REByz-60 (2002)

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REVUE

DES

ÉTUDES BYZANTINES

TOME 60 ANNÉE 2002

Publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique

DE BOCCARD

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MOINES ET MONASTÈRES GÉORGIENS DU 9e SIÈCLE:

LA VIE DE SAINT GRIGOL DE XANCTA

DEUXIÈME PARTIE

UNE MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE

Bernadette Martin-Hisard

Summary : Written in the mid-tenth century the Life of Grigol reveals a Byzantine background to the history of Georgia. Though it had passed under Arab domination, Eastern Georgia was nevertheless considered by the Byzantines as a part of their sphere of influence as recognised in 591. This explains the periodic reappearance from the mid-seventh to early ninth century of titles such as curopalates held by magnates in the regions bordering on Byzantine Chaldea, the field of action of the monk Grigol.

La Vìe de Grigol permet d'aborder de nombreux thèmes dont le pre­mier et le plus fréquemment traité concerne le développement des monastères et de la vie monastique dans les régions qui furent touchées par l'action de Grigol de Xancta1. Plusieurs études ont ainsi souligné le rôle culturel de chacun de ces monastères2, étudié leur implantation et leur développement matériel3, analysé les témoignages iconographiques

1. On trouvera à la fin de cet article les abréviations retenues pour les sources et pour les ouvrages les plus fréquemment cités ; la Vie de Grigol est citée par les lignes de la tra­duction qui a fait l'objet de la première partie de cette étude : Moines et monastères géor­giens du 9e siècle : la Vie de saint Grigol de Xancta. Première partie : Introduction et tra­duction, REB 59, 2001, p. 5-95 (étude que l'on citera MARTIN-HISARD, Moines 1).

2. L. MENABDE, Jveli kartuli mc'erlobis k'èrebi (Les centres de littérature en géorgien ancien), Tome I, 2, Tbilisi 1962.

3. W. BÉRIDZÉ, Monuments de Tao-Klarjet'ie dans l'histoire de l'architecture géor­gienne, Tbilisi 1981. W. Z. DJOBADZE, Early Medieval Georgian Monasteries in Historic Tao, Klarjeti and Savset'i, Stuttgart 1992 (Forschungen zur Kunstg. und Christi. Arch.).

Revue des Études Byzantines 60, 2002, p. 5-64.

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encore visibles4. Le texte a été également utilisé pour étayer une présen­tation, maintenant délicieusement surannée, de la vie monastique en Géorgie5; l'auteur de ces lignes n'exclut pas de reprendre ce dernier sujet, une fois publiée la traduction de l'ensemble du corpus des grandes hagiographies monastiques6.

Cependant, pour qui connaît les faiblesses de la documentation concernant l'histoire du monde géorgien, la Vie de Grigol se révèle fort intéressante en raison de sa dimension proprement politique.

Le texte n'évoque pas les circonstances qui permirent à Ašoť de s'im­poser dans le K'iarjeti, se bornant à constater (1. 364-366) :

Le pieux souverain, le grand bagratide Ašoť le curopalate, un bon croyant, devint à cette époque le dominateur de cette région. À partir de lui, son principat sur les Kartvéliens et celui de ses fils furent affermis pour toujours.

Mais il souligne l'œuvre de ses fils qui (1. 896)

conquirent par leurs épées de nombreuses terres et chassèrent les fils d'Agar.

Que la guerre ait été la grande occupation des trois frères se laisse encore deviner dans le passage qui les montre, solennellement accueillis à Xancta, où (1. 1008)

ils reçurent des armes pour vaincre les ennemis par l'intercession de saint Georges.

La guerre prend ainsi une dimension religieuse, soulignée par l'affir­mation que les Bagratides disposent, pour protéger leurs armées de chair et d'os, de l'armée spirituelle des moines du désert (1. 1030). Peut-être avons-nous là les origines lointaines du rituel d'avènement des rois géor­giens, attesté dans la première moitié du 12e siècle et comportant la remise solennelle d'une épée au nouveau roi dans une église7. Une pré­sence musulmane est donc proche des régions où se développent les fon­dations de Grigol ; mais d'autres pouvoirs plus lointains se font sentir dans le K'iarjeti, tel celui de l'émir de Tbilisi, «Sahak' fils de l'émir Ismael» (1. 2157), soit Ishäq fils d'Ismâ'ïl, dont la pression est assez forte, à l'époque du curopalate Ašoť, pour imposer son candidat sur un siège episcopal du K'iarjeti et pour le rétablir lorsqu'il en est chassé (chap. 68-69).

4. Renvoyons à l'ensemble des travaux de N. Thierry, et notamment à Peintures d'Asie Mineure et de Transcaucasie aux Xe et xf siècles, Londres 1977 (Variorum Reprints).

5. J. KARST, Recherches sur l'histoire du droit ecclésiastique carthvélien. Organisation disciplinaire des moines et monastères de l'ancienne Ibérie, Archives de l'histoire du droit orientall, 1938, p. 367-401.

6. Π manque à notre corpus de traductions la Vie de Serap'ion de Zarzma et la Vie de Georges l'Hagiorite.

7. B. MARTIN-HISARD, Le roi géorgien médiéval : christianisme et influences iraniennes, dans O. REDON et B. ROSENBERGER éd., Les Assises du pouvoir. Temps médiévaux, terri­toires africains, Vincennes 1994, p. 129-139.

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L'auteur de la Vie de Grigol ne manque pas non plus de souligner les rapports étroits entretenus par les premiers Bagratides avec Constantinople : Ašoť était curopalate (1. 364) ; son fils Bagrať le devint «par ordre du roi des Grecs» (1. 885-886) ; et, même si la datation du texte, donnée au chapitre 83, ne comporte aucune référence au monde byzantin, pas plus en année de règne de l'empereur qu'en année du patriarche de Constantinople8, la mention d'un curopalate (1. 2606) et de deux magistres (1. 2610) témoigne de liens continus avec l'Empire. Grigol lui-même, qui parlait grec, se rendit à Constantinople, le «trésor du Christ..., la seconde Jérusalem» (1. 571) ; il n'admira pas tout ce qu'il vit, mais il semble y avoir puisé des éléments d'inspiration qu'il utilisa pour rédiger sa Règle (1. 580).

Ces remarques pourraient paraître anodines si l'on ne soulignait pas que la date de rédaction de la Vie de Grigol, au milieu du 10e siècle, lui confère une place à part dans les sources narratives géorgiennes par l'éclairage qu'elle donne à la période qui vit le développement de la puissance arabo-musulmane et le recul de l'influence byzantine dans le monde caucasien. Les différentes strates qui composent la Vie des rois kartvéliens étaient certainement rédigées dans le courant du 9e siècle9, mais la période relative à l'établissement de la domination arabe au Kartli (7e-fin 8e siècle) n'est traitée que brièvement dans les dernières pages10 et encore est-il bien connu que l'auteur ou les auteurs de ces pages, fort mal renseignés sur l'époque dont ils parlaient, ont fait dispa­raître ou ont comprimé des pans entiers de l'histoire du Kartli à l'époque arabe11. Il faut attendre ensuite la fin du 11e siècle pour avoir, avec la Chronique du Kartli, une continuation de la Vie des rois kartvéliens dont les débuts, concernant la fin du 8e siècle et les premières décennies du 9e, sont mal situés dans le temps ; le texte partage en outre avec la Vie des rois kartvéliens un intérêt trop exclusif pour la seule région centrale du Kartli ; les régions périphériques n'apparaissent que dans de brèves allu­sions, alors qu'elles sont, à ce moment, pour les unes (le K'iarjeti et ses abords) le berceau de la lignée bagratide, pour les autres ( Apxazeti et le K'axeti) le foyer de nouvelles formations politiques. On dispose encore de deux autres sources : d'une part une chronique, particulièrement brève et souvent réduite à de pures listes de noms sans éléments de datation, qui précède le texte de la Conversion du Kartli dans un manuscrit daté

8. En 950/951, il s'agit de Constantin VII et du patriarche Théophylacte. 9. Voir S. H. RAPP éd., K'art'lis c'xovreba: The Georgian Royal Annals and Their

Medieval Armenian Adaptation, New York 1998 (Anatolian and Caucasian Studies), p. 21.

10. Cette période fait l'objet des p. 230 à 248 (déduction devant être faite de longues interpolations), les dernières pages (245-248) étant elles-mêmes consacrées au récit du martyre du roi Aral, sous le gouverneur Khuzayma b. Khazïm en 786.

11. TOUMANOFF, Studies, p. 395.

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des années 960-970 et que l'on appellera la Chronique du 10e siècle12 et d'autre part la Vie et histoire des Bagratides, généalogie de la famille compilée au début du 11e siècle et qui, entre le début du 9e et la fin du 10e siècle, prend la forme d'une nécrologie des membres mâles des diverses lignées13.

Ces sources permettent de suivre, plus ou moins aisément, l'intégra­tion du territoire national dans le monde musulman, puis la progressive réapparition de pouvoirs politiques géorgiens et enfin, au début du 11e siècle, raffirmation d'une indépendance retrouvée autour des rois bagratides qui s'intitulent rois des Apxazes et des Kartvéliens. Mais la Vie de Grigol, rédigée antérieurement à l'épanouissement royal, est le seul texte qui permette de comprendre comment les Bagratides du K'iarjeti furent d'abord les bénéficiaires et les héritiers des longs et continus efforts menés par Constantinople depuis le début du 7e siècle pour affirmer et maintenir — ne fût-ce que formellement — des droits à ses yeux imprescriptibles sur toute une partie du Kartli dont le K'iarjeti finit par constituer le noyau dur. Ce sont ces efforts que l'on essaiera de mettre ici en évidence au cours d'une histoire qui débute lorsque Γ arri­vée des Arabes sembla avoir détaché et éloigné de l'Empire ses amis caucasiens.

I. LA CONQUÊTE DU KARTLI PAR LES ARABES (642-655)

Au moment de l'arrivée des premiers contingents arabes, le Kartli (Ibérie des sources byzantines, Wirözän des sources pahlavies, Virk' des sources arméniennes, Djurzän ou Kurdj des sources arabes) était partagé, comme l'Arménie voisine, en deux zones d'influence depuis le traité signé en 591 par l'empereur Maurice et le sassanide Khusrau Π. D'après le Pseudo-Sebëos, les Sassanides, qui contrôlaient pratiquement tout le Kartli depuis le début du 6e siècle, laissèrent alors à Constantinople auto­rité sur

une grande partie du pays des Virk' jusqu'à la ville de Tp'xis14.

Le texte est laconique, mais on devine sans peine que, dans le prolon­gement de la partition simultanée de l'Arménie, nettement mieux connue, les Sassanides avaient gardé les régions contiguës à leurs pos-

12. Elle occupe sept pages dans l'édition de I. Abulaje et va de la conquête d'Alexandre jusqu'à la décennie 960-970. TOUMANOFF, Studies, p. 23-24 et passim, appelle cette chronique, qu'il subdivise en trois, la Liste Royale.

13. Sur ce texte : B. MARTIN-HISARD, L'aristocratie géorgienne et son passé. Tradition épique et références bibliques (vif-xm* siècles), Bedi Kartlisa 42, 1984, p. 13-34.

14. PSEUDO-SEBËOS, p. 84. On peut désormais consulter cette source arménienne dans une traduction récente : The Armenian History attributed to Sebeos, trad. R. W. THOMSON, comment. J. HOWARD-JOHNSTON, Liverpool 1999. La source est beaucoup plus précise pour l'Arménie.

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sessions d'Arrän et de Persarménie et situées à l'est de l'Aragvi et d'une ligne qui se reliait au lac Sevan : K'axeti, K'uxeti et Hereti au nord du Kur15. Constantinople tenait la partie occidentale qui comprenait d'une part le pays de la boucle du Kur, c'est-à-dire le Kartli Intérieur ou Pays d'En-haut (Zeda-sopeli) et d'autre part les régions qui touchent à l'Arménie byzantine et que les Arméniens appellent Gugark'16. La zone attribuée à Constantinople bordait à l'ouest et au sud-ouest les territoires byzantins de Lazique et de Chaldie, sur la rive gauche du Tchorokh. À la charnière des deux zones et au confluent de l'Aragvi et du Kur, la métro­pole religieuse de Mcxeta resta byzantine tandis que l'ancienne capitale royale, Tbilisi, relevait des Perses17. Le tracé de la frontière méridionale au sud du Kur reste cependant très flou18. Un simple regard porté sur une carte confirme ce que dit l'historien arménien: une grande partie du Kartli, sinon la plus grande, relevait de Constantinople.

Dans sa reconstruction idéologique du passé, la Vie des wis kartvé-liens exprime cette division du Kartli en affirmant qu'une branche de l'ancienne famille royale des Chosroïdes était alors installée à l'est en K'axeti, tandis que l'autre branche était établie en K'iarjeti19. Mais elle affirme aussi que, bien longtemps avant le traité, les Perses avaient reconnu le régime seigneurial qui régnait au Kartli en donnant une grande autonomie, voire une quasi-indépendance aux seigneurs locaux, les éristavs.

On ne sait pas comment les Perses surveillaient ou administraient leur part de Kartli, sans doute indirectement comme les Byzantins. L'autorité de Constantinople, eminente plus que réelle, s'exerçait en effet par l'in­termédiaire de l'un des éristavs, appelé encore mtavar, mtavar des éris­tavs ou encore érismtavar du Kartli en géorgien20. C'est ce qu'affirment toutes les sources géorgiennes qui s'accordent pour considérer que le

15. Voir la carte de localisation des noms géographiques à la fin de l'article. Des cartes plus détaillées ont été publiées par R. Hewsen, dans le Tübinger Atlas des Vorderen Orients (= TAVO), Wiesbaden, notamment les cartes VI 14 (Armenien und Georgien : Christentum und Territorial Entwicklung vom 4. bis zum 7. Jahrhundert, 1987) ; VU 16 (Armenien und Georgien im 10. und 11. Jahrhundert, 1988); VIII 4 (Armenien und Georgien : Das Christentum im Mittelalter, 7. -15. Jahrhundert), 1989.

16. Le Gugark' correspond à la vaste région méridionale du Kartli, qui comprend, à Touest du Kur supérieur, l'Art'aani et le K'iarjeti et, au sud du Kartli Intérieur, le Javaxeti, le Trialeti, le T'aširi et différentes régions appelées «vallées» (p'oren arménien, qevi en géorgien) jusqu'à Xunani. Au sud du Gugark' se trouvaient les provinces armé­niennes du Tayk', de l'Ayrarat et du Širák.

17. La localisation de Tbilisi sur la carte 5 du volume cité plus haut n. 15 est haute­ment fantaisiste.

18. Dans la bonne tradition des frontières naturelles, on tend à penser que la frontière à partir de Mcxeta suivait le Kur au moins jusqu'à Tbilisi et peut-être Xunani ; mais en fait nous l'ignorons complètement et la frontière a pu respecter les confins des grandes régions géorgiennes.

19. Vie des rois kartvéliens, p. 217. La branche établie dans le K'axeti est censée représenter la lignée issue de l'épouse perse du roi Vaxt'ang (fin 5e siècle) ; la branche du K'iarjeti serait issue de son épouse grecque.

20. Sur ces termes, voir MARTIN-HISARD, Moines 1, p. 16-19.

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premier éristav de la partie byzantine du Kartli fut un certain Guaram Ier

auquel succèda son fils St'epanos Ier dit le Grand21. Tout en divergeant sur les modalités de la désignation de Guaram, les sources géorgiennes le qualifient toutes de curopalate22. Guaram comme St'epanos siégeaient à Mcxeta qui s'enrichit alors de la construction de l'église de Jvari. Nous ignorons comment les Byzantins désignaient celui que, même avec le titre de curopalate, ils devaient considérer comme un simple archonte.

Au 6e siècle, la curopalatie n'avait rien d'une dignité palatine ; c'était un office de cour, la cura palatii, d'importance pratiquement équivalente à celle de castrensis et conférant des fonctions réelles23. Que Guaram ait porté ce titre, au témoignage même des sources géorgiennes, implique des contacts réels avec l'empereur de Constantinople, seul habilité à le délivrer, et une intervention, ponctuelle peut-être, mais concrète de celui-ci dans les affaires intérieures des princes géorgiens, avec leur accord. L'attribution du titre de curopalate semble donc liée au traité de 591 et caractériser le détenteur ibère de l'autorité sur toute la partie du Kartli reconnue comme d'obédience byzantine24. Le port de ce titre n'étant pas héréditaire et dépendant d'un acte juridique d'un l'empereur, seul un éristav reconnu par Constantinople et reconnaissant son autorité pouvait le porter ; la mention du titre prouve donc l'existence de contacts réels ; à l'inverse, son absence n'est pas significative, puisqu'elle peut s'expli­quer par des raisons purement conjoncturelles. Ce fut sans doute le cas pour St'epanos Ier qui gouvernait au moment de l'expansion perse du début du 7e siècle.

Telle était la situation générale au Kartli lorsque Héraclius mena ses campagnes contre les Perses. L'une d'elles le fit passer en 627 par la Lazique, puis par le Kartli où l'appui des Khazars qu'il avait sollicité lui

21. Dans la Vie des rois kartvéliens, p. 218, Guaram est issu de la branche grecque des Chosroïdes établis dans le K'iarjeti ; sollicité par les éristavs du Kartli de leur désigner un «roi», l'empereur qui ne pouvait être que Maurice le choisit dans l'ancienne famille royale. La Vie et histoire des Bagratides, p. 373-374, en fait un Bagratide, venant de la même région, élu par les nobles du Kartli réunis par le catholicos et confirmé par Constantinople. La Chronique du 10e siècle, p. 326,1. 17, ne précise pas son origine. Pour la clarté de l'exposé qui suit, en raison des cas d'homonymie, on affecte les éristavs homonymes d'un numéro d'ordre. Il est difficile de dater ces éristavats. BROSSET, p. 216-217 et 223, date Féristavat de Guaram de 575-600 et celui de St'epanos de 600-619. TOUMANOFF, Studies, p. 393, qui complique souvent inutilement des textes déjà suffisam­ment compliqués, date le gouvernement de Guaram de 588-c. 590, et celui de St'epanos de 590-627.

22. La Vie des rois kartvéliens, p. 222, l'appelle ainsi simplement ; la Vie et histoire des Bagratides, p. 374, évoque l'envoi par Constantinople de la dignité de curopalate ; la Chronique du 1& siècle dit qu'il fut désigné d'abord comme éristav, puis comme curopa­late.

23. MARTIN-HISARD, Constantinople, p. 438 et n. 548-549. 24. C'est sans doute parce que la curopalatie a fini par caractériser les Bagratides que

la Vie et histoire des Bagratides considère son premier titulaire, Guaram, comme un Bagratide.

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permit d'enlever Tbilisi aux Perses25 ; là siégèrent par la suite les troi­sième et quatrième éristavs du Kaitli, Adrnese/Adarnase Ier et son fils St'epanos II dont le gouvernement commença avant l'arrivée des Arabes au Kartli26. Aucun n'est qualifié de curopalate, l'empereur n'eut proba­blement pas le temps de délivrer ce titre. Une seule source précise que St'epanos II prit Tbilisi pour résidence27.

Les Perses ne perdirent pas tout contrôle sur le Kartli oriental, malgré les déprédations des Khazars ou des pseudo-Khazars28 qui, après leur incursion en 627, prirent goût à piller la Caucasie méridionale, voire à en occuper des parties. Lorsque, avant de raconter la conquête de l'Armïniya, al-Balâdhurï en esquisse une description, il affirme que le Djurzän était avec l'Arrân «aux mains des Khazars», précisant même un peu plus loin : «Les Khazars et les Byzantins devinrent maîtres de ce qui au début était entre les mains des Perses» ; Ibn Khuradädhbih ne dit pas autre chose29. En 642 en tout cas, un commandant perse, nommé Shahrbarâz. se trouvait non pas dans le Kartli, mais dans , à al-Bäb al-Abwäb ou Darband, forteresse qui gardait le défilé barrant la principale voie d'invasion le long de la Caspienne. Rien ne permet de dire que les pouvoirs de Shahrbarâz se limitaient à Darband où les Arabes le rencontrèrent ; il est possible et même probable, comme on le verra plus bas, qu'ils aient été géographiquement plus étendus et que Shahrbarâz ait été le représentant des Sassanides dans les régions cauca­siennes que ceux-ci contrôlaient.

Les circonstances de l'arrivée des Arabes au Kartli ne sont pas claires. Elles le sont d'autant moins que les sources arabes considèrent le Kartli comme un năhiya, une région, de ce qu'elles appellent Armïniya, terme ambigu s'il en est dont trop de traducteurs et de chercheurs font dans tous les cas et à tort l'équivalent de Arménie. Les campagnes qui eurent lieu au Kartli sont liées aux événements qui se déroulaient en Arménie et dans l'Arran, et qui relevèrent au début plus de la découverte et du pillage d'une terra incognita que d'un véritable projet de conquête30. Les armées qui les menèrent provenaient soit de Haute-Mésopotamie soit d'Iraq ou d'Ădharbaydjăn. c'est-à-dire de territoires anciennement

25. THEOPHANES, AM 6117 (éd., p. 316,1. 7-8), dit sans ambiguïté que les Perses virent arriver Héraclius et les Khazars «depuis la ville de Tiphilios».

26. Dans la Vie des rois kartvéliens, p. 225, Adarnase est un membre de la lignée royale cadette implantée dans le K'axeti. La Chronique du 10e siècle, p. 327, 1. 6, ne se prononce pas sur son origine. La Vie et histoire des Bagratides, p. 375, fait d'Adarnase le fils du premier St'epanos. Pour les dates de leur gouvernement, BROSSET, p. 227 et p. 232 : 619-639 et 639-663 ; TOUMANOEF, Studies, p. 393 : 627-637/642 et 637/642-c. 650.

27. Vie et histoire des Bagratides, p. 375. > 28. Pour ARTAMONOV, p. 190, la première grande action des Khazars en Caucasie méri­

dionale date de 684, les attaques antérieures étant plutôt le fait des peuples du Daghestan. 29. AL-BALADHURI, p. 547 et 549 ; IBN KHURADÄDHBIH. p. 543. 30. Voir sur ce point N. G. GARSOÏAN et B. MARTIN-HISARD, Unité et diversité de la

Caucasie médiévale (vť-xf s.), dans // Caucaso : cerniera fra culture dal Mediterraneo alla Persia (secoli tv-xi), Spolète 1996 (Settimane di Studio del Centro Italiano di Studi sull'Alto Medioevo XLIII), p. 275-347, notamment p. 320-322.

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byzantins ou sassanides, sans que les Arabes aient eu une nette conscience de l'existence de la frontière dite de 591, frontière au demeu­rant vidée bientôt de son sens. En effet le rapide effondrement des armées sassanides, sensible dès 637 à Qädisiyya et confirmé en 642 à Nihäwand, entraîna celui de l'État31 et de son administration32; des répercussions ne pouvaient que se faire sentir sur la partie de la Caucasie méridionale qui dépendait de Ctésiphon, Arrân, Armin et Wirözän33, et qui formait peut-être déjà l'unité administrative qui inspira l'Armmiya des Arabes. S'il resta des autorités perses, tel Sharbarâz. elles étaient laissées totalement à elles-mêmes, ce qui n'était pas le cas dans la partie byzantine.

L'impossibilité d'arriver encore maintenant à une chronologie à peu près sûre des expéditions arabes en Armïniya est chose connue34 : les sources arméniennes étalent sur quinze ans entre 640 et 655 des événe­ments que les sources arabes, plus tardives, semblent avoir ramassé en un court laps de temps, dominé par une grande campagne de Habib b. Maslama en 654-655. On suivra ici volontiers les propositions de C. Lo Iacono qui propose de distinguer deux grands moments dans cette histoire : une série d'incursions, peut-être annuelles, au cours desquelles s'illustrèrent 'Iyäd b. Ghanm en Arménie et Surăqa b. 'Amr dans la région d'al-Băb ou Darband sur la Caspienne, puis, dans une seconde phase à partir de 653, un effort plus large de domination porté par Salman b. Rabï'a et Habib b. Maslama35. C'est à l'intérieur de cette grille de lecture d'une période complexe que l'on verra la place occupée par le Kartli, byzantin et sassanide, dans la politique des trois grands généraux arabes, Surăqa, Salman et Habib, et que l'on s'interrogera sur le destin de Féristav du Kartli byzantin.

A. Surăqa b. 'Amr, 642-643 Si l'on suit al-Ţabarî36, une tentative arabe en direction du Djurzän eut

lieu dès l'année 22 (30 novembre 642-19 novembre 643) dans le cadre

31. La victoire arabe de Qädisiyya provoqua le départ de Ctésiphon du roi Yazdgard III et sa longue fuite en Orient où il fut assassiné en 651.

32. La Médie fut conquise dans la foulée, ainsi que l'Adharbaydjân en 643. 33. Sur le vocabulaire géographique de Γ administration sassanide, voir R. GYSELEN, La

géographie administrative de l'Empire sassanide. Les témoignages sigillographiques, Paris 1989 (Res Orientales I). * '

34. Voir la claire synthèse et la bibliographie de V. MINORSKY - [C. E. BOSWORTH], al-Kurdj, dans El2 V, 1986, p. 489-500, notamment p. 490-491. Une thèse a été soutenue en janvier 2002 à Lyon sur ce sujet par K. Baudoyan.

35. Voir C. Lo JACONO, Una fonte inesplorata per la più antica storia dei musulmani in Armenia, Quaderni di Studi Arabi, 5-6, 1987-1988, p. 442-456.

36. AL-ŢABARI, p. 581-583, d'après les pages de la traduction de M. Canard (dont on a seulement modifié la translittération des noms et termes arabes pour utiliser celle de Y Encyclopédie de l'Islam, sauf pour que l'on transcrit q), et en renvoyant le cas échéant au volume concerné de la traduction anglaise en 39 volumes de la Bibliotheca Persica. Que ma collègue et amie F. Micheau trouve ici l'expression de ma gratitude pour l'aide

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d'une campagne conduite par Suräqa b. 'Amr et dont al-Băb fut l'objec­tif principal37.

«Le roi d'al-Bäb qui était alors Şhahrbarăz, un Perse commandant en ce territoire frontière» négocia sans difficultés avec Suräqa un traité ďaman. Dans la forme transmise par al-Tabarï, Γα/năn ne fut pas accordé au seul Şhahrbarăz. mais aussi «aux habitants (sukkăn) de Γ Armïniya et aux Armem pour leur vie, leurs biens et leur religion38» ; il est plus loin question dans le texte de «la population ( ћђ de Γ Armïniya et des Portes (al-abwâb)». Le texte souligne l'aide militaire attendue contre les Khazars et la taxe de capitation qui devait être versée.

On peut raisonnablement avancer, à partir de ce texte, l'hypothèse selon laquelle Şhahrbarăz négocia non pas seulement pour al-Băb39, mais pour un plus large territoire qui comprenait, d'une part, au nord, al-abwâb, les Portes, c'est-à-dire les innombrables défilés des routes du Caucase oriental jusqu'à Bab al-Lăn40, et d'autre part Γ Armïniya, Arménie comprise et distinguée comme un élément de l'ensemble ; il va sans dire que Şhahrbarăz ne pouvait négocier que pour la partie perse de cette dernière région. Tel est sans doute le thaghr d'al-Bäb sur lequel Suräqa et, après sa mort, 'Abd al-Rahmän, eurent autorité, Şhahrbarăz lui-même restant en place. L'étendue de ce que nous croyons être le terri­toire confié à Şhahrbarăz n'est pas pour surprendre, étant donné l'impor­tance de ce personnage41. La campagne d'al-Bäb avait donc un objectif considérable, ce qui correspond au personnage de Suräqa qui n'était rien moins qu'un compagnon du Prophète42, et ce que confirment les déci­sions qu'il prit ensuite.

En effet, après la conclusion du traité ďaman, Suräqa envoya ses généraux «vers les habitants des montagnes entourant l'Armïniya» : Habib b. Maslama fut dépêché vers Tiflîs, Hudhayfa b. Usayd (ou Asïd) vers les montagnes d'al-Lăn, Bukayr b. 'Abdallah vers le Müqän ; seul ce dernier eut quelque résultat43. La mission dévolue aux deux généraux expédiés vers Tiflîs et vers les montagnes d'al-Lăn semble donc avoir consisté à concrétiser l'accord d'aman dans une région stratégique du

précieuse qu'elle m'a apportée dans la compréhension de certains textes arabes qui ne me sont accessibles qu'en traduction.

37. Sur cette campagne et son objectif, voir Lo IACONO (cité η. 35), p. 449 ; il faut peut-être placer la campagne plus tard, en 645.

38. D'après F. Micheau, il faut comprendre millat moins comme religion que comme communauté religieuse.

39. Darband est appelé par les Arabes al-Bàb wa 1-Abwab (la Porte et les Portes) dans les textes anciens, puis al-Băb al-Abwăb (la Porte des Portes), et parfois plus brièvement al-Băb, la Porte ; mais il ne semble pas que la ville soit jamais appelée simplement al-Abwăb.

40. Sur ces défilés, MARTIN-HISARD, Constantinople, p. 481-482 et 487. 41. Şhahrbarăz est un parent du personnage homonyme qui mena les campagnes sassa-

nides au début du siècle et tenta de prendre le trône en 636, PLREIII B, p. 1141-1144. 42. Lo IACONO (cité η. 35), p. 449 η. 25. 43. AL-ŢABARI, p. 582-583, qui parle aussi d'une mission confiée à Salman b. Rabï'a,

mais le passage n'est pas clair.

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Caucase, Tiflïs gardant au sud le débouché de la grande voie qui traverse le Caucase central et sur laquelle se trouve sur le haut Terek la citadelle appelée Băb al-Lăn ou Dar-i-Alan, la Porte des Alains. Les sources ne disent pas à quoi est dû l'échec des deux généraux ; la géographie de ces régions ne le rend pas étonnant.

Quoi qu'il en soit, on peut dire que la vie du Kartli et de Tbilisi ne connut pour l'instant en fait de changement que des rumeurs inquiétantes de guerre et d'invasion par un peuple inconnu. La Vie des rois kartvé-liens en rend compte à sa façon en montrant Héraclius quittant la Palestine et passant par l'Arran et le Kartli où il rallia «les Perses qui s'y étaient réfugiés devant les Saracènes» et qu'il convainquit de quitter le pays en partant avec lui, ce qu'ils firent après avoir enterré tous leurs tré­sors44.

B. Salman b. Rabï'a, 644/647 ou 654/655

Après cet échec partiel de Suräqa, plusieurs années s'écoulèrent avant qu'on ne retrouve mention d'opérations arabes dans le Kartli. L'une d'elles, mentionnée par une seule source, fut le fait de Salman b. Rabï'a au cours d'une campagne dont la date est discutée45.

L'action contre le Djurzän prolonge les premiers moments d'une cam­pagne victorieuse menée en Arrän, d'abord à Baylaqân, puis à Bardha'a. La campagne se poursuivit ensuite dans le Shirwän. Le passage qui nous intéresse est le suivant :

<Salmän> arriva devant la forteresse de Bardha'a dont les habitants lui proposèrent d'accepter une somme d'argent ; il la prit et la distribua à ses soldats pour qu'ils puissent s'équiper avec ce dont ils avaient besoin. Après s'être dirigé avec sa cavalerie vers le Djurzän. il conclut avec ses habitants un accord portant sur le versement annuel d'une somme d'ar­gent déterminée. Puis il rebroussa chemin avec ses soldats et il marcha jusqu'à ce qu'il ait traversé le Kur et soit passé dans le territoire du Shirwän qu'il soumit... Puis il partit du Shirwän et atteignit les villes de Shäbirän et de Masqat.. ,46.

On sait d'autre part que Salman dépassa Bardha'a et conquit Shamkur qui relève de l'Arran47. Puisque Salman, en rebroussant chemin, dut tra-

44. Vie des rois kartvéliens, p. 231. 45. Il s'agit du Uvre des Conquêtes {Kitâb al-Futûh) de Ibn A'ţham al-Kufï (f 926),

édité à Hyderabad en 8 volumes en 1968-1975 ; c'est le texte traduit et étudié par Lo Jacono, dans l'article cité n. 35. Voir aussi O. CXISTISVILI, About the history of Arab-Georgian socio-economic and political interrelations (7th-8th centuries), REGC 1, 1985, p. 127-140. D'autres sources, comme al-Balâdhurî, parlent de cette campagne, mais sans mentionner le Djurzän.

46. D'après la traduction de Lo JACONO (cité n. 35), p. 445 (éd., vol. 2, p. 112). Dans la n. 11p. 445, Lo Iacono identifie de manière fort surprenante Masqat, qu'il localise pour­tant justement sur le Samur, à la capitale de la Géorgie^ Mcxeta.

47. AL-BALÂDHURI, p. 555, les armées de Salman allèrent au moins jusqu'à Shamkûr qui fut conquise ; le même auteur précise que Salman gagna le Shirwän en traversant le Kur à Bardïdj : voir CANARD, p. 575 n. 72, 74, 75.

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verser le Kur pour gagner le Shirwän. c'est que sa campagne vers le Djurzän s'était déroulée au sud du fleuve et l'avait conduit, au-delà de Shamkür. jusqu'à un endroit que l'on ne peut préciser. On ne pense pas toutefois qu'il ait eu le temps d'aller très loin sur une route qui menait à Xunani48.

La date de cette campagne est sujette à controverse. O. Cxitišvili la place en 645-64649 ; Ter-Ghewondjan en 654-65550. La date plus tardive semble préférable dans la mesure où la campagne est présentée, par Ibn A'tham et par al-Balâdhurî. comme celle qui se termina par la mort de Salmän à Balandjar chez les Khazars, entre 32 (12 août 652-ler août 653) et 34 (22 juillet 654-11 juillet 655). Cependant la compression des évé­nements dans les sources arabes n'interdit pas de la placer plus tôt, comme Lo Iacono, entre 24 (7 novembre 644-27 octobre 645) et 26 (17 octobre 646-6 octobre 647), mais avec réserves51.

Ajoutons, pour rendre la situation plus complexe encore, que, selon al-Balâdhurî qui ne mentionne pas d'attaque du Djurzän au sud du Kur, Salman, au cours de cette grande campagne, aurait négocié un accord de soumission avec «le maître de Shakkan et d'al-Qambizân»52, deux régions situées au nord du Kur et relevant de FArrän, mais fort proches du Kartli53. Ceci nous paraît relever plutôt de la dernière campagne de S alman.

Les obscurités restent donc grandes. Tout au plus peut-on dire que le danger se rapprochait du cœur du Kartli. On peut placer dans ces années-là la suite du texte de la Vie des rois kartvéliens évoqué plus haut, suite selon laquelle, après le second passage d'Héraclius et le départ des Perses, le chef du Kartli, St'epanos, considéré toujours comme un roi, partit se réfugier avec son fils aîné Mihr en Eğrisi, en laissant le second, Arcil, en K'axeti54. Ce passage est peu crédible en ce qui concerne les personnes qui y sont mentionnées, mais le fond reste recevable : il y eut sans doute des mouvements de fuite qui portèrent déjà vers l'ouest cer­tains membres des classes aristocratiques55.

48. D'après les premiers itinéraires arabes, la route vers le Djurzän depuis Bardha'a longeait la rive sud du Kur, en passant par Shamkür et rejoignait le Kur à Xunan ; avant Xunan, une bifurcation vers le sud allait vers Duin. Au-delà de Xunan, la route continuait à suivre la rive droite du Kur jusqu'à Tbilisi ; elle offrait deux possibilités de bifurcation à l'ouest, vers Samšvilde et vers Manglisi.

49. Cxrnšvm (cité n. 45), p. 133-134. 50. TER-GHEWONDJAN, p. 43 : «au même moment» que celle d'Habib. 51. Lo IACONO (cité η. 35), p. 451-452. 52. AL-BALADHURI, p. 555. 53. Voir MARTOÎ-HISARD, Constantinople, p. 496-497. 54. Vie des rois kartvéliens, p. 232. 55. Le texte est douteux dans la mesure où ces personnages, censés ici avoir vécu dans

les années 640-650, connaissent ensuite des aventures qui les font encore vivre en 740 ! Voir plus haut, n. 11 et plus bas, n. 269.

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. Habib b. Maslama, 654/655 La campagne la plus decisive pour le Djurzän fut celle que mena

Habib b. Maslama en 654/655 et qui aboutit à sa soumission à travers une série de lettres ďaman. Cette campagne semble avoir pris la suite des opérations qui lui avaient permis de s'assurer du contrôle d'une grande partie de l'Arménie56. Trois sources en donnent des aspects com­plémentaires.

Une très brève allusion à cette campagne se trouve chez Ibn A'ţham selon lequel Habîb avait établi ses quartiers à Khilăţ. sur le lac de Van :

Puis il leva le camp et se dirigea vers un territoire appelé Sirädi dans le pays d'al-Maţămîr57. Là il s'arrêta et écrivit aux habitants du Djurzän. Un groupe de leurs dignitaires vint à sa rencontre et conclut ave lui un accord prévoyant le versement de 80 000 dirhams, alors il leur laissa un texte écrit sur ce point58.

L'identification du lieu dit Sirâdj. dans le pays d'al-Maţămîr offre une première difficulté59. Al-Maţămîr, ce qui signifie les grottes ou les cavernes, est une lecture mal assurée. Plusieurs identifications ont été proposées pour le lieu dit Sirâdj : Širák60 ou Sirädj-Tayr61 ; la seconde proposition est raisonnable, mais on imagine mal Habib écrire d'aussi loin dans le Djurzän ; la première est géographiquement plus satisfai­sante, mais ne repose sur aucun fondement. Quoi qu'il en soit, le texte est fort vague, et rien ne permet de dire qu'il concerne le traité signé avec la ville de Tbilisi62 dont parlent longuement les deux autres sources.

D'après al-Baladhurî63. Habib qui venait du Sïsadjân/Siwnik' se diri­geait vers le Djurzän pour une raison non précisée lorsqu'un accrochage, à un endroit non identifié, se produisit entre lui et les gens du lieu qui furent battus ; un envoyé du bitrîq du Djurzän vint demander un traité ďaman dont Habib accepta le principe par écrit ; il alla ensuite en per­sonne à Tiflïs délivrer effectivement le traité. Habîb a donc écrit deux documents, une lettre et un texte ďamm, dont la teneur est donnée par al-Baladhurî.

56. Sur la date de la grande campagne de Habîb : TER-GHEWONDJAN, p. 29-30 et 40. 57. D'après Lo JACONO (cité n. 35), p. 447 n. 17, al-Maßmlr, indéchiffrable dans le

manuscrit arabe, vient de la traduction persane du texte effectuée en 1199. 58. Traduit d'après Lo JACONO (cité n. 35), p. 447 (éd. 2, p. 115). On trouve aussi une

traduction anglaise dans CxraSviu (cité n. 45), p. 132. 59. Sous la forme Sirâdj, ce toponyme n'est pas identifié. 60. HEWSEN, Geography, p. 214-215 n. 277. 61. Lo IACONO (cité n. 35), p. 447 n. 16 ; ѵ (cité n. 45), p. 132 n. 21, Siradj-

Ţayr est fréquemment cité par les sources arabes, apparemment au sud de l'Araxe, quelque part entre Duin et Baghrewand. AL-ISŢAKHRI, p. 515, sans la localiser, en parle comme d'une petite ville.

62. C'est en ce sens qu'il est interprété par CxrnSviu (cité n. 45), p. 132. 63. AL-BALABHURI, p. 553.

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Le récit d'al-Tabarï est plus circonstancié64 : Les gens ( ћђ de ΓArmmiya furent ingrats65 à l'époque de Mu'ăwiya. Il avait nommé Habib au commandement d'al-Bâb alors qu'il se trouvait au Djurzän. Il écrivit à la population de Tiflis et de cette montagne (djibâïy6, puis il leur fit la guerre jusqu'à ce qu'ils acceptent ses condi­tions et obtiennent son accord. Après qu'il eut correspondu avec eux, il leur écrivit ainsi...

Al-Tabarï donne ensuite, successivement et sans transition, deux textes qui correspondent respectivement à la lettre de Habib et au traité67.

On ignore comment s'est marquée l'ingratitude des habitants de l'Armïniya et de quels habitants il s'agit. Un acte d'ingratitude implique l'existence d'un engagement antérieur non respecté et il semble qu'on doive écarter les Arméniens68. On propose d'y voir le seul engagement important évoqué dans les sources arabes, le traité passé par Suräqa avec Shahrbaràz en 642-643, qui, par hypothèse exposée plus haut, concernait al-Bâb, mais aussi les régions de domination perse, comme une partie du Djurzän ; on se souvient d'autre part que les généraux arabes ne purent atteindre ni Tiflïs ni les régions montagneuses de Bäb al-Län. La popula­tion ingrate de l'Armïniya peut donc être celle d'al-Bâb, ce qui explique­rait pourquoi, lors de sa dernière campagne, Salman trouva al-Bâb aux mains du Khäqän des Khazars69. C'est donc en allant prendre possession de son commandement à al-Bâb70 que Habib, venant d'Arménie et arri­vant au Djurzän. semble avoir repris la mission dans laquelle il avait échoué dix ans plus tôt, soumettre Tiflïs et «cette montagne», ce qui peut désigner les montagnes d'al-Län. Les premières approches épistolaires ayant échoué, il dut recourir aux armes.

La lettre de Habïb fut remise à l'envoyé du bitrïq de Djurzän. venu exprimer en son nom et avec des cadeaux le désir de vivre en paix.

64. AL-ŢABARI, p. 584. Le récit se trouve parmi les événements de l'année 22 (30 novembre 642-18 novembre 643).

65. Dans la traduction de CANARD : «Ils manquèrent à leur parole» ; dans la version anglaise : «They were infidels» ; la traduction retenue est celle proposée par F. Micheau. Le verbe à la forme aoriste (kafara) employé par l'auteur arabe n'indique pas un état, mais implique une action dont le texte précise la date ; il ne peut donc s'agir du simple constat de l'infidélité religieuse des gens cités. Le verbe ne signifie toutefois pas qu'il y eut une révolte.

66. Dans CANARD : «des montagnes de cette région». 67. Les deux textes sont donnés à la suite l'un de l'autre et sans la moindre transition

en sorte qu'ils semblent n'en faire qu'un seul. Chacun commence cependant nettement par une başmala et l'on retrouve aisément les deux textes correspondants d'al-Balâdhurî.

68. Théodore Rštuni est alors fort loyal envers les Arabes depuis l'accord de 653 et s'il s'agissait des Arméniens, on ne voit pas pourquoi Habib, envoyé à al-Bâb, s'occuperait du Djurzän.

69. C'est ce que dit Ibn A'ţham : voir Lo IACONO (cité η. 35), p. 446. D'après AL-BALĂDHURI. p. 555, Salman dut, entre autres, négocier avec les habitants d'al-Bâb ; la ville n'était donc plus contrôlée par les Arabes.

70. Ce serait alors après la mort de Salman.

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L'envoyé était certainement un habitant de Tbilisi71 ; quant au bitrJq12, il ne peut s'agir que de l'éristav du Kartli, établi à Tbilisi et responsable du Kartli byzantin ; en l'occurrence il devrait s'agir de St'epanos II73.

Dans la version d'al-Ţabarî, la lettre est adressée aux gens (ahi ) de Tiflïs, avec (min) le Djurzân, terre (ard) d'al-Hurmuz74.

et dans celle d'al-Balâdhurî

aux habitants de Tiflis, avec (min) Mandjalïs, avec (min) le Djurzân al-{qirmiz}75.

Dans ces deux adresses qui se recoupent parfaitement76, Mandjalïs désigne Manglisi à l'ouest de Tbilisi, à la limite du Gugark' ; la ville est le centre d'une unité territoriale que les Géorgiens appellent un qevi ; on verra plus bas qu'en 722 les Arabes en parlent comme d'un rustaq11. Al-Hurmuz désigne Armazi dont il est difficile à cette date de dissocier Mcxeta, les deux sites, l'un sur la rive sud du Kur, l'autre en face sur la rive nord, n'en faisant qu'un depuis longtemps78. L'adresse de la lettre réunit donc les centres de pouvoir des deux Kartli déterminés en 591, Tbilisi et Mcxeta. Mais, dans la mesure où d'autres traités furent conclus par la suite dans d'autres régions du Djurzân. on pense que le traité accordé au bitrïq de Tbilisi ne s'appliquait qu'à l'aire restreinte sur laquelle le bitrïq de Djurzân pouvait prétendre à une réelle autorité, c'est-à-dire une partie du Kartli Intérieur, au sud du Kur (jusqu'à Manglisi) et au nord autour de Mcxeta, mais peut-être pas beaucoup plus loin à l'ouest que le Ksani, c'est-à-dire le Muxrani79. Ailleurs s'éten­daient les domaines d'éristavs plus ou moins autonomes.

71. Dans AL-BALADHURI, p. 553 : «votre envoyé Nuklï» ; dans AL-TABARI (p. 584) : «votre envoyé T.f.lï» ; mais «votre envoyé Taflï» dans la traduction anglaise (vol. 14, p. 45). CANARD, p. 647 n. 13, et CxrnšviLi, p. 132, n. 22, voient dans ce nom Nicolas/Niqulä ou Théopmle/Tufïla ; de même MINORSKY - BOSWORTH, (cité n. 34), p. 490. Il s'agit bien plus vraisemblablement d'une nisba géographique, du type al-Tiflisï, dési­gnant un habitant de Tbilisi/Tiflïs.

72. Pour I. KAWAR, Biţrîk, dans EP I, 1975, p. 1287-1288, ce terme, forme arabisée du latin patricius (je dirais plutôt forme arabisée du grec patrikios), désigne, dans les sources narratives arabes, un commandant en chef byzantin. On verra que sous cette forme ou sous celle de baprâq, il désigne aussi les grands seigneurs arméniens et géorgiens.

73. Sauf si l'on retient les affirmations de la Vie des rois kartvéliens, citées n. 54. 74. AL-TABARI, p. 584 et vol. 14, p. 45 (où le traducteur, n. 219, prend manifestement

al-Hurmuz pour un homme) ; voir aussi CANARD, p. 647, n. 12. 75. AL-BALADHURI, p. 553 ; al-qirmiz est une manifeste erreur pour al-Hurmuz. Dans

les deux textes, on traduit min par avec ; dans MINORSKY - BOSWORTH, (cité n. 34), p. 490, min est traduit par dans.

76. Je dois la précision de leur traduction à F. Micheau. 77. Voir plus bas p. 28. 78. Mcxeta avait été la première résidence de l'éristav du Kartli byzantin. 79. Le district de Manglisi marque la limite du Kartli Intérieur et du Gugark'. Le

Bazaleti au nord fait plus tard l'objet d'un traité séparé.

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Le traité, impliquant «devoirs et droits réciproques», accordait à ceux qui le reçurent la sauvegarde pour leurs personnes, leurs biens, leurs églises (biya'), leurs sanctuaires/monastères (sawâni)*0, leurs rites et leur foi81, en échange d'une soumission exprimée par le versement d'une pièce d'or par famille et d'un devoir de conseil et d'assistance contre les ennemis des musulmans82. Les deux versions du traité envisagent la pos­sibilité de conversions à l'islam, se traduisant par l'accomplissement de la salât et le versement de la zaqăt et faisant des convertis les mawăll des Arabes:

Si vous adoptez l'islam, accomplissez la prière et versez l'aumône, vous serez nos frères à l'intérieur de l'islam et nos clients (mawălihă )83.

Le traité semble peu contraignant pour ceux qui le reçurent ; il pré­voyait si peu la résidence permanente d'Arabes, même sous forme de militaires84, que le cas d'un retour en force d'ennemis est envisagé85. Il ne fut nullement question de restreindre les pouvoirs du bitrlq. Et pour­tant un changement majeur le concernait. Car si les Khazars étaient bien, dans la région, les premiers ennemis des Arabes contre lesquels était attendu le devoir de conseil et d'assistance, les Byzantins étaient égale­ment visés ; ils tenaient encore la Géorgie occidentale86 et, bien qu'ils ne fussent pas directement présents dans le Kartli, le bitrlq était de leur lointaine mouvance. Tout rapport avec eux se trouvait donc interdit et la réception du titre de curopalate normalement impossible.

Des traités de capitulation dont la teneur exacte n'est pas connue, en dehors du versement d'un tribut, furent accordés par Habib à d'autres régions du Djurzän ou des environs. Deux sources en témoignent. L'une est Ibn al-Faqïh :

80. Le mot désigne un édifice religieux ; Canard le traduit par monastère ; on préfère chapelle ou sanctuaire, distinct de l'édifice principal ; s'agissant de Mcxeta, on pense évi­demment à l'église de Jvari, construite par les premiers éristavs, un demi-siècle plus tôt. D'autre part, la présence de monastères n'est pas bien établie à cette époque.

81. Le texte associe şalawăt et din. Ici encore je remercie F. Micheau de ces précisions de vocabulaire.

82. AL-BALADHURI. p. 552 : «Vous nous devrez avis sincères et assistance contre les ennemis d'Allah et de son Envoyé, autant que vous le pourrez.»

83. AL-TABARI, p. 584-585. 84. La version d'AL-BALÂDHURI. p. 553, est la plus claire : «Vous devrez donner l'hos­

pitalité au musulman qui en aura besoin pendant une nuit en lui procurant obligeamment la nourriture des gens du Livre qui lui est permise. Si un musulman reste chez vous, ne pouvant continuer sa route, vous devrez le faire parvenir à la plus proche troupe de croyants, à moins qu'il n'y ait un obstacle empêchant d'y arriver.»

85. AL-BALADHURL p. 553 : «S'il survient aux musulmans une affaire qui les détourne de vous et si votre ennemi vous contraint, vous n'en serez pas tenus pour responsables et cela ne constituera pas une rupture du pacte.»

86. C'est ce que montre le fait que Constant II exile en Lazique en 662 Maxime le Confesseur et ses deux disciples ; voir B. MARTIN-HISARD, La domination byzantine sur le littoral oriental du Pont Euxin (milieu du vif-vnr5 siècles), Byzantino-bulgarica VII, 1981, p. 141-156, notamment p. 144.

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Habib b. Maslama conquit pour 'Uihmân b. Affin en Armïniya le {Djuräkh}87. Kasfar, Kisăl, Khunän. le Samsakhî. al-Pjardamăn, Kasfî bis, le Shawshît. le Bâzalït, par capitulation, moyennant paiement d'un tribut pour les personnes et pour les terres. Il fit un traité de paix avec les Şanăriyya, les habitants de Qalardiït et avec les Dudàniyya moyennant paiement d'un tribut88.

Al-Balâdhurî est plus complet : Habib b. Maslama conquit le Djawâkh. K.s.f.r. bïs, Kisăl, Khunăn. le Samsakhî. al-Djardamân, Kustadjî, le Shawshît. le Bâzalït, pacifique­ment, en épargnant le sang des habitants et en leur reconnaissant la pos­session de leurs lieux de prières et de leurs murs et moyennant paiement par eux d'un tribut pour leurs personnes et pour leurs biens. Il conclut la paix avec les habitants du Qalardjït, avec ceux du Thiryalït, du Khakhît. de Khukhït, de Artahâl, et de Bäb al-Län. Il conclut aussi la paix avec les Şanăriyya et les Dudàniyya, moyennant paiement d'un tribut89.

Un certain nombre de noms ne sont pas identifiés pour l'instant90. Pour les autres, il s'agit d'abord de deux villes de la vallée du Kur : Kisăl et Xunani qui jalonnent la route de Bardha'a à ΉιΊϊβ. Mais les traités engagaient aussi des régions plus vastes sur lesquelles avait dû s'établir l'autorité de tel ou tel éristav. Les unes se trouvaient dans le Kartli des Byzantins, ainsi le Trialeti/rhiryalït, le Javaxeti/Djawäkh. le K'iarjeti/Qalardjït, rArt'aani/Artahäl91, prolongé par le Samcxe/Samsa-khî au nord-ouest et le Gardabani à l'est92; une autre, le Bazaleti/ Bâzalït, relevait du Kartli Intérieur au nord du Kur. En revanche d'autres régions, à l'est de l'Aragvi, relevaient du Djurzan perse, comme le K'axeti/Khakhît sur le haut lori et le K'uxeti/Khukhît en aval, ou le tou­chaient de près, comme les territoires occupés par les Şanăriyya et par les Dudàniyya. Les Dudàniyya tenaient les hautes régions peu acces­sibles du Daghestan dans le bassin supérieur des Koy-su93 ; quant aux Şanăriyya, ils se trouvaient, au moment de la conquête arabe, dans la haute vallée du Terek ou Xevi, en amont du défilé gardé par la forteresse de Bäb al-Län94, ils la débordaient peut-être déjà vers les hautes vallées de l'Aragvi oriental et de l'Iori.

87. Sur la base d'Al-Baladhurï, on propose de corriger en Diawakh. 88. IBN AL-FAQIH, p. 507 ; cet auteur n'a fait aucune mention du traité conclu avec

Tiflis. On a ajouté des articles à la traduction de Canard. 89. AL-BALAPHURI. p. 554, avec addition des articles. 90. On n'identifie pas Kasfar/Kasfî bïs, ni Kustadjî qui, pour TER-GHEWONDIAN, p. 43,

désignerait le Kusti, entre le lac de Sevan et la vallée du Kur. 91. Ce sont là quatre régions qui relèvent du Gugark' des Arméniens ; voir plus haut

n. 16. 92. Le Gardabani peut être al-Djardamän, cité à la suite du Samcxe (voir CANARD,

p. 569, n. 23) ; en revanche pour TER-GHEWONDJAN, p. 43, il s'agit du Gardman. 93. Sur les les Dudàniyya ou Dido, peuple de l'actuel Daghestan méridional : MARTIN-

HISARD, Constantinople, p. 488-489. 94. Sur les Şanăriyya : ibid. p. 489-491.

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La campagne d'Habib fut donc de grande ampleur et concerna l'en­semble du Djurzän qui passa dès lors pour conquis par les Arabes. Al-Ya'qubï qui n'a pas fait le récit de cette campagne se contente simple­ment de dire :

On dit qu'Habib b. Maslam avait conquis le Djurzän95.

On ignore toutefois comment se déroula concrètement cette campagne qui fut certainement longue et menée par plusieurs armées. Aucune résistance ne semble s'être manifestée ni de la part des Géorgiens eux-mêmes, ni de la part de leurs maîtres théoriques : les Byzantins étaient fort occupés sur des fronts plus dangereux pour eux; quant aux Sassanides, al-Tabarï note que la même année 31 (24 août 651-11 août 652) vit la conquête de l'Armïniya par Habib b. Maslama et la mort du roi de Perse Yazdgard96.

Si l'on place sur une carte les villes ou régions acquises aux Arabes par traités, on voit que ceux-ci avaient établi leur domination sur les routes allant de Duin ou de Bardjia'a à Tbilisi et à la Porte des Alains, qu'ils contrôlaient plus à l'est les piémonts de la montagne et qu'ils tenaient aussi la route qui menait de Tbilisi, par Manglisi et le Trialeti, vers les territoires, qu'ils contrôlaient également, où devaient s'installer les Bagratides géorgiens ; entre ces territoires et Théodosioupolis/ Qalïqalâ que les Arabes avaient conquis à partir de Duin, rien n'atteste que la région montagneuse du Tayk' sur le Tchorokh supérieur, avec Sper et Baybert, soit passée aux Arabes ; elle formait plutôt comme un vaste «entre-deux», entre le monde arabe et l'Empire byzantin, toujours maître de Trébizonde et de son littoral97. La conquête arabe n'atteignit pas la Géorgie occidentale et la carte en suggère la raison ; aucune des villes de la vallée du Kur en amont de Mcxeta, comme Upliscixe ou Urbnisi, ne fut apparemment impliquée dans les traités de capitulation98 ; or elles jalonnent la seule véritable route qui mène au col de Surami dans la chaîne du Lixi et donne accès par Šorap'ani à la Lazique et à ses villes, comme Cixegojiî (Archéopolis des Byzantins) ou Poti (Phasis des Byzantins)99. Les armées arabes semblent ne pas avoir remonté le Kur pour s'aventurer dans cette région.

La conquête arabe a donc gommé la frontière de 591 qui partageait le Kartli. Il en fut de même pour l'Arménie qui passa elle aussi dans la mouvance arabe par une série de traités de capitulation. Mais ici du

95. AL-YA'QUBI, p. 477. 96. AL-ŢABARI, vol. 15, p. 78. 97. Au moment de l'invasion arabe, le Haut-Tchorokh avec Baybert et Sper apparte­

nait à la branche arménienne des Bagratides : CANARD, p. 123 et n. 28. 98. On ne peut exclure complètement (voir n. 79) qu'elles aient été comprises dans le

traité d'aman accordé à Tbilisi, mais cela semble très peu vraisemblable. 99. Il suffit de relire Procope pour voir l'importance que les Perses du 6e siècle attachè­

rent à la maîtrise de cette route pour leur projet de conquête de la Lazique. En revanche la route qui, depuis le Samcxe et par Ojrqe (act^Abastumani), permet de gagner la Lazique, n'a jamais été une voie d'invasion au Moyen Âge.

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moins, d'après les sources arméniennes, le changement fut entériné en 661 par une assemblée des seigneurs arméniens, impliquant aussi l'É­glise, tandis que la situation resta plus éclatée au Djurzăn ; si le catholi-cos du Kartli a joué un rôle et lequel, nous l'ignorons complètement100. Tbilisi garda son chef indigène, èiirig/mtavar ou éristav, dont l'autorité était désormais d'autant plus restreinte que le pouvoir des éristavs régio­naux se trouvait conforté par la signature des traités de capitulation101 et, à la différence de l'Arménie, rien n'indique que les Arabes aient désigné un chef pour l'ensemble du pays102.

La disparition de la frontière de 591 ne signifiait cependant pas que Constantinople avait oublié les droits éminents qu'elle détenait sur une partie du Kartli et de l'Arménie et qu'elle se résigna à leur perte ; la poli­tique de Constant Π (641-668) en Arménie est là pour le montrer103. Ce qui est certain, en tout cas, dans le cas du Kartli, c'est que la disparition de l'Empire sassanide faisait de Constantinople, le cas échéant, le seul recours extérieur possible pour le bitrîq du Djurzăn et ce, d'autant plus naturellement qu'à la différence de l'Arménie aucun obstacle de nature religieuse ne risquait de contrarier ce rapprochement, l'Église du Kartli, en rupture avec l'Église d'Arménie, s'étant ralliée au chalcédonisme au début du 7e siècle104.

II. LE KARTLI DANS LA NOUVELLE ARMINIYA (655-740)

Le sort du Kartli est mal connu dans le demi-siècle qui suivit la cam­pagne d'Habib. Les sources s'intéressent surtout aux affrontements qui se déroulèrent sur le sol de l'Arménie entre armées arabes et armées byzantines et n'évoquent pour ainsi dire jamais le Djurzăn105. Les Alains et les peuples du Daghestan devaient certainement imposer une certaine vigilance aux Arabes, mais le Djurzăn ne fut peut-être alors pas autre chose qu'un territoire traversé par les armées arabes, apparemment sans

100. L'identité même du catholicos au moment de la campagne d'Habîb est inconnue : peut-être Tavpač'ag : MARTIN-HISARD, Christianisme 2, p. 577.

101. Nous ne connaissons malheureusement pas les noms de ces éristavs locaux ; ils sont peut-être les ancêtres des éristavs mentionnés dans un anachronique passage de la Vie des rois kartvéliens, p. 241-244.

102. Sauf à admettre que la désignation de Théodore Rštuni comme prince de l'Arménie, de FIbérie et de l'Albanie, par Mu'âwiya, en 654, comme l'affirme le seul Pseudo-Sebëos, pouvait avoir la moindre portée pratique.

103. Sur la politique de cet empereur, voir A. N. STRATOS, Byzance au vif siècle, Lausanne 1980, notamment le volume 2. Le fait que les sources grecques et arméniennes parlent essentiellement de sa politique en Arménie ne signifie pas qu'il n'ait pas nourri aussi des ambitions pour le Kartli.

104. Sur ce tournant de l'histoire religieuse du Proche-Orient: N. G. GARSOÏAN, L'Église arménienne et le Grand Schisme d'Orient, Louvain 1999 (CSCO 574, Subsidia 100), notamment p. 306-353 ; MARTIN-HISARD, Christianisme 1, p. 1222-1231.

105. C'est l'Arménie que Constantinople chercha d'abord et avant tout à maintenir sous sa houlette, comme le montre le titre de curopalate délivré dès 656 à Hamazasp Mamikonian.

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problèmes106. Les clauses fiscales des traités de capitulation furent en tout cas appliquées, du moins jusqu'en 682 : alors, d'après Lewond, le Kartli, solidaire en cela des autres populations de Caucasie méridionale, refusa de verser le tribut :

Pendant la guerre qui eut lieu chez les Arabes, les Arméniens, les Virk' et les Ałuank' qui leur avaient été soumis pendant trente ans cessèrent de leur payer tribut. Leur révolte dura trois ans. La quatrième année, ce fut le peuple du nord qu'on appelle khazar qui domina le pays des Arméniens. Ils tuèrent au cours de la guerre Γ išxan Grigor ainsi que de nombreux naxarars et išxans des Virk' et des Ałuank'107.

Ce mouvement, né à la faveur des difficultés du califat et qui éclata peu avant l'arrivée au pouvoir de l'empereur Justinien , n'est pas autre­ment attesté ; on ignore pourquoi et comment il prit fin au bout de trois ans108. La meurtrière campagne qui conduisit pour la première fois les Khazars en Caucasie méridionale permit certainement aux Arabes de reprendre ensuite la situation en mains109. Mais, en elle-même, la révolte confirme la réalité de la domination établie par les Arabes depuis «trente ans» et perpétuée par le paiement d'un tribut.

La présence de l'éristav de Tbilisi parmi les išxans des Virk' révoltés est possible, mais il n'est pas explicitement mentionné parmi ceux qui restèrent sur le champ de bataille. À cette date il ne s'agissait sans doute plus de St'epanos II, mais, après un problématique Nerse110, peut-être de Guram/Guaram , que les listes déjà mentionnées citent à la suite de St'epanos, en lui donnant le titre de curopalate111. La Wie des rois kartvé-liens connaît également vers cette période un curopalate Guaram dont les enfants possédaient vers 740/745 le K'iarjeti et le Javaxeti112 et qu'elle considère comme un Chosroïde113. Au-delà des incertitudes généalo­giques, on peut dire qu'après la conquête arabe, à un moment imprécis

106. Ainsi lors de la campagne arabe contre les Alains en 42 (26 avril 662-14 avril 663) : AL-ŢABARI, vol. 18, p. 21.

107. LEWOND, p. 15-16. 108. Voir TER-GHEWONDJAN, p. 49-51. 109. Sur cette attaque : ARTAMONOV, p. 184-191 ; CANARD, p. 402. 110. TOUMANOFF, Studies, p. 397 et n. 32 et p. 398, retient un Nerse, cité comme

«Nerse de glorieuse mémoire, išxan des Virk' et gendre des Kamsarakans» dans le colo­phon d'un manuscrit arménien selon lequel ce Nerse aurait fait traduire en arménien la Vie du pape Sylvestre à une date qui peut être établie à 668. Išxan des Virk' signifie bien éris-tav du Kartli, mais peut désigner n'importe quel éristav ayant un pouvoir dans le Kartli. Pour Toumanoff, ce Nerse ou Adarnase (qu'il appelle II) mourut en 684 (sic) dans la révolte dont on vient de parler et il lui donne comme dates 650-684 ; Guaram II curopa­late aurait ensuite détenu le pouvoir en 684-c. 693 (ibid., p. 406).

111. Chronique du 10e siècle, p. 327,1. 14, qui le considère comme le sixième grand éristav, mais sans avoir nommé le cinquième ; Vie et histoire des Bagratides, p. 376, pour qui il s'agit d'un Bagratide.

112. Vie des rois kartvéliens, p. 241. Voir aussi plus bas n. 166. 113. Le fils de Guaram est dit «fils du frère» d'un «roi» chrosroïde ; ce frère est le

curopalate Guaram que la même source présente ailleurs, p. 243, comme descendant de Vaxt'ang et de son épouse grecque.

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du 7e siècle, un empereur de Constantinople a dû délivrer un titre de curopalate à un éristav du Kartli qui l'a reçu, ce qui tend à prouver non seulement que Constantinople n'avait pas renoncé à ses droits, mais qu'un éristav ne craignait pas de les reconnaître. Ceci renvoie au contexte de rejet impliqué par la révolte de 683-686 et aux premiers actes de Justinien Π qui conclut en 685 avec le calife 'Abd al-Malik (685-705) un traité partageant par moitié le revenu du tribut ou des impôts sur «Chypre, l'Arménie et l'Ibérie»114. Exception faite de Chypre, un tel accord rappelle étrangement le partage de 591. Peu après cepen­dant, en 687, Justinien envoyait les années du stratège Léonce chasser les Arabes d'Arménie115 et faire une telle avance en Caucasie qu'

il soumit aux Romains aussi bien l'Ibérie et l'Albanie que la Boukanie et la Médie et, ayant prélevé un tribut sur ces pays, il envoya une grande somme d'argent à l'empereur116.

La campagne fut une opération aussi brillante qu'inutile, l'Ibérie se retrouvant bientôt sous contrôle arabe, dès 697 vraisemblablement, en tout cas à partir de 704, date à laquelle un dirham arabe est frappé à Tiflis117.

À titre d'hypothèse, on pense que Guaram (JJ), qui reçut et accepta la curopalatie, a pu être impliqué dans l'offensive byzantine qui marqua le premier règne de Justinien Π et dans son échec final, ce qui expliquerait son repli ou celui de sa famille dans les régions éloignées des positions fortes des Arabes, mais relativement proches de l'Empire, le K'iarjeti et le Javaxeti, régions où la présence de ses fils est plus tard mentionnée.

Comme dans le cas du premier Guaram en 591 et pour la seconde fois donc, un rapport entre l'Empire et le Kartli du sud-ouest semble affirmé à travers la collation de la curopalatie à un seigneur de haut rang qui y est possessionné. En considérant les deux Guaram comme des Chosroïdes de la lignée grecque du roi Vaxt'ang118, la Vie des rois kart-véliens affirme un lien entre l'Empire et une partie de la famille royale119. Curopalatie byzantine et lignage royal vont ainsi de pair. Plus tard, la Chronique du Kartli, écrite à l'époque bagratide, s'emploiera à souligner l'apparentement des Chosroïdes et des Bagratides120.

114. THEOPHANES, AM 6178, p. 363,1. 11. 115. TER-GHEWONDJAN, p. 72-73 ; CANARD, p. 236-237 et 243. 116. THEOPHANES, AM 6178, p. 363,1. 28-32. La Médie désigne l'ancienne Atropatène,

1'Adjiarbaydjăn, dont fait partie le Müqän, ici appelé Boukania ; voir MARTIN-HISARD, Constantinople, p. 485 n. 859.

117. MINORSKY - BOSWORTH (cité n. 34), p. 491. 118. Voir n. 19,21,91. 119. Ce lien fut ensuite étendu par le biais matrimonial à l'ensemble de la famille

chosroïde puisque, selon la Vie des rois kartvéliens, p. 243, le dernier descendant de la branche perse des Chosroïdes, Arcil, épousa une fille du curopalate Guaram , dont il eut deux enfants, Iovane et Juanšer.

120. Elle affirme ainsi, p. 251, que le dernier Chosroïde, Juanšer, épousa la fille d'un Bagratide ; voir plus bas, n. 311.

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Moins d'un demi-siècle après la conquête arabe, si du moins l'on en croit les sources géorgiennes, l'Empire byzantin exprimait donc toujours ses droits, non seulement par des opérations militaires plus ou moins réussies, mais par le biais d'un système palatin qui révèle le maintien d'une attention portée aux choses du Kartli et le respect des structures politiques traditionnelles.

Ces dangers militaires et ces pratiques palatines ont-ils été perçus comme des dangers à Damas, on ne saurait l'affirmer ; mais leur mani­festation, qui rencontrait un certain écho en Caucasie méridionale, pré­céda de peu le grand changement de la politique arabe en ces régions. Dans la seconde partie de son califat, 'Abd al-Malik (685-705) mit en effet en œuvre une nouvelle politique qui transforma l'expansion initiale, réalisée au coup par coup et peut-être sans vision d'ensemble, en un réel projet de domination territoriale continue et organisée.

Cela se traduisit d'abord par une reprise en main générale qui fut l'œuvre, entre 693 et 709, de Muhammad b. Marwän, le propre frère du calife121. Selon des modalités que nous ignorons, il s'imposa au Djurzăn et même au-delà puisque l'autorité arabe fut reconnue en 697 par le patrice de Lazique Serge, fils de Barnoukios122. L'Arménie elle-même rentra dans le rang en 703123. Dans l'Arrân, Bardha'a fut construite ou reconstruite par Muhammad et devint, selon V. Minorsky, «le fer de lance de la domination et de la politique des Musulmans dans ces régions»124.

Il y eut ensuite et surtout, pour accompagner et enraciner cette reprise en main, la formation d'une structure nouvelle de gouvernement, mar­quée par la création de la province d'Armïniya qui réunissait Arménie, Arrän et Djurzăn et dont l'existence est attestée pour la première fois par les sources numismatiques au tout début du 8e siècle125. Muhammad b. Marwän fut donc l'artisan de cette création. L'autorité du lointain calife se rapprocha des peuples soumis par le biais d'un gouverneur dont la résidence normale fut Duin jusqu'à la fin du 8e siècle, puis Bardha'a. Le large territoire qu'il contrôlait, au nord-ouest du califat, s'appuyait au sud sur les provinces de Djazîra et d'Ădharbaydjăn et s'insérait tel un coin entre l'Empire byzantin et le Caucase. L'Empire tenait les confins de l'Arménie ainsi que les côtes de la mer Noire avec un arrière-pays plus ou moins profond en Chaldie et en Lazique. Le Caucase, multiple, était le réservoir de peuples divers, Alains au centre, peuples du

121. TER-GHEWONDJAN, p. 71-74 et 271, date son commandement des années 73 (23 mai 692-12 mai 693) à 91 (9 novembre 709-28 octobre 710) ; CANARD, p. 244 et 411-417 n° 8, retient ces dates, mais souligne qu'il ne fut pas toujours présent en Armïniya.

122. THEOPHANES, AM 6190, p. 370,1. 34. 123. Avec le fameux épisode du pacte conclu à titre posthume entre le catholicos

Sahak et le gouverneur: voir J.-P. MAHÉ, L'Église arménienne de 611 à 1066, dans G. DAGRON, P. RICHE, A. VAUCHEZ éd., Évêques, moines et empereurs (610-1054), Paris 1993 (Histoire du Christianisme 4), p. 457-547, notamment p. 477-478.

124. D. M. DUNLOP, Bardha'a, dans El 2 1,1975, p. 1072-1073. 125. Jean-Michel Mouton en a trouvé une première attestation en 701.

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Daghestan déjà évoqués à l'est, et, par derrière, les Khazars. La nouvelle province occupait donc une position avancée dans le califat dont elle gardait au nord-ouest des confins toujours menacés, parce que non encore stabilisés en une frontière négociée avec les voisins ou définitive­ment imposée. On comprend que les sources arabes aient parlé de FArmïniya comme d'un thaghr.

On peut supposer que la province ne put être constituée qu'à partir du moment où une cohésion territoriale exista entre ses composantes. Sa formation prouve donc la progression du pouvoir arabe depuis l'époque où Habib accorda, les uns après les autres, une série de traités de capitu­lation. La soumission du patrice de Lazique en 697 ne fut possible que si les Arabes s'étaient imposés dans le Kartli Intérieur occidental et le long du Kur, dans des régions jusqu'ici peut-être mal contrôlées, et au-delà sur la route du col de Surami126. Que ce soit en 697 ou dans les années qui suivirent, il y eut donc une expansion des Arabes vers l'ouest, cette expansion qui permet à Theophanes de dire qu'à l'époque où Justinien Π envoya son spathaire Léon en mission en Géorgie occidentale, entre 705 et 711:

Les Saracènes dominaient Γ Abasgie, la Lazique et l'Ibérie127.

Les armées arabes pouvaient en effet atteindre alors Archéopolis, capitale laze de l'intérieur128 ; le kurios des Abasges avait quasiment rompu avec Constantinople et le commandant de la forteresse de Sideron était soumis aux Arabes129. Seule Phasis/Poti sur la côte, était restée sous autorité byzantine130.

Cette expansion n'a pas laissé de trace dans la documentation et nous l'attribuons volontiers à Muhammad b. Marwân. Cependant la domina­tion arabe en Abasgie et en Lazique n'a pas duré longtemps ; aucun des géographes et historiens arabes qui ont décrit la province d'Armïniya n'y incluent la Géorgie occidentale. Mais, toute limitée et provisoire qu'elle ait été, cette expansion témoigne d'une progression de la domination des Arabes sur le Kartli, peut-être jusqu'à établir une continuité de domina­tion entre la région de Tbilisi et le Samcxe au sud du défilé de Borjomi.

Les implications pratiques de la création de la nouvelle province res­tent mal connues ; le gouverneur ou plutôt le commandant portait en arabe le simple titre ďamir, hramanatar pour Lewond131, amiri dans les sources géorgiennes ; il devait être doté des éléments d'une administra-

126. Voir plus haut, p. 21 et n. 98-99. 127. THEOPHANES, p. 391,1. 18-19 ; l'information est donnée rétroactivement dans l'an­

nale 6209 et concerne la période du second règne de Justinien II : M. CANARD, L'aventure caucasienne du spathaire Léon, le futur empereur Léon ΙΠ, Revue des études arméniennes 8, 1971, p. 353-357, repr. dans ID., Byzance et les Musulmans du Proche-Orient, Londres 1973 (Variorum Reprints), n° XXII.

128. THEOPHANES, AM 6209, p. 393,1. 12. 129. Ibid., 1. 29-30. Le topotérète de Sideron porte le nom bien local de Pharasman. 130. C'est là que le spathaire Léon a débarqué {ibid., p. 391,1. 20). 131. Hramanatar : celui qui donne des ordres (hraman), commandant

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tion fiscale, appelée à être plus exigeante dans la levée du tribut, et dis­poser de forces militaires que pouvaient renforcer à l'occasion d'autres armées venues de l'extérieur. Les séjours du gouverneur à Duin étaient entrecoupés de tournées d'inspections ou de campagnes aux frontières et ils pouvaient se doubler d'une délégation provisoire d'autorité à des offi­ciers subalternes, également appelés amir, mais aussi, on le verra en 775, wăli.

D'inévitables conflits, frictions et ajustements entre l'administration arabo-musulmane naissante et les traditions seigneuriales ancestrales de commandement des territoires par les éristavs géorgiens ou les naxarars arméniens étaient prévisibles, tandis que les différences religieuses se firent peu à peu percevoir.

La liste des gouverneurs qui furent chargés de la province d'Armïniya est loin d'être encore établie132. Muhammad b. Marwân fut le premier ; les deux titulaires suivants sont bien connus entre 709 et 732 : Maslama b. 'Abd al-Malik à trois reprises133, al-Djarräh b. 'Abd Allah à deux reprises134. Leurs noms s'attachent à la progressive constitution d'une réelle frontière dans le Caucase en face des Alains et des peuples du Daghestan qu'il fallait contraindre à rester derrière leurs défilés, en face des Khazars surtout135. La frontière ainsi réalisée devait s'allonger d'al-Băb al-Län à al-Bäb al-Abwäb, de Darial à Darband; sa réalisation impliqua forcément Tbilisi et le Kartli.

On le voit notamment dans le fait que le gouverneur al-Djarräh b. 'Abd Allah confirma

à la population de Tiflïs avec le district (rustaq) de Mandjalïs de la pro­vince (kura) de Djurzăn

et sur sa demande la lettre d'aman que leur avait donnée Habib :

132. Une meilleure exploitation des sources numismatiques devrait permettre de préci­ser cette liste; on se réfère toujours à celle de TER-GHEWONDJAN, p. 271-285, qui com­mence très logiquement au gouvernement de Muhammad b. Marwân et à celle de CANARD, p. 408-451, qui est plus complète et mieux argumentée.

133. Premier gouvernement: de 91 (9 novembre 709-28 octobre 710) à 103 (1er juillet 721-20 juin 722); TER-GHEWONDJAN, p. 272 n° 7 ; CANARD, p. 418-419, n° 11, jusqu'en 715 seulement, Maslama étant ensuite occupé par la campagne contre Constantinople. G. ROTTER, Maslama b. 'Abd al-Malik, dans EP, VI, 1991, p. 729. Deuxième gouverne­ment : de 107 (19 mai 725-7 mai 726) à 111 (5 avril 729-25 mars 730) ; TER-GHEWONDJAN, p. 272 n° 15 ; CANARD, p. 420 n° 15-16. Troisième gouvernement: de 112 (26 mars 730-14 mars 731) à 113 (15 mars 731-2 mars 732) ; TER-GHEWONDJAN, p. 272 n° 19 ; CANARD, p. 421, n° 20.

134. Premier gouvernement: de 104 (21 juin 722-10 juin 723) à 107. (19 mai 725-7 mai 726) ; TER-GHEWONDJAN, p. 272 n° 13 ; CANARD, p. 420 n° 15 ; D. M. DUNLOP, al-Pjarrilh b. 'Abd Allah, dans El 2 II, 1977, p. 494. Deuxième gouvernement: de 111 (5 avril 729-25 mars 730) à 112 (26 mars 730-14 mars 731); TER-GHEWONDJAN, p. 273 n° 16 ; CANARD, p. 421 n° 17.

135. Sur les guerres de cette période contre les Khazars: ARTAMONOV, p. 202-233, CANARD, p. 210-211.

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Ils m'ont apporté une lettre de Habib b. Maslama leur accordant l'amăn contre reconnaissance de la soumission et de la dßzya.... Je leur ai ren­voyé leur lettre de sauvegarde et de paix et j'ai donné l'ordre qu'on ne leur demande rien de plus136.

Sous couleur de renouveler le traité de Habib, la nouvelle lettre qui établit une hiérarchie entre rustaq et kura précise des clauses écono­miques qui étaient peut-être restées orales :

Us avaient conclu la paix avec eux en leur laissant leurs terres, vignes et moulins appelés Awără et Sabina du district de Mandjalïs et le blé {ta'am) de Wadïdunâ du district de Quhuwït de la province de Djurzân. à condition de payer pour ces moulins et pour ces vignes chaque année cent dirham sans renouvellement.

D'exploitation difficile en raison de la non-identification des lieux cités, ces clauses mettent en évidence une animation agricole que l'arri­vée des Arabes ne semble pas avoir interrompue137.

Le renouvellement du traité intervint à la veille d'une vaste campagne qu'al-Djarräh organisa contre les Khazars, dès sa nomination en Armïniya en 722-723. D'al-Djarräh, on connaît surtout les opérations ultérieures qui se déroulèrent du côté de Darband. Après sa mort en novembre-décembre 730, elles permirent à Maslama de marquer des pas décisifs, en concluant la paix, en un court laps de temps, avec les princi­paux rois des montagnes du Daghestan et en reprenant le contrôle d'al-Băb où une solide garnison fut établie et dont les murs furent restaurés138. Mais, sous le même al-Djarräh, des campagnes visèrent éga­lement les Alains dont le défilé pouvait aussi laisser surgir les Khazars ; ainsi en 105 (11 juin 723-26 mai 724)139 et en 106 (29 mai 724-18 mai 725), opération qui imposa aux Alains le versement de la ajizya et du kharădj 140. Ce succès fut de courte durée puisque, en 109 (28 avril 727-15 avril 728), Maslama dut enlever Băb al-Lăn aux Khazars qui avaient donc réussi à s'en emparer141 ; il put ainsi en 110 (16 avril 728-4 avril 729), utiliser la forteresse, à l'aller et au retour, contre ces mêmes Khazars142. Il est possible qu'une garnison arabe qui se voulait perma­nente ait été établie en 109 à Băb al-Lan143. De telles opérations ne pou­vaient se faire sans le contrôle de la région de Tbilisi ; les différentes annales ne mentionnent cependant pas la ville, sauf en 111 (5 avril 729-

136. AL-BALÄDHURI, p. 554. 137. MINORSKY - BOSWORTH (cité n. 34), p. 490. 138. Voir le récit d'AL-BALADHURl, p. 557-558. 139. AL-ŢABARI, p. 589 : l'expédition conduite par al-Djarrăh alla au-delà du pays d'al-

Lăn jusque chez les Khazars. ARTAMONOV, p. 205-209. 140. AL-ŢABARI, p. 589 ; AL-YA'QOBI, p. 479 Le versement de la dUzya et du Içbaradi est

affirmé par l'historien al-Dhahabî (1274-1348) dans son Tă'rlkh al-hläm (IV, 88), d'après D. M. DUNLOP, Băb al-Lăn, dans EP I, 1975, p. 860.

141.AL-YA'QÜBI,P.479. 142. AL-TABARI, p. 589. 143. AL-MAS'UDI, § 480,1, p. 473.

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SAINT GRIGOL D E XANCTA 29

25 mars 730)144. On sait seulement que Maslama revint en 110 «par le chemin de Masdjid Dhï'l-Qamayn», c'est-à-dire Mcxeta145.

On voit donc que le renouvellement du traité de Tbilisi par al-Djarräh préluda à l'immédiate organisation de campagnes contre les Khazars, à travers FAlanie. Que, à la veille de ces opérations et dans le cadre de la nouvelle province d'Armîniya, le gouverneur ait voulu s'assurer de la loyauté de la ville est compréhensible: Tbilisi était bien en effet une place-frontière, comme le dira plus tard al-Isţakhrî146. Une fois franchi le défilé de Darial et descendu la vallée de Γ Aragvi occidental, tout ennemi venant du nord se heurtait forcément à cette ville-forte qui gardait, sur la gorge du Kur qui la traversait, les routes menant à Duin et à Bardha'a147. La partie principale de Tbilisi se trouvait à l'ouest, sur la rive droite, et comprenait sur la hauteur la citadelle de Qala, en contrebas de laquelle s'étendait la ville proprement dite, avec des faubourgs hors les murs comme celui de l'hippodrome au nord ; la ville se prolongeait sur la rive gauche, à laquelle un pont la reliait, par le quartier d'Isani, que les Arabes appelaient Sughdabîl et qui passait pour avoir été construit par les Sassanides148. Contrôler ce défilé du Kur et le verrou de Tbilisi était donc une nécessité pour garantir la sécurité en profondeur de Γ Armïniya.

Le texte du traité de 722 ne mentionne pas d'autorités indigènes, mais il n'y a aucune raison de penser qu'elles avaient dispara et les textes géorgiens continuent de fait à donner des noms d'éristavs. Ainsi la Chronique du 10e siècle cite comme grand éristav, après Guaram Π le curopalate, un Guaram ΠΙ l'Enfant, suivi d'un Aršuša curopalate et d'un Varaz-Bak'ur Apaj défini comme un patrice «qui convertit les gens du Gardaban». La Vie et histoire des Bagratides, ignorant Guaram l'Enfant et Aršuša, ne connaît après Guaram II que Varaz-Bak'ur, «antip'at'os qui convertit les gens du Gardaban»149. Il s'agit là de simples noms, sans aucun support chronologique, sur lesquels on peut indéfiniment spéculer150. La seule chose sûre est la mention, à côté de leurs noms,

144. D'après K. Baudoyan, citée n. 34, le Tâ'rîkh de Khalîfa b. Hayyăt évoque en 111, au début du second gouvernement d'al-Djarräh. son arrivée à Tiflïs et sa campagne chez les Khazars où il prit la ville d'al-Baydâ' (qui serait la capitale d'Atil sur la Volga: CANARD, p. 647 n. 10).

145. AL-TABARI, p. 589 ; CANARD, p. 648, n. 31. AL-MAS'ODI, § 498, I, p. 179, men­tionne au 10e siècle le royaume d'al-Djurziyya (le K'axeti) dont le prince réside à Masdjid Dhï'l-Qarnayn ; MARTIN-HISARD, Constantinople, p. 494-495 et n. 922.

146. AL-IŞŢAKHRI, p. 515. 147. On trouvera un croquis et des plans du 18e siècle dans A. ALPAGO-NOVELLO,

W. BERIDZE, J. LAFONTAINE-DOSOGNE éd., Art and Architecture in Medieval Georgia, Louvain-la-Neuve 1980, p. 22, 23, 230 et 444.

148. Voir ainsi IBN AL-FAQIH, p. 504; AL-BALĂDHURI. p. 547. CANARD, p. 568, n. 18, place à tort Sughdabîl à l'ouest de Tiflis.

149. Chronique du 10e siècle, p. 327,1. 14-16, avec les n° respectifs 7, 8 et 9 ; Vie et histoire des Bagratides, p. 376. On ignore à quel fait correspond la conversion des gens du Gardaban.

150. TOUMANOFF, Studies, p. 421-422, préfère voir en eux non pas des éristavs du Kartli, mais des princes locaux, dont le premier, Aršuša, serait un vitaxe du Gugark' et ne saurait être curopalate, et le second, Varaz-Bak'ur, un prince d'Albanie. Le fait que ces

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d'une dignité byzantine, jusque dans sa forme grecque translittérée dans un cas ; elle prouve que, après Guaram Π le curopalate, un lien fut main­tenu par l'Empire avec les Géorgiens, un lien devenant plus ténu puis­qu'il ne s'exprime bientôt plus par la curopalatie. Ce lien disparaît ensuite et les noms cités dans les listes ne seront plus, pendant quelque temps, accompagnés de la mention d'une dignité. On pense donc que Guaram l'Enfant, Aršuša et Varaz Bak'ur appartiennent à la fin du 7e siècle et au tout début du 8e, avant que le renouvellement du traité en 722 n'ait resserré les liens de Tbilisi et des Arabes et écarté l'attraction de Constantinople.

Avec la formation de la province d'Armïniya en général et avec le traité d'al-Djarrăh en particulier, Tbilisi et le Kartli entrèrent donc bien dans une phase nouvelle de leur histoire, phase qui en faisait des élé­ments intégrés dans le dar ai-islam. Ce n'est donc pas un hasard si la date de 722 a été retenue par Γ historiographie géorgienne médiévale comme marquant le passage de Tbilisi sous la domination arabe131.

Dans les années qui suivirent le traité d'al-Djarrăh. le monde géorgien se trouva plus largement impliqué dans la politique des gouverneurs de la province et tout particulièrement de Marwăn b. Muhammad, gouver­neur pendant plus de dix ans, de 732/733 à 742/743, et qui poursuivit activement la politique caucasienne de ses prédécesseurs152.

La première campagne de Marwăn visa les Khazars, non par Darband, mais par Bâb al-Län qui fut le lieu de rassemblement de ses armées et de celles de ses alliés caucasiens153. Son passage dans cette région a laissé des traces dans les sources géorgiennes, comme on le verra plus loin. Ses campagnes se déroulèrent ensuite victorieusement dans le Caucase orien­tal et furent conduites trois années durant, de 117 (31 janvier 735-19 jan­vier 736) à 119 (8 janvier 737-28 décembre 737), puis encore en 121 (18 décembre 738-6 décembre 739) ; elles aboutirent à la signature de nom­breux traités avec les différents peuples du Daghestan154. Après cette date, l'activité du gouverneur Marwăn nous échappe jusqu'à la fin de son mandat en 742-43, mais une source géorgienne permet peut-être de suppléer à cette lacune.

noms se trouvent dans la Chronique du 10e siècle, tout entière centrée sur le Kartli royal, me semble une garantie du sérieux de l'information.

151. L'auteur de la Vie du roi des rois Davit affirme, p. 342, que la prise de Tbilisi en 1122 par le roi mit fin à une domination de 400 ans.

152. De 114 (13 mars 732-20 février 733) à 126 (25 octobre 743-12 octobre 744); TER-GHEWONDJAN, p. 273 n° 20 ; CANARD, p. 421-422 n° 22 ; G. R. HAWTING, Marwăn b. Muhammad, dans Ef VI, 1991, p. 608-610.

153. AL-BALÂDHURI. p. 558, pour qui le roi des Khazars terrifié aurait signé la paix et accepté de se convertir à l'islam. Marwăn installa une partie de ses prisonniers dans le K'axeti. ARTAMONOV, p. 219-220. À cette campagne participa Usayd al-Sulamî dont on retrouvera plus loin la famille : voir n. 244.

154. AL-BALÄDHURI, p. 558-560 ; AL-TABARI, p. 593-594.

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La Vie des rois kartvéliens connaît en effet Marwän, qu'elle appelle Murvan le Sourd ; elle lui attribue à juste titre d'importantes campagnes caucasiennes, menées de Darial à Darband, dont elle souligne les consé­quences pour le Kartli :

Un émir agarène était arrivé au Kartli ; il s'appelait Murvan le Sourd, c'était le fils de Mohamad et il avait été envoyé par l'amirmumli de Bagdad, Esimi, fils d'Abdal-meliki, de la lignée d'Amati155. Il était sur­nommé le Sourd parce qu'il n'écoutait pas ce que lui disaient ses conseillers. Tous les mtavars et les p'at'iaxses, les familles des éristavs et des grands s'enfuirent dans le Caucase et se cachèrent dans les forêts et les grottes. Le Sourd parcourut tout le Caucase, s'empara des portes de Darial et de Darband et détruisit toutes les villes et de très nombreuses forteresses dans toutes les régions du Kartli156.

Après ce tableau général, l'auteur s'attarde sur une tentative faite par Murvan pour étendre l'emprise arabe sur la Géorgie occidentale. Il la présente comme la chasse donnée aux derniers membres de la famille royale chosroïde qui l'avaient fui pour se réfugier en Apxazeti, St'epanos, Mihr et Arčil157. La campagne de Murvan, marquée de mul­tiples prodiges, fut un échec ; la Géorgie occidentale demeura libre ; un prince chosroïde au moins, Arčil, resta en vie et Murvan s'enfuit piteuse­ment par le sud et regagna la région de Sper158.

À bien des égards, le récit suscite la méfiance, d'abord par ses traits épiques ; il est bien possible qu'en la personne de Murvan le Sourd soient confondus les trois gouverneurs Muhammad, Maslama et Marwän159. Ce qui a fait le plus douter de ce texte, c'est la présence de princes chosroïdes que l'on ne peut faire entrer dans la moindre grille chronologique satisfaisante160. Pourtant si l'on fait abstraction de ces personnages et surtout de la dimension ouvertement idéologique du pas­sage étudié, il reste le fait brut d'une campagne attribuée à un person­nage connu et bien défini par ses actions caucasiennes. On n'exclut donc pas une campagne arabe vers 740, date à partir de laquelle les sources arabes se montrent discrètes sur Marwän.

Cette campagne a une place considérable dans la littérature géor­gienne médiévale. La Vie et histoire des Bagratides connaît les ravages que Murvan le Sourd accomplit dans le Šavšeti et le K'iarjeti où il ruina

155. Hishăm, fils d'Abd al-Malik, amîr al-mu'minîn de 724 à 743, de la dynastie issue d'Umayya (Amati ?). Bagdad est un anachronisme pour Damas.

156. Vie des rois kartvéliens, p. 233-234. 157. On retrouve là, par-dessus un siècle disparu, des personnages évoqués plus haut

(voir n. 54). 158. Ibid., p. 234-238. 159. MINORSKY - BOSWORTH, p. 490-491. C'est avec cette suspicion que je l'ai analysé

dans B. MARTIN-HISARD, Les Arabes en Géorgie occidentale au vnr* siècle : étude sur l'idéologie politique géorgienne, Bedi Kartlisa 40, 1982, p. 105-138.

160. Voir n. 157. TOUMANOFF, Studies, p. 394-397,400 n. 42 et 43.

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des forteresses, au premier rang desquelles Art'anuji, avant de franchir le Łado:

Le qevi de Šavšeti était alors désert, à l'exception de quelques villages. Car, à l'époque de la domination des Perses, il avait été dévasté lorsque le Sourd, le Bagdadien, détruisit toutes les forteresses et traversa le Šavšeti et le Lado... Art'anuji avait été ruinée par Q'ra, le Bagdadien161.

Écrit au 11e ou au 12e siècle, le Martyre de David et Constantin reprend la trame du récit pour exalter la figure de deux valeureux guer­riers qui auraient combattu l'impie Murvan162. L'hagiographe affirme que Murvan arriva en Eğrisi depuis le Samcxe et la région d'Ojrqe. Comme dans la Vie et histoire des Bagratides, Murvan s'en prit donc délibérément aux régions kartvéliennes du sud-ouest. Le neuvième miracle de saint Šio porte peut-être aussi témoignage des mouvements militaires de l'époque de Marwân b. Muhammad163 ; il y est question d'une campagne des Saracènes qui affecta l'Arménie et le Kartli jus­qu'aux abords de la Géorgie occidentale, et notamment la région de Mcxeta où se trouvait le monastère de saint Šio ; l'expédition décidée par le calife avait été confiée à un certain Ahmada «de la tribu de l'émir des croyants, ...un homme tyrannique, cruel, avide», qui pourrait être Marwân b. Muhammad, cousin du calife Hishâm. Le miracle qu'il n'est pas utile de rapporter ici aboutit à la conversion de l'un des chefs de l'ar­mée musulmane qui devint moine sous le nom de Néophyte164.

L'auteur de la Vie des rois kartvéliens dresse ce sombre bilan de la campagne de Murvan :

À l'époque <de Murvan> les régions du Kartli, de l'Arménie et de l'Arran étaient dévastées, et il ne s'y trouvait plus ni construction ni nourriture pour les hommes et les animaux165.

Destructions et famines s'ajoutent ainsi à la fuite des divers cadres du pays, mtavars, éristavs, grands, évoqués plus haut ; elles en sont même sans doute les conséquences. Parmi les familles en fuite, il y a celle des Chrosroïdes, comme on l'a vu. Mais il y en eut d'autres ; c'est ainsi que, selon la même source, à l'époque de la dévastation de Murvan, les enfants du curopalate Guaram qui se trouvaient dans le K'iarjeti y accueillirent un certain Adarnase,

un descendant du prophète David... dont le père était apparenté par mariage aux Bagratides et qui avait été établi par les Grecs éristav de régions d'Arménie166.

161. Vie et histoire des Bagratides, p. 376-377. 162. Voir MARTIN-HISARD, Les Arabes (cité n. 159) et notamment p. 129. 163. B. MARTIN-HISARD, Le «Dit des miracles de sant Shio», moine géorgien du

VIe siècle, Vetera Christianorum 23, 1986, p. 283-327, notamment p. 313-316. 164. On retrouvera plus bas ce personnage : voir n. 264. 165. Vie des rois kartvéliens, p. 239. 166. Ibid., p. 243. Voir aussi plus haut, n. 112, et plus bas, n. 217.

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Murvan/Marwän n'est évidemment pas le seul responsable de tous ces changements, mais son nom est devenu un symbole. En effet la création d'une province arabe ne pouvait que modifier les pratiques tradition­nelles d'encadrement du pays167, tandis que les opérations militaires devaient compliquer la vie quotidienne ; c'est ainsi que, dans ces années-là, selon une tradition du 11e siècle, ^patr iarche d'Antioche Théophylacté (744-750) accorda aux évêques^du Kartli, à leur demande, le droit de consacrer eux-mêmes le cathcmcos de Mcxeta qu'ils auraient élu, évitant ainsi à ce dernier un déplacement devenu manifestement de plus en plus difficile168.

Pour les Géorgiens donc, la campagne de Murvan que l'on place vers 740, quelque exaltée, transformée et réécrite qu'elle ait été, est restée une référence chronologique : il y eut un avant, il y a un après. Du point de vue de l'histoire générale, le fait important est sans aucun doute la créa­tion de la province d'Armïniya par 'Abd al-Malik au tout début du 8e siècle. Pour les populations soumises, qui ignorèrent sans doute cette mesure administrative, les vrais changements correspondent aux pre­miers effets concrets de cette mesure, d'abord en 722 lorsque le pouvoir arabe se renforce sur Tbilisi, dans les années 740 enfin lorsque la domi­nation militaire arabe se fait sentir sur l'ensemble de la Géorgie, mais connaît aussi ses premières limites dont l'hagiographie se saisit.

Durant cette période, l'Empire byzantin est absent de l'histoire de la Géorgie orientale. Pourtant, dans la mémoire des Géorgiens, la cam­pagne de Murvan est racontée d'une manière qui souligne la permanence de ses liens avec le monde géorgien ; ce sont surtout ceux qu'il entretient avec la Géorgie occidentale et l'Abasgie, mais l'empereur de Constantinople intervient aussi, après la victoire des Chosroïdes, pour annoncer leur restauration future et souligner l'interdépendance de leur destin et de celui de l'Empire.

III. VERS LA DIFFÉRENCIATION DU KARTLI (740-780)

La création de la province d'Armïniya ne fut pas perçue par les Géorgiens comme durablement négative et la Vie des rois kartvéliens note, après la campagne de Murvan que

167. Des phénomènes identiques de déplacement de familles se retrouvent en Arménie, où ils sont mieux attestés par les sources, avec une chronologie plus longue, scandée par la répression de mouvements de révolte ; ils aboutirent à la disparition de cer­taines familles et à l'émergence de nouvelles. Voir B. MARTIN-HISARD, Domination arabe et libertés arméniennes (vrf-ix* siècles), dans G. DÉDEYAN éd., Histoire des Arméniens2, Toulouse 1986, p. 185-214.

168. La tradition vient du moine géorgien Éphrem le Petit et de Nicon de la Montagne Noire. Voir MARTIN-HISARD, Christianisme 2, p. 577 et n. 170.

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Douze ans s'écoulèrent ainsi et le Kartli commença à se redresser, mais Mcxeta était trop dévastée pour servir de résidence169.

Les douze ans évoqués qui, en strict calcul, mèneraient à l'année 756, ont peu de valeur en soi, mais on peut y voir le répit que procurèrent au pays les problèmes qui secouèrent le califat et conduisirent à l'avène­ment des 'Abbäsides et au début du califat d'al-Mansûr (754-775). Cet apaisement intérieur correspond à l'époque où l'évêque Jean de Gotthie, élu contre l'évêque titulaire qui avait souscrit les actes du concile de Hiéreia, vint recevoir à Mcxeta, vers 760, la consécration episcopale170. À la même époque, les chrétiens eurent toute liberté de construire des édifices religieux, comme l'église de Samšvilde, érigée entre 759 et 777 au sud de Tbilisi171. C'est peut-être encore le moment où se place à Mcxeta le catholicat de Sarmiane que son activité fit ensuite vénérer comme un saint172.

Sur une plus longue durée cependant, une cinquantaine d'années, le même auteur marque des changements :

Depuis le départ du Sourd, cinquante ans auparavant, les Saracènes ne faisaient plus d'invasion, mais ils prélevaient un impôt (xark'i ) sur les éristavs173.

et son continuateur d'ajouter, parlant alors de la venue de «Č'ič'naum fils de Mohamed que l'on appelait Asim»174 :

Depuis que le Sourd avait dévasté le pays et bien que de nombreuses années se fussent écoulées paisiblement, la situation ne s'était pas réta­blie175.

Ici encore une telle chronologie qui conduirait aux années 790 est sommaire176 ; mais ce qui compte c'est que la présence arabe est ressen­tie désormais à travers le paiement des impôts, traduction concrète d'un pouvoir affermi, et non plus seulement en liaison avec des opérations militaires qui n'ont pourtant pas cessé aux frontières et qui ramènent

169. Vie des rois kartvéliens, p. 243. L'allusion à Mcxeta s'explique par le fait que les Chosroïdes qui sont censés y résider vont, en la personne du dernier «roi» Arcil, s'instal­ler en K'axeti. Il ne s'agit pas de la résidence du catholicos.

170. Voir P. PEETERS, Les Khazars dans la Passion de S. Abo de Tiflis, An. Boll. 52, 1934, p. 21-56 ; A. A. VASILJEV, The Goths in Crimea, Cambridge Mass. 1936, p. 89-96.

171. ALPAGO-NOVELLO et al. (cité n. 147), p. 428. 172. MARTIN-HISARD, Christianisme 2, p. 578 et n. 176. 173. Vie des rois kartvéliens, p. 244. 174. Ibid., p. 245 ; il s'agit du gouverneur Khuzayma b. Khăzim al-Tamïmï qui gou­

verna une première fois de 169 (14 juillet 785-2 juillet 786) à 170 (3 juillet 786-21 juin 787), puis de 187 (30 décembre 802-19 décembre 803) ou 189 (8 décembre 804-26 novembre 805) à 191 (17 novembre 806-5 novembre 807) ; TER-GHEWONDYAN, p. 276 n° 41 et p. 279 n° 63 ; CANARD, p. 430-431 n° 37 et p. 434 n° 56. Voir aussi n. 250.

175. Vie des rois kartvéliens, p. 245. 176. Le terme de cette période de «cinquante ans après le Sourd» correspond à 790-

793, entre les deux gouvernements de Khuzayma.

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SAINT GRIGOL DE XANCTA 35

maintenant l'attention, à l'est de Tbilisi, sur le peuple des Şanâriyya et la région de K'axeti, objets en 654 de traités de capitulation177.

Deux gouverneurs dominent en alternance cette période: Yazïd b. Usayd al-Sulamï, gouverneur à trois reprises entre 751 et 780178, et al-Hasan b. Qahţaba qui le tut par deux fois entre 753 et 775179.

La politique caucasienne de Yazïd en direction de Bäb al-Län reprit en apparence celle de ses prédécesseurs. Dès son premier mandat, il res­taura ou rétablit le ribăţ fondé par Maslama et y installa une garnison régulière (ahi al-diwm )180 ; al-Mas'ûdï dira plus tard que cette garnison recevait son ravitaillement de Tiflïs, c'est-à-dire de sa riche région agri­cole181 ; celle-ci était donc devenue un centre du pouvoir arabe182. Mais la présence permanente d'un ribăţ à Bäb al-Län et ses liaisons avec Tiflïs impliquaient le contrôle de la haute vallée du Terek, le Xevi, et celui de la vallée de l'Aragvi, aux confins du K'axeti ; c'est peut-être parce que Maslama ne s'en était pas assez préoccupé que Yazïd avait dû intervenir et qu'il accompagna son opération d'une action chez les Şanâriyya qui furent assujettis au paiement de l'impôt foncier.

La menace des Khazars restait également toujours présente183. Le califat eut beau essayer de les neutraliser indirectement184, il n'y en eut pas moins deux attaques, l'une en 145 (1er avril 762-20 mars 763)185, l'autre, infini­ment redoutable et menée par le second du roi des Khazars et commandant de ses troupes, le tarkhân, en 147 (10 mars 764-28 janvier 765)186 ; cette fois-là, les agresseurs pillèrent longuement l'Arrän avant d'attaquer plus particulièrement Tbilisi et les régions orientales du Kartli et de repartir par Bäb al-Län187. Al-Ţabarî en donne un récit à l'annale 147 :

177. Voir plus haut p. 20 et n. 89. 178. Il doit être le fils de l'officier qui participa à la première campagne de Marwân

contre les Khazars : voir plus haut, n. 153. De 134 (30 juillet 751-17 juillet 752) à 136 (7 juillet 753-26 juin 754) ; puis depuis une date incertaine (environ 759) à 152 (14 janvier 769-3 janvier 770) selon Canard ; enfin de 158 (11 novembre 774-30 octobre 775) à 163 (17 septembre 779-5 septembre 780). TER-GHEWONDJAN, p. 274 n° 28 et 31 et p. 275 n° 35 ; CANARD, p. 425-426 n° 27-28, p. 427 n° 29 et p. 429 n° 33.

179. De 136 (7 juillet 753-26 juin 754) à 759 environ, puis de 154 (24 décembre 770-12 décembre 771) à 158 (11 novembre 774-30 octobre 775); TER-GHEWONDJAN, p. 274 n° 29 et p. 275 n° 33 ; CANARD, p. 426 n° 28 et p. 428-429 n° 31.

180. AL-BALADHURI, p. 560 ; IBN AL-FAQIH, p. 508. Voir plus haut, n. 138. 181. AL-MAS'ODI, § 480,1, p. 173. Voir plus haut, n. 137. 182. On peut supposer que le diwân chargé de rémunérer la garnison du ribăţ y avait

une antenne. 183. Sur les guerres arabo-khazares de la seconde moitié du 8e siècle: ARTAMONOV,

p. 242-251. 184. À la demande du calife al-Mansûr, Yazïd épousa la sœur du roi des Khazars. AL-

BALAPHURI. p. 560; ŁEWOND, p. 132, qui souligne que cette alliance fut décidée par le calife «afin — selon Łewond — de conclure par là un pacte de paix avec le roi du nord que l'on appelait le Xak'an et les armées des Khazars». Sur ce mariage, voir CANARD, p. 426. La mort de la princesse aurait été la cause de l'attaque des Khazars.

185. AL-TABARI, p. 598 : Turcs et Khazars sont sortis par al-Băb al-Abwăb. 186. AL-BALÄDHURI, p. 560. LEWOND, p. 132. THEOPHANES, AM 6256. 187. Sur cette campagne: ARTAMONOV, p. 244-246; CANARD, p. 210, 499, n. 37 et

p. 653 n. 62.

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Cette année-là eut lieu l'incursion d'Astarkhän al-Khwarizmî à la tête d'une troupe de Turcs contre les musulmans dans la région d'Armïniya où il fit des prisonniers en nombre considérable parmi les musulmans et les djiimmi. Ils pénétrèrent à Tiflïs et tuèrent Harb b. 'Abdallah Râwandï... Abu Dja'far. quand il apprit le rassemblement des Turcs dans cette région, envoya pour les combattre Djibrîl b. Yahyă et écrivit à Harb pour lui donner l'ordre de partir contre eux avec lui. Il se mit en route avec lui, mais Harb fut tué, Djibrîl mis en déroute et les musulmans subi­rent les pertes que nous avons mentionnées188.

Et il évoque encore Tiflïs en 148 (27 février 765- 5 février 766) : Parmi les événements de cette année, eut lieu l'envoi par al-Manşûr de Humayd b. Qahţaba en Armïniya pour combattre les Turcs qui avaient tué Harb b. 'Abdallah et avaient apporté le trouble à Tiflïs. Humayd par­tit pour Γ Armïniya, mais quand il arriva, les Turcs étaient déjà repartis. Il s'en alla sans en avoir rencontré un seul189.

Łewond est plus circonstancié ; après avoir énuméré longuement les régions de Γ Arrän qui furent ravagées, il ajoute :

Ils prirent également, dans le territoire de la principauté (išxanuťiwn ) des Virk', sept régions (gawaik') : le Šušk', le K'uêskap'or, le Jelt'd, le Cuk'ët', le Velisc'xë, le T'ianët', l'Erk et ils rassemblèrent une multitude de captifs et un grand butin et ils retournèrent dans leur pays190.

L'ordre suivi par Łewond dans Γ enumeration des régions pillées n'ayant rien de clairement géographique, il est impossible de suivre l'iti­néraire des Khazars qui agirent peut-être en plusieurs bandes191. Pour la plupart, ces régions relèvent du K'axeti, à l'est de l'Aragvi : vallées supérieures de l'Alazani192 et de І і 1 9 3 ; mais la région de Tbilisi fut assez largement concernée194, ainsi que les abords de Mcxeta au confluent du Kur et de l'Alazani195. L'historien dhimmi a été surtout sen­sible à l'ampleur territoriale des déprédations commises par les Khazars

188. AL-TABARÏ, p. 598-599. Voir les remarques de CANARD, p. 653-654 n. 62-67. 189. AL-TABARI, p. 599. 190. ŁEWOND, p. 132. 191. Sur les lieux cités : G. G. MKRTUMIAN, Gruzinskoe feodal'noe knjažestvo Kaxeti ν

viii-ix w i ego vzaimootnošenija Armenej (La principauté féodale géorgienne de K'axeti aux 2>e-9> siècles et ses relations avec l'Arménie), Erevan 1983, p. 16-18. On retrouve ces noms dans la description de l'Ibérie qui se trouve dans la Géographie arménienne, p. 57 et 57 A ; voir la carte p. 58 A.

192. Le Cuk'ët' est sur le haut Alazani (HEWSEN, Geography, p. 58A) ; le Velisc'xë est Veliscixe (ibid., p. 247 n. 97A).

193. On localise ainsi sur lori le T'ianët' ou Tianeti dans la vallée supérieure (ibid., p. 141 n. 63), et le Šušk' ou Sujeti sur le cours moyen, à l'est de Rustavi (ibid., p. 248 n. 99A).

194. Le Jelt'd est la région de Tbilisi sur la rive occidentale du Kur (ibid., p. 247 n. 96A) ; le K'uêskap'or serait la région de la forteresse de K'uiši, au sud de Manglisi, non loin de Samšvilde (ibid., p. 247 n. 92A).

195. L'Erk est le Xerki géorgien sur la rive gauche de l'Aragvi en face de Mcxeta (ibid., p. 141 n. 61).

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alors que l'historien arabe a préféré souligner à deux reprises les troubles qui se firent sentir dans la ville de Tiflïs. Les faits dont la gravité est évi­dente sont encore évoqués par al-Ya'qubï, mais pour souligner les tra­vaux de fortifications en profondeur auxquels se livrèrent ensuite les Arabes le long de la Caspienne et qui permirent, pour un temps du moins, de rétablir la sécurité196.

Le succès de la campagne de 764 n'échappa certainement pas aux habitants de l'Armïniya. On peut donc comprendre que, très peu d'an­nées après ces événements, ils aient osé se lancer dans un mouvement de révolte qui prit naissance, en partie du moins, comme une protestation contre les nouveaux développements du fisc arabe : on a vu plus haut que le paiement de l'impôt passait maintenant pour la caractéristique de cette période au Kartli. C'est que, sous le premier 'Abbassïde et sous son successeur, Abu Dja'far al-Mansür (754-775), la diizya, jusqu'alors per­çue par famille, fut désormais levée par tête et l'encadrement fiscal se fit plus rigoureux197. C'est même la rigueur de Yazïd dans l'application du régime fiscal qui aurait entraîné sa destitution en 770198.

La révolte a été longuement décrite par Lewond dans un récit qui laisse l'impression que seule l'Arménie fut touchée par ce mouvement qui éclata sous le gouverneur Bakkâr b. Muslim en 771199 et qui ne fut maîtrisé qu'en 775 sur le champ de bataille de Bagrewand par al-Hasan b. Qahţaba200. Mais, de leur côté, deux sources arabes qui n'évoquent pas l'Arménie parlent d'une révolte en territoire géorgien que le gouverneur al-Hasan fut chargé de réprimer. Ainsi al-Ya'qubï :

Les Şanăriyya se révoltèrent en Armïniya ; Abu Dja'far envoya contre eux al-Hasan b. Qahţaba comme gouverneur d'Armïniya. Il leur fit la guerre, mais il ne put venir à bout d'eux. Il écrivit alors à Abu Dja'far pour lui faire savoir qui étaient les Şanăriyya et combien ils étaient nom­breux. Abu Dja'far lui envoya 'Âmir b. Ismă'îl al-Hăriţhî à la tête de 20 000 hommes. Il eut une rencontre avec les Şanăriyya, leur livra un violent combat et resta plusieurs jours à guerroyer contre eux. Puis Dieu accorda aux musulmans la victoire sur les Şanăriyya. Il en tua en un seul jour 1600, puis il s'en retourna à Tiflïs et fit exécuter les prisonniers qu'il avait ramenés avec lui. Il envoya des troupes à la poursuite des Şanăriyya partout où ils se trouvaient201.

Ou encore Ibn A'tham qui complète le récit précédent. D'après lui, les Şanăriyya s'étaient révoltés dans la terre (ard) du Djurzăn202.

196. AL-YA'QÜBI, p. 480. 197. CANARD, p. 201 et p. 222-223, n. 42-45. 198. CANARD, p. 428. 199. TER-GHEWONDJAN, p. 274 n° 32 ; CANARD, p. 428 n° 30. Son gouvernement dura de

152 (14 janvier 769-3 janvier 770) à 154 (24 décembre 770 -12 décembre 771). 200. LEWOND, p. 137-152 ; la révolte de l'Arménie est aussi évoquée par AL-BALADHURI.

p. 560. 201. AL-YA'QÜBI, p. 480. Voir aussi IBN AL-FAQIH, p. 508. 202. F. Micheau a bien voulu revoir pour moi le texte arabe des extraits traduits

d'après CxrnšviLi (cité n. 45).

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AI-Hasan marcha contre eux avec 50 000 hommes que renforcèrent 30 000 cavaliers envoyés par le calife avec quatre commandants203 ; ce que voyant,

les Şanăriyya s'unirent aux habitants (aht) du Khăkhiţ : ils étaient eux aussi de l'espèce des infidèles. Ils se rassemblèrent en grand nombre contre les musulmans et engagèrent le combat.

Le mouvement fut donc ici le fait de populations que l'on a localisées plus haut sur le Terek, au sud de Bäb al-Län, mais qui sont manifeste­ment sorties du Xevi vers l'Aragvi oriental et l'Iori supérieur pour gagner le Djurzăn, et tout d'abord le K'axeti, cruellement éprouvé en 764. Toujours au témoignage d'Ibn A'ţham, al-Hasan, à la suite de sa victoire, s'installa à Bardha'a et confia des fonctions à ses trois fils en Armïniya; Qahţaba devint wali à al-Bäb wa 1-Abwäb, c'est-à-dire à Darband ; Muhammad contrôla Γ Armïniya IV, de Khilät sur le lac de Van à Qalïqala, ville reconquise en 752 par Yazïd; le troisième fils, Ibrahim, fut chargé «du pays (Jbiläd) de Djurzän avec Tiflïs et ce qui en dépend».

D'après al-Ya'kûbï, la révolte des Şanăriyya avait été la cause de la nomination d'al-Hasan en 771 au gouvernement d'une Armïniya dont il avait déjà l'expérience ; leur action est donc contemporaine des premiers mouvements évoqués par Łewond en Arménie sous «le hramanatar Hasan». D'après ce dernier historien, la protestation commença lorsqu'Artavazd Mamikonian exécuta un collecteur d'impôts du Širák, s'empara de tout ce qu'il trouva et

il alla du côté du pays des Virk' (/ kohnans Vrac' ašxarhiri) et tous les naxarars du pays avec lui.

Le commandant Mahmet qui se trouvait à Duin le poursuivit :

<Mahmet> arriva dans le pays (ašxarh) des Virk', dans la région (gawaik') qu'on appelle Samc'xë ; il s'empara des défilés, il leur reprit une partie du butin, les chassa et les fit fuir loin du pays (ašxarh) des Arméniens. Et ils poursuivirent leur route et se retranchèrent dans le pays (ašxarh) des Egerk' et <Artavazd> s'empara du commandement (išxa-nut'iwri) sur les Egerk' et sur le Vëri, c'est-à-dire les Virk'. Et le hrama­natar Hasan, plus que jamais irrité par une telle action, envoya immédia­tement dans l'ensemble du territoire qu'il commandait l'ordre de percevoir en toute hâte l'impôt par la force. Et la plainte du pays enfla à cause des collecteurs d'impôt204.

Lorsqu'on essaie de comprendre la géographie des mouvements ici évoqués, on voit que si Artavazd quitta le Sirak pour aller au Kartli (le pays des Virk'), c'est qu'il considérait comme plus sûre la région où il se rendit, le Samcxe, qu'il atteignit en suivant vraisemblablement la route

203. 'Âmir b. Ismâ'ïl al-Djurdjàm. 'Isa b. Musa al-Kiiurăsănî, al-Fađl b. Dinár et Muqätil b. Şălih.

204. ŁEWOND, p. 138-139.

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normale qui traverse le Javaxeti et descend la rivière d'Axalkalaki et la vallèe du Kur. La suite est moins sûre, car les seuls défilés connus du Samcxe sont ceux de Borjomi sur le Kur, qui marquent l'extrémité du Samcxe et le commencement du Kartli Intérieur. Aitavazd gagna l'Eger, c'est-à-dire la Lazique, soit par le Samcxe et la route d'Ojrqe, soit par le Kartli Intérieur et le col de Surami205. À cette date, le mouvement de réunification de la Géorgie occidentale, amorcé sous la direction des Apxazes aux lendemains de la campagne de Murvan le Sourd, n'avait pas atteint l'Egrisi puisque Aitavazd put y prendre le pouvoir. Or Łewond précise qu'il se saisit aussi de l'autorité sur «le Vëri c'est-à-dire les Virk'». «Veri» ou «verin» signifie en arménien au-dessus, en haut, supérieur. On le trouve employé au milieu du 7e siècle dans la Géographie arménienne, pour décrire ainsi le pays des Virk' {ašxarh Virk') :

Le Kur ... descend dans le Samc'xê et et tourne vers l'est, en traversant le Pays d'En-haut des Virk' (pnd verin ašxarhn Vrac'), en séparant les régions {gawaik') de Goroťisxew, Tunisxew ... et Mangleac'p'or et Bonrop'or jusqu'à la région de Paruar qui entoure la ville de Tp'xis206...207.

Le Verin ašxarh des Arméniens correspond donc au Kartli Intérieur, Šida Kartli, ou Pays d'En-haut, Zeda sopeli, des Géorgiens, c'est-à-dire la partie centrale du Kartli qui, au-delà du Samcxe et du défilé de Borjomi, s'étend de part et d'autre de la boucle du Kur jusqu'à Tbilisi. Aitavazd aurait donc réussi à imposer pour quelque temps son autorité sur tout ou partie de ce territoire, bien mal gardé par les Arabes. On pourrait penser à une exagération de l'historien arménien si la révolte des Şanăriyya et du K'axeti n'intervenait au même moment et si un texte géorgien, écrit au début du 9e siècle, la Passion d'Habo de Tbilisi10*, ne suggérait que l'agitation menaça la région de Tbilisi.

D'après ce texte, le calife al-Mahdï fit libérer, à son avènement en octobre 775, Férismtavar du Kartli Nerse, détenu à Bagdad depuis trois ans sur ordre du calife al-Mansûr :

C'était l'époque où l'érisnitavar du Kartli nommé Nerse, fils d'Adrnese curopalate et érismtavar, avait été convoqué dans le pays de aby Ionie

205. Dans la première hypothèse, les Arabes, devançant Aitavazd, l'auraient empêché de franchir le défilé de Borjomi. La seconde hypothèse semble plus plausible.

206. Le Goroťisxew se trouve au-delà du défilé de Borjomi, sur la rive nord du Kur : HEWSEN, Geography, p. 135 n. 30. Les quatre autres régions citées, parmi lesquelles celle de Manglisi, sont au sud du Kur.

207. Texte traduit d'après l'édition reproduite dans N. ADONTZ, Armenia in the Period of Justinian. The Political Conditions based on the Naxarar System. Transi, and rev. by N. G. GARSOÏAN, Lisbonne 1970, p. 117*. Voir aussi la traduction anglaise de HEWSEN, Geography, p. 57.

208. Nous publierons prochainement, dans les Byzantina Sorbonensia, la traduction et un commentaire de ce texte, qui raconte la mort en 785, à Tbilisi d'un Arabe, Habo, qui s'était converti au christianisme.

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par le maître des Saracènes du moment, l'émir des croyants Abdila, qui se trouvait dans la grande ville de Bagdad qu'il avait lui-même fondée209. Sur la dénonciation de méchantes gens, il mit en prison Nerse, éristav du pays du Kartli. Il y fut détenu pendant trois ans jusqu'à ce que, par ordre de Dieu, l'émir des croyants Abdila meure et que son fils Mahdi lui suc­cède. Le Dieu de miséricorde inspira au cœur de Mahdi, émir des croyants, de relâcher Nerse, il le fit sortir de sa cruelle prison et le ren­voya dans son pays, rétabli dans sa fonction d'érismtavar210.

Ce texte permet de dater l'arrestation de Nerse de 771/772, c'est-à-dire du moment même des révoltes de l'Arménie et des Şanăriyya et de la prise en charge de la province par al-Hasan, et puisque, «renvoyé dans son pays», il vint à Tbilisi, c'est qu'il exerçait dans cette ville sa fonction d'érismtavar du Kartli. Sa libération coïncide avec la fin de la révolte en 775. Nerse devait rester à Tbilisi jusque vers 780. Les bons traitements dont Nerse bénéficia en captivité211, sa libération et son rétablissement dans sa fonction montrent que son exil fut plutôt une mesure de précau­tion, en un temps d'agitation et de révolte. Il n'est donc pas sûr que Tbilisi ait participé à la révolte de 771-775 ; mais le risque avait dû être réel.

Ce court passage montre sans l'ombre d'un doute la permanence à Tbilisi d'un pouvoir éristaval dont on avait perdu la trace depuis le début du 8e siècle212. On peut même se demander si les soupçons dont Nerse fit l'objet n'ont pas pour origine l'identité de son père que la Passion appelle «Adarnase érismtavar et curopalate». Mais il faut bien recon­naître que l'on est ici dans une grande incertitude. Les deux listes d'éris-tavs que nous avons déjà utilisées citent en effet, immédiatement après Varaz-Bak'ur :

Nerse et ses fils P'ilipe, St'epanoz et Adrnese/Adarnase ; et ses fils Gürgen l'éristav, Ašoť le curopalate213.

On peut donc formuler deux hypothèses. Selon la première, le Nerse de la Passion et le Nerse des listes sont la même personne; le père, Adarnase, est donc absent des listes, mais sans que cela conduise à nier son existence ; car l'auteur de la Passion vivait à l'époque dont il parle et l'on doute qu'il ait inventé de toutes pièces un érismtavar et curopalate Adarnase au risque de rendre son témoignage peu crédible. Une autre hypothèse conduirait à intervertir dans les listes Nerse et son fils Adarnase, les deux noms étant en effet assez proches pour être interchan-

209. Abu Dja'far ' Abd Allah al-Manşür (754-775). 210. Passion d'Habo, éd., p. 55-56. 211. C'est à ce moment que le jeune parfumeur arabe Habo entre à son service. 212. Voir p. 30. 213. Chronique du 10e siècle, p. 327,1. 16-17 ; Vie et histoire des Bagratides, p. 376.

Ces deux textes n'établissent aucun lien de parenté entre Varaz-Bak'ur et Nerse, même s'il est clair pour l'auteur du second qu'il s'agit toujours de la lignée des Bagratides.

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geables214. Cette dernière hypothèse serait séduisante puisqu'elle réinté­grerait dans les listes un érismtavar assez important pour être curopalate. Mais on ne peut réécrire ainsi les textes. Il semble donc plus raisonnable de considérer que les listes ne mentionnent pas le père de Nerse, Γ érism­tavar et curopalate Adarnase; elles ne mentionnent pas davantage le neveu de Nerse, St'epanoz qui fut plus tard érismtavar de Tbilisi215.

L'absence d'Adarnase peut venir du fait qu'il n'était pas érismtavar du Kartli, mais d'une autre région216. On imagine mal en effet qu'à une date antérieure à 771, alors que les relations byzantino-arabes étaient de l'ordre de la guerre, un éristav ayant reçu le titre de curopalate ait pu sié­ger à Tbilisi où le contrôle arabe s'était resserré. Adarnase devait plutôt vivre ailleurs et l'on pense alors au personnage de ce nom dont on a évo­qué plus haut l'installation dans le K'iarjeti, vers 740-743, à l'époque de Murvan le Sourd, auprès des enfants du curopalate Guaram ; les sources ne le considèrent pas comme un curopalate217. La Vie des rois kartvéliens fait de lui un descendant du prophète David, qui aurait exercé pour les Byzantins des fonctions en Arménie et dont le père était apparenté par mariage aux Bagratides arméniens218. L'homme aurait ultérieurement pris possession des deux petites régions du Šulaveri et de l'Art'aani219. S'il s'agit là du père de Nerse, vivant non loin de l'Empire byzantin, il aurait pu recevoir la curopalatie, évoquée par la seule Passion d'Habo, par exemple à l'époque de la campagne de Constantin V qui aboutit à la reprise provisoire de Théodosioupolis. On retrouverait ainsi les éléments de la situation évoquée plus haut et qui a permis d'établir un lien entre le titre de curopalate et la région de K'iarjeti220. Mais on sait la fragilité des hypothèses fondées sur les dernières pages de la Vie des rois kartvéliens, et cela est particulièrement vrai pour le passage dont on vient de parler. Car ce même Adarnase, vivant au milieu du 8e siècle, se retrouve, d'après les premières pages de la Chronique du Kartli, une cinquantaine d'années plus tard, puissamment possessionné dans le K'iarjeti et ses environs, mais toujours sans titre de curopalate221. On évitera donc de trop spéculer et supposer. Il a sûrement existé plusieurs Adarnase, en tout cas le père curopalate de Γ érismtavar Nerse qui peut être le réfugié

214. Le Nerse de la Passion serait donc Γ Adarnase des listes, nanti de deux frères P'ilipe et Sťepanos et père de deux fils Gürgen et le fameux Ašoť. Il faudrait alors com­prendre : <«Adar>nerse <le curopalate> et ses fils P'ilipe, St'epanoz et o N e r s e ; et ses fils Gürgen l'éristav, Ašoť le curopalate.»

215. Voir plus bas, n. 242. 216. La Passion le dit simplement érismtavar. 217. Voir plus haut n. 166. Puisque Grigol, le futur fondateur de Xancta et de

Sat'berdi, qui est né en 756, a été élevé dans la maison de l'éristav Nerse, on peut penser que le père de celui-ci, Adamase, vivait dans les années 740.

218. Voir le texte cité à la n. 166. Son père aurait été «éristav de régions d'Arménie», ce qui est d'une parfaite imprécision.

219. Vie des rois kartvéliens, p. 243 ; ces deux régions, proches du K'iarjeti, sur la rive gauche du Kur supérieur, lui auraient été cédées par le dernier prince chosroïde, Arčil.

220. Voir plus haut, p. 24. 221. Voir plus bas, p. 56.

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des années 740 et un Adarnase, à la fin du 8e siècle, qui peut être l'un des trois fils de rérismtavar Nerse cités dans les listes.

Les choses sont donc loin d'être simples. Mais, à condition de dépas­ser le niveau des noms de personnes qu'embrouillent les reconstructions généalogiques des sources, on peut voir se dessiner quelques conclusions vraisemblables.

On peut tenir pour certaine la réapparition du titre de curopalate au milieu du 8e siècle en faveur d'un Adarnase, sous Léon ou sous son fils ; le titre avait disparu depuis l'époque de Justinien , depuis Guaram Π et Aršuša ; son retour apporte une preuve de l'intérêt main­tenu de Constantinople pour le Kartli ; il n'est pas inutile de noter que Léon n'est autre que le spathaire envoyé par Justinien II en Géorgie occidentale. Il est possible que ce titre ait toujours quelque lien avec les confins de l'Empire, au-delà de la Chaldie, et les familles implantées dans ces régions, soit anciennement (les Chosroïdes) soit nouvellement (les Bagratides). Sa mention éclaire les affirmations, trouvées dans le récit de la campagne de Murvan le Sourd, selon lesquelles il y a une soli­darité de destin entre l'Empire et le royaume du Kartli.

On peut encore avancer que les mouvements qui éclatèrent dans la province d'Armïniya en 771 ont été suivis de près à Constantinople ; ce n'est certes pas un hasard si le troisième fils du gouverneur al-Hasan fut affecté, non pas à Duin, mais bien sur la frontière arméno-byzantine. On sait en effet que les Arméniens envisagèrent de s'emparer de Qâlïqalâ et on a vu les régions du sud-ouest de la province, les plus proches de l'Empire, Samcxe et Lazique jouer un rôle de refuge. C'est encore dans les régions de Géorgie occidentale que l'érismtavar Nerse de la Passion d'Habo ira s'installer après avoir fui Tbilisi en 780 et l'hagiographe de souligner que Γ Apxazeti est voisine de la Chaldie grecque :

Là sont Trébizonde, l'établissement d'Apsaros et la station navale de Napsa. Et il y a des villes et des lieux sous les ordres du pieux roi des Grecs qui trône dans la grande ville de Constantinople222.

Enfin l'on n'oubliera pas que, lorsque le moine Grigol, né «de parents éminents..., élevé dans la maison royale du grand éristav Nerse, neveu de son épouse», partit «à l'étranger», avec ses compagnons, c'est vers le K'iarjeti que «le Seigneur les guida»223, un K'iarjeti toujours marqué des déprédations de Murvan le Sourd.

