobre 2010

Adressé à : M. le Juge Antonio Cassese, Président du Tribunal Spécial pour le Liban

De la part de : Juge Ralph Riachi, Vice-Président du Tribunal Spécial pour le Liban

Sujet : Mémoire du Juge Ralph Riachi en réponse à la demande de récusation et de dessaisissement présentée par M. El Sayed

I Introduction :

1. Le 20 octobre 2010, M. Jamil El Sayed (ci-après « le Requérant ») déposa au Greffe du Tribunal spécial pour le Liban (ci-après « le Tribunal »), une requête à l’intention du Président par laquelle il sollicite la récusation et le dessaisissement du Juge Ralph Riachi (ci-après « Juge Riachi ») de ses fonctions à la Chambre d’appel du Tribunal, sans pourtant préciser clairement sur quelle affaire porte cette requête.

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2. Le 21 octobre 2010 M. le Président Antonio Cassese (ci-après « le Président ») me notifia la Requête afin d’émettre mes observations.

II Reconstitution des faits et de leur contexte :

3. Depuis le mois d’août 2005 jusqu’au 29 avril 2009, le Requérant a été détenu provisoirement dans le dossier de l’assassinat de M. Rafic Hariri et ceci en exécution du mandat d’arrêt émis contre lui par le Juge d’instruction M. Elias Eid qui enquêtait dans l’affaire avant que les juridiction libanaises ne soient dessaisies en faveur de la compétence du Tribunal conformément à la Résolution 1757 adopté le 30 mai 2007 par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

4. Précédemment à cette phase d’arrestation, et même avant l’assassinat de M. Hariri, le Juge Riachi présidait la sixième Chambre de la Cour de cassation au Liban statuant sur les affaires criminelles, composée de trois juges et dont la compétence comportait aussi les demandes de renvoi d’une juridiction à l’autre pour suspicion légitime à l’encontre des juges tel qu’énoncé dans l’article 340 du Code de procédure pénale libanais1 (ci-après « CPPL »). Il est bon de mentionner que la procédure de renvoi selon l’article 340 CPPL est très différente de la procédure de récusation prévue dans l’article 120 du Code de procédure civile libanais (ci-après : « CPCL »)2, ceci relativement aux causes, et à la procédure et du fait qu’elle ne

1 Article 340 CPPL : « Les demandes de renvoi d’une affaire d’une juridiction à l’autre sont examinées par une des chambres pénales de la Cour de cassation. Cette chambre peut dessaisir toute juridiction d’instruction ou de jugement et renvoyer l’affaire à une juridiction de même degré si la juridiction normalement compétente ne peut être composée, le cours de l’instruction ou du procès se trouve interrompu, la préservation de l’ordre public ou la bonne administration de la justice l’exige, ou encore s’il existe une suspicion légitime. Le procureur général près la Cour de cassation est seul fondé à demander le renvoi à une autre juridiction pour des raisons de préservation de l’ordre public. Si la juridiction dont le dessaisissement est demandé est l’une des chambres pénales de la Cour de cassation, l’assemblée plénière de cette cour se prononce sur la demande de renvoi. Il appartient au procureur général près la Cour de cassation de requérir le renvoi de l’affaire à une autre juridiction pour l’une des causes prévues au premier alinéa, que ce soit d’office ou à la demande du procureur général près la Cour d’appel, du procureur financier, de la partie civile, du défendeur ou du Ministre de la justice. La demande de renvoi est signifiée à l’ensemble des parties à l’affaire, qui disposent pour y répondre d’un délai de dix jours à compter de la signification. La présentation d’une demande de renvoi n’a pas d’effet suspensif sur l’affaire, à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par la Cour de cassation ».

2 Les dispositions de l’article 120 et 123 du CPCL sur la récusation sous l’annexe n°1.

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relève pas nécessairement de la compétence de la Cour de cassation comme il en est du renvoi pour suspicion légitime.

5. Le 12 juillet 2007, M. Ahmed Zahabi, en qualité de partie civile dans l’affaire Hariri déposa devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation une demande de renvoi conformément à l’article 340 CPPL, afin de dessaisir le Juge Elias Eid saisi du dossier Hariri et le renvoyer devant un autre juge d’instruction. Les motivations de M. Zahabi à l’appui de sa demande de renvoi on été exposées dans les motifs de la décision finale rendue par la Cour de cassation en date du 6 septembre 20073. M. Zahabi avait sollicité dans sa demande de renvoi :

i. La suspension de la procédure se déroulant devant le Juge Elias Eid relative au dossier Hariri jusqu’au prononcé par la Cour de cassation de la décision concernant la suspicion légitime, sur la base des articles 116(3) et 119 du CPPL ;

ii. Le renvoi du dossier Hariri à un juge d’instruction autre que le Juge Elias Eid pour suspicion légitime conformément à l’article 340 CPPL4.

6. Avant cette demande de renvoi de M. Ahmad Zahabi, d’autres parties civiles avaient déposé devant la Cour d’appel de Beyrouth une « demande en récusation » contre le Juge M. Eid, basée sur l’article 120 CPCL et point sur l’article 340 CPPL5. Les causes soulevées par la demande de récusation étaient totalement différentes des causes soulevées par la demande de renvoi pour suspicion légitime. La demande de récusation a été rejetée pour incompétence de la Cour d’appel de Beyrouth pour décider de la récusation d’un Juge d’instruction auprès de la Cour de Justice.

7. Il est à noter que ce qui est exposé dans le paragraphe 6 supra rectifie le paragraphe 13 de la demande de récusation du Requérant, qui prétend que trois demandes de récusation ont été présentées contre le Juge Eid, dont celle présentée à la Cour de cassation, alors que cette dernière n’est point une demande de récusation basée sur l’article 120 CPCL, mais une demande de renvoi pour suspicion légitime basée sur l’article 340 CPPL et, elle est tout à fait différente de la demande de

3 Voir pour ces motivations la décision du 6 septembre 2007 annexée à la requête de M. El Sayed.

4 Pages 1 et 11 de la demande de renvoi, annexe n°2.

5 Voir pages 1 et 11 de la demande de récusation présentée par les demandeurs, annexe n°3.

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récusation tant au niveau des parties demanderesses qu’au niveau de ses causes et de son fondement légal.

8. Vu que la Cour de cassation devait prendre des mesures pour compléter la procédure avant d’en dire droit, à savoir, connaître les noms et adresses des différentes personnes auxquelles la demande de renvoi devait être signifiée conformément à l’article 340 alinéa 5 CPPL, ainsi que demander à l’administration publique, notamment la direction de la Sûreté Générale, des explications concernant les documents présentés à l’appui de la demande de renvoi et, vu que ceci exige un temps relativement long et que la décision de la Cour sur la suspicion légitime serait sans objet si les prétentions du demandeur s’avéraient prouvées à la lumière des explications demandées à l’administration par la Cour, alors il a été décidé en date du 17 juillet 2007 de suspendre la procédure devant le Juge Eid en attendant l’exécution de la décision d’avant-dire droit de la Cour susmentionnée6. Cette suspension de la procédure est fondée et justifiée par le dernier alinéa de l’article 340 CPPL.

9. Avant la décision finale du 6 septembre 2007, M. El Sayed déposa par le biais de son conseil Me Akram Azoury une demande pour la récusation du Juge Riachi de l’affaire du renvoi sur la base de l’article 123 CPCL ; mais M. El Sayed devait peu de temps après se désister de la demande de récusation, ce qui a été confirmé par l’arrêt de la Cinquième Chambre de la Cour de cassation du 26 juillet 20077.

10. Le 6 septembre 2007, la Chambre que le Juge Riachi présidait avec deux autres juges, et après avoir pu notifier la demande de renvoi à toutes les parties et reçu de la direction de la Sûreté Générale des documents attestant de la véracité des preuves présentés par M. Zahabi à l’appui de sa demande de renvoi, ordonna par une décision motivée d’accepter le renvoi du dossier Hariri à un autre Juge d’instruction qui devait être nommé conformément à l’article 360 dernier alinéa CPPL.

11. Il est bon de relever que contrairement aux dires du Requérant, l’acceptation de la demande de renvoi du Juge Eid n’était point fondée seulement sur les dons de bons de carburant décidés mensuellement à son profit par M. El Sayed mais aussi sur

6 Copie de la décision avant-dire droit du 17 juillet 2007 annexée à la demande du Requérant.

7 Voir la décision du 26 juillet 2007, annexe n° 4.

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le motif que dans la même période, le frère de M. le Juge Eid a été nommé médecin auprès de la Sûreté Générale, aussi par autorisation de M. El Sayed pour un salaire mensuel forfaitaire indépendamment du fait qu’il ausculte ou non les patients de la direction de la Sûreté Générale.

III Les moyens soulevés par le Requérant dans sa demande de récusation

12. Le Requérant soulève les moyens suivants :

i. Le Juge Riachi en sa qualité de Président de Chambre à la Cour de cassation du Liban a suspendu, par sa décision du 17 juillet 2007 la procédure devant le Juge d’instruction M. Elias Eid puis l’a « récusé » par la décision prise par la Chambre qu’il présidait le 6 septembre 2007 ce qui a contribué à la prolongation de la détention arbitraire du Requérant qui était souhaitée et exprimée par le Gouvernement libanais à l’époque.

ii. La demande en récusation présentée par le Requérant contre le Juge Riachi en sa qualité de Président de Chambre à la Cour de cassation est motivée, selon le Requérant, par le fait qu’il était proche du pouvoir exécutif et ne pouvait être impartial pour statuer sur une instance dont le véritable enjeu était la prorogation de la détention arbitraire.

iii. Le Requérant avait notifié aux Nations Unies par une lettre datée du 7 juillet 2007 son objection pour la présélection par le pouvoir exécutif libanais du Juge Riachi comme candidat au Tribunal, en raison du lien qu’il a eu avec sa « détention arbitraire » qui est de nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité.

iv. La prolongation de la détention arbitraire du Requérant près de quatre ans sur la base de ce que le Requérant appelle « faux témoins » a été faite selon le souhait du Gouvernement libanais qui lui-même a procédé à la présélection des Juges libanais à l’époque comme candidats pour êtres nommés juges auprès du Tribunal. De telles circonstances créent une suspicion légitime dans l’impartialité ou l’apparence d’impartialité de tous les juges libanais, toujours selon le Requérant, désignés pour

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statuer auprès du Tribunal sur toutes les questions liées à sa détention arbitraire entre le 30 août 2005 et le 29 avril 2009.

IV La non-conformité de la Requête aux dispositions légales et jurisprudentielles concernant la récusation

A. Observations préliminaires

13. Il est utile de prime abord de soulever dans l’intérêt du respect des concepts juridiques, que la qualification par le Requérant de la demande présentée par M. Zahabi à la Chambre de la Cour de cassation au Liban, présidée par le Juge Riachi à l’époque, contre le Juge d’instruction n’était point une demande en récusation basée sur l’article 120 CPCL, mais une demande de renvoi pour suspicion légitime fondée sur l’article 340 du CPPL. La différence entre les deux procédures est claire et nette8

comme il a été précédemment exposé9. La confusion par le Requérant de ces deux notions ne paraît point de bonne foi ; elle vise à dire que le Juge Riachi était le seul parmi d’autres juges à accepter cette demande contre le Juge Eid, contrairement à d’autres juridictions d’appel, ceci n’étant point conforme à la réalité, car la Cour d’appel était saisie d’une demande de « récusation » contre le Juge Eid présentée par d’autres parties, et non point d’une demande de renvoi pour suspicion légitime.

14. L’article 25 du Règlement de procédure et de preuve (ci-après « le Règlement ») énonce les conditions de récusation devant le Tribunal. Selon cet article, ces conditions sont au nombre de trois :

i. l’existence d’un intérêt personnel pour le Juge dans une affaire ou ;

ii. l’existence d’un lien quelconque avec cette affaire ;

iii. l’intérêt et le lien doivent être de nature à compromettre l’impartialité du Juge ou son apparence d’impartialité.

8 Voir à ce propos : JurisClasseur Procédure Pénale, Fasc. 20, Récusation, n° 36-37, sur www.lexisnexis.com/fr/droit.

9 Voir paragraphe (4) supra.

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15. Il est clair que les moyens soulevés par le Requérant ne sont point conformes aux conditions susmentionnées et la demande de récusation doit être rejetée pour l’un des motifs principaux ou subsidiaires exposés infra.

En effet,

B. Quant aux moyens soulevés par le Requérant, relatifs aux deux décisions rendues le 17 juillet et le 6 septembre 2007 par la Cour de cassation du Liban

16. Il est utile de relever que les deux décisions susmentionnées n’ont pas été prises par le Juge Riachi seul, mais aussi par tous les Juges composants la Chambre qu’il présidait, sans aucune opinion dissidente de leur part10. On en déduit que les deux décisions indiquées par le Requérant ne peuvent être qualifiées de partiales étant donné que lesdites décisions sont prises par tous les Juges de la Chambre, qui n’ont fait l’objet d’aucune récusation de la part du Requérant à l’époque. Notons que les décisions des tribunaux en droit libanais peuvent être prises par la majorité avec la possibilité d’émettre une opinion dissidente écrite par le Juge refusant la décision.

17. L’absence de dissidence des Juges composants la Chambre implique que les décisions étaient conformes à la loi et sans qu’aucune partialité ne soit soulevée à l’égard de ces décisions et à l’égard de tous les Juges qui les ont adoptées.

18. L’absence d’impartialité ou d’apparence d’impartialité soulevée comme base de la récusation ne peut avoir pour assise que des éléments de fait dont l’objet est nettement prouvé. Ces éléments peuvent être ramenés dans les meilleurs des cas à quatre catégories :

i. La parenté ou l’alliance entre un juge et une partie ;

ii. La communauté ou la contradiction d’intérêts entre un juge et une partie ;

iii. La connaissance antérieure de la cause, si le juge a connu du procès comme magistrat, arbitre ou conseil ou s’il a déposé comme témoin sur les faits du procès ;

iv. Une manifestation de nature à faire suspecter l’impartialité du juge11.

10 Voir à ce propos le texte des deux décisions jointes à la demande du Requérant.

11 Voir à ce propos : Jurisclasseur Procédure Pénale, Fasc. 20, Récusation n° 101, www.lexisnexis.com/fr/droit.

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19. La charge de la preuve pour ces quatre catégories incombe au Requérant, qui doit établir qu’il existe en la personne du Juge un risque de partialité susceptible d’affecter la décision à venir12. La jurisprudence internationale est dans ce sens : la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (ci-après « le TPIY ») énonce dans l’arrêt Furundzija13 :

« Il appartient à l’Appelant de soumettre des éléments de preuve suffisants pour convaincre la Chambre d’appel que le Juge Mumba n’était pas impartiale […]. La récusation ne peut être acquise que s’il est démontré qu’il est légitime de craindre la partialité en raison d’un préjugé et cette crainte doit être fermement établie ».

20. Les moyens soulevés par le Requérant ne pouvant point être envisagés dans les trois premières catégories exposées supra14, ils le sont moins pour ce qui est de la quatrième catégorie vu qu’aucune manifestation n’a été prouvée par le Requérant de nature à faire douter de l’impartialité ou de l’apparence d’impartialité du Juge Riachi.

21. En effet, premièrement, la décision d’avant-dire droit du 17 juillet 2007 suspendant la procédure devant le Juge d’instruction M. Eid, outre qu’elle a été prise par l’ensemble des juges composant la Chambre sans aucune dissidence de l’un d’eux, est justifiée en fait et en droit, l’article 340 CPPL donnant pouvoir à la Chambre de suspendre la procédure devant le Juge objet de la demande de renvoi.

22. Deuxièmement, la décision finale du 6 septembre 2007 acceptant la demande de renvoi, a aussi été prise sans dissidence d’aucun des juges composant la Chambre ; elle est également justifiée en fait et en droit. La Chambre dans cette décision, comme dans tout raisonnement juridique adéquat, devait de prime abord trouver le critère qui définissait la notion de suspicion légitime, celle-ci n’étant pas définie par l’article

12 Ibid, n°134.

13 Le procureur c. Anto Furundzija, arrêt d’appel, TPIY affaire n° IT-95-17/1-A, 21 juillet 2000, par. 166.

14 L’hypothèse de la connaissance antérieure de la cause n’est point réalisée, d’autant plus que la demande de récusation du Juge Eid est différente par sa cause, son objet et ses parties de l’affaire actuelle présentée par M. El Sayed devant le Tribunal.

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340 CPPL. C’est pourquoi et sur base de la doctrine et de la jurisprudence nationale et comparée, la décision du 6 septembre 2007 énonce à ce propos :

« Attendu que même si la loi ne précise pas la teneur de la suspicion légitime, la laissant à la discrétion absolue du Tribunal saisi de la demande de renvoi, cette suspicion n’est établie que lorsque sont réunis des motifs sérieux, fondés sur des faits précis et avérés, susceptibles de susciter de manière objective le doute des parties à l’action ou de l’une d’elle quant à l’impartialité de la juridiction saisie de l’affaire, que les faits soient antérieurs ou concomitants au moment où le juge s’est saisi de l’affaire »15.

23. Suite à l’énoncé de ce critère, la Chambre, toujours composée des trois juges, dont le Juge Riachi, examina les moyens soulevés par le demandeur M. Zahabi pour évaluer leur conformité au critère posé. A ce propos, la Chambre devait conclure au rejet des moyens inopérants relatifs aux tensions médiatiques, articles de presse et entretiens qui ont accompagnés la présentation de la demande de récusation devant la Cour d’appel, considérant que ceci ne peut constituer la suspicion légitime requise. D’autre part, la Chambre a accepté deux moyens qui, cumulés, aboutissaient à la recevabilité de la demande de renvoi à savoir :

i. Le premier moyen : le Juge d’instruction M. Eid avait bénéficié mensuellement sur décision du Directeur Général de la Sûreté Générale de l’époque M. El Sayed de bons de carburant gratuits et ceci de manière continue à raison de 300 litres par mois, et ce à partir de février 2003 et tout le long du mandat de M. El Sayed comme Directeur. Un tel don ne dépendait que de l’initiative personnelle et discrétionnaire de M. El Sayed et n’était point occasionnel ou circonstanciel car il s’était prolongé sur une période de deux ans et cinq mois, comme le confirme la lettre envoyée à la Chambre par l’actuel Directeur Général de la Sûreté Générale. Le juge mis en cause n’a fourni aucune justification pour expliquer les raisons de ce don d’autant plus que le nombre de juges qui ont bénéficiés de ce même don n’excédait pas le nombre de onze sur un effectif dépassant les cinq cent juges.

ii. Le second moyen : bien que la suspicion légitime ne puisse être fondée sur la conduite d’un tiers, cette conduite reste opérante si elle peut confirmer les faits constituant la suspicion légitime, attribués au Juge mis en cause. A cet égard, le frère du Juge en question a été mandaté dans un délai très proche du premier fait, par

15 Voir le texte de la décision du 6 septembre 2007.

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autorisation de M. El Sayed, pour travailler comme médecin auprès de la Sûreté Générale en contrepartie d’un traitement mensuel forfaitaire, le contrat à ce propos étant renouvelable annuellement par tacite reconduction.

24. La Chambre dans sa décision devait considérer à la lumière des allégations, que les faits tels que prouvés dans les deux moyens susmentionnés impliquent l’existence d’un lien particulier entre le Juge et M. El Sayed. Ce lien est attesté par les services spéciaux rendus par le Requérant en un court laps de temps (un mois). La Chambre conclut dans sa décision que ces liens particuliers ne peuvent être fondés que sur des intérêts mutuels ou des rapports d’amitié établis et sérieux susceptibles de justifier les doutes du requérant M. Zahabi quant à l’impartialité du Juge, et ceci conformément à l’article 340 CPPL. La Chambre devait aussi affirmer, à l’appui de sa décision, que la réalisation des faits constitutifs de la suspicion à une date antérieure à la saisine du dossier Hariri par le Juge Eid, ne mettait point en cause cette réalisation, étant donné que les causes de la suspicion légitime demeurent opérantes, bien que constatées avant la saisine en question16. Il est à noter que les manifestations d’hostilité ou d’amitié à l’égard d’une des parties peuvent amener le Juge à statuer in defavorem ou in favorem selon la partie concernée17.

25. Au regard de ce qui précède, le processus suivi par la Chambre dans sa décision du 6 septembre 2007 était un processus nécessairement juridique quant au raisonnement adopté et au résultat auquel il a abouti. Il devait nécessairement conduire à déclarer recevable la demande de renvoi pour suspicion légitime du Juge d’instruction mis en cause. Ce processus, tel qu’exposé, ne laisse transparaître chez le Juge Riachi et les autres Juges qui ont participé à la décision aucune manifestation

16 Voir Jurisclasseur Procédure pénale, Fasc. 20, Récusation, n° 105 et 115, www. lexisnexis.com/fr/droit.: « 105. Maintien de la récusabilité : Le magistrat reste récusable après le divorce d’avec son conjoint ou son décès, si ce dernier était l’allié de l’une des parties […]. Le caractère récusable du Juge doit demeurer uniformément après séparation du couple […]. 115. Il y a encore contradiction d’intérêt lorsqu’il y a eu un procès entre le juge […] et l’une des parties […]. On peut en effet redouter que le magistrat conçoive une certaine inimitié à l’endroit d’un ancien adversaire qui altérait sa neutralité […] ». On peut en déduire que l’inimitié vis-à-vis d’un ancien adversaire avant le procès est analogue quant à la suspicion légitime à l’amitié, ou aux intérêts réciproques qui peuvent se réaliser même avant le procès entre le juge et l’une des parties.

