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XXXIX e Congrès de la SHMESP Le Caire, 1 er – 4 mai 2008 Recours à l’écrit, autorité du document, constitution d’archives au Moyen Âge Orient et Occident Programme & résumés des communications

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XXXIXe Congrès de la SHMESP

Le Caire, 1er – 4 mai 2008

Recours à l’écrit, autorité du document, constitution d’archives au Moyen Âge

Orient et Occident

Programme

&

résumés des communications

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PROGRAMME

JEUDI 1er MAI Conseil suprême de la culture

Opéra du Caire Zamalek

— Matin 9h : départ de l’hôtel 9h30 : accueil des congressistes, mots de la Présidente et de Sylvie Denoix, directrice des études à l’IFAO — Assemblée générale de la SHMESP. Session I — Mise en écriture et production des documents RAPPORT INTRODUCTIF : François Bougard, Université de Paris X & Gabriel Martinez-Gros,

Université de Paris VIII Nicolas Drocourt, Université de Nantes : « La place de l’écrit dans les relations internationales et la

diplomatie byzantine (VIIIe-XIIe siècle) » Mohamed Ouerfel l i, Université d’Aix-Marseil le I : « Les tra ités de paix et de commerce entre Pise et

l’Égypte au Moyen Âge » Dominique Valérian, Université de Paris I : « Le recours à l’écrit dans les pratiques marchandes en

contexte interculturel : le cas des ports musulmans » Henri Bresc, Université de Paris X, & Anneliese Nef, Université de Paris IV : « Les usages

l inguistiques dans les documents médiévaux sici l iens : la langue arabe dans les actes de la chancellerie royale et dans le notariat (XIIe-XVe siècle) »

Didier Lett, Université de Paris I : « La langue du témoin et la plume du notaire : témoignages oraux

et rédaction des procès de canonisation au XIVe siècle » Repas sur place

— Après midi Session II — Archives égyptiennes et histoire Muhammed El-Nasher, Université de Tanta, « La lettre que le sultan Jakmak adresse à la

municipalité de Barcelone » Afaf Sabra, Université d’Al-Azhar, « Les documents commerciaux : relations entre Venise, l’Égypte

et la Syrie aux XIIIe et XIVe siècles » Adel Abd el-Hafez, Université de Minia, « Le décret de Grégoire XI contre les iconoclastes » Hasanayn Rabie, Université du Caire, « Les papiers de la Geniza sont-i ls des documents

d’archives ? »

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Zobida Atta, Université de Hilwan, « Les documents de la famille Ben Okal de la Geniza sont-i ls

des archives commerciales ? » Lila Abdel Gawad, Université du Caire, « Les waqf-s de bienfaisance des femmes dans l’Égypte

mamlouke » Hussam Ismail, Université d Ayn Shams, « Le sultan et le pil lage des waqf-s. Les documents du sultan

Barsbây » Atelier de doctorants (parallèlement à la session II du congrès) — La durée des exposés est limitée à dix minutes. Construction et autorité du passé à l’époque carolingienne (présidence : Josiane Barbier) Gaëlle Calvet, Université de Paris I : « Terre, mémoire et possession : la constitution de collections

juridiques sur la question des terres d’Église au IXe siècle » Claire Garault, Université de Rennes II, « Le passé recomposé : traditions locales et mémoire

monastique. Le cas de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon » Caroline Chevalier-Royet, Université de Paris IV : « Les commentaires bibliques carolingiens :

recueil l ir et rel ire l’héritage patristique » Constitutions d’archives (présidence : Bruno Galland) Delphine Lannaud, Université de Dijon : « Le traitement des archives par le pouvoir épiscopal

bourguignon à la fin du Moyen Âge : mise par écrit, uti l isation et conservation des documents » Julien Briand, Université de Paris I : « Pourquoi produire des archives dans une vil le du royaume de

France à la fin du Moyen Âge : l’exemple de Reims » Léonard Dauphant, Université de Paris IV : « Les archives d’un ‘Écorcheur’ : reconstitution du

chartrier des seigneurs de Commercy (première moitié du XVe siècle) » Alexandra Gallo, Université d’Aix-Marseil le I : « Écrire, conserver et revendiquer les droits d’une

communauté urbaine provençale : Sisteron » Recours à l’écrit et validation du document entre Orient et Occident (présidence : Christophe Picard) Emmanuel Huertas, Université de Paris I : « Aux origines de l’enregistrement notarié : l’exemple du

cartulaire de Pistoia (Libro Croce, 1113-1145) » Hicham Elaal laoui, post-doc ANR : « Le signe de validation des documents de chancellerie aux

époques almohade et post-a lmohade » Thomas Tanase, Université de Paris I : « La rédaction et la réception en Occident des lettres des

khans mongols de Perse (1260-1316) » Isabelle Ortega, Université de Montpell ier III : « L’inventaire de la bibliothèque de Léonard de

Veroli : témoignage des influences occidentales et orientales dans la principauté de Morée (f in XIIIe siècle) »

Réception à la Résidence de l’Ambassade de France en Égypte

VENDREDI 2 MAI Centre français de culture et de coopération

— Matin Session III — Usages et gestion de l’écrit

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RAPPORT INTRODUCTIF : Laurent Morelle, EPHE, & Christophe Picard, Université de Paris I Béatrice Caseau, Université de Paris IV : « Quel éta it le but des copies multiples dans les archives

byzantines ? » Dominique Barthélemy, Université de Paris IV : « Autorité et usage de la ‘charte’ en France de

l’Ouest au XIe siècle » Chantal Senséby, Université d’Orléans : « Écrit et conflits. Des usages différenciés de l’écrit et des

archives aux XIe et XIIe siècles dans l’espace ligérien » Stéphane Péquignot, EPHE : « Les écrits du ‘temps de la désobéissance’ à la régence de Phil ippe de

Majorque » Federica Masè, Université d’Évry : « Recours à l’écrit et exploitation de la propriété urbaine : le cas

des Vénitiens entre métropole et Méditerranée orientale (XIe-XVe siècle) » Repas sur place

— Après midi Visite 1 – Le Caire dit « fatimide »∗

— entrée dans la vi l le chiite : portes monumentales et murail le fatimide de la f in du XIe siècle (avec inscription à la gloire de Ali)

— une maison palatine ottomane : Beyt Suhaymî — une mosquée fatimide (chiite), XIIe siècle : al-Aqmar — un palais mamlouk du XIVe siècle : le palais de l’émir Beshtak — mosquées mamloukes de l’époque bahrîe (1250-1382) [le complexes rel igieux du sultan

Qalâwûn et de son fi ls le sultan al-Nâsir] et de l’époque circassienne (après 1382) [la mosquée du sultan Barqûq]

— un caravansérail urbain de la fin de la période mamlouke (début XVIe siècle ), le caravanséra i l du sultan al-Ghawrî

Dîner et visite des souks en nocturne

SAMEDI 3 MAI

— Matin Visite 2 – Le Caire, partie sud

— une mosquée de l’islam d’époque califa le : Ibn Tûlûn (fin IXe siècle) — un palais de l’époque mamlouke (émir Tâz) — un sabîl-kuttâb de la f in de l’époque mamlouke (sultan Qâ’it Bây) [un endroit où les musulmans

pouvaient se désaltérer et, à l’étage, un lieu d’enseignement de l’islam pour les enfants] — un complexe religieux de la période mamlouke (mosquée, madrasa des quatre écoles juridiques,

‘cité universita ire’ de l’époque, tombeau du fondateur, hôpita l) : l’établissement du sultan Hasan - XIVe siècle)

∗ Nous visiterons des mosquées et des églises où il faudra se déchausser. Prévoir des chaussures type ‘mocassin’, sans lacets, qui se chaussent et déchaussent aisément. Il va sans dire que, malgré la chaleur, on évitera les tenues dénudées.

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Repas libre

— Après midi Conseil suprême de la culture

Session IV — Constitution des corpus RAPPORT INTRODUCTIF : Bruno Galland (Archives nationales) & Sylvie Denoix (IFAO) Mathieu Til l ier, Université d’Aix-Marseil le I : « Le statut et la conservation des archives

judicia ires dans l’Orient abbasside (VIIIe-Xe siècles) » Julien Loiseau, Université de Montpell ier III, & Yann Potin, Université de Reims : « Le si lence des

archives. Conservation documentaire et historiographie de l’État (royaume de France / sultanat mamelouk, XIIIe-XVe siècle) »

Olivier Canteaut, École nationale des chartes : « Enregistrer, pour quoi fa ire ? Écla irages croisés sur

les pratiques d’enregistrement de la monarchie française et de la papauté d’Avignon (1316-1335) »

Armand Jamme, CNRS : « Les enjeux de la mémoire des actes de gouvernement dans l’État pontifica l

au XIVe siècle » Christiane Klapisch-Zuber, EHESS : « Les archives de famille ita l iennes, XIVe-XVe siècles » CONCLUSIONS GÉNÉRALES : Anne-Marie Eddé, CNRS, & Benoît-Michel Tock, Université de

Strasbourg II Dîner libre

DIMANCHE 4 MAI Visite 3 – Le Wâdî Natrûn

Excursion en bus dans les monastères coptes du Wâdî Natrûn (occupés depuis le IVe siècle) : visite de Deyr Abû Bishoy et Deyr Suryânî (« le couvent des syriaques ») : couvents fortif iés, peintures murales, inscriptions (en syriaque et en copte), iconostases médiévaux… Dîner de clôture à l’IFAO

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ARGUMENTAIRE SCIENTIFIQUE DU CONGRÈS

Le thème du congrès invite à une réflexion globale sur le document, son usage, son autorité et sa conservation au Moyen Âge. C’est donc principalement sur l’écrit documentaire – actes en forme et documents de gestion – que porteront les communications. Ce thème se justifie d’abord par le lieu où se tiendra la rencontre et par l’occasion qui est ainsi offerte, ce qui est rare, de mener une étude comparative entre l’Occident et l’Orient, byzantin et musulman. Le choix du Caire, et plus généralement de l’Égypte, invite en effet à se pencher sur des corpus très riches comme celui des documents conservés dans la Genizah de la synagogue du Caire ou encore les actes des waqf-s, institution du monde musulman où des fondations pieuses – ou d’utilité sociale : mosquée, madrasa, hôpital, etc. – sont entretenues financièrement par le revenu d’établissements rapportant de l’argent (loyers de boutiques, de caravansérails, de logements). Cette concession de l’usufruit des établissements de rapport au profit des fondations pieuses est établie de façon inaliénable dans des documents enregistrés par des cadis, devant témoins.

La définition chronologique du Moyen Âge est grosso modo celle que retiennent les occidentalistes. Les débuts sont un peu plus tardifs en Orient si l’on considère comme rupture principale la conquête musulmane (640-2). Pour la fin de la période, l’avènement de la période ottomane au début du XVIe siècle peut être considéré comme une coupure pertinente.

I — RECOURS À L’ÉCRIT 1. On devra s’interroger sur les fonctions de l’écrit dans les sociétés médiévales.

Quelles nécessités conduisent certaines sociétés, ou certains groupes sociaux, à recourir à l’écrit en des lieux et à des moments précis ? L’écrit est-il utilisé comme preuve en lui-même ou se contente-t-il de consigner des engagements fondés sur la parole et les gestes ? Cette question implique d’envisager plus généralement, pour chaque époque, la reconfiguration permanente du rapport entre l’écrit, la parole et le geste. Un intérêt particulier pourra être porté aux cas documentés où l’oral l’emporte sur l’écrit quand on dispose du témoignage d’une confrontation.

2. L’étude du recours à l’écrit demande que l’on considère les métiers de l’écrit, les

groupes sociaux qui se constituent en intermédiaires indispensables. Où, quand et comment se forment-ils ? Quels savoirs mettent-ils en œuvre ? Quel est leur degré d’homogénéité, de conscience collective ? Peut-on apprécier le degré de professionnalisation de ces personnes ? On peut enfin s’interroger sur leurs pratiques et la diffusion des techniques d’écriture mises en œuvre – en particulier par la diffusion de formulaires et de modèles –, sur leur implication dans d’autres activités culturelles (création littéraire, écriture de l’histoire, etc.) que les modernes ont d’ailleurs peut-être eu tort de voir trop séparées de leurs activités documentaires. Se pose aussi, parfois, la question du choix de la langue.

L’étude du recours à l’écrit invite à aborder un autre problème : celui de la

« performativité », pour emprunter un vocabulaire familier aux linguistes, du document produit, c’est-à-dire de l’autorité qui lui est reconnue et de son efficacité.

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II — AUTORITÉ DU DOCUMENT 1. L’examen de l’autorité du document rejoint dans un premier temps la réflexion

proposée plus haut (I.1). On se penchera ainsi sur les éléments qui fondent l’autorité du document : l’écrit seul ou le fait d’enregistrer l’oral et les gestes ? D’autres aspects méritent également d’être étudiés : l’ancienneté du document ou, tout aussi intéressant, l’imitation de l’ancienneté qui prétend fonder dans le passé l’autorité du document. On pourra aussi s’attarder sur ce que les diplomatistes nomment les caractères externes dès lors qu’ils cherchent clairement à appuyer l’autorité du document : forme, choix du support et du format, mise en page, écriture, signes de validation, etc. Parmi les éléments qui fondent l’autorité du document, il y a bien entendu la qualité des personnes qui le présentent ainsi que celle des témoins qui le souscrivent. Les choix linguistiques multiples adoptés par les rédacteurs entrent aussi en ligne de compte : la langue choisie, mais aussi son éventuel archaïsme, son ornement, la tension entre clarté et sophistication, participent à la construction de l’autorité du document.

2. Apprécier l’autorité d’un document implique aussi d’examiner attentivement, quand

la documentation le permet, les situations dans lesquelles le document a été utilisé. Dans cette perspective, on peut reprendre les pistes qui viennent d’être suggérées : quelles sont les personnes et quels sont les groupes qui en font usage, dans quelles circonstances, quels critères sont mis en avant pour justifier le recours au document ? Plus intéressantes peut-être sont les situations dans lesquelles l’autorité du document a été contestée, surtout si cette contestation s’est accompagnée d’une critique de l’authenticité du document. Les déformations, les sélections, les omissions rencontrées dans les cas de production de documents ne sont pas moins instructives, jusqu’à l’activité des faussaires.

Ces questionnements débouchent sur une dernière réflexion : l’autorité d’un document

n’est pas seulement déterminée par ses caractères propres, mais elle est aussi fonction de l’institution qui a assuré sa conservation.

III — CONSTITUTION D’ARCHIVES 1. Le terme « archives » s’entend des ensembles documentaires conservés par une

personne ou une institution au titre de son activité. Mais il désigne aussi une mémoire écrite organisée, un objet tant intellectuel que matériel. Dans cette perspective, il faudra porter un intérêt tout particulier au « fait archivistique », marqué notamment par la constitution volontaire d’un corpus de documents. Le corpus peut certes résulter dans un premier temps d’une forme de « sédimentation » spontanée, il apparaît néanmoins comme l’entreprise d’un pouvoir, religieux ou civil, ou d’un groupe social bien précis (celui des notaires par exemple). D’où la nécessité de s’interroger sur le moment, les circonstances et les raisons de sa constitution. Tout aussi fondamentales sont les questions qui portent sur le lieu de conservation – et la symbolique qui lui est attachée. On pourra aussi se pencher sur le personnel auquel est confiée la garde des documents en étudiant plus en détail les caractères de ce groupe, sa spécialisation ou sa polyvalence, etc. Une enquête sur les types de documents conservés mérite également d’être menée : ceux qui n’ont qu’une valeur transitoire (écrits de gestion), ceux qui sont destinés d’emblée à la conservation (actes), et ceux, les plus intéressants dans ce contexte, qui évoluent du premier statut au second (simples aide-mémoire d’un engagement oral qui finissent par faire foi par eux-mêmes, évolution du brouillon jetable à la minute authentique, comptabilités d’abord sans cesse récrites sur le même support puis sédimentées en registres). Tout ceci reste étroitement lié à la question des caractères matériels du document.