Une évolution différenciée du Kartli s'est donc opérée au cours de cette période. Tandis que la région centrale de Tbilisi restait bien contrô­lée par le pouvoir califal, les zones montagneuses orientales du Kartli, plus directement touchées par les opérations militaires arabes, semblent devoir se porter vers la révolte ; en revanche d'autres régions vivent plus à l'écart, plus ou moins ruinées peut-être, mais bénéficiant d'une certaine

222. Passion d'Habo, éd., p. 58-60. 223. Vie de Grigol, 1. 52-54.

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tranquillité en raison de l'éloignement des centres de pouvoir arabe, de la proximité de l'Empire et de la relative indépendance de la Géorgie occi­dentale. Cette différenciation constitue le fond des dernières pages de la Vie des rois kartvéliens qui, avec une superbe ignorance de la présence pourtant bien réelle des Arabes, montrent le «roi» chosroïde Arčil procé­der délibérément vers 780-785 à un grand partage de l'ensemble du monde kartvélien. Tout en se réservant les régions les plus orientales, Arčil favorise l'installation des Bagratides au sud-ouest, mais il alloue le Kartli Intérieur à six éristavs, consacrant ainsi son éclatement et même son émiettement224. Au même moment, précise encore la Vie des rois kartvéliens, l'éristav d'Apxazeti affirmait son autonomie avec la béné­diction du roi des Grecs. Ces pages ont l'air d'être totalement en dehors des réalités historiques, et pourtant leur part de vérité est grande ; car le siècle qui suivit vit se concrétiser le développement de la principauté des Bagratides à l'ouest et du chorepiscopat des K'axes à l'est, l'intégration du Kartli Intérieur trop émietté pour résister dans le territoire de l'émirat de Tbilisi et la construction du royaume des Apxazes. L'Empire byzan­tin, fort discret dans cette période mais délivrant au moins encore une fois la curopalatie, assume dans les sources géorgiennes l'image d'un royaume chrétien, puissant et solidaire.

IV. AUX ORIGINES DE L'EMIRAT DE TlFLIS (FIN 8e-DÉBUT 9 e SIÈCLE)

Les décennies qui suivirent la fin de la révolte en 775 et que domina la personnalité d'Harûn al-Rasïd, calife de 786 à 808, mais gouverneur de l'Armïniya dès 779225, furent marquées d'une tension accrue entre les Arabes et les populations d'Armïniya; ce trait finit par éclipser les guerres aux frontières, au demeurant en cours d'apaisement226.

Les premières pages de la Chronique du Kartli évoquent la fin du 8e siècle en ces termes :

À partir de ce moment, la royauté des grands rois chosroïdes commença à décliner. D'abord la domination des Saracènes s'accrut et tout le pays fut désormais régulièrement livré aux pillages et à la dévastation. Ensuite il y avait une foule de mtavars dans le pays du Kartli ; ils commencèrent à se battre et à s'opposer les uns aux autres. Et chaque fois qu'un descendant de Vaxt'ang semblait digne de devenir roi, les Saracènes l'abaissaient. Car des Agarènes s'emparèrent de la ville de Tbilisi227 ; ils en firent leur

224. Vie des rois kartvéliens, p. 241-242 ; les Bagratides sont représentés par Adarnase dont on a parlé plus haut.

225. TER-GHEWONDJAN, p. 275 n° 36 ; CANARD, p. 429-430 n° 34. Harun reçut le gou­vernement de tout l'ouest, de l'Ădharbaidjăn et de l'Armïniya en 163 (17 septembre 779-5 septembre 780) et le garda jusqu'à une date incertaine (783 ? 786 ?).

226. Les Khazars restent pourtant toujours redoutés du côté de Darband : voir le récit de LEWOND, p. 160-161, sous le gouverneur 'Uţhmăn b. 'Umära b. Khuraym (783-785), repris par CANARD, p. 211 et 229 n° 232 ; ARTAMONOV, p. 249.

227. Le texte est trop général pour qu'on puisse affirmer qu'il fait allusion à un fait précis concernant Tbilisi. En Arménie, Duin est aussi devenue une ville arabe ; en 719 un

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residence et levèrent sur le pays l'impôt qu'on appelle xaraja. Par la pro­vidence de Dieu, en effet, le peuple des Agarènes devint puissant à cause de la multitude de nos péchés228.

Les implications de la domination arabe sont ici bien soulignées: pillages arabes, rivalités internes des seigneurs, Tbilisi devenue centre de perception d'un impôt que, pour la première fois, les textes géorgiens appellent non plus xark'i, mais xaraja, l'impôt foncier imposé aux dhimmi par les Arabes, le Jcharădj. Or les sources arabes montrent une évolution du fisc. Sans doute la capitation fut-elle toujours perçue229, mais des fonctionnaires de l'impôt foncier apparaissent maintenant dans les sources, en 779230 comme en 793/794231. Et l'on sait qu'un cadas­trage de l'Armmiya fut mis en chantier à partir de 785-786232. Ces men­tions nouvelles de l'impôt foncier correspondent à une modification du statut fiscal jusqu'alors consenti à la province. Le régime, dit de la muqăţa'a et dérivant des traités de 654, comportait le versement par les seigneurs d'une somme forfaitaire pour les impôts de leur domaine ; or il fut remplacé par un régime plus favorable aux Arabes, fondé sur l'impôt foncier dont on ne sait s'il s'ajouta aux taxes que payaient les paysans ou s'il pesait sur les seigneurs233.

L'auteur de la Chronique, dans le passage cité plus haut, associe les pillages des Arabes et les dissensions des familles234, ce que l'on retrouve chez al-Baladhurî qui voit comme trait dominant de Γ Armïniya, entre 775 et les années 820, le caractère tendu des rapports entre les gou­verneurs et les familles seigneuriales, les baţăriqa, à cause du versement de l'impôt foncier :

Les baţăriqa d'Armïniya continuèrent à s'occuper de leur pays, chacun d'eux défendant son propre canton (nâhiya) ; quand arrivait dans la pro­vince frontière (thaghr) un gouverneur, ils usaient de flatteries à son

concile avait pu y être tenu sous le catholicos Yovhannës ΙΠ Awjnec'i qui y résidait, mais son successeur Dawit' Ier Aramonec'i (728-741) abandonna cette résidence où le contact avec «la population païenne» de la ville le dégoûtait et où il était en butte à ses outrages : sur ce point voir MAHÉ, (cité n. 123), p. 487.

228. Chronique du Kartli, p. 251. 229. Voir plus haut, n. 197. 230. AL-ŢABARI, p. 599, signale que deux secrétaires, en charge d'un dïwân de la chan­

cellerie et d'un dîwm de l'impôt foncier, furent affectés au gouverneur Harun ; le secré­taire pour la chancellerie était un Barmecide, Yahyă b. Khălid b. Barmak, que certaines sources appellent aussi gouverneur ; le secrétaire pour l'impôt foncier Ţăbit b. Musa.

231. AL-YA'QOBI, p. 481, note l'arrivée en 177 (18 avril 793-6 avril 794) de deux res­ponsables, l'un pour le harb ; l'autre pour le ktarâdj ; ce dernier n'est autre que le fils du Barmecide cité à la note précédente : al-Fadl b. Yahya b. Khălid al-Barmaîu ; CANARD, p. 432 n° 44.

232. AL-BALÄJ2HURI, Ρ· 561 et IBN AL-FAQIH, p. 508, prêtent à Khjizayma (voir n. 174) l'établissement d'un cadastre à Duin et Naxčawan.

233. Sur ce point, voir CANARD, p. 204 et 224 n. 60. 234. Le phénomène est bien connu à ce moment dans le monde arménien où les

Arabes pratiquent un habile jeu de bascule entre les principales familles ; voir MARTIN-HISARD, Domination arabe (cité n. 167).

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égard, et s'ils voyaient en lui honnêteté et sévérité et s'il avait avec lui la force et le nombre, ils lui payaient le kharădj et faisaient publiquement acte de soumission. Dans le cas contraire ils faisaient peu de cas de lui et le méprisaient235.

Le poids des Arabes dans la vie du Kartli n'est cependant pas lié au seul problème fiscal ; il correspond aussi à l'implantation croissante de nouvelles tribus arabes dans les différentes parties de і , le mouvement commencé au début de l'époque 'abbaside s'étant accentué sous Harun al-Raşhld236. D'après al-Ya'qûbï237, les tribus yéménites liées à l'expansion arabe cédèrent peu à peu la place aux deux puissants groupes de tribus du nord, Banû Mudar et Banû Rabï'a238. À l'intérieur même des groupes du nord, des clivages opposaient les Sulaymï et, à un moindre degré, les Tamïmï issus de la première confédération239 aux Shaybânï issus de la seconde240. Les enjeux n'étaient plus alors la parti­cipation aux bénéfices fiscaux d'une conquête maintenant achevée, mais la compétition pour l'occupation de territoires et l'organisation en pou­voirs locaux, dont certains allaient devenir de véritables émirats. Il y en eut plusieurs en Arménie ; un seul devait se développer au Kartli autour de Tbilisi : centre fiscal et nœud routier, la ville fut inévitablement au carrefour d'ambitions multiples.

Les difficultés rencontrées par l'érismtavar Nerse après son premier retour à Tbilisi sont une illustration des conflits entre les baßriqa et Arabes. À une date que l'on peut situer vers 780, sous le calife al-Mahdï qui l'avait libéré, Nerse dut fuir Tbilisi :

En ces jours-là, les souverains des Saracènes s'irritèrent de nouveau contre l'éristav Nerse qui s'enfuit, car le peuple des Saracènes lui faisait une guerre cruelle. Le Seigneur le sauva de leurs mains et il franchit la porte d'Ossétie qu'on appelle Darialan241.

Le problème ne devait pas être insurmontable puisque Nerse, qui avait été remplacé par son neveu, demanda et reçut l'autorisation vers 783 de revenir à Tbilisi, toujours sous al-Mahdï :

235. AL-BALÂDHURI, p. 561. 236. Ce phénomène complexe mériterait une étude à lui tout seul ; il est le point de

départ du magistral travail de A. N. TER-GHEWONDYAN, The Arab Emirates in Bagratid Armenia, Lisbonne 1976, qui n'est consacré qu'au seul territoire de l'Arménie.

237. AL-YA'QOBI, p. 481. 238. Voir H. KINDERMAN, Rabï'a et Mudar, dans El2 VIII, 1995, p. 365-367. Sur les

subdivisions de ces groupes qui appartiennent aux Nizărî, on se reportera aux précieux tableaux de TER-GHEWONDYAN, Emirates (cité n. 236), p. 181-182.

239. Les Sulaymï appartiennent aux Qaysites. M. LECKER, Sulaym, dans EI2IX, 1998, p. 852-853.

240. T. BIANQUIS, Shaybăn, Banû, dans El2IX, 1998, p. 403-405. TER-GHEWONDYAN, Emirates, (cité n. 236), p. 25-29.

241. Passion d'Habo, éd., p. 58. La date de 780 résulte d'une analyse de l'ensemble du texte. Nerse devait ensuite gagner Γ Apxazeti.

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Après que Nerse se fut enfui du Kartli, l'émir des croyants Mahdi, sur l'ordre de Dieu, envoya comme érismtavar du Kartli St'epanoz, fils de l'éristav Gürgen et fils de la sœur de Nerse, pour remplacer son oncle maternel Nerse. Nerse se réjouit de ce que le Seigneur n'ait pas enlevé le pouvoir à sa maison et il fut pris d'un intense désir. Il dépêcha des envoyés et demanda aux souverains, les émirs du pays, de lui garantir la sécurité et de le laisser revenir librement avec son peuple242.

On sait mal comment se fit concrètement l'installation des Arabes dans le Kartli, et la région de Tbilisi ne fut certainement pas au début la seule ni même peut-être la principale zone d'attraction pour des aventu­riers arabes ; dans le texte que l'on vient de citer, l'hagiographe d'Habo évoque, en les distinguant du calife, les «souverains du pays» encore appelés «émirs». Chaque gouverneur favorisait en effet la venue et l'ins­tallation de clans qui lui étaient apparentés ; et l'on peut suivre de véri­tables lignées entrecroisées de gouverneurs qui introduisirent des fer­ments de rivalités et de divisions. Tels sont sans doute «les pillages et dévastations» soulignés par la Chronique du Kartli.

Les Sulamï fournirent la première lignée243 : Yazïd b. Usayd, trois fois gouverneur entre 752 et 780, tint la province pendant environ 17 ans244 ; après 790, ses fils KMlîd245 et Ahmad246 pendant 4 ans ; enfin le frère de celui-ci 'Abdallah b. Ahmad revint pour environ 3 ans en 824247 ; entre­temps un Yûsuf b. Raghjd al-Sulami avait fait une brève apparition248 ; les Sulamï devaient plus tard former les émirats qaysites arméniens du lac de Van à Qâlïqalâ249. Parmi les Tamimï, on citera Khuzayma b. Khazim250. Les Shaybanî furent les hommes nouveaux de la fin du 8e et du 9e siècle251 : deux fois gouverneur pendant environ 4 ans, Yazïd b.

242. Ibid., p. 61. 243. Voir le tableau de TER-GHEWONDYAN, Emirates (cité n. 236), p. 183. 244. Voir plus haut n. 178. En 752-754, 759-769; de 158 (11 novembre 774-31

octobre 775) à 163 (17 septembre 779-5 septembre 780). TER-GHEWONDJAN, p. 274 n° 28, n° 31, p. 275 n° 35. CANARD, p. 428 n° 33. Yazïd doit être le fils d'Usayd qui participa aux campagnes de Marwăn b. Muhammad, voir n. 153.

245. En 177 (18 avril 793-6 avril 794). TER-GHEWONDJAN, p. 277 n° 51. CANARD, p. 432 n°45.

246. De 179 (27 mars 795-16 mars 796) à 181 (5 mars 797-21 février 798) ; et en 195 (4 octobre 810-23 septembre 811). TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 56 et 280 n° 71. CANARD, p. 433 n° 49 ; il ne mentionne pas le second gouvernement.

247. De 209 (4 mai 824-23 avril 825) à 211 (13 mars 826-ler avril 827) et en 214 (11 mars 829-27 février 830). TER-GHEWONDJAN, p. 281-282 n° 86 et p. 282 n° 90. CANARD, p. 438 n° 70 ; il ne le mentionne pas en 829.

248. En 170 (3 juillet 786-22 juin 787). TER-GHEWONDJAN, p. 276 n° 42. CANARD, p. 431 n° 38.

249. TER-GHEWONDYAN, Emirates, p. 79-82. MARTCN-HISARD, Constantinople, p. 372-373.

250. Voir n° 174 : en 785-786 et en 803-807. TER-GHEWONDJAN, p. 276 n° 41 et p. 279 n° 63. CANARD, p. 430-431 n° 37 et p. 434 n° 56.

251. Voir le tableau de TER-GHEWONDYAN, Emirates (cité n. 136), p. 182.

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Mazyad252 fut suivi par ses trois fils : Asad à deux reprises pendant 2 ans253, Muhammad brièvement254 et surtout, après dix ans d'absence, IÇhalïd255 auquel succéda son fils Muhammad256; les Shaybäm furent actifs tout au long du 9e siècle, particulièrement dans le Kartli et l'Arrän257.

À la différence de l'époque précédente, les gouverneurs pouvaient ainsi s'appuyer sur des éléments arabes plus ou moins permanents et cherchant à titre privé à se faire une place, malgré d'inévitables difficul­tés avec les populations locales. Le terrain religieux devint aussi une nouvelle raison de tensions. L'installation massive des Arabes fut accompagnée de mouvements de conversions de chrétiens à l'islam, source de problèmes pour les chrétiens affrontés à ces apostasies, tandis que les Arabes redoutaient des conversions en sens inverse. On devine assez tôt ces phénomènes. Le synode réuni à Bardha'a en 768 par le catholicos arménien Sion Ier se plaint des entraves mises par les autorités musulmanes locales au déplacement des évêques, et sa condamnation des mariages avec les «païens» c'est-à-dire les musulmans indique l'existence et sans doute le développement de telles unions qualifiées de «sales et impies» tandis que les dangers qui pèsent sur les chrétiens emmenés en captivité sont également soulignés258. Et l'on comprend les propos de l'auteur de la Passion d'Habo qui, écrivant au tout début du 9e siècle, évoque en ces termes les années 780 :

Par la férocité et la rase, au moyen de machinations séductrices, les dominateurs de ce temps, ceux qui nous surveillent, nous qui habitons cette partie du monde, ces gens qui se sont écartés du Christ à cause d'un enseignement fallacieux et de la religion qu'ils ont eux-mêmes instituée,

252. De 170 (3 juillet 786-21 juin 787) à 172 (11 juin 788-30 mai 789) ; de 183 (12 février 799-31 janvier 800) à 185 (20 janvier 801-9 janvier 802). TER-GHEWONDJAN, p. 276 n° 43, p. 278 n° 60. CANARD, p. 431 n° 39, p. 433 n° 53.

253. De 185 (20 janvier 801-9 janvier 802) à 186 (10 janvier 802-29 décembre 802) ; de 194 (15 octobre 809-3 octobre 810) à 195 (4 octobre 810-23 septembre 811). TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 61 et p. 279 n° 70. CANARD, p. 434 n° 54, p. 435 n° 60.

254. De 186 (10 janvier 802-29 décembre 802) à 187 (30 décembre 802-19 décembre 803). TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 62. CANARD, p. 434 n° 55.

255. De 212 (2 avril 827-21 mars 828) à 217 (7 février 832-26 janvier 833) ; en 841 (nomination qui fut annulée) ; de 227 (21 octobre 841-9 octobre 842) à 228 (10 octobre 842-29 septembre 843) ou 230 (18 septembre 844-6 septembre 845). TER-GHEWONDJAN, p. 282 n° 91, p. 283 n° 101 et p. 283 n° 104. CANARD, p. 438-440 η ° 71, p. 442 n° 733 et p. 444-445 n° 75. On verra plus bas, n. 327, que le premier gouvernement de Khălîd a peut-être commencé en 211.

256. De 228 ((10 octobre 842-29 septembre 843) ou 230 (18 septembre 844-6 sep­tembre 845) à 234 (5 août 848-26 juillet 849) ; en 241 (22 mai 855-10 mai 856) et en 878. TER-GHEWONDJAN, p. 284 n° 105, p. 284 n° 111 et 118. CANARD, p. 445-446 n° 76, p. 448 n°80.

257. D'autres Shaybănî devaient encore jouer un rôle dans les années 870-880, notam­ment 'Isa b. al-Şhaykh b. al-Salîl al-Ş_haybăm de 256 (9 décembre 869-28 novembre 870) à 269 (21 juillet 882-10 juillet 883) : TER-GHEWONDJAN, p. 284 n° 116 ; CANARD, p. 449-451 n° 83.

258. MAHÉ, Église (cité n. 123), p. 487-488.

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ont trompé beaucoup de monde et les ont détournés du chemin de droi­ture ; ils ont fait pécher contre la vérité de l'Évangile du Christ ceux qui étaient venus à la religion par la sainte grâce du baptême depuis plus de cinq cents ans. Ils ont perverti ceux qui avaient été depuis lors et jus­qu'alors des descendants de chrétiens, qui par la violence, qui par le men­songe, les uns en profitant de leur jeunesse ignorante, d'autres par la per­fidie. Quant aux autres, croyants comme nous, ployant sous l'esclavage de la violence, enchaînés par le dénuement et la pauvreté comme par le fer, frappés et tourmentés sous leur impôt, cruellement opprimés, ils sont épuisés de peur et tremblent comme des roseaux sous des vents violents. Mais par l'amour et la crainte du Christ, en suivant la traditionnelle voie de leurs pères, patients dans les épreuves, ils ne se sont pas éloignés du Fils unique né de Dieu. Telle est l'époque au cours de laquelle ce saint martyr a fait preuve de vaillance259.

Au-delà des excès du discours hagiographique, on retrouve en fili­grane la présence inquiétante de la déviance religieuse que serait l'islam, le développement d'apostasies et, comme toujours, le caractère intolé­rable de l'impôt et de l'autorité étrangère.

Ces diverses sources de tensions expliquent une révolte qui éclata en Annïniya dès la mort d'al-Mahdï (4 août 785) et qui ne fut réprimée qu'en 786 sous le calife al-RasJiïd :

L'Armïniya s'était révoltée après la mort d'al-Mahdï et la révolte n'avait pas cessé à l'époque de Musă al-Hadï. Lorsque al-Rashïd eut donné le gouvernement de l'Armïniya à Khuzavma b. Khâzim al-Tamïmï, celui-ci y demeura un an et deux mois et y rétablit l'ordre ; le pays fut pacifié et les habitants revinrent à l'obéissance260.

L'ordre rétabli par Khuzavma b. Khâzim fut conforté par Yazîd b. Mazyad dont le gouvernement de 786/787 à 788/789 marque l'apparition des Shaybanî sur la scène caucasienne :

Il maintint très fermement l'ordre dans le pays si bien qu'il n'y eut aucun soulèvement261.

Rien dans le premier texte n'indique comment ni dans quelle région de l'Armïniya cette révolte se manifesta ni même qui furent les révoltés, et le second texte n'est pas plus précis. Mais, entre les deux passages cités, al-Ya'qûbï a noté successivement la nomination du Sulamï Yûsuf b. Rashïd, arrivé avec de nombreux Nizârites, puis celle du Shaybanî Yazïd qui introduisit de nombreux Rabi'ites qui commencèrent à dispu­ter la prépondérance aux Yéménites. On peut se demander si les troubles, qualifiés de révoltes par al-Ya'qûbï, ne furent pas plutôt le fait des Arabes. Łewond, pourtant prompt à exalter les mouvements des

259. Passion d'Habo, éd., p. 49-50. 260. AL-YA'QOBI, p. 481. Il s'agit du premier gouvernement de JÇhuzayma b. Khâzim ;

voir plus haut, n. 174. 261. AL-YA'QOBI, p. 481. Sur Yazïd, voir plus haut n. 226 ; il gouverne de 170 (3 juillet

786-21 juin 787) à 172 (11 juin 788-30 mai 789).

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Arméniens et qui dresse un sinistre portrait de Khuzayma262. ne parle en tout cas pas de révolte en Arménie à ce moment. Cette «révolte» est contemporaine de l'exécution d'Habo à Tbilisi : le jeune Arabe converti, arrêté sur dénonciation des musulmans de la ville, fut exécuté le 6 jan­vier 786,

alors que Constantin fils de Léon régnait sur les chrétiens dans la grande ville de Constantinople et que l'émir des croyants Mose fils de Mahdi régnait sur les Saracènes, tandis que Samuel était catholicos au Kartli et que St'epanoz fils de Gürgen était érismtavar, 6389 ans depuis la Création, le 6 du mois de janvier, un vendredi de l'Epiphanie... dans la ville de Tbilisi263.

Or le texte de la Passion n'indique pas alors un mouvement général de persécution ou de répression ; le prologue du texte cité plus haut montre plutôt l'épuisement et la peur qui semblent régner chez les chrétiens. En revanche, si c'est bien dans cette période qu'eut lieu l'exécution du musulman renégat baptisé sous le nom de Néophyte et devenu évêque du siège d'Urbnisi à l'époque du catholicos Samuel264, on voit que les Arabes étaient d'abord préoccupés du cas de leurs transfuges.

Leur seconde préoccupation concernait les chrétiens. Si Łewond ne parle pas de révolte arménienne en 786, il raconte en revanche comment Khuzayma arrêta dès son arrivée à Duin trois princes arcruni, les dénonça au calife al-Hadï qui lui donna l'ordre de les exécuter, ce qu'il fit pour deux d'entre eux, le 6 janvier 786, le troisième s'étant converti à l'islam265. Łewond ne précise pas les raisons de l'arrestation ni la nature de l'accusation ; mais on croit les deviner : non pas tant dans le fait que Khuzayma fut frappé de la belle apparence des trois princes qui venaient à sa rencontre, mais dans «l'importance du contingent d'hommes libres qui les accompagnait»266 ; une seule solution de salut fut offerte aux pri­sonniers par un musulman :

Il n'y a pas pour vous la moindre possibilité d'échapper à ses mains sauf si vous rejetez votre foi et croyez à la parole de notre prophète ; alors vous échapperez à la traîtreuse mort267.

Il s'agissait donc, semble-t-il, de neutraliser ou d'intégrer par la conversion à la société arabo-musulmane une puissante et dangereuse aristocratie militaire arménienne; et cela n'avait rien d'irréaliste, puisque, dit encore Łewond, les trois princes «aimaient et chérissaient particulièrement» le musulman qui leur conseilla la conversion, ce qui en dit long sur les liens qui avaient pu se tisser entre des membres de l'aris-

262. ŁEWOND, p. 162 : «Ce Xazm était, conformément à son nom, belliqueux et infer­nal» ; xazm signifie guerre en arménien.

263. Passion d'Habo, éd., p. 63. 264. Voir n. 164. 265. Ibid., p. 162-165. 266. Ibid., p. 162. 267. Ibid.

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tocratie arménienne et des musulmans, comme le dénonce le synode de Bardha'a.

Le dernier texte incorporé à la Vie des rois kartvéliens et concernant le gouvernement de Khuzayma268 nous met en présence d'une situation analogue à celle que décrit Lewond. Il concerne la mort du chosroïde Arčil269 :

Lorsque cinquante ans se furent ainsi écoulés, Č'ič'naum fils de Mohamed vint de nouveau et il détruisit tout ce qui était construit au Karili, et il se dirigea vers le K'axeti pour y entrer afin de le ravager et de le dépeupler totalement. Il y eut une grande peur chez les rois, les mta-vars et tout le peuple et ils étaient incapables de lui résister ; car, depuis que le Sourd avait dévasté le pays et bien que de nombreuses années se fussent écoulées paisiblement, la situation ne s'était pas rétablie. Mais saint Arčil résolut en lui-même, dans l'intrépidité de son cœur, d'aller le trouver et de lui demander la paix pour le pays, la non-destruction des églises et la non-incitation à l'apostasie270.

On trouve ici encore la venue d'un seigneur auprès du gouverneur ; ici encore le seigneur est arrêté en raison de sa beauté ; ici encore, pressé de se convertir, le seigneur est exécuté, un 20 mars, après avoir refusé de révéler où étaient cachés les trésors du royaume. Le «martyre» du prince par décapitation sur ordre de Khuzayma n'a rien à voir avec une persécu­tion générale271. Il ne semble pas que l'on puisse voir dans le prince Arčil un prince des Virk' que Łewond évoque sans le nommer après le récit de la mort des Arcruni :

Au bout d'un an de gouvernement, Muse mourut. À son époque, un išxan des Virk' fut aussi tué d'une mort cruelle, car il le fit suspendre par les pieds et par les mains, et il trancha par le milieu son âme tendre. Et ainsi, tel un agneau compté pour le sacrifice, il quitta cette vie. Et un an après avoir accompli tous ces forfaits il mourut272.

Le responsable n'est pas ici Khuzayma. mais le calife en personne, en sorte que, la date exceptée, aucun lien direct ne peut être établi ni avec les Arcruni, ni avec Habo273, ni même avec Arčil. Il s'agit d'une exécu-

268. On peut admettre, avec TOUMANOFF, Studies, p. 399-400, que les événements que l'on va évoquer datent de 786 et du premier gouvernement de Khuzayma, encore que, prise au pied de la lettre, la date suggérée par la source, cinquante ans après l'expédition de Murvan, nous place en 790, entre ses deux gouvernements.

269. Sur ce personnage qui se promène dans le temps de 640 aux années 780, voir plus haut, n. 173.

270. Chronique du Karili, p. 245 ; voir plus haut, n. 174, où l'on a déjà utilisé en partie ce texte.

271. Khuzayma, d'abord séduit par la beauté du prince, tente en vain d'obtenir son abjuration ; puis, averti de ses origines royales, il le fait exécuter parce qu'il refuse de révéler l'endroit où sont cachés les trésors royaux.

272. Ibid., p. 165-166. Al-Hâdï est mort en septembre 786. 273. Si le prince des Virk', évoqué par Łewond, était l'érismtavar Sťepanoz, on en

trouverait, je pense, mention chez l'hagiographe qui a souligné les efforts de Sťepanoz pour obtenir la grâce d'Habo.

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tion qui a pu avoir lieu à Bagdad et dont le seul trait commun avec les autres est la date qui a frappé le seul Lewond.

En revanche, que les exigences matérielles des Arabes aient été fortes à ce moment semble vrai. L'historien arménien Łewond évoque ainsi, à l'époque du catholicos Esayi Ier (775-788)274, les pratiques d'un lieute­nant du gouverneur :

Dans son excessive cruauté, il fit durement souffrir les habitants du pays par la perception d'impôts. Tous les naxarars et les gens du peuple avec les clercs et le catholicos qui s'appelait Esayias se rassemblèrent près de lui et le supplièrent d'alléger le carcan du fardeau de l'impôt qu'il exi­geait, mais ils n'obtinrent rien,... il envoya tout de suite partout dans le pays des percepteurs avec ordre de ramasser d'un seul coup le double de ce qui était exigé annuellement275.

Le récit de la fuite de nombreux naxarars arméniens, qui s'ensuivit en 787-788, éclaire ce qui sera peu après la fuite des Bagratides ibères :

L'ennemi se mit à poursuivre les fugitifs avec son armée ; il arriva aux frontières des Virk' dans la région de Koł. Les Arméniens lui livrant bataille le firent fuir et en tuèrent certains ; quant à eux ils traversèrent le fleuve Akampsis qui prend sa source dans la région du Tayk', coule vers le nord-ouest en traversant l'Eger et se jette dans le Pont. Et lorsqu'ils eurent traversé le fleuve, la nouvelle en parvint au roi des Grecs Constantin qui les fit venir auprès de lui276.

Une fois de plus comme en 771, les Arméniens se sont portés vers le pays des Ibères, mais plus au sud, dans le canton mieux connu sous le nom de Kola, sur le Kur supérieur. Quel que soit l'endroit où eut lieu ensuite la traversée du Tchorokh/Akampsis, aux confins du Tayk' et du K'iarjeti, ou dans la région d'Art'anujî, il est clair que c'était là un terri­toire que l'on savait relativement protégé de l'emprise arabe.

Une vingtaine d'années devait encore s'écouler au cours desquelles se produisit en 183 (12 février 799-31 janvier 800) un grand raid des Khazars, qui frappa surtout la région d'al-Bab277, mais peut-être aussi Tbilisi278. Personne ne se douta sur le moment qu'il s'agissait du dernier raid des Khazars en Caucasie méridionale. Mais le plus intéressant pour nous est la cause qu'on lui prête : une crise entre les habitants et un gou­verneur hautain qui dégénéra en un conflit interne aux Arabes279 :

274. MAHÉ, Église (cité n. 123), p. 488 et 533. 275. LEWOND, p. 167. 276. Ibid, p. 168. 277. AL-TABARI, p. 600; ARTAMONOV, p. 250-251; TOUMANOEF, Studies, p. 411.

CANARD, p. 211. 278. Chronique du Kartli, p. 249. 279. AL-YA'QOBI, p. 482 ; AL-ŢABARI, p. 600. Les habitants s'étant révoltés contre le

préfet d'al-Bäb, le gouverneur le fit exécuter ; alors son fils «entra en rébellion ouverte» et fit appel aux Khazars. Sa'ïd est gouverneur de 181 (5 mars 797-21 février 798) à 182 (22 février 798-11 février 799) ; TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 57 ; CANARD, p. 433 n° 50.

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Al-Rashïd nomma Sa'ïd b. Salm b. Qutayba al-Bâhilï. Quand il fut arrivé <en Armmiya>, l'état d'esprit des habitants s'améliora pendant quelques mois, puis il traita les princes (al-baßriqa) de façon humiliante. Alors le pays d'al-Bâb al-Abwâb se révolta contre lui280.

Or, comme le texte le laisse entendre, les problèmes sont plus anciens : le gouverneur précédent s'était en effet déjà heurté au refus d'obéissance de musulmans arrivés précédemment en Armïniya281.

Maintenir un équilibre difficile entre les divers groupes musulmans et composer du mieux possible avec les baßriqa constituaient désormais les tâches prioritaires des gouverneurs dont la personnalité revêtit dès lors une grande importance, comme il apparaît sous le second gouverne­ment du Şhaybâm Yazïd b. Mazyad vers 800-802 :

Il eut le gouvernement de l'Armïniya et de l'Adharbaidjân réunis ; une fois qu'il fut arrivé, l'état d'esprit des habitants s'améliora et la paix revint dans le pays. Yazîd tint la balance égale entre Nizârites et Yéménites et écrivit aux princes des grandes maisons royales (abnä' al-

і ) et aux princes (baßriqa ) pour donner satisfaction à leurs espoirs et l'ordre revint dans le pays282.

Cet apaisement avait son importance alors que les premières difficul­tés religieuses internes au monde musulman se manifestaient jusqu'en Armïniya, ainsi à Bardha'a où Yazïd devait laisser la vie en 801283. C'est pourquoi la nomination en 803 de Khuzayma. tristement célèbre dans la province depuis 786, ne fut pas heureuse :

Hârûn al-Rashîd nomma Khuzayma b. Khäzim al-Tamïmï qui fit arrêter les baßriqa et les abnä' al-muluk, les fit décapiter et se conduisit avec eux de la façon la plus ignoble. Alors le Pjurzân et les Şanăriyya entrè­rent en rébellion. Il envoya contre eux une armée qui fut massacrée. Il expédia alors contre eux Sa'd b. al-Hayţham b. Shu'ba b. Zăhir al-Tamïmï à la tête d'une armée considérable. Sa'd combattit les Pjurzân et les Şanăriyya , les chassa du pays et s'en retourna à Tiflis. Khuzayma b. Khäzim resta moins d'un an, puis il fut destitué284.

La politique de Khuzayma provoqua donc un véritable embrasement de la Géorgie centrale et orientale qui fut suivie d'une forte émigration. Et pourtant désordres et agitation continuèrent à régner au Kartli et en K'axeti, même après le renvoi de Khuzayma ; sous son successeur :

280. AL-YA'QOBI, p. 482 ; AL-ŢABARI, p. 600. Le conflit oppose le gouverneur Sa'ïd b. Salm au préfet d'al-Bâb qui fut exécuté ; son fils fit alors appel aux Khazars. Sa'ïd est gouverneur de 181 (5 mars 797-21 février 798) à 182 (22 février 798-11 février 799); TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 57 ; CANARD, p. 433 n° 50.

281. AL-YA'QOBI, p. 482, sous le gouverneur Ahmad b. Yazïd b. Usayd al-Sulamï, (795/796-797 798).

282. AL-YA'QOBI, p. 483. TER-GHEWONDYAN, Emirates (cité n. 236), p. 28. 283. C'est le début des mouvements khăridjites. 284. AL-BALADJJURI, p. 483.

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aucun de ses ordres n'était exécuté et peu s'en fallut que le pays n'échap­pât à son autorité285.

La révolte des Şanăriyya reprit en 809 sous le gouverneur al-'Abbâs qui se montra impuissant286. À l'origine des difficultés avec les habi­tants, il y avait à l'évidence au moins les questions fiscales, comme le souligne, pour cette période, al-Balâdhurî dont on a cité le jugement plus haut287. Mais la coexistence entre Arabes d'origine diverse et leurs rela­tions avec le gouverneur restaient aussi des sources de problèmes. C'est leur agitation en tout cas qui s'exprime, toujours en 809, sous le troi­sième gouverneur de cette année, Asad b. Yazïd b. Mazyad288 :

Al-Amïn nomma au gouvernement de l'Armïniya Asad b. Yazïd b. Mazyad. Il y arriva alors qu'avaient pris possession d'une région du pays Yahyă b. Sa'd, surnommé "Étoile du Matin" et Isma'ïl b. Shu'ayb. mawlä de Marwän b. Muhammad b. Marwän, qui étaient dans la région du Djurzân. Il s'empara d'eux en usant de rase, puis il se montra bien­veillant à leur égard et les laissa libres. Il se comporta avec noblesse et générosité289.

Yahyă b. Sa'd peut avoir quelque parenté avec le général Sa'd b. al-Haytham b. Shu'ba b. Zähir al-Tamïmï, que Khuzayma chargea en 805/806 de la répression et qui revint à Tiflïs290. La Chronique du Kartli parle un peu plus tard, de la présence à Tbilisi, en deux moments succes­sifs, d'un Ali ou d'un «[labia] fils de Šuab»291 dont on fait souvent le frère d'Isma'ïl, mais qui peut être ce même Yahyă292. Quant à Isma'ïl b. Shu'ayb. il est défini comme un mawlä de Marwän b. Muhammad293, ce qui n'est pas sans poser quelque problème294 ; on ne sait depuis quand il se trouvait au Kartli295 ; s'il est resté depuis l'époque du gouvernement de Marwän, il était certes fort vieux en 809, mais il a dû avoir le temps

285. AL-YA'QOBI, p. 483. Le nouveau gouverneur Sulaymän arrivé en 192 (6 novembre 807-24 octobre 808) est remplacé dès 193 : TER-GHEWONDJAN, p. 279 n° 64 ; CANARD, p. 434-435 n° 57.

286. AL-YA'QÜBI, p. 483. Al-'Abbâs b. Zufar al-Hilâlï nommé en 193 (25 octobre 808-14 octobre 809) ; TER-GHEWONDJAN, p. 279 n° 66 ; CANARD, p. 435 n° 58.

287. Voir n. 234. 288. Asad qui avait déjà gouverné à la mort de son père, pendant deux ans en 801-802,

gouverne de 809/810 à 811 ; TER-GHEWONDJAN, p. 278 n° 61 et p. 279-280 n° 70 ; CANARD, p. 434 n° 54 et p. 435 n° 60.

289. AL-YA'QOBI, p. 483.

290. Voir plus haut, n. 283. 291. Chronique du Kartli, p. 252 : Ali, d'après des manuscrits tardifs, labia dans les

manuscrits anciens. 292. CANARD, p. 394 ; MINORSKY - BOSWORTH (cité n. 34).

293. La traduction du texte laisse comprendre que le mawlä est Isma'ïl. MINORSKY -BOSWORTH (cité n. 34) semblent dire que le mawlä est Shu'ayb.

294. Marwän étant mort en 750, Ismä'il ne peut être que très âgé en 809. 295. Pour MINORSKY - BOSWORTH (cité n. 34), p. 491, il s'est établi sous al-Amîn, mais

aucune source ne permet de préciser le moment de sa venue.

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de tisser des liens avec les Kartvéliens, et peut-être à Tiflïs où son fils Ishäq est mentionné peu après296.

Alors que la sédition de Bäbak devenait la grande affaire des gouver­neurs depuis 816, une seconde révolte éclata au Djurzän, sous le gouver­neur 'Abdallah b. Ahmad al-Sulamï entre 824/825 et 826/827, une révolte qui marque un tournant puisque, pour la première fois à notre connaissance, le mouvement associa des Arabes et des dhimmi contre le gouverneur.

Muhammad b. 'Attăb s'était rendu maître du Djurzän et les Şanăriyya s'étaient joints à lui297.

On possède peu d'informations sur ce Muhammad qui prit vraisem­blablement le contrôle de Tiflïs298, mais étendit largement son autorité dans la partie orientale du Kartli. Or la présence d'Ishâq b. Shu'ayb est attestée à Tiflïs, avant 827, avec une puissance certaine et apparemment officielle299; lui, comme [Iahia], avaient pu bénéficier de la bien­veillance manifestée aux révoltés de 809. Muhammad aurait donc spolié Ishäq et il faudra toute l'énergie du gouverneur Khälid. nommé en 827/828, pour dissocier les alliés, obtenir la soumission de Muhammad b. 'Attăb et vaincre ensuite les Şanăriyya :

Khälid marcha contre eux, leur livra un combat au Pjurzän, les mit en fuite et s'empara de leurs troupeaux, puis il les invita à faire la paix et la leur accorda moyennant la livraison de 3000 juments et 20 000 mou­tons300.

La suite du texte d'al-Ya'qûbï comporte malheureusement une lacune qui laisse pourtant entrevoir que l'apaisement fut de courte durée et que la révolte, ou une autre reprit, ce que tend à confirmer al-Baladhurî :

Khälid b. Yazïd b. Mazyad qui gouverna <les baßriqa> pendant le cali­fat d'al-Ma'mûn accepta leurs cadeaux et usa de familiarité avec eux. Mais une telle conduite de sa part les incita au désordre et les enhardit contre ceux des gouverneurs qui lui succédèrent301.

C'est à Khalîd que la Chronique du Kartli attribue, au cours de son premier gouvernement (827/828-832/833), l'installation à Tbilisi de [Iahia] fils de Šuab, tout en affirmant peu après que, lors d'une nouvelle campagne de Khalîd.

296. Son fils, le futur émir Ishäq, est dit al-Tiflïsï (AL-YA'QÜBI, p. 486), mais je ne sais pas si la nisba souligne ici sa carrière dans la ville ou sa naissance.

297. AL-YA'QOBI, p. 486 ; la fin du texte comporte malheureusement une lacune. 298. CANARD, p. 394-395 ; MINORSKY - BOSWORTH (cité n. 34), p. 491. 299. L'installation d'Ishaq à Tiflïs est souvent placée après la répression du mouve­

ment de Muhammad b. Attăb ; or la Vie de Grigol fait de l'émir Ishäq un contemporain ďAšoť, lequel mourut en 826.

300. AL-YA'QÜBI, p. 486 301. AL-BALADHURI, p. 561.

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Sahak' fils d'Ismael siégea de nouveau comme émir à Tbilisi302.

On voit ce dernier peu après, entre 833 et 835, sous le gouverneur al-Hasan b. 'Alï303, se faire prier pour accomplir ses responsabilités fiscales ; ce second émirat est donc détenu officiellement, mais Ishäq est maintenant sur la voie de l'insubordination :

Il écrivit à Ishäq b. Isma'ïl b. Shu'ayb al-Tiflïsï au sujet du versement de l'argent des impôts. Ishäq atermoya et renvoya les messagers. Alors al-Hasan b. 'Alï marcha contre Tiflïs et quand il fut près de la ville, Ishäq vint le trouver et lui donna de l'argent. Alors il s'en retourna304.

Al-Balâdhurï, plus sévère à l'égard du gouverneur, note une fronde quasi générale des Arabes de la province et notamment d'Ishâq :

Il manqua de sévérité à l'égard des princes et des nobles (ahrăr) du pays, les traita avec douceur si bien que leur esprit de rébellion contre le pou­voir et leur appétit de domination sur les populations sujettes qui leur étaient voisines ne firent que croître. Ishäq b. Isma'ïl b. Shu'ayb, un client des Umayyades, se rendit maître du Djurzän305.

Ainsi tout laisse penser que la répression de la révolte du Djurzän en 805-806, en provoquant la fuite d'un certain nombre de gens et sans doute des meneurs, a décapité la population locale et laissé le champ libre, au centre du Kartli, à des forces locales arabes, dont certaines peut-être anciennement implantées. Tiflïs est devenu l'enjeu de leurs ambi­tions. On peut ainsi reconstruire une grille de l'histoire de la ville et de sa région à ce moment : entre 803 et 806, grande révolte des habitants du Djurzän et des Sanariyya qui sont battus et «chassés du pays» ; entre 809 et 824, présence à Tiflïs de [Iahia] fils de Šuab (un ancien révolté ?) puis d'Ishâq, fils d'un révolté local, qui exerce un premier émirat légal ; entre 824 et 827, remplacement d'Ishâq par Muhammad b. 'Attab qui réunit dans son soulèvement des Arabes et des habitants du Kartli, dont les Sanariyya ; en 827/828 remise en ordre par Khalîd et début du second émirat de Ishäq, peut-être en liaison au début avec [Iahia] ; à partir de 833, premiers signes d'indépendance d'Ishâq.

Les premières décennies du 9e siècle ont donc été décisives pour l'his­toire du Djurzän dont le cœur, Tiflïs, amorce une évolution propre ; elles mettent aussi en présence de premières collusions entre musulmans et chrétiens dans le Kartli oriental. En revanche, dans cette même période mais dans d'autres régions du pays, l'Empire byzantin trouva les

302. Chronique du Kartli, p. 254. Sur les gouvernements de Khălid. voir n. 254. D'après les événements qui suivent, on voit que cette campagne date de son premier gou­vernement qui prend fin en 832/833. L'installation de Ishäq ne surprend pas si, comme on

supposé plus haut, n. 291, [Iahia] n'est autre que Yahyä b. Sa'd. 303. De 218 (27 janvier 833-15 janvier 834) à 220 (5 janvier 83525 décembre 835).

TER-GHEWONDJAN, p. 283 n° 96 ; CANARD, p. 440 n° 724. 304. AL-YA'QOBI, p. 486. 305. AL-BALĂDHURI. p. 561 ; voir CANARD, p. 440.

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hommes qui allaient lui permettre de réaffirmer ses droits à être présent sur le sol géorgien.

V. L'EMPIRE BYZANTIN ET LES NOUVEAUX CUROPALATES

La Passion d'Habo nous a fait connaître en Nerse et son neveu St'epanoz les derniers érismtavars du Kartli, dans les années 771-786, et dans le père de Nerse, Adarnase, le dernier curopalate, au milieu du 8e siècle. Avant de fuir Tbilisi vers 780, Nerse avait mis en sûreté «sa femme, ses enfants et les gens de sa maison» en les envoyant en Apxazeti, «car cette terre est à l'abri de la peur des Saracènes» ; c'est là qu'il les rejoignit plus tard vers 782-783306. On ne sait rien des enfants de Nerse, probablement les trois fils mentionnés dans les listes et dont on doute qu'ils aient été éristavs du Kartli autrement que de nom307. Le der­nier est Adrnese/Adarnase, au nom plein d'ambiguïté308, père de Gürgen éristav et d'Ašoť curopalate ; il ne peut être que le personnage cité par la Chronique du Kartli, à la fin du 8e siècle :

Le Bagratide Adarnase acquit le tiers du K'iarjeti, du Šavšeti, de Γ Ač'ara, du Nigali, de l'Asispori, de l'Art'aani, du T'ao Inférieur ainsi que les forteresses que possédaient les petits-enfants du roi Vaxt'ang. Et Adarnase partit dans le K'iarjeti où il mourut309.

On ne sait rien de plus sur lui, sinon ses liens tissés avec les Chosroïdes310. La Chronique n'établit pas de parenté entre Adarnase et Ašoť, mais il paraît difficile de ne pas voir en eux le père et le fils cités dans les listes.

Les sources sont beaucoup plus développées en ce qui concerne son fils Ašoť. Mais, pour comprendre leur témoignage, il faut les lire ensemble, c'est-à-dire croisées, car l'une, la Vie et histoire des Bagratides, s'intéresse aux aspects régionaux du pouvoir ďAšoť, tandis que l'autre, la Chronique du Kartli, ne le voit que dans la perspective de l'histoire du Kartli central. On citera donc ces textes en les découpant en paragraphes numérotés indiquant l'ordre dans lequel il convient de les lire pour suivre les traces de celui grâce auquel Constantinople se réin­troduisit dans l'histoire du monde géorgien.

La Vie et histoire des Bagratides donne un texte long, dans lequel on notera la brièveté du paragraphe 5 :

(1) Le curopalate Ašoť commandait sur le pays et il avait pour résidences Bardav et Tbilisi et il possédait le pays alentour.

306. Passion d'Habo, éd., p. 59. Voir plus haut, n. 222. 307. Voir plus haut, n. 213. 308. Voir plus haut, p. 41. 309. Chronique du Kartli, p. 251. 310. Ibid. : sa fille Lat'avri a épousé le dernier fils du roi Arčil, Juanšer.

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(2) Ensuite la domination des Agarènes se renforça et ils commencèrent à traquer le curopalate Ašoť. Ašoť ne put leur résister et il partit. (3) Il partit pour aller dans le territoire grec, en emmenant avec lui sa femme et deux jeunes fils, Adarnase l'aîné et Bagrať le second ; son der­nier fils, Guaram, n'était pas encore né. Son armée propre, des cavaliers, peu nombreux, l'accompagnait, avec femmes et enfants. Ils arrivèrent dans la montagne du Javaxeti, au bord du grand lac Paravani ; ils firent une pause et descendirent de cheval pour se reposer au bord du lac. Après avoir mangé du pain, ils s'assoupirent un peu. De grandes armées de Saracènes tombèrent sur les donneurs. Mais Dieu secourut le curopalate Ašoť et donna la victoire à sa minuscule armée et ils firent un immense massacre. (4) Partant de là, ils arrivèrent dans le qevi de Šavšeti. Le qevi de Šavšeti était alors désert, à l'exception de quelques villages. Car, à l'époque de la domination des Perses, il avait été dévasté lorsque le Sourd, le Bagdadien, détruisit toutes les forteresses et traversa le Šavšeti et le Łado. Après cela une épidémie de dysenterie dévasta encore le Šavšeti et le K'iarjeti, et il ne resta ici et là que quelques hommes. Les gens qui demeuraient encore dans le Šavšeti l'accueillirent avec joie et amitié et il s'y installa. Dieu lui donna la victoire et la souveraineté sur le Šavšeti-K'larjeti. D'une part il acheta des villages, de l'autre il restaura des zones désertes et le curopalate Ašoť multiplia les villages dans ces régions. Dieu lui donna la souveraineté et la fortifia par la volonté du roi des Grecs. Le curopalate Ašoť trouva dans les forêts du K'iarjeti un rocher que Vaxt'ang Gorgasali avait autrefois transformé en forteresse sous le nom d'Art'anujï. Elle avait été ruinée par Q'ru, le Bagdadien. Ašoť la restaura et édifia lui aussi une forteresse. Par-devant et en contrebas, il construisit une ville. Il fonda dans la forteresse une église des Saints-Apôtres Pierre et Paul à l'intérieur de laquelle il fit son tombeau et il prit la forteresse comme résidence. (5) Il rétablit ensuite son pouvoir sur le pays jusqu'aux portes de la ville de Bardavi et Dieu donna de multiples manières victoire et grande gloire au curopalate Ašoť dans les guerres. (6) Un jour Ašoť partit rassembler des forces militaires pour se battre contre les Saracènes. Il arriva en un certain endroit et envoya des gens recruter une armée, mais, avant que l'armée ne l'ait rallié, des Saracènes tombèrent sur lui à Γ improviste et le mirent en fuite. Il s'éloigna et arriva dans le qevi de Nigali311. Il commença à chercher son armée pour aug­menter ses forces militaires. Ceux auxquels il en donna l'ordre se mirent en route pour le rejoindre, mais ils venaient pour le tuer. Ašoť ignorait leur trahison avant qu'ils n'arrivent à sa porte312 ; mais, lorsqu'ils arrivè­rent à sa porte, il réalisa alors quel était leur dessein. Et il n'avait pas sa propre armée, sinon un petit nombre. Il ne pouvait pas leur résister. Aussi le curopalate Ašoť se réfugia-t-il dans une église. Ils le tuèrent à l'épée sur l'autel et l'autel fut rougi de son sang, car c'est là qu'ils le tuèrent, tel une brebis, sur les gradins de l'autel ; et son sang répandu se voit aujour-

311. Le Nigali, dans le K'iarjeti, correspond à la vallée inférieure du Tchorokh, au sud du confluent de l'Imerxevi ; HEWSEN, Geography, p. 210, n. 261.

312. Porte : k'ari, ce qui désigne souvent le palais, le lieu du pouvoir, c'est-à-dire sans doute ici la tente du prince.

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d'hui encore nettement313. Et quand son peuple, qui se trouvait à Dolisq'ana314, apprit que leur seigneur Ašoť avait été tué par les fils d'Oroz-Morozi, ils quittèrent Dolisq'ana et poursuivirent les meurtriers de leur seigneur. Ils les rejoignirent dans le savane du C'oroxi315 et ils les tuèrent sauvagement jusqu'au dernier. Ils emportèrent le défunt curopa-late Ašoť et l'ensevelirent dans le tombeau de la forteresse d'Art'anuji, en l'église des Saints-Apôtres. Le curopalate Ašoť fut tué en l'an 6330 de la Création, chronikon 46 du 13e cycle316, le 26 du mois de janvier. Il laissait trois fils : Adarnase l'aîné et Bagrať le cadet, qui étaient tous les deux (p. 378) avec lui quand il arriva dans le Šavšeti-K'larjeti ; le troi­sième, Guaram, naquit à son arrivée à Art'anujï. Après la mort de leur père Ašoť, les Saracènes enlevèrent aux fils d'Ašoť la région extérieure qu'ils possédaient, car ils étaient mineurs.

La Chronique du Kartli, plus brève, développe de manière originale le paragraphe 5 :

(1) Après la mort d'Adarnase, le Seigneur renforça la puissance royale du curopalate Ašoť ; il dominait le Kartli et ses confins. À cette époque en effet Maslama avait pénétré en Grèce et en était revenu vaincu et couvert de honte317. (4) Alors le roi des Grecs concéda la curopalatie à Ašoť. Les Saracènes étaient vaincus et le curopalate Ašoť se, renforça. Il ne restait plus de Saracene à Tbilisi sinon [Iahia] fils de Šuab et Grigol était mtavar du K'axeti. (5) À ce moment le curopalate Ašoť partit en campagne. Il était aidé par Tevdos roi des Apxazes, fils du second Leon ; c'était le gendre du curo­palate Ašoť318. Grigol vint du K'axeti et il était aidé par les Montagnards, les C'anares319 et l'émir de Tbilisi. Ašoť et Grigol se livrè­rent combat sur le Ksani320. Ils mirent en fuite Grigol, mtavar du K'axeti, s'emparèrent de la partie du Kartli qu'il possédait et la domination d'Ašoť s'étendifdu K'iarjeti jusqu'au Ksani. (6) Après cela l'Arabe Xalid arriva ; il soumit l'Arménie, le Kartli et le Hereti ; et ils tuèrent le curopalate Ašoť... et les Saracènes dominèrent de nouveau le Kartli321.

À travers ces textes et à la lumière de la grille chronologique précé­demment proposée, on peut lire ainsi l'histoire ďAšoť :

313. On ne peut identifier l'église de la mort d'Ašot'. 314. Dolisqana est sur la rivière d'Imerxevi. 315. Savane : lieu d'habitation, résidence, monastère (ce dernier sens ici peu vraisem­

blable) ; il s'agit peut-être du centre de la famille d'Oroz-Morozi qui pouvait se trouver dans le qevi de Nigali.

316. Soit 826. 317. S'agissant du siège de Constantinople par Maslama en 716, la phrase n'a ici

aucun sens, mais il faut y voir une indication du point de départ pour l'auteur de la puis­sance réaffirmée de Constantinople.

318. MARTIN-HISARD, Constantinople, p. 459 et n. 678. La mort de Tevdos se situe entre 825 et 8367837.

319. C'est-à-dire les Şanăriyya. 320. Voir p. 18 ; le Ksani est un affluent de la rive gauche du Kur, en amont de

Mcxeta. 321. Chronique du Kartli, p. 253.

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(1) Il a été Féristav du Kartlı, résidant à Tbilisi, dès la fin du 8e siècle ; la mention de Bardav, c'est-à-dire Bardha'a, peut évoquer une participa­tion aux actions du gouverneur Yâzid, qui mourut précisément à Bardha'a en 801322. Au témoignage des seules listes, il succéda à son père Adarnase et la Chronique met en rapport la puissance d'Asot' et la mort d'Adarnase323. Du côté byzantin, et bien que la victoire de 716 soit désormais ancienne, les succès militaires des empereurs isauriens et leur politique administrative ont, on le sait, consolidé les frontières avec le monde arabe. Ašot' est toutefois dit curopalate par la Chronique de manière anticipée.

(2) On liera le renforcement des Saracènes et la traque d'Asot' à la politique du gouverneur Khuzayma en 803, au soulèvement qui s'ensui­vit et à la répression qui provoqua en 806 le départ des révoltés. Ašoť a pu être l'un des meneurs, peut-être avec le seigneur de régions plus orientales appelé Grigol mtavar des K'axes et mentionné ultérieurement.

(3) La fuite se fit vers le territoire de l'Empire, à travers des régions dont les textes déjà étudiés montrent que les Bagratides, et notamment Adarnase, y avaient une bonne implantation. La victoire remportée en Javaxeti sur une armée, peut-être commandée par Sa'd b. al-Hayţham, suffit à assurer la sécurité des fuyards. Comme on l'a déjà vu dans le cas des révoltes arméniennes du 8e siècle, l'autorité réelle des Arabes allait s'amenuisant vers le sud-ouest.

(4) On n'insistera pas sur l'installation d'Asot', à partir de 806 ou un peu plus tard, dans le Šavšeti et dans le K'iarjeti; la restauration d'Art'anuji marque sans aucun doute un rapport de succession délibéré­ment établi avec l'ancienne royauté chosroïde ; mais, à la lecture des textes, on est bien en droit de se demander si ces territoires ne sont pas déjà considérés comme le début des territoires byzantins vers lesquels le fuyard se dirigeait, comme le début de la mouvance byzantine, ainsi que la collation du titre de curopalate à Ašoť le concrétisa. On a déjà souli­gné l'existence d'un lien entre ces régions et la curopalatie dès le 6e siècle sous l'éristav chosroïde Guaram Ier. La domination d'Asot', évoquée aussi par la Vie de GrigoP2*, fut construite progressivement, dans un respect prudent de la domination des Arabes. C'est en effet durant cette période qu'Ishäq aurait été pour la première fois émir de Tiflïs, nanti d'une autorité avec laquelle Ašoť composa manifestement, comme il ressort de la Vie de GrigoP25.

(5) La Vie et histoire des Bagratides, insiste à peine sur la grande cam­pagne menée par Ašoť contre les Arabes et qui assura son contrôle sur une région extérieure au K'iarjeti. La Chronique du Kartli en fait au contraire un événement majeur. Tout permet de penser qu'il s'agit là

322. Voir n. 283. 323. Comme ses frères, Adarnase fût peut-être un éristav «in partibus», passé

d'Apxazeti où il était réfugié dans le K'iarjeti. 324. Voir le texte cité p. 6. 325. Vie de Grigol, chap. 68 et 69.

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60 BERNADETTE MARTIN-HISARD

d'un moment de l'histoire de Muhammad b. 'Attäb qui s'était impose au Kartlı et apparemment à Tbilisi avec l'aide des Şanăriyya vers 824. Mais la campagne ďAšoť illustre les rivalités pour la domination du Kartli Intérieur, dont on a noté plus haut le morcellement326, à la faveur de la faiblesse des gouverneurs.

(6) La mort d'Ašot' intervient dans le cadre du rétablissement de l'au­torité du califat par le gouverneur Khalîd dont le gouvernement a dû commencer dans l'année 211 et non pas 212327; il agit non seulement dans les régions orientales du Kartli (et, avec les Şanăriyya vaincus des sources arabes, il faut sûrement placer Grigol mtavar des K'axes), non seulement à Tiflïs où furent installés [Iahia] puis Ishâq «pour la seconde fois», mais partout où une puissance autonome avait pu se manifester, comme celle d'Ašot', «dont la domination s'était étendue du K'iarjeti jusqu'au Ksani» ; telle est la «région extérieure» récupérée par les Saracènes, à la faveur de la minorité des fils du défunt. C'est sur ces bases territoriales que devaient se déployer ensuite les ambitions d'Ishâq.

La lamentation du moine Grigol sur la mort d'Ašot' résume bien les espoirs que son offensive militaire avait éveillés et le sentiment qui dut naître vers 827 devant la puissance réaffirmée des musulmans :

Ô mon roi puissant et noble, forteresse des églises et rempart des chré­tiens, de quelle direction t'attendrai-je ?... Car tu étais le dominateur de tous les peuples, toi qui as réduit des souverains par la guerre, admirable, noble et pieux souverain. Et tu as ainsi péri maintenant de la part de gens infâmes, impies et sans foi328.

Pour la première fois cependant et du point de vue de Constantinople, un curopalate n'avait pas été simplement le porteur d'une dignité expri­mant à titre conservatoire les intérêts politiques de l'Empire et ses droits potentiels sur le monde géorgien, mais, après une histoire cahotique, commencée en 591 et qui mit en scène ponctuellement des personnages de faible relief, un curopalate avait engagé réellement et victorieusement son épée dans une guerre contre le monde musulman. La curopalatie qui n'était pas chose nouvelle dans le monde géorgien prit donc un sens concret et dynamique avec Ašoť et elle devint l'apanage de sa famille et d'abord de son fils, selon une procédure et avec une mission dont l'au­teur de la Vie de Grigol, riche des témoignages reçus, se fait l'écho émer­veillé :

À cette époque, par la volonté de Dieu, par la volonté de ses frères et par ordre du roi des Grecs, le curopalate Bagrať reçut la curopalatie à la place du curopalate Ašoť son père... La royauté des trois frères souverains gran-

326. Voir plus haut, p. 43. 327. 211:13 avril 826-1er avril 827. Voir n. 255. 328. Vie de Grigol, 1. 589-593.

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SAINT GRIGOL DE XANCTA 61

dit par la grâce du Christ, car, avec l'aide de Dieu, ils conquirent par leur épée de nombreuses terres et ils chassèrent les fils d'Agar329.

Dieu, la famille bagratide et l'Empereur ligués contre la puissance musulmane. À quoi il conviendrait d'ajouter les moines. Car il est cer­tain que les fondations monastiques nées de l'action et du rayonnement de Grigol ne furent pas étrangères au renouveau économique du K'iarjeti330, qui donna aux Bagratides les moyens d'une politique que Constantinople allait désormais soutenir, à travers une lignée maintenant continue de curopalates.

329. Vie de Grigol, 1. 885-887, 894-896. 330. B. MARTIN-HISARD, Du T'ao-K'lardzhti à l'Athos: moines géorgiens et réalités

sociopolitiques, ixSx* siècles, Bedi Kartlisa 41, 1983, p. 34-46.

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SAINT GRIGOL DE XANCTA 63

SOURCES ET OUVRAGES CITÉS EN ABRÉGÉ

I. Sources331

AL-BALĂDHURI : AL-BALÄDHURI, Le Livre de la conquête des pays, trad. CANARD, p. 547-565.

Chronique du Kartli : éd. S. Q'AUXC'ISVHJ, Kartlis Cxovreba I (Vie du Kartli I), Tbilisi 1955, p. 249-317.

Chronique du 10e siècle : éd. I. ABULAJE, Šaťberdi k'rebuli X sauk'unisa (Le recueil de Sat'berdi du 10e siècle), Tbilisi 1979, p. 320-327.

Conversion du Kartli : éd. MLHG I, p. 81-163. HEWSEN, Geography: The Geography of Ananias of Sirak

(ASXARHAC'OYC'). The Long and the Short Recensions, trad. R. H. HEWSEN, Wiesbaden 1992 (Beihefte zum Tübinger Atlas des Vorderen Orients Reihe Nr 77).

IBN AL-FAQIH : IBN AL-FAQJH, Abrege du Livre des Pays, trad. CANARD, p. 503-510.

AL-IsTAKHRl : AL-ISTAKHRI. Le Livre des routes et des royaumes, trad. CANARD, p. 513-518.

ŁEWOND : ŁEWOND, Histoire, éd. Κ. ΕΖΕΑΝ, Saint-Pétersbourg 1887.

AL-MAS'ODI : AL-MAS'UDÏ, Les Prairies d'Or, trad. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille, revue par C. PELLAT, 3 vol., Paris 1962-1965-1971.

MLHG : Jveli kartuli agiograpiuli lit'erat'uris jeglebi. I : v-x ss (Monuments de la littérature hagiographique en géorgien ancien. I : 5e-10e s.), éd. I. ABULAJE, Tbilisi 1963.

Passion d'Habo : éd. MLHG I, p. 46-81. PSEUDO-SEBÊOS : éd. G. V. ABGARYAN, Erevan 1979. AL-TABARÏ : —AL-TABARÏ, L'Histoire des prophètes et des rois, trad. CANARD, p. 581-

646. —The History of al-Ţabarl, (Ta'rìkh al-rusul wa'-l muluk). An

Annotated Translation, (Bibliotheca Persica), 39 vol., 1980-2000.

vìe de Grigol : trad. . MARTIN-HISARD, Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : La Vie de saint Grigol de Xancta, REB 59, 2001, p. 22-91.

Vie des rois kartvéliens : éd. S. Q'AUXC'ISVILI, Kartlis Cxovreba I (Vie du Kartli I), Tbilisi 1955, p. 1-248.

Vie et histoire des Bagratides : éd. S. Q'AUXC'ISVILI, Kartlis Cxovreba (Vie du Kartli), I, Tbilisi 1955, p. 327-386.

331. Pour les sources arabes, on a cité seulement les traductions utilisées.

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64 BERNADETTE MARTIN-fflSARD

AL-YA'QOBI : AL-YA'QÜBI, Histoires, trad. CANARD, p. 477-491.

II . Lit térature

ARTAMONOV : M. I. ARTAMONOV, lstorija Xazar (Histoire des Khazars), Leningrad 1962.

BROSSET: Histoire de la Géorgie depuis l'antiquité jusqu'au xof siècle, trad. M. BROSSET, Ière Partie, Histoire ancienne jusqu'en 1469 de J.-C. (traduction), Saint-Pétersbourg 1849.

CANARD: J. LAURENT, L'Arménie entre Byzance et l'Islam depuis la conquête arabe jusqu'en 886, éd. mise à jour par M. CANARD, Lisbonne 1980.

HEWSEN, Geography: R. HEWSEN, The Geography of Ananias of Širák. The Long and the Short Recensions, Wiesbaden 1992 (Beihefte zum TAVO, Reihe Nr. 77).

ΜΑΚΠΝ-HISARD, — Constantinople : EAD., Constantinople et les archontes du monde cau­

casien dans le De cerimoniis , 48, TM13, 2000, p. 359-530. — Christianisme 1-2 : EAD., Christianisme et Église dans le monde géor-r.

gien, 1, dans L. PIETRI éd., Les Églises d'Orient et d'Occident (432-610), Paris 1999 (Histoire du Christianisme 3), p. 1169-1239 ; 2, dans G. DAGRON, P. RICHE, A. VAUCHEZ éd., Évêques, moines et empereurs (610-1054), Paris 1993 (Histoire du Christianisme 4), p. 549-603.

— Moines 1 : EAD., Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : la Vie de saint Grigol de Xancta. Première partie : Introduction et traduction, REB 59, 2001, p. 5-95.

TER-GHEWONDJAN : A. N. TER-GHEWONDJAN, Armenija i Arabskij Xalifat (L'Arménie et le califat arabe), Erevan 1977.

TOUMANOFF, Studies: . TOUMANOFF, Studies in Christian Caucasian History, Georgetown 1963.

Bernadette MARTIN-HISARD Université de Paris I Sorbonne

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OPENING SCENES OF THE SECOND ICONOCLASM :

NICEPHORUS'S CRITIQUE OF THE CITA­TIONS FROM MACARIUS MAGNES*

Michael FEATHERSTONE

Sommaire: L'auteur offre une nouvelle édition du De Magnete de Nicéphore de Constantinople en plaçant ce petit traité dans le contexte du début du Second Iconoclasme. Un quart de siècle s'étant écoulé depuis le concile de Nicée , Nicéphore se met à expliquer certaines citations provenant d'un auteur obscur, Macaire Magnés, que les iconoclastes ont annexé à leur cause. Le pamphlet qui en résulte — apparemment le pre­mier ouvrage du patriarche contre les iconoclastes — donne un exemple de la méthode philologique, pour ainsi dire, du débat entre les iconoclastes et iconodules.

Author and text

...Asking from the other licence to search through old books wherever they might be deposited, in monasteries and churches, he set about the task together with certain other disorderly and uncultivated persons ; and having gathered a great many books, they searched through them. But these fools found not what they wickedly sought, until they put their hands on the Synodikon of Constantine the Isaurian, also called Kaballinos ; and taking from here the incipits, they began to find the pas-

* Many thanks to Marie-France Auzépy and C. Mango for their comments on the type­script, and to R. Goulet for his help with the text of Macarius.

Abbreviations GOULET R. GOULET, Makarios Magnes. Monogenes (Apocriticus), Doctorat de 3e Cycle

Ancien Régime Philosophie, Paris 1974. PITRA Nicephorus, De Magnete, ed. J. . PITRA, Spicilegium Solesmense IV, Paris

1858, 302-335 and 552-553. Macarius ΜΑΚΑΡΙΟΥ ΜΑΓΝΗΤΟΣ. ΑΠΟΚΡΓΠΚΟΣ Η ΜΟΝΟΓΕΝΗΣ. Macarii

Magnetis Quae supersunt, ed. C. BLONDEL, Paris 1876. Refutatio Nicephorus Patriarcha. Refutatio et Eversio, ed. auth. [CCSG 33], Louvain-

Turnhout 1997.

Revue des Études Byzantines 60, 2002, p. 65-112.

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66 MICHAEL FEATHERSTONE

sages in the books. They brought these forth, foolishly and mindlessly, putting marks in the places they had found, wishing to convince the fool­ish rabble that 'we have found <proof> in old books that one ought not to venerate images'.

So runs the account in the Scriptor Incertus of John the Grammarian's bibliographic recourse to the acta of the Council of 754 in preparation for the Iconoclastic Council of 815.' Silly though this account appears, it is perhaps not so far removed from the truth, for at least two earlier doc­uments reflect a similar story. In a pamphlet by the Patriarch Nicephorus (806-815) commonly called Apologeticus Minor, written apparently ca. 813, we are told of certain 'conciliar acta' (πρακτικά) containing hereti­cal and falsified citations which the impious Constantine V had included in his writings against the images. These acta have now been produced, 'as assurance to the most pious Emperor' (Leo V), but this 'assurance', contends Nicephorus, ought rather to be submitted to the Church, and should the explanation of the hierarchs not suffice, the latter will con­voke an ecumenical council to decide the matter conclusively, as such matters have always been decided ; concerning images he invokes the authority of the Quinisext Council (Canon 82). Nicephorus refers specif­ically to citations 'said to be' from Epiphanius and to others by Eusebius. The Iconoclasts' use of both these authors had been refuted at Nicaea in 787, but, interestingly, Nicephorus makes no mention of the Second Nicaean Council here ; he contents himself with a brief explana­tion as to the obvious spuriousness of the citations attributed to Epiphanius. As for Eusebius, an Arian, anyone who holds his opinions will also accept those of Origen, the paragon of heresy.2

In the event, the Iconoclasts of 815 included in their conciliar flori-legium yet more citations from Epiphanius than had been brought in 754. Eusebius's letter Ad Constantiam was dropped, surely, however, on account of the furore it had incited at Nicaea rather than because of Nicephorus's pamphlet.3 Nevertheless, it has been argued — it would appear, gratuitously — that the good Patriarch's efforts with regard to citations from another author put in circulation by the later Iconoclasts prior to their Council indeed disuaded the latter from using them in 815.

1. Scriptor Incertus de Leone (V), ed. I. BEKKER, Bonn 1842, p. 3506"18. About the Scriptor Incertus, see most recently A. MARKOPOULOS, La Chronique de l'an 811 et le Scriptor Incertus de Leone Armenio : Problèmes des relations entre l'hagiographie et l'histoire, REB 57, 1999, p. 255-262, who dates it to the reign of Michael II. For the cul­tural undercurrents in the Iconoclastic Period, see most recently Kr. DEMOEN, Culture et Rhétorique dans la Controverse Iconoclaste, Byz 58, 1998, p. 311-346, esp. p. 322 sq. about books, and M.-Fr. AUZEPY, L'Hagiographie et I'Iconoclasme Byzantin, Aldershot 1999, esp. p. 211 sqq., about the interval between the two periods of Iconoclasm.

2. Apologeticus Minor, PG 100, p. 833-849, 'πληροφορία' : 845B ; council to be sum­moned : 845C and 848D-849 ; Quinisext Council : 845CD-848A ; Epiphanius : 841BC ; Eusebius: 848BCD. The contents and dating are discussed by P. ALEXANDER, The Patriarch Nicephorus of Constantinople, Oxford 1958, p. 163-165.

3. Epiphanius in Refutatio, Appendix, p. 14-17; Eusebius in A. I. SIDOROV, Posianie Evsevija Kesarijskogo Konstancii, W 5 1 , 1990, p. 58-73.

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NICEPHORUS'S CRITIQUE 67

This second text by Nicephorus, commonly known as De Magnete, is entitled Critique, that is Explanation, by the Defenders of the Correct Doctrine of the Church, of the Citations Impiously Brought against the Holy Images. We here present a new edition of it.4

As the reader will see, there is no obvious internal evidence for dating the Critique. The author styles himself 'defender of the correct doctrine of the Church', which would imply that he was still Patriarch ; and he says that in order to verify the citations from Macarius he 'set about searching for the book at once', which also points to a date before his banishment, since in his later works he complains of being restrained in his efforts of getting books.5 Though others have dated the Critique to 814/815, that is, after the Apologeticus Minor, we are of the opinion that it preceded the latter; in fact, it would appear to be the earliest of Nicephorus's extant anti-Iconoclastic works. There are no historical ref­erences here of the sort found in the Apologeticus Minor : we are not told by whom or for whom the citations from the obscure author, Macarius Magnes, have been put about; nor, evidently, has any other, better known author yet been cited. Apart from the author's vague rôle of 'defender &c.' in the title, there is no mention whatsoever of any coun­cil, or Church or secular authority ; the discussion in the text would appear to take place without historical context. Or almost so. For toward the end, in a manner reminiscent of his later works, such as the pamphlet Twelve Chapters in response to Michael II's offer of compromise in 820, Nicephorus refers to the hell awaiting those who choose heresy.6 The Critique, then, must have been a response — a quick one, like the Twelve Chapters — written when Nicephorus first got wind of what was going on : he 'set about searching for the book at once' and, apparently, com­posed his Critique straightway. Its ex tempore nature adds to the interest of this little piece. We see Nicephorus at the beginning of his oeuvre against the Iconoclasts. The theological argumentation is rudimentary, but we recognise characteristics of the rhetorical style and philological method — let us call it — which Nicephorus developped in his later polemical works. Nicephorus had assisted Tarasius in the treatment of the earlier Iconoclasts' citations at Nicaea in 787 ; and now, a quarter of a century later, he was confronted anew with the same task. The method is the same as in the Nicaean Acta and Nicephorus's later works : the search for manuscripts, citation of context, and demonstration of mis­quotation or mis-representation through insertion or deletion, followed by counter-citations from the same author. Unfortunately, as we shall see, Nicephoras displays here, as elsewhere, at least one instance of

4. Known as De Magnete after A. BANDURI, PG 100, p. 31/32. Edition by PITRA. Summarised by ALEXANDER (as in n. 2), who dates it to 814/815 and argues for its disua-sive effect on the Iconoclasts, p. 163-167. GOULET accepts the dating, but is more prudent concerning the text's influence, p. 10, n. 2.

5. Cf. Refutatio, p. 1212325. 6. Twelve Chapters, ed. A. PAPADOPOULOS-KERAMEUS, 'Ανάλεκτα Ίεροσολυμιτιχης

ΣταχυολογίαςΙ, St Petersburg 1891, . 4601< 5 ; Refutatio, 20835"36.

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68 MICHAEL FEATHERSTONE

dubious simplicity, if not outright fraudulence — as the Libri Carolini considered it in the case of Nicaea II.7 Moreover, we recognise Nicephorus's often tiresome penchant for repeating particular phrases and, amongst other of his favourite things, we hear the clear sounding of the apostolic trumpet (ICor. 14,8) ; but we are not yet treated to the hum­ming of impious wasps and other animal imagery, or the plu- and future and third-person-plural-middle perfect preciosity, of later works.8

The great attraction of the Critique, however, has to do with the source of the citations in question : a curious Late-Antique work by an author Nicephorus has never heard of. The Patriarch's approach to this text is worth observation, whatever our assessment of his ability.9 In fact, Nicephorus was not alone in his ignorance of Macarius Magnes. The lat-ter's authority had not, apparently, been invoked in 754 : there is no trace of him in the Acta of 787. Nor does anyone after Nicephorus mention him until the Jesuit Fr. Torres (Turrianus) unearthed a manuscript in Venice in the sixteenth century, from which he used extracts in his attacks on the Protestants. Having been introduced again in a religious controversy — this time on the 'Iconodulic' side —, the text of Macarius disappeared anew : by 1637 no trace of the manuscript used by Torres could be found ; and yet another manuscript of the text, discovered in Greece by A. Dumont in 1867 and used for an edition by C. Blondel, went missing at the beginning of the following century, purportedly 'for ecclesiastical reasons'. As a result of these disappearances, earlier schol­ars such as J. Boivin and M. Crusius knew Macarius's text only from Torres and the Paris manuscripts of Nicephorus's Critique, as did J. B. Pitra, the Critique's first editor (1852) ; and although Blondel's edi­tion was published in 1876, the Athens manuscript itself could not be found subsequently for inspection by G. Schalkhauser, A. v. Harnack or, most recently, R. Goulet.10

7. For Nicephorus's presence at Nicaea, cf. The Life of the Patriarch Tarasius (BHG3

1698) ed. St. EFTHYMADES [BBOM 4], Aldershot 1998, p. 2820sq. — For the possible fraud, see infra §§ 3 and 12 and notes. About the accusation in the Libri Carolini of dis­honest treatment of Patristic texts by the Iconodules at Nicaea, see AUZEPY (as in n. 1), p. 15 and n. 33.

8. Repetition : 'though not having made images in their form', infra § 9 et sqq. ; 'as you say yourself, infra § 10 et sqq. ; trumpet : § 1.

9. For a very positive assessment of Nicephorus's treatment of citations from Gregory of Nazianzus, see Kr. DEMOEN, EXPLIQUER HOMÈRE PAR HOMÈRE. Nicéphore de Constantinople philologue et rhéteur, in : Corpus Christianorum, Series Graeca 41 [Corpus Nazianzenum 8], Louvain-Turnhout, 2000, p. 147-173.

10. The extracts from Macarius (which do not include any of those treated by Nicephorus) appeared in several publications by Torres in Italy and Paris beginning in the 1550's. Edition of the Athens MS by BLONDEL in : Macarius. The most exhaustive studies of the text remain G. SCHALKAUSER, ZU den Schriften des Makarios von Magnesia [TU 31], Leipzig 1907 and A. v. HARNACK, Kritik des neuen Testaments von einem griechischen Philosophen des 3. Jahrhunderts [TU 37,3], Leipzig 1911 ; further see CPG No. 6115 ; to which add GOULET, p. 540-558.

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NICEPHORUS'S CRITIQUE 69

Though we shall not be occupied here with the text of Macarius per se, a certain knowledge of it will be necessary for the understanding of Nicephorus's Critique. It is now generally accepted that the author is the same as the Macarius, bishop of Magnesia, reported by Photius to have taken part in the Council of the Oak in 403. This identification fits well with the post-Nicaean, markedly Cappadocian Trinitarian theology as well as the internal chronology of the text, where Apostolic times are said to lie more than three hundred years in the past. The only objection raised to this identification, that the Macarius of the text was an Origenist, whereas the Council of the Oak condemned John Chrysostom for Origenism, is based on the misunderstanding of a passage in the Critique.11 Entitled Apocriticus or Monogenes, Macarius's text takes the form of responses to the objections of a Pagan philosopher to Christianity. The consensus of scholars is that the ultimate source of these objections was an Epitome of the lost work Contra Christianos by Porphyry. Macarius's text is divided into four books, of which the first, part of the second and, apparently, several folia at the end of the fourth had been lost in the manuscript edited by Blondel. In a short preface to each book (of which we have only those prefixed to Books Three and Four12), Macarius addresses a certain Theosthenes, a friend for whom he has ostensibly written the work. The text consists of sets of five or six concisely stated objections by the Pagan on a particular subject, followed by lengthier responses by Macarius in the same order ; then another set of objections, followed by another of responses, and so on to the end.

The part of Mararius's text excerpted by the Iconoclasts is in Book Four, in the last set of objections and responses. The objections run :

IV, 19 About baptism : how can it cleanse all sins (ICor. 4,11) ? IV, 20 About monarchy : how can god be monarch, unless he rules

over other gods? IV, 21 About angels : what are they but gods ? About God's finger (Ex.

31,18); IV, 22 About incarnation ; Mary ; statues vs. flesh ; IV, 23 About Moses's injunction concerning gods (Ex. 22,28) ; IV, 24 About the resurrection of the flesh ; whereupon follow Macarius's six responses (IV, 25-30).13

It is easy to understand how this part of Macarius's text, where there is mention of angels, virtue and images, could have caught the eye of a reader in the Iconoclast period. However the later Iconoclasts happened to find them, the passages excerpted from Macarius's responses, where saints are likened to angels and material images of them forbidden (IV, 27 [= response to IV, 21]), fitted well into their doctrinal programme.

11. About Macarius see GOULET, p. 71-80, who doubts Macarius's Origenism, but still admits Nicephorus's accusatory remark as a 'fragmentům', see infra § 12 and note.

12. Macarius, p. 51 and 157. 13. Macarius, p. 198-227. NB the difference in the numbering of chapters in the MS

and Blondel.

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70 MICHAEL FEATHERSTONE

One wonders why they bothered tampering with the text, leaving them­selves open to Nicephoras's otherwise weak argumentation. In any case, the decision not to include Macarius in the florilegium of 815 in all like­lihood had more to do with the latter's obscurity than Nicephorus's Critique.

The edition

The Critique has come down to us in three MSS containing Nicephorus's theological works : Coislin. 93 (C), X/XI s., foil. 587-603, Par. gr. 911 (D), X s., foil. 332v-343v, and Par. gr. 1250 (P), XIV s., foil. 126-139v. We have already given a description of and Ρ elsewhere.14

Here, then, a description of D : Par. gr. 911 (olim Colb. 354 et Reg. 2044). X s. Parchment. 396 folia. 25.5 χ 36.5 ; writing column 18.5 χ 26.5. 30 lines. Rulings LEROY lOAlm. One scribe, light/dark brown ink. Corrections by a contemporary and later hands, including the scribe/corrector of P. Three fly-leaves of parchment at the beginning, and three at the end. Contents : foil. 1-2V Pinax of Antirrheticus 3 (part. PG 100, 833) ; foil. 2V-4 Pinax of Contra Eusebium (J. B. PlTRA, Spicilegium Solesmense , I, Paris, 1852, 372 ) ; foil. 4v-5 Pinax of Adversus Epiphanidem (ibid., IV, 292-294); 5V-110 Apologeticus {PG 100, 533-832); foil. 111-152 Antirrheticus 1 (ibid., 205-328) ; foil. 152-168 Antirrheticus 2 (ibid., 329-373); foil. 168-223 Antirrheticus 3 (ibid., 376-533); foil. 223-240v

Testimonia Patrum (PlTRA [as supra], 337-370) ; foil. 241-294 Contra Eusebium (ibid., 371-503) ; foil. 294-332v Adversus Epiphanidem (idem, IV, 294-380) ; foil. 332v-343v £>e Magnete (PlTRA) ; foil. 343- Adversus Iconomachos (ibid., 233-291). The codex consists of forty-seven gatherings, all quires except the first (foil. 1-6V : three bifolia), the second (foil. 7-15v : five bifolia, with stump between 15v& 16), and the last (foil. 366-369v : a bifolium). The eleventh quire has only seven leaves (stump between 83v & 84). The twenty-third to the forty-sixth gathering have been numbered by the scribe, in the bot­tom right corner, with the numerals 9 (Θ, fol. 175) to 32 (ΛΒ, fol. 358). 15

Red leather binding with the arms of Colbert. Description in H. OMONT, Catalogue des manuscrits grecs, 1, 1886, 172 ; BLAKE, Note sur l'activité littéraire de Nicéphore I de Constantinople, Byz 14, 1939, 8-9 ; Refutatio, XXIX-XXX.

In contrast to the long neglect of Nicephorus's other theological works, interest in the excerpts from Macarius contained in the Critique

14. See Refutatio, p. Ѵ- . 15. Counting backwards from gathering 9, the first would have begun with fol. 111, at

the beginning of the first Antirrheticus. The lower part of fol. 110v, after the end of the Apologeticus, has been left blank. It would appear, then, that this second part was origi­nally bound separately, though there is no indication of any division of the edition of Nicephorus's works other man that observed in the other MSS, cf. Refutatio, p. Ѵ -xxix.

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has occasioned study of the latter and of the three Paris MSS containing it by the likes of Crusius (on the basis of a transcription by Boivin), Diibner, Harnack and, most recently, Goulet. Nevertheless, Pitra's edi­tion of the Critique was prepared on the basis of D alone, even if he later added two pages of corrections with readings taken from all three MSS (including also Crusius and Diibner). Blondel, in turn, contented himself with collating Pitra. Finally, Harnack and Goulet collated all three MSS of the Critique for the excerpts, though they had nothing but Torres and Blondel for the rest of the Macarian text.

Our business here, however, is to present the text of Macarius as Nicephorus transmits and understands it : we shall not be concerned with variants unless the text given by Nicephorus is otherwise unintelligible. In accordance with the stemma we have drawn up elsewhere for the MSS, general preference has been given to the readings of C, which, although younger than D, is more directly related to the archetype than either D or P.16 A particular problem for the editor of the Critique is posed by the numerous corrections made in this text in D. Marginal addi­tions by the contemporary corrector (e.g. τη § 1 , την § 1) indicate that, whilst D and Ρ descend from a common prototype17, the corrector col­lated D with a MS closer to the archetype (and thus to C). But even in the additions in the margin where the first corrector's hand is clearly recognisable, the teint of the ink varies considerably ; and similar varia­tion of the teint in what may or may not be the same ink in corrections in the text, most of them too small to mark any particularities of the writ­ing, make identification of all the individual correctors impossible.18 In several places, however, as elsewhere in texts common to D and P, we can distinguish the hand of the scribe of P. The latter collated D for the correction of P, but he also made his own corrections in both MSS, e.g. θέουσιν/θέωσιν, τέχουσιν/τρέχωσιν, § 10. We have rejected these autonomous corrections unless they are indeed necessary, e.g. κατέλα€ων/κατέλα€ον, § 5. In other places it is not impossible that iden­tical simple corrections in D and Ρ were in fact made independently of one another, e.g. προτάττειν/προστάττειν, § 6 ; but there are also obvious instances of later contamination, where apparent emendations in the text of Ρ (with no evidence of correction)19 have been entered in D by a later hand — clearly not that of Ρ ! —, e.g. λογίμοις/λογικοϊς, § 2 and συγγραφή/επιγραφή, § 3. Other corrections in D have nothing to do with P, such as the erroneous twofold emendation of what was originally a simple iotacism ταύτη στυ/οιχεί τη ομολογία (§ 1), or another, of ονομασία τιμώμενοι (common to D and ) to όνόμασιν άτιμώμενοι, whereas Ρ has όνόμασι τιμώμενοι (§ 10). Though, again, the palaeo-

16. See stemma in Refutatio, p. XXIX. 17. Cf. the common omission of ουδαμώς, infra § 9 and έκφανέστατα § 10. 18. As also in cases of correction by erasure, e.g. προϊών/προϊόν, infra § 1. 19. Such emendations are in evidence throughout Ρ and Vat. gr. 682 (originally the

first volume of P), cf. Refutatio, p. XXX.

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graphic evidence is insufficient to date the numerous corrections in D (except for those by the first corrector and the scribe of P), one suspects the work of a modern hand in not a few places, e.g. τράπεσθαι, § 2 — even fiercely pedantic Ρ has τράπεσθαι.

In this edition we have tried to present the language of the archetype, best reflected, despite its multifarious errors, by C. Thus, for example, we retain τράπεσθαι, as well as the accentuation of enclitics in the codices. C's ubiquitous ν-έφελκυστικόν has also been retained.

Iotacisms and the like have been left out of the apparatus unless they provide evidence for the relation of the MSS.

The chapters in the text are of our own making. For clarity, we begin a new paragraph after the first citation of each excerpt from Macarius (printed in dark type), though not when Nicephoras repeats passages in his discussion.

CRITICISM, THAT IS EXPLANATION, BY THE DEFENDERS OF THE CORRECT DOCTRINE OF THE CHURCH, OF THE CITATIONS IMPIOUSLY

BROUGHT AGAINST THE HOLY IMAGES

1. The words transmitted by God in the sacred Scriptures manifestly proclaim that it was ordained of old in didactic fashion by the heralds of truth unto those justified in their faith in our Lord Christ, who have cho­sen to abide in Him in love for one another and the keeping of divine commandments, enriched as they are in knowledge by the gift of the divine Spirit, that one must not believe in every spirit, but must try those which come from on high, from divine inspiration and confession in Christ, that He came into this world in the flesh, fragrant with Grace ; and they must recognise that those spirits which come but do not bring this proclamation are of this world and have clearly arisen from and are ruled by the spirit of the Enemy. We too, then, need follow these divine and useful injunctions, in as much as we have set for ourselves a heav-

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SIGLA

Codices : Coislin. 93 (X/XI s.)

D Par. gr. 911 (X s.) Ρ Par. gr. 1250 (XIV s.) codcLcodices Nicephori

Editìones : Pitra PiTRA Goulet GOULET Macarius Macarius (ed. BLONDEL)

Έπίκρισις fjxoi διασάφησις τ ο ν ούκ εύαγώς έκληφθεισών κατά τ ο ν ιερών εικόνων χρήσεων γενομένη 1 παρά τ ο ν

προεστώτων τοο όρθοϋ τΐ}ς εκκλησίας δόγματος .

1. Αι των ίερογράφων δέλτων θεοπαράδοτοι ρήσεις εμφανώς διαγορεύουσιν ως έπεστέλλετο ποτέ διδακτικώς παρά τών κηρύκων της αληθείας τοις έν πίστει τη εις Χριστον τον θεον ημών δεδικαιωμένοις, τη τε αγάπη τη προς αλλήλους και τηρήσει τών θείων εντολών2 έν αύτώ έμμένειν προηρημένοις3, ως δη τήν γνώσιν της4 του θείου πνεύματος δωρεάς καταπλουτησασιν, μη πιστεύειν παντί πνεύματι, άλλα δοχιμάζειν τα 5 ανωθέν τε και έκ θείας έπιπνοίας έπιφοιτώντα και της εις Χριστον ομολογίας, ως εις τόνδε τον κόσμον έλήλυθεν σαρκι τήν χάριν εύωδιάζοντα6, α δε προσιόντα7 τούτο μη φέρει το κήρυγμα έκ του κόσμου τε είναι γινώσκεσθαι και σαφώς παρά του εναντίου ώρμήσθαι8 και αγεσθαι πνεύματος9, τούτοις οδν τοις θείοις και όνησιφόροις παραγγέλμασιν και ήμας επεσθαι χρεών, ατε ούράνιον κεκτημένους10 το

γενομένη ex γενομέν Dsscn 2cf Joh. 13,34 3προτ)ρημένοις Pitra : προειρημένοις codd. (ex -μένος Dsscr) 4της : τη 5lJoh. 4, 1 6(εύ)ο(διάζοντα) Decorr· Pitra cf. Eph. 5, 2 ; Mat. 5, 19 7προσίοντα 8ό(ρμ)α(σθαι)Ρβ<Χ,ΓΓ· 9cf. lJoh. 4, 3 10κεκτημένος

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enly intention, desiring to sully our souls with no earthly thing or stain of dust, equipped most securely with faith in Him, perfected most surely by love, keeping our senses exercised in the discernment of better and worse through study of sacred Writ and the teachings and counsels of the God-bearing Fathers, — the intention to choose that which is advanta­geous and to cast away whatever is harmful and repugnant. It therefore behooves us now, in our zeal for discernment of these things with acu­men and precision, to honour and embrace every spirit obedient to the healthy doctrine of the Church, as divine and coming from on high, but to reject wholly and cast away any which does not accord with this con­fession, recognised as proceeding from the preference for this world and the flesh. So enjoins the Apostle's command, resounding more loudly and distinctly than a trumpet, that we, forewarned and put in safety through such exhortations, should not be seduced by strange and alien voices nor led astray by the self-love and madness of those who teach foreign doctrines, in as much as they know not, either through inatten­tion or intemperance, what they say or what they affirm (for, even if some of these latter ever be in the spirit of God, they speak mysteries not for the edification and benefit of their hearers, but, forever stricken with contention and passion of mind, they twist to their own desire whatever has been well and properly set forth by Holy Writ and God-bearing Doctors of the Church, expounding falsely in order to deceive the inno­cent and simple, and they lead many astray, inciting their simplicity with fury ; they divert from the Royal path and cast down from precipices into the abyss the souls of whomever they might convince into disregarding even the ordinances of men ; they offer nothing spiritual or worthy of spiritual grace, but speak from their belly ; they attempt to pervert the correct doctrines of piety and, counting as naught the glory of God, they look for one thing only: that in their love of power they might procure for themselves honour, this same being in fact the source of all manner of shame and dishonour) ; and that we should watch in all things and

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φρόνημα καΐ μηδέν γήινον καί του χοώδους ρύπου κατά ψυχήν έθέλοντας έπισύρεσθαι, πίστει τε τη11 είς αυτόν κατηρτισμένους ασφαλέστατα καί αγάπη τετελειωμένους12 βεβαιότατα, καί τα αισθητήρια γεγυμνασμένα έχοντας προς διάκρισιν του βελτίονος καί του χείρονος εκ τε της των ίερογράφων μελέτης καί των όσιων καί θεοφόρων πατέρων διδασκαλίας τε καί εισηγήσεως, ως αιρείσθαι μεν το ώφέλιμον, άποκρούεσθαι δέ παν ότιουν βλαβερον καί άπόπτυστον. δια τούτο καί νυν παν μέν πνεύμα δ τη ύγιαινούστ) της εκκλησίας διδασκαλία εξακολουθεί, ως ενθεόν τε καί άνωθεν ήκον, προσήκει τιμαν καί προσίεσθαι, 8 δέ μή ταύτη στοιχεί τη ομολογία13, ως έκ της κοσμικής δή ταύτης καί σαρκικής προαιρέσεως προϊόν14, έστοχασμένως καί άπηκριβωμένως15 πάνυ τήν τούτων έπίκρισιν ποιεϊσθαι σπουδάζουσιν16 έπιγινωσκόμενον διωθεΐσθαι πάντη καί άποπέμπεσθαι. οΰτως ή αποστολική παρεγγυξχ διακέλευσις17 σάλπιγγος απηχούσα18 μεγαλοφωνότερόν τε καί έυσημότερον, ώστε ήμας τοιαύταις παραινέσεσιν προηκουτισμένους τε καί ήσφαλισμένους19 ξέναις καί άλλοτρίαις φωναίς μή παρασύρεσθαι, μήτε τη20 φιλαυτία καί άπονοία των έτεροδιδασκαλούντων ύπάγεσθαι, ως ού γινωσκόντων έξ απροσεξίας καί άκρασίας μήτε α λέγουσιν μήτε περί τίνων δια€ε6αιοΰνται (ού γάρ, εϊ τινές ποτέ εΐεν οδτοι έν πνεύματι θεού, λαλοϋσιν μυστήριοι11 προς τον καταρτισμον των άκουόντων και ώφέλειαν, άλλ' άεΐ το φίλερι καί εμπαθές του φρονήματος νοσουντες, απερ εδ καί καλώς παρά τε τών θείων γραφών καί τών θεοφόρων διδασκάλων έκτέθειται προς το οίκείον στρεβλουσιν θέλημα, παρεξηγούμενοι προς έξαπάτην τών άκεραιοτέρων22

ή εύηθεστέρων, καί πολλούς άποβουκολοϋσιν, κατατρέχοντες αυτών έκμανώς της άπλότητος, καί της μέν βασιλικής άπάγουσι τρίβου, κατά κρημνών δέ και βαράθρων ώθουσι τάς ψυχάς ων αν έπαγάγωνται23 μή δέ προσέχειν ανθρώπων έντάλμασιν οϊ ουδέν μέν πνευματικόν επιφέρονται ουδέ άξιον της του πνεύματος χάριτος, άλλ' έκ της ιδίας κοιλίας14

άποφθέγγονται* οϊ τά μέν ορθά της ευσέβειας παρευθύνειν έπιχειρουσι δόγματα, την δέ του θεού δόξαν παρ' ουδέν τιθέμενοι προς εν μόνον βλέπουσιν, ως αν τιμήν έαυτοΐς έκ φιλαρχίας περιποιήσοιντο αισχύνης και ατιμίας άπάσης ύπάρχουσαν πρόξενον), νήφειν δέ ημάς έν πασν\Ρ καί

Πτΐ) cum signo add. marg. D om. P 12τετελειομένους cf. 1 Joh. 2,5 13ταύτη στυχεί τη ομολογία D •· · ταύτης τύχη της ομολογίας (σ bis sssc.) et postea

τη ομολογία (σ bis in ras.) D ρ· І · 14προϊόν CDP· " ^ ·wrr· : προϊών D3·COTT P1·œrr

15άπηκριβωμένως Dpcorr· Ρ : άπηκριβομένως άπηκριβωμένος D51·0011· 16οττουδάζουσιν : (σπουδάζ)ειν και Ρ ^11· 17παρακέλευσις Ρ 18ηχοΰσα 19προη(σφαλισμένους) D · 20τΐ) om. D 21cf. lCor. 14, 8 22άκαιραιοτέρων 23έπαγάγονται 24cf. Phil. 3,19 25cf. 2Tim. 4,5

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might test what be the good, well-pleasing and perfect will of God, in order that we, lacking naught in which He is well-pleased, might be proven apt and upright in Him, filled brimming with all righteousness and piety.

2. Let this be said briefly, by way of introduction. But whatever are we to do with the citations which have now been put forth? We are sore amazed and dumbfounded : why did whoever it was selected these latter not publish the books themselves? Did he begrudge us their author's sci­ence and teaching, which we desire and long for? Or did he wish to con­ceal his aim and purpose lest, if this was manifest and clear to the read­ers forthwith at the onset, he should thereupon incur reproach for his contrived citations? Since, then, it is our intention to discover the import of these latter, we proceed of necessity to the reading of them ; and, inso­far as it is possible to attempt to know and understand from these trun­cated bits, we undertake to arrive at an explanation of their meaning. The title of the citation, then, runs thus : Saint Macarius. From the fourth book of Responses.

Now, even from the title one may observe the vague and mean ways of this shrewd and clever sub-author. For the latter has added only the name, and, as if begrudging the author his rank, has given no hint as to who this Macarius might have been. Was he distinguished by his reputa­tion as a hierarch? With the Church of which city was he entrusted? Or was he assigned some other clerical rank, being nevertheless a Christian and holding to the word of piety? For it is possible for other churchmen, being reasonable and learned in divine things, to compose tracts con­cerning our holy and blameless religion and didactic expositions. The presence of the word Saint at the beginning does not suffice for the easy placement of rank, occupation or condition of the one named, and the word Responses in the title, since this can have various meanings, gives no little trouble to the ear of those listening. To the reader, however, it gives here the notion of certain subjects previously brought into doubt or set forth for enquiry, as if announcing a solution or criticism. Here, then, we observe that subjects brought into discussion before the Responses, to which the latter reply, are given validity together with others, falsely. With great zeal, therefore, since this seemed necessary, did we feel obliged to set about searching for this book at once; and having expended great effort and taken many pains in seeking, we only just

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δοκιμάζειν τι το θέλημα του θεού το αγαθόν και εύαρεστον και τέλειον, Ινα κατά μηδέν τών εις εύαρέστησιν αύτώ ελλείποντες, άρτιοι26

άναδειχθώμεν έν αύτώ και εύθύφρονες, πάσης δικαιοσύνης καΐ ευσέβειας πληρέστατοι.

2 . και ταύτα μέν ώς έν προοιμίου τρόπω δια βραχέων λελέχθω, ούκ εχομεν δέ δ τι και δράσαιμεν τών νυν προελθουσών ένεκεν χρήσεων λίαν γαρ θαυμάζομεν και έκπεπλήγμεθα, οστίς ποτέ εϊη ό ταύτας άναλεξάμενος, ώς τάς βίβλους αύτάς ούκ έζέπεμψεν, πότερον της επιστήμης και της διδασκαλίας του συγγραφέως φθονήσας ήμίν τοίς ταύτης έφιεμένοις και γλιχομένοις, ή τον σκοπον καΐ τήν27 ύπόθεσιν άποκρύψασθαι βουλόμενος, ώς δή, ευθύς τε καΐ έκ πρώτης επιβολής28

εμφανούς και δήλης τοις έντευξομένοις καταστησομένης, κάντεϋθεν διαδράσοι τών δραματουργηθέντων τον ελεγχον. έπεί οδν προύκειτο άνιχνεϋσαι αυτών τήν δύναμιν, άναγκαίως επί τήν άνάγνωσιν κεχωρήκαμεν, δσον δέ έκ τών άκρωτηριασθέντων τοις έπιβάλλουσιν29

συνιέναι και συνιδείν ενεστιν προς τήν άνάπτυξιν της έγκειμένης διανοίας άπαντήσεσθαι ώρμήθημεν. έχει τοίνυν ή της χρήσεως επιγραφή ωδε· Toö αγίου Μακαρίου* έκ ττ)ς τετάρτης βίβλου τ ο ν Άποκριτικών.

εστίν μέν οδν κάκ του επιγράμματος αύτου το ΰφαλόν τε καΐ βάσκανον του σοφού δή τούτου και δεινού κατανοήσαι ύπογραφέως- τοονομα γάρ μόνον προθείς, τίς αν οδτος ύπηρξεν ποτέ ό Μακάριος, ώσπερ καΐ αύτώ βασκαίνων τώ συγγραφεί της αξίας, ού συνδέδωκεν. δρα τοις της ίερωσύνης έμπρέπων αύχήμασιν διεφαίνετο; και τίνος πόλεως τους οΐακας έγκεχείριστο; ή άλλω δή τινι κλήρω τυγχάνων άποτεταγμένος, Χριστιανός δέ δμως και του της ευσέβειας άντεχόμενος λόγου ; εξεστιν γάρ καΐ άλλοις έκκλησιαστικοίς30 καί λογίμοις31 τυγχάνουσιν και τά θεία πεπαιδευμένοις υπέρ της ιεράς καί άμωμήτου ημών θρησκείας συγγραφάς καί λόγων διδασκαλικών εκθέσεις άρμόζεσθαι. ού γάρ δή το του αγίου προκείμενον έν άρχαίς όνομα άποχρήσει ραδίως παραστησαι το αξίωμα, τό τε επιτήδευμα καί τήν τύχην του λέγοντος* το δέ τών Άποκριτικών έν τη επιγραφή προκείμενον, επειδή κατά διαφόρων ή λέξις σημαινόμενων φέρεται, ίκανώς έπετάραττεν τών άκουόντων τήν αΐσθησιν. εννοιαν δ'οδν όμως ενταύθα παρεΐχεν τώ έντυγχάνοντι ώς επί προηπορημένων ή προτεθέντων εις ζήτησιν πρότερον τινών λόγων επάγεται, τήν λύσιν ή τήν έπίκρισιν τούτων ύπαγορεύουσα* έν ώ οδν τά τών Άποκριτικών προεπιζητούμενα, οΓς τήν άπάντησιν φέρει, δολερώς μετά τών άλλων έωρώμεν κεκρατημένα. ταύττ) τοι καί μάλα σπουδαίως, έπείπερ τούτο άναγκαΐον έδόκει, επί τήν ζήτησιν της βίβλου τράπεσθαι32

26cf. 2Tim. 3,17 27τήν cum signo add. marg. D om. P 28έπιβουλης 29έπιβάλουσιν 30έκκλησιαστικοϊς + τε Dsscr- P 31λογιμοις CDŁCOIT·: λογικοις DP·«"· Ρ 32τράπεσθαι CD •· «"-Ρ : τραπέσθαι D?· · Pitra

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managed to find the one we have now in our hands for examination. As for the errors and faultiness of comprehension in the citation brought forth, let us now forgo discussing them as of lesser importance ; how­ever, as our speech proceeds, let it demonstrate, in the proper place, the absurdities fashioned by the good writer, through additions and omis­sions, so as to obscure and alter the meaning of the tract in question, in order that through the ruse devised by him he might present the passages brought forth as if they accorded with his will. For by deleting from it that which is most essential, he has rendered the pamphlet he has pub­lished nothing more than an excerpt of a excerpt, not a citation.

3. We have had to begin a little in advance of the subject of discussion by thus shewing and proving the faultiness of the citations recently excerpted which in no wise accord with the aim intended by the author. But we shall now begin our speech, as is fitting, with the very first words of the book. The book is entitled Of Macarius, by rank Hierarch. This is shewn not only by the composition, but is also presented more expressly by the image of Macarius imprinted with reverence on the out­side of the covers of this ancient book (it shews him wearing the stole of a hierarch), just as we often see the author depicted in distinguished fashion on other books. We understand that the man flourished more than three hundred years after the divine and Apostolic proclamation shone forth. Of which city he was hierarch and whom he governed, we cannot say without more precise understanding of the word Magnes, as to whether it is a proper or a national name ; for the noun Magnes is used in both ways. We know, of course, that one of the ancient poets was so called.1 And we know also of another of whom it is related that he was the founder of a certain place of old : whence the surrounding region which lay in the land of Thessaly was similarly named Magnesia, and the nation of indigenous inhabitants there were called Magnesians. It was perhaps from thence, or from somewhere else, that men moved to Asia, and certain cities founded there were called Magnesia after them. He addresses a certain Theosthenes, a most benevolent friend and, as it were, critic and judge of his words. The aim of his work is directed against heathens : in particular he brings arguments against a certain member of the school of Aristotle, who is of the persuasion of those who

1. Cf. Suda ADLER III, p. 29225.

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αύτίκα δεΐν ώήθημεν. τοιγαρουν πολλά καμόντες, πολλά δέ και περί τήν ερευναν πεπονηκότες, όψέ και μόλις ταύτη περιετύχομεν, ην μετά χείρας λαδόντες προς την ταύτης άνάπτυζιν κατέστημεν. και οΓα τά εν τη προαχθείση33 χρήσει εσφαλμένα και επιλήψιμα κατείληπται, παρείσθω τανϋν λέγειν ως κουφότερα* οΓα δε τά παράλογα κατά προ<σ>θέσεις34 και υφαιρέσεις ό γεννάδας εκείνος ό γραφεύς έξεπετήδευσεν, ώστε τον σκοπον και την διάνοιαν της προκειμένης συγγραφής άμαυρώσαι καί άλλοιώσαι, Ινα διά της σκευωρηθείσης αύτώ έξαπάτης συνήγορα τώ οίκείω θελήματι καταστήση τά προαγόμενα, προϊων ό λόγος κατά χώραν έπιδείξειεν35* περιγράψας γάρ εκείθεν το καιριώτατον, ουδέν έτερον η περικοπής περικοπήν αλλ' ού χρησιν τον έκπεμφθέντα χάρτην είργάσατο.

3 . έδει λοιπόν μικρόν άνωθεν κατάρξαντας36 της υποθέσεως οίίτω δείζαι καί διελέγξαι σφαλεράς τε καί ουδέν συναδούσας προς τον έπιτετηδευμένον σκοπον τάς άρτίως άναλεγείσας φωνάς, άρκτέον δέ του λόγου, ωσπερ εικός, απ' αυτών τών πρώτων της βί6λου γραμμάτων, ή μέν οδν β№λος Μακαρίου μέν έπιγέγραπται, ίεράρχου δέ τήν άξίαν* δπερ ούχ ή συγγραφή37 μόνη δείκνυσιν, αλλ' ήδη καί ή38 έξωθεν έν ταϊς πτυχαίς της βίβλου αρχαιότατης ούσης φιλοτίμως τυπουμένη του Μακαρίου τούτου είκων έκτυπώτερον παρίστησιν (στολήν γάρ ιερέως39 τούτον άμπεχόμενον40 ύποφαίνει), καθά δή πολλαχου καί έν έτέραις δέλτοις άνιστορούμενον έκπρεπώς τον οίκεΐον συγγραφέα βλέπομεν. χρόνοις δέ ύ­στερον υπέρ τους τριακόσιους άκμάσαντα τον άνδρα καταλαμδανόμεθα έξ το άποστολικον και θείον έξέλαμψεν κήρυγμα, ής δέ πόλεως ιερεύς καί ων έπετρόπευσεν ουπω λέγομεν, εως αν το Μάγνητος άκριδέστερον ήμίν καταληφθείη έξεταζόμενον, πότερον κύριον ή έθνικον δνομα τυγχάνει δ ν λέγεται γάρ καθ' έκατέραν το Μάγνης δνομα. ϊσμεν γάρ δήπου καί τίνα τών αρχαίων ποιητών οίίτω προσαγορευόμενον, ήδη δέ καί έτερον οίκιστήν τόπου τινός πάλαι ίστορούμενον εγνωμεν, αφ' ή κατ' αυτόν περιοικίς41 κατά την θετταλικήν χώραν κειμένη Μαγνησία παρωνύμως ώνόμασται42 καί Μαγνήτες43 τών τηδε ωκημένων ιθαγενών το έθνος λέγεται* ων ίσως εκείθεν, τυχόν μέν καί άλλαχόσέ ποι, ού μήν δέ γε καί προς την Άσιάτιδα μξωκηκότων γην, τών αυτόθι καθιδρυμένων τινές πόλεων Μαγνησίαι απ' αυτών έπικέκληνται. θεοσθένει δέ τινι προσφωνεί τών άγαν εύνουστάτων αύτώ καί φίλων καί ώσπερ τών λόγων διορθωτή καί κριτή ύπάρχοντι. ό δέ σκοπός αύτώ της πραγματείας κατά 'Ελλήνων προάγεται, και τούτων μάλιστα προς τίνα τών έκ της 'Αριστοτέλους

33προαχθήσει ^προσθέσεις Ρ ρ · c o r r : προθέσεις CDP Ł °°η· 35έπιδειξει coni. Pitra 36κατάρζαντα Ρ 37συγγραφή CD •· - : επιγραφή D? «"· Ρ 38η om. D 39ίερώς 40(άπζ)λεγ(χόμζ\)ον) D ecorr· 41περιοίκησις D 42όνόμασται 43μάγνηταις D

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espouse monarchy, but who, priding himself greatly on secular wisdom and maliciously despising sacred doctrines, makes light of the simplicity of our Mystery with the devices and persuasions of his art.2

4. We now proceed in our speech to the examination itself of the cita­tion. But in order to render easy and more clear the comprehension of the passages to be examined, we shall begin by touching briefly on what precedes them, and thereby present clearly the author's thought as regards each chapter of the composition put forward by the heathen, adding also the latter's response or rebuttle. Thus, then, runs the chapter preceding the citation : The HEATHEN. We shall now make a precise enquiry into the meaning of monarchy of the gods who are wor­shipped, in as much as you do not know how to explain even the meaning of monarchy. The monarch is not he who is alone, but he who rules alone ; and he rules over those of his race and similar to him, as Hadrian the emperor was a monarch not because he was alone, nor because he ruled over cattle or sheep, over whom rule shepherds and herdsmen, but because he reigned over men of his kind, having the same nature as his. Likewise, a god may not prop­erly be called monarch unless he rule over gods, for this is befitting of divine magnitude and heavenly and grand dignity. For if you say that beside god stand angels, without passions, immortal, incorrupt­ible by nature, these same whom we call gods because they are near to the godhead, what cause is there for dispute over the name, except the consideration of the difference of appellation? For the one called Athena by the Greeks is called Minerva by the Romans, and the Egyptians and Syrians and Thracians call her otherwise, but by the difference of name she is not made to conform to another model or despoiled of the denomination of god.3

Such is the speech of the heathen, and here the reader ought to observe that his speech is concerned with monarchy : that he introduces

2. Though in § 2 he accuses the Iconoclasts of circulating truncated versions of the cita­tions, one wonders whether Nicephorus really had a complete MS of Macarius, or only of the fourth Book — a χάρτης of the sort the Iconoclasts put about, with an added 'excerpt' from the first Book, cf. infra § 12 and note. The title Μακάριου Μάγνητος Άποκριτικος η Μονογενής προς "Ελληνας περί των εν τώ εύαγγελίω [or έν τη καινή διαθήκη] ζητημάτων και λύσεων, as well as the dedication to Theosthenes, preceded each Book. The dating to three hundred years after Apostolic times, in the discourse of the Heathen, occurs in two pas­sages in Book IV : Macarius, p. 1606 and 1634. Nicephorus gives no reason here as to why he considers the Heathen an Aristotelian, but the only other observation he makes concerning him, that he 'espouses monarchy', is also taken from Book Four (infra § 4). — Nicephorus speaks here of an 'ancient' (αρχαιότατη) copy of the book ; but elsewhere he uses the same word about a MS of the eighth-century forgery of the Vita Pancratii (Refutatio, 8425). As remarked above, we have retained the reading συγγραφή of in § 3. Could such a title — if in fact συγγραφή refers to the 'title' — with the singular qualification ιεράρχης, as well as the image of Macarius on the boards, not have been of more recent fabrication, accepted with simplicity — or perhaps even perpetrated — by Nicephorus ?

3. Macarius, IV, 20-21, p. 1991 - 2007.

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διατριβής δντα επιφέρει τάς αντιρρήσεις, δόξης μεν τών μοναρχίαν πρεσβευόντων υπάρχοντα, μέγα δέ επί σοφία ђ θύραθεν κεκτημένον το φρόνημα, καΐ δεινώς την όφρυν κατά των ιερών άνασπώντα δογμάτων, και τοις έκ της οικείας τέχνης σοφίσμασίν τε και πιθανότησιν της άπλότητος του μυστηρίου του καθ' ημάς κατακομψευόμενον.

4 . ήδη δέ λοιπόν έπ' αυτήν χωρώμεν τώ λόγω της χρήσεως τήν έξέτασιν. ως αν δέ ευκρινής και τρανεστέρα ή κατάληψις των εξεταζομένων γένηται, μικρόν τον λόγον άναλαδόντες καΐ των προειρημένων44 άψάμενοι, εκείθεν τήν διάληψιν του συγγραφέως σαφώς παραστήσομεν45 έκάστω κεφαλαίω τών παρά του "Ελληνος προεκκειμένων άκόλουθον, καΐ τήν τούτου άπάντησιν ή άντίρρησιν παρατιθέμενοι. ούτωσΐ γάρ το προ της χρήσεως προκείμενον έχει κεφάλαιον *0 ''ΕΛΛΗΝ46. Τον47 μέντοι περί ђ μοναρχίας τών σεβόμενων θεών διαρρήδην ζητήσομεν, ώς ούκ οΤσθα ουδέ της μοναρχίας τον λόγον άφηγήσασθαι. μονάρχης γάρ έστιν ούχ ό μόνος öv , άλλ* ό48 μόνος ά ρ χ ω ν άρχει δέ ομοφύλων δηλαδή καΐ ομοίων, οίον Αδριανός ό βασιλεύς μονάρχης γέγονεν ούχ 8τι μόνος flv, ούδ'49 οτι βοών f) προβάτων ί ρ χ ε ν δ ν άρχουσιν ποιμένες ή βουκόλοι, άλλ' οτι ανθρώπων έβασίλευεν τών ομογενών τήν αυτήν φύσιν εχόντων, ωσαύτως θεός μονάρχης ούκ &ν κυρίως εκλήθη, εί50 μή θεών ή ρ χ ε ν το(5το γάρ Επρεπεν τφ θείφ μεγέθει καΐ τφ ούρανίφ καΐ πολλφ άζιώματι. εί γάρ αγγέλους φατέ τφ θεφ παριστάναι51 Απαθείς καΐ αθανάτους καΐ τήν φύσιν άφθαρτους, ο3ς ημείς θεούς λέγομεν διά το πλησίον αυτούς είναι τ?ίς θεότητος, τί το αμφισβητούμενο ν περί τοΰ ονόματος ή μόνον το διαφοράν ήγεΐσθαι της κλήσεως; καΐ γάρ τήν καλουμένην ύπο 'Ελλήνων Ά θ η ν α ν Μινέρβαν οί 'Ρωμαίοι καλοΰσιν, Αιγύπτιοι δέ καΐ Σύροι καΐ θράκες άλλως προσαγορεύουσιν, καΐ ού δήπου ђ τών ονομάτων διάφορη συσχηματίζεται ή αναιρείται της τοϋ θεοϋ προσηγορίας.52

ό μεν53 του "Ελληνος λόγος τοιούτος και ούτως έχων ώρα54 δέ τώ έντυγχάνοντι διασκοπείσθαι55 οτι δή περί μοναρχίας ήν ό λόγος αύτώ θεον καΐ θεούς είσάγοντι, και τον μέν άρχοντα, τους δέ αρχόμενους δοξάζοντι, και ώς ούκ αν κληθείη κυρίως μονάρχης, εί μή θεών ήρχεν δν τήν φύσιν τοις παρ' ήμίν λεγομένοις άγγέλοις τήν αυτήν τερατολογών

"προειρημένων CD?ωΓΓ·: προηρημένων D3· 45παραστήσωμεν D ^ό ελλην marg. uncial. CD 47τον codd : το (an recte ?) Pitra 48άλλ' ό : αλλά D 49ούδέ Ρ 50(έκλήθ)ηείΟβα)ΓΓ· 51παρεστάναι DP 52η της θεοΰ προσηγορία ρρ·0ΟΙΓ· (a. coir, της του θεοο — ίας) 5Vèv:èvD a c o r r · 54ώρα DP· ™η Ρ : όρα CD Ł «»· 55(διασκοπ)ησ(αι) Decon*·

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god and gods, and believes that the former rules and the latter are ruled over, and that the former would not properly be called monarch unless he ruled over gods ; and, inventing lies, he declares the nature of these gods to be the same as that of those whom we call angels. What is one to say to this? We hear of Athena, and that she was many-named by reason of being called by each of the nations who worshipped her in their own lan­guage ; and when the author says later : "though not having fashioned images in their form'4 concerning those of whom he is speaking, we shall know easily forthwith, from his words, to whom and on what things he was directing his mind. For it is obvious and manifest that he con­demns heathens for worshipping and revering these things, which they godlessly dedicated to their gods, whereas, defending our religion against these impious mysteries worthy of darkness, he does not deem it fitting nor desire that Christians should depict in images or worship those whom heathens depict in images and worship. This will be exam­ined in more detail and precision in the proper place.

5. To the heathen's words the author says in reply5 : The CHRIST­IAN. I shall here examine carefully for you this invention of monar­chy, and shall discuss the matter of gods and the only God. Although you have tried hard, on the basis of an image, to convince us of the monarchy of god and the argument of gods being ruled over, one must needs enquire whether it is by equivocality that the nature of things is wont to remain intact. For we find that it is not from the name that the thing, but from the thing that the name acquires truth. As with fire, that it is warm, and with one who approaches fire ; for both are warm, though the essence of both is not warm, that of the one being so by nature, but of the other by position : the former is warm of itself, and the latter by means of another. By no means does the argument shew us the same nature through equivo­cality. Thus the Apostle, in order to teach what is indeed the god­head, and to test what is essence by distinguishing it from equivocal­ity, and to shew the one who is God by nature and properly Lord as distinct from those who are gods by position but not properly by appellation, says to His disciples : 'For though there be gods (as there be gods many and lords many), but to us there is but one God, of whom are all things, and one Lord Jesus, by whom are all things.9 You see how he says : 'Though there be gods9 — meaning gods only by appel­lation, not properly gods —, 'but to us there is but one God9 — that is, He who is God indeed ; and consideration of the latter's essence testifies to His godhead : not that the expression of this name con-

4. Infra §§ 9 and 8. 5. The argument 'on the basis of an image' is in fact presented in the continuation of the

Heathen's objection, which Nicephorus cites after the present passage, in § 6.

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είναι άπέφηνεν. τί οδν προς ταϋτα ρητέον; Άθηνάν άκούομεν, και ταύτην δη πολυώνυμον τω των σεβόμενων αυτήν εθνών ίδίαις ε'καστον κεχρημένον προσαγορεύειν φωναίς. τον δέ συγγραφέα έν τοις μετέπειτα λέγοντα ού μήν εκείνων περί δν ό λόγος αύτώ εΙκόνας τυπώσας τφ σχήματι* προς56 τίνα καΐ περί τίνων57 αυτόν τον νουν άπευθύνοντα έκ των είρημένων αύτίκα ραδίως είσόμεθα· φανερον γαρ και πρόδηλον οτι Ελλήνων μέν κατηγορεί τοιαύτα σεδόντων και προσκυνούντων απερ άθεεί τοίς θεοΐς αυτών άνετίθεσαν, της θρησκείας δέ της ημετέρας προασπίζων ήδη κατά ταύτα τά άσεμνα καί άξια σκότους μυστήρια, Χριστιανούς ούκ άξιοι ουδέ βούλεται58 είκονίζειν ή σέδειν οΰσπερ είκονίζουσίν τε και σέδουσιν, λεπτότερόν τε και ίσχνότερον έν τώ οίκείω τόπω τά περί τούτων έξετασθήσεται.

5 . προς δέ τά είρημένα τώ "Ελληνι ό συγγραφεύς άντεπεξών ώδΐ φάσκει* Ό ΧΡΙΣΤΙΑΝΟΣ59. Το τί|ς μοναρχίας δδέ σοι λοιπόν διευκρινήσω σόφισμα καί τών θεών καί μόνου θεοϋ τον λόγον βασανίσω, εΐ καί μάλιστα έξ εικόνος ήμΐν τήν μοναρχίαν τοΰ θεοΰ καί τών αρχομένων θεών τον λόγον κρατύνειν έσπούδασας, 0)τητέον είκότως εί60 έκ τ^ς ομωνυμίας ή61 τών πραγμάτων εΐωθεν άποσώζεσθαι φύσις. ε(ί-ρομεν γάρ ώς ούκ έξ ονόματος το πράγμα, άλλ* έκ τοο πράγματος τήν άλήθειαν το δνομα κέκτηται· ώς επί τοο πυρός, δτι θερμόν, καί επί τοΰ πλησιάζοντος τφ πυρί* αμφότερα γάρ θερμά καί ούκ αμφότερα τήν ούσίαν έχει θερμήν, άλλα το μέν τ$ φύσει, το δέ ђ θέσει θερμόν, καί το μέν έξ έαυτοΰ, το δέ έξ έτερου θερμόν, καί ού πάντως έκ της ομωνυμίας μίαν ήμίν τήν φύσιν ό λόγος έδήλωσεν. οοτως ό απόστολος, Υνα τήν δντως διδάξη θεότητα, καί τήν ούσίαν έκ τής ομωνυμίας62 διακρίνας έλέγξη, καί τον μέν κατ' ούσίαν θεον καί κυρίως κύριον, τους δέ ђ θέσει θεούς καί ού κυρίως ђ κλήσει μήνυσα, τοίς μαθηταΐς φησίν «Kal γαρ εϊπέρ είσι Θεοί, ΰσπερ οδν είσίν χαί κύριοι πολλοί, άλλ' ήμίν εις Θεός, έξ τα πάντα, καί εις κύριος Ίησοϋς, δι' τα πάντα»63. Ό ρ φ ς δπως λέγει- «Kal γαρ εϊπέρ είσι Θεοί», αντί τοΟ xţj κλήσει μόνον θεοί, ού μήν κυρίως θεοί, «'Αλλ' ήμίν εις Θεός», τουτέστιν ό δντως θεός, της ουσίας6 4 λόγος μαρτυρεί ђ θεότητι* ού μήν λέξις ονόματος βεΰαιοΐ το λεγόμενον , άλλ' ή φύσις τοο πράγματος κυροΐ τήν άλήθειαν. άρχει γοϋν δή τών θεών καί δεσπόζει καί κρατεί, ούχ ώς εΤς αυτών υπάρχων έκ της ομωνυμίας, άλλα

56προς + δέ marg. Ρ 57περΙ τίνων : περίνων 58όυδέ βούλεται : ού βέλεται (sic) Ρ 59ό χριστιανός marg. C : ό χρυσόστομ(ος) uncial, marg. D ^εί Ρ Macarius : ή CD «ή: fi 62ρ. ομωνυμίας iteravit μιαν ήμΐν τήν φύσιν ο λόγος έδήλωσεν (cf. supra) 631 Cor. 8. 5-6 ^ουσίας + ό Psscr

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firms what is said, but the nature of the thing confirms the truth. For He rules and dominates and has power over gods, not being as one of them by equivocality, but alone, being unbegotten and domi­nating those begotten. They took their constitution from Him, but He did not procure the privileges of honour from them. He created their essence, but they did not assume the principle of their sub­stance in Him. He knows how to save those whom He rules over, but being ruled they bestow nothing upon Him. He does not begrudge that many should be called gods and lords, so long as it is by approaching and drawing near to Him that they derive the reason of their deity ; whereas if they grow slothful and become distant, they suffer the same thing as those who have turned away from the ray of light and they dwell in gloom, in the shadow of darkness. This is not, then, a matter of tyranny, but of justice : rule over dissimilar beings on account of superiority of essence, which gains mastery, on account of a surpassing nature, over those of a different kind ; it does not command by reigning with the force of tyranny, but holds sway affectionately with loving firmness. Hadrian, as any other worldly ruler, being a man and reigning over men like himself, did this by decree of might and tyranny ; it was not by law of obedience that he ruled over those of the same essence as his own, but by force and violence did he enslave his fellow creatures. He did the greatest injury to parts of the essence, whilst not exhausting the essence : injuring the species, yet not overcoming the race. For man, in the capacity of man, cannot be master of man ; but, in the capacity of ruler or tyrant, having seised power and being enslaved by it, he overcomes those of the same race as himself. Insofar, then, as Hadrian tyrannised nature with force, he did not acquire his office through nature, but through cruelty did he prove to be mightier than those like him. God alone, who rules and has monarchy, is in truth master of those who are born, being Himself unbegotten : He holds power over creatures, being Himself uncreated and without beginning; not over beings like Himself, but over those different does He hold careful sway. As the sun enlightens by participation in its light those upon whom it shines, but is never itself illumined by them, so God sanctifies and deifies through the reason of thought those who approach Him and grants them the blessedness which comes from Him, but does not receive from them the adornment of

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μόνος, άγένητος ών καΐ δεσπόζων τών γενητών οί μέν γαρ έξ αύτοΟ τήν σύστασιν έλα6ον, δέ oů παρ' αυτών τα πρεσβεία τ9)ς τιμ?)ς έπορίσατο- καΐ τών μέν τήν ούσίαν αυτός έδημιούργησεν, οί δέ υποστάσεως αρχήν ού κατέλαδον65 έν αύτφ· καΐ ό μέν εκείνους δν άρχει σφζειν οΐδεν, οί δέ ουδέν αρχόμενοι έκείνφ χαρίζονται, καλεΐσθαι δέ πολλούς θεούς καΐ κυρίους ού φθονεί, μόνον εΐ πλησιάζοντες αύτώ καί γειτνιάζοντες66 τφ67 τής θεότητος λόγφ συγχρωτίζονται6*· εί δέ άποραθυμήσωσιν καί πόρρω που γένωνται, ταυτον πάσχουσιν τοίς άποστραφεΐσι τήν ακτίνα το(5 φωτός, "κάν τ$ σκι§1 τοϋ σκότους έν ζόφφ διάγουσιν69. πράγμα οδν άτύραννον εκείνο καί δίκαιον, τών άνομοίων άρχειν δι* ουσίας ακρότητα, δ τών ετερογενών δι* υπερβολή ν κυριεύει70 φύσεως* ού βία τυραννίδος δεσπόζον71 έπιτάττει, άλλ* αγάπη72 στερρότητος'3

ηγεμονεύει φιλικώς. 'Αδριανός δέ, ε t74 καί τις κοσμοκρατόρων έτερος, άνθρωπος ών καί τών ομοίων ανθρώπων βασιλεύσας, νόμψ δυναστείας τοϋτο καί τυραννίδος £πραξεν ού θεσμφ τής ακολουθίας τών ομοουσίων άρξας, άλλ* άνάγκρ καί Џ1џ τους ομογενείς75 έδουλώσατο. ήδίκει δέ τά μεγάλα τά μέρη τ^ς ουσίας, ού τήν ούσίαν έκτρύχων, καί το είδος άδικων, ού το γένος καταπονών άνθρωπος γαρ άνθρωπου, καθο μέν άνθρωπος, δεσπόζειν ού δύναται, καθο δέ άρχων f) τύραννος προσλαΰών έξουσίαν, δι' αύτ^ς τον δμόψυλον καταπονεί δουλούμενος. δσα γοον έκ βίας τήν φύσιν έτυράννησεν, ταΑτα ούκ έκ φύσεως τήν άξίαν έκτήσατο, άλλ' έξ ώμότητος επικρατέστερα76 τών ομοίων έφάνη. θεός δέ μόνος άρχων καί μοναρχίαν έχων κατά άλήθειαν κυριεύει τών γενητών υπάρχων άγένητος· κρατεί τών κτισμάτων άκτιστος ών καί άναρχος· ού τών ομοίων, άλλα τών άνομοίων ηγεμονεύει κηδόμενος. ώς γάρ ίίλιος, οΤς έπιλάμπει, τούτους77 λαμπρύνει ђ μετουσίφ τοϋ φωτός, ού μήν αυτός ποτέ παρ' αυτών αύγάζεται, οίίτω θεός τους εγγίζοντας αύτφ λόγφ της διανοίας αγιάζει θεοποιών, καί τήν έξ αύτοϋ δίδωσιν αύτοίς μακαριότητα, ού μήν αυτός έξ αυτών το της άρετης λαμβάνει καλλώπισμα, εί γοϋν ί{λιός τίνα

65κατέλαβον D?œn· (manu Ρ, ut vid.) Ρ : κατέλαβων CD Ł ««· ^(γειτ^ιάζονίτες) · 67xòC 68συγχρωτίζονται CDp· ωιΤ· : συγχρωτίζονται D3·COIT· (συγχρω)μα(τίζωνται) Ρ 69διάγωσιν Dacorr-70(κυριεύ)ονΡβοΟΓΓ· 71(δεσπόζ)ον Ρ e «"· δεσπόζων D 72áYámKDPacorr· 73(στερρότητ)ιΡβοΟΓΓ· 74εί scripsi: η codd. 75όμογενεΐς DP corrP : ομογενής CDacorr· 76έπικρατεστέρα 77(τούτο)υ(ς) Ρ corr"utvidMacarius : τούτοις CD

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virtue. If, then, by shining with its rays the sun causes someone to be called radiant as it itself is called, it nevertheless shares with those illumined nothing of its own nature by way of removal, though it does not prevent those brightened by it from being called bright : for being bright by nature, it causes those brightened to be called bright by position. In the same way, therefore, God, being monarch and by nature eternal, does not prevent the angels from being called gods, deifying them by the fact of position, but not cutting off His essence for them, nor granting them part in His essence. Wherefore, who­ever worships Him who is God by nature, is made blessed, but who­ever worships him who is god by position, is greatly mistaken, reap­ing uncertain benefit from his reverence. Just as one who embraces fire for the sake of warmth is warmed by it and is illumined by its brightness, but one who seeks to warm himself with material taken from fire, like bronze or iron, misses the mark (for after a while the material which had falsified its nature reverts to the essence which is its own, availing naught to him who had it for warmth, neither affording him brilliancy of light), even so he who desires to receive the blessedness of pure virtue does not fail if he asks this from Him who is God by nature ; but if he asks this from an angel or one of the bodiless hosts above, a god by position, not by nature, he will be punished greatly, wishing to receive what the possessor can give away only in being deprived of grace. But God, granting everything to everyone, has all things, denying poverty. Just as the sun provides his rays to those who behold and benefits them and loses not its light, as the teacher gives his pupils lessons and makes them wise and keeps his wisdom, so did power go out from Christ, to drive out ill­ness from those who suffered, and yet all the while it remained inseparably with Christ.