17 Voir Jurisclasseur Procédure pénale, Fasc. 20, Récusation, ibid, n° 129, www. lexisnexis.com/fr/droit.

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de nature à faire suspecter leur impartialité. Ainsi les prétentions contraires du Requérant demeurent injustifiées car dénuées de preuve et manquant de base légale.

C. Quand au point soulevé au paragraphe 12 de la demande en récusation soutenant que le dessaisissement du Juge M. Eid était motivé par son intention de libérer le Requérant M. El Sayed.

26. Le requérant soulève au paragraphe 12 de sa demande que la partie civile avait présenté trois demandes successives de dessaisissement motivées par l’intention du Juge instructeur de le libérer. Il est utile à ce propos de préciser que ce que soulève le Requérant à ce propos ne se trouve pas dans la requête de suspicion légitime présentée par M. Zahabi à la Cour de cassation contre le Juge Eid, mais seulement dans la demande de récusation présentée par d’autres parties à la Cour d’appel.

27. Quoiqu’il en soit à ce propos, la Cour de cassation dans sa décision du 6 septembre 2007 a réfuté toutes les affirmations relatives aux tensions médiatiques, articles de presse et entretiens, considérant expressément que ceci ne peut justifier la demande de renvoi pour suspicion légitime envers le Juge d’instruction18. Et la décision de renvoi de l’affaire pour suspicion légitime n’a jamais été basée sur cette affirmation.

D. Quant au moyen soulevé par le Requérant basée sur sa prétention que le Juge Riachi ne pouvait être impartial du fait qu’il était proche du pouvoir exécutif

28. Il est bon de rappeler à ce propos la règle précédemment citée au paragraphe19

(Arrêt Furundzija), où il est dit que le demandeur a la charge de la preuve suffisante pour prouver l’absence d’impartialité du Juge. Aucun élément de preuve sérieuse et efficace n’est présenté par le Requérant à ce propos. De telles prétentions, étant

18 Voir à ce propos la décision du 6 septembre 2007.

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contraires à toute réalité, demeurent dépourvues de preuves, et le moyen doit être rejeté.

E. Quant au moyen soulevé par le Requérant fondé sur sa demande de récusation du Juge Riachi à la Cour de cassation le 17 juillet 2007

29. Il est vrai que le requérant avait demandé la récusation du Juge Riachi et ceci en cours de la procédure relative à la demande de renvoi mais il s’en est désisté aussitôt, nécessairement pour absence de motif sérieux.

30. Contrairement aux prétentions du Requérant au paragraphe 12 (ii) de sa demande, le Juge Riachi n’a reçu aucune lettre de sa part, suite à la décision du 6 septembre 200719, bien que le Requérant, par l’intermédiaire d’une personne proche à lui, a fait parvenir au Juge Riachi, durant le déroulement de la procédure de renvoi, et avant la décision, trois lettres manuscrites dont le contenu n’est point conforme à ses prétentions telles qu’exposées dans sa demande de récusation20.

F. Quant au moyen soulevé par le Requérant relatif à sa protestation auprès des Nations Unies contre la candidature du Juge Riachi au Tribunal

31. Le moyen soulevé à ce propos ne met en rien l’impartialité du Juge Riachi en cause, et ne peut de ce fait constituer un motif de récusation. Mention faite que malgré cette protestation, le Juge Riachi a été nommé au Tribunal par une décision du Secrétaire Général des Nations Unies, ce qui démontre le manque d’intérêt donné à cette protestation vue l’absence de son bien-fondé.

G. Quant au moyen soulevé relatif à la présélection des Juges par le Gouvernement libanais

32. Il est bon de rappeler que les juges libanais au Tribunal sont nommés par le Secrétaire Général des Nations Unies d’une liste proposée par le Conseil supérieur

19 Il est bon de mentionner que la lettre en question présentée comme annexe n° 5 à la demande du Requérant est imprimée. On se demande si le requérant au cours de sa détention avait accès aux moyens nécessaires pour envoyer une lettre imprimée, d’autant plus que cette lettre n’est pas manuscrite, à l’instar des trois autres lettres, mentionnées dans la note de bas de page n°20.

20 Le juge Riachi se réserve le droit d’exhiber ces lettres en temps utile.

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de la Magistrature, et que le Gouvernement libanais n’a aucun rôle dans leur présélection ou leur nomination.

33. Quelque soit le cas, la présélection des juges libanais ou leur nomination ne peut en aucun cas constituer une raison d’impartialité du Juge Riachi et ne peut être retenue ainsi comme cause de récusation.

34. En conclusion, pour tous ces motifs et arguments, la demande de récusation présentée par le Requérant doit être rejetée dans toutes ses dispositions et tous ses moyens.

Le tout respectueusement soumis.

Fait à Leidschendam, le 26 octobre 2010.

Le Juge Ralph Riachi.

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LISTE DES ANNEXES

Numéro Document1 Articles 120 et 123 du Code de procédure civile2 Demande de renvoi présentée par M. Zahabi à la Cour de cassation3 Demande de récusation présentée par les parties civiles à la Cour

d’appel4 Décision de la Cinquième Chambre de la cour de cassation du 26

juillet 2007

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Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Chamseddine de ses fonctions à la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en vertu de

l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve

« Récusation du juge Chamseddine »

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LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Affaire n° : CH/PRES/2010/09

Devant : M. le juge Antonio Cassese

Greffier par intérim : M. Herman von Hebel

Date : 5 novembre 2010

Langue de l’original : Anglais

Type de document : Public

DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE RÉCUSATION DE M. LE JUGE CHAMSEDDINE DE SES FONCTIONS À LA

CHAMBRE D’APPEL, PRÉSENTÉE PAR M. EL SAYED EN VERTU DE L’ARTICLE 25 DU RÈGLEMENT DE PROCÉDURE ET DE

PREUVE

Le Conseil :Me Akram Azoury

Le Bureau du Procureur :M. Daniel Bellemare, MSM, c.r

Le Bureau de la Défense :M. François Roux

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Récusation du juge Chamseddine

Nous, Antonio Cassese, Président du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal »), sommes saisis de la « Demande de récusation et de dessaisissement de Monsieur le Juge Afif Chamseddine » (la « Demande de récusation »), déposée publiquement le 20 octobre 2010. Agissant conformément à l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), nous rendons la décision exposée ci-après.

CONTEXTE

1. Le 30 août 2005, M. El Sayed (le « Requérant ») a été placé en détention en rapport avec l’attentat commis contre le Premier ministre Rafic Hariri (l’« affaire Hariri ») par les autorités libanaises en application de dispositions pénales nationales. Le 3 septembre 2005, un juge d’instruction libanais a délivré un mandat d’arrêt en vertu duquel le Requérant a été maintenu en détention.

2. Le 27 mars 2009, sur demande du Procureur du Tribunal (le « Procureur »), le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance enjoignant aux autorités judiciaires libanaises saisies de l’affaire Hariri de s’en dessaisir en faveur du Tribunal1.

3. Le 8 avril 2009, les autorités judiciaires libanaises ont transmis au Tribunal une liste de personnes détenues par elles dans le cadre de l’affaire Hariri. Le Requérant figurait sur cette liste. Le 10 avril 2010, les résultats de l’instruction ainsi que le dossier de l’affaire ont été transmis au Tribunal. À partir de cette date, le Requérant a été officiellement placé sous l’autorité du Tribunal.

4. Le 27 avril 2009, le Procureur a conclu que les informations en sa possession n’étaient pas suffisantes pour justifier l’émission d’un acte d’accusation à l’encontre des personnes détenues par le Tribunal2. Le 29 avril 2009, le juge de la mise en état a

1 Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, Affaire n° CH/PTJ/2009/01, 27 mars 2009.

2 Requête du Procureur adressée au Juge de la mise en état en application de l’article 17 du Règlement de procédure et de preuve, Affaire n° CH/PTJ/2009/004, 27 avril 2009.

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Récusation du juge Chamseddine

rendu une ordonnance enjoignant aux autorités libanaises de libérer, entre autres, le Requérant et trois autres personnes3. Cette ordonnance a été exécutée le même jour.

5. Le 17 mars 2010, le Requérant a présenté une requête par l’entremise de son conseil, Me Akram Azoury, par laquelle il sollicitait « la remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire ». Le 15 avril 2010, nous avons rendu une ordonnance portant renvoi de l’affaire devant le Juge de la mise en état4.

6. Après avoir dûment examiné les arguments écrits du Requérant et du Bureau du Procureur (le « Procureur ») et à l’issue d’une audience publique tenue le 13 juillet 2010, le Juge de la mise en état a rendu son ordonnance le 17 septembre 20105. Il a conclu que le Tribunal avait compétence pour statuer sur le bien-fondé de la requête, que le Requérant avait qualité pour saisir le Tribunal de questions relatives à sa détention, et a ordonné aux parties de déposer leurs réponses à certaines questions soulevées dans l’ordonnance6.

7. Le 29 septembre 2010, le Procureur a fait appel de l’ordonnance du Juge de la mise en état7. Le 1er octobre 2010, nous avons rendu une ordonnance portant calendrier par laquelle le Requérant et le Procureur ont été respectivement invités à déposer un mémoire en réponse et un mémoire en réplique8. Le 12 octobre 2010, nous avons rendu une nouvelle ordonnance portant composition de la Chambre d’appel9.

3 Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, Affaire n° CH/PTJ/2009/06, 29 avril 2009.

4 Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, Affaire n° CH/PRES/2010/01, 15 avril 2010.

5 Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal, Affaire n° CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010 (la « Décision du juge de la mise en état »).

6 Décision du juge de la mise en état, par. 36, 42 et 57.

7 Appel de l’« Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal » et demande urgente aux fins de suspension de l’ordonnance, n° OTP/AC/2010/01, 28 septembre 2010.

8 Ordonnance portant calendrier, Affaire n° CH/PRES/2010/02, 1er octobre 2010.

9 Ordonnance portant composition de la Chambre d’appel, Affaire n° CH/PRES/2010/03, 12 octobre 2010.

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Récusation du juge Chamseddine

8. Le 20 octobre 2010, le Requérant a présenté la demande de récusation et de dessaisissement de M. le Juge Chamseddine de ses fonctions à la Chambre d’appel en application de l’article 25 du Règlement10.

9. Dans notre ordonnance portant calendrier du 21 octobre 2010, nous avons invité M. le juge Chamseddine à soumettre ses observations sur la demande de récusation présentée par le Requérant11. Il l’a fait le 22 octobre 2010 dans un mémoire annexé à la présente décision12.

DROIT APPLICABLE

10. L’article 25A du Règlement dispose que :

Un juge ne peut connaître, en première instance ou en appel, d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou a eu un lien quelconque de nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité. Dans ce cas, il doit se récuser, et le Président désigne un autre juge pour siéger à sa place.

11. Le libellé de l’article 25A du Règlement est pratiquement identique à celui de l’article équivalent du Règlement du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (« TPIY »)13 et du Règlement du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR »)14. À la lumière de ces importantes similitudes textuelles, il est

10 Demande de récusation et de dessaisissement de Monsieur le Juge Afif Chamseddine, Affaire n° OTP/AC/2010/01, 20 octobre 2010 (« Demande de récusation »).

11 Ordonnance portant calendrier concernant la demande de récusation et de dessaisissement de Monsieur le Juge Chamseddine, Affaire n° CH/PRES/2010/07, 21 octobre 2010.

12 Réponse à la demande de M. Jamil El Sayed de récuser le Juge Afif Chamseddine, 22 octobre 2010 (l’« Annexe »).

13 L’article 15A du Règlement de procédure et de preuve du TPIY, version IT/32/Rev. 44 du 10 décembre 2009 dispose que :

« Un juge ne peut connaître en première instance ou en appel d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité. En ce cas, il doit se récuser dans cette affaire et le Président désigne un autre juge pour siéger à sa place ». .

14 L’article 15A du Règlement de procédure et de preuve du TPIR, version du 9 février 2010 dispose que :« Un juge ne peut connaître d’une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel ou avec laquelle il a ou il a eu un lien quelconque de nature à porter atteinte à son impartialité. En ce cas, il doit

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Récusation du juge Chamseddine

utile et pertinent d’examiner la jurisprudence de ces tribunaux dans leur interprétation de l’équivalent de l’article 25A du Règlement.

12. En ce qui concerne la jurisprudence pertinente pour l’affaire et l’interprétation exacte de l’article 25A du Règlement, nous renvoyons à ce qui est exposé aux paragraphes 13 à 41 de la Décision du 5 novembre 2010 relative à récusation de M. le juge Riachi15.

ARGUMENTS DES PARTIES

I. Arguments du Requérant

13. Le Requérant affirme que M. le juge Chamseddine a été choisi par un gouvernement « partial » et responsable de la détention arbitraire de M. El Sayed. Le Requérant relève notamment les déclarations publiques de M. Charles Rizk, alors ministre de la Justice, selon lesquelles le Requérant et d’autres personnes détenues par les autorités libanaises ne seraient pas remis en liberté avant la création du Tribunal16. Le Requérant considère que de telles déclarations constituent une violation intolérable de l’indépendance de l’autorité judiciaire libanaise et témoignent d’un ferme parti pris du gouvernement, lequel est de nature à jeter le doute sur l’impartialité de tout juge désigné par ce dernier. Ces faits, de l’avis du Requérant, constituent un motif de « suspicion légitime » quant à l’impartialité ou l’apparence d’impartialité de M. le juge Chamseddine.

II. Mémoire de M. le juge Chamseddine

14. Dans le mémoire qu’il nous a adressé en exécution de notre Ordonnance portant calendrier du 21 octobre 2010, M. le juge Chamseddine relève que : 1° il n’appartient

se dessaisir de cette affaire. Lorsque le juge renonce à siéger au sein d’une Chambre de première instance, le Président désigne un autre juge de première instance pour siéger à sa place. Lorsqu’un juge renonce à siéger au sein de la Chambre d’appel, le Président de la Chambre d’appel désigne un autre juge pour siéger à sa place ».

15 Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Riachi introduite par M. El Sayed en vertu de l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve, Affaire n° CH/PRES/2010/08, 5 novembre 2010.

16 Demande de récusation, par. 6.

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Récusation du juge Chamseddine

pas à M. El Sayed d’apprécier si le pouvoir exécutif était, à l’époque, « partial » ou non17 ; 2° au moment de la détention de M. El Sayed, M. le juge Chamseddine était président de la troisième chambre criminelle de la Cour de cassation et n’a jamais statué sur une affaire concernant M. El Sayed18 ; 3° sa candidature n’a pas été proposée par le gouvernement mais par le Conseil supérieur de la Magistrature libanais qui a dressé une liste de douze magistrats, à la suite de quoi le Secrétaire général des Nations Unies en a choisi quatre19 ; 4° le Tribunal a été institué par le gouvernement attaqué par M. El Sayed, qui l’a pourtant saisi et le considérait ainsi comme légitime, ce qui démontre ses contradictions20 ; 5° aux termes de l’article 25 du Règlement, un juge ne peut être récusé que s’il a un intérêt personnel dans une affaire ou s’il a un lien avec celle-ci de nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité ; M. El Sayed n’ayant mentionné aucun intérêt ni lien de la sorte, la demande présentée ne remplit pas les conditions requises par l’article 2521.

DÉBAT

15. La demande de récusation de M. le juge Chamseddine repose essentiellement sur l’objection selon laquelle celui-ci, à l’instar des autres juges libanais, a été désigné par le Gouvernement libanais, gouvernement ayant essuyé des critiques du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Ce seul fait, estime le Requérant, montre que l’impartialité ou l’apparence d’impartialité de M. le juge Chamseddine est compromise.

16. Comme nous l’avons déjà affirmé dans la décision relative à la récusation de M. le juge Riachi, lequel a fait l’objet d’une demande semblable, cet argument ne tient pas debout. Le processus de sélection de tous les juges libanais n’est pas celui décrit par le Requérant. Le Conseil supérieur de la Magistrature libanais — et non

17 Annexe, par. 2 a).

18 Annexe, par. 2 b).

19 Annexe, par. 2 c).

20 Annexe, par. 2 e).

21 Annexe, par. 3.

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Récusation du juge Chamseddine

le pouvoir exécutif libanais — a proposé le nom de M. le juge Chamseddine parmi les douze candidats aux quatre postes au Tribunal. Le gouvernement a présenté ces douze noms au Secrétaire général des Nations Unies. Au final, c’est le Secrétaire général des Nations Unies qui, après un examen minutieux conduit par un jury de sélection composé de deux éminents juges internationaux et présidé par le Conseiller juridique de l’Organisation des Nations Unies, a choisi parmi les divers candidats ceux qui étaient les plus aptes à remplir les conditions énoncées à l’article 9 du Statut du Tribunal. Il s’agissait de personnes possédant non seulement « une grande expérience judiciaire », mais jouissant également « d’une haute considération morale et […] reconnu[e]s pour leur impartialité et intégrité ». Par conséquent, la question de savoir si le Gouvernement libanais a agi ou non en conformité avec les normes internationales en maintenant en détention des personnes pendant près de quatre ans sans les avoir jugées n’a aucun rapport avec la candidature et la nomination de M. le juge Chamseddine au Tribunal spécial.

17. Par ailleurs, comme l’ont relevé les tribunaux internationaux, les juges internationaux bénéficient d’une présomption d’impartialité et d’intégrité, eu égard au minutieux processus ayant débouché sur leur nomination22. Pour combattre cette présomption, le Requérant doit produire des preuves convaincantes de l’absence d’impartialité ou d’intégrité d’un juge, ou toute autre preuve démontrant une apparence de partialité. Ces preuves n’ont pas été produites en l’espèce.

18. Dès lors, vu l’article 25A du Règlement, nous concluons que la désignation de M. le juge Chamseddine par les autorités libanaises n’indique de sa part aucun parti pris antérieur ou actuel dans l’affaire en question. Rien ne montre que M. le juge Chamseddine a eu ou a un intérêt personnel dans la présente affaire ou bien qu’il a ou a eu un lien quelconque avec elle de nature à compromettre son impartialité.

22 Cette notion a été clairement exposée par le TPIY et le TPIR. Voir TPIR, Procureur c. Karemera et autres, Affaire n° ICTR-98-44-T, [TRADUCTION] Décision relative à la demande de récusation de juges de la Chambre de première instance introduite par Nzirorera, 17 mai 2004, par. 11. Voir également TPIY, Procureur c. Karadžić, Affaire n° IT-95-05/18-PT, [TRADUCTION] Décision relative à la demande de dessaisissement du juge Picard et Rapport au Vice-président en application de l’article 15Bii, 22 juillet 2009, par. 17 ; TPIY, Procureur c. Blagojević, Affaire n° IT-02-60-R, [TRADUCTION] Décision relative à la demande de récusation, 2 juillet 2008, par. 3 ; TPIY, Procureur c. Šešelj, Affaire n° IT-03-67-PT, Décision relative à la demande de dessaisissement des juges Alphonse Orie, Patrick Robinson et Frank Hopfel, 16 février 2007, par. 5 ; TPIY, Procureur c. Furundžija, Affaire n° IT-95-17/1-A, Arrêt, 21 juillet 2000, par. 196.

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Récusation du juge Chamseddine

19. Quant à l’apparence de partialité, selon le critère habituellement appliqué pour déterminer l’existence d’une telle apparence (à savoir une analyse des faits par un observateur impartial hypothétique, suffisamment informé des circonstances réelles pour être en mesure de se forger une opinion raisonnable), nous concluons que la désignation de M. le juge Chamseddine par les autorités libanaises ne suscite aucune apparence de partialité. À plusieurs reprises, le TPIY et d’autres tribunaux internationaux ont déclaré que la nationalité des juges et les politiques de leurs gouvernements ne devaient pas entrer en ligne de compte dans la détermination de leur impartialité23. Ajoutons simplement que si la demande du Requérant devait être accueillie, cette décision aurait l’effet déplorable d’empêcher les juges libanais de siéger à une Chambre du Tribunal – lui ôtant de ce fait son véritable caractère « hybride », avec toutes les conséquences que cela comporte.

20. En tout état de cause, M. le juge Chamseddine n’a ni n’a eu aucun intérêt personnel dans la présente affaire. Il n’a ni n’a eu aucun lien avec celle-ci qui pourrait sembler compromettre son impartialité.

21. Nous croyons fermement que si les juges internationaux doivent être absolument libres et paraître affranchis de toute idée préconçue, il est également nécessaire qu’ils soient protégés de conjectures et d’insinuations à propos des desseins que poursuivraient les gouvernements en les proposant à la fonction de juge international. S’ils ne sont pas ainsi protégés, les juges ne peuvent s’acquitter sereinement de leur difficile mission. Les accusations de partialité non étayées par des preuves convaincantes ne peuvent que semer la confusion et l’incertitude dans l’esprit de tous ceux qui suivent le déroulement de la justice internationale et troubler la conscience des juges, altérant ainsi leur sérénité.

