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Recueil de la jurisprudence ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie) 12 mai 2021 * « Aides dÉtat Aide mise en exécution par le Luxembourg en faveur dAmazon Décision déclarant laide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération Décision fiscale anticipative (tax ruling) Prix de transfert Avantage fiscal sélectif Méthode de fixation des prix de transfert Analyse fonctionnelle » Dans les affaires T-816/17 et T-318/18, Grand-Duché de Luxembourg, représenté par M. T. Uri, en qualité dagent, assisté de M es D. Waelbroeck, A. Steichen et J. Bracker, avocats, partie requérante dans laffaire T-816/17, soutenu par M me Irlande, représentée par J. Quaney et M. A. Joyce, en qualité dagents, assistés de MM. P. Gallagher, SC, B. Doherty, barrister, et M me S. Kingston, SC, partie intervenante dans laffaire T-816/17, Amazon EU Sàrl, établie à Luxembourg (Luxembourg), Amazon.com, Inc., établie à Seattle, Washington (États-Unis), représentées par M es D. Paemen, M. Petite et A. Tombiński, avocats, parties requérantes dans laffaire T-318/18, contre Commission européenne, représentée, dans laffaire T-816/17, par MM. P. Stancanelli, P.-J. Loewenthal et M me F. Tomat, en qualité dagents, assistés de M e M. Chammas, avocate, et, dans laffaire T-318/18, par M. Loewenthal et M me Tomat, partie défenderesse, ayant pour objet des demandes fondées sur larticle 263 TFUE et tendant à lannulation de la décision (UE) 2018/859 de la Commission, du 4 octobre 2017, concernant laide dÉtat SA.38944 (2014/C) (ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur dAmazon (JO 2018, L 153, p. 1), * Langues de procédure : langlais et le français. FR ECLI:EU:T:2021:252 1

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Recueil de la jurisprudence

ARREcircT DU TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

12 mai 2021

laquo Aides drsquoEacutetat ndash Aide mise en exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon ndash Deacutecision deacuteclarant lrsquoaide incompatible avec le marcheacute inteacuterieur et illeacutegale et ordonnant sa reacutecupeacuteration ndash Deacutecision fiscale anticipative (tax ruling) ndash Prix de transfert ndash Avantage fiscal seacutelectif ndash Meacutethode de fixation des prix de

transfert ndash Analyse fonctionnelle raquo

Dans les affaires T-81617 et T-31818

Grand-Ducheacute de Luxembourg repreacutesenteacute par M T Uri en qualiteacute drsquoagent assisteacute de Mes D Waelbroeck A Steichen et J Bracker avocats

partie requeacuterante dans lrsquoaffaire T-81617

soutenu par

MmeIrlande repreacutesenteacutee par J Quaney et M A Joyce en qualiteacute drsquoagents assisteacutes de MM P Gallagher SC B Doherty barrister et Mme S Kingston SC

partie intervenante dans lrsquoaffaire T-81617

Amazon EU Sagraverl eacutetablie agrave Luxembourg (Luxembourg)

Amazoncom Inc eacutetablie agrave Seattle Washington (Eacutetats-Unis)

repreacutesenteacutees par Mes D Paemen M Petite et A Tombiński avocats

parties requeacuterantes dans lrsquoaffaire T-31818

contre

Commission europeacuteenne repreacutesenteacutee dans lrsquoaffaire T-81617 par MM P Stancanelli P-J Loewenthal et Mme F Tomat en qualiteacute drsquoagents assisteacutes de Me M Chammas avocate et dans lrsquoaffaire T-31818 par M Loewenthal et Mme Tomat

partie deacutefenderesse

ayant pour objet des demandes fondeacutees sur lrsquoarticle 263 TFUE et tendant agrave lrsquoannulation de la deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1)

Langues de proceacutedure lrsquoanglais et le franccedilais

FR ECLIEUT2021252 1

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LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

composeacute de M M van der Woude preacutesident Mmes V Tomljenović (rapporteure) et A Marcoulli juges

greffier Mme S Spyropoulos administratrice

vu la phase eacutecrite de la proceacutedure et agrave la suite de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020

rend le preacutesent

Arrecirct

I Anteacuteceacutedents du litige

1 Amazoncom Inc dont le siegravege social est eacutetabli aux Eacutetats-Unis et les entreprises qui sont placeacutees sous son controcircle (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble le laquo groupe Amazon raquo) exercent des activiteacutes en ligne et notamment des opeacuterations de vente au deacutetail en ligne et de fourniture de divers services en ligne Agrave cette fin le groupe Amazon gegravere plusieurs sites Internet en diffeacuterentes langues de lrsquoUnion europeacuteenne parmi lesquels amazonde amazonfr amazonit et amazones

2 Avant mai 2006 les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon eacutetaient geacutereacutees agrave partir des Eacutetats-Unis En particulier les activiteacutes de vente au deacutetail et de services sur les sites Internet europeacuteens eacutetaient exploiteacutees par deux entiteacutes eacutetablies aux Eacutetats-Unis agrave savoir Amazoncom International Sales Inc (ci-apregraves laquo AIS raquo) et Amazon International Marketplace (ci-apregraves laquo AIM raquo) ainsi que par drsquoautres eacutetablies en France en Allemagne et au Royaume-Uni

3 En 2003 une restructuration des activiteacutes du groupe Amazon en Europe a eacuteteacute planifieacutee Cette restructuration qui a effectivement eacuteteacute mise en œuvre en 2006 (ci-apregraves la laquo restructuration de 2006 raquo) eacutetait articuleacutee autour de la creacuteation de deux socieacuteteacutes eacutetablies agrave Luxembourg (Luxembourg) Plus preacuteciseacutement il srsquoagissait drsquoune part drsquoAmazon Europe Holding Technologies SCS (ci-apregraves laquo LuxSCS raquo) une socieacuteteacute en commandite simple luxembourgeoise dont les associeacutes eacutetaient des entreprises ameacutericaines et drsquoautre part drsquoAmazon EU Sagraverl (ci-apregraves laquo LuxOpCo raquo) qui comme LuxSCS avait son siegravege social agrave Luxembourg

4 LuxSCS a dans un premier temps conclu plusieurs accords avec certaines entiteacutes du groupe Amazon eacutetablies aux Eacutetats-Unis agrave savoir

ndash des accords de licence et de cession pour les droits de proprieacuteteacute intellectuelle preacuteexistants (License and Assignment Agreements For Preexisting Intellectual Property ci-apregraves deacutenommeacutes ensemble lrsquolaquo accord drsquoentreacutee raquo) avec Amazon Technologies Inc (ci-apregraves laquo ATI raquo) entiteacute du groupe Amazon eacutetablie aux Eacutetats-Unis

ndash un accord de reacutepartition des coucircts (ci-apregraves lrsquolaquo ARC raquo) conclu en 2005 avec ATI et A 9com Inc (ci-apregraves laquo A 9 raquo) une entiteacute du groupe Amazon eacutetablie aux Eacutetats-Unis En vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC LuxSCS a obtenu le droit drsquoexploiter certains droits de proprieacuteteacute intellectuelle et les laquo travaux deacuteriveacutes raquo de ceux-ci qui eacutetaient deacutetenus et mis au point par A 9 et ATI Les actifs incorporels viseacutes par lrsquoARC comportaient essentiellement trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle agrave savoir la technologie les donneacutees clients et les marques En vertu de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS pouvait eacutegalement conceacuteder les actifs incorporels en

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sous-licence notamment dans le but drsquoexploiter les sites Internet europeacuteens En contrepartie de ces droits LuxSCS devait verser des paiements drsquoentreacutee et sa quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

5 Dans un deuxiegraveme temps LuxSCS a conclu avec LuxOpCo un accord de licence qui a pris effet le 30 avril 2006 portant sur les actifs incorporels susmentionneacutes (ci-apregraves lrsquolaquo accord de licence raquo) En vertu de celui-ci LuxOpCo a obtenu le droit drsquoutiliser les actifs incorporels en eacutechange du paiement drsquoune redevance agrave LuxSCS (ci-apregraves la laquo redevance raquo)

6 Enfin LuxSCS a conclu un accord de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle avec Amazoncouk Ltd Amazonfr SARL et Amazonde GmbH en vertu duquel LuxSCS a reccedilu certaines marques et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens

7 En 2014 le groupe Amazon a fait lrsquoobjet drsquoune deuxiegraveme restructuration et lrsquoarrangement contractuel existant entre LuxSCS et LuxOpCo nrsquoa plus eacuteteacute drsquoapplication

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause

8 En preacuteparation de la restructuration de 2006 Amazoncom et un conseiller fiscal ont par lettres des 23 et 31 octobre 2003 demandeacute agrave lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise lrsquoadoption drsquoune deacutecision fiscale anticipative confirmant le traitement reacuteserveacute agrave LuxOpCo et agrave LuxSCS aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes

9 Par sa lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom a demandeacute que soit approuveacute le calcul du taux de la redevance que LuxOpCo eacutetait censeacutee verser agrave LuxSCS agrave partir du 30 avril 2006 Cette demande drsquoAmazoncom srsquoappuyait sur un rapport de prix de transfert preacutepareacute par ses conseillers fiscaux (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2003 raquo) Les auteurs de ce rapport proposaient en substance une meacutethode de fixation des prix de transfert qui selon eux permettait de deacuteterminer la dette de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes dont LuxOpCo devait srsquoacquitter au Luxembourg Plus particuliegraverement par la lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom avait demandeacute confirmation sur le fait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle due par LuxOpCo agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence telle que cette meacutethode ressortait du rapport sur les prix de transfert de 2003 procurait agrave LuxOpCo un laquo beacuteneacutefice approprieacute et acceptable raquo au regard de la politique en matiegravere de prix de transfert et de lrsquoarticle 56 et de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la loi du 4 deacutecembre 1967 concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee (ci-apregraves la laquo LIR raquo) La meacutethode de calcul de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 eacutetait deacutecrite comme suit

laquo 1) calculer et attribuer agrave LuxOpCo le laquo rendement de LuxOpCo raquo drsquoun montant eacutegal au montant le plus faible entre a) [confidentiel] 1 du total des charges drsquoexploitation supporteacutees par LuxOpCo pour lrsquoUnion europeacuteenne au cours de lrsquoanneacutee consideacutereacutee et b) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne attribuable aux sites web europeacuteens au cours de cette mecircme anneacutee

2) la redevance de licence est eacutegale au reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne moins le rendement de LuxOpCo sans pouvoir ecirctre infeacuterieure agrave zeacutero

3) le taux de redevance pour lrsquoanneacutee est eacutegal agrave la redevance de licence diviseacutee par le chiffre drsquoaffaires total reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne pour lrsquoanneacutee

4) nonobstant ce qui preacutecegravede le montant du rendement de LuxOpCo nrsquoest quelle que soit lrsquoanneacutee pas infeacuterieur agrave 045 ni supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

1 Donneacutees confidentielles occulteacutees

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5 a) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est infeacuterieur agrave 045 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 045 du chiffre drsquoaffaires ou du reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

b) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne raquo

10 Par la lettre du 31 octobre 2003 reacutedigeacutee par un autre conseiller fiscal Amazoncom a demandeacute confirmation du traitement fiscal reacuteserveacute agrave LuxSCS agrave ses associeacutes eacutetablis aux Eacutetats-Unis et aux dividendes perccedilus par LuxOpCo dans le cadre de cette structure Il eacutetait expliqueacute dans la lettre que LuxSCS en tant que socieacuteteacute en commandite simple nrsquoavait pas une personnaliteacute fiscale distincte de celle de ses associeacutes et que en conseacutequence elle nrsquoeacutetait assujettie ni agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ni agrave lrsquoimpocirct sur la fortune au Luxembourg

11 Le 6 novembre 2003 lrsquoAdministration des contributions directes du Grand-Ducheacute de Luxembourg (ci-apregraves lrsquolaquo administration fiscale luxembourgeoise raquo ou les laquo autoriteacutes fiscales luxembourgeoises raquo) a adresseacute agrave Amazoncom une lettre (ci-apregraves la laquo DFA en cause raquo) qui se lit pour partie comme suit

laquo [hellip] Monsieur

Apregraves avoir pris connaissance de la lettre du 31 octobre 2003 que [votre conseiller fiscal] mrsquoa adresseacutee ainsi que de votre lettre du 23 octobre 2003 exposant votre position agrave lrsquoeacutegard du traitement fiscal au Luxembourg dans la perspective de vos futures activiteacutes jrsquoai le plaisir de vous informer que je peux approuver le contenu des deux lettres [hellip] raquo

12 Agrave la demande drsquoAmazoncom lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise a prorogeacute la validiteacute de la DFA en cause en 2010 et lrsquoa effectivement appliqueacutee jusqursquoen juin 2014 lorsque la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute modifieacutee Ainsi la DFA en cause a eacuteteacute appliqueacutee de 2006 agrave 2014 (ci-apregraves la laquo peacuteriode consideacutereacutee raquo)

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission

13 Le 24 juin 2014 la Commission europeacuteenne a demandeacute au Grand-Ducheacute de Luxembourg de lui fournir des informations sur les deacutecisions fiscales anticipatives accordeacutees au groupe Amazon Le 7 octobre 2014 elle a publieacute la deacutecision drsquoouverture drsquoune proceacutedure formelle drsquoexamen au sens de lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE

14 Dans le cadre de lrsquoenquecircte ainsi entameacutee la Commission a demandeacute divers renseignements au Grand-Ducheacute de Luxembourg et agrave Amazoncom Parmi les reacuteponses aux demandes de renseignements Amazoncom a preacutesenteacute une copie drsquoun avis de la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) du 23 mars 2017 (ci-apregraves lrsquolaquo avis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis raquo) qui avait eacuteteacute rendu dans le cadre drsquoun recours formeacute par lrsquoInternal Revenue Service (agence de collecte fiscale du gouvernement feacutedeacuteral Eacutetats-Unis IRS) au sujet du montant des paiements lieacutes aux accords mentionneacutes au point 4 ci-dessus

15 De plus Amazoncom a preacutesenteacute agrave la Commission un nouveau rapport sur les prix de transfert reacutedigeacute par un conseiller fiscal dont lrsquoobjectif eacutetait de veacuterifier a posteriori si la redevance verseacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS conformeacutement agrave la DFA en cause eacutetait conforme au principe de pleine concurrence (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2017 raquo)

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C Sur la deacutecision attaqueacutee

16 Le 4 octobre 2017 la Commission a adopteacute la deacutecision (UE) 2018859 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1 ci-apregraves la laquo deacutecision attaqueacutee raquo)

17 Lrsquoarticle 1er de cette deacutecision se lit en partie comme suit

18 laquo La [DFA en cause] par laquelle le Grand-Ducheacute de Luxembourg a avaliseacute une meacutethode de fixation des prix de transfert [hellip] permettant agrave [LuxOpCo] de deacuteterminer sa dette drsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes au Luxembourg de 2006 agrave 2014 drsquoune part et lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes fondeacutee sur ladite deacutecision drsquoautre part constituent une aide drsquoEacutetat [hellip] raquo

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique

19 Dans la section 2 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Contexte factuel et juridique raquo la Commission a opeacutereacute notamment une preacutesentation du groupe Amazon de la DFA en cause ainsi que du cadre juridique national applicable et des orientations sur les prix de transfert

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon

20 Srsquoagissant de la preacutesentation du groupe Amazon la Commission a deacutecrit les activiteacutes du groupe Amazon de vente au deacutetail et de services ainsi que la composition dudit groupe dans la mesure ougrave cela eacutetait pertinent pour la deacutecision attaqueacutee

21 Pour la peacuteriode consideacutereacutee la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute scheacutematiseacutee par la Commission comme suit

22 Premiegraverement srsquoagissant de LuxSCS la Commission a releveacute que cette socieacuteteacute nrsquoavait aucune preacutesence physique ni aucun salarieacute au Luxembourg Selon la Commission au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxSCS intervenait uniquement en tant que socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe dont LuxOpCo eacutetait responsable en qualiteacute drsquoopeacuterateur principal Elle a indiqueacute toutefois que LuxSCS avait consenti eacutegalement des precircts intragroupes agrave plusieurs entiteacutes du groupe Amazon La Commission a preacuteciseacute en outre que LuxSCS eacutetait partie agrave plusieurs accords intragroupe conclus avec ATI A 9 et LuxOpCo (voir points 3 et 5 ci-dessus)

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23 Deuxiegravemement srsquoagissant de LuxOpCo la Commission a mis un accent particulier sur le fait que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo eacutetait une filiale agrave part entiegravere de LuxSCS

24 Selon la Commission agrave compter de la restructuration de 2006 des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon LuxOpCo remplissait les fonctions de siegravege social du groupe Amazon en Europe et eacutetait lrsquoopeacuterateur principal des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne et de services du groupe Amazon en Europe reacutealiseacutees par le canal des sites Internet europeacuteens La Commission a indiqueacute que en cette qualiteacute LuxOpCo avait ducirc geacuterer la prise de deacutecisions relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services meneacutees par lrsquointermeacutediaire des sites Internet europeacuteens ainsi que les principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail En outre en sa qualiteacute de vendeur officiel des stocks du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait eacuteteacute eacutegalement responsable de la gestion des stocks sur les sites Internet europeacuteens Elle aurait eacuteteacute proprieacutetaire desdits stocks et en aurait assumeacute les risques et les pertes La Commission a preacuteciseacute par ailleurs que LuxOpCo avait enregistreacute dans ses comptes le chiffre drsquoaffaires geacuteneacutereacute aussi bien par les ventes de produits que par le traitement de commandes Enfin LuxOpCo aurait eacutegalement exerceacute des fonctions de gestion de la treacutesorerie des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

25 Ensuite la Commission a indiqueacute que LuxOpCo avait deacutetenu des participations dans Amazon Services Europe (ci-apregraves laquo ASE raquo) et Amazon Media Europe (ci-apregraves laquo AMEU raquo) deux entiteacutes du groupe Amazon reacutesidentes au Luxembourg ainsi que dans les filiales drsquoAmazoncom constitueacutees au Royaume-Uni en France et en Allemagne (ci-apregraves les laquo socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes raquo) qui auraient fourni divers services intragroupe agrave lrsquoappui des activiteacutes de LuxOpCo Durant la peacuteriode consideacutereacutee ASE aurait geacutereacute le service du groupe Amazon pour les vendeurs tiers dans lrsquoUnion deacutenommeacute laquo MarketPlace raquo AMEU aurait geacutereacute quant agrave elle les laquo activiteacutes numeacuteriques raquo du groupe Amazon dans lrsquoUnion telles que par exemple la vente de MP3 et de livres numeacuteriques Les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient fourni quant agrave elles des services pour lrsquoexploitation des sites Internet europeacuteens

26 De plus la Commission a releveacute que pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo constituait avec ASE et AMEU lesquelles eacutetaient reacutesidentes au Luxembourg un groupe fiscal au regard du droit fiscal luxembourgeois au sein duquel LuxOpCo jouait le rocircle de socieacuteteacute inteacutegrante Ces trois entiteacutes auraient donc constitueacute un seul et mecircme contribuable

27 Enfin outre lrsquoaccord de licence conclu par LuxOpCo avec LuxSCS la Commission a deacutecrit de maniegravere deacutetailleacutee certains autres accords intragroupe auxquels LuxOpCo eacutetait partie pendant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir certains accords de prestation de services conclus le 1er mai 2006 avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et des accords de licence sur la proprieacuteteacute intellectuelle conclus le 30 avril 2006 avec ASE et AMEU en vertu desquels des sous-licences non exclusives sur les actifs incorporels auraient eacuteteacute accordeacutees agrave ces deux entiteacutes

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause

28 Apregraves avoir examineacute la structure du groupe Amazon la Commission a deacutecrit la DFA en cause

29 Agrave cet eacutegard premiegraverement elle a fait eacutetat des lettres des 23 et 31 octobre 2003 mentionneacutees aux points 8 agrave 10 ci-dessus

30 Deuxiegravemement la Commission a expliqueacute le contenu du rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base duquel a eacuteteacute proposeacutee la meacutethode de deacutetermination du montant de la redevance

31 Tout drsquoabord la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 fournissait une analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo aux termes de laquelle il eacutetait indiqueacute que les activiteacutes principales de LuxSCS se seraient limiteacutees agrave celles drsquoune socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels et drsquoun participant au deacuteveloppement constant des actifs incorporels dans le cadre de lrsquoARC LuxOpCo aurait

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eacuteteacute deacutecrite dans ce rapport comme geacuterant la prise de deacutecisions strateacutegiques relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services des sites Internet europeacuteens ainsi que des principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail

32 Ensuite la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 comportait une section relative agrave la seacutelection de la meacutethode de fixation des prix de transfert la plus approprieacutee pour deacuteterminer la conformiteacute du taux de redevance avec le principe de pleine concurrence Deux meacutethodes auraient eacuteteacute examineacutees dans le rapport lrsquoune fondeacutee sur la meacutethode du prix comparable sur le marcheacute libre (ci-apregraves la laquo meacutethode CUP raquo) et lrsquoautre sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels

33 Drsquoune part en application de la meacutethode CUP un intervalle de pleine concurrence pour le taux de redevance de 106 agrave 136 aurait eacuteteacute calculeacute dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base drsquoune comparaison avec un certain accord conclu par Amazoncom avec un deacutetaillant des Eacutetats-Unis agrave savoir lrsquoaccord [confidentiel]

34 Drsquoautre part en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels le rapport sur le prix de transfert de 2003 aurait contenu une estimation du rendement associeacute aux laquo fonctions courantes de LuxOpCo dans son rocircle de socieacuteteacute drsquoexploitation europeacuteenne raquo sur la base de la marge sur les coucircts supporteacutes par LuxOpCo Pour ce faire il aurait eacuteteacute consideacutereacute que la laquo marge nette sur coucircts raquo (net cost plus mark up) aurait eacuteteacute lrsquoindicateur de beacuteneacutefice permettant de deacuteterminer la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions preacutevues de LuxOpCo Il aurait eacuteteacute proposeacute drsquoappliquer une marge de [confidentiel] sur les charges drsquoexploitation corrigeacutees de LuxOpCo La Commission a fait observer que selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 la diffeacuterence entre ce rendement et le reacutesultat drsquoexploitation de LuxOpCo aurait correspondu au beacuteneacutefice reacutesiduel qui aurait eacuteteacute entiegraverement imputable agrave lrsquoutilisation des actifs incorporels donneacutes en licence par LuxSCS La Commission a eacutegalement preacuteciseacute que sur la base de ce calcul les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient conclu qursquoun taux de redevance compris entre 101 et 123 du chiffre drsquoaffaires net de LuxOpCo aurait satisfait au critegravere de pleine concurrence conformeacutement aux lignes directrices de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE)

35 Enfin la Commission a indiqueacute que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient consideacutereacute que les reacutesultats eacutetaient convergents et avaient mentionneacute le fait que lrsquointervalle de pleine concurrence pour le taux de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS allait de 101 agrave 123 des ventes de LuxOpCo Les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient toutefois consideacutereacute que lrsquoanalyse du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels aurait eacuteteacute davantage fiable et qursquoil convenait donc de la retenir

36 Troisiegravemement dans une section 225 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Conseacutequences de la DFA en cause raquo la Commission a indiqueacute que par la DFA en cause lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise avait confirmeacute que la meacutethode de deacutetermination du taux de la redevance qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Elle a ajouteacute que pour remplir ses deacuteclarations fiscales annuelles LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable

37 Srsquoagissant du cadre juridique national applicable la Commission a citeacute lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Selon cette disposition laquo les distributions cacheacutees de beacuteneacutefices [eacutetaie]nt agrave comprendre dans le revenu imposable raquo et laquo il y a[vait] distribution cacheacutee de beacuteneacutefices notamment si un associeacute socieacutetaire ou inteacuteresseacute re[cevai]t directement ou indirectement des avantages drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune association dont normalement il nrsquoaurait pas beacuteneacuteficieacute srsquoil nrsquoavait pas eu cette qualiteacute raquo Dans ce

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contexte la Commission a exposeacute notamment que pendant la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR aurait eacuteteacute interpreacuteteacute par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise en ce sens qursquoil consacrait le laquo principe de pleine concurrence raquo en droit fiscal luxembourgeois

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert

38 Aux consideacuterants 244 agrave 249 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacutesenteacute le cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert Selon elle les laquo prix de transfert raquo tels que compris par lrsquoOCDE dans des lignes directrices publieacutees par cette organisation en 1995 en 2010 et en 2017 sont les prix auxquels une entreprise transfegravere des biens corporels actifs incorporels ou rend des services agrave des entreprises associeacutees En vertu du principe de pleine concurrence tel qursquoappliqueacute aux fins de lrsquoimposition des socieacuteteacutes les administrations fiscales nationales ne devraient accepter les prix de transfert convenus entre les entreprises associeacutees au sein drsquoun groupe pour leurs transactions intragroupe que srsquoils correspondent agrave ce qui aurait eacuteteacute convenu dans le cadre de transactions sur le marcheacute libre crsquoest-agrave-dire des transactions entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des circonstances comparables sur le marcheacute En outre la Commission a preacuteciseacute que le principe de pleine concurrence reposait sur lrsquoapproche de lrsquoentiteacute distincte selon laquelle agrave des fins fiscales les membres drsquoun groupe drsquoentreprises eacutetaient traiteacutes comme des entiteacutes distinctes

39 La Commission a eacutegalement releveacute que pour eacutetablir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe les lignes directrices de lrsquoOCDE (dans leurs versions de 1995 de 2010 et de 2017) eacutenumeacuteraient cinq meacutethodes Seules trois drsquoentre elles auraient eacuteteacute pertinentes dans le cadre de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la meacutethode CUP la meacutethode transactionnelle de la marge nette (ci-apregraves la laquo MTMN raquo) et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Aux consideacuterants 250 agrave 256 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a deacutecrit en quoi ces meacutethodes consistaient

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause

40 Au consideacuterant 154 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que la DFA en cause confirmait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle que LuxOpCo devait verser agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Au consideacuterant 155 de la deacutecision attaqueacutee elle a eacutegalement indiqueacute que LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause au cours de la peacuteriode consideacutereacutee afin de deacuteterminer le montant annuel ducirc au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes lorsqursquoelle avait rempli ses deacuteclarations fiscales annuelles au Luxembourg Ainsi qursquoil reacutesulte de maniegravere explicite de lrsquoarticle 1er

de la deacutecision attaqueacutee et malgreacute une certaine impreacutecision figurant aux consideacuterants 605 et 606 de cette deacutecision selon la Commission lrsquoaide drsquoEacutetat consistait donc en lrsquoespegravece dans la DFA en cause lue en lien avec lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo (par opposition agrave la DFA en cause en tant que telle)

