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1 L’ubérisation et la protection sociale Réalisé par : POLAT Onurkan Master 2 DPA Matière : Droit de la Protection sociale Assuré par : Madame EVERAERT-DUMONT Année universitaire 2017-2018 Réalisé le 22 décembre 2017

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L’ubérisation et la protection sociale

Réalisé par : POLAT Onurkan

Master 2 DPA

Matière : Droit de la Protection sociale

Assuré par : Madame EVERAERT-DUMONT

Année universitaire 2017-2018

Réalisé le 22 décembre 2017

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SOMMAIRE

I- Une protection sociale minimale des travailleurs indépendants, conséquence de

l’ubérisation

A- Une protection sociale « par défaut » des travailleurs indépendants

B- La consécration de la « responsabilité sociale des plateformes » comme

palliatif au contournement des règles par l’ubérisation

II- Les solutions envisagées et envisageables pour une protection sociale optimale

A- La tendance d’uniformisation, un risque de mis à mal du système social

B- Les solutions nécessaires à long terme

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L’Inspection Générale des Affaires Sociales (l’Igas) conseille

« d’améliorer les conditions de travail et la protection sociale des travailleurs collaboratifs, sans

bouleverser les modèles économiques innovants des plateformes »1. Cet enjeu crucial va être le

noyau dur de cette étude car l’économie numérique, à travers notamment des plateformes

numériques d’emploi, représente une source de développement et de croissance économique

mais pose également un problème majeur au Droit de la protection sociale.

La définition de la protection sociale fait l’objet de controverses. En effet,

certains auteurs2 tentent de la définir comme étant l’assemblage de diverses techniques de prise

en charge de risques sociaux à un moment donné dans un Etat donné, alors que d’autres3 y

consacre une œuvre pour l’expliquer sans même la définir.

Dans le langage courant, la protection sociale se trouve souvent réduite à la Sécurité Sociale

mais c’est une erreur car les termes ne sont pas synonymes. La Sécurité Sociale est une des

composantes de la Protection sociale, même si elle en est le noyau dur.

La protection sociale peut se définir comme un ensemble de mesures par lesquelles la société

entend protéger les personnes physiques contre la survenance d’un ensemble d’évènements ou

risques sociaux4.

En effet, c’est l’ensemble des dispositifs de prévoyance et de protection prévu par une société

dans l’optique d’assurer une aide (notamment financière) aux individus pour surmonter les

risques de l’existence.

Pour comprendre la notion de Protection sociale, il est nécessaire de

définir la notion de risque social. Celui-ci existe lorsqu’une personne se trouve dans l’incapacité

quasi-entière (sauf cas exceptionnels) de faire face à des aléas normaux de l’existence du simple

fait qu’elle appartient à une catégorie sociale dont tous les membres sont dans la même

situation5.

Le risque social existe lorsqu’il peut faire l’objet d’une intervention des pouvoirs publics, car

l’Etat est en quelque sorte « assureur » contre tout risque social6. Cette notion se caractérise

1 « Les propositions de l'IGAS sur les plateformes collaboratives », Semaine Sociale Lamy 2016, n° 1740 2 « Droit de la protection sociale », Francis KESSLER, Dalloz 6ème édition 2017, p.3 3 « Droit de la protection sociale », Patrick MORVAN, LexxisNexis 8ème édition 2017, p.5 4 « Vocabulaire juridique », Gérard CORNU, Quadrige édition 2016 5 Revue de l’action populaire, 1957, n°106, p.319 6 « Traité de Droit constitutionnel », Léon DUGUIT, t.III, E. de Boccard, édition 1910, p.469

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d’abord par un élément psychologique (la prise de conscience de la nécessité d’une

intervention par la solidarité nationale : le risque est un « poids social » pesant sur la

collectivité), par un élément monétaire (les risques sociaux sont des risques économiques), puis

par un élément personnel (seule une personne physique peut être victime d’un risque social).

Les risques sociaux peuvent être répertoriés et catalogués : la maladie, la maternité, l’invalidité,

la vieillesse, l’accident de travail et la maladie professionnelle, le décès, les charges familiales,

le chômage etc.

La Protection sociale sert donc d’assurance, de couverture pour une personne en difficulté face

à un risque social. Elle lui permet de surmonter ce risque à l’aide, notamment, de la Solidarité

nationale.

Par ailleurs, il existe différentes techniques de prise en charge des risques

sociaux au sein de la Protection sociale. En effet, on peut citer l’entraide familiale et

communautaire, la charité, la responsabilité civile, les techniques fiscales (les « dépenses

fiscales » et « l’impôt négatif »), la prévoyance (d’entreprise, individuelle comme l’épargne

personnelle, collective comme l’assurance et la mutualité), l’aide et l’action sociale, puis la

Sécurité Sociale.

Ainsi, il est largement admis que le noyau dur de la Protection sociale demeure les techniques

de Sécurité Sociale.

La protection sociale peut être mise en œuvre sur la base de trois

logiques : l’assurance sociale (payer des cotisations sociales pour des prestations sociales contre

la survenance d’un risque éventuel), l’assistance sociale (basée sur la solidarité nationale) et la

protection universelle (basée sur la solidarité nationale pour offrir des prestations à tous les

individus sans distinction).

La Sécurité sociale assure la couverture contre les risques relevant de la

santé et couvre les travailleurs contre les risques de perte de revenu7. Le législateur possède la

faculté d’élargir le champ d’application de la sécurité sociale pour y intégrer des catégories

nouvelles de personne et des nouveaux types de risque8.

L’affiliation à un régime de la sécurité sociale, ayant une organisation précise9, reste obligatoire

pour tout travailleur (salarié ou travailleur non salarié) exerçant sur le territoire national ou à

7 Article L.111-1 du Code de la sécurité sociale 8 Article L.111-2-1 du Code de la sécurité sociale 9 Article R111-1 du Code de la sécurité sociale

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l’étranger (si des textes internationaux ou communautaires prévoient leur soumission à la

législation française)10.

C’est sur ce dernier point que l’ubérisation pose problème. En effet, les prestataires des

plateformes numériques dites ubérisées sont officiellement des travailleurs indépendants mais

leur indépendance fait l’objet d’une remise en question (prioritairement en faveur du salariat),

en raison d’un contournement des règles de la protection sociale : ces travailleurs devraient être

soumis au régime général et les plateformes ubérisées devraient assumer les cotisations

sociales.

L’ubérisation représente un phénomène récent issue de la plateforme

numérique Uber que l’on ne présente plus.

Le terme « ubériser » a fait son entrée dans le Petit Robert 2017 qui le définit comme le fait de

« déstabiliser et transformer avec un modèle économique innovant tirant parti des nouvelles

technologies ».

En effet, il convient d’analyser ce modèle économique caractérisant l’ubérisation pour

démontrer et résoudre le problème juridique que pose le sujet. Pour y parvenir, il faut définir

les plateformes numériques découlant de l’économie collaborative, composante elle-même de

l’économie numérique.

L’économie numérique peut se définir comme l’ensemble des activités

économiques rattachées au numérique (du latin numerus) aboutissant à la création de valeurs et

d’emplois. Ces deux termes polysémiques rassemblent des réalités économiques sans se borner

à un seul secteur d’activité.

L’économie numérique semble être une notion très récente, mais ce n’est pas le cas. En effet,

la signification existe depuis plusieurs décennies car c’est le fruit d’un long processus en

constante évolution (l’émergence, le développement et la propagation des technologies de

l’information et de la communication).

Cette économie numérique se place désormais parmi les facteurs centraux de la croissance

économique, de la compétitivité et de la productivité, notamment grâce à son impact-

intersectoriel (l’économie numérique influence les usages traditionnels existants mais elle en

innove, en créer). Cela peut s’expliquer par la transformation des secteurs d’activité dû à des

nouveaux modèles économiques et organisationnels basés sur les nouvelles technologies. Ainsi,

10 Article L.111-2-2 du Code de la sécurité sociale

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la production, la distribution, la vente et la consommation des biens et des services ont été

bouleversées par l’influence numérique.