22. Si l’accusé, le Procureur ainsi que les victimes ou tout autre participant à un procès pénal ont le droit de contester l’impartialité ou l’indépendance d’un juge international, ce droit ne doit pas être exercé abusivement. Nul n’est autorisé à présenter de vaines demandes, manifestement infondées, voire fantaisistes. La

23 TPIY, Procureur c. Martić, Affaire n° IT-95-11-A, [TRADUCTION] Ordonnance relative à la demande présentée par la défense aux fins de dessaisissement du juge Wolfgang Schomburg en appel, 23 octobre 2007, Annexe, p. 3.

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Récusation du juge Chamseddine

justice internationale est une affaire trop sérieuse pour faire l’objet de conjectures ou d’hypothèses.

DISPOSITIF

PAR CES MOTIFS,

EN APPLICATION des articles 91, 101 et 21 du Statut et de l’article 25 du Règlement,

NOUS DÉCLARONS M. El Sayed débouté de sa demande de récusation de M. le juge Chamseddine.

Fait en anglais, arabe et français, la version anglaise faisant foi.

Le 5 novembre 2010 à Leidschendam, aux Pays-Bas,

Antonio Cassese Président

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MÉMOIRE

Date : Le 22 octobre 2010

Adressé à : M. le Juge Antonio Cassese, Président du Tribunal Spécial pour le Liban

De la part de : Juge Afif Chamseddine, siégeant à la Chambre d’appel

Sujet : Réponse à la demande de M. Jamil El Sayed de récuser le Juge Afif Chamseddine

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Récusation du juge Chamseddine

1. Le 20 octobre 2010, M. Jamil El Sayed a déposé une demande réclamant mon dessaisissement et ma récusation pour des motifs énoncés dans ladite demande où il se base sur une seule et unique raison: la présélection et la proposition de ma candidature aux Nations Unies comme Juge au Tribunal Spécial pour le Liban (ci-après « le Tribunal ») par le pouvoir exécutif libanais, lequel, de son point de vue était partial et responsable de sa détention « arbitraire ».

2. En réponse à cette demande, je vous soumets les observations suivantes :

a. Je ne crois pas que c’est à M. El Sayed qu’appartienne l’autorité d’évaluer si le pouvoir, à l’époque, était partial ou non, tant que cette appréciation n’a pas été tranchée par une autorité compétente et constitue une question qui divise les politiciens ainsi que le peuple au Liban.

b. A l’époque de la détention de M. El Sayed, j’étais Président de la troisième Chambre criminelle de la Cour de cassation. Durant mon mandat je n’ai statué sur aucune affaire ou question relative à M. El Sayed, ce que le Requérant ne peut en aucun cas contredire.

c. La proposition de ma candidature ne s’est pas faite par le pouvoir exécutif au Liban mais par le Conseil Supérieur de la Magistrature qui a dressé une liste de douze magistrats. Le Secrétaire Général des Nations Unies en a choisi quatre, en se basant sur un rapport d’un comité désigné à cet égard. Ceci démontre que le pouvoir exécutif libanais n’avait aucun rôle dans ce processus.

d. Le 1er juillet 2010, j’ai pris ma retraite Le 12 février 2009 (donc dix mois après ma retraite) j’ai été désigné comme Juge au Tribunal.

e. Le Tribunal a été institué à la demande et en coopération avec le même pouvoir attaqué par M. El Sayed; et pourtant il s’y est adressé en réclamant son aide et en la considérant légale et capable de statuer sur ses demandes, ce qui démontre l’existence d’une contradiction dans le raisonnement du Requérant.

3. Par ailleurs, il faut noter que selon les dispositions de l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve, un Juge du Tribunal ne peut être dessaisi ou récusé que :

- s’il a un intérêt personnel dans l’affaire ou ;

- s’il a eu un lien quelconque avec celle-ci ;

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Récusation du juge Chamseddine

- et si l’intérêt ou le lien sont de nature à compromettre son impartialité ou son apparence d’impartialité.

Comme M. El Sayed n’a mentionné aucune relation ou aucun intérêt de la sorte, les conditions de l’article 25 ne sont pas réalisées.

4. Sur la base de ce qui précède, et au regard des dispositions de l’article 25 du Règlement, la demande de récusation n’a aucun fondement juridique ou factuel.

Par ces motifs :

Je sollicite, M. le Président, le rejet de la demande en cause.

Avec tous mes respects,

Le Juge Afif Chamseddine

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Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice

« Compétence et qualité pour ester en justice CA »

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CHAMBRE D’APPEL

Affaire n° : CH/AC/2010/02Devant : M. le juge Antonio Cassese, juge

président et juge rapporteur M. le juge Ralph Riachi M. le juge David Baragwanath M. le juge Afif Chamsedinne M. le juge Kjell Erik BjörnbergGreffier par intérim : M. Herman von HebelDate : 10 novembre 2010Langue de l’original : AnglaisType de document : Public

DÉCISION EN APPEL CONCERNANT L’ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT RELATIVE À LA COMPÉTENCE ET À LA

QUALITÉ POUR ESTER EN JUSTICE

Conseil :Me Akram Azoury

Bureau du Procureur :M. Daniel Bellemare, MSM, c.r.

M. Daryl A. MundisM. Ekkehard WithopfMme Marie-Sophie Poulin

Bureau de la Défense :M. François Roux

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Compétence et qualité pour ester en justice CA

1. La Chambre d’appel du Tribunal spécial pour le Liban (respectivement la « Chambre d’appel » et le « Tribunal ») est saisie de l’appel interjeté par le Procureur contre l’ordonnance du 17 septembre 2010 du juge de la mise en état1, aux termes de laquelle i) le Tribunal a compétence pour statuer sur la requête présentée par M. Jamil El Sayed aux fins d’accès à son dossier pénal et ii) M. Jamil El Sayed a qualité pour ester en justice devant le Tribunal en la présente affaire.

2. Le 1er octobre 2010, le Président du Tribunal (le « Président ») a rendu une Ordonnance portant calendrier, par laquelle il a ordonné la suspension de l’ordonnance du 17 septembre 2010 du juge de la mise en état, a convoqué la Chambre d’appel en vue de l’examen de l’appel du Procureur et a invité les Nations à déposer un mémoire en qualité d’amicus curiae2. Dans son ordonnance portant calendrier, le Président a relevé que le Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») du Tribunal ne prévoit pas explicitement le droit d’interjeter appel d’ordonnances ou de décisions autres que les exceptions préjudicielles ou les jugements définitifs. Le Tribunal doit néanmoins interpréter les éventuelles ambigüités du Règlement, en se conformant à l’esprit du Statut et aux principes généraux de la procédure pénale internationale3. Aussi le Président a-t-il considéré qu’en l’espèce, le droit d’interjeter appel découle du pouvoir inhérent des juridictions pénales internationales d’assurer le réexamen judiciaire des décisions si l’intérêt de la justice le commande, et au cas où un retard de ce réexamen pourrait avoir une incidence néfaste sur la suite de la procédure.

3. Le 8 novembre 2010, la Chambre d’appel, siégeant sans la participation du Président et en réponse au mémoire déposé le 11 octobre 2010 par M. El Sayed, a annulé la suspension ordonnée par le Président dans son ordonnance du 1er octobre 2010 et l’invitation qu’il avait faite à l’Organisation des Nations Unies de déposer un mémoire en qualité d’amicus curiae. En revanche, dans la même

1 Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal, Affaire n° CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010 (l’« Ordonnance du 17 septembre 2010 »).

2 Ordonnance portant calendrier, Affaire n° CH/PRES/2010/02, 1er octobre 2010.

3 Voir l’article 3 du Règlement de procédure et de preuve.

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décision, en ordonnant unilatéralement la suspension de l’exécution de l’ordonnance du 17 septembre 2010 du juge de la mise en état dans l’attente de l’issue de la présente procédure en appel, la Chambre d’appel a relevé qu’il appartenait au juge de la mise en état de décider en première instance de la recevabilité du mémoire de l’Organisation des Nations Unies et de tout autre document déposé en rapport avec celui-ci4.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

I. La Requête de M. Jamil El Sayed

4. Il ressort des mémoires déposés devant le Tribunal par M. Jamil El Sayed (le « Requérant ») que ce dernier a été arrêté le 29 août 2005 par les autorités libanaises et placé arbitrairement en détention pendant près de quatre années en rapport avec l’attentat qui a entraîné la mort du Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes (l’« affaire Hariri5 »).

5. Le 10 avril 2009, le Tribunal a été officiellement saisi de l’affaire Hariri et investi de l’autorité sur les quatre personnes détenues par les autorités libanaises en rapport avec l’affaire, dont le Requérant6.

6. Le 27 avril 2009, après avoir procédé à l’examen des éléments du dossier de l’affaire rassemblés par la Commission d’enquête indépendante internationale des Nations Unies (la « Commission d’enquête »), les autorités libanaises ainsi que le Bureau du Procureur, le Procureur a demandé au juge de la mise en état d’ordonner la mise en liberté immédiate du Requérant et des trois autres personnes placées sous la garde du Tribunal. Le Procureur a fait observer que les éléments

4 Décision relative au recours interjeté à l’encontre de l’ordonnance du président de la Chambre d’appel, Affaire n° CH/AC/2010/01, 8 novembre 2010.

5 Mémoire sur la compétence du Juge de la mise en état pour statuer sur la requête du 17 mars 2010 et la qualité du Général Jamil EL SAYED à ester auprès du Tribunal Spécial pour le Liban, Affaire n° CH/PTJ/2010/01, 27 mai 2010, par. 9 à 11.

6 Ordonnance portant renvoi devant le juge de la mise en état, Affaire n° CH/PRES/2010/01, 15 avril 2010 (l’« Ordonnance du 15 avril 2010 »), par. 4.

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de l’enquête actuellement en sa possession n’étaient pas suffisamment crédibles pour justifier l’émission d’actes d’accusation à l’encontre des personnes détenues. Il a relevé des incohérences dans les déclarations des témoins et l’absence de preuves corroboratives étayant ces déclarations, et a indiqué que certains témoins avaient modifié leurs déclarations, tandis qu’un potentiel témoin clé s’était rétracté. Cependant, le Procureur a ajouté que les enquêtes se poursuivaient et que ses conclusions ne portaient pas préjudice de toute démarche ultérieure7.

7. En exécution de l’ordonnance du juge de la mise en état8, les autorités ont élargi le Requérant le 29 avril 2009.

8. Le 17 mars 2010, le Requérant a présenté une requête au Président du Tribunal aux fins d’accès aux éléments de l’enquête relatifs à sa détention et à sa mise en liberté (la « Requête »)9. Le Requérant soutient qu’il a fait l’objet d’une détention arbitraire entre le 3 septembre 2005 et le 29 avril 2009 fondée sur des dénonciations calomnieuses et de fausses déclarations, et demande l’accès aux éléments de preuve actuellement en la possession du Tribunal afin de pouvoir intenter une action en réparation devant les juridictions nationales au titre du préjudice qu’il aurait subi.

9. Le 15 avril 2010, le Président a rendu une ordonnance portant renvoi de la Requête devant le juge de la mise en état pour que celui-ci se prononce sur la question de savoir si le Tribunal a compétence pour statuer sur la Requête et si le Requérant a qualité pour ester devant le Tribunal ; dans l’affirmative, le juge de la mise en état devra examiner la Requête au fond10.

II. Procédure devant le juge de la mise en état

10. À la suite d’une ordonnance portant calendrier rendue par le juge de la mise en état, le Requérant a déposé un mémoire et un mémoire en réplique à la mémoire

7 Ordonnance du 15 avril 2010, par. 5.

8 Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes, Affaire n° CH/PTJ/2009/06, 29 avril 2009 (l’« Ordonnance du 29 avril 2009 »).

9 Mémo n° 112 – Requête au Président du Tribunal Spécial pour le Liban, Beyrouth le 17 mars 2010 (la « Requête »).

10 Ordonnance du 15 avril 2010.

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en réponse du Procureur, tandis que le Procureur a déposé un mémoire en réponse et un mémoire en duplique au mémoire en réplique du Requérant.

11. Le 25 juin 2010, le juge de la mise en état a rendu une « Ordonnance portant fixation d’une audience », dans laquelle il a fait observer au Requérant ainsi qu’au Procureur que :

[A]u vu des Répliques, il apparaît qu’une question intimement liée à la compétence du Tribunal et à la capacité du Requérant à ester en justice a d’ores et déjà été abordée11, à savoir l’opportunité pour le Requérant d’avoir accès aux documents demandés au stade de l’enquête. La tenue d’une audience permettra également au Requérant et au Procureur d’exposer leurs vues à ce sujet et ils seront dès lors invités à le faire12.

Dans son ordonnance, le juge de la mise en état a également fait valoir que la tenue d’une audience constituerait pour lui une opportunité d’obtenir certaines précisions ou des éclaircissements en lien, « par exemple, avec l’état des procédures internes en cours, les législations en vigueur en matière de coopération judiciaire internationale et toutes autres questions de fait ou de droit qu’il estimerait utiles13 ».

12. Au cours de l’audience du 13 juillet 2010, le juge de la mise en état a posé des questions aussi bien au Requérant qu’au Procureur sur certaines considérations juridiques de fond en lien avec la compétence et la qualité pour ester en justice14. Le juge de la mise en état a notamment posé au Procureur la question suivante :

Est-ce que vous estimez, sur le plan des principes, qu’une personne qui a fait l’objet d’une détention a un droit d’accès au dossier dans le cadre duquel il a été détenu et, si oui, comment est-ce que vous qualifierez ce droit, et pourriez-vous également me donner votre avis sur les conditions et les restrictions éventuelles à l’exercice de ce droit15 ?

11 « [...] une question […] a d’ores et déjà été abordée […] ».

12 Ordonnance portant fixation d’une audience, Affaire n° CH/PTJ/2010/003, 25 juin 2010 (« Ordonnance du 25 juin 2010 »), par. 9 (non souligné dans l’original) (note de bas de page omise).

13 Ordonnance du 25 juin 2010, par. 8 (non souligné dans l’original).

14 Compte rendu d’audience, 13 juillet 2010, p. 31 à 34 (« Compte rendu »).

15 Compte rendu, p. 31, lignes 26 à 28 et p. 32, lignes 1 à 3.

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13. De retour de la suspension de séance qui a duré trente minutes, le Procureur s’est abstenu de répondre aux questions posées par le juge de la mise en état16. Le Procureur a estimé que ces questions n’étaient pas en rapport avec la compétence et la qualité pour ester en justice, même si le juge de la mise en état a expliqué qu’il pensait le contraire17. Le Procureur a également fait savoir qu’il ne pouvait valablement répondre aux questions du juge de la mise en état que par le biais d’arguments écrits18. Par la suite, le Procureur n’a ni demandé l’autorisation de déposer des écritures supplémentaires, ni exprimé un quelconque souhait de compléter son mémoire relatif à la question avant que le juge de la mise en état ne rende son ordonnance.

III. L’ordonnance du 17 septembre 2010 du juge de la mise en état

14. Le 17 septembre 2010, le juge de la mise en état a rendu l’« Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal ». Le juge de la mise en état a conclu que le Tribunal avait compétence et que le Requérant avait qualité pour ester devant celui-ci. Dès lors, avant de se prononcer sur le bien-fondé de la Requête au fond et relevant que le droit d’accès d’une personne au dossier pénal le concernant n’est pas un droit absolu, le juge de la mise en état a demandé aux parties de soumettre leurs observations sur les éventuelles limitations de ce droit dans le contexte de la Requête présentée au Tribunal.

15. Le juge de la mise en état a d’abord conclu que la Requête relevait des pouvoirs « implicites » du Tribunal puisque son objet « [était] intimement lié à la compétence

16 Compte rendu, p. 32 à 34.

17 Compte rendu, p. 35, lignes 4 à 12, où le juge de la mise en état a relevé que « […] je prends acte de la position du Procureur considérant les questions que j’ai posées ne relèvent pas de la question, à son estime, des problèmes ou des questions relatives à la compétence ou à la capacité d’ester en justice. […] Je pensais, en tout cas, dans le cadre de mon ordonnance, vous avoir ordonné également la possibilité de vous exprimer sur cette question parce que, à mon avis, ces questions ne sont pas des questions de fond, mais peuvent être liées, c’est ce que j’ai rappelé tout à l’heure, peuvent être liées à la fois à la compétence et à la capacité d’ester en justice ».

18 Compte rendu, p. 34, lignes 20 à 23, et 17 à 23.

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matérielle originelle [du Tribunal] et doit être tranché dans l’intérêt de l’équité des procédures et d’une bonne administration de la justice19 ».

16. En deuxième lieu, le juge de la mise en état a considéré que le Requérant avait qualité « pour saisir le Tribunal des questions liées à la privation de liberté dont il a fait l’objet20 ». Bien qu’il ne soit pas une « partie » au sens du Règlement du Tribunal, le Requérant a été détenu en rapport avec l’affaire Hariri et s’est trouvé sous l’autorité juridique du Tribunal. Par ailleurs, le juge de la mise en état a été tenu, conformément au Règlement, de se prononcer sur le maintien en détention du Requérant21. Le juge de la mise en état a également fait observer que la libération du Requérant est intervenue sans préjudice d’éventuelles poursuites et que celui-ci pouvait toujours être mis en accusation par le Tribunal22.

17. Troisièmement, le juge de la mise en état a relevé le droit de portée générale de l’accusé d’avoir accès au dossier pénal le concernant, lequel découle des droits plus vastes de la défense et du principe général de l’égalité des armes ainsi que de la pratique des juridictions nationales et internationales23. Étant donné qu’un acte d’accusation n’a pas été émis à l’encontre du Requérant, bien que celui-ci ait été en détention pendant près de quatre ans, le juge de la mise en état a souligné que la notion de mise en accusation devait être interprétée avec souplesse dans le présent contexte : même en l’absence d’un acte d’accusation formel, la question du droit d’accès de l’accusé au dossier pénal le concernant peut être soulevée si les allégations émanant de l’autorité compétente ont des répercussions importantes sur la situation du suspect24. Le droit d’accès doit subsister après que l’individu a été libéré, sinon il ne serait pas possible de faire valoir le droit de demander réparation au titre de la détention arbitraire25.

19 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 32.

20 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 42.

21 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 39 (citant l’article 4 du Statut du Tribunal et l’article 17 du Règlement).

22 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 38 à 41.

23 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 45.

24 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 50.

25 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 51.

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18. Quatrièmement, le juge de la mise en état a conclu que le droit d’accès d’une personne à son dossier pénal n’était pas absolu mais pouvait être limité lorsque son exercice compromettait les enquêtes, mettait en danger la sécurité physique de personnes ou affectait d’autre manière la sécurité nationale ou internationale26. Le juge de la mise en état a donc demandé au Requérant et au Procureur de présenter leurs arguments sur de possibles limitations ou restrictions du droit d’accès au dossier détenu par le Procureur dans le cas d’espèce27. En particulier, le juge de la mise en état a demandé au Requérant et au Procureur de remettre des réponses écrites aux six questions visées au paragraphe 57 de l’Ordonnance, notées dans la marge28, avant le 1er octobre 2010.

ARGUMENTS DES PARTIES

I. Appel du Procureur

19. Le 28 septembre 2010, le Procureur a fait appel de l’Ordonnance du juge de la mise en état et demandé d’urgence la suspension de son exécution29. Le Procureur affirme qu’ont été commises quatre erreurs de droit, à savoir : i) que le juge de la mise en état a appliqué un critère erroné pour la détermination de la compétence inhérente du Tribunal ; ii) que le juge de la mise en état a appliqué un critère erroné

26 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 53.

27 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 57.

28 « (i) Toutes les pièces sollicitées par le Requérant font-elles partie du dossier pénal qui le concerne et sont-elles en la possession du Procureur ?

(ii) Les limitations ou restrictions susvisées aux paragraphes 53 et 54 [de l’Ordonnance du juge de la mise en état] s’appliquent-elles au cas d’espèce ?

(iii) D’autres limitations ou restrictions s’imposent-elles ? (iv) Le cas échéant, ces limitations ou restrictions s’appliquent-elles à l’ensemble des pièces sollicitées par le

Requérant ou seulement à certaines d’entre elles, et dans ce cas, lesquelles ? (v) Le cas échéant, quelle forme l’accès au dossier devrait-elle prendre ? En d’autres termes, les pièces ou des

copies de celles-ci doivent-elle être nécessairement remises au Requérant ou uniquement consultables par lui ? Cette consultation devrait-elle être limitée au conseil du Requérant seulement ?

(vi) Des mécanismes d’entraide judiciaire internationale s’appliquent-ils et, le cas échéant, quelles en sont les conséquences par rapport à la demande du Requérant ? »

29 Appel de l’« Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal » , Document n° OTP/AC/2010/01, 28 septembre 2010 (l’« Appel »).