41 La section 9 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Appreacuteciation de la mesure contesteacutee raquo eacutetait destineacutee agrave deacutemontrer que la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo prises ensemble constituaient effectivement une aide drsquoEacutetat

42 Pour ce faire apregraves avoir rappeleacute les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat preacutevues agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a releveacute que la premiegravere condition de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat selon laquelle il devait srsquoagir drsquoune intervention de lrsquoEacutetat ou de ressources drsquoEacutetat eacutetait remplie en lrsquoespegravece Agrave cet eacutegard elle a releveacute drsquoune part que la DFA en cause eacutetait imputable au Grand-Ducheacute de Luxembourg Drsquoautre part elle a consideacutereacute que la DFA en cause aurait entraicircneacute une reacuteduction de lrsquoimpocirct ducirc par LuxOpCo au Luxembourg par rapport agrave ce que devaient payer des

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socieacuteteacutes contribuables se trouvant dans une situation similaire La DFA en cause aurait donneacute donc lieu agrave une perte de ressources drsquoEacutetat degraves lors qursquoelle avait ameneacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave renoncer agrave une recette fiscale qursquoil aurait autrement eacuteteacute en droit de percevoir aupregraves de LuxOpCo

43 Srsquoagissant des deuxiegraveme et quatriegraveme conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a estimeacute drsquoune part que la DFA en cause devait ecirctre consideacutereacutee comme affectant les eacutechanges au sein de lrsquoUnion degraves lors que LuxOpCo avait fait partie du groupe Amazon exerccedilant ses activiteacutes dans plusieurs Eacutetats membres et qursquoelle exploitait des activiteacutes de vente au deacutetail par le canal des sites Internet de lrsquoUnion La Commission a ajouteacute que en accordant un laquo traitement fiscal favorable agrave Amazon raquo le Grand-Ducheacute de Luxembourg avait potentiellement deacutetourneacute des investissements drsquoEacutetats membres qui nrsquooffraient pas un traitement fiscal aussi favorable agrave des socieacuteteacutes appartenant agrave un groupe multinational Drsquoautre part la Commission a indiqueacute que dans la mesure ougrave la DFA en cause avait exoneacutereacute LuxOpCo de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle aurait normalement eacuteteacute tenue de payer cette deacutecision constituait une aide au fonctionnement Ainsi la DFA en cause en libeacuterant des ressources financiegraveres pour LuxOpCo que cette derniegravere aurait pu utiliser pour investir dans ses activiteacutes commerciales aurait fausseacute la concurrence sur le marcheacute

44 Srsquoagissant de la troisiegraveme condition drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a exposeacute que lorsqursquoune DFA avalisait un reacutesultat qui ne refleacutetait pas de maniegravere fiable le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en appliquant normalement le reacutegime de droit commun sans justification une telle deacutecision procurait un avantage seacutelectif agrave son destinataire dans la mesure ougrave ce traitement seacutelectif entraicircnait une diminution de lrsquoimpocirct ducirc par le contribuable par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire La Commission a eacutegalement consideacutereacute que en lrsquoespegravece la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage seacutelectif agrave LuxOpCo en reacuteduisant lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle devait payer au Luxembourg

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage

45 Dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Avantage raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la DFA en cause confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

46 Agrave titre liminaire la Commission a rappeleacute que srsquoagissant de mesures fiscales un avantage au sens de lrsquoarticle 107 TFUE pouvait ecirctre procureacute agrave un contribuable du fait drsquoune reacuteduction de sa base imposable ou du montant de lrsquoimpocirct ducirc par celui-ci Elle a rappeleacute au consideacuterant 402 de la deacutecision attaqueacutee que selon la jurisprudence de la Cour pour examiner si la deacutetermination de revenus imposables procurait un avantage au beacuteneacuteficiaire il y avait lieu de comparer ledit reacutegime agrave celui de droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence En conseacutequence selon la Commission une laquo [deacutecision fiscale anticipative] permettant agrave un contribuable drsquoutiliser dans des transactions intragroupe des prix de transfert qui ne refl[eacutetai]ent pas les prix [qui auraient eacuteteacute] pratiqueacutes dans des conditions de libre concurrence entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des conditions comparables selon le principe de pleine concurrence procur[ait] un avantage agrave ce contribuable en ce qursquoelle deacutebouch[ait] sur une reacuteduction de ses revenus imposables et partant de sa base imposable dans le cadre du systegraveme commun de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes raquo

47 Au regard de ces appreacuteciations la Commission a conclu au consideacuterant 406 de la deacutecision attaqueacutee que pour eacutetablir que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo elle devait deacutemontrer que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause produisait un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute ce qui avait eu pour effet de reacuteduire la base imposable de LuxOpCo aux fins du calcul de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes Selon la Commission la DFA en cause avait produit un tel reacutesultat

48 Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires

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1) Sur le constat principal de lrsquoavantage

49 Dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Premier constat de lrsquoexistence de lrsquoavantage eacuteconomique raquo la Commission a estimeacute que en approuvant une meacutethode de fixation des prix de transfert qui attribuait une reacutemuneacuteration agrave LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites laquo courantes raquo et qui attribuait la totaliteacute du beacuteneacutefice geacuteneacutereacute par LuxOpCo au-delagrave de cette reacutemuneacuteration agrave LuxSCS sous la forme drsquoune redevance la DFA avait produit un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

50 En substance par son constat principal la Commission a consideacutereacute que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS retenue par les auteurs du rapport de prix de transfert de 2003 et en fin de compte par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise eacutetait erroneacutee et ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Au contraire lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc conclure que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels pour lesquels elle ne deacutetenait que le titre de proprieacuteteacute leacutegale

51 Aux fins de sa deacutemonstration la Commission a examineacute les fonctions exerceacutees les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxSCS et par LuxOpCo

52 Ensuite ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 519 de la deacutecision attaqueacutee sur la base de son analyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS la Commission a examineacute le choix de la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee en lrsquoespegravece

53 Srsquoagissant de la meacutethode CUP la Commission a estimeacute aux termes drsquoune analyse fondeacutee sur cinq critegraveres de comparabiliteacute qui auraient eacuteteacute eacutenonceacutes dans les lignes directrices de lrsquoOCDE que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeacutenonceacutee dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 avait donneacute lieu agrave un reacutesultat exageacutereacute qui avait exposeacute LuxOpCo au risque de subir des pertes

54 Selon la Commission en lrsquoespegravece crsquoest la MTMN qui aurait eacuteteacute la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee pour eacutevaluer la redevance due par LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence Elle a consideacutereacute que la partie exerccedilant des fonctions uniques et de valeur eacutetait LuxOpCo et non LuxSCS En conseacutequence la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN aurait ducirc ecirctre LuxSCS et non LuxOpCo

55 Enfin dans la section 9214 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre application de la MTMN en lrsquoespegravece

56 Selon elle crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester Lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazoncom selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait une laquo contribution unique raquo pour laquelle LuxSCS aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration composeacutee de pratiquement tous les beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales de LuxOpCo Agrave cet eacutegard la Commission a notamment renvoyeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo (section 921 de la deacutecision attaqueacutee)

57 Srsquoagissant du choix de lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice la Commission a estimeacute que LuxSCS nrsquoenregistrant aucune vente et nrsquoassumant aucun risque lieacute aux actifs incorporels lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice pertinent aurait ducirc ecirctre une marge sur les coucircts totaux consideacutereacutes (consideacuterant 550 de la deacutecision attaqueacutee)

58 En ce qui concerne la base de coucircts agrave laquelle une marge devait ecirctre appliqueacutee en lrsquoespegravece la Commission a consideacutereacute en substance que LuxSCS nrsquoaurait exerceacute qursquoune fonction drsquointermeacutediaire en transmettant agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC et en transfeacuterant une partie des redevances (la redevance de licence) reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts (consideacuterant 551 de la deacutecision attaqueacutee)

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59 Compte tenu de ces appreacuteciations au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc avoir deux composantes La premiegravere composante aurait ducirc selon la Commission correspondre agrave la refacturation agrave LuxOpCo des coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC auxquels aucune marge nrsquoaurait ducirc ecirctre appliqueacutee La deuxiegraveme composante aurait ducirc consister selon la Commission en une marge sur une base de coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels dans la mesure ougrave ces coucircts repreacutesentaient en reacutealiteacute des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration aurait garanti selon la Commission un reacutesultat dans des conditions de pleine concurrence car il aurait refleacuteteacute correctement les contributions de LuxSCS agrave lrsquoaccord de licence

60 Srsquoagissant de la deacutetermination de la marge approprieacutee la Commission a releveacute que si un tel exercice exigeait normalement une analyse de comparabiliteacute il nrsquoaurait pas eacuteteacute possible en lrsquoespegravece drsquoeffectuer une analyse fiable

61 En lieu et place drsquoune analyse de comparabiliteacute la Commission a estimeacute qursquoelle pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de 2010 du forum conjoint sur les prix de transfert (ci-apregraves le laquo rapport FCPT raquo) Le forum conjoint sur les prix de transfert est un groupe drsquoexperts constitueacute par la Commission en 2002 et destineacute agrave lrsquoassister sur des questions lieacutees aux prix de transfert Selon ledit rapport une marge pour les laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo comprise entre 3 et 10 aurait eacuteteacute observeacutee par les administrations fiscales des Eacutetats membres participant au forum conjoint sur les prix de transfert La marge la plus souvent observeacutee en pratique aurait eacuteteacute de 5 sur les coucircts des laquo prestations de tels services raquo En conseacutequence la Commission a estimeacute utile drsquoappliquer une telle marge aux coucircts externes supporteacutes par LuxSCS pour la conservation de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels

62 En conclusion de son premier constat de lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a indiqueacute que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS en vertu de lrsquoaccord de licence aurait ducirc ecirctre eacutegale agrave la somme des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par cette socieacuteteacute sans marge majoreacutee de tous les coucircts pertinents supporteacutes directement par LuxSCS auxquels une marge de 5 devait ecirctre appliqueacutee dans la mesure ougrave ces coucircts correspondaient agrave des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration correspondait agrave ce qursquoune partie indeacutependante dans une situation similaire agrave LuxOpCo aurait eacuteteacute disposeacutee agrave payer pour les droits et obligations assumeacutes en vertu de lrsquoaccord de licence En outre selon la Commission ce niveau de reacutemuneacuteration aurait eacuteteacute suffisant pour permettre agrave LuxSCS de couvrir ses obligations de paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC (consideacuterants 559 et 560 de la deacutecision attaqueacutee)

63 Or selon la Commission dans la mesure ougrave le niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS calculeacute par la Commission aurait eacuteteacute infeacuterieur au niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS reacutesultant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause ladite deacutecision aurait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo sous la forme drsquoune reacuteduction de sa base imposable aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes par rapport au chiffre drsquoaffaires des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable correspondait agrave des prix neacutegocieacutes selon le principe de pleine concurrence (consideacuterant 561 de la deacutecision attaqueacutee)

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage

64 Dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Constatation subsidiaire de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique raquo la Commission a exposeacute sa constatation subsidiaire de lrsquoavantage selon laquelle agrave supposer mecircme que lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise ait eu raison drsquoaccepter lrsquoanalyse des fonctions de LuxSCS effectueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la meacutethode de fixation des prix de transfert approuveacutee par la DFA en cause aurait eacuteteacute en tout eacutetat de

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cause fondeacutee sur des choix meacutethodologiques inapproprieacutes qui auraient produit un reacutesultat srsquoeacutecartant drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute Elle a preacuteciseacute que son raisonnement suivi dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence exacte pour LuxOpCo mais qursquoil visait davantage agrave deacutemontrer que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique eacutetant donneacute que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacute reposait sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes qui auraient conduit agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport aux entreprises dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait des prix neacutegocieacutes sur le marcheacute dans des conditions de pleine concurrence

65 Dans ce cadre la Commission a opeacutereacute trois constats subsidiaires distincts

66 Dans le cadre de son premier constat subsidiaire la Commission a affirmeacute que LuxOpCo avait eacuteteacute agrave tort consideacutereacutee comme exerccedilant uniquement des fonctions de gestion laquo courantes raquo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

67 Dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission a retenu que le choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur des beacuteneacutefices eacutetait erroneacute

68 Dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage la Commission a consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun plafond de 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion nrsquoeacutetait pas approprieacutee

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure

69 Dans la section 93 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Seacutelectiviteacute raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la mesure en cause eacutetait seacutelective

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide

70 Dans la section 95 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide raquo la Commission a constateacute que tout traitement fiscal favorable accordeacute agrave LuxOpCo avait eacutegalement profiteacute au groupe Amazon tout entier en lui fournissant des ressources suppleacutementaires de sorte que le groupe devait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant une entiteacute unique beacuteneacuteficiaire de la mesure drsquoaide en cause

71 Dans la section 10 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Reacutecupeacuteration raquo la Commission a affirmeacute que la mesure drsquoaide ayant eacuteteacute octroyeacutee chaque anneacutee ougrave la deacuteclaration annuelle de lrsquoimpocirct de LuxOpCo avait eacuteteacute accepteacutee par les autoriteacutes fiscales le groupe Amazon ne pouvait se preacutevaloir des regravegles de prescription afin de srsquoopposer agrave la reacutecupeacuteration de lrsquoaide Aux consideacuterants 639 agrave 645 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute la meacutethode de reacutecupeacuteration

