Recueil Dalloz 1997

26
Recueil Dalloz 1997, Chroniques p. 330 Appropriation de l'information : l'éternelle chimère " ... J'ai écrit des poèmes près d'une anémone sylvie en cueillant les mots qui pendaient aux branches... " P. SOUPAULT, Westwego, Gallimard, 1984, p. 65. par Nathalie Mallet-Poujol * * * 1 - " L'air, le feu, sont des richesses universelles. Il est toute une vaste famille de ces biens, patrimoine commun du genre humain, et dont la libéralité de la Providence a fait largesse à chacun de ses membres. Dans cette grande division d'objets appropriables et d'objets inappropriables, à laquelle des deux classes appartiennent les productions de l'intelligence, les travaux des sciences, de la littérature et des arts ? ". C'est sur cette vibrante interrogation qu'Augustin-Charles Renouard interpellait le lecteur, en 1838, dans sa Théorie du droit des auteurs (1). Le parcours de ces belles feuilles est impressionnant et le propos si moderne... Il constitue un avertissement, une leçon d'humilité pour qui prétendrait tenir discours novateur sur ces brisées... Pourtant, cette question qui s'inscrivait au coeur du débat sur la légitimité d'un droit d'auteur conçu comme une propriété trouve un écho particulier avec l'information, un des " combustibles " de ces productions de l'intelligence. Dans une société de communication, où l'information a une valeur marchande, une tentation récurrente d'appropriation, consciente ou non, est perceptible (2). Elle est ravivée par les nouvelles technologies de numérisation et de transmission des données, de la génétique à la télédétection, en passant par les création multimedia, les cours de la bourse (3) ou les services " pull " et " push " d'Internet... L'exemple édifiant en fut les méandres de la rédaction de la directive concernant la protection juridique des bases de données (4), avec la " création " d'un droit sui generis d'interdire l'extraction déloyale de données, dont les successives conceptions ont fait frémir plus d'un juriste. Si la version définitive s'est

description

cool

Transcript of Recueil Dalloz 1997

Page 1: Recueil Dalloz 1997

Recueil Dalloz 1997, Chroniques p. 330

Appropriation de l'information : l'éternelle chimère

 

" ... J'ai écrit des poèmes près d'une anémone sylvie en cueillant les mots qui pendaient aux branches... " P. SOUPAULT, Westwego, Gallimard, 1984, p. 65.

par Nathalie Mallet-Poujol

*

* *

1 - " L'air, le feu, sont des richesses universelles. Il est toute une vaste famille de ces biens, patrimoine commun du genre humain, et dont la libéralité de la Providence a fait largesse à chacun de ses membres. Dans cette grande division d'objets appropriables et d'objets inappropriables, à laquelle des deux classes appartiennent les productions de l'intelligence, les travaux des sciences, de la littérature et des arts ? ". C'est sur cette vibrante interrogation qu'Augustin-Charles Renouard interpellait le lecteur, en 1838, dans sa Théorie du droit des auteurs (1). Le parcours de ces belles feuilles est impressionnant et le propos si moderne... Il constitue un avertissement, une leçon d'humilité pour qui prétendrait tenir discours novateur sur ces brisées... Pourtant, cette question qui s'inscrivait au coeur du débat sur la légitimité d'un droit d'auteur conçu comme une propriété trouve un écho particulier avec l'information, un des " combustibles " de ces productions de l'intelligence. Dans une société de communication, où l'information a une valeur marchande, une tentation récurrente d'appropriation, consciente ou non, est perceptible (2). Elle est ravivée par les nouvelles technologies de numérisation et de transmission des données, de la génétique à la télédétection, en passant par les création multimedia, les cours de la bourse (3) ou les services " pull " et " push " d'Internet... L'exemple édifiant en fut les méandres de la rédaction de la directive concernant la protection juridique des bases de données (4), avec la " création " d'un droit sui generis d'interdire l'extraction déloyale de données, dont les successives conceptions ont fait frémir plus d'un juriste. Si la version définitive s'est révélée plus consensuelle et raisonnable, elle n'en reste pas moins confuse (5) et contribue à entretenir l'ambiguïté sur la possible appropriation de l'information (6).

2 - C'est l'information brute, la représentation de faits ou d'idées, l'image, celle qui nourrit les banques de données, celle que l'on compile, l'information d'actualité comme la donnée " de base " qui inspire nos propos (7). C'est l'objet de connaissance, renseignement ou événement, porté par un ou plusieurs mots et générant une industrie de l'information.

La revendication d'appropriation repose tant sur le besoin proclamé de protection de l'investissement opéré sur l'information que sur celui de libre contrôle de l'usage qui en est fait, quand il s'agit de données personnelles. Or ces légitimes aspirations reçoivent une réponse juridique adéquate tandis que l'appropriation de cette ressource informationnelle heurte tantôt le principe d'égalité, tantôt le principe de dignité.

I. " Ressource " commune et principe d'égalité

Page 2: Recueil Dalloz 1997

 

3 - L'on peut partager la nostalgie de J. Ellul à l'égard d'une " information ancienne ", visant à " mettre en mouvement et à ordonner le groupe " dans les sociétés traditionnelles, opposée à une profusion d'informations, source de désorganisation, de désinformation voire " vecteur majeur de la contraception " (8) de la société moderne. Reste que la détention de l'information est un facteur essentiel de pouvoir d'où la nécessité de veiller à une stricte égalité entre les hommes. C'est pourquoi il n'est pas inutile d'affirmer à nouveau l'inacceptable appropriation de l'information tout en soulignant la réalité de son indéfectible usage.

A. L'inacceptable appropriation

 

4 - Nombreuses dispositions de droit public affirment le principe de libre circulation de l'information mais elles n'affectent pas " directement le statut de l'information dans les rapports de droit privé " (9), de même que le concept de patrimoine commun de l'humanité n'est opérationnel qu'en droit international (10). Quant aux réflexions de droit pénal, plus que sur la propriété, elles ont achoppé sur le caractère incorporel de l'information (11), rendant difficilement réunis les éléments de soustraction, détention et dépossession d'une chose matérielle, propres aux incriminations de vol (12) ou de recel (13). Concernée au premier chef, la propriété intellectuelle a, pour sa part, au nom du droit à l'information, insensiblement assigné à l'information un statut de res communis, puis plus ostensiblement avec une des acceptions du concept de domaine public en droit d'auteur.

