La Constitution - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782757868980.pdf · avec Jean-Jacques...

22

Transcript of La Constitution - Numilogexcerpts.numilog.com/books/9782757868980.pdf · avec Jean-Jacques...

La Constitution

Ouvrages de Guy Carcassonne

Histoire de la Ve République 1958-2012avec Jean-Jacques Chevallier et Olivier Duhamel

Dalloz, 2012

QPCavec Olivier Duhamel

Dalloz, 2011

Petit dictionnaire de droit constitutionnelSeuil, 2014

La Constitutionintroduite et commentée par

Guy Carcassonne et Marc Guillaume

Préface de

Georges Vedel

quatorzième édition, 2017

Éditions du Seuil

Ce livre est édité par Olivier Duhamel

isbn 978-2-7578-6901-7

(isbn 2-02-063657-3, 1re publication)

© Éditions du Seuil, janvier 1996, janvier 1997, avril 1999, septembre 2000, mars 2002, février 2004, novembre 2005, mai 2007, janvier 2009, janvier 2011,

janvier 2013, septembre 2014, janvier 2016 et septembre 2017.

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Tony et Françoise

Préface

par Georges Vedel

Si Guy Carcassonne m’avait consulté sur le projet qui a donné naissance à ce livre, il n’est pas sûr que je lui aurais conseillé d’y donner suite. Non certes que j’eusse douté de sa science et de son talent. Mais la présentation de notre Constitution article par article me semblait une gageure dont le succès ne pouvait, au mieux, qu’être relatif.

Les périls de l’entreprise ne sont d’ailleurs pas propres au droit constitutionnel. Ils avaient été éprouvés dans d’autres matières. Le droit civil français ne devint adulte que le jour où on le construisit et où on l’enseigna comme tel, et non comme la litanie du code Napoléon commentée selon la méthode exégétique. En vérité, un article de loi ou de code n’a de sens total que mis en rapport avec un dessein général et un ensemble normatif dont il est à la fois le composant et le captif.

S’agissant des institutions politiques, ces périls sont aggravés. Plus que n’importe quel autre corps de règles, une Constitution exige une approche globale. On ne la lit pas comme un traité de géométrie progressant d’axiomes en théorèmes et de théorèmes en corollaires. Il faut au contraire la déchiffrer comme une partition de symphonie ou d’opéra, toute dans sa complexité de lignes mélodiques, de contrepoint, de rythmes, d’instruments et de voix.

Bien plus : comme il n’est pas question d’omettre l’impact factuel des règles commentées, la difficulté est accrue. Une prescription constitutionnelle n’agit pas comme l’énoncé d’un devoir de conscience assigné à des gouvernants ou à des citoyens pétris de vertu. Elle est en réalité une contrainte parmi d’autres avec lesquelles elle se combine. Il s’agit en fin de compte de faire que l’ambition et les passions légitimes qui nourrissent

12

le goût du pouvoir soient contenues, et tournent au service de la société et de ses valeurs.

Ainsi le réseau des normes constitutionnelles, ses croisements avec des structures et des conjonctures échappent à l’imperium normatif, les actions et réactions entre règles et pratiques semblent conjurer toute tentative de lecture linéaire.

Ceci se voit bien dans les mésaventures de l’ingénierie consti-tutionnelle. Malheur à l’ingénieur qui croit que chaque norme est une flèche volant vers sa cible et, sur cette foi, se forge une âme d’archer ! Plus prosaïquement, qu’il se fasse joueur de billard, préoccupé du sort que réservent à la boule qu’il lance les autres boules et les quatre bandes…

Sans doute peut-on, à travers un commentaire des articles de la Constitution, servir un autre objectif que celui de la synthèse. Sous la direction de François Luchaire et de Gérard Conac, des auteurs de qualité ont apporté à notre littérature de droit constitutionnel une somme précieuse de monographies dont les articles du texte de 1958 fournissent les thèmes successifs, laissant au lecteur averti le soin de la synthèse. De même, Thierry Renoux et Michel de Villiers nous ont-ils récemment donné un Code constitutionnel, auquel d’ailleurs Guy Carcassonne rend hommage et qui, à la manière des codes annotés, fait très exactement le point sur les interprétations données, à chaque article, par le Conseil constitutionnel et par la pratique politique.

Mais ce que je n’aurais pas cru possible, c’est précisément la réussite de l’entreprise différente qu’a voulue Guy Carcassonne : à partir d’un discours formellement analytique, construire un objet – le système politique français – dans la triple dimension du droit, de la pratique institutionnelle, de la critique politique.

Heureusement, Olivier Duhamel a été bon juge et n’a pas hésité sur la bonne fin du projet. Il a compris que notre auteur démontrerait le mouvement par la marche en se jouant magis-tralement des obstacles à première vue incontournables.