Plausibly, then, has our speech presented you with an enquiry concerning God and gods and the monarchy possessed by the only true ruling God.6

6. Macarius, IV, 26, p. 2111 - 21318.

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φωτίζων τοις φέγγεσι φωτεινό ν ποιεί λέγεσθαι ώσπερ αυτός λέγεται, της δέ οίκείας ουσίας αφαιρέσεως λόγφ τοις φωτιζομένοις ουδέν μεταδίδωσιν, λαμπρά δέ oů κωλύει τά παρ9

αύτοϋ καλεΐσθαι λαμπόμενα* αυτός γαρ ών τήν ούσίαν λαμπρός78, ђ θέσει λαμπρά καλεΐσθαι ποιεί τά λαμπόμενα. τον αυτόν τοίνυν79 τρόπον θεός μονάρχης Αν καί τήν φύσιν άΐδιος, ού κωλύει θεούς καλεΐσθαι τους αγγέλους, θεοποιών αυτούς ђ θέσει τοϋ πράγματος, ού τήν οίκείαν είς αυτούς άποτέμνων ούσίαν, ουδέ μέρος αύτοΐς τής Ιδίας δωρούμενος φύσεως* ΰθεν ό μέν τον φύσει θεον προσκυν&ν, μακαρίζεται, ό δέ τον θέσει, πολλά διασφάλλεται, έν τφ σέΰειν άΰέΰαιον καρπούμενος δφελος80. ώς γάρ ό θέρμης ένεκεν το81 πορ άσπαζόμενος καί θερμαίνεται παρ* αύτοϋ καί82 τφ φέγγει λαμπρύνεται, ό δέ ΰλην έκ πυρός ή χαλκοΟ ή σιδήρου 0)τον ε(ς θερμότητα διαμαρτάνει τοϋ σκοποϋ (προς ολίγον γάρ ή (ίλη83

φευσαμένη τήν φύσιν είς τήν οίκείαν τΐ)ς ουσίας λήξιν υπαναχωρεί84, μηδέν τον Εχοντα ταύτην έν θερμοΐς85

ώφελήσασα, μή δέ σέλας86 αύτφ λαμπρό ν έπαρκέσασα), οδτως ό βουλόμενος άκρατου αρετές λαβείν μακαριότητα, παρά θεοΟ ταύτην τοο κατά φύσιν αΐτον, ού σφάλλεται, παρά δέ αγγέλου, ή τίνος ασωμάτου τάγματος άνωφεροΟς, ΘεοΟ τήν θέσιν, ού τήν φύσιν, υπάρχοντος, ζημιοϋται μεγάλως, λαβείν θέλων δπερ δούς ό κτησάμενος87 γυμνητεύει88 τής χάριτος, θεός δέ ό πάντα τοις πδσιν δωρούμενος Εχει τά πάντα, τήν πενίαν αρνούμενος* ώς ό ήλιος χορηγών τά φέγγη τοις βλέπουσιν καί τούτους ευεργετεί καί το φ&ς ούκ έκδύεται, ώς διδάσκαλος διδούς89 μαθηταΐς τά μαθήματα καί τους μαθητάς σοφίζει καί τήν σοφίαν £χει, οίίτω παρά τοΒ Χρίστου δύναμις έξήρχετε?0

καί τών καμνόντων ήλαυνε τά νοσήματα καί τφ Χριστφ μένουσα δλως ούκ έχωρίζετο.

πιθανός σοι καί ταύτην εϊρηκεν ό λόγος τήν ζήτησιν τήν περί ΘεοΟ καί θεών καί τής μοναρχίας ήν Εχει ό μόνος αληθινός άρχων θεός.

78λαμπρός DP· « Ρ : λαμπρώς CDa m-79τοίνυν ex τοίνυ Dsscn 80δφελος DP· «"Ρ : ώφελος CDa· · 81τώΟ 82καΙ om. C 83«λυ 84ύπαναχωρεΐ Macarius : υποχωρεί DP 85(ένθ)έ(ρμ)ω(ς)ΡβεοιΓ· 86σέλας + duo litterae in ras. D 87κτισάμενος D 88γυμνιτεύει CD 89διδούς post μαθηταΐς »cf. . 5, 30

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88 MICHAEL FEATHERSTONE

So much says the author, and it is quite clear that with his various arguments and examples he is endeavouring to refute the contrived monarchy or rather, polyarchy, of the heathen : on the one hand with the argument of equivocality, Tor it is clear', he says, 'that it is not from the name that the thing, but from the thing that the name acquires truth', as he shews in the example of fire's warmth by nature and of things which become warm by participation in it equivocally through position and which can themselves temporarily warm bodies brought near them ; and on the other hand with the apostolic example, in which the Apostle says, ''For though there be gods many and lords many, but to us there is but one God* and the rest ; and also with the other argu­ments he found useful in the exposition of his purpose, which are mani­fest to the serious reader. From all this it is fully obvious that, when he makes mention of foreign [viz. non-Christian] images, he is renouncing the superstition of the heathens, which the latter demonstrate in impi­ously making offerings to images of those they hold to be gods.

6. All this will be shewn more clearly below, for we shall demonstrate later in our speach what opinion he held concerning holy images. But now, following the course of our argument, we think it right to take up again with the heathen's impostures, and then to add the refutation with which the author replies. For in reading on, one finds the heathen saying such things as these : The HEATHEN. Whether one calls them gods or angels, there is little difference, for their nature is acknowledged as divine when Matthew writes : Jesus answered and said, 'Ye do err, not knowing the Scriptures, nor the power of God. For in the resurrec­tion they neither marry, nor are given in marriage, but are as the angels in heaven\ It being recognised, then, that angels partake of divine nature, those who render the worship due unto the gods do not believe god to be within the wood or stone or bronze of which the idol is made, nor, if a piece of the statue should break off, do they judge that it has lost divine power. For the statues and the temples were raised up by the ancients for the sake of commemoration, so

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NICEPHORUS'S CRITIQUE 89

καΐ ταύτα μεν ό συγγραφεύς* φαίνεται δέ λευκότατα διαφόροις λόγοις και παραδείγμασιν κατασκευάζων τα91 προς άνατροπήν της παρ' "Ελλησιν παιζομένης μοναρχίας, ή πολυαρχίας92, εκ τε της ομωνυμίας, δείκνυται γάρ, φησίν, ώς ουκ έξ ονόματος το,πρδγμα, άλλ* έκ τοϋ πράγματος τήν αλήθειαν τοΰνομα κέκτηται, καθάπερ το παράδειγμα εθετο της του πυρός κατ' ούσίαν θερμότητος και των κατά μέθεζιν αύτου όμωνύμως τη θέσει θέρμων τε γινομένων καΐ θερμαίνειν τά πλησιάζοντα σώματα έν καιρώ δυναμένων, εκ τε του αποστολικού παραδείγματος, δι' φησίν ό απόστολος «Εΐπερ είσίν Θεοί πολλοί και κύριοι πολλοί, αλλ9 ήμίν εις Θεός» καί τά τούτοις επόμενα, ετι δέ καί των άλλων δσα προς παράστασιν του οικείου σκοπού εδρεν αύτώ χρησιμεύοντα, απερ εμφανή καθίσταται τώ μή παρέργως άναγινώσκοντι. δι' δν απάντων διαρρήδην άποδέδεικται93 ώς, ήνίκα94 μνήμην εικόνων των έξωθεν ποιήσαιτο, τήν παρ' "Ελλησι δεισιδαιμονίαν απαγορεύει, ην αυτοί ταϊς των νομιζομένων παρ' αύτοϊς θεών είκόσιν95 άθέσμως προσφέροντες έπεδείκνυντο.

6. τά γοΰν96 μετά ταύτα δηλώσειαν έμφανέστερον οίον γάρ περί τών ίεροτυπιών φρόνημα εσχεν έν ύστέρω παραθήσομαι, τη τάζει δέ τών προηγουμένων επόμενοι, και αδθις τά της 'Ελληνικής τερθρείας προτάττειν97 δίκαιον φήθημεν, είθ' έζής τήν τούτων άνασκευήν, δι' ής ό συγγραφεύς άντεΐπεν ακολούθως, έπισυνάψαι. προϊόν γάρ τις εύρήσει τον'Έλληνα τοιάδέ τίνα λέγοντα* Ό "ΕΛΛΗΝ98. Είτε οδν θεούς τις αυτούς είτε αγγέλους ονομάζει , ού99 πολύ το διάφορον, τί)ς φύσεως αυτών μαρτυρουμένης θείας, οπότε γράφει Ματθαίος οοτως· Καί αποκριθείς ό Ίησοος ε ί π ε ν «Πλανασθε100, μή είδότες τάς101 γραφάς μήτε τήν δύναμιν τοϋ ΘεοΟ' έν γαρ τ$ άναστάσει οϋτε γαμοϋσιν102 οϋτε γαμίζονται, άλλ' είσίν ώς Άγγελοι103 έν τφ ούρανφ»104. όμολογουμένου τοίνυν θείας φύσεως τους αγγέλους μετέχειν , οί το πρέπον σέ6ας τοίς θεοίς ποιοΰντες ούκ έν ζύλω ή λίθω ή χαλκφ, έζ το βρέτας κατασκευάζεται, τον θεον είναι νομίζουσιν, ούδ% εϊτι 1 0 5 μέρος αγάλματος άκρωτηριασθείη106, της τοϋ* θείου δυνάμεως άφαιρείσθαι κρίνουσιν ύπομνήσεως γάρ ένεκεν τά ξόανα καί

91κατασκευάζοντα D 92η πολυαρχίας add. marg. 93άποδέδειται 94n(vřxa)Cecorrsscr· 95ει'κοσιν 96τά γοΰν : (τ)α (γ)άρ(ν) (sic) D e «"· 97προτάττειν CD? «"-I*corn : προστάττειν DŁ «"-I* ctm-98ό "Ελλ(ην) marg. uncial. "ού : DP 100πλανασθαι 101μηειδοτετας 102έγγαμούσιν 103αγγελοι cum signo + τοϋ θεού marg. Ρ (rec.) 104Matt. 22, 29-30 105ούδέτιΟ 106άκροτηριασθείη D* ^-

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that those who frequently entered these places might be reminded of god, if they took time, purging themselves of other things, to make prayers and supplications, asking for whatever each of them required. And if someone fabricates an image of a friend, in no wise does he think his friend to be in the image, nor the parts of the other's body to be enclosed in the parts of the image, but his honour for the friend to be demonstrated through the image ; and as to the sacrifices offered to the gods, not so much that they are brought in their honour, as that they are an example of the worshippers' senti­ment and their disposition not to be ungrateful toward them ; and that it is right that the statues have human form, since man is believed to be the most beautiful of living beings and the image of god. It is also possible to support this doctrine from elsewhere, for it is affirmed that god has fingers by which he writes, saying : 'And He gave unto Moses the two tables of stone written with the finger of God9. And the Christians also, in imitation of the construction of temples, build very great houses in which they come together for prayer, though nothing hinders them from doing this in their homes, since the Lord hears everywhere.7

Saying this the heathen persists in his doctrine, maintaining that the angels and his so-called gods share the same nature ; and in this connex­ion he cites the passage in question from the Gospel, thinking it in accord with his arguments, in order that, proceeding with equivocality and the same method anew, he might demonstrate that his gods share the honour of these holy names, incorruptibility, immortality and impassibil­ity, and have part in the same nature. Thus fabricating his argument and carrying the vote by himself and taking it to be acknowledged he adds : It being recognised, then, that angels partake of divine nature, those who render the worship due unto the gods do not believe the god to be within the wood or stone or bronze of which the idol is made.

7. Macarius IV, 21 (cont.), p. 2007- 2018.

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οί ναοί ύπο τ ο ν παλαιών ίδρύνθησαν107, υπέρ τοϋ φοιτώντας έκεΐσε τους προσιόντας είς ëvvoiav γίνεσθαι τοο θεοΰ, ει108

σχολήν άγοντας καΐ τών λοιπών καθαρεύοντας, εύχαίς καΐ [κεσίαις χρ^σθαι, αΐτοϋντας109 παρ' αυτών δ ν έκαστος χρήζει* 110καΙ γαρ εϊ τις εΙκόνα κατασκευάσειε φίλου, ούκ έν εκείνη δήπουθεν αύτφ111 νομίζει τον φίλον εΤναι, ουδέ τα μέρη τοϋ σώματος εκείνου τοις της γραφές έγκεκλεΐσθαι μέρεσιν, άλλα τήν είς τον φίλον τιμήν δι* εΙκόνος δείκνυσθαι* τάς βέ προσαγομένας τοίς θεοΐς θυσίας oů τοσοϋτον τιμ^ς είς αυτούς φέρει<ν>112 δσον δείγμα εΤναι ђ τών θρησκευόντων προαιρέσεως καΐ τοΰ μή προς αυτούς άχαρίστως διακείσθαι, ανθρωποειδή δέ τών αγαλμάτων είκότως113 εΤναι τα σχήματα, έπεί114 το κάλλιστον τών ζφων &νθρωπος είναι νομίζεται καΐ εΐκών θεοΟ. ѵі έζ έτερου τοϋτο κρατΟναι το δόγμα, διαβεΰαιουμένου δακτύλους £γειν τον θεον οΤς γράφει φάσκων Kal Εδωχεν τφ Μωϋσ$™ τάς δύο πλάχας τάς λιθίνας γεγραμμένας τφ δαχτύλφ τοϋ θεοϋ.116 άλλα καΐ οί Χριστιανοί μιμούμενοι τάς κατασκευάς τών ναών μεγίστους οίκους117

οίκοδομοϋσιν, είς οδς συνιόντες εΰχονται, καίτοι μηδενός κωλύοντος έν ταίς οίκίαις118 τοϋτο πράττειν, τοϋ κυρίου δηλονότι πανταχόθεν άκούοντος.

ταΰτα είπων ό "Ελλην, έπέμεινεν ττ) οικεία δόξτ) συνιστάμενος ώς της αύτης μετέχουσι φύσεως οι' τε άγγελοι καΐ οι παρ' αύτώ λεγόμενοι θεοί* έφ' οΓς τήν προκειμένην εύαγγελικήν ρησιν προήγαγεν, δοκούν αύτώ τοις εκείνου λόγοις συνάδουσαν, Ινα πάλιν διά της ομωνυμίας καΐ της αύτης μεθόδου προερχόμενος, συναποδείξη καΐ τους παρ' αύτώ θεούς της τών σεμνών τούτων ονομάτων, αφθαρσίας τε και αθανασίας καΐ απάθειας, τιμής μετέχοντας119 και φύσεως μετειληχότας της αύτης. ούτω τον οίκείον λόγον κατασκευάσας και αυτός έαυτώ έπιψηφισάμενος και ώς όμολογούμενον λα$ών επάγει* όμολογουμένου τοίνυν θείας φύσεως τους αγγέλους μετέχειν, ο£ το πρέπον σέδας120 τοίς θεοίς ποιοαντες ούκ έν ζύλφ ή λίθφ ή χαλκφ, έζ το βρέτας121

κατασκευάζεται, τον θεόν είναι νομίζουσιν. ενταύθα

107ίδρύθησαν ^iCDP 3 · 0 0"·^ Ρ Ρ·«"1·· (an recto?) 109αίτοϋντα Ρ 110ση(μείωσαι) πε(ρί) εικόνων marg. uncial. D Π1αύτώ : αυτόν (an recte ?) Duchesne 112φέρειν Pitra Macarius : φέρει codd. 113είκότος 114èneì:ènlDacorr· 115Μωϋσείϋ3·οοπ'· U6Ex. 21, 18 117ει'κους ιηοιχείαιςΌΛ'ΟΟΤΤ· 119μετέχοντος D 120σέβας om.

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Here we must attentively remark that the heathen is somehow more moderate in his impiety when he says this, for he rises a little above the material world and envisages God as something greater.

7. Has it not, then, been more clearly and expressly demonstrated to all through these passages that already now the argument is about gods

< and statues fabricated of stone and wood and bronze and other material and about their worship? Most certainly. And for this reason do we here affirm beyond doubt that the author, in addressing his speech to hea­thens, sets forth arguments concerning images, that is statues, of their gods. For he writes : Now we shall speak with moderation on the sub­ject of angels and their incorruptibility, and how in the kingdom of heaven they neither marry, nor are given in marriage, but are as the angels in heaven. Christ, wishing to shew the blessedness of those whose lot it is to dwell in the land of heaven and to lament those who live in earth's corruption and have taken their existence from the stained birth of the flesh, being begotten and begetting and falling quickly away like leaves, says <that> those who have been deemed worthy to come to the incorruptible palace of life take up the way of life which the angels have, being released from bodily intercourse and union and having no longer either death or birth, separated from bodily relations and bonds, in order that any prudent man, hearing that spiritual essence rejoices in heaven by reason of immor­tality, might dispose his life in imitation of them and might strive after their worthiness through his deeds...8

Having arrived at this passage we might well feel dizzy and ill, for on account of the falsified arguments in this place great surprise and embarassment come upon us from all sides, and no device will be found in any quarter to enable us to behold the evil deed straight on. Sore bewildered by these things and discomfitted we utter the cry : soul full of passion and arrogance ! wily and audacious hand ! It is indeed wor­thy of marvel and stupefaction how neither did the former shudder from devising these things nor the latter shrink from the impious undertaking, but rather, in order that he might carry off the deed and accomplish his plot and deception in the most essential matter, now set forth for enquiry and examination, how artful a trick — oh clever endeavour ! — has he been caught out devising. For even if this fellow was adept and wily enough as to hide in the mist of his stitchwork the faking of this tract

8. Macarius IV, 27, p. 214113.

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προσεσχηκότας έπισημήνασθαι χρί) οτι δη μετριώτερόν πως περί την άσέδειαν ταϋτα λέγων ό "Ελλην διέκειτο, της ύλης μικρόν άνανεύσας και κρείττόν τι περί θεοϋ φανταζόμενος.

7 . αρ' οδν ούκ έκδηλότερόν τε και έκτυπώτερον δια τούτων απασιν δείκνυται ως ήδη και νυν περί θεών ό λόγος και αγαλμάτων έκ λίθων και ξύλων και χαλκού και ετέρας ύλης μεμηχανημένων και του περί αυτών σε^άσματος; πάνυ μέν οδν. διό και ενταύθα άναμφίδολον ό λόγος έχει τήν δήλωσιν οτι ό συγγραφεύς προς "Ελληνας τον λόγον άποτεινόμενος, περί εικόνων τών παρ' αύτοίς θεών ήτοι αγαλμάτων τον λόγον προήγαγεν γράφει γαρ ούτως· Λοιπόν τήν περί τών αγγέλων καΐ της αφθαρσίας αυτών σύν τφ μετρίφ λέζομεν τήν ύπόθεσιν, καΐ πώς έν ђ βασιλείφ τΰν ουρανών οϋτε γαμοΟσιν οϋτε γαμίζονται άλλ* είσίν ώς άγγελοι έν τοις ούρανοΐς.122 τήν μακαριότητα δεΐξαι βουλόμενος ό Χριστός τών ο [κειν λαχόντων τήν ούράνιον χώραν, καί ταλανίσαι τους έν Ѳ І τΐίς γης βιοτεύοντας, καί τήν ΰπαρξιν έκ φυπαρας τών σαρκών βλάστης άνειληφότας, γεννωμένους καί γεννώντας καί δίκη ν φύλλων θαττον απορρέοντας, φησίν οί καταζιωθέντες είς άνώλεθρον ζωής έλθείν άνάκτορον λαμΰάνουσιν άγωγήν f)v Ζχουσιν άγγελοι , άπαλλαγέντες μίζεως σωματικής καί κράσεως, καί τελευτήν μηκέτι μή δέ γένεσιν ζχοντες , συμπλοκής σωματικής καί δεσμών123 χωριζόμενοι, Vva τις τών εύφρονούντων124, άκουσας έν ούρανφ λογικήν ούσίαν τφ τής αθανασίας λόγφ πανηγυρίζουσαν, προς μίμησιν αυτών τον βίον βυθμίσειεν καί τήν εκείνων άζίαν125 τοίς Εργοις ζηλώσειεν.

ένταϋθα γενομένοις ήμιν ίλιγγυαν είκότως καί άλύειν επεστιν πολλή γαρ έκ τών κακουργηθέντων έν τώδε τώ τόπω εκπληξίς τε ήμας και απορία πανταχόθεν περιστοιχίζεται, καί όπως προς το κακούργημα ιδωμεν ούδαμόθεν μηχανή έξευρεθήναι δυνήσεται. τεθηπότες δέ άγαν έπί τούτοις καί δυσχεραίνοντες, ταύτην άφίεμεν την φωνήν ώ ψυχής εμπαθούς καί αυθάδους, ώ χειρός επίβουλου καί τολμηρας. καί δντως126

άξιον θαύματος καί εκπλήξεως όπως ή μέν έννοήσαι ταύτα ούκ εφριξεν, ή δέ προς τήν έγχείρησιν τήν αθεσμον ούκ άπενάρκησεν, άλλ' ώστε συλήσαι το πράγμα καί περί αυτό το καιριώτατον καί είς ζήτησιν τανυν προαγόμενον καί άνάπτυζιν τήν έπιδουλήν καί τον δόλον έργάσασθαι — βα6αί του σοφιστοϋ τών τοιούτων εγχειρημάτων —, οΓον αύτώ καταπεφώραται το τεχνούργημα, ει γαρ που δεινός127 καί χαλεπός128

οδτος129 ήν, ώς τη άχλύϊ τών καττυθέντων έπισκιάσαι του προκειμένου

122Mat. 22, 30 123(δε)σ(μών)οβ<:οιΤ·ΠΜΓδ· 124εύφραινούντων 125aCiaC 126δντος D 127δεινώς 128χαλεπώς 129ουτως codd.

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through words previously excerpted, nevertheless, shining forth the sun of truth has blunted his fiction and put an end to it, even as the sun rising at dawn scatters the gloom. Now his contrivance appears faulty and fee­ble. How did this wise scholar and most experienced author of such great undertakings think to escape notice? Did he take his readers to be so illit­erate and unlearned, or to be of the same mind and opinion as himself? Or has he openly taken position against and attacked piety and divine doctrines ? In any case, he has not met with such ignoble and ignorant hunters; for they prey has been taken forthwith on the first attempt, without a chase.

8. Now, even if he wants to make light of divine teachings and of the truth, we shall take leave of these fictions and shall go on to the explana­tion of the things under enquiry. The wording from the place in the cita­tion from which the excerpt was taken, as has been set forth, is clear : it concludes and leaves off at the place where it is now convenient to take up, so as not to interrupt the flow of speech. It runs : in order that any prudent man, hearing that spiritual essence rejoices in heaven by reason of immortality, might dispose his life in imitation of them and might strive after their worthiness through his deeds9,... Up to this point the citation runs correctly and without error, but thereafter come words dishonestly and wickedly missed out by that clever imposter ; for after the phrase might strive after their worthiness through his deeds, one is to read in continuation : abstaining from marriage and fleeing the symbols of corruption, and finally passing through the door of death, might ascend assuaged into the court of the blessed, that is of the angels10,... Deleting this passage, however, he has added : though not having fashioned images in their form.11

The artifice here is obvious. But what has the inventor devised with this trick? He now wishes to obscure the truth, that it might not be clear of whom and in what wise the author forbade the making of images. For hereby he attempts to prove and to pursuade those who happen to read this, if he catch any in the snares of his strategems, that the other forbids the fashioning and drawing of images of holy men, the same who have gone beyond human nature and have passed into the angels' way of life, in order that it might perchance come to pass, if ever a certain few might be convinved by his arguments, that they might wickedly deface in one

9. Supra § 7. 10. Infra § 9. 11. Infra §9.

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δια των προαναρπασθέντων λόγων τήν ευρεσιν, αλλά τό γε της αληθείας προεναστράψαν130 φως άπήμ^λυνεν αύτου το δραματούργημα καΐ διέλυσεν, καθάπερ κατ' δρθρον131 άνίσχων ό ήλιος της νυκτός διεσκέδασεν την κατήφειαν. τοιγάρτοι σαθρον ώφθη καΐ ασθενές εντεύθεν το κατασκεύασμα, πώς γαρ ωετο λανθάνειν ό σοφός οδτος γραμματεύς καΐ των τηλικούτων έπιχεψημάτων εργάτης πολυπειρότατος; δρα ώς λίαν αμαθείς καί απαίδευτους τους έντευξομένους ύπειληφώς, η της αύτης έκείνω γνώμης και δόξης υπάρχοντας; ή τη εύσεδεία καί τοϊς θείοις δόγμασιν φανερώς άντικαθέστηκεν132 καί μεμάχηται; άλλα γάρ ούκ έπι τοσούτον αγεννέσιν καί άπειροκάλοις περιέτυχεν θηρευταίς· ευθύς γάρ έξ αύτης πρώτης133 ορμής άλώσιμον γέγονεν μή διαδράσαν το θήραμα.

8. ημείς τοίνυν, εϊπερ κατά των ένθέων διδαγμάτων και της αληθείας παίζειν βούλεται, χαίρειν τοίς δραματουργηθείσιν φράσαντες, επί τήν των ζητουμένων διασάφησιν ιωμεν. ή μέν οδν ρησις του χωρίου της χρήσεως ένθα ή περικοπή γέγονεν, καθάπερ προεκτέθειται, δήλη* περαίνεται δέ καί καταλήγει έν έκείνω τώ τέλει, δπερ καί νυν έπαναλαδείν άρμόδιον προς το134 τον είρμον μή διακοπηναι του λόγου, έχει δέ ωδε\.Λ'να τις τ ο ν εύφρονοόντων135 , άκουσας έν ούρανφ λογικήν ούσίαν τφ τΐ)ς αθανασίας λόγω πανηγυρίζουσαν, προς μίμησιν αυτών τον βίον βυθμίσειεν καί τήν εκείνων άξίαν τοίς 8ργοις ζηλώσειεν,. . . μέχρι τούτου του πέρατος ύγιώς καί άμέμπτως έχει τά της χρήσεως, εντεύθεν λοιπόν τά πονηρώς καί κακούργως τώ σοφώ έκείνω ύφαιρεθέντα* α δή κατά συνέχειαν άναγνωστέον του ζηλώσειεν έχοντα οίίτως* . . .γάμων άπεχόμενος , καί τά τΐ)ς φθοράς δραπετεύων σύμβολα, καί τέλος παρελθών τοο θανάτου τήν θύραν, είς μακάρων αύλήν, τουτέστιν τ ο ν αγγέλων, άνέλθρ κουφιζόμενος, . . . ούτω δή τήν περικοπήν ταύτην περιελόμενος έπήγαγεν ...ού μήν εικόνας εκείνων τυπώσας τφ σχήματι.

καί το μέν τέχνασμα ενταύθα φανερόν. τί δέ τώ εύρετή της μηχανής ταύτης εντεύθεν διαπεπραγμάτευται; συσκιάσαι βούλεται νυν τήν άλήθειαν, ώς μή φανερόν γενέσθαι οποίων δή τίνων καί δτω136 τρόπω εικόνας ό συγγραφεύς γίνεσθαι παρητήσατο. πειράται γάρ δι' αυτών δεικνύειν καί πείθειν τους παρατυγχάνοντας, εΐπέρ τινας αίχμαλωτευομένους τοίς αύτου στρατηγήμασιν λάδοι, δτι γε δή ανθρώπων αγίων, τούτων δή τών τήν φύσιν τήν άνθρωπείαν ύπελθόντων καί εις πολιτείαν άγγελικήν μεταταξαμένων, εικόνας απαγορεύει τυπουσθαι καί γράφεσθαι, Υνα τι συμδήσεται, ει ποτέ τίνες137

καταπειθεΐς138 αύτου τών λόγων γενήσοιντο, όμου τε τον κόσμον της

130προαναστράψαν Ρ 131κατόρθρον 132άντικαθέστικεν 133πρώτης : προ της Ρ 134το om. D 135εύφραινούντων 136δτω : ό τώ 137ει ποτέ τίνες cum signo add. marg. 138έπικαταπειθεις

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stroke both the order and beauty of the Church, and might violate and abolish the reverence and worship which Christians admit, in accordance with long prevailing custom in the Church, as well as in obedience to the sacred teachings of holy men. But such is not the purpose of the author, as shall be shewn.

9. Wherefore, leaving at last aside the arguments of deceit, we shall set out upon the path of truth. First we shall treat the division in the argu­ment in question, and thus the discourse will be made evident and most clear. For dividing the argument in two the author introduces Christ who on the one hand considers the blessed end of the multitude of holy hosts in the heavens, whilst on the other hand He laments the affliction of those who have acquired their existence from fleshly and material birth. Then, as if making a sub-division of these things, he adds : those who have been deemed worthy to come to the incorruptible palace of life take up the way of life of the angels, being released from bodily pas­sions and bonds, in order that any prudent man, hearing that spiri­tual essence rejoices in heaven by reason of immortality — that is, of the blessed and bodiless hosts —, insofar as possible might dispose his life after their example, abstaining from marriage and fleeing the symbols of corruption, and finally passing through the door of death into the court of the blessed, that is of the angels, might ascend assuaged, though not having fashioned images in their form.12

Whose images? The angels', to be sure, whom he mentions directly, and to whom the heathen he is addressing compares his own gods with pretension. Lest, then, he might appear to be in agreement with the hea­then in this, for this reason he says : ...in order that prudent men might strive after the angels' worthiness through their deeds, though might not fashion images in their form (in accordance with the heathen's pur­pose), being deluded of mind and directing and circumscribing their worship in matter and creation. This is made clear by the added remark : as you say yourself13 — that is, the heathen.

But the argument is shewn more clearly by what follows, to wit : to a shadow does he speak and he delights in a phantom, conversing with inanimate matter as if with animate beings, rejoicing in the sight of lifeless figures, bringing supplication to dumb forms, legislating that the deity dwells in stone and wood, imagining indomitable matter to be held by bronze and iron, supposing to trap the invisible in a dead vision.14

12. Macarius IV, 27 (cont), p. 2141315. 13. Ibid., p. 2141516. 14. Ibid., p. 214,16-20.

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εκκλησίας καΐ την εύπρέπειαν κακοήθως λωδήσαιντο, και την γε προσκύνησιν και το σέβας, 8περ Χριστιανοί κατά το κράτησαν ανέκαθεν εθος τη εκκλησία προς δέ καΐ αγίων πατρών ίεραίς διδακαλίαις139

προσανέχοντες νέμουσιν, έξυδρίσαιέν τε140 και περιγράψαιεν. άλλ' ούχ' ούτως ό του συγγραφέως έχει σκοπός, ως μετά ταύτα δειχθήσεται.

9. διό τέως141 των της απάτης άφέμενοι λόγων, επί τήν της αληθείας βαδιούμεθα τρίτον, καΐ πρότερόν γε περί της διαιρέσεως των προκειμένων διαληψόμεθα* ούτω γάρ εύκάτοπτα ήμίν καΐ καθαρώτατα γενήσεται τά λεγόμενα, διχή γάρ ταύτα διελόμενος ό συγγραφεύς εισφέρει τον Χριστον των μέν κατ' ουρανούς αγίων ταγμάτων τήν πληθύν έν μακαρία τη λήξει τιθέμενον, των δ' αδ εκ σαρκικής καΐ προσύλου γενέσεως τήν υπαρξιν κεκτημένων τήν αθλιότητα ταλανίζοντα* εΤτα ώσπερ έπιδιαίρεσιν τούτων ποιούμενος επάγει· οί καταζιωθέντες είς άνώλεθρον ζωής είσελθεΐν άνάκτορον αγγέλων λαμδάνουσιν αγωγή ν , σωματικών παθών καΐ δεσμών άπαλλαγέντες , Υνα τις τών εύφρονούντων άκουσας έν ούρανφ λογικήν ούσίαν τφ τί)ς αθανασίας λόγω πανηγυρίζουσαν — τουτέστιν τών μακαρίων καΐ ασωμάτων δυνάμεων —, ως δυνατόν τον βίον προς αυτούς βυθμίσειεν, γάμων άπεχόμενος καΐ τά τής φθοράς δραπετεύων σύμβολα, καΐ τέλος παρελθών τοΰ θανάτου τήν θύραν είς μακάρων αύλήν, τουτέστιν τών αγγέλων, άνέλθη κουφιζόμενος, ού μήν εΙκόνας εκείνων τυπώσας τφ σχήματι.

τίνων εικόνων; τών αγγέλων δήπουθεν, δν προσεχώς έμνημόνευσεν, οΤς ομοίους τήν φύσιν ό142 προσδιαλεγόμενος "Ελλην τους εαυτού θεούς άπεκόμπασεν. ως αν οδν μή τώ "Ελληνι συμφερόμενος περί ταύτα δειχθείη, τούτου γε ένεκεν εφη* ...Vva οί εύφρονοΰντες τήν μέν τών αγγέλων άξίαν τοίς Εργοις ζηλώσαιεν, εΙκόνας δέ αυτών — κατά τον του "Ελληνος σκοπον — μή τυπώσαιεν τφ σχήματι, τον νουν άποπλανώμενοι143 καΐ μέχρι της ύλης και του κτίσματος ίστώντες το σέ6ας καΐ περιγράφοντες, καΐ τούτο δηλοΐ το έπαγόμενον πρόσρημα το ώς φής αυτός — τουτέστιν ό "Ελλην.

βεδαιότερον δέ τον λόγον άποφαίνει τά τούτοις επόμενα, δ έστιν ...τφ σκιφ φθέγγεται καΐ τφ φάσματι τέρπεται, άφύχοις ΰλαις ώς έμφύχοις ένομιλών, νεκρών χαρακτήρων δψεσιν εύωχούμενος, άφώνω πλάσματι προσάγων τήν Κντευξιν, λίθω καΐ ζύλω φωλεύειν το θείον νομοθετών, χαλκφ καΐ σιδήρω144 κρατείσθαι τήν άκράτητον (ίλην φανταζόμενος, θηραν το άθέατον έν θεωρία νεκρξί άλόγως ύποτοπών.

139ίεραί διδασκαλίαι 140έξυβρίσαιεντε€ 1 4 1δι'δ τ ε ώ ς OSLCOTT*utvid' 142ô Csscr. 143άποπλανόμενοι CDŁ c

^σηδήρωΟ001*·

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So much says the author, and it is timely here to take up the saying of Solomon : 'They are all plain to them who understand, and right to them that find knowledge.' For who is so uninitiated and lacking in all reason that it not be obvious and clear to him that the author, scoffing and rejecting the stupidity of those inspired by a evil genius, proves the Christian faith to be pure and declares it free of all adoration of created matter, and that Christians strive to imitate the angels' way of life in other wise than the heathens who make images of them in wood and stone, paying attention to the other matter and directing their minds to the created things themselves, stopping here and imagining nothing more? What else would one think who had the slightest reason and understanding, when he hears : bringing supplication to dumb forms, legislating that the deity dwells in stone and wood and the rest, than that this is forbidden Christians ? For who amongst those believing in Christ our God and enlightened by the divine radiance of the Trinity has turned away from truth and brings supplication to dumb forms, or would ever suppose that the deity dwells in stone and wood ? What blasphemy ! These are things of the heathens and barbarian nations who, borne down by the yoke of the devil and caught up in the snares of belief in many gods or, more properly speaking, godlessness, and abiding in the darkness of ignorance, worship creation instead of the creator and consider gods the things they have made, imagining vain things in then-own foolish reasoning. For Christians bring worship and reverence in spirit and truth to God the maker and master of all, and in godly fashion do they accord reverence to His supreme glory, even as our confession is each day offered unto Him. And they bring worship of honour unto our holy images, not approaching the material and apparent images, but rais­ing the mind on high to their archetypes. Thus also would any other faithful Christian, conducting his life piously and in holy fashion, think and proclaim ; and all the more would the author of this tract, if assigned the rank of teacher, mock the arrogance and frenzy of those who make bold to denounce the divine Gospel. For had he not replied thus to the other in the dialogue, responding with something to counter what the other had said, it would have appeared as an affront against him, and he would be a subject for laughter, and would be mocked as lacking in wis-

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τα μεν οδν145 του συγγραφέως ταύτα, εοκαιρον δέ ενταύθα άναλαδόντας εκείνο146 το Σολομώντειον φάναι* Πάντα ένώπια τοις συνιοϋσιν και ορθά τοίς εύρίσχουσιν γνώσιν147, τις γαρ οΰτως αμύητος τε και λόγου παντός αμέτοχος, δ μή ταύτα εύφώρατά τε καί δήλα καθίσταται, ώς ό συγγραφεύς, τών κακοδαιμονούντων άποσκώπτων καί έκτρεπόμενος τήν ηλιθιότητα, τήν τών Χριστιανών πίστιν καθαράν άποφαίνει καί πάσης κτισματολατρείας άπηλλαγμένην λέγει, καί δτι Χριστιανοί τήν μέν τών αγγέλων πολιτείαν μιμεΐσθαι σπουδαζουσιν ούχ' ώς οι "Ελληνες είκονίζοντες ξύλοις καί λίθοις, καΐ ђ ετέρα ιίλη προσανέχοντες, καί αύτοΐς148 τοίς κτίσμασι τον νουν ένερείδουσιν, μέχρι τούτου ιστάμενοι καΐ ουδέν πλέον φανταζόμενοι; τί γαρ έτερον ενταύθα έννοήσειέ τις, δ και καταμικρον149 λόγου τε καί συνέσεως μέτεστιν, ήνίκα άκούσειεν άφώνω πλάσματι προσάγων150 τήν ίντευξιν , λίθω καΐ ζύλω ψωλεύειν το θείον νομοθετών καΐ τά άλλα ή 8τι τοίς Χριστιανοίς τούτο151 άπηγόρευται; τις γαρ τών πεπιστευκότων εις Χριστον τον θεον ημών καί της τριάδος τήν θείαν αϊγλην έναυγασθείς τήν άλήθειαν άπέστραπται, καί άφώνω πλάσματι προσάγει152 τήν 2ντευ£ιν, καί λίθω καί ξύλω ψωλεύειν το θείον ύποπτεύσοι ποτέ; άπαγε153 της βλασφημίας. 'Ελλήνων ταΰτα καί καί βαρβάρων εθνών, οιτινες τοις του διαβόλου ζυγοΐς ύπενηνεγμένοι, καί πολυθεΐας η άθειας, ειπείν οίκειότερον, βρόχοις συνειλημμένοι, καί έν βαθεϊ σκότω της αγνοίας καθεύδοντες, τη κτίσει λατρεύουσιν παρά τον κτίσαντα καί θεούς τά ποιήματα οϊονται, τοίς εαυτών διαλογισμοίς ματαιούμενοι. οί γαρ Χριστιανοί θεώ μέν τώ πάντων ποιητή καί δεσπότη τήν έν πνεύματι και αλήθεια λατρείαν154 τε προσάγουσιν καί προσκύνησιν, καί τη υπέρτατη δόξη θεοπρεπώς το σέ6ας προσνέμουσιν, καθά ή ομολογία ημών εκάστης αύτώ προσφέρεται* ταϊς δέ ίεραϊς καί καθ' ήμας είκόσιν τήν κατά τιμήν προσκύνησιν προσάγουσιν, ού τη \5λη καί τοις φαινομένοις προσέχοντες, προς δέ τά τούτων αρχέτυπα τον νουν εύσεδώς άνατείνοντες. οΰτω δ' αν καί άλλος Χριστιανός πιστός τε155 ων καί εύλαδώς καί όσίως τον βίον έξανύων φρονήσειέν τε καί φθέγξοιτο, πολλώ δέ πλέον ό συγγραφεύς οδτος, ει'περ έν διδασκάλου τάξει προκαθεζόμενος, τών τολμώντων κατά του θείου ευαγγελίου ποιείσθαι τήν κατάρρησιν στηλιτεύσειεν το σο^αρόν τε καί εμπληκτον εί μή γάρ ού­τως τώ προσδιαλεγομένω άπήντησεν καί άλλο τι παρά τά είρημένα

145 ѵ . 146(èxei)voDecorr-147Prov. 8,9 148αύτοί 149(κ)αν (μικρόν) Ρ 150προσαγαγων D 151Toö(To)Decorrsscr· 152προσάγειν D 153 · 154Joh. 4,23 155τέ F50*

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dom and understanding, and would be derided for ignorance and derangement, in as much as his opponent had constructed one argument, but in folly he had responded to another.

But such is not the truth, for it is impossible to find him mistaken in his words : to each of the opponent's remarks does he bring a fitting rejection and refutation. The man is not to be held in dishonour here, though the forger, in his frenzy, thought to do just this, by cutting up the truth to suit his purpose and arranging in contrary wise that which had been correctly and blamelessly exposed. For there is another such thing which the flow of speech forced us to omit above, lest confusion should result in what was being said and the clarity of the undertaking in hand be impaired. We shall now discuss this properly, for it would also not be right to overlook this artifice, which lacks nothing of the baseness of the former. It must be noted that, after the author says : though not having fashioned images in their form, the enemy of Christ has again dishon­estly deleted a phrase from the speech, to wit : as you say yourself, in order that he may be pursuasive when he tells the readers that the author is here intent on the abolition of the making of sacred images ; the which the author in no wise thinks. Rather, setting himself against the opinion of the heathens, he says to the heathen : 'No longer as you say, introduc­ing statues and figures and images of the gods, do those now striving after the angels' way of life treat images in this same forbidden and despicable way, that is after the manner of abominable idols ; on the con­trary, idols are manifestly rejected and abhorred as odious and harmful'.

10. Now we must consider also what follows in the citation at hand. It runs thus : For even if angels have sometimes appeared, for the most part in human form, they were not what appeared, but that which they were is invisible, and so on with what follows.15

From these words it is clear that the author still persists in his own opinion, rejecting and refuting yet more abundantly the mad and sense­less way of thinking of those who make idols. For having said above : in order that any prudent man, hearing that spiritual essence rejoices in heaven by reason of immortality, might strive after their worthi­ness through his deeds, he adds shortly thereafter : not having fash­ioned images in their form. Who it was that strove after this way of life, though not having fashioned images after the manner of the hea­thens, he does not say, but leaves the matter undetermined. For this rea-

15. Macarius, IV, 27 (cont.), p. 2142 22 . 16. Cf. Macarius IV, 27 (cont), p. 21515"30. 17.Ibid.,p.21530-32.

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άντεπεξάγων, έδόξασεν ΐίδρις156 αύτώ, και γέλως αν προσετρ№ετο, και ως δίσοφος και ασύνετος έστηλιτεύετο, και έγελατο της άμουσίας τε καΐ παράνοιας, ως άλλα μέν ό αντίπαλος κατεσκεύαζεν, προς ε'τερα δέ οδτος άνοηταίνων άνθυπεφέρετο. αλλ' ούχ' ούτω τά της αληθείας έχει, ουδέ γαρ ενεστιν διεσφαλμένον αυτόν επί τοίς ιδίοις λόγοις εύρειν κατάλληλον γαρ έκάστω των παρά του εναντίου προφερομένων επάγει τήν άνασκευήν και άντίρρησιν. ουκουν άτιμαστέον ενταύθα τον άνδρα* δπερ Ζδοξεν άνοήτως δραν τώ παραχαράκτη της αληθείας ύποτεμνομένω προς το δοκούν καΐ άντιμεθέλκοντι τά ορθώς τε157 καΐ άμέμπτως έκκείμενα. τοιούτον γαρ τι εστίν καΐ όπερ έν τοις άνόπιν158 ή συνέχεια του λόγου παραλιπείν έ€ιάσατο, Ινα μή σύγχυσις τοίς λεγομένοις παρακολουθήσασα των έγκεχειρισμένων διακόψη τήν σαφήνειαν περί καΐ159 κυρίως νυν διαληψόμεθα, ου γάρ θεμιτον ουδέ τούτο παροφθηναι το τέχνασμα κατά μηδέν εις κακίαν του προτέρου άπολειπόμενον. προσεκτέον γάρ 8τι μετά το ειπείν τον συγγραφέα* oů μήν είκόνας εκείνων τυπώσας τφ σχήματι, το ώς φής αυτός πάλιν του λόγου περιείλετο δυστρόπως ό χριστομάχος, Ινα δείξη πιθανός εΤναι τοίς έντυγχάνουσι λέγων κατά ταύτα τον συγγραφέα φρονεϊν έπ' αναιρέσει της των ιερών εικόνων ποιήσεως* 8περ ό συγγραφεύς ουδαμώς160 έπίσταται. μάλλον μέν οδν τη δόξη τών 'Ελλήνων αυτός άντιπαραταττόμενος εϊρηκεν προς τον 'Έλληνα δτι ούκέτι ώς σύ φής, αγάλματα και ξόανα και είκόνας θεών είσφέρων, ηδη και οι τήν άγγελικήν πολιτείαν ζηλουντες τώ όμοίω τρόπω τούτω δή τώ άπηγορευμένω καΐ άποπτύστω, ήγουν της τών ειδώλων βδελυρίας, περί τας εικόνας διαπράττονται* τουναντίον γάρ τά είδωλα περιφανώς αποστρέφονται καΐ βδελύττονται ώς μυσαρά καΐ ολέθρια.

10. έπισκεπτέον λοιπόν εντεύθεν καΐ τά ακόλουθα της έν χερσίν χρήσεως, έχει γάρ ούτως* Et γάρ καΐ τά μάλιστα έν άνδρείω σχήματι Αγγελοί161 ποτέ έφάνησαν, άλλ* oů το φανέν ί σ α ν άλλ* δπερ ΐίσαν άόρατόν έστιν, και τά162 τούτοις επόμενα.

διά τούτων τών λόγων φανερός έστιν ό συγγραφεύς ετι τη δόξη τη ιδία παριστάμενος, καΐ έκ περιουσίας άνασκευάζων καΐ άναιρών τών είδωλοποιούντων το μανικον καί άλόγιστον φρόνημα, είπων γάρ ανωτέρω* ...Υνα τις τ ο ν ευφρονούντων άκουσας έν ούρανφ λογικήν ούσίαν τφ της αθανασίας λόγω πανηγυρίζουσαν, καί τήν εκείνων άξίαν τοίς Εργοις ζηλώσειεν, είτα μετά τίνα έπαγαγών oů μήν εΙκόνας εκείνων τυπώσας τφ σχήματι. τίς άρα ό ταύτην ποτέ τήν πολιτείαν 0)λώσας, oů μήν εικόνας εκείνων Έλληνικώς τυπώσας, ούκ έπήγαγεν, αορίστως δέ τον λόγον κατέκλεισεν. διά τούτο

156ύ6ρίσας D Pitra 157τε om. 158άνόπην 159καΙ om. 160ούδαμώς om. DP 161p. άγγελοι scripsit χρήσεως et subito cancellava 162τά D5501·

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102 MICHAEL FEATHERSTONE

son, then, as if to complete what was said insufficiently in the other place, he introduces here by way of example the person of the patriarch Abraham. For after a rather long passage in the tract, in which he consid­ers the subject of Abraham and the angels who appeared to him16, in conclusion he says: And when these things had come to pass, Abraham in truth wisely did not fashion the appearance of those who had been seen, nor sculpt any statue in likeness, nor grave any tablet thinking to see in them those who had been his guests.17

For it was not right that the patriarch who was the friend of God should be affected by the error of superstitious men of that time, the erection of statues having only just recommenced. It is to be remarked of necessity that we must also assume here the tacit addition of the phrase : as you say yourself (that is, the heathen), which occurs above after the phrase : though not having fashioned images. From this, then, is shewn the author's thinking that those who live according to God, striving to please Him through their own lives and achieving, insofar as possible, a way of life like that of the angels, abominate and reject as defilements statues constructed in idolic fashion and offerings made to imagined gods by those ignorant of truth.

11. Now, as for the parts which follow in the citation and in which there is no reason for enquiry, these will require no inspection for expla­nation or elucidation (for again, the middle part of what follows in the same citation — this too deceitfully and laboriously tampered with ! — as also the subsequent part of the citation, loudly and most clearly and piercingly proclaim the composition of the entire book to be against the heathens and idols) ; but the remaining passages of the citation which are necessary to the present purpose are the following. After the author says : ...and will shine upon all with the grace of this gift ?18, he adds this : For if he who is called by you Prometheus fashions man, in no wise ashamed, and Zeus makes woman, whom Athena girded, do you both praise the myth and honour the act, seeing no shame, tak­ing no passion into account, making no enquiry into the reason for the hidden parts ? For it is much more shameful (if it be indeed at all shameful) to fashion parts and to cover them rather than to come forth through them for the sake of economy and reason of useful­ness.19

18.Macarius,IV28,p.2173. 19.1 ., .217^.

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οδν, ενταύθα, ωσπερ άναττληρών τά έκείσε ελλιπώς163 λεχθέντα, το του πατριάρχου Ά6ραάμ πρόσωπον παραδείγματος χάριν εις μέσον τίθησιν. περίοδον γαρ συγγραφής έν τώ μεταξύ ουκ όλίγην διεξελθών, της κατά τον Άδραάμ καΐ τους όφθέντας αύτώ αγγέλους πραγματείας τήν έπίσκεψιν ποιούμενος,164 τον λόγον συμπεραίνων ούτως εφη* ΚαΙ τούτων γενομένων, σαφώς κατά άλήθειαν τ ο ν όφθέντων ό Ά ΰ ρ α ά μ ού τυποΐ τήν έμφάνειαν, ουδέ έμφερές &γαλμα ζέει, fj γράφει τφ πίνακι, έν αύτοίς βλέπειν τους ζενισθέντας νομ(ζων165.

ού γαρ ήν εικός φίλον δντα του θεού τον πατριάρχην τρ των κατ' εκείνο καιρού δεισιδαιμονούντων ανθρώπων ύπάγεσθαι πλάντ), άρτι σχεδόν άνακυπτούσης της των αγαλμάτων ιδρύσεως, παρασημαντέον δέ άναγκαίως δτι κάνταϋθα προσυπακούεσθαι δεϊ το ώς φής αυτός, τουτέστιν ό "Ελλην, όπερ σύγκειται ανωτέρω μετά το oů μήν εικόνας εκείνων τυπώσας. δέδεικται οδν καΐ διά τούτων του συγγραφέως ή διάνοια δτι οι κατά θεον ζώντες καΐ εύαρεστείν166 αύτώ διά της εαυτών ζωής σπουδάδοντες καΐ τον έφάμιλλον άγγέλοις, ώς δυνατόν, κατορθουντες βίον τά ειδωλικώς κατασκευαζόμενα αγάλματα καί τοίς νομιζομένοις θεοίς παρά τών άγνοούντων τήν άλήθειαν άνακείμενα βδελύσσονταί τε καί αποστρέφονται ώς μιάσματα.

1 1 . τά δέ εξής της χρήσεως λόγον ζητήσεως ούκ έχοντα, έπισκέψεως*ού δέονται προς άνάπτυξιν καί διασάφησιν (τά γαρ ετι έν τώ μεταξύ τών έξης της αύτης χρήσεως, καί αυτά δολίως καί μοχθηρώς ύποσπασθέντα, ετι δέ καί τά έπέκεινα της χρήσεως τηλαυγώς καί έκφανέστατα167 καί διαπρυσίως βοώσιν κατά Ελλήνων και ειδώλων168 εΤναι της δλης βί6λου την συγγραφήν), έκ δέ τών λειπομένων μεταξύ της χρήσεως α έστιν αναγκαία προς τον προκείμενον σκοπόν, ταύτα, μετά γαρ το ειπείν τον συγγραφέα το καί πδσιν έπαστράφει169 ђ χάριτι τΐ)ς δωρεάς;, επιφέρει ταϋτα* Et γαρ ό παρ* ύμίν Προμηθεύς λεγόμενος πλάττει τον άνθρωπον, μηδέν δλως αΐδούμενος, Ζευς δέ γυναίκα ποιεί170, flv Εζωσεν Άθηνίχ, καί τον μϋθον επαινείτε καί το πράγμα σεμνύνετε, ούκ αίσχος όρώντες, ού πάθος λογιζόμενοι, ού κεκρυμμένων μορίων τον λόγον εξετάζοντες; πολύ γάρ αίσχιώτερον (εϊ γε δντως εστίν αϊσχιον) το πλάσαι μόρια καί καλύφαι τισίν έπιδλήμασιν171, fj το δι* αυτών παρελθεΐν, οίκονομίας χάριν καί λόγου λυσιτελούς.

163έλλειπώς CD ŁCOrr

164cf. Gen. cap 18 165νομίζων : ό μείζων Ο 0 0

166εύαρεστιν 167έμφανέστατα DP 168είδώλων καί ελλήνων 169άπαστράψει Ρ 170γυναικοποιεί ι71έπειδλήμασιν

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And that which follows after the citation runs thus : Let us not call gods the elements of the world, earth, water, air. Even if stars course and run to infinity, let us not deify them ; for just as no one crowns horses which run but rather their driver and charioteer, so let us keep sincerely our worship not for the stars but for God who sus­pended them. Even if statues speak and appear to converse, let us not offer worthy honour unto them. Even if Moses say, 'Thou s halt not revile the gods', let us not think that it was of them or with regard to them that this was said ; for those are Gods unto whom the word of God came, even as those are warm whom the fire has warmed. The word of God has never resounded in stone or wood, nor bestowed sense upon senseless things ; but vain-minded men, working gold and fashioning bronze, petitioned the deity for oracles from them: impaired in their thinking and blind in their under­standing, they were not even troubled in their souls by the insensibil­ity of stone statues, though they judged this and proved well that the inanimate object had perception neither of honour nor yet offense, that it neither honoured him who praised nor requited him who reviled with punishments. It is not, then, insensate gods whom Moses says are not to be reviled. For how can that which is insensate be reviled? By whom is it ever aggrieved? Who would be so stupid and silly and foolish as to revile that which cannot, on account of the deadness of its matter, discern the offence of the revilement? Wherefore they are neither gods, nor have they the sensibility to be insulted, nor requite they anyone for anything, being dead by nature and inert in reason. Even if they have names and the appellation of gods, they do no harm to the deity, just as dogs have no honour by being given men's names. Many, then, have given divine names to profane things, doing thereby no harm to divine things but only manifesting their own foolishness. For if one is called god but has nothing divine, it is to the appellation that he does offense and the name he sets at naught, bringing upon himself inexorable and irre­mediable blame. Think not, then, that Almighty God is vexed or

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NICEPHORUS'S CRITIQUE 105

τά δέ μετά το τέλος172 της χρήσεως ταϋτα* Μή βέ θεούς καλέσωμεν τά στοιχεία τοο κόσμου, γί)ν, ΰδωρ, αέρα. καν θέουσιν173

αστέρες καΐ τρέχουσιν174 άπειρα, τούτους μή θειάζωμεν* ώς γάρ τρέχοντας Υππους ουδείς έστεψάνωσεν άλλα τον έλατηρα τούτων καΐ ήνίοχον, οίίτως ούκ άστροις άλλα θεφ το σέβας γνησίως τηρήσωμεν τφ τούτους έζάφαντι. κάν αγάλματα φωνεΐ175 καΐ ôoxfi διαλέγεσθαι, μή δέ τούτοις τιμήν άξίαν προπίωμεν176. μή δ*177 άν λέγρ Μωσί}ς· «θεούς ού κακολογήσεις17*», μή 179 περί τούτων ή τούτους είρ^σθαι νομίσωμεν εκείνοι γάρ θεοί προς οδς ό λόγος τοο θεοϋ έγένετο, ΰσπερ εκείνοι θερμοί οος το πΟρ έθέρμανεν. θεοΟ βέ λόγος οδτε λίθοις ποτέ, οδτε ξόλοις ένήχησεν, ουδέ τοίς άναισθήτοις αϊσθησιν έχορήγησεν. άνθρωποι δέ κενοφρονοϋντες, χρυσον χωνεύσαντες καί χαλκον διαπλάσαντες, χρησμούς έξ αυτών το θείον άπήτησαν, πηροί το φρόνημα καί τυφλοί τήν έννοιαν, μή δέ έκ τΐ)ς αναισθησίας τον λιθίνων ξοάνων τήν φυχήν δυσωπούμενοι, καί κρίνοντες εκείνο καί καλός δοκιμάζοντες ώς ουδέ τιμής αϊσθησιν ούβ* αδ πάλιν ΰΰρεως λαμβάνει το άφυχον, ού τον εύλογοϋντα τψφ ουδέ τον κακολογοΟντα τιμωρίαις αμύνεται. Μω15σής οδν ούκ αναίσθητους λέγει κακολογείσθαι θεούς· τί γάρ το άναίσθητον κακολογούμενον; παρά τινός180 ποτέ λυπηθήσεται; τίς ' οΰτως ένεος181 καί φλήναφος καί μωρός κακολογείν εκείνο το μή δυνάμενον, δι' ΐίλης νεκρότητα, τής κακολογίας διακρΐναι τήν ífópiv; δθεν ουδέ θεοί, ουδέ αϊσθησιν έχοντες προπηλακισθήσονται, ούδ' άμύνονταί τίνα, νεκροί τήν φύσιν δντες καί τον λόγον ακίνητοι, εί δέ ονόματα θεών έχουσιν καί έπίκλησιν, ού λυμαίνονται το θείον, ώς ουδέ κύνες182

ανθρώπων όνομασίφ τιμώμενοι183, πολλοί γοϋν έξ εύχερείας τά θεία τοίς βέβηλοι ς έπέθηκαν ονόματα, ουδέν έν τούτφ τά θεία λυπήσαντες, τήν δέ σφών άφροσύνην μόνον έφανέρωσαν εί γάρ τις θεός μέν λέγεται καί θείον ουδέν £χει, υβρίζει τήν κλήσιν καί διαβάλλει τοδνομα, άπαραίτητον έγκλημα φέρων

172τέλος cum signo add. marg. P 173καν θέουσιν DŁ «" "· βΜΓ· : καν θέωσιν D? «"· (manu Ρ, ut vid.) Ρ?· «"· καθέουσιν

.. coir. sscr.. 174τρέχουσιν CD* «"-F- «"· : τρέχωσιν D* corr- (manu Ρ, ut vid.) Ρ?corr· 175άγάλματα φωνεΐ : άγαλμαφωνα CŁ - ut vid αγάλματα φωνή DP 176(προ)σ(ι'ωμεν) D ecorr· 177δ': δέ 178 . 22, 28 179δέ om. DP 180an pro τίνος ? mivEbç:veoçO,LCOTT· 182κοίνες 183όνόμασία τιμώμενοι CD Ł *̂1· Ρ a· COIT· : όνόμασιν άτιμώμενοι D ρ· І · ονόμασι

τιμώμενοι Ρ Ρ· "*"·

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troubled by this, even if some foolish ones have dragged the divine name right down to the reptiles; for they have done themselves harm enough by offering the prime and imperishable nature and pure name to dishonorable matter.

With sufficiency, then, let so much be said concerning unfounded imposture about gods.20

12. With sufficiency, then, has the author been the meticulous judge of his own words, requiring none other for explanation, so that all who have eyes to see and ears to hear may hold without any doubt that the entire tract in question is concerned with idols, not with the holy images which we Christians, as is right and as the Church proclaims, revere and worship. But in order that the madness of these foolish ones might be more manifestly and abundantly refuted, since it has escaped their notice that, seised by the perversion of the heathens, they too, after the manner of heathens, have raged against Christians and, in support their own doc­trine, have wickedly and impiously brought arguments written against heathens to bear against our venerable customs, we now set forth things which the author well describes in this tract, treating the word of the Gospel with reverence, taking great care and receiving it fittingly, think­ing and speaking in accordance with the tradition prevailing from of old in the Catholic and Apostolic Church, in apt discernment with regard to the holy images honoured by Christians, even if these bufoons, these deceivers, do not understand, having gone, willy-nilly, astray in blind­ness to the truth. For in the sixth chapter of the first part of the same work, wherein he tells of the miracles performed by Christ, he writes :...<and he did the same> then also in the case of Berenice, the mistress of a conspicuous place and honourable official of the great city of Edessa, who had been cured of a flux of impure blood and swiftly healed of a painful malady (the one whom many doctors had treated for many years to no advantage, only exacerbating the mal­ady with the greatest pain, and who had been saved through the touch of the Saviour's garment), having rendered this great deed famous to the present day in Mesopotamia, or rather, throughout all

20. Macarius, IV, 29, p. 2184 - 2198.

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καΐ άδιόρθωτον. μή οδν νομίσρς1 8 4 έν τοότφ τον παντοκράτορα θεον άνιασθαι καΐ δυσφορείν, ε[ καΐ μέχρις ερπετών τινές τ ο ν αφρόνων το θείον κατέσυραν δνομα* αυτοί γάρ εαυτούς ίκανώς έζημίωσαν,185 τήν πρώτην καΐ άνώλεθρον ούσίαν καΐ άκήρατον ϋλαις άτίμοις έπάραντες δνομα.

άποχρώντως186 σοΙ περί τής τερθρείας187 τ^ς άβεΰαίου τ ο ν θεών λελέχθωσαν οΐ λόγοι.

12. άποχρώντως ό συγγραφεύς κριτής τών εαυτού λόγων άκρι6ής γέγονεν, μή δεόμενος ετέρου προς σαφήνειαν, Ινα πας ό έχων οφθαλμούς του βλέπειν, καί <5τα του άκούειν188, αναμφιβόλως εχη περί ειδώλων εΤναι τον προκείμενον άπαντα λόγον, ού μήν189 τών ιερών εικόνων ας ημείς Χριστιανοί, καθά πρέπει καί ή εκκλησία κηρύσσει, προσκυνοϋμεν καί σέδομεν. Ινα δέ ή τών αφρόνων παράνοια διαφανέστερον καί έκ περιουσίας έξελεγχθείη190, έπείπερ ελαθον εαυτούς οι τη Ελλήνων παραφροσύνη έαλωκότες καθ' "Ελληνας καί αυτοί κατά Χριστιανών έπιλυττήσαντες, καί προς συνηγορίαν του οικείου δόγματος τά κατά Ελλήνων φερόμενα έπί τά καθ' ήμας σεβάσμια πονηρώς καί άθέως έζειληφότες, οΤα ό191 προκείμενος συγγραφεύς εδ ποιών έν τούτοις καθιστόρησεν, τον εύαγγελικον λόγον άποσεμνύνων ενταύθα, περιέπων τε μάλα καί αισίως αποδεχόμενος, καί συνωδά τη άρχηθεν κρατούση έν τη καθολική καί αποστολική εκκλησία, παραδόσει περί τούτων δοξάζων τε καί φθεγγόμενος, έν φ περί τών παρά Χριστιανοίς τιμωμένων σεπτών τύπων εύκαίρως διαλα^εϊν εγνω, οι βώμακες δέ οι απατεώνες192 ού συνίασιν, αλλ' ή άκοντες ή έκόντες προς τον αληθή λόγον άποτυφλώττοντες παρέδραμον, εις τούμφανές ημείς προτίθεμεν. γράφει γάρ έν τω πρώτω λόγω της αύτου βίβλου κατά το έκτον193 κεφάλαιον, έν φ καί περί τών παρά Χρίστου τελουμένων θαυμάτων διέξεισιν, τοιάδε* ...τότε δέ Βερενίκην194 δέσποιναν επισήμου χωρίου καί Εντιμον Αρχουσαν της μεγάλης Έδεσσηνών195 πόλεως Εκπαλαι τυγχάνουσαν, λιδάδων άπαλλαγεΐσαν ακαθάρτων αϊματος καί πάθους όδυνηροο τάχος έξιαθεΐσαν, ł)v πολλοίς χρόνοις πολλοί βασανίσαντες Ιατροί προς τφ μηδέν ώφελήσαι είς χειρίστην όδύνην το πάθος έπηύξησαν, θίξει σωθεΐσαν σωτηρίου κρασπέδου, μέχρι το(5 νϋν άοίδιμον έν τ§ Μέση τών ποταμών

184νομίσεις 185έζημίωσαν + ού marg. Ρ 186άποχρώντος 187τερθρίας 188cf.Mar. 8, 18 189μήν + περί DP 190έλέγχθείη DP 191oCsscr. 192άπατεωνες DP00"· : άτταταιώνες CDŁCOir-P 193έκτον 194βερονίκην Ρ 195έδεσηνών codd.

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the world; for this woman piously illustrated the very deed in bronze and brought it to life, as if come to pass of late, not of old21.·.

It is not in order to use the author as a advocate that we present this, but to demonstrate the foolishness of those who stray from the truth and know not what they say or affirm. Here again, as in all other things, they have erred, their minds deranged, and they everywhere miss the mark. For they proposed this Macarius as a witness and advocate of their own error and, receiving and embracing his arguments to suit their thinking, they have of necessity pierced themselves through with other evils. For they should sooner have chosen the arguments at variance with the holy doctrines of the Church which he professes to embrace and hold most particularly, perhaps by old custom and disposition, in order that they might readily accept not only the arguments of the godless Manichaeans and Arians of odious name, but also the way of thinking and perdition of the impious and frenzied Origen, and might undertake to formulate doc­trines similar to his that the punishment announced and prepared by God for impious men in the coming age will have an end.22 This, too, will be easily understood by whoever searches toward the end of the fourth book, from which the citations in question have been taken. For the pre­sent we pass over the fact that he has also been supposed by some to hold the views of Jewish-minded Nestorius.23

21. Macarius, I, 6, p. I1"9. Though accepted by scholars as one of the earliest attestations of the name Berenice (cf., e.g., E. v. DOBSCHUTZ, Christusbilder, [TU18], Leipzig, 1899/1909, p. 204), this passage, written in a contorted style, perhaps in imitation of, but seemingly infe­rior to that of Macarius, is suspect. It is extant only in Nicephorus, Book One of Macarius — here suspiciously called (the first) 'λόγος' (§12 ), instead of (the fourth) 'βιδλίον' mentioned a few lines below (§12) — being lost in the Athens MS. This is the only passage Nicephorus cites or refers to from any but the fourth Book. From the list of chapters of Book One found by Mercati in Vat. gr. 1650 (XI s.), we know that the sixth chapter was entitled Πώς ύδρισθείς και σταυρωθείς ό Χριστός πιστεύειν προς αυτόν τους ανθρώπους έποιησεν, cf. G. MERCATI, Per l'Apocritico di Macario Magnete. Una Tavola dei Capi dei Libri I, II, III in : Nuove Note di Letteratura Biblica e Cristiana Antica [ST Τ 95], Vatican 1941, 62. Mercati remarks (p. 65) that the haemorhousa would have figured amongst the examples in Macarius's responses to this chapter. But could it not have been fabricated, as if one of the examples, and been added, with a title 'from the first 'λόγος' &c, to the copy of Book IV Nicephorus had 'found' ?, cf. supra § 3 and note.

22. The combination of the (future) subjunctive and indicative in dependant clauses is common in Nicephorus ; the corrections in D and Ρ are to be rejected.

23. Though generally cited as a 'fragment' from the lost part of Book IV (cf. GOULET, p. 676), the remark concerning eternal punishment is no more than a statement of what Nicephorus understood — or pretended to understand — from Macarius's text. In fact, in a passage still extant at the end of Book IV where Macarius spealcs of καθολική κρίσις, there is nothing to support Nicephorus's claim: Macarius, p. 22534 - 2267. This accusation of Origenism, like that against Eusebius in the Apologeticus Minor referred to above, need not be taken any more seriously than the other imputations of heresy, of Manichaeism, Arianism and, as 'some suppose', Nestorianism. One can only express surprise that Nicephorus, who had never heard of Macarius, now pretends to know of his supposed Nestorianism.

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NICEPHORUS'S CRITIQUE 109

$δεσθαι ποιήσας196, μάλλον δέ έν πάσί) ђ γ$ , το μέγα κατόρθωμα* αύτου* γαρ τοϋ πραχθέντος ή γυνή τήν ίστορίαν σ ε μ ν ό ς άποχαλκεύσασα, τφ βίψ παρέδωκεν, ώς &ρτι τοϋργον γενόμενον , ού πάλαι.

ταύτα δέ ημείς ούχ ώς συνηγορώ τώ συγγραφεί χρώμενοι παρηγάγομεν, αλλ' ώστε δεΐξαι τήν ματαιοφροσύνην197 των περί τον198

άληθη λόγον άποσφαλλομένων και μήτε α λέγουσιν είδότων μήτε199 περί τίνων δια6ε6αιοϋνται· ί̂ δη γαρ καΐ ενταύθα καθά καΐ έν άπασιν τοις άλλοις τον νουν παραφερόμενοι πεπλάνηνται, καΐ πανταχού των δεόντων έξαμαρτάνουσιν. αυτοί γαρ μάρτυρα και συνήγορον τούτον! τον Μακάριον της εαυτών πλάνης προϊσχόμενοι, καΐ τους λόγους τους αύτοϋ κατά το200 δοκούν έκδεχόμενοι και περιπτυσσόμενοι, πάντως που και άλλοις κακοίς περιεπάρησαν201 ειλοντο γάρ αν πρότερον καΐ άπερ έναντίως τοϊς ίεροϊς της εκκλησίας δόγμασιν, ϊσως εθει202 παλαιφ κρατούμενος περί αυτά και διακείμενος, δοξάζει άσπάζεσθαι δτι μάλιστα καΐ περιέχεσθαι, ινα μή μόνον τά203 των άθεων Μανιχαίων καΐ δυσωνύμων Άρειανών, αλλά και του δυσσεδοϋς καί άποπλήκτου Ώριγένους204 το φρόνημα καί τήν λώβην άσπασίως παραδέξωνται, καί τά αυτά έκείνω δογματίζειν έπιχειρήσουσιν205 ώς τέλος £ξει ή κατά τον μέλλοντα χρόνον τοις άσεδέσιν άνθρώποις ήπειλημένη καί ήτοιμασμένη παρά θεοϋ* κόλασις. καί τούτο206 προς τώ τέλει τοϋ" τετάρτου βιβλίου, έξ αί προκείμεναι χρήσεις άνελήφθησαν, ευχερώς τώ διερευνωμένω καταληφθήσεται. έώμεν207 λέγειν τανυν δτι και τά Νεστορίου του Ίουδαιόφρονος παρ' ένίοις φρονεϊν ύπενοήθη.

196έποίησε - - (a. coir, ποιήσας) Pitra 197μαιοφροσύνην "· ^1*· 198τον : των ^(μτ^τεΡ600*· 200το D «*· 201cf. İTim. 6.10 202εθηΟ 203τά om. D 204ώρειγένους CD* *"· 205(έπιχειρήσ)ω(σιν) e corr. DP 206τούτω 207έώμένϋβ<:θΓΓ·

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110 MICHAEL FEATHERSTONE

13. But taking leave of his tract let us now return to the madness of the impious ones, stricken as we are by their shamelessness and the cal­culation and meanness of their minds ; for we observe that none of the things which come within evil's purvue has been left untried by them, who forever employ inventions of the basest devising. Cut off once and for all from the bright doctrines of piety and caught up in the darkness of falsehood, they are propelled shamefully to opposition by the doctrines with which they wish to support themselves and confirm their own vain notions. Wherefore are these insensate ones bound up on all sides, trapped by their own devices : enslaved by passionate desires and borne down by the yoke of the deceitful and fluid opinion of worldly things, they will not rouse themselves from the evils surrounding them. Wherefore shall they in no wise find the path of salvation : having done offence to the ineffable and salutary Word of God and denied the great Mystery, they have alienated themselves from the kingdom and glory of Christ and have of their own will condemned themselves to the hell which shall receive them. We, however, unlike them, do not abolish and abominate our ways in similar fashion to the heathens, but as Christians we keep and worship fittingly, as is right, the things which are done and honoured by pious Christians, including, amongst others, the sacred fig­ures ; for we are led from the image to the archetype by natural percep­tion, and flying up thence in our minds by means of the picture and the resemblant form we observe as present that which is absent, and the memory of it is rekindled more brightly and fixed in the hearts of those who fervently desire and genuinely believe. Hence do those who thus piously honour the salutary incarnation of Christ have part in good hope and the awaited attainment of coming glory and bounties stored up for those who have pleased God.

Michael FEATHERSTONE CNRS - UMR 7572

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13. άλλα τοις εκείνου λόγοις χαίρειν ήμεΐς φράσαντες έπί τήν των ανοσιών άπόνοιαν παλινοστήσωμεν208, καταπλαγέντες αυτών το άναίσχυντον και της γνώμης το κερδαλέον209 και δύστροπον όρώμεν γαρ ως ουδέν αύτοίς τών εις κακίας δρον ήκόντων άνεπιχείρητον ύπολέλειπται, αεί τα έξ εννοιών χειρίστων ευρήματα έπιτηδεύουσιν. καθάπαξ γαρ τών λαμπρών της ευσέβειας δογμάτων άπορραγέντες και τώ σκότω του ψεύδους περιαλώμενοι, έζ ων ίσχυρίζεσθαι βούλονται καΐ τήν σφών αυτών συνισταν210 είκαιολογίαν εκείθεν εις το εναντίον αίσχρώς211

περιτρέπονται. διό212 πανταχόθεν οι εμβρόντητοι τοίς οίκείοις μηχανήμασιν άλισκόμενοι συνδέονται* θελήμασι γαρ έμπαθέσιν213

ήνδραποοισμένοι και τη απατηλή καΐ ρεούση τών περικοσμίων καταζευχθέντες δόξη, έκ τών περιστοιχησάντων κακών άνανήψαι ού βούλονται. διό ούδαμόθεν αύτοϊς σωτηρίας οδός έξευρεθήσεται* της άφράστου γαρ καΐ σωτηρίου του θεού λόγου οικονομίας καθυβρικότες καΐ ήρνημένοι214 το μέγα μυστήριον215, της Χρίστου βασιλείας καΐ δόξης αλλότριους εαυτούς κατεστήσαντο, της έκδεξομένης δέ αυτούς γεέννης υπευθύνους αυθαιρέτως άπέφηναν. ημείς δέ ούχ, ώσπερ οδτοι, παραπλησίως τοις "Ελλησιν καθαιρουμεν και βδελυσσόμεθα τά ημέτερα, αλλ' ως Χριστιανοί τά παρά τών εύσεβούντων Χριστιανών γινόμενα καΐ τιμώμενα και περιέπομεν καΐ σέβομεν, καθά προσήκει, έκπρεπώς όμου τε ταλλα και ταύτα δή τά ιερά μορφώματα* από τών τύπων επί τά αρχέτυπα τη συντρόφω αίσθήσει χειραγωγούμενοι κάκεϊσε τον νουν άνιπτάμενοι διά της γραφής και του προσεοικότος216 είδους, το απόν ως παρόν κατοπτριζόμεθα, ή μνήμη ζωπυρεΐται λαμπρότερον και ταίς καρδίαις έντίθεται τών ποθούντων θερμώς και πιστευόντων είλικρινώς· εντεύθεν217

τοις ούτως εύσεβώς τήν σωτήριον του Χρίστου τιμώσιν σάρκωσιν το ευελπι μέτεστιν και της μελλούσης δόξης και τών άποκειμένων τοίς τώ θεώ εύαρεστήσασιν αγαθών επίδοξος ή έπίτευξις.

208(παλινοστησ)ο(μεν) D · 209κερδαλαίον 210συνειστάν 21 αίσχος D pcorr· (a. corr. αΐσχως) 212δώ : δι' a D Ρ· ««· (a. corr. ) 213ένπάθεσιΟ 214ήρημένοι Ο con,-DŁ m· 21Vucm)píoCacorr· 216προσεοικότους 1 · 217έντεΰθεν CD : ένθεν Ρ

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COSTANTINOPOLI VISTA DA R GIULIO MANCINELLI S. J. (1583-1585)

Vincenzo RUGGIERI

a Vincenzo Poggi S. J.

Résumé: La première mission jésuite à Constantinople, effectuée dans les années 1580, a eu pour chef P. Giulio Mancinelli, qui a laissé un rapport de cette mission. Conservé dans les Archives Générales de la Compagnie de Jésus (Rome), ce document comprend également une description contemporaine de Constantinople. C'est cette partie, topographique, qui est éditée et commentée dans l'article.

Nel forbito recueil di J. Ebersolt sui viaggiatori del Levante, che nei secoli passati ebbero modo di visitare e descrivere la capitale bizantina1, vanamente si cerca la presenza dei religiosi latini che visitarono, o, a ben dire, risiedettero nella capitale per motivi dovuti ad una missione spiri­tuale ricevuta ; l'ordinata e critica presentazione dei viaggiatori fatta da S. Yerasimos, invece, enumera anche la presenza di P. Giulio Mancinelli, gesuita, a Costantinopoli2. La Compagnia di Gesù fu creata con approva­zione papale nel 1540, e dopo circa 50 anni troviamo i primi gesuiti a lavoro sul Bosforo. Viene pertinente constatare come i «religiosi» siano quelli che, dopo i funzionari statali, e in numero simile ai notabili, si imbarcarono più di altre categorie verso le sponde ottomane ; va da sé, comunque, che le motivazioni degli ordini religiosi latini avevano altri intenti, finalità che li separavano di gran lunga dallo stuolo, ed anche colto, di altri viaggiatori. Nel 1561, ben si sa, si da alle stampe la prima vera descrizione dettagliata della Costantinopoli bizantina di P. Gyllius, e superfluo potrebbe sembrare aggiungere altro, se non fosse ciò dovuto al fatto che altri occhi denotano diversa sensibilità e dettagli utili sulla vita

1. J. EBERSOLT, Constantinople Byzantine et les Voyageurs du Levant, Paris 1918. Resta un piacere ringraziare L. Pieralli per i suggerimenti e l'aiuto ricevuti nella stesura e comprensione del testo ; a C. Mango ancora un ringraziamento per la sua amichevole disponibiltà.

2. S. YERASIMOS, Les voyageurs dans l'Empire Ottoman ( Ѵ - ѴІ siècles). Bibliographie, itinéraires et inventaire des lieux habités, Ankara 1991, p. 358.

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e monumentalita della stessa città, pur se, ed è d'uopo dirlo, nel testo che si presenta ben si nota la conoscenza che il Gesuita aveva del Gyllius, quasi certamente via Crusius-Gerlach. Il rinvenimento nell'Archivio Generale della Compagnia di Gesù a Roma di manoscritti relativi alla prima missione dei gesuiti a Costantinopoli fu, in vero, già additato da P. Pirri3, il quale, tuttavia tralasciò le sezioni aventi carattere storico-descrittivo presenti nel manoscritto. L'intento di questo contributo è quello di offrire al lettore un testo che apra uno sguardo e, si spera, con­tenuti nuovi per quegli studiosi intenti a perseguire una più variegata conoscenza della città di Costantinopoli cosi come appariva nella seconda metà del XVI secolo. Molti sono gli aspetti e le domande che sorgono sulla valutazione della politica ecclesiastica intercorsa fra il Pontefice Romano e il Patriarca di Costantinopoli, soprattutto nell'ul­timo scorcio del XVI secolo : d'essi solo alcuni, e riferiti alla missione del Mancinelli, saranno brevemente appuntati ed espressi.

Si diceva della Compagnia di Gesù : d'essa, P. Giulio Mancinelli4 fu colui che ne aprì la missione a Costantinopoli. Il Padre era, in effetti, già noto per la sua mobilità missionaria nei Balcani — è entrato in seguito nella storiografia gesuitica come «il missionario dei Balcani»5 ; nel 1583 si trovava in Erzegovina quando gli arrivò l'ordine da Roma di mobili­tarsi come superiore di un piccolo drappello6, e dirigersi verso Costantinopoli. Sembra che la ragione di questa missione nella capitale sia stata motivata dalla richiesta volta al baiulo veneziano d'allora, Gian Francesco Morosini7, da 17 famiglie cattoliche latine, residenti a Galata

3. . , Lo stato della Chiesa Ortodossa di Costantinopoli e le sue tendenze verso Roma in una memoria di P. Giulio Mancinelli S. I., Miscellanea Pietro Fumasoni-Biondi, Rome 1947, p. 79-103 [= L. POLGÁR S. I., Bibliographie sur l'Histoire de la Compagnie de Jésus 1901-1980, . Les Personnes, Rome 1990, n° 13396, p. 479]. L'Autore pub­blica testi a carattere storico-teologico relativi alla chiesa ortodossa del sec. XVI.

4. Costui nacque a Macerata il 13 Ottobre del 1537, e mori a Napoli il 14 Agosto del 1618. Per le Vitae su di lui, cf. YERASIMOS, p. 358 (si aggiunga ulteriormente il Ms. Napoli, Biblioteca Nazionale, XIA 66).

5. LEGRAND, Relation de l'Establissement des PP. de la Compagnie de Jésus en Levant, Paris 1869, p. 5-6 ; Fr. HAMMERL, Die ersten Missionäre der Gesellschaft Jesu auf dem Balkan, Nachrichten des Österr. Provinz und Kroatischen Mission der Gesellschaft Jesu (Vienne) 13, 1917, p. 5-14 ; Th. Von SCHERER, Lebensbilder aus der Gesellschaft Jesu, Schaffhausen 1854, p. 351-365 ; P. NIEREMBERG, in Varones ilustres de la Compania de Jesus, V, Bilbao 1890, 2a ed., p. 365-369 ; O. GENTILI, Macerata Sacra, Recanati 1947, p. 311-313.

6. Il gruppo era formato, a parte P. Mancinelli, da P. Honoratus Casa (Honoré Caze) di Marsiglia, P. Marinus Temperiza (Timpanizza) di Ragusa (costui era stato allievo di Mancinelli a Ragusa, e conosceva il turco : «qui et Turcicam callebat linguam» [J. CELLESIUS, Vita magni servi Dei P. Julii Mancinelli Societatis Jesu italice scripta, et latine reddito a P. J. Mair, Oeniponti 1677, p. 76]), e dai fratelli coadiutori Jacobus Casamartinus (Martinus) di Marsiglia, e Francisais Graecus di Chios. Cf. anche M.-A. BOLIN, Histoire de la Latinité de Constantinople (riedita con aggiunte da A. DE CHATEL), Paris 1894, 2a ed., p. 237 ; HAMMERL, p. 13. A causa della peste del 1586 — Mancinelli era partito nel 1585 per Cracovia — gli altri componenti del gruppo morirono (solo uno, nuovo arrivato, il P. Casati, riuscì a tornare subito in Italia) ; i gesuiti francesi riaprirono la missione nel 1609 : cf. і, . 81-82.

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e a Pera8. Col Morosini è da citare Motisieur Jacques de Germigny, barone di Germoles, al tempo ambasciatore di Francia presso il Sultano : ambedue spinsero questa richiesta a Gregorio ΧΠΙ aggiungendo di volere colà dei gesuiti. Che vi fosse probabilmente anche un possibile studio d'intesa fra le due Chiese, quella di Roma e di Costantinopoli, non suona estraneo alla faccenda : Morosini era un convinto promotore del­l'unione delle Chiese, politica che trovava assenso nella linea del Buoncompagni. Questo è il retroterra che si evince dalla documentazione archivistica relativa alla missione. In realtà gli eventi trovano una primi­tiva radice nella visita apostolica condotta da Pietro Cedolini nella capi­tale ottomana, dal novembre 1580 alla fine di aprile 1581, visita che fu resa possibile dal de Germigny, sempre all'opera in quegli anni9. L'intento della visita era quello d'avere una diretta conoscenza dello stato in cui versava la comunità latina di Pera, e contattare il patriarca Geremia , vagliandone la volontà nel contrastare la propaganda lute­rana tra i fedeli ortodossi10; a monte, comunque, persisteva l'esplicita volontà da parte di Roma di misurare l'avversità dei cristiani al Turco. Fra i vari consigli sottoposti dal Cedolini a Gregorio ΧΙΠ, v'era quello di «inviare una missione di gesuiti a Pera, per un apostolato culturale in greco, di curare il restauro delle tre chiese cattoliche ancora aperte a Costantinopoli e delle nove di Pera»11.

7. T. BERTELE, // Palazzo degli Ambasciatori di Venezia a Costantinopoli, e le sue anti­che memorie, Bologna 1932, 118-119. Per alcuni tratti della descrizione della capitale fatta dal Morosini, cf. E. ALBERI (ed. da), Le relezioni degli ambasciatori veneti al senato durante il secolo decimosesto, ser. III. Voi. III. Firenze 1855, p. 257-266. Morosini divenne poi, nel 1585, vescovo di Brescia, prima d'essere nominato cardinale nel 1588.

8. Nel ms che tratteremo, a p. 64, si dice infatti : «... inter latinos vero, antiques illius civitatis fundatores et incolas, decem et septem familiae relictae sunt, inter quas ex illu-strioribus genuensium familiae aliquae adhuc extant ; domus tarnen illorum sunt ad trigin-tas». Cf. PIRRI, p. 103.

9. G. HOFFMANN, Griechische Patriarchen und römische Päpste. Untersuchungen und Texte. II 4 : Patriarch Ieremias II, Orientalia Christiana 25/2, 1932, p. 227-228. Hoffmann sapeve bene che il gruppo capeggiato da P. Canillac rappresentava la seconda ondata dei gesuiti nella capitale ottomana (ibid. 256), e come tale non considera la mis­sione del Mancinelli come finalizzata alla riforma del calendario gregoriano, soggetto divenuto poi primario nella relazione fra Geremia II e Gregorio XIII. V. PERI, s. V. Cedolini Pietro, in Dizionario biografico degli Italiani 23, 1979, p. 311-312. Impossibile mi è stato rinvenire la copia autografa del Cedolini nell'Archivio Segr. Vaticano.

10. Sul complesso problema della presenza teologica luterana a Costantinopoli, restano sufficienti le pagine acute di G. PODSKALSKY, Griechische Theologie in der Zeit der Türkenherrschaft (1453-1821). Die Orthodoxie im Spannungsfeld der nachreformatori-schen Konfessionen des Westens, München 1988, spec. p. 102-117 e di O. KREŞTEN, Das Patriarchat von Konstantinopel im Ausgehenden 16. Jahrhundert. Der Bericht des Leontios Eustratios im Cod. Tyb. MB 10, Österr. Akad. der Wiss., phil.-hist. Kl., Sitz. 266. B, 5. Abh, Wien 1970 ; cf. anche G. HERING, Orthodoxie und Protestantismus, JOB 31/2 = XVI. Inter. Byzantinistenkongress Akten 1/2, Wien 1981, p. 838-841.

11. A parte gli insuccessi sull'unione ecclesiastica, e benché esuli dal proposito di que­ste pagine, restano dubitativi e il senso quanto la funzione di questa politica fra le due sedi. Il Cardinale Giulio Antonio Santoro [Santoli, Santorio], ben noto alla Compagnia di

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A recensire gli scritti e gli interventi del Mancinelli a Costantinopoli, cosi come trasmessi nei testi editi dal Pirri12, è notevole l'afflato e l'ener­gia tese verso quanto già indicato dalla visita di Cedolini: la ferrata conoscenza teologica e storica, sostenuta da una buona conoscenza del greco, fece si che Mancinelli creasse un vero soqquadro ecumenico ante tempora, che non ebbe, sfortunatamente, esiti tangibili causa la morte del Pontefice. Il Generale della Compagnia di Gesù, P. Acquaviva, ordinò dunque che si desse inizio all'invio di un grappo a Costantinopoli ; il viaggio durò 45 giorni13, e parte delle interessanti vicissitudini d'esso è posta per iscritto dallo stesso Mancinelli nel primo testo che si edita14. Dopo lo stupore e la nitida freschezza delle immagini, cosi come recepite all'arrivo nella capitale 8 novembre 1583, e dopo che ebbero inizial­mente preso alloggio presso l'ambasciatore francese e il Morosini, i gesuiti si spostarono definitivamente, il 18 novembre, nel monastero di S. Benedetto su desiderio della Magnifica Comunità15. Per questo mona­stero si era riusciti, per vie diplomatiche, a conservarlo come oratorium

Gesù — aveva consacrato la Chiesa del Gesù il 25 Nov. 1584 — e lavoratore per l'Oriente Cristiano (H. JEDIN, Die Autobiographie des Kardinals Giulio Antonio Santorio (f 1602), Akad. der Wiss. und Literatur, Abh. der geistes- und sozialwiss. Kl., Mainz 1969, NR 2, p. 15 e 26 ss.), nella sua autobiografìa accenna ai pensieri di Gregorio XIII : «Era parola dei risultati e delle necessità, anche economiche, di varie missioni di gesuiti, dove li aveva inviati Gregorio XIII. 'Mostrò il Papa in questi raggionamenti molt'avver­sione delle cose orientali, dolendosi che si dava il pane a quelle nationi che c'insidia­vano'» : V. PERI, Due date un'unica Pasqua. Le origini della moderna disparità liturgica in una trattativa ecumenica tra Roma e Costantinopoli (1582-84), Milano 1967, p. 156. Un altro ms, il Gali. 107 dell'Archivio generale della Compagni di Gesù, al f. 92, riporta un simile commento da parte di P. Pietro Casati, sopravvissuto alla peste del 1586 : «Dei Greci, s'il P. Giulio [Mancinelli] haveva alcuna amiciţia con loro, si è veduto chiaramente che ciò era propter panes et per interesse loro particolare, essendo alloggiati per alcuni mesi in casa ; del resto non so che si sii approfittato ancuno.» Anche in PIRRI, p. 81-82, nota 1. Nelle «udienze», tenute dallo stesso Cardinale con Clemente VIII, si scrive : «Et se le riferisca, che fu per la provisione della Chiesa di Alessio et altre in Albania à tempo di Gregorio XIII, ma non continuò per la burla [si noti questo termine] del Vescovo di Nona, poi di Lesina [questi è P. Cedolini ! !], et spese fatte nelle missioni, etc., ...» : J. KRAJCAR, Cardinal Giulio Antonio Santoro and the Christian East. Santoro's Audiences and Concistorial Acts, OCA 177, Roma 1966, p. 152. Vorrei qui ritenere, dal tenore di quanto su accennato, e da un caso analogo occorso ad un altro gesuita, P. Sasso, al Cairo (KRAJCAR, ibid., p. 63-64, nella primavera del 1583), che la spesa della missione del Mancinelli fosse supportata dallo stesso Pontefice.

12. PIRRI, spec. p. 90-91. 13. «In itinere quadraginta quinque dierum Velonam inter et Constantinopolim» :

CELLESIUS, p. 77. 14. SOMMERVOGEL, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Bibliographie, V,

Bruxelles-Paris 1894, p. 461, riporta che fra gli «scripta permulta quae typis vulgata non sunt» vi sia anche una «narratio itinerum suorum per Turciam et regiones septentriona­les». Nulla di questo racconto, sembra, sia arrivato a noi, a meno che non si tratti di un'al­tra versione della Narratio.

15. E. DALLEGGIO D'ALESSIO, Le monastère de Sainte-Marie de la Miséricorde de la Citerne de Péra ou de Saint-Benoît, 33, 1934, p. 61-62 ; R. JANIN, La géographie ecclésiastique de l'Empire Byzantin. I. Le Siège de Constantinople et le Patriarcat œcuménique, Paris 1969, p. 586 ; BELIN, p. 236-238.

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regis Galliae, e come tale sottratto alla prassi, pressocchè vigente fin dal­l'inizio secolo ed ancor prima, di stornare per altra funzione edifici cri­stiani dal loro originario uso16.

Da attento osservatore qual'era, Mancinelli ha lasciato nella memoria del viaggio un ricco sguardo sulla vita della capitale17 : elementi più meno conosciuti che si aggiungono al repertorio già consolidato della Costantinopoli ottomana. Aggiuntivi a quanto noto, pur se con qualche nuovo apporto, si presentano le ordinate descrizioni delle antichità ; di notevole interesse per la città ottomana, invece, la Descriptio civitatis. Questo documento, redatto nel 1578 dal giudice Zaccaria18, si presenta come documento ufficiale. Il quadro urbanistico della capitale ottomana cosi come riassunto per la seconda metà del XVI secolo19, non ci forni-

16. Nello Estât des Musions de Grèce, présente à NN. SS. les Archevêques, évêques et députés du clergé de France en l'année 1695, p. 19, si legge : «Pour servir à la nation, et encore plus pour empêcher qu'elle [la chiesa] ne fût convertie en mosquée, selon les ordres que le sultan en avait déjà donnés», citato da PIRRI, p. 236, nota 1. Per la politica di conversione di chiese in moschee, cf. Ch. PATRINEUS, The exact time of the first attempt of the Turks to seize the Churches and convert the Christian People of Constantinople to Islam, Actes du 1er Congrès Int. des Études Balkaniques et Sud-Est Européennes, , Sofia 1969, p. 567-572; W. MÜLLER-WIENER, Bildlexikon zur Topographie Istanbuls, Tübingen 1977, p. 33. Questa la descrizione della chiesa nel tardo XVIII secolo : «Questa chiesa è inalzata sopra un muro alto circa 18 piedi, largo 12, e si crede sia il muro d'un'antica Cisterna. Essa è di forma quadrata e contiene due navate, con cupole ricoperte di piombo. La sua porta maggiore, sopra cui ergersi il campanile, ha un portico, sia atrio sostenuto da colonne di marmo, donde si scende per una scala parimenti di marmo di 28 gradini in un piccolo cortile rinchiuso di mura con una gran porta, che gli porge il princi­pale ingresso.» C. COMIDAS DE CARBOGNANO, Descrizione topografica dello Stato Presente di Costantinopoli arricchita di figure, assan 1794 (ristampa anast. a cura di V. RUGGIERI, Roma 1992), p. 60. La Cisterna divi Benedicti a Syca è ricordata da P. GYLLIUS, De Constantipoleos Topographia IL IV, Lugduni Batavorum 1632, p. 328.

17. Alla fine di De Missione Patrům, il Gesuita accenna ad una fonte ragusana da cui attinse nel 1585 ; non ho trovato riferimenti né in I. DUJČEV, Avvisi di Ragusa : Documenti sull'impero turco nel sec. XVII e sulla guerra di Candia, OCA 101, Roma 1935, né in L. VOJNOVIĆ, Dubrovnik i Osmansko Carstvo I (1365-1482), Beograd 1898 che presenta documenti anche posteriori. Nell'indice autografo, a tergo del foglio di guardia di V46 (vedi dopo), Mancinelli appunta: «imago palatii imperatoris, pag. 104». In realtà nel Ms non c'è una trattazione a parte del palazzo dell'imperatore (= sultano), ma se ne parla, invece, nella parte finale del De Missione Patrům.

18. Non sono riuscito a trovare una referenza su costui nell'indice dei giudici di corte redatto fino al 1546 : Ö. LUFT BARKAN, E. HAKKI AYVERD, Istanbul vakiflari tahrîr defteri 953 (1546) tarihli, istanbul 1970, p. 467-469 (probabilmente di origine ebraica). L'ambasciatore di Francia si serviva, per faccende burocratiche, della competenza ebraica: Le Baron I. DE TESTA, Recueil des traités de la Porte Ottomane avec les Puissances étrangères. T. I, France, Paris 1864, p. 129 e 137 (per il rabbi, Isaac, Juif, al tempo del Signor de Germigny).

19. R. MANTRAN, La vita quotidiana a Costantinopoli ai tempi di Solimano il Magnifico e dei suoi successori (XVI-XVII secolo), Milano spec. p. 31-146. S. YERASIMOS, Istanbul ottomana, Rassegna 72, 1997/IV, p. 25-35 ; per l'iconografia della capitale in questo periodo, cf. le schede preparate da S. YERASIMOS in Soliman le Magnifique, Paris 1990, p. 284-303, e il recente contributo di A. BERGER and J. BARDILL, The Representations of Constantinople in Hartmann Schedel's World Chronicle, and Related Pictures, BMGS 22, 1998, p. 2-37.

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sce elementi tali da accertare la veridicità meno della nostra lista ; la stessa natura dei documenti, infatti, non consente, a mia conoscenza, un'analisi esatta dei dati forniti da Mancinelli. Se delle cifre sembrano a prima vista sorprendenti e gonfiate, v'è tuttavia indizio di una qualche regolarità. Supponendo una fontana in un luogo di culto (n. 8 della Descriptio), avremmo che esse, in numero di 4985, s'avvicinano al numero dei tempia principaliora et minora (nn. 1-2). L'«eo tempore», indefinito, quando le chiese erano 743 a dire del Gesuita, sono esse in numero inferiore al momento redazionale rivisto da Mancinelli, tanto che i «Turcarum tempia» erano divenuti di gran lunga superiori. Questa voce riguardante le chiese (n. 18) è quella che più di tutte, credo, mostri una personale ed accentuata fase redazionale. A parte l'aggiunta marginale del numero di chiese posto a 365, v'è il giudizio di Mancinelli sulla diminuizione avvenuta tale da abbassare la cifra sotto il numero dei Tempia Turcarum (quest'ultimi possono ritenersi, con una certa affidabi­lità, i principaliora), in numero di 480. Quanto è da ritenere, comunque, è il carattere elastico relativo ad un censimento dei monumenti e strut­ture pubbliche funzionanti nella capitale ottomana durante questo secolo. Avviandosi alla conclusione della sua Topographia, Gyllius ferma criti­camente il suo sguardo sulla Costantinopoli dei suoi giorni, e fornisce elementi e note che, con quelle desunte dal testo di Mancinelli, possono creare una base di censimento realistico20. Gyllius era conscio della diffi­coltà nella enumerazione dei pubblici edifici disseminati nei quartieri urbani (plus, supra), e la elasticità di cui si parlava a proposito della chiese, risulta testimoniata dalla sua affermazione a proposito dei luoghi di culto (chiese e sinagoghe).

John Sanderson, d'una decade posteriore a Mancinelli, diceva che a Costantinopoli v'erano almeno 200.000 cristiani, come 150.000 sembra essere il numero degli Ebrei «in and neare about the citie»21. Nella descrizione della capitale fatta da Sanderson, a parte il numero eccessivo di 18.000 moschee (benché ridimensionato poi a 8000-9000 dallo Stesso), si afferma che le chiese ammontano a 100, e questo a detta del

20. «(Constantinopolis) aedes Mametanas continet plus trecentas, quarum sumptuo-sis... Balnea et Theraias habet publicas supra centum : quarum quinquaginta magnae et geminae, et 330 fere tales quales descripsi a Memetho Rege aedificatas. Xenodochia et publica hospitia longe supra centum habet... Christiani Graeci suas sexcentas aedes sacras amiserant; ex quibus nullam retinent nobilem praeter aedem Monasteri, ubi habitat Patriarcha; reliquae aut funditus eversae, aut in usus religionis Mametanae conversae sunt ; nam quas habent aedes jam sacras circiter septuaginta, obscurae sunt. Franci circiter decem habent; Armeni septem; Iudaeorum vero synagogae plusquam triginta...». De Constantinopoleos Topographia, p. 329-332.

21. The Travels of John Sanderson in the Levant, 1584-1602, ed. da Sir W. FOSTER, London 1931, p. 83. Cf. YERASIMOS, Les Voyageurs dans l'Empire ottoman, p. 373. Nella stima fatta fa R. MANTRAN, La vita quotidiana, p. 77-79, si può supporre che la popola­zione raggiungesse 500.000 abitanti, esclusi i sobborghi. Il fenomeno dell'emigrazione dai villaggi verso la capitale, molto ben analizzato da Giovanni Moro (bailo a Costantinopoli nel 1587), rendeva difficile la stima reale dei residenti : E. ALBERI, Le rela­zioni degli ambasciatori veneti, p. 334-335.

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patriarca Meliteo (benché l'Autore creda che ve ne siano in più)22. Un'informazione, tuttavia, desunta da questo viaggiatore sembra rispon­dere bene al n. 5 della Descriptio. L'Inglese nota a proposito della Fatih di Mehmet Π quanto segue :

mervailous is the greatnes and magnificence of it [= la Fatih], beinge made in the similitude of the Sofia, and hath about it 100 howses covered with lead, of a round cube fashion, ordeyned to receive straingers and tra-vailers of what nation or religion soever they be ; where they may rest (as alike at other churches [= moschee]) with thier horsses and servants three days together, yf they please, and have thier chargis borne, not paying anything for thier owne and servants diett23.

Abbiamo accennato in precedenza alla conoscenza che Mancinelli aveva dell'opera di Gyllius. Si ritiene, infatti, che al momento della reda­zione di quanto qui si pubblica, il Gesuita avesse di certo presente le informazione topografiche sulle capitale date da Gyllius, ma nella ver­sione che M. Crusius offriva nella Turcograecia ; inoltre, l'opera di Crusius concesse a Mancinelli anche dati di topografia, nello stesso ordine di catalogazione, cosi come derivavano dal diario di Stephen Gerlach24. Al tempo della pubblicazione dell'opera di Crusius (1584), Mancinelli si trovava a Costantinopoli ; l'uso che il Gesuita ne fece avvenne in Italia, al tempo dell'assestamento finale del testo relativo ai capitoli de situ, de mûris, de portis. In questi tratti è lampante come Mancinelli segua da vicino sia Gyllius, come Gerlach, ma nella versione e nell'ordine data dalla Turcograecia. Quando il ms si discosta dall'or­dine e dal testo recepito, si notano gli appunti personali e caratterizza­zioni che Mancinelli aggiunse di sua propria esperienza e conoscenza. Una nota d'altro interesse risalta ad un primo impatto con la scrittura : il redattore non era avvezzo alla scrittura greca, tralascia qualche lettera nella translitterazione dal greco in latino e non presta la dovuta atten­zione a qualche toponimo latino rinvenibile in Crusius25. Dicevo anche che il redattore non era perito in greco. A p. 94 del ms. dopo il capitolo

22. The Travels, p. 73. Sebbene Sanderson non sempre offra cifre esatte — e qui ancora si evidenzia la instabilità dei dati in nostro possesso — le sue pagine creano, almeno per i bagni, fontane, porte, un ottimo pendant alla lista del Gesuita.

23. Ibid., ρ. 70 ; MÜLLER WIENER, Bildlexikon, p. 405-411 ; YERASIMOS, Istanbul otto­mana, (cf. η. 19), p. 30. Quanto segue nel racconto di SANDERSON (p. 70), ben si adatta ad alcune voci previste nella Description : «besides ther ar without the circuett of the church [la stessa moschea, la Fatih] other 150 lodginges for the poore of the citie, unto whome they geve to eate and to every one of them in money an asper a day. It hath also a place where they geve siropp and medisens of free cost to all that demand, and another for government of the madd people».

24. M. CRUSIUS, Turcograeciae libri octo, Basileae 1584, spec. p. 51-57. 25. Nel de portis : la XII si riporta Tiagias, che trascrive της αγίας ; la XVIII,

Tisogias, che ovviamente risponde a της ώρίας ; la VI legge Eincapi invece di Eiucapi ; la XV riporta Odum invece di Odun; la XVII Balnebazabarcapi al posto di Balucbasarcapi ; infine la XIX, Tichi sunt capi, invece di Tschifiitcapi (che meglio rènde il çifit kapi[si]). Cf. CRUSIUS, p. 51-52.

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de regibus Turcarum et captivitate Constantinopolis, si rinviene una nota d'altra natura, antiquaria : epitaphium Constantini Paleologi ultimi impe-ratoris Constantinopolis et Augustae uxoris ex Graecorum. Il testo del­l'epitaffio è stato copiato testualmente dal Crusius26 : mentre la versione latina, che il redattore offre, calca perfettamente quella del Tedesco, il greco mostra le imperfezioni, non solo di iotacismo, ma anche nella scrittura di qualche lettera27.

I codici che utilizziamo per la stesura di questo testo sono conservati nell'Archivio Generale della Compagnia di Gesù, a Roma. Già Pini aveva presentato le caratteristiche fondamentali del manoscritto di Mancinelli28 ; è nostra intenzione aggiungere quanche nota supplemen­tare su di esso, e introdurre brevemente le altre copie manoscritte.

Vitae 46 (= V46) dell'Archivio Generale della Compagnia di Gesù, miscellaneo di 114 pp. (numerazione antica in alto) ; dimensioni: largo 135, 5 per 201 mm di altezza; nella numerazione moderna, posta in basso, si hanno 59 fogli scritti, di cui lasciati in bianco restano i ff. 59a e 59b ; nella numerazione originale si scrisse fino al p. 114. Il dorso, dopo il recente restauro del codice, porta: Mancinelli, Opuscola. La natura miscellanea del codice (scritti storici, ascetici e mistici) ci induce a con­siderare più da vicino la sezione iniziale relativa al nostro interesse. Questo blocco contiene il De Missione Patrům Societatis lesu Constantinopolim a Gregorio XIII anno 1583 usque ad annum 1586, e rappresenta la versione appositamente e elegantemente redatta in Italia, ma certamente rivista dall'Autore, il quale ha ritoccato delle parole, fatto emendamenti e qualche correzione29. La carta non presenta stampi di fili­grana, e benché l'umidità ne abbia variato il cromatismo dovuto all'in­chiostro nero utilizzato, essa si conserva in discreto stato. In considera­zione dell'importanza di alcuni testi per la storia della Chiesa d'Oriente

26. Per l'interesse letterario ed antiquario del Crusius, cf. G. DE GREGORIO, L'iscrizione metrica di Andreas panhypersebastos nella chiesa meridionale del monastero del Pantokrator a Costantinopoli, in Lesarten. Festschriftfìir A. Kambylis zum 70. Geburtstag, hrs von I. VASSIS, G. S. HENRICH, D. R. REINSCH, Berlin-New York 1998, p. 168-169.

27. Diamo qui il testo del Crusius con le varianti del redattore (= R) : Ένθάδε (ποΰ ; θεός οΤδε) ; κόρη σέο πατρίς Εχωμεν // 'Ελλήνων [R : 'Ελλί[ηιων] ώγέ [R : άνέ V] λοίσθε [R: λοΐοθε], ταλαύτατε [R: ταλάντατε] Κωνσταντίνε [R: Κωσταντΐνε]. // Ένθάδε (ποϋ ; θεός οΐδε) τάφος σος ανώνυμος [R : άνώνομος] εστίν // Ελλήμων [R : Ελλίπιων] βασιλίς Νιόβην κρυπτοΰσα γοώδη. // "Οψεσιν άλλα φιλάνθρωπος [R : άφιλάνθρωπος] θεός ύμετέρρησι [R : ύμετέρησι con correzione di si in interlinea], // Χάρμασι άλήκτοις [R : άληκτους] άπο δάκρυα πάντα καθαίροι [R : καθάνροι]. Il testo latino, in ambo le redazioni, suona : Hic (ubi nam ? Novit Deus) est tua tumba : fidelis Rex Graium postreme, miserrime Constantine. Hic tua (ubi ? Novit Deus) est sine nomine tumba : quae luctu Nioben superas, Augusta fidelis. Sed Deus a vestris oculis mitùsimus omnes abstergat lacrymas, aeternaque gaudio donet. CRUSIUS, p. 57 [V46 94-94].

28. PIRRI, Lo stato della Chiesa Ortodossa, p. 82-84. 29. Emendamenti autografi di Mancinelli alla redazione di V46 sono riscontrabili a

p. 95 e datati al 1612.

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in quel periodo, riproponiamo l'indice che lo stesso Mancinelli pose di sua mano sul retro del foglio di guardia30 :

De missione patram Societatis facta a Papa Gregorio ΧΠΙ et de itinere illorum Constantinopolim usque, pag. 1. Descriptio civitatis Constantinopolis et rerum insignium eius facta per Zaccariam iudicem eius, 1578, pag. 9. De bona dispositione turcarum erga christianam religionem, pag. 11. De captivis christianis qui sunt Constantinopoli et de fructu spirituali patrům cum Ulis, pag. 25. De statu ecclesiae orientalis, praesertim Constantinopoli, et de patriarchis et occupatione patrům erga illos, pag. 38. De confutatione Witembergensium et Tubingensium [leg. tuninbergen-tium] hereticorum a Hieremia, p. 65. De Turcis et aliis Christianis interfectis ob reprobationem sectae Mahumeti, pag. 72. De Rutenica ecclesia, consuetudines et canones, pag. 76. De origine, imperio et captivitate civitatis Constantinopolis, pag. 91. De imperatoribus Turcarum et temporibus illorum, pag. 93. De titulis honoris et nominibus dignitatum et officiorum Turcarum, pag. 100. De circumcisione atque nominibus Turcarum, pag. 104. De moribus Turcarum, pag. 106. De vulgari lingua Graecorum, pag. 110. De monetis Turcarum, pag. 106. De situ, figura, collibus atque regionibus civitatis Constantinopolis, pag. 96. Imago palatu imperatoris, pag. 104. De tempio Sanctae Sophiae quod est meschita principalis civitatis, pag. 112. De Persis, pag. 108.

Due raccolte miscellanee dello stesso archivio riportano copie31, ma parziali, di V46. La prima, Vitae 51 (V51) contiene la Narratio P. Mancinelli de Rebus Constantinopolitanis (f. 58-59), e la Descriptio civitatis (f. 59). I fogli sono uniformemente larghi 200 e alti 300 mm, vergati con inchiostro nero in una elegante scrittura32. La seconda rac-

30. Si noterà, nella lettura dei testi che seguono, come alcuni degli incipit non corri­spondano perfettamente, e quanto la stessa disposizione dei brani cambi qualche volta nella sequenza.

31. Non è possibile stabilire esattamente la data della stesura di queste copie d'archivio ; certamente dopo il 1618, considerando come le copie si adattino agli emenda­menti e correzioni presenti in V46. Dalla comparazione con il testo autografo, si desume che la finalità delle copie era volta, ovviamente, ai contenuti spirituali e politico-ecclesia­stici della missione di Mancinelli. Nelle due copie si trovano, infatti : de missione nostra ; descriptio ; de statu patriarcharum et ecclesiae constantinopolitanae ; de bona disposi­tione turcarum ; de captivis Christiana.

32. Il tipo di filigrana rinvenuto in V51 è simile a Ch. M. BRIQUET, Les Filigranes. Dictionnaire des marques du Papier, rist. Hildesheim-New York 1977, I, 1105-1106. Mentre Ga usa la stessa carta filigranata di V51, Gb risponde al tipo di Briquet I, 2356, rinvenibile anche in Al. MAREŞ, Filigranele hirtiei întrebuinţate in Tarile Romàne in seco­lul al XVI-lea, Bucarest! 1987, nn. 1748, 1751-1753.

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colta (documenti, lettere, atti giuridici riguardante la missione dei gesuiti a Costantinopoli), ha come segnatura Gali. 101 Missio Constant. 1583-1616 voi. Ѵ , e contiene un'altra copia della Narratio missionis, e una duplice copia della Descriptio civitatis. I due documenti sono cosi tra­scritti : 1) il primo (Ga) consta di tre fogli (205 per 310 mm) e riporta al f. 1 la Descriptio civitatis, senza uno specifico incipit, nel Tomus Missionis Constantinopolitanae ab anno 1583 ad 1615 (vergata da altra mano viene aggiunto Narratio R(everen)di Patris Mancinelli), mentre al f. 2 inizia il De Missione ; 2) il secondo (Gb), in un foglio isolato (f. 15, largo 180, e alto 300 mm), si ha la Descriptio, e dalla piegatura si ritiene che esso rappresenti una missiva inviata a Roma da Costantinopoli (al

. Ѵ della Descriptio, si legge: qui nunc 1585). Probabilmente, almeno all'interno delle copie e per quanto concerne la Descriptio, la versione presentata da Gb è più vicina alla copia autentica di Mancinelli. L'uso che faremo delle copie accennerà a qualche variazione lessicale nel testo narrativo, mentre darà costantemente le varianti a proposito della Descriptio ; la numerazione di V46 sarà quella antica ; abbiamo normalizzato la grafia, quando d'uopo, aggiungendo una più razionale punteggiatura al testo.

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CONSTANTINOPOLI (1583-1585) 123

DE MISSIONE PATRUM SOCIETATIS IESU CONSTANTINOPOLIM A GREGORIO XIII

ANNO 1583 USQUE AD ANNUM 1586.

Dominus Joannes Franciscus Maurocenus, qui postea creatus est epi-scopus Brixiensisa, dum esset Perae baiulus pro sua Republica Venetorum, scripsit ad Gregorium ΧΠΙ Pontificem Optimum Maximum orans ut mitteret patres Societatis Iesu Constantinopolim ob maxima commoda ad Dei gloriam et animarum salutemb, quae inde recta ratione sperali poterant. Pontifex significavit nostro patri generali se illi factu­ram rem gratiam si hoc praestaret. Pater vero se excusavit dicens se non habere homines ad id aptos et paucos, qui ad missionem expediti erant, in aliis maxime necessariis occupatos. Hoc intelligens supra dictus orator convenit Galliae oratorem et communitatem civitatis Perae persuadens illis, ut a Pontifice idem peterent, offerentes pro nostra habitatione Sancti Benedicti monasterium, quod iam sub tutela atque imperio regis Galliae tenebatur, vel a sacellario dicti oratoris, vel ab aliquo religioso monaste-riorum dictae civitatis, ne omnino destitutum relinqueretur.

Scripserunt itaque ad oratorem regis Galliarum, qui Romae degebat, et hic ita ferventer cum Pontifice negotium egit, ut Pontifex omnino impe-raret nostro patri ut mitteret quam primům eos patres, quos seligere a Societate ad id magis aptos valeret. Quo circa pater generalis pro tempo-ris opportunitate quinque experitis hoc opus mandavit, tribus scilicet sacerdotibus, et duobus coadiutoribus : Graecis, Dalmatis, Gallis, et patre Iulio Mancinelli Italo.

Quo facto statim istigante cardinali Comense nomine Pontificis in mediis caloribus recessimus Roma et induti eisdem vestibus, quibus antea utebamur, Deo mirabiliter auxiliante confecimus iter, per loca per-iculosissima, manentes etiam Valonae inter maris praedones famosissi-mos per tres dies in domo cuiusdam Iudaei. Transivimus etiam per quamdam civitatem Turcarum, ubi erant congregata circa moenia plus quam tria (p. 3) miliac populorum, vacantes torneamentis et varus (ob festům scansionibusd carnis primi ipsorum quod Bairame appellant) cum accédèrent ad nos aliqui iuvenes furiosi, nihil tandem nocumenti attule-runt, incessimus sine ulio duce custode in peregrino et illis monstruoso habitu, absque litteris securitatis, sine armis, equis rusticoram insidentes, absque sellaf et habenis, prout salmas8 ferunt paratis; tantummodo nobiscum erat ille pater Dalmata, qui Turcica lingua utebatur, et ad ipso­rum interrogata respondebat. Transivimus etiam soli per quosdam montes, et silvas et deserta loca, per qua nec Turcae eo tempora transire audebant, absque ingenti commitatu ob latrones Turcas, qui ibi insidiari atque interficere viatores solebant ; et hoc in pluribus locis factum est.

Quidam Turca mercator se adiunxit nobis et nullo pacto deserere vole-bat, quamvis nos varus artibus uteremur ut e nostra Societate eum (p. 4) removeremus. Dicebat se habere devotionem nobiscum veniendi vesperi

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ad hospitia Turcarum pervenientes, qua non sunt nisi nuda stabula, pluri-mos Turcas reperiebamus aliquando centum, ducentos et ultra. Nihilo minus publice coram omnibus in aliquo tarnen angulo eiusdem hospitii simul recitabamus nostra horas canonicas, litanias, et orabamus mentali-ter, etiam mane et nullus unquam nos impedivit.

In quadam civitate fuimus accersiti a quodam nobili primario chris-tiano ut aliquod medicamentum afferreremus uxori, quae biduo laborabat doloribus partus, et non inveniebatur remedium et parere posset, immo medicus eius Iudaeus (sunt vero ubique tale medici) constituerai frusta-tim conscindere conceptum et extrahere. Nos igitur ipsius precibus et rei compassione permoti accessimus, recitavimus domi litanias, benedixi-mus aquam et concessimus ut daretur mulieri ad bibendum et recessi-mus, et statim ea hausta peperit fere sine dolore pueram et ob id muneri-bus et honore nos affecit. Similiter sequebatur nos quidam Graecus, fere per (f. 5) integrum diem, maximo comitante imbre, accessitque ad hospi-tium vesperih et rogavit nos ut praeberemus aliquod uxori, quae singulis lunationibus a spiritu incubo infestabatur et totam domům perturbabat, inquiens in nobis sperare se inventurom earn virtutem, quam in suis sacerdotibus Graecis minime invenire poterai, hoc et addens se pro com-perto habere ut nisi orationes nostrae Ecclesiae illis subvenirent profecto iam omnes Turcas evasisse. Itaque instruximus ilium in fide catholica et, accepta a nobis aqua benedicta et cereo Agnus Dei1, maxima cum fiducia a nobis recessit. Tandem aquam benedictam dedimus etiam alteri mulieri Graecae, quae infestabatur quotidie fere a daemonis illam percutientibus et sanata est ad longum tempus, cui statim daemones comminati sunt antequam in domum ingrediremur exprobrantes quod sacerdotem Latinum accersisset. Similiter alteri mulieri graecae, quae ante portám domus nostrae habitabat, cum exitiali peste laboraret, praebuimus aquam benedictam et sanata est. Voluit enim Deus ostendere Graecis vim aquae benedictae, (p. 6) quam ipsi non recipiunt in sua Ecclesia, immo irrident nos, qui earn tanta cum1 devotione in ecclesiis conservamus et adeo fre­quenter utamur.

Sed ut ad nostrum propositum redeamus post multas difficultates atque discrimina, a quibus Deus Optimus nos liberavit, pervenimus Constantinopolim et ab oratoribus Venetiarum et Galliarum magna cum charitate et humanitate suscepti fuimus, similiter a populo christiano civitatis Perae et a mercatoribus externis, qui unanimiter supra dictum monasterium Divi Benedict!, quod a multis annis a monachis dicti ordi-

1. U Agnus Dei è una formella rotondeggiante di cera, benedetta con acqua santa, crisma e balsamo ; questa era la prassi del rito che risale al XVI sec. Cf E. DANTE, Agnus Dei, in Enciclopedia Cattolica, voi. I, Città del Vaticano 1948, p. 490-491. Quasi certa­mente si fa riferimento all'Agni« Dei a proposito del cero benedetto da Innocenzo XI, sempre a Costantinopoli nel 1697 e riportato da un altro gesuita, il p. Nacchi : cf V. POGGI, Da Livorno a Costantinopoli. Edizione di lettera di Antonio M. Nacchi S. J. (1666-1746), in La conoscenza dell'Asia e dell'Africa in Italia nei secoli XVIII e XIX, I, Napoli 1984, 69140-*1 e commentario p. 718-719.

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CONSTAmiNOPOLI (1583-1585) 125

nis derelictum atque destitutum fuerat, nobis pro domicilio, ex Pontificie auctoritate consignaverunt ; quod cum Turcae voluissent illud in meschi-tam vertere, sicut et aliis multis praestiterant ecclesiis ; orator Galliarum accessit ad imperatorem Turcaram exponens illam ecclesiam esse regis Galliae, id est ad usum oratorium eius, et propterea rogabat ut dimittere-tur illi, cui imperator consensit et concessit illi in scriptis privilegium ut in futurum nihil aliquid simile tentaretur a Turcis, sed libere secundum pristinum (p. 7) modum relinqueretur et inde mox factum est ut eius ecclesia dicatur.

Est ibi pulcherrimum templům mediocris magnitudinis depictum totum opere musivo* antiquo ex lapillis deauratis et plumbo tectum, simi­liter et turris, sunt novem cubicula apta ad habitandum, sunt tres horti, quorum unus est valde amplius, in quo antiquitus erat Celebris piscina, cuiusk adhuc extant crassissima moenia : in circuitu eius sunt quaedam loca eminentia in superioribus partibus domus valde commoda, in quibus solemus comedere et ibidem videntur duo maria, scilicet Mediterraneum et Ponticum et duae orbis partes, scilicet Europa atque Asia, quam ibi dividit exiguum maris interstitium. Inde videtur totus locus palatu impe-ratoris, quem appellant inclausorium Serraglio et fere tota civitas Constantinopolis et, cum sit ad ostium portus, nulla navis seu triremus ingreditur in portům, quae a nostris non conspiciatur, immo apparet ves-peri lumen ex fenestris in cubiculis propriis imperatoris. Aliquando apparent in utroque mari plus quam trecentae naves variorum generam, versus portům accedentes. Ab (p. 8) omni enim vento impelluntur naves ad civitatem ; a septemtrionali vel ab australi parte et circa litora2 portus fere semper quiescunt tria millia navium ex omni orbis parte - ex Venetiis et Creta, ex Cypro, ex Gallia, Anglia, ex Scio, exm Valachia, exn

Tartaria0, sed potissimum ex Aegypto et Asia, quam Natoliam appellant -omnibus enim liberum est accedere quacumque hora ex quocumque

loco etiam peste infecto. Nihil enim exquiritur ab accedentibus nisi ut pro mercibus datium sta­

tutům persolvant, quae exactio ut plurimum in toto imperatoris dominio a Iudaeisp fit, ob hane rationem in ea civitate videre est frequentiam maximam et varietatem nationum, sed maior pars Turcaram4 est ; deinde Graecoram, quam fere adequant Iudaei valde divites, atque industriatir

ex Lusitania atque Hispania fugati, vel relieta sponte religione Christiana, quam acceperant ad Iudaismi vomitum sunt reversi et quotidie revertun-tur ; fere omnes Hispanice loquuntur, Graeco atque Turcico idiomate.

Conspiciuntur etiam peregrinae merces preciosissimae ex omni parte orbis et animalia, puta, simiae, onagri, tigridess, ursi, leones, elephanti, camelli, in magna copia dro(p. 9)medari camelopardi', ex marinis pisci-bus omnis generis, inter quos vidi iuxta moenia civitatis per mare discur-rentem senem marinum quibusdam anni temporibus affertur tanta copia

2. Mancinelli fa riferimento al De orìgine, imperio et captivitate civitatis Constantinopolis (p. 93), che non si edita in questa sede.

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piscium, qui in locis vicinis capiuntur, ut ex quibusdam grandiusculis, scilicet scobris et lacertisu, pro uno dimidiato centum vendantur. Similiter reperitur vinum ex propriis regionibusw et ex omni parte orbis exiguo pretio" ; carnes et fructus, butyrum, oleum, oriza et mei in maxima copia ita ut soleat computari hominis tenuis fortunae victus per diem pretio unius grossi. Sed de his plenius in sequenti descriptione noti-tia haberi poterit, quam ab oratore reipublicae Raugaseae accepi mense augusto anno 1585.

DESCRIPTIO CIVITATIS CONSTANTINOPOLITANAE PER DOMINUM ZACHARIAM CADI EIUSDEM CIVITATIS

IUSSU SULTANI AMURATIS TURCARUM IMPERATORIS AB ORIGINE MAHUMETIS ANNO 986 ET A CHRISTO SALVATORE NOSTRO 1 5 7 8 Z .

(p. 10) Tempia principaliora, quae Meschitas*3 appellant, in quibus singulis diebus veneris in meridie fit sollennisbb atque publica oratio, aliis vero diebus quinquies, sed privatim, extant 480°°.

2 Tempia minora atque privata per regiones civitatis in quibus non fit solennis oratio, sed privata quinquies in die, sunt 4493.

3 Monasteria quorundam veluti religiosorum, quos Dervisos appel­lant, 150.

4 Loca publica veluti scholae, ubi pueri docentur legere atque seri-bere, 1653.

5 Domus in quibus excipiunt hospites et per triduum gratis administra­tur cibus, 100*4

6 Hospitia communia quibuscumque viatoribus, qua appellant Gambam·* Sarai, in quibus datur solum hospitium et stabulum gratis, 417.

7 Hospitia, in quibus generaliter omnibus accedentibus in diem gratis datur cibus, 285.

8 Fontes seu loca, in quibus prius lavantur ingressuri in templům ad orandum, 4985.

9 Fontes publici ad usum potus, quorum maior pars clave obseratur, 948.

10 Termaeff, seu hypocausta ad lavandum corpora, 274. 11 Officinae, in quibus fiunt varia genera potationum, 589. 12 Fumi, in quibus exquoquitur paniš venalis, 225. 13 Molendina, in quibus frumenta equorum opera moluntur, 585.

( . ) 14 Emporia, ubi servantur merces, quae ad victum pertinent, ut in

magna copia solum vendantur ut farina, butyrum, oleum et melis, 13. 15 Vicinia88 seu viae civitatis, in quibus Turcae tantummodo inhabi­

tant, 3973№. 16 Vicinia seu viae, in quibus Christiani habitant, 4585. 17 Vicinia, in quibus Iudaei inhabitant, 2585.

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18 Ecclesiae Christianorum, eo tempore descriptae, 743" ; modo vero sunt longe pauciores et Turcarum tempia plural

19 Verveces singulis diebus ad usum cibi1* venduntur 5000. 20 Vini tantummodo absque aliis potionibus scilicet aquae vitae11,

mulşi, sicerae etiam singulis annis exhauriuntur dolia 4000. 21 Frumenti chili seu modii, singulis diebus expenduntur 8000.

DE SITU, FIGURA, COLLIBUS ATQUE REGIONIBUS CIVITATIS CONSTANTINOPOLIS : ETIAM HOC TEMPORE

(p. 96) Constantinopolim Constantino imperatore ex Bizantio voca-tam, ut superius diximus, Turcae vocant Stambol, Graecam vocem cor-rumpentes Stybolim, id est ad civitatem. Haec sita est in peninsula sep­tem continens colles, quae modico maris sinu, id est unius miliaris, disterminatur ab ea parte Asiae quam Natoliam vocant, ad quam duo maria sibi opposita, nempe Ponticum Euxinum et Mediterraneum, modico canali influentia ad quemcumque ventum naves déférant. Unde merito ceci vocati sunt Calcedones3, qui non hune sed ad litus111111 maris ab alia parte in imo locum ad civitatem aedificandam sibi elegerunt. Figura Urbis est triangularis, basi occasum vergente, seu potius tricornis.