1. - Droit à l'information et res communis

 

5 - Les jurisconsultes ont-ils fait " assaut de niaiserie " à propos des choses pouvant ou non être appropriées, comme s'exclamait, fort marginalement, Proudhon (14), déplorant le silence du code civil et la trivialité des maximes juridiques ? Assurément, la récusation de la propriété, maîtrise juridique majeure sur les choses, peut sembler à contre-courant ! La pensée révolutionnaire, écrit M. -A. Hermitte (15), " entraînait irrésistiblement l'extension de l'idée de propriété des biens matériels aux biens immatériels... " et a vu éclore la propriété intellectuelle contre les privilèges des libraires et imprimeurs. Celle-ci n'en reste pas moins un monopole, régime d'exception, forme de propriété-fonction sociale dont il faut endiguer l'inflation. Un premier garde-fou a été de limiter la durée de protection dans le temps, puis " il fallut une longue confrontation avec les faits pour identifier les catégories de biens ou de valeurs qui résistaient, par nature, à l'appropriation (16). " L'idée de la non-appropriation de l'information (en dehors, bien sûr, des " niches " offertes par la propriété littéraire et artistique ou industrielle) est reçue en droit positif (17), principalement au regard de la " cohérence du droit de la propriété intellectuelle (18) ", fermement défendue par A. Lucas.

6 - Réfractaire à tout monopole, l'exigence d'un accès de tous à l'information en est assurément l'autre composante. Le lien avec le libre parcours des idées (19), le " fonds commun d'idées qui appartient de toute éternité à tout le monde (20) ", quasi-" slogan " du droit d'auteur, est alors inéluctablement opéré même si la notion d'information n'est pas réductible à celle d'idée. L'information peut être le support d'une idée comme elle peut n'être qu'une donnée brute à valeur stratégique (donnée météorologique). Pourtant le principe

Page 3: Recueil Dalloz 1997

d'inappropriation a plus d'évidence qu'avec les idées, pour lesquelles le lien ombilical avec son émetteur explique plus aisément (à défaut de le justifier) un réflexe d'appropriation (21). Les ressorts en sont toutefois les mêmes et le principe de " libre parcours " est souvent " réinvesti " et invoqué à propos de l'information (22). L'impératif d'accès à l'information conjugue une approche que l'on pourrait qualifier d'humaniste (23) (mâtinée de considérations de politique culturelle et scientifique, droit à la culture, progrès de la science et de la société, liberté d'expression et de communication) avec une approche libérale (inspirée par les impératifs de liberté du commerce et de l'industrie (24) et de la concurrence). L'intérêt de la collectivité impose la non-monopolisation de l'information et l'on se tourne alors vers le concept de res communis, pressenti dès le XIXe siècle à propos des idées (25).

7 - Le droit romain connaît avec les res communes les choses qui " par leur nature échappent à toute appropriation individuelle, mais dont l'usage est à tout le monde, comme l'air, l'eau courante, la mer et ses rivages. (Inst. 2, 1, § 1) (26) ". Pour E. Mackaay l'information participe, par excellence de ces biens collectifs, caractérisés par la non-rivalité et la non-exclusivité et qui peuvent, sinon doivent, être inappropriés. La propriété est l'instrument de " gestion des ressources rares (27) " dont on confie l'usage à une personne ou un groupe de personnes. Or il est des biens dont " la consommation par un individu ne diminue pas l'utilité que peuvent en retirer d'autres individus (28) ", ce qui les rend irréductibles à la notion de propriété. Le motif de leur abondance (29) est ainsi essentiellement évoqué à l'appui de l'inappropriation des res communes. F. Zenati l'explique " pour des raisons d'utilité évidentes (30) ", " leur abondance est telle que les personnes ne recherchent pas leur appropriation ". L'insoumission à la puissance souveraine de l'homme est également un critère évoqué en doctrine. Pour A. Boistel " l'on doit regarder comme n'étant absolument pas susceptible de faire l'objet d'un droit, les choses que l'homme ne peut pas se soumettre (31) ". Aux res communes des romains (air, eau, mer), il ajoute les idées abstraites qui dominent l'homme " de toute la hauteur de l'infini qui est en elles " mais aussi les " simples notions de fait ", car les " faits sont hors de nous aussi et ne dépendent pas de nous ". Enfin, la logique de progrès individuel est également invoquée. L'homme " absorbant " naturellement l'information dont il prend connaissance, " vous ne pouvez pas faire que, connaissant, grâce à vous, peut-être, telle chose pour vraie, telle autre pour fausse, je n'affirme pas dans mes paroles ou dans mes actes cette vérité ou cette fausseté (32) "...

8 - Selon le même processus d'infléchissement du corporel vers l'incorporel, c'est avec ce concept, que l'on peut inscrire juridiquement, la non-appropriation de l'information. La catégorie est accueillante. La reprenant, l'art. 714 c. civ. dispose qu'il " est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d'en jouir (33) ". La doctrine place habituellement ces choses communes au nombre des choses hors commerce de l'art. 1128 c. civ. en raison de leur inappropriation (34), aux côtés de celles exclues du négoce par un " interdit " posé par la société (35). Elle utilise sans difficulté cette qualification pour l'information (36). Le droit d'auteur s'est particulièrement " approprié " cette catégorie avec la théorie du domaine public faisant, comme le relève F. Zenati (37), d'un bien une chose commune.

2. - Droit à l'information et domaine public

 

9 - " Je n'invente pas les mots. Mais j'invente des objets, des êtres, des événements et mes sens sont capables de les percevoir "..., explique P. Eluard (38). C'est cette forme originale

Page 4: Recueil Dalloz 1997

perceptible aux sens que le droit d'auteur (39) protège : l'information mise en forme de façon originale et non l'information " brute ".

Le droit d'auteur a été maintes fois sollicité sur la question du statut de l'information à travers les contentieux portant sur la reprise de certaines données en littérature ou sur les compilations. Il a toujours réfuté toute possibilité d'appropriation de l'information (40), forgeant une jurisprudence particulière sur certains aspects du domaine public en droit d'auteur, à côté des documents officiels (41) ou des oeuvres " datées ". Ainsi, la Cour d'appel de Paris (42) rappelle qu'il est " normal qu'un ouvrage même de vulgarisation scientifique utilise des informations qui, une fois divulguées, sont dans le domaine public et qu'il en tire les mêmes enseignements que l'ouvrage antécédent, sans encourir le reproche de reproduction systématique en utilisant le langage propre à la matière traitée ". Elle déboute le demandeur, tant sur le droit d'auteur (en ce qu'il n'y a pas contrefaçon par reprise d'une formulation propre à l'auteur) que sur la responsabilité civile, ne relevant pas de faute. De même, dans le litige opposant P. Griolet à J. Vautrin (à propos de la reprise de matériaux linguistiques et culturels de la langue et la culture cadjines), elle (43) considère qu'il ne " saurait se prévaloir d'un droit exclusif sur les éléments du domaine public "... et que " quelles que soient les difficultés rencontrées pour collecter et transcrire fidèlement les " Mots de Louisiane ", il ne peut prétendre à aucun droit privatif à leur sujet, ni soutenir que la façon de les orthographier... porterait la marque de sa personnalité (44) ".