Mais comment alors Guy Carcassonne s’y est-il pris ?Je crois que son secret majeur est qu’il n’est pas parti des

articles pour remonter à la Constitution. Il a fait l’inverse.Les premières pages du livre nous présentent le système

politique français tel qu’il est pour l’essentiel. Démolissant quelques analyses paresseusement attardées, elles le situent dans le monde des démocraties avancées, évaluant le niveau élevé

La Constitution

13

de développement atteint, et suggèrent les moyens de le porter à un plus haut degré d’efficacité et de valeur. Ce prologue est à mes yeux un chef-d’œuvre d’exactitude et de finesse, et un tour de force de concision. Qu’on me passe la comparaison : Guy Carcassonne ne nous présente pas la panoplie des pièces détachées dont le montage fait un engin. Il nous présente d’abord l’engin et, à partir de cette connaissance, en démonte les rouages. Et voilà pourquoi ses commentaires d’articles peuvent être à la fois brefs, clairs et souvent percutants.

Ce parti, au sens architectural, étant pris, la triple voie, déjà évoquée, est ouverte. À propos de chaque article, un commen-taire juridique éclaire le sens du texte et le met en rapport avec les autres pièces de l’ensemble et avec l’ensemble lui-même. Puis, dans un deuxième temps, il repère les cheminements plus ou moins aventureux et compliqués par lesquels le texte va exercer des contraintes sur les acteurs du jeu politique et permettre ou encadrer, dans les espaces de liberté qu’il autorise, des pratiques et, notamment, ces conventions de la Constitution si bien remises à l’honneur par Pierre Avril. Et, tout naturellement, pour achever cette triade, vient l’appréciation que l’auteur porte sur la valeur et sur l’efficacité des résultats attachés à la règle commentée.

Que cet exercice, répété une centaine de fois, n’ait pas produit un in-folio ; que, dans ses trois parties, chacun des commentaires (sauf une exception que je ferai plus loin) aille à l’essentiel, c’est miracle. Mais le plus étonnant est que l’auteur ait réussi à éviter le double péril des lacunes et des redites auquel l’exposait son projet même. Car il ne faut pas tenir pour des répétitions le retour de certains leitmotive qui font écho aux pages d’intro-duction. Ainsi en va-t-il notamment, comme l’auteur lui-même le souligne, de la restauration d’une souveraineté nationale enfin soustraite à l’invasion du corporatisme des affaires locales.

Au fil des articles, l’auteur nous livre, fruits d’une analyse aiguë et parfois malicieuse, des réflexions inattendues mais qui vont loin. Par exemple, à propos de l’article 8, il recense les contraintes politiques qui, avec ou sans cohabitation, enchaînent le pouvoir présidentiel, théoriquement discrétionnaire, de nomination du Premier ministre. Et (encore un choix de hasard) que l’on se reporte à la conclusion du commentaire du fameux article 20, parfaitement paradoxale et parfaitement vraie. Je

Préface

14

laisse au lecteur le soin de découvrir pas à pas une démonstration quasi socratique : « N’est-il pas vrai, mon ami… ? – Par Zeus, Socrate, tu l’as dit… », etc., conduisant l’interlocuteur, d’abord rebelle, à rendre les armes.

Tout cela est dit dans une langue directe, savoureuse, claire, sans jargon ni circonlocutions.

Le livre s’est voulu objectif ; il ne s’est pas voulu neutre et, notamment sur le terrain des jugements de valeur, l’auteur ne s’attend pas, j’en suis sûr, à une adhésion unanime.

Il ne peut même pas compter sur celle de son préfacier. Je suis obligé pour ma part de récuser les passages du commen-taire de l’article 64 qui, tout en critiquant avec pertinence l’abaissement traditionnel du pouvoir judiciaire, se prolongent par une condamnation globale des corps de magistrats qui en furent les victimes. Cette condamnation, même cantonnée au passé, n’est à mes yeux ni juste ni, donc, acceptable et affaiblit d’ailleurs la critique des institutions judiciaires. Je l’ai dit à Guy Carcassonne : il était libre de rester sur ses positions, mais je suis libre aussi de dire que ce ne sont pas les miennes.

Ce heurt de deux libertés mis entre parenthèses, je redis toute mon admiration pour un livre important, original, plein de science et de talent, et dont j’aurais cru le pari impossible – si Guy Carcassonne ne l’avait superbement gagné.

Janvier 1996

La Constitution

Avant-propos

Cet ouvrage constitue une nouvelle édition de l’œuvre de Guy Carcassonne que sa famille et Olivier Duhamel m’ont demandé de poursuivre.