II Proceacutedure et conclusions des parties

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617

72 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 14 deacutecembre 2017 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a introduit le recours dans lrsquoaffaire T-81617

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

73 Par deacutecision du 12 avril 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-81617 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure du Tribunal

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74 Par acte deacuteposeacute au greffe le 11 mai 2018 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute que lrsquoaffaire T-81617 soit jugeacutee par la septiegraveme chambre du Tribunal dans sa formation de jugement eacutelargie

75 En application de lrsquoarticle 28 paragraphe 5 du regraveglement de proceacutedure lrsquoaffaire T-81617 a eacuteteacute renvoyeacutee devant la septiegraveme chambre eacutelargie

76 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 21 juin 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur lrsquointervention

77 Par acte deacuteposeacute au greffe du Tribunal le 16 avril 2018 lrsquoIrlande a demandeacute agrave intervenir dans lrsquoaffaire T-81617 au soutien des conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

78 Par ordonnance du 29 mai 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a fait droit agrave la demande en intervention de lrsquoIrlande

3 Sur les demandes de traitement confidentiel

79 Par acte deacuteposeacute le 14 mai 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande de certaines donneacutees mentionneacutees dans la requecircte dans certaines des annexes de cette derniegravere ainsi que dans le meacutemoire en deacutefense

80 Par acte deacuteposeacute le 6 juin 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la reacuteplique

81 Par acte deacuteposeacute le 13 septembre 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la duplique

82 Agrave la suite de son admission en tant qursquointervenante lrsquoIrlande a reccedilu uniquement des versions non confidentielles des piegraveces de proceacutedure viseacutees par les demandes de traitement confidentiel du Grand-Ducheacute de Luxembourg formuleacutees agrave son eacutegard et nrsquoa souleveacute aucune objection agrave lrsquoencontre desdites demandes

4 Sur les conclusions des parties

83 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

ndash condamner la Commission aux deacutepens

84 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours comme non fondeacute

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ndash condamner le Grand-Ducheacute de Luxembourg aux deacutepens

85 LrsquoIrlande conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee en tout ou partie conformeacutement aux conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818

86 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 22 mai 2018 Amazon EU Sagraverl et Amazoncom (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble laquo Amazon raquo) ont introduit le recours dans lrsquoaffaire T-31818

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

87 Par deacutecision du 9 juillet 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-31818 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure

88 Sur proposition de la septiegraveme chambre du Tribunal le Tribunal a deacutecideacute le 11 juillet 2018 en application de lrsquoarticle 28 du regraveglement de proceacutedure de renvoyer lrsquoaffaire T-31818 devant une formation de jugement eacutelargie

89 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 19 juillet 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur les demandes de traitement confidentiel

90 Par acte deacuteposeacute au greffe le 12 juillet 2018 Amazon a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard du public drsquoune partie de la requecircte ainsi que de certaines piegraveces annexeacutees agrave celle-ci

3 Sur les conclusions des parties

91 Amazon conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler les articles 1er agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler les articles 2 agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash condamner la Commission aux deacutepens

92 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours

ndash condamner Amazon aux deacutepens dans lrsquoaffaire T-31818

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C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure

93 Par actes deacuteposeacutes au greffe du Tribunal les 7 aoucirct 2018 et 25 avril 2019 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

94 Par actes deacuteposeacutes au greffe les 10 aoucirct 2018 et 21 mai 2019 Amazon a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

95 Par deacutecision du 14 septembre 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de ne pas joindre agrave ce stade de la proceacutedure les affaires T-81617 et T-31818

96 Par ordonnance du 3 octobre 2019 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de joindre les affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure

97 Sur proposition de la juge rapporteure le Tribunal a deacutecideacute drsquoouvrir la phase orale de la proceacutedure et dans le cadre des mesures drsquoorganisation de la proceacutedure preacutevues agrave lrsquoarticle 89 du regraveglement de proceacutedure a demandeacute aux parties de reacutepondre agrave des questions eacutecrites Les parties ont reacutepondu agrave cette mesure drsquoorganisation de la proceacutedure dans le deacutelai imparti

98 Les parties ont eacuteteacute entendues en leurs plaidoiries et en leurs reacuteponses aux questions orales poseacutees par le Tribunal lors de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020 En outre les parties ont eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience sur une jonction eacuteventuelle des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance ce dont le Tribunal a pris acte dans le procegraves-verbal de lrsquoaudience Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ainsi que lrsquoIrlande ont indiqueacute qursquoelles nrsquoavaient pas drsquoobjections agrave une telle jonction La Commission a preacuteciseacute qursquoelle nrsquoeacutetait pas favorable agrave une eacuteventuelle jonction des affaires aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

III En droit

99 Les recours introduits dans les affaires T-81617 et T-31818 tendent agrave lrsquoannulation de la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle qualifie la DFA en cause ainsi que sa mise en œuvre annuelle drsquoaide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE et en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration des sommes qui nrsquoauraient pas eacuteteacute collecteacutees par le Grand-Ducheacute de Luxembourg aupregraves de LuxOpCo au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

100 En vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutefeacutereacute la deacutecision sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance qui relevait de sa compeacutetence agrave la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal

101 Les parties ayant eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience agrave lrsquoeacutegard drsquoune jonction eacuteventuelle il y a lieu de joindre aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance les affaires T-81617 et T-31818 pour cause de connexiteacute

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B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes

102 Agrave lrsquoappui de leurs recours le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent respectivement cinq et neuf moyens lesquels se recoupent en majeure partie Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande se prononce sur quatre des cinq moyens avanceacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En substance les moyens du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon peuvent ecirctre preacutesenteacutes de la maniegravere suivante

103 En premier lieu dans le cadre du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que des premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent en substance le constat principal de la Commission quant agrave lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

104 En deuxiegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats subsidiaires de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

105 En troisiegraveme lieu dans le cadre du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et des sixiegraveme et septiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats principaux et subsidiaires de la Commission portant sur la seacutelectiviteacute de la DFA en cause

106 En quatriegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que la Commission a violeacute la compeacutetence exclusive des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe

107 En cinquiegraveme lieu dans le cadre du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et dans le cadre du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a violeacute leurs droits de la deacutefense

108 En sixiegraveme lieu dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen ainsi que du premier grief de la deuxiegraveme branche du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 telles qursquoutiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee soient pertinentes en lrsquoespegravece

109 En septiegraveme lieu dans le cadre du cinquiegraveme moyen invoqueacute au soutien des conclusions preacutesenteacutees agrave titre subsidiaire dans lrsquoaffaire T-81617 et du neuviegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question le bien-fondeacute du raisonnement de la Commission visant la reacutecupeacuteration de lrsquoaide ordonneacutee par cette institution

110 Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande invoque premiegraverement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas eacutetabli lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo deuxiegravemement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas prouveacute la seacutelectiviteacute de la mesure troisiegravemement la violation des articles 4 et 5 TUE en ce que la Commission a proceacutedeacute agrave une harmonisation fiscale deacuteguiseacutee et quatriegravemement la violation du principe de seacutecuriteacute juridique en ce que la deacutecision attaqueacutee ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

111 Afin de reacutepondre de maniegravere utile aux moyens des parties principales ainsi qursquoaux arguments souleveacutes par lrsquoIrlande dans le cadre de son meacutemoire en intervention il y a lieu drsquoabord drsquoexposer certaines questions de droit qui sont drsquoapplication pour tous les griefs et moyens invoqueacutes par les parties (points 112 agrave 129 ci-apregraves)

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1 Observations preacuteliminaires

112 Selon une jurisprudence constante mecircme si la fiscaliteacute directe relegraveve en lrsquoeacutetat actuel du deacuteveloppement du droit de lrsquoUnion de la compeacutetence des Eacutetats membres ces derniers doivent neacuteanmoins exercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (voir arrecirct du 12 juillet 2012 CommissionEspagne C-26909 EUC2012439 point 47 et jurisprudence citeacutee) Ainsi les interventions des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe quand bien mecircme elles porteraient sur des questions qui nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune harmonisation dans lrsquoUnion ne sont pas exclues du champ drsquoapplication de la reacuteglementation relative au controcircle des aides drsquoEacutetat (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 142)

113 Il en deacutecoule que la Commission peut qualifier une mesure fiscale drsquoaide drsquoEacutetat pour autant que les conditions drsquoune telle qualification soient reacuteunies (voir en ce sens arrecircts du 2 juillet 1974 ItalieCommission 17373 EUC197471 point 28 et du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission C-18203 et C-21703 EUC2006416 point 81) En effet les Eacutetats membres doivent exercer leur compeacutetence en matiegravere fiscale en conformiteacute avec le droit de lrsquoUnion (arrecirct du 3 juin 2010 CommissionEspagne C-48708 EUC2010310 point 37) Par conseacutequent ils doivent srsquoabstenir de prendre dans ce contexte toute mesure susceptible de constituer une aide drsquoEacutetat incompatible avec le marcheacute inteacuterieur (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 143)

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales

114 Une mesure par laquelle les autoriteacutes publiques accordent agrave certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui bien que ne comportant pas un transfert de ressources drsquoEacutetat place les beacuteneacuteficiaires dans une situation financiegravere plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecirct du 15 mars 1994 Banco Exterior de Espantildea C-38792 EUC1994100 point 14 voir eacutegalement arrecircts du 8 septembre 2011 Paint Graphos ea C-7808 agrave C-8008 EUC2011550 point 46 et jurisprudence citeacutee et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 145 et jurisprudence citeacutee)

115 Dans le cas des mesures fiscales lrsquoexistence mecircme drsquoun avantage ne peut ecirctre eacutetablie que par rapport agrave une imposition dite laquo normale raquo (arrecirct du 6 septembre 2006 PortugalCommission C-8803 EUC2006511 point 56) Partant une telle mesure confegravere un avantage eacuteconomique agrave son beacuteneacuteficiaire degraves lors qursquoelle allegravege les charges qui normalement gregravevent le budget drsquoune entreprise et qui de ce fait sans ecirctre une subvention au sens strict du mot est de mecircme nature et a des effets identiques (arrecircts du 9 octobre 2014 Ministerio de Defensa et Navantia C-52213 EUC20142262 point 22 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 146)

116 En conseacutequence afin de deacuteterminer srsquoil existe un avantage fiscal il convient de comparer la situation du beacuteneacuteficiaire reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure en cause avec celle de celui-ci en lrsquoabsence de la mesure en cause (voir en ce sens arrecirct du 26 avril 2018 Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La ManchaCommission C-9117 P et C-9217 P non publieacute EUC2018284 point 114) et en application des regravegles normales drsquoimposition (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 147)

117 Dans le contexte de la deacutetermination de la situation fiscale drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee qui fait partie drsquoun groupe drsquoentreprises il y a lieu de relever drsquoembleacutee que les prix des transactions intragroupe effectueacutees par celle-ci nrsquoont pas eacuteteacute deacutetermineacutes dans des conditions de marcheacute En effet ces prix sont

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convenus entre socieacuteteacutes appartenant au mecircme groupe de sorte qursquoils ne sont pas soumis aux forces du marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 148)

118 Or lorsque le droit fiscal national nrsquoopegravere pas de distinction entre les entreprises inteacutegreacutees et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ce droit entend imposer le beacuteneacutefice reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee comme srsquoil reacutesultait de transactions effectueacutees agrave des prix de marcheacute Dans ces conditions il convient de constater que lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une telle entreprise inteacutegreacutee la Commission peut comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149)

119 Par ailleurs ces conclusions sont corroboreacutees par lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) qui concernait le droit fiscal belge lequel preacutevoyait que les socieacuteteacutes inteacutegreacutees et les socieacuteteacutes autonomes soient traiteacutees dans les mecircmes conditions En effet la Cour a reconnu au point 95 de cet arrecirct la neacutecessiteacute de comparer un reacutegime drsquoaides deacuterogatoire agrave celui de laquo droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence raquo (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 150)

120 Dans ce cadre si par le biais de la mesure fiscale octroyeacutee agrave une socieacuteteacute inteacutegreacutee les autoriteacutes nationales ont accepteacute un certain niveau de prix drsquoune transaction intragroupe lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE permet agrave la Commission de controcircler si ce niveau de prix correspond agrave celui qui aurait eacuteteacute pratiqueacute dans des conditions de marcheacute afin de veacuterifier srsquoil en reacutesulte un alleacutegement des charges grevant normalement le budget de lrsquoentreprise en cause lui confeacuterant ainsi un avantage au sens dudit article

121 Il convient en outre de preacuteciser que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 152)

122 Mecircme si la Commission ne saurait ecirctre formellement lieacutee par les lignes directrices de lrsquoOCDE il nrsquoen demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux reacutealiseacutes par des groupes drsquoexperts qursquoelles reflegravetent le consensus atteint agrave lrsquoeacutechelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qursquoelles revecirctent de ce fait une importance pratique certaine dans lrsquointerpreacutetation des questions relatives aux prix de transfert (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 155)

123 Dans ce contexte il y a lieu de relever que si la Commission deacutetecte une erreur meacutethodologique dans la mesure fiscale soumise agrave lrsquoexamen il ne saurait ecirctre conclu que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques aboutit neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore faut-il que la Commission deacutemontre que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipative concerneacutee ne permettent pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles ont abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable par rapport agrave la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national agrave une entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable agrave celle de la socieacuteteacute concerneacutee et exerccedilant ses activiteacutes

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dans des conditions de marcheacute Ainsi le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 201)