L’économie collaborative représente quant à elle une catégorie de

l’économie numérique.

On peut ainsi définir l’économie collaborative (ou encore économie de partage) comme un

modèle économique où un marché ouvert est créé, par des plateformes collaboratives, dans

l’optique d’user ou de consommer temporairement des biens et des services, souvent produits

ou fournis par des personnes privées, en vue de faciliter des activités11.

Cette nouvelle économie constitue un secteur en plein expansion car elle est devenue synonyme

de croissance économique, de modernité et de mondialisation, en créant de nouveaux secteurs,

métiers, produits ou services. D’ailleurs, la Commission Européenne12 souligne l’importance

de son potentiel de création de croissance et d’emploi au sein de l’Union Européenne.

Quant à son impact, ce modèle bouleverse les comportements des consommateurs ainsi que les

modes de fonctionnement et l’organisation des entreprises.

Néanmoins, depuis quelques années, l’économie collaborative fait l’objet d’une importante

couverture médiatique, de rapports et d’études. Ceux-ci témoignent d’une nécessité de

régulation de ce phénomène collaboratif.

Par ailleurs, on peut relever trois catégories d’acteurs intervenant dans

l’économie collaborative13 : d’une part, les prestataires de service (profanes ou professionnels)

partageant des services, du temps, des compétences etc., d’autre part, des utilisateurs de ces

services, puis finalement, des intermédiaires permettant, avec des plateformes en ligne, la mise

en relation des deux acteurs précédents.

L’économie collaborative connaît aujourd’hui un développement rapide rendu possible par

l’essor des plateformes numériques, synonymes de rendements croissants et de pouvoir de

marché dont elles sont naturellement enclines à abuser14.

11 « Art. 1 – Enjeux de la régulation de l’économie collaborative », Céline CASTETS-RENARD, Répertoire de droit

européen/Commerce électronique, Juillet 2016 (actualisation : juillet 2016) 12 Commission Européenne, Communication présentant « Un agenda européen pour l’économie collaborative, 2 juin 2016,

COM(2016)356 13 « Répertoire du droit européen/Commerce électronique », Céline CASTETS-RENARD, Juillet 2016 (Actualisation : Juillet

2016) 14 « La régulation de l’ubérisation », Manuella PERI, Dalloz IP/IT 2017, p.144

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La plateforme numérique est communément définie par le Code de la

Consommation15 et le Code Général des Impôts16 comme un intermédiaire mettant en relation,

à distance (par voie électronique), un prestataire et un client, en vue de la vente d’un bien, de la

fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien d’un service ou d’un contenu.

Ces plateformes numériques représentent une véritable source de

richesses. D’une part, elles permettent aux particuliers de proposer des biens et des services.

Cela traduit donc l’apparition et l’existence de nouvelles possibilités d’emploi, des formules de

travail souples et de nouvelles sources de revenus. D’autre part, les consommateurs bénéficient

eux d’une offre élargie et des prix attractifs. La diversification des plateformes opère une

transformation radicale des modes de vie et de communication, ainsi que des habitudes des

consommateurs.

Dans le cadre de notre synthèse, nous allons nous intéresser uniquement à certaines plateformes

en ligne qui pourraient être des employeurs qui s’ignorent17 et ayant donc un lien étroit avec le

Droit de la protection sociale.

Au sein de notre étude, il ne faut aucunement s’attarder sur les

plateformes d’achats groupés ou de vente (telles que Leboncoin, Groupon, Ebay) et les

plateformes d’échange ou de mutualisation (Blablacar, AirBnb). Dans le cadre de ces

plateformes, même lorsqu’il y a un travail, celui-ci reste l’accessoire d’une prestation de mettre

à disposition une chose. Donc elles ne sont pas soumises au Droit de la protection sociale.

Les plateformes numériques intéressant de près le Droit de la

protection sociale demeurent celles où l’on trouve une prestation de travail (physique ou

intellectuelle) réellement exécutée.

Autrement dit, il s’agit d’analyser les plateformes d’emploi, de services à la demande, dites

aussi de Jobbing, ayant une mission de mise en relation de l’offre (les prestataires) et la

demande (les clients). La distinction entre les plateformes dites de partage et ces plateformes

de Jobbing réside dans le fait que l’on trouve, dans ces dernières, des offres de services de

prestataires professionnels à des clients et des transactions monétaires.

15 Article L.111-7 du Code de la Consommation 16 Article 242 bis du Code général des impôts 17 « L’homo-ubericus est-il salarié ? », Grégoire LOISEAU et Arnaud MARTINON, Cahier Social 2016, 1er Juin 2016,

n°286, p.283

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D’ailleurs, il y a une diversité de ce type de plateformes : les plateformes de crowdsourcing

(Amazon etc.), les plateformes de travail domestique, les plateformes de service de transport de

personnes (Uber etc.) ou de marchandises (UberEats, Deliveroo) etc.

Uber porte l’étendard et influence la majorité de ces plateformes, qui s’imprègnent de son

modèle économique.

L’ubérisation traduit cette influence. En effet, cette notion désigne le

processus par lequel le modèle économique de la plateforme Uber, basé sur les technologies

digitales et notamment une plateforme numérique, entre en concurrence directe avec les usages

de l’économie dite traditionnelle et de ses opérateurs classiques.

L’ubérisation crée un impact important, dans la mesure où tous les secteurs de la vie

économique peuvent être concernés et le nombre de ceux touchés accroit de jour en jour. En

effet, l’ubérisation se généralise pour désigner une transformation de l’économie et des formes

de mise au travail. Pour certains, c’est un mouvement estimé inévitable mais également

souhaitable face auquel les acteurs traditionnels doivent relever le défi18.

Le rayonnement du mode de fonctionnement des plateformes ubérisées

s’expliquent par le fait qu’elles sont « à la mode », c’est-à-dire que l’on trouve une réelle

demande sociétale de ces services. En effet, ce modèle répond parfaitement au mode de vie

contemporain en palliant les dysfonctionnements de l’économie traditionnelle19 : la rapidité, la

souplesse et les prix attractifs.

De plus, on peut affirmer que le cas particulier des chauffeurs Uber s’étend pour traduire une

transformation de l’économie rendues possibles par l’outil numérique20.

Cependant, l’ubérisation dérange et inquiète en provoquant un grand mouvement car la stratégie

relève d’un contournement des règles consuméristes, fiscales ou encore sociales permettant une

flexibilité que les opérateurs traditionnels n’ont pas21.

Tout l’intérêt du sujet réside ici. L’ubérisation, à travers ces

plateformes numériques, pose plusieurs difficultés.

18 « Ubérisation et numérisation ne réussiront pas sans confiance », Catherine CARELY et Etienne MICHELEZ, Droit et

Patrimoine du 1er janvier 2016, n°254, p.18-21 19 « De quoi l’ubérisation est-elle le nom ? », Nathalie MARTIAL-BRAZ, Dalloz IP/IT 2017, n°3, p.133 20 « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », Alexandre FABRE et Marie-Cécile ESCANDE-

VARNIOL, RDT 2017, 28 Mars 2017, n°3, p.166 21 « L’ubérisation : l’appréhension par le droit d’un phénomène numérique », Nathalie MARTIAL-BRAZ, Dalloz IP/IT 2017,

n°3, p.132.

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Premièrement, l’ubérisation provoque de la concurrence déloyale avec les modèles traditionnels

règlementés (les opérateurs de « l’économie classique ») car ces plateformes ubérisées partent

d’une logique de partage (non professionnelle et non lucrative) pour aboutir à une logique

professionnelle et marchande, sans forcément dire son nom22.

Deuxièmement, et c’est le point qui nous intéresse dans le cadre de cette étude, l’ubérisation se

développe considérablement car le système se fonde sur un contournement des règles sociales.