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pour la détermination de la qualité pour agir ; iii) que le juge de la mise en état a commis une erreur dans l’interprétation du Règlement touchant aux obligations de communication des pièces ; et iv) que le juge de la mise en état a commis une erreur en ordonnant au Procureur de faire traduire sa duplique en français.

20. Le Procureur fait d’abord valoir que l’Ordonnance est immédiatement et de droit susceptible d’appel, en ce qu’elle porte sur la compétence du Tribunal30. Le Procureur applique par analogie l’article 90Bi afin de justifier l’existence d’un appel interlocutoire de droit en l’espèce, même s’il reconnaît que l’article 90Bi, conformément à l’article 90E, s’applique « exclusivement » aux requêtes qui contestent un acte d’accusation pour des motifs juridictionnels. Le Procureur souligne qu’en vertu du Statut et du Règlement du Tribunal, la Requête est sui generis, et demande à la Chambre d’appel d’interpréter le Statut et le Règlement avec souplesse et conformément aux principes qui les sous-tendent, afin de déclarer la procédure d’appel du Tribunal applicable au cas d’espèce et de reconnaître le droit du Procureur à un appel immédiat sans certification préalable31.

21. Le Procureur sollicite également la suspension immédiate de l’Ordonnance du juge de la mise en état, affirmant que l’exécution de celle-ci entraînerait la divulgation inopportune d’informations très sensibles au Requérant et à son conseil, laquelle porterait préjudice au Procureur32. Ce dernier fait valoir que le juge de la mise en état a statué sur le bien-fondé de la Requête sans avoir entendu au préalable les arguments du Procureur sur l’existence du droit d’accès au dossier et laisse entendre que cette défaillance alléguée augmenterait la probabilité d’un préjudice s’il était maintenant appelé à commenter de possibles limitations de ce droit33.

22. À la différence de ce qu’il affirme sur la juridiction de recours, le Procureur prie la Chambre d’appel de donner une interprétation restrictive de la compétence du

30 Appel, par. 4 à 6.

31 L’article 90Bii exige une certification préalable pour les appels interlocutoires de toutes les exceptions préjudicielles ne relevant pas de l’article 90E. Notant la nécessité « de statuer équitablement et rapidement sur cet appel », le Président a accueilli la demande du Procureur tendant à obtenir l’autorisation d’interjeter un appel interlocutoire par l’Ordonnance du 1er octobre 2010. Voir par. 2, supra, et par. 54, infra.

32 Appel, par. 7 à 9.

33 Appel, par. 10 à 12.

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Tribunal s’agissant de la Requête proprement dite34. À l’appui de cette position, le Procureur avance les arguments suivants : i) un tribunal peut exercer sa compétence inhérente aux seules fins d’indiquer le champ de sa compétence principale35 ; ii) la compétence inhérente du Tribunal « découle automatiquement de l’exercice de la fonction judiciaire36 », laquelle consiste selon le Procureur à « statuer sur l’affaire ou les affaires qui seront portées devant celui-ci », car en l’absence d’acte d’accusation, il estime que cette fonction judiciaire n’a pas encore été enclenchée de sorte que le Tribunal ne peut pas encore exercer sa compétence inhérente à l’égard de questions connexes mais incidentes37 ; iii) Les dispositions du Statut sur la compétence ne laissent place à aucune équivoque et n’ont donc nul besoin d’être interprétées, et le juge de la mise en état a dès lors eu tort de recourir à la jurisprudence externe concernant la compétence inhérente38 ; iv) Le juge de la mise en état a fait l’erreur de se fonder sur « la qualité du Requérant et la nature de la mesure sollicitée comme critères pour déterminer l’existence de la compétence39 ».

23. En ce qui concerne la deuxième erreur de droit alléguée, le Procureur soutient que le fait que le Requérant ait été détenu sous l’autorité du Tribunal est insuffisant pour conférer la qualité pour agir. Appelant à nouveau à une interprétation restrictive du Règlement, le Procureur fait valoir que le Requérant ne peut pas avoir qualité pour ester devant le Tribunal s’il n’est ni une partie à la procédure, ni une victime participant à la procédure, une tierce partie ou un amicus curiae, un suspect ou un accusé, comme le prévoit le Règlement40.

24. Pour ce qui est du bien-fondé de la Requête, le Procureur avance deux arguments : premièrement, il répète que le juge de la mise en état l’a privé de la possibilité d’être entendu sur le bien-fondé de la Requête, notamment sur la question

34 Appel, par. 16 à 19.

35 Appel, par. 16.

36 Appel, par. 16 ; TPIY, Le Procureur c. Tadić, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, IT-94-1-AR72, 2 octobre 1995 (« Arrêt relatif à la compétence Tadić »), par. 14.

37 Appel, par. 18.

38 Appel, par. 19.

39 Appel, par. 21.

40 Appel, par 27 à 31.

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de l’existence d’un droit d’accès aux documents41, et deuxièmement, que le juge de la mise en état a appliqué de manière erronée le régime de communication des pièces expressément établi par le Règlement42. S’agissant de ce dernier point, le Procureur présume que le Tribunal ne peut ordonner la divulgation d’éléments de preuve hors du cadre des dispositions obligatoires expressément prévues par le Règlement, à savoir la divulgation d’éléments de preuve à l’accusé après confirmation de l’acte43. Notant que le Requérant est tout au plus actuellement un possible suspect ou une possible personne d’intérêt, le Procureur prétend que l’article 15 du Statut du Tribunal confère au suspect uniquement « [l]e droit d’être informé qu’il y a des raisons de croire qu’il a commis un crime relevant de la compétence du Tribunal spécial ». Selon le Procureur, ce droit « ne peut être assimilé à une obligation découlant du Statut d’accorder l’accès aux éléments de preuve ou de les mettre à la disposition d’un suspect ou d’une personne d’intérêt pour l’enquête44 ».

25. En ce qui concerne la quatrième et dernière erreur de droit alléguée, le Procureur interprète l’Ordonnance du juge de la mise en état comme enjoignant au Procureur de faire traduire sa propre réplique en français pour les besoins du Requérant. Il affirme qu’il n’existe pas de bases légales fondant l’obligation du Procureur de déposer un document dans l’une quelconque des trois langues officielles du Tribunal45.

II. Réponse du Requérant

26. Le 12 octobre 2010, le Requérant a déposé une réplique à l’Appel du Procureur46. S’agissant du fond de l’appel, le Requérant prie la Chambre d’appel de déclarer irrecevable ou autrement mal fondé l’appel du Procureur et de confirmer l’Ordonnance du juge de la mise en état datée du 17 septembre 2010 dans tous ses aspects, renvoyant au juge de la mise en état tout débat concernant les limitations d’accès aux pièces du dossier. Le Requérant se réserve également le droit de répondre

41 Appel, par. 10 et 11, 22 à 24.

42 Appel, par. 34.

43 Appel, par. 35 ; voir article 110.

44 Appel, par. 36.

45 Appel, par. 38 à 43.

46 Réplique à l’Appel du Procureur, Affaire n° : CH/PTJ/2010/01, 12 octobre 2010 (la « Réplique »).

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à la décision proprio motu du Président d’inviter l’Organisation des Nations Unies à déposer un mémoire en qualité d’amicus curiae, ainsi que le droit de demander réparation des dommages causés par le retard dans la remise des documents qu’il a sollicités. S’agissant de la procédure, le Requérant demande la tenue d’une audience publique ainsi que l’autorisation de produire une duplique à la suite de la réplique du Procureur.

27. Le Requérant fait d’abord quelques observations préliminaires sur les pouvoirs inhérents du Tribunal, la nature de la procédure et la stratégie du Procureur47. Il affirme ensuite que l’Ordonnance du juge de la mise en état n’est pas susceptible d’appel au motif que l’article 90 ne s’applique pas expressément et que l’appel immédiat des jugements avant dire droit est autrement interdit. L’appel est également irrecevable car le Procureur n’a pas qualité pour agir (aucun jugement n’ayant été rendu sur le fond, aucun préjudice n’a dès lors été causé au Procureur), et car il n’a pas indiqué quel autre tribunal est selon lui compétent pour statuer sur la demande du Requérant48.

28. En ce qui concerne la compétence du Tribunal à l’égard de sa Requête, le Requérant rejette l’ensemble des arguments du Procureur, et fait en particulier observer ce qui suit : premièrement, l’argument du Procureur selon lequel la compétence inhérente découle de l’exercice de la fonction judiciaire, laquelle est définie par le mandat statutaire, enfermerait la compétence inhérente dans les limites de la compétence principale expressément fixée49. Deuxièmement, selon le Requérant, l’interprétation que fait le Procureur de la jurisprudence est trop restrictive ; les affaires mentionnées dans l’Appel sont des applications spécifiques d’un principe plus large de compétence inhérente50. Troisièmement, l’Appelant soutient que la compétence du Tribunal à l’égard de la demande du Requérant et des documents est exclusive, compte tenu du fait que le Procureur détient prétendument

47 Réplique, par. 7 à 11.

48 Réplique, par. 13 à 23.

49 Réplique, par. 28 et 29.

50 Réplique, par. 30 à 32.

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lesdits documents, et que si le Procureur devait être suivi dans son argumentation, le Requérant serait privé de son droit de recours effectif51.

29. Pour ce qui est de la qualité pour agir, le Requérant ne souscrit pas à l’interprétation restrictive du Règlement que fait le Procureur, laquelle lui semble incompatible avec la compétence inhérente du Tribunal. Le Requérant affirme que la qualité pour agir ne peut pas être considérée indépendamment de la nature de la requête et de la qualité des parties qui définissent les questions. Le requérant ayant sollicité l’obtention des documents qui ont motivé sa détention, le juge de la mise en état était fondé à définir la qualité pour agir du Requérant comme étant liée à la privation de sa liberté52.

30. Le Requérant s’oppose fondamentalement à l’argument du Procureur selon lequel la compétence et la qualité pour agir doivent être définies dans le vide. Ainsi le Requérant souligne-t-il que le juge de la mise en état n’a pas statué sur le bien-fondé de la Requête mais a dûment examiné la nature du droit d’accès dans le contexte de la compétence du Tribunal et de la qualité pour agir du Requérant. Ce dernier fait également observer que le Procureur, qui savait que le juge de la mise en état entendait débattre à l’audience des faits et du contenu de la Requête sur le point limité de la compétence mais a refusé par la suite de répondre aux questions du juge de la mise en état, ne peut à présent se plaindre de ce que son droit d’être entendu a été violé53.

31. En ce qui concerne l’argument principal du Procureur quant au fond, le Requérant soutient que le régime de communication des pièces établi par le Règlement ne s’applique pas au cas d’espèce. Le fait que le Requérant ait été détenu pendant près de quatre ans sans être officiellement inculpé ne saurait signifier qu’il ne peut avoir accès à son dossier pénal tant qu’il n’aura pas été formellement inculpé. L’argument du Procureur selon lequel le Requérant ne peut obtenir l’accès à son dossier qu’à condition d’être de nouveau accusé, formellement cette fois, est « tristement paradoxal » et transforme son droit immédiat et absolu en un droit

51 Réplique, par. 32 et 33.

52 Réplique, par. 43 et 44.

53 Réplique, par. 34 à 41.

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conditionnel et futur, le privant ainsi tant de son droit d’accès à son dossier que de son droit à un recours efficace54.

32. Enfin, le Requérant rejette l’argument du Procureur sur la traduction des documents, faisant observer que ce dernier a par le passé accepté de faire traduire en français des pièces de procédure à l’intention du Requérant55.

III. Duplique du Procureur

33. Le Procureur a déposé sa duplique le 19 octobre 201056, dans laquelle il affirme de nouveau que l’ordonnance du juge de la mise en état pouvait être immédiatement réexaminée57 mais que la Requête même ne relevait pas de la compétence principale et inhérente du Tribunal58. Selon le Procureur, le juge de la mise en état a commis une erreur en statuant de façon prématurée sur le bien-fondé de la Requête et en appliquant le mauvais critère pour établir la qualité pour ester en justice, en demandant si le Requérant « n’[était] pas une personne totalement étrangère » à la procédure plutôt que de demander s’il n’était pas une « partie »59. Le Procureur réaffirme sa position selon laquelle il est seulement tenu de communiquer des éléments de preuve à l’accusé et ce, uniquement après le dépôt d’un acte d’accusation, et il réitère qu’il n’est nullement obligé de faire traduire ses arguments en français pour le compte du Requérant60.

54 Réplique, par. 45 à 50.

55 Réplique, par. 51.

56 Duplique du Procureur à la « Réplique à l’appel du procureur », Affaire n° OTP/AC/2010/03, 19 octobre 2010 (« Duplique »).

57 Duplique, par. 3.

58 Duplique, par. 4 à 6.

59 Duplique, par. 8 et 9.

60 Duplique, par. 12 et 14.

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DÉCISION

34. Ayant dûment examiné la demande d’audition du Requérant ainsi que l’opposition du Procureur à celle-ci, la Chambre d’appel a refusé d’entendre l’exposé oral des arguments. Cette décision se fonde sur le principe de l’économie judiciaire ainsi que sur la nature juridique des questions devant être tranchées. Elle ne porte pas préjudice à la nécessité d’un exposé oral des arguments en cas d’appel formé contre un jugement ultérieur sur le fond de la Requête.

I. Langue des mémoires

35. Nous examinerons d’abord le dernier moyen de l’appel du Procureur, puisque nous pouvons le trancher rapidement. Le Procureur avance que le juge de la mise en état lui a ordonné de communiquer la version française de son mémoire au Requérant. Ce grief, qui découle d’une lecture manifestement erronée et pour le moins surprenante de l’Ordonnance, est presque abusif.

36. Dans son dispositif, le juge de la mise en état a premièrement ordonné que les mémoires écrits du Requérant et du Procureur soient déposés pour le 1er octobre 2010 au plus tard ; il a ensuite ordonné que les mémoires soient communiqués simultanément au Requérant et au Procureur « après traduction du mémoire du Procureur en français », ce qui signifiait que la traduction devait être effectuée par le Greffe après que le Procureur avait déposé son mémoire ; et il a enfin ordonné que le Requérant et le Procureur « déposeront leurs répliques dans les 10 jours qui suivront la communication simultanée des mémoires, avec la traduction française de celui du Procureur61 ».

37. À la simple lecture de l’Ordonnance, cette dernière instruction fait référence à la demande antérieure du Requérant tendant à ce que les délais pour le dépôt des mémoires soient fixés à compter du jour de réception de la traduction française du document concerné, demande à laquelle le Procureur ne s’est pas opposé et que le juge de la mise en état a accueillie62. Bref, le juge de la mise en état a ordonné aux

61 Ordonnance du 17 septembre 2010, Dispositif.

62 Demande de notification de la réponse du procureur du 2 juin 2010 et des documents subséquents en langue

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parties de déposer leurs mémoires le même jour (le 1er octobre 2010) et a précisé qu’elles devaient se les communiquer simultanément, après la traduction du mémoire du Procureur par les soins du Greffe, et qu’à compter de ce moment-là, les parties auraient 10 jours pour déposer leurs répliques. S’il pouvait y avoir une confusion légitime quant à la signification de ce dispositif, le Bureau du Procureur aurait dû demander informellement des clarifications à ce sujet auprès du Greffe, sans que l’intervention des Chambres soit nécessaire.

II. Sur la question de savoir si le Tribunal a compétence

A. Le pouvoir des tribunaux internationaux de se prononcer sur leur propre compétence

38. Comme nous l’avons évoqué plus haut, le Procureur affirme d’abord que le juge de la mise en état a commis une erreur de droit en concluant que le Tribunal avait compétence pour statuer sur la Requête63. La Chambre d’appel doit donc se prononcer sur la question de savoir si le Tribunal a compétence pour connaître du problème soulevé par le Requérant, notamment celui de savoir si le juge de la mise en état peut demander au Procureur et au Requérant de discuter du bien-fondé de la requête que le Requérant a présentée aux fins d’avoir accès aux éléments de preuve pertinents. En d’autres termes, la Chambre d’appel doit statuer sur la propre compétence du Tribunal.

39. La question relative à l’étendue de la compétence d’un tribunal international comme celui-ci est un problème complexe. Pour l’aborder de façon appropriée, il est nécessaire d’examiner cette question dans le contexte plus large de l’exercice de la fonction judiciaire par les juridictions internationales.

40. Dans le cas des juridictions nationales, l’étendue de leur compétence (matérielle, personnelle, territoriale ou temporelle) est normalement définie par la loi. Il est naturel qu’il en soit ainsi, puisque les juridictions nationales forment un

française, Affaire n° CH/PTJ/2010/01, 3 juin 2010. Réponse du Procureur à la « Demande de notification de la réponse du procureur du 2 juin 2010 et des documents subséquents en langue française » présentée par Jamil El Sayed, Affaire n° CH/PTJ/2010/01, 4 juin 2010. Ordonnance portant prolongation du délai de dépôt de la réponse par M. Jamil El Sayed, Affaire n° CH/PTJ/2010/01, 4 juin 2010.

63 Appel, par. 16 à 19, se référant à l’Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 32.

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système judiciaire constitué d’organes judiciaires répartis sur l’ensemble du territoire d’un État, chacun étant doté de pouvoirs spécifiques et exerçant sa compétence sur des matières circonscrites dans un territoire bien délimité. Les juridictions nationales ont une structure non seulement horizontale, mais également verticale, et font partie d’une organisation hiérarchique au sein de laquelle les juridictions supérieures peuvent réexaminer ou réformer les décisions des juridictions inférieures. Dans les systèmes juridiques nationaux, les questions de compétence soulevées devant une cour ou un tribunal particulier peuvent, si la loi le prévoit, être réglées par cette cour ou ce tribunal, mais peuvent souvent être tranchées par une juridiction supérieure. D’ailleurs, dans certains pays, les questions de cette nature doivent être déférées à la plus haute juridiction, laquelle a le pouvoir de se prononcer et de rendre des décisions ayant force exécutoire à l’égard de toutes les juridictions du pays. De même, d’autres questions touchant à la conduite des procédures soulevées devant une cour ou un tribunal particulier peuvent devoir être tranchées par une autre juridiction ou par une juridiction supérieure. Tel est le cas de questions relatives à la récusation de juges, à des fautes commises par des personnes participant à la procédure et ainsi de suite.

41. Il en va autrement sur le plan international. Ici, il n’existe pas de système judiciaire. Les tribunaux ou cours sont créés par des États ou par des organisations intergouvernementales telles que l’Organisation des Nations Unies, ou en vertu d’accords entre les États et ces organisations, mais ceux-ci ne constituent pas un ensemble d’institutions judiciaires entretenant d’étroites relations. En réalité, chaque tribunal constitue une unité autonome, ou pour reprendre une formule, « une [sorte de] “monade” repliée sur elle-même64 » ou « une sorte d’organisme unicellulaire65 ». Il n’existe ni un lien horizontal, ni, a fortiori, un lien hiérarchique vertical entre les différents tribunaux. Comme l’a relevé fort à propos la Chambre d’appel du TPIY en 1995 en l’affaire Tadić (appel interlocutoire), « le droit international, du fait de l’absence d’une structure décentralisée, n’offre pas un système judiciaire intégré

64 L. Condorelli, « Jurisdictio et (dés)ordre judiciaire en droit international: quelques remarques au sujet de l’arrêt du 2 octobre 1995 de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić », Mélanges Valticos – Droit et Justice (Paris, Pedone 1999), p. 285 (Condorelli y décrit les tribunaux internationaux comme « des sortes de “monades” repliées sur elles-mêmes »).

65 P. Gaeta, « Inherent powers of International Courts and Tribunals », in L. C. Vohra et al (éd.), Man’s Inhumanity to Man (Kluwer, La Haye-Londres-New York, 2003), p. 365.

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assurant une répartition ordonnée du travail entre un certain nombre de tribunaux où certains aspects ou éléments de la compétence en tant que pouvoir pourraient être centralisés ou affectés à l’un d’eux mais pas aux autres 66 ».

42. Il s’ensuit que les cours et tribunaux internationaux ne peuvent s’en remettre à d’autres juridictions internationales pour statuer sur la question de la compétence et d’autres questions procédurales non prévues par leurs propres statuts. Ces tribunaux sont contraints de régler ces questions eux-mêmes. Autrement dit, les organes judiciaires internationaux doivent, chacun en ce qui les concerne, exercer des pouvoirs qui, dans d’autres systèmes juridiques, sont répartis dans une hiérarchie de cours et tribunaux.

43. Dès lors, chaque fois qu’une question liée à la compétence d’un tribunal international est soulevée, il incombe au tribunal concerné de la trancher, compte tenu de l’absence de tout autre organe juridictionnel ayant le pouvoir de statuer sur la question. Lorsque les instruments constitutifs de la juridiction concernée ne confèrent pas expressément à celle-ci le pouvoir de se prononcer sur sa propre compétence, il en résulte une situation apparemment paradoxale. En effet, en pareilles circonstances, une juridiction exerce un pouvoir non prévu par ses dispositions statutaires, en vue de décider si, en vertu de ces dispositions, elle est compétente pour statuer sur le bien-fondé de la question portée devant elle. Ce paradoxe disparaît toutefois si l’on reconnaît qu’une règle de droit international coutumier s’est fait jour en matière de compétence inhérente des juridictions internationales, une règle qui, entre autres, confère à chacune d’elles le pouvoir de se prononcer sur sa propre compétence (le principe de compétence de la compétence ou Kompetenz-Kompetenz). Cette règle est notamment affirmée par les nombreuses décisions rendues sur le plan international selon lesquelles les tribunaux internationaux ont le pouvoir d’identifier et de fixer les limites de leur propre compétence67.