In primo colle est aedes S. Sophiae et palatium regis, ibi prima regio Urbis, quarum regiones 14 erant. In eodem colle, sed in tertia regione, hippodromus, platea quaedam maxima ubi exercentur equi in cursu, ibi columna pyramidis et serpentes aenei ; hune promontorii angulum anti­qui Chrysoceras, vel etiam Bosporium, vocabant ; vergit a parte septem-trionis ad Peram. Idem Promontorium efficit reliquos sex (p. 97) colles ad occasum pergens ex latere dextro, in sinum prominentes cum quinque vallibus. In sinistro latere perpetuus clivus est, non habens colles, sed tumulos1"1.

In 2' Collis vertice est columna porfirea, ubi Arrius intestina digerisse dicitur. In latere00 huius Collis quinta regio erat.

In 3° colle Solimani xenodochia et mausoleum atque gymnasium. A tergo huius nona regio est.

In 4° colle Mahometi II mausoleum, tempia turcica, xenodochia et ter-mae. In dorso huius Collis undecima regio et ibi bos aereus erat.

In 5l Collis fastigio Selimi primi mausoleum et xenodochium. In 6° colle inter hune et sinum, ohm aedes sacra Blacherneae, ubi

regio decimaquarta. 7S collis xerolophus est ubi aedes, scilicet Studii ; ibi duodecima regio.

Pro decimatertia vero habebatur olim civitas Perae.

3. Si echeggia Erodoto IV, 144 : ... Καλχηδονίους τοϋτον τον χρόνον τυγχάνειν έόντας τυφλούς.

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D E MURIS CIVITATIS

Muri circuitu maris vacantes, id est ex parte terrestri duo sunt fossa lata 25 passus, sed modo valde oppleta, spatium inter utrumque murum latum est 18 pedes ; exterior muras fere ubique valde humilis, antiquus atque debilis ; interior vero excelsior atque latior, sed scissuris plenus et ruinosus, in quo ex parte continentis sunt 250 turres, in quas gradibus lapideis ascenditur usque ad summum. Exterior quoque muras totidem continet turres (p. 98) humiliores.

Muri autem maritimi ex parte Propontidis, supra litorispp crepidine siti sunt, terrestribus humiliores, simplices, mediocriter crassi et turriti, modo vero satis vetusti, nec terra a parte civitatis oppleti, et propterea facile ex bombarda deiiciqq possent. Ex parte sinus sive portus muri absunt a mari circiter quinquaginta passus ambulatorios ; totum vero illud spatium ligneis domibus repletum est, quae et intra mare proten-duntur. Ibi est simplex muras, sed altus et bene crassus.

DE PORTIS CIVITATIS CUM MODERNIS NOMINIBUS

In latere" Urbis terrestri, occasum scilicet spedante, qui tractus 4 miliarioram est, in quo tres muroram ordines sunt, quorum duo exte-riores valde humiles, progrediendo itaque ab Austro ad Aquilonem ver­sus:

1 a Porta Iedicule, id est septem turrium, in angulo Urbis australi posita, in quibus turribus thesauri imperatoris reconditi sunt et captivi nobiliores ibi detinentur. Olim dicebatur porta Traciae.

2 a Selibrea Porta, quam Turcae Silybri capi vocant. 3 a Topcapi, pilaram Porta ; ibi sunt res bellicae, ut Arcus, Sagitta,

atquess putatur esse Romana Porta, quae continentem versus sit, quae Romania dicitur et Sancti Romani Porta nominatur.

4 a Edirne capi ; Porta Andrionopolitana. 5 a Egricapi ; Curva Porta a Turcis facta. 6 a Eincapi; Iobis Porta, qui fuit olim Turca; et fertur a (p. 99)

Christianis occisus, ibi sepultus a Turcis, colitur tempio novo extructo loco veteris, alicui Sancto a Christianis consecrati.

7 a Eiunbenzari capi : quae terminat angulum Urbis ubi est palatium Constantini, modo habentur ibi duo elephanti et finitur. Sinus ceratinus portus id est Perensis, qui continet quinque miliaria longitudinis, latitudi-nis vero fere quattuor" stadioram. In hoc igitur sinu sunt aliae Portae, ab occasu ortum versus progrediendo, ante quas navium scaleuu extant.

8 a Palatcapi, vel Palatcapsi, id est Porta Palatina a palatio Constantini, quod pauca hodie mancipia inhabitant.

9 a Diplophanari, quia duplicem habuit laternamvv in mari contra hostes.

X a Phenercapi, id est Laternae Porta. XIa Iubali capi.

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XII a Aia capi, id est Tiagius Porta S. Theodosias, ibi et Urbs maxime oppugnata dicitur.

a Un capi ; Porta farinaria ; ibi domus frumentaria et farina. І a Ienicapi. Turcae aperuerunt antea clausam, sicut aliae Parvae

adhuc clausae manent. X5 a Odum capi, id est Porta Lignaria, ubi Ugna venduntur. X6 a Ienis capi ; ubi venduntur fruges, fructus et coetera. (p. 100) 17 a Balnebazabarcapi, piscium fori Porta, quae et ducit ad domum

insignem, ubi praetiosae merces venduntur quae Bisistenww vocant ; inde traiectus rectus ad Galatam.

18 a Tisogias Porta, id est Pulchra. 19 a Tieni sunt capi, id est Iudaeorum Porta ; ibi et apud duas praece-

dentes inhabitant Iudaei. 20 a Bascha capixx, id est Basciarum Porta, quia sola solis Bascis noctu

aperitur. Est prope muros Sarai, id est aulae imperatoris. 21 a Porta hortorum imperatoris per quam ipse solus ingreditur, opti-

mis columnis et marmoribus mixti coloris ornata. 22 a Porta e regione Calcidoniae dicitur Stercoraria. 23 a Leonina. 24 a Porta ultima versus septem turres dicitur Condescala.

DE TEMPLO SANCTAE SOPHIAE

Remanet Constantinopoli templům Sanctae Sophiae, quod in Meschitam Turcae verterunt, optime illud reparantes. Modicum distai a palatio, seu Seralio imperatoris ; est veluti eius parrochia et omnium meschitarum caput ; singulis diebus veneris imperator mediocri pompa illue ad orandum accedit. Facie exterior templi continet sex columnas marmoreas, quas Turcae fere ad summitatem usque (forte ob ventum et frigus) muro obstruxerunt ; sequitur porticus octo cannarum latitudinis incirca ; deinde per quinque maximas et ornatissimas portas ingreditur ad alium porticum eiusdem latitudinis et per quinque alias portas, semper filtro et panno tectas in templům ingreditur, quod est ovata forma, longi-tudinis internae 130 passuum ambulatoriorum. Ad caput eius est fornix seu cavitas in pariete, ubi antiquitus erat altare maius, modo vero nihil est. Est enim locus ad quem convertuntur Turcae dum orant, paulo ante illum est locus eminens super sex columnis ad quem ascendit imperator dum orat. In pavimento sunt dupplicatae stortae, et in superiori parte, pro nobilibus, tapeta. Pendent per totam ecclesiam lampades ex circulis aereis vel auricalchi diversarum formarum; ut plurimum sunt globi magni ex vitro inaurato et in circulis stellatis vel radiatis et triangulatis et pentagonis sunt ex auricalco, vel ex argento regiae coronae ; ibi nullus strepitus (p 113) neque exereationis sentitur. Omnia nitidissima sunt; nemo calceis intrare audet, sed ad portám relinquunt. Hinc inde ad latera portarum frontispicii per cochleas scalas ascenditur ad superiorem par-

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130 VINCENZO RUGGIERI

tem ecclesiae eiusdem pulchritudinis circumcirca eminet parvus muras, unde ad ecclesiae pavimentum inspicitur. Sicut etiam superius columna-rum praestantissimarum tres ordines secundum latitudinem; apparent hine inde tres fornices, velut tria sacella bonae altitudinis. Remanent ibi adhuc multae sanctorum imagines ex lapillis more antiquo constructis fere omnes integrae, paucis vero aliquantulum subtili albedine facies obtecta est. Similiter et seraphinis, quibus^ in summitate principalis tes-tudinis totius templi dealbata facies est. Et imago Beatae Virginis Mariae, et quorundam Sanctorum, quae super portám orientalem ad caput templi depicta est. Ad latum vero septentrionalem templi sunt quattuor22 magnae portae a parte vero meridionali nulla, quam vis exte-rius et illa pars libera sit, ab aedificiis minime impedita. Pavimentum superius et inferius ex varus marmoribus optime distinctis ornatum est. Murorum interior pars ut plurimum, ex variorum marmoram tabulis incrustata est. Altitudo maxima est et proportionata aedificio, similiter (ρ 114) et latitudo, crassitudo exterioram parietum maxima est et inter testudinum, sive sacelloram spatia, muri ab inferiori parte ad imum in totius aedificii fulcimentum elati eminent satis crassi. Denique redolent antiqua aedificia Romanoram ecclesiarum, quas Constantinus aedifica-vit, preterquam in forma superioris pavimenti fere eiusdem capacitatis cum inferiori, quod nullibi Romae aspicitur, nisi forte in tempio Beatae Mariae ad Rotundám ; sed ibi locus ille superior non est totus apertus versus ecclesiam, sed per fenestras tantummodo aspicitur ; aliquid etiam simile est in ecclesia Sanctae Agnetis, sed modicam valde.

Vincenzo RUGGIERI Pontificio Istituto Orientale, Roma

NOTES

a. Sul margine destro, la stessa mano aggiunge deinde cartis et legatus perficiunt ad Gallie Regem ; V51 om. qui postea... Brixiensis.

b. V51 om. ob maxima... salutem. c. Il ms legge millia. d. Cancellato excursionibus, e corretto di lato in scansionibus. e. Il ms legge Bariom. f. Parola sottolineata nel testo ; su di essa è scritto episio. g. Parola sottolineata nel testo ; su di essa è scritto onera. h. Scritto dopo sulla linea. '. Scritto dopo sulla linea. >. Scritto a lato, per correzione del testo che riportava lo stesso termine. k. Aggiunta della stessa mano sul lato. l. Π ms legge littora. m. Aggiunta della stessa mano in alto sulla linea. n. Aggiunta della stessa mano in alto sulla linea °. Aggiunta sul lato. p. Il ms legge Judaeis. 4. Il ms legge Turcharum.

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CONSTAJSTTINOPOLI (1583-1585) 131

'. Il ms legge industriatis. s. II ms legge tygrides. *. Aggiunta sopra la linea ; è stato cancellato Giraffe. u. Aggiunta a lato ; nel luogo in questione viene cancellato quorum nomina ignoro. v. Il ms legge dimidisiato aggiunto sulla linea, e viene cancellato polonico. w. Nel testo, ma cancellato, seguiva praestantissimum. x. Sulla linea è aggiunto praestantissimum. y. Aggiunto sulla linea. z. V51, Ga, Gb ab origine (mundi, add. Gb) Machometis anno 985 et a Christo nato

1578, ex mandato Sultani Amuratis imperatons {Gb om. imperatoris) Turçarum a Zacharia iudice Constantinopolis facta fiiit sequens descriptio eius civitatis.

. V5I, Ga Moschias ; Gb Moscheas. ·*. Corretto da sollenitas. a. V51, Ga privata oratio numero 450 ; Gb privata oratio fit extant Constantinopoli

480. M. Inizialmente il ms leggeva 285, poi cancellato con doppia linea ; forse confusione

con n. 7, di cui sotto. ". V51, Ga, Gb Ciaruban. ff. V51, Ga, Gb Balnea. a. V51, Ga, Gb Regiones (anche nei nn. che seguono).

. Corretto da 3974. u. V51 regiones ecclesiae christianorum 743; Ga ecclesiae christianorum 743 ; Gb

ecclesiae christianorum eo tempore descriptae nunc vero 1585 sunt longe pauciores 743. i>. Sul margine destro, dallo stesso Gesuita, è aggiunto antiquitus verofiterunt tot eccle­

siae quot dies in anno. tt. Cancellazione superiore : era scritto expondant. u. V51 aquae vitis, mulsi, siceres ; Ga aquae vitis, siscirae... ; Gb aquae vitis, mulsi,

siserae. mm. Il ms legge littus. m. Corretto da trinmulos. °°. Il ms legge lathere. PP. Il ms legge littoris. qq. Il ms legge deijcj. ". Il ms legge lathere.

. Correzione : in seguito la stessa mano scrisse ex eo. ". Il ms legge quatuor.

. Il ms legge seule. " . Corretto da lanternom. ww. Corretto da Bisher. xx. Il ms legge capsi. w. ms legge qui. **. Il ms legge quatuor.

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CONVAINCRE OU CONTRAINDRE : LA POLITIQUE RELIGIEUSE DES

COMNÈNES À L'ÉGARD DES ARMÉNIENS ET DES SYRIAQUES JACOBITES

Isabelle AUGE

Summary: In the period 1081-1180 the first three Comnenian emperors attempted to reconquer the eastern territories from the Seljuk Turks and to dislodge the Latins installed in Mesopotamia, Syria and Palestine as a result of the first Crusade. In this same territory there were many Syrians and Armenians, considered as heretics. A review of the various conversions of 'Monophysites' to the Chalcedonian creed mentioned in Syriac and Armenian chronicles and in polemical treatises, such as that against the Melkites by the Syrian Denis Bar Salîbî, demonstrates the religious policy pursued by the Comnenians in the reconquest of these eastern provinces.

Lorsque Alexis Comnène accède au pouvoir, en 1081, la situation de l'Empire byzantin est gravement compromise, comme l'atteste, par exemple, le patriarche d'Antioche, Jean l'Oxite. Bloqué dans la capitale, car l'insécurité des voies terrestres et maritimes lui interdisait de rega­gner son patriarcat, il est convié, avec d'autres, à se prononcer sur l'état de l'Empire qui subissait alors les assauts conjugués des Petchénègues et de l'émir turc de Smyrně, Tzachas. Dans son discours, il constate que «des hordes de Scythes broutaient la majeure partie de l'Occident, alors que de l'Orient ne subsistait pas même un menu fragment» ; sur le flanc oriental, l'Empire est véritablement réduit à la portion congrue, soit «l'acropole de Byzance»1.

Alexis Comnène et ses deux successeurs, Jean Comnène (1118-1143) et Manuel Comnène (1143-1180) entreprennent alors, à l'instar des empereurs de la dynastie macédonienne, une politique de récupération

1. L'ensemble du discours est édité et traduit dans P. GAUTIER, Diatribes de Jean l'Oxite contre Alexis IerComnène, REB 28, 1970, p. 5-55, ici p. 18-48. Le passage cité se trouve à la page 35.

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des territoires perdus. La reconquête des provinces orientales de l'Empire, sur lesquelles nous mettrons ici principalement l'accent, met les Comnènes aux prises avec deux types d'ennemis : d'une part les Turcs qui tiennent une grande partie de l'Asie Mineure, et d'autre part les Latins, qui se sont installés en Mésopotamie, Syrie et Palestine, à la faveur de la première croisade. Or, dans cette zone à reconquérir, les Arméniens et, dans une moindre mesure, les Syriaques sont présents en nombre relativement conséquent. Leur installation dans la région date surtout de la période de la reconquête macédonienne. Lors de celle-ci, en effet, les empereurs ont repoussé de manière fulgurante leur frontière vers l'est, créant dans les régions étudiées une zone de faible peuple­ment, les musulmans ayant été massacrés ou ayant fui. Pour pallier ce vide démographique, les Macédoniens ont fait appel aux Syriaques et aux Arméniens. C'est le patriarche jacobite Michel le Syrien qui donne, pour ce qui concerne le cas des Syriaques, le témoignage le plus expli­cite en mentionnant l'offre d'installation à Melitene faite par Nicéphore Phocas au patriarche jacobite Jean Sarigta2. Les Arméniens eux aussi, sous les Macédoniens, se sont installés dans ces régions puisque les princes de Grande Arménie ont été amenés, à partir de la fin du 10e siècle, à abandonner leurs terres patrimoniales pour effectuer une migration vers des régions plus méridionales, d'abord la Cappadoce, puis la Cilicie et l'Euphratèse essentiellement3.

Or, les Arméniens et les Syriaques, s'ils sont chrétiens, sont considé­rés par la chrétienté byzantine comme des schismatiques et des héré­tiques, ceci, bien que la date ne puisse être établie avec certitude, depuis fort longtemps. Des travaux récents ont bien montré par exemple que, pour le cas des Arméniens, la rupture définitive serait à situer au 7e siècle4. Au cours des siècles, les empereurs byzantins ont cherché à réduire cette fracture et à mettre fin au schisme en utilisant des méthodes bien souvent coercitives. Cette volonté d'unité, au-delà du volet stricte­ment religieux, s'explique en partie par des raisons politiques, les empe­reurs ne pouvant tolérer l'existence de ce particularisme religieux sus­ceptible de fragiliser la cohésion, face à l'ennemi perse d'abord puis, surtout, musulman. Au cours des siècles, cette politique byzantine a eu

2. J. B. CHABOT (éd. et trad.), Chronique de Michel le Syrien, patriarche jacobite d'Antioche (1166-1199), Bruxelles 1963, III, 4, t. , p. 130-131 ; cité par G. DACRON, Minorités ethniques et religieuses dans l'Orient byzantin à la fin du Xe et au xf siècle : l'immigration syrienne, TM 6, 1976, p. 177-216; repr. dans ID., La românite chrétienne en Orient, Londres 1984, p. 187. L'ensemble de l'article concerne les questions ici évo­quées.

3. G. DÉDÉYAN, L'immigration arménienne en Cappadoce au XIe siècle, Byz. 45, 1975, p. 34-54.

4. Voir en dernier lieu l'étude très poussée de N.-G. GARSOIAN, L'Église arménienne et le grand schisme d'Orient, CSCO 574, Subsidia 100, Louvain 1999, voir en particulier la conclusion, p. 399-409.

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des résultats variables, les chefs religieux arméniens y répondant par une attitude allant, selon les cas, de l'acceptation au refus catégorique5.

Les sources attestent, pour le 12e siècle également, un certain nombre d'adhésions, de la part des Arméniens et des Syriaques, à la foi chalcé-donienne. De ce fait, il semble intéressant d'en dresser d'abord une typo­logie, puis d'insister sur les modalités grâce auxquelles elles deviennent effectives, afin de tenter de cerner les intentions des empereurs Comnènes et de voir en quoi leur politique religieuse peut servir leur politique de reconquête des provinces orientales de l'Empire.

TYPOLOGIE DES CONVERSIONS

Les empereurs Comnènes, surtout Jean et Alexis, font parfois, pour obtenir des conversions, usage de la force. Le premier, par exemple, met en œuvre des méthodes coercitives, comme l'atteste de manière élo­quente la chronique de Michel le Syrien. L'auteur écrit ainsi :

«Jusqu'à l'époque de l'empereur Alexis notre nation avait une église à Constantinople et les Arméniens une autre ; et dans chacune d'elles se trouvaient un prêtre et une corporation de négociants séculiers et autres. Un prêtre syrien s'y rendit, d'Antioche ; comme le prêtre de notre église, qui était de Symnada, ne l'accueillit pas, Satan entra en cet homme, et il alla dire aux Grecs : "Ces Syriens et ces Arméniens qui sont dans votre ville ont commerce avec les Turcs". Et l'empereur fut irrité; sur son ordre les deux églises furent incendiées et les prêtres chassés, et le reste du peuple devint pour la plupart hérétique»6.

Le prêtre syriaque d'Antioche, en conflit avec son coreligionnaire de Constantinople, pour des raisons de protocole semble-t-il, choisit donc de dénoncer ce dernier à l'empereur, en prenant pour motif une collusion avec les Turcs. Le choix de cet argument n'est pas anodin, et révèle la prise de conscience de l'importance de l'élément chrétien et de la posi­tion qu'il adopte par rapport à l'occupation turque. L'empereur ajoute foi, sans autre forme d'enquête, au dire du prêtre d'Antioche et fait fer­mer les lieux de culte arméniens et syriaques, ce qui en dit long sur la suspicion latente des autorités constantinopolitaines à l'égard de ces chrétiens. On notera aussi, anticipant sur notre seconde partie, que le peuple, privé de ministre du culte etde lieux où l'exercer, semble se rési­gner facilement et massivement à adopter la foi orthodoxe.

Si Alexis s'attaque aux chrétiens «monophysites» de la capitale, en faisant fermer leurs églises, son fils Jean, lui, s'en prend aux Arméniens de Cilicie, lors de sa première expédition en Orient, dans les années

5. Voir par exemple pour les 7e-8e siècles, J.-P. MAHÉ, Confession religieuse et identité nationale dans l'Église arménienne du vır5 au XIe siècle, dans N.-G. GARSOÏAN et J.-P. MAHÉ, Des Parthes au califat, quatre leçons sur L· formation de l'identité arménienne, Monographies des TM 10, Paris 1997, p. 59-78, particulièrement p. 59-63.

6. Michel le Syrien, op. cit., XV, 7, t. , p. 185.

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1136-1138. Le but de cette expédition est de récupérer les territoires byzantins de Cilicie et de Syrie du Nord, face au prince arménien Lewon Ier (1129-1137), et au prince d'Antioche Raymond de Poitiers (1136-1149). Lors de cette campagne, il adopte une attitude particulière­ment dure à l'égard des Arméniens, et quelques indices permettent de supposer qu'il entendait obtenir leur conversion. L'expédition de Cilicie apparaît bien comme une «guerre sainte» à rencontre des Arméniens ; ceci ressort surtout du panégyrique écrit pour l'occasion par Michel Italikos7. Deux colophons de manuscrits rédigés par Nersês Chenorhali montrent également que Jean Comnène s'en est pris à l'organisation reli­gieuse de la Cilicie et aux lieux de culte arméniens. L'un d'entre eux dit ceci à propos de l'empereur :

«Il dévasta de nombreux couvents et églises et ils [les Grecs] brisaient les signes du Seigneur [les croix], et pleins d'esprit de vengeance, ils por­taient de terribles coups à notre peuple»8.

Les méthodes utilisées sont pour le moins brutales et Jean Comnène renoue avec une vieille méthode byzantine, à savoir celle du transfert de populations. Les chroniqueurs arabes le montrent déportant les habitants arméniens de la ville de T'il Hamtoun, enlevée à un vassal de Lewon, en Chypre9. Nersês de Lambroun nous apprend également qu'il a rétabli, dans la ville d'Anazarbe, un évêque grec :

«À Anazarbe, les princes arméniens avaient fondé une église. Les Grecs s'étant emparés par deux fois de cette ville y placèrent un évêque attaché à l'église des Arméniens, en assignant à cette église un revenu fourni par le pays»10.

Les empereurs, que ce soit dans leur capitale ou dans les territoires qu'ils tentent de reconquérir, usent donc de la manière forte, en fermant, voire en détruisant les lieux de culte. Ils donnent ainsi un exemple qui est relayé, sur le plan local, par les évêques grecs, qui se trouvent, nonobs-

7. P. GAUTIER (éd.), Michel Italikos, lettres et discours. Archives de l'Orient chrétien 14, Paris 1972, n° 43, p. 239-270 ; voir l'analyse détaillée du discours dans G. DÉDÉYAN, Les pouvoirs arméniens dans le Proche-Orient méditerranéen (1068-1144), Thèse d'État (dactylographiée), Paris 1990, p. 689-690.

8. G. HOVSEP'EAN, Colophons de manuscrits, t. Ι, (νΜ250), Antélias 1951, n° 169, col. 355, traduit par G. DÉDÉYAN, op. cit., p. 692. Un autre exemple similaire et attestant de pillages des couvents est également donné par A. MAT'EVOSIAN, Colophons de manus­crits arméniens (v'-xtr s.), Erevan, 1988, n° 191, p. 162. L'Anonyme syriaque relève aussi ces exactions commises par Jean Comnène en Cilicie : Anonymi auctoris chronicon ad A.

1234 pertinens, CSCO, SS, 154, Louvain 1974, p. 82 : «Ses soldats se dispersèrent dans les montagnes et dans les plaines, causant beaucoup de maux aux villages chrétiens».

9. Ibn al-Kalânisî, R. LE TOURNEAU (trad.), Damas de 1075 à 1154, Publications de l'Institut Français de Damas, Damas 1952, p. 237; Ibn al-Athîr, Kamel-Altevarykh, (extraits), RHC Or. 1.1, p. 189-744, Paris 1872, ici p. 424, G. DÉDÉYAN, op. cit, p. 86 et É. MALAMUT, Les îles de l'Empire byzantin, VIIF-XIF siècles, Byzantina Sorbonensia 8, Paris 1988,1.1, p. 162.

10. Nersês de Lambroun, Explication de la sainte messe, traduction partielle dans RHC, Documents Arméniens, 1.1, Paris 1869, p. 569-578, ici p. 577.

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tant le retrait des Byzantins sur le plan politique, encore en place. Citons encore une fois une remarque de Michel le Syrien :

«Quand les méchants Grecs ne pouvaient plus maltraiter les Orthodoxes, comme ils le faisaient autrefois, ils n'abandonnaient cependant pas leur cruauté ; mais ils établirent à Antioche et en Egypte, pour leur peuple, des patriarches, dans les États des musulmans, et ils s'agitaient pour troubler les Syriens, et même les Égyptiens et les Arméniens, comme un serpent dont la tête est coupée et qui agite sa queue. Il y avait donc en Syrie et en Arménie, de même qu'en Palestine et en Egypte, outre le patriarche et les évêques de notre nation, de nos frères les Égyptiens et les Arméniens, ceux aussi des Grecs chalcédoniens, qui troublaient autant qu'ils pou­vaient ces trois nations, et même, quand l'occasion s'en présentait, les Nubiens et les Abyssins»11.

Bien que souvent contraints, en raison de la situation politique instable, de résider dans la capitale, et non dans leurs évêchés, les évêques grecs qui peuvent s'y rendre ont donc eux aussi une attitude dure à l'égard des chrétiens arméniens et syriaques, cherchant à obtenir par tous les moyens leur adhésion à la foi chalcédonienne.

L'usage de la force est ainsi parfois employé, au 12e siècle, pour obte­nir des conversions. Au-delà de cette forme extrême, il existe toutefois des méthodes un peu moins violentes qui consistent à essayer de persua­der, en organisant des discussions, même si les protagonistes de celles-ci sont l'objet de fortes pressions.

Un corpus particulièrement fourni de documents renseigne sur les dis­cussions qui ont lieu, dans les années 1165-1180, entre Grecs d'une part, Syriaques et surtout Arméniens d'autre part. Celui-ci est composé notamment du recueil des lettres échangées entre Grecs et Arméniens12, compilé par Nersês de Lambroun alors qu'il était archevêque de Tarse, à la demande de son frère Het'oum, seigneur de Lambroun13. L'une des

11. Michelle Syrien, op. cit., XVI, 3, t. III, p. 225. 12. Nersês Chenorhali, Épure générale, Jérusalem 1871 : on y trouve la correspon­

dance entre Nersês Chenorhali, puis son successeur Grigor Tegha, et les Grecs. La pre­mière lettre est la profession de foi de Nersês (1165), la dernière rend compte des déci­sions du synode arménien qui s'est tenu à Horomkla en 1178. Ce recueil contient également une partie de la correspondance des deux catholicos avec les docteurs de Grande Arménie, en vue de la réunion d'un concile, à savoir une lettre envoyée par Nersês, et un échange de lettres entre Grigor IV et les docteurs de Grande Arménie, à la veille de la réunion du synode de Horomkla. Les missives échangées entre Nersês et les Grecs ont été traduites en latin par J. CAPPELLETTI, Sancii Nersetis Clajensis Armeniorum catholici opera, t. I, Venise 1833. Il n'existe en revanche aucune traduction de la corres­pondance postérieure à la mort de ce catholicos.

13. Voir A. BOZOYAN, Documents on the Armenian-Byzantine ecclesiastical négocia­tions (1165-1178), Erevan 1995 (en arm., avec résumé anglais), p. 130-131. Ce sont, entre autres, les colophons de manuscrits qui apportent des renseignements sur les circonstances de la rédaction de ce recueil. Voir par exemple G. HOVSEP'EAN, op. cit., n° 281, col. 621. Ce même document se trouve également dans N. AKINIAN, Nersês Lambronatsi, p. 218-219. Dans ce colophon de manuscrit, Nersês explique qu'il a agi «selon ton désir, pieux prince, mon frère Hét'oum». Il s'agit d'Hét'oum III (1151-1218), seigneur de Lambroun de 1170 à 1200.

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lettres envoyées à l'empereur Manuel par Nersês Chenorhali à la fin de l'année 1166 est particulièrement riche en informations pour ce qui concerne la manière dont le catholicos envisageait les négociations. Après un rappel des exactions des Grecs à l'encontre des Arméniens, il écrit en effet ceci :

«Et nous demandons ceci aussi de votre indulgente mansuétude : si Dieu nous accorde d'entamer ensemble des discussions, qu'il n'en soit pas comme de celles d'un maître avec ses serviteurs ou de serviteurs avec leur maître. Car vous, vous exposez nos manques en notre présence, et nous, nous n'osons pas vous faire connaître ce qui, chez vous, nous scan­dalise, ce qui est la loi des choses charnelles, non celle des choses spiri­tuelles»14.

Nersês, fort certainement de l'expérience des discussions ayant eu lieu dans un passé plus ou moins lointain, se permet donc de dénoncer le déroulement de celles-ci et d'exiger la plus parfaite égalité : s'il est prêt à entendre les griefs des Grecs à l'encontre des Arméniens, il convient que lui-même puisse également exposer son point de vue. Les dispositions contraignantes prises par les Grecs en période de discussions dogma­tiques sont donc stigmatisées, et il est vrai que, dans la période étudiée, on peut recenser un cas très clair de telles pressions. Les chroniqueurs Michel le Syrien et Matt'êos d'Ourha narrent en effet tous deux les controverses calendaristes qui eurent lieu en 110315, portant sur le calcul de la date de Pâques. Une divergence entre le comput utilisé par les Arméniens et les Syriaques et le comput utilisé par les Grecs entraîne en effet, tous les quatre-vingt quinze ans, un écart entre les dates de célébra­tion de la fête pascale16. Ce n'est pas la première fois, en 1103, que les Arméniens et les Syriaques subissent des pressions de la part des Grecs, pressions relevées par les chroniqueurs. Matt'êos d'Ourha écrit ainsi :

«Les habitants d'Antioche, de Cilicie et d'Édesse eurent des discussions sans fin à soutenir avec eux, parce que les Grecs s'efforçaient d'imposer des désagréments à notre nation, sans toutefois réussir à l'ébranler. Les Syriens d'Édesse, cédant à la crainte, embrassèrent le parti des Grecs et renoncèrent à l'alliance qu'ils avaient contractée avec les Arméniens».

D'après le même chroniqueur, le catholicos arménien Grigor Π le Martyrophile aurait alors envoyé une lettre à ses ouailles, qui lui avaient demandé conseil, pour leur enjoindre de ne rien modifier des traditions

14. Édition de l'ensemble de la lettre dans Nersês Chenorhali, op. cit., p. 109-120; trad. J. CAPPELLETTI, 11 , p. 195-204, le passage cité se trouve aux p. 117-118 pour l'édi­tion, p. 202 pour la traduction.

15. Matt'êos d'Ourha, Histoire, éd. de Jérusalem, 1869, p. 353-361 ; Michel le Syrien, op. cit., t. III, p. 189-190.

16. Sur les origines de la différence de date, voir A.-K. SANAAN, Crazatik «Erroneous Easter». A Source of Greco-Armenian religious Controversy, Studia Caucasico 2, 1966, p. 26-47, ici p. 27-36. L'auteur récapitule ensuite l'ensemble des témoignages concernant ce phénomène et les différentes dates auxquelles il se produit.

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arméniennes17. Cette source arménienne accuse donc les Syriaques d'avoir cédé aux Grecs, alors que Michel le Syrien, lui, ne dit rien de cette rétractation, insistant au contraire sur la victoire des «monophy-sites» lors de ce débat, puisque la lumière, le feu sacré descendant sur le tombeau du Christ le jour de Pâques, se manifeste à la date par eux envi­sagée, et non à celle prévue par les Grecs18.

Bien que le texte de Matt'êos ne soit pas très explicite à propos des pressions exercées par les Grecs à rencontre des Arméniens, il est pro­bable que des discussions eurent lieu, lors desquelles les méthodes employées par les Grecs pour convaincre leurs contradicteurs n'eurent certainement rien d'irénique.

Les Arméniens, tout comme les Syriaques, ont donc à l'esprit un cer­tain nombre de faits, récents ou plus lointains, qui suscitent de leur part une méfiance vis-à-vis de toute discussion religieuse. Cette réticence n'est pas l'apanage des autorités ecclésiastiques arméniennes ou syriaques et, parmi le peuple également, nombreuses sont les personnes qui voient dans les Grecs des persécuteurs.

Cependant, parfois, des conversions à lä foi chalcédonienne s'opèrent de manière spontanée, sans pression de la part des Grecs ; elles peuvent alors être considérées comme des conversions volontaires. Le premier cas recensé, qui a lieu en 1173-1174, n'est pas très net, puisque l'adhé­sion résulte, non d'un attrait réel pour la foi chalcédonienne, mais d'une dissension interne à la communauté arménienne. C'est, là encore, Michel le Syrien qui rapporte l'événement en ces termes :

«À cette époque, quelques Arméniens d'Edesse, bartabeita [vardapets] c'est-à-dire docteurs, accusaient vivement leur catholicos de vendre le sacerdoce... Le catholicos les prit et leur fit raser la barbe, dans sa colère. Dès lors, ils furent eux-mêmes encore plus irrités. Ils donnèrent naissance à une hérésie... On les appela les Ausiganayé... Alors ils se joignirent aux Chalcédoniens ; c'est pourquoi tous les Arméniens comme aussi nos fidèles les détestaient»19.

L'attitude intransigeante du catholicos, qu'ils accusaient de simonie, a donc poussé ces docteurs vers l'adhésion à la foi chalcédonienne. Cependant cette adhésion, toujours d'après Michel le Syrien, fut éphé­mère et seul le chef du schisme, Housik, persista dans son choix. Quoi qu'il en soit, ce n'est en quelque sorte qu'une acceptation par défaut de la foi chalcédonienne que réalisent ces personnages, pour s'opposer à d'autres, et en particulier à leur chef religieux.

17. Le catholicos a même rédigé un traité intitulé À propos de l'erreur de Pâques, dont le colophon mentionne l'intervention du Martyrophile dans cette controverse et l'envoi de la lettre à des prêtres d'Édesse : voir N. POGHAREAN, Grand catalogue des manuscrits de Saint-Jacques, 10 vol., Jérusalem 1966-1990, t. IV, p. 534.

18. Matt'êos d'Ourha mentionne également ce fait (p. 361), accusant de surcroît les Grecs d'avoir, eux, allumé les lampes à leur date, de façon frauduleuse.

19. Michel le Syrien, op. cit., XIX, 10, t. III, p. 351-352.

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Le dernier cas que nous allons analyser ici montre en revanche qu'existent parfois des conversions délibérées à la foi chalcédonienne, par attrait pour celle-ci. Il nous est fourni par le polémiste syriaque Denis Bar Salîbî dans son Traité contre les Melkites20. Il est difficile de situer ce texte dans le temps, car le seul élément de datation qu'il contient est sujet à caution21. Il semblerait qu'il ait été écrit au début du règne de l'empereur Manuel Comnène, mais sans que cela ne soit avéré. Ce traité est une réponse, point par point, à un certain Rabban 'Isho', un moine syrien qui avait montré une certaine faiblesse envers les Melkites et était prêt à quitter sa communauté pour les rejoindre, s'il ne l'avait déjà fait. La lecture de l'ensemble de la missive montre que le moine auquel s'adresse Denis Bar Salîbî avait, d'une part, été séduit par le faste de la liturgie grecque et, d'autre part, avait été impressionné par la puissance temporelle des Grecs. Cela est parfaitement intolérable pour le théolo­gien syriaque qui, utilisant des arguments souvent éculés, cherche à convaincre son contradicteur de se rétracter, dans une lettre qui possède toutes les caractéristiques d'un traité de polémique.

Cette brève typologie des conversions recensées permet de constater que tous les cas de figure sont présents, de la conversion forcée, obtenue par l'usage des armes, à l'adhésion volontaire, par conviction de la supé­riorité du dogme mais surtout de la liturgie des Grecs chalcédoniens. De la conversion ponctuelle, comme celle de Rabban 'Isho', à la discussion dogmatique entre les autorités religieuses ou politiques, il y a bien sûr un abîme, qui se traduit dans les modalités de réception des nouveaux convertis.

LES MODALITÉS D'ADHÉSION À LA FOI CHALCÉDONIENNE

Le chroniqueur arménien Matt'êos d'Ourha est, à cet égard, le plus explicite : son témoignage montre de façon patente que, sous le règne d'Alexis, les nouveaux convertis recevaient un second baptême. Ainsi le chroniqueur indique que :

20. A. MINGANA (éd. et trad.), Bar Salibi's treatise against the melchites, Woodbrooke Studies, Christian documents in Syriac, Arabic and Garshuni, I, Cambridge 1927, p. 1-95. Les rares renseignements concernant l'auteur viennent de Michel le Syrien, duquel il était visiblement proche. Il est né à Melitene, à une date que l'on ne peut préciser, et est mort en 1171. D'abord rhéteur, il devient ensuite diacre, puis évêque de Marach en 1154, et ter­mine sa vie sur le siège d'Amid. Sur le traité dont il est question ici, voir M. ALBERT, R. BEYLOT, R.-G. COQUIN, B. OUTTIER, C. RENOUX, Christianismes orientaux: introduction à l'étude des langues et des littératures, Paris 1993, n° 654, p. 359-360 ; P. VAN DER AALST, Denis Bar Salibi polémiste, 9, 1959, p. 10-23, ici p. 11-17.

21. Lorsque Bar Salîbî mentionne l'affaire qui a opposé Ignatius de Melitene aux Grecs, sous Constantin Doukas, il la fait remonter à un siècle, ce qui daterait ce texte des environs de 1165. Mais le polémiste a pu arrondir au chiffre commode d'un siècle. (Sur les discussions qui mirent aux prises Ignatius de Melitene et les Grecs, voir G. DAORON, op. cit., p. 204 : l'évêque Ignatius, exilé au mont Ganos en 1064, est libéré lorsque Romain Diogene succède à Constantin Doukas).

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«Tout en se rendant illustre, il [Alexis] fit une œuvre qui n'était pas conforme à la volonté de Dieu, et il méprisa le baptême de Nicée et fit prévaloir les dispositions de Chalcedonie et, sans vergogne, il baptisait tout le peuple des Arméniens, sans redouter l'Esprit Saint qui a conféré la lumière à ce saint Baptême.»22

Matt'êos, à ce propos, fait même une citation apocryphe de l'apôtre Pierre, condamnant ce baptême réitéré. Bar Salîbî atteste également cette pratique, dans le traité étudié plus haut, lorsqu'il écrit :

«Si quelqu'un montre une certaine instabilité, une certaine faiblesse [et les rejoint], ils le baptisent à nouveau et nous appellent ouvertement héré­tiques et impies.»23

Le problème de l'attitude à adopter envers les personnes embrassant la foi orthodoxe et venant, non de communautés païennes, mais de commu­nautés chrétiennes considérées comme hérétiques, s'est posé très tôt dans l'histoire de l'Église, puisque cette question de la validité du baptême donné par les hérétiques se manifeste dès les premiers temps, opposant notamment Cyprien de Carthage et le pape Etienne Ier (254-257). Le pape Etienne pose alors un principe qui restera celui de l'Église, à savoir que, là où le baptême avait été administré dans les conditions requises, le fait que le ministre ait été un schismatique n'empêchait pas que le sacre­ment ait son efficacité. Ce problème a toujours été considéré comme important puisque, si l'on consulte les actes des conciles œcuméniques par exemple, on voit que le canon 7 de celui de Constantinople I en 381 lui est entièrement consacré, distinguant deux cas différents : d'un côté se trouve toute une série de schismatiques comme les apollinaristes qui ne sont soumis qu'à une onction simple; de l'autre des personnages comme les Sabelliens ou les Montanistes qui doivent être rebaptisés «comme s'ils étaient des païens»24. Il existe, en quelque sorte, une grada­tion dans l'hérésie et une identification entre un état quasi païen et la pratique du second baptême. Ainsi, en rebaptisant les Arméniens, Alexis les relègue au rang d'incroyants, ne donnant aucune validité à leurs sacrements, ce qui ne peut que les choquer.

Les méthodes que nous venons d'évoquer sont employées en cas de conversion ponctuelle. Cependant, quand les pouvoirs suprêmes, qu'ils

22. Matt'êos d'Ourha, op. cit., p. 432. Vardan, Compilation historique, éd. Venise 1862, p. 118, trad, de R.-W. THOMSON, The historical compilation of Vardan Arewelc'i, DOP 43, 1989, p. 125-226, ici p. 202, mentionne également cette habitude de rebaptiser, sous le règne d'Alexis, lorsqu'il rapporte la mort de ce dernier. Son fils Jean «blâma la politique de son père qui avait été corrompu par de mauvais prélats. En baptisant une seconde fois, il crucifiait le Christ à nouveau». Matt'êos d'Ourha note d'ailleurs, lui aussi, à la suite du passage cité, cette amélioration sous le règne de Jean Coirmene. La traduction d'E. Dulaurier, qui prétend le contraire, est erronée puisqu'on lit dans le texte arménien que Jean supprima le second baptême imposé aux Arméniens.

23. Bar Salîbî, op. cit., p. 28. 24. G. ALBERIGO (dir.), Les conciles œcuméniques, t. II, Les décrets, vol. I, De Nicée à

Latran IV, Paris 1994, p. 94-95.

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soient politiques ou religieux, entrent en rapport pour tenter de s'accor­der, comme ce fut le cas lors des discussions arméno-grecques de 1165-1180, les modalités ne peuvent être similaires, puisque l'adoption de la foi chalcédonienne concerne alors l'ensemble d'un groupe ethnico-reli-gieux.

Le seul document qui puisse nous permettre d'appréhender la manière dont les Arméniens envisageaient la mise en œuvre de leur union avec les Grecs est un écrit de Nersês de Lambroun rédigé certainement à la demande du catholicos Grigor Tegha, à l'époque où les négociations reli­gieuses passent à la phase pratique avec la réunion du concile de Horomkla en 1178. Ce texte est en fait une réponse aux neuf demandes faites par le délégué grec Théorianos lors de sa seconde rencontre avec le catholicos Nersês Chenorhali25.

Dans leur neuvième et dernier chapitre, les Grecs exigeaient que le catholicos fût désormais nommé par l'empereur. Pour Nersês, cette exi­gence et les conséquences qui en découlent sont certainement le point le plus important de ces neufs chapitres :

«Ce chapitre, bien qu'ils l'aient disposé après, contient cependant tous les chapitres précédemment écrits. Parce que, s'il en est ainsi, et que nous l'établissions dès à présent, la paix grandira et prospérera plus encore. Mais, dans le cas contraire, bien que nous semions maintenant, nous n'es­pérons pas récolter les fruits de nos semences.»26

Le futur archevêque de Tarse continue en ces termes :

«Et il faut rendre l'amitié indestructible, en donnant en mariage le siège d'Antioche au patriarcat des Arméniens, car par l'union de cette Vierge chaste et de cet époux immaculé, nous pensons qu'une alliance indestruc­tible existera entre nos deux peuples. Car, de même que le Seigneur, par son incarnation, a soumis la nature humaine au pouvoir de Dieu le Père, de même, en ayant pour corps ce saint Siège, toute l'Église arménienne sera placée sous l'autorité du roi des Romains, et mélangée à la Grande Église.»27

Ce n'est qu'à cette condition que les Arméniens sont en mesure d'ac­cepter que leur catholicos soit désigné par l'empereur :

«Ainsi, quand le catholicos des Arméniens sera sur l'un des quatre sièges [patriarcaux], à la droite du roi des Romains, sur le siège patriarcal

25. Ed. dans A. PALDCHYAN, Histoire de la doctrine catholique chez les Arméniens et de leur union avec l'Église latine au synode de Florence, Vienne 1878 (en arm.), p. 260-266. Trad, latine dans MANSI, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, 53 vol., Paris 1901-1927, t. 22, col. 197-204. Voir N. AKINIAN, Nersês de Lambroun, archevêque de Tarse, Venise 1956 (en arm.), p. 198-199 ; A. BOZOYAN, op. cit., p. 192-205.

26. A. PALDCHYAN, op. cit., p. 264. 27. Ibid., p. 265. La même idée est reprise plus loin, p. 266, dans les demandes faites

aux Grecs par les Arméniens : c'est la septième et dernière demande : «Et que le siège d'Antioche soit au catholicos des Arméniens et que les églises qui sont dans son territoire soient en son pouvoir en Orient et en Occident ; et ainsi, sous les ordres de ta royauté, il conduira sincèrement les Arméniens jusqu'à la dernière extrémité».

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d'Antioche, l'union espérée par tous les Arméniens sera, à travers lui, ancrée à vous. Et tous les jougs placés par vous sur notre cou seront ren­dus légers par cet espoir d'avoir toujours chez vous un médiateur de paix. Et, par votre volonté, la succession du premier sera assurée, lui qui sera appelé par élection impériale. Sinon, nous serons esclaves des peuples étrangers, à cause de nos péchés, et, si nous vivons sous leur domination, comment est-il possible de tendre [les bras] au roi des Romains, et de lui demander de désigner le catholicos ?»28

Ainsi, lorsque le catholicos Nersês, puis son successeur Grigor Tegha, décident d'accepter la foi chalcédonienne, après avoir longuement dis­cuté sur des questions dogmatiques et être parvenus à un accord, aussi­tôt, ils réfléchissent aux modalités à mettre en œuvre pour que cette union se révèle durable et acceptable par tous. L'idée d'une fusion des deux hiérarchies, le catholicos obtenant le siège d'Antioche, est celle qui a poussé le plus loin cette volonté29.

Ainsi tout au long du 12e siècle, des Arméniens et des Syriaques adop­tent la foi chalcédonienne, de façon individuelle ou collective, le cas le plus significatif étant, à cet égard, l'acceptation du dogme de Chalcédoine j>ar les Arméniens lors des discussions arméno-grecques de 1165-1178. A ces différents types de conversions répondent également des modalités différentes, allant de la réitération du baptême à la fusion des deux hiérarchies, grecque et arménienne, proposée par Nersês de Lambroun, conseiller du catholicos Grigor Tegha en la matière.

Nous avons signalé en introduction que, depuis la rupture religieuse entre les «monophysites» et les Grecs orthodoxes, les empereurs byzan­tins avaient déjà, à plusieurs reprises, tenté de rallier les schismatiques, ceci pour des raisons bien souvent politiques. Qu'en est-il sous les Comnènes ?

LES INTENTIONS DES COMNÈNES : UNE POLITIQUE RELIGIEUSE AU SERVICE DE LA POLITIQUE DE RECONQUÊTE ?

L'Église grecque, dans les territoires passés sous domination musul­mane ou latine, se trouve souvent mise à mal, contrairement aux hiérar­chies des chrétiens d'autres confessions qui, elles, réussissent à subsister, voire à prospérer.

Quelques exemples suffiront à montrer que l'Église grecque a souffert de manière relativement importante de l'installation des Turcs en Asie Mineure. Sous l'effet conjugué des conversions à l'islam et des déplace­ments de population, le nombre de chrétiens a nettement diminué en

28. Ibid., p. 265-266. 29. Il faut noter cependant qu'un certain nombre de documents dus à la plume de

Nersês de Lambroun, et répertoriés par A. Bozoyan, semblent montrer que le futur arche­vêque de Tarse souhaitait tout de même préserver l'indépendance de l'Église arménienne : voir A. BOZOYAN, op. cit, p. 176-181.

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Anatolie, ce qui a entraîné une désorganisation notable de la hiérarchie ecclésiastique grecque. Cette désorganisation est surtout décelable à tra­vers l'augmentation du nombre des évêques non-résidents (qualifiés de σχολάζοντες). Un évêque σχολάζων est un prélat qui réside dans la capitale, étant «incapable de se rendre vers l'église où il a été nommé, parce que celle-ci est occupée par un peuple impie ou hérétique»30. Par exemple Nicolas — le futur patriarche Nicolas (1084-1111) —, qui tenait auprès de Γ évêque d'Antioche de Pisidie un rôle de vicaire géné­ral, fut contraint, devant l'avancée des Turcs, de se retirer dans la capi­tale, plus précisément dans le monastère de Laphadion31.

La situation de l'Église grecque en territoire musulman est donc diffi­cile et il en est de même dans les États latins où la mise en place de la hiérarchie latine se fait au détriment de la hiérarchie grecque. Si, au départ, les croisés semblent vouloir respecter les prélats grecs qui subsis­tent dans les territoires conquis, très vite, ils adoptent une attitude beau­coup plus radicale qui consiste à remplacer les prélats grecs par des pré­lats latins. Le cas le plus significatif, et surtout le mieux documenté, est celui de la ville d'Antioche, où se trouvait, à l'arrivée des armées croi­sées, le patriarche grec Jean l'Oxite. Ce dernier, d'ailleurs, eut à souffrir des attaques des musulmans qui s'en prirent à lui lorsqu'ils se virent assiégés par des chrétiens. Le patriarche grec en retira un prestige cer­tain, un statut de confesseur du Christ, comme le note le chroniqueur latin Guillaume de Tyr32. Cependant cette entente ne dura qu'un temps, jusqu'à la démission de Jean l'Oxite, démission forcée d'après certaines sources, en particulier Foucher de Chartres, selon lequel Jean aurait démissionné après avoir été accusé de vouloir livrer la ville d'Antioche à l'empereur33. Il est assez probable que la démission du patriarche ne soit pas réellement un acte volontaire, mais qu'il ait été poussé à cela par des pressions de la part des Latins. Comme à Antioche, la hiérarchie grecque

30. Définition donnée par le canoniste Balsamon, dans G.-A. RHALLÈS - M. POTLÈS, Σύνταγμα των θείων και ίερων κανόνων, 6 vol., Athènes 1852-1859, t. ΠΙ, p. 156.

31. Voir J. DARROUZÈS, Documents inédits d'ecclésiologie byzantine, Archives de l'Orient chrétien 10, Paris 1966, note 5 p. 40, d'après l'éloge inédit de Nicolas par le rhé­teur Mouzalon. Voir également ID., Le mouvement des fondations monastiques au XIe siècle, 7M6, 1976, p. 159-176.

32. R.-B.-C. HUYGENS (éd.), Willelmi Tyrensis chronicon, Corpus Christianorum, conti-nuatio medievalis, 63-63À, Tumhout 1986, VI, 23, t. I, p. 340 : «Le patriarche, nommé Jean, véritable confesseur du Christ, qui avait subi des persécutions innombrables de la part des infidèles, depuis l'arrivée de nos armées, fut rétabli dans son siège avec les plus grands honneurs.»

33. M. CHIBNALL (éd. et trad.), The ecclesiastical history of Ordene Vitalis, vol. 5 et 6, Oxford 1975-1978, Χ, 24, t. V, éd. p. 356, trad. p. 357 : «Au moment de la captivité de Bohémond, le bruit se répandit que ce prélat se préparait à livrer traîtreusement Antioche à l'empereur. Lorsque le patriarche eut appris qu'une telle rumeur se colportait sur son compte, il éprouva une vive colère et, fut-ce indignation de voir soupçonner la pureté de sa conscience, ou crainte et remords, en tout cas, il se retira dans un ermitage après avoir quitté son évêché et n'osa plus désormais venir auprès de ceux dont il abhorrait les usages».

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est donc en général remplacée par une hiérarchie latine, bien que cer­taines sources, notamment sigillographiques, révèlent parfois la survi­vance de prélats grecs34. Le sceau signalé, daté de la fin du 11e siècle ou du début du 12e, il appartient à un certain évêque de Tripoli, prénommé Joseph. Parce que l'Empire contrôle plusieurs villes de ce nom, il est dif­ficile de trancher et de faire de ce prélat un évêque de Tripoli de Syrie, bien que cette hypothèse ne puisse être totalement exclue. Comme le notent les éditeurs de ce plomb, il est possible qu'une fois les Saint-Gilles bien installés à Tripoli, c'est-à-dire après 1109, leurs bonnes rela­tions avec l'Empire les aient poussés à nommer un évêque grec, quoi­qu'un évêque latin soit attesté peu après, dans cette ville, par les sources.

Nonobstant ces quelques cas assez rares, les évêques grecs ont fait les frais de l'implantation latine, du moins pour ce qui concerne le faîte de la hiérarchie.

Cette position précaire est encore accentuée par le fait que les chré­tiens des autres Eglises jouissent, eux, dans les territoires dominés par les Latins ou les musulmans, d'une condition beaucoup plus favorable.

Sous domination musulmane, Arméniens et Syriaques subissent, comme les Grecs, un certain nombre de vexations mais parviennent cependant à établir une sorte de compromis, le catholicos arménien Barsegh ayant, par exemple, négocié en 1090 avec le sultan Malik-Shâh35.

Dans les États croisés, si les évêques grecs ont été remplacés par des latins, il n'en est pas de même pour les clergés arménien et syriaque. Les membres de ces communautés étaient, en effet, considérés non comme des schismatiques mais bien plutôt comme des hérétiques, des branches séparées, dont il n'était pas canoniquement inconcevable de laisser sub­sister les hiérarchies, sans modifications36. Les listes épiscopales don­nées par Michel le Syrien, en annexe à sa chronique, montrent bien qu'un certain nombre de sièges continuèrent, de façon régulière, à rece­voir des prélats. De même, ces communautés conservèrent un certain nombre de monastères dans l'ensemble du territoire appartenant aux Latins, pérennité décelable, par exemple, dans les chroniques de Michel le Syrien et Matt'êos d'Ourha37.

34. J.-C. CHEYNET - C. MORRISSON - W. SEIBT, Sceaux byzantins de la collection Henri Seyrig, Catalogue raisonné, Paris 1991, p. 184, n° 273.

35. Matt'êos d'Ourha, op. cit., p. 289-290 : «En l'année 539 [1090-1091], le patriarche des Arméniens, le seigneur Barsegh se rendit auprès du maître du monde, le sultan Melek' Chahn [Malik-Shâh] pour lui exposer ce que les fidèles du Christ avaient à subir dans de nombreux lieux et le tribut qu'ils [les Turcs] exigeaient des églises de Dieu et de tous les membres de leur clergé, et les exactions qu'ils faisaient subir aux moines et aux évêques. Il [le catholicos] avait décidé d'aller au-devant du bon et affable roi des Perses et de tous les fidèles du Christ pour lui signaler tout cela (...). Et le sultan ayant vu le seigneur Barsegh, lui témoigna de grands honneurs et il accomplit toutes ses demandes. Et il fit toutes les volontés du seigneur Barsegh et libéra toutes les églises, les couvents et les prêtres».

36. J. RICHARD, La papauté et les missions d'Orient au Moyen Age (xiif-xv* s.), Collection de l'École française de Rome, 33, 2e éd., Rome 1998, p. 4-5.

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Plus grave pour les Grecs, les Arméniens et les Latins tentèrent en 1141, lors du synode de Jérusalem, de parvenir à l'union, ce que souli­gnent l'ensemble des chroniques arméniennes. On ne peut ici que rappe­ler très brièvement cette affaire. Des dissensions internes à l'Église latine ont amené le pape à envoyer un légat à Antioche. Ce dernier se rend ensuite à Jérusalem, où il réunit un synode auquel participent également des délégués arméniens et syriaques38. Sont discutés, lors de cette réunion, les points de divergence entre l'Église latine et surtout l'Église arménienne et, aux dires notamment des chroniqueurs arméniens, le catholicos Grigor suscite l'admiration de tous. Samouêl d'Ani, par exemple, écrit :

«Le catholicos fut vénéré et glorifié non seulement par les hommes1 de notre nation, mais par les souverains et princes de race étrangère, surtout par les souverains et patriarches des Latins.» Tous purent constater «le caractère parfaitement véridique de sa foi, dans les paroles qu'il pronon­çait avec clarté et dans l'ordre canonique, et, avec l'éloquence de varda-pet, en parfaite conformité avec les saints canons.»39

Les protagonistes se sont mis d'accord sur un certain nombre de points à réformer et le synode est d'ailleurs suivi par une lettre, datée du 25 septembre 1141, envoyée par le pape Innocent Π à Grigor III après le retour du légat, et qui n'a été conservée que dans sa version armé­nienne40. Ce document met tout d'abord en évidence que le catholicos avait remis à Albéric d'Ostie une profession de foi dont le pape loue la teneur41. L'archevêque, sans nul doute, a fait également un rapport oral de la réunion au pape et il est probable que le contenu de la profession de foi envoyée par Grigor ne devait que peu différer de ce qu'il avait sou­tenu lors des débats. Les deux points sur lesquels revient le pape sont les suivants : d'une part, il souhaite que les Arméniens, lors de la célébration

37. Matt'êos d'Ourha, op. cit., p. 416: en 1114-1115, le couvent des Basiléens [Barsegheants vank'] a été détruit, et l'accident a entraîné la mort d'une trentaine de moines et de deux docteurs.

38. Voir par exemple le témoignage de Michel le Syrien, op. cit., p. 255-256 : «Se trouvaient, avec le légat, le patriarche et les évêques francs, le catholicos, un évêque et des docteurs Arméniens ; le métropolitain de Jérusalem, Ignatius (métropolitain des Syriens), et des moines, Josselin et les autres chefs.»

39. Samouêl d'Ani, Chronographie, RHC Documents arméniens, t. I, Paris 1869, p. 447-468, ici p. 450. L'ensemble des témoignages est cité par G. DÉDÉYAN, op. cit., t. III, p. 738-739.

40. Cette lettre est citée et longuement analysée (avec de nombreux passages traduits en allemand) par P. HALFTER, Das Papsttum und die Armenier im frühen und hohen Mittelalter. Von den ersten Kontakten bis zur Fixierung der Kircheunion im Jahre 1198, Forschungen zur Kaiser und Papstgeschichte des Mittelalters. Beihefte zu J.-F. BÖHMER, Regesta imperii, 15, Cologne-Weimar-Vienne 1996, p. 129-138. L'édition et la traduction italienne qui l'accompagne sont données dans H.-P. ANANIAN, Nersês Chenorhali. Les relations inter-ecclésiales, Bazmavep 154, 1996, p. 201-236 (en arm.), p. 211-215 et p. 226-229.

41. Ed. p. 211, trad, italienne p. 226: «Nous avons pris connaissance de l'orthodoxie de votre foi par la lettre qu'Albéric, archevêque d'Ostie, nous a remise».

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eucharistique, mêlent le vin à l'eau au lieu d'utiliser du vin pur42 ; d'autre part, qu'ils s'alignent, pour la date de l'Epiphanie, sur le calen­drier grec43. Ce sont donc les deux seuls reproches qui sont cités dans cette lettre, ce qui est, somme toute, assez modeste.

La position privilégiée des Églises arménienne et syriaque, surtout en territoire latin, et la volonté avérée de rapprochement arméno-latin, sont autant de menaces pour les Grecs qui envisagent toujours de récupérer ces territoires considérés comme faisant partie de l'Empire. Pour eux aussi, la position adoptée par les chrétiens de ces Églises séparées, joue un rôle important, et ils essaient parfois de s'appuyer sur eux pour isoler les Latins, dans une perspective de reconquête de leurs États.

À deux reprises au moins, il apparaît assez clairement que la politique religieuse menée à l'égard des Arméniens et des Syriaques est en étroite relation avec la politique de reconquête orientale envisagée par les Comnènes. Le premier exemple a lieu en 1103 : on a rappelé plus haut que, à cette date, les Grecs avaient suscité aux Arméniens et aux Syriaques des controverses à propos de la date de Pâques. Ce problème de comput revient de façon récurrente et n'a pas été provoqué en 1103 dans un but politique. Cependant, il vient à point nommé, puisque, à cette date, Alexis Comnène envisage d'envoyer une expédition militaire contre les États latins, conduite par les deux généraux Monastras et Boutoumitès, expédition qui sera une réussite44. Les deux généraux byzantins gagnent la région de Marach en longeant la côte soumise aux Grecs. Après l'occupation de la ville et de toute sa région, Manuel Boutoumitès laisse Monastras sur place avec des forces suffisantes pour défendre toute la contrée, et repart à Constantinople. Le but d'Alexis était, par cette campagne, de soumettre la Cilicie, base nécessaire pour toute intervention contre Antioche. De ce fait, la population arménienne, nombreuse dans la région, prenait une importance considérable. On peut donc penser que les discussions de 1102 étaient en quelque sorte une préparation diplomatique de l'expédition, dans le but d'isoler les Latins.

Quand les Latins se rapprochent des Syriaques et des Arméniens, comme ce fut le cas en 1141, lors du synode de Jérusalem, les Grecs, là encore, tentent de réagir. Une lettre, difficilement datable, du catholicos Grigor à Jean Comnène a été récemment éditée45. De toute évidence, il existe un lien étroit entre divers événements, à savoir la campagne de 1138, cette missive, le synode de Jérusalem et le projet du basileus d'en­treprendre une nouvelle campagne pour, cette fois, venir à bout des Latins.

42. Éd. p. 212-213, trad, italienne p. 227-228. 43. Éd. p. 213-214, trad, italienne p. 228-229. 44. Anne Comnène, Alexiade, éd. et trad, française B. LEIB, 3 vol., Paris 1937-1946,

XI, 9,4, t. III, p. 41. 45. J. DARROUZÈS, Trois documents de la controverse gréco-arménienne, REB 48, 1990,

p. 89-153, ici p. 133-145.

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Il est en fait très possible que ce texte ait été rédigé entre les deux campagnes de Jean Comnène en Orient. En effet, lors de la première, l'empereur a mis fin au pouvoir de Lewon en Cilicie, et a rétabli là sa souveraineté. Le représentant arménien le plus influent, une fois détruite l'organisation politique, se trouvant être le catholicos, il pouvait sembler opportun à Jean Comnène de tenter de rallier les Arméniens sur le plan religieux. Il est donc possible qu'il ait, après son relatif échec face aux Latins d'Antioche, et lors de son retour vers Constantinople, essayé d'amorcer des discussions dogmatiques. Cependant, il ne faut peut-être pas limiter ces tractations à une tentative de rapprochement qui laisserait face à face les Grecs et les Arméniens : la stratégie adoptée est très cer­tainement plus subtile, faisant une place importante aux Latins. Quelques indices prouvent en effet que l'empereur, en se rapprochant des Arméniens, cherchait à mettre à mal les relations arméno-franques, amé­liorées par la tenue du synode de Jérusalem. L'empereur, qui avait certai­nement pris les contacts préliminaires lors de sa première campagne, a dû alors tenter de reprendre des discussions, avec déjà à l'esprit sa pro­chaine expédition en Orient, dont le dessein était, cette fois, de venir définitivement à bout des Latins.

Sous les règnes des deux premiers Comnènes, on a l'impression que les empereurs cherchent à rallier les Arméniens pour isoler les Latins ou mettre à mal le rapprochement arméno-latin. La religion joue bien entendu un rôle majeur, puisqu'il s'agit de tenter de s'accorder sur les points généralement controversés. Cependant, si tel était le but poursuivi il ne semble pas avoir été atteint. Avec Manuel Comnène commence une politique toute différente.

En 1158-1159, Manuel Comnène mène une grande offensive en Orient et réaffirme notamment sa suzeraineté à Antioche. Son succès militaire s'accompagne, quelques années plus tard, d'une réussite sur le plan reli­gieux, puisqu'un patriarche grec, en la personne d'Athanase, est rétabli sur le siège de la ville, de façon éphémère toutefois, de 1165 à 1170, date à laquelle il meurt lors d'un tremblement de terre46. Fort de son influence grandissante dans les États latins, on a l'impression que Manuel a cher­ché à promouvoir une sorte d'union entre toutes les confessions chré­tiennes de la région. On peut noter ainsi la concomitance des négocia­tions arméno-grecques qui commencent en 1165, avec la profession de foi de Nersês Chenorhali à Alexis Axouch, et du rapprochement avec les Latins, puisque, en 1166-1167, une ambassade grecque part également pour Rome, conduite par le sebaste Jourdain47. Elle est chargée de propo­ser au pape la réunion des Églises. De même, on sait très bien que cer­tains Latins jouaient un rôle important auprès de l'empereur, comme les

46. Michel le Syrien, op. cit., XVIII, 11, t. III, p. 326 (ici suppléé par Bar Hebraeus) ; sur le personnage, voir A. FAILLER, Le patriarche d'Antioche Athanase ICTManassès, REB 51, 1993, p. 63-75.

47. BOSON, Vita Alexandri 111, L. DUCHESNE (éd.), Uber Pontificate, réimpr. de la 2e éd. de 1955, 3 vol., Paris 1981, t. II, p. 415.

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frères Hugues Éthérien et Léon Toscan, qui conseillaient l'empereur en matière religieuse48. Même si cette politique est vouée à l'échec et ne survit pas à la mort de l'empereur, on peut penser qu'il a tenté de rallier l'ensemble des confessions chrétiennes, certainement pour faire bloc face à l'ennemi musulman, ceci étant confirmé par l'existence, dans cette période, d'expéditions militaires menées de concert par les Grecs et les Francs. L'exemple le plus significatif, à cet égard, concerne l'Egypte, puisque plusieurs tentatives d'interventions communes sont alors mises en place. L'alliance se concrétise en 1169, lorsqu'une flotte byzantine, conduite par Andronic Kontostéphanos, est envoyée par Manuel Comnène qui a, au dire de Guillaume de Tyr, interprété largement le traité conclu l'année précédente, en mettant à la disposition des Latins une flotte particulièrement conséquente49. Cependant, dans ce cas comme dans beaucoup d'autres, l'expédition n'a que peu de résultats, l'échec s'expliquant par des dissensions entre les alliés. Sans entrer ici dans le détail des opérations militaires, il semble possible de dégager deux types de réactions : en cas de campagne offensive, les alliés, en général, ne parviennent pas à s'accorder, à cause des ambitions territo­riales dont chaque parti fait montre; en revanche, lorsqu'il s'agit de parer une attaque des musulmans, Grecs et Latins, mais également Arméniens, parviennent à maintenir une certaine cohésion. Seule la conscience d'un danger imminent leur permet donc d'agir en bonne intelligence.

L'évolution de la politique religieuse des Comnènes à l'égard des chrétiens arméniens et syriaques est nette et plus ou moins linéaire, avec le passage progressif de controverses partielles, peu nombreuses et for­cées, à une quasi-union obtenue, non par la force, mais par la persuasion. Les modalités évoluent également, de la réitération du baptême à l'idée de fusion des deux hiérarchies ecclésiastiques, la grecque et l'armé­nienne, le catholicos recevant le patriarcat d'Antioche. Cependant, mal­gré quelques avancées, l'échec est patent car les discussions se heurtent, de part et d'autre, à des réticences : Nersês Chenorhali, par exemple, doit prendre en compte l'avis de certains théologiens arméniens, restés très hostiles à un rapprochement avec les Grecs50, et les rapports avec ces

48. A. DONDAINE, Hugues Éthérien et Léon Toscan, Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 19, 1952, p. 67-134 et ID., Hugues Éthérien et le concile de Constantinople de 1166, Historisches Jahrbuch, LXXVII, 1958, p. 480-481.

49. Guillaume de Tyr, op. cit., XX, 13, t. II, p. 927. 50. Nersês Chenorhali s'adresse, dans une lettre, aux évêques de Grande Arménie en

leur expliquant que, sollicité par l'empereur, il lui a donné la réponse suivante : «De même que la tête seule ne peut mener à bien aucun ouvrage sans le secours de tous les membres du corps, de la même façon, il nous est impossible de donner pleinement réponse à la question que vous nous avez posée [c'est-à-dire la question de l'adhésion au dogme de Chalcédoine] sans réunir auprès de nous tous les sages qui sont en Arménie». Cette citation se trouve dans Nersês Chenorhali, op. cit., éd. p. 147, trad. p. 210.

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derniers deviennent particulièrement tendus sous le catholicossat de Grigor Tegha51. Après son intervention militaire en Cilicie et en Syrie,. Manuel Comnène a certainement tenté de promouvoir une sorte d'union panchrétienne, en cherchant à mener une politique religieuse fédératrice, afin de sceller l'alliance militaire et de mieux lutter contre les musul­mans. Alors que ses deux prédécesseurs s'étaient la plupart du temps contenté de jouer un jeu de bascule entre les Arméniens et les Latins, lui a voulu promouvoir une union générale. Cependant, force est de consta­ter que sa politique a été un relatif échec, puisque les seules expéditions communes ayant un résultat concret ont été les expéditions défensives.

Isabelle AUGE Université de Montpellier

51. Voir par exemple la réponse d'un certain nombre de docteurs de Grande Arménie à une lettre perdue du catholicos dans ibid., p. 309. Cette lettre est courte et pleine de reproches à rencontre de Grigor : les docteurs affirment que les Grecs sont des Nestoriens et confessent clairement l'unicité de nature du Christ après l'Incarnation.

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LA MISSION DU MOINE SOPHONIAS EN ITALIE ET LE M ARIAGE

DE MICHEL IX PALAIOLOGOS

Albert FAİLLER

Summary: George Pachymeres gives a short and obscure account of the monk Sophonias's mission to Italy to negotiate the marriage of Michael IX Palaeologus to Catherine de Courtenay. The negotiations failed, and the young emperor was soon after­wards married to the sister of the king of Armenia, Puta, who became the empress Maria. Sophonias's stay in the kingdom of Naples is also attested in numerous documents of the Angevin chancellery which contain more precise information concerning the embassy. From these latter, it appears that Michael IX's marriage to the Armenian princess could have occurred in January 1296.

Longtemps caressé, le projet de marier l'héritière du royaume latin de Constantinople avec l'héritier de l'Empire byzantin visait à établir une paix solide entre l'Occident latin et l'Orient grec. Par son père Philippe Ier de Courtenay, le fils de Baudouin , Catherine de Courtenay pouvait revendiquer le prestigieux héritage du royaume latin de Constantinople ; par sa mère Béatrice d'Anjou, fille de Charles Ier et sœur de son succes­seur Charles , elle pouvait réconcilier les dynasties régnantes de Naples et de Constantinople.

Commencées dès 1288, les tractations traînèrent en longueur jusqu'en 1294. La mission ultime fut confiée par l'empereur Andronic II au hiéro-moine Sophonias, mais elle échoua également. L'empereur trouva un autre parti pour Michel IX Palaiologos, dont le mariage fut célébré avant même le retour de l'ambassadeur à Constantinople. La mission de Sophonias est signalée par l'historien Georges Pachymérès et elle est plus largement documentée dans les Archives de la chancellerie ange­vine. Les informations se recoupent et ne se contredisent pas, mais la datation de l'épisode reste imprécise et discutée.

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1. L E S SOURCES BYZANTINES

Les intérêts, tantôt conjoints et tantôt contraires, des Palaiologoi, des Anjou et de la papauté ne permirent pas la réalisation du mariage envi­sagé par les cours de Constantinople et de Naples. La mission de Sophonias se déroule précisément dans cette atmosphère d'incertitudes. C'est ce qui rend obscur et ambigu le récit que lui consacre Georges Pachymérès. Sans expliquer les circonstances réelles de l'ambassade ni le contenu précis du message porté par l'ambassadeur, Γ historien se contente de signaler le départ du messager, avant d'affirmer abruptement que l'empereur finit par renoncer à ce projet et se tourner vers d'autres prétendantes1 :

«L'empereur préparait pour son fils un mariage approprié. Il envoie en Apulie, pour négocier le mariage projeté, le hiéromoine Sophonias, un homme sage et avisé. Dans l'intervalle, une fois parti, il prit du retard : il lui fallut en effet se rendre aussi auprès du pape, bien qu'il ne fût pas muni d'une lettre de l'empereur au pape, qui aurait obligé à appeler le pape «très saint» et à provoquer le crime le plus grave, comme c'était le sentiment des gens sûrs dans la foi. Mais il y avait de nombreux autres solliciteurs, d'un côté le roi de Chypre, d'un autre côté les Arméniens. Préférant ce qu'il tient à ce qu'il espère et redoutant par ailleurs l'orgueil du pape de Rome, l'empereur résolut, une fois débarrassé de ce souci, de conclure le mariage avec l'un des demandeurs.»

Andronic Π finit par écarter aussi la sœur du roi de Chypre, parce que là encore il fallait passer par la volonté du pape, dont le consentement était exigé ; sans entrer davantage dans un exposé des motifs, l'historien signale simplement que «cela exigeait temps et délai»2. Le troisième parti fut le bon : Michel IX Palaiologos épousa une Arménienne, Rita, sœur du roi Héthum Π d'Arménie. L'historien précise que les noces de Michel IX, qui avait été couronné empereur le 21 mai 1294, furent célé­brées le 16 janvier d'une année ultérieure dont il ne précise pas le millé­sime, tout en laissant entendre qu'il s'agit de l'année suivant le couron­nement.

L'historien ne mentionne plus le moine Sophonias dans la suite de son Histoire. Rien n'est dit du dénouement de l'ambassade et du retour de la

1. PACHYMÉRÈS, IX, 5 (A. Failler, III, p. 22722-2297) : Ό δε βασιλεύς πρέποντα γάμον το παιδί παρεσκεύαζε. Και τον μέν ίερομόναχον Σοφονίαν, άνδρα σοφόν τε καί συνετόν, αποπέμπει προς Πούλειαν το κινούμενον κηδος διαπρεσβεύσασθαι. Ώ ς δ' έν τω μεταξύ άπελθων περιήργει — εδέησε γαρ καί είς πάπαν εκείνον γενέσθαι, καν ουχί προς εκείνον γράμμασιν ίκανοοτο τοις έκ βασιλέως, οΤς έδει άγιώτατον γράφειν τον πάπαν καί κρίμα το μέγιστον γίνεσθαι, ώς τοις άσφαλέσι την πίστιν έδόκει —, πολλοί δ' ί)σαν οί προσλιπαροϋντες αλλοθεν, ένθεν μέν έκ τοΰ έν τη Κύπρω ρηγός, ένθεν δέ καί έζ 'Αρμενίων, τά έν χερσι των προσδοκώμενων ποιούμενος περί πλείονος και άλλως την άπο τοΰ πάπα της 'Ρώμης ύπειδόμενος ύπερηφανίαν, της φροντίδος εκείνης απαλλαγείς, εγνω έπι θατέρω των άξιούντων τα τοο κήδους συστησασθαι.

2. PACHYMÉRÈS, IX, 5 (III, p. 23122) : Ταύτα δ' Ασαν χρόνου και τριβής δεόμενα.

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mission à Constantinople. Ce récit laconique et partiel semble avoir pro­voqué une certaine perplexité chez le rédacteur de la Version brève, qui reprend en grande partie le texte de son modèle, avant de conclure de manière abrupte3 :

«L'empereur préparait pour son fils le mariage approprié. Il envoie en Apulie, pour négocier le mariage projeté, le hiéromoine Sophonias, un homme sage et avisé. Dans l'intervalle, étant ainsi parti, il prit du retard : il fallut en effet se rendre aussi auprès du pape ; c'est pourquoi on était obligé d'écrire une lettre au pape et d'inscrire le qualificatif «très saint» dans l'adresse de la lettre ; surtout parce qu'il connaissait l'orgueil du pape, il renonce à envoyer Sophonias ; nombreux étaient en effet les mes­sagers qui venaient trouver l'empereur pour l'alliance matrimoniale, d'un côté de la part du roi de Chypre, d'un autre côté de la part du roi des Arméniens.»

L'abréviateur interprète correctement l'original: Sophonias est bien allé en Italie, sans être en possession d'un message écrit à l'adresse du pape. Mais la suite laisse entendre une méconnaissance de la personne vers laquelle, avant toute autre, Sophonias était envoyé et qui n'était pas le pape, mais le roi de Naples, Charles II d'Anjou. Et le rédacteur finit alors par conclure, contrairement à la logique du récit, que l'empereur «renonce à envoyer Sophonias». S'il en est ainsi, l'aoriste εδέησε devrait avoir une valeur d'irréel, qu'il n 'a pas dans l'original. Mais le rédacteur se contredit lui-même, et sa conclusion est ambiguë, car il n'apparaît pas clairement si c'est l'ensemble de la mission de Sophonias qui est annulé ou seulement sa rencontre avec le pape.

Il est utile de citer aussi la relation de Nicéphore Grègoras, qui, si elle ne transmet aucune donnée nouvelle, émet un jugement clair sur les don­nées de la négociation. Voici la traduction du passage4 :

«En ce temps-là, le roi d'Italie d'abord, qui avait une fille de sa femme, que le discours a montrée plus haut comme fille de Baudouin, celui qui avait été chassé de Constantinople, envoie une ambassade à l'empereur, et son ambassade concerne le mariage entre cette femme et le jeune

3. Voici le texte grec : Ό δέ βασιλεύς πρέποντα τον γάμον το παιδί παρεσκεύαζε. ΚαΙ τον μέν ίερομόναχον Σοφονίαν, άνδρα σοφόν τε και συνετόν, αποπέμπει προς Πούλειαν το κινούμενον κήδος διαπρεσβεύσασθαι. Ώ ς δ' έν το μεταξύ οΰτως απελθόν περιήργει — εδέησε γαρ καΐ εις πάπαν εκείνον γενέσθαι, διό δέ iv ανάγκη γράμματα γράφειν προς πάπαν καΐ τάς έπιγραφάς τών γραμμάτων άγιώτατον έπιγράφειν —, άλλως τε και την ύπερηφανίαν τοΰ πάπα γινώσκων, άφίησιν άποστείλαι τον Σοφονίαν · πολλοί γαρ η\ταν οί μηνύοντες το βασιλεΐ περί τοΰ συναλλάγματος, ένθεν μέν άπο τοΰ ρηγος της Κύπρου, ένθεν δέ καΐ άπο τοΰ ρηγος τών 'Αρμενίων.

4. GRÈGORAS, VI, 8 (Bonn, I, p. 19314"22) : Έν τούτω τφ χρόνω διαπρεσβεύεται προς βασιλέα πρώτον μέν ό της 'Ιταλίας ρηξ θυγατέρα £χων έκ γυναικός, ην θυγατέρα φθάσας ό λόγος έδήλωσε Βαλδουίνου τοΰ έξωσθέντος έκ Κωνσταντινουπόλεως · διαπρεσβεύεται δέ περί κήδους αύτης τε καΐ τοΰ νέου βασιλέως Μιχαήλ. Κατά τα αυτά δέ κατόπιν διαπρεσβεύεται καΐ ό της περί την Κιλικίαν 'Αρμενίας ρηξ άδελφήν υπέρ τά τρισκαίδεκα έχων ζτη την ήλικίαν άνύουσαν. Έπε! δ* ή τοΰ της 'Ιταλίας ρηγος παραθεωρείται πρεσβεία διά τά υπέρ το προσήκον ζητήματα...

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empereur Michel. Pour la même chose, le roi de l'Arménie de Cilicie, qui avait une sœur de plus de treize ans, envoie aussi plus tard une ambas­sade. Comme l'ambassade du roi d'Italie est éconduite, parce que ses exi­gences étaient excessives...»

Nicéphore Grègoras se contente probablement de démarquer Georges Pachymérès, car il présente ici, comme dans l'ensemble du passage, une succession semblable des matières ; il omet simplement de mentionner la deuxième proposition, celle du roi de Chypre, qui allait être écartée elle aussi par l'empereur. Mais il se trompe sur la parenté de la promise aussi bien avec le roi de Naples qu'avec le roi déchu de Constantinople : fille de Philippe Ier de Courtenay et de Béatrice d'Anjou, sœur de Charles , Catherine de Courtenay est la nièce du roi, non sa fille5.

Telle est la relation de l'ambassade conduite en Italie par le moine Sophonias. Georges Pachymérès ne fournit aucun élément de datation, signalant seulement, en conclusion, que le mariage de Michel IX fut célébré un 16 janvier. Il convient dès lors de faire appel au contexte chronologique dans lequel les événements sont insérés. Dans la première partie du Livre IX (ch. 1-15), l'historien rapporte un certain nombre de faits et il fournit trois dates, constituées seulement du mois avec son quantième, sans précision d'année : — le couronnement de Michel IX Palaiologos a lieu le 21 mai6 ; — le mariage de Michel IX Palaiologos est célébré le 16 janvier7 ; — un violent séisme secoue Constantinople le 1er juin8. Après avoir annexé la fin du Livre précédent, on constate que ce long passage (Ѵ , 28-IX, 15) est enserré entre deux événements dont la date est sûre: 1er janvier 1294 (ordination du patriarche Jean XII) et 1er juin 1296 (séisme à Constantinople et en Asie Mineure). Les faits intermé­diaires ne sont pas clairement répartis sur l'échelle de ces trois années (1294, 1295 et 1296). Cependant, l'analyse du passage invite plutôt à adopter la datation haute pour le couronnement (1294) et le mariage (1295). D'autre part, la logique du récit laisse entendre que ces faits s'étendent sur les trois années 1294, 1295 et 1296, sans les déborder, mais la complexité de la composition de l'Histoire est telle, les anticipa­tions et les retours en arrière sont si nombreux et si souvent masqués que la prudence doit présider à l'établissement de la chronologie9. À diverses reprises, le recours aux sources parallèles permet seul d'arriver à une solution définitive.

5. L'erreur s'explique difficilement; voir J. L. VAN DIETEN, Nikephoros Grègoras. Rhomäische Geschichte. Historia rhomaïke, I, Stuttgart 1973, p. 274 η. 333. Dans la suite de l'article, il ne sera plus fait appel au témoignage de Nicéphore Grègoras, qu'il est vain d'invoquer comme source originale par rapport à l'Histoire de Georges Pachymérès.

6. PACHYMÉRÈS, IX, 1 : III, p. 21910. 7. PACHYMÉRÈS, IX, 6 : ΙΠ, p. 233910. 8. PACHYMÉRÈS, IX, 15 : III, p. 2591. 9. Voir A. FAILLER, Chronologie et composition dans l'Histoire de Georges

Pachymérès (Livres Ѵ - ІІІ), REB 48, 1990, p. 28-37.

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Depuis l'édition de l'Histoire de Georges Pachymérès par Pierre Poussines, les opinions ont divergé sur la date des deux premiers faits : le couronnement de Michel IX a été placé tantôt en 1294 et tantôt en 1295, le mariage du jeune empereur tantôt en 1295 et tantôt en 1296. Dans le tableau chronologique qu'il a inséré à la fin de son ouvrage, le premier éditeur de l'Histoire date le couronnement de 1295 et le mariage de 129610. Mais il faut supposer qu'il a commis une erreur dans le report de la première date sur ce tableau, car il avait montré plus haut, dans une note chronologique, qu'il entendait placer le couronnement en 129411. Quant au mariage du jeune empereur, Pierre Poussines l'a clairement placé en 1296, aussi bien dans sa note chronologique que dans son tableau final12. Des historiens comme Ch. Ducange ou C. Hopf ont retenu et propagé les deux dates telles qu'elles figurent dans le tableau : 1295 et 1296. Plus tard, lorsque le couronnement a été reporté à l'année 1294, les historiens ont généralement reporté aussi le mariage d'une année, pour le placer en 1295.

L'historiographie semblait arrivée à un consensus sur les deux dates : couronnement le 21 mai 1294, mariage le 16 janvier 1295. Mais la seconde date peut être mise en cause: les Archives de la chancellerie angevine, qui contiennent de nombreux actes concernant les pourparlers préparatoires à un éventuel mariage de Michel DC avec Catherine de Courtenay, invitent à placer le mariage en janvier 129613.

Avant d'examiner ces documents, dans la deuxième partie du présent article, revenons au couronnement de Michel IX, qui est un événement purement intérieur et qui, à ce titre, n'est naturellement mentionné dans aucune source non byzantine. Michel LX Palaiologos fut bien couronné le 21 mai 1294, conformément à la note chronologique de Pierre Poussines et contrairement à son tableau chronologique, dans lequel il l'a inscrit sous le millésime 1295, sans doute par erreur, de toute manière sans raison. Le contexte du Livre IX suggère de placer l'événement peu

10. Édition de Bonn, p. 844. 11. Ibidem, p. 785-787. Pierre Poussines introduit une difficulté supplémentaire en

considérant que l'année 1294 serait en contradiction avec une indication ultérieure du même historien, qui affirme qu'en 1305 le jeune empereur était dans sa douzième année d'autocratorat ; voir PACHYMÉRÈS, XIII, 1 : IV, p. 6153"4, avec la note 1. L'erreur commise par Pierre Poussines, au moment de reporter dans le tableau final la date dûment établie dans la note chronologique, a été signalée, dix ans après la parution de l'édition, par Maurice DAVID, In observationes chronologicas R.P. P. PossinL.. ad Pachymerem, Dijon 1679, p. 45.

12. Édition de Bonn, p. 787 et 844. 13. C'est un retour à la chronologie établie par Pierre Poussines. Elle a été proposée,

dans un exposé succinct, par Pia SCHMID (Zur Chronologie von Pachymeres, Andronikos L. II-VII, BZ 51, 1958, p. 82-86) et récemment, de manière plus ample, par A. KiESEWETTER dans un article [Bemerkungen zur Chronologie von Buch IX des Geschichtswerks des Georgios Pachymeres (De Andronico Palaeologo III), BZ 89, 1996, p. 45-53] et dans une étude sur le règne de Charles II d'Anjou [Die Anfänge der Regierung König Karls II. von Anjou (1278-I295). Das Königreich Neapel, die Grafschaft Provence und der Mittelmeerraum zu Ausgang des 13. Jahrhunderts, Husum 1999, p. 351-357].

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après l'intronisation du patriarche Jean XII (1er janvier 1294), et l'histo­rien confirme la date dans un passage du Livre ΧΠΙ et dernier de son ouvrage. Pour dater une phase des tractations de l'empereur Andronic Π avec la Compagnie catalane, il établit le synchronisme suivant: «les deux empereurs [Andronic Π et Michel IX] accomplissaient donc déjà l'un sa vingt-troisième et l'autre sa douzième année d'autocratorat»14. La date des pourparlers de paix avec les Almogavares ressort clairement du contexte : c'est l'été 1305. Le règne d'Andronic Π est compté à partir de son accession au trône à la mort de son père Michel Ѵ , soit le 11 décembre 1282: la 23e année court du 11 décembre 1304 au 11 décembre 1305. Quant au règne de Michel LX, il est compté à partir de son couronnement un 21 mai. Pour que sa 12e année de règne soit en cours à l'été 1305, il faut la compter à partir du 21 mai 1294, et non du 21 mai 1295, auquel cas il serait seulement dans la 11e année de règne15.

Ces éléments concordants sont étayés par un passage de la Chronique brève de 1352, dont les informations sont généralement dignes de créance : daté de l'année 680216 (septembre 1293-août 1294), le couron­nement doit être placé au 21 mai 1294, non au 21 mai 1295. Dans la mesure où l'année n'est pas clairement indiquée dans l'Histoire de Georges Pachymérès, la Chronique constitue une source indépendante et ne peut être considérée comme une simple copie de l'Histoire.

On dispose ainsi d'un faisceau d'arguments concordants, sans compter que, comme on l'a rappelé plus haut, le plan de l'Histoire appuie un tel raisonnement. Georges Pachymérès relate, quelques chapitres plus haut, l'ordination du moine Kosmas, devenu le patriarche Jean ΧΠ, qui eut lieu le 1er janvier 1294, c'est-à-dire quelques mois plus tôt. Même si l'ouvrage de l'historien recèle des pièges pour la chronologie des faits, il n'y a aucune raison de passer brusquement du printemps 1294 au 21 mai 129517.

14. PACHYMÉRÈS, XIII, 1 (IV, p. 6153-4) : "Ηδη μέν οδν τοίν βασιλέοιν άμφοίν, το μέν είκοστον και τρίτον, το δέ δωδέκατον, αύτοκρατοροΰσι ξυνέβαινεν έξανύεσθαι.

15. Voir l'édition citée, IV, p. 614 . 1. 16. P. SCHREINER, Die byzantinischen Kleinchroniken, I, Vienne 1975, p. 76 n° 10 ; II,

Vienne 1977, p. 213-214. La notice suivante de la Chronique date du 25 mars 1297 la naissance du premier enfant de Michel IX ; elle est également correcte, bien que l'éditeur l'ait d'abord contesté ; voir ibidem, I, p. 76 ; II, p. 215. Si la correction d'abord proposée s'était avérée exacte (naissance d'Andronic III en mars 1296), on obtenait du coup un argument pour placer le mariage en janvier 1295, et non en janvier 1296. Mais ce n'est pas le cas.

17. Pia SCHMID (art. cit., p. 83 . 5) place le passage de l'année 1294 à l'année 1295 au chapitre 31 du Livre VIII (mort de Théodore Mouzalôn) et date alors, de manière logique, du 21 mai 1295 le couronnement de Michel IX. Dans sa brièveté, cet article donne un bon aperçu sur les tenants de chacune des dates qui ont été retenues successivement. L'opinion de Pia Schmid concernant la date du couronnement est partagée par A. KIESEWETTER (art. cit., p. 50-53), qui réfute à l'avance l'argument que pourrait constituer la présence de l'ambassade de Pierre de Sury à Constantinople à une date aussi tardive.

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Il convient donc de conserver, pour le couronnement de Michel IX, la date traditionnellement admise du 21 mai 129418. Et cela, même pour le cas où le mariage de Michel IX et de Rita/Marie d'Arménie devrait être placé en 129619. Par contre, la date du 16 janvier 1295 pour le mariage de Michel IX et de Rita/Marie d'Arménie semble sérieusement mise en cause par les sources étrangères, qu'on va examiner à présent.

2. LES SOURCES ÉTRANGÈRES

Parallèlement au récit de Georges Pachymérès sur la mission du moine Sophonias en Italie, trois séries de textes étrangers mentionnent les divers projets qui furent formés pour marier le jeune empereur Michel IX Palaiologos ; les documents proviennent respectivement d'Arménie, d'Aragon et de Naples. Alors que Georges Pachymérès n'évoque la mission de Sophonias en Occident qu'en termes aussi brefs qu'imprécis, les Archives de la chancellerie angevine apportent une documentation abondante, précise et datée. Commençons cependant par un autre témoignage, qui, s'il était fondé, résoudrait le problème d'un coup, de manière radicale et définitive.

Georges Pachymérès mentionne la mission confiée à Jean Glykys et à Théodore Métochitès pour ramener une épouse au jeune empereur : les ambassadeurs se rendirent successivement à Chypre et en Cilicie, d'où ils ramenèrent Rita, la sœur du roi Héthum II, qui devint Γ impératrice Marie20. Traditionnellement, l'ambassade est datée de 1294, de l'au­tomne ou même du printemps, le mariage étant célébré le 16 janvier 1295. Mais on a mis en avant un passage de l'historien syriaque Bar Hebraeus pour affirmer que les ambassadeurs byzantins ne rencontrèrent le roi de Cilicie qu'à l'automne 1295, au moment où il rentrait du camp mongol. Voici la teneur du passage : informé de la bienveillance de l'il-khan Baidu pour les chrétiens, Héthum II voulut lui rendre hommage en personne ; mais, lorsqu'il arriva chez les Mongols, Baidu venait d'être remplacé par Ghazan (1295-1304). Héthum Π rencontra le nouvel ilkhan et prit congé de lui le 9 octobre 1295 pour regagner son pays21. Là s'ar­rête le récit de Bar Hebraeus, qui ne connaît rien de l'histoire intérieure de la Cilicie et qui, naturellement, ne mentionne pas le mariage d'une

18. Voir l'exposé, bref et clair, de J. VERPEAUX, Notes chronologiques sur les livres II et III du De Andronico Palaeologo de Georges Pachymère, REB 17, 1959, p. 170-173.

19. Le meilleur argument de A. Kiesewetter pour placer le couronnement en 1295 semble en effet fondé sur le raisonnement suivant : comme il y a seulement quelques mois entre les deux événements (art. cit., p. 50, avec la note 12) et que le mariage a lieu en jan­vier 1296, le couronnement doit être fixé au 21 mai 1295 et ne peut l'être au 21 mai 1294.

20. PACHYMÉRÈS, IX, 5 : ΠΙ, p. 23115-2337. 21. ABO'L FARADJ: E. A. WALLIS BUDGE, The Chronography of Gregory Abû'l Faradj

the son of Aaron, the Hebrew Physician, commonly known as Bar Hebraeus, I, Londres 1932, p. 505-506. Ce passage est mentionné aussi dans le Recueil des historiens des croi· sades. Arméniens, I, Paris 1869, p. 543-544.

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princesse arménienne avec le jeune empereur byzantin. Le rapproche­ment entre les deux événements n'est pas le fait de la chronique syriaque, mais de l'éditeur des documents arméniens publiés dans le-Recueil des historiens des croisades: sans le dire expressément, E. Dulaurier reprend la date qu'il a trouvée dans le tableau chronologique de l'Histoire de Pachymérès pour le mariage de Rita/Marie d'Arménie (16 janvier 1296), et il établit la séquence chronologique suivante: départ d'Héthum II du camp mongol le 9 octobre 1295, arrivée des ambassadeurs byzantins en Cilicie à la fin de la même année, mariage de Rita/Marie d'Arménie avec Michel DC le 16 janvier 129622. La chronolo­gie ainsi esquissée est logique, vraisemblable et peut-être même vraie, mais on ne peut, à partir du texte de Bar Hebraeus, administrer la preuve que c'est au retour de ce voyage chez les Mongols qu'Héthum Π rencon­tra l'ambassade byzantine venue solliciter la main de sa sœur pour Michel DC23. L'attribution de la date du 9 octobre 1295 comme terminus post quem de l'ambassade byzantine et du mariage impérial, qui peuvent tout aussi bien être antérieurs, ne repose pas sur une démonstration; c'est une simple pétition de principe. Du même coup disparaît un argu­ment en or qui, s'il avait été fondé, aurait définitivement réglé le pro­blème.

Les documents arméniens contiennent d'autres mentions des relations entre la Cilicie et Constantinople, mais, là non plus, aucun ne permet de dater de manière sûre l'ambassade byzantine ou le mariage de Michel DC avec Rita/Marie d'Arménie. Dans ces textes, on relève, en particulier, la mention du mariage de la princesse arménienne24 et le signalement de plusieurs séjours d'Héthum Π à Constantinople en 1296 et 1297, après le mariage de sa sœur25. Ces textes n'excluent pas que le mariage n'ait eu

22. Après avoir mentionné la rencontre entre Ghazan et Héthum II telle qu'elle est rap­portée par Bar Hebraeus, É. DULAURIER (Recueil des historiens des croisades. Arméniens, I, p. 543-544) poursuit : «À son retour, deux ambassadeurs arrivèrent de la part de l'empe­reur Andronic II... Ritha, l'aînée, obtint la préférence, et la cérémonie de son mariage eut lieu le 16 janvier 1296».

23. C'est pourtant ce qu'écrit Pia SCHMID (art. cit., p. 84 η. 10) : «Nach '1 Farağ... traf Hethum II. die Gesandten aus Kpl. in Sis bei seiner Rückkehr aus Äzärbaigän, wo er dem neuen Ilchan Gazan am 9 Okt. 1295... gehuldigt hatte. Damit ist ein gesicherter ter­minus ante quem non für die Hochzeit Michaels IX. mit der Schwester Hethums II. gege­ben». Le raisonnement reçoit l'agrément de A. KIESEWETTER (art. cit., p. 49 n. 37): «Schon Schmid... hatte auf Basis arabischer und armenischer Quellen mit dem 9. Oktober 1295 einen festen terminus post quem für die Ankunft der byzantinischer Gesandschaft bei Hethum II. von Armenien festgelegt, doch blieb ihre Argumentation von der Forschung in der Folgezeit unberücksichtigt».

24. Recueil des historiens des croisades. Arméniens, I, p. 655. Le contexte permet seu­lement de situer le mariage, qui n'est pas daté de manière précise, avant l'an 746 (6 jan­vier 1297-5 janvier 1298), puisque, selon ce texte (Chronique du royaume de la Petite Arménie), Héthum II vint à Constantinople cette année-là pour rendre visite à sa sœur ; voir la note suivante.

25. Le roi Héthum II vint à Constantinople en l'an 745 (7 janvier 1296-5 janvier 1297) selon la Table chronologique de Héthoum (Recueil des historiens des croisades. Arméniens, I, p. 490), en l'an 746 (6 janvier 1297-5 janvier 1298) selon la Chronographie

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lieu qu'en janvier 1296, mais c'est leur seul apport. Il s'avère donc que l'argument qu'on tirait des sources syriaques et arméniennes et qu'on présentait comme irréfutable est proprement inexistant.

Mais restent les documents de la chancellerie angevine, qui présentent des arguments autrement sérieux pour situer le mariage de Michel IX en 1296. Une dizaine d'actes font état, de manière expresse, du séjour de Sophonias en Campanie26. Cette documentation établirait que l'ambas­sade de Sophonias n'a pu arriver en Italie qu'à la fin de l'année 1294 au plus tôt et que le mariage de Michel IX n'a pu avoir lieu qu'en janvier 129627. L'argumentation peut être résumée brièvement: si Sophonias, qui avait dû arriver en Italie vers la fin de l'année 1294, s'y trouvait encore en 1295 et 1296, poursuivant apparemment les tractations dont l'avait chargé Andronic Π et qui concernaient avant tout le mariage de Catherine de Courtenay avec le jeune empereur, on ne peut admettre que le mariage de Michel IX ait eu lieu dès janvier 1295, la conclusion de ce mariage mettant automatiquement fin à la mission de Sophonias ou changeant radicalement la nature de la mission.

Malgré sa force, l'argumentation n'est peut-être pas imparable. Rappelons que l'imprécision et l'ambiguïté du récit de Georges Pachymérès laissent supposer une négociation complexe dont la durée, les étapes et les conditions ne sont pas connues. Mais examinons les documents des archives napolitaines. La plus grosse pile est faite d'ordres de versement, pour frais de séjour, et de sauf-conduits. Il en res­sort que le moine Sophonias et son entourage sont à Naples d'avril 1295 à janvier 1296 et que son départ d'Italie est organisé en mars 1296 grâce aux sauf-conduits qui lui permettront de traverser en sécurité les terri­toires détenus par Charles Π et ses alliés28. Aucun de ces actes ne fait expressément allusion au projet de mariage entre Michel IX et Catherine de Courtenay ou au contenu réel de la mission de l'ambassadeur ; ils ne

de Samuel d'Ani (ibidem, p. 464) et la Chronique du royaume de la Petite Arménie (ibi­dem, p. 655-656).

26. Les actes concernant les relations de Naples avec Constantinople sont rassemblés, d'une manière qu'on peut raisonnablement considérer comme complète, dans l'édition suivante : Actes і/s à la Principauté de Morée, 1289-1300, publiés par Ch. PERRAT et J. LONGNON, Paris 1967. C'est l'édition qui est utilisée dans la suite de l'article, sous l'abréviation Actes. Les registres, que J. Buchon et C. Hopf avaient largement utilisés dans leurs travaux, ont été détruits en septembre 1943, mais Ch. Perrat, étudiant les rela­tions de Charles II avec l'Orient grec, avait eu accès plus tôt aux archives et avait rassem­blé les documents concernant son sujet, pour une période plus large que celle qui nous intéresse ici (1289-1300). On peut considérer que, pour la période prise en compte, il a retranscrit la totalité des actes intéressant les relations entre Naples et Constantinople dans les années 1294-1296.

27. Bien que la correction ait déjà été proposée auparavant, par exemple par Pia SCHMID (art. cit., p. 84), il revient à A. KŒSEWETTER (art. cit., p. 45-54 ; op. cit., p. 356-357) de lui avoir donné une forme plus rigoureuse.

28. Actes, n° 170 du 14.03.1296 (pour l'Achaïe), n° 171 du 16.03.1296 (pour l'Achaïe, Corfou et Athènes), n° 172 du 17.03.1296 (pour Brindisi), n° 173 du 18.03.1296 (pour l'Épire).

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livrent aucun renseignement sur les pourparlers, leur déroulement ou leur interruption.

Reste le document essentiel: la lettre de Charles Π d'Anjou à Andronic II Palaiologos, en date du 14 janvier 129529, soit deux jours seulement avant la célébration du mariage de Michel IX selon la chrono­logie le plus généralement acceptée. Il est évident que, en l'absence de toute autre information, on est tenté de placer le mariage au moins quelques mois plus tard, en supposant qu'Andronic Π ne pouvait laisser son ambassade traiter d'une affaire qu'il avait déjà réglée, et en considé­rant qu'il avait eu le temps d'avertir son envoyé et qu'il aurait annulé ou modifié le contenu de sa mission, s'il l'avait laissé plus longtemps en Italie. Mais toute la complication de la situation et des tractations n'ap­paraît pas dans ce texte, dont la teneur fait d'ailleurs écho au récit embar­rassé et obscur de Georges Pachymérès.

Quelle est la portée et le but du document ? Plus qu'une tractation nouvelle, c'est un relevé de conclusions, qui laisse en l'état les pourpar­lers dont on ne sait pas où ils conduiront et qui ne contient pas l'énoncé de la moindre décision. La plus grande partie du texte est destinée à expliquer pourquoi l'alliance, projetée dès 1288, n'a pas encore été conclue et réalisée, par l'intermédiaire d'une précédente ambassade de l'empereur, et comment la promise, qui est d'ailleurs absente, montre des réticences devant cette union et s'est rendue en France en promettant de ne pas y rester plus d'une année (juillet 1294-juillet 1295)30. Le roi de Naples informe l'empereur de sa décision de garder auprès de lui le moine Sophonias jusqu'au possible retour de Catherine de Courtenay, qui, partie en juillet 1294, devrait être de retour au plus tard en juillet 1295. Le roi informe encore l'empereur de son intention de présenter le moine Sophonias au pape31 et de son espoir de conclure le traité final, lorsque Catherine sera revenue de France ; mais, ajoute-t-il, il est pos­sible que le mariage ne puisse se faire, auquel cas on conclurait cepen­dant un traité d'amitié. Si on disposait seulement de la documentation angevine, on affirmerait, sans la moindre hésitation, que le mariage de l'empereur, s'il a été célébré en un mois de janvier, l'aurait été en janvier 1296 plutôt qu'en janvier 1295, puisqu'à cette dernière date Sophonias est censé négocier encore ledit mariage.

Mais les circonstances et les péripéties de la mission du moine Sophonias sont difficiles à cerner, parce que l'on ignore à quelle date il a

29. Actes, n° 130, p. 123-125. 30. Actes, p. 12433'34. On a d'ailleurs conservé copie de l'engagement solennel signé

dans ce sens par Catherine de Courtenay le 13 mai 1294, avant son départ pour la France ; voir Actes, n° 82, p. 85-89.

31. Malgré l'interprétation contraire du rédacteur de la Version brève, la formule employée par GEORGES PACHYMÉRÈS (III, p. 227 : εδέησε γαρ και εις πάπαν εκείνον γενέσθαι) laisse entendre que Sophonias a effectivement rencontré le pape, même s'il n'était pas porteur d'un message officiel de l'empereur. Élu le 24 décembre 1294, Boniface VIII n'était pas favorable au mariage de la princesse avec Michel IX.

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quitte Constantinople. S'il est parti dès après le couronnement de Michel IX (mai 1294), le mariage a pu avoir lieu en 1295 ; s'il n'est parti qu'en fin d'année, il faut reporter le mariage en l'année 1296, puisque les nouvelles ambassades envoyées a Chypre et en Cilicie requièrent, à tout le moins, quelques mois. Mais il n'est pas établi que la lettre de Charles II, datée du 14 janvier 1295, a été écrite dès l'arrivée de Sophonias en Italie, comme on a voulu le faire croire32. De ce qui a pré­cédé la rédaction de l'acte, on ignore tout, et il est difficile de déduire des termes du document la date à laquelle l'ambassadeur est parti de Constantinople, est arrivé en Italie, a rencontré le roi, a traité avec Γ ad­ministration royale napolitaine, et il est tout aussi malaisé d'établir au terme de quelles négociations on a pu aboutir à la rédaction et à l'envoi de ce document à Constantinople. La date de Γ arrivée du moine Sophonias en Italie, la nature de ses contacts, la durée des tractations qui ont précédé la rédaction de l'acte conditionnent aussi bien sa portée que sa datation, mais elles demeurent inconnues.

Un acte des Archives aragonaises semble appuyer, de manière plus contraignante encore, la datation du mariage au 16 janvier 1296. Le 3 avril 1296, Frédéric ΠΙ de Sicile envoie une ambassade à Constantinople pour renouveler la proposition qu'il avait déjà faite à l'empereur d'unir sa sœur Yolande au jeune Michel IX33. Si celui-ci s'était marié quinze mois plus tôt, on ne s'expliquerait pas une telle démarche. Mais la situa­tion n'est pas absolument claire : même si le mariage a eu lieu le 16 jan­vier 1296, le roi aurait dû également en être informé à cette date. Alors il faut chercher où se trouve l'erreur !

La chronologie des événements n'est pas claire. L'hypothèse de la datation basse du mariage (16 janvier 1296) suppose que l'acte de la chancellerie angevine qu'on vient d'analyser est émis au moment de l'ar­rivée du moine Sophonias à Naples ou à la cour (il est émis à La Tour Saint-Elme, près de Capoue, où le roi réside en janvier 1295) et que le moine n'arrive en Italie qu'à la fin de l'année 1294 ou même au début de l'année suivante. Mais qu'en est-il ? L'hypothèse d'un couronnement de Michel IX au 16 janvier 1295 présuppose un calendrier différent des évé­nements : départ du moine Sophonias de Constantinople dès après le couronnement de Michel IX (21 mai 1294)34, arrivée dans le royaume de

32. A. KIESEWETTER {art. cit., p. 49 : «vor kurzem», avec la note 33) veut voir dans l'expression Nunc autem per religiosum virům fratrem Somphoniam, monachum, nunciům vestrum, recepimus... (Actes, p. 12439"40) une proximité de quelques jours par rapport à la date apposée à la fin de l'acte. Mais l'adverbe Nunc fait pendant à un précédent tune (p. 1242), qui nous reporte non pas à une période distante de quelques jours ou de quelques semaines, mais à une époque bien antérieure (septembre 1293) !

33. Acta Aragonensia : H. Finke, III, Berlin-Leipzig 1922, n° 26, p. 54. Voir Pia SCHMID, art. cit., p. 83 η. 9 ; A. KIESEWETTER, art. cit., p. 50.

34. On n'a précisément aucune indication sur le moment de son départ. Ainsi, F. DOLGER (Regesten, n° 2156a) place l'ambassade de Sophonias vers le printemps 1294, tout en datant d'ailleurs le mariage de 1296 ! Le passage de Sophonias en Eubée est signalé dans un écrit d'une tout autre nature ; voir Marie-Hélène CONGOURDEAU, Frère Simon le Constantinopolitain, O.P. (1235 7-1325 ?), REB 45, 1987, p. 167 n. 9.

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Naples vers le milieu de l'année 1294 et hésitations dans la négociation à cause de l'absence de Catherine de Courtenay et des incertitudes de la position du Saint-Siège (pontificat éphémère de Celestin V entre juillet et décembre 1294, interventionnisme de son successeur Boniface Ѵ , élu le 24 décembre 1294), atermoiements à la cour de Naples et émission tardive d'un relevé de conclusions à l'adresse de l'empereur, décision de l'empereur de chercher un autre parti pour son fils à cause des hésita­tions de Charles II, envoi de deux ambassades successives (d'abord Athanase II d'Alexandrie, ensuite Jean Glykys et Théodore Métochitès) à Chypre et en Arménie au cours de l'été ou au début de l'automne, ambassade fructueuse en Arménie et mariage subséquent de Rita/Marie d'Arménie avec Michel IX le 16 janvier 1295.

Il n'est pas facile de conclure. Si l'on disposait seulement, à l'exclu­sion de l'Histoire de Georges Pachymérès, des documents émanant de Campanie ou d'Aragon et si l'on était assuré, d'autre part, que le mariage eut lieu un 16 janvier, la conclusion serait immédiate, et l'on daterait nécessairement du 16 janvier 1296, et non du 16 janvier 1295, le mariage de Michel IX avec la princesse arménienne. Mais à présent on peut douter. Signalons un autre indice, d'importance réduite il est vrai. La date du 16 janvier s'insère mieux dans le calendrier de l'année 1295 (c'est un dimanche) que dans celui de 1296 (c'est un lundi). Au point que F. Dölger, plaçant le mariage en 1296, a trouvé ce lundi tellement incongru qu'il a proposé de lire 6 janvier (Jour de l'Epiphanie) là où Georges Pachymérès a écrit 16 janvier !

Ce genre de déductions n'est le plus souvent que l'habillement de notre ignorance. Il faut peut-être laisser la question ouverte, marcher pré­cautionneusement sur un champ que d'autres ont longuement labouré, en pesant et soupesant tous les arguments. Mieux se garder de trop prouver : vigueur de conviction ne vaut pas rigueur de démonstration !

3. LA CHRONOLOGIE ET LA COMPOSITION DU LIVRE IX

La chronologie que j 'ai présentée dans mon édition pour ce passage de l'Histoire est fondée sur les règles générales de composition que semble appliquer l'historien dans l'ensemble de son ouvrage35. Rien n'oblige, pour le moment, à la modifier, même si le doute est possible pour cer­tains épisodes. À la lumière de l'exposé qui précède, on peut procéder à un nouvel examen des données pour la chronologie et la composition de ce passage des Relations historiques de Georges Pachymérès, c'est-à-dire des chapitres 1-22 du Livre IX. Tout d'abord, il est exclu de modi­fier la date habituellement et correctement attribuée au couronnement de Michel LX, que des témoignages indépendants les uns des autres placent

35. A. FAILLER, art. cit., p. 28-37 ; PACHYMÉRÈS, Index : V, p. 11.

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au 21 mai 129436. Mais il est possible, sans que cela soit certain, que la chronologie de la suite du Livre IX ne soit pas aussi sûre qu'on a pu le croire. La démonstration n'est cependant pas faite, pour le moment, de manière satisfaisante. Si le mariage n'a eu lieu que le 16 janvier 1296 (et non en 1295), l'historien procéderait à une nouvelle anticipation, et il s'agit dès lors d'établir à quel point du récit qui suit il revient au fil chro­nologique initial. Dans cette perspective, procédons à un retour en arrière et reprenons le récit de Georges Pachymérès au fil des chapitres de la première partie du Livre IX.

Les chapitres 1-3 forment une unité: on passe successivement du 21 mai 129437 au lendemain 22 mai et aux jours ou semaines immédiate­ment proches. Mais le chapitre 4 fait problème. Si le mariage d'Ithamar Angelina avec Philippe de Tarente, le fils de Charles , s'inscrit parfaite­ment dans le cadre chronologique du récit, puisque, envisagé dès 129138, il fut célébré en septembre 1294, c'est-à-dire quelques mois après le cou­ronnement de Michel IX, la phrase d'introduction présente néanmoins un problème chronologique, en laissant entendre que Nicéphore Angélos, le despote d'Épire, était décédé à cette date et qu'Anna Kantakouzènè, son épouse, était devenue la dirigeante effective de la principauté. Or les Archives angevines mentionnent encore le despote en septembre 1296, date qui devient ainsi le terminus post quem de sa disparition, et omet­tent expressément de le mentionner en août 1298, date qui est donc le terminus ante quem de son décès39. Georges Pachymérès fait-il erreur ? La chose est toujours possible, mais, chez un historien aussi fiable dans l'ensemble, on ne l'admettra qu'en dernière instance. Il faut alors se poser la question de la signification réelle du texte. Que veut signifier l'historien par cette phrase initiale: 'Αλλά φθάνει... ό... Νικηφόρος τελευτησαι τον βίον ? J'ai donné dans l'édition la traduction suivante : «Mais Nicéphore a terminé sa vie plus tôt...». Tout d'abord, il n'y avait aucune raison de ne pas garder le présent historique contenu dans le texte : «Mais Nicéphore vient de terminer sa vie»40. Peut-être faut-il dis­cerner là une autre nuance: «Mais Nicéphore parvient à la fin de sa vie...». Cela laisserait supposer qu'à la date des faits Nicéphore n'est pas décédé, mais qu'il approche de sa fin : il entend exécuter ses dernières volontés et en confie le soin à son épouse, Anna Kantakouzènè, que met-

36. Sur les quatre points examinés par A. KIESEWETTER, deux deviennent ainsi sans objet : la date du couronnement, qui est bien le 21 mai 1294, et la présence de l'ambassa­deur Pierre de Sury à Constantinople à une date aussi tardive que le 21 mai 1295 (art. cit., p. 50-53).

37. Pia SCHMID (art. cit., p. 83, fin de la note 6) admettait que sa chronologie supposait une erreur de l'historien dans le décompte des années de règne de Michel IX tel qu'il est donné au début du Livre XIII.

38. Actes, n° 21, p. 21 (1er juin 1291). 39. D. M. NICOL, The Date of the Death of Nikephoros I of Epiros, RSBS 1, 1981,

p. 251-257. 40. PACHYMÉRÈS, IX, 4 : III, p. 22526"27. De plus, il vaudrait mieux supprimer la virgule

mise dans l'édition devant επί δυσίν... τέκνοις, même si elle figure sur les manuscrits.

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tent effectivement en scène, à l'exclusion de son mari, aussi bien l'Histoire de Georges Pachymérès que les Archives de la cour de Naples. À propos de la chronologie des faits rapportés dans ce chapitre, il faut faire une autre remarque : le projet d'une alliance matrimoniale entre les Angéloi et les Palaiologoi n'a pu être envisagé qu'avant les tractations entre l'Épire et Naples ; en conséquence, l'acte synodal qui interdisait le mariage de Michel IX Palaiologos avec Ithamar Angelina, parce qu'il aurait été du sixième degré, doit être placé quelques années plus tôt41.

On parvient alors au passage capital : le chapitre 5, qui relate les trois ambassades envoyées respectivement en Italie, à Chypre et en Cilicie, pour ramener une épouse à Michel IX, et le chapitre 6, qui mentionne, en une simple phrase, le déroulement du mariage impérial. Le point de départ se situe encore en l'année 1294, mais l'incertitude règne pour la suite, et une double possibilité existe: ou bien l'empereur envoie le moine Sophonias en Italie vers le milieu de l'année 1294 et, comme il ne revient pas rapidement, dépêche d'autres ambassades au cours de l'été ou au début de l'automne vers Chypre et l'Arménie, pour élire finale­ment la sœur du roi d'Arménie, qui est mariée à Michel IX dès le 16 jan­vier 1295 ; ou bien l'empereur envoie le moine Sophonias en Italie vers la fin de l'année 1294 ou même le début de l'année suivante, ne reçoit pas à temps de réponse positive de ce côté, dépêche alors une ambassade à Chypre et en Arménie au cours de l'année 1295, choisit finalement Rita/Marie d'Arménie comme épouse de son fils, dont le mariage est célébré le 16 janvier 1296. Le récit de Georges Pachymérès, s'il semble privilégier la première hypothèse, n'exclut pas vraiment la seconde, car l'historien aurait pu procéder par anticipation, comme il le fait souvent et sans en avertir toujours son lecteur.

Les chapitres suivants ne contiennent aucun indice chronologique, et les sources parallèles ne sont d'aucun secours pour un éventuel arbitrage. Le chapitre 7 relate un nouvel essai de l'empereur pour se concilier les Arséniates, mais plus que d'une action ponctuelle il fait état de contacts suivis avec les dissidents. Avec le chapitre 8 commence un récit plus étoffé sur la dégradation de la situation militaire en Asie Mineure ; celui-ci sert d'introduction à la rébellion d'Alexis Philanthrôpènos (ch. 9-14) ; la relation s'étend sur une longue durée, qu'on peut évaluer à plusieurs mois, ou même à plusieurs années, et se termine par la défaite du rebelle devant Libadarios, à la fin d'une année, qui semble être l'année 1295, mais qui, compte tenu de la fréquence des anticipations, peut être aussi l'année 1296. Aucun recoupement n'est fait entre le mariage de Michel IX, qui a lieu soit en janvier 1295 soit en janvier 1296, et la fin de la rébellion d'Alexis Philanthrôpènos, qui a lieu vers le même moment de l'année (fin décembre 1295-début janvier 1296 ou fin

41. PACHYMÉRÈS, IX, 5 : III, p. 277819. V. LAURENT (Regestes, n° 1564 : après le 21 mai 1294) a placé l'acte patriarcal après le couronnement de Michel IX, mais la décision syno­dale fut émise plus tôt, sous le patriarcat d'Athanase.

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décembre 1296-début janvier 1297). Une chronique brève, qui semble porter un intérêt particulier à Alexis Philanthrôpenos, fait mention de «l'aveuglement du pinkernès», qui est Alexis Philanthrôpenos, en décembre 129642. L'historien clôt le chapitre 14 en décrivant les dom­mages provoqués en Asie Mineure par les supplétifs turcs qui entou­raient le pinkernès et il écrit alors que «cela se passa plus tard»43, mais il ne précise pas si l'anticipation dont il fait état inclut le supplice d'Alexis Philanthrôpenos ou seulement, comme le récit semble plutôt le suggérer, la nouvelle dégradation de la situation militaire en Asie Mineure après la condamnation et le départ du général destitué.

En résumé, il peut y avoir anticipation sur l'année 1296 aussi bien pour le mariage de Michel IX que pour le supplice d'Alexis Philanthrôpenos44. Il faut ajouter même qu'une anticipation dans le pre­mier cas n'induit pas nécessairement la même anticipation pour le second cas, ni d'ailleurs vice versa.

Le chapitre 15 introduit, de manière soudaine, un autre sujet, qui forme à son tour une nouvelle unité du récit (ch. 15-21) et qui a pour trame l'hostilité des Génois et des Vénitiens, cherchant les uns comme les autres à établir leur domination maritime dans les détroits. Puis l'his­torien signale le violent séisme qui se produisit à Constantinople un 1er juin. C'est le premier repère chronologique avéré que présente Georges Pachymérès après celui qui date du 1er janvier 1294 l'ordination du patriarche Jean XII45 : le séisme eut lieu le 1er juin 1296, d'après une source parallèle46. Les chapitres 15-21 forment une nouvelle section, avec sa logique et son unité : — hostilité mutuelle des Génois et des Vénitiens (ch. 15) ; — séisme du 1er juin 1296 (ch. 15), qui effraie l'empereur et le pousse à réformer la justice (ch. 15-17) ; — attaque des Vénitiens contre les Génois le 22 juillet 1296, convoca­tion du baile de Venise et envoi à Venise d'une ambassade conduite par Nicéphore de Crète (ch. 18-19) ; — attaque des Génois contre les Vénitiens à la fin du mois de décembre 1296, meurtre du baile de Venise et envoi à Venise d'une nouvelle ambas­sade conduite par Maxime Planoudès et Léon l'orphanotrophe (eh. 20-22).

42. P. SCHREINER, Die byzantinischen Kleinchroniken, I, Vienne 1975, p. 194. La même chronique indique le «départ du pinkernès» au 30 mars 1293. Le récit de Georges Pachymérès regrouperait ainsi des faits qui s'étendent sur quatre années (1293-1296). L'étude des lettres de Maxime Planoudès, un correspondant et ami d'Alexis Philanthrôpenos, ne permet pas davantage de fixer une chronologie sûre au séjour et à la rébellion du pinkernès en Asie Mineure ; voir H.-V. BEYER, Die Chronologie der Briefe des Maximos Planudes an Alexis Dukas Philanthrôpenos und dessen Umgebung, REB 51, 1993, p. 111-137.

43. PACHYMÉRÈS, IX, 14 : III, p. 25721. 44. L'incertitude de la chronologie transparaît dans les Regesten de F. DÖLGER, qui

recense la condamnation d'Alexis Philanthrôpenos sous deux dates différentes : «vers le 6 janvier 1296» (n° 2185), «1-6 janvier 1297» (n° 2199).

45. PACHYMÉRÈS, VIII, 28 : , p. 20728. 46. Voir PACHYMÉRÈS, , p. 2591, avec la note 94, p. 258.

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L'ensemble de ces chapitres concerne, en gros, la seconde moitié de l'an­née 1296, même si la fin de l'épisode peut mordre légèrement sur l'an­née suivante. La Table chronologique de Héthum appuie cette chronolo­gie : elle mentionne, sous l'année 745 (7 janvier 1296-5 janvier 1297), une attaque des Génois contre les Vénitiens, qui se solde par la mort du baile47. On a signalé plus haut que les textes arméniens attestent la pré­sence du roi Héthum Π à Constantinople à la même époque48. Georges Pachymérès mentionne également la présence du roi arménien à Constantinople et son intervention en faveur des moines franciscains49,

. mais l'épisode n'est pas rapporté à sa place chronologique et ne peut être daté avec précision. En résumé, le présent passage de l'Histoire (Livre IX, ch. 15-21) ne présente aucun problème de chronologie.

Il apparaît donc que l'historien est revenu, à cet endroit, au fil chronolo­gique de son récit Mais les incertitudes des chapitres précédents demeu­rent. Malgré l'embarras que provoquent les données des documents napo­litains et aragonais, il manque une démonstration définitive pour obliger à déplacer le mariage de Michel IX du 16 janvier 1295 au 16 janvier 1296 ou le supplice d'Alexis Philanthrôpènos de décembre 1295 à décembre 1296, le couronnement du jeune empereur restant fixé, de manière sûre et définitive, au 21 mai 1294. L'Histoire de Georges Pachymérès, dans ses ambiguïtés chronologiques et dans sa composition savante, laisse place à une dissociation des deux événements, dont l'un reste, de toute manière, placé au 21 mai 1294, tandis que l'autre pourrait être déplacé au 16 janvier 129650. Tout en suggérant, par l'ordre des matières et la succession des événements, de placer le mariage en 1295, l'Histoire ne fournit pas l'argu­ment irréfutable ou la contre-indication formelle qui s'opposeraient à le placer en 1296. La logique chronologique du texte est fondée dans tous les cas sur le commencement ou le moment principal d'une action, qui justifie l'insertion du récit à tel endroit précis, mais l'anticipation peut s'étendre plus ou moins loin, selon les exigences d'un récit en continu. Suit un retour à la ligne chronologique générale, qui constitue une ligne de fond ; si celle-ci peut disparaître momentanément, néanmoins elle reparaît néces­sairement plus loin.

Albert FAILLER Institut français d'Études byzantines (IFEB)

47. Édition citée, p. 490. 48. Voir ci-dessus, p. 158. 49. PACHYMÉRÈS, IX, 20 : III, p. 2699"10. Héthum II est encore mentionné dans l'affaire

du couvent latin bâti à l'intérieur de Constantinople (XII, 28 : IV, p. 584 n. 37). 50. C'est la solution retenue par le rédacteur (E. Trapp) du Prosopographisches

Lexikon der Palaiologenzeit dans les notices de Michel IX Palaiologos (PLP, n° 21529) et de son épouse l'impératrice Marie (n° 21394). Dans la seconde notice, la date du mariage est justifiée par un renvoi à l'étude de I. ŠEVČENKO (Theodore Metochìtes, the Chora, and the Intellectual Trends of His Time, The Kariye Djami, éd. P. A. Underwood, IV, Princeton 1975, p. 25 n. 36), qui s'appuie sur le témoignage, mentionné plus haut, des Archives aragonaises, et à l'article de Pia SCHNÖD (art. cit., p. 84).

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AN ANONYMOUS BYZANTINE GEOGRAPHICAL TREATISE

Sergey A. IVANOV

Résumé : Le manuscrit Vladimir 415 contient un traité géographique, qui est ici édité, traduit et commenté. Il ressort de cette étude que le texte a été rédigé entre 1360 et 1390.

The manuscript N509 (Vladimir 415) in the Greek Synodal collection of the State Historical Museum in Moscow was written in the middle of the fifteenth century and belonged to the famous Greek humanist Maximos Margounios.1 This codex contains poems by Theocritos, Parmenio the Macedonian, John Pediasimos and Margounios himself, as well as various astrological texts. On folios 76 and 77 there is a short, anonymous geographical treatise, written in a different hand. Several blank pages appear before and after it.

The text was found and analyzed by the Russian scholar M. S hangin who was preparing the edition of the astrological part of the manuscript.2

He published the Russian translation of the treatise with his commen­taries.3 The original text was published (without commentary) by A. Kazhdan as an untitled appendix to his review of G. Moravcsik's Byzantinoturcica.4 Kazhdan's publication, to the best of my knowledge, never attracted any scholarly attention.

In Shangin's opinion, the text was written between 363 and 386, since, on the one hand, Phrygia is mentioned as consisting of two provinces, and, on the other hand, the province of Honorias does not yet exist.5 In

1. B. L. FoNKić, Materiały dlia izucheniia biblioteki Maxima Margouniia, W 38, 1977, p. 152-153.

2. Catalogus codicum astrologorum graecorum, t. 12. Codices Rossicos descripsit M. A. SHANGIN, Bruxelles 1936, p. 74-76.

3. M. A. SHANGIN, Novyj geograficheskij text, Vestnik drevne} istorii 16, 1938, N4, p. 252-255 (hereafter SHANGIN).

4. A. P. KAZHDAN, W16,1959, p. 286-287 (hereafter KAZHDAN). 5. SHANGIN, p. 253.

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fact, none of these dates has anything to do with the problems of the treatise's chronology, because, in the first instance, it lists the province of Lycaonia, which was created in 370/372,6 and, second, Honorias is not the only administrative unit missing in the enumeration of Asian provinces : as many as fourteen others have been omitted ! Generally speaking, the anonymous author treats Late-Roman material very freely.

As to the time of the final shaping of the treatise, Shangin suggests the 6th century, because it was then that the "copyist added" a note on Gepids.7 Thus, Shangin concluded, with the exception of "Gepids", the text was written in the 2nd half of the 4th century.

This hypothesis is to be rejected completely. In my opinion, Shangin is mistaken by exactly one thousand years. The anonymous author did indeed use some Late-Roman administrative nomenclature, but purely for the sake of "ornamentation". His other sources were ancient geo­graphical books (when he draws the boundaries of continents or enumer­ates exotic Oriental countries), pilgrims' accounts of the Holy Land and, most significant of all, contemporary political reality, albeit carefully veiled. What we have here is not a Late-Roman treatise, corrected in later times but exactly the opposite — a subtle Late-Byzantine imitation of Antiquity.

Place-names mentioned in the text, such as Ragusa, Arta or Jaffa belong to the tenth, eleventh and twelfth centuries respectively. Hungarians were called Gepids from the twelfth century.8 A definite ter­minus post quern is 1295, when Maximos Planoudes rediscovered Ptolemy's Geography which had been completely forgotten in the previ­ous centuries.9 Examination of our treatise reveals several allusions to Ptolemy : a town Nesacton, mentioned there and barely known other­wise, is the last in the list of Italian towns in the Geography ; our author calls it "End of Italy", no doubt because these words are placed by mis­take before the coordinates of this town in four extant manuscripts of Ptolemy.10 The anonymous author must have had one of the manuscripts of this family before his eyes and decided that "End of Italy" was part of Nesacton's name. We can move the terminus post quern to an even later time : the text mentions the Crimean cities of Caffa and Symbolon ; the former became a significant Genoese stronghold after 1352,11 the latter after 1357.12 Another fact allows us to place the terminus post quern later

6. K. BELKE - N. MERSICH, Phrygien und Pisidien, 7, Vienna 1990, p. 49. 7. SHANGIN, p. 254. 8. G. MORAVCSIK, Die archaisierenden Namen der Ungarn in Byzanz, BZ 30,

1929/1930, p. 250, 252. 9. H. HUNGER, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, Munich 1982,

vol. 2, p. 513. 10. O. CUNTZ, Die Geographie des Ptolemaeus. Text und Untersuchung, Berlin 1923,

p. 87 (hereafter CUNTZ, Geographie). U.M. BALARD, La Romanie génoise (xiř - début du XVe siècle), Paris-Rome 1978, vol.

1, p. 209. 12. A. L. YAKOBSON, Srednevekovyj Krym, Moscow-Leningrad 1964, p. 120-121.

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ANONYMOUS GEOGRAPHICAL TREATISE 169

still : the appearance of Hungarians as an only ethnonym in the treatise hints at the exceptional role ascribed to them around 1365-1366, when John V visited Buda seeking help against the Ottomans.