2. Les travaux du congrès seront enfin attentifs aux usages des archives. Cela

implique de considérer les conditions concrètes dans lesquelles ces archives furent conservées, classées, inventoriées, manipulées, confisquées et captées, transmises. L’accès officiel, officieux, voire clandestin que pouvaient avoir certaines personnes et l’emploi qu’elles en faisaient doivent aussi être précisés. On s’interrogera enfin sur les conditions dans

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lesquelles les archives ont été abandonnées : s’agit-il de destructions, accidentelles ou volontaires, ou d’abandon ? Certains ensembles documentaires (au premier chef la Genizah) s’apparentent en effet à de véritables « cimetières » de documents, lieux paradoxaux où la mémoire est déposée pour ne plus servir. Cette tension fondamentale entre « trésor » et « nécropole » doit assurément être placée au cœur de la réflexion sur les archives.

Il ne sera pas utile d’opérer une distinction stricte – et sans doute anachronique pour

une partie du Moyen Âge – entre archives privées et archives publiques.

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RÉSUMÉS DES COMMUNICATIONS

Session I — Mise en écriture et production des documents — Rapport introductif : François BOUGARD (Université de Paris X) & Gabriel MARTINEZ-GROS (Université de Paris VIII)

* — Nicolas DROCOURT (Université de Nantes) : « La place de l’écrit dans les relations internationales et la diplomatie byzantine (VIIIe-XIIe siècle) La période médiévale a souvent été présentée comme celle où l’oral et l’« oralité » sont

triomphantes, et où l’écrit n’occupe, dans les usages quotidiens ou dans les relations entre les hommes, qu’une place secondaire – mis à part, peut-être, à la fin du Moyen Âge. S’il est pourtant un domaine où la place de l’écrit paraît majeure c’est celui des relations dites « internationales », des contacts diplomatiques entre Etats, princes et principautés, et ce dès le Haut Moyen Âge. L’objet de la présente communication sera d’évaluer cette place dans le cadre de la diplomatie byzantine et dans l’ensemble des domaines où le recours à l’écrit apparaît dans les textes. La politique extérieure de l’Empire, pendant la période médio-byzantine, est active et nous permettra d’aborder des exemples ayant trait tant à l’Occident qu’à l’Orient médiéval.

Le document écrit peut d’abord être considéré comme celui employé par les représentants diplomatiques pendant leurs déplacements. Les émissaires diplomatiques sont chargés de lettres de créance, dont les exemples restent rares pour la période qui nous concerne, tout comme d’autres documents d’identification, eux aussi fixés à l’écrit. Ces documents doivent être exhibés lorsque se pose la question de l’identité des légats diplomatiques et de leurs pouvoirs véritables – notamment durant les longs déplacements des émissaires d’un Etat ou territoire à un autre, ou lors de leur arrivée dans l’Empire.

Cet aspect permet d’établir un lien avec l’identité et la nature des hommes qui prennent part à ces contacts diplomatiques. Plusieurs témoignages attestent leur culture écrite dans les trois principales civilisations en présence (Occident chrétien, Byzance, Islam). L’ambassadeur est aussi choisi parce qu’il est un lettré. Un paradoxe apparent doit être, en ce sens, pris en considération. Il est relatif à la part d’oralité dans les relations diplomatiques et les contacts oraux assurés par ces mêmes hommes. L’oral paraît tout autant caractéristique de ces relations puisqu’il constitue notamment la part centrale des tractations entre les basileis et les représentants des souverains étrangers. Il échappe pourtant en grande partie à l’historien car il n’est guère évoqué dans les textes, de même que la place des traducteurs à la cour byzantine dont le rôle semble pourtant essentiel au bon fonctionnement de la diplomatie. Lorsqu’il l’est, il paraît ravalé à un rang subalterne par rapport à l’écrit, valorisé (exemple de Liutprand de Crémone en 968).

La maîtrise de l’écrit est aussi indispensable pour la préparation, la rédaction, puis la validation des traités internationaux conclus à Constantinople. Le poids de la chancellerie paraît souvent lourd, quel que soit du reste le partenaire diplomatique avec qui Byzance traite. La place de l’écrit apparaît donc centrale en ce sens. Elle est d’autant plus mise en valeur dans les textes qu’un traité de paix est rompu. La rupture de la paix peut être présentée comme une offense faite à l’acte écrit conservé dans les chancelleries, ajoutée à celle du parjure du fait de la rupture du serment prêté lors de la conclusion de cette même paix.

Enfin, l’activité diplomatique est aussi propice, plus largement, à la circulation d’autres types de documents écrits. Il s’agit par exemple de manuscrits offerts à titre de dons diplomatiques, de textes astronomiques entre Byzance et les Arabes ou encore d’écrits de nature prophétique. Ils peuvent être considérés comme secondaires par rapport aux autres documents évoqués plus haut. Néanmoins ils occupent eux aussi une place non négligeable, car ils relèvent de la dimension culturelle des échanges entre Byzance et ses partenaires

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diplomatiques. Ils renforcent d’autant plus le recours à l’écrit lié à l’activité diplomatique dont le centre organisateur est Constantinople.

*

— Mohamed OUERFELLI (Université d’Aix-Marseille I) : « Les traités de paix et de commerce entre Pise et l’Égypte au Moyen Âge » Du XIIe au XVe siècle, la Commune de Pise a entretenu des relations diplomatiques et

commerciales suivies avec l’Égypte ayyoubide, puis mamlouke, dont témoigne un riche corpus de documents aujourd’hui conservé à l’Archivio di Stato de Pise, et dont nous avons entrepris l’édition. Il est constitué par des correspondances entre Pise et les souverains d’Égypte ou leurs représentants, des lettres de marchands, des traités de paix et de commerce, des instructions pour des ambassadeurs et des saufs-conduits. Contrairement à l’Europe, le monde musulman n’a pratiquement conservé aucun traité de paix pour cette époque, alors qu’un exemplaire devait revenir au souverain du pays. Seuls les actes perpétuels étaient soigneusement gardés ; la correspondance diplomatique et les traités de paix et de commerce avaient, par nature, une portée et une validité limitée dans le temps et dans l’espace. Le recours aux documents conservés dans les dépôts d’archives occidentaux est donc indispensable à l’étude des rapports entre la Maremme toscane et l’Égypte.

L’analyse de ces documents permet d’étudier comment s’établissaient les relations diplomatiques et commerciales entre les deux rives de la Méditerranée, comment les ambassades et les émissaires menaient les pourparlers avant de s’accorder sur la rédaction définitive du traité. Nous verrons aussi comment ces documents reflètent les modalités de négociation et de conclusion des traités et nous présentent les activités des différents acteurs : autorités mandataires, médiateurs, intermédiaires, interprètes, etc. Pour certains traités, les deux versions, en latin et en arabe, ont été conservées, parfois sur le même document, ce qui permet une analyse comparative très précise et une bonne appréhension des techniques d’élaboration de ces textes. L’existence de plusieurs versions révèle des influences réciproques et des tensions entre les traditions de chacune des chancelleries et des nouveautés introduites à la suite de contacts avec des milieux ayant des pratiques différentes.

*

— Dominique VALÉRIAN (Université de Paris I) : « Le recours à l’écrit dans les pratiques marchandes en contexte interculturel : le cas des ports musulmans » Malgré l’intensité des échanges entre marchands latins et arabes dans les ports

musulmans, très peu de documents ont été conservés témoignant de ces contacts quotidiens. Au-delà des difficultés qu’elle pose à l’historien, cette rareté pose le problème du recours à l’écrit dans les transactions commerciales entre marchands d’origines géographiques, de langues et de religions – et donc de traditions juridiques – différentes.

Tout semble indiquer en effet que l’usage de l’écrit était très limité dans ces transactions. Cela ne manque pas de surprendre lorsque l’on considère son importance et celle du notariat, aussi bien dans les sociétés latines du sud de l’Europe que dans les sociétés musulmanes. Mais l’absence de contrats conservés n’implique pas nécessairement que ces documents n’ont jamais été produits. Au contraire, leur existence est attestée, même si c’est de manière parfois accidentelle, dans nos sources. On s’appuiera principalement pour cette enquête sur l’exemple des ports maghrébins, en le complétant à l’occasion par les informations disponibles concernant les ports musulmans orientaux.

Le recours à l’écrit dans ce contexte interculturel pose des problèmes multiples. Problèmes juridiques tout d’abord : quelle est la valeur, devant une autorité musulmane, d’un contrat passé devant un notaire chrétien (et réciproquement) ? à qui fait-on appel pour enregistrer de tels contrats ? quelles formes doit avoir le contrat pour être jugé recevable ? y a-t-il adaptation de cette forme au contexte particulier des échanges en terre d’Islam ? Cela pose, plus généralement, la question de l’autorité de l’écrit et de la valeur du contrat hors d’un espace culturel et juridique donné.

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Au-delà des aspects juridiques, la langue posait un problème concret, et supposait la possibilité de comprendre ou de faire traduire un acte écrit en arabe ou en latin. La maîtrise des diverses langues écrites par les notaires, mais aussi les marchands eux-mêmes, n’est en effet pas généralisée, et le recours à des intermédiaires comme les drogmans indispensable.

On devra également s’interroger sur l’utilisation de ces contrats comme preuves dans des procès dès lors qu’un des contractants est rentré chez lui, et qu’il n’est plus possible de faire comparaître les deux parties ni même les témoins de l’acte. Cela soulève la question de la confiance entre les marchands, et de la réputation, d’autant plus importante que les déplacements à longue distance rendaient les contestations plus difficiles, et de la place de l’écrit dans ces relations de confiance.

Enfin il faudra s’interroger sur l’absence de conservation de ces documents, qui n’est certainement pas due au seul hasard, mais plutôt à la fonction de ces contrats, limitée dans le temps, et peut-être à une pratique particulière des notaires.

*

— Henri BRESC (Université de Paris X) & Anneliese NEF (Université de Paris IV) : « Les usages linguistiques dans les documents médiévaux siciliens : la langue arabe dans les actes de la chancellerie royale et dans le notariat (XIIe-XVe siècle) » Les archives siciliennes sont connues pour abriter des documents médiévaux en arabe

rédigés jusqu’à une date relativement tardive. On examinera ici deux usages complémentaires de la langue arabe, par la chancellerie royale aux XIe-XIIe siècles et par les notaires entre le XIIe et le XVe siècle.

1. Premier volet de l’enquête : la langue arabe dans les actes de la chancellerie royale. La Sicile a été le cadre au XIIe siècle d’une production de chancellerie en arabe alors

même que la dynastie en place depuis la fin du XIe siècle était d’origine latine et pratiquait plutôt la langue grecque que l’arabe lors de son arrivée dans l’espace insulaire après un long séjour dans la Calabre hellénophone. Ces documents ont été étudiés de manière approfondie depuis une vingtaine d’années.

On peut s’interroger sur les raisons du choix fait par les Hauteville et l’on n’a pas manqué de le faire. La dernière interprétation en date (J. Johns, 2002) suggère qu’il s’agit d’une innovation qui serait autoréférentielle, sans objectif concret, autre que d’exalter la majesté royale.

On proposera ici, à travers une étude diplomatique et une analyse du personnel administratif, de remettre en avant les continuités avec la période antérieure, à part égale avec les innovations indubitables advenues sous l’influence fatimide. En outre, à mieux prendre en compte le développement de l’anthropologie de l’écriture au cours des trois dernières décennies pour la période médiévale, il apparaît nécessaire de repenser le rôle de ces écrits arabes. N’étaient-ils pas aussi un symbole d’une efficacité administrative que la population insulaire avait tout intérêt à voir se maintenir ?

2. Deuxième volet : la langue arabe et le notariat sicilien Dans une Sicile où la monarchie impose et garantit la coexistence de plusieurs

traditions culturelles et juridiques, correspondant à des aires religieuses reconnues et « établies », chacun suivant sa loi, plusieurs types de contrats se croisent et plusieurs types de notariat coexistent non sans se contaminer.

La pratique italo-byzantine réintroduit dans l’île la carta dispositive, acte subjectif accompli par la remise de l’acte au bénéficiaire, qui ne nécessite pas la présence d’un notaire, mais implique l’insinuation auprès de la Cour. L’acte latin, lui aussi issu de l’étape du duché de Pouille, repose au contraire sur l’autorité d’un notariat public, laïc ou ecclésiastique, et/ou d’un juge ; il articule la valeur probatoire de l’instrument et la conservation de cahiers qui permettent la reconstitution de l’acte perdu. Le contrat musulman, acte testimonial et non dispositif, en théorie simple aide à la mémoire, suit, en Sicile, les formulaires, shurût, fâtimides égyptiens. Il repose sur les témoins. Il conduit cependant à la stabilisation d’une institution notariale musulmane, attestée au XIIIe siècle et doublée d’un notariat juif, qui écrit en arabe et en caractères hébraïques et qui, au XIVe, conserve des cahiers sur le modèle latin.

La conservation dans les chartriers des grands établissements ecclésiastiques palermitains de ces actes en arabe ou en traduction latine comme de nombreux actes grecs,

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également passés par les archives des grandes familles mozarabes, permet l’analyse du contrat. On soulignera la force acquise en Sicile par l’institution du témoin, expliquant la présence tardive de souscriptions en arabe de témoins chrétiens et juifs sur des actes grecs et latins.

*

— Didier LETT (Université de Paris I) : « La langue du témoin et la plume du notaire : témoignages oraux et rédaction des procès de canonisation au XIVe siècle » L’étude des procès de canonisation du XIVe siècle, à une époque où les règles de

constitution de ces documents en Curie sont relativement bien établies, permet de s’interroger sur la fonction de l’écrit, son rôle de preuve, et de vérité et de saisir l’articulation entre l’écrit et l’oral, dans une société (et même au sein de l’administration paperassière avignonnaise) où domine toujours nettement l’idée que l’oral est une auctoritas (au sens médiéval de « garantie ») supérieur à l’écrit.

Les témoins sont venus déposer oralement, dans leur langue maternelle. L’historien dispose de procès-verbaux recopiés dans des manuscrits rédigés en latin. Il peut donc mesurer les effets de cette mise en forme graphique sur des informations transmises oralement. Comme la parole, l’écriture est une technique de communication. Mais, « tout changement dans les systèmes de communication a nécessairement d’importants effets sur les contenus transmis » (Jack Goody). L’écriture permet donc de conserver les paroles des témoins mais en les transformant par un processus d’abstraction et de sélection. La mise par écrit ne permet en aucun cas (contrairement à ce qu’on peut lire parfois) d’accéder à « la voix vive ». Elle a tendance à gommer les contradictions, à distiller dans les récits des facteurs de ressemblances qui n’existaient pas dans leur forme orale (« la ressemblance morphologique »). Elle participe donc largement à la volonté des postulateurs de la cause (les groupes de pression qui ont œuvré pour que s’ouvre le procès) d’accorder (concordare) les récits.