10 - Les litiges en contrefaçon ou en concurrence déloyale portant sur des compilations d'informations donnent parfois aux juges l'occasion de se prononcer sur le sort des informations stockées. Ils s'accordent à rappeler que le droit d'auteur " ne s'étend pas à des éléments d'information qui, une fois publiés, échappent à toute appropriation (45) ". C'est une position constante depuis l'affaire Didot-Bottin dans laquelle la Cour d'appel de Paris a énoncé que " les noms, les adresses et les divers renseignements dont se compose un annuaire tel que celui de la société Didot-Bottin sont de notoriété courante et appartiennent, comme le dit le tribunal, au domaine public (46) ". Sont ainsi considérés du domaine public des adresses de laboratoires (47), l'indication du nombre de population au début du siècle (48), la composition d'équipes de football (49), des renseignements administratifs (listes d'établissements publics (50) ou formalités (51)), etc.

11 - De même, l'information d'actualité, en son aspect le plus dépouillé de nouvelle de presse ne se coulant pas dans une forme originale, ne donne pas prise au droit d'auteur. Cette situation est traditionnellement justifiée en doctrine par le fait que " l'information en elle-même ne peut être monopolisée (52) ". Dès 1861, la Cour de cassation énonce que " les dépêches télégraphiques portant à la connaissance du public des nouvelles politiques, scientifiques ou littéraires ne peuvent être considérées comme des oeuvres de l'esprit (53) "... et que " du moment qu'une nouvelle a été publiée par la voie de la presse, chacun a le droit d'en faire son profit, de la répéter et de la commenter ". Rappelant que les articles de journaux ou de revues sont appropriables (54), Huard, au début du siècle, fait exception " pour ceux qui n'ont d'autre objet que de renseigner le public sur les événements du jour et dont la forme est absolument banale (55) ".

12 - Il est symptomatique qu'au-delà d'une justification propre au droit d'auteur (absence d'originalité de la forme) la doctrine éprouve le besoin d'énoncer, d'ailleurs comme un postulat, le principe d'inappropriation de l'information. Elle circonscrit ainsi les deux acceptions d'un domaine public échappant au droit d'auteur pour n'avoir pas répondu aux exigences de création originale ou pour des motifs tenant à la circulation de l'information et

Page 5: Recueil Dalloz 1997

au progrès. L'information, qui n'est jamais assimilée à l'idée dans la théorie du droit d'auteur, connaît alors un traitement comparable. Et l'on retrouve une justification du domaine public proche de celle des actes officiels, jugements et arrêts qui, " essentiellement destinés au service du public, entrent dans le domaine de tous dès le moment où ils sont mis au jour, et qui ne sont pas susceptibles d'être affectés à un privilège exclusif (56) ".

B. L'indéfectible usage

 

13 - La non-appropriation de l'information n'est assurément pas un obstacle à son usage. J. -C. Galloux (op. cit., D. 1994, Chron. p. 229 ) rappelle très justement combien l'art. 714 c. civ., avec ses " lois de police ", le réglemente. Mais il importe aussi de convaincre de l'idée selon laquelle l'usage commun n'empêche pas la protection du bien informationnel ! En effet, l'appropriation est surtout revendiquée comme moyen de protection de l'investissement consenti autour de la collecte, la structuration et le stockage de l'information ; la " réservation " exclusive du bien, son monopole d'exploitation, garantissant la maîtrise erga omnes de sa circulation et de sa reproduction. Or la non-appropriation ne signifie pas non-protection (57). Le droit commun permet non seulement les transactions sur l'information mais aussi la protection de certaines informations " investies ".

1. - Un usage consacré

 

14 - Les transactions au coeur desquelles se trouve l'information sont assurément possibles (cession de fichiers, licences de savoir-faire, interrogation d'une base de données, etc.) même si, res communis hors commerce, elle n'en n'est pas juridiquement l'objet. L'information ne sera pas l'objet de la prestation mais son prétexte (58), ce qui garantira la validité des contrats (59). L'on songe aux nombreux contrats d'entreprise développés autour des prestations de transport, de distribution ou de diffusion télématique des informations ainsi qu'aux cessions de droits d'auteur opérées autour de contrats d'accès à certaines bases de données (60).

Par ailleurs, la pratique a largement expérimenté le droit d'usage induit par l'art. 714 c. civ. ! J. Huet constatait, en 1982, à propos du logiciel, l'importance des conventions " rédigées en marge du droit de la vente et de la location " et portant " le nom de concession de droit d'usage ou de licence d'utilisation (61) ", sans transfert de droit privatif. De même, P. Catala prônait le recours à des " contrats de fourniture ou d'abonnement susceptibles des modalités les plus souples quant à leur durée et au contenu des prestations échangées (62) ". En présence de " biens-informations non protégés par une propriété intellectuelle ", il préconisait au fournisseur de " moduler par contrat les modalités de la communication qu'il consent " en l'assortissant de " clauses de sauvegarde " telles que des limitations d'usage ou des interdictions de divulgation à des tiers de l'objet du contrat (63). Activité florissante, la diffusion d'informations n'a décidément pas été entravée par le statut de cette " chose " (qui n'est pas toujours un " bien " !), en dépit de qualifications juridiques délicates...

2. - Un usage protégé

 

Page 6: Recueil Dalloz 1997

15 - Le secret est la première des protections et M. Vivant rappelle combien, avec le statut du savoir-faire, le droit a su " affermir une réservation factuelle " quand le détenteur a choisi le secret pour " s'assurer la maîtrise de l'information (64) ". L'investissement consenti autour de la matière première information sera également protégé par les mécanismes de responsabilité civile (65), sanctionnant le pillage des données. Dès 1900, le célèbre contentieux de l'agence Havas (66) installe les fondements de l'action en concurrence déloyale dans le secteur informationnel, en l'absence de droit d'auteur sur les dépêches. Tout récemment le Tribunal de grande instance de Paris a considéré que la reprise " des éléments factuels contenus dans les articles des Echos " constituait des actes de concurrence parasitaire, posant que " cette appropriation systématique, persistante et importante outrepasse la liberté de circulation de l'information et de la constitution d'un fonds documentaire (67) ". En témoigne également le nombre de contentieux autour des compilations d'informations (68) d'où il ressort que " les emprunts systématiques aux informations contenues dans la banque de données, ayant permis à l'utilisateur de faire l'économie des dépenses engagées pour la collecte des informations, constituent des actes de concurrence déloyale (69) ". Ainsi l'information, même non appropriée, mais dont la collecte et le traitement ont un coût, ne peut pas être impunément réexploitée par des tiers non autorisés. Et la protection s'avère, à cet égard, plus efficace que celle d'un droit d'auteur sur les compilations qui sanctionne la contrefaçon de tout ou partie de l'ensemble informationnel mais pas la reproduction de données prises isolément (70). Enfin, le droit pénal (71) offre une palette contrastée d'incriminations (telles que la violation de secrets ou les atteintes portées à un système de traitement automatisé de données (72)) permettant de sanctionner la captation irrégulière d'informations.