Par conséquent, ce modèle remet en question le statut social des prestataires de ces plateformes

d’emploi ubérisées. En effet, dans un contexte de chômage élevé qui favorise le recours à ces

opérateurs23, ces derniers proposent des nouveaux modes d’activité (en autoentreprise) à

l’ombre du salariat, par des fins montages juridiques. On peut donc dire que l’ubérisation remet

en question notre modèle sociale dans son intégralité. Tous les travailleurs indépendants de ces

plateformes ne bénéficient pas forcément d’une couverture sociale et aucune ne bénéficie d’une

assurance chômage24. Malgré la diversité des statuts des indépendants, la majorité d’entre eux

sont des auto-entrepreneurs, qualifiés par certains de prolétariat de l’économie numérique25. Or

ce statut juridique a été détourné de son objectif principal : permettant à l’origine à un salarié

de pouvoir exercer une seconde activité de complément (avec des formules fiscales

intéressantes), il devient le statut indispensable à adopter pour travailler avec une plateforme

d’emploi. Ce statut prévu pour une activité secondaire est donc utilisé pour que celle-ci

remplace l’activité primaire (souvent salariée), d’où la perte de la protection sociale qui en

découle (le régime général de base assuré par la sécurité sociale).

Ces plateformes ubérisées contournent les règles juridiques

traditionnels pour entrer en concurrence avec les opérateurs classiques (en détournant l’objectif

du statut d’auto-entrepreneur) et remettent en question le Droit social (le Droit du travail et le

Droit de la protection sociale simultanément).

L’ubérisation engendre un conflit d’intérêt, auquel le Droit social, dans

son état actuel, n’apporte qu’une réponse partielle dans l’urgence.

La liberté d’entreprendre (jumelée à la liberté contractuelle, de travailler et d’exercer une

activité professionnelle) des plateformes d’emploi et des collaborateurs (se revendiquant

22 « La régulation de l’ubérisation », Manuella PERI, Dalloz IP/IT 2017, p.144 23 « UberPop (†) », Laurent GAMET, Droit Social 2015, 17 Novembre 2015, n°11, p.929 24 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971 25 « L’homo-ubericus est-il salarié ? », Grégoire LOISEAU et Arnaud MARTINON, Cahier Social 2016, 1er Juin 2016,

n°286, p.283

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indépendants) voulant recourir à l’autoentreprise et à des relations contractuelles spécifiques,

désigne une liberté fondamentale. Parallèlement, les mécanismes de protection issus de la

protection sociale et du Droit du travail représentent des droits fondamentaux.

Conscient des conséquences financières lourdes de cette double protection, l’intérêt des

plateformes d’emploi de recourir à l'auto-entreprise, en lieu et place du salariat, est de

s'affranchir du paiement des cotisations sociales26. On peut donc affirmer qu’a priori, les

montages juridiques mis au point n’ont pas d’autre but que de soustraire au régime du travail

salarié les travailleurs indépendants27.

Pour délimiter le sujet, il faut préciser que notre étude sera restreinte

aux plateformes d’emploi ubérisées et ne portera donc pas sur l’ensemble de l’économie

collaborative. De plus, nous traiteront uniquement du statut social, et de la protection sociale

en découlant, des travailleurs de ces plateformes. Par ailleurs, il semble primordial d’analyser

l’ubérisation sous la lentille du Droit du travail car celui-ci est le frère siamois de la Protection

sociale.

On peut donc se poser la question suivante : de quelle manière la

protection sociale devrait-elle appréhender l’ubérisation pour optimiser la protection des

travailleurs ayant recours aux plateformes d’emploi ?

Face au problème de l’ubérisation qui a pour effet de minimiser la

protection sociale des travailleurs indépendants, le législateur a réagi récemment de façon

timide (I). En revanche, on constate que la tendance actuelle de régulation de l’ubérisation

penche vers une uniformisation malgré l’existence de propositions intéressantes en matière de

protection sociale (II).

I- Une protection sociale minimale des travailleurs indépendants,

conséquence de l’ubérisation

Les prestataires des plateformes d’emploi étant juridiquement des

travailleurs indépendants, leur protection sociale relève du Régime Social des Indépendants

26 « Quand l’auto entreprise sert de masque au salariat », Jean MOULY, Droit Social, 15 octobre 2016, n°10, p.859 27 « Uber, Deliveroo : requalification des contrats ou dénonciation d’une fraude à la loi ? », Antoine JEAMMAUD, Semaine

Sociale Lamy, 4 Septembre 2017, n°1780, p.4-8

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(A). Le législateur, conscient de cette protection minime, a réagi pour consacrer les prémices

d’une protection sociale adéquate (B).

A- Une protection sociale « par défaut » des travailleurs indépendants

Les régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants non

agricoles ont été mis en place pour les artisans et commerçants (dès 1949 pour les régimes

vieillesse, invalidité-décès et en 1966 pour le régime d’assurance maladie et maternité) et les

professions libérales (en 1970 pour le régime d’assurance maladie et maternité).

Les organismes assurant le fonctionnement de ces régimes, à savoir la Caisse Nationale

d’Assurance Maladie des Professions Libérales (CANAM), l’Organisation Autonome

Nationale d’Assurance Vieillesse de l’Industrie et du Commerce (ORGANIC) et la Caisse

Autonome Nationale de Compensation d’Assurance Vieillesse des Artisans (CANCAVA) ont

été à l’initiative de la création du RSI.

Dans un arrêt du 17 février 199328, la Cour de Justice des Communautés

Européennes insiste sur le caractère obligatoire et solidaire de la Sécurité sociale française

auquel on ne peut déroger. Ainsi, comme tous les travailleurs, dont les indépendants, doivent

donc s’affilier à un régime de la sécurité sociale.

Le RSI fut créer avec le décret du 29 mars 200629 portant application de

l’ordonnance n°2005-1528 du 8 décembre 200530 dans l’objectif de simplifier les démarches,

optimiser l’efficacité de la protection sociale en prenant en compte les besoins spécifiques des

travailleurs indépendants.

Résultant de la fusion de ces trois caisses, cet organisme s’occupe notamment de la couverture

maladie des professions libérales, des artisans et des commerçants. Cependant, la retraite gérée

demeure uniquement celle des artisans et des commerçants car d’autres organismes assurent

celle des professions libérales.

Depuis 2008, le RSI endosse le rôle de seul organisme compétent pour les travailleurs

indépendants (hors professions libérales) comme « interlocuteur sociale unique » et exerce

28 CJCE 17 février 1993, Christian Poucet contre Assurances générales de France et Caisse mutuelle régionale du Languedoc-

Roussillon, C-159/91 et C160/91, 1993 I-00637 29 Décret n°2006-375 du 29 mars 2006 30 Ordonnance n°2005-1528 du 8 décembre 2005 relative à la création du régime social des indépendants et modifiant le

Code de la sécurité sociale

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donc la mission de gestion économique et financière (notamment en centralisant toutes les

cotisations).

L’administration de cet organisme de la Sécurité sociale relève de l’Etat et des travailleurs

indépendants élus pour siéger dans le cadre des conseils régionaux d’administration.

Ce régime social représente 6,6 millions de personnes directement ou

indirectement rattachées (dont les ayants-droit). Selon les chiffres de l’organisme, 4,6 millions

des personnes ont bénéficié de la couverture maladie et 2 millions de prestations-retraites en

2016. Globalement, le RSI distribua 18,3 milliards d’euros de prestations en récolant à hauteur

de 15,5 milliards d’euros de cotisations sociales (pour un nombre de 2,8 millions de cotisants,

dont 1,1 million de commerçants et industriels, 950 milles d’artisans et 750 milles professions

libérales) au cours de cette année.

Ce régime social comprend trois branches : l’assurance maladie et

maternité de l’ensemble des professions non salariées et non agricoles, l’assurance vieillesse et

invalidité-décès pour les artisans, les industriels et les commerçants et l’assurance vieillesse et

invalidité-décès pour les libéraux.