Comme les paroles prononcées, l’écriture porte en elle sa propre efficacité performative. En matérialisant sur un support (parchemin et papier) les paroles prononcées par les témoins et en unifiant leur lexique et leur syntaxe, la mise par écrit des dépositions représente le début d’un processus volontaire de standardisation (processus qui prend une forme extrême avec la réécriture des procès sous la forme des abbreviationes). Les fortes dissemblances et les contradictions qui ont pu exister dans la forme orale sont atténuées, voire gommées, au profit de récits présentant de fortes ressemblances, sans être jamais des duplications. La procédure inquisitoire, en transformant des souvenirs personnels en mémoire collective et des témoignages oraux en récits écrits renforcent l’effet de vérité.

Cette réflexion sur l’articulation entre oral et écrit a été partiellement entamée à propos du procès de canonisation de Nicolas de Tolentino (1325) dans le cadre de notre nouveau mémoire d’Habilitation. Nous proposons, dans le cadre de l’intervention du Caire, d’étendre l’enquête à cinq autres procès de 1307 à 1371.

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Session II — Archives égyptiennes et histoire — Muhammed EL-NASHER (Université de Tanta) : « La lettre que le sultan Jakmak adresse à la municipalité de Barcelone »

En que asegura y confirma, a peticion del Enviado del Rey de Aragon, Su amistad y las esenciones y libertad de comercio, Conforme a los antiguos Tratados, a todos los navegantes y mercaderes de Cataluna. Fecha en el ano del Senor 1436.

Hay algunas pointes tnemos que a segurar las: 1- Porque Elsoltan El-Saaid Jakmk envia Esta Carta y estudio sobre la politica de comercio

en Sultanto de Mameluco y Reino de Aragon. 2- La carta tiene la fecha escrita en (el mes de chawal, ano ochocientos y quarenta de la

Egira, mil quatrocientos treinta y seis de jesu christo). Esta fecha no es correcta porque El-Saaid jakmk Sultan de Egipto de 1438 hasta 1453.

3- Las relaciones entre reino de Aragon y Sultanto Mameluco antes esta carta.

— Afaf SABRA (Université d’Al-Azhar) : « Les documents commerciaux : relations entre Venise, l’Égypte et la Syrie aux XIIIe et XIVe siècles »

The Study shall depend only on the reserved documents. Which pertaining these relations. The most prominent of these documents is the group of documents that collected to us by the French historian Mas Batrie under title: "Traite des Paix et de commerce, Documents diveres. Paris, H, Plum imperium, 1865".

And also the group which collected by the two professors Lopez & Raymond at their book "Medieval Trade in the Mediterranean World".

The study is divided into these axes: 1- Introduction. The political and economic situation of Venice and the state of Mamluke in Egypt and Syria. 2- Venetian fleets, its types, appointments, and the Roods to Egypt. 3- The attitude of the popes towards the commercial relations between Venice and the

Mamluke sultans. 4- Commodities carried by Venetian fleets to and from Egypt and Syria. 5- The position of the Venetian traders in the Moslem towns and the security granted to

them. 6- The harbor privileges and commercial advantages which granted to the Venetian Traders. 7- The role of consuls and vice-consuls to protect the Venetian traders. 8- The procedures of sell and purchase of the Venetian goods. 9- The Venetian institutions in Egypt.

Then there is a conclusion showing the most important points that the research achieved and the documents provided, including the treaties, decrees and security which was given to the traders and organizing their accommodation and their commercial dealings.

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— Adel ABD EL-HAFEZ (Université de Minia) : « Le décret de Grégoire XI contre les iconoclastes »

The Pope (Gregory III) made a decree in the council that if anyone, in the future, should condemn those who hold to the old custom of the apostlic church and should oppose the veneration of the holy images of God, or of our Lord Jesus Christ, or of his mother, the immaculate and glorious Virgin Mary, or of the apostles, or of any of the saints, he should be cut off from the body and blood of our Lord Jesus Christ. And all the clergy present solemnly signed this decree.

— Hasanayn RABIE (Université du Caire) : « Les papiers de la Geniza sont-ils des documents d’archives ? »

The Geniza is well known to scholars. It provides useful evidence about commercial activities in Egypt, Syria, Higaz and other countries in Medieval Islam. The Cairo Geniza Documents furnish important information not to be found in the literary sources as such matters as the famous caravan roods, entry permits for merchants, taxes, specifying their amounts and methods of collection. These documents throw light on the monetary system, and provide information on the depreciation of coins, and the acute monetary crises of the period. This collection is very important to study taxes on trade and transactions.

Research on the Geniza records is complicated by the fact that most of them derive from the Fāţimid period, some from Ayyūbid period, but only or very small quantity from the Mamluk era. The majority of fragments are undated, and there is the danger of relying on an undated fragment from the Fāţimid period for evidence for a later period.

— Zobida ATTA (Université de Hilwan) : « Les documents de la famille Ben Okal de la Geniza sont-ils des archives commerciales ? »

Le but de cette communication est de traiter les archives de la Gueniza comme une source pour l’histoire économique en prenant l’exemple de la série concernant la famille Ben ‘Okkâl, famille de grands commerçants du Caire. Notre propos st de confirmer la validité des documents de cette série en ce qui concerne les affaires commerciales.

— Lila ABDEL GAWAD (Université du Caire) : « Les waqf-s de bienfaisance des femmes dans l’Égypte mamlouke »

In this Paper, I will shade highlight on the waqfs of women during the mamluk era. This will be done through reading many of the waqf documents for women which deal with charity work such as:

- Feeding the poors in Cairo, Mecca and Medina. - Providing water for people and animals. - Feeding prisoners. - Providing financial assistance to widows, orphans and students.

— Hussam ISMAIL (Université d’Ayn Shams) : « Le sultan et l’usurpation des waqf-s. Les documents du sultan Barsbây » Plusieurs phénomènes, qui remontent à l’époque des sultans mamluks, méritent notre

attention. Le plus important se repère dans les archives des édifices waqfs appartenant aux sultans. La manière d’acquérir ces propriétés et la provenance des bâtiments ne figurent pas pour la plupart du temps dans ces documents. A l’exception du cas du sultan al-Ghouri, pour lequel on a retrouvé des documents d’achats et de propriétés qui relatent comment il en avait pris possession et leur état lorsqu’il les avait remis aux bénéficiaires, avant ou après leur rénovation.

On retrouve deux écrits de waqfs du sultan al-Ashraf Barsbay, l’un aux archives du Ministère des waqfs au Caire, l’autre parmi les documents du Centre national des archives au Caire, dans lesquels sont mentionnés les biens légués au bénéfice de ses fondations religieuses, éducatives et sociales, sans mentionner comment il en avait pris possession, mais

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parfois, il faisait allusion au fait qu’il ne possède pas plus que la moitié ou le quart du bien sans citer à qui appartenait le reste.

D’après les références contemporaines, nous constatons que le sultan tira parti de son de son pouvoir pour s’approprier 75% des édifices qui avaient besoin de restauration ou de reconstruction pour être rénovés. De même nous constatons qu’il avait détruit des édifices de la rue al-Mo‘izz pour construire sa madrasa, sans préciser comment il les avait acquis. L’achat de ces biens est apparent dans les textes, mais il est clair que de toutes façons il profita de son pouvoir pour s’emparer de ces édifices qu’il légua aux bénéficiaires du waqf.

Atelier de doctorants (parallèlement à la session II du congrès) A. Construction et autorité du passé à l’époque carolingienne (présidence : Josiane BARBIER) — Gaëlle CALVET (Université de Paris I) : « Terre, mémoire et possession : la constitution de collections juridiques sur la question des terres d’Église au IXe siècle » Le IXe siècle n’est pas une période de création de nouveaux arguments pour la défense

de la propriété ecclésiastique. Les théoriciens, Hincmar en tête, reprennent les arguments des conciles mérovingiens sans vraiment les modifier. Mais ces conciles ne pouvaient pas répondre à tous les problèmes et devant les manques et les faiblesses de leur argumentaire, les grands ecclésiastiques ont alors eu recours à des faux. Les plus célèbres d’entre eux sont ceux du Pseudo-Isidore qui datent du milieu du IXe siècle, mais les Gesta de l’évêque Aldric du Mans en sont un autre exemple.

L’utilisation de références conciliaires, pontificales, patristiques et bibliques pour constituer des collections juridiques sur la question des biens d’Église semble suivre le même processus que la compilation des actes dans les cartulaires : la mémoire et les preuves juridiques sont collectées, accumulées, organisées et conservées dans un but de défense par les différents membres du clergé. Aldric du Mans fait retranscrire dans ses Gesta un très grand nombre d’actes pour défendre les biens de son église et prouver par l’écrit son droit sur des terres. Hincmar de Reims emploie dans différentes collections juridiques toujours les mêmes références et les mêmes citations, quasiment dans le même ordre, pour défendre l’idée d’une inaliénabilité et d’une sacralité des terres d’Église. Les rédacteurs du Pseudo-Isidore sont eux aussi dans cette démarche intellectuelle de compilation, de vrais et de faux documents.

Il peut être intéressant de comparer dans le détail ces deux corpus différents : cartulaires/Gesta et collections juridiques. Les documents collectés ne sont pas les mêmes, mais la démarche de mise par écrit, d’accumulation, et de conservation semble être assez proche. L’autorité de ces arguments naît-elle alors de leur simple mise par écrit, de l’auctoritas d’un pape, d’un saint ou de la personne dont émane le document, ou de leur accumulation ?

Sources : Hincmar de Reims, Collectio de ecclesiis et capellis, éd. Martina Stratmann, Hanovre, 1990 (M.G.H., Fontes iuris Germanici antiqui in usum scholarum separatim editi, 14) ; Hincmar de Reims, De villa Novilliaco, éd. Hubert Mordek, « Ein exemplarischer Rechtsstreit : Hinkmar von Reims und das Landgut Neuilly-Saint-Front », dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Kanonistische Abteilung, 83, 1997, p. 100-112 ; Geschichte des Bistums Le Mans von der Spätantike bis zur Karolingerzeit : Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium und Gesta Aldrici, 1, Die erzählenden Texte ; 2, Die Urkunden ; 3, Exkurse und Register, éd. Margarete Weidemann, Bonn, 2002 ; Die falschen Dekretalen Pseudoisidors und Capitula Angilramni, nouv. éd. : http://www.pseudoisidor.mgh.de/

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— Claire GARAULT (Université de Rennes II) : « Le passé recomposé : traditions locales et mémoire monastique. Le cas de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon » L’exposé reprendra ici le dossier relatif à l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon, à savoir

les Gesta Sanctorum Rotonensium, rédigés dans le courant du IXe siècle à Redon, lieu qui a une situation bien particulière puisqu’il se trouve en position de carrefour, entre l’espace carolingien et l’espace breton. Les deux autres documents, la Vita Conuuoionis (ce dernier est le saint abbé fondateur du monastère) et le Cartulaire de Redon ont tous deux été élaborés au XIe siècle à Redon également. Ce champ d’étude peut surprendre puisque ces sources ne relèvent pas toutes du genre de l’écrit documentaire. Cependant, il semble intéressant de les prendre dans leur intégralité en gardant toujours à l’esprit leur différence de nature afin de faire ressortir la particularité des Gesta. Notons que pour étudier cet espace de carrefour entre Carolingiens et Bretons, il ne reste aucun document « authentique » du IXe siècle, hormis les actes datant de cette époque et qui ont été retranscrits dans le Cartulaire au XIe siècle. Les Gesta sont donc une source d’information importante, même si elle reste narrative. Nous ne pouvons, pour des raisons chronologiques évidentes, mettre sur le même plan les Gesta, le Cartulaire de Redon et la Vita Conuuoionis. En revanche, quelques correspondances peuvent être établies et quelques hypothèses peuvent être avancées. En effet, ce choix documentaire invite, pour les Gesta, à mener une analyse fonctionnelle allant bien au-delà de l’étude de la typologie hagiographique, analyse qui s’appuiera sur une étude multi-scalaire. D’une part, les Gesta peuvent et doivent être appréhendés et être compris comme une œuvre hagiographique, qui s’attache à montrer la vie exemplaire des Saints qui ont fait la renommée du lieu. Il n’y a pas de Vita à proprement parler, mais les bribes de quelques vies des saints qui rythment le récit et surtout, en premier plan ou en arrière plan, la figure de l’abbé fondateur. D’autre part, si ces Gesta relèvent du genre hagiographique, elles relèvent également de celui des Gesta. Finalement, elles peuvent être lues comme une œuvre originale, mêlant hagiographie, gestes, histoire…Leur fonction première est donc bien la promotion du monastère. Néanmoins, un deuxième niveau de lecture peut s’avérer intéressant : on peut effectivement s’interroger sur l’idée de la recomposition du passé et la mise en histoire du récit et par conséquent, sur les traditions locales et la mémoire monastique et sur les rapports entre textes narratifs et écrits documentaires.

Le passé de ce monastère semble être recomposé par l’écriture de son histoire. Les deux repères indispensables à la « fabrication » de l’histoire sont le temps et l’espace ; deux éléments qui sont très présents dans les Gesta. En effet, plusieurs échelles temporelles sont à prendre en compte : l’histoire du monastère se compose ou se recompose entre histoire locale et régionale puisqu’il est fait référence au diocèse vannetais et plus largement à la Bretagne. C’est ainsi qu’on lit quelques belles lignes sur la fondation de l’établissement monastique, sur l’acquisition de terres, de paroisses ou de reliques. Les moines de Redon sont mis, à plusieurs reprises, en contact avec Rome et de ce fait, participent pleinement à l’histoire universelle chrétienne. Parallèlement, l’histoire du monastère de Redon est intégrée à celle de l’histoire carolingienne : Louis le Pieux et Charles le Chauve sont plusieurs fois mis en scène en compagnie de Nominoé et d’Erispoé. On assiste ainsi à la narratio des origines de l’abbaye. Un rapprochement est à faire avec les chartes et les notices du Cartulaire. Le récit est donc mis en œuvre par l’auteur qui manie habilement sources écrites (chartes et notices), indicateurs temporels et connecteurs logiques pour aider le lecteur à s’y retrouver. Le même travail est mené pour l’espace car, là aussi, il se décline : l’échelle locale est évidemment très présente dès qu’il s’agit de la sacralisation d’un territoire aux abords du monastère. On assiste à la création d’une sorte de micro-géographie. Redon s’inscrit également dans l’espace carolingien, échelle quasi-européenne puisque les pèlerins traversent l’Aquitaine, la Burgondie, la Neustrie… L’abbé Conwoion effectue lui-même un séjour au palais l’empereur à Paris, puis à Tours. Autre dimension à prendre en compte : Redon fait partie des lieux saints au même titre que Jérusalem ou Rome, c’est un passage obligé pour les pèlerins. L’abbaye s’inscrit donc dans une géographie du sacré.