II. " Ressource " individuelle et principe de dignité

 

16 - L'individu est, par essence, gisement d'informations. Avec la numérisation des données, l'information sur la personne non seulement fait l'objet d'un traitement massif mais est devenue partie intégrante d'un marché. Les dangers guettant l'individu ont motivé le vote de la loi Informatique et libertés, soucieuse de protéger la personne contre la constitution de fichiers potentiellement " liberticides ". A ce danger s'ajoute, à présent, celui de la " marchandisation " de l'information personnelle aux fins de marketing (établissements de profils de consommateurs ou d'assurés, mailings d'adresses...). Cette exploitation commerciale conduit certains juristes à préconiser " l'appropriation de l'information personnelle ", concept permettant à tout citoyen d'être " propriétaire des droits d'exploitation commerciale des renseignements le concernant (73) ". La démarche est légitime en ce qu'elle a pour objectif d'assurer un droit de contrôle de la diffusion commerciale de ses données. Elle n'en demeure pas moins excessivement dangereuse sur le plan des principes. Elle instaure une faculté pour l'homme de " disposer " de l'information le concernant quand seule la " jouissance " de cette information est véritablement en jeu. Elle hypothèque le principe de dignité de la personne (74).

A. L'inconcevable disposition

 

17 - Avec le concept de propriété de l'information personnelle, c'est tout le rapport de l'homme à lui-même qui se détermine dans une terrible équation appropriation-disposition. Si

Page 7: Recueil Dalloz 1997

cette disposition nous semble inconcevable, c'est tant en raison du lien entre l'information personnelle et la personne humaine qu'en raison du rapport de droit qui en découle.

1. - Information et personne humaine

 

18 - Rapportée au partage de l'univers juridique entre choses et personnes, la qualification de l'information personnelle laisse, plus d'un instant, hésitant. La question a été renouvelée avec le statut de l'information génétique. L. Cadiet s'en est fort justement fait l'écho, relevant qu'au regard d'une conception française dominante, les parties du corps humain, participant de la personne (75), " jouissent de la protection que le droit attache à la personne humaine ". Il en conclut que " l'information génétique de l'individu, en tant qu'elle est un élément du corps humain, relèverait donc de la catégorie des personnes (76) ", pour rejeter toutefois l'intérêt de cette tentative de qualification quand " la simple considération de sa consubstantialité au corps humain suffit... à donner à l'information génétique un statut cohérent au regard de la classification des droits (77) ". Il est vrai que le statut du corps humain et surtout de ses éléments n'a pas fini de susciter la controverse en dépit même de la loi de 1994 (78), car le législateur ne s'est pas prononcé sur cette classification, affirmant seulement le principe de non-patrimonialité (79) du corps et de ses éléments (art. 16-1 c. civ.).

19 - Certes, le degré d'assimilation de l'information à la personne, en tant qu'entité corporelle, est variable selon les données concernées. Avec l'information génétique, la frontière avec la personne est impalpable... Ce lien n'est pas toujours aussi " essentiel ", il peut être plus intellectuel et concerne toutes les informations relevant de l'état civil (80) et de la vie privée ou publique, professionnelle ou ludique des personnes physiques. Toutefois, le détour par cette qualification est primordial en ce qu'il délimite l'enjeu du débat. Il cristallise les interrogations les plus pointues sur l'objet du contrat en droit civil et notamment sur le concept de choses hors commerce, visées à l'art. 1128 c. civ. Or, ces informations personnelles ne sont pas, selon nous, des choses " dans le commerce " et, ce, en raison d'un " interdit prononcé par la société " qui les a " retirées du domaine des opérations entre personnes privées (81) ". Cet interdit provient, pour reprendre l'analyse de J. Carbonnier, du fait que cette chose a " un caractère sacré et comme religieux ", comme le corps humain (82), " ou même, par extension ", qu'elle est " intimement liée à la personne ".

20 - L'extra-commercialité interdit de faire de ces informations personnelles l'objet des conventions, parmi lesquelles les conventions emportant disposition à titre gratuit ou onéreux (83). Elles sont inaliénables car cela supposerait un rapport de sujet-propriétaire à objet de propriété que nous récusons. Imaginer des prérogatives de propriétaires sur ses propres informations est, du point de vue éthique, inconcevable dans la mesure où l'individu ne dispose pas de lui-même, pas plus qu'il ne vend ses informations. Sa dignité est en cause. C'est, au demeurant, impossible pour certaines informations relevant de sa propre liberté individuelle (84) (telles que les opinions philosophiques ou religieuses, les origines raciales ou les appartenances syndicales) qui lui sont consubstantielles et dont il ne peut se " défaire ". Ce lien, ce prolongement corporel ou intellectuel de la personne par l'information la concernant nourrit, en effet, un rapport de droit bien particulier.

2. - Information et droit de la personnalité

 

Page 8: Recueil Dalloz 1997

21 - Cette interrogation sur la qualification est significative. Loin du droit subjectif de la personne sur une chose (droit réel) ou à l'égard d'une autre personne (droit personnel) l'on est, avec l'information personnelle, dans un rapport à sa propre personne, même si le concept de chose peut être retenu pour nombre de données. Le droit de l'individu sur les informations le concernant est un droit de la personnalité, c'est-à-dire une prérogative de la personne, droit de l'homme " dans le plan du droit privé (85) ". L. Cadiet rappelle que " les droits de la personnalité sont nés de l'impossibilité d'analyser les rapports de la personne avec les attributs qui lui sont propres en termes de propriété (86) ". Parmi ces attributs de la personne physique, J. Carbonnier distingue les droits de la personnalité qu'il définit comme des " prérogatives suffisamment précises dans leur objet pour pouvoir être constituées en droits subjectifs (87) " telles que le droit à la vie et à l'intégrité physique, le droit au nom, le droit à la propre image et le droit à l'honneur, par opposition aux libertés individuelles (88), à l'objet moins précis, " virtualité de droit " selon Josserand. Pour A. Bénabent, " parler de propriété de l'information traduit surtout le souci d'organiser un régime de protection qui en laisse la maîtrise au sujet concerné... c'est en réalité l'idée des droits de la personnalité qui assure le régime de protection des individus (89) "... Droits généraux et absolus, ils sont surtout extrapatrimoniaux en ce qu'ils " n'ont point en eux-mêmes de valeur pécuniaire ", sont incessibles, insaisissables et insusceptibles de renonciation.