Néanmoins, les travailleurs indépendants détiennent le choix entre plusieurs « vitesses » de

protection sociale, c’est-à-dire qu’ils peuvent souscrire au régime obligatoire de base (pour un

moindre coût) ou compléter ce régime par d’autres couvertures sociales. Dans la pratique, les

indépendants optent majoritairement pour une couverture sociale de base pour une question

d’amoindrissement des coûts. Ainsi, les travailleurs des plateformes numériques se trouvent

dans la même situation : en quête de rentabilité, ils bénéficient d’une protection sociale

moindre.

Par exemple, les manifestations récentes des Bikers de la plateforme Deliveroo traduisent une

absence d’un revenu compensatoire des jours d’intempéries car pour les jours d’hiver non-

travaillés (la livraison de nourriture à vélo étant compliqué en hiver), ils ne bénéficient d’aucun

revenu de substitution.

Le RSI, au centre de critiques depuis sa création en 2006, se trouve en

déclin. En effet, le régime obligatoire de base (maladie et vieillesse) reste déficitaire dans la

mesure où le montant des prestations versées demeure supérieur au montant des cotisations

sociales récolté.

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Une autre source de critiques découle des erreurs récurrentes de calcul des cotisations ou des

trimestres de retraite. En ce sens, en 2012, la Cour des Comptes qualifie le RSI de « catastrophe

industrielle » pour les travailleurs indépendants31 et pointe du doigt tous les

dysfonctionnements.

Le 5 septembre 2017, le Gouvernement avait annoncé la réforme en

profondeur du RSI. Les objectifs fixés étaient la baisse des cotisations sociales, l’adossement

du régime par le régime général de la sécurité sociale, l’aménagement d’une année fiscale

blanche pour les créateurs d’entreprise en 2019 et la disparition officielle du RSI le 1er janvier

2018. Nous verrons plus tard dans le développement que le pari a été tenu.

B- La consécration de la « responsabilité sociale des plateformes » comme

palliatif au contournement des règles par l’ubérisation

Le Droit de la protection sociale doit faire face à deux enjeux majeurs,

conséquences (pour ne pas dire objectifs) directes de l’ubérisation. Il suffit de se pencher sur le

mode de fonctionnement de l’économie collaborative, et notamment des plateformes ubérisées

pour observer que le modèle économique de celles-ci repose sur un contournement des règles

juridiques grâce à des fins montages juridiques.

Premièrement, le fisc et la sécurité sociale sont les deux premières victimes de ce

contournement. En effet, le financement de la protection sociale se trouve saboter car les

plateformes ubérisées ne payent ni d’impôt, ni de cotisations sociales.

Deuxièmement, les plateformes ubérisées remettent en question le caractère obligatoire des

dispositions en matière de sécurité sociale et cela atteint la protection sociale des travailleurs

indépendants auxquels ils ont recours. En effet, n’ayant pas accès à une véritable assurance et

couverture sociale, leur protection se trouve minimiser.

Une organisation bien réfléchie permet de contourner le système fiscal.

En effet, les plateformes d’emploi intéressent nécessairement l’administration fiscale au motif

qu’elles caractérisent une nouvelle base taxable. Par exemple, Uber n’a jamais payé d’impôt

sur les bénéfices en France car il ne déclare qu’une fraction de ses revenus réels grâce à un

montage d’optimisation fiscale passant par les Pays-Bas (où se trouve le siège de la plateforme

31 Rapport de la Cour des Comptes, « Le régime social des indépendants et l’interlocuteur social unique », Septembre 2012

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sur le territoire européen), les Bermudes et le Delaware. Le sentiment de « rejet » de l’essor de

cette nouvelle économie est donc compréhensible car on peut la considérer comme destructrice

d’emplois salariés et de recettes fiscales32. Or, on sait parfaitement que l’impôt assume

partiellement le financement de la protection sociale.

Une réponse a été apportée à ce phénomène. En effet, les pouvoirs publics ont mis en place33

une obligation à la charge des plateformes numériques, de rappeler à leurs prestataires les

informations relatives aux régimes fiscaux et à la règlementation sociale applicable aux sommes

perçues (tout en précisant les sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations

déclaratives)34.

Le recours abusif à l’auto-entreprise des plateformes ubérisées permet

également de contourner, ou du moins saboter, le système de la protection sociale.

En effet, le lien de subordination juridique caractérisant l’existence d’un contrat de travail

permet l’affiliation obligatoire au régime général de la sécurité sociale, alors que l’ubérisation

se caractérise par un mode d’organisation de l’activité économique qui passe par un effacement

apparent de la subordination.

Les prérogatives de la commande et du contrôle sont exercées par les consommateurs. La

plateforme agit donc, en apparence du moins, comme un coordinateur entre des consommateurs

et des travailleurs sous statuts d’indépendants35.

Pour cela, les plateformes d’emploi mettent en œuvre une relation contractuelle spécifique

écartant le contrat de travail, en affirmant qu’elles organisent simplement un marché pour

permettre la rencontre de l’offre (les prestataires) et la demande (les clients).

Par conséquent, une triple relation contractuelle apparait : un contrat de courtage régissant les

relations entre la plateforme et le client, un contrat de référencement conclu entre le prestataire

et la plateforme et un contrat de prestation de services prévu entre le prestataire et le client36.

Finalement, on remarque qu’en apparence, la plateforme dispose d’un simple rôle de permettre

à un travailleur indépendant d’effectuer une prestation, sans intervenir durant son exécution,

32 « Ubérisation de la société et droit fiscal », Thibaut MASSART, Lexbase La Lettre Juridique, 3 Septembre 2015, n°623 33 Décret n°2017-126 du 2 février 2017 relatif à l’obligation d’information en matière fiscale et de prélèvements sociaux des

utilisateurs de plateformes de mise en relation électronique 34 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971 35 « Le travail à l'épreuve du numérique », Alexandra BIDET et Jérôme PORTA, Revue travail 2016, p.328 36 « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », Alexandre FABRE et Marie-Cécile ESCANDE-

VARNIOL, RDT 2017, 28 Mars 2017, n°3, p.166

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contre une rémunération versée directement par le client au travailleur, qui, à son tour, versera

une commission à la plateforme.

Cependant, la relation est (ou devient) différente car une fois le contrat

de référencement conclu entre la plateforme et le prestataire mis en pratique, une relation

étrangement similaire à une relation de travail fait surface. Lorsque l’on s’attarde sur ce contrat,

on remarque qu’il comporte, de manière systématique, certaines clauses mettant le doute sur

l’existence d’un lien de subordination juridique.

Une des clauses qui revient le plus souvent est celle qui stipule l’existence d’un mandat entre

le prestataire et la plateforme permettant à celle-ci de percevoir le paiement du client, de

prélever sa commission puis de verser le restant au mandant (le prestataire). Par ailleurs,

certains de ces contrats prévoient des clauses stipulant des exigences de qualité (qui pèsent sur

le prestataire) et des prix imposés unilatéralement par la plateforme. Une autre clause assez

répandue permet à la plateforme, par la mise en place d’un mécanisme spécifique, de réaliser

des retenues sur les prix facturés à titre de sanction d’une mauvaise notation du client (cette

clause est similaire à une clause pénale). Par exemple, la plateforme MenuNextDoor s’octroie

la faculté de réaliser une « rétrocession » sur la somme versée au prestataire pour rembourser

le client en cas de mécontentement de celui-ci.

Par ailleurs, ces contrats fixent, pour la majorité d’entre eux, un cadre

contraignant s’imposant au prestataire. A titre d’exemple, on peut souligner que, malgré

l’existence d’une liberté de choisir les horaires, le prestataire doit s’inscrire sur des créneaux

horaires. En cas de non-respect de ceux-ci, le prestataire peut se voir infliger des sanctions.

En outre, ces contrats font peser sur le prestataire, une obligation

d’accepter un certain nombre de courses. Dans l’hypothèse d’un non-respect des horaires ou de

refus répétitifs de courses, la plateforme se réserve un droit de rupture unilatérale de la relation

contractuelle.