Pour rédiger ces Gesta, l’auteur a consciemment mis en œuvre les sources dont il disposait. A plusieurs reprises, il fait part au lecteur de sa façon de travailler et de collecter des éléments : il a connu personnellement l’abbé fondateur et certains témoins. Il utilise aussi des sources écrites (quelques correspondances pourront être établies et on peut émettre l’hypothèse selon laquelle l’auteur se sert d’archives ou en tout cas des chartes et des notices

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conservées au monastère). Il se porte ainsi garant de ces quelques pages. L’autorité du document en est donc renforcée. D’ailleurs, si on ne connaît pas l’identité de l’auteur, il se dévoile au fil des lignes et se permet d’appuyer tel ou tel événement.

Ce passé recomposé par un auteur anonyme mais très présent, permet d’élaborer un discours des origines qui met en avant un lien privilégié entre le monastère de Redon, le pouvoir carolingien et l’Eglise de Rome. Finalement, les pouvoirs locaux sont quasiment absents des Gesta Sanctorum Rotonensium ; en revanche, ils sont très présents dans les actes datés du IXe siècle dans le Cartulaire de Redon. Le fait qu’ils soient écartés de la narratio amène quelque interrogation : y a-t-il « invention d’une tradition » au service de la mémoire monastique ? Le va-et-vient entre discours narratif et écrits documentaires ouvrira des perspectives.

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— Caroline CHEVALIER-ROYET (Université de Paris IV) : « Les commentaires bibliques carolingiens : recueillir et relire l’héritage patristique » « Tu m’as ordonné un travail qui dépasse mes forces : que je rédige, une fois lu tout ce

qu’on dit les Pères, une compilation sur le Pentateuque, qui expose à la fois le sens de la lettre et la signification spirituelle, et que là où je ne trouverais pas de commentaire des Pères, je m’efforce d’en donner un moi-même, par mon propre labeur. » Ainsi Raban Maur introduit-il son commentaire sur la Genèse dans une lettre adressée à Fréculphe, évêque de Lisieux1. Il résume clairement sa conception du commentaire biblique – conception partagée par les autres exégètes carolingiens. Les commentaires sont conçus comme de vastes anthologies ayant pour but de recueillir l’immense héritage des Pères et des auteurs reconnus, comme Isidore de Séville ou Bède le Vénérable. Les commentaires carolingiens prennent donc une valeur de conservation et jouent un rôle primordial dans la transmission des textes patristiques et du haut Moyen Âge.

A partir de l’exemple de trois commentaires carolingiens sur les livres des Rois, compilés par Claude de Turin, Raban Maur et Angélome de Luxeuil, je propose d’étudier le rapport entretenu par ces exégètes avec leurs sources. Même si ces exégètes sont animés par un souci d’exhaustivité, quelles sont les sources qu’ils privilégient ? Comment citent-ils ces sources : les respectent-ils ou les adaptent-ils à leur propos ?

Car ce deuxième aspect de la citation de Raban est également fondamental : Raban Maur, en particulier, ajoute sa propre pierre à l’édifice exégétique. Il commente les versets délaissés par ses illustres prédécesseurs, et parfois n’hésite pas à adapter ses emprunts à son propre dessein. Assimiler les commentaires à de vastes anthologies en réduit la portée. Certes, ces commentaires sont un chaînon fondamental dans la transmission des textes et ont donc une valeur d’archive, valeur revendiquée par les lettrés Carolingiens ; mais il convient également de souligner la part d’innovation, la volonté d’enrichissement inhérentes à ces ambitieuses entreprises exégétiques.

B. Constitutions d’archives (présidence : Bruno GALLAND) — Delphine LANNAUD (Université de Dijon) : « Le traitement des archives par le pouvoir épiscopal bourguignon à la fin du Moyen Âge : mise par écrit, utilisation et conservation des documents » La valorisation du pouvoir épiscopal, dans un contexte encore incertain, passe par une

meilleure gestion des bénéfices et du temporel qui le constituent. Un tel travail s’avère d’autant plus nécessaire que la guerre de Cent Ans a largement désorganisé certains territoires, parfois désertés par leurs habitants. Les efforts de chaque promu se traduisent par une rigoureuse conservation de leurs archives, généralement rassemblées en un seul lieu,

1 Passage cité et traduit par Gilbert DAHAN dans L’Occident médiéval, lecteur de l’Écriture, Supplément aux

Cahiers Évangile n°116, Paris, juin 2001, p. 7.

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donc aisément retrouvées au moment de leur succession. L’évêque langrois Jean 1er d’Amboise peut consulter les comptes de ses seigneuries à Mussy-L’Evêque. A la suite de son prédécesseur, il choisit ce château tout juste rénové où il installe sa bibliothèque de cent-vingt volumes, à l’ameublement fonctionnel, dont profite également par usufruit son neveu et successeur. Aménagée dans une pièce contiguë à la chapelle du château et désignée comme « l’estude de monditseigneur », elle abrite un véritable lieu de travail, où se décèlent encore les traces d’une administration quotidienne du temporel. À Auxerre, c’est au château de Régennes que les comptes, censiers, registres et titres sont tout d’abord regroupés jusqu’à leur destruction. Après leur rétablissement, elles sont ensuite conservées dans le palais de la cité épiscopale : jouxtant la chambre haute où l’ordinaire Jean Baillet décède, se trouve une étude, et à côté de celle-ci un « contouer » avec six marches permettant d’accéder au trésor où sont entreposées les archives, classées par seigneuries dans des layettes.

Les prélats bourguignons entreprennent non seulement une mise en ordre de leurs archives mais aussi une rédaction de leurs droits afin de satisfaire une double exigence : réorganiser l’administration de leurs domaines et défendre leur condition seigneuriale. Ils s’emploient ainsi à faire reconnaître, par écrit, leurs droits les plus divers afin d’empêcher leur détournement. Une telle rédaction témoigne de la rigueur de leur gestion et du désir de disposer d’outils aussi efficaces que ceux utilisés par les seigneurs laïcs. Au cours du premier tiers du XVe siècle, le terrier, notamment, devient leur instrument par excellence, se substituant progressivement au censier. S’ils ne sont pas les premiers à en voir l’intérêt, de prestigieux exemples les incitent vite à conduire des enquêtes en vue de leur écriture.

Leur tâche s’avère très vaste, parfois même urgente lorsqu’une large partie du Trésor épiscopal a été perdue, comme cela semble être le cas à Régennes. En effet, certains d’entre eux doivent reconstituer leurs archives, partiellement détruites dans l’incendie du château où elles avaient été déposées : nombreux sont les registres, titres et papiers à brûler ou disparaître.

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— Julien BRIAND (Université de Paris I) : « Pourquoi produire des archives dans une ville du royaume de France à la fin du Moyen Âge ? L’exemple de Reims » L’écrit documentaire, à travers la logique de sa production, de sa conservation, de sa

transmission, de ses usages et de son classement forme autant d’indices parlant pour le fonctionnement et les étapes de développement du pouvoir urbain et les rapports qu’entretient une élite urbaine assez fermée avec le commun.

Les XIVe-XVe siècles marquent quantitativement une phase d’accélération de la production documentaire à Reims. Trois grands moments peuvent être distingués dans cette formation d’une mémoire du gouvernement urbain en action, qui aboutissent à une grande diversification des documents. La première phase, identifiable aux années 1330, se caractérise par la mise par écrit concomitante des comptes et des registres judiciaires. Une seconde phase s’ouvre dans les années 1420, avec la mise en registre des conclusions du conseil de ville, auparavant conservées sous la forme de simples procès-verbaux de séance, et la réalisation du cartulaire de l’échevinage, à partir d’un don testamentaire d’un particulier, démarche en soi très remarquable. Enfin, les années 1470-1520 voient la réalisation de trois inventaires d’archives, produits aussi bien par l’échevinage que le conseil de ville, auxquels s’ajoutent les « mémoires » (ou « manuel », ou « journal ») du clerc-procureur de l’échevinage, Jean Foulquart. Ces inventaires partiels se présentent encore comme des livres de privilèges et les actes de la pratique administrative y sont sous-représentés.

Différentes motivations expliquant cette accélération peuvent être identifiées, au premier rang desquelles la volonté de s’affirmer symboliquement dans un contexte de rivalités institutionnelles. En enregistrant comptes et plaids judiciaires, auxquels ils participent en tant que juges aux côtés des officiers archiépiscopaux, les échevins entendent en effet souligner leur autonomie par rapport à l’archevêque de Reims, seigneur de la ville. Pour ce faire, ils mettent l’accent sur deux facettes de leur pouvoir, leurs compétences financières et, à travers elles, leur pouvoir de contrainte sur le reste de la communauté par le biais de la levée des impôts, et leurs prérogatives judiciaires. De même, l’intense production

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de mémoire initiée par ce même échevinage dans les années 1470-1480 peut être analysée comme une réaction face au déclin progressif de son rôle depuis l’instauration, en 1358, du conseil de ville, instance de gouvernement unifié par-delà les différents bans de la ville. Cette production écrite témoigne par ailleurs d’une rationalisation du gouvernement urbain, qu’il s’agisse d’enregistrer la mémoire des décisions prises afin d’éclairer les décisions à prendre, de retrouver un acte utile lors d’un procès pour prouver les droits arrachés au seigneur, ou de mieux compter à la fin de l’année le total des dépenses qu’a engagé le receveur des deniers. Mais, au-delà, se met en place une véritable pratique de gouvernement visant à instaurer un dialogue avec les gouvernés. L’exemple des comptes le montre très bien : leur conservation n’a pas seulement une finalité comptable mais aussi sociale. Dans un contexte d’augmentation des prélèvements fiscaux, les nouveaux échevins entendent satisfaire les exigences du commun pour une plus grande transparence. Le peuple qui murmure fait peur aux dirigeants, car le murmure précède souvent la révolte. Des procédures sélectives de « publicité » de certains écrits sont alors mises en place, tandis que le secret entoure toujours d’un voile opaque d’autres documents, dont l’accès est réservé aux élites. Enfin, la gestion de l’écrit administratif est indissociable de la défense de l’honneur urbain : privilèges et droits sont soigneusement mis par écrit et conservés dans l’arche de la ville, tandis que la mémoire des sacres est instrumentalisée. De ce fait, on peut aller jusqu’à se demander si les archives urbaines, au même titre que le trésor des chartes, ne forment pas un théâtre du pouvoir.

L’étude permet également d’envisager la formation et les méthodes de travail d’un milieu. Le monde des clercs de ville rémois est en effet au cœur du sujet, aussi bien en ce qui concerne son recrutement, sa formation que sa culture. Parmi eux, se distingue la figure de Jean Foulquart, à la foi mémorialiste, organisateur de mystères et connaisseur du droit peut-être ouvert à l’humanisme. Ses fonctions officielles au sein de l’échevinage et du conseil de ville servent de base à la chronique des Faits de la ville de Reims pendant XX ans qu’il tient entre au moins entre 1480 et 1498. Le récit, établi probablement à partir des notes prises lors des séances du conseil de ville en vue de la rédaction des registres de conclusions, témoigne de l’amour que porte le clerc-procureur à sa petite patrie.

Enfin, l’organisation matérielle des archives retiendra toute notre attention à travers la prise en compte dans le temps des différents lieux de conservation (dissémination chez des particuliers, couvents et églises jusqu’à ce que la maison commune prenne le pas au XVIe siècle), le classement des documents dans l’étude du conseil (cotes, modes de conservation, répartition des documents dans la pièce) et le tri documentaire mis en œuvre (quels actes conserve-t-on ? Sur quels critères ? Qui sélectionne ?). Ces pratiques dénotent la mise en place d’une véritable culture archivistique dont il serait intéressant de saisir les modèles.

Au total, la bonne gestion de l’écrit documentaire par les autorités urbaines répond donc à des visées non seulement internes, le maintien de la paix urbaine, mais aussi externes puisque c’est une façon de satisfaire une royauté de plus en plus exigeante sur ce point. L’image que renvoient à l’extérieur la ville et ses dirigeants y est profondément liée. Le bon gouvernement, qui passe par l’écrit, fait figure d’élément essentiel dans la construction de l’honneur urbain.

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— Léonard DAUPHANT (Université de Paris IV) : « Les archives d’un ‘Écorcheur’ : reconstitution du chartrier des seigneurs de Commercy (1ère moitié du XVe siècle) » Sur la limite orientale du royaume de France, la seigneurie de Commercy est au XVe

siècle possédée par la branche cadette de la famille de Sarrebrück. Amé de Sarrebrück, capitaine au service du duc de Bar puis des Armagnacs, meurt gouverneur de Champagne au siège d‘Arras en 1414. Son fils Robert est dans les années 1420-1440 un des principaux « Écorcheurs » qui sévissent dans la région des marches de Lorraine. Plusieurs fois emprisonné, il ne se soumet qu’à Charles VII en personne en 1445. À l‘extinction de la famille de Sarrebrück en 1525, leurs archives sont versées dans le Trésor des Chartes des ducs de Lorraine à Nancy. Celui-ci ayant été dépareillé au XVIIIe siècle sans avoir été entièrement inventorié, on ne pourrait soupçonner l‘existence de cet important fonds d‘archives si plusieurs dizaines de documents les concernant, conservés dans la Collection Lorraine de la

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Bibliothèque Nationale et dans les layettes Commercy des Archives départementales de Meurthe-et-Moselle ne présentaient au dos un système de cotes cohérent du XVe siècle. Leur recherche systématique permet de reconstituer les archives des seigneurs de Commercy. Les cotes, en chiffres romains et en base 20 (une centaine de n° retrouvés en septembre 2007, sur un total d’au moins 243) marquent toutes des actes des XIVe et XVe siècles. Si les actes ne sont pas forcément émis par ces seigneurs, ils en sont toujours les producteurs archivistiques : les documents leur sont adressés, ou ils ont eu à les conserver. En y ajoutant les pièces non cotées conservées à Paris et Nancy qui peuvent avoir été archivées par les seigneurs de Commercy, on peut mettre en évidence un gros chartrier dont sont encore conservés plusieurs centaines de documents. Un tel système de classement est extrêmement rare à cette époque, a fortiori en milieu laïque, sans parler des cotes qui sont un cas exceptionnel de précision de classement, le stockage des archives se faisant le plus souvent en vrac dans des coffres ou des sacs jusqu’au XVIII e siècle. Les analyses au dos des actes permettent aussi d’établir comment ce chartrier a été constitué. L’étude des documents conservés permet plus généralement de suivre leur circulation chez des seigneurs actifs sur plusieurs frontières tant politiques que linguistiques, entre Royaume et Empire, Lorraine et Bar, Bourguignons et Armagnacs, et de comprendre quels choix président à la sélection des actes mis en valeur par la cotation. La finesse de classement du chartrier peut surprendre chez les pires entrepreneurs de guerre du temps. Le stockage scrupuleux témoigne de l’autorité du titre conservé, alors même que Robert de Sarrebrück est aussi connu comme faussaire. Il est rendu nécessaire par le contexte de la guerre de Cent Ans puis de plusieurs coalitions seigneuriales contre Robert. Comme la guerre, les archives servent ainsi à la défense des intérêts d’un homme isolé par le retour à la paix des années 1440. L ‘entrée de documents se tarit d’ailleurs après 1445, l’année de l’ultime soumission du noble écorcheur.