66 TPIY, Tadić (Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence), par. 11.

67 Voir par exemple la décision rendue le 28 novembre 1923 par le Tribunal arbitral créé par le Royaume-Uni et les États-Unis dans le cadre de l’affaire Rio Grande Irrigation and Land Company Ltd, dans Recueil des sentences arbitrales de l’ONU, VI, n° 135 et 6. Voir également Interprétation de l’accord gréco-turc du 1er décembre 1926 (Protocole final) (Avis consultatif), 1928, CPJI, Série B, n° 16, p. 20 : (« [I]l est clair – en tenant compte notamment du principe suivant lequel, en règle générale, tout organe possédant des pouvoirs juridictionnels a le droit de se prononcer lui-même sur l’étendue de ses attributions dans ce domaine — que les questions

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B. Le concept de compétence inhérente

44. Il découle de la nature et de la structure des juridictions internationales évoquées plus haut, qu’outre le pouvoir de chaque juridiction de statuer sur sa propre compétence, les organes judiciaires internationaux peuvent être appelés à exercer leur compétence inhérente dans des proportions plus larges qu’une juridiction nationale. De nombreux organes judiciaires internationaux, tels la Cour internationale de Justice68, le TPIY69, le TPIR70, le Tribunal spécial pour la Sierre Leone71, la Cour

touchant l’étendue de la juridiction de la Commission mixte doivent être résolues par la Commission elle-même sans que l’intervention d’une autre instance quelconque soit nécessaire »). Lehigh Valley R.R. Co. (États-Unis) c. Allemagne, Décision du 15 décembre 1933, Recueil des senteces arbitrales, Vol. VIII, 160 (« Lehigh Valley R.R. c. Germany »), p. 186: « [TRADUCTION] Je n’ai aucun doute que la Commission est en mesure d’établir sa propre compétence en interprétant l’Accord qui l’a constituée[.] » ; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Hilaire, Constantine and Benjamin et autres c. Trinidad and Tobago, Série C, n° 94 [2002] Cour interaméricaine des droits de l’homme 4 (21 juin 2002) (« Hilaire c. Trinidad and Tobago »), par. 17 à 19: « [TRADUCTION] [L]a Cour, tout comme tout autre organe international ayant des fonctions juridictionnelles, détient l’autorité inhérente pour déterminer l’étendue de sa propre compétence » ; TSSL, Le Procureur c. Kallon et autres, Décision sur la constitutionnalité et l’absence de compétence (Affaire n° SCSL-2004-15-AR72(E), SCSL-2004-16-AR72(E), 13 mars 2004, par. 34 à 37; Dallah Real Estate and Tourism Holding Co. c. Ministre des affaires religieuses, Gouvernement du Pakistan [2010] UKSC 46, par. 79 à 82.

68 Dans l’Affaire des essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France) la Cour a considéré que « À cet égard, il convient de souligner que la Cour possède un pouvoir inhérent qui l’autorise à prendre toute mesure voulue, d’une part pour faire en sorte que, si la compétence au fond est établie, l’exercice de cette compétence ne se révèle pas vain, d’autre part pour assurer le règlement régulier de tous les points en litige ainsi que le respect des “limitations à l’exercice de la fonction judiciaire” de la Cour et pour “conserver son caractère judiciaire”. » (Affaire du Cameroun septentrional, Arrêt, CIJ, Recueil des arrêts, 1963, p. 29). « Un pouvoir inhérent de ce genre, sur la base duquel la Cour est pleinement habilitée à adopter toute conclusion éventuellement nécessaire aux fins qui viennent d’être indiquées, découle de l’existence même de la Cour, organe judiciaire établi par le consentement des États, et lui est conféré afin que sa fonction judiciaire fondamentale puisse être sauvegardée. » Affaire des essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France ), CIJ, Arrêt Recueil des arrêts, (1974) 457, p. 463 (par. 23).

69 TPIY, Tadić, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, Arrêt du 2 octobre 1995, par. 18 à 20; TPIY, , Blaškić c. Le Procureur Arrêt relative à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18 juillet 1997, 29 octobre 1997, par. 25, 26 et 28.

70 TPIR, Le Procureur c. Rwamakuba (Décision relative à la requête de la Défense en juste réparation), 31 janvier 2007, par. 45, 47 et 62 ; TPIR, Le Procureur c. Rwamakuba Rwamakuba (Décision sur l’appel interjeté contre la décision relative à la requête de la Défense en juste réparation), Affaire n° ICTR-98-44C-A, 13 septembre 2007, par. 26.

71 TSSL, Le Procureur c. Norman et autres, Décision sur l’appel de l’Accusation visant la Décision de la Chambre de 1ère instance du 2 août 2004 refusant la permission d’interjeter un appel interlocutoire, Affaire n° SCSL-04-14-T, Chambre d’appel, 17 janvier 2005, par. 32. Le Tribunal a expliqué : « [TRADUCTION] La Chambre d’appel peut recourir à sa compétence inhérente relativement à la procédure dont elle est saisie en bonne et due forme, lorsque le Règlement est muet et un tel recours s’avère nécessaire au nom de la justice […]. Le pouvoir inhérent du tribunal découle de la nature même du tribunal et est nécessaire à l’administration de la justice. Il

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interaméricaine des droits de l’homme72, la Cour européenne des droits de l’homme73, le Tribunal des différends iranoaméricains74 et le Tribunal administratif du BIT75, ont fait référence à la notion de compétence inhérente.

45. En ce qui concerne le Tribunal, nous entendons par « compétence inhérente » le pouvoir d’une Chambre du Tribunal d’élargir sa compétence aux questions juridiques incidentes découlant directement de questions dont le Tribunal est saisi en rapport avec l’affaire relevant de sa compétence principale. Cette compétence inhérente a pour point de départ le moment où l’affaire relevant de la compétence principale du Tribunal est portée devant celui-ci. Cette compétence peut en particulier être exercée lorsque, en raison d’obstacles juridiques ou d’entraves pratiques, aucune autre juridiction ne peut trancher les questions juridiques incidentes. La compétence inhérente est donc le corollaire ou la conséquence de la compétence principale, et est rendue nécessaire par le principe d’une bonne et équitable administration de la justice, notamment le respect intégral des droits des droits fondamentaux, le cas

ne s’agit pas de pouvoirs dérivés du Règlement ou d’un statut mais de pouvoirs qui doivent être exercés dans l’intérêt de la justice en raison de l’absence de dispositions statutaires expresses s’appliquant à une situation particulière. Il est rattaché à l’autorité judiciaire ».

72 Cour interaméricaine des droits de l’homme, Hilaire c. Trinidad et Tobago, par. 17 à 19.

73 CEDH, Ringeisen c. Autriche (Interprétation), Requête n° 2614/65, Arrêt du 23 juin 1973, par. 13, Série A, n° 16, par. 13 ; CEDH, Allenet de Ribemont c. France (Interprétation), Requête n° 15175/89, Arrêt du 7 août 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996II, par. 17.

74 E-Systems, Inc. c. Iran, 2 Iran-U.S. C.T.R. 51 (4 février 1983) (« E-Systems, Inc. c. Iran»); voir également Weiss, F., « Inherent Powers of National and International Courts: The Practice of the Iran-US Claims Tribunal », in Binder, C. et al. (éd.), International Investment Law for the 21st Century: Essays in Honour of Christoph Schreuer (Oxford: Oxford University Press, 2009), 185 à199, p. 193 et 194 (indique les affaires jugées par le Tribunal des différends iranoaméricains qui déterminent ses pouvoirs inhérents).

75 Voir Vollering (n° 15), Tribunal administratif de l’OIT, Arrêt n° 1884, 8 juillet 1999, par. 8 (« Le Tribunal n’a jusqu’alors jamais ordonné que les dépens soient assumés par un requérant. Néanmoins, il déclare sans équivoque qu’il est en droit de le faire dans le cadre du pouvoir, nécessaire, qui est le sien de contrôler sa propre procédure. Il est manifeste que ce pouvoir doit être exercé avec la plus grande précaution et uniquement dans les situations les plus exceptionnelles étant donné qu’il est essentiel que le Tribunal soit ouvert et accessible aux fonctionnaires internationaux sans qu’ils aient à subir l’effet dissuasif et rédhibitoire d’une éventuelle condamnation à assumer les dépens. Ceci dit, il y a un revers à la médaille : des requêtes futiles, abusives et répétées devant le Tribunal absorbent ses ressources et l’empêchent de traiter de manière rapide et complète les nombreuses requêtes méritoires qui sont portées devant lui. Elles sont aussi, évidemment, coûteuses et synonymes d’une perte de temps pour l’organisation défenderesse ».) ; Voir Martinuzzi, Tribunal administratif de l’OIT, Arrêt n° 1962, 12 juillet 2000, par. 4.

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échéant, de toutes les personnes participant à des procès internationaux à l’égard desquelles le Tribunal est expressément compétent.

46. Les juridictions internationales ont exercé cette compétence inhérente dans bon nombre de cas où les dispositions de leurs statuts ne prévoient ni expressément, ni tacitement, leur pouvoir de se prononcer sur la question. À titre d’illustration, on peut mentionner le pouvoir de prendre des mesures provisoires76, de demander la suspension de procédures nationales ou la suspension de sa propre procédure77, d’ordonner la cessation d’un acte illicite ou une d’une omission78, d’évaluer la crédibilité d’un témoin comparaissant pour déposer solennellement devant le tribunal international79, de rendre des décisions relatives aux allégations d’outrage au

76 Affaire Veerman, Sentence du 28 octobre 1957, Decisions of the Arbitral Commission on Property, Rights and Interests in Germany, Vol. 1 (Koblenz 1958), p. 120 : ([TRADUCTION]« Nous n’avons aucun doute sur notre pouvoir inhérent de rendre des sentences qui seraient nécessaires aux fins de protéger les droits des parties concernées, notamment leur liberté de présenter sans entrave leurs réclamations de cette Commission et de donner ainsi plein effet à la compétence et à l’autorité de cette juridiction. » ; TSSL, Le Procureur c. Brima et autres. ([TRADUCTION] Décision relative à la requête de la défense en appel en vertu de l’article 77J du Règlement sur à la foi l’imposition de mesures intérimaires et d’une ordonnance en vertu de l’article 77Cii, Affaire n° 0416AR77, 23 juin 2005, (Décision « Brima »), par. 9 ; voir également CEDH, Mamakutlov et Askarov c. Turquie, Requêtes n° 46827/99 et 46951/99, Arrêt du 4 février 2005, Recueil des arrêts et décisions 2005I, par. 123 et 124 (dans lequel la Cour conclut que les mesures provisoires doivent avoir force exécutoire à l’égard des États).

77 E-Systems, Inc. c. Iran (requête formulée auprès de l’Iran lui demandant de suspendre toute procédure nationale connexe) ; TPIY, Le Procureur c. Bobetko, Décision relative à l’appel de la Croatie concernant la Décision et les ordonnances du juge ayant confirmé l’acte d’accusation, Affaires n° IT-02-62-AR54bis, IT-02-62-AR108bis, 29 novembre 2002, par. 15 (« [TRADUCTION] Le Tribunal a le pouvoir inhérent de suspendre la procédure lorsqu’il y a abus du processus, tel qu’un pouvoir décision du besoin éprouvé par le Tribunal d’être en mesure d’exercer efficacement sa compétence sur la procédure. »). Comme l’a dit l’éminent juriste américain Benjamin Cardozo, « Le pouvoir de suspendre la procédure est lié au pouvoir inhérent de tout tribunal qui consiste à gérer les affaires de son rôle [.] » Landis c. North American Co., 299 U.S. 248, 254 (1936).

78 France c. Nouvelle-Zélande, Tribunal arbitral, Affaire concernant les problèmes nés entre la Nouvelle-Zélande et la France relatifs à l’interprétation ou à l’application de deux accords conclus le 9 juillet 1986, lesquels concernaient les problèmes découlant de l’affaire du Rainbow Warrior, (Nouvelle-Zélande c. France), sentence arbitrale du 30 avril 1990, Recueil des sentences arbitrales de l’ONU, vol. XX, p. 270, par. 114.

79 TPIY, Le Procureur c. Tadić, Arrêt du 15 juillet 1999, par. 322. La Chambre a considéré que « [S]’agissant de la présente affaire, une fois qu’un témoin à décharge a comparu, il revient à la Chambre de première instance de vérifier la crédibilité de son témoignage. Si le témoin a donné une déclaration préalable, la Chambre de première instance doit, dans sa recherche de la vérité et dans un souci d’équité du procès, être en mesure d’évaluer le témoignage à la lumière de ladite déclaration. Plutôt que de découler de la disposition supplétive que constitue l’article 89 B), ce pouvoir est inhérent à la compétence du Tribunal international, comme d’ailleurs de toute juridiction pénale, qu’elle soit interne ou internationale. En d’autres termes, il s’agit de l’un des pouvoirs mentionnés par la Chambre d’appel dans l’arrêt Blaskić relatif à l’injonction de produire et qui reviennent à un organe judiciaire, même s’ils ne sont pas explicitement ou implicitement prévus par le statut ou le règlement

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tribunal80, d’ordonner la réparation dans des circonstances appropriées81, d’examiner des questions ou de rendre des ordonnances d’office82, et de rectifier des erreurs matérielles contenues dans un jugement du tribunal83.

dudit organe, parce qu’ils sont indispensables à l’exercice des fonctions judiciaires et à la bonne administration de la justice. »

80 TPIY, Le Procureur c. Tadić (Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin), Affaire n° IT-94-1-A-R77, 31 janvier 2000, par. 18, 24,26 et 28 ; TPIY, Le Procureur c. Simić et autres,[TRADUCTION] Arrêt relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre d’un accusé et de son conseil, Affaire n° IT-95-9-R77, 30 juin 2000, par. 91 ; TSSL, Décision« Brima », par. 26, (ce paragraphe mentionne le « pouvoir inhérent de punir » l’outrage).

81 TPIR, Le Procureur c. Rwamakuba, Décision relative à la requête de la Défense en juste réparation, 31 janvier 2007, par. 45, 47 et 62 ; Le Procureur c. Rwamakuba, Décision sur l’appel interjeté contre la décision relative à la requête de la Défense en juste réparation, Affaire n° ICTR-98-44C-A, 13 septembre 2007, par. 26 ; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire Aloeboetoe et autres – Réparations, Série C, n° 15 [1993], Cour interaméricaine des droits de l’homme 2 (10 septembre 1993), par. 43 à 52 (ordonnant des réparations y compris une indemnisation pour préjudice moral et demandant à l’État défendeur de constituer un fonds en fidéicommis ainsi qu’une fondation aux fins d’aider à la distribution de dommages-intérêts).

82 Voir TPIR, Le Procureur c. Nyiramasuhuko et autres, Décision relative aux allégations d’outrage formulées par le Procureur, à l’harmonisation des mesures de protection des témoins et à l’avertissement donné aux conseils du Procureur, Affaire n° ICTR-97-21-T, ICTR-97-29-T, ICTR-96-15-T, ICTR-96-8-T, 10 juillet 2001, par. 19 (reformulant le projet d’ordonnance d’office relatif à la protection des témoins) ; CETC, Le Procureur c. Kaing, Décision sur l’appel de l’Ordonnance de placement en détention provisoire de Kaing Guek Eav, alias Duch, affaire n° 001/18-07-2007-ECCC-OCIJ (PTC01), 3 décembre 2007, par. 9-12 (notant de possibles erreurs de procédure commises par des co-juges d’instruction non soulevées par les conseils de la défense) ; voir aussi Jørgensen, N. H. B., ‘The Proprio Motu and Interventionist Powers of Judges at International Criminal Tribunals’, in Sluiter, G. and Vasiliev, S. (dir. pub.), International Criminal Procedure : Towards a Coherent Body of Law (London : Cameron, mai 2009), p. 121. Il est indiqué que ces affaires n’examinent pas explicitement le pouvoir d’agir d’office, mais il ressort clairement du contexte de ces opinions que les tribunaux considèrent ces mesures d’office comme relevant de leur pouvoir judiciaire inhérent.

83 Voir la sentence rendue le 14 février 1978 par le Tribunal arbitral franco-britannique dans l’affaire de la Délimitation du plateau continental : interprétation de la sentence du 30 juin 1977 dans 54 International Law Reports, p. 174.

De même, les tribunaux ont examiné la question de leur compétence inhérente pour la réouverture d’affaires dans le cas de fraude avérée ou d’autres circonstances exceptionnelles. Voir par ex., Lehigh Valley R.R. Co. C. Allemagne, p. 188, où il a été déclaré que « [L]orsque la décision implique une erreur de droit matérielle, la commission a non seulement le pouvoir, mais le devoir, sur présentation de preuves, de rouvrir l’affaire et de corriger une décision pour la rendre conforme aux faits et aux règles juridiques applicables » ; ibid., p. 190, « Aucun tribunal digne [de] ce nom ou de ce titre ne peut maintenir sa décision si ces allégations [de fraude, de parjure, de collusion et de suppression] sont bien fondées. Chaque tribunal a le pouvoir inhérent de rouvrir et de réviser une décision obtenue par la fraude ». ; TPIY, Le Procureur c. Mucić et autres, Arrêt relatif à la sentence, affaire n° IT-96-21-Abis, 8 avril 2003, par. 49 à 52 ; voir aussi Ram International Industries Inc. C. Iran, 29 Iran-U.S. C.T.R. 383 (28 décembre 1993), par. 20, notant le pouvoir inhérent de réviser des décisions mais refusant de l’exercer ; Cour interaméricaine des droits de l’homme, Affaire Genie Lacayo (Demande d’examen judiciaire du 19 janvier 1997), série C, n° 45 [1997] Cour interaméricaine des droits de l’homme 5 (13 septembre 1997), par. 6 à 12 (idem).

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47. La pratique répandue du recours par les cours et tribunaux internationaux à leurs pouvoirs inhérents et l’absence d’objections de la part d’États, d’entités non étatiques et d’autres parties intéressées démontrent l’existence d’une règle générale de droit conférant une telle compétence inhérente. La série de décisions rendues relativement à cette question ajoutée à l’acceptation tacite ou l’acquiescement de tous les sujets de droit international concernés indiquent clairement l’existence d’une pratique et d’une opinio juris qui nous fondent à conclure qu’une règle de droit international coutumier s’est constituée.

48. Il ressort de la pratique des organes judiciaires internationaux que la règle conférant une compétence inhérente aux tribunaux internationaux vise généralement à combler de possibles lacunes dans la réglementation juridique de la procédure. Plus particulièrement, cette règle a notamment pour but de : i) garantir la bonne administration de la justice ; ii) contrôler la procédure et la bonne conduite du procès ; iii) garantir l’exécution par le tribunal de ses fonctions judiciaires (en traitant par exemple de la question d’outrage à la cour). La compétence inhérente ne peut donc exister que si la compétence principale du tribunal peut être pleinement exercée (comme dans le cas de la compétence de la compétence), ou son autorité imposée à l’égard de toute question afférente à sa compétence principale et dont la détermination sert l’intérêt de la justice équitable.

49. La compétence inhérente est toutefois soumise à des restrictions. Elle doit être conforme aux principes de la bonne administration de la justice et du respect total des droits de l’homme et, dans le domaine du règlement judiciaire des différends entre États, au consentement ou à la volonté des États84. Dans les procédures pénales internationales, cela signifie que la compétence inhérente ne peut pas être exercée d’une manière incompatible avec les droits fondamentaux de l’accusé ou de toute autre personne impliquée dans la procédure pénale85.

84 Voir TPIY, Le Procureur c. Delalić et consorts (Décision du Président relative à la requête de l’Accusation aux fins de la production des notes échangées entre Zejnil Delalić et Zdravko Mucić), 11 novembre 1996, par. 24.

85 Ce dernier point en particulier a été affirmé par une Chambre de première instance du TPIY dans Kupreškić et autres, Arrêt, Affaire n° IT-95-16-T, 14 janvier 2000, par. 739 à 741.

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C. Le Tribunal est-il doté d’une compétence inhérente dans la présente instance ?

50. En l’espèce, le Requérant a été arrêté et détenu en 2005 par les autorités libanaises à la demande du Commissaire de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies. Il a été maintenu en prison pendant près de quatre ans sous l’autorité de la juridiction libanaise. Le 10 avril 2009, en vertu de l’article 42 du Statut, les autorités libanaises se sont dessaisies en faveur du Tribunal eu égard au Requérant et aux trois autres personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire Hariri. À la suite d’une demande du Procureur, le juge de la mise en état a ordonné le 29 avril 2009 aux autorités libanaises de libérer le Requérant et les autres personnes détenues au motif que le Procureur considérait que, sur la base des documents remis par la juridiction libanaise, aucun chef d’accusation ne pouvait être retenu contre eux à ce stade. Le Requérant affirme notamment maintenant que sa détention a reposé sur de faux témoignages de témoins entendus par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies, et demande au Tribunal de lui communiquer les preuves en sa possession qu’il juge nécessaires pour intenter une action en réparation pour détention arbitraire et dénonciations calomnieuses devant un tribunal national.