The treatise accurately reproduces Late-Roman geographical nomen­clature, but the author's contemporary reality shows through the veil of archaization. The town of Laranda, of minor importance in Antiquity or Byzantine times,13 became very important in the 1350's as the capital of the Karaman emirate.14 The place-name Akroterion, also mentioned in the treatise, was previously known in Greek only from a gloss in the margin of a manuscript of Arrian ; it is Turkish city of Eğridiz, which became famous after 1300 as the capital of the Khamid emirate.15

Ikonion was the capital of the state of Il-Kkhanes etc.16

Shangin noted that the author of the treatise does not know much about Europe.17 He fails to mention both Rome and Venice (listing instead the absolutely insignificant Nesacton nearby), he tells nonsense about Spain and Gaul, and even Constantinople is mentioned only in passing. On the other hand, he is at home in Asia Minor. Anatolian cities mentioned in the treatise include both Byzantine enclaves (Trebizond, Pontoheraklea, Amastris, Philadelphia, Ephesos) and important centers of Turkish emirates (Amisos, Sinope, Laranda, Ikonion, Sardis, Magnesia, Akroterion). The information on Anatolia is very detailed. The only part of the peninsula that the author leaves out is the north­western corner, where the Ottoman sultanate was situated. As a terminus ante quern of our treatise, we may suggest 1390, when the network of relatively peaceful relations between the remnants of Byzantium and numerous small Turkish emirates in Asia Minor was destroyed by the Ottoman offensive.

If we assume that the treatise was written between 1366 and 1390 by a Byzantine Greek living in Anatolia, there are only two possible places for its composition : Trebizond or Philadelphia, because only they are known to have had any cultural life in the 14th century. At first glance, Trebizond seems more likely, for the geographer Andrew Libadenos lived there and astrology flourished — and the Moscow codex N 509 is an astrological manuscript. On the other hand, had the author lived in Trebizond, he whould have mentioned at least one of the cities surround-

13. W. TOMASCHEK, Zur historischen Topographie von Kleinasien im Mittelalter, Sitzungsberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Philologisch-historische Classe 124, Vienna 1891, p. 105 (Hereafter TOMASCHEK, Kleinasien).

14. . CAHEN, Pre-Ottoman Turkey. A General Survey of the Material and Spiritual Culture and History, 1071-1330, trans. J. Jones-Williams, New York 1968, p. 281-282, 304, 360. (Hereafter CAHEN, Pre-Ottoman Turkey).

15. E. HONIGMANN, L'origine des noms de Belikeşir, de Burduc et d'Eğridiz, Byz. 14, 1939, p. 652, 655-666 ; cf. K. BELKE - N. MERSICH, Phrygien und Pisidien, TIB 7, Vienna 1990, p. 179.

16. D. E. PITCHER, An Historical Geography of the Ottoman Empire, Leiden 1972, p. 29-33, maps VII, VIII. (Hereafter PITCHER, Historical Geography).

17. SHANGIN, p. 254.

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ing it : Kerasous, Daphni, Kenchreae, Phasso or Sevastopolis. But there is no mention of any of them. I therefore opt for Philadelphia, which is mentioned together with neighbouring Magnesia, Sardis and Ephesos.

Philadelphia in the 2nd half of the 14th century was a flourishing city, for all practical purposes independent of Constantinople, with its own mint and extensive trade ; its merchants had access to the sea through the friendly emirate of Sarukhan.18 Philadelphia had a rich cultural life: books were written, manuscripts copied etc.19 Thus, our treatise could well have been written there.

It is difficult to say anything precise about the author. One might sug­gest that he had ties with Italian merchants : the list of Black sea ports (Symbolon, Cafa, Trebizond, Aminsos, Sinope, Poiitoheraklea, Amastris) corresponds to the major Genoese factories,20 and most of cities enumerated in the treatise are sea ports ; the name of Ragusa is given in Italianized form.21 The author also got some information from pilgrims travelling to the Holy Land: Caesarea Maritima is named Caesarea Philippi, a mistake characteristic of many Late-Byzantine pil­grim books (cf. infra, note 47). But this evidence is too scarce.

Byzantines did not pay much attention to contemporary geographic reality and preferred to reproduce ancient paradigms.22 Our treatise is no exception, but nevertheless the author tries timidly to convey some new information, and in this respect he bears resemblance to such innovative geographers oh the 15th century as Plethon and Laskaris.23

TEXT

f.76r. Οι παλαιοί έμέρισαν την γην εις τμήματα τρία * εις Άσίαν, Λιβύην και

Εύρώπην. Κα! εστίν οριον 'Ασίας κα! Ευρώπης ό Τάναϊς ποταμός, δς ρέει από των σκυθικών μερών κα! αγνώστων, κα! είσίν αί πήγα! τούτου άδηλοι. 'Ασίας δέ κα! Λιβύης οριον ό Νείλος, Λιβύης δε κα! Ευρώπης το περ! τας 'Ηράκλειας στηλας στενόν.

18. Η. AHRWEILER, La région de Philadelphie au XIVe siècle (1290-1390), dernier bas­tion de Γ hellénisme en Asie Mineure, Comptes rendus de VAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, Janvier-Mars 1983, p. 194.

19. P. SCHREINER, Zur Geschichte Philadelpheias im 14. Jahrhundert (1290-1390), 35, 1969, p. 412-415.

20. S. P. KARPOV, ltal'ianskie morskie respubliki i Iuzhnoe Prichernomorie ν XIII-XIV w. : problemy torgovli, Moscow 1990, p. 68-89.

21. A. DELATTE, Les portulans grecs, Paris 1947, index, s. v. (Hereafter DELATTE, Portulans).

22. H. HUNGER, Die hochsprachliche profane Literatur der Byzantiner, Munich 1982, I, p. 509, 518.

23. G. MAKRIS, Geographische Kenntnisse bei den Griechen am Übergang von Mittelalter zur Neuzeit, Die Kultur Griechenlands in Mittelalter und Neuzeit, R. LAUER -P. SCHREINER (ed.), Göttingen 1996, p. 96-101.

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Έπαρχίαι δέ είσι της 'Ασίας από μέν των υπερβορείων μερών * ή Σαρματία ή έν Ασία. είτα ή Μαιώτις λίμνη, μετά δέ ταύτα Κυμμέριος Βόσπορος. εΤτα ΚολχΙς και 'Ιβηρία, Πόντος Πολεμονιακός, έν ?j εστίν ή Τραπεζοος. εΤτα Πόντος Καππαδοκικός, έν fi εστίν ή Άμινσός. εΤτα Καππαδοκία, μεθ'ήν Γαλατία, έν ?j ή Σινώπη, είτα Παφλαγωνία, έν íj εστίν ή Ποντοηρακλεία καΐ ή "Αμαστρις. εΤτα Βυθηνία, άφ'ής άρχεται το Στενον της Κονσταντινοπόλεως. είτα ό Ελλήσποντος μέχρι της Τροίας. εΤτα ή Μεγάλη Φρυγία, είτα ιδία 'Ασία, έν fi εστίν ή "Εφεσος, μεθ'ήν Λυκία, είτα Παμφυλία, είτα Κιλικία || 76ν Τραχεία, έν fj εστίν το Κώρυκος. εΤτα Κιλικία, έν ζ ή Ταρσός, είτα Συρία Κοίλη, έν ί) ή Λαοδίκια καΐ ή Τρίπολις. είτα Συρία Φοινίκη, έν fj Βυριτός (sic !) καΐ ή Τύρος καΐ ή Σιδών. είτα Παλαιστίνη 'Ιουδαία, έν fi ή Καισαρεία του Φιλίππου ή και Ίώππη ή κοινώς Γιάφα. εΐτα Αίγυπτος μέχρι του πρώτου στόματος του Νείλου, το καλούμενον Πηλουσιωτικον στόμα. ΚαΙ τούτο εστί το καθ'ήμας έγνωσμένον. 'Από δέ το ανω μέρος το προς τη 'Ερυθρή θαλάσστ) εστίν 'Αραβία Πετραία. εΐτα 'Αραβία "Ερημος, μεθ'ήν 'Αραβία Ευδαίμων. εΤτα Περσίς και αδται μέν είσιν έπαρχίαι της 'Ασίας παράλιαι · αϊ δέ μεσίγειαι είσιν αδται * μετά την Φρυγίαν εστί Λυδία, έν f Φιλαδέλφια και αϊ Σάρδεις και Μαγνησία, εΐτα Φρυγία Σαλουταρία και Φρυγία Καπατιανή, έν fi το λεγόμενον Άκροτηριον. εΐτα Λυκαονία, έν f το Ίκόνιον και τα Λάρανδα. εΐτα 'Αρμενία Μικρά και Μεγάλη, εΐτα Μεσοποταμία, εΐτα Άσυρία (sic !), Μήδεια (sic !), Παρθία, f.77r || Γεδρωσία, Άραχωσία, Βαβυλωνία, Άρεία, Παροπανισάδαι, Καρμανία, Συρική, Σκυθία ή εντός Ίμάου δρους, Σκυθία ή έκτος Ίμάου δρους, 'Ινδική ή έκτος Γάγγου ποταμού και οι Σήναι · και αδται μέν είσιν αϊ έπαρχίαι 'Ασίας.

Της δΈύρώπης, αδται · ή Σαρματία ή έν Εύρώπτ), εΐτα ή Μαιώτις λίμνη, μετά ταϋτα ή Ταυρική Χειρόννησος, έν fi ό Καφάς και το Σύμβολον. εΐτα Δακεία. εΐτα Μυσία. εΐτα Θράκη, έν fj το Βυζάντιον. εΐτα Μακεδονία, έν fi ή Θεσσαλονίκη, εΐτα Βοιωτία, μετά ταύτα ή Πελοπόννησος, εΐτα ή 'Ακαρνανία και μετ'αύτήν ή "Ηπειρος, έν fi ή "Αρτα. μετ'αύτήν μέρος Μακεδονίας, έν f ό Αυλών, εΐτα ή 'Ιλυρίς (sic !), έν fj ή 'Επίδαυρος ήγουν το Δυρράχιον. εΐτα ή Δαλματία, èv fi ř) Έπίδαμνος, ήγουν το 'Ραούζιον, τα δέ περί αυτό δρη Κεραύνια λέγεται, εΐτα ή 'Ιταλία αρχομένη από του Νεσάκτου (ο καλείται Νέσακτον τέλος Ιταλίας), καταλήγουσα μέχρι Γένουας, εΐτα άρχεται ή 'Ιβηρία 77ν || ήτις μερίζεται εις επαρχίας τρεις* εις Ταρακονησίαν και Ναρβονησίαν και Λυγδουνησίαν, μετά ταύτα άρχονται αϊ Γαλίαι (sic !) * και εστί Γαλία Άκουιτανία και Γαλία Κελτική, εΐτα εστίν ή Δευτέρα Γερμανία πλησιάζουσα τώ 'Ρήνω και μετ'αύτήν ή Μεγάλη Γερμανία, εΐτα Γήπεδες ήτοι Οδγγροι.

Translation

The ancients divided the Earth into three parts : Asia, Libya and Europe. The border between Asia and Europe is the river Tanais, which flows from unknown Scythian regions. 1st sources are unknown.24 Asia

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and Libya have the Nile as their boundary, Libya and Europe the strait near Herculean pillars.

The provinces of Asia25 from northern regions26 are Sarmatia in Asia, then the Maeotic lake,27 after this, the Cymmerian Bosporos. Then Colchis and Iberia, [then] Pontos Polemoniakos, where Trebizond28 is. Then Cappadocian Pontos, where Aminsos29 is [situated]. Then Cappadocia, after it Galatia, where Sinope30 is [situated]. Then Paphlagonia,31 where Pontoheraklea32 and Amastris33 [are situated]. Then Bithynia, from which the strait of Constantinople begins. Then Hellespontos until Troia,34 then Great Phrygia, then Phrygia proper,35

where Ephesos36 [is situated], then Lykia,37 then Pamphylia, then38

Kilikia Tracheia, where Korykos39 is [situated], then Kilikia in which40

24. This is an allusion to Strabo : τάς αρχάς άδηλους έχων (Strab. XI.2.2). In another tradition preserved by Blemmydes, the source of Tanais is situated in Caucasus moun­tains, cf. NICEPHORI BLEMMIDI Geographia Synoptike, Geographi Graeci Minores, ed. . MÜLLER, Paris 1861, Π, ρ. 463.

25. SHANGIN (p. 253) translated this mistakenly as "Europe". 26. SHANGIN's translation "from Hyperborean countries" (p. 253) seems to be incorrect. 27. George the Monk also calls "Maeotis" a country (GEORGIUS MONACHUS, Chronicon,

ed. DE BOOR, Leipzig 1904, p. 56). 28. Shangin adds the word "city", which is absent in the original (SHANGIN, p. 253). 29. The city's name had two forms: 'Αμισός, Άμινσός. Though the latter was

regarded as vulgar (TOMASCHEK, Kleinasien, p. 79), it became very common in Late-Byzantine time. The description of this city is given by Andrew Lebadenos, who also described other cities surrounding Trebizond : Platanoi, Daphni, Kerasous and Kenchreae (O. LAMPSIDÈS, Συμβολαί εις τον βίον καΐ ζργα 'Ανδρέου του Λιβαδηνοΰ, Άρχειον Πόντου 29, 1968, ρ. 217), which are not mentioned in our treatise.

30. The author makes two mistakes in Late-Roman administrative nomenclature: 1. Cappadocia and Galatia are called coastal provinces, 2. Sinope is ascribed to Galatia whereas it belonged to Helenoponte (cf. E. HONIGMANN, Synekdémos d'Hiéroclès, Bruxelles 1939, 697.3 ; hereafter HONIGMANN, Synekdémos).

31. The standard form has -o- not -ω-, but the hyper-correction Παφλαγωνία is to be found in CONSTANTINUS PORPHYROGENITUS, De cerimoniis aulae byzantinae, ed. 1.1. REISKE, Bonn 1829 (hereafter De cerimoniis) and elsewhere.

32. In Early Byzantium Heraklea belonged not to Paphlagonia but to Bithynia (HONIGMANN, Synekdémos, 690.36; 695.4). The old name: 'Ηράκλεια του Πόντου (έν Πόντω, Ποντική) began to be superseded by Ποντοηράκλεια in Late-Byzantine times. The shift from the middle-12th to late-12th century is easily discernible in Notitia episco-patuum. The city was conquered by the Ottomans in 1360 (K. BELKE, Paphlagonien und Honorias, ΉΒ 9, Vienna 1996, p. 211) ; hereafter BELKE, Paphlagonien).

33. In Late-Byzantine times the city was usually called Samastris (DELATTE, Portulans, index, s. v.). In 1360 it became a Genoese possession (BELKE, Paphlagonien, p. 163).

34. Although Troia is mentioned as a town of Hellespontos in Early-Byzantine times (HONIGMANN, Synekdémos, 661.9), it is hardly likely that it still existed in the 14th century. The mention here is probably due to the popularity of Trojan legends.

35. Phrygia was initially divided into Prima and Secunda; from the 4th century, Secunda was renamed Salutaris, Prima Pacatiana. Salutaris was also sometimes called Minor, while Pacatiana, very rarely, Major. This terminology had disappeared already in the 8th century, but reappeared partially in Comnenian times (K. BELKE - N. MERSICH, Phrygien und Pisidien, ΉΒ 7, Vienna 1990, p. 49-50).

36. Ephesos in fact belonged to the province of Asia (HONIGMANN, Synekdémos, 658.1). The city, which in Middle-Byzantine times was also called Theologos (TOMASCHEK, Kleinasien, p. 32-34), was conquered by the Turks and renamed Ayasolyk. In 1365 this

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Tarsos,41 then Koele Syria,42 in which Laodikea and Tripolis,43 then Syria Phoenicia,44, where Bery tos, Tyros and Sidon45 [are situated], then Palestine Judea,46 in which Caesarea Philippi47 which is also48 Joppa,49

commonly Jaffa.50 Then Egypt until the first mouth of Nile, the so-called Pelousiote mouth.51 And this is what is known to us.52

otherwise insignificant place was retaken by the Byzantines and this is perhaps why it is mentioned in the treatise.

37. The author does not list the provinces of Caria and Pisidia. 38. The author does not Ust the province of Isauria. 39. Korykos lay in ruins until 1104 when it was rebuilt as the main port of Cilician

Armenia (TOMASCHEK, Kleinasien, p. 65) ; afterwards it belonged to the Kingdom of Cyprus (PITCHER, Historical Geography, p. 58).

40. From the word "Korykos" to the word "which" the text is left untranslated by Shangin (p. 253).

41. Both Korykos and Tarsos belonged to one and the same province of Kilikia Prima (HONIGMANN, Synekdémos, 704.2-5).

42. Such a name was not part of Late-Roman administrative nomenclature, but was used for the purpose of archaization, e.g. by Gregoras (NICEPHORUS GREGORAS Historia, ed. Bonn, I, p. 42, 107 ; III, p. 17, 240).

43. In reality, Laodikea belonged to Syria Prima, Tripolis to Phoenicia. 44. The name of the province was simply Phoenicia, but there was another province,

Phoenicia Libanensis, which also contained a city named Laodicea (HONIGMANN, Synekdémos, 715.3).

45. In Late-Byzantine times Tyros was called Souros and Sidon Sagitin (DELATTE, Portulans, p. 155).

46. The name Judea was not to be found in Late-Roman administrative nomenclature but was widely used by geographers.

47. The author means Caesarea Maritima, which lay on the sea-shore between Tyros and Joppa. Caesarea Philippi was a tiny village in the interior of Palestine, to the south­west of Mount Hermon. This quid pro quo was, probably, a deliberate trick of medieval "tourist guides" to mislead pilgrims. The same mistake is found in the Wanderings of the Russian pilgrim Daniel (1106-1108) and in John Phocas, cf. Jerusalem Pilgrimage, 1099-1185, ed. J. WILKINSON - Joyce HILL - W. F. RYAN, London 1988, p. 70.

48. The manuscript has the reading ή καΐ, but it would be strange if the author identi­fied two different cities which were far from each other and were well known to pilgrims. Kazhdan's conjecture καΐ ή would appear the best solution.

49. The variant with "ω" occurs very rarely and is variance with the Biblical form. It is probably to be explained by the author' tendency to hyper-correction.

50. Russian hegoumenos Daniel, who travelled to the Holy Land in 1106-1108 with a group of Byzantine pilgrims, writes : "The city Opia on the shore... is now called Yaf in the Frangian language" (Pravoslavný) Palestinski) Sborník 1, fase. 3, 1883, p. 87-88). It is obvious that the name Yaffa did not sound familiar to the Greeks at that time. A Genoese portulano of the 12th century also refers to the city as Jope (G. PISTARINO, Genovesi d'Oriente, Genoa 1990, p. 11). There was no consensus among the Byzantines on what the new name of Joppa was. Nicetas Choniates writes : "Joppa, which is now called Ake" ; one of the readers of manuscript F, which was copied at the beginning of the 14th century, notes on the margin : "I don't understand, my lord, what does your holyness write : one thing is Joppa, which is now called Yaffa (Γιάφα) and another thing is Ake, which is now called Ptolemais." Another reader noticed in the same margin : "I agree with you, venerable." The same scholion is written in the margin of the manuscript A, copied at the end of the 13th century : "I don't understand what you say : ... Joppa is Yaffa" (NICETAS CHONIATES, Historia, ed. J. A. VAN DIETEN, Berlin - New York 1975, p. 395.51 and crit. app.). This confusion shows that the name Yaffa was not universally accepted

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From the northern part of what is adjacent to the Red sea [the first] is Arabia Petraia, then Arabia Deserta, after it Arabia Felix, then Persis, and these are coastal provinces of Asia. And the interior provinces are the following: after Phrygia comes Lydia,53 in which are [situated] Philadelphia,54 Sardis55 and Magnesia,56 then Phrygia Salutarla and Phrygia Kapatiana57 where so-called Akxoterion58 [is situated], then Lycaonia where Ikonion59 and Larandes60 [are situated], then Armenias,

even in Chômâtes' times. Only later did it become common, cf. DELATTE, Portulans, p. 142 : Γιάφα.

51. Greek geographers always wrote that the Pelousiote mouth of Nile was the bound­ary between Asia and Libya (RE 37, col. 408-413). The standard form, e.g. in Eustathius of Thessaloniki, is Πελουσιακόν (Geographi Graeci Minores, ed. . MÜLLER, Paris 1861, II, p. 262). Our author uses the strange form Πελουσιωτικόν, which was never given to the mouth of the Nile and seems to be derived from the politonym Πελουσιώτης.

52. Cf. "Etol δέ αί γνωσθείσαι έπαρχίαι της γης αδται" (JOANNIS DAMASCENI Expositio fidei, 246).

53. In fact, Lydia was a coastal province ! 54. For Philadelphia, see the Introduction. 55. After a long period of decline Sardis regained its importance under the Lascarids,

in the first half of the 13th century (ODB, p. 1843). Sait, as the city was called by the Turks, was fought over by the emirates of Aydin and Sarukhan (PITCHER, Historical Geography, p. 31).

56. Magnesia acquired importance in the 12th century and almost became the capital of the Empire of Nicea under the Lascarids (ODB, p. 1268). After 1313 Manisa (as the city was called by the Turks) belonged to Sarukhan emirate (PITCHER, Historical Geography, p. 33).

57. SHANGIN, (p. 253) replaced the incorrect form "Capatiana" with the original "Pacatiana", but the corrupt reading Καπατιανη (by metathesis) is found in the sources (CONSTANTINO PORPHYROGENITO, De Thematibus, ed. A. PERTUSI, Vatican 1952 (Studi e Testi 160), Asia, 1 ; De cerimoniis, p. 793.5 ; Notitiae Episcopatuum, ed. J. DARROUZES, Paris 1981, index, s. v. (hereafter Notitiae Episcopatuum). The author of the treatise, who has already mentioned two provinces with the name of Phrygia (cf. supra, ann. 34), is not aware of die fact that the two Phrygiae enumerated here are identical witìi the two men­tioned above. This also proves the ficticious, ornamental character of the list.

58. SHANGIN, (p. 253) mistakenly translated το λεγόμενον Άκροτηριον as "the men­tioned promontory." Akroterion is in fact a toponym. In a manuscript of Arrian, a mar­ginal note from 1438 contains a list of place names amongst which are Magnesia, Sardis and Philadelphia — as in our treatise — and also Akroterion, the modern Eğridiz (E. HONIGMANN, L'origine des noms de Belikeşir, de Burduc et d'Eğridiz, p. 652, 655-656 ; cf. K. BELKE - N. MERSICH, Phrygien und Pisidien, TIB 7, Vienna 1990, p. 179). This town, completely unknown in Byzantine times, acquired importance after 1300 as the capital of the Khamid emirate. Emir Dunar-Bey renamed it Felekabad. In 1324 it was captured by the Mongols, in 1328 retaken by thé Turks. The emirate's influence spread widely, but it was crushed by the Ottomans in 1381-1386. Murad I took the city in 1390 (PITCHER, Historical Geography, p. 32). The word λεγόμενον used by the author of the treatise shows in all probability that the Greek name of the city sounded somewhat artificial. His ascribing Akroterion to the province of Phrygia is a mistake. If this city had existed in Late-Roman times, it would have belonged to the province of Pisidia, now completely forgotten by the author.

59. Ikonion, which flourished from the end of the 12th century (Sp. VRYONIS Jr., The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of Islamization from the Eleventh Through the Fifteenth Century, Berkeley 1971, p. 221) reached its zenith as the capital of the sultanate of Konya in the first half of the 13th century.

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ANONYMOUS GEOGRAPHICAL TREATISE 175

Minor and Major, then Mesopotamia,61 then Assyria,62 Media,63, Parthia, Gedrosia, Arachosia, Babylonia, Areia, Paropanisades,64 Karamania, Syrice, Scythia which is the side65 of Mount Imaos,66 Scythia which is beyond Mount Imaos, the Indian [land] which is beyond river Ganges, and China. And these are the provinces of Asia.

The European [provinces] are the following : Sarmatia in Europe, then Lake Maeotis, after this the Taurian Chersonese67 in which Caffa68 and Symbolon69 [are situated], then Dacia, then Mysia70 in which Byzantion71 [is situated], then Macedonia in which Thessaloniki [is situated], then Boeotia,72 then Péloponnèse,73 then Akarnania,74 after it

60. Larandes was an insignificant place until the middle of the 13th century, when it became the capital of the Karaman emirate (cf. CAHEN, Pre-Ottoman Turkey, p. 281-282, 304, 360). It reached the summit of its might in 1350-1360 (PITCHER, Historical Geography, p. 32).

61. From the Late-Roman point of view, the author omits the provinces of Euphratesia and Osroene.

62. The following list is of an archaic, semi-legendary character. The names are taken from Ptolemy. Similar lists can be found by Eustathius of Thessaloniki {Geographi Graeci Minores, ed. . MULLER, Paris 1861, II, p. 397-399), in the anonymous Late-Byzantine Geographia compendiaria {ibid. p. 499-500) and in JOANNIS DAMASCENI Expositio fidei, p. 24b. The traditional list of Oriental countries contained eight more names.

63. This name is missing in Kazhdan's edition. 64. SHANGIN (p. 253) suggested the emendation "Parapanisades", but such a form,

though grammatically correct, is not found anywhere. 65. SHANGIN (p. 253) mistakenly translates εντός as "beyond" and έκτος as "this side

of." 66. SHANGIN renders Ίμάος as "Himalayes", which would be correct, were the whole

enumeration not of such a mythical character. 67. SHANGIN (p. 253, 255) thinks that the author means the city of Chersonesos but the

following standard wording έν fi undisputedly proves that the Crimean peninsula is implied.

68. The city of Theodosia was renamed Caffa after the 4th century. The new name is used by Constantine Porphyrogenitus {Constantine Prophyrogenitus, De Administrando Imperio, ed. Gy. MORAVCSIK - R. J. H. JENKINS, Washington 1968, chap. 53, p. 170-172), but for him it was an insignificant τόπος. The city gained importance only when it fell under Genoese control. It became a fortified stronghold after 1352 (M. BALARD, La Romanie génoise (xiř - début du xV siècle), Paris-Rome 1978, vol. I, p. 209).

69. The harbour of Symbolon (modem Balaklava) was barely known in the Middle-Byzantine times : three manuscripts of Ptolemy's Geography, the oldest of which belongs to the 13th century, contain the marginal scholion near the name Συμβόλων λιμήν : "Now it is called Συμβολον in the vicinity of Chersoń" {Claudi Ptolemaei Geographia, ed. . MULLERUS, Paris 1883,1, p. 436, app. crit.). In 1356 the harbour was taken by the Genoese who the next year began to erect a stronghold there.

70. There were two Dacias and two Mysias in Late-Roman nomenclature. 71. The occasional character of this note shows that Constantinople was not of great

importance to the author. 72. The name Boeotia was not used in official terminology already in the time of

Diocletian, but it was still current in colloquial speech. In the Notitia Episcopatuum N13, written in the 12th century, this name is mentioned as a synonym of the archbishopric of Hellas {Notitiae Episcopatuum, p. 366.751). Nicephoros Gregoras in the 14th century also uses the word in an administrative sense {ODB, p. 300).

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176 SERGEY A. IVANOV

Epiros,75 in which Arta76 [is situated]. Then the part of Macedonia,77

where is Aulon,78 then Illyricum where is Epidauros79 or Dyrrachion, then Dalmaţia80 in which is Epidamnos or Ragusa.81 The mountains which encircle it are called Keraunia.82 Then [lies] Italy which begins from Nesacton83 (it is called Nesacton-end-of-Italy84) and stretches all the way to Genoa.85 Then begins Iberia, which is divided into three pro­vinces86: Taraconesia,87 Narbonesia and Lugdunesia.88 Beyond it the

73. The name was not part of Late-Roman political nomenclature. It reemerges in the 9th century as the name of a theme (N. OIKONOMIDÊS, Les listes de préséance byzantines des nčetif siècles, Paris 1972, p. 350-351). It is interesting to note that the author does not mention either Thessalia or Hellas.

74. The toponym was not used in Late-Roman times but becomes fashionable in Late-Byzantine period, by Cantacuzene and Chalkokondyle, cf. J. KODER - F. HILD, Hellas und Thessalia, TIB I, Vienna 1976, p. 39.

75. In the Late-Roman administrative system, this province was divided into the Old and the New Epirus.

76. Arta occurs for the first time in 1082. It became important as the capital of the Despotate of Epirus, in the 13th century (cf. KODER - HILD, Hellas und Thessalia, p. 1 Π­Ι 15).

77. Until 535 there were two provinces : Macedonia Prima and Macedonia Salutaris — neither of which reached the Adriatic sea. The author probably had in mind the diocese of Macedonia, which comprised the western half of the Balkans.

78. Aulon (Valona) in Late-Roman times belonged to Epirus Nova and not to Macedonia (HONIGMANN, Synekdémos, 653.7). This city became important after 1080 (ODB, p. 238).

79. The place-name Epidauros is an obvious mistake : the author (or scribe) wrote this name instead of the following, accurate toponym Epidamnos. Such confusion indicates that neither of these names meant anaything real. SHANGIN (p. 253) corrected the mistake in his translation, whereas KAZHDAN (p. 287) retained it.

80. This name was not used in an administrative sense in Late-Roman times. 81. This place-name does not occur until the 10th century (cf. Vizantijski izvori za

istoriju Narodov Jugoslavije, Belgrad 1959, II, p. 13.20). On the form of the word, cf. DELATTE, Portulans, index, s. v. Ραγούζι, Ραγουζία, Ραγούζεο.

82. This is one of the very few physical-geographical indications in the treatise. 83. KAZHDAN (p. 287) misprinted the name as Μέσακτον. Nesacton was a tiny point in

Istria, not far from modern Pola (M. FLUSS, Nesactium, RE 33, 1936, col. 65-68). 84. Nesacton finishes the list of Italian place-names in Ptolemy's Geography. This is

why, after the coordinates of this town, Ptolemy concludes : "End of Italy". The author decided that the words "end of Italy" were part of the town's name because he had one of the manuscripts (or a text derived from such a manuscript) where these words were inserted before the coordinates of Nesacton. Such a stemmatic family is well represented (O. CUNTZ, Die Geographie des Ptolemaeus. Text und Untersuchung, Berlin 1923, p. 87) and traceable to the 14th century, when our treatise was written. Cf. the Introduction.

85. It is surprising that the author failed to mention not only Naples or Amalfi, but also Rome and Venice. This fact should be considered in the context of his attention to Genoese factories, see the Introduction. The author was apparently a partisan of Genoa.

86. In the manuscript, under the word "Iberia" the word 'Ισπανία is written and stretched out with the same hand.

87. Normally this name was written with "ω". In Late-Roman times Spain was divided into five provinces, but our author fails to mention Betica, Lusitania, Carthago and Galicia. The only province in the treatise which in fact belonged to Roman Spain is Taraconesia. Its mention here could perhaps be explained by the Byzantine connexion with Catalonia, which lies in the ancient Taraconesia (cf. H. DITTEN, Beziehungen zwis-

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ANONYMOUS GEOGRAPHICAL TREATISE 177

Gauls begin : there exist Gaul Aquitania and Gaul Celtica. Then lies Second Germany,89 which is close to Rhine, and after it, Great Germany.90 After [them live] Gepids,91 or92 Hungarians.93

Sergey A. IVANOV

chen Spanien und dem byzantinischen Bereich im Mittelalter (6.-15. Jh.), Byzantinische Beiträge, ed. J. IRMSCHER, Berlin 1963, p. 272-286.

88. Both provinces lay in Gaul, not Spain. 89. There were two German provinces in Late-Roman times : Inferior and Superior,

but Germania Secunda is known only to Ptolemy and the tradition dependent on him, cf. CUNTZ, Geographic p. 59. -

90. Great Germany is also known exclusively from Ptolemy {ibid., p. 52). This is another proof of our author's acquaintance with the Geography, forgotten in Byzantium until 1295, see the Introduction.

91. The Gepids had disappeared in the 6th century, but this archaizing name was applied to Hungarians. It should be noted that all Greek sources using this convention, (Michael the Rhetor, Constantine Manasses, Eustathios of Thessaloniki, Nicetas Choniates (Gy. MORAVCSIK, Byzantinoturcica, Budapest 1943, II, p. 106), and the list of renamed places and tribes (A. DILLER, Lists of Geographical Names, BZ 63, 1970, p. 29-31, 33) date from the twelfth century.

92. SHANGIN, p. 253, mistakenly translates ήτοι as "after them." 93. "Hungarians" is the only ethnonym in the entire treatise, which otherwise describes

the world in terms of featureless and unpopulated "provinces." This scholastic trick with "provinces" allows the author to avoid the painful question of the limits of the Empire. The exception made for Hungarians is therefore very interesting. It is well known that Hungary in the middle of the 14th century, at the time of Louis the Great, played an important role in Byzantine foreign policy (Gy. MORAVCSIK, Vizantijskie imperatory i ikh posly v g. Bude ; IDEM, Studia Byzantina, Amsterdam 1967). The treatise gives us unique evidence that even in Anatolia a Greek literatus who pays no attention either to Bulgaria or to Serbia and who knowns nearly nothing about European geography singles out the Hungarians as the only people worth mentioning. Hungary appeared to the Byzantines as their last hope against the looming Ottoman threat.

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NOTE SUR LA VIE D'ETIENNE LE JEUNE ET SA CHRONOLOGIE INTERNE

Vincent DÉROCHE

Summary : There is, however, one problem with the recent commentary on the Life of Stephen the Younger: the examination of the internal chronology leads to the rejection of 715 as the year of the saint's birth and thus to the dating of the martyrdom in 765, before the conspiracy of Podopagouros. This latter, then, is not the focal point of what cannot be an anti-Studite text.

Après sa récente et méritoire réédition de la Vie d'Etienne le Jeune1

{BHG 1666, ci-après VE), M.-F. Auzépy en fournit le commentaire histo­rique au sens large2. Ce volume est dédié à juste titre à la mémoire de P. Lemerle, l'un des premiers à formuler nettement des doutes sur le tableau du premier iconoclasme que nous dressaient les sources icono-doules3. Nous y trouvons une synthèse sur la valeur historique à accorder à ce document, et donc par la force des choses une synthèse sur la valeur des sources sur le premier iconoclasme d'une part, et une synthèse sur le premier iconoclasme d'autre part : les documents d'époque sont en effet si rares qu'on peut parler de rescapés rari nantes in gurgite vasto, et sur­tout si partisans et donc si contradictoires que l'historien est sans cesse contraint de se demander quelle créance ils méritent. Devant ces pro­blèmes, au rebours de l'attitude de P. Speck qui les explique par une interpolation systématique des documents (ce qui revient à les détruire pour l'historien), M.-F. Auzépy a choisi d'en fournir une analyse litté­raire et idéologique détaillée, parti incontestablement plus fécond — au

1. La Vie d'Etienne le Jeune par Etienne le Diacre, Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs 3, Variorum, Aldershot 1997.

2. L'hagiographie et l'iconoclasme byzantin. Le cas de la Vie d'Etienne le Jeune, Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs 5, Variorum, Aldershot 1999 ; ci-après AUZÉPY 1999. C. Mango en a fourni un premier compte rendu éclairant, BZ 94, 2001, p. 280-282.

3. Le second père spirituel est clairement J. Gouillard, souvent cité, en particulier pour son étude des lettres attribuées à Grégoire II.

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180 VINCENT DÉROCHE

passage, son analyse des remplois démontre définitivement que la VE est d'une pièce, contrairement à l'hypothèse de P. Speck4. Ce livre constitue donc la clé de voûte d'un ensemble d'études préalables sur les sujets connexes (seize articles de M.-F. A. figurent dans la bibliographie, et étendent la perspective jusqu'à l'Orient chrétien et l'Occident franc), tout en faisant preuve d'un authentique bonheur d'écriture : le lecteur ne s'ennuie guère.

La fermeté des conclusions5 facilite leur résumé : les sources icono-doules en général (et surtout la VE en particulier) sont presque purement polémiques et ne donnent que très peu de renseignements sur le règne des empereurs isauriens ; en revanche, elles nous renseignent mieux sur l'époque de leur rédaction et sur l'idéologie qu'elles visent à promou­voir. La VE tranche sur les modèles hagiographiques connus en appli­quant le schéma d'une Passio à la victime d'un empereur chrétien ; son rapport naturel au Mont Auxence, lieu d'ascèse d'Etienne et site des commanditaires (les moniales Trikhinareai), est largement compensé par une localisation évidente à Constantinople, où se trouve le public visé, ce qui s'expliquerait par des instructions du patriarcat «récupérant» l'initia­tive des Trikhinareai pour avoir un martyr iconodoule constantinopoli-tain ; le schéma de la Passio est néanmoins subverti de deux manières (l'habit monastique subit un martyre propre ; Etienne piétine un nomisma, donc l'empereur, et renverse les rôles). Le récit des miracles est en revanche totalement emprunté à André de Crète (parlant de Patapios et de Thérapon !) et la sainteté se réduit donc à un stéréotype. La raison en est que la victoire iconodoule de 787 était fragile, et repré­sentait un bouleversement (obligation de vénérer les icônes) plutôt qu'une restauration ; fondé sur la tradition et non sur la théologie, l'argu­mentaire de Nicée II avait de plus le tort de plaider pour une tradition récente : la faiblesse même de cette position contraignait ses partisans à des contorsions verbales. Autre bouleversement: l'Église revendique une véritable autonomie face à l'empereur, et resserre les rangs en englo­bant explicitement les moines comme instance décisive, gardiens de l'or­thodoxie pendant la crise. L'empereur et sa fonction sont donc décriés, tandis que le patriarcat (à travers la figure de Germanos) est renforcé. Une déformation implicite de la chronologie permet à la VE de rattacher au concile de Hiéréia en 754 l'histoire de la mystérieuse crise de 765-767 (ou 764-769 si l'on considère la situation internationale) : la respon­sabilité réelle retomberait sur Etienne le Jeune et le complot de Podopagouros, qui auraient déclenché une «radicalisation de l'icono-clasme impérial.» Toute la VE viserait à gommer ce complot et ramener tout le règne de Constantin V à l'opposition iconoclasme-iconodoulie, en réécrivant l'histoire dans les termes de Nicée . Au passage, la VE

4. AUZÉPY 1999, p. 98-99, contre P. SPECK, Ich bin's nicht, Kaiser Konstantin ist es gewesen, Bonn 1990, passim.

5. AUZÉPY 1999, p. 301-311.

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NOTE SUR LA VIE D'ETIENNE LE JEUNE 181

révèle l'influence grandissante d'un milieu d'émigrés palestiniens à Constantinople, un pacte tacite entre moines et patriarcat qui semble se faire sur le dos des Stoudites (en plein conflit avec le patriarcat sur la crise moechienne). C'est ainsi que la période des Isauriens est devenue celle de l'iconoclasme, un chapitre de l'histoire de l'Église qui a littéra­lement supplanté celui de l'histoire de l'Empire, jusque chez les histo­riens modernes.

Le lecteur voudra bien nous pardonner la longueur de ce résumé, encore trop sommaire : il est indispensable pour bien situer les réserves qui nous semblent nécessaires devant ces thèses originales issues d'un énorme dépouillement de sources, grecques, orientales et occidentales (la bibliographie constitue un excellent instrument de travail). Dans son article de 19816, M.-F. A. reconnaissait une certaine valeur historique à la VE; dans un article pionnier, souvent cité par M.-F. Α., G. Huxley se contentait prudemment d'une conclusion négative (les données de la VE sont confuses et sujettes à caution)7. Dans le présent ouvrage, M.-F. A. tend à considérer la VE comme un phénomène presque purement idéolo­gique et littéraire, une production iconodoule du 9e s. sans grand rapport avec la réalité de ce qu'elle décrit au 8e s. — et pour le faire, est contrainte de reconstituer le travail de maquillage de l'histoire par Etienne le D., d'arriver à des conclusions positives à la fois sur l'auteur et sur l'histoire «réelle» du 8e s. Or, cette entreprise est ambitieuse parce que notre connaissance du 8e s. reste justement très faible : les lacunes des sources contraignent tout auteur à construire, à défaut de certitude directe, un faisceau d'hypothèses qui se corroborent mutuellement ; c'est ce caractère nécessairement hypothétique qu'il convient de rappeler au lecteur, parce que l'auteur ne peut sans cesse truffer son texte de «peut-être». Dans certains cas, cet enchaînement d'hypothèses me paraît aller un peu loin, ou du moins se présenter sous une forme trop affirmative : je crois qu'Etienne le J. était un manipulateur moins intelligent et moins systématique que ne le propose M.-F. Α., et donc que l'éventail des inter­prétations possibles de ses incohérences est si large qu'il est difficile de démontrer une affirmation8.

Partons du plus démontrable, là où ce livre accomplit le plus de pro­grès : l'étude littéraire du texte et des remplois. Le grand nombre des remplois démontre à l'envi qu'Etienne le D. ne savait pas grand chose de concret sur son héros, mais qu'il tenait à l'inscrire dans des traditions lit­téraires précises. Les remplois de Cyrille de Scythopolis me paraissent surtout littéraires, même s'ils participent d'une exaltation du mona-chisme, tandis que M.-F. A. démontre bien que le maillage serré d'ex­pressions des Actes de Nicée II revêt une fonction de canevas idéolo-

6. «Une lecture "iconoclaste" de la VE», TM 8, Mélanges Paul Leme rie, 1981, p. 415-436.

7. «On the Vita of St Stephen the Younger», GRBS 18, 1977, p. 97-108. 8. C. Mango est encore plus sceptique sur la valeur de la VE comme source historique

(op. cit., p. 282).

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182 VINCENT DÉROCHE

gique ; les remplois d'André de Crète (Patapios, Thérapon) montrent la familiarité d'Etienne le D. avec la production des dévots acharnés des saints au 7e siècle, un milieu sans doute lié à l'essor de l'iconodoulie, et un remploi d'une hymne alors toute récente d'Etienne le Sabaïte démontre les contacts avec la Palestine. La démonstration que l'enlève­ment de l'habit monastique de Georges «sénatorette» à l'Hippodrome suit exactement à l'envers l'office de la prise d'habit indique bien la haute valeur attachée à cet épisode de la VE, bien que la qualification de «martyre de l'habit» paraisse un peu trop appuyée : c'est plutôt le pas­sage d'un camp à l'autre, du moine au soldat avec un uniforme typique d'une autre militia — en fait celle du diable. En revanche, le recours incontestable au modèle de la Passio épique ne permet pas d'en tirer toutes les conséquences que propose M.-F. A. (p. 25-29), qui y voit une innovation révolutionnaire. Tout d'abord, un martyr face à un empereur chrétien n'est pas entièrement nouveau si l'on se rappelle d'une part les déboires de Maxime le Confesseur et Martin Ier face à des officiers impé­riaux, d'autre part et surtout les Passions des martyrs de Julien l'Apostat, affrontés à un empereur qui dirigeait l'Empire chrétien tout en ayant renoncé au christianisme, à peu près le cas de figure de Constantin V aux yeux d'Etienne le D. (on me pardonnera de citer le cas d'Artémios). De même, si le comportement d'Etienne le J. et de Constantin V paraît à première vue paradoxal — l'empereur voudrait se concilier Etienne, celui-ci surenchérit par des provocations —, ce n'est qu'un topos des Passions épiques où le saint défie et ridiculise le persécuteur, qui de son côté s'abaisse à lui proposer des concessions extravagantes s'il veut bien sacrifier une seule fois aux dieux : le triomphe moral du saint sur le per­sécuteur a lieu dès ce monde, eţ tous, même ses ennemis, reconnaissent sa supériorité écrasante9. Bref, Etienne le D. innove par rapport aux pas­sions précédentes, mais seulement d'un degré, et il le faitj>oussé par son sujet (comment éviter de traiter la confrontation entre Etienne le J. et Constantin V ?). Le «martyre» du nomisma et de l'image impériale qui y figure n'est de même qu'un topos adapté de la polémique anti-judaïque d'une part, des Passions épiques de l'autre où le martyr «démontre» l'er­reur du paganisme.

C'est surtout le grand problème de la chronologie qui me semble traité de façon trop affirmative p. 47-54 : comme la VE utilise une chronologie purement interne en années de vie du héros, avec très peu de références externes, on accordera volontiers qu'Etienne le D. peut se permettre tous les trucages en faveur de sa cause (le cas n'est pas isolé en hagiogra­phie). Le nœud gordien est de savoir si le martyre se place en 767 d'après la VE si l'on accepte la date de naissance d'Etienne en 715 (intronisation de Germanos) et les 52 années de vie que la VE lui donne,

9. Même topos dans la VE lorsque le patriarche Constantin, invité à débattre avec Etienne le J., déclare forfait : le commentaire p. 56 tombe à faux faute d'avoir reconnu ce point.

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NOTE SUR LA VIE D'ETIENNE LE JEUNE 183

ou en 765 d'après Théophane qui cite Γ indiction. Ce point a des consé­quences cruciales pour la rédaction : faite 42 ans après le martyre, elle pourrait être de 807 ou de 809, donc avant ou après le complot d'Arsaber et le défi stoudite au patriarcat10. Mais il a aussi des conséquences pour la véracité du récit: M.-F. A. suggère qu'Etienne le D. opérait sciem­ment sur deux chronologies, une vraie en dates absolues qu'il connaissait et masquait si nécessaire, une autre en dates relatives au seul Etienne le J. qu'il déformait à son gré ; l'enjeu majeur serait de placer le complot de Podopagouros de 766 avant le martyre d'Etienne, et donc d'exonérer Etienne de la responsabilité de la «crise» de 765-767 où Constantin V se lance dans une répression anti-monastique et anti-iconodoule que M.-F. A. attribue à la découverte du complot, lui-même issu des réseaux des amis d'Etienne le J. démasqués jusque dans les plus hauts postes de la cour impériale.

La préférence accordée ici à la chronologie de Théophane est de bonne méthode, mais la comparaison entre les chronologies interne et externe est compliquée par le flou (sans doute volontaire) de la chronolo­gie interne d'Etienne le D., au point que M.-F. A reconnaît elle-même (p. 52), fort honnêtement, qu'elle serait à la rigueur compatible avec un martyre en 765 si l'on part du synchronisme avec la bataille d'Anchialos en 763 (et pour cause, on le verra). Tout le problème est que la VE ne dit jamais qu'Etienne est mort en 767, pour la bonne raison qu'elle ne date pas en chronologie absolue (indiction ou année du monde) : ce sont les modernes qui, à la suite des Bollandistes, le lui font dire par déduction en partant de 715 (voir plus haut). Or la chronologie interne de la VE place explicitement le martyre d'Etienne avant le complot de Podopagouros : au chap. 66, la veille de sa mort, le saint reçoit la visite de deux frères hauts dignitaires envoyés par Constantin V, sympathisant avec lui, que l'empereur exécutera par la suite. L'identification que pro­pose M.-F. A. (à la suite de A. Lombard et G. Huxley) avec Podopagouros et son frère, seuls condamnés à mort en août 766 dans un complot composé de sympathisants d'Etienne11, s'impose; par consé­quent, soit Etienne le D. reconnaît implicitement dans la VE qu'Etienne le J. a été exécuté en novembre 765, soit sa chronologie interne essaie de nous faire croire non seulement qu'il a été exécuté en 767, mais encore que la répression du complot date de 768. La première hypothèse s'im­pose ; mais cela implique qu'un des repères chronologiques absolus de la VE qui nous conduisent à 767 est faux — et il suffit de se poser la ques­tion pour voir que 715 est le maillon faible du système, le synchronisme qu'Etienne le D. a voulu poser entre l'intronisation de Germanos, le patriarche défenseur des images, et la naissance du futur martyr des images (il renforçait ainsi sa présentation d'Etienne le J. comme saint

10. Or, M.-F. A. en tire dans La Vie..., p. 9 des conséquences importantes : rédigée en 809, la VE servirait d'apologie à un patriarcat fragilisé par ces deux événements.

11. La Vie..., n. 420.

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prédestiné avant même sa naissance, un topos familier pour le lecteur assidu de Cyrille de Scythopolis qu'il était). Cela expliquerait un autre anachronisme bien connu de la VE, la date de la déposition de l'image de la Chalcé sous Anastase et non sous Germanos, qu'il fallait dégager de toute responsabilité, comme l'ont bien vu C. Mango et G. Huxley12. Pour Théophane, Etienne le J. est mort en 765 après env. 60 ans d'érémitisme — d'après les données de la VE (prise d'habit à 16 ans), cela impliquerait env. 76 ans de vie, et une naissance vers 690 ! Ce scé­nario s'écarte tellement du reste de la VE qu'il est peu crédible; en revanche, si l'on retient env. 60 ans de vie (ce qui suppose quand même une erreur de Théophane !), Etienne serait né vers 705, plutôt un peu après. Si c'est bien le cas, on voit tout de suite comment Etienne le J. a trafiqué la chronologie au début — presque un siècle plus tard, peu de témoins risquaient de le contredire — plutôt qu'à la fin — dans une ville où beaucoup de gens connaissaient bien les circonstances du martyre d'Etienne, puisque, d'après la VE elle-même, beaucoup lui contestaient la qualité de martyr (ils avaient donc une information indépendante). Toute la fin de la vie d'Etienne, à partir de son arrestation en 763, était tombée dans le domaine public, et l'hagiographe ne pouvait se risquer à contredire ce qui était bien connu. Si l'on reprend le début de la VE, on se demande si Etienne a manipulé vraiment ou s'est simplement embrouillé par maladresse dans ses calculs (il serait en bonne compa­gnie, puisque ce sont les années où Théophane se trompe justement sou­vent d'un an au moins dans la corrélation entre année du monde et indic­tion). Mais une date de naissance en 705-710 rendrait crédible la chronologie interne d'au moins deux passages de la VE : la perturbation des études à six ans révolus lorsque Léon III prend le pouvoir (717), et surtout la réclusion à 42 ans avant le concile de Hiéréia en 754. Si Etienne le D. a enlevé sciemment 5 à 8 ans de vie à son héros, c'est peut-être après 754 — pour mieux raccourcir le délai entre le concile icono­claste et son martyre. Pourquoi alors Etienne le D. a-t-il maintenu 52 ans de vie après 715, en dépit de toute vraisemblance ? C'est soit par pure incompétence, soit par nécessité «idéologique» (au sens large) ; dans le second cas, la raison doit en être cherchée dans Théophane : si on se sou­venait d'Etienne le J. comme d'un martyr mort vers 60 ans, il était hors de question de le rajeunir jusqu'à 50 ans (à 51-52 ans au prétoire, il paraît déjà bien jeune pour faire figure de «didascale» de toute l'élite des moines que la VE place dans cette prison). Etienne le J. a donc dû lou­voyer entre la nécessité de placer la naissance en 715 et celle de ne pas raccourcir trop la vie de son héros : le résultat est peu convaincant, et le faible nombre des synchronismes entre la chronologie interne et les évé­nements extérieurs tient sans doute à la ferme volonté d'Etienne le D. d'empêcher le lecteur de contrôler şes affirmations. Quoi qu'il en soit, il est clair : 1) que la chronologie d'Etienne le D. pèche par ignorance ou

12. G. HUXLEY, op. cit., n. 5 p. 98.

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par mauvaise foi, voire par un subtil mélange des deux, 2) qu'il y a bien une chose qu'il ne cherche pas à masquer : la découverte du complot est postérieure au martyre. Donc, le but de la VE n'est pas d'exoné­rer Etienne le J. de toute responsabilité dans le complot: sinon, Etienne le D. aurait choisi la solution hagiographique normale, ne pas mentionner le complot du tout13. Accessoirement, la VE a été écrite en 80714 et a donc peu de chances d'être un document anti-stou-dite^ En revanche, la comparaison avec Théophane et Nicéphore prouve qu'Etienne le D. a bien placé le martyre au beau milieu de la persécution anti-monastique alors qu'il se situait au début de celle-ci— et tous les passages de la VE sur cette persécution sont particulièrement douteux.

D'où une autre question : le glissement qu'opère la VE de Hiéréia en 754 à la crise de 765-767 est-il justifié ? Tout d'abord, Etienne le D. n'est peut-être pas de si mauvaise foi qu'il y paraît : le temps de l'hagio­graphie n'est pas celui de l'histoire humaine, mais celui de l'histoire du salut, et du point de vue iconodoule la crise de 765-767 est bien la consé­quence directe du silention de 730 et du «pseudo-concile» de 754, mal­gré l'intervalle chronologique. Deuxièmement, est-ce qu'une nouvelle opposition à Constantin V est bien le facteur déclencheur de la crise ? L'explication du réel décalage chronologique entre Hiéréia et 765-767 tient sans doute en deux mots : Anchialos, 763. Dans l'histoire byzan­tine, les complots se rencontrent normalement quand l'empereur est dis­crédité ou perd la main : ce n'est pas vraiment le cas de Constantin V en 766. En revanche, il est tout à fait logique que Constantin V débarrassé de ses soucis militaires et fort de ses triomphes ait pu se consacrer davantage à la mise en œuvre intérieure d'une politique iconoclaste plus stricte, et soit déclencher une opposition plus violente, soit attaquer des groupes iconodoules qu'il tolérait jusqu'alors (voir p. 52) ; l'offensive diplomatique que lui attribue M.-F. A. (p. 306) à cette même époque va dans ce sens. On peut donc interpréter la «conspiration» de Podopagouros comme ce que le renseignement moderne appellerait un «réseau dormant», sans activité offensive réelle, mais constituant néan­moins une menace virtuelle. Bref, voir dans les initiatives de Constantin V une partie au moins du déclenchement de la crise, comme le font Nicéphore et Théophane, nos seules sources, se défend : on a du mal à croire qu'Etienne le J. ait réussi à bouleverser l'Empire à lui seul. Enfin, s'il est vrai que pour Constantin V ce conflit ressort du politique, pour ses opposants il ressort du religieux ; Maxime le Confesseur face aux envoyés de Constant ne s'exprimait pas autrement qu'Etienne le J.

Ce récit qui présente la mort d'Etienne comme une persécution impé­riale tend bien sûr à réhabiliter l'Église en général, le patriarche et les

13. À vrai dire, on pourrait se demander si la solution n'est pas que le complot n'en est pas un aux yeux d'Etienne le D., puisque, à en croire la VE, l'illégitimité est du côté de Constantin V ; mais la mention des gens qui refusent de voir un martyr en Etienne le J. contraint de supposer que l'auteur devait démontrer son propos.

14. Comme le proposait M.-F. A. en 1981, p. 415.

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moines en particulier ; mais discréditer a posteriori Constantin V n'im­plique pas nécessairement qu'Etienne le Diacre veut disqualifier le pou­voir impérial en général comme le suppose M.-F. A. (p. 80 ; voir aussi p. 237-238): quel besoin, une fois l'empereur revenu à l'orthodoxie? Taraise a certainement voulu abriter mieux l'Église des initiatives impé­riales en matière religieuse, mais son projet me semble moins systéma­tique que celui énoncé aux p. 207 et suivantes. Surtout, l'analyse de la faiblesse relative de la fonction impériale sous Irène face à Taraise (qui peut expliquer des aspects de Nicée ) ne me semble pas pertinente sous le règne de Nicéphore Ier face au patriarche Nicéphore, époque de la rédaction de la VE. Le fait que la VE ne s'intéresse pas au cenobitisme n'implique pas non plus nécessairement qu'elle contient un réquisitoire a silentio contre les Stoudites, au moment où la crise moechienne les oppose déjà au patriarcat: tout simplement, Etienne le J. était un ermite, le cenobitisme et la réforme stoudite commençante n'ont pas de place dans un récit sur un ermite des années 750-760. L'étude magistrale de E. von Dobschütz15 a bien montré l'importance de cette perspective dans l'hagiographie iconodoule d'après 843 (et la VE serait à coup sûr anti-stoudite si elle était rédigée alors), mais en 807 elle n'est pas encore au premier plan. L'analyse très erudite du fameux passage de la VE où Etienne le J. conseille des lieux d'exil aux moines (p. 272-284) me laisse perplexe. Tout d'abord, le texte, assurément, n'est pas clair, surtout dans son usage de la préposition apo : la VE veut-elle dire que l'iconodoulie était possible à Syllaion et Pergè (ce que M.-F. A. a raison de trouver absurde vers 765) ou dans les régions au-delà de Syllaion et Pergè, comme Chypre un peu plus bas ? Le seul point certain est qu'Etienne parle de lieux placés sous l'autorité nominale du dragon-Constantin V et non sous son autorité réelle (Chypre, Italie du Sud, etc.) et qu'il n'y a pas contradiction là-dessus dans l'essentiel de ses propos, même si sa géo­graphie est bien floue. Ensuite, s'il est vrai que nous n'avons pas de preuve complète de cet exil des moines, il est impossible pour autant de dire que la VE ment à ce sujet, pour la bonne raison que nos renseigne­ments sont si maigres que des phénomènes importants ont pu nous échapper : l'argument a silentio est exclu, et on ne peut dire que la VE «invente» un fait que nous ne pouvons cerner. Au passage, notons que le conseil de la fuite au lieu du martyre a une base évangélique invoquée par Jean l'Aumônier fuyant l'invasion perse et Sévère d'Antioche fuyant les chalcédoniens : la VE n'est pas complètement atypique. En tout cas, ce passage, mis en doute à juste titre par G. Huxley, ne peut s'expliquer par le seul désir de justifier la présence de moines palestiniens icono-doules à Constantinople vers 807-809 : on retiendra plutôt l'idée (main­tenant usuelle) qu'Etienne le D. voulait simplement grossir le nombre des martyrs de Constantin V.

15. Methodios und die Studiten. Strömungen und Gegenströmungen, BZ 18, 1909, p. 41-105.

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L'analyse de Nicée II et de la version hagiographique qu'en donne la VE durcit également un peu trop les oppositions. M.-F. A. démontre à juste titre que la langue de la VE concrétise une logique d'invective et d'exclusion par amalgame, qui pousse les iconoclastes hors de l'Église et du christianisme: certes, mais les iconodoules avaient-ils le choix? Chronologiquement, c'est Hiéréia qui a posé la première exclusion en assimilant tout culte des icônes à du paganisme, inspiré par le diable, et en rejetant les iconodoules hors de l'Église : pour justifier de leur qualité de vrais chrétiens, les iconodoules étaient obligés d'exclure ceux qui les avaient exclus. Ensuite, déduire de l'Horos de Hiéréia que Constantin V n'était pas hostile au culte des saints (p. 251-252) reste risqué : les posi­tions de Constantin V ont pu se durcir de 754 à 765, et surtout depuis Ostrogorski il est classique de considérer que l'Horos est en retrait sur les Peuseis de Constantin V, et que les évêques de Hiéréia cherchent à freiner des excès iconoclastes ; on ne peut donc poser une équation simple entre l'Horos et les convictions de l'empereur16.

Dans l'énorme appareil des sources, certaines donnent lieu à des conclusions un peu forcées. Le canon 63 du concile in Trullo n'interdit pas des parodies comiques de Passions de martyrs (p. 259), mais des textes si excessifs dans leur panégyrique qu'ils risquent de conduire le public à l'incrédulité: on ne peut y voir des parodies intentionnelles comme il y en a peut-être eu sous Ficonoclasme {Vie de Léon de Catane Ђ- Les développements sur la possibilité d'attribuer à Grégoire les lettres dites «de Grégoire » (p. 263-267) souffrent de s'appuyer sur l'hypothèse Alexakis sur le Paris, gr. 1115, qui semble définitivement réfutée par E. Lamberz17 : du coup, l'origine romaine de ces dossiers est moins assurée (la n. 51 p. 265 souffre également de n'avoir pas reconnu la citation célèbre de la lettre de Gélase à Anastase : c'est un topos peu discriminant). Dire que la VE exagère en posant Germanos en champion de l'orthodoxie est justement une exagération (p. 291) : s'il n'avait pas été un «orthodoxe militant» au moins jusqu'à un certain point, il aurait exécuté la politique impériale et n'aurait pas démissionné, et surtout les évêques de Hiéréia, qui en savaient plus long que nous, ne l'auraient pas anathematise; la VE exagère simplement d'un degré en présentant Germanos comme un opposant de la première heure, alors qu'il semble avoir réagi graduellement et diplomatiquement à un durcissement progressif de la politique de Léon . Enfin, les indi­

lo. On retrouve un certain gauchissement «pro-iconoclaste» des documents dans deux cas : la réforme iconoclaste de Léon III est campée sur un arrière-fond curieux, où le culte des icônes apparaîtrait seulement «depuis la fin du vif siècle» (p. 233), alors que les pre­mières mentions certaines de vénération et d'acheiropoiètes remontent au moins à la seconde moitié du 6s s. ; je ne vois pas non plus la différence entre la «figure nouvelle du Pantokrator ... sous les traits d'un moine barbu» (p. 310) et le type iconographique le plus traditionnel du Christ.

17. Handschriften und Bibliotheken im Spiegel der Akten des VII. ökumenischen Konzils (787), dans : G. PRATO, éd., / manoscritti greci tra riflessione e dibattito, Florence 2000, p. 47-63.

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cations sur les milieux liés à Etienne le J. et à Nicée II sont intéressantes (p. 144, p. 205-206), mais, de par la nature de nos sources, trop parcel­laires pour risquer plus que des hypothèses (nous connaissons trop peu de cas aux monastères de Chôra et de Ta Kallistratou pour nous assurer de leur tendance générale).

Comme on le voit, la réticence porte non tant sur les affirmations tirées des sources que sur le degré de certitude et de netteté à leur accor­der, et sur les nuances de la constraction qui en découle. Il est avéré que les sources iconodoules minorent les événements politiques et majorent le rôle des icônes et des querelles religieuses au 8e s., et il est bon de le rappeler ; mais on risque ce faisant de minorer à l'inverse le facteur reli­gieux et de présenter le politique comme seul déterminant : seules les convictions religieuses d'individus comme Constantin V peuvent expli­quer certains phénomènes. Mais on ne vise ici qu'à ouvrir le débat que ne manquera pas de susciter l'abondance des hypothèses nouvelles pro­posées par ce livre véritablement novateur: ses lecteurs se rendront compte aisément que la VE n'apporte pas de réponses sûres aux ques­tions légitimes des historiens sur le premier iconoclasme, mais bien plu­tôt des questions pressantes qui ne peuvent trouver de réponse que dans le cadre d'une interprétation globale de Γ iconoclasme,/ avec sa part inévitable d'hypothèses. L'illusion du document direct et premier est dis­sipée !

Vincent DÉROCHE CNRS - UMR 7572

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HERACLIUS IN 625

Constantine ZUCKERMAN

Résumé: L'itinéraire d'Héraclius et la chronologie de ses batailles durant deux années clef de la campagne perse, 625-626, subissent ici une révision, le témoignage de Théophane étant revu à la lumière de celui de Pseudo-Sébéos. Une année de campagne, placée par Théophane sub cum. 6115, se réduit désormais à deux mois* d'hostilités durant l'hiver 625, et les événements décrits sub a.m. 6116 se placent dans les mois qui suivent. Cette analyse tenant compte tant des réalités du terrain que des données des sources éli­mine les contradictions du récit de Théophane qui ont jusqu'ici défié les commentateurs.

Theophanes, our main source for the last phase of Heraclius' epic struggle against the Shah Khusro II, is notoriously weak on chronology. His chronological errors often stem from the necessity to "cut and paste" his data, derived from a variety of sources, into yearly entries arranged by anni mundi. An error of this kind is at the origin of a confused sequence of events at a crucial stage of Heraclius' Persian campaign.

The events described by Theophanes in the entries for the a.m. 6114-6118 = a.d. 621/2-625/6 actually took place between 624 and 628. This chronological framework, defined by Heraclius' departure from Constantinople on 25 March 624 and Khusro II's death on 29 February 628, has been established by Ernst Gerland and later defended by Andreas Stratos and by James Howard-Johnston.1 Despite an occasional dissent, it does not need to be argued here anew.2 The distribution of the material between the yearly entries is problematic, however. Cyril Mango summarizes part of the problem in a note to the entry for cum. 6116=623/4 which he believes to describe the events of 626:

1. E. GERLAND, Die persischen Feldzüge des Kaisers Herakleios, BZ 3, 1894, p. 330-373, on p. 332-337 ; A. N. STRATOS, Byzantium in the Seventh Century, 1: 602-634, Amsterdam 1968, p. 151-153, 363-365 ; J. HOWARD-JOHNSTON, Heraclius' Persian Campaigns and the Revival of the East Roman Empire, 622-630, War in History 6, 1999, p. 1-44, seep. 16.

2. See, recently, P. SPECK, Épiphania et Martine sur les monnaies d'Héraclius, Revue numismatique 152, 1997, p. 457-465, on p. 459-461, and ZUCKERMAN, AU sujet de la petite augusta sur les monnaies d'Héraclius, ibid., p. 473-478, on p. 476-477.

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"Theophanes started the offensive against Persia one year too early [in 623] and so had extra time to fill".3 Similar problems beset the previous entry for a.m. 6115=622/3, i.e. 625. They make Stratos affirm that "it is extremely difficult either to place or time the operations which took place in 625", the evidence "leaving many blanks, which we cannot sup­plement with the present state of the sources."4

The problems of the two successive entries are related and, as we argue in this study, find a common solution. The military activity that the entries describe does not spread over two years, as stated by Theophanes and the commentators who follow him, but over four or five months. Theophanes did not understand that most of the fighting took place dur­ing the winter, early in 625, and so he allocated to it a regular campaign season, starting in the spring and ending in a winter pause (a.m. 6115). Consequently, he moved the events of the spring 625 to the next yearly entry (a.m. 6116).

Theophanes' editorial error can be demonstrated on two levels. The Armenian chronicle of Pseudo-Sebeos describes the same events in more detail and in the right order, while stating explicitly that the fighting went on through the winter. We will present this data graphically, with help of a map, in order to show its coherence. But it can also be shown that Theophanes' entry for cum. 6115 is all but coherent and contains a clear indication that the hostilities took place in winter, despite the initial statement that they only started in spring. Retaining the version of Pseudo-Sebeos removes a major hurdle in reconstructing the Heraclian chronology. The value of our source material for the years 624-626 is thus vindicated, as it allows us to follow Heraclius' movements continu­ously almost month by month.

* * *

In the summer and the fall of 624, the emperor Heraclius profited from a massive engagement of the Persian army in Asia Minor in order to carry out a daring raid in the Persian rear, wreaking havoc in Media and threatening from afar the capital, Ctesiphon. According to Pseudo-Sebeos,5 Khusro Π then urgently recalled the general Shahr Varaz from Asia Minor. Once Heraclius learned of the arrival of the Persian army to Nisibis, he stopped his offensive and retreated with booty and captives to Caucasian Albania (Ałuank'). A seventh-century source, the Eulogy of

3. C. MANGO and R. SCOTT, The Chronicle of Theophanes Confessor. Byzantine and Near Eastern History AD 284-813, Oxford 1997, p. 446.

4. STRATOS (cited n. 1), p. 159. 5. All quotations from Pseudo-Sebeos in this paper are from The Armenian History

attributed to Sebeos, translated by R. W. THOMSON with a historical commentary by J. HOWARD-JOHNSTON, Liverpool 1999, p. 81-83 (= p.. 125-126 of G. V. Abgaryan's critical edition, Erevan 1979).

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the Albanian prince Juanšer (670), used by the late-tenth-century Albanian historian Movsës Dasxuranc'i, provides the important indica­tion that Heraclius first set his winter camp in the village of Kałankatuk' and then moved it to the village of Diwtakan.6 According to Pseudo-Sebeos, Khusro Π "was informed that Heraclius (...) was intending to pass into Iberia via Ałuank'".

Our map shows that Heraclius was indeed well positioned, in Kałankatuk', for an eventual retreat, through the valley of the Kur, to Iberia where he had allies. But Pseudo-Sebeos further claims that Shahr Varaz wasted no time: "He rapidly came to Ayrarat, crossed into Gardman to oppose <Heraclius>, and camped opposite him at the other Tigranakert. S nahen with 30,000 troops arrived and camped behind Heraclius in the town of Tigranakert. So the latter were camped on this side, and the former on that side; and the camp of Heraclius was between the two." The commonly proposed localization of Tigranakert south of Partaw and of the "other Tigranakert" north of Gardman, as indicated on our map, shows how dangerous Heraclius' position sud­denly became.7 Exposed to a pincer movement of the two Persian armies, he could no longer retreat to Iberia for fear of being attacked by Shahr Varaz from the flank.

Pseudo-Sebeos errs in indicating that the second Persian army was commanded by Shahën. The source of Movsës Dasxuranc'i identifies the commander of the "New Army" that besieged Heraclius in Albania as Shahraplakan. The same name, Sarablangas, is given by Theophanes to the general who was expected to attack Heraclius in Albania in conjunc­tion with Shahr Varaz. Theophanes reports, moreover, that Shahên brought another, third army from Persia at a later stage in the campaign, and this explains the error of Pseudo-Sebeos (who ignores Shahraplakan entirely).8 This omission notwithstanding, Pseudo-Sebeos provides a very coherent view of the further events.

Surrounded by the Persian troops from east and west, precluded from advancing to the north as it was his intention, Heraclius surprised the Persians again. According to Pseudo-Sebeos, "he turned against the army in his rear (that of Shahën). He struck promptly with force, and routed them. He marched through Tsłukk', and escaped through the

6. MOVSÊS DASXURANÇI, The History of the Caucasian Albanians, II, 10, tr. C.J.F. Dowsett, Oxford 1961, p. 80-81 (= p. 132-133 of the critical edition by V. Arak'elyan : MOVSES KALANKATUAC'I, Patmut'iwn Aiuanic' ašharhi, Erevan 1983). On Movsës' sev­enth-century sources, see C. ZUCKERMAN, Byzantium and the Khazars - The First Encounter, to appear in the Proceedings of the International Colloquium on the Khazars, Jerusalem 2002 (Russian translation : Hazarija i Vizantija : pervye kontakty, Materiály po arheologii, istorii i etnografii Tavrii 8, Simferopol 2001, p. 312-333).

7. For this admittedly hypothetical localization, see most recently R. H. HEWSEN, Armenia : A Historical Atlas, Chicago 2001, map 52.

8. All quotations from Theophanes are in Mango's translation (supra, n. 3), p. 438-447 (=p. 306-314 of the critical edition of C. De Boor: THEOPHANES, Chronographie, I, Leipzig 1883).

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mountainous terrain to the plain of Nakhchawan in the winter time". The indication that all this maneuvering and fighting took place in the winter is essential. As to the direction of Heraclius' escape — through Cłukk' which is a district of Siwnik'-Siunia — it is confirmed by the source of Movsës Dasxuranc'i which indicates that the Persian armies chased Heraclius through the country of Siwnik'.

Theophanes claims that Heraclius only set out from Albania at the beginning of spring. He admits that Heraclius was threatened at the time by two Persian armies, of Shahr Varaz and of Sarablangas (Shahraplakan), yet presents his move as the beginning of a new attack against Persia. Thus it is clear that Heraclius moved south and that the situation described, with less geographical details, by Theophanes is the same as in Pseudo-Sebeos.

Heraclius' march south started, according to Theophanes, by a "lengthy detour" through "level plains that provided an abundance of food". This description must refer to the road along the valley of the Trtu and the southern edge of the Lake Sevan (Gełakuni), which then turns south to Šalat and Naxčawan. By way of contrast, Shahraplakan pushed ahead through difficult country in order to overtake Heraclius, and the troops of Shahr Varaz were doing the same. The Persian generals, left behind by Heraclius' daring move, had to prevent his escape at all price and, most importantly, stop him from invading Persia again. This fear, as well as Heraclius' superior tactical skill, explain why Shahraplakan accepted battle on a difficult ground and was utterly defeated. Shahën, who arrived with a fresh army from Persia just after this defeat, con­fronted Heraclius in his turn and suffered bad losses. He could then join forces with the troops of Shahr Varaz that were pursuing Heraclius, while the latter "pushed on to the land of the Huns". Obviously, Heraclius was still moving south and, therefore, his Laz and Abasgian allies, who objected from the start to a new raid against Persia, aban­doned him at that point (taking no doubt the northwestern route along the Araxes, see the map). After the allies had left, Heraclius managed to break away from the Persians, who were pursuing him the whole time ; then "the emperor crossed over and went by the regions of Persarmenia."

Theophanes' description of Heraclius' flight joins at this point that of Pseudo-Sebeos. The latter indicates that Heraclius, pursued by "Shahr Varaz with his army and Shahën with his survivors (...), crossed the ford of the Araxes river at the town of Vrnjunik'." Thus he could detach him­self from the Persians and reach the country of Bagrewand (Theophanes' Persarmenia). That Theophanes and Pseudo-Sebeos describe one and the same itinerary has been observed by Hakop Manandjan who pertinently corrected Theophanes' "land of the Huns" (Ουννων χώραν) in the "land of Siwnik'" (Σύννων χώραν), actually traversed by Heraclius after he had left Albania and before he crossed the Araxes near Naxčawan.9 None of

9. Ja. A. MANANDJAN, Maršruty persidskih pohodov imperatora Iraklija, W 3, 1950, p. 133-153, on p. 141.

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the scholars who maintain the reading "Huns" can localize their land in a way compatible with Heraclius' attested itinerary.10

After having mentioned the "crossing" and Heraclius' passage to Persarmenia, Theophanes provides a most unexpected detail. It turns out that it is already winter (χειμωνος δέ γεγονότος) and that the Armenian soldiers of Shahr Varaz are "dispersed in their own lands so as to take rest in their houses". Therefore, Heraclius decides to attack Shahr Varaz in his winter camp, captures it together with the general's wives and trea­sures, and destroys many Persian soldiers. The next annual entry, cum. 6116=623/4, starts with Heraclius' deliberation on March 1st, at the place of his victory, as.to the road to take. This description is patently disturbed. Theophanes situates Heraclius' departure from Albania in the spring and makes it clear that until the emperor crossed into Persarmenia, he was hotly pursued by the Persian troops. This close pur­suit could not last long. In fact, the Laz and the Abasgian allies, who decide to leave Heraclius at the start of his march, actually desert him when the pursuit is nearly over. Thus, in Theophanes' own logic, Heraclius' should have reached Persarmenia by the late spring. And yet the next scene takes place in the middle of the winter. Hence Stratos' complaint of the evidence "leaving many blanks" (supra), the blank cor­responding to the major part of the year 625.

There are good reasons to reject Theophanes' construction. The town of Arčěš — where, according to Pseudo-Sebeos, Shahr Varaz had set his winter camp that was captured by Heraclius — is localized on the north­eastern shore of the Lake Van. Coherent geographical indications pro­vided by Pseudo-Sebeos map Heraclius' itinerary from the crossing of the Araxes south of Naxčawan to the Lake Van. Arčěš is only 300 km to the west, as the crow flies, from Heraclius' camp in Diwtakan, an unlikely short net distance for Heraclius to cover in a year of continuous maneuvering. It is even less probable that two entirely independent sources, Theophanes and Pseudo-Sebeos, would have a "blank" in the very same portion of Heraclius' itinerary. Both bring Heraclius from Albania to the crossing of the Araxes (although the river is not named in Theophanes), both sent him then to Persarmenia to confront Shahr Varaz. While Theophanes does not add a single valid geographical indication to the itinerary of Pseudo-Sebeos, his chronology leaves Heraclius with so much time on his hands that Howard-Johnston sends Heraclius north,

10. I. S. ČIČUROV, O kavkazskom pohode imperatora Iraklija, in Vostočnaja Evropa v drevnosti i srednevekov'e, Moscow 1978, p. 261-266, dissociates the descriptions of Theophanes and of Pseudo-Sebeos (relating them to distinct episodes of Heraclius' cam­paign) and identifies the land of Huns as the country of the Western Turks in the Northern Caucasus; S. G. KUASTORNYJ, "Narod Asparuha", gunny Kavkaza i drevnetjurkskij Olimp, in Drevnejšie gosudarstva Vostočnoj Evropy 1998, Moscow 2000, p. 120-125, localizes the Huns in Daghestan. Both localizations leave open the question how could Heraclius force his way back to Transcaucasia after having moved his army to the Northern Caucasus.

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194 CONSTANTINE ZUCKERMAN

suggesting that he "crossed some ragged country to come within striking distance of the Black Sea coastlands, <then> marched south across Siunia to the middle Araxes valley (past Naxčawan once again)," etc.11

However, Heraclius' itinerary in Pseudo-Sebeos is coherent and clear, and there is nothing in Theophanes to make us modify it. What is more, a year of maneuvering and fighting in Persarmenia by two major armies would have left the country destroyed, a fact that Pseudo-Sebeos would be unlikely to omit.

Our map shows Heraclius' itinerary from Kałankatuk' and Diwtakan to Arčeš according to the geographical indications of Pseudo-Sebeos (and of Theophanes when available); it follows the layout of the Armenian roads as reconstructed by S. T. Eremyan.12 The whole itiner­ary extends over about 600 km and suggests a rather tight schedule. After his speedy retreat from Persia, Heraclius must have reached Albania by the late November. But his winter rest was short since the Persians did not rest either. He was soon surrounded by a detachment of Shahr Varaz's troops — the Persian general could hardly bring to the mountains of Albania his whole army — and by Shahraplakan's soldiers. It would have been utterly implausible to expect the Persian generals — as modern scholars do — to stay and wait, only a few miles from their pray, through the rude winter months, despite their superiority in num­bers. Therefore, Heraclius had to find an escape very soon, no later than the end of December. And that he brilliantly did, presenting his flight as a new attack on Persia despite the fact that it started by a "long detour". The attempts of the Persian generals to stop him in the mountains of Siwnik' brought upon them heavy losses and Heraclius would have probably continued south, if he had not been abandoned by his Caucasian allies. Weakened by their desertion» he did not dare to take the remaining troops farther south, deep into the enemy territory, and changed the direction abruptly. His rapid march north-east, to Bagrewand, must have convinced Shahr Varaz that Heraclius seeks to escape to his own land, but Heraclius' sharp turnaround proved him wrong. The attack on Arčeš, which caught the Persians off their guard, took place late in February 625.

The events from the March 1st on are rather coherently described by Theophanes (a. m. 6116). Heraclius marches west, confronts Shahr Varaz in several battles and inflicts more losses on the Persians, which provoke their retreat. Later Heraclius takes his winter quarters in the region of Sebasteia. The version of Pseudo-Sebeos is shorter but in no way contra­dictory. After the destruction of his camp, Shahr Varaz continued to harass Heraclius for a while, "but because his army was weary, he

11. HOWARD-JOHNSTON (cited n. 1), p. 18. 12. We use a map by S. T. EREMJAN, Armenija i sopredel'nye strany v 701-862 gg.

inserted in IOVANNES DRASHANAKERTCI, Istorija Armenii, trans. M. . Darbinjan-Melikjan, Erevan 1986. His reconstruction of the ancient roads differs slightly from the one pro­posed by MANANDJAN (cited n. 9).

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HERACLIUS IN 625 195

decided to interpose [between them] many provinces so that his army could rest and reequip".

Scholars who accept Theophanes' scheme of the campaign seasons face an inextricable chronological problem. Those who date, correctly, the beginning of the campaign (a.m. 6114) in 624 are then obliged to place the events described sub a. m. 6116 in 626, which is the year of the Avar siege of Constantinople. But there is no way to fit all the events presented sub a. m. 6116 before the siege that took place in the summer and that is duly described by Theophanes in the next yearly entry (a. m. 6117). Hence the claim that Theophanes creates, in these entries, "such contradictions as at times to be incomprehensible" (Stratos) and that "frightful muddles ensue when Theophanes reaches the year 626" (Howard-Johnston). The historical reconstruction based on this assump­tion radically revises Theophanes' narrative : it involves eliminating the summer, the fall and the winter that separate Heraclius' victories over Shahr Varaz from the siege of Constantinople and compacting the latter events in one year, 626.13 This reconstruction has the drawback of destroying a coherent narrative which describes the separation of forces after Heraclius' victories, the emperor's winter quarters in Sebasteia, the raising of a new Persian army and the new invasion by Shahën, etc. This radical amputation is not supported by any parallel source. Placing the beginning of the campaign in 623 as argued by Norman H. Baynes,14

allows to recover the missing year but ultimately creates even worse contradictions.

Our solution, as argued above, has the support of Pseudo-Sebeos and removes an inner contradiction in Theophanes' narrative. It basically consists in eliminating the winter pauses which open and close the entry for a. m. 6115. Thus the events described in this entry pull together the previous and the following entry and take not a year but merely two months, January-February 625.15 The entry for a. m. 6116 describes the rest of the fighting in 625 that ends in the late spring or the early summer by a voluntary separation of forces, both sides being exhausted by cam­paigning through the winter.

Heraclius clearly profited from the long pause in fighting for raising and training more troops: according to Theophanes {a. m. 6117), he could divide his people — early in 626 — in three functional armies. At this point, there is again a major confusion in Theophanes. He claims that Heraclius moved to Lazica with the army that he commanded in per-

13. STRATOS (cited n. 1), p. 165 ; HOWARD-JOHNSTON (cited n. 1), p. 11. 14. N. H. BAYNES, The date of the Avar surprise, BZ 21, 1912, p. 110-128, see p. 115,

cf. P. SPECK, Das geteilte Dossier (POIKILA ΒΥΖΑΝΤΙΝΑ 9), Bonn 1988, p. 129-131 15. A very similar mistake — separating consecutive events by a winter pause —

occurs in Theophanes' narrative of Heraclius' campaign of 622, the source of which, George of Pisidia's Expeditio Persica, is fortunately preserved, see J. HOWARD-JOHNSTON, The Official History of Heraclius' Persian Campaigns, in E. DĄBROWA ed., The Roman and Byzantine Army in the East, Cracovie 1994, p. 57-87, on p. 60, n. 7.

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son and joined forces with his allies the Turks. Such move was, in fact, foreseen in 626. The Turks invaded Persia in anticipation of Heraclius' arrival, but the massive Persian invasion and the threat to Constantinople prevented the emperor from joining them, and the Turks withdrew. The allies could only meet and attack Persia together in 627. Such chronolog­ical mix-ups are common in Theophanes. In a study that discusses this episode in detail, we show how Theophanes also displaces the Turks' subsequent departure from Heraclius' camp from March 628 to October 627, thus distorting the picture of the last assault on Persia.16

The revised chronology of the years 625-626 sheds a new light on Heraclius' military genius. The traditional chronological scheme imposed a somewhat surrealistic view of Heraclius fleeing like a rabbit from the troops of Shahr Varaz during the entire year 625. No wonder that Stratos affirmed, quoting Kulakovskij, that "the results <of this stage of the Persian campaign> were meager" and that "Heraclios' successes were far less than they seem in the telling of Theophanes".17 Our analy­sis is rather different. Heraclius' victories over Shahraplakan, Shahën and Shahr Varaz, achieved in a quick succession, wore down the Persian troops, established Heraclius in the control of the major part of Asia Minor and granted him a welcome reprieve from fighting which he promptly used for strengthening his forces (thus being able to detach a part of them for the defense of Constantinople in 626). He also used this time to negotiate with the Turks the joint invasion of Persia that eventu­ally brought it to its knees.

Constantine ZUCKERMAN College de France - UMR 7572

16. ZUCKERMAN (cited n. 6). The number and the nature of chronological errors in Theophanes show the trouble he had in extracting this information from his sources and make it unlikely that he had at his disposal a neatly arranged "official history" of Heraclius' campaigns, as argued by HOWARD-JOHNSTON (cited n. 15).

17. STRATOS (cited n. 1), p. 164.

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ANASTASIAN QUESTIONS AND ANSWERS AMONG THE SINAI NEW FINDS

Joseph A. MUNrnZ

Résumé: En suivant les indications fournies dans l'inventaire sommaire des nouvelles découvertes sinaïtiques du Dr P. G. Nikolopoulos, l'auteur s'est rendu au monastère du Sinaï pour examiner les manuscrits susceptibles de contenir les Questions et réponses d'Anastase le Sinaïte. Dans les trois manuscrits on trouve, en fait, quelques questions d'Éphrem, l'homélie «/h Sextum Psalmum» d'Anastase (conservées dans un bon manus­crit du 9e siècle) et les vestiges de collections postérieures d'érotapokriseis «anasta-siennes», auxquelles il faut ajouter quelques questions bibliques non publiées.

With the publication of more information about the manuscripts dis­covered in 1975 at St Catherine's Monastery, Mount Sinai,1 and in par­ticular of references to three manuscripts that seem to contain the text of the érotapokriseis1 of Anastasius of Sinai, it was important to check if these contained the text of the original collection, prior to the publication of a new critical edition of the latter3 Archbishop Damianos kindly gave me permission to consult the manuscripts, and during four days (24-27 April, 2001) I lodged at the Auberge near the Monastery and was able to work in the office next to the Library. The Librarian, Archimandrite Symeon, would supply me with both the manuscripts and, when neces­sary, the relevant volumes of Migne's Patrologia Graeca. I am most grateful to the Monastery authorities for having facilitated this investiga­tion.

1. The relevant publications are mentioned in Paul GÉHIN and Stig FROYSHOV, Nouvelles découvertes sinaïtiques. À propos de la parution de l'inventaire des manuscrits grecs, REB 58, 2000, p. 167-184.

2. Mentioned in the Inventory, Ta νέα ευρήματα τοΰ Σινά, published by the 'Υπουργείο Πολιτισμοΰ, Ίδρυμα "Ορους Σινά, Athens 1998, and drawn up mainly by Dr P. G. Nikolopoulos.

3. Marcel Richard identified the original collection (cf. CPG 7746) and began the pro­ject of publication at about the time of the discoveries at Mount Sinai.

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The three manuscripts mentioned are numbered in the Inventory as 6, 139 and 144, and each of these falls into a different section : viz. , M and X respectively (these sections differ according to the writing mater­ial and/or the lettering : and M are on parchment, but the first in majuscule, the second in minuscule, X are on paper).

New Finds ( ) 6 The Inventory description is correct : the manuscript is of parchment, measures 171/4 χ 137/40 mm., contains 66 folios, and could well be 9th century ; however there are only 8 (not 12) gatherings, the first quaternion (probably numbered AZ) now having only seven folios, the other seven quateraia (numbered ΛΗ, ΛΘ, M, MA, MB, ΜΓ, and ΜΔ) being all complete ; there are also some isolated folios (5 or 6), torn or badly damaged. The script is a large right-sloping uncial, written with a thick nib producing alternative thin and thick strokes, with hooks to many of the letters, and could well be 9th century ; it seems a good example of what has been classified as the "Palestinian ductus style".4

The scribe commits many errors of iotacism. Although the Inventory lists among the contents of this manuscript

'Αναστάσιος ό Σιναΐτης, 'Ερωταποκρίσεις θεολογικαί, it has been pointed out in the "Nouvelles découvertes" article mentioned above (note 1, p. 174) that in fact these are by Ephraem.5 They are a mixture of ques­tions and exhortations as follows (numbers of the gathering and folio) : 1) <AH, f. lr> έρώτησις Πώς βλασφημήται και ατιμάζεται ό θεός... άπόκρισις Λέγει ό θεός δια του προφήτου, ούαί, δι'ους το... 2) <ΛΗ, f. 3r> ερώτησις Ti έστιν δ λέγει ό απόστολος δια της παραβάσεως του νόμου... άπόχρισις "Ωσπερ τά γράμματα του βασιλέως... 3) <Μ, f. 4r> Περί νηστείας inc. 'Αδελφέ πόθησον πτωχείαν του Χρίστου... 4) <Μ f. 6ν> έρώτησις Ποία αμαρτία βαρύτερα χωρίς της αίρέσεως ; άπόκρισις "Ωσπερ πάντων των αγαθών καί πασών τών αρετών...

However the manuscript does contain one text by Anastasius, and this is an almost complete copy of his Homilia in sextum Psalmum (CPG 7751).6 The title is given as :

4. An illustration is available in the Inventory, and can be compared to that of Patmos gr. 48 : cf. Joseph A. MUNITE, et Aui, The Letter of the Three Patriarchs, Camberley [Porphyrogenitus], 1997, illustration Plate III, and commentary p. LXXIX.

5. ESO III, 104E-105C. The authors correctly identify the preceding text as part of Ephraem's Defestis diebus, ESO III, 12D-F ; the other texts are to be found in the pages of that volume : 2) 105D-113A ; 3) 22F-23D ; 4) 113D-F.

6. Described briefly in my contribution to Mary B. CUNNINGHAM and Pauline ALLEN, Preacher and Audience : Studies in Early Christian and Byzantine Homiletics, A New History of the Sermon, vol. 1, Leiden, Boston, , 1998, p. 227-245 (Anastasios of Sinai : Speaking and Writing to the People of God, see in particular p. 230-231).

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ANASTASIAN QUESTIONS AND ANSWERS 201

<M, f. 7v> Too αγίου 'Αναστασίου ελαχίστου μονάχου αγίου ορούς Σινά · ερμηνεία εις τον έκτον ψαλμόν • έρρέθη εις την παρείσβασιν των αγίων νηστειών.

inc. Πρέπουσαν την [sic] των νηστειών άρχην [sic] ειλικρινούς μετανοίας... (cf. Mignę, PG 89, 1077Β1).

The only edition available of this influential sermon (which was re-copied extensively7) is that made by François Combefis, Paris 1648, who published the two versions known to him. Clearly the Sinai manuscript will be worth taking into account by any future editor, and a number of its readings support those mentioned by Combefis as given in one of his Paris manuscripts (Codex Regius) for the first version, e.g.l080C6-7 addit; 1081A1 πλείω in place of ενώπιον; 1081Β5 ήχρείωσα (not έχρείωσα) as Combefis rightly suspected. Given that the main subject of my own investigation was the erotapokriseis ; only a selection of the other variants is given here, as it may be helpful to a future editor :

PARTIAL COLLATION

Migne readings followed by those ofSinaiticus NF6 <M, f. 7v> 1080A2 έχει] περί έχει (sic) I 1080A7 έν νυκτί] έν νυξίν / 1080Α9 (τών ... πραττομένων)] omit. / 1080Α12 τεμκηρια] ένδείγματα καί άληθη τεκμήρια / 1080Α14 συγχώρησιν] add. και την τών εχθρών άναχώρησιν / 1080Α16 γινομένην] γεγενημένην <ΜΑ, f. lr> 1080 1 ογδόη του ψαλμού] omit. / 1080Β3 οφείλει] φίλει / 1080Β4 έν τώ βίω ... αιωνίου ] περί μερίδος άγαθης της ογδόης αιωνίου ζωής / 1080Β12 ώσανεί] add. γυμνός / 1080Β14 Κυρίου] κριτοΰ <ΜΑ, f. 2ν> 1080C7-8 και πάντων - ποιούμενος] omit. / 1080C9 αμαρτιών] πταισμάτων / 1081 A3 το αγιον] omit. <ΜΑ, f. 3r> 1081A9 έπόρνευσα] έξεπόρνευσα <ΜΑ, f. 4r> 1081Β5-6 μετά τών έχθρων σου] έν άμαρτίαις / 1081Β13 πάντως] add. με παραστήσεις γυμνον τώ βήματι σου · οΐδα δτι παντός / 108 IB 15 διαφεύξομαι] διαφεύγομαι <ΜΑ, f. 4ν> 1084ΑΙ άπαντα] πάντα μου <ΜΑ, f. 5r> 1084Α8-9 αίτιος] άξιος / 1084Β2 μετανοήσασαν] συγχωρηθείσαν <ΜΑ, f. 5ν> 1084C1 εμπίπτω] συμπίπτω / 1084C2 Πολλάκις] ποσάκις

The remaining gatherings contain the following text : <MB> inc. πεπεδημένους καί άνορ]θών τους κατερραγμενους... (it is interesting that these exact words are not to be found in the first of the Combefis texts, but the words καί άνορθών τους κατερραγμένος do occur in the second version, cf. 1121D5, at a place which corresponds to

7. A considerable list of the manuscripts known to him was drawn up by Fabricius, and included in the PG edition, p. 22-23.

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202 JOSEPH MUNITE

the end of a similar paragraph in the first version, cf. 1088 14-15 ; on the whole the Sinai text supports the first, and not the second, version.) < > inc. ως ράκος άποκαθημένης, διό πά]λιν λέγω (cf. 1096A3) <ΜΔ> inc. άρτι] συ μοι είπε, τί έστιν προς πένθος (cf. 1100D9) des. έπ'έμέ το αίμα δπερ έξέχεας, έπ'έ]μέ (cf. 1109C1-2).

Thus the final part of the homily (1109C2-1116B9) — probably the content of one more gathering8 — is missing, though a few sentences may still be available on the fragmentary folios no longer bound into a garnering.

New Finds (M) 139 The initial information about this manuscript given in the Inventory is correct : viz. parchment, 197 x 145 mm., 30 ff., but perhaps the very regular, fluent minuscule, with its frequent ligatures, is later (12th or 13th century ?) than suggested (lOth-llth cent).

There are four gatherings, and the first, though not now numbered, must have been the ninth, as it clearly precedes the three complete quaternia, which are numbered i', ια' and iß'.9 The yellowish parchment gatherings, written in brown ink, are loosely bound with broken strings. Red capitals mark the start of paragraphs, and the ascriptions in the mar­gins are also in red.

Basically these thirty folios contain part or all the text of the ero-tapokriseis 9, 10, 11 and 12 as found in the Migne edition :10 an analysis of the gatherings will make this clear.

< θ \ f. lr-v> [missing] Qu. 9 <θ', ff. 2r-7v> inc. της φωνής Κυρίου του θεού σου (part of the

first quotation in the florilegium to Qu. 9, cf. 412C13, followed by quo­tations 2-18)

<θ', f. 8r-v> [missing] <i', f. l r inc. τον και δόξης καί των όμοιων · η δια των όδύνην

έμποιούντων τω σώματι, οίον νοσημάτων καί βασάνων, καί των όμοιων · καί προς μέν τους πρώτους, λέγει ό Κύριος · ΕΥ τις ουκ αποτάσσεται πδσι τοις ύπάρχουσιν αύτοΰ, ού δύναται μου είναι μαθητής [Luc. 14 : 33] · προς δέ τους δεύτερους καί τρίτους, Έν τη υπομονή υμών, κτησασθε τάς ψυχάς υμών [Luc. 21 : 19]

(this quotation is neither a continuation of quotation 18, nor part of quotation 19 ; it is followed by a quotation attributed to John Climacus :

Μη θαμβού καί τους σους προσφιλείς, έχθραίνοντάς σοι θεώμενος · δαιμόνων γαρ εργαλεία οί κουφότεροι καί μάλιστα έν τοις έχθροϊς αυτών.

(and then comes quotation 20) n

8. Each page (face of a folio) contains some 8/10 lines of the Migne text. 9. In my notes on this manuscript I have noted "13" as the number for the final quater­

nion (ιγ'), but I am convinced that this was an error on my part as the text indicates no gap between this gathering and the preceding.

10. In many of the revised versions of the Anastasian erotapokriseis a florilegium of biblical and patristic texts follows each question and answer, added in support of the answer ; this feature distinguishes later versions from the original collection.

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ANASTASIAN QUESnONS AND ANSWERS 203

<i\ ff. 2r-8r> (quotations 21-27, but omitting quotations 2512 and 28) Qu. 10 <i', f. 8v> έρώ(τησις) t' (in mg.) Πόθεν όρώμεν...

<ια', ff. l-2v> (text of the answer) <ια', ff. 2v-4r> (text of the quotations 1-3 : but the inc. of quotation 2

differs slightly : viz. Μη δη παραλογιζώμεθα, μηδέ εκ παντός τρόπου τον ανετον... etc.) Qu. 11 <ια\ f. 4r> έρώ(τησις) ια' (in mg.) Toö Θεού λέγοντος... (and text of the answer)

<ια' ff. 4v-8v> (text of the quotations 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 8, 10, 11, 12, 13, 14,

i.e. omitting numbers 1 and 15, and changing the order slightly) Qu. 12 <ιβ', ff. lr-3v> έρώ(τησις) iß' (in mg.) Τί έστιν ό μαμωνδς της αδικίας ;

(and text of the answer) <ιβ', ff. 3r-8v> (text of the quotations 1-7, but 6 {incipit Μη γαρ

δείσθαι πλήρης) and the other quotations, 18-14, are missing ; they may have come in the next quaternion.)

While it is clear that this manuscript is not a witness to the original collection of the erotapokriseis attributed to Anastasius, it is not so clear to which of the various subsequent reworkings it does bear witness. The presence of the florilegia may indicate that it was once part of the rela­tively small collection of 22 Questions formed from a selection of the original 103 Questions (which had no florilegia attached to them). But these in their turn seem to have been incorporated intact into a larger col­lection (the 88 Questions), and these used to form the Collection of 154 Questions that was first published (by J. Gretser in 1617) and is now the most easily available in Migne. The small variations in the florilegia may help future editors to identify this particular collection, but for any future edition of the original Questions and Answers this manuscript can be ignored. New Finds (X)144 The Inventory gives the dimensions (195 χ 135 mm.) and the date (11 August, 6820 =1312 AD), the latter taken from the colophon on the back of the last page ; Prof. Nikolopoulos has also been

11. Very kindly Douwe Sieswerda, editor of the 88 QQ Collection, now in preparation and christened by his project-team the "Soterios" version, has pointed out to me that the first quotation in this gathering is simply quotation 25 taken from Maximus (PG 89, 428B-C) ; other manuscripts of this collection help him explain the sequence here. The scribe must have filled the missing folio with the remainder of quotation 18 ; he then broke off his work and returned later knowing that the next quotation was from Maximus, but mistakenly began to copy quotation 25 instead of quotation 19 ; on finishing he real­ized his mistake and went back to the quotations following quotation 19, and then refrained from copying quotation 25 once more (so it is missing below). The Climacus quotation is from Gradus XXVI (PG 88, 106ID) ; its absence from the 154 Collection (as published by Gretser/Migne) is unusual as it is regularly found in manuscripts of the 88 collection following quotation 19.

12. See the previous footnote.

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204 JOSEPH MUNITE

able to decipher the name of the scribe, George Blachrites (γεώργιος ό βλαχρίτης),13 no mean feat given the almost illegible script.

However he notes that there are 167 ff. in this manuscript, and that it contains 145 erotapokriseis by Anastasius of Sinai : both statements are slightly inaccurate. The binding of the manuscript is badly damaged, so that only a narrow strip of the wooden back cover remains, attached with its original cloth to a strip that extends over the front ; however the string stitching that holds the 24 gatherings together is still strong, and these can be easily counted : there are twenty-one complete quaternia, plus two damaged gatherings at the front — the first with four folios, the second with six folios — while the last gathering has four folios plus one stuck on at the end : thus the total number of folios is 185. The quire signatures are placed in the centre of the bottom margin in red, but few are still visi­ble. In general, the manuscript is in a poor state, the paper (which seems to be oriental) is badly stained and the brown ink is very faded.

The contents are easily identified : on f. lv one can already make out quotation 9 in the florilegium appended to Qu. 1 (PG 89, 336B11), Ουδέν ήμΐν όφελος... followed by quotation 11 (Εί πιστεύομεν τώ Κυρίω λέγοντι...) ; and even though quotation 10 is missing, and the quotation that precedes quotation 9 (des. χαΧ διαλογισμό ... τάς <γυναΐ>κας) appears to be missing in the Migne version, this manuscript must have opened with this question, or perhaps a pinax. The questions that follow are simply taken from the Collection of 154 erotapokriseis in the same order, but with some omissions : thus the questions numbered 2-111 in this manuscript are questions 2-154 in Migne, omitting Qu. 32, 41, 44, 46, 51, 59, 64, 67, 70, 73-81, 87 (though the question is taken, the answer is that to 88), 90, 95-97, 100, 103-108, 112, 122-125, 127, 129, 38-41, 140, 142 and 148 (and one has to bear in mind that the scribe has omitted the number 46) ; all the quaestiones extra ordinem are also omit­ted,14 but this is not surprising as they are obviously a later addition. It is interesting that the complete florilegium added to Qu. 154 is preserved in this manuscript.

After the Anastasian questions comes a collection of 34 Biblical ero­tapokriseis, all on Genesis, and clearly not by Anastasius ; they are num­bered 112-145, but one has to remember that the previous omission of a number brings the total number of questions to 144, not 145. The author

13. This name does not figure in M. VOGEL and G. GARDTHAUSEN, Die griechischen Schreiber des Mittelalters und der Renaissance, Beiheft zum Zentralblatt für Bibliothekswesen XXXIII, Leipzig 1909, nor in the volumes of the Repertorium pub­lished by GAMŁLSCHEG-HARLFINGER.

14. Marcel Richard has explained how the collection of IS original questions (some­times called Collection C) began life as an appendix to the collection of 88 questions, but was incorporated by Gretser into his 154 questions (adding 98 bis, 98 ter, 100 bis, 100 ter, 100 quater, 10S bis, 109 bis), although the version he was using did not have them in those places : cf. Les véritables «Questions et réponses» d'Anastase le Sinaïte, Bulletin d'Information de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes 15, 1967-1968, p. 41 and 52.

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ANASTASIAN QUESTIONS AND ANSWERS 205

of this additional collection is not known, but the same collection may be that noticed by Marcel Richard in both the Florentine manuscript, Laurentianus gr., plut. VI, 35, where it is truncated and reduced to thirty questions, and in a Patmos manuscript, Patmos gr. 5 (ff. 178-218v), where it only breaks off at question 227 (on the First Book of Esdras). In all these cases, the biblical collections are sequels to copies of the 154 questions.15

The text of the answers to these questions is almost illegible, but it may be helpful to list the subject of each question (plus the number in the manuscript and the folio).

COLLECTION OF BIBLICAL QUESTIONS ADDED TO QUESTIONS FROM THE COLLECTION OF 1 5 4 QUESTIONS

IN NEW FINDS (X)144

(1) piß' [f. 10 r from the end] Re. ie\jei us make man according to our image and likeness" : who is the one saying "Let us make", and to whom is he speaking ? (2) ριγ' [f. lOv from the end] Who made man : the Father or the Son ? (3) piò' [ditto] What is <the meaning of> "according to the image" ? (4) ριε' [ditto] What is <the meaning of> "according to the likeness" ? (5) piç' [f. 9r from the end] What sort of thing was the dust [χους] which God took for the creation of man ? (6) ριζ' [ditto] Why did God take dust and not some other more solid thing? (7) ριη' [ditto] Why did God not make the soul of Adam first, but the body? (8) ριθ' [ditto] Who was the one who created the soul, and was the soul the same as the in-breathing (έμφύσισμα), and what was the in­breathing ? (9) ρκ' [f. 9v from the end] From what was the soul created, or from what when fashioned was it taken ? (10) ρκα' [f. 8r from the end] What sort of thing is the soul, and what is the soul ? (11) ρκβ' [f. 8ν from the end] What was the reckoning of Adam's age ? (12) ρκγ' [ditto] What is the explanation of Adam's name ? (13) ρκδ' [ditto] Why did God create Eve while Adam was asleep, and not while he was awake and alert ? (14) ρκε' [f. 7r from the end] What is the explanation of the name of Paradise ?

15. Art. cit., p. 51.

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206 JOSEPH MUNITE

(15) ρκς' [ditto] Why were names given to Adam and Eve, and at the same time the first man had a share of wisdom since he gathered all liv­ing things ? (16) ρκζ' [f. 7v from the end] What is the explanation of the name of the wife of Adam ? (17) ρκη' [ditto] What was the tree of good and evil ? (18) ρκθ' [f. 6r from the end] Why was that tree called the tree of knowledge of good and evil ? (19) ρλ' [ditto] Did Adam know the tree of knowledge of good and evil, or <did he know> good and evil itself as a result of the fall, or did he not know? (20) ρλα' [f. 6v from the end] What sort of flesh did the first-created have before the fall, and what sort were the garments of skins ? (21) ρλβ' [f. 5r from the end] How many years did God allow the first-created to stay in Paradise, and at what season (or : on what occasion) did the snake come to Eve ? (22) ρλγ' [ditto] Did the snake deceive them when it first approached the woman, or was there an interval of time ? (23) ρλδ' [f. 4r from the end] At what distance outside Paradise did God locate the place of exile for Adam, but opposite it is said dwelt the cherubim with the flaming sword ? (24) ρλε' [f. 4v from the end] What is meant by what is said about "a spring that arose from the earth" [LXX, Gen. 2 :6 ] , and why does it not say "descending" ? (25) ρλς' [ditto] What is the explanation of <the name> Pheison [LXX, Gen. 2 : 11], and whence and how far does it travel, and where is its mouth said to be ? (26) ρλζ' [f. 3r from the end] What is the explanation of <the name> Gaion [LXX, Gen. 2 : 12], and whence and how far does it go, and where does it end ? (27) ρλη' [ditto] What is the explanation of <the name> Tigris [LXX, Gen.2: 14], and whence and how far does it go, and where does it end ? (28) ρλθ' [ditto] What is the explanation of <the name> Euphrates [LXX, Gen. 2 : 14], and whence and how far does it go, and where does it end ? (29) ρμ' [f. 3v from the end] Why does Adam engender Seth "after his image" [LXX, Gen. 5 : 3] ? (30) ρμα' [ditto] That Seth, the son of Adam, put [ ?] names like the saints of heaven, and about the seven names [text difficult to decipher] (31) ρμβ' [f. 2r from the end] What are the seven retributions [εκδικούμενα] that all who kill Cain will pay, and who is the one who kills him ? (32) ρμγ' [f. 2v from the end] With regard to "seeing the sons of God the daughters of men", and who were the "sons of God" and who were the "daughters of men" ? (33) ρμδ' [ditto] Who was the first to learn letters, and about Enoch ?

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ANASTASIAN QUESTIONS AND ANSWERS 207

(34) ρμε' [ff. 2v- all of lr from the end] Whom does Scripture call "giants", "those called 'men' from old" [τους άπ'αίώνος ονομαστούς ανθρώπους] [LXX, Gen. 6 : 4] ?

The final outcome of this investigation may appear somewhat meagre : of the three manuscripts examined, one contains none of the Anastasian erotapokrìseis, and the other two contain only remnants of later re-workings of the original collection. However, the discovery of a 9th century copy of the Anastasian Homily on Psalm 6 could be valu­able, and a negative result does have certain advantages, if only in that it confirms that copies of the original collection are very rare, and also clears the way for the edition of those questions.

Joseph A. MUNTTIZ

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LE PYRGOS DE,KABALARÉOS, ALIAS PYRGOS DU ROI MILUTIN

Aleksandar FOTIĆ

Summary: An Athonite pyrgos situatued half-way on the road between Chilandar monastery and its quai is attributed by tradition and on the basis of the supposed date of construction to King Milutin of Serbia. By analysis of one well known but little used source as well as another recently published the author concludes that there is sufficient evidence to identify the pyrgos as that of Kabalareos, apparently the name of the founder or restorer of the monument.

Sur la route conduisant du monastère de Chilandar au débarcadère et au pyrgos de Saint-Basile, se dresse, à proximité de la côte, un grand pyrgos aujourd'hui connu sous le nom de «Pyrgos du roi Milutin». Cet édifice impressionnant, aux murs massifs, renforcés de puissants pilastres extérieurs, a, dans une large mesure, résisté aux injures du temps. Il diffère des autres pyrgoi athonites par son escalier circulaire en pierre permettant d'accéder aux étages. Son rôle était assurément de défendre l'accès au monastère en venant de la mer.

On ne sait que très peu de choses sur ce pyrgos, car il est très rarement mentionné dans les sources historiques. De fait, il ne se voit jamais accorder plus d'un paragraphe dans la littérature spécialisée1. D'après la

1. M. ŽIVOJINOVIĆ, Svetogorske kelije i pirgovi u srednjem veku, Belgrade 1972, p. 117; EAD., Istorija Hilandara I, Od osnivanja manastira 1198. do 1335. godine, Belgrade 1998, p. 142. L'étude est consacrée essentiellement à l'architecture du pyrgos, même si, sur ce point non plus, aucune réponse définitive sur la date de l'érection du pyr­gos et de ses restaurations n'est avancée: S. NENADOVIĆ, Konzervacija pirga kralja Milutina u Hilandaru, Zbornik zaštite spomenika kulture 16, 1965, p. 175-181 ; ID., Odbrana manastira Hilandara, Zbornik za likovne umetnosti 8 (Matica srpska 1972) p. 112-113 ; ID., Osam vekova Hilandara. Gradjenje i gradjevine, Belgrade 1997, p. 238-241 ; S. CURČIĆ, Tower of King Milutin, Mt. Athos, Greece, Secular Medieval Architecture in the Balkans 1300-1500 and its Preservation, éd. S. ĆURČIĆ -E. HADJITRYPHONOS, Thessalonique 1997, p. 216-217. J'ai mentionné ici uniquement les principaux ouvrages traitant de ce pyrgos.

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210 ALEKSANDAR FOTIĆ

tradition et les dates qu'elle propose pour la construction ou la restaura­tion de la tour, ce pyrgos serait lié au roi serbe Milutin (1282-1321). Bien qu'on ait remarqué depuis longtemps que cette tradition ne pouvait guère être antérieure à la fin du 19e siècle, l'érection de ce pyrgos est encore aujourd'hui fréquemment et sans la moindre réserve attribuée au roi Milutin. Nous nous proposons ici de réviser cette tradition puis, à la lumière de deux sources, l'une nouvelle, l'autre connue depuis long­temps mais négligée, notre attention s'arrêtera sur l'unique nom dont on désignait le pyrgos avant le 19e siècle, et sur un personnage qu'une de ces sources rattache à sa construction2.

De toute évidence, c'est au moine erudit de Chilandar, Sava, auteur en 1894 d'une brève histoire et description de Chilandar et, en 1898, du Mont Athos, que l'on doit l'association du pyrgos avec le roi Milutin. Lorsque ce bâtiment est mentionné, dans la littérature comme dans les sources antérieures, il n'est accompagné d'aucune dénomination, et son attribution à Milutin est, en fait, le fruit d'une erreur. Sava a, en effet, associé par inadvertance ce pyrgos à la charte de Milutin délivrée en faveur du pyrgos de Chrysè (Saint-Basile sur la mer)3. L'erreur a été oubliée, tandis que l'opinion scientifique dans son ensemble a immédia­tement adopté la nouvelle appellation de cet édifice, auparavant ano­nyme. Depuis lors, jusqu'à maintenant, il a pratiquement été, toujours et partout, désigné comme le «Pyrgos du roi Milutin». La même charte de fondation de Milutin a également trompé Smyrnakis qui, lui aussi, dans son vaste ouvrage, aujourd'hui encore très précieux, attribue à Milutin, non pas la fondation de Chrysè, mais celle du pyrgos faisant l'objet de ce travail. Et ce, même s'il le désigne, dans les trois passages où il en fait état, par le nom qui apparaît dans un document du monastère d'Esphigménou, que nous examinerons ensuite4.

Parmi les mentions antérieures connues de ce pyrgos, on remarque que sur la légende d'une gravure à l'eau-forte de 1757 il est simplement désigné comme le «Pyrgos sur le champ de Sava», sans autre précision. De tous les auteurs de récits de voyages connus et fiables, nous notons que V. G. Barskij (1744) et P. Uspenskij (1846) ont décrit cet édifice, sans toutefois mentionner son nom, ce qui assurément signifie qu'ils n'en avaient pas connaissance5.

2. J'ai brièvement abordé ce point dans A. FOTIĆ, Sveta Gora i Hilandar u Osmanskom carstvu XV—XVII vek, Belgrade 2000, p. 244-245. Soulignons que M. Živojinović, dans ses deux ouvrages mentionnés ci-dessus, ainsi que S. Ćurčić, se montrent, parmi tous les spécialistes et les érudits, les plus réservés sur l'attribution du pyrgos à Milutin.

3. SA VA HELANDARAC [SLAVIBOR BREUER], Istorija i opis manastira Hilandara, Belgrade 1894, p. 53 ; IDEM, Sveta Gora, Belgrade 1898, p. 159-160. Sur la fondation par Milutin du pyrgos de Chrysè, voir : ŽIVOJINOVIĆ, Svetogorske kelije, p. 117-128.

4. G. SMYRNAKIS, ΤΟ "Αγιον "Ορος, Athènes 1903 (réimpr. Karyes, Mont Athos 1988), p. 357,497, 652.

5. Vtoroe posešćenie Svjatoj Afonskoj Gori Vasilja Grigoroviča-Barskago im samim optsannoe s 32-mja risunkami i kartuju Afonskoj gori, Izdanie Afonskago Russkago Panteleimonova monastirja, Saint-Pétersbourg 1887, p. 248 ; Pervoe putešestvie v af ons-

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LE PYRGOS DE KABALARÉOS 211

Il peut paraître surprenant qu'aucun spécialiste, excepté Smyrnakis, n'ait prêté attention au seul document grec de 1562 où il est fait état d'un «... pyrgos dit de Kabalaréos ...» (του πύργου του λεγομένου του Καβολαρέως...), bien que cette source ait été publiée par M. Gédéon, il y a déjà plus d'un siècle (en 1889). S-41 est vrai que cette première édition (par Gédéon) n'était pas accessible à tous, il en est tout autrement de celle qui a trouvé place dans les Actes d'Esphigménou de 19066. Il s'agit en l'occurrence d'un acte du Conseil du Mont Athos, daté de juillet 1562, s'inscrivant dans une série de documents délivrés la même année, tant grecs que turcs, relatifs à un litige opposant Chilandar et Esphigmenou au sujet d'une partie de leur frontière commune. Bien que cette longue affaire, commencée au début du 14e siècle, se soit poursui­vie, avec de plus ou moins longues interruptions, jusque vers la fin du 19e siècle, le pyrgos de Kabalaréos, pris comme repère dans la descrip­tion de la frontière, n'apparaît mentionné que dans cet unique document7. Concernant son identification, il ne fait aucun doute, si l'on considère le tracé de la frontière séparant les possessions des deux monastères, qu'il s'agit bien de l'édifice appelé jusqu'à nos jours, pyrgos de Milutin. Smyrnakis lui-même n'a d'ailleurs eu aucun doute à ce sujet.

De toute évidence, la mention du nom de Kabalaréos, dans le docu­ment édité à deux reprises et dans l'ouvrage largement utilisé de Smyrnakis, n'a pas retenu jusqu'à présent l'attention des chercheurs s'in-téressant aux anciens bâtiments du Mont Athos. Toutefois, depuis la récente publication par A. A. Turilov des récits de Γ archimandrite de Chilandar, Prohor, sur les icônes thaumaturges de ce monastère, le nom de Kabalaréos et son lien avec notre pyrgos ne peuvent plus être ignorés. On y trouve en effet une légende se rapportant précisément à un noble, du nom de Kavolar, et à la construction par ses soins d'un pyrgos à proximité de Chilandar8.

L'histoire des reliques et icônes thaumaturges conservées à Chilandar a été rédigée par l'archimandrite Prohor, qui l'a exposée au tsar de Russie Ivan IV Vassiliévitch le Terrible et au métropolite de Moscou entre les mois d'août 1558 et mai 1559, lors d'une des longues et, pour le monastère, très profitables visites de ses moines à la cour impériale de Russie. En l'occurrence, des liens directs entre le monastère et la cour avaient été établis avant 1550, lorsque le tsar de Russie avait accepté d'en être le nouveau fondateur, en couvrant le monastère de nombreuses

kie monastiri i skit i Arhimandrita, nini Episkopa, Porßrija Uspenskago. V 1846 godu, č. II, otd. pervoe, Kiev 1877, p. 144 ; S. NENADOVIĆ, Hilandar na grafičkim prikazima XVIII i XIX veka, Zbornik zaštite spomenika kulture 16, 1965, p. 110.

6. Actes d'Esphigménou, publiés par le R. P. L. PETIT et W. REGEL, Actes de l'Athos, III, W12, 1906, Priloženie 1, p. 50. Les éditeurs rappellent que ce document a été précé­demment publié par M. GÉDÉON dans Έχχλησιαστοά) 'Αλήθεια 9, 1889, p. 94-96.

7. FOTÍC, op. cit. p. 264-265. 8. A. A. TURILOV, Rasskaz o čudotvornih ikonah monastira Hilandar v ruskoi zapisi

XVI veka, Čudotvornaia ikona v Vizantii i drevnei Rusi, éd. A. A. Lroov, Moscou 1996, p. 510-529.

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212 ALEKSANDAR FOTIĆ

et précieuses offrandes9. Dans le cadre des Histoires très terribles et emplies d'horreur... de Prohor, figure notamment celle de l'icône thau­maturge de la Vierge de Serrés (Euchait), grâce à laquelle l'empereur Dušan avait enlevé la ville en 1345. L'ensemble du récit est très intéres­sant, mais nous nous bornerons au passage où se trouve mentionné le noble Kavolar. Ce dernier avait volontairement décoché une flèche sur l'icône de la Très Sainte Vierge qui se trouvait dans le camp serbe, et son geste avait permis l'heureuse fin pour Dušan d'un long siège, jusqu'alors infructueux. Prohor note ici que Kavolar était un noble grec, même s'il était d'origine latine («frjazin»). Au moment où la flèche s'était fichée dans l'icône, un miracle se produisit, les portes de l'enceinte s'écroulè­rent, permettant ainsi aux Serbes d'entrer dans la ville. Kavolar implora grâce en se signant et exprima le désir de recevoir la tonsure à Chilandar. C'est là, sur une vigne sise à proximité du monastère, qu'il a fait élever à ses frais un pyrgos «pour la sauvegarde des frères en charge de la vigne, en raison des brigands». Prohor ajoute encore que le pyrgos a alors reçu le nom de «Pyrgos de Kavolar» (Kavolarov pirg), et que Kavolar, moine très fervent, «s'est présenté en paix devant le Seigneur»10.

La question de l'authenticité de cette légende ne revêt pas une impor­tance capitale. Ce qui, en revanche, constitue pour nous une donnée his­torique incontestable est le fait que l'higoumène et archimandrite de Chilandar donne en 1558/59 une appellation sans équivoque à ce pyrgos : «Pyrgos de Kavolar». Or, le document du Conseil de l'Athos daté de 1562, dont il a été question plus haut, atteste bien l'existence d'un pyrgos de ce nom.

On peut se demander si le «Pyrgos de Kavolar (Kabalaréos)», dont fait état le récit de Prohor, peut être identifié avec le pyrgos dit aujour­d'hui de Milutin. Le document d'Esphigménou constitue une preuve suf­fisante. Qu'il ne s'agit pas de Chrysè (c'est-à-dire du Pyrgos de Saint-Basile) est indirectement attesté par Prohor lui-même, puisque celui-ci mentionne plus loin dans son Histoire, à une autre occasion, la «forte­resse de Basile».

Autre question, ce Kabalaréos, ou Kavolar est-il historiquement attesté ? Ce nom, sous diverses variantes, est loin d'être inconnu dans l'Empire byzantin, si l'on prend soin de le rechercher sur un laps de temps assez étendu. Dans les ouvrages les plus récents, on considère que le pyrgos a été érigé «vers 1300»11. Par ailleurs, le récit de Prohor, dans la mesure où on peut lui accorder foi, ne permet pas de déterminer si Kabalaréos a construit un nouveau pyrgos ou s'il a seulement restauré des bâtiments en ruine, puisque l'expression employée désigne l'une ou l'autre de ces actions. On trouve plusieurs personnages éminents, qui portent un nom proche et ont

9. Sur les liens entre Chilandar et la Russie voir aussi : Ferne, op. cit. p. 207-220. 10. ѵ, op. cit, p. 516-517. 11. ĆURČIĆ, op. cit. p. 216.

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LE PYRGOS DE KABALARÉOS 213

vécu au cours du 14e siècle, notamment dans la première moitié12. Bien que l'on ne sache presque rien sur lui, le ktètor du pyrgos doit appartenir au petit nombre de personnages liés au Mont Athos par leurs possessions ou leurs activités. Il faut chercher en premier lieu parmi les détenteurs de propriétés situées dans les environs de Serrés. Un Kaballarios figure ainsi parmi les vendeurs de petits biens, proches de Serrés, acquises par les moines de Chilandar entre 1323 et 1326. Ce même nom, Kaballarios, apparaît une seconde fois parmi les signataires d'un acte ecclésiastique de Serrés daté de 1348, lié au métoque d'Alypiou. Π convient également de s'intéresser à un Kalavar(is), pronoiaire de Dušan, compte tenu que de telles interversions de syllabes n'étaient pas rares. L'empereur Dušan a confié à ce Kalavar, ainsi orthographié dans une charte en serbe, de procé­der avec le commandant Branilo à la délimitation de biens donnés à Chilandar : la ville de Paléochorion et le lieudit Kokalino dans la région de Rentina. De toute évidence, ce même personnage, qui a signé Kalabaris (Καλάβαρις), a fait don à la Grande Lavra, en 1350/1351 (?), d'un bien sis dans la même région, près de la rivière Ploumiska, à proximité de Kokala. Il semble que ce soit aussi le même pronoiaire dont, beaucoup plus tard, une possession a été offerte en 1369 par le despote Jovan Uglješa à Kutlumus. Il convient aussi de ne pas perdre de vue deux autres proprié­taires fonciers du nom de Kaballarios, le premier à Hiérissos, mentionné en 1321, et un second à Hermileia, mentionné en 132413.

Il s'agit là seulement de quelques personnages parmi lesquels il conviendrait de rechercher l'éventuel ktètor du pyrgos de Chilandar. Pour l'instant, la liste n'en est nullement close, et il serait peut-être pos­sible de progresser en ce sens. En effet, le pyrgos n'a bénéficié d'aucune analyse architecturale ou archéologique ; or un tel travail permettrait de resserrer la fourchette chronologique et pourrait, assurément, réduire l'éventail des fondateurs possibles. En attendant, on pourrait conclure qu'un Kabalaréos a restauré de fond et comble, voire entièrement érigé le pyrgos, dit de Milutin. En tout cas, il existe déjà suffisamment d'élé­ments pour que ce pyrgos soit à l'avenir appelé par son nom, le seul attesté par les sources historiques.

Aleksandar FOTIĆ

12. PLP 5, p. 3-6, 20. 13. Actes de Chilandar, publiés par L. PETIT et B. KORABLEV, W 17, 1911,

Priloženie 1, p. 224 ; Actes de Kutlumus, nouvelle édition remaniée et augmentée par P. LEMERLE, Paris2 1988, p. 93, 360 ; A. SOLOVJEV, Odabrani spomenici srpskog prava od kraja XII do kraja XV veka, Belgrade 1926, p. 143-144 ; Actes de Lavra, III, par P. LEMERLE, A. GUILLOU, N. SVORONOS, D. PAPACHRYSSANTHOU, Paris 1979, p. 42-45 ; P. LEMERLE et A. SOLOVIEV, Trois chartes des souverains serbes conservées au monastère de Kutlumus (Mont Athos), Annales de l'institut Kondakov 11, 1940, p. 134-136; PLP 5, p. 4.

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JEAN, LOGOTHÈTE DU DROME AU 11e SIÈCLE

MARIE-THÉRÈSE LE LÉANNEC-B AVAVÉAS

Summary : The article presents an edition of the annotations in five manuscripts given to the monastic church of the Virgin at Scutari by the logothete of the Dromos John in the eleventh century.

Le manuscrit grec n° 56 de la Bibliothèque nationale d'Athènes, un tétraévangile enluminé datant du milieu du 10e siècle, a fait l'objet, en 1978, d'une étude, à l'occasion de la sortie d'un ouvrage sur les minia­tures des manuscrits grecs de cette bibliothèque1. Dans la notice concer­nant ce manuscrit, les auteurs de l'ouvrage ont édité une note qui se trouve au f. 1, dans laquelle on apprend qu'un certain Jean, moine et syn-celle, devenu protospathaire et protonotaire du drome, a fait déposer ce manuscrit dans l'église du Monastère de la Vierge de Skoutari.

Cette note étant datable du 11e siècle, les auteurs de l'étude ont pro­posé d'identifier ce Jean avec le Jean, protonotaire du drome de Basile II, qui devint un des intimes de l'empereur dans les dernières années de son règne2. Selon Psellos, Basile II «lui faisait partager ses secrets, mais sans l'élever aux charges somptueuses»3. Sous Romain Argyre, il fut promu syncelle et chargé de garder Theodora, sœur de Zôè, épouse de l'empereur, mais il fut surpris à comploter et condamné à l'exil, sans doute en 10294. Mais quand l'impératrice Zôè, veuve de Romain, épousa son jeune frère Michel, Jean devint tout puissant et

1. A. MARAVA-CHATZINIKOLAOU - Ch. TOUFEXI-PASCHOU, Κατάλογος μικρογραφιών βυζαντινών χειρογράφων της 'Εθνικής Βιβλιοθήκης της 'Ελλάδος, Τ. A', Χειρόγραφα Καινής Διαθήκης Γ-ΙΒ'αίωνος, Athènes 1978 ('Ακαδημία Άθηνων), ρ. 17-26.

2. Ibid., ρ. 25. 3. Michel PSELLOS, Chronographie, éd. E. RENAULD, Paris 21967,1, p. 44-45. 4. Ioannis Scylitzae Synopsis Historiarwn, éd. I. THURN, CFHB V, Series Berolinensis,

Berlin - New York 1973 (cité après SKYLITZES), p. 375-376. CEDRENUS, Bonn, II, p. 498.

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obtint la charge d'orphanotrophe5. Lorsque, à la mort de Michel IV, le pouvoir fut confié à Michel V, leur jeune neveu, Jean tomba en disgrâce et mourut quelque temps plus tard.

Un autre Jean, à distinguer de l'orphanotrophe, aurait pu entrer en ligne de compte. Il devint le ministre favori de l'empereur Constantin Monomaque6. En 1055, il était logothète (sans doute du drome) et, alors que l'empereur se mourait, aidé du protonotaire du drome Constantin, et de Y épi tou kanikłeiou Basile, ce Jean voulut faire proclamer empereur Nicéphore Proteuôn. La tentative échoua et Jean fut disgracié7. Mais ce second personnage doit être éliminé, car il n'est jamais mentionné comme syncelle.

Jean est doté de différents titres dans des notes contenues dans quatre autres manuscrits :

Mosqu. Bibl. Syn. 14 (Vlad. 128) : BASILE DE CESAREE, Homélies, 1 Ie siècle. Note de la main du copiste8. Ven. Marc. gr. 567 : JEAN CHRYSOSTOME, Œuvres diverses, 10e siècle. Addition postérieure9. Scorial. . I. 11 (gr. 431): GRÉGOIRE DE ΝΑΖΙΑΝΖΈ, Discours, 11e siècle. Addition de la même époque que le manuscrit, mais d'une main différente de celle du copiste10. Sin. gr. 556 : Tropologion (Menées) de septembre-octobre11, 11e siècle12. Addition contemporaine de la copie du manuscrit.

Jean fit déposer ces manuscrits dans l'église de Skoutari à différents moments de sa vie. Ce furent d'abord le Mosquensis et YAtheniensis à l'époque où il était moine et syncelle, protospathaire et protonotaire du drome, c'est-à-dire après 102813. À ces titres est ajouté celui de logothète du drome dans le Marcianus, comme d'ailleurs dans le Sinaiticus et le Scorialensis, mais dans ces deux derniers manuscrits le titre de protospa-

5. SKYUTZÈS, p. 389. 6. R. GUILLAND, Les logothètes. Études sur l'histoire administrative de l'Empire byzan­

tin, REB 29, 1971, p. 35. 7. Ibid., p. 40 et 56-57, qui cite CEDRENUS, Bonn, II, p. 610 = SKYLITZÊS, p. 477-478. 8. Archimandrite VLADIMIR, Sistematičeskoe opisanie rukopise} Moskovskoj

Sinodal'noj (Patriaršej) Biblioteki I : Rukopisi grečeskija, Moscou 1894, p. 124. C'est le Père J. Darrouzès qui avait le premier repéré cette note ainsi que celle du Scorialensis.

9. E. MIONI, Bibliothecae Divi Marci Venetiarum Codices graeci manuscripti, vol. II, Thesaurus antiquus. Codices 300-625, Rome 1985, p. 471.

10. G. DE ANDRES, Catàlogo de los Codices Griegos de la Real Biblioteca de El Escorial, t. III, Madrid 1967, p. 15-17.

11. Π s'agit d'un office de type ancien: un bon nombre de canons contiennent la deuxième ode.

12 . V. GARDTHAUSEN, Catalogus codicum graecorum Sinaiticorum, Oxford 1886, p. 134.

13. Cf. CEDRENUS, Bonn, II, p. 486B, 1,16-19.

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JEAN, LOGOTHÈTE DU DROME 217

thaire a disparu. Ces notations font difficulté sur deux points, d'une part la fonction d'orphanotrophe ne paraît point14 et, en second lieu, aucun texte n'atteste que Jean ait jamais été promu logothète du drome. La pre­mière objection est facile à lever si on fait l'hypothèse que tous ces manuscrits ont été donnés avant que Jean ne soit promu orphanotrophe, soit avant 1034. Sur le second point, il faudra admettre qu'en rappelant Jean, sans doute peu avant sa mort, Romain Argyre l'aura fait progresser d'un échelon dans sa carrière, le promouvant logothète du drome, mais on voit que la conjecture est fragile.