124 En effet ainsi que lrsquoa releveacute en substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg selon une jurisprudence constante lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE deacutefinit une mesure drsquoallegravegement des charges pesant normalement sur une entreprise en fonction de ses effets (voir arrecirct du 22 deacutecembre 2008 British AggregatesCommission C-48706 P EUC2008757 point 85 et jurisprudence citeacutee) Lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat ne saurait ecirctre ni preacutesumeacutee ni deacuteduite drsquoune erreur de calcul sans incidence sur le reacutesultat

b) Sur la charge de la preuve

125 Il importe de rappeler que dans le cadre du controcircle des aides drsquoEacutetat il appartient en principe agrave la Commission de rapporter dans la deacutecision attaqueacutee la preuve de lrsquoexistence drsquoune telle aide (voir en ce sens arrecircts du 12 septembre 2007 Olympiaki Aeroporia YpiresiesCommission T-6803 EUT2007253 point 34 et du 25 juin 2015 SACE et Sace BTCommission T-30513 EUT2015435 point 95) Dans ce contexte la Commission est tenue de conduire la proceacutedure drsquoexamen des mesures en cause de maniegravere diligente et impartiale afin de disposer lors de lrsquoadoption drsquoune deacutecision finale eacutetablissant lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoincompatibiliteacute ou lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoaide des eacuteleacutements les plus complets et fiables possibles (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 194 voir eacutegalement en ce sens arrecircts du 2 septembre 2010 CommissionScott C-29007 P EUC2010480 point 90 et du 3 avril 2014 FranceCommission C-55912 P EUC2014217 point 63)

126 Il en deacutecoule que dans la deacutecision attaqueacutee il incombait agrave la Commission de deacutemontrer que les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE eacutetaient reacuteunies Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que srsquoil est constant que lrsquoEacutetat membre dispose drsquoune marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapprobation des prix de transfert cette marge drsquoappreacuteciation ne saurait toutefois conduire agrave priver la Commission de sa compeacutetence pour controcircler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas agrave lrsquooctroi drsquoun avantage seacutelectif au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Dans ce contexte la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de veacuterifier si un prix de transfert avaliseacute par un Eacutetat membre correspond agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute et si lrsquoeacutecart eacuteventuellement constateacute dans le cadre de cet examen ne va pas au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 196)

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal

127 Srsquoagissant de lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal en lrsquoespegravece il convient de relever que ainsi qursquoil reacutesulte de lrsquoarticle 263 TFUE lrsquoobjet du recours en annulation est le controcircle de la leacutegaliteacute des actes adopteacutes par les institutions de lrsquoUnion qui y sont eacutenumeacutereacutees Degraves lors lrsquoanalyse des moyens souleveacutes dans le cadre drsquoun tel recours nrsquoa ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complegravete de lrsquoaffaire dans le cadre drsquoune proceacutedure administrative (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 197 voir eacutegalement en ce sens arrecirct du 2 septembre 2010 CommissionDeutsche Post C-39908 P EUC2010481 point 84)

128 Srsquoagissant du domaine des aides drsquoEacutetat il y a lieu de rappeler que la notion drsquoaide drsquoEacutetat telle qursquoelle est deacutefinie dans le traiteacute FUE preacutesente un caractegravere juridique et doit ecirctre interpreacuteteacutee sur la base drsquoeacuteleacutements objectifs Pour cette raison le juge de lrsquoUnion doit en principe et compte tenu tant des eacuteleacutements concrets du litige qui lui est soumis que du caractegravere technique ou complexe des appreacuteciations porteacutees par la Commission exercer un entier controcircle en ce qui concerne la question de savoir si une

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mesure entre dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecircts du 4 septembre 2014 SNCM et FranceCorsica Ferries France C-53312 P et C-53612 P EUC20142142 point 15 du 30 novembre 2016 CommissionFrance et Orange C-48615 P EUC2016912 point 87 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 198)

129 Quant agrave la question de savoir si une meacutethode de deacutetermination drsquoun prix de transfert drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee est conforme au principe de pleine concurrence il convient de rappeler ainsi qursquoil a eacuteteacute deacutejagrave indiqueacute ci-dessus que lorsqursquoelle utilise cet outil dans le cadre de son appreacuteciation au titre de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission doit tenir compte de sa nature approximative Le controcircle du Tribunal tend donc agrave veacuterifier que les erreurs identifieacutees dans la deacutecision attaqueacutee sur la base desquelles la Commission a fondeacute la constatation drsquoun avantage vont au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave lrsquoapplication drsquoune meacutethode destineacutee agrave obtenir une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 199)

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage

130 Ainsi qursquoexposeacute au point 103 ci-dessus par la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par les premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la Commission a violeacute lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE lorsqursquoelle a conclu agrave lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage figurant dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee) Plus preacuteciseacutement par ces moyens et arguments le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent agrave contester le raisonnement de la Commission figurant aux consideacuterants 394 395 et 401 agrave 579 de la deacutecision attaqueacutee et selon lequel la mise en œuvre de la DFA en cause pendant la peacuteriode consideacutereacutee aurait abouti agrave une diminution de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et ainsi de sa charge fiscale par rapport agrave celle qursquoelle aurait ducirc percevoir en lrsquoabsence de ladite deacutecision si elle avait eacuteteacute traiteacutee comme toute autre socieacuteteacute contribuable se trouvant dans une situation comparable Par leurs arguments souleveacutes quant au constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon visent agrave remettre en cause notamment la constatation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN Ils visent eacutegalement agrave contester lrsquoexactitude de lrsquoapplication de la MTMN agrave LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

131 Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 110 ci-dessus dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande argumente au soutien du premier moyen invoqueacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg

132 Dans ce cadre lrsquoIrlande prend position sur de nombreuses questions de droit souleveacutees par lrsquointerpreacutetation de la notion de laquo principe de pleine concurrence raquo tel qursquoappliqueacute par la Commission en lrsquoespegravece ainsi que dans certaines affaires drsquoaides drsquoEacutetat reacutecentes en matiegravere fiscale En particulier lrsquoIrlande fait valoir que la jurisprudence du juge de lrsquoUnion agrave savoir lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) laquo ne dit pas que les Eacutetats membres sont obligeacutes drsquoappliquer le [principe de pleine concurrence] raquo Selon cet Eacutetat membre ladite jurisprudence ne donne pas non plus de fondement agrave lrsquoobligation imposeacutee au Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence (dans la version deacutefendue par la Commission) dans le droit national luxembourgeois Enfin lrsquoIrlande soutient que dans lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) la Cour nrsquoa pas identifieacute de principe de pleine concurrence propre au droit de lrsquoUnion indeacutependamment de ce que preacutevoit le droit national

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a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage

133 La Commission excipe de lrsquoirrecevabiliteacute des arguments souleveacutes par lrsquoIrlande agrave lrsquoappui du premier moyen avanceacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En effet selon elle les arguments de lrsquoIrlande tendent agrave faire valoir qursquoelle aurait retenu une interpreacutetation erroneacutee de la notion drsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE en utilisant un critegravere inapproprieacute agrave savoir un principe de pleine concurrence laquo sui generis raquo alors que en reacutealiteacute par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg eacutenoncerait plutocirct que la Commission aurait proceacutedeacute agrave une application erroneacutee du principe de pleine concurrence

134 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que si lrsquoarticle 40 troisiegraveme alineacutea du statut de la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne et les articles 142 paragraphe 3 et 145 paragraphe 2 sous b) du regraveglement de proceacutedure du Tribunal ne srsquoopposent pas agrave ce qursquoun intervenant preacutesente des arguments nouveaux ou diffeacuterents de ceux de la partie qursquoil soutient sous peine de voir son intervention limiteacutee agrave reacutepeacuteter les arguments avanceacutes dans la requecircte il ne saurait ecirctre admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de deacuteformer le cadre du litige deacutefini par la requecircte en soulevant des moyens nouveaux (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 44 et jurisprudence citeacutee)

135 En drsquoautres termes ces dispositions confegraverent agrave la partie intervenante le droit drsquoexposer de maniegravere autonome non seulement des arguments mais aussi des moyens pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions drsquoune des parties principales et ne soient pas drsquoune nature totalement eacutetrangegravere aux consideacuterations qui fondent le litige tel qursquoil a eacuteteacute constitueacute entre la partie requeacuterante et la partie deacutefenderesse ce qui aboutirait agrave en alteacuterer lrsquoobjet (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 45 et jurisprudence citeacutee)

136 En lrsquoespegravece il convient de constater que par ses arguments lrsquoIrlande vise en substance le fondement juridique invoqueacute par la Commission quant agrave lrsquoobligation imposeacutee au Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence LrsquoIrlande remet en cause donc les sources de droit de ce principe tel qursquoappliqueacute par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee De surcroicirct les arguments de lrsquoIrlande ont trait agrave lrsquointerpreacutetation du contenu de ce principe et non agrave son application par lrsquointermeacutediaire drsquoune meacutethode de deacutetermination de prix de transfert

137 Or il est constant que le principe de pleine concurrence tel qursquoapplicable en lrsquoespegravece peut ecirctre tireacute de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee Cet eacuteleacutement ressort notamment du consideacuterant 241 de la deacutecision attaqueacutee sans que cette conclusion ait eacuteteacute remise en cause par les parties Le premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas trait agrave la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe ni agrave des questions drsquointerpreacutetation de ce principe De fait par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg invoque lrsquoexistence de preacutetendues erreurs dans lrsquoapplication par la Commission de certaines meacutethodes de deacutetermination de prix de transfert dans le cadre de son raisonnement concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sachant que ces meacutethodes permettent de constater en fin de compte si une redevance correspond agrave un reacutesultat de pleine concurrence

138 Il srsquoensuit que les arguments souleveacutes par lrsquoIrlande au soutien du premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg sont eacutetrangers aux consideacuterations qui fondent son premier moyen De ce fait ils doivent ecirctre rejeteacutes comme eacutetant irrecevables

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b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage

139 En compleacutement des eacuteleacutements exposeacutes au point 130 ci-dessus il y a lieu de relever que dans le cadre de la premiegravere branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du premier moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en cause le bien-fondeacute du refus de la Commission drsquoappliquer la meacutethode CUP dans le cadre drsquoune analyse ex post sur la base des accords comparables preacutesenteacutes agrave la Commission par Amazoncom

140 Dans le cadre des premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que lrsquoanalyse fonctionnelle meneacutee par la Commission dans le cadre de son application de la MTMN est erroneacutee en ce qursquoelle a conclu que LuxSCS eacutetait la partie la moins complexe et que lrsquoapplication de la MTMN par la Commission reposait sur des choix meacutethodologiques erroneacutes

141 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a opeacutereacute dans son analyse principale une seacutelection arbitraire et partiale parmi les teacutemoignages issus de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus

142 Dans le cadre de la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que de la sixiegraveme branche du deuxiegraveme moyen et du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon affirment que le reacutesultat obtenu par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee srsquoeacutecarte drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

143 Ainsi en substance les arguments invoqueacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre du constat principal de lrsquoavantage tendent agrave contester drsquoune part le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP et drsquoautre part lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par la Commission

144 Srsquoagissant des arguments tendant agrave contester le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP il convient de relever qursquoil est constant que la DFA en cause nrsquoa pas fait application de cette meacutethode En effet quand bien mecircme cette meacutethode aurait eacuteteacute examineacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fourni aux autoriteacutes fiscales agrave lrsquoappui de la demande de DFA elle nrsquoa pas eacuteteacute retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 par laquelle Amazon a solliciteacute lrsquoapprobation de la meacutethode de calcul de la redevance (voir point 9 ci-dessus) Ainsi qursquoil ressort en particulier du consideacuterant 542 de la deacutecision attaqueacutee dans son analyse visant agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission srsquoest uniquement fondeacutee sur la MTMN En revanche les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP (consideacuterants 521 agrave 538 de la deacutecision attaqueacutee) ne sont pas de nature agrave deacutemontrer lrsquoexistence de la premiegravere condition de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Compte tenu du fait que crsquoest agrave la Commission de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage (voir points 125 agrave 126 ci-dessus) et vu le fait que les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP ne tendent pas agrave une telle deacutemonstration il nrsquoest pas utile drsquoaborder les arguments et les moyens des parties requeacuterantes concernant la meacutethode CUP

145 Srsquoagissant des arguments visant agrave contester le bien-fondeacute des appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par cette institution (voir points 146 agrave 297 ci-apregraves) il y aura lieu premiegraverement de relever quelle est la version pertinente des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert (voir points 146 agrave 155 ci-apregraves) Deuxiegravemement il conviendra de veacuterifier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont en droit de soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee qui aurait invalideacute son constat principal relatif agrave lrsquoavantage (voir points 156 agrave 297 ci-apregraves)

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1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN

146 Afin de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee appliqueacute une seacuterie drsquoorientations de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans diffeacuterentes versions de celles-ci

147 Dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche de son deuxiegraveme moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait en substance valoir que en lrsquoespegravece crsquoest le contexte eacuteconomique et le cadre reacuteglementaire tels qursquoils preacutevalaient en 2003 qui doivent ecirctre pris en compte Sans compter le fait que au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause en 2003 tout comme au moment de sa derniegravere prorogation en 2010 les lignes directrices de lrsquoOCDE ne constituaient que des orientations indicatives pour les autoriteacutes luxembourgeoises deacutepourvues de toute force contraignante pour ces derniegraveres les seules lignes directrices de lrsquoOCDE qui auraient eacuteteacute disponibles au moment de lrsquoadoption de la DFA eacutetaient les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Dans la deacutecision attaqueacutee la Commission se serait toutefois reacutefeacutereacutee aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ce qui eacutequivaudrait agrave une application ratione temporis inapproprieacutee du cadre de reacutefeacuterence lequel devrait ecirctre deacutetermineacute sur la base des faits et des meacutethodes de calcul de prix qui existaient agrave la date de lrsquoadoption des mesures en cause