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— Alexandra GALLO (Université d’Aix-Marseille I) : « Écrire, conserver et revendiquer les droits d’une communauté urbaine provençale : Sisteron » Dans le cadre de mon doctorat sur « La communauté de Sisteron (XIIIe-XIVe siècle) »,

je m’intéresse particulièrement au corpus formé par les très riches registres de délibérations du conseil de ville, tenus avec une assez grande régularité à partir de 1341. Centrées sur le pouvoir urbain, mes recherches visent à établir les évolutions d’une certaine émancipation communale par l’étude approfondie de ces registres.

L’utilisation de l’écrit par le conseil de Sisteron a deux principales fonctions. Il s’agit seulement dans un premier temps qui se définit très bien chronologiquement, d’obtenir puis de se faire confirmer par chaque souverain les privilèges de la commune. Sur un plus long terme, il s’agit aussi de « défendre » ces privilèges, d’en contrôler l’application, plus exceptionnellement d’en porter connaissance aux habitants par voie d’affichage, et surtout d’éviter au quotidien les transgressions par le pouvoir central. Mais l’écrit est aussi, dans un second temps, l’instrument d’une bonne administration. Pour les douze conseillers annuels, empreints de droit romain, il permet d’assurer la continuité entre les différents mandats, au point qu’ils ont créé un registre spécifique pour transmettre certaines informations à leurs successeurs, notamment en matière de comptabilité. Plus encore, les conseillers ont constitué leurs propres archives, recensées dans des listes, qui permettent à l’historien d’évaluer la proportion de ce qui est parvenu jusqu’à nous. En tête de celles-ci figure le livre des privilèges, assigné chaque année à l’un des conseillers, qui fait figure de conservateur des archives.

Selon la fonction qui lui est assignée, l’écrit revêt différentes formes. Les concessions successives des comtes de Provence sont ainsi retranscrites dans le livre des privilèges, objet de nombreuses attentions. Quant aux registres de délibérations, présentant une tenue moins soignée, ils sont considérés comme des outils courants de l’administration. L’autorité du document est alors fonction du simple statut du conseil, de ses membres et parfois des témoins issus du corps des notables. C’est également la présence, systématique dans les textes mais peut-être pas dans la réalité, d’un représentant du comte qui crédite le conseil d’une certaine autorité. Nombre de conseillers ont une formation juridique et l’un d’eux occupe la charge de notaire du conseil. Ainsi, le scribe est également auteur du texte, et au

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coeur des enjeux de l’écrit. Au fil du temps, on peut tout à la fois observer une certaine permanence du langage administratif et de ses codes, mais également percevoir parfois la « touche personnelle » du notaire.

La nature même des registres de délibérations permet également d’envisager le rapport à la parole, car ils sont avant tout la transcription des procès-verbaux des délibérations. Il est, sur ce point, intéressant d’appréhender la transformation du discours pour sa mise par écrit. En effet, certaines lacunes, si elles sont dommageables pour reconstituer la trame des événements, nous permettent de mieux cerner les priorités de cette administration et les buts du recours à l’écrit. Percevoir l’oral à travers l’écrit, d’autant plus dans le cas de documents administratifs et de gestion, n’est certes pas chose aisée. Toutefois, quelques utilisations du provençal, rare dans les textes du XIVe siècle, permettront d’insister sur la valeur du choix de la langue. Si, dans le cas de procès-verbaux, l’oral est préexistant à l’écrit, nous pouvons également trouver un rapport inverse, dans le cas des criées, transcrites parfois intégralement.

Ainsi, le cas de Sisteron, quatrième plus grande ville du comté de Provence, centre des nombreux échanges qui animent la Durance entre les Alpes et le littoral méditerranéen, nous invite à percevoir l’écrit comme un élément fondamental et inhérent au pouvoir des élites urbaines. Elles l’ont consciemment utilisé et conservé pour la préservation du droit et la réalisation du bien commun.

C. Recours à l’écrit et validation du document entre Orient et Occident (présidence : Christophe PICARD) — Emmanuel HUERTAS (Université de Paris I) : « Aux origines de l’enregistrement notarié : l’exemple du cartulaire de Pistoia (Libro Croce, 1113-1145) » Le premier registre notarié d’Occident est le célèbre registre du notaire génois Giovanni

Scriba de 1154-1164. Ce genre documentaire qui s’épanouit pleinement au cours du 13e siècle suit la logique diplomatique de l’enregistrement « à la source ». Des extraits des actes expédiés sont transcrits par le notaire lui-même dans un registre qu’il conserve dans ses archives personnelles (minutiers). Le but de ma communication est de montrer que d’autres solutions techniques d’enregistrement avaient été envisagées au milieu du 12e siècle par les notaires toscans. L’étude détaillée du seul cartulaire canonial toscan conservé (ARCHIVIO CAPITOLARE DI PISTOIA, C 132, Libro Croce) fournit des éléments nouveaux pour comprendre les origines de l’enregistrement notarié italien.

La rédaction du Libro Croce entre 1113 et 1145 est l’œuvre de deux notaires bien connus localement, Gualbertus et Domitianus, et s’inscrit dans un contexte « grégorien » de renouveau culturel et patrimonial qui pourra être évoqué brièvement. Le classement des actes et les choix opérés par les rédacteurs montrent également le travail classique de « construction » de la mémoire et de « restauration » du patrimoine de l’institution, mais je privilégierai dans ma communication l’aspect le plus original de ce cartulaire, c’est-à-dire sa transformation pendant quelques années en registre proprement dit.

Le cartulaire se présente comme un recueil de copies notariées authentiques et plus de 240 actes y sont intégralement retranscrits (Kopialbücher). Pourtant, certains actes qualifiés improprement par les éditeurs de copies autographes (copie autografe) sont en réalité des originaux écrits directement dans le cartulaire par les notaires-rédacteurs. S’agit-il d’originaux multiples ou uniques ? En d’autres termes, un autre original a-t-il été expédié sur parchemin simple par Gualbertus ou Domitianus ? Deux actes sont encore plus insolites puisqu’ils ont été expédiés directement dans le cartulaire par deux notaires de Pistoia qui n’ont pas participé à sa rédaction.

En conclusion, ces actes originaux insérés dans le cartulaire attestent d’une tentative avortée d’enregistrement « à l’arrivée », c’est-à-dire chez le destinataire des actes. Il faudra alors s’interroger sur les influences possibles de la chancellerie pontificale qui la seule institution à l’époque, notaires mis à part, à pratiquer l’enregistrement des actes. Cette particularité du cartulaire de Pistoia, à replacer dans le contexte d’expérimentation documentaire du milieu du XIIe siècle, montre que l’histoire de l’enregistrement notarié n’a

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pas été linéaire et que la technique de l’enregistrement des actes privés chez le destinataire était parfaitement concevable.

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— Hicham ELAALLAOUI (post-doc ANR) : « Le signe de validation des documents de chancellerie aux époques almohade et post-almohade »

* — Thomas TANASE (Université de Paris I) : « La rédaction et la réception en Occident des lettres des khans mongols de Perse (1260-1316) » Les lettres envoyées en Occident par les khans mongols peuvent avoir l’air d’une

curiosité historique. Toutefois, les aléas de leur conservation, en particulier dans les archives pontificales, nous renseignent sur la construction des volumes d’archives de la papauté et sur le discours de la papauté sur elle-même. Celle-ci fut en effet au cœur de ces échanges épistolaires, puisqu’elle joua un rôle majeur dans l’établissement d’une politique de défense face aux Mongols, tout comme elle fut un acteur central des négociations liées à la croisade qui impliquaient les khans mongols de Perse. Une correspondance diplomatique très originale est ainsi apparue, rendue possible par tout un milieu d’intermédiaires, chrétiens orientaux lors des premiers contacts, puis chrétiens latins qui se sont installés en Perse à partir de 1260 (à l’image du dominicain David d’Ashby, du notaire Richard, ou de ces aventuriers italiens comme les fameux Isol le Pisan ou Buscarel de Ghisolfi, un génois). Cela explique pourquoi les lettres mongoles, qui arrivaient en langue originale en Occident étaient accompagnées d’une traduction, à l’image de la lettre d’Oldjeitu à Philippe le Bel de 1305, qui porte sur son revers une traduction en italien. Le latin même de ces traductions (la langue la plus fréquemment employée) témoigne de ce qu’elles ont été réalisées sur place par ces aventuriers arrivés à la cour des khans mongols de Perse.

Parfois, la lettre originale s’est conservée, mais, dans la plupart des cas, le texte a été recopié dans différents types de manuscrits (récits de voyage, mais aussi des manuscrits sans lien direct, comme par exemple un évangéliaire : manifestement ces lettres circulaient). On pourrait ainsi avoir une impression de hasard dans les logiques de sauvegarde de ces documents. Pourtant, il existait une voie de conservation, qui a pu fonctionner dans certains cas, celle de l’enregistrement dans les registres de la Curie, qui apparaissent au XIIIe siècle. En effet, nombre de lettres envoyées par les empereurs et les patriarches byzantins ou même par des souverains musulmans y ont été recopiées. Mais les lettres envoyées par des souverains extérieurs à la chrétienté latine recopiées dans les registres devaient surtout laisser la parole aux souverains pontifes et témoigner de l’universalité de ces derniers. Les lettres byzantines permettaient en fait dans leur réponse de déployer les arguments en faveur de la primauté romaine, tandis que les lettres des souverains musulmans reconnaissaient au pape le rôle de tête de la chrétienté. C’est d’ailleurs bien ainsi que ces lettres, aux côtés de différentes lettres adressées aux souverains mongols, sont présentées dans les ouvrages de chancellerie rédigés à l’époque, les ars dictaminis. D’ailleurs, les registres d’archives, qui se sont conservés à partir du pape Innocent III, c’est-à-dire à partir du pape même qui réorganise l’appareil administratif pontifical tout en développant tout un discours sur l’Église comme ecclesia militans, avaient dès l’origine une fonction de publicité et permettaient de manifester en acte l’universalité de la papauté à travers les lettres venues de l’extérieur de la chrétienté latine. Que faire cependant avec des lettres mongoles qui étaient des appels brusques à la soumission, au nom d’une autre vision universelle et qui ne cadraient pas avec des lettres pontificales qui remerciaient les khans de Perse pour la faveur dont ils témoignaient envers le christianisme ? Mieux valait rester sur une note positive dans les registres, avec l’enregistrement des lettres envoyées par les souverains pontifes, qui montraient les succès missionnaires, et laisser de côté les lettres des khans mongols.

Il existe pourtant une exception : une lettre d’Arghun de 1285 a été enregistrée dans le court registre des lettres d’Honorius IV, parce qu’elle proposait une alliance contre les Mamelouks à un moment où la situation était particulièrement désespérée, lettre qui resta d’ailleurs sans suite. Une deuxième lettre a été enregistrée dans les registres, mais un siècle

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plus tard. Lors de la réalisation du registre Vatican 62, destiné à montrer le rôle universel de la papauté et les rapports que l’on pouvait entretenir avec le monde extra ecclesiam, une lettre du khan Abagha a été tirée des coffres de la papauté pour être recopiée. Mais, encore une fois, il s’agissait, à un siècle d’intervalle, d’utiliser une lettre mongole (dont le contexte avait été oublié) pour manifester l’universalité de la papauté. Les registres ne nous présentent donc pas un simple enregistrement des lettres envoyées par la papauté aux Mongols et de leurs éventuelles réponses, mais ils nous distillent une vision du monde, ils relèvent bien d’une écriture missionnaire, dont a hérité toute une historiographie des missions médiévales, qui commence à s’élaborer dès le XVIIe siècle, et qui s’est appuyée principalement sur le contenu de ces registres d’archives de la papauté.

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— Isabelle ORTEGA (Université de Montpellier III) : « L’inventaire de la bibliothèque de Léonard de Veroli : témoignage des influences occidentales et orientales dans la principauté de Morée (fin XIIIe siècle) » La principauté de Morée est fondée en 1205 par des conquérants originaires en grande

partie du royaume de France, et les institutions, les structures familiales et la culture qu’ils développent sont nettement influencées par l’Occident. Au fil des décennies et surtout à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle, la noblesse compte dans ses rangs des Italiens venus en plus grand nombre. En effet, le royaume angevin voisin représente le seul soutien militaire et politique fort que peut attendre la principauté de Morée après la chute de l’Empire latin de Constantinople en 1261.

La vie quotidienne des nobles se déroule en grande partie dans les cours composées en tout premier lieu par le cercle des parents et des feudataires, mais également par les auxiliaires du pouvoir seigneurial. Un genre de vie caractéristique s’y développe, qui associe les coutumes occidentales aux mœurs orientales ; dans ce cadre-là, la culture est affichée pour se démarquer du restant de la population autochtone grecque, et ses attributs font de la noblesse latine une catégorie à part entière.

Il est donc intéressant d’étudier l’inventaire de la bibliothèque de Léonard de Veroli, chancelier du prince Guillaume II de Villehardouin, mort en 1281. Ses préférences littéraires éclairent sous un jour nouveau la noblesse moréote, latine certes, mais dont les effectifs francs cèdent progressivement leur place à des ressortissants italiens toujours plus nombreux. Ce document laisse entrevoir les goûts personnels du propriétaire, lequel par sa fonction de chancelier et de conseiller privilégié de Guillaume de Villehardouin, apprécie les œuvres juridiques mais aussi la littérature profane et l’histoire. Ses centres d’intérêt le portent également vers la poésie de l’Antiquité tardive et la médecine, tandis que le service de l’État se manifeste par l’ouverture qui est faite vers la littérature vernaculaire et la prédominance des ouvrages de droit.

Le cas de Léonard de Veroli est intéressant car il éclaire les goûts littéraires de la noblesse moréote à la fin du XIIIe siècle, domaine dans lequel les connaissances sont éparses. Son exemple est révélateur du style de vie d’un groupe social bien particulier, certes restreint, mais incontournable car au faîte du pouvoir. À travers cet inventaire il est possible d’évaluer l’influence de la culture latine en Morée, mais aussi l’impact de la culture grecque, qui représente la particularité de cette principauté, zone de contact entre l’Occident et l’Orient.

Session III — Usages et gestion de l’écrit — Rapport introductif : Laurent MORELLE (EPHE) & Christophe PICARD (Université de Paris I)

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— Béatrice CASEAU (Université de Paris IV) : « Quel était le but des copies multiples dans les archives byzantines ? » Quand ils imaginent le chemin vers le Paradis, certains byzantins pensent y trouver des

postes de douane. Cet imaginaire d’un au-delà bureaucratique est le reflet d’une société où les habitants ont assez souvent affaire à des fonctionnaires qui mettent par écrit les droits et devoirs de chacun. Héritant du monde romain ses pratiques administratives, la société byzantine a conservé à l’écrit un rôle majeur dans toutes ses démarches. Qu’il faille payer ses impôts, acheter une terre, faire un contrat le mariage ou un testament, le recours à l’écrit était systématique.