51. La compétence principale du Tribunal est assurément limitée par le mandat que lui confère l’article premier de l’Accord entre les États-Unis et la République libanaise portant création du Tribunal, tel qu’annexé à la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité du 30 mai 200786 (« l’Accord »), ainsi que les articles 1er et 2 du Statut, à savoir de juger toutes les personnes responsables de l’attentat du 14 février 2005 qui a entraîné la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes et, s’il y a lieu, les personnes responsables d’autres attentats connexes. Cette compétence limitée est confirmée par l’article 21 du Statut, qui indique clairement que le Tribunal « limite strictement le procès, l’appel et la révision à un examen rapide des questions soulevées par les charges, des moyens d’appel ou des moyens de révision » (non souligné dans l’original). Il n’est pas douteux que l’affaire en question ne relève pas de la compétence principale du Tribunal. La question peut donc être libellée comme suit : le Tribunal possède-t-il une compétence inhérente à

86 UN Doc. S/RES/1757(2007).

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l’égard de la question de savoir si le Requérant est habilité à demander l’obtention de pièces à conviction relatives à sa détention ?

52. En répondant à cette question, la Chambre d’appel garde à l’esprit son obligation qui consiste à appliquer les normes de justice les plus élevées et à assurer l’administration équitable de la justice, comme le prévoient le Statut du Tribunal87 et les principes généraux du droit international88.

53. Agissant dans le cadre de sa compétence principale, le Tribunal est à présent réputé être en la possession des éléments de preuve ayant fondé la détention du Requérant pendant près de quatre ans. Ainsi la compétence incidente des Chambres du Tribunal à l’égard des questions juridiques posées dans la Requête découle-t-elle directement de la transmission du dossier au Procureur du Tribunal conformément au paragraphe 2 de l’article 4 du Statut du Tribunal, même si aucune disposition du Statut ou du Règlement ne traite directement du fond de la Requête. Le pouvoir de déterminer si une personne ayant qualité pour agir peut demander à accéder aux éléments de preuve en la possession du Tribunal est forcément lié à l’exercice de la compétence principale du Tribunal consistant à recueillir et à préserver ces preuves. En outre, comme le juge de la mise en état l’a judicieusement fait observer dans sa décision du 17 septembre 2010 (par. 35), si le Tribunal devait se déclarer incompétent pour statuer sur cette question, le Requérant serait privé de son droit d’accéder à certaines pièces pertinentes de son dossier pénal et serait ainsi privé du droit de demander réparation pour les prétendus faux témoignages ayant conduit à son emprisonnement. Dans ces conditions, confirmer la compétence du Tribunal n’irait pas à l’encontre des buts énoncés au par. 48 ci-dessus. En effet, le fait de trancher affirmativement cette question juridictionnelle et de déclarer que le Tribunal possède une compétence inhérente comble une lacune imprévue dans la réglementation juridique, et permet de statuer sur une question de procédure découlant de l’exercice de la compétence principale du Tribunal. De plus, une telle décision doit être prise

87 À titre d’exemple, l’article 282 du Statut du Tribunal.

88 Voir, à titre d’exemple, R. c. Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate et autres, Ex parte Pinochet Ugarte (n° 2), [2000] 1 AC 119 (« Re Pinochet »), p. 132.

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en application du principe d’une bonne administration de la justice et du respect total des droits de toutes les personnes impliquées dans la procédure devant le Tribunal.

D. La compétence de la Chambre d’appel d’entendre l’appel interlocutoire

54. La Chambre d’appel exerce également sa compétence inhérente en entendant cet appel interlocutoire. La Chambre d’appel n’entend pas normalement les appels interlocutoires non prévus par le Règlement, mais se trouve néanmoins obligée de le faire dans le cas d’espèce, du fait qu’il s’agisse d’une situation non prévue par le Règlement. De plus, une erreur de compétence aurait été commise, laquelle donnerait lieu à une injustice si ladite erreur alléguée n’était pas corrigée89.

55. Il convient de souligner que, contrairement à ce qu’affirme le Requérant dans sa Réponse du 12 octobre 2010 (par. 12 à 20), la Chambre d’appel est habilitée à trancher à ce stade non seulement la question de la compétence mais aussi celle de la qualité pour ester en justice. Ce pouvoir ne découle pas du Règlement, qui traite uniquement des cas où l’accusé a été déféré au Tribunal, situation encore inédite. Il résulte des principes généraux du droit pénal international ainsi que du principe fondamental de l’économie judiciaire. En effet, ces questions précèdent toute question sur le fond et toutes deux doivent être tranchées à ce stade : si la Chambre d’appel devait déclarer que le Tribunal est incompétent ou que le Requérant n’a pas qualité pour agir, aucune discussion sur le fond ne pourrait avoir lieu. Il serait illogique que la Chambre d’appel examine ces questions préliminaires après que le juge de la mise en état a rendu une décision sur le fond. Si la Chambre d’appel devait conclure à ce stade à l’incompétence du Tribunal ou à l’absence de qualité pour agir du Requérant, la procédure sur le fond devant le juge de la mise en état aurait été inutile.

56. Toute décision tendant à déclarer le Tribunal compétent pour connaître de la question considérée ne revient certes pas à statuer sur les modalités et limites du droit d’accès du Requérant à un ensemble de documents spécifiques, y compris le délai imparti pour l’exercice d’un tel droit. Il s’agit là d’une question de fond que le juge de la mise en état doit trancher sur la base du règlement applicable et des arguments des parties, en tenant compte des circonstances particulières du cas

89 Voir Tadić, Décision relative à la compétence, par. 6 ; Re Pinochet, p. 132.

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d’espèce, notamment du fait qu’un témoin-clé serait revenu sur son témoignage. Dans l’exercice de ses fonctions, le juge de la mise en état devra trouver le juste équilibre entre le droit du Requérant à des réparations s’il a été détenu illégalement, d’une part et, d’autre part, du besoin du Procureur de mener son enquête de façon efficace et en protégeant la confidentialité des témoins et des éléments de preuve.

57. Compte tenu de ce qui précède, la Chambre d’appel confirme la décision du juge de la mise en état selon laquelle le Tribunal possède une compétence inhérente pour trancher la question soulevée par le Requérant.

III. Le Requérant a-t-il qualité pour ester devant le Tribunal ?

58. Dans son Ordonnance du 17 septembre 2010, le juge de la mise en état a indiqué que le Requérant avait qualité pour saisir le Tribunal de questions spécifiques relatives à la privation de liberté dont il a fait l’objet90. Dans son appel, le Procureur soutient au contraire que le Requérant n’a pas qualité pour ester devant le Tribunal91. Il fait brièvement observer que le critère déterminant la qualité pour agir « est axé […] sur la partie […] et non sur les questions devant être tranchées à la demande de cette partie ». Selon le Procureur, le Requérant n’étant ni accusé, ni victime, ni tierce partie, ni amicus curiae, il n’a pas qualité pour ester devant le Tribunal. Or, ce point de vue est trop restreint.

59. De prime abord, le Procureur semble soutenir que la détermination de la qualité pour ester en justice doit s’effectuer dans l’abstrait et reposer uniquement sur la situation juridique du Requérant à l’égard du Tribunal, sans tenir compte de la question en jeu ou de la mesure sollicitée. Cette affirmation est fallacieuse. Si la question de la compétence peut être interprétée comme une simple appréciation du pouvoir du tribunal d’examiner certaines questions dans l’abstrait, la question de la qualité pour ester en justice requiert une compréhension plus profonde des points effectivement en cause. Afin d’établir la qualité pour agir d’une personne, il convient de déterminer au moins de prime abord ce qu’elle demande au tribunal, y compris si elle a le droit de demander réparation pour ce préjudice. Si ces points n’étaient

90 Ordonnance du 17 septembre 2010, par. 42.

91 Appel, par. 25 à 32.

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pas examinés, le tribunal ne serait pas en mesure d’établir s’il est habilité à trancher la question se rapportant au justiciable et de faire ainsi valoir la règle de droit en réparant le préjudice qui lui a été prétendument causé92.

60. En règle générale, la notion de qualité pour ester en justice, dans la mesure où elle peut découler des principes généraux de la procédure pénale, se rapporte au droit d’une personne prétendument lésée par la violation d’une règle juridique de demander réparation pour tout préjudice qu’elle peut avoir subi. Lorsqu’un tribunal international de compétence limitée considère qu’un requérant peut demander une certaine réparation, les facteurs pertinents possible seraient : i) que le requérant a été pénalisé par la conduite d’une autre personne ou d’un autre organe ; ii) que cette conduite lui a causé un préjudice ou un dommage important (c’est-à-dire un lien causal) ; iii) que cette conduite est liée à la procédure du tribunal ou autrement en lien avec le mandat principal du tribunal ; et iv) que le tribunal auquel la demande est adressée est habilité à trancher la question en vertu de la compétence qui lui est conférée, et à faire ainsi valoir la primauté du droit en réparant le préjudice allégué93.

61. D’autres tribunaux pénaux internationaux ont rarement eu à se pencher sur la qualité pour agir d’un requérant qui n’est pas déjà un participant à la procédure devant un tribunal, mais cette situation n’est pas en soi déterminante. Quoi qu’il en soit, le juge de la mise en état a déclaré avec raison (par. 40 à 42) que le Requérant faisait partie des personnes visées à l’article 42 du Statut du Tribunal et à l’article

92 TSSL, Le Procureur c. Brima et consorts (Décision relative à l’appel interjeté par la défense conformément à l’article 77(J)), Affaire n° 04-16-AR77, 23 juin 2005, par. 33 et 34 (examinant la question de la qualité pour agir du participant au vu de la mesure sollicitée) ; cf. Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), C.I.J. Recueil 1974, p. 463 (par. 22 à 24) (notant la nature contextuelle de la question juridictionnelle).

93 TSSL, Le Procureur c. Brima et consorts, par. 13 et 34 (évaluant la question de la qualité des défendeurs pour être entendus en rapport avec certaines mesures provisoires visant un enquêteur de la défense et des épouses des défendeurs au motif que de telles mesures pourraient influer sur la capacité des défendeurs de présenter leurs arguments) ; TPIY, Le Procureur c. Gotovina et autres, Décision sur une demande d’ordonnance de non-divulgation visant le Procureur Serge Brammertz, Affaire n° IT-06-90-T, 1er décembre 2009, par. 6 (la défense a qualité pour demander une ordonnance interdisant au procureur d’adopter une certaine conduite en dehors de la salle d’audience au motif qu’une telle conduite pourrait influer sur les droits des défendeurs à un procès équitable) ; CETC, Ordonnance relative à la recevabilité des demandes de constitution de parties civiles résidant dans la Province de Kampong Thom, Affaire n° 002/19-09-2007-ECCC-OCIJ, 14 septembre 2010 (évaluant la qualité des demandeurs pour être admis en tant que parties civiles en fonction du point de savoir si les demandeurs peuvent établir l’existence d’un préjudice réel découlant directement des crimes pour lesquels les défendeurs sont poursuivis).

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17A et 17B du Règlement. Il a été placé sous l’autorité du Tribunal entre le 10 et le 29 avril 2009, et a été libéré de prison au Liban en vertu de l’Ordonnance du juge de la mise en état datée du 29 avril 2009. Dès lors, bien qu’il ne soit techniquement ni suspect, ni accusé, ni victime au sens du Statut et du Règlement du Tribunal, le Requérant a néanmoins été placé sous l’autorité du Tribunal, ne serait-ce que pendant un court laps de temps. De même, les documents qui concernant le Requérant et qui sont en la possession du Procureur peuvent être considérés comme relevant de la compétence du Tribunal.

62. Le Requérant prétend que sa détention au Liban lui a causé un préjudice grave, et que son incarcération est due principalement aux « faux témoignages » d’un ou de plusieurs témoins (ce qui selon nous renvoie aux « contradictions existant entre [les] déclarations » de certains témoins, au « manque de preuve susceptible de corroborer ces déclarations », et à la rétractation ultérieure de certains dires de témoins, comme l’explique le Procureur en avril 2009)94. Il affirme avoir le droit d’accéder à son dossier pénal, afin d’exercer son droit d’intenter une action en réparation contre les faux témoins.

63. Comme l’a fait observer le juge de la mise en état (par. 44 à 54), une personne peut avoir un droit d’accès à son dossier pénal (qui n’est cependant pas absolu) et, compte tenu du fait que i) le Requérant a lui-même été détenu, ii) qu’il peut de ce fait avoir été lésé dans ses droits et iii) que le Tribunal, qui a temporairement contrôlé sa détention, semble à présent avoir la garde des éléments de preuve qui lui sont nécessaires pour obtenir réparation des préjudices subis (et pourrait ainsi lui fournir un recours), le Requérant a qualité pour ester en justice en rapport avec ce point particulier.

64. Nous sommes d’accord pour dire de façon générale qu’il existe un tel droit. Dans le cas qui nous occupe, ce droit peut s’étendre à tout ou partie du dossier, ou ne s’étendre à aucune partie, selon le résultat de l’évaluation des facteurs visés au paragraphe 56 effectuée par le juge de la mise en état, ainsi que toute autre considération qu’il juge pertinente. Il serait prématuré de se prononcer sur la nature

94 Ordonnance du 29 avril 2009, par. 34.

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et l’étendue de ce droit avant qu’un appel soit interjeté, lequel exige l’examen de ces questions.

65. Le juge de la mise en état a donc dûment examiné, quoique de manière sommaire comme l’exige le stade de la procédure, la nature de la mesure sollicitée par le Requérant lorsqu’il a statué sur la question de sa qualité pour ester en justice. Le juge de la mise en état a donc conclu que le Requérant était autorisé à demander l’accès à son dossier pénal et que le Tribunal avait compétence pour se prononcer sur cette demande. Il reste cependant à statuer sur le fond pour i) dire s’il avait effectivement un droit d’accès exécutoire aux documents spécifiques qu’il prétendait être en la possession du Procureur et, dans l’affirmative, ii) définir les modalités d’un tel accès. S’il devait finalement conclure au bien-fondé de la Requête du Requérant, le Tribunal serait en mesure d’accorder la mesure sollicitée par le Requérant. Par conséquent, la Chambre d’appel a considéré que le juge de la mise en état n’avait pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a conclu que le Requérant avait qualité pour saisir le Tribunal de sa question spécifique.

IV. Régime de communication relatif aux questions visées par la Requête

66. La Chambre d’appel confirmant la compétence du Tribunal à l’égard de la Requête ainsi que la qualité du Requérant pour saisir le Tribunal de certaines questions spécifiques liées à sa détention passée au Liban, le juge de la mise en état devra maintenant examiner et statuer sur le fond de la Requête, à savoir l’existence et l’étendue du droit du Requérant d’avoir accès aux documents de son dossier pénal en la possession du Procureur. Il incombe au juge de la mise en état d’examiner cette question en premier lieu.

67. La Chambre d’appel juge toutefois nécessaire de clarifier deux points en réponse aux arguments du Procureur.

68. Premièrement, le Procureur n’aurait pas dû être surpris par la discussion sur l’existence d’un droit d’accès dans l’Ordonnance rendue le 17 septembre 2010. Dans son Ordonnance portant calendrier du 25 juin 2010, le juge de la mise en état a explicitement informé les parties qu’il examinerait des questions factuelles et des questions relatives aux mérites de la demande du Requérant à l’audience. À cette

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Compétence et qualité pour ester en justice CA

occasion, il a également posé directement des questions au Procureur et accordé une suspension d’audience aux fins de laisser aux parties le temps de formuler leurs réponses. (Voir par. 11 à 13 ci-dessus.) Bien que le Procureur ait été informé à l’audience que le juge de la mise en état entendait rendre une décision à la mi-septembre95, il n’a pas fait d’effort pour déposer des arguments écrits, ni demandé la permission de le faire, dans les deux mois qui se sont écoulés entre-temps. Sur la base de ces faits, nous ne croyons pas que le Procureur se soit vu refuser toute possibilité d’être entendu sur la question.

69. En outre, le Procureur continue d’avoir la possibilité de soumettre ses vues sur tous les aspects de la question sur le fond, le juge de la mise en état l’ayant invité à présenter ses arguments écrits dans son Ordonnance du 17 septembre 2010. Le droit d’accès n’étant pas un droit absolu96, son existence dans une situation donnée ne peut être séparée des limitations et restrictions qui le définiraient.

70. Deuxièmement, les arguments du Procureur concernant le régime de communication prévu par le Règlement ne sont pas pertinents. Comme le Procureur le reconnaît97, la présente Requête sort du cadre du Règlement et ne peut faire l’objet d’une application littérale du Règlement ayant trait aux défendeurs accusés. Le fait que ce dernier envisage et prévoie la communication obligatoire d’éléments de preuve par le Procureur à l’accusé ne signifie pas qu’il interdise la communication d’éléments de preuve lorsqu’il n’y a pas d’acte d’accusation ni d’accusé, mais lorsque l’intérêt de la justice le requiert autrement. La présente Requête doit être considérée selon les préceptes de l’article 3, y compris les normes internationales des droits de l’homme et les principes généraux de la procédure et du droit pénaux internationaux, et conformément à l’esprit du Statut et du Règlement.

95 Compte rendu d’audience, p. 42.

96 Voir, par ex., CEDH, Jasper c. Royaume-Uni, Requête n°27052/95, arrêt du 16 février 2000, par. 52 (« [L]e droit à une divulgation des preuves pertinentes n’est pas absolu. Dans une procédure pénale donnée, il peut y avoir des intérêts concurrents – tels que la sécurité nationale ou la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles ou de garder secrètes des méthodes policières de recherche des infractions – qui doivent être mis en balance avec les droits de l’accusé ») ; cf. CEDH, Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni Requête n° 12244/86, arrêt du 30 août 1990, série A, n° 182, par. 34 (notant qu’« on ne saurait demander à ces États d’établir la plausibilité des soupçons motivant l’arrestation d’un terroriste présumé en révélant les sources confidentielles des informations recueillies à l’appui, ou même des faits pouvant aider à les repérer ou identifier »).

97 Appel, par. 4 à 6.

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Compétence et qualité pour ester en justice CA

CONCLUSION

71. L’appel est rejeté et il incombe maintenant au juge de la mise en état de se prononcer sur le fond de la Requête.

DISPOSITIF

La Chambre d’appel, à l’unanimité,

rejette l’appel du Procureur ;

affirme la compétence du Tribunal relativement à la Requête ;

confirme la qualité du Requérant devant le Tribunal pour demander les documents qui sont éventuellement contenus dans son dossier pénal, sans décider cependant si ce dernier a le droit de consulter tout ou partie de ces documents et, le cas échéant, dans quelles conditions ;

renvoie la Requête au juge de la mise en état pour qu’il l’examine quant au fond ; et

renvoie au juge de la mise en état le mémoire soumis par l’Organisation des Nations Unies et toute pièce connexe pour qu’il prenne les décisions qui s’imposent.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version anglaise faisant foi.

Fait le 10 novembre 2010, à Leidschendam, aux Pays-Bas.