L'évolution des titres de Jean dans ces textes nous amène à faire la remarque suivante sur l'ordre dans lequel les manuscrits ont été déposés dans l'église de Skoutari. Ce fut d'abord le tetraevangile, puis les manus­crits des trois hiérarques, Basile de Cesaree, Jean Chrysostome et Grégoire de Nazianze, et enfin le premier volume du cycle des menées. Peut-être d'autres volumes de menées sont-ils encore à découvrir dans les bibliothèques parmi les nombreux manuscrits qui comportent ces offices liturgiques.

Le monastère où furent déposés ces manuscrits, le monastère de la Théotokos de Skoutari, est sans doute à identifier avec le monastère de Philippicus, à Chrysopolis, sur la côte asiatique du Bosphore, monastère dédié à la Théotokos15. C'était un établissement impérial, ce qui explique l'internement de Theodora dans ce monastère après le coup d'état de 1034, et le rôle de garde joué par Jean alors protonotaire et syncelle16. En effet le monastère του Πετρίου où fut enfermée Theodora est sans doute à identifier avec le Monastère de Philippicus, plutôt qu'avec celui de Sainte-Euphémie du Pétriou17.

C'est sans doute ce même monastère qui est cité dans une note d'un manuscrit d'Iviron. En effet, au f. 295ν de l'Iviron 2 (Athous 4122), un tetraevangile du 11e ou du 12e siècle, on peut lire les vestiges d'une note18 qui a malheureusement été grattée, et où l'on distingue seulement les mots της σκουταριωτηο-ης. Il peut s'agir, selon toute vraisemblance, d'un monastère de Skoutari, le même manuscrit ayant appartenu plus tard à un autre monastère de Constantinople, celui de la Sainte-Trinité de Chalki, comme l'indique une note du f. 1619.

14. C'est la seule dont il s'honore sur les sceaux que nous avons conservés de lui. À titre d'exemple : G. ZACOS - A. VEGLERY, Byzantine Lead Seals I, Bale 1972, n° 2677.

15. Sur ce monastère, voir R. JANIN, Les églises et les monastères des grands centres byzantins, Paris 1975 (Géographie ecclésiastique de l'Empire byzantin, II), p. 24-25. - Le Père J. Darrouzès était aussi d'avis qu'il fallait identifier le Monastère de Skoutari avec le Monastère de Philippicus.

16. Cf. CEDRENUS, ibid. 17. Cf. R. JANIN, op. cit., p. 397 : «On identifie habituellement ce monastère avec celui

de Sainte-Euphémie du Pétrion construit par Basile le Macédonien». Il ajoute que cette hypothèse n'est pas certaine, et il écrit plus loin : «Il est probable que ce couvent, s'il n'est pas celui de Sainte-Euphémie, portait un autre nom».

18. Je remercie le Père J. Paramelle d'avoir attiré mon attention sur cette note. 19. Cf. P. SôTEROUDÊs, 'Ιερά Μονή 'Ιβήρων. Κατάλογος ελληνικών χειρογράφων, Τ.

Α' (1-100), Hagion Oros 1998, p. 5.

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En dehors de l'exemplaire d'Athènes qui comporte des illustrations à pleine page, nos manuscrits ne sont pas des exemplaires de luxe. Les autres manuscrits à l'exception du Sinaiticus, sont des exemplaires cou­rants, mais soignés : outre une pylè qui orne le début du Venetus, on trouve dans ce manuscrit des bandeaux à motif floral stylisé ou à dessins géométriques qui décorent aussi le Scorialensis et le Mosquensis, ainsi que des lettres initiales ornées. Le Sinaiticus a un aspect beaucoup plus fruste. On y voit quelques bandeaux très rudimentaires et des lignes décoratives très simples, parfois réduites à un bout de ligne.

Il était d'usage relativement fréquent, à l'époque où ont été copiés ces manuscrits, de noter dans le colophon quelques renseignements sur leur composition matérielle, comme le nombre de folios écrits ou non écrits20. Mais on a ici un certain nombre de détails supplémentaires. Des informations nous sont données sur le nombre de cahiers21, le nombre de folios écrits22 ou restés sans écriture23, le nombre des folios de garde24, l'indication des folios de garde collés sur les contreplats25, l'existence d'une table26. La phrase qui termine la note et qui appelle sur Jean la pitié de Dieu et des lecteurs est à peu près la même dans quatre manus­crits sur cinq. Le Sinaiticus ne comporte pas cette phrase. Seul le Scorialensis donne l'indication d'une illustration, celle d'un portrait de Grégoire de Nazianze dont les Discours composent le manuscrit.

Voici le texte des cinq notes27 :

Athen. Bibi. nat. gr. 56, f. 1 Αυτή ή σεβασμία (και) θεία βίβλο(ς) | τ(ών) εύαγγελί(ων). έχει τετράδ(ας) τ(άς-) | πάσ(ας)· εξ (και) τρι(ά)κοντα· χ(ω)ρ(ίς) | τ(ών) π(αρα)φύλλ(ων) (καΐ) τ(ών) έν τ(οϊς) ξύλ(οις) | κεκολλημ(ένων)· ανετέθη τ(ώ) να(ω) | δέ T(r)Ç) μο(νης) τ(ης) ύπεραγί(ας) | θ(εοτό)κου | τ(οΰ) σκουτ(α)ρ(ίου). π(αρά) τ(οϋ) (μον)αχ(ου) κύ(ρ)28 ίωάνν(ου) (καί) | συγκέλλ(ου)· τ(οϋ) γεγονότο(ς) (ττρωτοσπ)αθ (αρίου) (και) (πρωτο)νοτ(α)ρ(ίου) | τ(ου) δρόμ(ου) · öv άξει(ώ)σειε τ(ης) βασιλεί(ας) | αύ(τοΰ) ό θ(εος). (καί) τ(ούς) εύλαβ(ώς)

20. Β. ATSALOS, ΦΥΛΑΚΕΣ, un terme paléographique mal compris, BZ 61, 1968, p. 259, cite à titre d'exemples quelques manuscrits comme le Coislin 260, YOxon. Bodl. Canon. Gr. 91, tous deux du 1 Ie siècle. À propos des feuillets de garde, les παράφυλλα, il mentionne deux de nos manuscrits, le Scorialensis et YAtheniensis. Ce dernier est cité sous la cote Athen. 57, mais il s'agit bien de Y Athen. 56. La source de l'erreur se trouve dans le catalogue de Sakkelion qui a attribué la note du manuscrit n° 56 au n° 57.

21. Dans les cinq manuscrits. 22. Sauf dans YAtheniensis. 23. Dans le Mosquensis, le Scorialensis et le Venetus. 24. Dans les cinq manuscrits. 25. Dans YAtheniensis, le Mosquensis et le Sinaiticus. 26. Dans le Mosquensis, le Scorialensis et le Venetus. 27. La note de YAtheniensis a été transcrite d'après le fac-similé qui se trouve dans le

catalogue cité. Les quatre autres notes ont été lues sur des microfilms de l'Institut de recherche et d'histoire des textes.

28. Κύρ d'après l'abréviation, plutôt que xupo\5 comme l'indique le catalogue.

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JEAN, LOGOTHÈTE DU DROME 219

(καΐ) τηστ(ώς) | έντυγχάνοντ(ας) τ(οις) γεγραμμέν(οις) σώσει ώς άγαθο(ς) (και) φιλάν(θρωπ)ος· | αμήν : ~

Mosqu. Bibi. Syn. 14 (Vlád. 128), f. 268 Αϋτη ή ιερά τ(ών) ήθικ(ών) τ(ου) μ(ε)γ(άλου) π(ατ)ρ(ος) ήμώ(ν) | βασιλείου βίβλος, τετράδ(ας) έχει | τρι(ά)κοντα και τρεις · χωρ(Ις) τ(ου) πί|ν(α)κο(ς) (καΐ) τ(ών) π(αρα)φύλλ(ων) (καΐ) τ(ών) έν τ(οϊς) ξύλ(οις) | κεκολλημ(ένων)· είσί (δε) τ ά δλα φύλλα | γεγραμμ(έν)α μ(έν) όκτ(ώ) (καΐ) έξήκοντ(α) και | διακόσια · άγραφα (δέ) έν μ(έν) τη άρχ(η) ε ν | έν (τω) τέλει (δέ) δύο · (αφιερ(ώ)θη (δέ) | τ(ώ) άγί(ω) να(ώ) τ(ης) μο(νης) τ(ης) ύπεραγ(ίας) | θ(εοτό)κου τ(οϋ) σκουτ(α)ρ(ίου) | π(αρά) τ(ου) (μον)αχ(ου) κύ(ρ) ίω(άννου) (και) συγκέλλ(ου) τ(ου) γεγονότο(ς) | (πρωτοσπ)αθ(αρίου) (καί) (πρωτο)νοτ(α)ρ(ίου) τ(οΰ) δρό(μου) · δν ό θ(εο)ς άξει(ώ)σειεν29 ] | τ(ης) βασιλεί(ας) αύτ(οΰ) (καί) τ(ούς) έντυγχά|νοντ(ας) τ(οϊς) γεγραμμ(ένοις) . σ(ώ)σει ώς αγαθός (καί) φιλάν(θρω7τ)ος· αμήν : ~

Scorial. Φ. Ι. U (gr. 431) , f. ѵ30

Βίβλο(ς) αϋτη. έχει τετρά(δας)3 1 πεντ(ή)κοντα · | χωρίς τ(ου) πίν(α)κο(ς) (καί) τ(ών) π(αρα)φύλλ(ων) (καί) | του εχον(τος) τ(ήν) εικόνα τ(οΰ) άγιου | γρηγορί(ου) ίστορημ(ένην) · είσί (δέ) φύλλα | γεγραμμ(έν)α μ(έν) τετρ(α)κό(σια) · άγραφα (δέ) | έν τ(ώ) τέλει τέσσαρα · άνετέθ(η) | (δέ) τ(ώ) να(ώ) τ(ης) μο(νης) τ(ης) ύπαραγ(ίας) θ(εοτό)κου | τ(οΰ) σκουτ(α)ρ(ίου). π(αρά) τ(οΰ) μ(α)καρι(ω)τάτ(ο)υ (μον)αχ(ου) | κύ(ρ)32 ίω(άννου) (καί) συγκέ(λλου) · (καί) γεγονότο(ς) (πρωτο)νοτ(α)ρ(ίου) (καί) λογοθ(έ)τ(ου) τ(οο) δρό(μου) · δν ό θ(εο)ς άξι(ώ)σειεν | της βασιλείας αύτ(ου) · (καί) τ(ούς) έν |τυγχάνοντ(ας) πίστει ελεήσει | ώς άγαθο(ς) (καί) φιλάν(θρωπ)ος · αμήν : ~

Ven. Marc. gr. 567, f. 2v Βίβλο(ς) αϋτη πέφυκε τ(ου) χρυσοστόμ(ου) | (καί) άγί(ου) ήμ(ών) π(ατ)ρ(6)ς · τ(ήν) (δέ) ύπόθεσιν | αύτ(ής) δηλοί ό πίναξ αύτ(ης) · άνευ | (δέ) άξιολόγ(ου) άντιβίβλου χρήσης | τινί μηδαμ(ώς) · έχει (δέ) τετράδ(ας) | μίαν (καί) τρι(ά)κοντ(α) · (καί) φύλλα τά δ|λα συν τ(οίς) τ(οΰ) πίν(α)κο(ς) (καί) τ(ών) π(αρα)φύλ|λ(ων). τέσσαρα (καί) πεντ(ή)κοντ(α) (καί) διακό(σια) · | ανετέθη (δέ) τ(ώ) πανσέπτ(ω) ναώ · | τ(ης) μο(νης) τ(ης)

29. Le texte entre crochets a été biffé, peut-être lorsque ce manuscrit a cessé d'apparte­nir au monastère de Skoutari. En effet, une note tardive au f. 268v indique une apparte­nance au Monastère de Saint-Lazare. Je remercie le Père Paramelle qui a déchiffré pour moi cette note.

30. F. luv si l'on suit la foliotation du microfilm. Le catalogue d'Andres place cette note au f. VI.

31. Τετράδας plutôt que τετράδια: on a en effet τετράδας dans les quatre autres manuscrits. B. ATSALOS, op. cit., donne ce manuscrit comme exemple à propos du terme παράφυλλα. Il résout l'abréviation τετρα( ) en τετράδια, tout en indiquant dans la note 29 que : «la lecture τετράδας ne serait pas exclue», et il renvoie au mot τετράδας du manus­crit d'Athènes 57 (erreur pour 56, voir supra).

32. Κυρ plutôt que κυρίου comme l'indique le catalogue d'Andres.

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ύπαραγ(ίας) θ(εοτό)κου τ(ου) σκουτ(α)ρ(ίου) · | π(αρά) τ(οΰ) μ(α)καρι(ω)τάτ(ο)υ (μον)αχ(οϋ) (καΐ) συγκέ(λλου) κύ(ρ)33 | ίω(άννου) τ(οΰ) γεγονότο(ς) (πρωτοσπ)αθ(αρίου) (και) (πρωτο)νοτ(α)ρ(ίου) (καΐ) λο|γοθ(έ)τ(ου) τ(ου) δρό(μου) • δν άξι(ώ)σει ό θ(εο)ς τ(ης) άϊ | δί(ο)υ αύτ(ου) βασιλεί(ας) · (καΐ) τ(ους) έντυγ|χάνοντ(ας) πίστει τ(οΐς) γεγραμμ(ένοις) | ελεήσει ώς άγαθο(ς) (καΐ) φιλάν|θρωπο(ς) · αμήν34 : -

Sin. gr. 556, f. 26935

Βίβλο(ς) μην σεπτέμβριο(ς) (καί) όκτώβριο(ς) · έχουσα | τετράδ(ας) τριάκοντα (καί) τέσσαρ(ας) • τ^γουν φύλλα | δύο (καί) έβδομήκοντ(α) (καί) διακόσια · μετά τ(ών) παρα|φύλλων (καί) τ(ον) εν τοις ξύλοις κεκολλημ(ένων) · άφι|ερώθτ) (δέ) τώ πανσέπτω ναώ τ(ης) μο(νης) τϊ)ς ύπαραγ(ίας) | θ(εοτό)κου του σκουτ(α)ρ(ίου) παρά του μακαριωτ(ά)τ(ου) (μον)αχ(ου) (καί) συγκέλ[λου] | κύ(ρ) ίω(άννου)· τ(οΰ) γεγονότο(ς) πρωτ(ο)νοτ(α)ρ((ου) (καί) λογοθ(έ)τ(ου) του δρό(μου) : ~

Marie-Thérèse L E LÉANNEC-BAVAVÉAS

33. Même remarque qu'en note 28. 34. E. Mioni date cette note du 1 Ie siècle, mais elle remonte visiblement au 13e siècle. 35. Certains mots ou même groupes de mots ne sont pas lisibles sur le microfilm au f.

269, mais ils peuvent être déchiffrés sur la décharge qui s'est créée au f. 268v.

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SUR UN PASSAGE DOUTEUX DU COMMENTAIRE DE GEORGES

PACHYMÉRÈS AUPARMÉNIDEDEPLATON

Albert FAİLLER

Summary: In an obscure passage in George Pachymeres's Commentary on the Parmenides of Plato one must read όντώσεως (ή δντωσις, being) instead of the impro­bable όντάσεως of the manuscript.

Le Parisinus graecus 1810 (13e s.), dont la copie est attribuée à Georges Pachymérès, contient le Commentaire de Proklos au Parmenide de Platon. Comme la seconde partie du Commentaire manquait dans le modèle, Georges Pachymérès a rédigé lui-même une suite et fin, qui couvre plus de la moitié du Dialogue de Platon (142b5 à 166c). Un pas­sage de l'exégèse donnée par Georges Pachymérès au texte de Platon fait problème. Conservé dans un manuscrit, qui, répétons-le, est attribué à la main même de l'auteur, ce passage est ainsi reproduit dans la récente édition du texte1 : καί εί ?jv τΐ το εν μη öv, τοντάσεωςγ αν μετεΐχεν. Le prétendu substantif ή δντασις est non seulement inconnu, mais inexpli­cable grammaticalement et lexicalement. Il semble pourtant que le copiste, qui serait Georges Pachymérès lui-même, ait bien écrit οντάσεως. Mais le copiste de VAmbrosianus 165 sup. (14e s.), manus­crit qui procède directement du Parisinus graecus 1810 et qui appartint à la collection de Bessarion, a transformé son modèle et remplacé ce sub­stantif douteux et inconnu par une expression qui est grammaticalement plus correcte, mais qui n'offre pas un sens satisfaisant : ού τάσεως. Cette dernière leçon est reprise dans les deux copies de ΓAmbrosianus, les Parisini graeci 1835 et 1836, transcrits respectivement en 1561 et en 1536. Les éditeurs du Commentaire au Parmenide de Platon n'ont pas

1. Th. A. GADRA et ALII, Γεωργίου τοΰ Παχυμέρους 'Υπόμνημα εις τον Παρμενίδην Πλάτωνος ['Ανωνύμου Συνέχεια τοΰ 'Υπομνήματος Πρόκλου], Athènes 1989, ρ. 578"9.

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proposé une version plus satisfaisante : V. Cousin2, qui s'est inspiré des Parisini graeci 1835 et 1836 plutôt que du 1810, a corrigé le texte et inséré la leçon ού στάσεως, qui est insatisfaisante à tous égards. La lec­ture du Parisinus graecus 1810 ne semble pas laisser place à une quel­conque solution, puisque l'auteur a bien écrit όντάσεως. Mais, à la réflexion, on peut proposer une solution : Georges Pachymérès, dont la graphie est d'ailleurs loin d'être claire, aurait écrit — ou voulu écrire — όντώσεως, et non όντάσεως. Sur le plan paléographique, la confusion entre ά et ώ peut s'expliquer : pour passer du second (ώ) au premier (ά), il suffit que les deux premiers jambages, au lieu de rester séparés, se rejoignent par le haut, tandis que le troisième jambage, témoin de l'ac­centuation, est identique pour les deux mots.

On obtiendrait ainsi un autre mot rare : ή δντωσις. Le nouveau sub­stantif a le double avantage de convenir au contexte et d'avoir été employé ailleurs par Georges Pachymérès, et cela à plusieurs reprises. Tout d'abord dans son Histoire, où, dissertant sur les démons, il affirme que ceux-ci, tout comme les hommes, ont été créés par Dieu «qui a été pour les non-êtres le principe de leur passage à l'être» : ή του Θεού άγαθότης, άρχη τις γενομένη τοίς μη οδσιν εις δντωσιν3. Le vocabulaire de l'historien semble avoir surpris également les copistes de l'Histoire : les trois manuscrits sources portent, en effet, la graphie δντωσι, qui n'est pas justifiable ; mais le copiste du manuscrit B, qui se signale fréquem­ment par une lecture critique de son modèle, a clarifié la nature du mot en ajoutant un ν final qui en fait un accusatif correct, à défaut de justifier l'existence d'un tel substantif. C'est pourtant la seule solution possible, car la préposition appelle un substantif. En l'absence de la préposition, on aurait pu conjecturer la présence de l'adverbe όντωσί (όντως + ι final avec valeur démonstrative), mais il resterait alors à expliquer le déplace­ment de l'accent. Le premier éditeur de l'Histoire, Pierre Poussines, a choisi la bonne leçon ; avec raison, il a relevé ce mot rare dans un index qui est pourtant très sommaire4.

Lorsque le texte de l'Histoire de Georges Pachymérès présente des leçons douteuses, savantes ou inexplicables, le recours à la Version brève apporte à l'occasion un éclaircissement. C'est le cas ici, bien que l'abré-viateur s'éloigne trop de son modèle pour fournir une équivalence stricte. Contractant la phrase, il substitue au savant εις δντωσιν de l'ori-

2. V. COUSIN, Prodi philosophi Platonici opera inedita. Pars tenia continens Prodi Commentarium in Piatonis Parmenidem, Paris 1864, col. 130816.

3. GEORGES PACHYMÉRÈS, Relations historiques, IX, 23 : A. Failler, III, p. 27510"11. 4. Bonn, II, p. 874. Dans le Glossaire (p. 708-709), P. Poussines présente quelques

réflexions sur l'existence et le sens du mot. Il le rapproche d'un substantif *όντώτης, qu'il voit dériver d'un verbe *όντόω et qu'il croit découvrir chez le Pseudo-Denys, mais celui-ci utilise en fait le substantif courant ή όντότης. Il n'a pas remarqué que Georges Pachymérès, comme on va le voir, emploie à plusieurs reprises ce substantif ή δντωσις dans son Commentaire du même Pseudo-Denys. Il n'aurait pas été inutile de signaler en note, dans la nouvelle édition de l'Histoire de Pachymérès, la présence dans le texte de ce qui apparaissait comme un mot rare, voire un hapax.

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COMMENTAIRE DE PACHYMÉRÈS 223

ginal la formule commune εις το είναι, mais l'adjonction d'un complé­ment (έπ' άγαθώ) fait perdre au verbe «être» sa valeur absolue, sans le réduire toutefois à une simple copule5. Ainsi l'abréviateur semble établir une équivalence, qui est justifiée, entre εις δντωσιν et εις το είναι.

Mais l'existence du substantif ή δντωσις est attestée à diverses reprises par le Commentaire du même Georges Pachymérès aux écrits de Denys l'Aréopagite. On ne trouve pas moins de cinq occurrences du mot dans le Commentaire aux Noms divins. Le substantif ή δντωσις, qu'on peut traduire littéralement par «l'être», indique l'existence — plutôt que l'es­sence — d'une chose ou d'un être vivant. Voici les trois passages où il est employé6 : 1. — καί ουδέν έστιν δν, καν ένυπόστατον, κάν εν άλλω θεωρούμενον...,

μη εστίν δντωσις αυτό δη το του θεοΰ αύτοεΐναι («rien n'est existant, qu'il subsiste en soi ou qu'il soit considéré dans un autre..., dont l'être autosubsistant de Dieu n'est pas lui-même l'être»).

2. — ώς εχειν λεγόμεθα δντωσιν καί ζωήν («comme nous disons avoir l'être et la vie»).

3. — τινά γαρ μετέχει μόνης όντώσεως, τινά καί όντώσεως καί ζωώσεως, τινά καί όντώσεως καί ζωώσεως καί σοφίας · αϊ γάρ άνώταται δυνάμεις των απάντων μετέχουσι («en effet, certains êtres partici­pent seulement à l'être, certains et à l'être et à la vie, certains et à l'être et à la vie et à la sagesse, car les puissances suprêmes partici­pent à tout cela»).

C'est le triple degré de l'être : l'être sans la vie, l'être avec la vie, l'être avec la vie et l'intelligence7.

Dans la traduction latine du Commentaire de Georges Pachymérès au texte du Pseudo-Denys, le mot δντωσις est rendu successivement par essentia et entitas. Le second mot est préférable. Ajoutons que, pour Georges Pachymérès, les substantifs ή δντωσις et ή ουσία ont un sens identique et sont interchangeables. Dans le passage du Commentaire au traité du Pseudo-Denys, dont un extrait vient d'être cité, apparaissent clairement l'identité et le parallélisme des formules8 : au mot ή ουσία (δλα λέγων τά όλοτελώς μετέχοντα καί ουσίας καί ζωώσεως καί αγιασμού... : «affirmant que tous les êtres qui participent totalement et à l'être et à la vie et à la sanctification...») fait écho dans la phrase sui-

5. διά το καί αυτούς [c'est-à-dire les démons] ύπο του Θεοΰ εις το είναι ταχθέντας έπ' άγαθο.

6. PG 3, 840 15" , 845Βι"2, 968 14" . 7. On peut citer aussi le commentaire de Maxime le Confesseur au même passage du

Pseudo-Denys (PG 4, 401B6"9) : où πάντα πάντων μετέχουσι · τα μέν γαρ ουσίας μόνης, τά οέ ζωής, τά δέ καί νοήσεως ł) και νοερότητος, τά δέ προς τούτοις καί θεώσεως («tous les êtres ne participent pas à tout : les uns à l'être seul en effet, les autres à la vie, les autres à Γ intelligence et à l'esprit, les autres à la divinisation en plus»).

8. PG 3, 968C12"13 et 968m. Le passage de Maxime le Confesseur cité dans la note pré­cédente illustre pareillement cette équivalence.

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224 ALBERT FAİLLER

vante, déjà citée plus haut, le terme ή δντωσις (τινά γαρ μετέχει..., τινά καΐ όντώσεως καΐ ζωώσεως καΐ σοφίας).

Revenons à présent au Commentaire du Parmenide, dans lequel Georges Pachymérès emploie les mêmes formules que dans son exégèse du Pseudo-Denys. Comme dans la paraphrase des Noms divins, il faut lire dans le Commentaire du Parmenide : οντώσεως [et non όντάσεως] άν μετείχεν. Le mot apparaît à nouveau comme un substitut du terme ή ουσία, qui est effectivement employé à diverses reprises dans le même paragraphe, et presque toujours comme complément du même verbe μετέχειν9 : ουσίας μετέχει. Si l'on se reporte à présent au passage précis de Platon qui est commenté ici, on retrouve la même formule. Voici le passage du Parmenide de Platon10 : rjôn γαρ αν τούτου μετέχον δντος ουσίας μετέχοι. On peut traduire ainsi la phrase : «car, dès là qu'il serait participant à cela qui est, il participerait à l'être». C'est le sens que donne à la phrase l'éditeur-traducteur du Parmenide11 : «car participer ainsi à quelque chose qui soit le ferait immédiatement participer à l'être». Par contre, on peut s'interroger sur la traduction donnée par les éditeurs du Commentaire de Georges Pachymérès à ce passage du Parmenide de Platon : «for, if it participates any thing that is, it will accordingly participate the Being of what is»12. L'apparat des variantes du Commentaire, en reliant δντος à ουσίας, laisse supposer une erreur ď analyse grammaticale dans le texte de Platon. Voici comment il est rédigé (A représente le Parisinus graecus 1810, M ΓAmbrosianus 165 sup., PÍ. Platon) :

όντάσεως Α (ου τάσεως Μ) : δντος ουσίας PI. ; volutine δντος υποστάσεως ?

Les éditeurs semblent ainsi rapprocher δντος de ουσίας et rapporter le second mot au premier en qualité d'attribut. Peut-être serait-il préférable, pour éviter une telle interprétation, de présenter autrement le texte du Parmenide, en séparant clairement ce qui se rapporte au participe et ce qui se rapporte au verbe personnel : ffôn γαρ αν τούτου μετέχον δντος, ουσίας μετέχοι13. En effet, le participe δντος doit évidemment être rap­porté au seul τούτου. De cet apparat procède également la traduction qui est donnée, non plus du texte de Platon cette fois, mais du Commentaire de Georges Pachymérès : «and if the one that is not were something it

9. Édition citée, p. 5629·31-32·33-34, 57312. 10. Édition citée, p. So4"5. H.A. DIES, Platon. Œuvres complètes. VIII/1, Parmenide, Paris 1923, p. 111. 12. Édition citée, p. 113. 13. De fait, les Parisini graeci témoignent, si l'on s'en tient à la ponctuation des

manuscrits, de ce flottement dans l'analyse grammaticale et logique de la phrase : - 1810 : Αδη γαρ otv τούτου μετέχον, δντος ουσίας μετέχοι. - 1835 : rfii) γαρ αν τούτο μετέχειν, ούτε ουσίας μετέχον. - 1836 : ј ) γαρ αν τοοτο μετέχον, δντος, ουσίας μετέχοι.

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COMMENTAIRE DE PACHYMÉRÈS 225

would participate being Being»14 (και ει ?jv τι το êv μη öv, Ιόντάσεω^ іѵ μετεΐχεν15).

En résumé, on trouve dans les écrits de Georges Pachymérès sept emplois du substantif ή δντωσις. Bien que Pierre Poussines l'ait relevé dans son Index Grammaticus et dans son Glossarium il y a plus de trois siècles, le mot ne figure pas jusqu'à ce jour dans les dictionnaires, du moins avec cette acception. En effet, si la nouvelle édition du Thesaurus graecus d'Henri Estienne16 et, par la suite, le Grand Dictionnaire de D. B. Dèmètrakos17 ont relevé le mot, c'est pour l'affecter d'un tout autre sens, en se référant à une source d'ailleurs mal assurée : le Lexique du Pseudo-Zônaras ; celui-ci mentionne bien un substantif ή δντωσις, mais la définition qui en est donnée (η αϋξησις) laisse penser que le copiste du manuscrit a écrit δντωσις pour δνησις. Bien que Georges Pachymérès ait multiplié l'emploi du mot qu'il semble avoir forgé lui-même, le substan­tif ή δντωσις ne s'est pas imposé dans la langue grecque postérieure. Mais un composé est apparu dans la langue tardive : ή έξόντωσις18 ; ce mot signifie «l'anéantissement», appliqué aux seuls humains. Sous sa forme démotique (η εξόντωση), il est devenu un terme courant du voca­bulaire contemporain.

Albert FAILLER Institut français d'Études byzantines ( )

14. Édition citée, p. 114. En note, les éditeurs se contentent de faire la remarque sui­vante : «Pachymérès (absentmindedly ?) wrote the non-existent word όντάσεως».

15. Édition citée, p. 5789. 16. H. ESTIENNE, Thesaurus graecae linguae, V, Paris 1865, col. 2041. 17. D. B. DÈMÈTRAKOS, Μέγα λεξιχόν όλης της 'Ελληνικής γλώσσης, Χ, Athènes

1964, ρ. 5165. 18. Ibidem, V, ρ. 2661.

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BIBLIOGRAPHIE

Les ouvrages pour compte rendu doivent être envoyés anonymement à la Revue des études byzantines. L'envoi personnel à l'un des membres de la Rédaction n'en­gage en rien la Direction de l'Institut ou de la Revue. La Revue n'accepte pas de publier les recensions qui lui sont proposées sans avoir été sollicitées.

Les recensions sont rangées par ordre alphabétique à l'intérieur de deux séries. La première série comprend les comptes rendus plus détaillés. Dans la seconde série sont regroupés les comptes rendus brefs : ceux-ci se limitent à une description suc­cincte du contenu de l'ouvrage et ils ne sont pas signés. Quant aux ouvrages qui ne se rapportent pas directement à l'empire byzantin, ils figurent sur une liste des «Ouvrages reçus».

Maria Luisa AGATI, Giovanni Onorio da Maglie copista greco (1535-1563) (Supplemento n. 20 al «Bollettino dei Classici». Accademia Nazionale dei Lincei). — Rome 2001. 24 χ 17. 349 p. avec 22 planches hors texte.

Giovanni Onorio da Maglie est un des copistes les plus féconds de la Renaissance ita­lienne. Originaire de terre d'Otrante, il a exercé toute son activité officielle à la cour papale de Rome, de 1535 à 1563. Très apprécié pour l'élégance de son écriture, il ne s'est pas contenté de copier des textes, mais s'est intéressé à tout ce qui touche le livre, en tant que restaurateur, rubricateur et miniaturiste, et aussi dessinateur de caractères typogra­phiques. Son activité se situe à une des périodes les plus riches de la Bibliothèque Vaticane, au service de laquelle sont engagés d'autres copistes renommés comme Jean Mavromatis, André Darmarios, Emmanuel Provataris, François Syropoulos, etc. L'intérêt pour les textes, et en particulier pour les textes profanes, littéraires ou scientifiques, se trouve alors soutenu par les plus grands esprits qui exercent leur mécénat, comme les Farnese (en particulier Alexandre Farnese), les cardinaux Cervini, Ridolfi ou Alfonso Carafa.

Dans cette monographie, très richement documentée, M. L. Agati aborde les différents aspects du personnage. Le livre est divisé en six chapitres. Le ch. 1 examine les docu­ments d'archives apportant des informations sur la vie de Jean Honorius ; les ch. 2 à 4 examinent les trois facettes de son activité, comme scriptor, instaurator et stampator ; en retraçant l'itinéraire suivi par un certain nombre de manuscrits hors de la Vaticane, le ch. 5 met en évidence les liens tissés entre le copiste et les grands mécènes de son temps ; le ch. 6 essaie de résoudre le casse-tête paléographique constitué par l'existence d'écri­tures apparentées, dues soit à des collaborateurs, soit à des imitateurs, la plupart du temps anonymes. L'ouvrage se termine par la liste des manuscrits copiés ou restaurés par Jean, les premiers au nombre de 103, les seconds au nombre de 51 (si l'on additionne restaura­tions textuelles et simples restaurations matérielles).

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Cette savante synthèse vient enrichir la série, déjà bien fournie, des monographies consacrées aux grands copistes des 15e et 16e siècles.

Paul GÉHIN

Hilarion ALFEYEV et L. NEYRAND S. j . (Éd.), Syméon le Studíte, Discours Ascétique. Introduction, texte critique, notes et Index (Sources Chrétiennes 460). — Les Éditions du Cerf, Paris 2001. 20 χ 13,5. 154 p. Prix : 100 FF.

Nous ne connaissons de Syméon le Studite (f 986/987) qu'un seul écrit, le Discours ascétique (= DA) dont HA et LN nous offrent ici l'édition critique et la traduction fran­çaise. L'écrit du Studite intéresse tout particulièrement ceux qui étudient Syméon le Nouveau Théologien, son disciple et son fils spirituel. Nicétas Stéthatos (t c. 1085) nous apprend que Syméon le Studite passa quarante-cinq années dans la vie monastique, et s'illustra par des dons miraculeux. I. Hausherr situe sa mort vers 986 ou 987, mais les dates de nos deux Syméon restent sujettes à discussion (p. 35 et 12). — Le DA comprend 39 chapitres, au sens ancien du mot, désignant des ensembles parfois très courts. Trente-deux ont été publiés dans la Philocalie grecque sous le nom de Syméon le Nouveau Théologien (Venise 1782) et reproduits par J. P. Migne (PG 120, 669-686). En 1790, Denys de Zagora, éditant la version grecque moderne de Syméon le Nouveau Théologien, en détacha les 39 chapitres publiés ici, en précisant : «Ce discours ascétique n'est pas de Syméon le Nouveau Théologien, mais de Syméon le Pieux, qui était l'Ancien du Nouveau Théologien» (cité p. 58). Cette restitution est confirmée par plusieurs passages du second Syméon et de Nicétas, rassemblés par I. Hausherr (OChr 12, Rome, 1928). Notre éditeur reproduit les 39 chapitres à partir de sept manuscrits (p. 62-65) en reprenant, pour l'essen­tiel, la division du texte de Denys de Zagora, mais en remettant les chapitres dans l'ordre qui leur est attribué par les manuscrits. Il leur ajoute deux «chapitres» transmis isolément (p. 67), ce qui porte à 41 le nombre des «chapitres» actuellement édités.

S'offre ainsi à nous un petit trésor de sagesse humaine et spirituelle dont l'introduction de HA nous aide à mieux apprécier la portée. HA y présente ce que nous savons sur la personnalité de Syméon le Studite (p. 23-36) et les principaux thèmes d'une théologie spi­rituelle que reprendra Syméon le Nouveau Théologien (p. 36-57). En premier lieu vient le thème des larmes et de la componction, suivi par d'autres thèmes, comme celui de la prière continuelle, de la direction spirituelle et de la confession. Particulièrement impor­tante est la question des visions mystiques chez les deux Syméon. L'accent est mis sur l'expérience de la lumière, présentée comme «l'illumination de la lumière divine» en l'homme (DA 32, 18 ; p. 112 ; cf. p. 52-56 ; p. 24-25), expérience dont le Studite décrit les effets bouleversants dans la sensibilité du sujet, mais avec une certaine préoccupation d'éviter que ce dernier ne soit totalement absorbé par la vision extatique (p. 54).

L'un des mérites de l'introduction est de rappeler au lecteur non averti l'originalité du monastère fondé par le patricien Stoudios au milieu du 5e siècle, et auquel il donna son nom (p. 14). Ce Stoudios, fondé en plein milieu de la ville de Constantinople, représente un monachisme quelque peu différent de celui de l'Egypte au 4e siècle. Il ne s'agit plus de fuir le monde, mais de vivre l'idéal cénobitique en pleine vie urbaine. «Les laïcs assis­taient aux offices monastiques ; les moines devaient prendre en charge la direction spiri­tuelle des séculiers, faire et recevoir des visites, avoir un contact intense et permanent avec la vie de la ville» (p. 15). Le monastère fut mêlé à la crise iconoclaste et associé à la victoire définitive sur l'hérésie en 843. Il eut ainsi une influence considérable, non seule­ment à Constantinople et dans les environs, mais plus loin encore, par exemple au Mont Athos (p. 14-15). — Ce contexte aide à comprendre le problème posé par la «confession» de laïcs (ou de moines) faite à des moines non prêtres (p. 20-21). Cette coutume de la tra­dition studite «a rencontré une forte opposition de la hiérarchie et des canonistes, et finale­ment elle a presque disparu dans l'Église orientale ; mais à l'époque de Théodore Studite et de Syméon le Nouveau Théologien elle existait encore et était généralement admise» (p. 22). À ce sujet, HA précise, tout comme l'avait fait I. Hausherr avant lui, que cette confession ne comportait pas d'«absolution sacramentelle» au sens occidental du mot

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(p. 22). Origene relevait sept et Cassien dix manières de se faire remettre les péchés sans qu'il soit question de confession sacramentelle (autres exemples : p. 39). Cette «confes­sion» impliquait aussi, et cela est important, que l'on expose à l'Ancien, ou au frère, «les pensées qui nous viennent à chaque heure et à chaque jour» (DA 35, 1-9 : p. 116-117 ; cf. p. 40-42). Nous retrouvons dans cette forme de «direction» (p. 19-23 ; 39) une mise en œuvre du discernement spirituel des pensées qu'une insistance trop unilatérale sur le par­don des péchés risquerait de nous faire oublier. — Le volume s'achève en présentant le programme de la journée du moine, deux tables de correspondances entre la présente édi­tion et les 32 chapitres de la Philocalie, et deux index : scripturaire et des mots grecs.

Joseph WOUNSKI

Milton V. ANASTOS, Aspects of the Mind of Byzantium. Political Theory, Theology, and Ecclesiastical Relations with the See of Rome, edited by Speros Vryonis, jr. and Nicholas Goodhue, index prepared by Roberta Engleman (Variorum Collected Studies Series CS717). —- Variorum Ashgate, Aldershot-Burlington USA-Singapore-Sydney 2000. 2 3 x 1 5 . xvi-342p.

Le lecteur trouvera groupées, dans ce volume, huit études de Milton V. Anastos (1910-1997), figure de proue du byzantinisme américain, Senior research professor à Dumbarton Oaks, puis Professeur à l'Université de Los Angeles (UCLA). Un premier volume de cette même collection (Studies in Byzantine Intellectual History, 1979), réunis­sait des articles publiés par Anastos de 1946 à 1975. Le volume actuel comprend sept articles, parus de 1978 à 1993, auxquels s'ajoute une dernière étude, inédite, intitulée: Constantinople and Rome : A Survey of the Relations between the Byzantine and the Roman Churches. Ce dernier texte doit constituer le cinquième chapitre d'un vaste ouvrage d'ensemble à venir, sous le titre de : The Mind of Byzantium. Sp. Vryonis jr. sou­ligne, dans l'Introduction (p. Ѵ - Ѵ), toute l'importance de ce texte : «"Constantinople and Rome"... has sufficient organic unity to bear separate publication... [...] This material offers a connected survey... of an important part of Byzantine history that is otherwise unavailable», (p. IX et viii-ix).

Les contributions de cet ouvrage permettent de bien cerner les centres d'intérêts d'Anastos, de 1975 environ jusqu'à sa mort. L'article II (Basil's Κατά Εύνομίου: Α Critical Analysis), qui témoigne d'une approche aussi philologique que théologique, a permis à Anastos de conclure que : «his [Basile] theology is at times indistinguishable from contemporary Arian doctrine» (Introduction, p. Ѵ ) ; les autres articles portent éga­lement sur différents points relatifs à l'histoire du dogme défini par les conciles œcumé­niques (V. Basil's Lapses into Arianism and How Athanasius Had Avoided Them), ainsi qu'à l'histoire politique et juridique de Byzance, notamment dans les implications de la loi byzantine concernant le statut de l'empereur (I. Byzantine Political Theory: Its Classical Precedents and Legal Embodiment; HI. CI. 1.14.4 and the Emperor's Exemption from the Laws). La combinaison des deux composantes (histoire du dogme, politique impériale) n'est pas rare chez Anastos (IV. The Emperor Justin Γ s Role in the Restoration of Chalcedonian Doctrine, 518-519 ; VI. The Papal Legates at the Council of 861 and Their Compliance with the Wishes of the Emperor Michael III).

L'ouvrage semble intéressant pour deux raisons. Tout d'abord, parce que l'approche de Milton Anastos, bon connaisseur de son domaine, est originale. Puis, parce que son œuvre constitue une étape pour l'histoire du byzantinisme américain ; comme le souligne Sp. Vryonis jr. dans son Introduction, Anastos, dont les qualités scientifiques mais aussi morales étaient indéniables, a largement contribué à la promotion les études byzantines aux États-Unis et toute une génération de byzantinistes Américains lui doit sa formation.

Michel CACOUROS

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J Dèmètrès APOSTOLOPOULOS, 'Ανάγλυφα μιας τέχνης νομικής. Βυζαντινό

δίκαιο καΐ μεταβυζαντινή «νομοθεσία» (Κέντρο Νεοελληνικών 'Ερευνών 69. Θεσμοί καί 'Ιδεολογία στη νεοελληνική κοινωνία). — 'Εθνικό "Ιδρυμα 'Ερευνών, Athènes 1999. 24 χ 17. 246 ρ.

L'a., spécialiste du droit post-byzantin, est également connu pour ses travaux sur l'his­toire de l'institution patriarcale peu avant la prise de Constantinople par les Turcs et, sur­tout, dans les années qui ont suivi 1453. Parmi ses travaux, mentionnons celui qui porte sur le codex des actes patriarcaux, en usage dans cette institution pendant la seconde moi­tié du 15e s. ( Ό «'Ιερός χωδιξ» τοϋ Πατριαρχείου Κωνσταντινουπόλεως στο β' μισό τοϋ ΙΕ' αιώνος. Τά μόνα γνωστά σπαράγματα, Athènes 1992). Dans ce nouvel ouvrage, ., tout en exploitant les résultats auxquels il avait précédemment abouti (notamment le livre qui vient d'être mentionné), aborde la question des compilations canoniques utilisées au patriarcat peu après 1453. D. A. étudie plus précisément la constitution d'un recueil cano­nique officiel, probablement employé en 1564 ; ce document comporte d'une part des documents byzantins, d'autre part certains actes émis par le patriarche durant le premier siècle qui a suivi la chute de Constantinople.

L'intérêt majeur de cette compilation est d'avoir été conservée en partie dans sa forme originale. Il s'agit du manuscrit 12 de la métropole de Samos, amputé au début comme à la fin, que l'a. avait déjà examiné dans son étude sur le «'Ιερός κωδιξ» du patriarcat. Ce manuscrit miscellané comporte plusieurs unités : f. 1-68, de la fin du 16e s., Discours de Léon VI le Sage ; f. 69-91, de la seconde moitié du 15e s., version grecque de la Vita sancii Hilarionis par Jérôme ; f. 92-209, différentes sections allant du début du 15e s. au 16e s., comportant les vestiges du recueil canonique étudié (les fragments du «'Ιερός κώδιξ» correspondent aux f. 193-195 et 197-209 de cette unité) ; f. 215-257, de la seconde moitié du 14e s., homélies. L'a. déduit de ses analyses que les cahiers correspondant aux f. 92-209 ont été réunis, avec une numérotation continue, au 16e s., probablement par le patriarche Joasaph II (1555-1565). En effet, celui-ci a été accusé d'avoir émis un faux document reconnaissant le tsar comme empereur et d'avoir reçu, en échange, de magni­fiques cadeaux ; pour faire face aux accusations, il aurait, entre autres, voulu donner au clergé patriarcal un nouvel instrument de droit canon.

Michel CACOUROS

Laura BALLETTO (Éd.), Liber Officii Provisionis Romanie (Genova, 1424-1428) (Collana di Fonti e Studi, diretta da Creo Pistarino 6). — Università degli Studi di Genova, Sede di Acqui Terme, Genova 2000. 24 χ 17. LXXVI-515 p.

Voici enfin mis à la disposition des historiens le premier volume d'une édition com­plète des registres de Γ Officium Provisionis Romanie, conservés à l'Archivio di Stato de Gênes dans le fonds de San Giorgio. Cet organisme, créé pour traiter des affaires de Romanie (Péra, Caffa, Chio, mais aussi Chypre et à l'occasion Alexandrie) a joué un rôle majeur dans l'administration des colonies génoises de Méditerranée orientale et de mer Noire et dans la détermination de la politique de la Superbe envers Byzance ou les Ottomans, car, avec le collège des Anciens, il assiste le doge pour toutes les décisions concernant cette zone géographique. Le Uvre présenté ici reprend le contenu du premier des registres conservés et couvre la période du 27 janvier 1424 au 12 janvier 1428. Il existe un second registre couvrant les années 1447-1449 et les débris d'un troisième, en très mauvais état de conservation, contenant des documents compris entre novembre 1450 et mai 1453.

Le livre débute par une préface de Geo Pistarino ; puis, dans une introduction détaillée, L. Balletto présente ΓOfficium, ses compétences, son fonctionnement et son histoire. Il s'agit à l'origine, non d'une magistrature stable, mais d'une structure temporaire, qui existe dès 1377, pour répondre à des exigences immédiates ; en 1382, on note la nomina­tion d' officiates constituti super provisionibus parcium Romanie et maris Maioris pour décider des mesures à prendre face à la situation à Constantinople. Il est souvent cité dans

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BIBLIOGRAPHIE 231

les lois de 1413, préside à la révision des statuts de Caffa en 1449, et participe à la cession de Chypre puis de Caffa à {'Officium Protectorum Comperarum Sancii Georgii respecti­vement en 1447 et 1453. Π est supprimé officiellement le 15 novembre 1453, mais conti­nue son activité encore quelque temps pour traiter les affaires pendantes. Il est composé de huit membres élus pour un an d'après les lois de 1413, renouvelés par six, deux restant en place.

Après l'historique de l'organisme, l'auteur se livre à une longue présentation maté­rielle du registre de 1424-1428, de sa reliure, de son papier filigrane, de sa composition, et de l'écriture. Le registre contient 297 documents retranscrits par différents scribes, avec un certain désordre chronologique, aggravé par le fait que certains documents ne sont pas datés précisément.

Les documents ici publiés sont presque exclusivement de caractère épistolaire ; il s'agit d'aviser les officiers des colonies de la situation à Gênes, de donner des instructions concernant la gestion des établissements et la politique à suivre vis-à-vis des différents États de Méditerranée orientale et de notifier l'élection des nouveaux officiers. Les plus nombreux sont les documents envoyés à Caffa, puis à Péra, Chió, et Famagouste ; les des­tinataires sont les divers consuls, les trésoriers (massarii), les conseils établis dans les dif­férentes colonies, parfois les trois ensemble.

Pour chaque document édité, le texte latin, muni de son apparat critique, est précédé d'un régeste détaillé en italien et des indications concernant les éditions antérieures ou les notices. L. Balletto s'est également efforcée de restituer la date des documents, lorsque celle-ci faisait défaut.

L'édition des documents se termine par deux appendices contenant pour le premier des listes de candidats à telle ou telle fonction en 1424, 1425, 1426 et 1427, et pour le deuxième des documents écrits sur des feuillets isolés, en 1424 et 1429.

Comme l'éditrice a suivi pour l'édition des documents l'ordre du registre, elle a repris dans un très utile répertoire les régestes par ordre chronologique, ce qui permet de suivre plus aisément le travail de Y Officium. L'ouvrage se termine enfin par un index très détaillé des noms de lieux, de personnes, de charges, professions, navires, marchandises, mesures, monnaies et objets en général. Ces deux éléments sont particulièrement bienve­nus pour manier aisément l'ouvrage et sélectionner facilement les renseignements recher­chés.

Si certains textes ici présentés avaient été édités ou signalés notamment par N. Iorga (Notes et extraits pour servir à l'histoire des Croisades au XVe siècle, Revue de l'Orient Latin, t. 5, 1897, p. 108-212 et 311-388) ou N. Banescu (Archives d'État de Gênes. Officium Provisionis Romanie, I, RESEE 4, 1966, p. 575-591, et 5, 1967, p. 235-263), il n'en demeure pas moins que de nombreux documents concernant Caffa, Famagouste ou Chio sont présentés ici pour la première fois et viennent compléter notre connaissance de la politique et de la vie dans les colonies génoises de Méditerranée orientale et de mer Noire. L'édition de l'ensemble du registre est également importante pour comprendre l'administration par Gênes de ses établissements outre-mer dans une période bien particu­lière : la Superbe se trouve alors sous la domination du duc de Milan, Filippo Maria Visconti, ce qui a entraîné une certaine désorganisation dans l'administration coloniale ainsi que l'avait montré Enrico Basso (Filippo Maria Visconti face au problème colonial : politique et administration dans le Levant génois (1421-1435), dans Coloniser au Moyen Âge, éd. M. Balard et A. Ducellier, Paris 1995, p. 199-205).

Ce livre constitue un outil de travail indispensable à tous ceux qui s'intéressent à l'his­toire de Gênes et de son expansion en Orient, et en général à l'histoire de la Méditerranée orientale au 15e siècle ; il fait attendre avec grand intérêt l'édition du second registre de YOfficium Provisionis Romanie, celui de 1447-1449.

Catherine OTTEN-FROUX

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232 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Alexander Daniel BEIHAMMER, Nachrichten^um byzantinischen Urkundenwesen in arabischen Quellen (565-811) (Freie Universität Berlin. Byzantinisch-neu­griechisches Seminar. Ποικίλα Βυζαντινά 17). — Dr. Rudolf Habelt Gmbh, Bonn 2000. 20 χ 14. LXXXVII-514 p. L'auteur étudie les documents de l'historiographie arabe relatant des faits liés à l'his­

toire byzantine de 565 à 811. Cette époque a vu une succession souvent chaotique sur le trône de Byzance. Ainsi les

successeurs immédiats d'Héraclius, Héraclius Constantin III, et Héraclius Héraclonas, ont régné quelques mois en 641 ; d'autres sont restés assez longtemps pour mener leur poli­tique personnelle: Justin II (565-578), Maurice (582-602), Héraclius (610-641) ... Au même moment, le monde arabe connaît de grands bouleversements : naissance de l'Islam, règne des califes dits râsidûn («othodoxes», 632-661), première expansion de l'Islam (633-707), création et renversement du califat des Omeyyades sur les pays arabes (650-750), début de la dynastie 'Abbâsside.

Ce choix chronologique explique l'intérêt que présentent les témoignages des sources arabes, pour l'histoire de l'Empire. Nombre d'historiens arabes des 6Ml e siècles sont en grande partie des chrétiens non-chalcédoniens, ou des juifs, habitants du nouvel Empire : Agapios, melkite ; Élie de Nisibe, nestorien ; Bar Hebraeus (= Grégoire Abu 1. Farağ b. al­im), jabobite ; Eutychios (= Sa'îd b. Biţrîq), melkite ; Sévère de Ušmunayn (Sawîrus b.al-Muqaffa'), copte.

L'ouvrage comporte une introduction (p. Xl-Lxxxvii) suivie des Régestes (p. 1-437). Dans l'introduction, l'a. traite des problèmes de méthodologie que pose son enquête concernant la période envisagée et la conservation des sources. Après avoir passé en revue les différents auteurs dont l'œuvre se rapporte à cette période, il donne un aperçu, par tranche chronologique, des Quellen dans la tradition arabo-islamique. Les Régestes, don­nés dans la seconde partie, sont complétés par une bibliographie (p. 439-474), un glossaire des termes arabes (p. 475-489) et un index (p. 491-514). Chaque témoignage est formé de trois sections : l 'a donne tout d'abord le(s) texte(s) en trad. Ges principaux termes arabes sont translittérés), puis la bibliographie (première et secondaire, liées aux sources arabes aussi bien que byzantines) et, enfin, un commentaire fourni. L'ouvrage se recommande par son érudition.

Michel CACOUROS

Federica CICCOLELLA, Cinque poeti bizantini. Anacreontee dal Barberiniano greco 310. Testo critico, introduzione, traduzione e note a cura di. . . (Hellenica 5). — Edizioni dell'Orso, Alessandria 2000. 23 χ 15. LXIV-296 p. Prix: 34000LI.

Le Vatic. Barber, gr. 310 est une anthologie poétique de la fin du 10e s., qui comporte deux parties. La première constitue un recueil de poésies anacréontiques composées dans la période qui va de l'Antiquité tardive jusqu'à la première moitié du 10e siècle, le poème le plus tardif étant celui de Léon Magistros pour Constantin VII et Hélène Lecapène (de 919). La seconde partie du recueil comporte des poésies, pour la plupart anonymes, clas­sées par ordre alphabétique. Le manuscrit a été gravement mutilé depuis plusieurs siècles et les poèmes conservés dans la première partie vont désormais du 5e-6e s. au 9e-10e s.

Parmi ces textes, certains ont été publiés par P. Matranga (Anecdota graeca, vol. II, Rome 1850), qui a probablement fondé son édition sur le Barb. gr. 490, déjà utilisé par Léon Allacci (cf. infra). L'édition de Matranga comprend des fautes typographiques et toute une série de corrections, plus ou moins arbitraires. Pour cette raison, Th. Bergk (Poetae lyrici Graeci, Leipzig 31867, 41882, vol. III, Annexe), avait publié les poèmes profanes contenus dans le Barberinianus (en y joignant d'autres poésies, issues d'autres manuscrits) ; il avait reconstitué les leçons qu'il n'avait pu vérifier. L'a. vise à donner l'édition des poèmes anacréontiques byzantins compris dans la première partie du Vatic.

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BIBLIOGRAPHIE 233

Barber, gr. 310, en essayant de reconstituer, dans la mesure du possible, l'archétype uti­lisé. Ont été exclus de cet ouvrage les textes qui avaient déjà été édités et étudiés, comme, par exemple, ceux de Sophrone de Jérusalem et de Sophrone l'iatrosophiste, édités par Marcello Gigante (Rome 1957).

Dans son introduction (p. XXI-LXI), l'a. rappelle tout d'abord (p. І- Ѵ ) les traits essentiels de la poésie anacréontique, puis (p. XXVIII-XXXIII) elle· présente les caractéris­tiques du Vatic. Barber, gr. 310. Ce manuscrit de petit format; copié sur parchemin dans une écriture élégante du type de la minuscule bouletée 'élancée', comprend des poèmes qui remontent à la renaissance byzantine des 9e-10e s., marqués par un regain du goût pour la poésie. À cette occasion, l'a. donne une esquisse rapide des rapports qui unissent le Barber, gr. 310 aux autres manuscrits anacréontiques de la Vaticane, en particulier le Barber, gr. 490, du 16e s., probablement copié sur le Barber, gr. 310 (avec plusieurs fautes d'orthographe), le Vallicelan. gr. 210 [la forme «ValliceUm.» est à préférer à «Vallicelian.», en tout cas si on emploie les termes latins], qui est la copie de Léon Allacci [= Carte Allacci Ѵ]. Enfin, l'a. décrit sommairement (p. -XLIX) les nouveautés métriques et stylistiques que présentent les poésies anacrétontiques du Barber, gr. 310 (obtoi, κουκούλια...), et donne un aperçu (p. XLIX-LXI) sur les genres litté­raires où les nouveautés en question ont été mises à profit L'édition (p. 6-263) est soi­gnée, chaque poème étant introduit par un bref commentaire historique et suivi d'une tra­duction et d'une étude philologique développée. L'ouvrage s'achève sur des index des termes grecs (p. 267-293).

Michel CACOUROS

Marie-Hélène CONGOURDEAU (Trad.), Théolepte de Philadelphie. Lettres et Discours monastiques. Lettres de Théolepte à Eulogia traduites par un moine orthodoxe ; Discours monastiques traduits par S. SALA VILLE, AA ( t ) , et Marie-Hélène CONGOURDEAU ; Introduction, notes, bibliographie, guide thématique et index par Marie-Hélène CONGOURDEAU (Migne. Les Pères dans la foi 81-82). — Migne (Diffusion Littéral), Paris 2001. 19,5 χ 13,5. 319 p.

Connu pour avoir eu un illustre disciple en la personne de Grégoire Palamas, Théolepte de Philadelphie mérite l'attention pour lui-même. Durant son long episcopat (1283-1322), il a sans doute passé une grande partie de son temps à Constantinople, mais il a connu aussi la condition difficile et originale d'un évêque isolé dans une enclave byzantine en terre turque. Il a laissé des œuvres qui valent autant par une forme élégante dans la simplicité et un style imagé que par la profondeur du contenu. Celles-ci méritent d'être mises à la portée tant de l'historien de la spiritualité que du croyant, qui y trouvera matière à réflexion et à méditation. La traduction française y contribuera grandement, à la suite de la traduction anglaise qui l'a précédée et qui est due à R. E. Sinkewicz pour les discours monastiques (Theoleptos of Philadelphia. The Monastic Discourses, Toronto 1992) et à A. . pour les lettres (The Life and Letters of Theoleptos of Philadelphia, Brookline 1994). Sévérien Salaville, qui a publié quelques articles sur cette œuvre, avait préparé une édition des discours monastiques, doublée d'une traduction, qui a été utilisée tant par R. E. Sinkewicz (op. cit., p. vu) que par M.-H. Congourdeau (p. 38). Les discours monastiques sont au nombre de vingt-trois, les lettres au nombre de cinq.

La traductrice aborde un auteur auquel elle a déjà consacré une notice détaillée dans le Dictionnaire de spiritualité (tome 15, 1991, col. 446-459). C'est en directeur spirituel que Théolepte s'adresse tant aux moniales dans leur ensemble qu'à leur jeune supérieure, Irène/Eulogie Choumnaina, entrée au monastère du Sauveur Philanthrope de Constantinople après la mort prématurée de son mari, le despote Jean Palaiologos, en 1307. Les exhortations spirituelles de Théolepte reprennent les idées traditionnelles de la spiritualité chrétienne et monastique, depuis les Pères du désert et leurs textes fondateurs jusqu'aux réflexions plus nouvelles sur Yhèsychia (la «quiétude»). S'il y introduit indubi­tablement, il ne développe pas la doctrine de l'hésychasme telle qu'elle allait prendre

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forme quelques décennies plus tard, en provoquant de grands remous dans l'Église. Théolepte aborde les thèmes de la prière de Jésus et de la prière continue, qui est «souve­nir permanent de Dieu» ou «mémoire de Dieu». Ses exhortations restent au stade de la simple réflexion spirituelle et ne s'aventurent guère dans les considérations intellectuelles ou philosophiques de la théologie. Les thèmes sont plus pratiques : la vie de communauté, l'incompatibilité des caractères, la prière, la patience, l'apprentissage de la paix intérieure, l'humilité, l'exercice des diaconies (c'est-à-dire les charges auxquelles vaquent moines et moniales dans le monastère). De fait, si l'on s'en tient aux titres des discours successifs, on trouve, à côté des homélies habituelles sur l'évangile du jour, les thèmes classiques de la vie spirituelle : la vigilance et la prière, l'ascèse, la quiétude et la prière, les passions, l'obéissance à la supérieure, la conduite en communauté, le silence, le jeûne, l'humilité, la charité fraternelle, le péché. Certaines homélies sur l'évangile du jour sont plus savantes et filent la métaphore selon les règles de l'exégèse allégorique. Dans son annotation, la traductrice replace bien les concepts de la vie spirituelle dans leur tradition et offre ainsi au lecteur un texte clair et agréable.

Albert FAILLER

Nicholas COUREAS et Christopher SCHABEL (Éd.), The Cartulary of the Cathedral of Holy Wisdom of Nicosia, Nicholas COUREAS et Christopher SCHABEL (Texts and Studies in the History of Cyprus XXV). — Cyprus Research Centre, Nicosie 1997. 24,5 χ 17. 347 p. Le centre de Recherches de Chypre publie depuis bien des années des sources concer­

nant l'histoire de l'île. Le 25e volume de la collection offre aux historiens l'édition com­plète du cartulaire de l'église cathédrale de Nicosie, à partir d'un manuscrit conservé à la bibliothèque Marcienne de Venise. Ce cartulaire n'était pas inconnu car Louis de Mas Latrie en avait extrait et publié certains documents, entièrement ou sous la forme de régestes dans son Histoire de l'île de Chypre sous le règne des princes de la maison de Lusignan, vol. 2 et 3, Paris 1852-1861, et Documents nouveaux servant de preuves à l'his­toire de l'île de Chypre sous le règne des princes de la maison de Lusignan, dans Collection de documents inédits pour servir à l'histoire de France, Mélanges historiques IV, 1882 ; d'autre part J.L. La Monte en avait donné un régeste dans un article intitulé : A register of the cartulary of the cathedral of Santa Sophia of Nicosia, dans Byz. 5, fase. 2, 1929-1930, p. 439-522 ; enfin les documents pontificaux avaient eux aussi pour la plupart fait l'objet de publications séparées. Cependant certains documents étaient restés inédits et une édition complète, répondant aux critères scientifiques modernes, faisait cruellement défauL Les deux éditeurs se sont partagé le travail comme ils l'annoncent dans la préface pour nous livrer le texte des cent quarante documents qui composent ce cartulaire ; leur répartition chronologique sur une période de près de quatre siècles, de 1195 à 1567, est très inégale, puisque dix seulement sont postérieurs au 14e siècle, avec une grande lacune entre 1391 et 1472. Ils sont presque tous en latin, à l'exception d'un petit nombre en fran­çais et un en italien. Les documents présentés ne sont pas classés par ordre strictement chronologique comme dans les régestes de La Monte. Les deux éditeurs ont suivi l'ordre du manuscrit où les documents sont regroupés par thèmes à l'intérieur desquels ils sont rangés chronologiquement. Les thèmes sont les suivants : - autorité ecclésiastique et archiépiscopale ; - bénéfices ecclésiastiques et relations avec les laïcs ; - acquisition de propriétés et disputes entre séculiers et réguliers ; - Église latine et Église grecque à Chypre (c'est dans cette section que se trouve la fameuse Bulla pria de 1260) ; - la question des dîmes ; - documents du 14e siècle ; - documents de la période vénitienne.

Après une bibliographie, assez succincte, le Uvre s'ouvre sur une introduction histo­rique qui, dans une première partie, remet les documents dans leur contexte selon les

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BIBLIOGRAPHIE 235

thèmes ci-dessus énumérés, la deuxième partie étant consacrée à la cathédrale Sainte-Sophie. Ensuite, une introduction à l'édition retrace l'histoire du càrtulaire, présente le manuscrit et expose les principes d'édition. Enfin un tableau récapitulatif permet de repla­cer les documents, avec leur date, leurs auteurs, leur langue, leur lieu d'émission et leurs éditions antérieures. Chaque document est pourvu d'un régeste détaillé et d'un abondant apparat critique prenant en compte les différentes variantes des textes. Enfin l'index est précédé d'une page où sont répertoriés les seings des notaires.

Si l'introduction est assez développée, les notes explicatives sont réduites au minimum et ne fournissent pas toujours les explications historiques, topographiques ou prosopogra-phiques que l'on serait en droit d'attendre. On regrette l'absence d'une carte de Chypre permettant de localiser les lieux cités, une carte du diocèse de Nicosie aurait également été la bienvenue ainsi qu'une liste des archevêques et des chanoines. Le livre n'est pas exempt de fautes d'impression ou d'inattention, par exemple p. 24, 1. 2 «abbot» pour «abbey», ou bien p. 318 «quondam dominum Iacobum Urrium» traduit par «a certain James Urri» au lieu de «the late James Uni».

Cet ouvrage livre le matériel brut dont la mise en valeur se trouve dans le livre de Nicholas Coureas paru la même année, The Latin Church in Cyprus, 1195-1312, (Ashgate), Aldershot 1997. Les deux livres sont complémentaires. En tout cas, les deux éditeurs, en mettant à la disposition des historiens des textes importants, nous offrent là un ouvrage qui comble une lacune et rendra service à tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de Chypre, mais aussi à l'histoire des rapports entre l'Église romaine et l'Église grecque.

Catherine OTTEN-FROUX

Georges-Matthieu DE DURAND (Éd.), Marc le Moine. Traités II. Introduction, texte critique, traduction, notes et index (Sources Chrétiennes 455). — Les Éditions du Cerf, Paris 2000. 20 χ 13. 380 p. 233 F. Ce second volume des traités de Marc le Moine (cf. REB 59, 2001, p. 268-269 pour le

premier volume) contient les ouvrages suivants : Discussion avec un avocat, À Nicolas, Le jeûne, Melchisédech, L'Incarnation.

La Discussion avec un avocat est une défense de la vie monastique face à un scholasti­kus qui la dénigre. Elle présente une position modérée sur des controverses de l'époque, en particulier le rôle du travail manuel ou de la prière perpétuelle. Le traité aborde aussi la contradiction apparente des Écritures, signe que ces controverses s'appuyaient sur des interprétations divergentes de passages scripturaires. Signalons aussi la question de la souffrance du juste. A ceux qui suggèrent que par sa Passion le Christ acquittait une dette personnelle, Marc oppose la notion du Christ garant pour les autres (έγγυώμενος), mais n'en soutient pas moins que dans le cas des hommes toute souffrance est justifiée, ce qui n'est pas sans rappeler la position de Basilide sur le martyre (cf. P. Nautin, Les fragments de Basilide sur la souffrance et leur interprétation par Clément d'Alexandrie et Origene, Mélanges H. Puech, 1974, p. 393-404).

À Nicolas, lettre à un jeune moine, est apocryphe mais fut reçue comme part intégrante de l'enseignement de Marc. Le moine ayant interrogé son père spirituel sur la façon de combattre la colère et le désir, la lettre évoque la nécessaire sobriété face à l'encombre­ment de l'esprit par les logismoi. Elle suggère de méditer la kénose du Christ, les bonnes méditations ayant pour effet de chasser les mauvaises (méthode assez rarement dévelop­pée, mais que l'on retrouvera chez Nicolas Cabasilas au 14e siècle). On notera cet adage sur l'ascèse: «Ce qui fait affluer le sang fait s'échapper l'esprit» (p. 132: εισροή γαρ αίματος έκροήν πνεύματος απεργάζεται).

Le traité sur Le jeûne est traditionnel. En revanche, les deux derniers traités {Melchisédech et L'Incarnation) abordent des questions de christologie intéressantes. Marc y défend l'unité des deux natures du Christ face à deux sortes d'adversaires : ceux qui placent Melchisédech au-dessus du Christ parce qu'il est «sans père et sans mère» ; ceux (nestoriens ?) qui séparent le «simple homme» et le «Verbe nu». Il est assez difficile de cerner les adversaires de Marc, qui ne se contente pas de contrer les affirmations

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réelles de ses adversaires mais également celles qu'ils pourraient lui objecter. L'absence de référence au danger apollinariste et la fluidité des termes de Marc suggère une datation haute, avant la fixation des concepts par les controverses entourant Chalcédoine. Notons, pour L'Incarnation, une discussion exégétique sur 1 Co 2, 8 et un symbole baptismal d'origine orientale.

L'Annexe 1 est un essai de regroupement des manuscrits pour chacun des traités. L'Annexe 2 donne l'opuscule de Jérôme le Grec sur l'effet du baptême, proche du traité marcien Du baptême publié dans le volume précédent, opuscule que l'éditeur rattache hypothétiquement au baptême forcé d'Héraclius, mais qui nous paraît s'intégrer aussi au contexte anti-messalien, les effets sensibles (plèrophoria, présence de l'Esprit, feu, allé­gresse) étant présentés comme les fruits du baptême.

Les index et errata complètent ce second volume.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Alain DIERKENS et Jean-Marie SANSTERRE (Ed.), Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident du vf au xf siècle. Actes du colloque international organisé par la Section d'histoire de l'Université Libre de Bruxelles en collaboration avec le Département des Sciences Historiques de l'Université de Liège (5-7 mai 1994), Alain DIERKENS et Jean-Marie SANSTERRE (Éd.) avec la collabora­tion de Jean-Louis KÜPPER (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, Fase. CCLXXVUI). — Diffusion : Librairie Droz S.A., 11, rue Massot, Genève 12, 2000. 24 χ 16. 421 p.

Les actes de ce colloque, qui donne un sens large au mot voyage en y incluant tout type de déplacement, réunissent dix-sept communications, dont une bonne moitié porte sur Byzance.

M. Kaplan, Quelques remarques sur les routes à grande circulation de l'Empire byzan­tin du VIe au XIe siècle, p. 83-100. L'étude des itinéraires empruntés par Léon de Synada, Théodore de Sykéôn et Théodore Stoudite permet de mettre en valeur quelques grands axes de l'Asie Mineure occidentale.

R. W. Thomson, Les voyageurs arméniens à Byzance et leur connaissance du grec, p. 101-112. De nombreux Arméniens sont venus puiser la «sagesse chrétienne» dans la Reine des villes, mais sans laisser d'informations sur les chemins qu'ils ont suivis, ni de description de la capitale.

F. J. Thomson, Communications orales et écrites entre Grecs et Russes IXe-XIIIe siècles). Russes à Byzance, Grecs en Russie : Connaissance et méconnaissance de la langue de l'autre, p. 113-163. L'influence grecque a pénétré en Russie par l'intermédiaire de princesses byzantines, d'ecclésiastiques ayant séjourné dans l'Empire, mais l'auteur ne croit pas que l'Église russe primitive, en dépit que ses métropolites, sauf deux, aient été grecs, ait utilisé la langue grecque dans sa liturgie. En bref, le grec littéraire est resté ignoré en Russie, alors que le démotique était connu de certains cercles kiévains, les mar­chands par exemple.

É. Malamut, Des voyages et de la littérature voyageuse à Byzance : un autre espace, une autre société (IVe-XIIe siècles), p. 189-213. L'auteur s'efforce d'établir une sociologie des déplacements de fonctionnaires, de soldats, de pèlerins...

D. Claude, Spätantike und frühmittelalterliche Orientfahrten : Routen und Reisende, p. 235-253. Les ambassades, les allées et venues des fonctionnaires et des généraux, les pèlerinages permettent de voir quels itinéraires restent empruntés aux 6e et 7e siècles, et de confronter les conclusions avec ce que l'archéologie nous suggère.

M. Balard, Voyageurs italiens à Byzance (VIe-XIe siècles), p. 254-272. On note sans surprise que les Italiens sont parmi les visiteurs occidentaux les mieux représentés à Constantinople, même si, à la brillante exception de Liutprand, ils n'ont pas laissé de rela­tion de leurs voyages vers Constantinople, à la différence de leurs visites vers les Lieux saints.

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BIBLIOGRAPHIE 237

P. Maraval, Pèlerins orientaux dans l'Orient byzantin, p: 273-287. Jérusalem et la Palestine furent les destinations les plus recherchées par les pèlerins, au premier rang des­quels moines et clercs, qui affluaient des provinces voisines. D'autres Orientaux entrepre­naient aussi des pèlerinages plus lointains, mais ils appartenaient aux catégories les plus aisées, seules capables de supporter les frais de ce long.voyage.

N. Oikonomidès, Les marchands qui voyagent, ceux qui ne voyagent pas et la pénurie de textes géographiques byzantins, p. 307-319. Les Byzantins, à la différence des Arabes, n'ont jamais produit d'ouvrages de géographie. L'auteur avance comme explication que les Constantinopolitains étaient plus intéressés par le passé et que les provinciaux, plus audacieux à l'égard du monde extérieur, n'avaient pas les moyens culturels et matériels de produire de telles œuvres.

J. Shepard, Messages, ordres et ambassades: diplomatie centrale et frontalière à Byzance (IXe-XIe siècles), p. 375-396. Les empereurs disposaient par le drome de tout un réseau d'informateurs, qui leur permettait de connaître les préparatifs annonciateurs d'une attaque ennemie et de contrôler les petits États frontaliers. Sur ce sujet on pourrait citer également les travaux de N. Koutrakou.

Jean-Claude CHEYNET

Dumbarton Oaks Papers 54 (Dumbarton Oaks Research Library and Collection). — Washington DC 2000. 29,5x21,5 . ix-290p.

J. Bardili, The Church of Sts. Sergius and Bacchus in Constantinople and the Monophysite Refugees, p. 1-11.

G. C. Maniatis, The Organizational Setup and Functioning of the Fish Market in Tenth-Century Constantinople, p. 13-42. L'auteur poursuit une recherche fondée sur l'uti­lisation des outils modernes à propos de l'économie byzantine, enquête commencée dans Byz. (71/1, 2001, p. 131-193 : Operationalization of the Concept of Just Price in the Byzantine Legal, Economic and Political System). L'auteur commente la réglementation des marges commerciales d'après le Livre de l'Éparque, dont la tradition textuelle fait dif­ficulté, et qui ont laissé les commentateurs modernes perplexes. L'auteur reste fidèle à sa thèse —justifiée — d'un marché libre du poisson, mais surveillé par les autorités.

R. Labrusse - N. Podzemskaia, Naissance d'une vocation : aux sources de la carrière byzantine de Thomas Whittemore, p. 43-69.

P. E. Chevedden, The Invention of the Counterweight Trébuchet : A Study in Cultural Diffusion, p. 71-116. Cet article très technique traite d'une innovation majeure en matière d'artillerie dont la gloire a été rapportée aux Occidentaux, alors que l'auteur croit qu'on peut se fier au texte d'Anne Comnène. Cette dernière affirme que son père, l'empereur Alexis Comnène, a fourni aux croisés qui assiégeaient Nicée ce nouveau type de trébu­chet. Le texte ne paraît pas décisif, mais il est sûr qu'au milieu du 1 Ie siècle, le trébuchet traditionnel est encore l'arme employée dans les grands sièges : le sultan seldjoukide qui assiège Mantzikert en 1054 utilise un trébuchet manié par 400 hommes et cet engin exceptionnel aurait été fabriqué par Basile II lorsqu'il vint mettre le siège devant Her.

. Maxwell, Paris, Bibliothèque Nationale de France, Codex Grec 54 : Modus Operandi of Scribes and Artists in a Palaiologan Gospel Book, p. 17-138.

B. V. Pentcheva, Imagined Images : Visions of Salvation and Intercession in a Double-Sided Icon from Poganovo, p. 139-153.

La seconde partie du volume est occupée par les actes d'un symposium tenu à Dumbarton Oaks, au printemps 1098 : Constantinople : The Fabric of the City.

H. Maguire - R. Ousterhout, Introduction : Constantinople, The Fabric of the City, p. 157-159.

A. Berger, Streeets and Public Spaces in Constantinople, p. 161-172. C. Mango, The Triumphal Way of Constantinople and the Golden Gate, p. 173-188. M. M. Mango, The Commercial Map of Constantinople, p. 189-207.

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P. Magdalino, The Maritime Neighborhoods of Constantinople: Commercial and Residential Functions, Sixth to Tweltfh Centuries, p. 209-226.

M. Ahunbay - Z. Ahunbay, Recent Work on the Land Walls of Istanbul : Tower 2 to Tower 5, p. 227-239.

R. Ousterhout, Contextualizing the Later Churches of Constantinople: Suggested Methodologies and a Few Examples, p. 241-250.

H. Maguire, Gardens and Parks in Constantinople. La plupart des contributions essaient, avec succès, de retrouver le paysage urbain de la

capitale, tâche difficile, puisque aucune fouille systématique ne peut être entreprise à grande échelle, mais l'usage combiné des textes, de l'archéologie et des récits de voya­geurs donnent des résultats nouveaux : par exemple, la proposition de H. Maguire de situer les jardins d'Arétai à l'extérieur de la Porte Dorée. Cette hypothèse s'appuie sur une poésie de Jean le Géomètre et sur l'identification de la sculpture d'une oie remontant à l'époque byzantine et provenant de ce jardin.

Jean-Claude CHEYNET

Antony EASTMOND (Ed.), Eastern Approaches to Byzantium. Papers from the Thirty-third Spring Symposium of Byzantine Studies, University of Warwick, Coventry, March 1999 (Society for the Promotion of Byzantine Studies. Publications 9). — Variorum Ashgate, Aldershot-Burlington USA-Singapore-Sydney 2001. 23 χ 15. xxi-297 p.

volume réunit les contributions présentées lors du 33e Symposium britannique d'études byzantines, portant sur les aspects historiques, politiques, aussi bien que culturels des marches orientales de l'Empire, peuplées principalement d'Arméniens, de Géorgiens et de Seldjoucides, mais aussi de Syriaques, puis de tribus turcomanes. L'enjeu straté­gique de ces régions était, on le sait, capital pour Byzance du 9e au 13e siècle. L'approche adoptée dans ce Symposium suit celle choisie par Sp. Vryonis Jr. (qui a, au reste, ouvert la conférence), dans son ouvrage The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process oflslamizationfrom the Eleventh through the Fifteenth Century.

Les autres contributions ont été réparties autour de six thèmes, dont nous donnons la liste. Mentionnons en particulier les études de J. Shepard et de J.-Cl. Cheynet, sur la poli­tique impériale (de Constantin VII aux Comnènes) et ses effets sur la frontière orientale. Selon C. Holmes, la reconquête de cette frontière, sous Basile II, s'est largement appuyée sur les populations locales, qui comprenaient aussi «large non-Greek-speaking, non-Chalcedonian, and even non-Christian communities» (p. 42). C. Hillenbrand a passé en revue les sources disponibles pour l'histoire des Seldjoukides, dans leurs versions rédi­gées uniquement en persan et en arabe. Les documents de langue persane avaient été long­temps négligés du fait de leur aspect «rhétorique». Hillenbrand a aussi fourni un aperçu des sources arabes concernant deux événements majeurs dans l'histoire de Byzance, la bataille de Mantzikert (1071) et la prise de Constantinople par les croisés en 1204. Les concepts historiques qui prévalent dans l'historiographie arménienne et géorgienne sont examinés par R.W. Thomson et St. H. Rapp Jr. Plusieurs études, d'autre part, abordent des thèmes liés à l'histoire de l'art, en présentant un matériel inédit, comme celui des peintures à Tartlarin (C. Jolivet-Lévy) ou au désert de Gareja (Z. Skhirtladze).

A. Eastmond, Introduction (p. XVI-XXI). 1. Sp. Vryonis Jr, The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of

Islamizationfrom the Eleventh through the Fifteenth Century : The Book in the light of subsequent scholarship, 1971-98 (p. 1-15).

Section I. Byzantium's eastern frontier. 2. J. Shepard, Constantine Ѵ , Caucasian openings and the road to Aleppo (p. 19-40). 3. C. Holmes, «How the East was won» in the reign of Basil II (p. 41-56). 4. J.-Cl. Cheynet, La conception militaire de la frontière orientale (IXe-XIIe siècle) (p. 57-

69).

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BIBLIOGRAPHIE 239

Section II. History writing in the east. 5. C. Hillenbrand, Some reflections on Seljuq historiography (p. 73-88). 6. R. W. Thomson, The concept of «History» in medieval Armenian historians (p. 89-99). 7. St. H. Rapp Jr, From bumberazi to basileus : writing cultural synthesis and dynastic

change in medieval Ceorgia (K'art'li) (p. 101-116). Section III. Byzantines. 8. L. James, Bearing gifts from the east : imperial relic hunters abroad (p. 119-131). 9. C. Jolivet-Lévy, Art chrétien en Anatolie turque : le témoignage des peintures inédites à

Tatların (p. 133-145). Section IV. Georgians. 10. Z. Skhirtladze, Newly discovered early paintings in the Gareja desert (p. 149-167). 11. Br. Schrade, Byzantium and its eastern barbarians: the cult of saints in Svaneťi

(p. 169-197). 12. G. Tcheishvili, Georgian perceptions of Byzantium in the eleventh and twelfth centu­

ries (p. 199-209). 13. D. Buckton, Stalin and Georgian enamels (p. 211-218). Section V. Armenians. 14. L. Jones, The visual expression of power and piety in medieval Armenia : the palace

and palace church at Aghtamar (p. 221-241). 15. H. C. Evans, Imperial aspirations : Armenian Ciucia and Byzantium in the thirteenth

Century (p. 243-258). Section VI. Seljuqs and Turkomans. 16. R. Shukurov, Turkoman and Byzantine self-identity. Some reflections on the logic of

title-making in twelfth- and thirteenth-century Anatolia (p. 259-276). 17. P. Armstrong, Seljuqs before the Seljuqs : nomads and frontiers inside Byzantium

(p. 277-286).

Michel CACOUROS

Florentia ÉVANGÉLATOU-NOTARA, Χορηγοί-Κτήτορες-Αωρητές σε σημειώματα κωδίκων (Περιοδικό «Παρουσία» - Παράρτημα Αρ. 49). — Athènes 2000. 2 4 x 1 7 . 312 ρ.

Les notes datées portées dans les manuscrits grecs sont une source d'information com­plémentaire pour les historiens. Dans deux études antérieures, Mme Évangélatou-Notara s'était intéressée aux colophons datés du 9e siècle à l'année 1204 (ouvrage paru en 1982) et à ceux du 13e s. (ouvrage paru en 1984). Après un détour par les séismes (ouvrage paru en 1994), l'auteur s'attache à présent à la période des Paléologues (1261-1453), déjà effleurée dans le volume sur le 13e s. Mais contrairement à ce qui avait été fait alors, l'étude ne porte plus sur l'ensemble des notes datées de cette période, mais seulement sur celles qui contiennent des informations sur les commanditaires, les possesseurs et les donateurs de manuscrits ; les notes relatives aux seuls copistes sont exclues, sans doute à cause de la richesse documentaire de cette période, et aussi pour ne pas faire double emploi avec le programme en cours du Repertorium der Griechischen Kopisten.

L'ouvrage est divisé en deux parties sensiblement égales. La première (p. 15-167) est une synthèse dans laquelle commanditaires, possesseurs et donateurs sont classés selon leur statut social, en suivant l'ordre chronologique. L'auteur distingue trois groupes prin­cipaux: I. les gens d'Église (patriarches, archevêques, métropolites, évêques, prêtres, diacres, lecteurs, higoumènes et moines) ; U. les laïcs (empereurs et membres de la cour, membres des hiérarchies civile et militaire) ; ΠΙ. les anonymes. La synthèse se termine par une très intéressante étude du vocabulaire propre à ces notes et par des remarques sur les formules d'excommunication ou de malédiction qui les accompagnent fréquemment. La seconde partie (p. 171-270) rassemble un corpus de 376 notes datées (ou datables). L'ouvrage se termine par une bibliographie exhaustive et un index grec.

Nul ne contestera l'utilité d'un tel ouvrage qui regroupe à l'intention des spécialistes des documents dispersés. Il faut cependant prendre garde au fait que toutes les transcriptions

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reproduites ne méritent pas la même confiance (seules celles qui sont précédées d'un asté­risque ont été vérifiées par l'auteur). Or quiconque a un peu fréquenté les manuscrits sait que ces notes sont souvent d'une lecture difficile, soit à cause de leur orthographe, soit à cause de leur état de conservation. Plusieurs transcriptions sont fautives ou tronquées. Le corpus est donc à manier avec prudence, et l'on regrettera que l'origine de chaque transcription ne soit pas mentionnée, ce qui aurait permis d'évaluer immédiatement sa fiabilité (ainsi on accordera plus de confiance à une transcription de Turyn qu'à une transcription d'Omont !). On regrettera aussi que pour cette période, qui dispose d'un excellent répertoire prosopogra-phique, le Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit, abrégé en PLP, les références à ce répertoire ne soient pas systématiques. On aurait enfin aimé disposer d'un index grec plus complet et d'un index des manuscrits utilisés et cités.

Des vérifications systématiques nous conduiraient trop loin, et nous nous limiterons à quelques remarques de détail touchant des domaines familiers : - p. 44, concernant la souscription du ms. Panaghias 44 (année 1332), l'auteur se fonde sur la transcription fautive du métropolite Athénagoras. Sur le copiste, qui s'appelle en fait Basile Perdérias (RGK II 51), et sur son activité à Chypre, voir désormais M. Couroupou - P. Géhin, Nouveaux documents chypriotes, REB 59, 2001, p. 153-160. - p. 107-108, concernant la bibliothèque de Georges Cantacuzène, il faut se reporter à notre article de BBGG 51 (1997), p. 225-232. Outre le Vat. Ottob. 67, copié à la demande de Georges, cinq (et non deux) autres mss de sa bibliothèque nous sont parvenus. L'auteur confond, p. 108, deux manuscrits issus de cette bibliothèque, le Vat. Palat gr. 278, de contenu astronomique et littéraire, qui porte une note de lecture de Léontarès, et le Vat. gr. 1301, qui contient le De bellico gothico de Procope de Cesaree, et qui n'est pas nommé. - p. 109, concernant la souscription versifiée du Coislin 5 (année 1263-1264) que nous avons décrit dans les Manuscrits grecs datés du XHIe siècle, il faut indiquer que l'identifi­cation du commanditaire Comnène Doukas avec le Grand stratopédarque Jean Comnène Synadènos a été proposée pour la première fois par Constantinidès, Higher education, p. 137 η. 21, et non par les auteurs du RGK (cette référence nous avait alors échappé). - p. 121-122, concernant la souscription du Patmiacus 790 (année 1296-1297), l'auteur reprend la lecture fautive donnée par Kominis, Πίνακες, p. 16, qui lisait à la fin : εΰχεσθε το γράψαντι δι' αυτήν ( ;) Χορικίω, là où il faut lire simplement : ευχεσθε το γράψαντι δια τήν χορικίαν. Ainsi Choricios (PLP 30893) doit être retiré de la liste des copistes ; la prière finale évoque simplement la χωρικία de ce scribe qui maîtrise bien mal le grec. Nous reviendrons dans un article prochain sur le couple de commanditaires, Michel et Zoê Loukinas (PLP 15148) et sur la localisation de Chryssova. - p. 131, concernant le Laurentianus 7. 30 (21 mars 1323), étudié par Turyn, l'auteur ne mentionne que le commanditaire Jean et ne dit rien du copiste, qui se nomme Michel. Il est vrai que Turyn avait inversé copiste et commanditaire (erreur rectifiée par Prato dans Paleografia e codicologia greca, 1.1, p. 133 et n. 8). Un autre ms. signé du même scribe nous apprend qu'il était lecteur de l'archevêché de Nymphée en Asie Mineure (voir Turyn, Italy, p. 50). - p. 135, la reproduction incomplète (d'après Omont) de la souscription du Paris gr. 917 A (année 1347) nous prive du nom du commanditaire qui s'appelle Clément (voir notice C. Jouanno, à paraître dans les Manuscrits grecs datés du ΧΙΨ siècle). Voilà donc un manuscrit à retirer de la partie consacrée aux commanditaires anonymes.

Paul GÉHIN

Pierre ÉVIEUX (Éd.), Isidore de Péluse. Lettres. Tome Π : Lettres 1414-1700. Texte critique, traduction et notes (Sources chrétiennes 454). — Les Éditions du Cerf, Paris 2000. 20 x 13. 521 p. Prix : 258 F.

P. Évieux poursuit son programme d'édition du corpus épistolaire d'Isidore de Péluse, un des plus volumineux que l'Antiquité nous ait transmis, puisqu'il comprend 2000 lettres. Après un premier volume qui regroupait les lettres 1214-1413 (er. RĘB 56, 1998, p. 297-300), voici un second tome qui rassemble les 287 lettres suivantes. À dessein, le

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volume est dépourvu d'introduction propre, et les notes sont réduites à l'essentiel. Comme le précédent, ce volume se termine par un précieux «index choisi des mots et des choses» et une table des lettres qui rappelle le nom de chaque destinataire et ses fonctions et indique de façon sommaire leur contenu.

Les lettres ne répondant à aucun principe de classement, on retrouve dans cette section à peu près tous les thèmes du Pélusiote, qui s'adresse à un public varié, formé de païens ou de chrétiens, et, parmi ces derniers, d'évêques, de prêtres, de moines ou de laïcs. Notre «Isocrate chrétien» donne son avis sur des questions professionnelles £cf. 1422, conseils à un avocat), prodigue des conseils moraux, se lamente sur l'état de l'Église locale sous le gouvernement d'Eusèbe, ou encore commente certains passages difficiles de l'Écriture (sur les principes herméneutiques qui le guident on lira avec intérêt les lettres 1489 et 1574). La correspondance reflète cette culture moyenne acquise dans un milieu provincial, culture chrétienne se nourrissant aux « oracles divins », c'est-à dire l'Ecriture, et culture païenne, essentiellement rhétorique, teintée de philosophie et de sciences (voir dans la lettre 1435 l'arsenal scientifique mis en œuvre pour commenter Jude 13 où il est question d'astres errants). Dans le lot, on relèvera en particulier la longue lettre 1470, adressée aux enfants des Grecs : faisant écho à la Lettre aux jeunes gens de Basile de Cesaree, elle essaie de les convaincre de la supériorité de la vertu sur les autres biens.

Ce volume a été réalisé avec beaucoup de soin, aussi bien pour ce qui regarde la cor­rection du grec que la traduction. Quelques remarques notées au fil de la plume : 1417, 10 μαρανθησόμενον pour se faner, plutôt que : pour se consumer, puisqu'il s'agit de fleurs ; ibid., 11 άκρατώς sans retenue, plutôt que : sans maîtrise ; 1419, 9 μειζόνως est un com­paratif {davantage et non pas grandement) ; 1430, 3 δυσκόλως ne peut signifier pleine d'animosité, mais simplement pénible ; 1454, 4 θείος ... χρησμός oracle divin, et non commandement divin (l'expression est d'un emploi courant pour désigner l'Ecriture) ; 1456, 7 "Εχοντες οδν συγγενικά κατορθώματα puisque les belles actions sont une marque de famille, plutôt que : puisque, dans la famille, vous réussissez dans la vie par­faite (à noter que dans la suite la traduction du terme stoïcien κατόρθωμα est assez fluc­tuante) ; 1462, 43 της σης συνέσεως έστι κρίναι : c'est à Ta sagesse d'en juger (Isidore s'adresse à un évêque: c'est un titre de révérence ; idem en 1469, 2-3) ; 1470, 81-82 δια το την δοκοΰσαν και ου την οδσαν εύπραγίαν περιεργαζεσθαι parce qu'ils se préoccu­pent trop de la réussite apparente et non de la réussite réelle, au lieu de : parce que c'est la réussite apparente, et non la réussite réelle qui l'emporte (traduction dans laquelle le verbe περιεργαζεσθαι n'apparaît plus) ; ibid., 156 λαμπραν άνάπτουσι της αρετής την λαμπάδα JÍ VOUS allumez le flambeau éclatant de la vertu, au lieu de : JÍ vous faites briller avec éclat le flambeau de la vertu ; 1472, 4 et 10 : la traduction de παρυφιστάναι par être tapi à côté de ou près de est forcée ; le verbe signifie seulement que le mal a une existence adventice et en quelque sorte parasite, mais pas de réalité (ύπόστασις) propre, à la diffé­rence de la vertu (thème développé par de nombreux Pères). À deux reprises, on aurait pu établir un rapprochement avec Évagre, même s'il est clair qu'Isidore n'a pas connu l'œuvre du Pontique: entre la lettre 1556, aux élans très mystiques, et Gnostique 41 («Qu'en silence soit adoré [προσκυνείτω] l'ineffable !») ; entre la lettre 1584 et Gnostique 28 qui traite des différentes formes de dereliction (voir aussi schol. 61 ad Eccl. 7, 15, texte et note).

PaulGÉHiN

Riccardo FILANGIERI (Éd.)> I Registri della Cancelleria Angioina ricostruiti da Riccardo FILANGIERI con la collaborazione degli Archivisti napoletani. Tome 45,1292-1293. A cura di Adriana SCALERÀ (Testi e documenti di storia napo­letana pubblicati dall'Accademia pontaniana 45). — Presso l'Accademia, Naples 2000. 25,5 x 18. 224 p.

Les actes édités dans le volume 45 appartiennent aux registres 50-56 de la chancellerie de Charles II et sont les derniers documents de la 6e indiction (1292-1293) de sa neuvième année de règne. Le volume contient des actes administratifs, dont un bon nombre concer-

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nent la Provence ou la Hongrie. Il est peu question de l'Empire byzantin. Deux documents méritent néanmoins d'être signalés.

Dans le premier, Charles II communique au roi de Hongrie les dispositions qu'il a prises concernant un séjour en France de Catherine de Courtenay, héritière de l'Empire latin de Constantinople : la princesse devra être de retour dans le délai d'un an et n'avoir pas contracté mariage entre-temps. L'acte est daté du 26 février 1293 (p. 111-112). Bien qu'il soit connu grâce au microfilm de Charles Perrat, le document n'est pas reproduit dans les Actes relatifs à la Principauté de Morée publiés par Ch. Perrat et J. Longnon (Paris 1967). Il doit être mis en relation avec l'engagement solennel pris par la princesse dans la même affaire l'année suivante (13 mai 1294) et dûment reproduit dans cet ouvrage (n° 82, p. 85). Un tel écart de date témoigne des atermoiements que connurent les tracta­tions tant en Occident qu'à Constantinople, où Andronic II déploya des efforts persévé­rants pour marier son fils Michel DC à Catherine de Courtenay.

Le second document (p. 177), qui était déjà reproduit dans le recueil de Ch. Perrat et J. Longnon (n° 62, p. 67), est un ordre de paiement adressé au sénéchal de Provence pour assurer les frais de séjour des ambassadeurs d'Andronic II et de Nicéphore Angélos d'É-pire, arrivés en Provence pour rencontrer Charles II.

Albert FAILLER

François GRAFFIN, s.j. et François CASSINGENA-TRÉVEDY, o.s.b. (Éd.), Éphrem de Nisibe, Hymnes sur la Nativité. Introduction, Traduction du texte syriaque, notes et Index (Sources Chrétiennes 459). — Les Éditions du Cerf, Paris 2001. 2 0 x 1 3 , 5 . 344p. Prix: 244FF.

C'est la première fois que sont traduites du syriaque en français les Hymnes de la Nativité d'Éphrem de Nisibe, éditées naguère par E. Beck avec une traduction allemande (CSCO 186-187, 1959). L'ensemble comporte 28 hymnes, précédées chacune par une courte présentation de F. C-T . — Le noyau central en est constitué par une série de 16 hymnes (n° v à xx) qui est précédé, dans le Vat. Syr. 112, d'une suscription qu'on pourrait traduire par «Berceuses de Mar Éphrem» (p. 9). Elles se distinguent tant par la constance de leur schéma métrique invariable (10 vers de 4 syllabes) que par leur cohésion littéraire et thématique (p. 9). Elles ont été composées très vraisemblablement par Éphrem lui-même, à usage liturgique, pour la fête de la «Manifestation du Christ» le 6 janvier (Epi­phanie). — Au 6e siècle, ce corpus a été augmenté des quatre premières pièces (i-iv), authentiques elles aussi, et de huit autres (xxi-xxvm), qui sont peut-être une compilation de strophes provenant d'hymnes authentiques. La traduction s'efforce de rendre la fraî­cheur et la ferveur secrète de l'ensemble. La fête de la Nativité, chantée comme «la grande fête», «l'emperière des fêtes», «l'Aînée des fêtes» (p. 12), célèbre le Christ «Orient» (Za 3, 8 ; 6, 12 ; Le 1, 78), qui accomplit les Écritures et marque le commence­ment — ou le recommencement — du cycle liturgique et du cycle cosmique (p. 11-12). Certaines pièces au moins étaient destinées à être chantées au cours de la vigile nocturne qui précédait l'eucharistie. Toutes ont le caractère d'une œuvre d'enseignement et de combat (p. 13). Elles sont à ce titre d'un réel intérêt pour l'histoire de la théologie. Mais le chantre sacré y évite les termes techniques et fait appel à l'homme tout entier, corps et âme, pour le faire entrer dans le mystère. Il invite à l'ouverture de l'oreille et du cœur, à la transparence du regard. Il fait continuellement référence aux catégories de l'invisible et du visible, de l'en haut et de l'en bas, du caché et du manifesté, de l'un et du multiple (p. 18-19). Π convoque les multiples symboles de la nature pour célébrer, avec une «dépaysante» naïveté apparente, le divin Nouveau-Né, qui est «le tout Petit et le Très grand» (v, 19 : p. 124). À travers la profusion des images, c'est toute la profondeur de la foi chrétienne qui est chantée, l'auteur associant à la naissance du Christ les thèmes de l'Agneau pascal, de la Résurrection, de la Nouvelle création, bien d'autres thèmes encore. Certaines expres­sions font déjà penser à des distinctions plus «théologiques», comme lorsqu'Éphrem fait dire à Marie cette prière à son fils : «Car Servante je suis — De ta Divinité — Et Mère aussi — De ton humanité — Seigneur et Fils !» (v, 20 : p. 124). Une atmosphère d'émer-

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veillement introduit à l'adoration d'un mystère dans lequel chacun est invité à entrer, à commencer par le poète lui-même. Comme le remarque FG. dans sa remarquable intro­duction (p. 7-20), «la conception du verbe poétique s'apparente subtilement à la concep­tion virginale, et le poème, «-enfantement nouveau d'une nouvelle louange», porte finale­ment le nom même de l'événement qu'il solennise: ilest naissance» (p. 20, avec réf. à Hymnes, XV, 1, 5 - 6 : p. 199-200). — Le volume se termine par trois index : des réfé­rences bibliques, thématique et notionnel, et des noms propres.

Joseph WOLINSKI

Philip GRIERSON, Catalogue of the Byzantine Coins in the Dumbarton OaL· Collection and in the Whittemore Collection. Vol. Five. Michael VIII to Constantine XI (1258-1453). Part I: Introduction, Appendices, and Bibliography. Part Π : Catalogue, Concordances, and Indexes. (Dumbarton Oaks Research Library and Collection). — Dumbarton Oaks, Washington DC 1999. 29 χ 23. xvi-286 p. (Part I), x-p. 287-611 (Part Π).

Ce volume est le cinquième, et dernier, du Catalogue entrepris par A. R. Bellinger et Ph. Grierson. Il couronne et achève le projet de description des monnaies byzantines conservées à Dumbarton Oaks et à la Whittemore Collection, programme conçu dans les années 1960-1965 et poursuivi durant près de quarante ans. La publication suit l'ordre chronologique : Vol. I. Anastasius I to Maurice (491-602), par A. R. Bellinger, 1966 ; Vol. II, Parts I-II, Heraclius Constantine to Theodosius HI (641-717), par Ph. Grierson, 1968 ; Vol. III, Parts I- , Leo HI to Nicephorus IH (717-1081), par Ph. Grierson, 1973 ; Vol. IV, Parts MI, Alexius I to Michael VIII (1081-1261), par M. F. Hendy, 1999. Le volume présenté ici couvre donc la dernière période, qui s'ouvre au début du règne de Michel VIII Paléologue en 1258 (une superposition se remarque avec le vol. IV, qui couvre, lui aussi, les années 1258-1261, voir supra), et s'achève avec la chute de Constantinople en 1453, sous Constantin XI Paléologue. L'organisation de l'ouvrage suit les mêmes principes que celle des volumes précédents. Dans une première partie, l'a. ana­lyse le contexte économique et politique des émissions monétaires ; la seconde partie est consacrée à l'étude technique des monnaies.

L'émission monétaire durant cette période est particulièrement complexe. Plusieurs facteurs, imputables à l'histoire de cette période, et aux avatars de la transmission des pièces de monnaie, sont à l'origine de cette difficulté. Sur le plan historique, l'association systématique au trône des membres de la famille impériale a fréquemment brouillé les pistes et a parfois été à l'origine de certaines émissions monétaires spéciales. Il semblerait que les Paléologues n'aient pas cherché à adopter une ligne de conduite unique lorsqu'il s'agissait de faire figurer les co-empereurs sur les monnaies. Certaines pièces portent une image plus ou moins traditionnelle du couple «empereur + co-empereur» ; dans le champ, à gauche, est figuré l'empereur le plus ancien, barbu, alors qu'à droite se tient le co-empe­reur, plus jeune et imberbe. Cependant, une monnaie associe sur la même face, trois effi­gies impériales : Andronic ΙΠ est accosté de son épouse, Anne de Savoie, et de leur fils Jean V. Or à la mort d'Andronic, Anne assuma la régence. L'association des trois portraits pose alors des problèmes de datation : l'émission monétaire aura-t-elle précédé, ou suivi, le décès d'Andronic ? Dans d'autres cas, il est difficile de saisir les raisons des choix ico­nographiques : ainsi, pourquoi, sur certaines monnaies, ne rencontre-t-on pas les noms des empereurs régnants, mais seulement le titre «Empereur des Romains» ? pourquoi, sur d'autres pièces, figure uniquement l'image du Christ et de la Vierge ?

À ces difficultés s'ajoute le fait que, durant l'époque paléologue, la monnaie byzantine ne règne plus en maître absolu sur l'espace byzantin, mais elle est largement concurrencée par d'autres monnaies, notamment les monnaies italiennes, au point que le ducat d'or vénitien, à partir de la fin du 13e siècle, était devenu aussi familier à Byzance que l'hyper-père. Des difficultés d'ordre extrinsèque rendent difficile, elles aussi, l'étude du mon­nayage paléologue. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les pièces trouvées isolé­ment sont peu nombreuses ; on est donc obligé de se fonder uniquement sur les trésors

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monétaires, dont . présente l'inventaire systématique (p. 11-19), mais leur interprétation est généralement délicate. Autre difficulté : la pénurie relative de documents, dont l'a. donne la liste ; on y trouve le traité arithmétique de Nicolas Rhabdas de Smyrně (édité par l'historien des sciences P. Tannery), le traité d'arithmétique édité par H. Hunger et K. Vogel, (Ein byzantinisches Rechenbuch des 15 Jahrhunderts. 100 Aufgaben aus dem Codex Vindob. Phil. Gr. 65, Vienne 1963) auxquels s'ajoutent quelques documents en ita­lien, comme la Prattica della Mercatura de Francesco Balducci Pegolotti.

La complexité du monnayage sous les Paléologues, notamment à partir des années 1350, se traduit aussi par la variété des noms désignant les différentes monnaies : άργύριον (άργυρόν), äcmpov, άσσάριον, βασιλικόν, δουκάτον, δουκατόπουλον, ίστάμενον (στάμενον), κοκκίον, σταυράτον, χουρνέσιον, ύπέρττυρον, φόλλις. Ainsi, l'a. souligne : «the Palaeologan coinage from the late fourteenth century to 1453 was unlike anything that had gone before and unlike anything else being struck in Europe» (p. 10). Sous Michel VIII ont circulé deux pièces de métal précieux, l'hyperpère d'or et le triké-phalon d'argent, et deux pièces de cuivre, le trachy ou staménon (pour histaménon) et le tétartèron. Or le triképhalon a connu une diffusion particulièrement limitée par celle du doukaton (ou grosso) vénitien, lui aussi en argent, et déjà en place. Andronic II a émis, sur une grande échelle, une nouvelle pièce d'argent, le basilikon, de la même valeur que le ducat vénitien, afin de supplanter ce dernier; il a fait remplacer le tétartèron par l'assarion. Jean V a bouleversé la situation monétaire de fond en comble. Il a introduit une nouvelle pièce en or, qui pesait moins que le nomisma traditionnel, mais qui compor­tait la même quantité d'or que l'hyperpère dévalué des années 1350 : il ne reste qu'une seule pièce provenant de cette émission, composée, d'après les analyses effectuées (p. 45 et p. 193) de 97,9% d'or pur. Le Trésor ne pouvant fournir l'or nécessaire pour la fabrica­tion de cette pièce d'exception, l'initiative a été abandonnée, et Jean V a dû introduire une nouvelle pièce d'argent, le stavraton (ca 8 gr.), équivalent à un demi-hyperpère et présen­tant deux fractions, correspondant à la moitié et au huitième de son poids (ca 4 gr. et ca 1 gr.) ; en revanche, la fraction correspondant au quart de son poids, 2 gr., n'a pas été rete­nue, car elle correspondait au grosso vénitien.

Ainsi, à partir des années 1355, et bien que le terme «hyperpère» ait continué d'être employé, il avait une existence théorique, car l'émission monétaire se faisait désormais sur la base de l'argent. Autrement dit, même si les termes traditionnels du système moné­taire byzantin (hyperpère ou nomisma ; miliares ion = 1/12 du nomisma ; kë ration = 1/24) restaient, plus ou moins, intacts, l'apparence des pièces de monnaie, leur valeur et leur nomenclature avaient été complètement modifiées.

Michel CACOUROS

Michael GRÜNBART, Epistularum Byzantinarum Initia conscripsit Michael GRÜNBART (Alpha - Omega. Reihe A 224). — Olms-Weidmann, Hildesheim-Zurich-New York 2001. 29 χ 21 ; relié. 43*-372 p.

Rassembler les incipit des lettres écrites en grec de l'Antiquité tardive et du Moyen Âge, c'est-à-dire de l'an 300 à l'an 1500 environ, c'est accomplir une œuvre utile. L'ouvrage, qui contient un total de plus de 15 000 unités, profitera à chacun soit pour faire une rapide vérification, soit pour repérer sans peine une lettre restée anonyme dans tel manuscrit. Chacun disposera d'un état des lettres connues ou éditées, qu'il pourra consul­ter et compléter à loisir pour son usage personnel. En tête du palmarès des épistoliers figure Isidore de Péluse, suivi de loin par Libanios et Nil d'Ancyre. À l'époque propre­ment byzantine, six épistoliers ont laissé un nombre de lettres supérieur à 200 ; voici leurs noms, dans l'ordre décroissant des lettres conservées: Théodore Stouditès, Michel Psellos, Michel Gabras, Dèmètrios Kydônès, Phôtios, Dèmètrios Chômatianos.

Pour apprécier la valeur et l'intérêt de Yincipitarium, il faut l'avoir utilisé. Dans ce but, j 'ai fait un sondage en collationnant sur le nouveau répertoire les incipit des lettres de Michel Chôniatès récemment rééditées par F. Kolovou (Michaelis Choniatae Ep'istulae, Berlin-New York 2001).

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BIBLIOGRAPHIE 245

Le classement des incipit est dicté habituellement par le premier mot, sous lequel vien­nent se ranger les seconds mots, à nouveau dans un ordre alphabétique strict, précisé à son tour, lorsque l'identité des deux premiers mots y oblige, par un troisième mot, et ainsi de suite. Sur le plan esthétique et typographique, la formule a montré par le passé sa parfaite clarté et lisibilité. Mais le classement suit ici un autre critère et prend en compte la seule séquence alphabétique en négligeant la coupure entre les mots : ainsi Ει commencera par Et αγαθός (p. 67), incorporera les incipit dont la troisième lettre va de α à ω (par exemple, pour citer quelques mots fréquents dans les incipit de cette séquence: Είδέναι, Εϊης, Εϊπερ, etc.) et finira par Ei ώς. Ou encore Ή commencera par Ή αγάπη (ρ. 129), incor­porera tous les incipit dont la deuxième lettre va de α à ω (Ήβουλήθη, "Ηδη, "Ηθελον, "Ηκει, "Ηκουσα, Ήμεϊς, etc.) et finira par Ή ψυχών (p. 148). De même, la lettre com­mencera et finira sur l'article Ό : Ό αγαθός (p. 197) et Ό ών (p. 257). Ainsi, Μεγάλην ό précédera tout naturellement Μεγάλης ανοησίας, qui précédera à son tour, moins naturel­lement, Μεγάλη τοΰ (p. 183). Une fois le système enregistré, il peut fonctionner efficace­ment. Mais comme on utilise ce genre d'ouvrages pour une consultation rapide, et non pour une lecture continue, on ne prendra pas nécessairement le temps de la réflexion et on risque de ne pas échapper à l'erreur. Autres exemples: Άνέπνευσα μάλλον et Άνέπνευσα μικρόν sont séparés par un double Άνεπνεύσαμεν, Où μόνον se trouve der­rière Ούκ, Πολλοί την derrière Πολλοίς. Τοΰ σοφοΰ semble perdu parmi les Τους (ρ. 333). Si l'identité des premières lettres se poursuit, le classement est repoussé d'autant : γράμμα σου δεξαμένοις est inséré entre γράμμα σου δεξάμενοι πανεντιμότατε et Tò γράμμα σου δεξάμενοι τιμιώτατε. Le même critère de classement est d'ailleurs retenu par l'éditrice des lettres de Michel Chôniatès, que le nouveau système semble pourtant avoir perturbée à l'occasion : l'incipit Kal τοΰτο σόν précède — au lieu de suivre — Καιρός σιγαν (p. 394). Mais là l'inconvénient est moindre, parce que la liste est brève. Dans Vin-cipitarium, Τα, Ταΐς et Τάς se trouvent mélangés, selon la première lettre du mot qui suit l'article ; il en va de même pour Τη, Την et Της, ou pour Τό, Τοις et Τόν. Le système, qui a sa logique, risque d'engendrer des erreurs en son propre sein ; c'est le cas pour les séquences suivantes : Δύο με, Δύο μοι, Δύο μέν (ρ. 51) ; Μεγάλην παράκλησιν, Μεγάλην ό Κύριος (ρ. 183) ; Πολλάς σοι, Πολλάς οΤδ', Πολλά σοι (ρ. 273). Ces exemples montrent, du moins, que la classification ne résulte pas d'un listage informatique, qui, par définition, serait infaillible. En un mot, si on voit bien les inconvénients du système, on n'en dis­tingue moins clairement les avantages.

En vérifiant les incipit de la nouvelle édition des lettres de Michel Chôniatès, on constate que trois incipit manquent à l'appel — ou ne sont pas à leur place —, bien que ces lettres figurent aussi bien dans l'édition de F. Kolovou que dans celle de S. Lampros, qui sert ici de référence. Voici les trois incipit : - Τα γράμματα της σης τελειότητος έπελθών (η° 70). - Το μέν κατ' ούρανον φαινόμενον (η° 139). - Τολμηρώς αναφέρω, δέσποτα κύριε μου και βασιλεΰ (π° 179).

La lettre 172 de l'édition (Tò γράμμα σου δεξαμένοις) reçoit par erreur le n° 162. On relève aussi, par rapport aux deux éditions de la correspondance de Michel Chôniatès qu'on vient de mentionner, quelques variantes qui n'ont pas lieu d'être, mais qui sont sans gravité, dans la mesure où elles n'affectent pas le début de l'incipit et ne brouillent donc pas le classement: n° 24 σοφώτατε dans Γincipitarium au lieu de σοφωτάτη, n° 35 προσηγορίας au lieu de la désinence -είαις, n° 37 σοι pour σον, n° 110 Καρυσσίων pour Καρυστίων, n° 131 άλλων omis, n° 158 δυοιν pour δυεΐν. Il fallait attribuer l'italique à la citation du Psalmistę qui ouvre la lettre 31 (p. 313) : Τις λαλήσει τάς δυναστείας τοΰ Κυρίου (Psaume 105, 2). Cette référence aurait renforcé d'autant la prédominance des Psaumes dans les citations bibliques utilisées comme incipit. L'index en donne un intéres­sant aperçu : parmi les citations scripturaires (p. 363-368), les Psaumes dominent ; parmi les auteurs profanes (p. 369-372), Homère se détache, suivi de loin par Euripide et Platon.

U incipitarium constitue un hommage indirect aux savants qui n'ont pas hésité à étu­dier ce genre littéraire souvent ingrat et à éditer des textes généralement plus compliqués qu'importants. Parmi les plus anciens reviennent continuellement les noms de J. F. Boissonade, S. Eustratiadès, S. Lampros, É. Legrand, A. Papadopoulos-Kérameus. Plus près de nous, on citera J. Darrouzès, P. Gautier, P. L. M. Leone, R.-J. Loenertz, L. G.

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Westerink. À la recherche des inédits de Michel Psellos et dans le but de les repérer plus aisément, Paul Gautier avait dressé lui aussi une liste des incipit des œuvres de cet auteur fécond et prolixe : il avait constitué un dossier d'environ 1 400 fiches, correspondant à autant d'incipit (dont environ S50 pour les lettres). Au lendemain de son décès en 1983, l'IFEB avait envisagé de publier son inventaire des incipit de Psellos, qui comprend la mention des manuscrits et des éditions pour chacune des pièces, mais y avait renoncé, en faveur du Pontifical Institute of Mediaeval Studies de Toronto, où l'équipe du Greek Index Project avait la même intention et affirmait, après communication du dossier, dispo­ser d'un travail plus avancé et plus complet. Mais à ce jour, près de vingt ans plus tard, aucune publication ne semble être apparue, et le fichier de Paul Gautier, qui n'a pas été tenu à jour, est désormais périmé. Il est inutile d'insister sur l'intérêt de tels répertoires. L'incipitarium des lettres byzantines sera précieux pour tous ; il appartiendra à chacun de l'enrichir au fur et à mesure de ses propres découvertes et des nouvelles parutions. À ce titre, il prendra place dans les bibliothèques sur les rayons des usuels et des instruments de travail qui sont l'objet d'une consultation constante.

Albert FAILLER

Tomas HÄGG and Philip ROUSSEAU (Éd.), Greek Biography and Panegyric in Late Antiquity. Edited by Tomas HÄGG and Philip ROUSSEAU with the assis­tance of Christian H0GEL (The Transformation of the Classical Heritage 31). — University of California Press, Berkeley 2000. 23 χ 15 ; relié, χπ-288 p.

L'Antiquité tardive est une période de riche développement de la rhétorique classique. Païens ou chrétiens, les auteurs adoptent un même système littéraire et rhétorique au-delà de la divergence et de l'antagonisme des options et des références religieuses et philoso­phiques. Le présent volume reprend l'ensemble des exposés qui ont été faits sur ce thème au Centre pour l'étude de la Civilisation européenne à l'Université de Bergen en août 1996. Les contributions, qui constituent une belle unité, portent sur les deux genres litté­raires très proches que sont la biographie et le panégyrique. Au 4e siècle, cette production littéraire a fleuri et produit de nombreuses pièces qui, qu'elles soient païennes ou chré­tiennes, se rejoignent dans un commun hellénisme tant pour le fond que pour la forme.

Sont prises en considération les principales œuvres du 4e siècle. Il s'agit successive­ment de la Vie de Pythagore dans les deux versions de Porphyre et de Jamblique (G. Clark, Philosophie Lives and the Philosophie Life : Porphyry and Iamblichus), la Vie de Plotin (M. J. Edwards, Birth, Death, and Divinity in Porphyry's Life of Plotinus), la Vie d'Antoine (Av. Cameron, Form and Meaning : The Vita Constantini and the Vita Antonii ; Ph. Rousseau, Antony as Teacher in the Greek Life) ou un ensemble plus étendu de textes incluant les biographies écrites par Athanase d'Alexandrie, Jérôme et Grégoire de Nysse (S. Rubenson, Philosophy and Simplicity : The Problem of Classical Education in Early Christian Biography).

L'oraison funèbre de Basile de Cesaree par Grégoire de Nazianze, qui reste l'orateur chrétien le plus proche de la rhétorique classique, constitue le noyau des trois exposés sui­vants, dont voici les titres : Your Honor, My Reputation : St. Gregory of Nazianzus's Funeral Oration on St. Basil the Great (F. W. Norris), How to Praise a Friend: St. Gregory of Nazianzus's Funeral Oration for St. Basil the Great (D. Konstan), Eros Transformed : Same-Sex Love and Divine Desire. Reflections on the Erotic Vocabulary in St. Gregory of Nazianzus's Speech on St. Basil the Great (J. B0rtnes). Les derniers expo­ses traitent respectivement de Thémistius (R. J. Penella, The Rhetoric of Praise in the Private Orations of Thémistius), des biographies collectives que constituent les Vitae phi-losophorum et sophistarum d'Eunape et VHistoria monachorum (P. Cox Miller, Strategies of Representation in Collective Biography: Constructing the Subject as Holy) et de l'évêque Rabbuia d'Édesse (G. W. Bowersock, The Syriac Life of Rabbuia and Syrian Hellenism).

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Parmi les thèmes continuellement ressassés dans ces biographies et ces panégyriques, l'amitié revient comme un leitmotiv. On a relevé avec raison la différence de traitement de la part des auteurs païens et des orateurs chrétiens, mais une certaine continuité se manifeste de Platon à Rabbuia : elle va de l'attirance charnelle entre le maître et le dis­ciple à la charité fraternelle qui unit deux jeunes étudiants chrétiens du 4e siècle à Athènes. La figure du saint présenté comme le fiancé du Christ reste une exception, qui appelle logiquement et inévitablement la classique référence aux thèses de J. Boswell sur l'homosexualité.

Albert FAILLER

Martin HINTERBERGER, Autobiographische Traditionen in Byzanz (Österrei­chische Akademie der Wissenschaften. Kommission für Byzantinistik. Institut für Byzantinistik u. Neogräzistik d. Universität Wien. Wiener Byzantinistische Studien Band XXII). — Verlag der Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne 1999. 23 χ 15. 415 p. Qui dit actuellement «tradition autobiographique» dans une société antique ou médié­

vale dit, à la fois, localisation, dépouillement et étude d'une multiplicité de sources qui se laissent difficilement cerner, et livrent péniblement les données autobiographiques qu'elles recèlent ; ajoutons également, d'une part, que notre façon de concevoir l'autobio­graphie n'est pas aujourd'hui la même que dans l'Antiquité ou à Byzance et que, même au sein de ces sociétés, le modèle autobiographique a évolué avec le temps. En fait, comme le souligne M. Trédé-Boulmer à propos de l'Antiquité : «l'autobiographie est passée de l'affirmation d'une identité conforme aux modèles reconnus, à la revendication, par des personnalités d'exception, de leur singularité, puis bientôt au décompte des singularités du moi, pour aboutir à une quête anxieuse des traces que peut laisser en ce monde l'insoute­nable légèreté du moi» (La Grèce antique a-t-elle connu l'autobiographie ?, in L'invention de l'autobiographie d'Hésiode à saint Augustin, Paris 1993, p. 19-20).

Les Byzantins ont été, en règle générale, peu diserts sur les détails de leur vie person­nelle. C'est dire que, si les autobiographies à proprement parler constituent une denrée plutôt rare, il ne faut pas non plus s'attendre à trouver des renseignements de ce type en grand nombre dans les textes byzantins, littéraires ou autres. Pourtant, l'intérêt de ce genre pour appréhender la pensée est indéniable, puisque les Byzantins, franchissant les obs­tacles que leur imposait une société où «la personne» devait s'effacer (l'écrit ne faisait pas exception à cet égard), osaient révéler leurs sentiments et leurs opinions.

Ces remarques expliquent les motifs qui ont poussé l'a. à effectuer cette recherche, malgré les difficultés qu'elle présentait et, si l'on en juge par les résultats obtenus, il a fait «parler» les Byzantins. Il est vrai que le sujet était en partie déblayé par ses prédécesseurs et l'a., en héritier de leurs travaux, donne tout d'abord l'état bibliographique de la recherche (I.A. Die Erforschung der byzantinischen Autobiographie, p. 31-43) : cette enu­meration rend manifeste le fait que le concept d'«autobiographie» n'a eu cesse de se «dilater» ; il se posait, par conséquent, le problème de définition, que l'a. a essayé de résoudre (I.B. Autobiographie, Memoiren oder nur autobiographisch ?, p. 43-48). Afin de mieux saisir le concept d'autobiographie et son application dans le monde byzantin, l'a. n'hésite pas à faire appel à des auteurs plus récents, voire modernes ou contemporains : si Pascal est cité à plusieurs reprises, Camus et Sartre ne sont pas non plus absents (I.C. Die moderne Autobiographie, p. 48-58).

Après avoir présenté un aperçu sur le statut de l'autobiographie dans l'Antiquité et, notamment dans l'Antiquité tardive (II. Die Antike und Spätantike griechische Autobiographie als Vorläufer, p. 63-70), l'a. donne, dans deux approches d'ordre métho­dologique, d'une part les formes littéraires qu'a investies le récit autobiographique à Byzance (III. Autobiographisches Schrifttum in Byzanz : A. Autobiographisch reflektie­rende Dichtung ; B. Tagebuch ; C. Briefe ; D. Reiseberichte ; E. Rücktritts-und Antrittsreden ; F. Autobiographischer Essay ; G. Fiktive Autobiographie — Ich-Roman, p. 71-82), et d'autre part les marques distinctives qu'on rencontre, de façon systématique,

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dans les éléments autobiographiques isolés ( Ѵ. Merkmale der Selbstdarstellung in Byzanz, p. 83-149). L'a. étudie ensuite la tradition autobiographique dans les grandes catégories de textes concernés: textes hagiographiques (VI. Die autobiographische Tradition in der Hagiographie, p. 151-181), actes de fondation et testaments (VII. Die autobiographische Tradition in Stiftungsurkunde und Testament, p. 183-294), récits histo­riques (VIII. Autobiographische Historiographie, p. 295-343), œuvres littéraires (VIII. Schriftstellerautobiographie, p. 345-366), discours apologétiques et plaidoyers (X. Apologien und Verteidigungsreden, p. 367-381).

Cette monographie se caractérise par une double approche, traditionnelle, suivant les modèles «anciens», en même temps que moderne, grâce aux comparaisons avec les textes littéraires modernes.

Michel CACOUROS

Walter E. KAEGI, Jr. (Éd.), Byzantinische Forschungen. Internationale Zeitschrift für Byzantinistik. Band XXVI. — Verlag Adolf M. Hakkert, Amsterdam 2000. 23,5 χ 17. 280 p., 16 pi.

Le volume contient quatre sections. La première partie (p. 1-72) traite de l'économie byzantine et comprend trois études qui abordent les thèmes suivants : le renouveau urbain aux 8e-1 Ie siècles (E. A. Ivison, Urban Renewal and Imperial Revival in Byzantium, 730-1025), le contenu du Traité fiscal de la Marcienne (L. Neville, The Marcian Treatise on Taxation and the Nature of Bureaucracy in Byzantium), la question de la Uberté du mar­ché à Byzance (Ch. M. Brand, Did Byzantium Have a Free Market ?). La deuxième sec­tion (p. 73-167), qui concerne les relations de Byzance avec le monde arabe, contient deux études de I. Shahîd (Byzantium and the Arabs during the Reign of Constantine : The Namăra Inscription, an Arabic Monumentům Ancyranum, A.D. 328 ; Byzantium and the Arabs in the Sixth Century. A propos of a Recent Review) et un bref article de W. E. Kaegi (Gigthis and Olbia in the Pseudo-Methodius Apocalypse and their Significance).

La troisième section (p. 169-203) contient trois notices de J. Irmscher; elles concer­nent respectivement l'helléniste August Boeckh (1785-1867), l'étude de l'Antiquité en Russie, le théologien Albert Ehrhard (1862-1940) et son répertoire monumental de la litté­rature hagiographique et homilétique (Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche..., Leipzig 1937-1943). Dans la der­nière partie (p. 205-280) sont regroupés des articles de contenu hétérogène : les théories diverses sur l'apparition des Croates dans les Balkans (J. V. A. Fine), le discours théolo­gique au 7e siècle dans le sillage de la réflexion du siècle précédent (P. T. R. Gray), une méprise sur un toponyme dans un poème de Georges de Pisidie où il faut lire ή Βαμβόη au lieu de ή Καμβόη (W. E. Kaegi), la tactique et la strategie dans l'opération du Spercheios en 996 (P. M. Strässle), la religion et la magie en Syrie à l'époque protobyzantine (A. D. Vakaloudi).

Albert FAILLER

Stephanos KAKLAMANÈS (Éd.), Ένθύμησις Νικολάου Μ. Πανάγιωτάκη. 'Εκδοτική 'Επιτροπή: Στέφανος Κακλαμάνης, 'Αθανάσιος Μαρκόπουλος, Γιάννης Μαυρομάτης. — Πανεπιστημιακές 'Εκδόσεις Κρήτης - Βικελαία Δημοτική Βιβλιοθήκη 'Ηρακλείου, 'Ηράκλειο 2000. 23,5 χ 17 ; relié. λη'-842 ρ.

Les Mélanges dédiés à N. Panagiôtakès reflètent ses activités d'enseignement et de recherche à l'Université de Crète et à l'Institut hellénique de Venise. La matière des 51 contributions qui sont rassemblées dans le volume, selon l'ordre alphabétique des auteurs, répond assez fidèlement au contenu des propres travaux du dédicataire, dont la liste com­prend 125 titres (p. ιθ'-λ')·

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La plus grande partie des exposés concerne la culture de la Crète vénitienne (1204-1669), qu'il s'agisse d'écrivains et d'artistes crétois (Jason Dénorés, Georges Chortatsès, Georges Klontzas, Vicenzo Cornaro, Agapios Landos, Antoine Trivisan, Thomas Tribizanos), ou de sujets plus généraux : vie quotidienne d'après certaines fresques d'églises, vie sociale et économique d'après des testaments ou des documents d'archives, rivalités économiques et sociales, sort des nobles vénitiens de Crète, etc. Nombre de contributions sont consacrées à divers textes de la littérature populaire, qui constituait aussi le centre d'intérêt essentiel du dédicataire : Vie d'Ésope, Apokopos de Bergadis, litanie de Spanos, Florios et Platziaflore, Katzourbos de Georges Chortatsès et Drame de saint Dèmètrios, Porikologos. Ajoutons quelques études sur la lexicographie néogrecque, la chanson crétoise, les bibliothèques et les manuscrits.

Dans cet ensemble d'exposés variés, relevons le long répertoire de graffiti et inscrip­tions inédits d'églises et de monastères de Crète (D. Tsougkarakès et H. Aggélomatè-Tsougkarakè, Ανέκδοτα χαράγματα καΐ επιγραφές άπο ναούς καΐ μονές της Κρήτης, ρ. 681-732), le signalement de l'expédition d'un exemplaire de la Philocalie dès l'année suivant sa publication (P. M. Kitromilides, Philokalia's First Journey ?, p. 341-360) ou la pertinente hypothèse de K. Tsantsanoglou à propos du mot πορταγιάλλα (ρ. 675-679), dont un manuscrit chypriote présente deux occurrences et qui doit indiquer, plutôt que l'oranger (πορτοκαλιά), une porte de verre (πόρτα γυάλα ?).

Citons enfin les quelques articles qui dissertent de personnages de l'époque propre­ment byzantine :

- Éphrem le Syrien : W. F. Bakker - D. M. L. Philippides, The Lament of the Virgin by Ephraem the Syrian.

- André de Crète : Ch. G. Aggélidè, Ανδρέας Κρήτης : Ομιλίες εις το γενέθλιον της Θεοτόκου. Μια ανάγνωση.

- Léon le Diacre : Α. Markopoulos, Ζητήματα κοινωνικού φύλου στον Λέοντα τον Διάκονο.

- Michel Psellos : Α. Karpozilos, The Narrative Function of Theatrical Imagery in Michael Psellos.

- Grégoire d'Assos : D. Z. Sophianos, "Αγιος Γρηγόριος 'Επίσκοπος "Ασσου (β' μισό IB' αιώνα). Ή σχέση τών αγιολογικών κειμένων του (Βίων) στον κώδ. Πάτμου 448 καΐ στον κώδ. Μεγίστης Λαύρας 1824/Ω 14.

- Georges Pachymérès: S. Lampakès, «'Ελπίζειν τα χείρω καί ϊτι ζυμβαίνειν». Ή παραλλαγή της θουκυδίδειας πρόγνωσης στο προοίμιο τών Συγγραφικών 'Ιστοριών τον Γεωργίου Παχυμέρη.

- saints scribes des 4e-11e siècles: Th. Détorakès, "Αγιοι κωδικογράφοι. Μνείες κωδικογράφων σέ αγιολογικά κείμενα.

- Eustathe Makrembolitès, Théodore Prodrome et Nicétas Eugénianos comme auteurs de romans : M. Petta, H περιπέτεια στα Βυζαντινά ερωτικά μυθιστορήματα. Ρυθμός αφήγησης.

Albert FAILLER

Michel KAPLAN (Ed.), Le sacré et son inscription dans l'espace à Byzance et en Occident. Études comparées. Sous la direction de Michel KAPLAN (Centre de recherches d'histoire et de civilisation byzantines. Série Byzantina Sorboneiisia 18). — Publications de la Sorbonne, Paris 2001. 24 x 16. x-318p. Prix: 29 € .

La thématique du lieu sacré dans la chrétienté naissante est riche de résonances, qui se développent et se fixent au cours des siècles et qui marquent l'incarnation de la transcen­dance et du divin. «Le présent volume, écrit l'éditeur au début de l'Introduction, ras­semble l'essentiel des communications qui ont été données au séminaire tenu à l'Université de Paris I durant les années universitaires 1996-1997 et 1997-1998.»