Si nous ne conservons que peu d’archives en comparaison avec le monde occidental, c’est que les aléas de l’histoire et la disparition de l’empire a rendu inutile la conservation d’actes périmés ou conduit à leur destruction. L’écrit avait en effet un rôle important à jouer pour attester de ses droits. Il fallait en particulier opposer des documents écrits aux fonctionnaires du fisc dont le zèle à faire payer les contribuables était connu. L’administration disposait aussi de ses propres documents écrits pour justifier ses demandes, faire valoir le bien fondé de ses exigences et surtout pour en conserver la trace et donc la mémoire. Ce recours à l’écrit comme preuve de ses droits explique tout à la fois le très grand souci de conservation des précieux documents et la pratique des copies multiples.

Le but de cette communication est précisément de se pencher sur la pratique des copies multiples d’un même document et de s’interroger sur leurs raisons d’être.

Pour les actes privés, les copies multiples permettent de conserver des preuves de propriété par exemple en des lieux différents. Le but est le plus souvent de protéger ces écrits des risques d’incendies. Quand le général Grégoire Pakourianos décida de fonder en 1083 un monastère à Backovo (Bulgarie), il fit établir un double de son typikon pour qu’il soit conservé au monastère Ta Panagiou à Constantinople. Le typikon contenait, entre autres choses, la liste de toutes les propriétés et des donations remises par l’empereur

Certaines copies sont établies en traduction, en une ou plusieurs langues. Le typikon de Grégoire Pakourianos a été écrit en géorgien. Il en existait une traduction en grec, et une probablement en arménien. Pakourianos était d’origine géorgienne et son monastère était aussi destiné à accueillir des officiers de sa suite. Ces traductions attestent du côté pluriculturel de la société byzantine.

Les copies multiples dans la même langue ont une autre signification. Les copies établies par l’administration permettent de lier le pouvoir central aux provinces. Elles circulent dans les deux sens, de Constantinople vers les provinces et des provinces vers Constantinople. Les copies permettent tout d’abord de faire connaître, dans les différentes provinces certaines mesures, qu’il s’agisse de lettres annonçant l’accession d’un empereur, de mesures administratives ou de décisions conciliaires, ou patriarcales, des jugements des tribunaux centraux, voire provinciaux pour les gens des villages.

On trouve des registres aux différents échelons, au niveau du thème et au niveau des bureaux centraux, qui gardaient une copie des cadastres qui permettent d’établir l’assiette de l’impôt et donc de ce que chacun devait à l’État. Les modifications notées par les recenseurs dans les provinces devaient être reportées sur le registre central. Les copies étaient donc faites à partir des documents provinciaux à destination de Constantinople. L’administration fiscale y conservait une copie des registres fiscaux des thèmes.

Ces archives fiscales ont laissé peu de traces, mais on entend parler de leur utilisation dans diverses sources historiques. On dispose de plus de nombreux sceaux qui authentifiaient les documents. Les copies multiples étaient donc faites dans le cadre d’un empire très centralisé, mais les historiens discutent de la fréquence de ces mises à jour, ainsi que du nombre de fonctionnaires qu’il aurait fallu payer pour pouvoir maintenir à jour ces différents registres. On peut se poser plusieurs questions à leur sujet. Est-il réaliste de penser que les recenseurs mettaient effectivement à jour les cadastres tous les trois ans ? Toutes les régions étaient-elles cadastrées avec la même précision ? On sait que pour la Bulgarie incorporée dans l’Empire, il n’y avait pas le même type de fiscalité que pour les anciennes provinces de Thrace ou d’Asie mineure occidentale. Peut-on opposer un idéal de la pratique archivistique avec une réalité beaucoup moins systématique, laissant place à de l’arbitraire, de la corruption, de la négociation ? Comment s’inscrit ce souci archivistique dans la culture byzantine ? peut-on le mettre en parallèle avec d’autres tentatives visant à

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fixer la mémoire de plusieurs siècles de pratique administrative et cérémonielle, comme celle du Livre des cérémonies compilé sous Constantin VII. Ces différentes démarches correspondent aussi à une volonté d’investigation dans les archives pour fixer la place de chacun et ses devoirs lors des cérémonies de la cour, en établissant un pont entre des pratiques du VIe siècle et d’autres du Xe. Dans ces mises en écrit, peser ce qui relève de l’exercice intellectuel et ce qui relève de la pratique est sans doute délicat à faire mais permet de poser la question du rôle réel de ces archives byzantines dont il ne faut pas sous-estimer la fonction symbolique. L’écrit ordonné est en effet un symbole du pouvoir, de sa capacité à organiser le monde et à le gouverner. Il se veut, de plus, un reflet de l’organisation du monde céleste, qu’il imagine à son image.

Les copies multiples des archives byzantines permettent donc de comprendre non seulement le fonctionnement de l’État byzantin mais aussi la mentalité qui présidait à cette volonté de mise en ordre.

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— Dominique BARTHÉLEMY (Université de Paris IV) : « Autorité et usage de la ‘charte’ en France de l’Ouest au XIe siècle » Je me propose de reprendre ici l’analyse des types de « chartes » et de leurs fonctions

au XIe siècle, telle que je l’ai entamée en 1993, au premier chapitre de ma thèse sur la société dans le comté de Vendôme, et poursuivie en 1996 à l’orée de ma réfutation générale du récit modèle de « mutation de l’an mil » (1993). Il s’agissait de rechercher comment les chartes et cartulaires monastiques de certaines régions contenaient des « scoops » sur les pratiques féodales ou la justice. Une typologie des actes s’organisait au tour de deux pôles, celui de la « charte » performative (affranchissement, cession en usufruit à deux ou trois vies) et celui de la « notice » narrative utilisée dans les procès en appui aux témoignages oraux (ou ces derniers en soutien d’elle). Depuis lors, j’ai eu l’occasion d’éclaircir plusieurs des circonstances et modes de rédactions, au fil de mes travaux : ce fut le cas dès 1996 des notices d’avouerie relatant des ordalies angevines, puis de la notice poitevine célèbre et touffue connue sous le nom de Conventum Hugonis, récemment des récits de commises de fiefs réalisées par le comte Geoffroi Martel. D’autre part, les travaux de beaucoup de collègues, compagnons d’âge comme Laurent Morelle, Olivier Guyotjeannin, Chantal Senséby et Bruno Lemesle, ainsi que ceux d’étudiants (spécialement Thomas Roche) me permettent des rectifications et des comparaisons.

J’envisage donc de présenter une synthèse provisoire de réflexions sur ces chartes et ces notices, insistant sur le rapport intrinsèque entre leur usage d’une part, leur vocabulaire et leur organisation de l’autre, et montrant que l’autorité, l’efficacité variables de ces « chartes » en pratique n’a pas tant tenu à leurs différences de conception et de type, qu’à la manière dont au cours des procès les parties en présence ont manœuvré. Je montrerai enfin qu’il y a, dans la première moitié du XIIe siècle, une mutation judiciaire au cours de laquelle la « charte » prend des caractères et une autorité nouveaux.

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— Chantal SENSÉBY (Université d’Orléans) : « Écrit et conflits. Des usages différenciés de l’écrit et des archives aux XIe et XIIe siècles dans l’espace ligérien » En Anjou et en Touraine, les chartriers et les cartulaires des établissements religieux

conservent en grand nombre des écrits de procédure, souvent fort prolixes, ainsi que des concordie passées entre deux communautés religieuses ou l’une d’entre elles et un laïc. Ces actes montrent qu’à l’occasion du règlement d’un conflit, il était fréquent que les litigants aient recours à l’écrit. En outre, les dossiers documentaires dans lesquels ils s’insèrent témoignent d’un usage très diversifié de l’écrit au cours du processus agonistique (I) ainsi que d’une réflexion sur le document, sur son autorité et son efficacité (II) ; une procédure judiciaire ou plus largement une résolution de conflit peut être alors à l’origine d’une évolution des archives monastiques et canoniales (III).

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Lors d’un litige, il a souvent été montré que l’écrit pouvait être utilisé soit comme preuve pour soutenir une revendication, soit en fin de procédure pour enregistrer le déroulement et l’issue d’une affaire puis pour définir un accord pérenne dont la finalité était de restaurer la concorde sociale. Dans le premier cas, les médiévaux exploitent les ressources de leur chartrier en exhumant un acte déjà existant, plus ou moins ancien, qui leur sert d’auxiliaire lors du débat judicaire. Dans l’autre cas, ils produisent de nouveaux documents. L’écrit de procédure a alors pour fonction de consigner sur le parchemin le juste déroulement du processus judiciaire ainsi que la sentence énoncée par ceux qui ont siégé en la cour de justice et aussi de garder en mémoire pour les générations ultérieures le souvenir de cette parole. Quant à la concordia, elle est à la fois témoignage d’une action juridique et preuve pour l’avenir comme bien des préambules aiment à le rappeler. Néanmoins, d’autres usages de l’écrit sont discernables. Certains textes sont des sources d’information et permettent de nourrir une argumentation. D’autres sont élaborés avant la procédure judiciaire ou au cours de celle-ci et ils apparaissent comme des mémorandums qui présentent l’histoire synthétique d’un bien sur plusieurs générations ; les moines ou les chanoines effectuent alors un travail de compilation et de recomposition à partir de textes anciens, peut-être aussi de témoignages, afin de produire un document efficace pour mettre fin dans les meilleures conditions à l’affaire en cours. Parfois, c’est le document utilisé comme preuve dans le débat judiciaire qui est interpolé. Ces manipulation, exploitation, interpolation et création d’écrits suscitent par ailleurs une réflexion sur le document.

Deux approches pourront être privilégiées pour mesurer aux yeux des médiévaux ce qui fait l’autorité et l’efficacité d’un document : la première s’appuiera sur les commentaires de textes effectués par les médiévaux eux-mêmes ; la deuxième sur les outils qu’ils forgent ou qu’ils diffusent pour accroître l’autorité d’un écrit. En effet, l’acte produit en justice est souvent l’objet d’une analyse qui conjugue l’examen de la teneur textuelle et celui de ses caractères externes. Observer ces procédures d’expertise, les comparer permettra peut être de révéler une méthode commune d’analyse, de repérer les savoirs mis en œuvre. Les hommes sollicités pour étudier ces preuves écrites sont très souvent des écolâtres, des bibliothécaires, formés dans les écoles cathédrales ou monastiques, parfois par un même maître et qui sont aussi connus pour leur activité littéraire. Leur démarche critique pourrait reposer sur une conception partagée de ce qui fait l’autorité d’un document. Par ailleurs, au cours des XIe et XIIe siècles, ceux qui animaient les scriptoria de l’espace ligérien, qui contrôlaient la production diplomatique et qui participaient aussi aux débats judiciaires ont cherché de nouvelles formules pour renforcer l’autorité des documents comme le suggèrent la diffusion du sceau et le recours plus fréquent au chirographe.

Enfin, il conviendra de souligner que le travail d’écriture et de réécriture des actes suscité par les conflits et leurs règlements provoque une évolution tout à la fois quantitative et qualitative des archives, dont le contenu se diversifie et s’étoffe. Autour d’une question à débattre et d’une possession à défendre se constitue une chaîne d’écrits qui forment un véritable dossier. D’un acte à l’autre, des liens, des résonances et des emprunts textuels peuvent être observés. Parfois même, la mention explicite d’un autre document témoigne d’un effort d’investigation des médiévaux dans leurs archives et de la connaissance qu’ils peuvent avoir de leur chartrier ou de leur cartulaire s’ils en possèdent un ; dans certaines de ces compilations, rubriques et tables récapitulatives des actes sont alors des outils efficaces pour la recherche des textes. Les archives des communautés religieuses n’apparaissent pas comme un stock figé, formé par autant de couches sédimentaires que de moments de production diplomatique. Elles sont sollicitées, remaniées, servent des stratégies de pouvoir et ont souvent une visée idéologique.

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— Stéphane PÉQUIGNOT (EPHE) : « Les écrits du ‘temps de la désobéissance’ à la régence de Philippe de Majorque » Divisió, discordia, dissensió, et même rebellio, tels sont quelques uns des termes par

lesquels les contemporains qualifient la situation en Roussillon après la mort du roi Sanche de Majorque, survenue le 4 septembre 1324. La terre a bien un roi, Jacques, mais il est mineur et soumis à la tutelle de son oncle Philippe. Pire encore, il n’est pas le descendant direct du

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monarque défunt et doit faire face aux revendications de la couronne d’Aragon sur son royaume. Refusant la tutelle de Philippe, s’opposant aux prétentions aragonaises, les consuls de Perpignan prennent alors le contrôle du roi et exercent le gouvernement sur une grande partie du Roussillon pendant plus d’une année. Cette affaire, mal connue, est d’abord celle d’un contraste documentaire saisissant : à une véritable damnatio memoriae dans les sources roussillonnaises s’oppose en effet une prolifération de textes étrangers qui transmettent de riches informations sur les troubles. Plus de quatre cent documents relatifs au tempus inhobedencie permettent alors d’envisager de manière globale le statut de l’écrit, ses usages et plus généralement les enjeux qu’il représente pour des protagonistes en lutte pour la définition, la détention de l’autorité légitime. Quatre aspects retiendront tout particulièrement l’attention :

1. Les nombreuses correspondances échangées au sujet de ce conflit par les hommes de Perpignan, le tuteur, le pape, le roi d’Aragon, le roi de France, le roi de Majorque, leurs ambassadeurs, intermédiaires et officiers, témoignent du rôle central de l’écrit dans la circulation de l’information et des ordres entre des protagonistes dispersés géographiquement et souvent itinérants. Souvent renforcé par la voix et l’interprétation des messagers, l’écrit crée et ravive sans cesse le lien, la tension, la communication entre les différentes parties intéressées. Les lettres informent, mais témoignent aussi du souci d’influer sur le destinataire. Une approche de diplomatique épistolaire comparée permettra alors de discerner dans quelle mesure les différents protagonistes recourent à une culture commune de la correspondance.

2. On envisagera ensuite les différents usages juridiques de l’écrit dans ce conflit. La définition des pouvoirs (procuratoria) apparaît à chaque fois comme un enjeu crucial dans les tractations qui visent à définir une norme de négociation (tractament) acceptable par les parties. L’écrit est aussi une arme essentielle dans les revendications juridiques : roi d’Aragon et hommes de Perpignan se disputent l’interprétation du testament de Jacques Ier le Conquérant ; le monarque aragonais convoque des juristes, réunit des consilia, fait lire par ses ambassadeurs, devant notaire et témoins, des protestationes où il fait valoir ses droits, tandis qu’un cartulaire-registre sur le facto Maiorice prend peu à peu forme aux archives royales.

3. L’examen des différents changements de pouvoir en Roussillon, bien documentés par plusieurs récits d’informateurs, montre l’importance insoupçonnée de l’écriture de l’enfant-roi : les « rebelles » de Perpignan l’avaient enjoint d’écrire manu propria au pape afin de faire valoir leur droits ; dès leur prise du pouvoir, les partisans de Philippe font de même. Mais la parole du roi adressée au peuple, les gestes du régent qui prend les clefs des portes de la ville ou bien encore les cérémonies d’hommage montrent que l’écrit n’est pas seule source d’autorité et de légitimité, il vient plutôt en conforter d’autres, interagit avec elles.