22 - Le droit de la personne sur ses informations nous semble à élaborer, ou plutôt à consolider, dans le même esprit que le droit à l'image (forme particulière d'information sur la personne), construction prétorienne autour du principe selon lequel " toute personne a sur son image et sur l'utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut s'opposer à sa diffusion (90) ". Ce droit lui permet de s'opposer à la publication de son image par des tiers non autorisés (91), mais il souffre des tempéraments liés aux activités publiques des personnes et justifiés en doctrine par la " présomption d'autorisation de reproduire l'image que l'on déduit du comportement de la personne photographiée (92) " ou par la " satisfaction d'un besoin légitime du public à être informé par l'image (93) ". Il est un droit-péage, autonome en ce qu'il n'est point besoin de prouver une faute pour en sanctionner la violation, mais équilibré au regard du droit à l'information. Il doit rester raisonné et protégé des dérives marchandes.

23 - Le précédent en est la loi du 6 janv. 1978. Si cette loi a toujours été analysée sous l'angle du droit public (94), elle instaure un rapport de droit privé tout à fait nouveau de l'homme sur les informations le concernant, énonçant un certain nombre de prérogatives de l'individu à l'égard du traitement automatisé de ses données (ou parfois des fichiers non automatisés). Le rappel, à l'article premier de la loi, de la nécessité que l'informatique ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques, participe de cette exaltation des droits de la personnalité. Le lien entre la personne et ses données nominatives est forgé autour de sa dignité et induit des prérogatives spécifiques, qui encadrent l'activité informatique sans toutefois l'entraver. Ce chantier ouvert par l'informatique invite à réfléchir le rapport de droit de l'individu sur son information, qu'elle qu'en soit l'utilisation et sans empêcher la jouissance commune ou individuelle de cette information.

B. L'imprescriptible jouissance

 

La non-appropriation de l'information personnelle n'exclut pas la possibilité, pour son détenteur, d'en exploiter et contrôler l'usage par le biais de conventions licites.

Page 9: Recueil Dalloz 1997

1. - L'exploitation de l'usage

 

24 - Il paraîtrait insolite de nier la possibilité pour l'individu d'exploiter l'usage des informations le concernant quand on constate l'importance de la pratique contractuelle et l'empirisme dans la construction d'un tel droit. Cela ne saurait cependant réduire à néant le droit de la personnalité. Ce débat est vif pour le droit à l'image. Il s'est cristallisé sur sa nature (95), patrimoniale ou extra-patrimoniale. Pour notre part, accepter une possible exploitation de l'image ne signifie pas abandonner la théorie personnaliste. L'individu dispose, sur son image, de certaines prérogatives patrimoniales mais qui ne sauraient remettre en cause la qualification de droit de la personnalité. Nous souscrivons ainsi à une théorie que l'on pourrait qualifier de " dualiste-personnaliste ", pour transposer l'analyse de J. Carbonnier (96), à propos du droit d'auteur ! C'est également le sentiment de F. Rigaux pour qui tous les droits ont une double composante, économique ou patrimoniale et morale ; la division entre droit patrimonial et extra-patrimonial indiquant " la note dominante d'un ensemble dualiste (97) ", et les biens de la personnalité étant " nés sous le signe de leur origine extra-patrimoniale pour accéder progressivement au marché d'échange généralisé qui caractérise les sociétés marchandes ".

25 - Le rapport de droit de l'individu sur son image et son information reste un droit de la personnalité, en dépit même de l'existence d'attributs pécuniaires car ils sont accessoires et ne reposent pas sur la propriété. L'individu ne dispose pas de son image ou de son information mais en exploite l'usage par le biais d'autorisations expresses. Il n'y a ni dépossession, ni disposition. Le droit en jeu est un droit personnel ou droit de créance, rapport de personne à personne, droit d'exiger de quelqu'un des prestations (98) particulières autour de l'image (photographie, publication) ou de l'information (99) (collecte de données, analyse, synthèse, diffusion, etc.) assorties d'ailleurs le plus souvent de restrictions et de conditions d'ordre " moral " quant à l'utilisation de certaines données. L'objet en est donc certain et légitimé par la maîtrise de l'information par son détenteur. La cause sera licite si elle n'est pas contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public.

26 - Ainsi, la rémunération de l'usage d'une information, la cession de droits sur la divulgation de souvenirs ou d'événements personnels, peuvent s'effectuer par le biais de conventions licites quand l'information n'est pas l'objet du contrat mais le prétexte de la prestation. Mais certaines conventions ne sont pas possibles dès lors que l'on ne peut pas aliéner ce qui relève de sa personnalité. L'autorisation est limitée à son objet précis (100). Elle ne saurait valoir renonciation à consentir à d'autres divulgations. A propos du droit à l'image, J. Ravanas souligne qu'une " telle renonciation serait contraire à l'ordre public ; elle aboutirait à une aliénation du droit de la personne sur son image, c'est-à-dire à une appropriation, au profit du bénéficiaire de la publication, d'un droit qui est par essence et qui reste indisponible (101) ".

27 - Par ailleurs, ce droit d'exploitation n'est pas discrétionnaire et peut céder le pas devant certains impératifs. F. Rigaux le mesurait quand, récusant la qualification de droit subjectif, il objectait que " la maîtrise du sujet sur les biens de la personnalité a pour mesure l'ampleur de l'intérêt d'autrui ou les nécessités de l'intérêt général (102) ". C'est ainsi que le droit pour l'individu de négocier l'exploitation de son image à des fins commerciales, dans une perspective professionnelle (103), cède le pas devant les nécessités de l'information. De même que la faculté d'opposition de la personne physique à la collecte et au traitement de données

Page 10: Recueil Dalloz 1997

nominatives n'est possible que pour les traitements du secteur privé et nécessite des raisons légitimes (104).

28 - Enfin, le caractère marchand du droit ne saurait prospérer quand la destination des données n'est pas commerciale ou répond à un besoin d'intérêt public (information d'actualité ou collecte de données par une administration). Il faut consentir à des zones de " gratuité ". C'est sans nul doute la gageure essentielle pour la pérennité et la crédibilité de ce droit. Cela oblige, comme le relève Y. Poullet, à " définir de façon évolutive l'équilibre des intérêts en conflit (105) ". La polémique actuelle sur l'achat de droits audiovisuels sur des biographies de criminels témoigne des limites des attributs patrimoniaux de tels droits, même si, en l'espèce, n'est sollicitée ni la nullité des cessions, ni leur gratuité mais l'affectation des recettes aux victimes... Au demeurant, ce butoir à la liberté de la personne a pour nécessaire corollaire un droit de contrôler l'usage des données.