Un petit nombre de communications concernent l'Occident médiéval ; elles sont dues à J. Barbier (Le sacré dans le palais franc, p. 25-41), A.-M. Helvétius (Le saint et la sacrali-

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sation de l'espace en Gaule du Nord d'après les sources hagiographiques, 7Ml e siècles, p. 137-161), . Treffort (Consécration de cimetière et contrôle episcopal des lieux d'inhu­mation au 10e siècle, p. 285-299) et M. Zimmermann (Les actes de consécration d'églises du diocèse d'Urgell, 9 2 siècles : la mise en ordre d'un espace chrétien, p. 301-318).

Le reste est dédié à l'aire byzantino-slave. Trois communications concernent la Russie ; elles sont dues à J.-P. Arri gnon (L'inhumation des princes et des saints de la Rus' de Kiev, p. 1-11), C. Bortoli-Doucet (L'iconostase et l'espace sacré dans l'église russe aux 14e et 15e siècles : d'où provient le développement en hauteur de cette iconostase ?, p. 43-60) et P. P. Toločko (Byzance vue par les Russes, p. 277-284). Les dix contributions restantes concernent Byzance de manière plus directe. B. Caseau (ΠολεμεΙν λίθοις. La désacralisation des espaces et des objets religieux païens durant l'Antiquité tardive, p. 61-123, 12 pi.) consacre une longue étude à la désacralisation des monuments païens, qui ne fut suivie que dans un second temps, partiellement après le bref retour au paganisme sous le règne de Julien et plus généralement à partir du 6e siècle, par une resacralisation chré­tienne. M.-F. Auzépy (Les Isauriens et l'espace sacré: l'église et les reliques, p. 13-24) montre quel but poursuivaient les empereurs iconoclastes, soucieux de relier l'homme directement à Dieu, sans passer par la médiation de l'icône et de la relique. Malgré la montée en puissance de Constantinople, devenue la Deuxième Rome, la capitale impériale ne put déposséder Jérusalem de ses prérogatives de premier centre chrétien, comme en témoigne le texte des Apocalypses (M.-H. Congourdeau, Jérusalem et Constantinople dans la littérature apocalyptique, p. 125-136). Les Vies de saints fournissent la traduction la plus authentique de la constitution et du fonctionnement de l'espace sacré, qui se des­sine autour de la colonne où le saint a vécu ou du tombeau où il a été enseveli (M. Kaplan, Le choix du lieu saint d'après certaines sources hagiographiques byzantines, p. 183-198 ; L'espace et le sacré dans la Vie de Daniel le Stylitě, p. 199-217). La permanence d'une institution comme le monastère de Pétra (É. Malamut, Le monastère Saint-Jean-Prodrome de Pétra de Constantinople, p. 219-233), Γ affluence des moines dans la vallée du Nil (A. Papaconstantinou, «Où le jjéché abondait, la grâce a surabondé» : sur les lieux de culte dédiés aux saints dans l'Egypte des 5e-8e siècles, p. 235-249) ou le regroupement des moines dans certaines régions désertes (A.-M. Talbot, Les saintes montagnes à Byzance, p. 263-275) illustrent un idéal de recueillement et d'isolement. L'architecture des bâti­ments elle-même conditionne et explique la sacralisation de l'espace, comme le montrent deux lieux de culte de Cappadoce et de Syrie (C. Jolivet-Lévy, Images et espace cultuel à Byzance: l'exemple d'une église de Cappadoce, Karşı kilise, 1212, p. 163-181, 16 pi. ; J.-P. Sodini, La hiérarchisation des espaces à Qal'at Sem'an, p. 251-262, 6 pi.).

Albert FAILLER

Georges KIOURTZIAN, Recueil des inscriptions grecques chrétiennes des Cyclades. De la fin du llle au Vile siècle après J.-C. (Travaux et mémoires du Centre de recherche d'histoire et civilisation de Byzance, Collège de France, Monographies 12). — Paris 2001. 17,5 χ 24. 316 p., LX planches noir et blanc.

Un corpus d'inscriptions est toujours le bienvenu, non seulement à cause des inédits qu'il peut contenir, mais parce que le simple fait de réunir systématiquement une docu­mentation modifie la connaissance que nous en avons. Dans ce recueil, G. Kiourtzian réédite ou, dans quelques cas, édite pour la première fois cent quarante-cinq inscriptions protobyzantines originaires des Cyclades. Les dossiers consacrés à chacune des dix îles qui ont fourni du matériel sont classés par ordre alphabétique (Amorgos, Andros, Délos, Kéa, Mèlos, Naxos, Paros, Syros, Tènos, Thèra). Ils sont d'importance variable et contiennent de deux (Andros) à 67 (Syros) numéros. Un appendice est consacré aux fameux anges de Thèra (Appendice Thèra, numéros 1-60, p. 247-282), d'époque incer­taine.

Le mot «chrétiennes» dans le titre de l'ouvrage désigne une époque, et non un contenu. On trouvera donc ici des documents profanes : ainsi, les sept blocs connus du cadastre de

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Théra (numéro 142, p. 212-243 ; les deux nouveaux blocs, récemment découverts, sont pris en compte dans le commentaire : cf. p. 213, n. 16). Mais il est vrai aussi qu'une des richesses du corpus concerne le monde religieux : épitaphes chrétiennes, invocations, avec quelques renseignements sur le sanctoral (cf. p. 100-101, numéro 29, une rare mention de saint Apikrantios) ou sur le clergé des îles. De ce fait, la reprise du dossier des anges de Thèra était particulièrement souhaitable, et la solution trouvée de lui avoir consacré un appendice, qui suit du reste immédiatement celui des autres inscriptions de la même île, est heureuse. Malgré un courageux «essai d'interprétation» (p. 277-282), ces inscriptions restent à nos yeux mystérieuses : le rattachement de ces stèles funéraires (caractérisées par la formule «ange d'Untel», ou «de l'ange d'Untel») à une secte gnostique où les Anges sont des «gardiens du passage qui sépare l'air et les divers deux planétaires» ne nous a pas convaincu. Plutôt que des puissances somme toute négatives, les anges de Théra, d'après le formulaire, apparaissent plutôt comme des puissances tutélaires, ou peut-être comme ce qu'est devenue l'âme du défunt.

Pour l'inscription numéro 6, gravée sur une «plaque en marbre du dallage de la nef centrale de la basilique dite de saint Cyrice» (p. S0-S1), nous sommes également resté dans le doute. Voici le texte : 'Ιωάννης διάκονος δούλος τοο αγίου μάρτυρος Κυρίκου έγραψε (Le diacre Jean, serviteur du saint martyr Kèrykos, a écrit). G. Kiourtzian repro­duit tout d'abord l'opinion de A. Orlandos, qui voit dans cette inscription un enthumèma gravé par un pèlerin (p. 51). Si Jean est pèlerin, Saint-Cyrice, l'église à laquelle il est rat­taché, peut être lointaine : est-on bien sûr que cette inscription nous indique «vraisembla­blement <le> titulaire de la basilique» ?

Nous avons regretté aussi que l'introduction (p. 11-27) soit un peu rapide. La docu­mentation ne permet certainement pas d'écrire une histoire des Cyclades paléochrétiennes, mais peut-être aurait-on pu aller un peu plus loin que ce qui est proposé au lecteur en réunissant par exemple ce que nous savons des premières apparitions du christianisme dans ces îles, et surtout ce que nous savons de l'organisation ecclésiastique. Comme l'au­teur lui-même le souligne (p. 11), les Cyclades ne constituent pas en effet, à l'époque pro­tobyzantine, une province unique. Elles appartiennent, au témoignage de Hiéroclès en par­ticulier, à deux circonscriptions : la provincia Insularum, avec Rhodes pour métropole, et l'Achaïe (pour Dèlos, Kéa, Kimôlos, Kythnos et Mykonos). Il aurait été utile de donner plus en détail la répartition en cités et la liste des évêchés attestés par ailleurs.

Dans l'ensemble, le travail nous a paru bien documenté, soigné, d'une consultation commode, et d'un intérêt soutenu. Les inscriptions ont souvent été revues sur place. Le commentaire est clair et substantiel. Nous disposons de ce fait, avec cet ouvrage, d'un ins­trument de travail précieux.

Bernard FLUSIN

Théophile KISLAS (Éd.), Nil Cabasilas, Sur le Saint-Esprit. Introduction, texte critique, traduction et notes par le Hiéromoine Théophile KISLAS (Théologie byzantine). — Les Éditions du Cerf, Paris 2001. 23,5 χ 14,5. 494 p. Prix : 35 € .

Nil Kabasilas a été éclipsé par son neveu Nicolas Kabasilas, lorsqu'il n'a pas été sim­plement confondu avec lui. L'identité des prénoms y a contribué: l'oncle s'appelait Nicolas Kabasilas, avant de devenir l'archevêque Nil de Thessalonique (1361-1363), suc­cesseur de Grégoire Palamas ; le neveu s'appelait en réalité Nicolas Chamaétos, mais il utilisa de préférence le patronyme Kabasilas qui lui venait de sa mère, la sœur de Nil. Les éléments des deux biographies sont soigneusement réunis dans le Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit (n° 10102 et 30539), même si certaines conclusions de ces notices peuvent paraître contestables. La production littéraire du neveu est bien connue et elle est largement publiée, mais celle de l'oncle, tout aussi abondante, était restée en majeure partie inédite. Dans une thèse récente, Th. Kislas a analysé l'ensemble de l'œuvre, son contenu et sa tradition manuscrite. L'ouvrage principal de Nil Kabasilas est son traité Sur la procession du Saint-Esprit. Composé entre 1358 et 1361, le traité com-

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prend trois parties d'ampleur comparable : Cinq discours sur le Saint-Esprit, Réfutation des Prémisses latines, Réfutation des quinze syllogismes des Latins. Seule la troisième section était éditée (E. Candal, Nilus Cabasilas et theologia S. Thomae de processione Spiritus Soneti, Vatican 1945). Dans le présent ouvrage est publiée la première partie, sans doute la plus originale.

Le traité Sur le Saint-Esprit a joui d'une grande autorité dans les derniers siècles de Byzance. Le nombre des manuscrits où il a été copié dans la décennie même qui a suivi la disparition de l'auteur (1363-1373) témoigne de l'intérêt accordé au traité et de la large diffusion qu'il connut et que favorisa naturellement son neveu. Au siècle suivant, Sylvestre Syropoulos présente l'ouvrage de Nil Kabasilas (το βιβλίον τοΰ Καβάσιλα, écrit-il dans ses Mémoires) comme un manuel de référence pour les Pères du concile de Florence. Remarquons que ceux-ci, à l'instar de Nil Kabasilas lui-même, ignorent tout de ceux qui allaient être considérés plus tard comme les grands théologiens de l'orthodoxie en la matière, à savoir Grégoire de Chypre et Grégoire Palamas. Le traité reflète la culture théologique du temps et témoigne de la rencontre avec la théologie latine, renouvelée par Thomas d'Aquin, et de l'épanouissement des lettres à Constantinople sous le règne des Palaiologoi. Un apprentissage nouveau du latin, qui commence avec l'enseignement et les traductions de Maxime Planoudès et se poursuit au siècle suivant dans le cercle de Jean Kantakouzènos, grâce aux frères Kydônès en particulier, provoque la rencontre culturelle des deux mondes et une émulation entre les théologies occidentale et orientale.

L'édition du texte (p. 171-417) est précédée d'une substantielle introduction, qui com­prend quatre chapitres, ainsi intitulés : Le cadre historique au milieu du 14e siècle, Nil Kabasilas et son œuvre, Le traité Sur la procession du Saint-Esprit, La tradition manus­crite du traité Sur la procession du Saint-Esprit. À la fin du volume, on trouvera l'index des citations de l'Écriture et des divers auteurs anciens (p. 421-436), une bibliographie des sources et des études (p. 437-461), puis, en annexe, les spécimens d'écriture de Nil Kabasilas lui-même, de membres de son «école», des premiers copistes de son œuvre (p. 463-489). On aurait attendu un index des mots grecs relevant, au minimum, le vocabu­laire technique de la matière traitée.

Les Cinq discours sont construits sur un schéma qui n'est pas nouveau. Il s'agit de pro­positions ou de citations, suivies de réfutations. Sur la question de la procession de l'Esprit ou du Filioque, la même anthologie des Pères grecs peuple les multiples traités qui furent composés pour démontrer l'erreur des Latins. On retrouve ici les textes des Pères le plus souvent mentionnés : Denys l'Aréopagite, Athanase d'Alexandrie, Cyrille d'Alexandrie, Grégoire de Nazianze, Grégoire de Nysse, Basile de Cesaree, Théodoret de Cyr, Maxime le Confesseur, Jean Damascène, pour ne citer que les plus importants et en se gardant d'oublier les décrets des conciles œcuméniques. Les discours de Nil s'inscri­vent dans la même logique apologétique, mais le premier discours est sans doute plus ori­ginal, car il aborde une matière nouvelle, à savoir les propositions de Thomas d'Aquin dans la Somme théologique.

Le schéma est celui de la disputatio, qui procède par objection (ëvcrcaoïç) et solution (λύσις). L'éditeur s'est donné la peine de traduire le grec ; c'est sans doute la meilleure — et peut-être la seule — manière de comprendre l'original. La facture du texte est simple et claire. Il n'est pas certain que la ponctuation et la coupure des phrases, sans beaucoup d'égards pour l'analyse logique, favorisent la compréhension du texte. On peut faire, sur ce seul premier discours, quelques brèves remarques, qui témoigneront d'ailleurs d'une bonne intelligence du texte de la part de l'éditeur. Les manuscrits présentent, dans l'en­semble, un texte correct, que l'éditeur a retouché le moins possible. Mais était-il néces­saire de laisser λέγειεν (I, § 31, 171) là où manifestement il faut lire λέγοιεν ? Pourquoi maintenir dans le texte un impossible προσθοίεν (§ 501), d'autant plus que l'apparat cri­tique présente ainsi la variante correspondante : προσθείεν : λέγοιεν Ρ ? Le verbe πείθειν avec un régime à l'accusatif (§ 155 : xai τους άλλους επειθον) nécessairement le sens de «persuader», et non de «croire» ou de «se laisser persuader». L'adverbe πάντως revient fréquemment sous la plume de l'auteur ; on pourrait peut-être le traduire uniformément par «absolument», plutôt que de recourir à diverses expressions, qui contiennent parfois une nuance différente. La discussion ne porte pas tant sur le contenu des concepts que sur leur imbrication et leur compatibilité. Il est donc préférable, là aussi, de s'en tenir à des

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traductions uniformes et littérales. Ainsi ne faut-il pas considérer comme interchangeables les concepts de «principe» et de «cause» (§ 2317*19, 389) ou de «nature» et d'«essence» (§ 4211"12,436).

Par sa valeur propre et pour son influence sur les théologiens postérieurs, ce traité méritait d'être versé au dossier déjà épais de la procession du Saint-Esprit. Nil Kabasilas s'y révèle dialecticien convaincant et théologien indépendant.

Albert FAILLER

Angeliki E. LAIOU - Roy Parviz MOTTAHEDEH, The Crusades from the Perspective of Byzantium and the Muslim World (Dumbarton Oaks Research Library and Collection). — Washington DC, 2001. 26 χ 18,5. vn-297 p. Prix : 48 $.

I. Introduction G. Constable, The Historiography of the Crusades, p. 1-22.

II. Crusades and Holy War - R. P. Mottahedeh - R. al-Sayyid, The Idea of the Jihad in Islam before the Crusades,

p. 23-29. Le concept de Jîhăd s'est forgé progressivement au prix d'interprétations diver­gentes sur son caractère obligatoire et offensif. Ajoutons qu'au moment où les croisades atteignent la Syrie, l'esprit du Jihad est bien absent parmi les populations locales, davan­tage préoccupées des dépradations commises par de nouveaux venus, les Turcs.

- G. T. Dennis, Defenders of the Christian People : Holy War in Byzantium, p. 31-39. L'auteur rappelle que les Byzantins sont restés hostiles à l'idée de guerre sainte, mais sou­ligne, peut-être à l'excès, le caractère défensif des guerres byzantines.

ΠΙ. Approaches and Attitudes - M. C. Lyons, The Land of War : Europe in the Arab Hero Cycles, p. 41-51. - N. M. El-Cheikh, Byzantium through the Islamic Prism from the Twelfth to the

Thirteenth Century, p. 53-69. Il semble que les Byzantins, toujours loués dans les textes arabes des 12e-13e s. pour leurs qualités de bâtisseurs et d'artistes, gagnent aussi une meilleure image morale par rapport aux textes antérieurs et Constantinople n'a rien perdu de sa fascination, même après 1204.

- R. W. Thomson, The Crusaders through Armenian Eyes, p. 71-82. Assez curieuse­ment, Γ arrivée des croisés ne trouve .pas grand écho avant le 13e siècle chez les Arméniens et leur venue est rattachée à des légendes remontant au 4e siècle qui annoncent une future libération de l'Orient par les «Francs».

- A. Kazhdan (f), Latins and Franks in Byzantium : Perception and Reality from the Eleventh to the Twelfth Century, p. 83-100. L'auteur met en garde contre l'image sim­pliste d'une opposition générale entre Latins et Grecs. Il rappelle la place des Francs sous les Comnènes, même si, contrairement à une opinion encore reçue, leur importance dans l'armée diminua.

- E. Jeffreys - M. Jeffreys, The "Wild Beast from the West" : Immediate Literary Reactions in Byzantium to the Second Crusade, p. 101-116. L'analyse de deux poèmes du Prodrome des Manganes offre le point de vue officiel sur l'avance des Allemands de Conrad devant Constantinople. Mais que l'empereur Manuel change de politique, et aussi­tôt les mêmes Allemands deviennent fort présentables. Cette poésie de cour est au service exclusif de Manuel et ne permet pas d'accéder à l'opinion des Constantinopolitains, quoi­qu'on puisse supposer un soulagement après le passage des croisés en Asie Mineure.

- T. M. Kolbaba, Byzantine Perceptions of Latin Religious "Errrors" : Themes and Changes from 850 to 1350, p. 117-143. Les Latins et les Grecs n'ont pas toujours mis en avant les mêmes points de divergence : la primauté romaine et la question des azymes ont dominé les débats avant que la querelle du filioque constitue l'obstacle le plus fort. On assiste aussi à une inversion des attitudes, car les théologiens grecs, d'abord condescen­dants à l'égard de leurs confrères latins, finirent par se sentir en position défensive lors du concile de Florence.

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IV. The Crusades and the Economy of the Eastern Mediterranean - O. M. Constable, Funduq, Fondaco, and Khan in the Wake of Christian Commerce

and Crusade, p. 145-156. Ces trois types de fondations destinées à accueillir des mar­chands n'ont en fait ni les mêmes origines ni les mêmes fonctions.

- A. E. Laiou, Byzantine Trade with Christians and Muslims and the Crusades (avec un appendice par . Morrisson), p. 157-196. Les croisades ont marqué fortement l'économie proche-orientale, notamment celle de l'Empire byzantin. Il a fallu organiser des marchés de ravitaillement et des opérations de change considérables conciliant une économie fon­dée largement sur le libre-échange et l'intervention de l'État nécessaire pour rendre les transactions acceptables aux Latins. L'accroissement de la présence d'étrangers en Méditerranée orientale provoque l'uniformisation de la législation maritime internatio­nale, à laquelle Byzance doit se plier progressivement, notamment en ce qui concerne le droit d'épave.

- D. Jacoby, Changing Economie Patterns in Latin Romania : The Impact of the West, p. 197-234. Les troubles politiques ont eu une influence limitée sur l'expansion écono­mique en Méditerranée orientale après 1204. Les Vénitiens sont les plus actifs dans le redéploiement des exportations de matières premières vers l'Occident. Des Grecs jouent un rôle non négligeable et les plus riches imitent le genre de vie latin, contribuant au mou­vement croissant d'importation de produits de luxe venant d'Occident

V. Art and Architecture - O. Grabar, The Crusades and the Development of Islamic Art, p. 235-245. - . Bouras, The Impact of Frankish Architecture on Thirteenth-Century Byzantine

Architecture, p. 247-262. - S. E.J. Gerstel, Art and Identity in the Medieval Morea, p. 263-285. Les trois dernières contributions mesurent l'impact de l'expansion latine sur les civili­

sations du Proche-Orient. Il fut assez faible sur l'art musulman, mais plus fort dans les provinces grecques occupées durablement par les Latins, notamment en Morée.

Jean-Claude CHEYNET

Xavier LEQUEUX (Éd.), Gregorii Presbyteři Vita Sancii Gregorii Theologi (Corpus Christianorum, Series Graeca 4 4 ; Corpus Nazianzenum 11). — Brepols, Turnhout-Leuven 2001. 25 χ 15. xxn-285 p.

Ce onzième volume du Corpus Nazianzenum contient une nouvelle édition de la Vita S. Gregorii Theologi (BHG 723), qu'on pouvait lire jusqu'à présent dans PG 35, col. 244-304 (reprise de l'édition mauriste de 1778). X. Lequeux offre ainsi un texte grec critique, accompagné d'une traduction française et pourvu de notes regroupées en fin du volume. L'auteur a repéré 179 manuscrits grecs transmettant ce texte, dont les plus anciens, en onciale, remontent au 9e s. (n° 50+91 et 120), et signalé les principales traductions exis­tantes (arabe, arménienne, géorgienne, syriaque, slavonne et latine). L'édition repose sur une sélection de 22 manuscrits représentatifs des différentes familles. La présentation des manuscrits est claire et sobre. Les hasards de la recherche, la préparation par l'IRHT du catalogue du fonds Panaghias du Patriarcat Œcuménique, nous donnent l'occasion de signaler quelques erreurs concernant deux manuscrits de ce fonds : le Panaghias 17 (n° 81 du répertoire) est un ménologe de janvier, allant du 1er (et non du 3) au 31 du mois, et la Vita se trouve aux ff. 230-250v (et non 107v-126v) ; le Panaghias 18 (n° 82 du répertoire) est un ménologe de janvier allant du 6 (et non du 3) au 31, et il est décrit aux pages 44-46 (et non 42-44) du catalogue Tsakopoulos. L'orthographe «Istambul» est aussi inhabi­tuelle. Assez souvent, l'éditeur note que la datation d'un manuscrit est discutée. Comme les écarts donnés sont souvent importants, l'œil d'un paléographe averti aurait certaine­ment permis, dans bien des cas, de réduire l'approximation.

La datation de ce texte et l'identité du biographe, un homonyme du Théologien, que certains manuscrits présentent comme prêtre de Cesaree de Cappadoce, restent assez pro­blématiques. Avec raison, l'éditeur dissocie l'auteur de la Vita de celui d'un Éloge des Pères de Nicée, une composition qui avait pourtant l'avantage de fournir quelques repères

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chronologiques. Le texte de la Vita étant dépourvu de tout élément de datation, il faut donc chercher ailleurs. Un terminus ante quem pourrait être fourni par un Éloge de Grégoire de Nazianze, attribué à Sophrone de Jérusalem, et conservé uniquement en géor­gien, dans lequel le panégyriste «se plaint de ce que le biographe a composé une œuvre littéraire indigne du personnage qu'il célèbre» (p. 15). Si l'Eloge est bien de Sophrone et si la biographie visée est notre texte, ce dernier serait donc antérieur à l'année 638, date de la mort du patriarche. Un autre détail, textuel cette fois, et de nature juridique, conduit l'auteur à proposer comme terminus post quem le milieu du 6e siècle.

Pour rédiger cette Vie, l'hagiographe a principalement recours aux poèmes autobiogra­phiques de Grégoire (en premier lieu le De vita sua), dont il complète les données par des indications tirées des Orationes ou des Lettres. C'est dire que les détails biographiques inédits ne figurant dans aucune de ces sources sont plutôt rares (voir cependant les quatre passages énumérés p. 25). Pour être à la hauteur de son héros, il s'exprime dans une langue classicisante et artificielle, dans laquelle les références à l'Antiquité classique paraissent un peu plaquées. Les citations littérales de l'œuvre du Nazianzene sont rares, à la différence des allusions qui abondent La traduction masque parfois ces renvois, notam­ment quand le mot λόγοι est traduit de façon vague, alors qu'il désigne de toute évidence les Orationes ou un groupe d'Orationes : ainsi en 7, 29 λόγοις είρηνικοίς, en 11, 7 λόγοις έπιταφίοις et en 12, 39 λόγων (allusion aux Discours théologiques).

Quelques remarques sur la traduction ou le texte : 5, 29-30 καθώς φησιν ή βίβλος ή ιερά, ταύτην της καθαρότητος λαμβάνων άντίδοσιν ne peut être traduit par : comme le dit la Sainte Bible qui la (c.-à-d. la vision) considère comme une contrepartie de la pureté, car le participe masculin λαμβάνων ne peut se rapporter au féminin βίβλος (en fait le par­ticipe renvoie au sujet du verbe principal, c'est-à-dire Grégoire) ; 5, 33 σοφιστών τΰφον : l'arrogance ou la morgue des sophistes, plutôt que : l'effervescence (le mot τοφος est cor­rectement traduit trois lignes plus bas où il est appliqué aux riches) ; 7, 1-2 της άρειανης αΐρέσεως δια τών πνευμάτων της πονηρίας έπικλυζοόσης την έκκλησίαν : alors que l'hérésie arienne inondait l'Église sous l'action des esprits de malice (cf. Éph. 6, 12), plu­tôt que : inondait l'Église des souffles de la perversité ; en 8, 2 la leçon νοσησασα ne peut être maintenue, et il faut écrire νοήσασά τε και μελετησασα ; 8, 3 écrire μισόχριστον ; 8, 15-16 le verbe στηλιτεύειν est devenu d'un usage si banal qu'il n'est pas nécessaire de revenir à Fétymologie et de traduire lourdement par : inscrivit sur une stèle d'infamie ; 11, 11 οικείων : ses affaires privées, au lieu de : ses familiers, par opposition aux affaires de l'Église (cf. plus bas, ligne 17 ιδίων) ; 12, 7 περί μέν τον Υίον : à propos du Fils, et non du Christ; 15, 22 écrire βασιλέως ; 16, 15 της τροφής την μετάληψιν : la consommation de nourriture, et non le changement en nourriture ; 17, 3 retenir la leçon όσων, qui don­nera un texte grec en accord avec la traduction; 22, 23 άθετείν annuler, plutôt que: repousser, puisqu'il s'agit des ordinations illicites opérées par les apollinaristes ; 22, 27 άνατρέπειν a plutôt dans un contexte polémique le sens de réfuter.

Paul GÉHIN

Charles LOHR (Éd.), Eustratius Nicaenus, Commentarla in II librum Posteriorum analyticorum Aristotelis. - Innominati Auctoris Expositiones in II librum Posteriorum resolutivorum Aristotelis. Übersetzt von Andreas GRATIOLUS. Neudruck der Ausgabe Venedig 1542 mit einer Einleitung von Charles LOHR (Commentaria in Aristotelem Graeca. Versiones Latinae temporis resuscitata-rum litterarum [CAGL], Band 7). — Frommann-Holzboog, Stuttgart-Bad Cannstatt 2001. 30 x 21 ; relié, xn-195 p. Prix : 148,27 € .

Commanditaire des œuvres philosophiques d'Eustrate de Nicée, Anna Komnènè a tracé un portrait flatteur du métropolite, qui rat un serviteur dévoué de son père. Dans l'in­troduction du présent volume, Ch. Lohr rappelle les principales étapes de sa carrière : lors du procès de Jean Italos (1082), il finit par accepter de souscrire à la condamnation de son maître ; lorsque la confiscation des biens ecclésiastiques par Alexis Ier pour subvenir aux

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besoins de sa campagne contre les Normands provoqua l'opposition du métropolite Léon de Chalcédoine (1086), Eustrate prit le parti de l'empereur et fournit une justification théologique à son action. Il fut bientôt nommé métropolite de Nicée. Plus tard, en 1112, il fut l'un des théologiens chargés de défendre, devant l'archevêque de Milan Pietro Grossolano, les positions orthodoxes sur le pain azyme et la procession du Saint-Esprit. Il était encore aux côtés de l'empereur pour promouvoir la doctrine orthodoxe face aux Arméniens monophysites (conférence de Philippoupolis, vers 1114) ; mais ce furent préci­sément ses écrits contre les Arméniens qui lui valurent, quelques années plus tard (1117), la condamnation du synode, que l'intervention conjuguée du patriarche et de l'empereur ne parvint pas à infirmer. U dut mourir quelques années plus tard.

Dans ses écrits théologiques, Eustrate utilise ses connaissances philosophiques. Mais il a laissé des traités proprement philosophiques et commenté l'œuvre d'Aristote, plus préci­sément les livres I et VI de l'Éthique à Nicomaque (éd. G. Heylbut, Berlin 1892) et le livre II des Seconds Analytiques (éd. M. Hayduck, Berlin 1907). Le présent volume contient la traduction latine de ce dernier commentaire. Le texte grec fut publié en 1534, à Venise, dans un volume qui contenait aussi le commentaire de Jean Philopon aux Seconds Analytiques, ainsi qu'un commentaire anonyme au même texte. Réalisée par Andrea Grazioli, la traduction latine des trois textes fut publiée à Venise en 1542 (réédition en 1568). Le commentaire de Jean Philopon, dans sa version latine, a déjà été réimprimé dans cette collection (CAGL 5, 1995), ceux d'Eustrate de Nicée et de l'Anonyme sont regroupés dans le présent volume.

La collection met à la portée des historiens de la philosophie, dans une édition luxueuse, ces traductions latines de la Renaissance qui marquent une étape importante dans la culture humaniste et dont les exemplaires primitifs sont rares et difficilement accessibles.

Albert FAILLER

Pierre MARAVAL, Eusèbe de Cesaree. La théologie politique de l'empire chré­tien. Louanges de Constantin (TRIAKONTAÉTERIKOS). Introduction, tra­duction et notes par Pierre MARAVAL (Sagesses chrétiennes). — Les Éditions du Cerf, Paris 2001. 1 9 , 5 x 1 2 , 5 . 216 p.

Eusèbe est un des premiers théoriciens de l'Empire chrétien. Sa théologie politique, qui sera largement reprise par la suite, est exposée dans la plupart de ses ouvrages, mais elle s'exprime avec une particulière netteté dans le discours dont ce volume nous offre une traduction largement commentée.

En fait, il s'agit de la réunion, par Eusèbe lui-même, de deux discours, prononcés tous deux à Constantinople devant l'empereur et sa cour, en 335-336. L'un, qui donne son titre à l'ensemble (Jriakontaétérikos logos que la tradition latine désigne comme De laudibus Constantini — Louanges de Constantin), fut prononcé à l'occasion de la célébration des trente ans de règne de cet empereur, alors à son apogée. Il constitue les chapitres I à X du présent double discours. Les chapitres XI à XVIII, probablement prononcés plus tardive­ment mais toujours devant l'empereur et sa cour, constituent en quelque sorte le fonde­ment théologique du premier, une catéchèse sur le règne du Logos, fondement de la théo­logie politique de l'Empire chrétien. Selon cette catéchèse, le Père confie le gouvernement du monde créé à son Fils, le Logos créateur, qui le délègue à l'empereur. Celui-ci est donc le représentant terrestre, le «lieu-tenant» du Logos.

Mis en situation par une introduction détaillée, le texte est ici traduit et rigoureusement annoté par un spécialiste de l'histoire du christianisme de cette période. Plusieurs thèmes riches d'avenir sont ainsi mis en valeur : par exemple, le parallèle «un seul Dieu/un seul Empire» (l'Empire romain, providentiellement universel et devenu chrétien) ; la justifica­tion des constructions constantiniennes en Terre Sainte ; la christologie du Logos, dans laquelle le corps du Christ est le Temple du Logos.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

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BIBLIOGRAPHIE 257

François NEYT et Paula DE ANGELIS-NOAH (Éd.). BAŘSANUPHE et JEAN DE GAZA, Correspondance, vol. Π Aux cénobites, t. Π (Lettres 399 - 616), Texte cri­tique, notes et index par François NEYT et Paula DE ANGELIS-NOAH, Traduction par L. REGNAULT (Sources Chrétiennes 451). — Les Éditions du Cerf, Paris 2001. 20 χ 13. 450 p. Prix : 229 F. Ce tome marque l'achèvement de la partie de la correspondance adressée aux céno­

bites. Il forme avec le n° 450 (voir r. REB 59, 2001, p. 289-290) un même volume pourvu d'une pagination continue allant de 1 à 911 ; l'introduction se trouve au début du premier tome et les index à la fin du second.

Plusieurs lettres de cette section retiennent l'attention, notamment toutes celles qui concernent la vie du cénobion de l'abbé Séridos (le n° 570c est en fait une longue notice sur l'abbé Séridos qui vient de mourir, et les lettres 463-482 et 571-598 sont adressées à Élien, son successeur : le premier lot, alors qu'il est encore laïc, le second, lorsqu'il est devenu abbé). Mais le groupe le plus célèbre est constitué par les lettres 600-607 qui nous plongent dans la controverse origéniste qui renaît alors et divise les monastères de Palestine. Ce groupe de lettres avait d'ailleurs fait (en partie) l'objet d'une édition séparée par Montfaucon à partir du Coislin 281, sous le titre «Didascalie sur les opinions d'Origène, d'Évagre et Didyme» (reprise en PG 86.1, 892-901). Plusieurs lettres tournent aussi autour de la santé des moines et abordent la question de savoir s'il faut recourir ou non aux services d'un médecin (L. 520-533) ou précisent l'attitude à adopter quand s'élè­vent des contestations entre moines sur la propriété, l'entretien ou l'occupation des cel­lules (L. 485-488). La plupart des demandeurs, qui sont timorés et manquent d'assurance, cherchent à être rassurés et guidés ; mais quelques-uns, qui n'hésitent pas à revenir à la charge plusieurs fois sur le même sujet et qui se révèlent de redoutables casuistes, finis­sent par agacer les pacifiques vieillards, qui manient alors l'ironie (voir L 437).

Comme dans les volumes précédents, la correction du grec est excellente (on notera seulement quelque flottement dans l'accentuation du vocatif d'αδελφός ; trois coquilles, en 404, 10 où il faut lire προς, en 405, 6 où il faut lire γίνεσθαι et en 614, 24 où il faut lire βλέπεις). La traduction du Père Regnault, mise en regard du texte, est agréable et expres­sive et elle montre la grande familiarité de son auteur avec le monde des Pères du désert. Elle manque cependant parfois de précision et recourt trop à la variano, comme cela a déjà été relevé à propos du précédent tome. Les reprises des mêmes thèmes ou des mêmes mots grecs, de la question à la réponse, ou dans un lot de lettres ayant le même destina­taire, disparaissent de la traduction. Ainsi le verbe θάλπειν est traduit par couver en 524, 12 (réponse) et par soigner tendrement en 525, 2 (dans la demande, où il fait écho à la réponse précédente). Dans la L. 463, le verbe πολυπραγμονειν de la demande est traduit par beaucoup réfléchir et l'injonction μη πολυπραγμόνει donnée dans la réponse (1. 7) par ne t'agite pas dans tous les sens ; le verbe réapparaît en 600, 54, où il est plus exactement traduit (dans les trois cas, il s'agit de cette curiosité indiscrète, qui consiste à se mêler de ce qui ne nous regarde pas ou de ce qui dépasse notre entendement, en particulier quand il s'agit de matières théologiques ; la même remarque est à faire pour le verbe περιεργάζεσθαι). Au fil de la plume, corrigeons quelques inexactitudes: 407, 14 s'accroît, au lieu de : devient plus évident ; 421, 7 tu as été possédé des démons, au lieu de : tu as été travaillé par les démons ; 432, 3 et 10 de mal les administrer, au lieu de : de les maîtriser mal ; 448, 35-36 aux vents intelligibles, au lieu de : aux vents des pensées (il s'agit d'une interprétation spirituelle de l'épisode de la tempête apaisée) ; 453, 32 et nous serons justifiés, au lieu de : jugeons-nous nous-mêmes (?) ; 454, 38 ne nous décourageons pas, au lieu de : ne nous livrons pas ; 475, 16 fais semblant d'avoir oublié, au lieu de : efforce-toi de l'oublier; 494, 15 pour réveiller ton cœur, au lieu de : pour exciter; 532, 8 à l'eau bénite, au lieu de : à la sainteté (pour cette possible traduction α'άγίασμα, mot qui peut désigner divers sacramentels ou des eulogies, voir 513, 19) ; 572, 42 selon lui, au lieu de : contre lui ; 613, 42 de la grêle, au lieu de : de l'ivraie ; 604, 32 réfute, au Ueu de : détruit (contexte de polémique théologique).

Paul GÉHTN

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Ingela NILSSON, Erotic Pathos, Rhetorical Pleasure. Narrative Technique and Mimesis in Eumathios Makrembolites' smine & Hysminias, (Acta Universitatis Upsaliensis, Studia Byzantina Upsaliensia 7). Dissertation for the Degree of Doctor of Philosophy in Greek presented at Göterborg University in 2001. — Uppsala, 2001. 24 χ 16. 329 p.

Si les travaux consacrés au roman byzantin se sont multipliés depuis la fin des années 1980 et si les romans de langue savante, autrefois tenus en fort piètre estime, font désor­mais l'objet d'un intérêt soutenu, comme en témoignent les actes du colloque de Berlin récemment parus sous le titre Der Roman im Byzanz der Komnenenzeit (Francfort 2000), aucune des œuvres en question n'avait encore fait l'objet d'une monographie — lacune qu'il était temps de commencer à combler car, comme le souligne I. Nilsson, chacun des quatre textes composés au 12e siècle possède une individualité propre et mérite d'être étu­dié dans sa spécificité (p. 36). La publication de la thèse de I. Nilsson constitue donc une étape importante dans l'histoire de la réévaluation de la littérature romanesque byzantine. Répondant à une attente assez souvent formulée au cours des dernières années, notam­ment par M. Mullett (BMGS 14, 1990, 258-275), I. Nilsson a choisi de lire le texte de Macrembolite en recourant aux instruments forgés par la critique littéraire contemporaine, à laquelle elle puise avec un éclectisme revendiqué, empruntant ses outils conceptuels à divers systèmes interprétatifs (Genette, Bakhtin, Chatman, Bal...) en fonction des besoins de sa propre investigation, et sans tomber jamais dans le piège de l'anachronisme. Fidèle aux leçons de P. Agapitos, qui fut son co-directeur et prône la nécessité de soumettre la littérature byzantine à une lecture «from within», I. Nilsson se montre constamment sou­cieuse du contexte culturel dans lequel le texte de Macrembolite a pris naissance, comme le montre l'introduction, fort bien documentée, où elle évoque la renaissance du genre romanesque à Byzance au 12e siècle. La suite du travail se divise en trois parties : 1) une analyse narratologique du texte de Macrembolite (p. 46-165); 2) une comparaison détaillée du roman byzantin et de l'œuvre antique qui en constitue le principal hypotexte, Leucippé et Clitophon d'Achille Tatius (p. 166-260) ; 3) une étude des citations et allu­sions littéraires repérables dans Hysminé et Hysminias (p. 261-286). La première partie, consacrée à la composition du récit — construction de l'intrigue, jeu sur les répétitions et variations, sur les différents modes d'écriture (narration / description / commentaire), exploitation des motifs et des thèmes, mise en place de Pespace-temps, caractérisation des personnages, utilisation des points de vue ...— démontre excellemment la valeur d'une œuvre que l'auteur définit ajuste titre comme «an exciting and highly sophisticated piece of literature, a multilayered display of literary artistry» (p. 11) : I. Nilsson montre notam­ment comment les répétitions si souvent reprochées à Macrembolite, répétitions qui constituent une forme d'auto-mimésis, contribuent, en réduisant l'importance de l'intrigue elle-même, à attirer l'œuvre du côté de la littérature lyrique, et comment elles sont le fruit d'un art concerté, non une marque d'impuissance créatrice (p. 73). La comparaison avec Achille Tatius prouve que le roman de Macrembolite, loin d'être un simple plagiat comme on l'en accusait par le passé, résulte d'une pratique inventive de la mimésis : non seule­ment Leucippé et Clitophon est loin d'être le seul modèle imité par le romancier byzantin, mais celui-ci, lorsqu'il s'inspire d'Achille Tatius, le fait toujours avec beaucoup de liberté, amplifiant ou réduisant motifs et épisodes, réorganisant le matériau à sa disposition, jouant de la distorsion et de l'inversion avec une habileté que devaient apprécier les lec­teurs contemporains, puisque l'œuvre était destinée à un public restreint de connaisseurs auquel le roman antique était sans doute aussi familier qu'à Macrembolite lui-même. On regrettera peut-être que la troisième et dernière partie, «Mimesis and Transtextuality : Tradition and Innovation», ne soit pas plus développée : sans doute I. Nilsson y reprend-elle des éléments déjà introduits dans les deux précédentes parties, et ce chapitre ultime fait-il figure de «summarising commentary to parts 1 and 2» (p. 45), mais l'intérêt des analyses consacrées au jeu littéraire auquel se livre Macrembolite à coup de citations et paraphrases, les fines remarques concernant la manière dont se superposent dans le roman byzantin allusions à l'héritage antique et références «modernes» (cf. l'intéressant passage consacré à la scène du lavement de pieds) laissent penser qu'un peu plus de vingt pages

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BIBLIOGRAPHIE 259

auraient été bienvenues sur ces importantes questions. L'ouvrage se clôt sur des indices et une copieuse bibliographie (j'ai noté, toutefois, quelques lacunes dans le domaine français : cf. notamment J. Bompaire, Lucien écrivain. Imitation et création, Paris 1958, important pour la question de la mimésis ; S. Rabau, «Le roman d'Achille Tatius a-t-il une fin ou comment refermer une œuvre ouverte?», Lalies 17, 1997, 139-149 ; L. Plazenet, L'ébahissement et la délectation. Réception comparée et poétiques du roman grec en France et en Angleterre aux XVIème et XVIIème siècles, Paris 1997 : sur la réception de Macrembolite). Outre l'intérêt que présente son contenu, l'ouvrage de I. Nilsson se dis­tingue aussi par la qualité de la présentation matérielle, la précision des références, la fré­quence des notes de renvoi, qui en facilitent grandement la consultation et en feront un excellent outil de travail. On peut peut-être cependant regretter que l'auteur se refuse sys­tématiquement à établir des connexions entre le texte de Macrembolite (le «narré») et les réalités socio-historiques contemporaines (cf. p. 55, à propos des débats contemporains sur la Tychè, et de la possible inquiétude dont ils seraient l'écho : «It may be dangerous to assume an intellectual and emotional movement on the basis of literary interests and ten­dencies» ; p. I l l , à propos de la réduction des protagonistes en esclavage: «The motif goes back to the ancient novel <...> and may not need any further explanation» ; p. 256, à propos du jeu d'inversion auquel Macrembolite soumet les rôles sexuels de ses protago­nistes : «The function and effects of such manipulation of material lie on a metatextual, rather than a factual level ; the characterisation of Hysmine is therefore not necessarily tied to a contemporary socio-cultural situation»). Certes, la prudence de I. Nilsson en pareille matière est de bon aloi (elle invoque le caractère auto-référentiel de la littérature romanesque byzantine) ; mais s'il faut incontestablement se méfier des prises de position simplistes qui voient dans l'œuvre littéraire un reflet direct de la société du temps, on ne peut nier pourtant que le vécu des lecteurs byzantins ait contribué à modeler leur horizon d'attente, et par conséquent influé sur l'écriture du récit : aussi paraît-il dommage d'éva­cuer absolument la question du dialogue entre le monde des héros et celui de l'auteur et de son public.

Corinne JOUANNO

Οι σκοτεινοί αιώνες του Βυζαντίου (7ος -9ος αι.), (Διεθνή συμπόσια 9). — Εθνικό Ίδρυμα Ερευνών, Ινστιτούτο βυζαντινών Ερευνών. Athènes 2001 .24x17 . 462 ρ.

Ι. Shahîd, Heraclius and the Theme System Revisited. The Unfinished Themes of Oriens, p. 15-40. L'auteur poursuit sa controverse avec J. Haldon sur l'existence de thèmes en Orient dès avant la mort d'Heraclius.

J. Russell, The Persian Invasions of Syria/Palestine and Asia Minor in me Reign of Heraclius : Archaeological, Numismatic and Epigraphic Evidence, p. 41-71.

M. Leontsinè, Θρησκευτικές πεποιθήσεις και γλωσσική διατύπωση τον 7ο αιώνα, ρ. 73-87.

W. Brandes, Konstantin der Grosse in den monotheletischen Streitigkeiten des 7. Jahrhunderts, p. 89-107.

S. Lampakès, Παρατηρήσεις σχετικά μέ τις δψεις της αρχαιογνωσίας στο έργο τοΰ 'Ιγνατίου Διακόνου, ρ. 109-132.

F. R. Trombley, Mediterranean Sea Culture Between Byzantium and Islam 600-850 A.D., p. 133-169.

F. Curta, The "Prague Type". A Critical Approach to Pottery Classification, p. 171-188.

A. Lampropoulou, E. Anagnôstakès, . Kontè, A. Panopoulou, Συμβολή στην 'Ερμηνεία των 'Αρχαιολογικών τεκμηρίων της Πελοποννήσου κατά τους «σκοτεινούς αιώνες», ρ. 189-229.

Ν. Poulou-Papadimitriou, Βυζαντινή κεραμική από τον ελληνικό νησιωτικό χώρο και από την Πελοπόννησο (7ος-9ος αι.) : μία πρώτη προσέγγιση, ρ. 231-266.

M. Tourna, Chypre : céramique et problèmes, p. 267-291.

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A. Avramea, Les Slaves dans le Péloponnèse, p. 293-302. T. Vòlling (t), The Last Christian Greeks and the First Pagan Slavs in Olympia,

p. 303-323. E. Anagnôstakès, «Περιούσιος λαός», ρ. 325-345. M. Gérolymatou, 'Εμπορική δραστηριότητα κατά τους σκοτεινούς αιώνες, ρ. 347-

364. Μ. Kaplan, Quelques remarques sur la vie rurale à Byzance au IXe siècle d'après la

Correspondance d'Ignace le Diacre, p. 365-376. C. Morrisson, Survivance de l'économie monétaire à Byzance (vir^ix6 s.), p. 377-397. V. Penna, Νομισματικές νύξεις για τη ζωή στις Κυκλάδες κατά τους 8ο και

9ο αιώνες, ρ. 399-410. . Lounghis, Some Gaps in a Social Evolution Theory as Research Directions,

p. 411-420. E. Kountoura-Galakè, Προρρήσεις μοναχών και ανάδειξη αυτοκρατόρων στη διάρκεια

των «σκοτεινών αιώνων», ρ. 421-441. V. L. Vlyssidou, L'empereur Théophile «chérissant les nations» et ses relations avec la

classe supérieure de la société byzantine, p. 443-453. J. Haldon, Byzantium in the Dark Centuries : Some Concluding Remarks, p. 455-562. Le passage de l'Empire protobyzantin à l'Empire médiéval reste un sujet de fascina­

tion pour les chercheurs, car il faut expliquer le brusque fléchissement de la puissance byzantine au 7e siècle et, à l'inverse, sa résistance à la formidable puissance arabe. Si, comme le rappelle John Haldon, les sources écrites ne sont pas aussi négligeables qu'on le dit parfois, elles touchent largement les questions religieuses et ne permettent pas de com­prendre l'évolution économique, fiscale et militaire de l'État. Nombre de contributions s'appuient de ce fait sur l'archéologie et les disciplines qui lui sont en partie liées, cera­mologie, numismatique. On peut contester l'idée que le 9e siècle appartienne aux siècles obscurs et les contributions de M. Kaplan ou V. Vlyssidou utilisent le genre épistolaire, réapparu avec Théodore Stoudite, ou les sources narratives redevenues abondantes.

L'archéologie des siècles obscurs est encore loin d'avoir donné tout ce qu'on en peut attendre car, comme on le constate par les titres des contributions, elle est plus développée en Europe qu'en Asie Mineure, là où réside pourtant le secret de la survie de l'Empire. De plus, l'interprétation des résultats des fouilles pose souvent de redoutables problèmes méthodologiques. Ainsi la présence d'une céramique plus grossière et tournée à la main avait été trop systématiquement associée à l'avancée slave, alors que ce type grossier coexiste, dans les mêmes lieux, avec une céramique plus fine. L'opposition se marque non entre ethnies, mais entre deux usages de la céramique. Les travaux régionaux, menés notamment dans le Péloponnèse et dans les îles, Crète, Chypre, conduiront à affiner les typologies et préciser les régions de production, à l'instar des études réalisées pour l'époque précédente, qui ont permis de décrire avec plus de précision les circuits d'échange et de conclure à leur régionalisation progressive.

L'interprétation du matériel numismatique et, en conséquence, la nature des échanges commerciaux reste ouverte, même si la réanimation des échanges monétarisés au 9e siècle, à partir de Constantinople, est désormais bien admise. La numismatique semble bien pla­cée pour suggérer l'intensité des destructions, notamment au 7e siècle, qu'elles soient le fait des Perses ou des Arabes. D. Metcalf vient de proposer un bilan suggestif (Monetary recession in the Middle Byzantine period: the numismatic evidence, Numismatic Chronicle 161, 2001), où il souligne, en particulier, l'importance des trouvailles moné­taires pour décrire l'histoire de Sardes. J. Russell, dans sa contribution, adopte un point de vue différent, soulignant le caractère aléatoire des trouvailles monétaires en fonction de la nature du quartier exploré. Il rappelle qu'à peine plus de 3% de Sardes ont été prospectés et que toute conclusion reste dès lors prématurée ; il marque ainsi son scepticisme à l'idée même d'une destruction de cette ville par les Perses. Les actes de cet utile colloque nous montrent que n'avons pas fini d'enquêter sur les siècles «obscurs», mais le matériel neuf s'accumule progressivement.

Jean-Claude CHEYNET

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BIBLIOGRAPHIE 261

Nikos ODCONOMIDÈS (Éd.), Ο Ιτοιλιώτης Ελληνισμός από τον ζ' στον φ' αιώνα. Μνήμη Νίκου Παναγιωτάκη (Διεθνή Συμπόσια 8). — Εθνικό Ί δ ρ υ μ α Ερευνών, Ινστιτούτο Βυζαντινών Ερευνών, Athènes 2001. 24 χ 17. -363 ρ.

Nikos Panagiotakis avait préparé, entre 1995 et 1997, ce symposium sur l'hellénisme en Italie, qui se tint à Venise en novembre 1997, mais dont il ne vit pas le déroulement, car il décéda deux mois plus tôt. Une fin tout aussi brusque attendait le coordinateur du symposium et éditeur des Actes, Nikos Oikonomidès, disparu avant leur publication. Le thème du symposium était la permanence de l'hellénisme en Italie, L'Ellenismo italiota dal vu al secolo, pour reprendre le titre parallèle du volume. Héritage de la Magna Grecia, l'hellénisme ne s'est pas seulement maintenu, mais il s'est développé durant la période byzantine, et il a rempli une fonction encore plus originale de conservation du patrimoine après l'occupation de l'Empire byzantin par les Turcs.

Le meilleur témoignage, pour nous aujourd'hui, de la présence byzantine en Italie du Sud, ce sont les textes et les manuscrits. Les premières communications concernent préci­sément les textes ; il s'agit des Vies de Léon de Catane, de Pancrace de Taormina et de Fantino de Tauriana dans l'exposé de A. Acconcia Longo (L'antichità pagana nell'agio­grafia italogreca di età iconoclasta), de la Vie de Nil de Rossano dans laquelle E. Follieri (Echi della Vita di Antonio nella Vita di Nilo da Rossano) relève les allusions à la Vie d'Antoine composée par Athanase d'Alexandrie ; il s'agit ensuite de deux poètes siciliens des 9e et 12e siècles (M. D. Spadaro, Le anacreontee di Costantino Siculo ; J. Niehoff-Panagiotidis, La contribuzione di Eugenio da Palermo alla letteratura δημοτική in ambito italiota), puis des actes notariaux et commerciaux du dossier Medinaceli (C. Rognoni, La langue des actes de la pratique juridique grecque en Italie méridionale. Cas de dissimulta­néité).

Dans une deuxième section sont regroupées les communications qui concernent le livre et le manuscrit : P. Odorico (La circulation des livres en Italie du Sud, xe-xie siècle. Une originalité ?) se demande si l'Italie du Sud présente un cas d'espèce pour le contenu de ses bibliothèques ; J. Irigoin (L'Italie méridionale et la transmission des textes grecs du VIIe au XIIe siècle) fonde son argumentation sur les palimpsestes et les traductions latines d'œuvres grecques présentes sur place ; M. Re (I manoscritti in stile di Reggio vent'anni dopo, avec 8 tables) retrace l'origine et l'évolution du style de Reggio, dont les caractéris­tiques ont été établies il y a une vingtaine d'années. Dans un autre domaine, E. Morini (Il monachesimo italo-greco e l'influenza di Stoudios) montre comment les trois testaments de l'higoumène Grégoire pour le monastère Saint-Philippe de Fragalà sont inspirés par la règle reçue du Stoudios et conservée en Sicile.

Sous la rubrique de l'histoire politique, on peut rassembler les exposés de T. C. Lounghis (Le poids spécifique du commandement suprême en Italie dans la formation de l'idéologie politique du Xe siècle), A. Guillou (Processus identitaire d'une périphérie), J.-M. Martin (Hellénisme et présence byzantine en Italie méridionale, vif-xnf siècle) et W. Haberstumpf (Un'area marginale di contatti italo-greci : il Piemonte, secoli vn-xn).

La dernière section du volume concerne l'histoire de l'art. À propos de la représenta­tion des disciples d'Emmaüs, H. Maguire (Medieval Art in Southern Italy : Latin Drama and the Greek Literary Imagination) découvre une parenté entre le Drame latin du Pèlerin, les homélies de Philagathos de Cerami et les mosaïques de Monreale. Étudiant les motifs des pavements d'églises, W. Tronzo (Shield, Cross, and Meadow in the Opus Sedile Pavements of Byzantium, Southern Italy, Rome and Sicily) conclut à une identité d'inspi­ration concernant les motifs représentés. J. Osborne (Artistic Contacts between Rome and Constantinople in the Years Following the Triumph of Orthodoxy, AD 843) montre com­ment Rome a constitué un lieu de convergences artistiques au 9e siècle. Responsable, pour la partie italienne du projet, du Corpus de la peinture byzantine monumentale, M. Bonfioli (Un caso particolare : Spoleto e l'Umbria in pittura) expose un point particulier de ce tra­vail. Th. E. A. Dale (La «Maniera Greca» come modalità devozionale nella pittura murale romanica in Italia : le icone della Passione ad Aquileia) traite de cette même influence byzantine en Italie, mais pour un cas plus limité. C'est à un objet d'art plus original et souvent présenté dans les expositions, le brûle-parfums en forme d'église à coupoles du

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Trésor de Saint-Marc, que R. Polacco (Il cosiddetto bruciaprofumi del tesoro di San Marco a Venezia, avec 29 illustrations) consacre une étude détaillée.

Albert FAILLER

Arietta PAPACONSTANTINOU, Le culte des saints en Egypte des Byzantins aux Abbassides. L'apport des inscriptions et des papyrus grecs et coptes, avec une préface de Jean GASCOU. — CNRS Éditions, Paris 2001. 23 χ 17. xxiv-474p . Prix: 420FF.

Pendant tout le 20e siècle, les études sur les saints égyptiens ont été menées à partir des textes littéraires, elles se sont pour la plupart focalisées sur les saints martyrs, au détriment des autres, et se sont situées en référence au fameux article d'H. Delehaye, «Martyrs d'E­gypte» (Analecta Bollandiana 1922), cherchant d'une manière ou d'une autre à réhabiliter et à exploiter la «misérable littérature» copte méprisée par le savant bollandiste. A. Papaconstantinou détaille très finement cette perspective historiographique dans son introduction pour poser le cadre de son sujet, que le titre du livre définit d'ailleurs parfai­tement : en Egypte, la masse des sources dites documentaires, c'est-à-dire papyrus et ins­criptions, permet d'examiner les traces d'une dévotion populaire et quotidienne à toutes sortes de saints, certains bien connus de la littérature hagiographique, d'autres moins, sinon pas du tout. L'image ne saurait être exacte sans envisager les sources coptes aussi bien que grecques. Enfin, les limites chronologiques sont larges, allant du début du 5e siècle (période où l'on voit apparaître le nom des saints dans le corpus) jusqu'au début du 9e (alors les sources se raréfient de manière notable), bien au-delà de la conquête arabe qui n'a pas brutalement mis fin aux pratiques cultuelles.

De ce fait le corpus des sources est très abondant : près de huit cents documents sont traités, papyrologiques ou épigraphiques. Les textes administratifs — fiscaux surtout —, que ce soit du domaine public ou ecclésiastique, comme les actes privés, fourmillent de mentions d'établissements religieux au nom d'un saint ; les lettres privées, les prières, les textes magiques révèlent des pratiques et des dévotions particulières pour certains saints, de même que les objets de culte inscrits (lampes, ampoules, etc.), et les stèles funéraires. Pour autant, les critères de sélection sont loin d'être imprécis : ont été écartés les textes liturgiques composés en milieu monastique, les épitaphes-litanies des monastères où la notion de sainteté est assez floue ont été soigneusement triées, et de manière générale est exclu tout texte où cette sainteté n'est pas assurée. D'ailleurs il n'est pas toujours aisé de savoir qui est réellement «saint», surtout dans le cas où l'épithète άγιος ou μάρ-ruç est absente : le critère est l'existence d'un culte attesté soit par un lieu, soit par une mention de fête, mais les églises et les monastères étant souvent désignés par le nom de leur fonda­teur, plutôt que par celui d'un saint, beaucoup de textes mentionnant ces lieux ne sont pas considérés dans les sources. C'est un point que l'on pourrait probablement discuter dans le détail, mais en réalité la perte n'est pas grande, car les textes écartés du corpus de base sont souvent cités dans les sources complémentaires. Ce qu'il faut surtout souligner, c'est la qualité remarquable du traitement des sources coptes : comme le rappelle A. Papaconstantinou, les instruments de travail en papyrologie copte sont pour le moins embryonnaires, elle a donc fait un énorme travail de dépouillement et (re)traduit de façon limpide des textes qui parfois avaient été édités sans traduction. On pourra regretter l'ab­sence des colophons de manuscrits (publiés pour les manuscrits coptes sahidiques par A. van Lantschoot, Recueil des manuscrits chrétiens d'Egypte, Louvain 1929). Les informa­tions fournies par les colophons, si elles concernent des manuscrits littéraires, sont bien de type documentaire, puisqu'elles mentionnent des personnages et des lieux existant à une date donnée, et le donataire d'un manuscrit est souvent une église ou un monastère. Certes la plupart des colophons datés que nous conservons appartiennent à une période (9M Ie s.) qui dépasse les limites chronologiques de cet ouvrage, mais quelques-uns remontent à la première moitié du 9e siècle et on peut y glaner de nombreuses mentions du monastère de l'archange Michel à Sôpehes (Fayoum) ainsi que de quelques églises du même nome arsi-noïte.

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BIBLIOGRAPHIE 263

Il résulte de cette masse de sources documentaires un catalogue de cent soixante-sept entrées, qui constitue la première partie du livre. Ce nombre ne saurait correspondre à une donnée exacte, comme il est dit au début de la deuxième partie, puisque quelques entrées pourraient être des doublets, mais il offre une idée du nombre et de la diversité des cultes. Sans reprendre en détail la description de chaque notice du catalogue, on peut dire qu'il se compose de trois rubriques concernant les sources primaires (titolature du saint, lieux d'attestation, présentation des textes par type et par lieu, dans la langue originale et en tra­duction) suivies d'une quatrième rubrique très utile qui regroupe les indications provenant d'autres sources (calendriers, textes hagiographiques, ouvrages historiques et topogra­phiques souvent plus tardifs que la limite chronologique définie ci-dessus), ainsi qu'une bibliographie sur le saint concerné et son culte. Une notice présente finalement un dossier complet sur tel ou tel saint, qu'il sera aisé de compléter avec les renseignements apportés par des publications ultérieures. Un tel instrument de travail sera fort précieux pour les éditeurs de textes documentaires coptes, entre autres, souvent confrontés à des toponymes contenant des noms de saints. Quant à la grande absente de ce catalogue, la Vierge Marie, elle occupe tant de place qu'elle justifiait une étude séparée : c'est chose faite dans un article récent d'A. Papaconstantinou, Les sanctuaires de la Vierge dans l'Egypte byzantine et omeyyade. L'apport des textes documentaires, The Journal of Juristic Papyrology 30, 2000, p. 81-94. (On pourrait y ajouter, pour le nome arsinoïte, même si elle n'est pas datée, l'inscription gravée sur un calice en argent conservé au musée du Louvre, qui donne le nom de «la Vierge de Pelgisôk», probablement l'église de ce village du Fayoum : cf. en dernier lieu le catalogue de l'exposition L'Art copte en Egypte, Paris 2000, p. 181).

Dans la deuxième partie, l'auteur commente les données du catalogue, du point de vue des titulaires, des lieux et des formes du culte. Les conclusions sont très riches et pleines de nuances, appuyées sur plusieurs tableaux significatifs. On notera l'existence d'un groupe dominant constitué de Victor, Georges, Théodore, Jean (probablement le Baptiste), Kollouthos, Menas, Michel et Phoibammon, personnages masculins, en grande majorité soldats ou médecins, et martyrs, dont le culte reste aussi présent du début à la fin de la période envisagée, et dans tout le pays. On remarquera l'absence des deux grands saints moines, Antoine et Pachôme, ainsi que de plusieurs saints martyrs dont le dossier littéraire est pourtant très important (par exemple Claude d'Antioche). Quant à la profu­sion de saints locaux, elle constitue une réserve qui se renouvelle tant dans l'espace que dans le temps. Les lieux de culte sont détaillés par type puis nome par nome. C'est une partie particulièrement délicate de l'enquête, d'abord parce que les lieux mentionnés ne peuvent la plupart du temps être mis en relation avec un site archéologique, ensuite parce que la terminologie n'est pas toujours précise : en particulier, lorsqu'on rencontre le terme τόπος, en copte topos ou ma, suivi d'un nom de personne qui n'est qualifié ni de «saint», ni d'« », a-t-on affaire ou non à un lieu de culte ? La documentation copte du monas­tère de Baouit (nome hermopolite) abonde de ce genre de notations : par exemple dans les ostraca concernant des livraisons de vin, le ma-n-Taurine qui semble être un producteur de vin est-il à identifier avec le μοναστηριον τοϋ αγίου Τουρίνου attesté au 6e siècle et non localisé (p. 276) ? Le deuxième volume des fouilles de Jean Clédat à Baouit (Le Monastère et la nécropole de Baouit, éd. D. Bénazeth et M.-H. Rutschowscaya, Le Caire 1999) est paru trop récemment pour qu'A. Papaconstantinou puisse utiliser cette impor­tante documentation. Encore moins a-t-elle pu consulter la récente (ré)édition des papyrus de Baouit due à Sarah Clackson (Coptic and Greek Texts relating to the Hermopolite Monastery of Αρα Apollo, Oxford 2000), qui vient contredire ce qui est dit après la liste des monastères dédiés à des saints (p. 277) : «On notera l'absence du saint d'origine monastique Apollô, pour lequel on trouve souvent l'expression "αγιον μοναστηριον απα/αββα Άπολλώτος", mais jamais "μοναστηριον (τοΰ) αγίου απα/αββα Άπολλώτος"», puisque l'édition de S. Clackson atteste seize occurrences de la deuxième formulation (avec topos ou monastêrion). Celle-ci est également présente dans trois docu­ments (deux coptes et un grec) provenant du monastère d'Apollô à Bala'izah, dans le nome lycopolite (cf. P. Kahle, Bala'izah. Coptic Texts from Deir el Bala'izah, Oxford 1954, n° 152.3, 210.10 et 204.1). La distinction est effectivement assez importante, car dans un lieu dédié à un saint se célébraient à dates fixes fêtes et commémorations en l'honneur de ce saint, généralement attestées par les sources hagiographiques. Ces formes

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du culte coexistent avec d'autres, plus individuelles, invocations, amulettes, pratiques dont les textes documentaires font ressortir la prolifération.

Dans ce livre qui contient une énorme masse d'informations et qui, par ses conclusions nuancées, offre tant de pistes de recherche, il faut encore relever le soin apporté par l'au­teur aux aspects pratiques : grâce aux nombreuses listes explicatives, aux tableaux, aux documents complémentaires, aux cartes, regroupés dans les annexes, un lecteur non papy­rologue trouvera aussi le fils d'Ariane qui lui convient C'est sans aucun doute, comme le dit J. Gascou dans la préface, un livre «appelé à durer».

Anne BOUD'HORS

Manolis PAPATHOMOPOULOS, 'Αννιτίου Μαλλιού Σεβηρίνου Βοηθού Βίβλος Περί Παραμυθίας της Φιλοσοφίας - Anicii Mardii Severini Boethii De Consolatione Philosophiae. Traduction grecque de Maxime Planude. Edition critique du texte grec avec une Introduction, le texte latin, les scholies et les index (Corpus Philosophorum Medii Aevi - Philosoph! Byzantini 9). — 'Αθήναι - 'Ακαδημία 'Αθηνών. Athens - The Academy of Athens (Diffusion : Librairie J. Vrin, Paris ; Éditions Ousia, Bruxelles) 1999. 24 χ 17. LXXX-194 (97 χ 2) + 162 p., 2 pi.

La Consolation de la Philosophie de Boèce, philosophe néoplatonicien chrétien du 6e siècle, formé à l'école d'Alexandrie, a eu une postérité abondante en Occident ; environ 400 manuscrits latins, plus de 50 éditions entre 1470 et le milieu du 16e siècle, de nom­breux commentaires et traductions, et la consécration lorsqu'elle valut à Boèce une place au Paradis de Dante. Elle fut traduite en grec par Maxime Planude en 1295.

L'ouvrage s'ouvre sur une abondante bibliographie. L'Introduction expose tout d'abord la vie de Boèce, sénateur romain de haute culture, ses œuvres, les circonstances dans lesquelles il composa la Consolation (accusé de trahison contre Théodoric, empri­sonné puis condamné à mort), une analyse détaillée de la structure de l'œuvre et du contenu de chacune de ses séquences, prose et vers se succédant. L'œuvre est composée sous la forme d'un dialogue entre Boèce, qui se lamente dans sa prison, et la Philosophie qui lui apparaît sous une forme féminine. Les thèmes de la Fortune, de la vraie sagesse indépendante des circonstances extérieures, du vrai bonheur, du mal et de la Providence, de la Uberté humaine et de la prescience divine sont successivement abordés. Cette pre­mière partie se clôt par une analyse des mètres utilisés par Boèce et des sources de son œuvre, une présentation des manuscrits et des éditions critiques.

La seconde partie de l'Introduction présente la traduction de Maxime Planude, qui rend en quelque sorte la politesse à Boèce, traducteur de nombreuses œuvres grecques en latin (cf. p. XLVI n. 99) : tous deux, Boèce et Planude, mériteraient ainsi le terme moderne de «passeurs» entre les mondes latin et grec. Après des remarques sur la traduction de la Vita de Boèce, sur les scholies qui accompagnaient le texte latin et que Planude a aussi traduites, sur la langue et le style de la traduction, et sur la valeur de cette traduction (moins littérale que pour le De Trinitate d'Augustin), l'auteur analyse la tradition manus­crite du texte grec et les éditions antérieures à la sienne. Un paragraphe rajouté à la der­nière minute porte un jugement assez sévère sur l'édition récente de A. Ch. Mégas (Boethii De Philosophiae consolatione in linguam graecam translati, Thessalonique 1996), parue lorsque le présent ouvrage était quasiment sous presse. La présentation des principes de la présente édition complète cette double Introduction.

Après les textes latin et grec de la Vita de Boèce, sont donnés quelques testimonia sur Boèce (Cassiodore, Liber Pontificalis, Procope, Anonymus Valesianus).

Le texte même de la Consolation est présenté sur une double page, le latin à gauche et le grec à droite (avec même pagination pour chaque double page) ; l'apparat critique est réduit à l'essentiel. Suit le texte grec seul des scholies, dont l'original latin devait se trou­ver sur les divers manuscrits consultés par Planude. En Appendice, figurent les scholies latines de Remigius Autissiodorensis et un traité de Servatus Lupus sur la Consolation, et

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BIBLIOGRAPHIE 265

l'édition d'une lettre de Maxime Holobolos qui précédait sa propre traduction grecque du De topicis differentiis de Boèce.

L'ouvrage se termine par divers indices : index des noms propres, index latin-grec, index des citations.

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Bernard POUDERON et Yves-Marie DUVAL (Éd.), L'Historiographie de l'Église des premiers siècles (Théologie Historique 114). — Beauchesne, Paris 2001. 21x13 ,5 . 586 p.

Il s'agit des Actes du IIe Colloque international d'Études patristiques d'expression française, qui s'est tenu à Tours du 11 au 13 septembre 2000, organisé par l'Université de Tours et l'Institut Catholique de Paris, à l'initiative du Groupement de Recherches «Textes pour l'histoire de l'Antiquité tardive» et de plusieurs autres institutions. Le thème, très large, se veut fédérateur d'une diversité de disciplines souvent séparées (exé­gèse biblique et études patristiques, écrits canoniques, apocryphes et patristiques ...). Il suffira ici de citer les communications pour donner une idée de l'importance de ce recueil de très haut niveau sur une période où se sont constituées les sources de l'historiographie byzantine.

Mémoire des origines et historiographie — Enrico Norelli, La mémoire des origines chrétiennes: Papias et Hégésippe chez

Eusèbe. — François Paschoud, Réflexions sur le problème de la fiction en historiographie. — Gilles Dorival, L'argument de la réussite historique du christianisme. — Michel Quesnel, Luc, historien de Jésus et de Paul. — Simon C. Mimouni, Les représentations historiographiques du christianisme au

1er siècle. — François Blanchetière, De l'importance de l'an 135 dans l'évolution respective de la

synagogue et du christianisme. Histoire militante : Hérésiologie et hagiographie — Éric Junod, De l'introduction de l'historiographie dans la littérature apocryphe

ancienne : les Actes de Jean à Rome. — Hervé Inglebert, L'histoire des hérésies chez les hérésiologues. — Charles Kannengiesser, \J Histoire des Ariens d'Athanase d'Alexandrie : une historio­

graphie de combat au 4e siècle. — Günther Christian Hansen, Le monachisme dans l'historiographie de l'Église ancienne. — Marie-Anne Vannier, Jean Cassien, historiographe du monachisme égyptien ? — Patrick Laurence, La Vie de sainte Melanie. La part de l'histoire. Eusèbe et ses continuateurs — Dominique Gönnet, L'acte de citer dans l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe. — Doron Mendels, The Sources of the Ecclesiastical History of Eusebius : The Case of

Josephus. — Françoise Thelamon, Écrire l'histoire de l'Église: d'Eusèbe de Cesaree à Rufin

d'Aquilée. — Pier Franco Beatrice, De Rufin à Cassiodore. La réception des Histoires ecclésias­

tiques grecques dans l'Occident latin. — Georges Tugene, L'histoire ecclésiastique de Bède le Vénérable. Les historiens ecclésiastiques grecs du 5e siècle — Michel Fédou, L'historien Socrate et la controverse origéniste. — Pierre Maraval, Socrate et la culture grecque. — Guy Sabbah, Sozomène et la politique religieuse des Valentiniens. — Jean Bouffartigue, Le texte de Théodoret et le texte de ses documents. — Jean-Noël Guinot, La place et le rôle de l'histoire événementielle dans l'exégèse de

Théodoret de Cyr.

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— Annick Martin, L'origine de l'arianisme vue par Théodoret. — Martin Wallraff, Le conflit de Jean Chrysostome avec la cour chez les historiens ecclé­

siastiques grecs. — Luce Pietri, Constantin et/ou Hélène, promoteurs des travaux entrepris sur le

Golgotha : les comptes rendus des historiens ecclésiastiques grecs du 5e siècle ? Chronique et Histoire — Yves-Marie Duval, Jérôme et l'histoire de l'Église du 4e siècle. — Benoît Jeanjean, De la Chronique à la Consolation à Héliodore (Epist. 60). Les muta­

tions de la matière historique chez Jérôme. — Stéphane Ratti, Les sources de la Chronique de Jérôme pour les années 357-364 : nou­

veaux éléments. — Dominique Bertrand, Chronologie et exégèse chez Sulpice Sévère. — Bernard Lançon, La contribution à l'histoire de l'Église de la Chronique de Marcellin

d'Illyricum. L'Histoire au service de la pastorale et de la théologie — Marie-Ange Calvet-Sébasti, L'évocation de l'affaire de Sasimes par Grégoire de

Nazianze. — Emmanuel Soler, L'utilisation de l'histoire de l'Église d'Antioche au 4e siècle par Jean

Chrysostome, dans les débuts de sa prédication. — Alain Le Boulluec, L'historiographie dans les écrits théologiques de l'empereur

Justinien. L'Église d'Ethiopie — Jacques-Noël Pérès, Les origines du christianisme en Ethiopie : histoire, tradition et

liturgie. — Gianfrancesco Lusini, L'Église axoumite et ses traditions historiographiques (4e-

7e siècles). Conférence publique de M. Vallery-Radot — Maurice Vallery-Radot, Un Père de l'Église à la pensée moderne : Cyprien, évêque de

Carthage (248-258).

Marie-Hélène CONGOURDEAU

Prosopographie der mittelbyzantinischen Zeit (641-867) Erste Abteilung (641-867), vol. 4 et 5 (de Piaton n° 6266 à Anonymus n° 12149), Nach Vorbereiten F. WINKELMANNS erstellt von R-J LILIE, C. LUDWIG, T. PRATSCH, I. ROCHÓW, B. ZffiLKE unter Mitarbeit von W. BRANDES, J.R. MARTINDALE, Herausgegeben von der Berlin-Brandenburgischen Akademie der Wissenschaften. — Walter de Gruyter, Berlin-New York 2001. 24,5 χ 17,5. 687 p. et 685 p.

Les deux derniers volumes de la PMBZ font preuve des mêmes exigences de qualité et d'exhaustivité que les précédents. Cette somme prosopographique fait œuvre utile en pré­sentant les sources et les interprétations sur tous les personnages connus des 7e-9e s. Cette vaste entreprise se contente parfois d'être une simple chambre d'enregistrement ou une compilation de l'historiographie ancienne. Il reste que la PMBZ constitue désormais pour le spécialiste un ouvrage de référence de première importance sur la période des 7e-9e siècles.

Pour l'essentiel, les quelques défauts mineurs remarqués relèvent des mêmes domaines que les volumes précédents, principalement dans le corpus sigillographique, où on relève tout d'abord certaines omissions, dues en partie au fait que ne sont pas prises en compte les publications les plus récentes :

Serge, apo hypatôn, patrice, stratège de Lazique, fils de Ne-barnoukios, soumis aux Arabes en 696 [Lekvinadze, Sovetskaja arheologija 4, 1980, p. 275-281 ; Cheynet, Sceaux de la collection Zacos..., Paris 2001, n° 40 ; Théophane, p. 370 ; PMBZ 812, 4236, 6543]. En outre, on attendrait la référence à Barnukios (PMBZ 812), mais aussi à Ne-bar­noukios (PMBZ 4236). Un sceau publié par Lekvinadze en 1980 confirmait la filiation

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BIBLIOGRAPHIE 267

Serge-Nebarnukios. Un autre sceau (Cheynet) révélait la titulature de Serge, apo hypatôn, patrice et stratège de Lazique.

Serge, hypatos, 7/8e s. (Éphèse) [Cheynet, RN 1999, p. 317-352, n° 43]. Serge, prôtostratôr, Ѣ - s. (Syracuse) [SBS 2 (1990) p. 124]. Serge, commerciaire d'Afrique (Carthage),.7e s. [Icard, Revue tunisienne n.s. 18,1934,

p. 148-157, n° l ] . Serge, silentiaire, 7e s. [Zacos-Veglery, Byzantine Lead Seals I, Bale 1972, n° 2357

(désormais ZV)]. Sisinnios, protospathaire impérial, stratège de Γ Hellade, 9e s. ? [Kyriakides, Σισίννιος

στρατηγός 'Ελλάδος, ΑΘΛΓΘ 6, 1941, ρ. 680-683, η° 1]. Sôtèrichos, stratôr impérial, 7e s. [SBS 6, p. 115]. Stratègios, chartulaire, 7e s. [Šandrovskaja, SBS 3, 1993, p. 85-98, n° 70]. Thalassios, stratèlatès et archonte de Lydie, 8e s. (Pergame) [Voegtli, Die Fundmünzen

aus der Stadtgrabung von Pergamon, p. 72, n° K1014, Berlin-New York 1993, n° 2]. Theodore, apo éparchôn, fils de Jean, 710-740 [SBS 6, p. 29 n° 1632].

Théodore, apo hypatôn, patrice, 7e s. [ZV 1033]. Théodore, archonte de Bagénétia (Jalomita), 8e s. ? [Bănescu, O colecţie de sigilii

bizantine inedite, ARMSI série , L 20, Mem. 5, Bucarest 1938, p. 15-128, n° 3]. Théodore, asèkrètès, Τ s. [ZV 1034]. Théodore, commerciaire d'Afrique, 7e s. (Carthage) [Icard, art. cit., p. 221-229]. Théodore, drongaire, archonte de Corinthe, 9e s. (Corinthe) [Daux, Chronique des

fouilles et découvertes archéologiques en Grèce en 1958, BCH 83, 1959, p. 567-793, n° 606].

Théodore, silentiaire impérial, épi ton déèséôn, 750-800 [Nesbitt, Thirteen seals and and unpublished revolt coin from an American private collection, Byz, 69, 1999, p. 87-205, n° 7].

Théodore? ... stratège de Chersoń, 9e s. (Chersoń) [Sokolova, Monety i pecati Vizantijskogo Hersona, Leningrad 1983, p. 155].

Théodose, anthypatos, 778e s. [Sode, Byzantinische Bleisiegel in Berlin Π, Bonn 1997, n° 198].

Théodose, apo hypatôn, 650-670 [SBS 6, p. 126, n° 1112]. Théodose, comte, 8e/9e s. [Barnea, Sigilii bizantine de la Brusa (Turcia), SCN 5, 1971,

p. 199-206, n° 5]. Théodote, hypatos, spatharocandidat impérial et archonte de Chersoń, 8e-9e s.

[Alekseenko, Material po arheologii, istorii i etnographii Tavrii 5, Simferopol 1996, p. 155-170].

Théopemptos, a sabanis, 8e s. (Éphèse) [Cheynet, RN 1999, n° 7 qui complète PMBZ 8069].

Théophane, patrice, stratège, 8e s. (Éphèse) [Ibid., n° 29]. Théophile, apo hypatôn, patrice, 778e s. [SBS 6, p. 77, n° 4]. Théophile, protospathaire impérial, stratège de Thessalonique, 9e s. [Sokolova, ZRVI

1978, n° 15]. Théophile,..., stratège des îles, 9e s. (Corinthe) [Daux, BCH 83, p. 567-793]. Théophylacte, hypatos, 8e s. [ZV 1661]. Théophylacté, hypatos, diœcète des Éparchies, 700-750 (Éphèse) [Cheynet, RN 1999,

n ° l l ] . Théophylacte, (proto- ?) vestiarios, 8e s. (Italie) [Laurent, Les sceaux byzantins du

médaillier Vatican, Vatican 1962, n° 25]. Théopistos, hypatos, diœcète (drongaire ?), 8e s. (Éphèse) [Cheynet, RN 1999, n° 16]. Tryphôn Komi tas, 7e s. (Éphèse) [Ibid., n° 54]. Zoïlos, hypatos, archonte de Chersoń, fin 8e-début 9e s. (Chersoń) [Alekseenko, art.

cit.,p. 155-170, n° 2]. Anonyme, doux des merè ? de Dyrrachion, 720/760 [W. Seibt - M.-L. Zarnitz, Das

byzantinische Bleisiegel als Kunstwerk. Katalog zur Ausstellung, Vienne 1997, n° 2.3.8].

Un certain nombre d'omissions concernent des corrections de datation ou de lecture des sceaux. Nous nous contenterons d'exemples particulièrement significatifs :

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268 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Sisinnios, propraitôr impérial, 8e-9* s. [Mušmov, Vizantijski olovni pečati ot sbirkata na Narodnija Muzej, IBAI 8, Sofia 1934, p. 331-391, n° 30, PMBZ 6801. La lecture et la datation ont été corrigées dans SBS 5, p. 56 : stratôr impérial, 8e s.].

Tirôn ? ou Kimôn ?, hypatos, 8e s. [Sode, op. cit., n° 300 propose de lire Tirôn, PMBZ 8505 ; Seibt, JOB 48, p. 317, avance aussi Kimôn].

Théophile, protonotaire, début 9e s. [SBS 3, p. 199, n° 800, PMBZ 8185: la notice mentionne la date proposée par le catalogue de vente aux enchères (8e s.) sans donner la date corrigée proposée dans les SBS, pourtant cités (début 9e s.)].

Théophylacte, spathaire impérial, archonte de Yarmamenton imp., 9e s. [PMBZ 8328 : la notice indique les références à toutes les publications de ce sceau, mais se limite aux datations de Schlumberger et de Konstantopoulos, sans prendre en compte celle de Laurent, de loin la plus fiable].

On relève aussi quelques très rares cas de fautes directes mineures : Praesentinos, apo hypatôn, 7e- 8e s. au lieu de 7/8e s. [I. Koltsida-Makrè, Βυζαντινά

Μολυβδόβουλλα. Συλλογή Ορφανίδη-Νικολαίδη Νομισματικού Μουσείου Αθηνών, Athènes 1996, η° 199, PMBZ6344].

Sisinnios, apo hypatôn, 660-710 [SBS 3, p. 190, au lieu de p. 188, n° 1156, PMBZ 6739].

Théodore, patrice, 778e s. [PMBZ 7500 : ZV 2442, au lieu de 2443]. Théodore, apo éparchôn, 7e s. [PMBZ 7391 : ZV 1622, au lieu de 1624]. Théodore, archevêque d'Éphèse, [PMBZ 7632 ; Laurent, Le Corpus des Sceaux de

l'Empire byzantin. L'Eglise, V/l, n° 255, au lieu de Théodose]. Tbéophylacte, épi ton déèséôn, ' 5 s. au lieu de %49* s. [Laurent, Le Corpus II.

L'administration centrale, n° 232, PMBZ 8331].

Des incohérences de translitération perturbent la recherche de certains noms, les Bardanios (Vardan) et Baanès (Vahan) sont classés à la lettre B, alors que les Varaztiroc' sont classés à V.

L'équipe de la PMBZ a mené à bien son travail selon un principe simple : quand il n'y a pas de certitude complète sur l'identité entre des personnages mentionnés par des sources différentes, des notices distinctes sont consacrées au personnage selon la source qui le mentionne. Π s'agit là évidemment d'un choix editorial qui relève de l'équipe de recherche. Mais on peut regretter l'application parfois trop rigoureuse de ce principe. Des cas de prudence extrême ont abouti à une notice par source pour certains personnages sans tentative de synthèse, même dans des cas qui s'imposent ; les renseignements sur un per­sonnage sont donc souvent éparpillés dans plusieurs notices. Nous ne mentionnons ici que les cas les plus frappants :

Serge, spathaire impérial, topotèrètès de l'Opsikion, 879* s. [PMßZ 6635, 6644]. Theodora de Kaisaris [PMBZ 7283, 7284]. Théophylacte, cubiculaire impérial, parakoimomène, stratège de Sicile (699-701),

fidèle de Justinien Π, en ambassade auprès des Khazars en 705 puis patrice et exarque d'Italie (705-710) [N. Oikonomides, Catalogue of Byzantine Seals at Dumbarton Oaks and in the Fogg Museum of Art, vol. 1 : Italy, North of the Balkans, North of the Black Sea, Washington DC 1991, n° 5.30 ; Théophane, p. 375 ; Liber Pont. I 87, p. 383, PMBZ 8259, 8270, 8271, 8275, 8279, 8291].

En conclusion, on ne peut qu'insister sur l'utilité extrême de cet instrument de travail que ses qualités de rigueur et de sérieux rendent indispensable pour l'étude des 7e-9e siècles.

Mikaél NICHANIAN

Dion SMYTHE (Ed.), Strangers to themselves. The Byzantine Outsider. Papers from the Thirty-second Spring Symposium of Byzantine Studies, University of Sussex, Brighton, March 1998 (Society for the Promotion of Byzantine

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BIBLIOGRAPHIE 269

Studies. Publications 8). — Variorum Ashgate, Aldershot-Burlington USA-Singapore-Sydney 2000. 23 χ 15. x-269 p.

Ce volume rassemble dix-neuf contributions correspondant aux conférences du 32e Symposium britannique d'études byzantines, consacré à examiner la place des «Outsiders», autrement dit des Byzantins qui, tout en vivant dans la société byzantine, étaient des «étrangers à eux-mêmes» (Strangers to themselves). Ces catégories sociales, que l'on peut qualifier de «marginales» ou de «marginalisées», retiennent aujourd'hui l'attention des historiens parce que la façon dont elles étaient vues au sein de la société médiévale tranche nettement avec la manière actuelle de considérer l'égalité et les rap­ports sociaux. Ces groupes sociaux, à Byzance, avaient déjà fait l'objet d'un colloque (Οι περιθωριακοί στο Βυζάντιο, Πρακτικά ημερίδας, 9 Μαίου 1992, sous la direction de Chr. A. Maltézou, Athènes 1993), où les marginaux étudiés comme tels étaient les idolâtres, les noirs, les fous, les juifs, les infirmes ou les malades incurables, les homosexuels et les mages. L'objectif du 32e Symposium était plus large, car, en abordant les mécanismes psychologiques les plus subtils d'exclusion sociale, on visait à traiter de la marginalisation comme réalité vécue, mais, aussi, comme «virtualité», ou comme «réalité sous-jacente et implicite». Cet élargissement du concept d'«étranger» explique, par exemple, le sujet qu'a développé J. Beaucamp, sur les femmes — c'est-à-dire la moitié de la population byzan­tine — considérées selon la législation byzantine (Étude 7). Il n'y a pas lieu de s'étonner que certains groupes d'«outsiders» se rencontraient parfois au sein d'une catégorie sociale par ailleurs pleinement admise au sein de la société byzantine, ou bien si leur marginalisa­tion touchait certains aspects de leur comportement en en laissant d'autres complètement intacts. C'est le cas des ascètes qui, tout en faisant partie du vaste ensemble monastique, prônaient la xéniteia (Étude 2) et exaltaient leur mode de vie propre, appuyés sur une litté­rature spécifique, «pratique», qui s'opposait à la littérature théologique «officielle» (Étude 3) ; ce fait explique certains «changements de nom» effectués dans la littérature ascétique, comme celui du nom d'Évagre par celui de Nil, après la condamnation du pre­mier ; l'on pouvait ainsi, dans les milieux monastiques, continuer la lecture de l'œuvre d'Évagre, sans encourir le risque de l'anathème. D'autres participants au Symposium se sont aussi intéressés à des groupes numériquement faibles sur lesquels le jugement d'«étrangen> était plus facile à porter, comme dans le cas des juifs installés à Byzance, le nombre de ces derniers n'excédant pas le centième de la population (Étude 8).

Nous donnons la liste des contributions :

1. M. Mullett, The "Other" in Byzantium (p. 1-22). 2. J. McGuckin, Aliens and Citizens of Elsewhere : Xéniteia in East Christian Monastic

Literature (p. 23-38). 3. J. Rutherford, Byzantine Ascetism - a Stranger to the Church ? (p. 39-45). 4. J. Baun, Middle Byzantine 'Tours of Hell' : Outsider Theodicy ? (p. 47-60). 5. R. H. Jordan, John of Phoberou : a Voice crying in the Wilderness (p. 61-73). 6. N. Ševčenko, The Hermit as Stranger in the Desert (p. 75-86). 7. J. Beaucamp, Exclues et alienees : les femmes dans la tradition canonique byzantine

(p. 87-103). 8. N. de Lange, Hebrews, Greeks or Romans ? Jewish Culture and Identity in Byzantium

(p. 105-118). 9. H. Jacobsohn, The Enigma of the Romaniote (Jewish-Byzantine) Tombs (p. 119-128). 10. D. Jacoby, The Byzantine Outsider in Trade (c. 900-c. 1350) (p. 129-147). 11. P. Magdalino, Constantinople and the Outside World (p. 149-162). 12. L. Rodley, Patron Imagery from the Fringes of the Empire (p. 163-178). 13. R. Beaton, The World of Fiction and the World of "Out There" : the Case of the

Byzantine Novel (p. 179-188). 14. E. Jeffreys, Akritis and Outsiders (p. 189-202). 15. Ch. Roueché. Defining the Foreign in Kekaumenos (p. 203-214). 16. G. Greatrex, Procopius the Outsider ? (p. 215-228). 17. L. Simeonova, Foreigners in Tenth-Century Byzantium : a Contribution to the History

of Cultural Encounter (p. 229-244).

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18. P. Stephenson, Byzantine Conceptions of Otherness after the Annexation of Bulgaria (1018), (p. 245-257).

19. R. Cormack, Afterword by an Art Historian (p. 259-264).

Michel CACOUROS

Claudia SODE, Sarolta TAKÁCS (Éd.), Novum Millennium. Studies on Byzantine History and Culture Dedicated to Paul Speck. 19 December 1999. — Ashgate, Aldershot 2001. 23 χ 15,5 ; relié, -450 .

L'ouvrage s'ouvre sur une préface des éditeurs, qui fait sien le souhait exprimé par le dédicataire de renouveler les voies d'approche du byzantinisme, et une introduction géné­rale de J. Haldon (Byzantium after 2000. Post-Millennial, but not Post-Modem ?). La liste des publications de Paul Speck (p. xi-xix) est impressionnante : 10 monographies, 136 articles et recensions. Les Mélanges ne contiennent pas moins de 37 contributions, qui, classées selon l'ordre alphabétique des auteurs, de A. Berger à S. Vryonis, portent sur tous les sujets du byzantinisme. Pour les présenter en totalité, on les regroupera selon des cri­tères aussi superficiels qu'artificiels.

Une bonne partie des études met en scène une personne, très souvent l'empereur, par­fois des dignitaires : Alexandre le Grand (A. Berger, Alexander der Große am Bosporus), Boniface de Tarse ( . Ludwig, Bonifatios von Tarsos : Ein Verwandter der bekehrten Mimen), Theodora l'épouse de Justinien (C. Foss, Theodora and Evita : Two Women in Power), Philippe stratélate de l'Opsikion (W. Brandes, Philippos ό στρατηλάτης του βασιλικού 'Οψικίου : Anmerkungen zur Frühgeschichte des Thema Opsikion), Philippikos (J. Herrin, Philippikos and the Greens), l'impératrice Theodora (P. Karlin-Hayter, Icon Veneration : Significance of the Restoration of Orthodoxy ?), al-Ghazal (J. Signes Codoner, Diplomatie und Propaganda im 9. Jahrhundert: Die Gesandtschaft des al-Ghazal nach Konstantinopel), Romain IV (S. Vryonis, The Greek and Arabic Sources on the Eight Day Captivity of the Emperor Romanos IV in the Camp of the Sultan Alp Arslan after the Battle of Mantzikert), Jean III Batatzès (J. S. Langdon, John III Ducas Vatatzes and the Venetians : The Episode of his Anti-Venetian Cretan Campaigns, 1230 and 1234), Manuel II Palaiologos (S. W. Reinert, Political Dimensions of Manuel II Palaiologos' 1392 Marriage and Coronation : Some New Evidence). L'empereur ou les dignitaires peuvent être présentés à travers la sigillographie : Héraclius (C. Morrisson, Du consul à l'empereur: Les sceaux d'Héraclius), Gabala patrikios (I. Shahîd, Sigillography in the Service of History : New Light), les ducs d'Antioche (J.-C. Cheynet, Les ducs d'Antioche sous Michel IV et Constantin IX). Deux autres contributions portent sur l'his­toire, celles de I. Rochów (Zu den diplomatischen Beziehungen zwischen Byzanz und dem Kalifat in der Zeit der syrischen Dynastie, 717-802) et de G. Strohmaier (Islamische und byzantinische Geschichtsschreibung).

Une autre partie, aussi importante, porte plus sur le contenu ou la structure du texte que sur l'identité ou la qualité des hommes. On peut relever d'abord les exposés qui s'at­tachent à l'œuvre d'un écrivain : Palladios (C. Rapp, Palladius, Lausus and the Historia Lausiaca), Procope de Cesaree (J. D. Frendo, Three Authors in Search of a Reader : An Approach to the Analysis of Direct Discourse in Procopius, Agathias and Theophylact Simocatta ; G. Traina, Faustus «of Byzantium», Procopius, and the Armenian History, Jacoby, FGrHist 679, 3-4), Jean Damascène (S. Ronchey, Those «Whose Writings were Exchanged» : John of Damascus, George Choeroboscus and John 'Arklas' according to the Prooimion of Eustathius's Exegesis in Canonem Iambicum de Pentecoste), Michel Psellos (J. Duffy, Bitter Brine and Sweet Fresh Water : The Anatomy of a Metaphor in Psellos), Robert de Clari (P. Schreiner, Robert de Clari und Konstantinopel), Nicétas Chômâtes (A. Pontani, Nebenterminologie, Topoi, Loci similes und Quellen in einigen Stellen der Chronike diegesis von Niketas Chômâtes).

D'autres contributions contiennent des considérations sur une image, un genre ou un fait littéraires : les exempta empruntés aux historiens grecs (E. de Vries-van der Velden, Exempla aus der griechischen Geschichte in Byzanz), la pomme de Théodose II (M. van

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BIBLIOGRAPHIE 271

Esbroeck, La pomme de Théodose II et sa réplique arménienne), l'image de l'empereur (C. Čupane, Der Kaiser, sein Bild und dessen Interpret), une métaphore maritime (G. T. Dennis, Perils of the Deep), la lamentation de la veuve (W. Hörandner, Es war die Nachtigall : Zum Sprecherinnenwechsel iri einer byzantinischen Totenklage), une traduc­tion de texte (E. Lamberz, «Falsata Graecorum more» ? : Die griechische Version der Briefe Papst Hadrians I. in den Akten des VII. ökumenischen Konzils), des emprunts arabes au grec (N. Serikoff, 'Dog-Knights' and 'Elulargency' : Greek Ghost-Words.in Medieval Arabic Sources), le sens de quelques mots (W. Brashear, Melania; D. Theodoridis, Das Wort βαρσαμέχουμνος im Opsarologos).

On relève enfin quelques contributions concernant l'histoire de l'art (A. Effenberger, Das Theodosius-Missorium von 388 : Anmerkungen zur politischen Ikonographie in der Spätantike ; O. Kreşten, Parerga zur Ikonographie des Josua-Rotulus und der illuminierten byzantinischen Oktateuche : I. Die «Grabstele» von Jericho), la topographie et la topony­mie (D. Jacoby, The Venetian Quarter of Constantinople from 1082 to 1261 : Topographical Considerations ; N. Oikonomides, Le monastère de la Sainte Trinité à Boradion sur le Bosphore), les questions morales (M. P. Vinson, The Christianization of Sexual Slander : Some Preliminary Observations) ou encore la divination (Al. Cameron, Oracles and Earthquakes : A Note on the Theodosian Sibyl).

Albert FAILLER

Ioannis SPATHARAKIS, Dated Byzantine Wall Paintings of Crete. — Alexandras Press, Leiden 2001. 24 x 12. XVI-240 p., 194 illustrations in colour.

A few years back, the author published a handlist of dated illuminated Byzantine manuscripts, Studies in Byzantine Manuscript Illumination and Iconography, London 1996, which has proved to be a useful work of reference. He has followed this up now with a handlist of dated Byzantine churches with wall paintings in Crete.

According to his introduction (p. 1), there are about eight hundred painted churches in Crete ! The obvious analogy would be with Cappadocia, but here the dating of the numer­ous churches is often tenuous. Equally they belong, for the most part, to a rather earlier period than those in Crete.

The author has been selective. The earliest dated church in his list is Saint Anne, Nefs Amari, n° 1 (1225). The latest is the Panagia, Agia Paraskevi, Amari, n° 73 (1516). Each church is described briefly but methodically, with indications as to the state of preserva­tion of the paintings and an adequate bibliography. There follow the illustrations, all of good quality, of selected paintings in each church. These are intended to be a complement to, rather than illustration of, the text.

The churches are listed in chronological order. Sixty years elapse between n° 1 (1225) and n° 2, St. George, Vathi (1283-1284). However, from this one to n° 27, Panagia, Kakadiki (1331-1332), about half a century, there are twenty-five, enough, one might think, to make it possible to characterize the painting of the period. After them, there are twelve for a period of eighteen years, n° 28, St. Theodore, Mertes (1344) to n° 40, St. Irene, Kournas (1362). The same observation could be made, as for the ten for a period of nineteen years, n° 43, Saints Apostles, Drys (1382-1391) to n° 52, Panagia, Kapetaniana (1401-1402). For the last period, (1417-1516), with eighteen churches, more dispersed in date, characterization would be a priori more difficult

In fact, Spatharakis does not subdivide the churches into groups according to their date. He contents himself with observing that their style can be assessed by the reader from the illustrations. However, with relatively so few illustrations for each church — and these generally of details — such an assessment could only be partial. The study of the pictures is complicated by the fact that the number of the church in which they figure is not supplied alongside them. This by no means implies that they lack interest. On the contrary, the portraits in particular are intriguing, by reason of their variations and fre­quent originality, for example, figures 15, Basil, 18, Cyril, 31, Nicolas, 47, Mamas, 57, George, 72, Anthony, 92, a bishop, 105, Cyril of Alexandria, 111, Eleutherius.

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In general, the paintings are derivative and provincial, following conventional models. Rarely does Spatharakis illustrate one with original iconography, such as the Exaltation of the Cross with Constantine and Helena, in n° 50, Saint George, Ano Viannos (1401), figure 131. Apart from Pagamenos, who figures little in the book, there are no great names among Cretan wall painters. This is in marked contrast to Cretan icon painters who included men of genius like Angelos, Damaskinos and El Greco.

In transcribing Greek names into Latin characters, Spatharakis suppresses the hard breathing, except for some reason in the case of Helkomenos. He qualifies the bishops inclined around the altar as "co-officiating". There is no objection to this, although per­sonally I prefer "officiating", but it is hardly adequate to define this word, p. 2, as denot­ing "that the figures are painted in a three quarters view". In fact they are participating in the celebration of the liturgy, although it is not clear that a specific moment is represented in the scene.

This is an assiduous study, packed with information, but useful above all for consulta­tion. As the author suggests, it will above all provide the reader with an account of the state of preservation of a church before visiting i t

Christopher WALTER

Graham SPEAKE (Ed.), Encyclopedia of Greece and the Hellenic Tradition. Volume 1 : A-K; Volume 2 : L-Z. — Fitzroy Dearborn Publishers, London-Chicago 2000. 2 8 x 2 2 ; relié, xxxvii-913 p. (Ι) ,χχχι-ρ. 915-1860(2).

La nouvelle encyclopédie embrasse le monde grec dans son ensemble, de l'ère homé­rique à nos jours. Sans doute paraîtra-t-elle bien fragmentaire à l'historien de chacune des périodes qui sont prises en compte, c'est-à-dire l'Antiquité, l'Empire byzantin, la Turcocratie, la Grèce indépendante des 19e-20e siècles. Mais c'est précisément parce qu'elle a pour but de présenter le monde grec dans la diachronie et la totalité de son his­toire. Son destinataire sera donc le simple curieux, mais aussi le chercheur qui connaît l'une des périodes, mais dont les connaissances sont plus limitées pour le reste.

En préambule, chacun des deux volumes (1, p. v-xxxvii; 2, p. v-xxxi) présente, de manière identique, les rubriques suivantes : Contenu, Cartes et plans, Liste alphabétique des entrées, Liste thématique des entrées, Liste chronologique des personnes, Note sur la translittération, Liste des empereurs byzantins. Le volume 1 ajoute la liste des conseillers et des contributeurs (1, p. ix-xi). On peut diviser les entrées en quatre rubriques : géogra­phie de la Grèce et de l'Asie occidentale (régions, provinces, villes, fleuves, montagnes), prosopographie (peuplades, personnages principaux de chacune des périodes, et spéciale­ment souverains, hommes politiques, écrivains), événements historiques cruciaux (par exemple: Batailles de Mantzikert ou de Pélagonia, Chute de Candie en 1669, Traités de Berlin en 1878 ou de Sèvres en 1920), enfin quelques thèmes. Voici, à titre d'exemples, les mots matière pris en compte pour la lettre A : abortion, adoption, adultery, aesthetics, afterlive, agriculture, alchemy, alphabet, altars, anatomy and physiology, ancestor wor­ship, animals, anthropology, anti-westemism, antiquity, antisemitism, apostasy, archaeo­logy, architecture, archives, aristocracy, army, astrology, astronomy, atheism, atomism. La notice est suivie d'un résumé et, pour un complément d'information, de diverses indi­cations : renvoi à des entrées proches ou complémentaires, biographie (pour un person­nage), écrits ou textes afférents, lectures complémentaires.

Pour la période byzantine, seules les personnes les plus connues sont retenues, c'est-à-dire essentiellement les empereurs et les écrivains. Les notices sont sommaires. Si on ne demande pas une bibliographie exhaustive, on attend cependant d'y trouver l'essentiel. Ce n'est pas toujours le cas; il suffira de renvoyer aux lemmes Catalans (p. 299-300), Epistolography (p. 569-571), Gennade II Scholarios (p. 650-652). Mais le byzantiniste trouvera d'utiles renseignements sur la période post-byzantine, pour laquelle il lui arrive de ne pas disposer d'instruments de référence commodes, soit sur les intellectuels grecs de la Turcocratie, comme Cyrille Loukaris et Théophile Korydalleus, soit encore sur les écri­vains et peintres de la Crète vénitienne, comme Georges Chortatsis, Georges Klontzas et

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BIBLIOGRAPHIE 273

Dominique Théotokopoulos. Pour la période moderne, on sera informé sur des person­nages aussi divers que Laskarina Bouboulina, Théodore Kolokotronis et Lord Byron, Kostis Palamas, Odysseus Ely tis et Georges Séféris, plus près de nous Maria Callas, Iannis Xénakis et Thodoros Angélopoulos le cinéaste de Τοπίο στην ομίχλη.

L'index (p. 1759-1839) ne permet pas seulement de retrouver les entrées de l'encyclo­pédie, mais également d'autres personnes ou réalités qui, sans constituer des lemmes, peu­vent avoir été citées dans les notices. Prenons un exemple. De la première période des Palaiologoi, les entrées sont réservées à quelques rares noms, les souverains et quelques savants, mais l'index renvoie à d'autres personnalités citées sous d'autres lemmes: Arsène Ier patriarche, Athanase Ier patriarche, Nicéphore Choumnos, Grégoire II de Chypre, Manuel Holobôlos, Jean XIII Glykys patriarche (Jean , par erreur, dans l'in­dex), Joseph Ier Galèsiôtès, Kallistos Ier patriarche, Théodore Mélitèniôtès, Georges Métochitès, Manuel Moschopoulos, Georges Pachymérès, Alexis Philanthrôpènos, Philothéos Kokkinos, Théodore Skoutariôtès, Alexis Stratègopoulos. Que de tels noms n'aient pas leur entrée propre montre aussi les limites de l'encyclopédie.

L'historien de chacune des quatre périodes historiques de l'hellénisme aura recours à cet ouvrage pour avoir une vision rapide de la période qu'il connaît moins bien ou qu'il ignore totalement. Mais à ce titre et pour ces besoins, l'encyclopédie devra figurer dans les bibliothèques comme un utile et nécessaire instrument de travail. Elle peut fournir une honnête introduction au monde byzantin. De toute manière, elle a sa place dans toute bibliothèque d'études helléniques ou, simplement, d'études classiques.

Albert FAILLER

Jean-Michel SPIESER, Urban & Religious Spaces in Late Antiquity & Early Byzantium (Variorum Collected Studies Series, CS706). — Ashgate, Aldershot 2001. 23 χ 15,5. xn-344 p. ; black & white illustrations accom­pany the individual studies.

As the author remarks in his preface to this volume of collected studies, his career as a Byzantinist began when the late Paul Lemerle suggested to him in 1964 that Thessaloniki was an important topic with which to deal. The primary results of Spieser following up this suggestion were published in his book, Thessalonique et ses monuments: Contribution à l'étude d'une ville paléochrétienne, Paris 1984. Here the characteristics of Spieser's scholarship are manifest : assiduous study of art and archaeology, generally set in a wide context of theology and urbanism, close familiarity with Patristic and later relig­ious sources, as well as with the vast relevant bibliography in spite its being "cluttered" with conjectural studies as he subsequently wrote. Spieser himself occasionally — but rarely — allows himself to conjecture.

It is impossible to present adequately in a short review eighteen studies, all of which are important. I shall therefore limit myself as far as possible to calling attention to the way in which the author exploits in them the methodology which he has elaborated.

Spieser remarks in his preface that in most of the studies a stress on Thessaloniki may be perceived. One might add that he is particularly familiar with the urban settlements and their monuments in what is now mainland Greece.

Study n° I, "The City in Late Antiquity : A Re-Evaluation" was written expressly for this volume. It provides the background for a number of the following studies. Spieser treats Late Antiquity as a historical period with its specific character, not a mere time of transition and of decline. Plagues, invasions and earthquakes were partly responsible for the latter but not the essential cause, which was rather the restructuration of urban settle­ments, still known by the name of Πόλις in spite of internal changes. Monumental constructions like the forum, so important to the status of pre-Christian cities, lost their ideological support and were abandoned. Local government ceased to be in the hands of the curiales who were replaced by imperial administrators. A processus of centralisation — one might say an interplay between provincial cities and the capital — was afoot but not easy to discern in detail. The Church also played an important role, both in discourse

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and in action, imposing its conception of space and time (the liturgical calendar), and amassing wealth, which was invested in ecclesiastical and charitable building, and partici­pating in local government. Members of aristocratic families now exercised influence by becoming bishops. "The man who is preoccupied with his soul... takes the place of the man whose body was inscribed in the world."

These points are developed in detail, sometimes repetitively, in the four succeeding studies : n° II, "La ville en Grèce du Hie au Vile siècle" ; n° III, "The Christianisation of the City in Late Antiquity" ; n° IV, "Caričin Grad et les routes" ; n° V, "The Christianisation of Pagan Sanctuaries in Greece".

He observes that in Greece Christians, at least in the first centuries after Constantine, did not build churches on the sites of pagan temples. It is likely that practice varied in dif­ferent regions of the Empire. Deichmann drew up a list of temples left standing. One in northern Egypt was only converted to Christian use after Justinian's reign. In Syria Christianisation of pagan temples was probably more rapid and frequent. The church at Ezra, still intact and in use, whose dedicatory inscription refers to a house of God replac­ing a dwelling of demons, is dated 514-515, but Spieser would probably consider this to belate.

Thessaloniki does, indeed, occupy an important place in these collected studies: n° VIII, "Les remparts de Thessalonique, à propos d'un livre récent" ; n° IX, "Note sur le rempart maritime de Thessalonique" ; XI, "Remarques sur Saint-Démétrius de Thessalonique". In this last study, Spieser argues that the plan is still the original one, having survived two fires, the former less disastrous than the latter. On the evidence of the capitals, provided by Chr. Strube, he now dates the church to the first half of the sixth century. Perhaps I am cluttering the bibliography by mentioning the ingenious study by David Woods, "Thessalonica's Patron: Saint Demetrius or Emeterius?", Harvard Theological Review 93, 2000, p. 221-234. Theodosius I, himself of Spanish origin, had the relics of the Spanish warrior saint Emeterius translated to Thessaloniki during one of his visits to the city in 379-380 or 387-388. Leontius, prefect of Illyricum at the beginning of the fifth century, misread an inscription referring to Emeterius as Demetrius. This would be the origin of Demetrius's military status. Woods concedes that this is hypotheti­cal, but points out that the metamorphosis of a deacon from Sirmium proposed by H. Delehaye, while generally accepted, is just as hypothetical.

Study n° XII, "Further Remarks on the Mosaic of Hosios David", could be included with the preceding ones, but it has more affinity with another group, in which Spieser examines a number of examples of early portraits of Christ. Their order in the series is dif­ficult to understand. № XVIII, "Comparatisme & diaćhronie. À propos de l'histoire de l'iconographie dans le monde paléochrétien et byzantin", placed last, is methodological. "Comparatisme", Spieser explains, is used to discern in two differing cultures invariables behind apparently distinct phenomena or comparable — possibly common — structures with a view to understanding them better. In using it, he distances himself from those art historians who treat their subject as autonomous, explaining evolution in terms of style and taste. Such an approach fails to explain raptures in evolution. Spieser applies "com­paratisme" to two iconographical themes, the portrait of Christ, in which his divinity came to be emphasized rather than his humanity, and to his Crucifixion and Anastasis, com­monly represented together from the beginning of the eighth century. Neither rupture or innovation can be explained properly without reference to contemporary developments in theology. In a third example, the Last Supper and the Communion of the Apostles, a his­torical and a theological version of the same theme, ambiguities occur to which "compar­atisme" calls attention. Personally my approach to Byzantine art has always been similar, so that I may have been using "comparatisme" without being aware of it.

Study n° XVI, "The Representation of Christ in the Apses of Early Christian Churches", covers similar ground, but is less concerned with methodology. Like Mathews, he considers that Grabar, in his studies of the iconography of Christ, placed too much emphasis on its imperial sources. Exploiting the evidence of reliefs on sarcophagi, Spieser follows the development of the iconography of Christ from that of a human being, hardly differentiated from others to that of the "Divine Lord" who would dominate apses until he was moved up to the cupola. The title Lord suggests a certain authority, so that

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BIBLIOGRAPHIE 275

the analogy of the terrestrial emperor could hardly have escaped the attention of theolo­gians and artists, even if Christ had other connotations, notably those of the teacher and the source of wisdom.

Related to it are Studies n° XII - n° XV. The other studies, n° VII, n° X, n° XVII, must be left without commentary except to remark that they exemplify further Spieser's speci­fic methodology. Valuable as are bis publications for experienced colleagues, they also offer a model to neophytes, which they could profitably emulate.

Apart from the apparent incoherence in the order in which the studies are presented, there is a surprisingly large number of errors in typesetting, possibly to be explained by the fact that many of these studies have been translated from French into English, for example, n° XII, p. 11, note 44, with regard to Christa Ihm's book, "which... has not been superceded, even if conclusions..." (sic !).

Christopher WALTER

Alan M. STAHL (Éd.), The Documents of Angelo de Cartura and Donato Fontanella, Venetian notaries in fourteenth-century Crete, editor Alan M. STAHL (Dumbarton Oaks Research Library and Collection). — Washington DC 2000. 29,5 χ 21,5. 295 p.

Ce livre est le troisième d'une série, fruit de la collaboration entre le Centre de recherches byzantines de Dumbarton Oaks et l'Istituto Ellenico di Studi Bizantini e Postbizantini de Venise, pour mettre à la disposition des chercheurs des actes notariés ins­trumentés en Crète vénitienne et conservés à l'Archivio di Stato de Venise. Alors que S. Mac Kee (Wills from Late Medieval Venetian Crete, 1312-1420, 3 vol., Dumbarton Oaks, Washington DC 1998) s'est concentrée sur un seul type de document, les testaments, pro­venant de minutiers de différents notaires et répartis sur plus d'un siècle, les deux autres éditeurs, C. Gasparis (Franciscus de Cruce, notaio in Candia, 1338-1339, Venise 1999) et A. Stahl, dans l'ouvrage ici présenté, s'attachent à publier l'ensemble des minutiers ou fragments de minutiers d'un même notaire, instrumentés à Candie au début du 14e siècle, et conservés dans le fonds Notai di Candia de l'Archivio di Stato de Venise.

Alan M. Stahl nous livre 574 actes rédigés par Angelo de Cartura, notaire à Candie, couvrant une période allant de mai 1305 à la fin mai 1306, et 90 actes du notaire Donato de Fontanella, instrumentés à Candie de février à novembre 1321. Il s'agit, dans les deux cas, de minutes, donc de documents rédigés de façon abrégée dans un cahier qui reste en la possession du notaire. Chaque acte en latin est précédé d'un régeste en anglais. Le livre s'ouvre par une introduction présentant les minutiers dans leurs caractéristiques maté­rielles et diplomatiques. L'éditeur analyse ensuite les différents types de documents parmi lesquels très peu sont des documents publics. Les contrats privés forment la grande majo­rité des minutes des deux notaires. Un index par sujet précède l'édition des deux minu­tiers.

Le plus grand groupe de documents privés instrumentés par Angelo de Cartura est constitué par des contrats de colleganza, suivis par les ventes d'esclaves dont la plupart sont des Grecs achetés en Asie Mineure à des Turcs et revendus à Candie, phénomène étudié par Charles Verlinden (La Crète, débouché et plaque tournante de la traite des esclaves aux XIVe et XVe siècles, Studi in onore di Amintore Fanfanı, t. 3, Milan 1962, p. 591-669). Viennent ensuite les procurations générales ou spéciales, les prêts moné­taires, les documents regardant la vie familiale, les activités des artisans, la vie agricole (vente d'animaux, de grain, de vin).

Les actes de Donato Fontanella pour leur part ne constituent qu'une partie d'un minu-tier dont le reste a été perdu. Il manque des actes auxquels il est fait référence dans cer­tains documents. L'activité de Donato Fontanella semble beaucoup moins intense que celle d'Angelo de Cartura (90 documents pour 9 mois contre 574 pour 12 mois). La nature des documents est la même, mais ceux-ci mettent davantage en valeur la vie agricole.

Un index développé de 28 pages termine le volume ; il reprend non seulement les noms propres de personnes et de lieux sous leurs diverses formes latines, mais aussi un

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certain nombre de noms communs, notamment ceux de métiers ou de marchandises qui sont alors pourvus d'une traduction anglaise. Les noms de lieu sont identifiés. À ce pro­pos, je signalerai que le toponyme ïacia, qui apparaît dans le document 374, et est consi­déré par l'éditeur dans l'index comme «place in Cyprus», désigne en fait le port de L'Aïas (Ayas, Lajazzo) dans le royaume arménien de Cilicie, que l'on rencontre déjà sous la forme Yatia dans le privilège de 1261 accordé aux Vénitiens par le roi de Petite Arménie Héthoum Ier, édité dans L'Armeno-Veneto, Venise, 1893,2e partie, doc. 3, p. 9.

S'ajoutant aux publications de la série des Fonti per la Storia di Venezia, lancée par le Comitato per la pubblicazione delle Fonti relative alla Storia di Venezia, cette édition est la bienvenue, elle contribue à enrichir notre connaissance de la Crète vénitienne au début du 14e siècle, notamment de sa vie économique et de sa population et permet de fonder de façon encore plus solide l'étude de la vie en Méditerranée orientale à la fin du 13e siècle et au début du 14e, puisqu'il est possible de disposer maintenant de l'édition des actes de huit notaires vénitiens de Crète : Pietro Scardon (Documenti della colonia veneziana di Creta. Imbreviature di Pietro Scardon (1271), ed. A. Lombardo, Documenti e Studi per la Storia del Commercio e del Diritto Commerciale Italiano, XXI, Turin 1942) ; Leonardo Marcello (Leonardo Marcello, notaio in Candia (1278-1281), ed. M. Chiaudano e A. Lombardo, Fonti per la Storia di Venezia, sezione III. Archivi notarili, Venise 1960) ; Benvenuto de Brixano (Benvenuto de Brixano, notaio in Candia (1301-1302), ed. R. Morozzo della Rocca, Fonti per la Storia di Venezia, sezione III. Archivi notarili, Venise 1950) ; Pietro Pizolo (Pietro Pizolo, notaio in Candia (1300), et voi. 2 (1304-1305), ed. S. Carbone, Fonti per la Storia di Venezia, sezione III. Archivi notarili, Venise 1978 et 1985) ; Francesco de Cruce (Franciscus de Cruce, notaio in Candia, 1338-1339, ed. C. Gasparis, Venise 1999), et Zaccaria de Fredo (Zaccaria de Fredo, notaio in Candia (1352-1358), ed. A. Lombardo, Fonti per la Storia di Venezia, sezione III. Archivi nota­rili, Venise 1967), en plus des deux notaires dont les minutes font l'objet de la publication présentée ici.

Catherine OTTEN-FROUX

Ch. STAVRAKOS, Die byzantinischen Bleisiegel mit Familiennamen aus der Sammlung des Numismatischen Museums Athen (Mainzer Veröffentlichungen zur Byzantinistik, Herausgegeben von G. Prinzig, Band 4). — Harrasowitz Verlag, Wiesbaden 2000. 17,5x24,5. 449 p.

Les sceaux conservés au Musée Numismatique d'Athènes ont été publiés par K. M. Konstantopoulos au début du 20e siècle et rassemblés en un volume en 1917. Cette édition, fort méritoire, comportait des défauts inhérents aux travaux de cette époque, une certaine approximation dans la datation des plombs et, surtout, l'absence de reproductions photographiques ou, à défaut, de dessins fiables, ce qui interdisait de proposer des correc­tions ou d'identifier des pièces parallèles. Depuis le travail de Konstantopoulos, les col­lections du Musée se sont enrichies et J. Koltsida-Makri a publié une partie des inédits (Βυζαντινά μολυβδόβουλλα. Συλλογή Ορφανίδη-Νικολαΐδη Νομισματικού Μουσείου Αθηνών, Athènes 1996).

Ch. Stavrakos a choisi de ne pas reprendre l'ensemble des sceaux donnés par K. M. Konstantopoulos, car cela dépassait de beaucoup le cadre d'une thèse, si l'on pre­nait en compte les pièces parallèles ou proches des sceaux à rééditer. Le choix des sceaux comportant dans leur légende un nom de famille est judicieux, car ils constituent un ensemble cohérent sur le plan chronologique — la plupart datent des lle-12e siècles, ils présentent, en règle générale, le plus grand intérêt historique et ils sont enfin les plus sus­ceptibles d'être mal lus, le nom de famille venant en principe en fin de la légende, dans la partie inférieure du champ qui est souvent la plus dégradée. L'auteur a bénéfice du fait que beaucoup de plombs ont été restaurés et rendus plus lisibles.

La publication reprend presque textuellement la thèse soutenue à Vienne en 1990. Après une introduction, où l'auteur rappelle comment la collection du Musée Numismatique s'est constituée, sont réédités 287 plombs, classés selon l'ordre alphabé-

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BIBLIOGRAPHIE 277

tique des noms. Grâce aux archives photographiques du centre byzantin de Vienne, les sceaux de l'Ermitage et ceux du fonds Zacos de la Bibliothèque nationale de France ont été en partie accessibles à l'auteur, qui a aussi bénéficié de la collaboration de son direc­teur de thèse W. Seibt et d'A. Wassiliou, spécialiste des sceaux à légende métrique. Il n'est donc pas étonnant que les lectures soient particulièrement sûres. La forme est excel­lente, sauf p. 181, où à la note 339 les «é» ont disparu et où la typographie de la note 341 est perturbée. Les reproductions photographiques sont correctes, mais on regrettera que, pour les sceaux de faible module, les photographies n'aient pas été données à échelle double, car on ne peut vérifier les lectures problématiques, alors que ces sceaux sont les plus difficiles à lire. Il semble d'autre part que tous les plombs d'Athènes comportant un nom de famille n'aient pas été systématiquement repris : par exemple, le n° 174 de Konstantopoulos, qui est à attribuer à un Alousianos, duc d'Édesse.

Je me bornerai à quelques remarques au fil des sceaux que j 'ai eu l'occasion de véri­fier.

n° 2. Nicolas Hagiothéodôritès, prôtos. L'auteur exclut absolument l'identification avec le métropolite d'Athènes homonyme. Il faudrait être moins affirmatif, compte tenu de la longévité de certains prélats.

n° 16. L'auteur hésite à rapporter le sceau de Marie, fille de Kakikios d'Ani, à la fille du dernier roi d'Ani. Au fait que Toumanoff ne la connaît pas dans ses listes généalo­giques, argument un peu faible, on pourrait aussi ajouter que, comme le note Stavrakos, ce nom signifie simplement originaire d'Ani et qu'il est porté par plusieurs personnages dont rien n'indique qu'ils aient été des descendants du roi arménien. Toutefois la formulation de la légende suggère qu'il y a une autre Marie fille de Kakikios, ce qui est vrai — il s'agit de la fille de Kakikios de Kars et dès lors l'attribution à une fille de l'ancien roi d'Ani reste vraisemblable.

n° 43. Le sceau de Philarète Brachamios, protosébaste et domestique d'Orient, est à l'effigie devsaint Théodore et non de saint Dèmètrios.

n° 44. À la liste des sceaux au nom de Constantin Bringas, on peut ajouter le plomb Zacos (BnF 814).

n° 62. Le sceau de Christophore Diabatènos, gravé par un artisan peu expérimenté, est daté de la fin du 9e ou du début du 10e siècle. Il est sans doute plus jeune d'un siècle.

n° 79. Le sceau Zacos (BnF 918), qui est un parallèle de la pièce publiée par N. P. Lichačev, porte à la quatrième ligne ΑΓΝΙ, ce qui pourrait être également le cas pour le sceau d'Athènes.

n° 82. D'après une pièce parallèle (DO 55.1.3015), il faut rétablir proèdre plutôt que protoproèdre.

n° 120. Je pense que la lecture Koskinas est préférable, car ce nom est attesté à l'époque de la frappe du sceau, alors que Kokkinos apparaît plus tardivement : Constantin Koskinas (V. Laurent, Les sceaux byzantins du Médaillier Vatican, Vatican 1962, n° 182); Etienne Koskinas, magistře (DO 55.1.3107); Georges Koskinas au milieu du 12e siècle (Archives de l'Athos XVI, Actes d'Iviron II, du milieu du Xle siècle à 1204, éd. J. Lefort, N. Oikonomidès, D. Papachryssanthou, avec la coll. de V. Kravari et H. Métrévéli, Paris 1990, p. 7,41)

n° 193. Au lieu du nom Pag(ôménos), je pense que Lagos peut être pris en considéra­tion. Ce nom est attesté au 12e siècle : Jean Lagos était responsable de la prison du Prétoire sous Alexis III (Nicetae Choniatae Historia, ed. I. A. van Dieten, Berlin - New York 1975, p. 525).

n° 210. Il existe une pièce parallèle Zacos (BnF 1080). n° 218 . La suggestion de W. Seibt me semble préférable : le propriétaire de la bulle

était le neveu ou l'homme de Radènos.

Jean-Claude CHEYNET

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Subseciva Groningana. Studies in Roman and Byzantine Law, VI, 1999. — Chimaira, Groningue 1999. 24 χ 15,5. x-158 p.

Ce nouveau volume des Subseciva Groningana, qui vient après un intervalle de six ans, regroupe huit articles. Deux contributions de Th. E. van Bochove sont consacrées aux index transmis par les manuscrits des Basiliques, notamment à l'index des livres 1-9 qui figure dans le Paris. Coisl. 151, fol. W-2T1 (ICb2). Son texte est édité dans le premier article (p. 1-58), où l'auteur se demande si ces index ne représenteraient pas davantage que de simples répertoires du contenu. La question vise en fait à tester une hypothèse avancée par Scheltema : les compilateurs des Basiliques, à l'époque de Léon VI, auraient commencé par rédiger une üste indiquant de quels passages du Digeste ou du Code ou de quelles Novelles chaque titre des Basiliques devait être composé. Ses analyses amènent v. B. à conclure que certains index gardent la trace d'un tel «plan d'édition» (ainsi, p. 11-12, les deux index du Coislin se réfèrent à une διαίρεσις, laquelle est une «section» de la Novelle 5 de Justinien). Le deuxième article (p. 59-75) traite des rubriques de l'index ICb2, dont il relève une série de caractéristiques: diversité dans le rendu d'un même terme technique latin, traduction différente d'une même rubrique latine (de iuris et facti ignorantia), erreurs dues à la méconnaissance du latin (et éventuellement du droit). Ces observations confirment que les rubriques des Basiliques reposent (le cas des Novelles de Justinien mis à part) sur des traductions grecques, souvent médiocres, des rubriques latines du Digeste et du Code. Pour ce qui est de la date de ces traductions, l'auteur rap­pelle les éléments qui interdisent de les placer au 6e siècle et envisage la seconde moitié du 9e siècle, à une époque assez proche de celle des lexiques juridiques.

Deux autres articles sont dus à N. van der Wal. Le premier (p. 127-141) traite de quatre termes grecs de la langue juridique byzantine. Dans deux cas, l'emploi d'un mot grec pour rendre une institution juridique romaine entraîne des difficultés : l'utilisation d'èmrpoTioç comme correspondant de tutor se heurte à l'usage byzantin où prédomine le sens d'exécuteur testamentaire ; et malgré l'emploi de συμβόλαιον pour traduire instru­mentum (acte, document), son sens plus ancien de «contrat» n'est pas sans incidence. Dans deux autres cas (αναρχία ou καινοτομία), on a affaire à des notions nouvelles (l'ac­tion de se faire droit soi-même ou la modification des lieux opérée par un propriétaire fon­cier au détriment d'un autre) qui ne se seraient généralisées qu'au 9e ou au 10e siècle. Dans une série de quatre notices (p. 143-158), N. van der Wal reprend d'abord, en invo­quant le point de vue exprimé par Seeck dans ses Regesten mais resté méconnu, la thèse qu'il avait défendue en 1980 et 1981, comme quoi l'Empire romain tardif a connu trois catégories différentes de lois impériales : les lettres adressées au Sénat, les édits (adressés au peuple romain ou à des communautés importantes) et les lettres (adressées à des fonc­tionnaires, qui en assurent la publication par leurs propres édits). La notice suivante réper­torie les quelques cas où un terme technique latin n'est attesté que sous sa forme grecque, dans la littérature juridique dérivée des compilations justiniennes. La dernière examine les différentes hypothèques tacites mentionnées dans la législation de Justinien, dont cer­taines témoignent d'une conception (non savante) des sûretés réelles que l'on retrouve dans les papyrus.

Parmi les testimonia qui nous renseignent sur les constitutions grecques du Code justi­nien, perdues dans la tradition manuscrite de ce dernier, six traductions latines (notam­ment celles de CJ 3, 10, 2, CJ 3, 43, 1 et 2 et CJ 6, 4, 4) sont étudiées par R. Meijering (p. 77-90). Ses analyses l'amènent à refuser l'idée que les six traductions seraient toutes l'œuvre du juriste du 12e siècle Pierre de Cardona. De plus, s'agissant de CJ 3, 43, 1, le texte grec traduit apparaît beaucoup plus proche du contenu originel du Code que dans le cas de CJ 3, 10, 2 : il n'est donc pas exclu qu'il se soit trouvé dans un manuscrit du Code.

A. J. B. Sirks (p. 91-102) offre une nouvelle contribution à la vive discussion concer­nant Vepistula ad Salvium : cette lettre, dont l'auteur n'est pas nommé et qui est préservée à la suite de trois lettres de Sulpice Sévère, relate un différend portant sur les coloni d'un fundus africain, au début du 5e siècle. Après quelques observations sur l'auteur et la date, A. J. B. Sirks s'attache avant tout à l'analyse des données juridiques et aboutit, de la sorte, à une reconstitution du cas très différente de celle formulée par Cl. Lepelley dans Antiquités africaines 25, 1989.

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C'est, en retour, pour répondre à un point de vue de Sirks (publié en 1996 à propos de fragments latins du Digeste conservés par les papyrus de Pommersfelden) que B. H. Stolte propose d'importantes réflexions sur l'histoire du texte du Digeste (p. 103-119). À son avis, il importe de reconstruire séparément l'histoire de la transmission médiévale et celle de la transmission antique, avant d'essayer de relier les deux phases. S'agissant de la transmission antique, tant l'examen codicologique du codex Florentinus (F) que l'analyse des variantes textuelles tendent à montrer qu'il est vain de chercher à établir un stemma : l'idée même d'un archétype est, de plus, problématique pour un ouvrage comme le Digeste. B. H. Stolte insiste par ailleurs sur l'importance des témoins anciens, dont il dresse l'inventaire : les six témoins directs (outre F), mais aussi les testimonia (avec une révision du jugement de Mommsen sur le manuscrit du Digeste utilisé pour le Corpus Gromaticorum) ainsi que la tradition grecque issue des compilations justiniennes. Il illustre cette affirmation en analysant un des six témoins, le palimpseste de Naples (IV. A. 8, fol. 36-39) : les faits observés paraissent confirmer la faible valeur de l'ancêtre supposé de la tradition médiévale (S) pour reconstituer le texte (ou les textes) du Digeste du 6e siècle, mais montrent aussi que F présente de sérieux défauts ; d'où l'importance de mettre en œuvre les autres fragments (de témoins directs) et la masse des sources byzan­tines.