4. Toutefois, la principale preuve de l’autorité des documents dans cette affaire, c’est leur postérité. Ordre est en effet donné à l’arrivée au pouvoir du tuteur de détruire les actes pris durant le tempus inhobedencie et de promulguer de nouveaux actes rétablissant la légalité. Or, à pouvoir illégitime, archive – presque – impossible. De cette période, on ne trouve donc plus trace dans les archives du royaume de Majorque que dans les actes cancellés des registres de la procuration. Cependant, de façon paradoxale, ces registres, passés de main en main, témoignent d’un rôle continu de l’écrit qui transcende une lutte politique devenue éphémère. Dans de telles conditions, on comprend mieux alors que la crainte d’écrits produits par un pouvoir jugé a posteriori illégitime ait été telle que seule une damnatio memoriae aura permis d’en conjurer la menace.

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— Federica MASÈ (Université d’Évry) : « Recours à l’écrit et exploitation de la propriété urbaine : le cas des Vénitiens entre métropole et Méditerranée orientale (XIe-XVe siècle) » L’étude de la gestion du patrimoine foncier et immobilier urbain se fonde

principalement sur les documents conservés par les propriétaires. Ainsi, la continuité des établissements ecclésiastiques permet la sauvegarde d’une part importante de la documentation patrimoniale beaucoup plus aléatoire pour les patrimoines des laïcs. Néanmoins, un éclairage sur les pratiques des laïcs dans ce domaine est fourni par la

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transmission de propriétaire en propriétaire (jusqu’à un fonds ecclésiastique) des titres de propriété (munimina) qui suivent un bien lors de chaque transaction. Le passage devant le notaire est évidemment essentiel pour donner foi à l’acte garanti par de témoins dont le nombre et la dignité varient en fonction de l’importance de la transaction, mais aussi du lieu et de l’époque. Notamment, les contrats de livello, sorte de bail emphytéotique donc de longue durée, nécessitent une mise par écrit en bonne et due forme afin de sauvegarder les droits des parties en présence. Ce procédé a été massivement utilisé par les ecclésiastiques surtout entre le XIe et le XIIIe siècle au cours de la phase d’urbanisation à laquelle ils ont activement participé. À partir du XIIIe siècle, quand des quartiers entiers sont désormais bâtis, les propriétaires du sol possédant les liquidités nécessaires préfèrent racheter les maisons édifiées par les preneurs à bail et récupérer ainsi la pleine propriété de leur bien. Ils pourront désormais recourir à la location des maison à prix fort et à court terme, qui par son caractère éphémère a laissé peu de traces dans la documentation. Le cas exceptionnel d’un dossier de location contemporaines de maisons appartenant au monastère de S. Giorgio Maggiore illustrera ces difficultés, il s’agit en effet d’un cahier de copies d’actes dont les originaux ne figurent pas dans le fonds. La conservation d’actes isolés se doublera à partir du XIVe siècle de la tenue de registres appelés catastici qui répertorient la rente immobilière de l’ensemble du patrimoine à un moment donné, outil extrêmement précieux pour le gestionnaire de l’époque mais également pour l’historien d’aujourd’hui. Les conflits judiciaires occasionnent également la constitution de véritables dossiers de copies d’actes notariés, dont les originaux n’existent plus, permettant de garder la mémoire d’opérations qui autrement serait à tout jamais perdue. Il sera utile d’apprécier selon quelles modalités ce modèle de gestion patrimoniale vénitien est exporté dans les possessions outremer en Méditerranée orientale avec des adaptations aux spécificités locales.

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Session IV — Constitution des corpus — Rapport introductif : Bruno GALLAND (Archives nationales) & Sylvie DENOIX (IFAO)

* — Mathieu TILLIER (Université d’Aix-Marseille I) : « Le statut et la conservation des archives judiciaires dans l’Orient abbasside (VIIIe-Xe siècles) » L’Orient islamique a préservé un nombre limité de documents, notamment pour les

premiers siècles de l’islam. Pourtant l’usage de l’écrit fut très tôt développé – afin d’enregistrer les transactions commerciales, par exemple –, comme en témoignent les papyri égyptiens mis au jour lors de recherches archéologiques. Les sources islamiques « littéraires » (droit, chroniques, dictionnaires biographiques) confirment par ailleurs l’existence d’« archives » dans les provinces centrales du califat dès la fin de l’époque umayyade et le début de l’époque abbasside (VIIIe siècle). L’histoire mouvementée du Moyen-Orient ne suffit pas à expliquer leur disparition. Nous proposons dans cette communication de nous interroger sur la fonction des documents à l’intérieur du système judiciaire abbasside (VIIIe-Xe siècles), afin d’en déterminer la valeur juridique et de comprendre en quoi leur conservation fut jugée nécessaire – ou au contraire inutile – par le personnel judiciaire.

L’utilisation de l’écrit dans la procédure judiciaire n’allait pas de soi au cours des premiers siècles de l’Islam : les preuves recevables devant le cadi étaient essentiellement de nature orale (aveu, preuve testimoniale, serment ou refus de prêter serment). Malgré cela, l’usage – codifié par les juristes à l’époque abbasside – s’établit rapidement d’enregistrer par écrit les principales étapes des procès, et les cadis entreprirent de conserver différents documents judiciaires ou administratifs dans leur dîwân ou leur qimatr. Wael Hallaq, dans un article consacré aux registres de cadis avant l’époque ottomane2, explique la disparition de ces archives par leur caractère informel, ainsi que par leur sortie progressive du domaine publique pour se fondre dans la sphère privée. Cette explication, sans être totalement remise en cause, doit selon nous être amendée et complétée par une étude des modes de conservation des archives judiciaires et du statut juridique des documents qu’elles contiennent.

Les modalités de conservation des archives peuvent être partiellement reconstituées grâce au témoignage des chroniques et des dictionnaires biographiques, ainsi que par les normes juridiques définies par des auteurs de manuels destinés aux cadis, comme al-Khassâf (m. 874). Ces différents types de sources montrent le grand soin porté à la transmission des archives d’un cadi à son successeur, permettant – en théorie – d’assurer une continuité judiciaire et administrative au sein de la cité. La procédure hanafite élaborée en Iraq mentionne également l’établissement d’inventaires lors de cette transmission. Contrairement à W. Hallaq, qui soutient que seuls ces derniers sont conservés par le nouveau cadi, nous proposons de lire cette procédure comme le reflet d’une transmission intégrale des archives, et d’interpréter ces inventaires comme de simples outils administratifs de référence. Les procédures permettant la poursuite d’un procès interrompu par la mort ou la révocation d’un cadi montrent, en revanche, les limites de la valeur probante des archives judiciaires. Nous interrogeant sur leurs fonctions, nous proposerons qu’elles ont avant tout un statut de présomption, ce qui pourrait expliquer que leur conservation sur le long terme n’ait pas paru nécessaire aux juristes musulmans. Certains documents semblent pourtant échapper à cette règle : nous nous interrogerons tout particulièrement sur la valeur des actes de waqfs qui – et ce n’est peut-être pas un hasard – font partie des principaux documents islamiques du Moyen Âge ayant survécu jusqu’à aujourd’hui.

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2 Hallaq, W.B., « The Qâdî’s Dîwân (sijill) before the Ottomans », Bulletin of the School of Oriental and

African Studies, 61 (1998), p. 415-436.

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— Julien LOISEAU (Université de Montpellier III) & Yann POTIN (Université de Paris I) : « Le silence des archives. Conservation documentaire et historiographie de l’État (royaume de France / sultanat mamelouk, XIIIe-XVe siècle) » Cette communication à deux voix se propose de risquer une comparaison entre les

pratiques d’archivage et de conservation documentaire dans deux univers scripturaires et politiques que tout semble séparer. Brutalement et très brièvement mis en contact au moment de leur fondation, autour de 1250, dans le cadre de la croisade, l’État capétien des descendants de Louis IX et l’État mamelouk des successeurs de Baybars s’inscrivent pourtant tout deux dans une chronologie administrative comparable. La communication croisée se fonde sur les recherches menées par chacun des deux intervenants sur des corpus documentaires remarquables par leurs usages symboliques, leurs enjeux politiques et leur portée historiographique : le Trésor des chartes des rois de France au temps des Valois d’une part, les fonds d’archives du Caire et leurs actes de waqf d’époque mamelouke d’autre part.

C’est d’un constat historiographique contradictoire que l’on entend partir : celui qui fait de la continuité archivistique de la couronne de France, depuis Philippe Auguste, le fil rouge d’une construction linéaire de l’État royal, dont la conservation documentaire administre la preuve à la fois technique et symbolique ; celui qui, à l’inverse, fait fond de la disparition presque totale des documents produits par la chancellerie mamelouke, pour ne jamais penser l’État islamique que dans la matrice documentaire du sultanat ottoman, qui étend son ordre archivistique au Caire dans le deuxième quart du XVIe siècle.

La valorisation historiographique du Trésor des chartes, manifeste dès la fin du Moyen Âge et surtout éclatante au XIXe siècle, masque une fausse continuité archivistique. Le fonds conservé auprès des reliques de la Passion, dans la Sainte-Chapelle du Palais à Paris, n’a jamais été le lieu central d’un quelconque archivage d’État. Dispersé et disputé, ce dernier a fait l’objet d’une conservation concurrentielle au sein des grands corps de l’État – Chambre des comptes et Parlement. L’érosion différentielle de la documentation a eu ainsi tendance – et paradoxalement – à revaloriser sans cesse l’importance politique et la dimension publique du Trésor des chartes. Matrice de la domanialité royale, le Trésor des chartes est le chartrier corporel du roi. Censé n’être que l’émanation d’une personne à la fois physique et morale privée (c’est-à-dire d’une « dynastie »), il est resté irrémédiablement attaché à la figure même du souverain, contribuant ainsi à donner l’illusion d’une primauté préservée de la domesticité princière sur le gouvernement administratif.

À l’inverse, le démembrement du Trésor sultanien (la Khizâna al-kubrâ) et la dispersion de ses attributions entre les différents bureaux de l’administration mamelouke à la fin du XIVe siècle, ont privé le sultanat d’une matrice documentaire susceptible de survivre à son effondrement et de subsister, comme tant d’autres trésors déportés du Caire à Istanbul, dans l’exil ottoman. L’obsolescence technique des archives des bureaux mamelouks – les documents du cadastre sont ainsi détruits au début du XVIIe siècle – expliquerait alors que les archives du Caire soient aujourd’hui, à quelques documents de chancellerie près, orphelines du sultanat. Un silence d’autant plus assourdissant, dans le murmure documentaire de près d’un millier d’actes de fondation en waqf, issus pour la plupart de la pieuse générosité des souverains mamelouks et de leurs officiers, et longtemps conservés dans la bibliothèque (la khizâna, encore) de leurs fondations pieuses – avant que la modernité de l’État khédivial ne vienne, au XIXe siècle, les constituer en archives dans les magasins du ministère des Waqfs.

Mais les actes de fondation en waqf ne relèvent cependant pas exclusivement d’une initiative personnelle. Par leurs dispositions légales comme par leur enjeu patrimonial, les grandes fondations pieuses engagent la continuité de l’État – et c’est bien dans cette perspective que leurs actes de fondation sont souvent recopiés, rassemblés ou résumés à l’époque ottomane. Conservés dans les murs de la fondation pour défendre ses droits et chaque année les rappeler rituellement, les actes de waqf d’époque mamelouke ne perpétuent pas seulement la mémoire de leur fondateur, à proximité immédiate de son tombeau : ils portent chacun une part de la mémoire du sultanat.

La comparaison entre les situations archivistiques capétienne et mamelouke compose au total un tableau faussement dissymétrique : dans le premier cas, la conservation « publique » d’un fonds d’archives « privées » a permis l’émergence d’une historiographie

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triomphante de l’État que la dispersion « privée » de fonds d’archives « publiques » a condamné dans l’autre. Une situation en miroir, héritée de l’usage immodéré de deux catégories peu opératoires pour appréhender les rapports entre constitution des archives et construction de l’État.

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— Olivier CANTEAUT (École nationale des charte) : « Enregistrer, pour quoi faire ? Éclairages croisés sur les pratiques d’enregistrement de la monarchie française et de la papauté d’Avignon (1316-1335) » C’est grâce à l’enregistrement effectué dans les administrations étatiques qu’une grande

partie des décisions des souverains occidentaux de la fin du Moyen Age sont parvenues jusqu’à nous. Pourtant, la documentation fournie par les registres s’avère volontiers inégale, témoignant de pratiques d’enregistrement extrêmement variables. Deux administrations en contacts aussi étroits que celles du roi de France et du pape au début du XIVe siècle ont ainsi une production de registres que tout semble opposer : alors que les registres de la chancellerie française ne sont tenus avec régularité qu’à compter de 1307 et ne contiennent que les lettres perpétuelles expédiées par le roi, les registres pontificaux du début du XIVe siècle prolongent une tradition administrative vieille de plus d’un siècle et renferment presque dix fois plus de lettres que leurs homologues français. Si cette abondance résulte en partie d’une production d’actes de la part de la papauté supérieure à celle du roi de France ces différences reflètent avant tout des conceptions divergentes de ce que doit être un registre. Ce sont ces conceptions que la présente communication entend cerner, en confrontant les pratiques de deux des principales structures administratives d’Occident à la fin du Moyen Age, à un moment où celles-ci multiplient les innovations et les expériences.

En effet, la papauté et la royauté capétienne entreprennent toutes deux, au cours des années 1310 et 1320, de modifier l’architecture générale de leurs registres en multipliant les volumes tenus en parallèle. Deux solutions s’offrent alors à elles : distinguer les actes en fonction du parcours administratif qu’ils ont suivi, et en particulier en fonction des services qui les ont commandés, ou les trier selon des critères diplomatiques externes ou internes. C’est la première de ces solutions qui semble avoir eu tout d’abord la faveur des administrations pontificale et royale, non sans générer des redondances, dans la mesure où plusieurs services étaient à même d’intervenir dans l’expédition d’une même lettre et de l’enregistrer. Ce n’est que dans un second temps que des distinctions diplomatiques ont permis de subdiviser certains registres qui devenaient trop imposants, à la chancellerie ou au Parlement. Car le passage progressif d’un registre unique à un ensemble de registres parallèles s’est imposé partout en raison de l’accroissement considérable du nombre d’actes enregistrés dans le premier tiers du XIVe siècle. Pourtant c’est en France, où l’enregistrement est toujours resté beaucoup plus modeste, que la multiplication des registres est la plus précoce. C’est que cette pratique favorise sans doute l’établissement de registres exhaustifs ; or les derniers Capétiens semblent alors particulièrement soucieux de conserver trace de l’ensemble des actes qu’ils expédient. Au contraire les registres pontificaux demeurent plus lacunaires 5 , en dépit d’un souci croissant d’exhaustivité. Du reste, la confrontation de séries de documents originaux avec les différents registres permettra d’affiner l’appréciation de leur exhaustivité respective. Mais il apparaît d’ores et déjà que cette quête d’exhaustivité, qui semble persister tout au long du XIVe siècle dans l’État pontifical, est abandonnée très rapidement par le roi de France : dès le milieu des années 1320, un certain nombre d’expériences d’enregistrement sont interrompues, la chancellerie cessant en particulier d’enregistrer toute lettre temporaire scellée de cire blanche. Car si les politiques d’enregistrement évoluent sensiblement durant le premier tiers du XIVe siècle, c’est que les administrations ne cessent de s’interroger sur l’utilité de tels registres. Saisir la finalité de ces derniers s’avère donc pour nous indispensable pour comprendre les principes qui ont pu présider à leur constitution. De fait, la mise en place d’un enregistrement de plus en plus complet ne constitue pas nécessairement un progrès administratif si l’on ne possède pas d’instruments permettant de retrouver rapidement un document dans des registres pléthoriques. Aussi les administrations ont-elles hésité entre la réalisation d’instruments de travail efficaces, où seules les pièces d’importance seraient consignées, et l’élaboration de

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registres exhaustifs, dont la fonction s’avèrerait avant tout mémorielle. C’est à cette aune qu’il convient en dernier ressort d’évaluer les politiques archivistiques des deux États ; ainsi sera-t-il possible de remettre en perspective les pratiques française et pontificale, jusqu’ici comparées sur le seul plan quantitatif.