M. le juge Antonio Cassese Président

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INDEX

2009 - 2010

Les nombres utilisés renvoient aux numéros de paragraphe des décisions

THÈME DOCUMENT DE RÉFÉRENCEÀ portée de l’ouïe, de la voix Détention. 13, 14, 15;Accord (article de l’) article 1

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51 ;

article 15 Dessaisissement. 3, 6 ; Mise en liberté. 19 ;

Accord entre l’Organisation des Nations Unies et la République libanaise portant création d’un Tribunal spécial pour le Liban (Annexe de la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies)

Dessaisissement. 2, 3, 6, 14 ; Mise en liberté. 2, 13, 19 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30, 39 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51 ;

Accusation Mise en liberté. 30 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 11, 15, 40, 45, 52 ; Récusation du Juge Riachy. 64, 72 ; Récusation du Juge Chamseddine. 21 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4, 50, 52 ;

Accusé Détention. 11, 13-16, 18, 20, 21, 25-27; Mise en liberté. 17, 25, 30, 31, 39; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 12, 14, 15, 34, 49, 51-53 ; Récusation du Juge Riachy. 23, 32- 36, 38, 40, 41, 52, 57, 69 ; Récusation du Juge Chamseddine. 22 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17, 23, 24, 31, 33, 49, 58, 61, 70 ;

Acquittement Compétence et qualité pour ester en justice JME 21 ;Acte d’accusation Mise en liberté. 11, 16, 31, 32; Compétence et qualité pour ester en

justice JME. 18, 48, 50; Disqualification Riachy. 4; Disqualification Chamseddine. 4; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 17, 20, 22, 33, 70;

Acte d’accusation, confirmation

Mise en liberté. 11, 16, 31, 32; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 49; Disqualification Riachy. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24;

Administration de la justice Dessaisissement. 19 ; Détention. 18 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18, 27, 31, 32 ; Récusation du Juge Riachy. 18 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15, 45, 48, 49, 53 ;

Affaire, connexe Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31 ;Affaire, terrorisme Compétence et qualité pour ester en justice JME. 55 ;Alibi Détention. 25 ;

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Index

Allégation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 50 ; Récusation du Juge Riachy. 18, 21-23, 44, 45, 52 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17, 54, 59, 60 ;

Amicus curiae Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 38 ; Récusation du Juge Riachy. 7 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 3, 23, 26, 58 ;

Appel Détention. 2 ; Mise en liberté. 1 ; Récusation du Juge Riachy. 7, 10; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 2, 3, 19-25, 26, 27, 28, 34, 35, 51, 58, 64, 71 ;

Appel, avant dire droit/interlocutoire

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 20, 27, 54 ;

Appel, infondé Compétence et qualité pour ester en justice CA. 27, 33, 35 ; Appel, irrecevable Compétence et qualité pour ester en justice CA. 27, 51 ;Argument Mise en liberté 7, 27 ; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 3, 5, 6, 8-12, 17, 19, 21, 22, 26, 56 ; Récusation du Juge Riachy. 35 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22, 24, 28, 31, 32, 34, 70 ;

Arrestation Dessaisissement. 5 ; Mise en liberté. 17, 24, 28-32 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 11, 40, 52 ; Récusation du Juge Riachy. 60 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4, 50, 69 ;

Assistance judiciaire/coopération

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 54, 55, 57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11;

Assistance juridique Détention. 16, 17;Attentat, 14 février 2005 Dessaisissement. 1, 4, 5 ; Détention. 3 ; Mise en liberté, 2, 14 ;

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 30, 33, 40, 41 ; Récusation du Juge Riachy. 1 ; Récusation du Juge Chamseddine. 1 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4, 51 ;

Attentat, connexe Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 30 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51 ;

Audience Dessaisissement. 5, 19; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 26, 55; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11, 12, 21, 34, 51, 68;

audience, inter partes Mise en liberté. 16;Audience, publique Dessaisissement. 5; Détention. 15; Mise en liberté. 9; Compétence

et qualité pour ester en justice JME. 5, 6; Récusation du Juge Riachy. 6; Récusation du Juge Chamseddine. 6; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 26, 30;

Auteur Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30;

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Index

Autorité judiciaire/juridiction Dessaisissement. 4, 5, 7, 10, 18; Détention. 3, 20, 24; Mise en liberté. 3, 14, 15, 24; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 40, 52; Récusation du Juge Riachy. 2, 3; Récusation du Juge Chamseddine. 2, 3;

Autorités, libanaises Dessaisissement. 1, 2, 4, 5, 6, 8, 10, 18 ; Détention. 1, 3-7, 9, 10 ; Mise en liberté. 2-5, 7, 12, 14, 15, 19, 24, 25, 27, 28, 34, 37 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7, 10, 11, 30, 40, 52, Récusation du Juge Riachy. 1-4, 17, 42, 43, 50, 53, 66 ; Récusation du Juge Chamseddine. 1-4, 14-16, 18, 19 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4-7, 50, 51, 61 ;

BIT, Tribunal administratif Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;Certification Compétence et qualité pour ester en justice CA. 20 ;Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

Détention. 27, 28;

Charge de la preuve Récusation du Juge Riachy. 45 ;Chef d’État Récusation du Juge Riachy. 27;Circonstances de l’affaire Détention. 11, 12, 22, 28 ; Mise en liberté. 6, 12 ; Compétence et

qualité pour ester en justice JME. 42 ; Récusation du Juge Riachy. 10, 19, 27, 31, 56, 71 ; Récusation du Juge Chamseddine. 10, 11, 14, 19; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 53, 56, 61 ;

Circonstances, exceptionnelles

Détention. 20 ; Mise en liberté. 7 ;

Circonstances, particulières Mise en liberté. 10, 16 ;Code de procédure civile libanais (article du) Article 116 Récusation du Juge Riachy. 58; Article 119 Récusation du Juge Riachy. 58; Article 120 Récusation du Juge Riachy. 43;Code de procédure pénale libanais (article du) Article 76

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 55;

Article 107 Mise en liberté. 30; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 40;

Article 340 Récusation du Juge Riachy. 43, 58; Article 360 Récusation du Juge Riachy. 66;Collusion Détention. 18, 25-28, 30 ; Compétence et qualité pour ester en

justice CA. 46 ;Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies

Mise en liberté. 6; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 18; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 50;

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Index

Common law Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45, 46; Communauté internationale Récusation du Juge Riachy. 49;Comparution devant le Tribunal

Mise en liberté. 17, 18, 29 ;

Comparution initiale Compétence et qualité pour ester en justice JME. 49;Compétence Dessaisissement. 4, 7-10; Mise en liberté. 14, 20, 25, 30, 31;

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 3, 9-11, 13, 14, 16-23, 27-29, 31, 33, 35-37, 43, 55, 56; Récusation du Juge Riachy. 6, 40, 43, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 6; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 9, 11-14, 20, 22, 24, 28, 30, 38, 39, 40-45, 50, 51, 53, 55-57, 59-61, 63, 65, 66;

Compétence, étendue Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22, 39-40, 54;Compétence, exclusive Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18, 35;Compétence, implicite (VOIR inhérent)

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31;

Compétence, inhérente Récusation du Juge Riachy. 35, 36; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 19, 22, 28, 29, 33, 43, 44-49, 51, 53, 54, 57;

Compétence, matérielle Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 30-36; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15, 40;

Compétence, personnelle (ratione personae)

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40;

Compétence, primauté Dessaisissement. 7;Compétence, principale Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31; Récusation du

Juge Riachy. 35-36, 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15, 22, 28, 33, 45, 48, 51-53, 60;

Compétence, temporelle Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40;Compétence, territoriale Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40;Compétences, concurrentes Dessaisissement. 4, 7; Mise en liberté. 14;Composition Récusation du Juge Riachy. 7, 64; Récusation du Juge

Chamseddine. 7;Compte rendu Compétence et qualité pour ester en justice JME. 49, 55;

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 12, 13, 68;Conduite Mise en liberté. 17, 29; Récusation du Juge Riachy. 26, 53;

Récusation du Juge Chamseddine. 17; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17, 60, 63;

Confiance Récusation du Juge Riachy. 18, 34;

Confidentialité Détention. 7, 14, 15, 18, 20; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7, 53, 54; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 56, 69;

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Index

Conflit Récusation du Juge Riachy. 32;

Conflit d’intérêt Récusation du Juge Riachy. 45;

Conseil de sécurité (Organisation des Nations Unies)

Dessaisissement. 2; Mise en liberté. 2; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 18;

Conseil supérieur de la magistrature du Liban

Récusation du Juge Riachy. 17, 53, 66; Récusation du Juge Chamseddine. 14, 16;

Conseil/coconseil Dessaisissement. 5, 6, 19; Détention. 2, 13-20, 29-31; Mise en liberté. 1, 16-19, 27, 34; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 15, 45, 47, 53, 57; Récusation du Juge Riachy. 5, 23, 38, 41, 45, 53; Récusation du Juge Chamseddine. 5, 16; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 18, 21, 46;

Contexte Dessaisissement. 13, 14; Détention. 13; Mise en liberté. 37; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 25, 45, 52; Récusation du Juge Riachy. 21, 32; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 14, 17, 30, 39, 46;

Contumace Mise en liberté. 4, 7;Copie, certifiée Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7; Cour de cassation du Liban Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45; Récusation du

Juge Riachy. 42-44, 46, 47, 50, 51, 57, 58, 61-68, 71; Récusation du Juge Chamseddine. 14;

Cour de Justice libanaise (ou Conseil judiciaire)

Mise en liberté. 4, 7, 28; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 40; Récusation du Juge Riachy. 43;

Cour européenne des droits de l’homme

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 45-48; Récusation du Juge Riachy. 34; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Cour interaméricaine des droits de l’homme

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Cour internationale de justice Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Cour pénale internationale Détention. 26; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18;Crime Détention. 17, 18, 25, 28, 30; Mise en liberté. 17, 25, 30, 31;

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 10, 14; Récusation du Juge Riachy. 5, 22, 32, 33, 65, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 5; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24;

Culpabilité Récusation du Juge Riachy. 35, 41, 69;De prime abord Compétence et qualité pour ester en justice CA. 59;

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Index

Déclaration Mise en liberté. 34, 37; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 25, 45, 49; Récusation du Juge Riachy. 40; Récusation du Juge Chamseddine. 13; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6,8, 46, 62;

Déclaration solennelle/serment

Dessaisissement. 10; Récusation du Juge Riachy. 17; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46;

Déclaration, fausse Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8;

Déclaration, rétractation Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 56, 62;Déclaration, témoin Mise en liberté. 34, 37; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 7, 10, 11, 49; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 62;

Défendeur Détention. 25;Défense Compétence et qualité pour ester en justice JME. 38, 45, 48;

Récusation du Juge Riachy. 38, 41;Déferer Compétence et qualité pour ester en justice JME. 41;Délai Mise en liberté. 7, 8; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 4, 33, 46, 49, 57; Délai, prorogation du Mise en liberté. 7, 8;Délais prescrits Dessaisissement. 9; Mise en liberté. 6, 11, 33, 36, 37; Compétence

et qualité pour ester en justice CA. 56;Demande de coopération Compétence et qualité pour ester en justice JME. 54;Déposition Compétence et qualité pour ester en justice JME. 49;Dessaisissement Dessaisissement. 5, 10, 15, 16; Mise en liberté. 24; Compétence et

qualité pour ester en justice JME. 11; Récusation du Juge Riachy. 44;

Dessaisissement, requête aux fins de

Dessaisissement. 15;

Détention (privation de liberté, incarcération)

Dessaisissement. 5, 14-16, 19; Détention. 2, 6-13, 17, 18, 20-27; Mise en liberté. 1, 3, 6, 7, 11, 12, 15-18, 22, 23, 25-33, 35-37, 39; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7, 10, 11, 21, 25, 42, 52; Récusation du Juge Riachy. 1, 6, 42, 50, 54, 56, 60, 62, 65, 67, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 1, 6, 14; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 16, 23, 29, 50, 51, 56, 58, 62, 63, 66;

Détention arbitraire Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4;Détention, arbitraire Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 2, 10,

44; Récusation du Juge Riachy. 5, 42, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 5, 13; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 50;

Détention, conditions de Détention. 7, 11, 13, 15, 17, 20-23, 27, 32;

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Détention, contrôle, autorité Détention. 8, 10-12;Détention, illégale Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 17, 18, 47, 51;Détention, légalité Compétence et qualité pour ester en justice JME. 9, 10, 25;Détention, provisoire Détention. 18, 27; Mise en liberté. 11, 16, 17, 18, 22, 23, 26-33, 35,

36, 39;Détention, quartier pénitentiaire

Détention. 7, 13, 21, 32;

Détention, régime, règlement Détention. 2, 9, 21, 22, 27, 33;Détention, règlement de Détention. 2, 8, 13, 22;Détenu, séparation Détention. 20-28, 32-33;Détenu, séparation Détention. 20-28, 32-33;Diffamation (dénonciation calomnieuse)

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1-2, 25; Récusation du Juge Riachy. 5, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 5; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 50;

Disposition Dessaisissement. 3-6, 13, 14; Détention. 8, 11, 13, 15, 22, 23; Mise en liberté. 13, 15; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 40, 45-46, 48-49, 54; Récusation du Juge Riachy. 58, 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 36, 43-44, 46;

Dossier Dessaisissement. 1, 4, 5, 9, 10, 15, 17, 19; Détention. 4, Mise en liberté. 2, 3, 5, 12, 25-27, 28, 34 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 9-11,18, 23, 27-29, 33, 34, 43-45, 47-49, 51-53, 55-57 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 14, 17, 18, 21, 24, 31, 53, 62-66;

Droit Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10-11, 15, 18, 30-31, 34, 45-46, 48, 53, 55; Récusation du Juge Riachy. 36, 40-41, 44-45, 49, 51, 58, 60-62, 70, 72; Récusation du Juge Chamseddine. 10, 12; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11, 19, 23, 25, 28, 38, 40-41, 47, 52, 55, 59-60, 65, 70;

Droit à réparation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10-11, 18; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 56, 59-60, 63, 65;

Droit civil Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45, 46 ;Droit d’accès à la justice, à un juge

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 18, 22;

Droit d’accès à un dossier pénal

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 16, 23, 32, 42-57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 14, 17-18, 21, 24, 26, 30-32, 56, 65, 66-69;

Droit d’accès à un dossier pénal, champs d’application

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 66 ;

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186

Index

Droit d’accès à un dossier pénal, limitationsCompromettre les enquêtesMettre en danger la sécurité physique des personnesAffecter la sécutité nationale ou internationale

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 18;

Droit d’accès à un dossier pénal, modalités

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 56, 65;

Droit d’accès au dossier de l’enquête

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 5, 10-12, 18, 47; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 8, 11, 18, 21-24;

Droit d’être entendu Détention. 11;Droit d’interjeter appel Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2;Droit de bénéficier de tous les moyens de préparer sa défense

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45-46;

Droit de demander une indemnisation

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 51; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 50, 53, 62;

Droit de l’accusé, d’être informé des charges retenues contre lui

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24;

Droit de l’accusé, de communiquer librement et en toute confidence avec son conseil

Détention. 13-20, 29-31;

Droit international (législation)

Détention. 6; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18, 34, 53; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 41, 47, 52, 55, 70;

Droit international coutumier Détention. 16; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 44; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 43, 47;

Droit international coutumier, opinio juris

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 47;

Droit international coutumier, pratique

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17, 47, 48;

Droit, absolu Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 10; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 14, 31, 69;

Droit, exercice effectif Détention. 16; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 44;Droit, inaliénable Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2;Droit, privation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 42; Compétence

et qualité pour ester en justice CA. 16, 29, 58;

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187

Index

Droit, restriction (limitation) Détention. 18-20, 26, 29-33; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53, 55-57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 12-14, 18, 21, 49, 69;

Droit, violation du Détention. 10; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31; Récusation du Juge Riachy. 40; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 60;

Droits de l’accusé Détention. 10, 11, 13-16, 18-20, 25-28, 29-33; Mise en liberté. 22, 25, 30, 31; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 12-14, 31-35, 43-57; Récusation du Juge Riachy. 36; Récusation du Juge Chamseddine. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 59-60; 62-70;

Droits de l’homme Détention. 6, 10, 13-20, 26, 29-31;Droits de l’homme, comité Mise en liberté. 22, 30 ; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 45;Droits de l’homme, fondamentaux

Détention. 10, 16, 20, 29; Mise en liberté. 7, 25, 26;

Droits de l’homme, instruments internationaux

Détention. 14, 23, 26; Mise en liberté. 30; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45, 51; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Droits de l’homme, organe de surveillance

Détention. 15, 18; Mise en liberté. 22, 30;

Droits de la Défense Détention. 14-16, 18; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 34, 44-45, 51-52; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17;

Droits des personnes détenues

Détention. 6, 10, 11, 20, 23-28, 29-33; Mise en liberté. 26, 29-32; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 9-12, 18-19, 32, 39-40; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 12, 16-18, 31, 50-53, 63;

Droits du suspect Détention. 10, 11, 13, 17-20, 25-28, 29-33; Mise en liberté. 22, 25, 29-32, 39; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 50; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 23-24;

Duplique Compétence et qualité pour ester en justice JME. 4, 8, 19-20; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 10-11, 19, 25-26, 36;

Économie judiciaire Dessaisissement. 14; Détention. 9; Récusation du Juge Riachy. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 34, 55;

Effet immédiat Dessaisissement. 5; Mise en liberté. 10, 15;Efficacité Dessaisissement. 14; Détention. 9;Égalité des armes Compétence et qualité pour ester en justice JME. 45, 47, 48;

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 17;Éléments constitutifs Récusation du Juge Riachy. 12;

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188

Index

Éléments de l’enquête Récusation du Juge Riachy. 3; Récusation du Juge Chamseddine. 3; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 8, 18;

Éléments de preuve Dessaisissement. 1, 5 ; Détention. 26, 27, 28, 30; Mise en liberté. 2, 26, 31, 35, 36; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 2, 7, 11, 48, 55; Récusation du Juge Riachy. 5, 18, 21, 24, 32, 41, 49, 51-53, 68-70, 74; Récusation du Juge Chamseddine. 5, 13, 17, 21; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 2, 11; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 24, 38, 51, 53, 56, 63;

Éléments de preuve, altération

Détention. 18, 28;

Éléments de preuve, communication

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 19, 24, 33, 50, 70;

Éléments de preuve, corroborer

Mise en liberté. 34; Récusation du Juge Riachy. 45; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 62;

Éléments de preuve, crédibilité

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6;

Éléments de preuve, matériel Mise en liberté. 34;Éléments de preuve, préservation

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 53;

Enquête Dessaisissement. 1, 4-6, 10, 12, 13, 15, 19; Détention. 4, 27; Mise en liberté. 2, 3, 5, 6; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 5, 11, 18, 39, 51, 53, 57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 11, 18, 24, 56;

Enquête, dessaisissement Dessaisissement. 15;Enquête, résultats de Dessaisissement. 1, 4, 5, 10, 15, 19; Détention. 4; Mise en liberté.

2, 3, 5, 14; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11;Entrée en vigueur Dessaisissement. 2, 13; Détention. 2, 15; Mise en liberté. 1;Erreur de droit Récusation du Juge Riachy. 21, 61, 62; Compétence et qualité pour

ester en justice CA. 19, 22, 23, 25, 54;Erreur de fait Récusation du Juge Riachy. 61, 62;Erreur, manifeste Mise en liberté. 38;Erreur, matérielle Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46;État de droit Compétence et qualité pour ester en justice CA. 59-60 ;Éthique judiciaire Récusation du Juge Riachy. 52;Examen Compétence et qualité pour ester en justice JME. 55; Récusation

du Juge Riachy. 19, 21, 23, 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 6, 51;

Exceptions préjudicielles Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 20;Exécution Compétence et qualité pour ester en justice CA. 3;

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Index

Faute professionnelle Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40;Fonctions judiciaire Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22, 28, 48; Fondement Dessaisissement. 11; Mise en liberté. 20, 27, 33-40;Fondement, juridique Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11, 14 ;

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 25 ;Fondement, valable Dessaisissement. 18 ; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 11 ;Gouvernement Récusation du Juge Riachy. 17, 18, 23, 42, 50, 51, 53; Récusation

du Juge Chamseddine. 13-16, 19, 21;Gravité Mise en liberté. 6;Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10; Récusation du Juge Riachy. 42, 50; Récusation du Juge Chamseddine. 15;

Hariri (affaire) Dessaisissement. 1, 4; Détention. 3; Mise en liberté. 2, 14; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7, 14, 27, 30, 33, 39, 57; Récusation du Juge Riachy. 1-3, 5, 8; Récusation du Juge Chamseddine. 1-3; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4, 5, 16, 50, 51;

Incident Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18, 31; Récusation du Juge Riachy. 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22, 45, 48, 53, 60;

Inclusion Récusation du Juge Riachy. 14;Incohérences Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 29, 49, 62;Information Mise en liberté. 12, 33, 34, 37, 38 ; Compétence et qualité pour

ester en justice JME. 11, 53; Récusation du Juge Riachy. 4, 32, 44; Récusation du Juge Chamseddine. 4; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 11;

Information, très sensible Compétence et qualité pour ester en justice CA. 21;Injustice Compétence et qualité pour ester en justice CA. 54;Innocence Récusation du Juge Riachy. 35, 41, 69;Intérêt général Mise en liberté. 25; Compétence et qualité pour ester en justice

JME. 53;Intérêt, fondamental Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53;Intérêt, légitime Compétence et qualité pour ester en justice JME. 19;Intérêt, pécuniaire Récusation du Juge Riachy.26-28, 30;Intérêt, personnel Récusation du Juge Riachy. 10, 13-16, 19, 23, 26, 38, 59, 70;

Récusation du Juge Chamseddine. 10, 14, 18, 20;Interprétation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 46; Récusation

du Juge Riachy. 21, 60; Récusation du Juge Chamseddine. 12; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 19, 22;

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Index

Interprétation, stricte (étroite, restrictive)

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22, 23, 28, 29;

Isolement Détention. 23; Juge Mise en liberté. 4; Compétence et qualité pour ester en justice JME.

9, 10, 14, 18, 27, 35, 54, 55; Récusation du Juge Riachy. 10, 13, 17, 18, 21-27, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 39, 41-46, 48, 50, 52, 53, 56-58, 64, 65, 69, 71, 72; Récusation du Juge Chamseddine. 10, 13, 15-17, 19, 21;

Juge, d’instruction (Libanais) Détention. 18, 27; Mise en liberté. 4, 7, 28; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 11, 40; Récusation du Juge Riachy. 1, 43, 44, 65-67; Récusation du Juge Chamseddine. 1;

Juge, impartialité Récusation du Juge Riachy. 10, 13, 15-23, 31, 34-36, 38, 41, 42, 45, 46, 50, 53, 54, 57-59, 68, 70, 71; Récusation du Juge Chamseddine. 10, 13-20, 22;

Juge, indépendance Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10; Récusation du Juge Riachy. 17, 35, 36; Récusation du Juge Chamseddine. 13, 22;

Juge, national Voir Juridictions (juge), nationalesJuge, récusation Récusation du Juge Riachy. 8, 9, 12, 15, 16, 19, 23, 26, 28, 29,

30, 32, 39-45, 47, 49, 50, 52, 55, 57, 65, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 8, 9, 12, 14-16; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40;

Juge, récusation volontaire Récusation du Juge Riachy. 29;Jugement Détention. 2 ; Mise en liberté. 1, 22 ; Récusation du Juge Riachy.