D’autre part, certaines plateformes vont jusqu’à mettre en place un

dispositif de géolocalisation du prestataire.

Ce cadre contraignant fixé dans la relation contractuelle démontre

l’intervention, le guidage et le contrôle de la plateforme sur l’exécution et le résultat de chaque

prestation. La plateforme d’emploi exerce donc, contrairement à ce qu’elle prétend, un pouvoir

de direction et un pouvoir de sanction, qui sont les principales prérogatives d’un employeur au

sens du salariat.

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On peut aussi arriver au même résultat en prenant le sens inverse. En

effet, si on part de l’hypothèse d’une indépendance juridique du prestataire, ce dernier devrait

donc avoir toutes les attributions et la marge de manœuvre réelle d’un travailleur indépendant.

Cependant, cette indépendance est remise en question à travers la pratique. Théoriquement, un

travailleur indépendant garde le pouvoir de la fixation du prix. En revanche, Deliveroo impose

le prix de la prestation et prévoit même des « suppléments tarifaires » fixés unilatéralement

pour les week-ends et par temps pluvieux ou neigeux. Uber s’octroie la faculté exclusive de

fixer le prix, « légitimée » par une tarification dynamique variable selon la demande.

Face à ce contournement des règles, l’intervention du législateur,

devenue indispensable, se traduit, non pas par le fait d’imposer le salariat en vertu de l’exécution

pratique de ces contrats, mais par l’introduction des prémices d’une protection sociale

spécifique aux prestataires des plateformes.

A ce jour, on observe une seule et unique avancée législative « notable »

en la matière. En effet, à travers la loi du 8 août 2016 dite Loi Travail37, le législateur consacre

l’intégration numérique en Droit social.

Cet apport législatif répond de façon originale à la question de savoir comment assurer des

droits et une protection sociale minimale aux travailleurs des plateformes ubérisées en

introduisant l’idée d’une responsabilité sociale des plateformes envers les travailleurs38.

Le 8 février 2016, un rapport confié par le député Pascal Terrasse au

Premier Ministre sur les enjeux de l’économie collaborative39, préconise une vingtaine de

propositions concrètes désireux de remplir quatre objectifs : favoriser pleinement le potentiel

de l’économie collaborative, garantir un développement loyal et transparent, soutenir et

accompagner les travailleurs et préciser la contribution sociale des plateformes.

Ce rapport, aboutissant à un projet de loi, énonçait la création d’un statut

spécial pour les prestataires de services travaillant pour une plateforme numérique en ligne40,

en posant l’exigence de respect de deux conditions cumulatives pour s’y prévaloir : la

plateforme devait déterminer les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien

37 Loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours

professionnels 38 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971 39 Remise au Premier Ministre du rapport de Pascal Terrasse, Député de l’Ardèche, sur l’économie collaborative : contenu

publié sous le Gouvernement Vals II le 8 février 2016 40 « L’homo-ubericus est-il un salarié ? », Grégoire LOISEAU et Arnaud MARTINON, Cahier Social 2016, 1er Juin 2016,

n°286, p.283

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vendu et fixer le prix. Les travailleurs concernés étant définis, le projet de loi prévoyait des

droits individuels pour les bénéficiaires de ce statut spécial, notamment en matière de formation

professionnelle, d’assurance en cas d’accident du travail, de droits sociaux collectifs (le droit

de constituer une organisation syndicale) etc.

Suite à des amendements votés en commission à l’Assemblée nationale,

supprimés par le Sénat, puis réintroduits lors des débats à la demande du Gouvernement, la loi

Travail du 8 août 2016 (en son article 60) a instauré un tiers régime à l’intention des travailleurs

des plateformes. Désormais, dans le Code du travail, un Titre IV (logé dans la Partie VII)

consacre un statut social spécifique aux « travailleurs indépendants utilisant une plateforme de

mise en relation par voie électronique »41.

A priori, les acteurs concernés sont, d’une part, uniquement les

travailleurs indépendants (les autoentrepreneurs, les artisans, les commerçants ou les

professions libérales) et d’autre part, uniquement les plateformes ubérisées définies au sens de

l’article 242 bis du Code Général des Impôts (qui mettent en relation à distance des personnes

pour la vente, la fourniture ou l’échange d’un bien ou d’un service, qui déterminent les

caractéristiques de la prestation fournie ou du bien vendu et qui fixent le prix).

De plus, ce régime instauré consacre des droits pour les travailleurs et

des obligations pour les plateformes.

Pour les travailleurs, le Code du travail garantit le droit à la formation professionnelle (l’accès

et la validation des acquis), un « droit de grève » (garantie des « mouvements de refus concerté

de fournir leurs services en vue de défendre leurs revendications professionnels » contre leur

responsabilité contractuelle, la rupture de la relation et toutes autres sanctions) et un droit

d’action collectif (constituer, adhérer et faire valoir leurs droits à travers des organisations

syndicales).

Quant aux obligations pesant sur les plateformes, il s’agit d’abord d’une obligation de

déterminer les caractéristiques de la prestation de services fournie ou du bien vendu et d’en

fixer le prix (la sanction en cas de défaut dans la fixation du prix n’est pas prévue).

Puis, on trouve une obligation de supporter les coûts des formations professionnelles et les frais

d’accompagnement de la procédure de validation des acquis de l’expérience.

Finalement, l’apport majeur et intéressant de près la Protection sociale, est l’obligation de

prendre en charge la cotisation d’une assurance éventuellement souscrite par le prestataire

couvrant le risque d’accident du travail.

41 Articles L.7341-1 à L.7342-6 du Code du Travail

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Cette obligation n’a plus lieu d’être dans l’hypothèse où le travailleur adhère à un contrat

collectif souscrit par la plateforme (qui en assumera les coûts), à condition que celui-ci stipule

des garanties au moins équivalentes à l’assurance volontaire. On peut donc déduire que les

plateformes ubérisées devront souscrire un contrat collectif (qui sera de « bonne qualité » car il

y a une condition d’équivalence des garanties pour éviter la prise en charge de l’assurance

souscrite individuellement par le travailleur) ou rembourser la cotisation avancée par les

travailleurs auprès d’un régime de la sécurité sociale ou d’un organisme auprès d’une assurance

privée.

Le décret du 4 mai 201742 précise les modalités de mise en œuvre de ces dispositions. En effet,

la prise en charge, par la plateforme, de la cotisation de l’assurance souscrite par le travailleur

en matière d’accident de travail/maladies professionnelles, aura lieu si ce dernier a réalisé au

cours de l’année civile un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 13% du plafond annuel de la

sécurité sociale (5099,64 euros pour l’année 2017)43. Les modalités quant à la prise en charge

de la formation professionnelle sont également précisées (soumis au même plafond).

Par ailleurs, le décret envisage « la responsabilité sociale multiple », c’est-à-dire le cas d’un

prestataire travaillant avec plusieurs plateformes numériques simultanément. Ici, chaque

plateforme avec laquelle le prestataire réalisant un chiffre d’affaires d’au moins 13%, doit

participer au remboursement des cotisations au prorata du chiffre d’affaires réalisé par le

prestataire.

Dans tous les cas, les démarches sont gratuites et par voie électronique mais c’est au travailleur

de justifier sa demande de remboursement.

Ces nouvelles dispositions reflètent une approche française de

l’ubérisation reposant sur l’idée de faire des plateformes numériques des opérateurs

dématérialisés « socialement responsables ». Pour y parvenir, les travailleurs indépendants y

recourant bénéficient des prémices d’un statut social44.

Malgré la bonne volonté du législateur de protéger tous les types de travailleur, ces avancées

sociales sont a minima, autrement dit, insuffisantes à combler les lacunes provoquées par

l’ubérisation. La « responsabilité sociale » instituée reste bien modeste45 et doit être « creusée »

davantage.