2. - Le contrôle de l'usage

 

29 - La grande caractéristique des conventions d'exploitation d'informations personnelles est la mention de restrictions dans l'usage des données. Ces clauses protègent la personne contre les contractants ou contre elle-même et participent de l'approche personnaliste du droit. Au-delà de ces montages contractuels, divers textes mettent en place des mécanismes de contrôle a posteriori de l'usage des informations personnelles et la thèse du droit de la personnalité est confortée par leur analyse. En effet, ils ne sont pas justifiés par un rapport de propriété qui entraverait toute utilisation de données personnelles par des tiers, mais prennent en compte les droits de l'individu sur ses données tout en recherchant l'équilibre entre intérêts et libertés en présence, au regard notamment du caractère privé ou sensible des informations en cause.

30 - Le principe de finalité, clef de voûte de la loi Informatique et libertés, de même que le droit d'accès et de rectification ou encore l'exigence d'un consentement exprès au traitement de données sensibles sont exemplaires de cette mutation. Dans ses avis, la CNIL module ses exigences au regard des intérêts en jeu et de la vulnérabilité du système d'information. Ainsi à propos de la diffusion, via Internet, d'annuaires de chercheurs, elle a notamment demandé que soit mentionnée à l'écran " l'interdiction de la capture pure et simple des informations nominatives pour enrichir des bases de données, par exemple à des fins commerciales ou publicitaires (106) ". La mise en place, par voie réglementaire, des listes orange, rouge ou safran des annuaires et services de télécommunications participe de ce même souci de protéger l'individu contre l'utilisation non souhaitée de ses données. Ces évolutions correspondent aux besoins de garanties supplémentaires générées par les nouvelles formes de circulation de l'information et dont, souligne Y. Poullet (107), la théorie du droit de propriété ne saurait rendre compte. Conclusion

31 - Une information non appropriable parce que " collective " a été proposée aux côtés d'une information non appropriable parce qu'" individuelle ".

Des lois de police réglant la manière de jouir des informations, choses communes, ont été suggérées parallèlement à une " police " d'un droit de la personnalité reconnu à l'homme sur ses informations personnelles.

Page 11: Recueil Dalloz 1997

Cette récusation de tout droit de propriété sur l'information invite à revivifier le concept d'usage d'une chose hors commerce parce que non appropriable ou indisponible.

La réglementation de l'usage de l'information est un chantier majeur des sociétés contemporaines. Les avancées législatives et jurisprudentielles des vingt dernières années sont très encourageantes. Penser cet usage en termes de droit à l'information et de droit de la personnalité contribuerait à renforcer un " certain humanisme juridique (108) ".

(1) Traité des droits d'auteurs, dans la littérature, les sciences et les beaux-arts, t. 1, chez J. Renouard et Cie, Libraires, 1838, p. 447.

(2) J. -P. Chamoux, L'appropriation de l'information, ouvrage collectif, Librairies techniques, 1986.

(3) T. com. Compiègne, 2 juin 1989, Sté des bourses françaises c/ Option service, DIT 1989-4, p. 60, note N. Poujol.

(4) Directive 96-9-CE du 11 mars 1996, JOCE L 77-20, 27 mars 1996.

(5) V. F. Pollaud-Dulian, Brèves remarques sur la directive concernant la protection juridique des bases de données, Dalloz Affaires 1996, p. 539 ; N. Mallet-Poujol, La gageure de la protection privative, DIT 1996/1, p. 6 ; M. Vivant, An 2000 : L'information appropriée ?, Mélanges J. -J. Burst, Litec, 1997, p. 651.

(6) V. P. Quéau, " Au nom de la propriété intellectuelle, Menaces sur Internet, Offensive insidieuse contre le droit du public à l'information, Le Monde diplomatique, févr. 1997, p. 27.

(7) Sur la définition de l'information, V. notamment, P. Catala, Ebauche d'une théorie juridique de l'information, D. 1984, Chron. p. 97 ; J. -C. Galloux, Ebauche d'une définition juridique de l'information, D. 1994, Chron. p. 229 .

(8) J. Ellul, Le bluff technologique, Hachette, 1990, p. 388, 389 et 392.

(9) P. Gaudrat, La protection des données de télédétection, Rapport CEE DG XII, 1993, p. 49.

(10) V. A. -C. Kiss, La notion de patrimoine commun de l'humanité, ADI 1982.II.175 ; V. Projet de déclaration sur la protection du génome humain, UNESCO, CIB, 1995 ; J. -C. Galloux, Les enjeux d'une déclaration universelle sur la protection du génome humain, D. 1996, Chron. p. 141 .

(11) V. M. -P. Lucas de Leyssac, Une information seule est-elle susceptible de vol ou d'une autre atteinte juridique aux biens ?, D. 1985, Chron. p. 43 ; J. Deveze, note sous Cass. crim., 12 janv. 1989, DIT 1989/3, p. 34.

(12) V. Cass. crim., 19 janv. 1994, Dr. pén. 1994, Comm. 109, retenant le vol par photocopies, c'est-à-dire avec un support matériel.

(13) V. Cass. crim., 3 avr. 1995, D. 1995, Somm. p. 320, obs. J. Pradel ; JCP 1995, II, n° 22429, note E. Derieux, retenant la prévention de recel de photocopies mais rejetant le recel d'informations.

Page 12: Recueil Dalloz 1997

(14) P. -J. Proudhon, Qu'est-ce que la propriété ?, Garnier Frères, Libraires, 1849, p. 76.

(15) Les concepts mous de la propriété industrielle : passage du modèle de la propriété foncière au modèle du marché, in L'homme, la nature et le droit, C. Bourgois éditeur, 1988, p. 89.

(16) M. -A. Hermitte, op. cit., p. 91.

(17) V. Catala, op. cit., D. 1984, Chron. p. 97, n° 13 et 14 ; C. Le Stanc, Les droits sur l'information : les droits du créateur, in Revue Brises, n° 12, CNRS, 1988 ; M. Vivant, A propos des " biens informationnels ", JCP 1984, I, n° 3132.

(18) A. Lucas, Droit de l'informatique, Thémis, PUF, 1987, p. 355. V. a contrario M. Buydens, La protection de la quasi-création, Larcier, Bruxelles, 1993, p. 756, suggérant une protection spécifique de la quasi-création pour éviter une " dilatation " du droit de la concurrence déloyale !

(19) Desbois, Le droit d'auteur en France, Dalloz, 1978, p. 22 ; V. également Renouard, 1838, op. cit., p. 448 (" Comment douter que par son essence la pensée n'échappe à toute appropriation exclusive ? ") ; G. Huard, Traité de la propriété intellectuelle, Marchal et Billard, 1903, t. 1, p. 69 ; ce principe est bien reçu par les juges, V. CA Versailles, 24 nov. 1994, D. 1995, Somm. p. 262, obs. Serra .

(20) E. Pouillet, Traité théorique et pratique de la propriété littéraire et artistique et du droit de représentation, Marchal et Billard, 1908, p. 36.

(21) V. le débat sur la propriété scientifique.

(22) V. M. Vivant et C. Le Stanc, Lamy Droit de l'informatique, 1997, n° 2535.