31, 35, 41,; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 27, 34, , 46;

Juges, Assemblée plénière Détention. 2; Mise en liberté. 1; Juges, sélection Récusation du Juge Riachy. 17, 50, 53; Récusation du Juge

Chamseddine. 16;Juridictions (juge), nationales Dessaisissement. 4, 7, 10, 16, 18; Mise en liberté. 14; Compétence

et qualité pour ester en justice JME. 2, 10, 11, 18, 19, 46; Récusation du Juge Riachy. 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 17, 50, 40, 44;

Juridictions libanaises Dessaisissement. 4, 7, 10, 16; Mise en liberté. 14; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 10, 11, 33, 39; Récusation du Juge Riachy. 42, 43, 44, 46, 47, 50, 51, 55, 57- 60, 61-68, 71; Récusation du Juge Chamseddine. 14;

Juridictions, droits de l’homme

Détention. 14, 18, 25; Mise en liberté. 22, 30; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 14, 45, 46; Récusation du Juge Riachy. 34, 40, 69; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Juridictions, organisation hiérarchique

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40-42;

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Index

Juridictions, pénales Détention. 26; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 18, 19, 31; Récusation du Juge Riachy. 11, 40, 58, 60, 63, 64; Récusation du Juge Chamseddine. 11, 14; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2;

Jurisprudence Détention. 14, 18, 26 ; Mise en liberté. 22, 30 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 18, 31, 46, 53 ; Récusation du Juge Riachy. 10-34, 35-41, 45, 49, 69, 70 ; Récusation du Juge Chamseddine. 3, 12 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 28 ;

Jurisprudence Récusation du Juge Riachy. 11; Récusation du Juge Chamseddine. 11; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 22;

Justice Mise en liberté. 25 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 18, 22, 27, 31-32, 34, 53; Récusation du Juge Riachy. 18, 25, 31, 35-36, 49, 60, 72; Récusation du Juge Chamseddine. 21-22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 45, 48-49, 52-54, 70;

Justice internationale Récusation du Juge Riachy. 49, 72; Récusation du Juge Chamseddine. 21, 22;

L’intérêt de la justice Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31, 32, 34; Récusation du Juge Riachy. 18, 36; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15, 48, 70;

Législation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53; Récusation du Juge Riachy. 66; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11;

Liban Dessaisissement. 4, 7, 10, 15, 16, 18; Détention. 4, 6, 15; Mise en liberté. 3, 37; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 25, 40, 41, 46; Récusation du Juge Riachy. 50; Récusation du Juge Chamseddine. 4; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 50;

Liberté provisoire/conditionnelle

Mise en liberté. 17, 18, 22, 27; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 46;

Lien causal Compétence et qualité pour ester en justice CA. 60 ;Mandat d’arrêt Dessaisissement. 5; Mise en liberté. 4, 7, 16, 28, 32; Compétence

et qualité pour ester en justice JME. 10, 11, 40, 52; Récusation du Juge Riachy. 1, 58; Récusation du Juge Chamseddine. 1;

Mémoire Récusation du Juge Riachy. 9, 43; Récusation du Juge Chamseddine. 9, 14;

Mesures Détention. 18, 26; Mise en liberté. 6, 10, 15; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11, 53-54; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46;

Mesures, d’enquête Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10;

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Index

Mesures, de protection Dessaisissement. 5; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 54;

Mesures, exceptionnelles Détention. 24; Mise en liberté. 22;Mesures, provisoires Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46, 60;Mettre en accusation Mise en liberté. 11, 12, 33, 35-37;Mise en liberté Dessaisissement. 5, 14, 19; Détention. 9; Mise en liberté. 10, 15-18,

22, 27, 34, 39; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1, 10-11, 21, 40-41, 46, 51; Récusation du Juge Riachy. 4-5, 54-55, 57, 60, 62, 65, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 4-5, 13; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6-8, 13, 16, 50, 61;

Motif Détention. 25;Nationalité Récusation du Juge Riachy. 18; Récusation du Juge Chamseddine.

19;Nécessité Dessaisissement. 5; Détention. 18, 19, 22, 26, 28, 29, 33; Mise

en liberté. 6, 3533; Récusation du Juge Riachy. 35, 49, 60 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 20, 34, 69 ;

Nomination Récusation du Juge Riachy. 17, 42, 48, 53 ; Récusation du Juge Chamseddine. 16, 17 ;

Normes internationales Détention. 6; Mise en liberté. 30; Récusation du Juge Riachy. 53, 60; Récusation du Juge Chamseddine. 16; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 70;

Notification Dessaisissement. 14; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 50, 52; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11, 37, 68;

Notification, officielle Compétence et qualité pour ester en justice JME. 50, 52;Objection Récusation du Juge Riachy. 53-54, 58; Récusation du Juge

Chamseddine. 15-16; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 47;

Obligation légale Récusation du Juge Riachy. 15; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24;

Observations Dessaisissement. 11, 12-16; Mise en liberté. 21-24; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 15, 19, 48; Récusation du Juge Riachy. 19, 60;

Organisation, intergouvernementale (internationale)

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 41;

Organisations des Nations Unies

Dessaisissement. 2; Détention. 15; Mise en liberté. 2, 6, 30; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 30; Récusation du Juge Riachy. 7; Récusation du Juge Chamseddine. 14; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 3, 26, 41, 51;

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Index

Outrage Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31; Récusation du Juge Riachy. 22, 31, 32; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46, 48;

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 46;

Partialité Récusation du Juge Riachy. 16, 18, 19, 20-26, 28, 30-32, 39, 40, 43-46, 54, 57, 58, 63-65, 70-72 ; Récusation du Juge Chamseddine. 13, 17, 18-21 ;

Partialité, apparence de Récusation du Juge Riachy. 16, 18, 19, 21, 25-34, 39, 40, 45, 50, 68, 71 ; Récusation du Juge Chamseddine. 13-15, 17, 19 ;

Participant Compétence et qualité pour ester en justice JME. 12;Partie Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 19, 38, 45-

46, 48, 54; Récusation du Juge Riachy. 6, 13, 18-19, 38-39, 45; Récusation du Juge Chamseddine. 6 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 14, 29, 33, 37, 46, 47, 56, 58, 68;

Partie civile Compétence et qualité pour ester en justice JME 10, 45 ; Récusation du Juge Riachy. 43, 57 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 59 ;

Personne d’intérêt Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24;Pièces Mise en liberté. 12, 25-27; Compétence et qualité pour ester

en justice JME. 14, 27, 29, 32-34, 45, 47, 49, 51, 53, 54, 57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 18, 19, 24, 26, 31, 51-53;

Pièces justificatives Dessaisissement. 1; Mise en liberté. 15, 31; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 49;

Politique des gouvernements Récusation du Juge Riachy. 18, 51, 60; Récusation du Juge Chamseddine. 19;

Pouvoir discrétionnaire Mise en liberté. 27, 38;Pouvoir, inhérent Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31 ; Compétence

et qualité pour ester en justice CA. 2, 27, 47 ;Pouvoir, légal/ autorité, légal(e)

Détention. 7-9, 12 ; Mise en liberté. 5, 26, 27, 28

Préjudice Détention. 18, 22; Mise en liberté. 23, 26; Récusation du Juge Riachy. 23-24, 52; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 16, 21, 34;

Président Détention. 1, 7, 11, 12; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1-3, 7, 12, 19, 27, 35, 54; Récusation du Juge Riachy. 1, 10, 40, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 10-11;

Président, autorité administrative

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 27;

Présomption d’impartialité et d’intégrité

Récusation du Juge Riachy. 17-18, 22-23, 41, 53;

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Index

Présomption d’innocence Mise en liberté. 12, 19;Principe de spécialité Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30;Principes généraux de procédure pénale internationale

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 60;

Principes généraux du droit (justice)

Détention. 6; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 46; Récusation du Juge Riachy. 49; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 52, 55, 70;

Procédure en bonne et due forme

Détention. 16;

Procédure internationale Détention. 6; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 45, 47, 49, 70;

Procédure, célérité Dessaisissement. 19; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51;

Procédure, conduite Récusation du Juge Riachy. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40, 48;

Procédure, contradictoire Mise en liberté. 4; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 48;

Procédure, entrave Détention. 25, 28; Mise en liberté. 18; Procédure, équité Compétence et qualité pour ester en justice JME. 31, 32;

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 15; Procédure, interne Compétence et qualité pour ester en justice CA. 11;Procédure, non-contentieuse Compétence et qualité pour ester en justice JME. 21, 27;Procédure, pénale Compétence et qualité pour ester en justice JME. 18, 31, 45, 48;

Récusation du Juge Riachy. 34; Récusation du Juge Chamseddine. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2, 49, 60;

Procès équitable Dessaisissement. 14; Détention. 9, 16, 18; Mise en liberté. 7; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 48; Récusation du Juge Riachy. 36;

Procureur général près la Cour de cassation (procureur de la République)

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7;

Procureur, entrée en fonction Dessaisissement. 4, 5, 7-9, 17; Mise en liberté. 14;Proportionnalité Détention. 19, 24, 26, 28, 30;Proprio motu/d’office Compétence et qualité pour ester en justice CA. 26, 46;Qualité pour agir Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 3, 9, 13, 15-

17, 19, 20, 22, 23, 28, 37-42, 43, 45, 55, 56; Récusation du Juge Riachy. 6, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 6; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 9, 11-14, 16, 19, 22, 23, 27, 29, 30, 33, 53, 55, 58-66;

Question incidente Compétence et qualité pour ester en justice CA. 45 ;

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Index

Rapport Compétence et qualité pour ester en justice JME. 7; Récusation du Juge Riachy. 39; Récusation du Juge Chamseddine. 17;

Rapport, presse Récusation du Juge Riachy. 44;

Recours utile/ effectif Détention. 10, 16;Réexamen Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15;Réexamen judiciaire Compétence et qualité pour ester en justice CA. 2; Régime de communication Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24, 31, 70;Règlement de procédure et de preuve (article du) Article 2

Mise en liberté. 31; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 19, 38;

Article 3 Compétence et qualité pour ester en justice CA. 70; Article 15 Récusation du Juge Riachy. 13-15, 19, 20, 38; Article 17 Dessaisissement. 3, 5, 7, 9, 11, 16, 18, 19; Détention. 4, 6; Mise

en liberté. 2, 8-10, 13, 15, 20; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11, 33, 38, 39, 41, 46; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 61;

Article 25 Récusation du Juge Riachy. 8, 10-15, 19, 20, 30, 35, 36, 70; Récusation du Juge Chamseddine. 8, 10-12, 14, 18;

Article 32 Détention. 11; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 38; Article 57 Détention. 11; Article 61 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Article 63 Mise en liberté. 10, 11, 13, 16, 32, 35, 37, 40; Article 68 Mise en liberté. 13, 31; Article 75 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 54; Article 77 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Article 86 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 19, 38; Article 88 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Article 89 Mise en liberté. 26; Article 90 Compétence et qualité pour ester en justice CA. 20, 27; Article 92 Mise en liberté. 26; Article 110 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11, 49; Article 112 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Article 114 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 11; Article 116 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53; Article 131 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 19, 38; Article 163 Détention. 13; Article 101 Détention. 11; Mise en liberté. 10, 13, 17, 20, 30;

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Index

Article 102 Mise en liberté. 10, 13, 18, 20, 29, 30, 40;Règles de procédure et de preuve (général)

Détention. 2; Mise en liberté. 1, 22, 32, 39;

Réparation Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10-11, 18, 31, 51; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 8, 17, 22, 26, 28, 31, 46, 48, 50, 53, 56, 59, 60, 62, 63, 65;

Réplique Compétence et qualité pour ester en justice JME. 4, 8, 16-17, 27, 57; Récusation du Juge Riachy. 7; Récusation du Juge Chamseddine. 7; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 10, 26, 33, 37-38;

Réponse Compétence et qualité pour ester en justice JME. 2, 4, 8, 12, 21-22, 38; Récusation du Juge Riachy. 6-7; Récusation du Juge Chamseddine. 6-7; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 3, 10, 18, 26-32, 37, 55, 67-68;

Requérant Détention. 18 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1-23, 25, 27-29, 32, 35-43, 48, 52, 55-57 ; Récusation du Juge Riachy. 1, 3-9, 21, 35, 42, 43, 45, 47-52, 54, 55, 62, 64, 65, 70 ; Récusation du Juge Chamseddine. 1, 3-9, 13, 15, 16, 17, 19 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 4-12, 14, 16-18, 23, 31-38, 50, 51, 53, 55-63, 65, 66 ;

Requête, recevabilité Dessaisissement. 9, 17-19 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 26, 27 ;

Requête/ demande Dessaisissement. 1-2, 9, 11 ; Détention. 6 ; Mise en liberté, 2, 3, 6, 17, 34; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1-3, 7, 10, 11, 14, 16, 18, 19, 23, 27, 32-37, 38, 43, 46, 54 ; Récusation du Juge Riachy. 2, 5, 6, 9, 39-40, 42-43, 45, 47-49, 50-51, 54-55, 57, 60, 63, 65, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 7, 8-9, 14-15, 22 ; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 1-2, 5, 7, 9-11, 18, 22, 25, 27, 28-29, 45, 54-55, 57; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 1, 2, 4, 6, 8, 9, 11, 14, 15, 18-19, 20-22, 24, 26-29, 30, 33, 34, 37-38, 46, 50-51, 53, 59-60, 65, 66, 68-70, 71 ;

Résolution 1757 (2007) Dessaisissement. 2; Mise en liberté. 2; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30; Récusation du Juge Riachy. 17; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51;

Responsaibilité, pénale Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14; Récusation du Juge Riachy. 39-40, 69;

Responsibilité Détention. 25; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14; Récusation du Juge Riachy. 39-40, 69;

Restrictions liés à la sécurité Détention. 7, 20, 22;S’acquitter (fonctions) Récusation du Juge Riachy. 72; Récusation du Juge Chamseddine.

21; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 48;

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Index

Se prononcer sur/traiter de Compétence et qualité pour ester en justice JME. 13, 14, 27 ; Récusation du Juge Riachy. 41 ; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 39, 43, 55, 58, 71 ;

Secrétaire général (Organisation des Nations Unies)

Dessaisissement. 4; Mise en liberté. 14; Récusation du Juge Riachy. 14, 17, 42, 48, 53;

Sécurité Dessaisissement. 5; Mise en liberté. 10, 15;Séparation des pouvoirs Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10; Serment/déclaration solennelle

Récusation du Juge Riachy. 17;

Sous la garde/ sous l’autorité du Tribunal

Dessaisissement. 4, 5, 12; Mise en liberté. 14, 22, 24, 28; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 39, 40; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 23, 28, 63;

Statuer/trancher Compétence et qualité pour ester en justice JME. 27; Récusation du Juge Riachy. 21, 26-28, 31; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 59;

Statut du TSL, (article du): Article 1

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 30; Récusation du Juge Riachy. 35; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51;

Article 2 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 12, 14; Récusation du Juge Riachy. 60; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51;

Article 4 Dessaisissement. 2-5, 7, 9, 11, 12, 14-16; Mise en liberté. 2, 10, 13-15, 17, 24; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 33, 39; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 50, 53, 61;

Article 9 Récusation du Juge Riachy. 53; Récusation du Juge Chamseddine. 16;

Article 10 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 27; Article 11 Mise en liberté. 25; Article 15 Compétence et qualité pour ester en justice CA. 24; Article 16 Détention, 13; Article 17 Compétence et qualité pour ester en justice JME. 19; Article 18 Mise en liberté. 31; Article 21 Compétence et qualité pour ester en justice CA. 51;Strategie Compétence et qualité pour ester en justice CA. 27;Sui generis Compétence et qualité pour ester en justice CA. 20;Sursis (suspension) Récusation du Juge Riachy. 42; Compétence et qualité pour ester en

justice CA. 2, 3, 46;

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Suspect Détention. 11, 13, 17, 21, 25; Mise en liberté. 11, 16-18, 25, 29-33, 35, 36, 39; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 14, 45, 50, 53; Récusation du Juge Riachy. 35, 65; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 23, 24, 61;

Suspension Compétence et qualité pour ester en justice CA. 13, 68;Système judiciaire Compétence et qualité pour ester en justice CA. 40, 41, 42Témoignage Compétence et qualité pour ester en justice JME. 25; Récusation du

Juge Riachy. 39; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46, 50, 56, 62;

Témoin Détention. 18, 27, 28; Mise en liberté. 18, 25, 34, 37; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 14, 49, 53; Récusation du Juge Riachy. 13, 38, 39, 41, 45, 69; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 46, 50, 56, 62;

Témoin, crédibilité Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 6, 46, 56;

Témoin, pressions sur Détention. 18, 27, 28; Mise en liberté. 18; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 53, 54;

Témoin/ faux témoinage Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 11, 55; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 46, 50, 56, 62;

Tierce partie Compétence et qualité pour ester en justice JME. 38, 54; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 23, 58;

Traduction Compétence et qualité pour ester en justice CA. 32, 36, 37;Traité Dessaisissement. 13; Détention. 14,; Mise en liberté. 22, 30;

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 26;Traité, bonne foi Dessaisissement. 13;Traité, contexte Dessaisissement. 13;Traité, Convention de Vienne sur le droit des traités

Dessaisissement. 13;

Traité, interprétation Dessaisissement. 13;Traité, objet et but Dessaisissement. 13;Traité, ratification Détention. 15;Traitement cruel, inhumain et dégradant

Détention. 23;

Transfert Dessaisissement. 4, 5, 12-15, 19; Détention. 9; Mise en liberté. 14, 16, 17, 24; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 10, 39, 40; Récusation du Juge Riachy. 3, 58, 65; Récusation du Juge Chamseddine. 3;

Tribunal des différends irano-américains

Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

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Index

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Détention. 13; Mise en liberté. 27; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15; Récusation du Juge Riachy. 11, 13, 14, 17-19, 21, 29, 40, 69; Récusation du Juge Chamseddine. 11, 19; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Tribunal pénal international pour le Rwanda

Détention. 10; Mise en liberté. 27; Récusation du Juge Riachy. 11, 15, 17, 19, 29; Récusation du Juge Chamseddine. 11; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 44;

Tribunal spécial pour la Sierra Leone

Récusation du Juge Riachy. 33; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 43, 44, 46, 60;

Tribunal, fonctionnement efficace

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 27;

Tribunal, mandat Compétence et qualité pour ester en justice JME. 30, 31; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 28, 51, 60;

Victime Détention. 27; Mise en liberté. 18, 25; Compétence et qualité pour ester en justice JME. 14, 15, 38, 46, 54; Récusation du Juge Riachy. 35; Récusation du Juge Chamseddine. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 23, 58, 61;

Victime participant à la procédure

Compétence et qualité pour ester en justice JME. 15, 38, 46; Récusation du Juge Chamseddine. 22; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 23;

Victime, pression sur Détention. 27; Mise en liberté. 18;Violation Détention. 10; Mise en liberté. 32; Compétence et qualité pour ester

en justice JME. 31; Récusation du Juge Riachy. 40; Récusation du Juge Chamseddine. 13; Compétence et qualité pour ester en justice CA. 30, 60;

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ISBN 978-94-90651-04-6Tribunal spécial pour le Liban

www.stl-tsl.org

Pricipales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban en 2009 - 2010

1 Ordonnance portant dessaisissement en faveur du Tribunal spécial pour le Liban de la juridiction libanaise saisie de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes

Affaire n° : CH/PTJ/2009/0127 mars 2009« Dessaisissement »

2 Ordonnance relative aux conditions de détention Affaire n° : CH/PRES/2009/01/rev21 avril 2009« Détention »

3 Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier ministre Rafic Hariri et d’autres personnes

Affaire n° : CH/PTJ/2009/0629 avril 2009« Mise en liberté »

4 Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui-ci pour ester en justice devant le Tribunal

Affaire n° : CH/PTJ/2010/00517 septembre 2010« Compétence et qualité pour ester en justice JME »

5 Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Riachi de la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en application de l’article 25

Affaire n° : CH/PRES/2010/085 novembre 2010« Récusation du juge Riachi »

6 Décision relative à la demande de récusation de M. le juge Chamseddine de ses fonctions à la Chambre d’appel, présentée par M. El Sayed en vertu de l’article 25 du Règlement de procédure et de preuve

Affaire n° : CH/PRES/2010/095 novembre 2010« Récusation du juge Chamseddine »

7 Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice

Affaire n° : CH/AC/2010/0210 novembre 2010« Compétence et qualité pour ester en justice CA »