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— Armand JAMME (CNRS), « La construction d’une mémoire de l’autorité en Italie centrale : formes et enjeux (XIIIe-XIVe siècle) »

Dans une évolution longue qui transforme le pape virtuellement omnipotent de la pensée grégorienne en prince mécène ou va-t-en guerre de la Renaissance, les XIIIe et XIVe siècles ont une place à part. C’est avec Innocent III on le sait que débute la construction d’une puissance politique qui atteint peut-être ses limites géographiques dès 1279, mais qui demeure en réalité très imparfaite, le pape se révélant incapable de bien diriger ses « chers fils ». Le dénigrement dont il est l’objet est un des thèmes récurrents de la littérature politique médiévale et moderne. Ces difficultés ont leurs traductions premières dans l’état de la documentation de gouvernement aujourd’hui conservée : les processus de sédimentation qui préludent la constitution d’archives ordonnées ne sont pas directement perceptibles dans les cinq grandes provinces que comptent les Terres de l’Eglise, gouvernées pourtant par des recteurs tenant de petites cours dans des résidences fortifiées.

Appréhender les mécanismes de construction d’une mémoire de l’autorité, percevoir les enjeux qui se nouèrent autour de ses définitions successives, nécessite de recourir à des pièces démembrées, des recueils épistolaires, des vestiges d’archives éparpillés entre l’Italie, la France et le Vatican. Rassemblés, ils ne permettent pas seuls de saisir les modèles successivement mis en œuvre. Il importe donc de préciser en premier lieu les rangs, qualités et expériences de ceux qui furent affectés au gouvernement des provinces. Qui se trouve en mesure de statuer sur le sort des actes de gouvernement, dans un système politique qui, à l’âge où se dessinent des capitales d’État, n’en a pas vraiment puisque la cour pontificale est itinérante au XIIIe, excentrée au XIVe siècle ? La mobilité et l’éloignement du souverain expliquent la fonction cardinale des représentants du pouvoir dans les provinces.

On n’est guère surpris de constater que jusqu’aux premières décennies du XIVe siècle la documentation provinciale révèle une forte empreinte du modèle communal. A l’importance d’une littérature normative, perpétuellement enrichie et refondue (les statuts), répondent des constitutions provinciales, octroyées par les papes, leurs légats et leurs recteurs. La puissance de l’éloquence politique, l’attention portée à la rhétorique trouvent également au sein des cours rectorales un écho que révèlent formulaires et recueils épistolaires. Enfin, là comme ailleurs, des libri jurium marquent l’identité des institutions provinciales en fixant leurs droits et privilèges.

Avec le XIVe siècle, les structures de la documentation changent. Les constitutions acquièrent des validités étatiques. La comptabilité, négligée au siècle précédent, conquiert une place fondamentale. Quant à la correspondance politique, elle est désormais, à son niveau le plus significatif, assurée par des cardinaux-légats, vicaires généraux du pape en Italie, qui tentent de susciter un sens « identitaire », en emportant les sujets dans un avenir commun susceptible de transcender de multiples rivalités locales. En un mot, une principauté territoriale semble en cours de construction.

Dans ces évolutions, la gestion de la mémoire de l’autorité subit de profonds bouleversements. Derrière l’apparente tautologie, est digne de mémoire ce qui apparaît utile à celui qui la crée, se cache en effet un postulat spéculatif qui lui attribue un rôle décisif dans l’analyse des situations et des décisions politiques futures. Le noeud qui se crée alors entre pensée politique et écriture du temps présent fait nécessairement de la mémoire de l’autorité un enjeu pour l’avenir. Les pratiques d’enregistrement des données – les stratégies de la copie pourrait-on dire – prouvent que l’on passe progressivement d’une mémoire purement administrative, privative, cultivant sa propre conscience institutionnelle, à une mémoire extravertie, politisée, dans laquelle la documentation sert à inscrire l’obéissance dans les consciences.

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— Christiane KLAPISCH-ZUBER (EHESS) : « Les archives de famille italiennes (XIVe-XVe siècles) » Comment les archives privées, ou plus exactement les archives de famille, ont-elles, au

cours du XIVe siècle et au XVe siècle, pris leur autonomie par rapport aux archives publiques et aux archives marchandes ? Le problème largement abordé dans les dernières décennies à propos des « livres de famille » italiens, et en particulier florentins, mérite d’être repris à la lumière du canevas d’enquête proposé pour le congrès du Caire. La réflexion s’orientera dans les directions suivantes :

En premier lieu, on se demandera d’où viennent les impulsions à la constitution d’archives de famille.

Comment l’individu qui prend la plume se considère-t-il ? Agit-il de son propre chef ? pour le groupe familial ? par délégation ? en raison de ses devoirs envers le passé ou le futur ?

Quand, dans ses travaux d’écriture, pense-t-il faire œuvre de gestionnaire, de chef de famille, de mémorialiste, voire d’historien ? Autrement dit, quelle responsabilité assume-t-il sciemment ou non ?

En quoi ces impulsions se distinguent-elles de celles qui conduisent à l’accumulation de documentations publiques ou marchandes ?

Un second axe de l’enquête portera sur la nature des informations retenues, les critères des tris accomplis, et les implications de ces choix pour les rapports entre public et « privé ».

Au fondement des archives familiales, le contrat ; mais les livres de famille ne se contentent pas de consigner, rappeler ou singer les actes notariés et les comptabilités marchandes, ils consacrent une place bien plus importante à des engagements de tous ordres qui ne donnent pas automatiquement lieu à écrit : accords oraux avec serviteurs et nourrices, par exemple, fournisseurs de services (boulanger, épicier, médecin …ou magicien), membres de la famille, voisins, complices politiques etc.

De ce point de vue encore, c’est la mise en récit des gestes et paroles en quoi consistent les rituels familiaux qui est habilitée à transmettre la teneur de ceux-ci et à leur conférer, au-delà de leur compréhension immédiate, une valeur durable.

On réfléchira donc sur la mise au point de modèles d’écriture, le ricordo tout particulièrement, qui trouvent dans les archives familiales leur terrain d’élection et singularisent ces dernières par rapport aux archives publiques et marchandes.

Un troisième pan de la présentation reviendra sur les usages et donc sur l’autorité prêtée à ces écrits de famille.

Les « livres de famille » italiens sont réservés à la descendance ou plus largement à des cercles de la parenté qu’on s’efforcera de circonscrire. On réfléchira sur ce qu’implique l’accès limité, ou réservé, aux archives familiales par rapport aux écritures publiques ou même commerciales ; en particulier sur les moyens matériels que se donnent rédacteurs et utilisateurs de telles archives pour conserver ce qu’ils jugent digne de l’être (en particulier, sur les lieux choisis pour la conservation, sur les supports) et sur les préceptes réglant leur accès ou leur clôture, les conditions mises à leur consultation et leur production publique.

La question de la conservation doit être posée non seulement en termes d’organisation, mais également par son revers : l’élimination. Que conserve-t-on, que détruit-on ? La négligence, la destruction réfléchie, mais aussi les interventions, retouches, altérations des documents et des registres etc. sont à replacer dans le contexte d’une culture prêtant foi aux écritures formalisées. Quelle place s’y taillent les écrits de rédaction et de forme plus libres ?

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— Conclusions générales : Anne-Marie EDDÉ (IRHT) & Benoît-Michel TOCK (Université de Strasbourg II)

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SOMMAIRE

PROGRAMME..............................................................................................................................................................3

ARGUMENTAIRE SCIENTIFIQUE DU CONGRÈS ..........................................................................................7

RÉSUMÉS DES COMMUNICATIONS................................................................................................................10

SESSION I — MISE EN ÉCRITURE ET PRODUCTION DES DOCUMENTS ...........................................10

— Rapport introductif : François BOUGARD (Université de Paris X) & Gabriel MARTINEZ-GROS (Université de Paris VIII) 10 — Nicolas DROCOURT (Université de Nantes) : « La place de l’écrit dans les relations internationales et la diplomatie byzantine (VIIIe-XIIe siècle) 10 — Mohamed OUERFELLI (Université d’Aix-Marseil le I) : « Les tra ités de paix et de commerce entre Pise et l’Égypte au Moyen Âge » 11 — Dominique VALÉRIAN (Université de Paris I) : « Le recours à l’écrit dans les pratiques marchandes en contexte interculturel : le cas des ports musulmans » 11 — Henri BRESC (Université de Paris X) & Anneliese NEF (Université de Paris IV) : « Les usages linguistiques dans les documents médiévaux sici l iens : la langue arabe dans les actes de la chancellerie royale et dans le notariat (XIIe-XVe siècle) » 12 — Didier LETT (Université de Paris I) : « La langue du témoin et la plume du notaire : témoignages oraux et rédaction des procès de canonisation au XIVe siècle » 13

SESSION II — ARCHIVES ÉGYPTIENNES ET HISTOIRE ..........................................................................14

— Muhammed EL-NASHER (Université de Tanta) : « La lettre que le sultan Jakmak adresse à la municipalité de Barcelone » 14 — Afaf SABRA (Université d’Al-Azhar) : « Les documents commerciaux : relations entre Venise, l’Égypte et la Syrie aux XIIIe et XIVe siècles » 14 — Adel ABD EL-HAFEZ (Université de Minia) : « Le décret de Grégoire XI contre les iconoclastes » 15 — Hasanayn RABIE (Université du Caire) : « Les papiers de la Geniza sont-i ls des documents d’archives ? » 15 — Zobida ATTA (Université de Hilwan) : « Les documents de la famille Ben Okal de la Geniza sont-i ls des archives commerciales ? » 15 — Lila ABDEL GAWAD (Université du Caire) : « Les waqf-s de bienfaisance des femmes dans l’Égypte mamlouke » 15 — Hussam ISMAIL (Université d’Ayn Shams) : « Le sultan et l’usurpation des waqf-s. Les documents du sultan Barsbây » 15

ATELIER DE DOCTORANTS (PARALLÈLEMENT À LA SESSION II DU CONGRÈS) .......................16

— Gaëlle CALVET (Université de Paris I) : « Terre, mémoire et possession : la constitution de collections juridiques sur la question des terres d’Église au IXe siècle » 16 — Claire GARAULT (Université de Rennes II) : « Le passé recomposé : traditions locales et mémoire monastique. Le cas de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon » 17 — Caroline CHEVALIER-ROYET (Université de Paris IV) : « Les commentaires bibliques carolingiens : recueil l ir et relire l’héritage patristique » 18 — Delphine LANNAUD (Université de Dijon) : « Le tra itement des archives par le pouvoir épiscopal bourguignon à la f in du Moyen Âge : mise par écrit, uti l isation et conservation des documents » 18 — Julien BRIAND (Université de Paris I) : « Pourquoi produire des archives dans une vil le du royaume de France à la fin du Moyen Âge ? L’exemple de Reims » 19 — Léonard DAUPHANT (Université de Paris IV) : « Les archives d’un ‘Écorcheur’ : reconstitution du chartrier des seigneurs de Commercy (1ère moitié du XVe siècle) » 20

Page 36: Recours à l’écrit, autorité du document, constitution d ... · pouvaient se désaltérer et, à l’étage, un lieu d’enseignement de l’islam pour les enfants] — un complexe

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XXXIXe Congrès de la SHMESP (Le Caire, 2008)

— Alexandra GALLO (Université d’Aix-Marseil le I) : « Écrire, conserver et revendiquer les droits d’une communauté urbaine provençale : Sisteron » 21 — Emmanuel HUERTAS (Université de Paris I) : « Aux origines de l’enregistrement notarié : l’exemple du cartulaire de Pistoia (Libro Croce, 1113-1145) » 22 — Hicham ELAALLAOUI (post-doc ANR) : « Le signe de validation des documents de chancellerie aux époques almohade et post-a lmohade » 23 — Thomas TANASE (Université de Paris I) : « La rédaction et la réception en Occident des lettres des khans mongols de Perse (1260-1316) » 23 — Isabelle ORTEGA (Université de Montpell ier III) : « L’inventaire de la bibliothèque de Léonard de Veroli : témoignage des influences occidentales et orientales dans la principauté de Morée (fin XIIIe siècle) » 24

SESSION III — USAGES ET GESTION DE L’ÉCRIT ......................................................................................24

— Rapport introductif : Laurent MORELLE (EPHE) & Christophe PICARD (Université de Paris I) 24 — Béatrice CASEAU (Université de Paris IV) : « Quel éta it le but des copies multiples dans les archives byzantines ? » 25 — Dominique BARTHÉLEMY (Université de Paris IV) : « Autorité et usage de la ‘charte’ en France de l’Ouest au XIe siècle » 26 — Chantal SENSÉBY (Université d’Orléans) : « Écrit et confl its. Des usages différenciés de l’écrit et des archives aux XIe et XIIe siècles dans l’espace ligérien » 26 — Stéphane PÉQUIGNOT (EPHE) : « Les écrits du ‘temps de la désobéissance’ à la régence de Phil ippe de Majorque » 27 — Federica MASÈ (Université d’Évry) : « Recours à l’écrit et exploitation de la propriété urbaine : le cas des Vénitiens entre métropole et Méditerranée orientale (XIe-XVe siècle) » 28

SESSION IV — CONSTITUTION DES CORPUS ............................................................................................30

— Rapport introductif : Bruno GALLAND (Archives nationales) & Sylvie DENOIX (IFAO) 30 — Mathieu TILLIER (Université d’Aix-Marseil le I) : « Le statut et la conservation des archives judicia ires dans l’Orient abbasside (VIIIe-Xe siècles) » 30 — Julien LOISEAU (Université de Montpell ier III) & Yann POTIN (Université de Paris I) : « Le silence des archives. Conservation documentaire et historiographie de l’Éta t (royaume de France / sultanat mamelouk, XIIIe-XVe siècle) » 31 — Olivier CANTEAUT (École nationale des charte) : « Enregistrer, pour quoi fa ire ? Écla irages croisés sur les pratiques d’enregistrement de la monarchie française et de la papauté d’Avignon (1316-1335) » 32 — Armand JAMME (CNRS), « La construction d’une mémoire de l’autorité en Ita l ie centrale : formes et enjeux (XIIIe-XIVe siècle) » 33 — Christiane KLAPISCH-ZUBER (EHESS) : « Les archives de famille ita l iennes (XIVe-XVe siècles) » 34 — Conclusions générales : Anne-Marie EDDÉ (IRHT) & Benoît-Michel TOCK (Université de Strasbourg II) 34

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Avec la participation du Centre français de culture et de coopération, du Haut conseil à la culture égyptien et de l’Institut français d’archéologie orientale.