Un deuxième article de B. H. Stolte (p. 121-126) prend en considération les trois textes juridiques conservés par un bifolium d'un volume composite de la Bibliothèque Vaticane (Vatic, gr. 2645, fol. 88-92). Le dernier, qui donne un passage des Basiliques (B 3, 1, 8-9) muni de scolies, présente un intérêt particulier, dans la mesure où les deux manuscrits connus auparavant sont dépourvus de scolies. B. H. Stolte édite les scolies et analyse leurs sources : canons, législation civile et Nomocanon en XIV titres. On a donc affaire à un manuscrit des Basiliques (ou d'une partie des Basiliques) commenté du point de vue de l'Église, dont il ressort, entre autres, que la législation de Justinien est invoquée au même titre que les Basiliques, même quand elle n'a pas été reprise par celles-ci.

En dépit de la variété des sujets abordés dans ce volume, les Basiliques y ont une place d'honneur, en raison du travail mené à Groningue pour donner à la nouvelle édition de cet ouvrage monumental les Prolégomènes qui lui manquent. Cette perspective a de quoi réjouir, quand on songe aux connaissances accumulées depuis les Prolégomènes de l'édi­tion de Heimbach, vieux de cent trente ans.

Joëlle BEAUCAMP

Denis F. SULLIVAN, Siegecraft, Two Tenth-Century Instructional Manuals by "Heron of Byzantium" (Dumbarton Oaks Studies XXXVI). — Washington DC 2000. 23,5 χ 16. 339 p.

D. F. Sullivan donne une nouvelle édition et la traduction anglaise de deux traités byzantins du 10e siècle, une poliorcétique (Παραγγέλματα πολιορχητιχά) et une diop-trique (sous le titre, impropre, de Γεωδαισία), à partir du seul manuscrit médiéval conservé, le Vaticanus gr. 1605 (11e siècle), exploité pour la première fois dans la pré­sente édition. Leur auteur anonyme est traditionnellement appelé «Héron de Byzance», sur la foi d'un titre tardivement donné au préambule de la Poliorcétique, en référence au corpus d'Héron d'Alexandrie. Ce traité sur les machines de siège, compilé à partir de divers mécaniciens antiques, constitue un ensemble homogène avec la Géodésie, puisque la première application pratique du dioptre a trait à la mesure de la hauteur des remparts d'une ville assiégée, pour déterminer les dimensions des machines de siège.

Dans son introduction (p. 1-23), Sullivan présente ce que l'on sait de l'auteur et de la date de composition des deux traités. L'anonyme effectua des exercices de mesure à l'Hippodrome de Constantinople et avait accès au balcon du palais du Boukoléon. Il aurait également rédigé un traité, perdu, intitulé La position des cadrans solaires. Il manifeste une culture de lettré : outre les mécaniciens (Apollodore de Damas, Athénée le Mécanicien, Philon de Byzance, Héron d'Alexandrie, Biton, Anthémios de Tralles), il cite ou connaît des œuvres de Platon, Plotin, Porphyre et Flavius Josephe. L'objectif affirmé

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de l'auteur anonyme est de clarifier les mécaniciens antiques, pour les rendre «accessibles à tous». Il s'adresse en particulier aux généraux chargés d'assiéger les villes tenues par les Arabes (Poliorcétique, § 58) et aux débutants, qui s'initient aux mathématiques (Géodésie, § 6). L'ouvrage se veut donc un manuel pratique, qui n'est pas destiné à des mécaniciens. Sullivan analyse la méthode de composition des deux traités: l'anonyme paraphrase les auteurs antiques, actualise la nomenclature technique et ajoute des exemples, mais commet des erreurs dans l'interprétation de ses sources. On notera qu'«Héron de Byzance» recherche systématiquement les rapports de proportion, entre les machines de siège et entre les divers éléments qui les composent. Il semble fasciné par la géométrie des triangles semblables, dont les principes fondent la dioptrique. Avec les rap­ports de proportion, l'anonyme peut résoudre le silence des anciens, en attribuant des don­nées numériques à chacun des éléments des machines de siège, qui faisaient défaut dans ses sources.

La Géodésie comporte un élément de datation du traité (§ 11) : «Héron de Byzance» a effectué une vérification arithmétique de l'écart angulaire entre deux étoiles, Régulus et Lampauras, et a actualisé le catalogue de Ptolémée, en ajoutant 8° à chacune des longi­tudes des étoiles données par ce dernier dans la Syntaxe mathématique. Comme le mouve­ment de précession des equinoxes était évalué à 1° par siècle, on peut en déduire que la Géodésie aurait été rédigée huit siècles après la rédaction du catalogue de Ptolémée, soit en 938. Même si l'extrême précision de la date ne saurait être retenue, on peut supposer que la Géodésie a été rédigée vers le milieu du 10e siècle, date que le lexique employé ne contredit pas.

Le texte du Vaticanus gr. 1605 est pourvu d'abondantes illustrations, reproduites en noir et blanc dans l'édition. Sullivan les interprète avec subtilité, et montre que l'anonyme se dégage de ses modèles antiques, en composant des dessins réalistes, à des fins pédago­giques. L'auteur privilégie la représentation des choses (pragmata) accessibles aux sens, en se démarquant des schémas antiques, censés illustrer des concepts (noèmata).

Sullivan replace la Poliorcétique d'«Héron de Byzance» dans le cadre du renouveau de la pensée tactique du 10e siècle, et pose la question de l'utilité pratique réelle de ce traité.

L'édition comporte un commentaire ligne à ligne, qui permet en particulier de clarifier le vocabulaire technique, et de mieux distinguer les sources du compilateur. On regrettera que Sullivan ait voulu conserver les titres grecs donnés par les éditeurs précédents à ces deux textes, surtout celui de Géodésie, qui ne convient pas au contenu du traité. L'éditeur suppose une lacune dans le préambule de la Poliorcétique, (§ 1, 15), bien que le texte offre un sens acceptable. Ces quelques critiques ne remettent pas en cause la qualité de l'édition.

Christophe Gmos

René TARDY, Najrân. Chrétiens d'Arabie avant l'islam (Recherches publiées sous la direction de l'Institut de Lettres Orientales de Beyrouth. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Saint-Joseph. Nouvelle série : B. Orient chrétien, tome Ѵ І). — Dar el-Machreq éditeurs, Beyrouth 1999. 24,5 χ 17,5. 234 p.

Les chrétiens de Najrân doivent leur célébrité à un épisode tragique, mais bref de leur histoire : la persécution ordonnée, dans le premier tiers du 6e siècle, par le souverain juif d'Arabie du sud, événement qui eut immédiatement un grand retentissement dans le nord de la péninsule et dans l'Empire byzantin et auquel, plus tard, le Coran ferait peut-être écho. Mais c'est l'ensemble de l'histoire de cette communauté avant l'émergence de l'is­lam que le livre de R. Tardy entreprend de faire revivre. A cette fin, il exploite, outre les trop rares découvertes archéologiques, l'ensemble des sources écrites relatives au christia­nisme dans la péninsule Arabique, dans le texte original ou en traduction ; il utilise les très nombreuses études des différents spécialistes, comme en témoigne l'ample bibliographie donnée à la fin du volume.

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BIBLIOGRAPHIE 281

La première partie de l'ouvrage vise à restituer l'environnement, géographique et social, dans lequel la communauté chrétienne de Najrân s'est développée. Najrân est une vallée-oasis de 25 km de long (avec Ukhdûd pour ville principale) dont la richesse agri­cole constitue une première caractéristique. Mais c'est aussi à Najrân que convergent deux routes caravanières (l'une depuis la côte syro-palestinienne par le Hedjaz, l'autre depuis le sud de la Mésopotamie par l'Arabie centrale), et l'importance de l'oasis dans les échanges et les contacts culturels est également indéniable. L'organisation sociale reste à peu près insaisissable, faute de documents locaux : il est certes tentant de suppléer à ce manque à l'aide des écrits syriaques ou grecs, mais fonder une reconstitution de la société najrânite sur ces sources «externes» impliquerait au préalable une évaluation critique de ces textes.

La seconde partie étudie d'abord le contexte religieux en Arabie du sud, après l'unifi­cation politique opérée à la fin du 3e siècle par le roi de Himyar. Elle souligne avec raison le relatif échec du christianisme: il est douteux que l'ambassade envoyée par Constance II, avec Théophile l'Indien à sa tête, ait amené la conversion du souverain, et les trois églises dont Philostorge mentionne la construction devaient être davantage desti­nées à des commerçants qu'aux populations locales. Le judaïsme, en revanche, connaît un certain succès. Quant à Najrân, les débuts d'une communauté chrétienne sont placés au milieu du 5e siècle et la question de son caractère nestorien est discutée. Le chapitre le plus développé, en raison de la richesse des sources, est consacré à la prise de pouvoir par le souverain juif de Himyar, Yûsuf, dont R. Tardy date le règne de 521-525, et au conflit avec le négus d'Axoum ; il relate en détail, en combinant les différentes sources, le siège de Najrân et les martyres qui suivent la reddition de la ville ; il se termine par un appen­dice relatif à la date de la persécution, qui a été l'objet de longues controverses et que l'auteur situe à l'automne 523. Le dernier chapitre souligne que l'intervention éthio­pienne, avec la défaite et la mort de Yûsuf qui s'ensuivent, a pour conséquence l'élimina­tion violente du judaïsme himyaritique ; et, même quand Abraha prend le pouvoir, quelques années plus tard, et s'affranchit de la tutelle éthiopienne, le christianisme reste la religion officielle pour une quarantaine d'années. Ce christianisme est d'obédience mono-physite et R. Tardy soutient que, même après la conquête perse, l'influence nestorienne reste marginale. A propos de Najrân spécifiquement, l'auteur cherche, d'une part, à décrire la vie religieuse de l'époque, mais ne dispose, pour ce faire, que d'informations fournies par des sources «externes» ; il tente, d'autre part, d'évaluer l'influence de la doc­trine de Julien d'Halicarnasse. Six cartes, un tableau chronologique des souverains d'Arabie du sud et trois index aident à se repérer dans cette matière très complexe.

Cette extrême complexité explique que le sujet traité par R. Tardy n'ait pas reçu la place qui aurait dû lui revenir dans l'historiographie, et il y a du mérite à avoir tenté une synthèse devant laquelle bien des savants ont reculé. Mais l'ouvrage se ressent de l'ab­sence de familiarité avec une partie des sources, notamment grecques (p. 76 et n. 21 pour le texte de Philostorge, p. 147 et n. 101 pour la Passion grecque d'Aréthas) ou sudara-biques (p. 156 et n. 20 pour l'inscription Istanbul 7608bis, p. 158 pour CIH 621). Il appa­raît en outre difficilement acceptable d'élaborer un récit historique en extrayant des don­nées fourmes par une source et en les combinant à d'autres données d'une autre source, tout en laissant de côté le reste des informations fournies par ces mêmes sources : il se trouve, par exemple, que la Passion grecque mentionne une expédition éthiopienne contre le roi juif, qui est antérieure à la persécution de Najrân (en 523) et qui se termine par la fuite du souverain himyarite; R. Tardy (p. 120 et n. 17) interprète un passage de la Chronique de Jean Malalas comme un récit de ce premier conflit, qu'il place en 522 ; mais Malalas, lui, le situe en 528 ou 529, en tout cas sous le règne de Justinien, et lui donne comme issue la mort du persécuteur, et non sa fuite. Il faudrait à un dossier aussi difficile une étude critique et une hiérarchisation des différentes sources (sudarabiques, syriaques et grecques, entre autres), et un tel travail exige la collaboration de spécialistes des diverses langues, des divers genres littéraires et des diverses aires culturelles impliquées. En attendant, le livre de R. Tardy, qui se lit très agréablement, permettra à un public cul­tivé d'accéder à une page trop oubliée de l'histoire.

Joëlle BEAUCAMP

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282 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

John THOMAS (Éd.), Byzantine Monastic Foundation Documents. A Complete Translation of the Surviving Founders' Typika and Testaments. Edited by John Thomas and Angela Constantinides Hero with the assistance of Giles Constable. Translated by Robert Allison, Anastasius Bandy, George Dennis, Gianfranco Fiaccadori, Catia Galatariotou, Ilija Iliev, Patricia Karlin-Hayter, Robert Jordan, Leslie S. B. MacCoull, Timothy Miller, Joseph Munitiz, Stephen Reinert, Nancy Patterson Ševčenko, Alice-Mary Talbot, John Thomas, with an administrative commentary by John Thomas (Dumbarton Oaks Studies XXXV/1-5). — Dumbarton Oaks Research Library and Collection, Washington DC 2000. 26 χ 18 ; reliés, XLIX-439 p. (volume 1), xm p.-p. 441-858 (2), xm p.-p. 859-1294 (3), xm p.-p. 1295-1678 (4), .-p. 1679-2021 (5).

Cet ouvrage monumental rassemble pour la première fois les typika des fondations monastiques connus à ce jour. La présentation systématique des textes et la traduction donnent accès à des documents de première importance, aussi divers de structure et de langue que riches de contenu. Le maître d'œuvre, J. Thomas, a su regrouper une équipe étoffée d'éditeurs et de traducteurs. Les cinq volumes, qui rassemblent plus de deux mille pages, présentent un texte clair dans une mise en page équilibrée et élégante.

Après une longue préface de G. Constable (p. xi-xxxvn), qui illustre l'intérêt d'un his­torien du monachisme occidental pour les typika monastiques de l'Orient, une introduc­tion générale (p. 1-20) décrit les caractéristiques de l'ouvrage. Suit un chapitre prélimi­naire (Early Monastic Rules, p. 21-41), qui enumere les sources anciennes qui ont inspiré les typika : ce sont les premiers Règlements de la vie monastique, tels qu'ils furent édictés par Basile de Cesaree, Pachôme, Rabbuia d'Édesse et d'autres. Suivent les neuf chapitres à l'intérieur desquels les typika et testaments sont classés et dont Γ enumeration suffit pour montrer le principe de classement: 1. Traditional Private Religious Foundations, 2. Athonite Monasteries, 3. The Protectorate, 4. Early Reform Monasteries of the Eleventh Century, 5. Imperial and Royal Monasteries of the Twelfth Century, 6. Early Reform Monasteries of the Twelfth Century, 7. Independent and Self-Governing Monasteries of the Thirteenth Century, 8. Later Private Religious Foundations, 9. Independent and Self-Goveming Monasteries of the Fourteenth and Fifteenth Centuries. Chaque chapitre reçoit à son tour une introduction, dans laquelle sont présentés les typika inclus dans le chapitre : cadre historique et économique, caractéristiques des textes.

Deux points peuvent être discutés : la classification et la qualification des documents. Les titres de chapitres mentionnés plus haut montrent quels sont les critères du classement: globalement chronologiques, ponctuellement thématiques à l'intérieur du cadre chronologique. Le classement a un intérêt indéniable : il permet de regrouper les textes dont l'origine et la nature présentent des similitudes, même si ce regroupement pro­voque à l'occasion une distorsion chronologique. Le classement par affinités permet ainsi de rassembler les documents athonites, qui sont proches par leurs caractéristiques, par leur insertion géographique, par leur conservation commune à l'Athos et leur publication dans la même collection des Archives de l'Athos. La division des typika en plusieurs catégories est ainsi basée sur le statut de la fondation et l'identité du fondateur. Si un tel classement a le mérite d'éclairer le contenu des textes dans une mise en parallèle, les critères sont pour­tant ondoyants et ne s'imposent pas de manière évidente.

La qualification des documents pose un autre problème. L'ensemble des typika et tes­taments de fondation atteint un chiffre élevé : 61 documents. Ce total dépasse considéra­blement les chiffres avancés jusqu'à présent : Raymond Janin dénombrait 32 typika en 1964 (REB 22, p. 18-21), Catia Galatariotou arrivait à un total de 39 en 1987 (REB 45, p. 85-87). Pourtant, peu de documents apparaissent ici qui étaient alors inconnus. L'augmentation est due en grande partie à une qualification différente des textes. Aussi convient-il de relativiser les chiffres, qui varient selon les critères d'inclusion des docu­ments dans la liste. Tous les testaments retenus ici sont-ils vraiment des testaments de fondation, même si le passage du testament au typikon proprement dit est parfois ténu ?

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Pour prendre un autre cas, est-il fondé de classer dans les typika le Règlement édicté par le patriarche Athanase Ier pour les monastères ? Contrairement aux typika ou aux testaments de fondateurs, le document du patriarche ne s'adresse pas à tel monastère et n'est pas émis par tel fondateur, qu'il s'agisse d'un premier ou d'un second fondateur, mais c'est un Règlement envoyé par le patriarche à tous les monastères de l'Église. Il est vrai cependant que la matière traitée est la même et que le rapprochement des textes doit être fait et s'avère fructueux. Remarquons, à propos de ce texte précisément, que la durée et l'élabo­ration progressive de l'ouvrage ont laissé des traces dans son état final. Alors que l'édi­tion, qui est une editio prìnceps, est parue depuis quelques années déjà (OCP 62, 1996, p. 357-365), le texte est présenté ici comme inédit et annoncé comme une future parution (p. 8 et p. 1495 avec la note 2). En fait, les grands textes qu'on s'accorde unanimement à considérer comme des typika au sens premier du mot sont au nombre d'une trentaine. Le reste est un agrégat de pièces diverses, brèves pour la plupart.

Parmi cette trentaine, les plus développés et les plus importants datent des 11e-12e siècles. L'auteur rend justement hommage à Paul Gautier, qui a donné une édition soi­gnée et scrupuleuse de cinq typika, qui sont parmi les plus importants, soit par ordre de parution : Pantokrator (1974), Attaleiatès (1981), Évergétis (1982), Pakourianos (1984), Kécharitôménè (1985). Au départ, Paul Gautier ne n'est pas intéressé aux typika pour eux-mêmes. À voir l'ensemble de ses travaux, on s'aperçoit d'ailleurs que ni la forme ou la langue ni le contenu spécifique des typika n'entraient dans l'arc de ses préoccupations. Ce sont, en quelque sorte, les pièces adventices de ces documents qui ont éveillé son intérêt : il y trouvait des données prosopographiques essentielles, et en premier lieu dans la Uste des commémorations faites au monastère du Pantokrator, dont il a tiré un article dès 1969 (L'obituaire du typikon du Pantokrator, REB 27, 1969, p. 235-262). Cette étude est parue quelques années avant l'édition du premier typikon. En exploitant cette veine documen­taire, Paul Gautier suivait d'ailleurs une tradition de l'IFEB et il trouvait sur place une documentation (copies et manuscrits) qui avait été accumulée au long des décennies. Les membres anciens de l'IFEB avaient vu l'intérêt de ces textes, dont ils avaient d'ailleurs publié eux-mêmes un certain nombre, cinq exactement : Louis Petit ceux de l'Éléousa (1900) et de la Kosmosoteira (1908), Sophrone Pétridès [nom de plume de Sophrone Rabois-Bousquet] celui de Nil Damilas (1911), Martin Jugie celui du Ménoikeion (1937), Vitalien Laurent celui de Macaire Choumnos (1955). Toujours est-il que c'est à partir d'un fragment d'intérêt prosopographique que Paul Gautier a amorcé sa recherche ; la logique de l'étude des textes l'a amené ensuite à poursuivre cette recherche, pour l'étendre progressivement à l'ensemble des typika proches chronologiquement et parfois dépendants littérairement. Contrairement à ce que laisse entendre l'auteur principal de l'ouvrage au début de son introduction (p. 1), ces typika ne sont pas tous parus du vivant de l'éditeur. Paul Gautier est décédé en juillet 1983 ; le printemps précédent, il avait cor­rigé les épreuves du typikon de l'Évergétis (paru en juin 1982) sur son lit d'hôpital à La Piué-Salpêtrière. Les deux derniers typika (Pakourianos et Kécharitôménè) sont des œuvres posthumes ; la révision et la préparation des manuscrits ont été réalisées par la Rédaction de la Revue des études byzantines, les index ont été établis par Jean Darrouzès. Il convient d'ajouter que nous avions sous-estimé l'importance — ou l'intérêt — de ces textes, car le tirage à part de 100 exemplaires qui avait été fait fut vite écoulé. Au point que nous avions pensé réunir et réimprimer les cinq typika, en supprimant les index res­pectifs, pour établir, en leur lieu et place, un index général des mots grecs qui aurait unifié le trésor lexical des typika et offert aux philologues et aux historiens un instrument de consultation plus commode ; mais l'idée est restée au stade du projet, car la confection d'un index général de qualité exigeait un travail long et difficile, qui ne pouvait être réa­lisé que par un connaisseur tant de la langue que des institutions. Il semblait moins utile de les rééditer tels quels en un volume, les eût-on enrichis de quelques considérations générales, d'ordre psycho-sociologique ou socio-économique.

Les typika présentent un intérêt multiforme : règlement de la vie quotidienne du moine, spiritualité animant ce règlement, cadre de vie et conditions matérielles d'existence dans le monastère, valeur lexicologique et philologique de textes appartenant à un niveau de langue rare dans la littérature byzantine qui nous reste accessible aujourd'hui. Mais ce n'est pas sous cet aspect que Paul Gautier les a abordés : même si sa vocation personnelle

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et son mode de vie le préparaient à l'intelligence des documents, il s'est intéressé davan­tage à l'établissement d'un texte sûr et à l'étude des données prosopographiques qu'aux caractéristiques du monachisme et aux conditions d'existence des moines.

L'aboutissement du grand projet conçu par G. Constable et J. Thomas satisfera une demande collective. Qui n'a pas souhaité avoir à portée de main l'ensemble des typika et des testaments de fondation ? Mais ce ne sera pas faire offense aux auteurs de cet admi­rable travail que de regretter qu'ils n'y aient pas inclus un dernier — ou un premier — volume, qui aurait présenté l'édition des textes. Un index général des mots grecs aurait présenté un immense intérêt, car la version originale, quel que soit le domaine, surpasse toujours la traduction. Mais les index du volume S permettront néanmoins à tous les histo­riens du monachisme et de la spiritualité de parcourir en tous sens des textes aussi pré­cieux qu'originaux. Ajoutons qu'une riche bibliographie a été rassemblée autour de cha­cun des documents. A ce propos, la bibliothèque de l'IFEB a intégré, sous la cote III 239, une étude sur l'hôpital du Pantokrator : Quellen zur Spitalgeschichte im byzantinischen Reich. Das Pantokrator-Typikon, 1136 (38-xxn p.). Présenté sous forme de copie dactylo­graphiée et conservé dans les papiers de Paul Gautier sans mention d'auteur, ce court essai est dû à un médecin suisse et a été composé vers 1980.

Rarement paraissent des travaux d'une telle envergure: comme les manuels et les répertoires, cet ouvrage, en rassemblant tous les documents de fondation des monastères byzantins, marque et favorise à la fois l'avancée d'une discipline tout entière.

Albert FAILLER

Ioannes THURN (Ed.), Ioannis Malalae Chronographia, recensuit Ioannes THURN (Corpus Fontium Historiae Byzantinae. Series Berolinensis, Volumen XXXV). — Walter de Gruyter, Berlin et New York 2000. 16 χ 23,5. ν + 30* + 551 p. 2 planches noir et blanc en fin de volume.

Dans un bref avant-propos (Geleitwort, p. V) A. Kambylis retrace l'histoire de cette édition : K. Weierholt, qui avait entrepris le travail, étant décédé, H. Thurn prend sa suite dans les années 70. Il dispose des papiers de son prédécesseur, mais A. Kambylis laisse entendre que, pour l'essentiel, l'apport utile se réduisait aux photographies des manus­crits. H. Thurn, pour sa part, signale que Weierholt avait eu le temps d'établir le texte du livre I de la Chronographie. À sa mort, le 15 décembre 1992, Thurn laisse une œuvre presque prête pour l'impression, et c'est à juste titre qu'elle figure sous son seul nom, même si divers savants ont contribué à la faire paraître.

On retiendra qu'il s'agit là d'un travail posthume. Les quelques défauts que nous pen­sons devoir signaler s'expliquent par cette circonstance et, si l'on trouve dans les lignes qui suivent des critiques, on voudra bien penser qu'elles ne s'adressent ni à un savant défunt dont nous utilisons constamment les travaux, ni aux collègues assez généreux de leur temps et de leur peine pour avoir contribué à cet ouvrage important.

L'introduction se distingue par sa brièveté, puisqu'elle ne comprend en fait que seize pages, en comptant les stemmata de la page 16*. H. Thurn rappelle qui est Jean Malalas, qu'il distingue ajuste titre de Jean le Scholastique, avec lequel on a parfois voulu l'identi­fier. L'œuvre elle-même s'achevait sans doute avec la mort de Justinien, que suivit de près celle de Malalas. Après en avoir décrit brièvement la structure («histoire du monde» pour les huit premiers livres ; puis histoire des empereurs pour les livres 9-18, les trois derniers livres étant consacrés chacun à un seul empereur). Thurn reprend sans argumen­ter l'opinion selon laquelle ont circulé deux recensions (Fassungen) de l'œuvre : la pre­mière, centrée sur Antioche, s'achevant entre 528 et 532, a été utilisée par Évagre, le Chronicon Paschale, le traducteur slavon ; la seconde, constantinopolitaine, n'est pas un remaniement de la première édition, dont elle se distingue seulement par une partie sup­plémentaire jusqu'à la fin du règne de Justinien. C'est cette seconde recension que connaissent entre autres Jean d'Éphèse, Michel le Syrien, Théophane, la traduction latine. On notera que, dans les lignes qu'il consacre à cette particularité (p. 3*), Thurn évite de parler de recensions et préfère parler de «parties» (Teile), comme s'il n'y avait eu qu'une

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édition de la première partie (jusque vers S30), puis, à Constantinople, une édition de la deuxième partie (de 530 environ jusqu'à la mort de Justinien).

Pour l'histoire du texte, l'éditeur est très bref également. Il se contente en fait de ren­voyer aux travaux de ses prédécesseurs : K. Weierholt, Tur Überlieferung der Malalaschronik, Stavanger 1965 ; E. Jeffreys, M. Jeffreys, S. Franklin, J. Stevenson, W. Witakowski, "The transmission of Malalas'Chronicle" dans E. Jeffreys, . , R. Scott (éd.), Studies in John Malalas, Sydney 1990.

Le livre I de Malalas est à mettre à part : il a sa tradition propre, avec trois manuscrits grecs (l'un de ces manuscrits étant conservé pour partie à Paris, pour partie à Vatopédi), la traduction slavonne et quelques attestations dans les Excerpta de Insidiis de Constantin Porphyrogénète (désormais El). On trouvera, p. 16*, un stemma représentant cette tradi­tion : d'un archétype unique ("Malalas") partent cinq branches, qui paraissent avoir une égale autorité. Pour les livres Π à Ѵ , la situation est différente. Thurn signale tout d'abord les Fragmenta Tusculana, c'est-à-dire cinq fragments de Malalas contenus dans un quaternion d'un manuscrit palimpseste de Grottaferrata (Cryptoferratensis Z. a. XXIV (d), fol. 62r-69v). L'écriture inférieure de ce cahier, qui porte le texte de Malalas, est une onciale datable de la fin du 6e siècle, ce qui nous fait remonter quelques décennies après la mort de l'auteur. Vient ensuite le témoin grec le plus important, (Baroccianus 182), base de l'édition Dindorf dans le corpus de Bonn. Divers témoins de moindre importance sont signalés. Les traductions jouent un rôle important : une ancienne traduc­tion latine (cf. p. 14*, Laterculus Malalianus), et surtout la traduction slavonne. On notera aussi que le témoignage des Excerpta constantiniens (El, mais aussi Excerpta de virtuti-bus et vitiis) est parfois disponible, et surtout, que l'œuvre de Malalas, utilisée par de nombreux auteurs, jouit d'une tradition indirecte riche et ancienne: Jean d'Éphèse, Évagre, le Chronicon Paschale, Jean de Nikiou, Théophane, pour ne citer qu'eux, ont dis­posé d'un texte plus complet et plus sûr que celui qui est parvenu jusqu'à nous. Pour la tradition directe des Livres ІІ- Ѵ І, Thum (p. 16*) propose un stemma qu'il semble reprendre, sans argumenter, des Studies in John Malalas, p. 311. Ce stemma a trois branches : les Fragmenta Tusculana et les El se trouvent à l'extrémité de deux d'entre elles ; la troisième aboutit à un abrégé disparu, puis se divise en deux rameaux, avec d'un côté le Slavon (SI), de l'autre, après une nouvelle abréviation, le manuscrit O. À la place de l'archétype, on trouve la mention des deux éditions de Malalas : Malalas I, Malalas II.

Disons nettement que cette présentation nous a paru, vu le niveau scientifique du Corpus Fontium Historiae Byzantinae, tout à fait insuffisante. On pouvait s'attendre, même si l'éditeur n'avait rien à ajouter aux résultats obtenus par ses devanciers, à ce que ces résultats soient repris d'une façon plus détaillée. Telle qu'elle se présente, cette pré­face n'a en fait aucune autonomie, et le lecteur soucieux de s'informer devra aller cher­cher ailleurs. C'est regrettable, d'autant qu'à regarder les stemmata proposés, des ques­tions assez importantes peuvent venir à l'esprit : par exemple, si SI et dépendent d'un même abrégé disparu, et si SI dépend de Malalas I comme U est dit p. 3*, ne faut-il pas en conclure que l'abrégé disparu dépendait lui aussi de Malalas I et s'interroger sur la façon dont le texte de a pu prendre naissance ? Les propos qu'on trouve p. 15* en conclusion (Schlusswort) sonnent étrangement : «1986 erschien die auf vollständiger Durcharbeitung der Überlieferung beruhende englische Übersetzung von Jeffreys u.a. Unsere Vorarbeiten und unsere Resultate (es sind praktrisch die gleichen) haben sich überschnitten ; ich habe die Kapiteleinteilung von der englischen Übersetzung ... übernommen. Desgleichen sind die im Apparat abgedruckten Testimonia darauf abgestimmt.» On a parfois l'impression que la parution des travaux de E. et M. Jeffreys et de leurs collaborateurs ont retenu Thurn d'exposer comme elles devraient l'être les données concernant la transmission de la Chronographie de Malalas, et même d'exposer les règles qu'il a suivies pour l'établisse­ment du texte. La Tabula notarum in apparata critico adhibitarum qu'on trouve p. 2 ne remplace évidemment pas des considérations sur les principes retenus pour l'édition. Elle est du reste souvent décevante. On n'y trouve pas certaines abréviations : par ex., p. 354, pour les 1. 5-6, on Ut dans l'apparat la phrase «rectiorem, sed del. versionem praebet SI», qui ne nous a pas été claire ; dans la table, l'équivalence del. delevit ne saurait convenir ici ; p. 356.47, on lit «mixt», dans l'app., rien dans la table. Ni dans la table, ni dans la préface on ne trouve expliqué l'emploi des italiques dans le texte. De ce fait, le lecteur est

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réduit à s'interroger : quand il les rencontre, p. ex. p. 70.12 ou p. 71.33, il peut avoir l'im­pression qu'elles correspondent à des additions faites au texte de d'après le slavon, les mots grecs étant repris de témoins indirects ; ailleurs, p. ex. p. 75.56-57, l'addition est faite d'après le seul slavon («ex SI solo addidi»), ce qui suppose une rétroversion du sla­von en grec qu'on peut penser être l'œuvre de Thurn, mais dont rien n'est dit dans la pré­face. Ces carences de la préface contribuent selon nous à rendre obscure et d'un emploi difficile une édition dont nous ne connaissons pas les règles. Le but même n'est pas clair. S'agit-il, au moins là où cela est possible, d'éditer Malalas ? Mais, p. 361, dans l'apparat pour les lignes 63 et 64, on trouve cette notation après une citation de Théophane : «e vero Mal. Teste Cedr. 644, 19-20 Ioann. Nic. LXXXX, 67». C'est-à-dire que le «vrai Malalas», qu'on peut atteindre grâce à la tradition indirecte, est ici rejeté dans l'apparat, le texte édité étant celui du manuscrit qui, pour le livre XVIII, est notoirement un abrégé.

On n'attendra pas ici que nous donnions une analyse détaillée des règles selon les­quelles, d'après nous, l'éditeur a opéré. Il suffira de dire que, passé le livre I, il suit, pour l'essentiel, le témoignage de O, qu'il complète par celui de la version slavonne. Il repro­duit, là où ils sont disponibles, les Fragmenta Tusculana et les Excerpta constantiniens, en étant bien sûr conscient que les Fragmenta offrent presque toujours un texte meilleur que celui des autres témoins, et les Excerpta souvent.

Pour les Excerpta, plusieurs choses sont notables. Dans la préface, p. 13*", Thurn décrit ainsi le travail des Excerpteurs : «Der byzantinische Kaiser nahm Änderungen am Wortmaterial vor, er verkürzte gelegentlich. Aber er überliefert stellenweise gegenüber dort mechanisch Verlorenes wie auch Zusatztexte aus der noch nicht epitomierten Originalfassung... Wir haben die Exzerpte als Zeugen des noch nicht abbreviierten Malalas unter dem Haupttext (O) abgedrückt.» Cette présentation appelle plusieurs obser­vations. Tout d'abord, le travail des excerpteurs constantiniens aurait pu être présenté d'une façon plus précise, ce qui n'est pas sans incidence pour la critique du texte (on sait par ex. que le début de chaque extrait est susceptible de modifications ; on sait aussi que les abréviations se font surtout par suppression, et que le vocabulaire, en principe, n'est pas changé). On peut se demander également si le modèle qu'ont eu les excerpteurs est pour tous les livres un Malalas «qui n'a pas encore été abrégé» : il semble pourtant que le récit de la sédition Nika, tel qu'on peut le lire dans les El (cf. p. 394-400) soit beaucoup plus court que ce qu'on trouve dans le Chronicon Paschale et même dans O. Ailleurs, ni El ni n'abrègent (p. ex. p. 305-307) et l'on peut alors se demander s'il était judicieux de reproduire en bas de page le texte de El, quasiment identique à celui de : n'était-ce pas l'occasion de tenter, pour ce passage, une édition critique qui nous aurait menés plus près du «vrai Malalas» ?

Faute d'explications sur la rétroversion du slavon en grec, le lecteur reste perplexe sur les solutions retenues: ainsi, p. 358.83 «ante Κωνσταντινουπόλεως verba της πλουσιωτάτης add. SI» pourrrait conduire à la conclusion que l'addition ainsi attestée par le slavon n'est pas du Malalas, qui, sauf erreur, n'emploie pas cette expression. Mais le slavon ne peut-il ici correspondre à της πανευδαίμονος ? Ailleurs, l'introduction d'élé­ments empruntés au slavon rend la phrase incohérente. Ainsi, p. 345.76-78 : irre ol ένοικοΰντες έβόων έλεηθήναι καΐ περισωθήναι αδύνατοι δντες έαυτοίς βοηθήσαι αυτανδροι σύν τοις οϊκοις άπώλοντο. Dans la phrase, qu'il est impossible de citer en entier, il est bien difficile de construire βοηθήσαι si l'on coordonne έβόων... και... άπώλοντο, et bien difficile de construire άπώλοντο si l'on renonce à le coordonner avec έβόων. Enfin, en plusieurs endroits, l'insertion de mots en provenance du slavon nous a paru faire double emploi avec le texte grec. Par ex. : p. 345.72-73 : "Εδεσσα, πόλις μεγάλη της Όδροηνής επαρχίας, μητρόπολις. Le mot μητρόπολις, retraduit du slavon, ne fait-il pas double emploi avec πόλις μεγάλη, dont nous ne savons pas s'il a un équiva­lent dans le slavon ? Même phénomène p. 355.38-41 : και πέμψας αύτώ πλήθος στρατιωτών... μετά πολλής βοηθείας ^ωμαΐκής. Nous savons ici que πλήθος στρατιωτών, absent de O, se trouve dans le Chron. Pasch, et un élément équivalent dans SI ; μετά πολλής βοηθείας ρωμαϊκής est dans O, mais ne figure pas dans Chron. Pasch, et SI. N'est-il pas dangereux de réunir, dans une phrase totalisante, ces deux éléments proches par le sens ?

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Ailleurs, nous voyons combien il est difficile de concilier le texte de Théophane avec celui de O. Il s'agit du fameux passage sur les Himyarites, dans le Livre Ѵ І dont on sait à quel point il est mal transmis. Voici le point qui nous paraît particulièrement discu­table : ό δέ των Αύξουμιτών βασιλεύς ενδότερος έστι τών ΆμεριτΟν <ΐουδαΐζων>, ό δέ τών Όμηριτών πλησίον εστί της Αιγύπτου. Sans entrer dans le commentaire de ce pas­sage difficile, nous pouvons signaler l'importance de l'intervention de l'éditeur: le roi d'Axoum devient juif. Or s'il est vrai que le mot ίουδαΐζων est dans Théophane, il se trouve, ainsi qu'il est noté dans l'apparat critique p. 362. 80-81, après Αιγύπτου : cette place n'indique-t-elle pas qu'il se rapportait au roi des « Homérites » chez Malalas ?

L'apparat critique ne nous a pas toujours paru un modèle de clarté, de cohérence, ni de précision. Il y reste des scories. Par ex. : p. 360.52-53 deux fois add. ; p. 362.91 le renvoi pour la forme "Ανδαν (à l'édition Dindorf de Malalas) devrait être explicite.

Π s'agit, dans ces derniers cas, de simples détails. Mais peut-être sont-ils le signe que le décès de I. Thura n'a pas permis au présent travail d'atteindre le degré de perfection où il n'aurait pas manqué de le porter. Dans l'ensemble, il nous semble utile d'avertir le lec­teur que, faute de trouver un exposé clair des buts et des principes suivis par l'éditeur, il aura du mal à utiliser cette nouvelle édition de Malalas.

Bernard FLUSIN

Francesco TISSONI, Cristodoro. Un'introduzione e un commento (Hellenica 6). — Edizioni dell'Orso, Alessandria 2000. 23 χ 15. 258 p. Prix: 32 000 LI.

Le poète épique Christodore, originaire de Coptos en Thébaïde (Egypte), a vécu sous le règne d'Anastase Ier (491-518 ap. J.-C). D'après la Souda, il^a composé plusieurs poèmes, de contenu surtout encomiastique, dont il reste actuellement peu de traces, en montrant une certaine prédilection pour les Πάτρια, car il en a composé pour les grandes villes de son époque (Constantinople, Thessalonique, Milet, Aphrodisias...). Christodore a connu Proclus et les philosophes néoplatoniciens réunis autour de lui. Malheureusement, de son ouvrage intitulé : Περί των ακροατών του μεγάλου Πρόκλου, rédigé probablement lors de la mort du philosophe en 485, il ne reste qu'un fragment, conservé dans l'œuvre de Lydus (De magistr. Ill 26, p. 113, 1. 12-20, éd. Wünsch). Il est par ailleurs probable que c'est à cette œuvre que fait allusion Marinus, dans la Vie de Proclus, § 38, 904-908. Étant égyptien, Christodore a été influencé par Nonnos de Panopolis.

Arrivé à Constantinople vers 497, Christodore entre à la cour d'Anastase Ier, et se voit chargé de rédiger les Patria de Constantinople (en 12 livres), une œuvre épique-encomias-tique, les Isaurica, destinées à glorifier l'empereur (en 6 livres), et enfin une description (Ekphrasis) des statues décorant le Bain de Zeuxippos à Constantinople. Cette Ekphrasis, à laquelle Fr. Tissoni a consacré la majeure partie de son livre, a été composée vers 503 ; elle décrit, en 416 hexamètres, quatre-vingts statues qui ornaient à Constantinople le Bain de Zeuxippos (situé au centre de Constantinople, à l'angle nord-est de l'hippodrome, et comprenant un gymnase et un luxueux édifice thermal). UEkphrasis, conservée dans le livre II de l'Anthologie Grecque, a été transmise de façon lacunaire (le prooimion iam-bique a été perdu) dans deux manuscrits, le Palat. gr. 23 et le Marc. gr. 481. Le texte de Christodore dans le Palatinus compte 408 vers, alors que, dans le Marcianus, il comporte 416 vers au total.

Le travail documenté de Fr. Tissoni comporte deux sections, la première étant une introduction («Introduzione») sur l'auteur ancien et son œuvre («L'autore», p. 15-44 ; «Il genere», p. 45-54 ; «L'opera», p. 55-73 ; «Il luogo», p. 74-85), alors que la seconde constitue un commentaire philologique très détaillé («Commento», p. 87-256). Nous n'avons que deux reproches à adresser à l'auteur. Le premier est le manque complet d'in­dex (index d'auteurs anciens cités, d'auteurs modernes, de noms de lieux...) ; vu le carac­tère doxographique des dossiers développés, cette lacune rend la consultation de l'ouvrage malaisée. D'autre part l'a. s'est contenté de reproduire les vers de Christodore, au fur et à mesure de son commentaire, sans reproduire le texte grec de façon continue. Il est vrai

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que cette Ekphrasis, conservée dans l'Anthologie Grecque, a connu plusieurs éditions, que . a méthodiquement recensées. Pourtant, ce commentaire riche et documenté aurait

mieux trouvé sa place à côté d'une édition de texte, que l'a. pouvait effectuer sans tenu-compte du reste de Y Anthologie. À la bibliographie, bien fournie, on peut ajouter deux ouvrages, dont le dernier a vu le jour après l'achèvement du livre de Fr. Tissoni : Dictionnaire des philosophes antiques, sous la direction de R. Goulet, t. II, Paris 1994, n° 115, p. 319-320 [par H.-D. Saffrey] ; Marinas, Produs ou Sur le bonheur, éd. H.-D. Saffrey et A. Segonds, avec la coll. de C. Luna, Paris 2001.

Michel CACOUROS

Travaux et mémoires. Tome 13 (Collège de France. Centre de recherche d'his­toire et civilisation de Byzance). — De Boccard, Paris 2000. 24 χ 18 ; relié. 708 p.

Le livre des cérémonies constitue l'objet à peu près exclusif de cet épais volume de 700 pages. Les diverses études sont présentées dans l'Avant-propos comme une prépara­tion à la nouvelle édition et traduction du recueil de Constantin Porphyrogénète. La richesse et l'originalité multiformes de la compilation resteront toujours au-delà de toutes les études et recherches. Si «le dit» est déjà inépuisable, «le non-dit» est incommensu­rable. Le cérémonial aulique, les fêtes du Palais et de l'Église conservent, en les trans­muant, les événements de l'histoire. Les parades et les processions remémorent le passé, reproduisent les itinéraires et recréent la topographie et la toponymie de la ville. L'Hippodrome est un des lieux qui divertissent au présent et cristallisent au passé.

La première moitié du volume est consacrée à deux Mémoires d'ampleur comparable : le premier traite du déroulement des courses de l'Hippodrome {Livre des cérémonies, I, 77-82 : G. Dagron, avec la collaboration de A. Binggeli, M. Featherstone et B. Flusin, L'organisation et le déroulement des courses d'après le Livre des cérémonies, p. 1-200), le second a pour objet la composition et la préparation de l'armée envoyée en Crète {Livre des cérémonies, II, 44-45 : J. F. Haldon, Theory and Practice in Tenth-Century Military Administration. Chapters II, 44 and 45 of the Book of Ceremonies, p. 201-352).

La seconde partie du volume est constituée d'un Dossier sur «Byzance et ses voisins» et contient des études sur les divers passages de la seconde partie du Livre des cérémonies (II, 15 et 46-48) qui font intervenir les représentations étrangères dans le cérémonial aulique ou les princes étrangers dans les actes de la chancellerie impériale. Il s'agit suc­cessivement des diverses principautés de l'Arménie et de la Géorgie (B. Martin-Hisard, Constantinople et les archontes du monde caucasien dans le Livre des cérémonies, II, 48, p. 359-530), du pays des Ases ( . Zuckerman, A propos du Livre des cérémonies, , 48 : I. Les destinataires des lettres impériales en Caucasie de l'Est, II. Le problème d'Azia/Asia, le pays des Ases, III. L'Albanie caucasienne au Xe siècle, p. 531-594), de la Croatie et de la Serbie (É. Malamut, Les adresses aux princes des pays slaves du Sud dans le Livre des cérémonies, II, 48 : interprétation, p. 595-615), des princes occidentaux (J.-M. Martin, L'Occident chrétien dans le Livre des cérémonies, II, 48, p. 617-646). S'ajoutent une étude complémentaire sur la mission espagnole qui se trouva dans la capitale byzan­tine en même temps que la princesse Olga (C. Zuckerman, Le voyage d'Olga et la pre­mière ambassade espagnole à Constantinople en 946, p. 647-672), puis deux articles indé­pendants concernant l'Arménie et traitant respectivement de codicologie (Z. Aleksidzé, La construction de la Κλεισούρα d'après le nouveau manuscrit sinaïtique n° 50, p. 673-681) et de droit (J.-P. Mahé, Norme écrite et droit coutumier en Arménie du Ve au XIIIe siècle, p. 683-705).

Le volume ne contient pas seulement des commentaires, mais également la réédition des deux passages du Livre des cérémonies commentés dans la première partie (I, 77-82 ; II, 44-45). Chacun des deux Mémoires est accompagné d'un index exhaustif, dont l'inté­rêt est à la mesure de l'originalité et de la richesse du texte. Le texte du Livre des cérémo­nies est connu par un manuscrit unique, le Lipsiensis Rep. I 17 ; il a été édité en 1751 par I. Leich et I. Reiske, dont le Corpus de Bonn a repris l'édition en 1829-1830. Albert Vogt

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a publié en 1935-1939 l'édition du seul Livre I. On a signalé plus récemment l'existence de deux fragments palimpsestes, qui pourraient servir à une meilleure évaluation du Lipsiensis. Rodolphe Guilland (t 1981) avait entrepris de poursuivre et de terminer l'édi­tion d'Albert Vogt. Malgré les innombrables articles qu'il a publiés sur le Livre des céré­monies, il n'a pas terminé ce travail. Mais il avait préparé un index, qui a été remis à l'IFEB en 1977 (voir REB 38, 1980, p. 285). L'IFEB envisagea de le publier aux Belles-Lettres comme un complément de l'édition d'Albert Vogt. Le projet fut annoncé au cours du 16e Congrès international des byzantinistes de Vienne (octobre 1981). Mais il fut aban­donné, devant l'imminence d'une — ou même d'une double — réédition du Livre des cérémonies, qu'il n'aurait pourtant déflorée aucunement. On peut penser aujourd'hui, vingt ans après, que ce n'était pas une mauvaise idée et que la publication de l'index aurait servi et promu les études dédiées à un texte aussi riche.

À parcourir les deux fragments qui sont réédités dans le présent volume, on conclura que la rature édition n'apportera pas de bouleversements au texte connu. Mais il reste à voir les éventuelles nouveautés que pourraient contenir les deux fragments palimpsestes. Fixons notre attention sur le premier passage réédité ici (I, 77-82). Entre les éditions suc­cessives, on relève peu de différences, et celles-ci consistent le plus souvent en variantes d'accentuation et de graphie, les phénomènes d'itacisme représentant leur importance habituelle. Le nouvel éditeur propose de garder en l'état le génitif pluriel ευεργετών (§ 78e9·239) du Lipsiensis (L), que les éditeurs précédents ont transformé en périspomène, l'éditeur du second texte suivant d'ailleurs la même voie (II, 44146: μαρδαίτων L, Μαρδαιτων ed.). L'éditeur applique un nouveau traitement aux exclamations qui parsè­ment le texte et dans lesquels il ne faudrait pas chercher un mot, mais un cri. Dans ce cas, pourquoi écrire ai et οι pour un son simple (è et i) ? Ne faudrait-il pas écrire plutôt oï (78" οι ες : ο'ίες L) et αϊ (δΟ^αι τα : άίτά L ; 80226 Εσαιουτα : έσαίουτα L), comme pour "Αϊα et Άνανάϊα (78207 80247). D'autre part, le copiste de L accentue en périspomène le mot παραβατοΰ, et il est suivi aussi bien par Vogt que par le nouvel éditeur, mais Reiske cor­rige pour en faire un paroxyton (78574). N'est-ce pas plus normal ? La nouvelle édition produit une note sur ce mot (p. 52 n. 153), mais sans rien dire sur la différence d'accent et en mentionnant simplement «le substantif παραβάτης». Le premier iota souscrit de επηρμένη (78472) est malencontreusement passé de la première édition dans les suivantes. La correction de πλήθος (7991) en πληθυον (ou, peut-être mieux, πληθΰον) est-elle néces­saire? Un certain nombre d'accents aigus injustifiés sont restés dans le texte: πτερά (80103), πολιτικην (8258), χριστόν (82d5). Je suppose que le traducteur a une bonne raison pour interpréter le mot αέρα (78663) dans le sens de «mauvais temps» plutôt que d'un plus ordinaire «vent», comme l'a entendu A. Vogt {Commentaire, H, p. 142).

Albert FAILLER

Laurence TUERLINCKX (Ed.), Sancii Gregorii Nazianzeni Opera. Versio arabica Π : Orationes I, XLV, XLIV (Corpus Christianorum, Series Graeca 43 ; Corpus Nazianzenum 10). — Brepols, Turnhout-Leuven 2001. 25 x 15. XLin-297 p.

L'ouvrage s'inscrit dans l'ambitieux programme du Centre d'Études sur Grégoire de Nazianze de l'UCL, qui vise à donner une édition critique du texte grec des Orationes du Théologien et de ses versions orientales. La présente édition, qui livre la version arabe de trois nouveaux discours de Grégoire, fait suite aux deux éditions précédentes données par le Professeur Grand'Henry (éd. du Discours 24 dans CCSG 20, p. 197-291, et du Discours 21 dans CCSG 34) et bénéficie des inventaires de manuscrits établis par ce der­nier. Depuis le début de la recherche, le nombre des témoins manuscrits repérés a aug­menté, les classements se sont affinés, et pour ce groupe d'Orationes le Sinaiticus ar. 277 (sigle W) s'est révélé comme le plus proche de l'archétype arabe, jouant de ce fait un rôle déterminant dans l'établissement du texte. Le colophon qu'il contient présente en outre l'intérêt de relier cette traduction à l'activité d'Ibrahîm ibn Yûhannâ al-Anţâkî le protos-pathaire (seconde moitié du 10e s., à l'époque de la reconquête byzantine). Nous avons

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ainsi une traduction assez évoluée, d'origine melchite syrienne, en général assez conforme aux canons de la langue arabe, bien différente des traductions plus anciennes qui sont à la base de l'ouvrage classique de J. Blau, A grammar of Christian Arabie. Le traducteur est assez à l'aise pour rendre la prose très élaborée et souvent elliptique du Nazianzène. Sans être esclave du grec, il s'efforce de rendre au mieux les préfixes grecs et recourt assez fré­quemment aux traductions doubles pour les notions complexes. Son vocabulaire est par­fois recherché et en général assez varié (voir par ex. p. 144, où il utilise trois mots diffé­rents pour traduire ζώνη). La traduction semble être l'œuvre d'un littéraire plutôt que d'un philosophe ou d'un théologien (on notera par exemple les multiples solutions adoptées pour rendre la notion aristotélicienne d'è'Ciç, la façon curieuse de traduire το αύτεζούσιον par tasallut en 45, 8, 2, un certain flottement pour rendre le vocabulaire de l'incarnation, voir note 186, p. 87).

Le texte arabe est accompagné d'une traduction française et de nombreuses notes por­tant soit sur la comparaison avec le grec, soit sur l'état de la langue arabe, soit sur le lexique utilisé. Tout cela est excellent, et très clair, et contribue à lever «le malentendu qui considère parfois l'arabe des chrétiens comme une forme mineure et incorrecte de l'arabe, alors qu'il s'agit d'une autre forme, encore mal connue» (p. XXXVIII). Le traitement de cer­tains faits linguistiques récurrents, comme les conséquences de l'absence du hamza, l'ha­bitude d'ajouter un alif otiosum à la fin d'un mot terminé par wâw, la confusion à la fin d'un mot entre alif maqsûra et alif mamdûda, aurait pu se faire dans l'introduction ; cela aurait ainsi permis d'alléger cette annotation et de résoudre plus facilement les problèmes de mise en pages (il y a de fréquents décalages entre l'arabe et le français). Çà et là, on pourra préférer une autre traduction, qui serre davantage lé texte arabe (en tenant mieux compte de la reprise de termes identiques ou de l'emploi des temps). Donnons quelques exemples pris dans le § 9 de l'Oratio 45 : lignes 19-20, p. 86-87 certes il convient de glo­rifier l'enfantement, mais aussi de rendre un hommage supérieur à la virginité; en utili­sant les verbes glorifier et rendre hommage la traduction masque l'emploi de mots issus d'une même racine (krm) en arabe. On traduira plutôt : car il fallait que la maternité soit honorée et que la virginité le soit davantage. Lignes 23-24, p. 88-89 ce qui ne peut être contenu fut délimité par la médiation d'une âme rationnelle située à l'intersection du divin et de l'épaisseur corporelle; dans une formule artistement ciselée (ό αχώρητος χωρείται, δια μέσης ψυχής νοερας μεσιτευουσης θεότητι καΐ σαρκός παχύτητι) Grégoire souligne un des paradoxes de l'incarnation et la nécessité d'un élément intermédiaire, l'âme, pour que le divin puisse s'unir à un corps. On traduira plutôt : celui qui n'est pas contenu a été contenu, par l'intermédiaire d'une âme rationnelle occupant le milieu entre la divinité et l'épaisseur du corps. Lignes 28-29, p. 90-91 il a pris part à ma corporéité pour sauver l'image et il a rendu le corps immortel. On traduira plutôt : il a assumé ma corporéité pour sauvegarder l'image et rendre le corps immortel (le dernier verbe, à l'in­accompli, dépend toujours de la conjonction li). Pour terminer, trois remarques sur des notes: dans la n. 169 (p. 81) l'explication apportée à la corruption des manuscrits n'est pas la bonne : le mot qui se substitue à šarr ou lui est juxtaposé n'est pas la IVe forme du verbe labasa, mais tout simplement le substantif al-bi's «le mal», avec suppression du hamza médian; dans la n. 216 (p. 97), l'apparente incorrection de l'expression luğat al-yûnâniyya vient sans doute de ce que l'adjectif est ressenti comme un nom en annexion, comme si on disait «la langue de la grecite ou des Grecs», le phénomène est particulière­ment fréquent dans les anciennes traductions avec ce type d'adjectif; note 426 (p. 149) : l'emploi de qism dans qism al-'ilm traduisant το θεωρητικόν (la partie contemplative) et dans qism al-šahwa traduisant το έπιθυμητικόν (la partie concupiscible) peut paraître mal­adroit ; cela montre en tout cas que le traducteur savait que dans les deux expressions le grec sous-entend μέρος.

Il faut souhaiter que des publications de cette qualité se multiplient, car elles sont une mine d'informations pour les spécialistes des textes et les linguistes. L'édition patiente et rigoureuse des versions permettra de mieux connaître les centres de traduction, les procé­dés employés, l'évolution du lexique. Elle est le préalable indispensable à des études his­toriques et linguistiques plus amples.

PaulGÉHiN

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BIBLIOGRAPHIE 291

Jeannine VEREECKEN & Lydie HADERMANN-MISGUICH (Ed.), Les oracles de Léon le Sage illustrés par Georges Klontzas. La version Barozzi dans le Codex Bute. — Institut hellénique de Venise & Bibliothèque Vikelaia d'Héraklion, Oriens graecolatinus 7, Venice 2000. 29 χ 22. 352 p., 31 illustrations in colour, 34 in black & white.

The Bute Codex, the name given by the authors of this monograph to the manuscript which is its subject, was executed in Crete towards 1575-1577 by Francesco Barozzi for a Venetian noble, Giacomo Foscarini. It probably remained in the Foscarini library until it was acquired, directly or indirectly, by John Stuart, Earl of Bute (1713-1792). It then remained in the Bute library at Luton Hoo until it was acquired by a private owner in 1978. It was in this private collection that the authors of the present monograph discover­ed its exceptional interest which they examine minutely.

There is the text itself, the socalled Oracles of Leo the Sage, and the literary genre of prophecies and divinations to which it belongs. Vereecken's collation of the manuscripts (summarized, p. 51 note 6) has not as yet been published. Many manuscripts are no longer extant. In fact the earliest surviving Greek manuscripts of the Oracles date only from the sixteenth century. Paradoxically there are Latin translations or adaptations dating from the thirteenth to fifteenth centuries (p. 53). The Cretan Francesco Barozzi was himself a bibliophile and interested in prophecies and divinations. His library was obtained by William Herbert, Earl of Pembroke for the Bodleian in 1629. It includes Baroccianus graec. 170, virtually a duplicate of the Bute codex, although, in the opinion of the authors, a subsequent copy.

Vereecken has edited Barozzi's Greek and Latin text, adding a French translation. The oracles are accompanied by miniatures, which, rather than illustrate them, develop their signification. The interpretation of the oracles is not easy ; the authors' hypothesis that there is a spiritual or hermeneutic level of interpretation is attractive.

Of the outstanding Cretan artists who underwent in their individual way the influences of Venice — Angelos, John Damaskinos, El Greco, George Klonzas — the last, who painted the miniatures for the Bute codex, was probably the least eminent. He is certainly the least studied outside Greece. A painter of icons as well as an illuminator of manu­scripts, he had a taste for overcrowding his pictures, in the background to which usually lurks an allusion to the Last Judgment.

Few illuminated manuscripts have been privileged with so luxurious and meticulous an edition. The authors are to be congratulated on their work.

Christopher WALTER

Raymond WINLING (Éd.), Grégoire de Nysse, Discours Catéchétique. Édition du texte grec de E. MÜHLENBERG (GNO , IV), Introduction, Traduction, Notes et Index (Sources Chrétiennes 453). — Les Éditions du Cerf, Paris 2000. 2 0 x 1 3 , 5 . 360p. Prix: 222FF.

Le joyau que nous offre ici RW s'inscrit dans la série des «Catéchèses» qui ont fleuri aux 4e et 5e siècles (p. 17, n. 1), à cette différence près que notre Discours Catéchétique (DC) ne s'adresse pas aux catéchumènes, mais aux responsables qui ont la charge de les initier à la foi chrétienne. Ce «manuel» fait penser à celui qu'Irénée composait dès la fin du second siècle à l'intention de Marcianus {Démonstration de la Prédication apostolique 1 : SC 62, p. 27). Mais le ton est différent. Grégoire ne se contente pas de présenter un enseignement bien structuré, il entend l'adapter à ce que croient les non-chrétiens «qui s'approchent pour écouter la Parole» (DC Prologue, p. 139). Ce public et son contexte sont remarquablement présentés dans les premières pages (p. 18-24) d'une substantielle introduction (p. 17-133). — Le texte grec est celui de E. MÜHLENBERG (Gregorii Nysseni Opera III, IV, Leiden, Brill, 1996), qui s'accorde avec J. H. Srawley (Cambrigde 1903, réimp. 1956) pour répartir les manuscrits en deux groupes, répartition confirmée par

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l'examen de nouveaux manuscrits que Srawley ne connaissait pas (p. 131). RW conserve la subdivision en chapitres commune au premier groupe, reprise dans Srawley et dans la traduction française de Méridier (1908). L'indice que Grégoire lui-même nous donne au ch. 38 ne permet pas de faire l'unanimité sur la date du DC. À titre de simple hypothèse, RW opte pour une date haute, avant 381, donc avant la publication du Contre Eunome, «du moins pour l'essentiel» (p. 130). Grégoire y fait preuve d'une «ardeur juvénile à expliquer et à démontrer» qui se calmera après sa confrontation avec Eunome (p. 128).

RW propose de diviser l'œuvre en trois parties, en subdivisant la deuxième en deux sous-ensembles : 1. Éléments de doctrine trinitaire (ch. 1-4). 2A. Création de l'homme et origine du mal (ch. 5-8). 2B. Incarnation et rédemption (ch. 9-32). 3. Sacrements du Baptême et de l'Eucharistie, foi, conduite de vie (ch. 33-40). Cette division, inspirée, semble-t-il, de la distinction entre la theologia et Yoikonomia (p. 25), ne tient peut-être pas assez compte du fait que G. soulève dès à-propos de Dieu, la question de l'homme (et des anges) : «La lumière [de Dieu] ne devait pas rester invisible, ni sa gloire sans témoins, ni sa bonté sans bénéficiaires... du fait qu'il n'y aurait eu personne pour y participer et en jouir» (DC 5, 34-38 : p. 162). Il le fait en s'attaquant à l'objection selon laquelle «l'écono­mie concernant l'homme» (τήν δέ κατά ανθρωπον οίκονομίαν) serait indigne de Dieu (DC 5, 3 : p. 160). Elle ne l'est pas, car il est bon que Dieu crée l'homme et les anges pour se faire connaître d'eux. C'est seulement à partir du ch. 9 (2 selon RW) que commence­rait la deuxième partie. Grégoire franchit ici un seuil décisif. En effet, explique-t-il, ce qui a été dit jusque-là sur Dieu et sur l'homme ne contient en réalité rien qui soit «incompa­tible avec une conception digne de Dieu» (ch. 9, 2-3 : p. 202). Π en va tout autrement de l'incarnation et les abaissements qui en résultent pour celui qui est présenté comme Dieu (ch. 9, 3-13). Grégoire passe alors à de nouvelles considérations, qui s'ouvrent sur une nouvelle approche de la transcendance. Que Dieu fasse de grandes choses va de soi, comme il est naturel que la flamme tende vers le haut. Ce qui dépasse les limites de la rai­son, c'est de voir la flamme «tendre vers le bas à la façon des corps pesants». Et Grégoire de poursuivre : «Ni l'étendue des deux, ni l'éclat des astres, ni l'ordonnance de l'univers ni Γ économie continue des choses créées, [rien] ne révèle la puissance divine suréminente autant que le fait de sa condescendance qui l'amène à s'abaisser jusqu'à la faiblesse de notre nature...» (ch. 24, 22-26 : p. 254 ; cf. Basile de Cesaree, Sur le Saint-Esprit, 18, 12-19 : SC 17, p. 308). Dans ces conditions, il est clair que si Grégoire cherche bien à «mon­trer que la doctrine chrétienne est recevable par la raison ...» (p. 18), il n'en reste pas moins vrai qu'il ne part pas des données de la raison pour présenter cette doctrine, mais du «donné de la foi». C'est à l'intérieur de ce donné, comme le souligne RW (p. 112-113), qu'il fait jouer les ressources de la raison pour mettre en lumière l'étonnante cohérence de ce donné, sa logique interne, Yakolouthia qui la commande (p. 32-34).

RW aide le lecteur à entrer dans cette «logique supérieure» en l'éclairant sur un certain nombre de concepts clés (ousia, phusis, hypostasis, prosôpon, dunamis, energeia, pathos, oikonomia, salut : p. 47-56 ; 75-76 ; 80). À propos de la distinction fondamentale entre le créé et l'incréé, il signale (p. 35) le tableau dans lequel D. L. Balas (Rome 1966) repré­sente la hiérarchie des êtres selon Grégoire : au sommet figure la distinction Incréé — Créé, puis apparaît en descendant la distinction entre l'Intelligible et le Sensible, ce der­nier se subdivisant à son tour, pour aboutir, en bas de l'échelle, à l'Inanimé. — Mais le DC fait jouer une autre distinction. Il oppose le créé, sujet au changement, et l'incréé réputé immuable. La distinction rend possible une théologie d'«un mouvement toujours [tendu] vers le mieux être et le plus-être» (p. 38), dans la perspective de «l'épectase» gré­gorienne, que RW évoque à juste titre, en soulignant le fait que le «mouvement» en ques­tion ne s'arrête jamais (p. 37-39 ; 42-44 ; 72-73). — Il est à noter par ailleurs que, dans Y Homélie VI sur le Cantique des Cantiques, Grégoire met sous nos yeux une division de la «nature des êtres» qui pourrait faire penser au tableau de Balas (p. 35). Mais Grégoire procède autrement. Il distingue d'abord le sensible, entièrement borné, et l'intelligible, qui ne connaît ni fin ni limite. C'est dans un second temps qu'il introduit, à l'intérieur de l'in­telligible, la distinction entre Y Incréé créateur et le créé tourné vers le créateur. La marque de l'infini caractérise ici l'homme lui aussi dans sa partie «intelligible», dont le désir est mis en relation avec un Incréé qui ne lui oppose aucune limite. Nous aurions là un état plus évolué de la pensée de Grégoire. Cela pourrait constituer un petit indice de

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plus en faveur d'une datation «haute» du DC. — Bien d'autres questions et bien d'autres découvertes attendent le lecteur qui prendra la peine de se plonger dans l'œuvre passion­nante que RW vient de mettre à notre portée. — L'ouvrage se termine par quatre index : scripturaire, des auteurs et personnages anciens, des principaux mots-clés, et des thèmes.

Joseph WOUNSKI

Zacharias K. XÈNTARAS (Éd.)» Γερμανού Β' Κυριαχοδρομιον ђ 1 Πατριαρχικον όμιλιάριον Β' κατά τους εν Παρισίοις κώδικας. Κριτική εκδοσις. — Ροές, Athènes 1999. 24 χ 17. 22 p. non numérotées - 308 p.

Il s'agit ici de l'édition d'une forme de rhomiliaire patriarcal, pour Ehrhard, avec 57 homélies pour les dimanches de l'année et quelques fêtes. Dans sa brève introduction, Z. Xèntaras propose d'attribuer rhomiliaire B, comme du reste rhomiliaire A et rhomi­liaire Italo-grec, au patriarche Germain II de Constantinople, renvoyant pour les preuves à deux communications qu'il a présentées au Ѵ (1986) et au Ѵ Congrès International des Études Byzantines. L'examen de la riche tradition manuscrite, tel qu'il est présenté aux pages <6> et <7>, laisse pourtant dans l'incertitude : dans un grand nombre de témoins, rhomiliaire est anonyme ; par ailleurs, on trouve, outre le nom de Germain, celui de Jean IX Agapètos (1111-1134), Jean І Glykys (1315-1319), Philothée Kokkinos (1353-1354 ; 1364-1376), Jean XIV Calécas (1334-1347). Le contenu de la collection dans cette édition diffère sur un point de celui qu'avait décrit Ehrhard : la onzième homélie selon Ehrhard, pour le dimanche des Rameaux, n'ayant pas été jugée authentique, a été rejetée, ce qui crée un décalage d'une unité. Il existe plus de 120 manuscrits qui transmettent cet homiliaire (voir la liste donnée aux pages 298-303 : le plus ancien témoin serait un ms. de Messine, datable des 13e-14e s.), sans compter les traduc­tions slavonnes (dont le plus ancien témoin daté est de 1343). L'édition utilise une dou­zaine de manuscrits parisiens. Les variantes par rapport au texte retenu sont signalées dans un bref apparat critique, à part de l'édition (p. 264-291). Les principales citations scriptu-raires, imprimées en gras dans le texte, sont identifiées dans un appendice (p. 292-297) ; mais les citations non explicites et les allusions n'ont pas retenu l'attention. Dans ces homélies, la part de la compilation est importante, et l'éditeur, dans sa préface, signale des emprunts massifs à Jean Chrysostome et à Théophylacté de Bulgarie, ainsi que d'autres, plus rares, à Jean Climaque et à Maxime le Confesseur; mais dans l'édition, aucune source n'est signalée. Tel qu'il est, sans prétention érudite ni critique, ce travail, qui met en circulation un texte très diffusé à la fin de l'époque byzantine, peut rendre service.

Bernard FLUSIN.

Dèmètrès G. APOSTOLOPOULOS ET , Θεσμοί και ιδεολογία στή νεοελληνική κοινωνία, 15ος- 19ος αι. Πρώτος απολογισμός ενός ερευνητικού προγράμματος (Κέντρο Νεοελληνικών 'Ερευνών). — Εθνικό "Ιδρυμα 'Ερευνών, Athènes 2000. 23 χ 15. 98 ρ.

Ce fascicule, rédigé à l'occasion d'une série de conférences organisées par le Centre National de la Recherche Scientifique en Grèce (Athènes), décrit l'activité déployée au sein d'un programme de recherche instauré en 1978 et remanié en 1980. Entre autres objets d'étude, ce programme s'attache à décrire les institutions mises en place dans la période post-byzantine, ainsi qu'à examiner les Actes émis par le patriarcat de Constantinople pour la même époque, depuis les cinq premières décennies de l'occupation ottomane.

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Polymnia ATHANASIADÈ, 'Ιουλιανός. Μία βιογραφία. — Μορφωτικό "Ιδρυμα 'Εθνικής Τραπέζης, Athènes 2001. 24 χ 17 ; relié. 354 p., 15 pi.

L'empereur Julien apparaît comme une figure mythique dans ce 4e siècle qui marque le passage définitif du monde païen à la civilisation chrétienne. Son règne constitue un der­nier arrêt dans le processus de la transformation. L'auteur exprime son admiration pour cette personnalité riche et originale, qui a laissé dans ses nombreux écrits la trace de ses idées et de ses convictions. Le présent ouvrage, plus que la simple traduction grecque d'un ouvrage paru auparavant en anglais, reflète la méditation d'une vie : un premier essai remonte à une thèse de 1976 (An emperor and Hellenism : studies in the thought and action of the Emperor Julian), qui devint en 1981 un ouvrage (Julian and Hellenism : an Intellectual Biography : recension dans la REB 42, 1984, p. 314), réédité en 1992.

Michel BALARD, Croisades et Orient latin (xf-xiv* siècles) (Collection U). — Armand Colin, Paris 2001. 24 χ 16. 272 p.

L'auteur s'efforce de donner une présentation claire et équilibrée des croisades, dont le concept et le développement ont cristallisé les fantasmes des historiens. Après un tableau chronologique dans lequel sont relevés les divers événements qui ont jalonné leur succes­sion de 1054 à 1683, l'historique des croisades est retracé à travers six chapitres, dont voici les titres : Orient et Occident à la fin du 1 Ie siècle, L'appel de Clermont et les ori­gines de la croisade, La Première Croisade, Les États francs de Syrie-Palestine au 12e siècle (Edesse, Antioche, Tripoli), Le royaume latin de Jérusalem au 12e siècle, Le film des croisades. Les quatre derniers chapitres constituent des coupes thématiques: L'Islam et les croisades, L'Italie et les croisades, Les États latins au 13e siècle, Déviations et critique de la croisade. À la fin de l'ouvrage, on trouvera une bibliographie détaillée, alors que le texte des chapitres est à pleine page et dépourvu d'annotation. Suit un double index historique et géographique. L'ouvrage se recommande par sa clarté typographique et une abondante illustration de cartes, d'itinéraires, de plans et de tableaux généalo­giques.

B. BORKOPP & Th. STEPPAN (Ed.), ΛΙΘΟΣΤΡΩΤΟΝ. Studien zur byzantinischen Kunst und Geschichte. Festschrift fiir Marceli Restie. — Anton Hiersemann, Stuttgart 2000. 27 χ 20. 353 p., illustrations en noir et blanc accompagnant les articles.

Ces Mélanges, publiés en l'honneur de l'éminent byzantinologue allemand, compor­tent vingt-neuf articles hétérogènes, dus à ses collègues et élèves. Ils sont précédés de la bibliographie de Marceli Restie et suivis d'un index des lieux, monuments et personnages qui figurent dans le texte.

Luciano CANFORA, Il Fozio ritrovato. Juan de Mariana e André Schott, con l'in­edita Epitome della Biblioteca di Fozio ed una raccolta di documenti a cura di Giuseppe SOLARO. Appendici di Renata RONCALI, Niccolò ZORZI, Margherita LOSACCO, Luciano CANFORA (Paradosis 4). — Edizioni Dedalo, Bari 2001. 20 χ 14. 473 p. (dont 16 pi.). Prix : 60 000 LI.

L'a. aborde une question qui lui est chère, la destinée de la Myriobiblos (Bibliotheca) de Photius et, de façon plus générale, la réception de Photius en Occident (v. c.r. in REB 58, 2000, p. 287-288). L'a. s'attache précisément à la question de «Fozio nel Cinquecento», à partir de sa lecture par Hurtado de Mendoza jusqu'à son édition princeps. Cet ouvrage, d'un grand intérêt, est accompagné de l'édition de plusieurs documents contemporains par G. Solaro, et de plusieurs annexes. En voici les titres : App. 1 : I romanzi greci di Hurtado ; App. 2 : Il codice «strozziano» della Biblioteca di Fozio ;

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BIBLIOGRAPHIE 295

App. 3 : Per la storia d&ÌT editto princeps della Biblioteca : il Vat. Pal. Gr. 421-422 ; App. 4 : La lettera evanescente.

Gilbert DAGRON, Ή γέννηση μιας πρωτεύουσας. Ή Κωνσταντινούπολη καί οι θεσμοί της άπο το 330 ώς το 451. Μετάφραση : Μαρίνα Λουκάκη. — Μορφωτικό "Ιδρυμα 'Εθνικής Τραπέζης, Athènes 2000. 24 χ 17 ; relié. 675 ρ.

L'ouvrage de G. Dagron sur la fondation de Constantinople {Naissance d'une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451, Paris 1974, 2e édition en 1984) est devenu un classique pour l'étude de l'Antiquité tardive et de l'Empire byzantin. La traduction grecque de Marina Loukaki le met à la portée d'un public plus large et permet sa diffusion et sa lecture dans son domaine géographique propre et chez les lointains héritiers de Byzance.

L'architecture générale de l'ouvrage, qui se divise en cinq grandes parties (La ville impériale, Sénat et sénateurs, La préfecture de la ville, Le peuple de la capitale, L'Église de Constantinople), n'est pas modifiée dans la version grecque ; comme l'auteur l'an­nonce dans son avant-propos, seules quelques corrections ou additions ont été apportées concernant les éditions de textes ou les études les plus importantes parues sur le sujet durant ce quart de siècle.

Hans EIDENAIER, Ulrich MOENNIG, Νότης ΤΟΥΦΕΞΉΣ, θεωρία και Πράξη των εκδόσεων της υστεροβυζαντινής αναγεννησιακής και μεταβυζαντινής δημώδους γραμματείας. Πρακτικά του Διεθνούς Συνεδρίου Neograeca Medii JEvi IVa, Αμβούργο 28-31. 1. 1999 (Συμβολές στις επιστήμες του ανθρώπου Φιλολογία). — Πανεπιστημιακές Εκδόσεις Κρήτης, Ηράκλειο 2001. 24x16,5. 304 ρ.

Ainsi que le signalent les éditeurs, p. 8, il s'agit des Actes d'un Συμποσιόπουλο dont le but était de mieux préparer le Congrès Neograeca Medii ѵі V d'Oxford (15-17. 9. 2000). Cette rencontre a été organisée dans le but d'étudier l'ecdotique des textes relevant de la littérature grecque populaire pour la période qui va de la fin de Byzance jusqu'à celle qu'on appelle «post-Byzance». La transmission de cette littérature pose fréquem­ment des problèmes, dont plusieurs ont été étudiés lors de cette rencontre : l'usage de la koinè, mais aussi de différents dialectes ; la reconstitution de l'original, rendue plus diffi­cile à cause du passage du manuscrit à l'imprimé... Pour cette raison, la première commu­nication, faite par A. van Gemert, touchait précisément aux possibilités, mais aussi aux limites, que présente la reconstitution critique de ces textes.

Liliane ENNABLI, La basilique de Carthagenna et le locus des sept moines de Gaf sa. Nouveaux édifices chrétiens de Carthage (Etudes d'Antiquités afri­caines).— CNRS Éditions, Paris 2000. 2 8 x 2 2 . 150 p.

L'étude présente deux lieux de culte chrétiens de la ville de Carthage. Le premier monument, qui est situé au sud de la ville, est appelé ici la basilique de Carthagenna, conformément à la graphie ancienne du toponyme. Au niveau inférieur, on a mis au jour un monument à colonnes, qui, construit vers la fin du 4e siècle, servait au culte. A l'époque byzantine, il fut transformé en une basilique, qui, bâtie au-dessus (à un niveau supérieur de 1,20 m), avait des dimensions imposantes (36 χ 25 m) et possédait cinq nefs et une contre-abside. Ce lieu de culte fonctionnait encore au 7e siècle à la veille de l'inva­sion arabe. Quant au locus des sept moines de Gafsa, ainsi dénommé d'après l'inscription pavimentale qui y fot découverte («locus sanctoram septem fratrum»), il fot bâti sur une maison romaine du 1er siècle ; l'édifice fut ensuite englobé dans le monastère de Bigua et

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converti au 7e siècle en un complexe agricole arabe. De nombreux fragments de mosaïques ont été recueillis dans chacun des deux monuments.

Albert PAILLER (Ed.), La Version brève des Relations historiques de Georges Pachymérès. I, Livres I-VI. Édition du texte grec et Commentaire par Albert FAILLER (Archives de l'Orient chrétien 17). — Institut français d'Études byzantines (Diffusion De Boccard), Paris 2001. 25 χ 16. xvi-302 p. Prix : 55 €.

Un siècle après sa rédaction, l'Histoire de Georges Pachymérès, qui couvre le règne de Michel VIII Palaiologos (1258-1282) et la première partie du règne d'Andronic II Palaiologos (1282-1307), connut une seconde mouture. La nouvelle version avait pour but de fournir un texte à la fois plus bref et plus simple. Celui-ci est intégralement conservé dans deux manuscrits du 16e siècle.

Le premier volume contient les Livres I-VI, qui relatent le règne de Michel VIII. Tantôt l'abréviateur reprend des pans entiers de son modèle, en se contentant de suppri­mer des passages qui lui semblent moins essentiels et en évitant les formules qui lui paraissent obscures ou recherchées ; tantôt il omet purement et simplement des para­graphes entiers. Au total, il reprend cependant la substance de l'original, qu'il réduit approximativement aux deux tiers de son volume. Pour que le lecteur puisse faire la diffé­rence, au premier coup d'oeil, entre le texte repris littéralement du modèle et les change­ments introduits par l'abréviateur, le texte est imprimé en caractères ordinaires pour les passages qui ne sont qu'une reproduction littérale de l'original, en caractères gras pour les fragments qui sont dus à la plume de l'abréviateur lui-même, qu'il s'agisse de simples désinences, de mots entiers ou de longs morceaux. Dans le commentaire (p. 203-302), qui suit l'édition du texte, sont relevées et analysées les différences qui séparent les deux moutures du texte.

Mihai FRĂŢUĂ, L'itinéraire baptismal de la pureté. Aspects de purifications dans le rituel de baptême de la tradition byzantine (Colecţia Intellectus Fidei). — Editura Viata Crestina, Cluj-Napoca 2001. 20 χ 14,5. 166 p.

Première esquisse d'une étude en cours, ce Mémoire de maîtrise, présenté en juin 2000 à l'Institut supérieur de liturgie de l'Institut Catholique de Paris, aborde le rituel byzantin du baptême sous l'angle des rites de la purification. Mais l'auteur ne se propose pas d'analyser, dans sa littéralité, le texte du rituel tel qu'il figure, par exemple, dans le Barberinianus 336, ni d'exposer les conditions historico-culturelles de sa genèse. Il s'inté­resse plutôt à l'aspect socio-culturel, philosophique ou théologique que revêtent, dans la cérémonie du baptême, les divers rites qui marquent la purification du catéchumène. Un rapprochement avec la vêture monastique, qui, dans la tradition de l'Orient, est considérée comme un second baptême, pourrait enrichir la perception du sacrement de l'initiation chrétienne.

Gilles GRTVAUD (Éd.), Les mishellénismes. Actes du séminaire organisé à l'École française d'Athènes (16-18 mars 1998) (Champs helléniques modernes et contemporains 3). — École Française d'Athènes, Athènes 2001 (diffusion De Boccard, Paris). 24 χ 18,5. 151 p., 4 planches.

Du 16 au 18 mars 1998, un séminaire à l'École Française d'Athènes a rassemblé divers chercheurs sur le thème des mishellénismes. Ce terme, calqué sur philhellénisme, est d'in­vention récente (1892) mais la réalité qu'il exprime est, elle, très ancienne et très diverse. Le pluriel s'impose car les sentiments que ce terme recouvre vont de la déception d'éru-dits constatant que la réalité grecque de leur temps ne correspond pas à l'idéal grec

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antique, à la rivalité des nationalistes turcs du début du siècle niant — ou plutôt revendi­quant — cet idéal antique, en passant par toutes les variations anti-byzantines du catholi­cisme occidental ou par le simple refus de l'Autre quand il se veut à la fois semblable et différent.

Les études ici réunies traitent du mishellénisme dans la littérature de la Renaissance (Edith Karagiannis-Mazeaud, Sarga Moussa), de plusieurs érudits mishellènes (Paschalis M. Kirtomilides, Georgios Tolias), de l'anti-philhellénisme durant la guerre d'indépen­dance (L. Droulia), du mishellénisme de quelques artistes et écrivains du 19e s. (Roland Van der Hoeven, Christine Peltre, Jacques Huré), de la construction historiographique turque contre la Grèce (Emile Copeaux), de plusieurs cas particuliers (Sophie Basch, Marie-Paule Masson-Vincourt).

Ce qui peut intéresser les byzantinistes, c'est la persistance de clichés anti-grecs que l'on retrouve depuis les croisades jusqu'à nos jours, et qui expriment principalement le rejet de Γ alterità.

Petre GURAN (Éd.), L'empereur hagiographe. Culte des saints et monarchie byzantine et post-byzantine. Actes des colloques internationaux «L'empereur hagiographe» (13-14 mars 2000) et «Reliques et miracles» (1-2 novembre 2000) tenus au New Europe College. Textes réunis et présentés par Petre GURAN avec la collaboration de Bernard FLUSIN (New Europe College -Institut d'études avancées & Institut des Études Sud-Est Européennes de l'Académie Roumaine - Revue des Études Sud-Est Européennes). — Bucarest 2001. 20,5 χ 14, 5. 375 p.

Les thèmes de la sacralisation du pouvoir et de l'utilisation du saint ou des reliques dans la propagande du pouvoir sont riches de résonances diverses, d'abord dans le monde byzantin, ensuite dans l'orthodoxie gréco-byzantine et slave qui en a hérité. Les forces politiques ou sociales utilisent au mieux cette idéologie, qui sert à dynamiser leurs intérêts plus qu'à servir le culte divin. Le titre de l'ouvrage et les thèmes des communications illustrent bien l'essence et la diversité de cette idée force.

Les réflexions sont ordonnées autour de quelques personnages. De l'empereur de Constantinople d'abord, dans les communications de B. Flusin (L'empereur hagiographe. Remarques sur le rôle des premiers empereurs macédoniens dans le culte des saints, p. 29-54) et de P. Guran (Jean VI Cantacuzène, l'hésychasme et l'empire. Les miniatures du codex Parisinus graecus 1242, p. 73-121). Du roi de Géorgie ensuite, qui envoie le moine Jean l'Ibère et son fils Euthyme à l'Athos (D. Năstase, Le monastère athonite des Ibères et l'Espagne, p. 55-60), ou du tsar de Serbie, qui s'inspire du modèle byzantin (B. I. Bojović, Une monarchie hagiographique. La théologie du pouvoir dans la Serbie médiévale, 12e-15e siècles, p. 61-72). Le reste des communications porte sur les réalités post-byzantines telles qu'elles sont vécues en Roumanie (exposés de P. Ş. Năsturel, M. Cazacu, P. Cernovodeanu) et, en particulier, sur l'image de l'homme saint dans le modèle post­byzantin en Roumanie (exposés de O. Cristea, R. G. Păun, V. Barbu, D. I. Mureşan, A. Pippidi). Le volume est clos par deux articles qui sont sans rapport avec ces thèmes : le premier porte sur la postérité tardive des Cantacuzène en Serbie et en Roumanie (par J.-M. Cantacuzène et M. Cazacu) et le second sur la critique du pèlerinage chez Erasme (par A. Godin).

Robert H. HEWSEN, Armenia. A Historical Attos. Cartographer-in-Chief : Christopher . SALVATCCO. — The University of Chicago Press, Chicago et Londres 2001. 28 χ 44 ; relié, ѵ -341 p. Prix : 150 $ / 94.50 £.

Toute l'histoire de l'Arménie, depuis sa conversion au christianisme en l'année 301 jusqu'au terrible génocide de 1915, est déroulée dans un livre magnifiquement présenté. Le format à l'italienne permet un meilleur déploiement de la cartographie, à laquelle la

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polychromie, habilement appliquée, donne un attrait particulier. De même, la couleur rouge relève les titres et les fait ressortir de manière plus limpide à travers un texte dis­posé sur trois colonnes. La présentation est luxueuse, la mise en page élégante. L'ouvrage ne contient pas moins de 278 cartes, dont les plus développées et les plus importantes sont judicieusement placées en belle page.

L'introduction (p. 1-19) contient, après une présentation des intentions de l'auteur, une partie historique, traitant d'évolution et de périodisation, puis une partie géographique. L'atlas est divisé en cinq grandes sections, qui s'ouvrent chacune sur une chronologie détaillée de la période : Arménie ancienne (jusqu'à la fin du 4e s.), Arménie médiévale (5M5e s.), Début de l'Arménie moderne (16e S.-1878), Arménie moderne (1878-1920), Arménie contemporaine (1920-2001). L'année 2001 marque précisément le 17e centenaire de la conversion de l'Arménie au christianisme (301). L'ouvrage est clos par une riche bibliographie (p. 291-312), suivie d'un index des toponymes portés sur les cartes (p. 313-331) et d'un index des noms propres et des matières du texte (p. 332-341).

Contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire, le texte n'est pas un pâle accom­pagnement ou une brève description des cartes : la surface du texte est bien plus impor­tante que celle des cartes, qui en sont simplement une éloquente illustration. Le nouvel atlas de l'Arménie constituera un précieux instrument de consultation et de référence.

Catherine JOUVET-LÉVY, La Cappadoce médiévale. Images et spiritualité. Photographies de Claude SAUVAGEOT (Les formes de la nuit 15). — Éditions Zodiaque (Diffusion/Distribution : Desclée de Brouwer), Paris 2002. 30 χ 23 ; relié. 404 p., 132 illustrations en couleur ou en noir et blanc. Prix : 75,46 €.

La région de Cappadoce, bien connue en raison de ses paysages remarquables et des décors de ses nombreuses églises, est présentée au grand public dans ce livre somptueux. L'auteur est un des meilleurs connaisseurs de la région. Après un aperçu général des églises et de leur décor, elle passe aux données, peu nombreuses, fournies par les inscrip­tions et les représentations des donateurs et des fondateurs. Ensuite elle présente les absides, sujet de son livre antérieur sur ces monuments {Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l'abside et de ses abords, Paris 1991, avec des observations supplémentaires sur le décor des coupoles). Elle traite enfin de l'icono­graphie des grandes étapes du salut et d'autres programmes, tels les cycles de la Vierge et des saints.

Les photographies de Claude Sauvageot, prises explicitement pour illustrer ce livre, sont bonnes pour le détail, mais malheureusement trop sombres pour donner une juste idée de la richesse des couleurs utilisées par les artistes.

Ernst KITZINGER, / mosaici del periodo normanno in Sicilia. VI, La cattedrale di Cefalu, la cattedrale di Palermo e il Museo diocesano, mosaici profani (Monumenti 6). — Istituto siciliano di studi bizantini e neoellenici, Palerme 2000. 33 χ 24,5. 56 p., 208 ill. sur feuilles volantes.

Il aura suffi de peu d'années (1992-2000) pour publier les six volumes consacrés aux mosaïques du 12e siècle de la Sicile ; celles-ci y sont reproduites avec soin et accompa­gnées d'une brève présentation. Après les mosaïques de la Chapelle palatine de Palerme (I- ) et celles du Duomo de Monreale (III-V), le reste est rassemblé dans ce sixième et dernier volume. Les mosaïques de la cathédrale de Cefalu (fig. 1-145) constituent le troi­sième ensemble important, bien qu'il ne puisse pas rivaliser avec les deux précédents. En fond d'abside se dresse le buste du Christ Pantokrator (fig. 1-2, 5-11), dont la sévérité semble encore accentuée par l'expression sereine de la Théotokos qui est placée au-des­sous (fig. 12-16). Une Vierge à l'Enfant (fig. 146-149) figure au-dessus du portail sud de la cathédrale de Palerme, qui est le fruit d'une réfection tardive et qui ne possède pas

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d'autres mosaïques ; le Musée diocésain abrite une Vierge en prière (fig. 150), qui appar­tenait probablement à l'ancienne cathédrale. Le reste est constitué de mosaïques profanes : scènes de chasse décorant la Salle de Roger II au Palais des Normands (fig. 151-189), fragments encastrés dans la Tour pisane du même Palais des Normands (fig. 190-204) et enfin quelques éléments du Palais de la Zisa, dont un panneau conservé en bon état (fig. 205-208).

Otto KREŞTEN, Die Beziehungen zwischen den Patriarchaten von Konstantinopel und Antiocheia unter Kallistos I. und Philotheos Kokkinos im Spiegel des Patriarchatsregisters von Konstantinopel (Akademie der Wissenschaften und der Literatur. Abhandlungen der Geistes- und sozialwissenschaftlichen Klasse. Jahrgang 2000, Nr. 6). — Akademie der Wissenschaften und der Literatur, Mainz - Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2000. 24 χ 17. 87 p.

Après la remise en place de divers folios du Vindob. hist. gr. 47, il devient possible d'attribuer une datation correcte à une série d'actes des patriarches Kallistos et Philothéos concernant leurs relations avec leur confrère le patriarche d'Antioche à propos du monas­tère des Hodègoi de Constantinople, qui était rattaché depuis longtemps au patriarcat d'Antioche. La recension de ces actes dans les Regestes de J. Darrouzès en 1977 était tri­butaire du mélange des folios dans le registre. Une fois résolu ce puzzle codicologique, il devient possible de mieux apprécier la date et la portée de certains actes. En voici la liste, le numéro d'ordre des Regestes étant mis en équivalence avec celui de la nouvelle édition {Das Register des Patriarchats von Konstantinopel ou PRK) : Regestes 2397 (été-automne 1356) = PRK 239 (1361-1362), 2415 (1359-1361) = 251 (entre mai 1359 et décembre 1360), 2416 (1359-1361) = 249 (entre mai 1359 et décembre 1360), 2668 (janvier 1376) = 255 (même date), 2669 (janvier 1376) = 256 (même date), 2385 (décembre 1355) = 265 (décembre 1362), 2483 (mars-juin 1365) = 286 (même date), 2570 (février 1370) = 339 (même date).

Bojana KRSMANOVIĆ, The Rise of Byzantine Military Aristocracy in the I lth Century (Studies n° 24). — Institute for Byzantine Studies, Serbian Academy of Sciences and Arts, Belgrade 2001. 24 χ 17. 339 p.

L'ouvrage est en langue serbe ; on s'est contenté ici d'en donner le titre parallèle anglais. Il traite de l'émergence de l'aristocratie militaire byzantine au cours du 1 Ie siècle. L'auteur montre comment les nouvelles familles aristocratiques promues sous le règne de Basile II (976-1025) montent progressivement en puissance et s'emparent du pouvoir impérial. Après plusieurs règnes troublés et fragiles, la famille des Komnènoi prendra brièvement le pouvoir une première fois, en la personne d'Isaac Ier (1057-1059), mais elle ne s'y installera durablement qu'avec l'accession d'Alexis Ier à l'empire en 1081 : le nou­vel empereur jouira d'ailleurs de l'appui de la dynastie précédente des Doukai, qui gar­dera une part du pouvoir à travers l'impératrice Irène Doukaina.

Teresa MARTINEZ MANZANO, Constantino Lascaris sembianza de un humanista bizantino (Nueva Roma 7). — Consejo superior de investigaciones cientifï-cas, Madrid 1998. 23 χ 15. XII-244 p. + 13 pi.

L'auteur présente une monographie particulièrement réussie sur Constantin Lascaris, qu'elle situe à bon droit à mi-chemin entre une tradition nettement byzantine et une autre, qui le conduit loin de Constantinople. Sa documentation reprend pour l'essentiel celle qui a lui a permis de rédiger sa thèse : Konstantinos Laskaris Humanist, Philologe, Lehrer, Kopist, publiée à Hambourg en 1994 (er. in REB 54, 1996, p. 302-303).

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Eric MCGEER (Trad.), The Land Legislation of the Macedonian Emperors, trans­lated, with an introduction and notes by Eric MCGEER (Mediaeval Sources in Translation 38). — Pontifical Institute of Mediaeval Studies, Toronto 2000. 23x15. xiv-146p.

La législation des Macédoniens qui se compose del4 documents, dont trois lyseis, publiés depuis le règne de Léon VI jusqu'à celui de Basile II, a longtemps constitué le fondement des études sur les structures agraires médiobyzantines, avec les travaux, notamment, de P. Lemerle et plus récemment de M. Kaplan. E. McGeer offre la première traduction anglaise de ces textes fondée sur l'édition posthume de N. Svoronos. Le com­mentaire, les notes appuyées sur la bibliographie la plus récente, aideront fort utilement les étudiants à se familiariser avec des documents de premier ordre dont la portée et l'in­terprétation font encore débat parmi les spécialistes.

Medioevo greco. Rivista di storia e filologia bizantina. Numero «zero» (2000). — Edizioni dell'Orso (via Rattazzi 47 - I 15100 Alessandria), Alessandria 2000. 24 χ 17. 207 p. Parallèlement à une collection d'ouvrages (Hellenica. Testi e strumenti di letteratura

greca antica, medievale e umanistica. 7 volumes parus), l'Université de Turin lance une nouvelle revue d'histoire et de philologie byzantines, dont la direction est assurée par G. Cortassa, M. Gallina et E. V. Maltese. Voici la table des matières de ce tome préliminaire : — C. Billò, Manuele Crisolora, Confronto tra l'Antica e la Nuova Roma. — S. Borsari, La chiesa di San Marco a Negroponte. — L. Bossina, La bestia e l'enigma. Tradizione classica e cristiana in Niceta Coniata. — F. Ciccolella, Basil I and the Jews : two poems of the ninth century. — W. Haberstumpf, Due dinastie occidentali nell'Oriente franco-greco : la Morea tra gli

Angioini e i Savoia (1295-1334). — I. A. Liverani, In margine agli autografi eustaziani : a proposito della grafia οΰτω/οΰ-

τως. — E. Nardi, Bella come luna, fulgida come il sole : un appunto sulla donna nei testi bizan­

tini dell'xi e xn secolo. — A. Nicolotti, Sul metodo per lo studio dei testi liturgici. In margine alla liturgia euca­

ristica bizantina. — A. Rigo, Ancora sulle Vitae di Romylos di Vidin (BHG 2383 e 2384). — M. Scorsone, Gli "Ερωτες θείοι di Simeone il Nuovo Teologo : ermeneutica di un'inti­

tolazione apocrifa. — A. Tessier, Docmi in epoca paleologa ? — F. Tissoni, Note critiche ed esegetiche ai canti 28-34 delle Dionisiache di Nonno di

Panopoli.

Helene METREVEU (Ed.), Sancii Gregorii Nazianzeni Opera. Versio iberica. Ili, Oratio XXXVIII. Edita a Helene METREVELI et Ketevan BEZARACHVHJ, Tsiala KouRTsncrozE, Nino MELIKICHVHJ, Thamar OTHKHMEZOURI, Maia RAPHAVA (Corpus Christianorum. Series Graeca 45 - Corpus Nazianzenum 12). — Brepols-University Press, Turnhout-Leuven 2001. 25 χ 16. xv-219 p.

Le Discours 38 de Grégoire de Nazianze (PG 36, col. 312-333 ; SC 358, p. 104-149), prononcé en 379 ou 380, porte indifféremment les deux titres que l'auteur lui-même attri­bue à la fête dans le chapitre 3 : Τα... Θεοφάνια..., ε'ίτουν Γενέθλια {In Theophania ou In Nativitatem). Le volume contient toutes les versions géorgiennes de ce discours : une ver­sion du 9e siècle due à des traducteurs anonymes et insérée dans deux mravalt'avi géor­giens (p. 2-45), un dernier court fragment conservé également dans deux mravalt'avi

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(p. 46-49), puis les deux versions complètes des 10e-!Ie siècles dues respectivement à Euthyme l'Athonite et Éphrem Mtsiré (p. 50-119). La seconde partie du volume (p. 121-219) contient un commentaire du Discours 38, qui a été traduit également par Euthyme l'Athonite, mais dont le modèle grec n'est pas connu ; le texte contient de larges extraits des Ambigua ad Iohannem de Maxime le Confesseur.

Fausto MONTANA, L'Athenaion Politela di Aristotele negli Scholia vetera ad Aristofane (Biblioteca di Studi Antichi 80). — Istituti editoriali e poligrafici internazionali, Pisa-Roma 1996. 25 χ 17. 312 p.

Peu de vestiges ont survécu du vaste projet formé par Aristote qui visait à étudier l'en­semble des constitutions des cités antiques. Par un heureux hasard, F.W. Kenyon décou­vrit la Constitution d'Athènes ('Αθηναίων Πολιτεία), dans deux papyrus {P. Berol. Inv. N. 5009 et P. Lond. Brit. Libr. 131), et édité en 1891. Heureusement pour la tradition tex­tuelle, de nombreuses références aux Politeiai figurent dans les sources littéraires, gram­maticales, lexicographiques, paroemiographiques ou autres, qui permettent une meilleure connaissance de l'œuvre. D'après son recensement de ces sources,V. Rose avait très exac­tement décompté 233 passages se rapportant aux Politeiai, dont 91 portaient, de façon plus précise, sur la Constitution d'Athènes ; depuis l'édition de Kenyon et des études ulté­rieures, ces chiffres ont été augmentés. Comme le signale l'a. (p. 16), sur les 190 extraits des Politeiai cités dans la littérature grecque, la lexicographie se taille, avec un pourcen­tage de 66%, la part du lion (116 citations, dont 66 pour la Constitution d'Athènes) ; vien­nent pour 31% environ la scholiographie et l'exégèse littéraire byzantine, avec 59 cita­tions, dont 17 pour la Constitution d'Athènes. Parmi les attestations scholiographiques, une part importante, 10% environ dû chiffre total, correspond aux scholies d'Aristophane (18 citations explicites, dont 13 pour la Constitution d'Athènes). En fait, Aristote est parmi les auteurs classiques (les poètes exceptés) les plus fréquemment cités dans les scholies d'Aristophane. Ce constat a poussé l'a. à étudier (p. 11-86) et à éditer, avec un commentaire particulièrement fourni (p. 107-301), les scholies anciennes d'Aristophane se rapportant à la Constitution d'Athènes.

Françoise PRÉVÔT (Ed.), Românite et cité chrétienne. Permanences et mutations, intégration et exclusion du fr au vf siècle. Mélanges en l'honneur d'Yvette Duval. Publié avec le concours du centre Jean-Charles Picard de l'Université Paris XII (De l'archéologie à l'histoire). — De Boccard, Paris 2000. 24 χ 16. 445 p.

La plupart des contributions s'articulent autour des travaux de la dédicataire, dont la thèse, parue en 1982, traitait du culte des martyrs en Afrique du 4e au 7e siècle. Tous les exposés portent sur l'Antiquité tardive sous la double facette de la permanence de la cul­ture ancienne et de l'établissement progressif de la cité chrétienne.

Dans un ouvrage dédié avant tout à l'Occident, seuls quelques exposés intéressent le monde byzantin de manière spécifique : — F. Paschoud (p. 55-63) traite de l'histoire du fils du roi barbare réclamé en otage telle

qu'elle est rapportée par Eunape et Pierre le Patrice (d'après les Excerpta de legationi-bus gentium ad Romanos conservés par Constantin Porphyrogénète) et par Zosime.

— J. Fontaine (p. 91-100) présente quelques observations sur une inscription byzantine de Carthagène relative au général byzantin Komentiolos (589).

— W. H. C. Frend (p. 319-333) montre comment le culte des saints byzantins a coexisté dans l'Afrique byzantine avec celui des saints locaux. Mentionnons encore les contributions de M. Sartre sur les évêques de Bostra et

d'Adraha (p. 289-292) et de A. Sartre-Fauriat sur quelques saints vénérés en Arabie (p. 295-314). Plusieurs questions d'iconographie et d'architecture chrétiennes sont égale­ment abordées : le péché des premiers parents dans l'art chrétien primitif (P. Robin), les

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302 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

mosaïques de Poreč (D. Milinović), les basiliques de Libère et de Sixte III à Sainte-Marie-Majeure de Rome (V. Saxer).

Diether Roderich REINSCH (Trad.), Anna Komnene. Alexias. Übersetzt, eingelei­tet und mit Anmerkungen versehen von Diether Roderich REINSCH. 2., um ein Vorwort von Diether Roderich REINSCH ergänzte Auflage (De Gruyter Texte). — De Gruyter, Berlin-New York 2001. 23x15,5. 607 p.

Dans l'introduction (p. 8-16), le traducteur présente YAlexiade, monument d'amour filial dressé par Anna Komnènè à la mémoire de son père, Alexis Ier Komnènos (1081-1118). L'historienne trace le portrait des grands acteurs politiques de la période et rap­porte, de manière personnelle et parfois émue, les divers épisodes de l'histoire intérieure du règne ; elle décrit le combat de son père contre les Normands ou les Seldjoukides, expose largement l'arrivée de la Première Croisade sur le Bosphore et rapporte les péripé­ties de la controverse philosophico-théologique autour de Jean Italos. La valeur de son témoignage vient de la qualité de ses sources, qui sont aussi bien les protagonistes eux-mêmes que les documents et les actes conservés dans les archives. Mais le récit personnel, loin de la chronique, est souvent partial, et tout n'est pas dit.

La traduction, dont une première édition est parue en 1996, est accompagnée d'une annotation qui n'ambitionne pas de constituer un commentaire du texte, mais qui contient seulement les notes minimales que requiert l'intelligence du récit: références pour les citations, identification des personnes et des lieux, renvoi aux manuels et aux ouvrages de référence (Regestes patriarcaux et Regesten impériaux par exemple). La traduction est faite sur l'édition qui paraîtra prochainement («in absehbarer Zeit») dans le nouveau Corpus des historiens byzantins, par les soins de A. Kambylis et D. Reinsch, et qui mar­quera quelques progrès sur l'édition précédente de B. Leib (І- , Paris 1937-1945), com­plétée par l'Index de P. Gautier (IV, Paris 1976).

Charalampos SOTIROPOULOS, La Mystagogie de saint Maxime le Confesseur. Introduction, texte critique, traduction française et grecque. — Athènes 2001 (Diffusion : chez l'auteur ou à La Procure - 3, rue de Mézières - 75006 Paris). 24 χ 17. 309 p. Prix : 24,39 € .

Publié d'abord en grec sous sa forme initiale de thèse en 1978 et en seconde édition en 1993, l'ouvrage vient de connaître une troisième mouture, en langue française cette fois. Le noyau est constitué par l'édition critique de la Mystagogie de Maxime le Confesseur, un traité important dont la structure et la signification continuent à poser nombre de pro­blèmes.

Dans une longue introduction (p. 11-99), l'auteur retrace rapidement la vie de Maxime, avant d'analyser les principales caractéristiques du traité et de décrire en détail la riche tradition manuscrite, qui comprend plus de trente manuscrits. Suit l'édition du texte. L'original est imprimé sur la page de gauche, qui contient également l'apparat critique et un ensemble de notes explicatives ; en face, sur la belle page, apparaît une double traduc­tion, en français d'abord, en grec moderne ensuite. Le volume est clos par un triple index : mots grecs, citations scripturaires, auteurs cités par Maxime, auteurs modernes.

Anna Maria TARAGNA, Logoi historias. Discorsi e lettere nella prima storiogra­fia retorica bizantina (Hellenica 7). — Edizioni dell'Orso, Alessandria 2000. 23 χ 15. 277 p. Prix : 34 000 LI.

L'auteur étudie les rapports entre la rhétorique et le récit historique tel qu'il est attesté à Byzance du 4e au 7e s., en prenant comme exemples, les Historiae de Procope de Cesaree (ca 260-ca 340), d'Agathias le Scolastique (ca 530-ca 580), de Théophylacte Simokattès (7e s.).

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BIBLIOGRAPHIE 303

Thomas WEIGEL, Le colonne del ciborio dell'altare maggiore di San Marco a Venezia. Nuovi argomenti a favore di una datazione in epoca protobizantina (Centro tedesco di studi veneziani, quaderno 54). — Venise 2002. 21 χ 15. 84 p., 38 illustrations en noir et blanc.

L'auteur, qui a fait une étude plus approfondie de ces colonnes dans sa thèse de docto­rat, soutenue en 1997 et inédite, s'intéresse au problème complexe de l'origine et de la datation des objets qui décorent l'église Saint-Marc de Venise. Beaucoup sont des spolia apportés de Constantinople par les Vénitiens à l'époque de la quatrième Croisade; d'autres sont des imitations de l'art byzantin exécutées au 13e siècle par les sculpteurs vénitiens. La date des sculptures de ces colonnes est controversée. Certains spécialistes les attribuent au 5e ou au 6e siècle ; d'autres acceptent leur origine byzantine. En tout cas, elles ont dû être aménagées, car les inscriptions qui les accompagnent sont en latin et ne correspondent pas toujours exactement au sujet représenté. L'examen minutieux que fait l'auteur des détails stylistiques lui permet d'opter pour leur origine byzantine et pour leur exécution avant 548. Il prône l'hypothèse que ces colonnes étaient à l'origine dans l'église de Γ Anastasis, fondée au 4e siècle.

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OUVRAGES REÇUS

Adam S. COHEN, The Uta Codex. Art, Philosophy, and Reform in Eleventh-Century Germany. — The Pennsylvania State University Press, University Park PN 2000. 28 χ 21,5 ; relié, xi-276 p., 16 pi. couleur.

Nikolaos A. DALDAS, Le Patriarche Œcuménique de Constantinople et le statut canonique de la «diaspora» orthodoxe de langue grecque - le cas de la France (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 6). — Éditions Épektasis, Katérini 2001. 21 χ 14; relié. 605 p.

Vasile DRĂGUŢ, L'art de l'époque Brâncoveanu. Texte de Vasile DRĂGUŢ, Photographies de Nicolae SĂNDULESCU. — Éditions Meridiane, Bucarest 1971. 26 χ 21 ; relié. 36 p., 126 illustrations.

Ion DUMITRIU-SNAGOV, Monumenta Romaniae Vaticana. Manoscritti -Documenti - Carte. Catalogo della Mostra. Salone Sistino (Biblioteca Apostolica Vaticana - Archivio Segreto Vaticano - Archiepiscopia Cattolica Bucarest). — Biblioteca Apostolica Vaticana, Vatican 1996. 2 9 x 2 1 . 271 p.

Géôrgios Ch. GKABARDINAS, Ή Πενθέκτη Οικουμενική Σύνοδος και τό νομοθετικό της έργο. Διδακτορική διατριβή (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 4). — Éditions Épektasis, Katérini 1998. 21 χ 14 ; relié. 327 p.

IDEM, Ή 'Αδελφότητα των Ρωσσικων Σκηνωμάτων (Κελλίων) του 'Αγίου "Ορους και τά Τυπικά Διοικήσεως της των ετών 1896 και 1907 (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 5). — Éditions Épektasis, Katérini 1999. 21 χ 14; relié. 114 p.

Sofia KOTZABASSI, Byzantinische Kommentatoren der aristotelischen Topik. Johannes Italos, Leon Magentinos ('Εταιρεία Βυζαντινών 'Ερευνών 17). — Εκδόσεις Βάνιας, Θεσσαλονίκη 1999. 23 χ 15. Χ­Ι 66 pp.

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306 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

Nikolaos Ch. MAGGIÔROS, Ο Μέγας Κωνσταντίνος και η δονατιστική έριδα. Συμβολή στη μελέτη των σχέσεων Εκκλησίας-Πολιτείας κατά την Κωνσταντίνεια περίοδο. — Εκδόσεις Βυζάντιον, Thessalonique 2001. 2 4 x 1 7 . 196 ρ.

L. Ε. NEAGLEY, Disciplined Exuberance : the Parish Church of Saint-Maclou and Late Gothic Architecture in Rouen. — The Pennsylvania State University Press, University Park PN 1998. $$ XIII-168 p., planches.

Πρακτικά ΙΣΤ' Πανελλήνιου Ιστορικού Συνεδρίου, 26-28 Μάιου 1996 (Ελληνική Ιστορική Εταιρεία). — Εκδόσεις Βάνιας, Thessalonique 1996. 24x16 . 555 ρ.

Grègorios D. PAPATHOMAS, Le Patriarcat œcuménique de Constantinople (y compris la Politela monastique du Mont Athos) dans VEurope unie (Approche nomocanonique) (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη Ι). — Editions Épektasis, Katérini 1998. 21 χ 14 ; relié. 941 p.

IDEM, L'Église autocéphale de Chypre dans VEurope unie (Approche nomocanonique) (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 2). — Éditions Epektasis, Katérini 1998. 21 χ 14 ; relié. 377 p.

IDEM, L'Église de Grèce dans l'Europe unie (Approche nomocanonique) (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 3). — Editions Epektasis, Katérini 1998. 21 χ 14 ; relié. 1001 p.

IDEM, Essai de bibliographie (ad hoc) pour l'étude des questions de l'au-tocéphalie, de l'autonomie et de la diaspora (Contribution bibliogra­phique à Γ étude des questions - Essai préliminaire) (Νομοκανονική Βιβλιοθήκη 7). — Éditions Épektasis, Katérini 2000. 21 χ 14 ; relié. 105 p.

Πέταλον. Συλλογή ιστορικού ύλικου περί της νήσου "Ανδρου, ύπο Δημητρίου Ι. Πολέμη, τεύχη 1, 1977 - 6, 1995.

Dèmètrios Ι. POLÉMÈS, Οι αφεντότοποι της "Ανδρου. Συμβολή εις τήν ερευναν των καταλοίπων των φεουδαλικών θεσμών εις τάς νήσους κατά τον δέκατον έκτον αιώνα (Πέταλον. Συλλογή ιστορικού ύλικου περί της νήσου "Ανδρου. Παράρτημα 2). •— Andros 1995. 24 x 17. 229 ρ.

Vladimir SOLOVIEV, Mahomet. Traduction et présentation de Bernard MARCHADIER. — Ad Solem, Genève 2001. 19,5 χ 12,5. 145 p.

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TABLE DES MATIÈRES

I. — ARTICLES

1. Bernadette MARTIN-HISARD, Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : La Vie de saint Grigol de Xancta. Deuxième partie : une mise en perspective historique 5

2. M. FEATHERSTONE, Opening scenes of the Second Iconoclasm: Nicephorus's Critique of the citations from Macarius Magnes 65

3. V. RUGGIERI, Constantinopoli vista da P. Giulo Mancinelli S. J. (1583-1585) 113

4. Isabelle AUGE, Convaincre ou contraindre : la politique religieuse des Comnènes à l'égard des Arméniens et des Syriaques Jacobites 133

5. A. FAILLER, La mission du moine Sophonias en Italie et le mariage de Michel IX Palaiologos 151

6. S. A. IVANOV, An Anonymous Byzantine Geographical Treatise 167 7. V. DÉROCHE, Note sur la Vie dyÉtienne le Jeune et sa chronologie

interne 179 8. C. ZUCKERMAN, Heraclius in 625 189

9. J. A. MUNITIZ, Anastasian Questions and Answers among the Sinai New Finds 199

10. A. FOTÍC, Le pyrgos de Kabalaréeos, alias pyrgos du roi Milutin 209 11. Marie-Thérèse LE LÉANNEC-BAVAVÉAS, Jean, logothète du drome au

11e siècle 215 12. A. FAILLER, Sur un passage douteux du Commentaire de Georges

Pachymérès au Parmenide de Platon 221

II. — BIBLIOGRAPHIE

ΑσΑΉ Maria Luisa, Giovanni Onorio da Maglie copista greco (1535-1563) 227

ALFEYEV Hilarion et NEYRAND L. (Éd.), Syméon le Studite, Discours Ascétique 228

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308 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

ANASTOS Milton V., Aspects of the Mind of Byzantium 229 APOSTOLOPOULOS Dèmètrès, 'Ανάγλυφα μιας τέχνης νομικής.

Βυζαντινό δίκαιο και μεταβυζαντινή «νομοθεσία» 230 APOSTOLOPOULOS Dèmètrès G. ET ALII, Θεσμοί και ιδεολογία στη

νεοελληνική κοινωνία, 15ος-19ος al. 293 ATHANASIADÈ Polymnia, Ιουλιανός. Μία βιογραφία 294 BALARD Michel, Croisades et Orient latin (xf-xiv* siècles) 294 BALLETTO Laura (Éd.), Liber Officii Provisionis Romanie (Genova, 1424-

1428) 230 BEIHAMMER Alexander Daniel, Nachrichten zum byzantinischen

Urkundenwesen 232 BORKOPP B. & Th. STEPPAN (Éd.), ΛΙΘΟΣΤΡΩΤΟΝ. Studien zur byzanti­

nischen Kunst und Geschiente. Festschrift für Marceli Restie 294 CANFORA Luciano, // Fozio ritrovato. Juan de Mariana e André Schott 294 CICCOLELLA Federica, Cinque poeti bizantini. Anacreontee dal

Barberiniano greco 310 232 CONGOURDEAU Marie-Hélène (Trad.), Théolepte de Philadelphie. Lettres

et Discours monastiques. Lettres de Théolepte à Eulogia traduites par un moine orthodoxe; Discours monastiques traduits par S. SALA VILLE, AA (t), et Marie-Hélène CONGOURDEAU 233

COUREAS Nicholas et SCHABEL Christopher (Éd.), The Cartulary of the Cathedral of Holy Wisdom of 234

DAGRON Gilbert, Ή γέννηση μιας πρωτεύουσας. Ή Κωνσταντινούπολη και οι Θεσμοί της άπο το 330 ως το 451. Μετάφραση : Μαρίνα Λουκάκη 295

D E DURAND Georges-Matthieu, Marc le Moine. Traités II. Introduction, texte critique, traduction, notes et index 235

DIERKENS Alain et SANSTERRE Jean-Marie (Éd.), Voyages et voyageurs à Byzance et en Occident du vř au xf siècle 236

Dumbarton Oaks Papers 54 237 EASTMOND Antony (Éd.), Eastern Approaches to Byzantium 238 EIDENAIER Hans, MOENNIG Ulrich, ΤΟΥΦΕΞΗΣ Νότης, Θεωρία και

Πράξη των εκδόσεων της υστεροβυζαντινής αναγεννησιακής και μεταβυζαντινής δημώδους γραμματείας 295

ENNABLI Liliane, La basilique de Carthagenna et le locus des sept moines de Gafsa. Nouveaux édifices chrétiens de Carthage 295

ÉVANGÉLATOU-NOTARA Florentia, Χορηγοί-Κτήτορες-Δωρητές σε σημειώματα κωδίκων 239

ѵ Pierre (Éd.), Isidore de Ρéluse. Lettres. Tome II: Lettres 1414 1700. Texte critique, traduction et notes 240

FAILLER Albert (Éd.), La Version brève des^ Relations historiques de Georges Pachymérès. I, Livres I-VI. Édition du texte grec et Commentaire par Albert FAILLER 296

FILANGIERI Riccardo (Éd.), / Registri della Cancelleria Angioina ricos­truiti da Riccardo FILANGIERI con la collaborazione degli Archivisti

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TABLE DES MATIÈRES 309

napoletani. Tome 45,1292-1293. A cura di Adriana SCALERÀ 241 Mihai FRĂŢILĂ, L'itinéraire baptismal de la pureté. Aspects de purifica­

tions dans le rituel de baptême de la tradition byzantine 296 GRAFFIN François, s.j. et CASSINGENA-TRÉVEDY François, o.s.b. (Éd.),

Éphrem de Nisibet Hymnes sur la Nativité 242 GRIERSON Philip, Catalogue of the byzantine Coins in the Dumbarton

Oaks Collection and in the Whittemore Collection. Vol. Five. Michael Vili to Constantine Xl (1258-1453) 243

GRIVAUD Gilles (Éd.)., Les mishellénismes 296 GRÜNBART Michael, Epistularum Byzantinarum Initia 244 GURAN Petre (Éd.), L'empereur hagiographe. Culte des saints et monar­

chie byzantine et post-byzantine 297 HÄGG Tomas and ROUSSEAU Philip (Éd.), with the assistance of H0GEL

Christian, Greek Biography and Panegyric in Late Antiquity 246 HEWSEN Robert H., Armenia. A Historical Atlas. Cartographer-in-Chief :

Christopher SALVATICO 297

HINTERBERGER Martin, Autobiographische Traditionen in Byzanz 247 JOLIVET-LÉVY Catherine, La Cappadoce médiévale. Images et spiri­

tualité. Photographies de Claude SAUVAGEOT 298 KAEGI Walter E., Jr. (Éd.), Byzantinische Forschungen. Internationale

Zeitschrift für Byzantinistik. Band XXVI 248 KAKLAMANÈS Stephanos (Éd.), Ένθύμησις Νικολάου Μ. Παναγιωτάκη.

Εκδοτική 'Επιτροπή : Στέφανος Κακλαμάνης, 'Αθανάσιος Μαρκόπουλος, Γιάννης Μαυρομάτης 248

KAPLAN Michel (Éd.), Le sacré et son inscription dans Γ espace à Byzance et en Occident. Études comparées 249

KIOURTZIAN Georges, Recueil des inscriptions grecques chrétiennes des Cyclades. De la fin du IHe au Vile siècle après J.-C. 250

KISLAS Théophile (Éd.), Nil Cabasilas, Sur le Saint-Esprit. Introduction, texte critique, traduction et notes par le Hiéromoine Théophile KISLAS 251

KITZINGER Ernst, / mosaici del periodo normanno in Sicilia. VI, La catte­drale di Cefalu, la cattedrale di Palermo e il Museo diocesano, mosaici profani 298

KREŞTEN Otto, Die Beziehungen zwischen den Patriarchaten von Konstantinopel und Antiocheia unter Kallistos I. und Philotheos Kokkinos im Spiegel des Patriarchatsregisters von Konstantinopel 299

KRSMANOVIĆ Bojana, The Rise of Byzantine Military Aristocracy in the 11th Century '. 299

LAIOU Angeliki E. and MOTTAHEDEH Roy Parviz, The Crusades from the Perspective of Byzantium and the Muslim World 253

LEQUEUX Xavier, Gregorii Presbyteři Vita Sancii Gregorii Theologi 254 LOHR Charles (Éd.), Eustratius Nicaenus, Commentarla in II librum

Posteriorum analyticorum Aristotelis. — Innominati Auctoris Expositiones in II librum Posteriorum resolutivorum Aristotelis 255

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310 REVUE DES ÉTUDES BYZANTINES

MARA VAL Pierre, Eusèbe de Cesaree. La théologie politique de V empire chrétien. Louanges de Constantin (TRIAKONTAÉTÉRIKOS). Introduction, traduction et notes par Pierre MARA VAL 256

MARTINEZ MANZANO Teresa, Constantino Lascaris sembianza de un humanista bizantino 299

MCGEER Eric (Trad.), The Land Legislation of the Macedonian Emperors 300

Medioevo greco. Rivista di storia e filologia bizantina. Numero «zero» (2000) 300

METREVELI Helene (Éd.), Sancii Gregorii Nazianzeni Opera. Versio ibe­rica. Ili, Oratio XXXVIII. Edita a Helene METREVELI et Ketevan BEZARACHVILI, Tsiala KOURTSIKIDZE, Nino MELIKICHVILI, Thamar OTHKHMEZOURI, Maia RAPHAVA 300

MONTANA Fausto, UAthenaion Politela di Aristotele negli Scholia vetera ad Aristofane 301

NEYT François et DE ANGELIS-NOAH Paula (Éd.), L. REGNAULT (Trad.), BARSANUPHE et JEAN DE GAZA, Correspondance, vol. Il Aux cénobites, t. II (Lettres 399 - 616) 257

NILSSON Ingela, Erotic Pathos, Rhetorical Pleasure. Narrative Technique and Mimesis in Eumathios Makrembolites' smine & Hysminias 258

Οι σκοτεινοί αιώνες του Βυζάντιου (7ος -9ος αι.) 259 OiKONOMiDÈs Nikos (Éd.), Ο Ιταλιώτης Ελληνισμός από τον ζ' στον

φ' αιώνα. Μνήμη Νίκου Παναγιωτάκη 261 PAPACONSTANTINOU Arietta, Le culte des saints en Egypte des Byzantins

aux Abbassides..., avec une préface de Jean GASCOU 262 PAPATHOMOPOULOS Manolis, Άννιτίου Μαλλιού Σεβηρινου Βοηθού

Βίβλος Περί Παραμυθίας της Φιλοσοφίας - Anicii Manlii Severini Boethii De Consolatione Philosophiae 264

POUDERON Bernard et DUVAL Yves-Marie (Éd.), L'Historiographie de VÉglise des premiers siècles 265

PRÉVÔT Françoise (Éd.), Românite et cité chrétienne. Permanences et mutations, intégration et exclusion du fr au vř siècle. Mélanges en l "honneur d ' Yvette Duval 301

Ρrosopographie der mittelbyzantinischen Zeit (641-867) Erste Abteilung (641-867), vol. 4 et 5 (de Piaton n° 6266 à Anonymus n° 12149), Nach Vorbereiten F. WINKELMANNS erstellt von R-J Lnje, C. LUDWIG, T. PRATSCH, I. ROCHÓW, B. ZiELKe unter Mitarbeit von W. BRANDES, J.R. MARTINDALE 266

REINSCH Diether Roderich (Trad.), Anna Komnene. Alexias. Übersetzt, eingeleitet und mit Anmerkungen versehen von Diether Roderich REINSCH. 2., um ein Vorwort von Diether Roderich REINSCH ergänzte Auflage 302

SMYTHE Dion C. (Éd.), Strangers to themselves. The Byzantine Outsider 268

SODE Claudia, Sarolta TAKÁCS (Éd.), Novum Millennium. Studies on Byzantine History and Culture Dedicated to Paul Speck. 19

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TABLE DES MATIÈRES 311

December 1999 270 SoTiROPOULOS Charalampos, La Mystagogie de saint Maxime le

Confesseur. Introduction, texte critique, traduction française et grecque 302

SPATHARAKIS Ioannis, Dated Byzantine Wall Paintings of Crete 271 SPEAKE Graham (Éd.), Encyclopedia of Greece and the Hellenic Tradition 272 SPIESER Jean-Michel, Urban & Religious Spaces in Late Antiquity &

Early Byzantium 273 STAHL Alan M. (Éd.), The Documents of Angelo de Cartura and Donato

Fontanella, Venetian notaries in fourteenth-century Crete 275 STAVRAKOS Ch., Die byzantinischen Bleisiegel mit Familiennamen aus

der Sammlung des Numismatischen Museums Athen 276 Subseciva Groningana. Studies in Roman and Byzantine Law, VI, 1999 .... 278 SULLIVAN Denis F., Siegecrafi, Two Tenth-Century Instructional Manuals

by "Heron of Byzantium " 279 TARAGNA Anna Maria, Logoi historias. Discorsi e lettere nella prima sto­

riografia retorica bizantina 302 TARDY René, Najrân. Chretiens d Arabie avant Vislám 280 THOMAS John (Éd.), Byzantine Monastic Foundation Documents. A

Complete Translation of the Surviving Founders* Typika and Testaments. Edited by John Thomas and Angela Constantinides Hero with the assistance of Giles Constable. Translated by Robert Allison, Anastasius Bandy, George Dennis, Gianfranco Fiaccadori, Catia Galatariotou, Ilija Hiev, Patricia Karlin-Hayter, Robert Jordan, Leslie S. B. MacCoull, Timothy Miller, Joseph Munitiz, Stephen Reinert, Nancy Patterson Ševčenko, Alice-Mary Talbot, John Thomas, with an administrative commentary by John Thomas 282

THURN Ioannes (Éd.), Ioannis Malalae Chronographia 284 TISSONI Francesco, Cristodoro. Un 'introduzione e un commento 287 Travaux et mémoires. Tome 13, 2000 288 TUERLINCKX Laurence (Éd.), Sancii Gregorii Nazianzeni Opera. Versio

arabica II : Orationes I, XLV, XLIV 289 VEREECKEN Jeannine & Lydie HADERMANN-MISGUICH (Éd.), Les oracles de

Léon le Sage illustrés par Georges Klontzas. La version Barozzi dans le Codex Bute 291

WEIGEL Thomas, Le colonne del ciborio dell'altare maggiore di San Marco a Venezia. Nuovi argomenti a favore di una datazione in epoca protobizantina 303

WINLING Raymond (Éd.), Grégoire de Nysse, Discours Catéchétique. Édition du texte grec de E. MÜHLENBERG (CNO III, IV), Introduction, Traduction, Notes et Index 291

XÈNTARAS Zacharias K. (Éd.), Γερμανού Β9 Κυριαχοδρόμιον ήτοι Πατριαρχικον όμιλιάριον Β9 κατά τους εν ΠαρισΙοις κώδικας. Κριτική εκδοσις 293

Page 311: REByz-60 (2002)

RÉSUMÉS D'AUTEURS

REB 60 2002 France p. 5-64

Bernadette ΜΑΙΠΊΝ, Moines et monastères géorgiens du 9e siècle : La Vie de saint Grigol de Xancta. Deuxième partie : une mise en perspective historique. — Écrite au milieu du 10e siècle, la Vie de Grigol témoigne du maintien d'un arrière-plan byzantin dans Γ his­toire de la Géorgie. En effet, bien que passée sous domination arabe, la Géorgie orientale n'en continua pas moins à être considérée par l'Empire byzantin comme relevant de la zone d'influence qui lui fut reconnue en 591. C'est ce qu'exprime, au cours de l'histoire complexe de la période qui va du milieu du 7e siècle au début du 9e siècle, la réapparition périodique dans le monde géorgien de dignités palatines, et notamment de la curopalatie, en faveur de seigneurs qui trouvèrent l'assise de leur pouvoir dans les régions proches de la Chaldie byzantine, où se déroula l'action du moine Grigol.

REB 60 2002 France p. 65-112

Michael FEATHERSTONE, Opening scenes of the Second Iconoclasm : Nicephorus's Critique of the citations from Macarius Magnes. — The author presents a new edition of De Magnete by Nicephorus of Constantinople and identifies its place in the context of the second period of Iconoclasm. A quarter century after the Second Council of Nicea, Nicephorus set himself the task of refuting the use by the Iconoclasts of citations from the obscure author Macarius Magnes. Nicephorus's pamphlet — apparently his first work against the Iconoclasts — provides a good example of the philological approach, if we may so call it, of the Iconoclast-Iconodule debate.

REB 60 2002 France p. 113-131

Vincenzo RUGGIERI, Constantinopoli vista da P. Giulo Mancinelli S. J. (1583-1585). — The chief of the first Jesuit mission to Constantinople in the 1580's, P. Giulio Mancinelli, is the author of a report of the mission. Preserved in the General Archives of the Jesuit Order (Rome), this document also contains a contemporary description of Constantinople. The article presents an edition and commentary on this topographical part of Mancinelli's report.

REB 60 2002 France p. 133-150

Isabelle AUGE, Convaincre ou contraindre: la politique religieuse des Comnènes à l'égard des Arméniens et des Syriaques Jacobites. — Les trois premiers empereurs de la dynastie des Comnènes entreprennent, de 1081 à 1180, une politique de reconquête des territoires orientaux tombés aux mains des Turcs saldjoûkides, puis des Latins installés en Mésopotamie, Syrie et Palestine à la faveur de la première croisade. Or, dans l'espace concerné, Syriaques et Arméniens, considérés comme schismatiques ou hérétiques, sont nombreux. Un recensement des différentes adhésions, de la part de ces chrétiens «mono-physites», à la foi chalcédonienne — mentionnées en particulier par les chroniques armé­niennes ou syriaques, mais aussi par les traités de controverse comme celui du polémiste syriaque Denis Bar Salîbî dirigé contre les Melkites — et des modalités grâce auxquelles