42 Décret n°2017-774 du 4 mai 2017 relatif à la responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie

électronique 43 Article D.7342-1 du Code du travail 44 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971 45 « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », Alexandre FABRE et Marie-Cécile ESCANDE-

VARNIOL, RDT 2017, 28 Mars 2017, n°3, p.166

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II- Les solutions envisagées et envisageables pour une protection

sociale optimale

La requalification en contrat de travail des relations entre les plateformes

et les travailleurs indépendants et la suppression du RSI semblent être les solutions « choisies »

pour renforcer la protection sociale ces derniers à travers le salariat et ainsi leur entrée dans le

champ du régime général de la sécurité sociale (A). Néanmoins, ces solutions vont aboutir à

des conséquences lourdes pour notre système social, et c’est donc pour cela qu’il est nécessaire

d’avoir une approche plus en profondeur de la matière pour faire face à l’ampleur de

l’ubérisation (B).

A- La tendance d’uniformisation, un risque de mis à mal du système social

Face à ce contournement des règles sociales, il s’avère nécessaire de

combler ce vide juridique provoqué par l’ubérisation. La tendance générale (mondiale) va dans

le sens de la requalification en contrat de travail. Cette solution, qualifiée de « précaire » par

rapport à l’expansion déconcertante de l’ubérisation selon certains auteurs, provoque des

conséquences en matière de protection sociale.

Tout d’abord, aux Etats-Unis, le Labor Commissioner de Californie46

s’est prononcé en faveur du salariat concernant les relations entre les prestataires et les

plateformes d’emploi (Uber en l’espèce). La décision du Unemployment Insurance Appeals

Board confirma ce point de vu tout en imposant le paiement des cotisations sociales.

Ensuite, au Royaume-Uni, l’Employment Tribunals de Londres47 a retenu

le salariat pour les relations entre les prestataires de services et la plateforme Uber. La

plateforme a donc du assumer les obligations en matière de protection sociale qui découlent du

salariat, pour pas moins de cinquante milles chauffeurs.

46 Labor Commissioner of the state of California, 16 juin 2015, Uber Technologies Inc./B. Berwick 47 Employment Tribunals, 28 October 2016, Case n°2202550/2015, Mr Y.Aslam, Mr J.Farrar and Others V Uber

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Finalement, les réponses aux problématiques sociales provoquées par

l’ubérisation, paraissent identiques en Espagne, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Inde etc.

En France, le juge national, s’appuyant sur sa jurisprudence qui lui

confère la faculté de requalifier les relations contractuelles en relations de travail, retient

également l’existence d’un lien de subordination, donc le salariat. Cette vision entraine le

basculement des prestataires de service vers le régime général de la sécurité sociale.

L’URSSAF d’Ile-de-France a été à l’initiative d’une première action

contre la plateforme Uber, dans l’optique de faire reconnaitre les prestataires comme des

salariés et ainsi, les faire entrer dans le champ du régime général pour demander l’acquittement

des cotisations sociales.

Suite à des perquisitions réalisées en avril et mai 2015, l’organisme dresse un procès-verbal le

17 septembre 2015 constatant l’existence de relations de travail et de travail dissimulé.

Cette action de l’URSSAF abouti à deux procédures. La première fut la saisine du Procureur de

la République de Paris, par lettre d’observations du 17 septembre 2015, pour dénoncer

l’existence de travail dissimulé.

La seconde, interne (au vu de ses prérogatives), consistait à demander à la plateforme Uber, le

redressement de ses cotisations sociales avoisinant cinq millions d’euros. Le Tribunal des

Affaires de Sécurité Sociale de Paris fut saisi par les deux parties. Dans un jugement du 14

décembre 2016, la juridiction de premier degré a débouté l’organisme de recouvrement de ses

demandes pour vice de procédure. La Cour d’appel de Paris confirma le jugement pour vice de

procédure de l’URSSAF lors de l’exercice de ses prérogatives (perquisitions et procès-

verbaux).

Le Conseil de Prud’hommes de Paris a opté, pour la première fois en tant

que juge national, pour la requalification des relations entre prestataires et plateformes en

contrat de travail. La juridiction met en évidence l’artifice de l’indépendance promue par les

plateformes48.

Le Conseil de Prud’hommes de Paris refusa de se prononcer sur la question. En effet, dans un

jugement du 1er juin 201549, la juridiction s’est déclarée incompétente au profit du Tribunal de

Commerce de Paris. Dans un arrêt du 7 janvier 201650, la Cour d’appel de Paris a confirma cette

48 « Le Droit social confronté aux défis de l’ubérisation », Thomas PASQUIER, Dalloz IP/IT 2017, p.368 49 Conseil de Prud’hommes de Paris, Section commerce, 1er juin 2015, RG n°F14/7887 50 Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 2, 7 janvier 2016, RG n°S15/06489

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incompétence, ne se prononçant donc pas sur l’existence éventuelle d’un lien de subordination

juridique entre la plateforme et le prestataire.

Néanmoins, il faut souligner le revirement de jurisprudence opéré par ce

même Conseil de Prud’hommes dans son jugement du 20 décembre 201651. En effet, la

juridiction requalifie le contrat de prestation de service entre la plateforme LeCab (du groupe

Voxtur, similaire à Uber) et son prestataire, en contrat de travail. Ce jugement, qualifié

d’instructif52 pour appréhender l’ubérisation, permet l’application des dispositifs issus du

régime général de la Sécurité sociale en retenant l’existence d’une relation de travail (et d’un

lien de subordination car la plateforme disposait d’un pouvoir de sanction et d’une faculté

d’exclusivité empêchant le prestataire de travailler pour une autre plateforme53, d’où la remise

en cause de son indépendance juridique).

D’autres actions sont en cours, comme celles d’une dizaine de chauffeurs

travaillant avec (ou plutôt pour) Uber devant le Conseil de Prud’hommes de Paris le 14 avril

2017 ou encore celles des Bikers de Deliveroo et des prestataires de TakeEatEasy. Les

prestataires restent les premières victimes de l’ubérisation donc ils revendiquent la

requalification de leurs relations avec les plateformes en contrat de travail, notamment pour des

mauvaises conditions de travail, « d’abus du statut d’auto-entrepreneur et surtout pour des

garanties effectives et une protection sociale adéquate.

A ce jour, seules deux décisions rendues au plus haut niveau peuvent

nous intéresser en matière d’ubérisation car celles-ci admettent l’existence d’un lien de

subordination entre un auto-entrepreneur et la société avec laquelle il travail.

La première solution, issue d’un arrêt de la Chambre criminelle de la

Cour de cassation datant du 15 Décembre 201554, énonce deux principes majeurs :

l’appréciation souveraine des juges du fond en matière de travail dissimulé et la requalification

éventuelle de l’auto-entreprenariat en contrat de travail. Les juges doivent rechercher « la

véritable nature de la convention conclue entre les parties » à travers l’analyse des éléments et

des indices sur l’exercice réelle de la prestation. Suite à cette recherche, les juges peuvent tout

51 Conseil de Prud’hommes de Paris, Section commerce, 20 décembre 2016, RG n° F 14/16389 52 « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », Alexandre FABRE et Marie-Cécile ESCANDE-

VARNIOL, RDT 2017, 28 Mars 2017, n°3, p.166 53 « Le droit du travail peut-il répondre aux défis de l’ubérisation ? », Alexandre FABRE et Marie-Cécile ESCANDE-

VARNIOL, RDT, 28 Mars 2017, n°3, p.166 54 Cass. Crim. 15 décembre 2015, n°14-85.638., Bull. Crim. 2015 n°302

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à fait conclure de l’existence d’un lien de subordination juridique permanente et donc d’un

contrat de travail.

La seconde solution est issue d’un arrêt de la Deuxième Chambre civile

de la Cour de cassation datant du 7 Juillet 201655 dit Formacad.

En effet, la deuxième Chambre civile de la Haute juridiction, compétente en matière de

recouvrement des cotisations sociales, admet l’existence d’une subordination juridique

permanente dans une espèce de recouvrement de cotisations sociales.