(23) V. Cherpillod, L'objet du droit d'auteur, Cedidac, 1985, n° 145 s.

(24) V. la justification capitaliste du principe de libre circulation de l'information proposée par E. Mackaay, Les biens informationnels, in Ordre juridique et ordre technologique, Cahiers STS 12, Editions du CNRS, 1986, p. 145.

(25) V. A. Boistel, Cours de philosophie du droit, A. Fontemoing Editeur, Paris, 1899, p. 157, ajoutant, aux res communes classiques, les idées.

(26) P. Rambaud, Droit Romain, Librairie Marescq, 1893, p. 306 ; en ce sens, Capitant, Introduction à l'étude du droit, 3e éd., 1902, p. 227.

(27) E. Mackaay, op. cit. p. 137.

(28) E. Mackaay, op. cit., p. 143.

(29) Contra, Proudhon, op. cit., p. 75, qui identifie les choses communes par leur caractère " indispensable " et non " inépuisable ".

(30) F. Zenati, Les biens, PUF, coll. Droit fondamental, 1988, n° 12.

Page 13: Recueil Dalloz 1997

(31) A. Boistel, op. cit., p. 157.

(32) A. Boistel, op. cit., p. 252 et 253.

(33) V. M. Rèmond-Gouilloud, Ressources naturelles et choses sans maître, D. 1985, Chron. p. 27.

(34) V. Malaurie et Aynès, Les obligations, Cujas, 1990, n° 489 ; I. Moine, Les choses hors commerce, t. 271, LGDJ, 1996, p. 352, pour qui " les informations d'ordre général sont des choses communes hors commerce, si elles ne représentent pas quelque chose d'original ou si leur connaissance est nécessaire à la vie culturelle de chacun ".

(35) Infra, n° 19.

(36) En ce sens, P. Catala, op. cit., D. 1984, Chron. p. 97, n° 14 ; J. -C. Galloux, op. cit., D. 1994, Chron. p. 229, n° 29 ; N. Mallet-Poujol, La commercialisation des banques de données, CNRS Editions, 1993, n° 338.

(37) Les biens, op. cit., n° 19.

(38) Donner à voir, 1939.

(39) V. également le droit des marques, Cass. com., 7 déc. 1993, JCP éd. E 1994, Pan. n° 279, " L'appropriation d'un terme usuel et banal est susceptible de priver la généralité des entreprises du libre usage d'un mot pouvant leur être utile pour la diffusion de leurs produits ".

(40) Pour A. et H. -J. Lucas (Traité de la propriété littéraire et artistique, Litec, 1994, n° 26), on ne saurait " pallier l'absence de droit d'auteur par la reconnaissance d'un droit de propriété portant directement sur l'information ".

(41) Dont " l'intérêt national s'oppose à ce que ces actes soient objet de propriété ", G. Huard, 1903, t. 1, op. cit., p. 72.

(42) CA Paris, 4e ch., 14 févr. 1990, Couturier c/ Pflieger, RIDA juill. 1990, p. 357 ; D. 1990, IR p. 72 .

(43) CA Paris, 1re ch., 14 janv. 1992, Griolet c/ Vautrin, RIDA, avr. 1992, p. 198.

(44) V. également CA Paris, 23 mai 1991, RIDA janv. 1992, p. 313, pour des " expressions du langage parlé ordinaire, dépourvues de toute originalité et appartenant au domaine public ".

(45) TGI Grenoble, 9 mai 1984, D. 1985, IR p. 309, obs. Colombet.

(46) CA Paris, 18 déc. 1924, D. 1925, Jur. p. 30.

(47) CA Paris, 4e ch., 6 oct. 1995, Labo France Editeur c/ Spectra 2000, RIDA, avr. 1996, p. 308.

(48) CA Paris, 4e ch., 14 oct. 1993, Carré et Neudin c/ SA L'image Document, RIDA avr. 1994, p. 241.

Page 14: Recueil Dalloz 1997

(49) CA Versailles, 31 mars 1981, cité in D. 1983, IR p. 89, obs. Colombet.

(50) CA Paris, 6 mai 1987, D. 1988, Somm. p. 202, obs. Colombet.

(51) CA Paris, 13 sept. 1995, RIDA, avr. 1996, p. 287.

(52) A. et H. -J. Lucas, op. cit., n° 105.

(53) Cass. req., 8 août 1861, Havas c/ Gounouilhou, DP 1862, 1, Jur. p. 136.

(54) V. en ce sens, la suppression par la commission de la justice de l'amendement prévoyant la libre diffusion par la presse des articles d'actualité si la reproduction n'en était pas expressément réservée et qui aurait placé les articles dans le domaine public après la première publication, Doc., Ass. nat., 16 févr. 1956, p. 345.

(55) Huard, t. 1, Paris, 1903, op. cit., p. 62.

(56) Renouard, op. cit., t. 2, p. 132, V. la délectable diatribe contre le décret du 6 juill. 1810 rétablissant un privilège d'antériorité des publications officielles " point dans des intentions de monopole " mais " dans une pensée de censure "...

(57) V. " De la propriété comme modèle " (J. M. Mousseron, J. Raynard et T. Revet, in Mélanges Colomer, 1993), comme illustration de la possible protection par des mécanismes distincts de la propriété ?

(58) V. N. Mallet-Poujol, op. cit., n° 334 s.

(59) Sous réserve du respect des règles du droit de la concurrence.

(60) V. N. Mallet-Poujol, op. cit., n° 384 s.

(61) J. Huet, La modification du droit sous l'influence de l'informatique, JCP éd. CI 1982, II, 13871, n° 17, et JCP 1983, I, n° 3095.

(62) Catala, op. cit., n° 23.

(63) P. Catala, La " propriété " de l'information, Mélanges P. Raynaud, 1985, n° 29.

(64) M. Vivant, Propriété intellectuelle et information, in AGARD, Lecture Series 181, OTAN, 1991, n° 2.1.

(65) V. P. Véron, La protection de l'information par le droit de la concurrence déloyale et parasitaire, in L'entreprise, l'information et le droit, Cah. dr. entr. 1988, n° 1, p. 16.

(66) Cass. req., 23 mai 1900, Havas c/ Alcan-Lévy, DP 1902, 1, Jur. p. 405.

(67) TGI Paris, 14 sept. 1994, RIDA, juill. 1995, p. 353.

(68) N. Mallet-Poujol, Marché de l'information : le droit d'auteur injustement tourmenté, RIDA, avr. 1996, p. 111 s.

Page 15: Recueil Dalloz 1997

(69) T. com. Paris, 23 oct. 1995, Légipresse, mars 1997, I.

(70) Sauf pour ces dernières, à être, par leur formulation, protégées par le droit d'auteur.

(71) V. M. Massé, La protection des informations de l'entreprise par le droit pénal, in L'entreprise, l'information et le droit, Cah. dr. entr. 1988, n° 1, p. 11.