148 Amazon ajoute que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ont apporteacute plusieurs modifications importantes par rapport agrave leur version de 1995 telles que lrsquointroduction de la meacutethode drsquoanalyse des fonctions laquo Deacuteveloppement ameacutelioration entretien protection et exploitation raquo (Development Enhancement Maintenance Protection and Exploitation ci-apregraves les laquo fonctions DEMPE raquo) Amazon conteste en particulier la pertinence de lrsquoapplication par la Commission de cette meacutethode dans la mesure ougrave elle ne serait apparue que posteacuterieurement agrave la date de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE

149 La Commission conteste ces arguments

150 Elle indique drsquoabord que la deacutecision attaqueacutee nrsquoapplique pas les lignes directrices de lrsquoOCDE comme si elles constituaient des normes contraignantes mais comme srsquoil srsquoagissait drsquoun outil lrsquoaidant agrave appliquer le critegravere eacutetabli par la Cour au point 95 de lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) Selon la Commission contrairement agrave ce que le Grand-Ducheacute de Luxembourg semble avancer lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise srsquoest reacuteguliegraverement fondeacutee sur ces lignes directrices pour interpreacuteter le principe de pleine concurrence de sorte que les principes de lrsquoOCDE demeurent pertinents en lrsquoespegravece

151 La Commission ajoute ensuite que toutes les constatations formuleacutees dans la deacutecision attaqueacutee reposent sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et que les reacutefeacuterences aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 et de 2017 ne sont eacutevoqueacutees que lorsque ces versions ulteacuterieures clarifient les lignes directrices dans leur version de 1995 sans pour autant modifier ces derniegraveres

152 En lrsquoespegravece il reacutesulte drsquoun certain nombre de notes en bas de page de la deacutecision attaqueacutee que la Commission a fondeacute ne serait-ce que partiellement ses appreacuteciations relatives agrave lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE non seulement sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 mais eacutegalement sur lesdites lignes dans leurs versions de 2010 et de 2017 Srsquoagissant des versions des lignes directrices de lrsquoOCDE de 1995 de 2010 et de 2017 il y a lieu de constater que celles-ci divergent sur plusieurs points et ce dans une mesure diffeacuterente Ces diffeacuterences vont de simples preacutecisions nrsquoayant aucune incidence sur la substance des versions anteacuterieures agrave des ampliations ineacutedites agrave savoir des preacuteconisations qui nrsquoeacutetaient pas contenues y compris de maniegravere implicite dans les versions anteacuterieures Une des ampliations ineacutedites des lignes directrices de lrsquoOCDE

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qui nrsquoest apparue que dans la version de 2017 est la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE (voir point 148 ci-dessus) Dans le cadre du constat principal de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique la Commission srsquoest axeacutee notamment sur cette meacutethode drsquoanalyse

153 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil ressort de lrsquoarticle 1er et ndash de maniegravere implicite ndash notamment des consideacuterants 394 et 620 de la deacutecision attaqueacutee la mesure en cause telle qursquoidentifieacutee par la Commission est la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation ulteacuterieure des deacuteclarations annuelles agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes de LuxOpCo fondeacutees sur ladite deacutecision Pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo a effectueacute ses deacuteclarations fiscales sur la base de la meacutethode de calcul avaliseacutee dans la DFA en cause et ladite deacutecision a eacuteteacute prorogeacutee en 2006 et en 2010

154 Compte tenu de ces eacuteleacutements il y a lieu de constater que la Commission pouvait fonder ses appreacuteciations concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sur les orientations ndash qui ne sont drsquoailleurs qursquoun outil non contraignant ndash qui reacutesultaient des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En revanche dans la mesure ougrave la Commission srsquoest fondeacutee sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 cette derniegravere version nrsquoest pas pertinente agrave moins qursquoil ne srsquoagisse que drsquoune clarification utile sans autre ampliation des orientations deacutejagrave deacutegageacutees en 1995 Du reste du fait qursquoelles ont eacuteteacute publieacutees apregraves la peacuteriode consideacutereacutee et dans la mesure ougrave les preacuteconisations y figurant ont largement eacutevolueacute par rapport aux orientations de 1995 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece

155 En ce qui concerne en particulier la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE celle-ci ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant pertinente drsquoun point de vue temporel en lrsquoespegravece car elle constitue un outil qui nrsquoa eacuteteacute eacutelaboreacute que dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee

156 Ainsi qursquoexposeacute au point 9 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent toute une seacuterie drsquoappreacuteciations de la Commission lieacutees agrave lrsquoapplication de la MTMN dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage

157 Pour rappel la MTMN est une meacutethode indirecte de deacutetermination des prix de transfert Ainsi que deacutecrit au point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 cette meacutethode consiste agrave deacuteterminer agrave partir drsquoune base approprieacutee le beacuteneacutefice net que reacutealise un contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee ou au titre de transactions controcircleacutees qui sont eacutetroitement lieacutees ou continues Afin de deacuteterminer cette base approprieacutee il y a lieu de choisir un indicateur de niveau de beacuteneacutefice tel que les coucircts les ventes ou les actifs Lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net obtenu par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee doit ecirctre deacutetermineacute par reacutefeacuterence agrave lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net que le mecircme contribuable ou une entreprise indeacutependante reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre

158 Ainsi qursquoil ressort du point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la MTMN implique drsquoidentifier une partie agrave la transaction pour laquelle un indicateur de niveau de beacuteneacutefice est testeacute par exemple une marge sur coucircts Cette partie est deacutesigneacutee comme eacutetant la laquo partie agrave tester raquo Il srsquoagit de la partie dont la marge dite de laquo pleine concurrence raquo doit ecirctre deacutetermineacutee En regravegle geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave qui une meacutethode de prix de transfert peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable possible et pour laquelle les comparables les plus fiables possibles peuvent ecirctre trouveacutes

159 Le choix de la partie agrave tester se fait sur la base drsquoune analyse fonctionnelle des parties agrave la transaction intragroupe Selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans leur version de 1995 la partie agrave tester sera le plus souvent celle dont lrsquoanalyse fonctionnelle est la

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moins complexe Selon une compreacutehension existant deacutejagrave agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de 1995 srsquoappliquaient lrsquoanalyse fonctionnelle implique le plus souvent drsquoexaminer les fonctions exerceacutees par une entiteacute les actifs deacutetenus et les risques assumeacutes

160 En outre il y a lieu de relever que la MTMN est consideacutereacutee comme une meacutethode approprieacutee pour tester la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de la partie qui nrsquoapporte aucune contribution unique ou de valeur en lien avec la transaction qui fait lrsquoobjet de lrsquoanalyse des prix de transfert

161 En lrsquoespegravece le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas en tant que tel le choix par la Commission de la MTMN En revanche ils contestent uniquement le fait que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeffectueacutee par la Commission ait eacuteteacute correcte Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission et le choix de LuxSCS en tant que partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN deuxiegravemement le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS agrave savoir le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice et du taux de marge retenu par la Commission en application de la MTMN et troisiegravemement la fiabiliteacute du reacutesultat obtenu

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester

162 Les consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir ceux portant sur le constat principal de lrsquoavantage tendent agrave deacutemontrer pour lrsquoessentiel que en lrsquoespegravece les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester puisque celle-ci serait au regard de lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission la partie la laquo moins complexe raquo Il reacutesulte eacutegalement de ces consideacuterants que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient fait une application de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration deacutetermineacutee en application de la DFA en cause Selon la Commission en conseacutequence lrsquoapplication de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester aurait abouti agrave une moindre redevance pour LuxSCS et ainsi agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

163 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission Ils font notamment valoir que les fonctions de LuxSCS ainsi que les actifs mobiliseacutes et les risques assumeacutes par celle-ci ont eacuteteacute minimiseacutes par la Commission Selon eux LuxSCS deacutetenait les actifs incorporels et exerccedilait des fonctions uniques et de valeur et ne pouvait de ce fait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN opeacutereacutee par la Commission

164 Dans ce contexte il y a lieu de souligner que par leur argumentation concernant le constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause le bien-fondeacute du choix opeacutereacute par la Commission de la MTMN comme eacutetant la meacutethode approprieacutee pour la deacutetermination du caractegravere de pleine concurrence de la redevance Lorsqursquoils remettent en cause les appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS figurant dans la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent donc en substance agrave contester lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee par les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises comme eacutetant la partie la laquo moins complexe raquo et donc la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN

165 Pour reacutepondre agrave ces arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission nrsquoaurait pas eacuteteacute en droit de conclure que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il nrsquoest pas neacutecessaire de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo En revanche dans la mesure ougrave la Commission a chercheacute agrave appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il suffit

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de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS telle que cette analyse ressort de la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee et si au regard de cette analyse il eacutetait possible drsquoappliquer de maniegravere suffisamment fiable la MTMN agrave LuxSCS

166 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler agrave titre liminaire que selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la partie agrave laquelle la MTMN est appliqueacutee laquo devra ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo que cela laquo impliquera souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels uniques et de valeur raquo et que laquo [t]outefois le choix pourra ecirctre limiteacute par lrsquoinsuffisance de donneacutees disponibles raquo Selon ce point en drsquoautres termes si en regravegle geacuteneacuterale lrsquoentiteacute pour laquelle il existe le plus drsquoeacuteleacutements fiables aux fins de lrsquoidentification de comparables est souvent lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo la finaliteacute de lrsquoapplication de la MTMN nrsquoest pas forceacutement de faire deacutependre cette application de lrsquoidentification de lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo En revanche ce qui importe dans lrsquoapplication de cette meacutethode crsquoest drsquoavoir identifieacute la partie pour laquelle les donneacutees les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutees drsquoune part et la question de savoir si la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de maniegravere fiable agrave cette partie drsquoautre part

167 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 166 ci-dessus et ainsi qursquoil reacutesulte en particulier des points 326 328 329 334 et 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquoapplication de la MTMN implique neacutecessairement de trouver des donneacutees fiables pour la comparaison avec la partie agrave tester Ainsi lrsquointeacutegraliteacute des appreacuteciations concernant lrsquoanalyse fonctionnelle lrsquoexamen des fonctions les consideacuterations concernant des actifs et des risques assumeacutes ainsi que toutes les consideacuterations concernant le caractegravere laquo unique et de valeur raquo des actifs mis en œuvre ne sont que des critegraveres agrave prendre en compte dans le choix de la partie agrave tester afin de srsquoassurer drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable

168 Crsquoest agrave la lumiegravere de ces consideacuterations qursquoil convient drsquoexaminer les griefs tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS opeacutereacutee par la Commission ainsi que sa conclusion selon laquelle cette entiteacute devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester

169 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que dans la section 92111 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 419 agrave 429 de cette deacutecision) la Commission a deacutecrit les fonctions exerceacutees par LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee

170 En substance ainsi que reacutesumeacute au consideacuterant 418 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoanalyse de la Commission repose sur les trois affirmations principales suivantes Tout drsquoabord celle-ci a consideacutereacute que LuxSCS nrsquoavait pas exerceacute de fonctions laquo actives raquo lieacutees agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels qursquoelle nrsquoy eacutetait pas habiliteacutee du fait de la licence exclusive conceacutedeacutee agrave LuxOpCo et qursquoelle nrsquoen avait pas non plus la capaciteacute Ensuite la Commission a indiqueacute que selon elle LuxSCS nrsquoavait pas utiliseacute drsquoactifs lieacutes agrave ces actifs incorporels mais avait simplement deacutetenu passivement la proprieacuteteacute desdits actifs et une licence sur ces derniers en vertu de lrsquoARC Enfin elle a releveacute que LuxSCS nrsquoavait assumeacute ni controcircleacute les risques lieacutes agrave ces activiteacutes pas plus qursquoelle nrsquoavait eu la capaciteacute opeacuterationnelle et financiegravere de le faire

171 Au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee les seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa laquo proprieacuteteacute leacutegale raquo des actifs incorporels bien que mecircme ces fonctions aient eacuteteacute exerceacutees sous le controcircle de LuxOpCo De fait ainsi qursquoil ressort des consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee LuxSCS se serait borneacutee agrave deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels

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172 Ensuite dans la section 92112 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Actifs utiliseacutes par LuxSCS raquo et en particulier au consideacuterant 430 de cette deacutecision la Commission a en substance agrave nouveau rappeleacute que LuxSCS nrsquoeacutetait que le deacutetenteur passif des actifs incorporels Au consideacuterant 431 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a contesteacute le fait que LuxSCS aurait utiliseacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo Au consideacuterant 432 de la deacutecision attaqueacutee elle a reacuteiteacutereacute son avis selon lequel en tout eacutetat de cause LuxSCS nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoutiliser effectivement les actifs incorporels

173 Enfin dans la section 92113 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 436 agrave 446 de cette deacutecision) intituleacutee laquo Risques assumeacutes par LuxSCS raquo la Commission a analyseacute les risques encourus par LuxSCS dans la mesure ougrave ces risques eacutetaient pertinents dans le cadre de lrsquoaccord de licence Au consideacuterant 446 de ladite deacutecision elle a conclu agrave cet eacutegard que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant effectivement assumeacute les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration agrave la gestion et agrave lrsquoexploitation des actifs incorporels drsquoAmazon et qursquoelle nrsquoavait pas la capaciteacute financiegravere drsquoassumer de tels risques