Pour y parvenir, la Cour de cassation renverse la présomption de non-salariat prévue légalement

pour les auto-entrepreneurs56 en relevant un ensemble d’indices qui prouvent l’existence d’un

contrat de travail. En effet, les prestataires avaient des contraintes à respecter dans l’exercice

de leur activité, comme des heures et des lieux de travail préétablies, une clientèle exclusive,

un programme prédéfini sans liberté d’en concevoir un, une clause de non-concurrence, un

mandat pour la réalisation des formalités administratives (statut, facturation, déclarations de

chiffre d’affaires et paiement des charges sociales et fiscales), une activité à durée indéterminée

donc un engagement permanent etc.

Ces décisions, qualifiées de modèles du genre57, démontrent la manière selon laquelle l’obstacle

statutaire d’indépendance peut être surmonté en matière d’ubérisation.

Cependant, la requalification des relations ubérisées en contrat de

travail semble être une solution prise en urgence. Ce réflexe « primaire » peut freiner le

développement de l’économie collaborative. La mise en place d’une solution à long terme

parait donc indispensable. La conséquence principale serait donc l’uniformisation de la

protection sociale des salariés et des travailleurs indépendants, qui serait regroupée au sein du

régime générale de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour

2018, adopté définitivement le 4 décembre 2017, prévoit notamment la suppression du RSI

avec une période transitoire de deux ans pour intégrer les travailleurs indépendants au régime

général de la sécurité sociale. Un groupe de député ont saisi le Conseil Constitutionnel le 8

décembre 2017 pour un contrôle de constitutionnalité.

55 Cass. Civ. 2ème 7 Juillet 2016, n°15-16.110., D. 2016 n°1574, Dr. Soc. 2016 n°859, obs. J. Mouly 56 Loi n°2008-776 du 4 août 2016 de modernisation de l’économie instituant le statut d’entrepreneur, lui affectant la

présomption de non-salariat consacrée par la Loi Madelin n°94-126 du 11 février 1994 57 « Sens et limites de la qualification de contrat de travail », Thomas PASQUIER, RDT 2017, 28 Février 2017, n°2, p.95

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D’autre part, la mise en place de la protection universelle maladie

(PUMA) démontre la volonté de construire un système de protection sociale unifié. En effet,

cette mesure, présentée comme « l’aboutissement du processus d’universalisation de la

protection maladie », marque « la rupture de celle-ci avec la conception bismarckienne sous le

signe de laquelle elle a été constituée »58.

Dans la même lignée, et depuis peu, un projet de création d’une assurance

chômage universelle est discuté. Le souhait du Gouvernement actuel serait d’étendre la

protection contre le chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Cette

éventualité, annonciatrice d’un glissement « vers un droit de l’activité professionnelle »59 sera

traitée plus loin dans le développement.

Ainsi, comme on peut le constater, l’ubérisation pousse donc à

l’uniformisation, la généralisation de la protection sociale pour tous les travailleurs.

Pour certains, cette tendance d’unification pourrait combler les failles de notre modèle social,

basé sur la dualité des régimes juridiques (entre travailleurs indépendants et salariés).

En revanche, le revers de la médaille peut provoquer de lourdes conséquences. Faire adosser au

régime général les travailleurs indépendants se traduira certainement par le paiement de

cotisations sociales des indépendants au même titre que les salariés, pour une question d’égalité.

Mais le travailleur indépendant devra, contrairement au salarié, assumer toutes les cotisations

sociales (salariales mais aussi patronales).

Cette généralisation aboutira inévitablement à des augmentations des

cotisations sociales des indépendants car le régime général de base de la sécurité sociale est

imposé alors qu’avec le RSI, la couverture sociale avait plusieurs vitesses, traduisant donc une

certaine souplesse pour les indépendants.

Le résultat aboutira nécessairement à un effet inflationniste, en raison de l’augmentation des

charges sociales des indépendants qui sera suivie d’une perte de rentabilité, donc d’une hausse

des prix de leurs prestations etc. Ainsi, les travailleurs indépendants auront une meilleure

protection sociale mais des coûts plus élevés. Et ce n’est pas forcément ce qu’ils souhaitent car

généralement, avec le RSI, ils choisissent la couverture la plus faible.

58 « La protection universelle maladie (Puma) : une transfiguration législative de l'assurance maladie », Dominique

TABUTEAU, RDSS 2015, p.1058-1072 59 « Vers un droit de l'activité professionnelle », Jacques BARTHELEMY et Gilbert CETTE, Droit Social 2017, 17 Mars

2017, n°3, p.188

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Une solution face à cela serait alors une diminution de la protection

sociale des salariés, donc du régime général (reste à charge, déremboursement etc.). Ça sera

certainement la solution choisie pour lutter contre le déficit du système qui se creusera

davantage.

En conclusion, cette tendance d’uniformisation se résultera soit d’une augmentation des

cotisations sociales à la charge des indépendants (pour un ajustement avec les salariés) soit

d’une baisse du niveau de protection sociale fournie par le régime général de la sécurité social.

Et il y a un risque réel de « jeu d’équilibre » pendant un certain temps : moins de protection

sociale pour ceux qui étaient bien couvert et plus de protection sociale pour ceux qui ne l’étaient

pas.

Le brouillage des frontières entre salarié et travailleur indépendant (qui

sera encore plus accentué avec l’ubérisation et le mouvement de digitalisation et de

dématérialisation qu’il provoque) caractérise une autre problématique posée par

l’universalisation du système sociale. Dans la même lignée que l’idée du contrat unique de

travail, on aboutira peut-être à une suppression du statut de salarié.

Finalement, on peut affirmer qu’un système uniforme a tendance à être vulnérable et devenir

un monopole. Et rationnellement, le monopole n’étant pas bon, il faudra donc trouver un juste

équilibre avec un contre-pouvoir efficace.

Ces conséquences éventuelles de l’uniformisation du système de

protection sociale nous poussent donc à essayer de trouver d’autres solutions, efficaces à long

terme, pour redorer le blason du Droit de la protection sociale face à l’ubérisation.

B- Les solutions nécessaires à long terme

L’ubérisation remet en question le modèle social actuel. Le postulat selon

lequel, le Droit du travail et la protection sociale reposent encore largement sur le salariat, est

bouleversé par cette transformation des relations de travail60.

Ainsi, c’est dans une logique similaire à celle suivie dans d’autres pays que se situe la France

concernant la situation des travailleurs des plateformes numériques face à l’ubérisation61.

60« Le salariat à l'épreuve des plateforme collaboratives », strategie.gouv.fr, 7 décembre 2016 61 « La protection sociale des non-salariés et son financement », Haut Conseil du financement de la protection sociale,

Rapport Octobre 2016, p.43

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La tendance amorcée tend vers la requalification en contrat de travail.

Celle-ci aboutirait à la soumission des prestataires des plateformes au régime général de la

sécurité sociale. Ainsi, les plateformes (qui seront donc des employeurs) devront assumer les

cotisations patronales et les travailleurs indépendants (qui seront eux des salariés) les cotisations

salariales. Mais l’ubérisation a déjà franchi un niveau : c’est un grand risque de vouloir imposer

cela car si ces plateformes d’emploi connaissent une croissance exponentielle, c’est

principalement grâce au contournement du Droit social. Ainsi, la requalification et ses

conséquences seront un coup de frein au développement de l’économie collaborative. Par

exemple, en Chine, les autorités publics ont légiféré en faveur du salariat et la plateforme Uber

a quitté le pays.

Se présente donc un choix entre une vision libérale (dérèglementer la

relation de travail en transformant le salarié en autoentrepreneur) et une vision sociale-

démocrate (préserver les acquis sociaux), c’est-à-dire soit limiter le champ du Droit du travail

et de la Protection sociale au travail indépendant, soit développer une conception extensive du

lien de subordination pour englober dans le salariat ou prendre en compte parallèlement au

salariat les nouvelles formes de travail62.