(72) V. art. 323 et s. c. pén.

(73) L. Hunter et J. Rule, Vers un droit de propriété des renseignements personnels, communication au Congrès de l'Association Canadienne Française pour l'avancement de la science, Montréal, mai 1994.

(74) V. V. Saint-James, Réflexions sur la dignité de l'être humain en tant que concept juridique du droit français, D. 1997, Chron. p. 61 .

(75) V. C. Labrusse-Riou, L'enjeu des qualifications : la survie juridique de la personne, Droits, 13 - 1991, p. 19 ; contra : J. -P. Baud, L'affaire de la main volée, Une histoire juridique du corps, Des Travaux/Seuil, 1993, p. 226 ; B. Lemmenicier, Droits, 13 - 1991, p. 116, qui plaide l'appropriation du corps humain.

(76) L. Cadiet, La notion d'information génétique en droit français, in La génétique humaine, de l'information à l'informatisation, Ed. Thémis/Litec diffusion, 1992, p. 52.

(77) L. Cadiet, op. cit., p. 57.

(78) Loi n° 94-653 du 29 juill. 1994 relative au respect du corps humain, JO 30 juill., p. 11056 ; chron. C. Byk, JCP 1994, I, n° 3788.

(79) La loi de 1994 n'a pas consacré l'indisponibilité du corps mais a seulement interdit la disponibilité à titre onéreux (art. 16-5 c. civ.). V. à ce propos C. Labrusse (in Pouvoirs 1991, p. 99) pour qui il est faux de confondre gratuité et moralité... V. également M. -T. Meulders- Klein pour qui " la dignité humaine s'identifie désormais avec la liberté de disposer de soi-même, fût-ce au risque de s'aliéner ou de se nuire, à condition, dernier rempart, que ce ne soit pas dans un but lucratif et que le consentement soit libre et éclairé " (De la bioéthique au bio- droit, LGDJ, 1994, p. 77).

(80) Pour Capitant, " le nom, l'idée, l'invention ne sont pas des choses susceptibles d'un droit de propriété, pas plus que la personne elle-même dont elles ne sont que l'émanation ", in Introduction à l'étude du droit, 3e éd., Paris, 1902, p. 97.

(81) J. Carbonnier, Les obligations, Thémis, PUF, 1994, n° 55.

(82) A noter l'utilisation ambiguë du terme " chose " pour qualifier le corps, mais par référence, a contrario, au concept de " choses qui sont dans le commerce " de l'art. 1128 c. civ.

(83) Contra, J. -C. Honlet qui voit, dans le principe de non-patrimonialité du corps humain, la réduction de " la notion de chose hors commerce à la chose ne pouvant faire l'objet d'un droit patrimonial " (in Le droit saisi par la biologie, LGDJ, 1996, p. 270).

Page 16: Recueil Dalloz 1997

(84) En ce sens, Y. Poullet, Le fondement du droit à la protection des données nominatives : propriétés ou libertés, in Nouvelles technologies et propriété, Ed. Thémis/Litec diffusion, 1991, p. 175, récusant l'idée selon laquelle la loi Informatique et libertés accréditerait la thèse de la propriété des données nominatives.

(85) J. Carbonnier, Droit civil, 1. Les personnes, PUF, 1996, n° 82, p. 133.

(86) Cadiet, op. cit., p. 60.

(87) Carbonnier, op. cit., n° 82, p. 134.

(88) V. également le concept de liberté individuelle proposé par L. Cadiet pour qualifier le droit sur l'information génétique et V. Y. Poullet, évoquant les libertés inaliénables de la personnalité pour qualifier le droit à la protection des données nominatives.

(89) A. Bénabent, Rapport français, in Les nouveaux moyens de reproduction, Travaux Association H. Capitant, Economica, 1988, p. 101.

(90) Cass. 2e civ., 7 juill. 1971, Bull. civ. II, n° 248 ; V. Dumas, Le droit de l'information, PUF, 1981, p. 580.

(91) V. récemment, CA Versailles, 30 juin 1994, D. 1995, Jur. p. 645, note J. Ravanas ; CA Paris, 19 sept. 1995, D. 1995, IR p. 238 .

(92) Sur la manifestation de volonté d'échapper à la curiosité de la presse, V. Cass. 1re civ., 8 juill. 1981, aff. Brel, D. 1982, Jur. p. 65, note R. Lindon.

(93) Dumas, op. cit., p. 577 ; J. Ravanas, ouvrage préc., n° 379, p. 430.

(94) V. J. Frayssinet, Informatique, fichiers et libertés, Litec, 1992 ; H. Maisl, La maîtrise d'une interdépendance (commentaire de la loi du 6 janvier 1978), JCP 1978, I, n° 2891.

(95) V. D. Bécourt, Le droit de la personne sur son image, LGDJ, 1969 ; B. Edelman, Esquisse d'une théorie du sujet : l'homme et son image, D. 1970, Chron. p. 119 ; J. Ravanas, La protection des personnes contre la réalisation et la publication de leur image, LGDJ, 1978 ; E. Gaillard, La double nature du droit à l'image, D. 1984, Chron. p. 161 ; D. Acquarone, L'ambiguïté du droit à l'image, D. 1985, Chron. p. 129 ; P ; Kayser, La protection de la vie privée, PU Aix-en- Provence, 1990, n° 95 ; P. -A. Molinari, Les images floues du droit à l'image, in Nouvelles technologies et propriété, préc., 1991, p. 11.

(96) Carbonnier, Les biens, op. cit., p. 422.

(97) F. Rigaux, La liberté de la vie privée, RID comp. 1991, p. 563.

(98) V. le parallèle avec les cessions de clientèle, Cass. 1re civ., 7 juin 1995, D. 1995, Jur. p. 560, note Beignier .

(99) Contra, Catala, op. cit., D. 1984, Chron. p. 97, n° 27, évoquant un droit de propriété sur les données nominatives.

Page 17: Recueil Dalloz 1997

(100) CA Paris, 11 mai 1994, D. 1995, Jur. p. 185, note J. Ravanas .

(101) J. Ravanas, ouvrage préc., p. 307, n° 288.

(102) F. Rigaux, op. cit., RID comp. 1991, p. 560.

(103) V. CA Paris, 14 juin 1983, D. 1984, Jur. p. 75, note Lindon ; 3 avr. 1987, D. 1988, Somm. p. 390, obs. E. Wagner.

(104) Art. 26 de la loi du 6 janv. 1978.

(105) Poullet, op. cit., p. 189.

(106) Délibérations n° 95-131 et 95-132 du 7 nov. 1995, DIT 1996-2, p. 65, note A. Mole.

(107) Op. cit., p. 185.

(108) D. Tallon, Rép. civ. Dalloz, v° Droits de la personnalité, n° 1.