174 De plus dans la section 92141 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo La partie testeacutee devrait ecirctre LuxSCS raquo la Commission a affirmeacute en substance qursquoil convenait drsquoeacuteviter de confondre la complexiteacute des actifs deacutetenus et la complexiteacute des fonctions exerceacutees par les parties agrave la transaction intragroupe concerneacutee (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ensuite soutenu que rien ne permettrait drsquoaffirmer qursquoune socieacuteteacute lieacutee appartenant agrave un groupe qui cegravede sous licence un actif incorporel agrave une autre socieacuteteacute du groupe exerce des fonctions plus complexes que cette socieacuteteacute du simple fait qursquoelle deacutetient la proprieacuteteacute leacutegale drsquoun actif complexe (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence selon elle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait en soi une laquo contribution unique raquo Elle aurait ducirc plutocirct exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS exerccedilait des laquo fonctions uniques et de valeur raquo (consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee) Enfin selon la Commission bien que LuxSCS fucirct le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels au cours de la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoanalyse fonctionnelle effectueacutee agrave la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee deacutemontrerait que cette socieacuteteacute nrsquoa exerceacute aucune fonction laquo active raquo et essentielle en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration lrsquoentretien ou lrsquoexploitation de ceux-ci (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee)

175 Les appreacuteciations de la Commission relatives aux fonctions de LuxSCS se recoupent pour une grande partie avec celles relatives aux actifs utiliseacutes par LuxSCS Il en est de mecircme srsquoagissant des arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre de ces appreacuteciations Il convient donc drsquoanalyser conjointement ces arguments puis ceux relatifs aux risques assumeacutes par LuxSCS afin drsquoexaminer si la Commission a correctement consideacutereacute que cette derniegravere devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS

176 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les affirmations de la Commission concernant les fonctions de LuxSCS En revanche srsquoagissant des actifs incorporels de LuxSCS ils srsquoaccordent agrave consideacuterer que ces derniers eacutetaient laquo uniques et de valeur raquo sans toutefois prendre le soin de deacutefinir ces termes

177 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon reprochent agrave la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 disposaient que la partie deacutetenant les actifs incorporels ne serait geacuteneacuteralement pas la partie testeacutee pour lrsquoapplication de la MTMN Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon insistent sur le fait que LuxSCS deacutetenait des actifs incorporels uniques et de valeur La technologie mise agrave disposition par LuxSCS aurait joueacute un rocircle central dans le deacuteveloppement des activiteacutes du groupe Amazon en Europe Ces actifs incorporels auraient eacuteteacute indispensables pour toutes les activiteacutes du groupe Amazon

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en Europe En outre le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que par lrsquooctroi drsquoune licence sur les actifs incorporels agrave LuxOpCo LuxSCS a fait beacuteneacuteficier LuxOpCo des activiteacutes de deacuteveloppement reacutealiseacutees par ATI et A 9 aux Eacutetats-Unis et lui a permis drsquoexploiter de maniegravere optimale ces actifs Par conseacutequent LuxOpCo devrait reacutemuneacuterer LuxSCS non seulement pour ses contributions mais eacutegalement indirectement les entiteacutes ameacutericaines du groupe Amazon pour leurs contributions

178 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent la position de la Commission consistant agrave distinguer entre des fonctions dites laquo actives raquo et des fonctions dites laquo passives raquo et agrave ne retenir que ces derniegraveres aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle Ils reprochent agrave la Commission dans ce contexte eacutegalement de ne pas avoir pris en compte dans lrsquoanalyse des fonctions le fait que LuxSCS ait mis les actifs incorporels agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee Amazon ajoute que la mise agrave disposition des actifs incorporels par lrsquooctroi agrave LuxOpCo drsquoune licence constitue une exploitation de ces actifs par LuxSCS comme le preacuteconise le point 632 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

179 Troisiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxSCS a contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission exerceacute des fonctions uniques et de valeur Dans ce contexte ils indiquent notamment que au travers de sa participation agrave lrsquoARC LuxSCS contribuait au deacuteveloppement continu des actifs incorporels et ce quand bien mecircme elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes Toujours selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les contributions des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 agrave savoir le deacuteveloppement et les ameacuteliorations continues de la proprieacuteteacute intellectuelle doivent ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS ou consideacutereacutees comme faisant partie des contributions de LuxSCS Selon eux LuxSCS aurait ainsi exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo qui justifieraient de la consideacuterer comme la partie la plus complexe agrave la transaction Amazon fait valoir en outre que le fait que LuxSCS ait eu ou non la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule et sans accorder de licence sur les actifs incorporels agrave une autre entiteacute serait sans pertinence pour appreacutecier le caractegravere unique de ses fonctions

180 La Commission conteste ces arguments

181 La Commission insiste sur le fait que LuxSCS nrsquoait fait que deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels et qursquoelle ne les ait pas effectivement utiliseacutes La simple proprieacuteteacute drsquoun actif incorporel unique et de valeur ne suffirait pas agrave consideacuterer que cette entiteacute est complexe En lrsquoespegravece elle ne suffirait pas non plus agrave justifier lrsquoattribution agrave LuxSCS de la quasi-totaliteacute des beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par LuxOpCo quand bien mecircme aucune des activiteacutes de LuxOpCo ne pourrait ecirctre exerceacutee sans accegraves aux actifs incorporels Apregraves la conclusion de lrsquoaccord de licence LuxSCS nrsquoaurait plus eacuteteacute habiliteacutee agrave utiliser les actifs pas plus qursquoelle nrsquoen aurait eu la capaciteacute Ce serait uniquement LuxOpCo qui aurait utiliseacute les actifs incorporels dans le cadre de ses activiteacutes commerciales Dans ce contexte la Commission rappelle eacutegalement que LuxSCS ne disposait pas de salarieacutes et nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoexercer les fonctions en lien avec le deacuteveloppement lrsquoameacutelioration et lrsquoexploitation des actifs incorporels

182 Qui plus est selon la Commission le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon se reacutefegraverent agrave tort aux contributions des entiteacutes du groupe Amazon situeacutees aux Eacutetats-Unis (voir point 179 ci-dessus) dans la mesure ougrave ces derniegraveres ne sont pas concerneacutees par lrsquoaccord de licence et agissent indeacutependamment de LuxSCS Toute fonction eacuteventuelle de ces entiteacutes en rapport avec les actifs incorporels la circonstance que Amazoncom orientait LuxSCS ou LuxOpCo ou encore les caracteacuteristiques de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC seraient donc deacutenueacutees de pertinence pour lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS Les fonctions de deacuteveloppement opeacutereacutees par ATI et A 9 ne pourraient donc ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS dans la mesure ougrave les diffeacuterentes parties agrave lrsquoARC agissent pour leur compte et agrave leurs risques La Commission fait valoir que en tout eacutetat de cause lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC fixaient deacutejagrave la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions exerceacutees par ATI et A 9 en lien avec les actifs incorporels Toute

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autre transaction intragroupe entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels dont ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon nrsquoauraient en tout eacutetat de cause deacutemontreacute lrsquoexistence ne saurait justifier le versement des beacuteneacutefices reacutesiduels de LuxOpCo agrave LuxSCS

183 Agrave cet eacutegard en premier lieu il importe de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 166 ci-dessus selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquolaquo entreprise associeacutee agrave laquelle la meacutethode transactionnelle de la marge nette est appliqueacutee devrait ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo et cela laquo impliquera[it] souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui [serait] la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne posseacutede[rait] pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo La notion drsquolaquo actifs uniques raquo ou laquo de valeur raquo nrsquoest pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

184 Il deacutecoule du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que ces lignes preacuteconisaient de ne pas retenir la partie deacutetenant des actifs uniques et de valeur comme eacutetant la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN mais de lui preacutefeacuterer une autre entiteacute partie agrave la transaction controcircleacutee La logique sous-jacente audit point 343 est celle suivant laquelle en geacuteneacuteral il est davantage compliqueacute de pouvoir trouver des comparables fiables afin drsquoexaminer la partie agrave la transaction controcircleacutee qui possegravede des actifs incorporels uniques et de valeur Cette compreacutehension ressortait eacutegalement du point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Selon ce point en preacutesence de biens incorporels de grande valeur il pouvait ecirctre difficile drsquoidentifier des transactions comparables entre entreprises indeacutependantes Il ressort de ce mecircme point que lrsquoidentification de comparables serait plus difficile du fait de la simple possession drsquoactifs incorporels uniques ou de valeur Il convient de relever que le point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 repose sur la preacutemisse selon laquelle un actif incorporel peut ecirctre reacuteputeacute comme eacutetant laquo unique raquo quand il nrsquoy a pas de comparable pour cet actif Un actif incorporel est laquo de valeur raquo quand il permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Par ailleurs il convient de constater que cette compreacutehension correspond agrave la deacutefinition de la notion qui figure au point 617 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 Il reacutesulte de ce point que les laquo actifs incorporels uniques et de valeur raquo sont ceux premiegraverement qui ne sont pas comparables aux actifs incorporels utiliseacutes par les parties agrave des transactions potentiellement comparables et deuxiegravemement dont lrsquoutilisation dans les affaires opeacuterations devrait produire des beacuteneacutefices eacuteconomiques futurs plus importants que ceux que lrsquoon pourrait atteindre en lrsquoabsence desdits actifs incorporels

185 En lrsquoespegravece premiegraverement il est constant que LuxSCS deacutetenait les droits sur les actifs incorporels du groupe Amazon en Europe et qursquoelle mettait ces actifs agrave disposition de LuxOpCo en vertu de lrsquoaccord de licence

186 Agrave cet eacutegard il convient de relever en compleacutement des eacuteleacutements indiqueacutes aux points 4 et 5 ci-dessus que en vertu de lrsquoaccord de cession conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 lequel est une des composantes de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer la proprieacuteteacute drsquoune partie de ces actifs (voir points 31 et 32 dudit accord) agrave savoir notamment et essentiellement les noms de domaines Internet en Europe tels que amazoncouk amazonfr et amazonde

187 Ensuite en vertu de lrsquoaccord de licence conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 LuxSCS a reccedilu le droit drsquoutiliser en Europe la majeure partie des actifs incorporels du groupe Amazon preacuteexistant en 2005 agrave savoir la technologie les inventions les brevets les marques les droits lieacutes aux clients etc sans que ce droit de licence de LuxSCS ait eacuteteacute un droit exclusif

188 De plus en vertu du point 62 sous a) et du point 63 sous a) de lrsquoARC LuxSCS deacutetenait une licence non exclusive sur la proprieacuteteacute intellectuelle de A 9 et drsquoATI deacuteveloppeacutee apregraves 2005 ainsi que la proprieacuteteacute des droits deacuteriveacutes deacuteveloppeacutee apregraves 2005 agrave partir des actifs incorporels dont LuxSCS est le titulaire leacutegal

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189 Enfin LuxSCS a eacutegalement conclu des accords de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle (Intellectual Property Assignment and License Agreement) avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes en vertu desquels elle a reccedilu les marques deacuteposeacutees et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens que celles-ci deacutetenaient

190 Ainsi les actifs incorporels sur lesquels LuxSCS deacutetenait des droits incluaient les trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle suivantes la technologie les actifs incorporels lieacutes au marketing et les donneacutees clients La technologie comprenait un eacuteventail complet englobant tous les aspects de lrsquoactiviteacute du groupe Amazon et notamment les technologies pour la plateforme logicielle de ce groupe lrsquoapparence du site le catalogue le traitement des commandes la logistique les fonctionnaliteacutes de recherche et de navigation le service clientegravele et les fonctionnaliteacutes de personnalisation

191 Deuxiegravemement il y a lieu de relever que si la Commission soutient que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas de laquo fonctions uniques et de valeur raquo en lien avec les actifs incorporels elle ne conteste pas le caractegravere laquo unique et de valeur des actifs incorporels raquo deacutetenus par LuxSCS et mis agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee

192 En particulier la Commission nrsquoa pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la technologie eacutetait unique car il nrsquoy avait pas de comparables et selon laquelle elle jouait un rocircle essentiel dans les diffeacuterents aspects des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et permettait donc de geacuteneacuterer des recettes importantes De plus il y a lieu de relever que nrsquoest pas remis en question ainsi que le soutient Amazon le fait que les activiteacutes commerciales du groupe nrsquoauraient pu acqueacuterir une telle envergure et obtenir un tel succegraves en Europe ndash comme drsquoailleurs dans drsquoautres reacutegions du monde ndash sans la technologie Est convaincante eacutegalement lrsquoalleacutegation du Grand-Ducheacute de Luxembourg suivant laquelle pendant la peacuteriode consideacutereacutee le groupe Amazon srsquoest appuyeacute sur sa technologie qui eacutetait laquo au cœur d[e son] ldquobusiness modelrdquoraquo (modegravele drsquoentreprise) en tant que diffeacuterentiateur concurrentiel en ce sens que crsquoest preacuteciseacutement cette technologie qui a constitueacute le contributeur unique et preacutecieux qui a permis (et permet encore) au groupe Amazon de continuer agrave ecirctre compeacutetitif dans un environnement hautement concurrentiel caracteacuteriseacute par des marges eacutetroites Il ressort par ailleurs du consideacuterant 338 de la deacutecision attaqueacutee que mecircme une partie des concurrents du groupe Amazon admettent que en raison drsquoune strateacutegie laquo tregraves agressive drsquoinvestissement dans la technologie raquo la plateforme de vente au deacutetail du groupe Amazon laquo constitue aujourdrsquohui un avantage concurrentiel difficile agrave eacutegaler raquo En ce qui concerne la technologie il srsquoagissait donc drsquoun actif pour lequel il nrsquoavait pas de comparable