Une des solutions pour régler le contournement des règles par l’ubérisation et redonner une

réelle effectivité à la protection sociale, passera donc par une actualisation des critères du

salariat (notamment en prenant en compte la dépendance économique, préconisé dès 193263,

parallèlement au lien de subordination juridique institué par la jurisprudence64), ce qui

permettra de l’adapter à « l’économie de services »65.

Par ailleurs, on peut envisager la création d’un troisième statut hybride

entre salarié et indépendant : celui de travailleur en dépendance économique (travailleurs

juridiquement autonomes mais fortement liés aux entreprises clientes)66. Le point commun

entre un travailleur indépendant économiquement dépendant (qui n’a qu’un seul client) et le

62 « Indépendant, salarié, entrepreneur : pour un droit de l'activité professionnelle », Laurent COQUELIN, Revue CFDT-

Cadres, 2003, n° 404 63 Cass. Civ. 6 Juillet 1931, Arrêt dit Bardou, Dalloz 1931.1.131. 64 Cass. Soc. 22 Juillet 1954, Bull. civ. IV, no 576 ; Cass. Soc. 13 Novembre 1996, n°94-13.187. 65 « Pour une réglementation a minima de l'économie collaborative », Patrick THIEBART, Semaine Sociale Lamy, 18 janvier

2016 66 « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Paul-Henri ANTOMATTEI et Jean-Claude

SCIBERRAS, Droit Social 2009, p.221

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travailleur de plateformes ubérisées (clients multiples) est la question de leur protection

juridique, tant sur le Droit du travail que sur le Droit de la protection sociale.

En effet, les exemples statutaires de l’Espagne et l’Italie (statut de « travailleur

parasubordonné ») sont instructifs car ils remplissent majoritairement les objectifs pour

combler les lacunes provoquées par l’ubérisation, à savoir la lutte, d’une part, contre les « zones

grises » existant entre le salariat et l’indépendance, et d’autre part, contre le travail dissimulé

ou l’exploitation des « faux indépendants ».

En outre, une autre solution qui était préconisée dans le rapport Terrasse67

semble intéressante. Ce dernier proposait non pas une extension du salariat ou la création d’un

tiers statut mais un décloisonnement des statuts existants (salarié/indépendant) dans le but de

rapprocher leur niveau de protection sociale. La mise en œuvre de cette proposition permettra

notamment d’assurer des recettes aux régimes de sécurité sociale sans forcément freiner l’essor

et la richesse que représentent les plateformes numériques68. En effet, cela va se traduire par la

création d’un statut de micro-entrepreneur collaboratif ultra-simplifié pour les revenus

complémentaires inférieurs à un seuil (1500 euros/an) avec donc un prélèvement social et fiscal

libératoire. Au-delà de ce seuil, le prestataire de plateformes ubérisées devra s’affilier en tant

que micro-entrepreneur et cotiser en conséquence69.

La Loi Travail du 8 août 2016 reste a priori sur la distinction entre

travailleur salarié et travailleur indépendant (malgré la protection sociale accordée à celui-ci).

En effet, cette modeste « responsabilité sociale » intégrée permet de réduire une différence entre

le régime général et le RSI : ce dernier offre des garanties moins importantes mais son prix est

plus faible, ce qui est synonyme de rentabilité immédiate mais aussi de précarisation. Cette

différence est partiellement effacée avec l’apport de la Loi Travail.

Cela permet de lutter contre le travail dissimulé et la concurrence déloyale tout en faisant

émerger ces nouvelles formes de travail dans l’économie formelle70.

67 Remise au Premier Ministre du rapport de Pascal Terrasse, Député de l’Ardèche, sur « le développement de l’économie

collaborative », contenu publié sous le Gouvernement Vals II le 8 février 2016 68 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971 69 « L’actualité », Liaisons Sociales Quotidien, 24 Octobre 2016, n° 17187 70 « Quel statut social pour les travailleurs des plateformes numériques ? La RSE en renfort de la loi », Isabelle

DESBARATS, Droit social 2017, 30 octobre 2017, n°11, p.971

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Cependant, cet apport se limite qu’à un certain type de plateforme numérique comme nous

l’avons vu, et cela produit l’exclusion des autres travailleurs indépendant ayant recours à

d’autres types de plateforme.

Pour cette raison, il faudra donc aller encore plus loin et penser à une réforme plus en

profondeur (solide et durable) pour une meilleure effectivité de la protection sociale.

Par ailleurs, on peut également penser à concilier la tendance de

l’universalité avec une personnalisation, c’est-à-dire une contractualisation. En effet, la

construction d’une « sécurité sociale 3.0 » et la création d’un régime spécifique pour les

travailleurs collaboratifs non-salariés (avec une caisse sociale particulière qui s’engagerai à

récolter des cotisations assumées en partie par les plateformes) seront alors indispensables.

La création d’un droit de l’activité professionnelle71 parait être une

mesure adaptée. En effet, cela passerait par la mise en place d’un socle de droits fondamentaux

applicable à tous les travailleurs (incluant la protection sociale, les droits collectifs et les droits

individuels) et un socle de protection complémentaire à travers un contrat de travail

individualisé.

D’autre part, le fait que les ordonnances dites Macron du 22 septembre

201772 n’apportent, a priori, pas de mesures ou dispositifs quant à l’économie collaborative, est

regrettable. Cet « oubli » (ou omission) peut s’expliquer par deux arguments : d’une part, la

volonté des auteurs de ne pas « brusquer » le développement de l’économie collaborative, et

d’autre part, l’esprit de ces ordonnances orienté vers le « sauvetage » des entreprises (et moins

vers leur création et leur manière de fonctionner).

Les difficultés posées par l’ubérisation peuvent être l’occasion de

refonder le Droit social, et notamment le Droit de la protection sociale, en le faisant passer de

l’ère industrielle à l’ère numérique73 et cela semble inévitable. C’est la volonté affirmée par la

71 « Vers un droit de l'activité professionnelle », Jacques BARTHELEMY et Gilbert CETTE, Droit social 2017, 17 Mars

2017, n°3, p.188 72 Ordonnances n°2017-1385 relative au renforcement de la négociation collective ; n°2017-1386 relative à la nouvelle

organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités

syndicales ; n°2017-1387 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ; n°2017-1388 portant diverses

mesures relatives au cadre de la négociation collective ; n°2017-1389 relative à la prévention et à la prise en compte des

effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention 73 « L’ubérisation, un phénomène global. Regard de droit comparé », Marie-Cécile ESCANDE-VARNIOL, RDT 2017, 28

Mars 2017, n°3, p.166

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Cour de Justice de l’Union Européenne, dans sa décision très récente du 20 décembre 201774,

où elle pousse les Etats membres à règlementer les conditions de prestation du service de la

plateforme Uber, admise comme prestataire d’un service de transport.

74 CJUE 20 décembre 2017, 434/15Asociacion Profesional Elite Taxi/Uber Systems Spain SL

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-Conseil de Prud’hommes de Paris, Section commerce, 1er juin 2015, RG n°F14/7887

-Cour d’Appel de Paris, Pôle 6 – Chambre 2, 7 janvier 2016, RG n°S15/06489

-Conseil de Prud’hommes de Paris, Section commerce, 20 décembre 2016, RG n° F 14/16389

Décisions étrangères :

-CJCE 17 février 1993, Christian Poucet contre Assurances générales de France et Caisse mutuelle

régionale du Languedoc-Roussillon, C-159/91 et C160/91, 1993 I-00637

-CJUE 20 décembre 2017, 434/15Asociacion Profesional Elite Taxi/Uber Systems Spain SL

-Labor Commissioner of the state of California, 16 juin 2015, Uber Technologies Inc./B. Berwick

-Employment Tribunals, 28 October 2016, Case n°2202550/2015, Mr Y.Aslam, Mr J.Farrar and Others

V Uber