Guy, avec tout son talent, a défendu la Ve République et ce qu’elle a apporté à la France de plus fondamental : une démo-cratie stable et efficace. Nombre de dispositions originelles ou modifiées de la Constitution du 4 octobre 1958 ont été conçues dans ce but. Guy a aussi toujours su exercer son esprit critique, tantôt sur le texte, tantôt sur la pratique. Après avoir partagé ses analyses, faire perdurer son œuvre est un plaisir et un honneur. Quant aux rares points de vue auxquels il n’était pas parvenu à me rallier, je ne les ai pas gommés. Le temps fera son œuvre.

Guy Carcassonne et Olivier Duhamel ont eu une amitié unique, généreuse pour les autres, qui a, en outre, profondément influé sur de nombreuses réformes : quinquennat, question prioritaire de constitutionnalité, non-cumul des mandats… Ma contribution est dédiée à cette amitié.

Marc Guillaume

Introduction

La Ve République a fait de la France une démocratie moderne, mais elle peut toujours gagner en démocratie et en modernité *.

La Ve République…

Elle est née d’un concours de circonstances. Parce que la IVe République n’avait pas su gagner tous les défis consi-dérables auxquels elle avait été confrontée (reconstruction, décolonisation, modernisation économique…), parce que la Constitution du 27 octobre 1946 avait reproduit les défauts et l’instabilité qui avaient déjà affaibli la IIIe (1875-1940), parce que les Français n’avaient nulle bonne raison d’être attachés à un système politique sans relief ni prestige, et parce que, enfin, la guerre d’Algérie avait fini par éroder jusqu’aux fondements mêmes du régime républicain : il a suffi d’un coup de main de quelques militants déterminés, appuyés par quelques officiers naïfs et enflammés, pour que, au lendemain du 13 mai 1958, Charles de Gaulle se dise prêt à exercer le pouvoir et qu’aussitôt on le lui cède.

* Nombre d’analyses et de conclusions qui figurent ici résultent d’années de fraternité, de dialogue et d’échange avec Olivier Duhamel. On ne s’étonnera donc pas d’en retrouver l’écho, souvent plus déve-loppé, dans son livre Droit constitutionnel et institutions politiques (Paris, Éd. du Seuil, 2011), ainsi, désormais, que dans la mise à jour que nous avons faite ensemble de l’ouvrage de Jean-Jacques Chevallier, Histoire des institutions et des régimes politiques de 1789 à nos jours (J.-J. Chevallier, G. Carcassonne, O. Duhamel, Histoire de la Ve République, 1958-2012, Paris, Dalloz, 2012).

20

Recours des officiers insurgés contre la République, il eut l’habileté de se faire recours de la République contre les officiers insurgés.

Et c’est entouré de gratitudes contraires, après avoir donné à chacun les gages sibyllins dont tous étaient disposés à se satisfaire, que le fondateur de la France libre a été investi comme président du Conseil par l’Assemblée nationale, le 1er juin, laquelle dans la foulée a adopté, le 2, la loi constitutionnelle promulguée le 3 juin 1958. Ayant remis toutes les clés du pouvoir à des mains plus expertes, les députés partirent en vacances. Les trois quarts n’en revinrent jamais.

La révision de la Constitution du 27 octobre 1946 était orga-nisée par son article 90. Il prévoyait une procédure longue, mais il se trouvait qu’il y en avait une en cours. On s’est saisi de l’occasion, on en a changé l’objet et l’on a modifié l’article 90, pour prévoir, par dérogation, que la Constitution serait révisée par le gouvernement du général de Gaulle. Le projet devrait respecter cinq bases (le suffrage universel est la source du pouvoir ; les pouvoirs sont séparés ; le gouvernement est responsable devant le Parlement ; l’autorité judiciaire est indépendante, les libertés de 1789 et 1946 sont réaffirmées ; les peuples d’outre-mer ne sont pas oubliés), être examiné par un Comité consultatif, puis par le Conseil d’État, avant d’être adopté en Conseil des ministres et enfin soumis à référendum.

Ce fut rondement mené. Sous la férule du général de Gaulle, sous la baguette de Michel Debré, garde des Sceaux, sous l’influence des ministres d’État, chefs de ceux des partis de la IVe qui soutenaient la transition, l’avant-projet fut présenté, au mois d’août, au Comité consultatif constitutionnel, composé de spécialistes et, pour les deux tiers, de parlementaires dont la présence faisait la somme de la participation des assemblées.

Après passage au Conseil d’État, qui rendit son avis le 28 août, et adoption en Conseil des ministres le 3 septembre, le projet fut ratifié par les Français, le 28 septembre, à une très large majorité (79,2 % des exprimés, 66,4 % des inscrits en métropole) et promulgué, comme Constitution de la République, le 4 octobre 1958.

Entre le premier appel à de Gaulle et l’entrée en vigueur d’une Constitution totalement nouvelle, cinq mois ne s’étaient pas écoulés.

La Constitution

réalisation : pao éditions du seuilnormandie roto impression s.a.s à lonrai

dépôt légal : septembre 2017. n° 137261 ( )Imprimé en France