193 Agrave cet eacutegard et par ailleurs il convient de souligner qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire drsquoexaminer les arguments de la Commission tendant agrave faire valoir que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour exploiter les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et que les fonctions humaines reacutealiseacutees par les employeacutes de LuxOpCo eacutetaient eacutegalement importantes En effet ces arguments agrave les supposer fondeacutes ne remettent pas en cause le constat selon lequel la technologie jouait un rocircle essentiel dans les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et constituait ainsi un actif unique et de valeur

194 Srsquoagissant des marques enregistreacutees en Europe il y a lieu de constater que agrave la date agrave laquelle LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer ces actifs qui beacuteneacuteficiaient deacutejagrave de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il ne ressort pas des eacuteleacutements du dossier qursquoil existait des actifs comparables sur le marcheacute europeacuteen Il convient donc de consideacuterer que les marques en question eacutetaient uniques Il est constant que leur utilisation a permis de geacuteneacuterer des recettes importantes en Europe Ces marques eacutetaient donc eacutegalement laquo de valeur raquo En ce qui concerne les donneacutees clients celles-ci nrsquoavaient pas non plus de comparables et elles permettaient de geacuteneacuterer des beacuteneacutefices importants Il y a donc lieu de consideacuterer que ces actifs incorporels eacutetaient eacutegalement uniques et de valeur

195 Dans ces conditions compte tenu du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et au vu du fait que les actifs incorporels du groupe Amazon et notamment la technologie constituaient des actifs uniques et de valeur mis en œuvre par LuxSCS dans le cadre de la transaction

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controcircleacutee il ne pouvait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de choisir une socieacuteteacute autre que LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester Par ailleurs si ainsi que lrsquoa suggeacutereacute la Commission agrave la note en bas de page no 681 de la deacutecision attaqueacutee selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 un deacutetenteur passif ne peut ecirctre la partie la plus complexe et peut donc ecirctre la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN force est de constater que cela nrsquoeacutetait pas le cas dans la peacuteriode consideacutereacutee laquelle doit ecirctre examineacutee en lrsquoespegravece au regard des seules lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

196 Au point 83 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 la Commission semble vouloir insister sur le fait que selon le point 343 des principes de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 ce nrsquoest que laquo souvent raquo que le choix de la partie agrave tester impliquera de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la laquo moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo sans toutefois qursquoil srsquoagisse drsquoune regravegle absolue agrave cet eacutegard Dans la mesure ougrave la Commission entend affirmer que la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoest pas une regravegle absolue mais une regravegle qui peut ecirctre eacutecarteacutee si des circonstances particuliegraveres tenant agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee le justifient force est de constater qursquoelle nrsquoa pas expliqueacute dans la deacutecision attaqueacutee en quoi cette preacuteconisation devait en lrsquoespegravece ecirctre eacutecarteacutee La Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc se deacutepartir de la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 en raison drsquoune particulariteacute propre agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

197 En deuxiegraveme lieu et en tout eacutetat de cause il y a lieu de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que outre des fonctions de maintien de sa proprieacuteteacute intellectuelle LuxSCS nrsquoexerccedilait aucune fonction laquo active et critique raquo en lien avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee) ou laquo aucune fonction active et essentielle raquo en rapport avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 548 de ladite deacutecision) ou encore laquo aucune fonction accroissant la valeur des actifs incorporels raquo (voir le consideacuterant 526 de la mecircme deacutecision)

198 Premiegraverement srsquoagissant de la distinction opeacutereacutee par la Commission entre la deacutetention dite laquo passive raquo (consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee) et la deacutetention laquo active raquo des actifs incorporels ainsi qursquoentre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee) il convient de constater agrave lrsquoinstar du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon que les lignes directrices de lrsquoOCDE pertinentes en lrsquoespegravece ne preacutevoient pas une telle distinction

199 En effet les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 se bornent agrave indiquer en leur point 120 que en geacuteneacuteral lorsqursquoil y a lieu de deacuteterminer le caractegravere de pleine concurrence drsquoune reacutemuneacuteration eacutetablie dans le cadre drsquoune transaction controcircleacutee il convient drsquoexaminer si cette reacutemuneacuteration correspond laquo aux fonctions assumeacutees par chaque entreprise raquo et de laquo comparer les fonctions exerceacutees par les parties raquo

200 Certes il nrsquoest pas exclu que le point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 puisse ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le terme laquo exerceacutees raquo renvoie agrave des fonctions dites laquo actives raquo

201 Toutefois il ne deacutecoule pas clairement du point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que seules des fonctions laquo actives raquo pouvaient ecirctre prises en compte aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle des parties agrave la transaction Il ne reacutesulte pas non plus de ce point qursquoune entiteacute ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo assumant raquo ou laquo exerccedilant raquo des fonctions lorsqursquoelle deacutetient certains actifs et se borne agrave financer par exemple leur mise au point ou leurs ameacuteliorations

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202 De plus il y a lieu de souligner que selon le point 122 des lignes directrices de lrsquoOCDE il peut ecirctre laquo inteacuteressant et utile lorsque lrsquoon identifie et lrsquoon compare les fonctions exerceacutees de prendre en compte les actifs qui sont ou seront mis en œuvre raquo et qursquolaquo il convient agrave cet eacutegard drsquoenvisager le type drsquoactifs utiliseacutes (usines eacutequipements eacuteleacutements incorporels etc) et les caracteacuteristiques de ces actifs (acircge valeur marchande localisation existence de droits de proprieacuteteacute industrielle etc) raquo En drsquoautres termes il est preacuteconiseacute de prendre en compte le fait qursquoune socieacuteteacute mette agrave disposition des actifs dans le cadre de la transaction controcircleacutee pour lrsquoexamen des fonctions exerceacutees Il en deacutecoule donc que contrairement agrave ce qursquoaffirme la Commission la mise agrave disposition drsquoactifs incorporels devait ecirctre prise en compte pour examiner les fonctions exerceacutees ou assumeacutees par une partie agrave une transaction intragroupe sans qursquoune distinction entre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo soit pertinente

203 Deuxiegravemement agrave supposer que la Commission pucirct effectivement opeacuterer une distinction entre les fonctions laquo passives raquo et laquo actives raquo elle a erroneacutement conclu ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee que LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels qursquoelle srsquoeacutetait borneacutee agrave maintenir les actifs incorporels et qursquoaucune autre fonction active ne pouvait lui ecirctre attribueacutee

204 Drsquoune part la Commission a omis de prendre en compte le fait que LuxSCS a bel et bien exploiteacute lesdits actifs en les mettant agrave disposition agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement drsquoune redevance par le biais de lrsquoaccord de licence

205 En effet il est constant que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS a donneacute en licence agrave LuxOpCo lrsquoensemble des actifs incorporels drsquoAmazon sur le territoire europeacuteen Cet accord portait non seulement sur lrsquointeacutegraliteacute des actifs incorporels viseacutes dans lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC mais eacutegalement sur les actifs incorporels et notamment les marques qursquoelle avait reccedilus en 2006 aupregraves des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees ainsi que les droits deacuteriveacutes qui en deacutecoulaient Or le fait de donner en licence les actifs incorporels agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement de la redevance constitue une exploitation de ces actifs ce qui eacutequivaut agrave exercer une fonction active

206 Cette exploitation correspond agrave une utilisation des actifs incorporels au sens de lrsquoutilisation par LuxSCS dont la preacutetendue absence est deacuteploreacutee par la Commission aux consideacuterants 430 agrave 432 de la deacutecision attaqueacutee

207 Lrsquoexploitation des actifs incorporels par LuxSCS par lrsquointermeacutediaire de leur mise agrave disposition agrave LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence satisfait eacutegalement au critegravere qui a eacuteteacute suggeacutereacute par la Commission au point 83 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 Selon ce critegravere la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 telle que mentionneacutee aux points 183 et 184 ci-dessus aurait eacuteteacute creacuteeacutee par les auteurs desdites lignes directrices laquo en partant du postulat que la partie agrave une transaction controcircleacutee qui deacutetient des actifs incorporels de valeur est [hellip] celle qui les utilise [hellip] dans le cadre de lrsquoexercice de fonctions actives en rapport avec cette transaction raquo Agrave cet eacutegard sans qursquoil soit besoin drsquoeacutetablir si la Commission est fondeacutee agrave consideacuterer qursquoil y a lieu drsquointerpreacuteter ledit point comme srsquoil requeacuterait une certaine utilisation des actifs incorporels force est de constater que le fait de mettre les actifs incorporels de LuxSCS agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence constitue une utilisation au sens retenu par la Commission

208 Drsquoautre part il y a lieu de relever que LuxSCS a contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par le biais de sa participation financiegravere au titre de lrsquoARC Dans ce contexte il convient de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute agrave la derniegravere phrase du deuxiegraveme tiret du point 4 ci-dessus LuxSCS devait verser une quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

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209 Agrave cet eacutegard il convient de souligner qursquoil ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que la participation financiegravere agrave un accord de reacutepartition des coucircts ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une veacuteritable participation au deacuteveloppement des actifs faisant lrsquoobjet drsquoun tel accord Au contraire il deacutecoule du point 815 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans la version de 1995 lequel indique srsquoagissant des accords de reacutepartition des coucircts qursquolaquo [i]l nrsquoest probablement pas facile de deacuteterminer la valeur relative de la contribution de chaque participant sauf lorsque toutes les contributions sont inteacutegralement verseacutees en numeacuteraire raquo qursquoune contribution financiegravere agrave un tel accord de reacutepartition des coucircts peut bel et bien ecirctre une contribution valide et de valeur et ce donc sans eacutegard agrave la question de savoir si lrsquoentiteacute ayant fourni la contribution financiegravere apporte eacutegalement des contributions drsquoune autre nature En effet dans certains cas il nrsquoest pas exclu que la contribution financiegravere agrave une transaction intragroupe puisse ecirctre le moteur unique du succegraves (commercial) de la transaction

210 De surcroicirct en application du point 63 sous b) et du point 64 de lrsquoARC en contrepartie de sa participation aux coucircts LuxSCS devenait coproprieacutetaire avec A 9 drsquoune partie des actifs incorporels qui eacutetaient constamment deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes aux Eacutetats-Unis Ces deacuteveloppements et ameacuteliorations eacutetaient mis agrave disposition par LuxSCS agrave LuxOpCo constamment au titre de lrsquoaccord de licence de telle maniegravere qursquoil est permis de consideacuterer que du point de vue de LuxOpCo elles eacutetaient imputables agrave LuxSCS et non aux entiteacutes ameacutericaines Dans le cadre de lrsquoaccord de licence les reacutesultats des deacuteveloppements et des ameacuteliorations des actifs incorporels sont attribueacutes agrave LuxSCS

211 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee que les laquo seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo Drsquoune part le critegravere utiliseacute par la Commission et visant la distinction entre des fonctions actives et passives nrsquoest pas pertinent Drsquoautre part mecircme srsquoil y avait lieu de retenir ce critegravere il y a lieu de constater que LuxSCS a mis agrave disposition de LuxOpCo les actifs incorporels et a contribueacute agrave leur deacuteveloppement de par sa contribution financiegravere agrave lrsquoARC Ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte par la Commission dans son analyse fonctionnelle de LuxSCS ainsi qursquoaux fins du choix de la partie agrave tester

212 Cette conclusion nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments invoqueacutes par la Commission

213 Premiegraverement lrsquoappreacuteciation faite par la Commission aux consideacuterants 420 et 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS laquo ne pouvait [hellip] exercer aucune fonction active et critique en rapport avec [la] mise au point [lrsquo] ameacutelioration [la] gestion ou [lrsquo]exploitation [des actifs incorporels] raquo car LuxSCS laquo nrsquoeacutetait plus habiliteacutee agrave exploiter eacuteconomiquement les actifs incorporels dans le cadre des activiteacutes europeacuteennes [du groupe] Amazon raquo ne saurait prospeacuterer

214 En effet la Commission a fondeacute ce constat sur lrsquoaffirmation reacuteiteacutereacutee agrave plusieurs reprises dans la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo avait reccedilu de LuxSCS une licence laquo irreacutevocable raquo et laquo exclusive raquo (voir par exemple consideacuterants 116 419 431 438 442 et 450 de la deacutecision attaqueacutee) ce qui aurait priveacute LuxSCS de toute possibiliteacute drsquoexploiter les actifs incorporels

215 Agrave cet eacutegard il suffit de rappeler que le fait de donner en licence constitue deacutejagrave une exploitation

216 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoappreacuteciation faite par la Commission au consideacuterant 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS nrsquoaurait pas la capaciteacute drsquoexercer des fonctions car elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes

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217 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission le fait que LuxSCS ait ou non eu la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule est deacutenueacute de pertinence pour appreacutecier les fonctions de LuxSCS en lien avec lrsquoexploitation des actifs incorporels En effet ainsi qursquoexposeacute au point 204 ci-dessus LuxSCS a effectivement exploiteacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo

218 En outre contrairement agrave ce que fait valoir la Commission il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire que LuxSCS eucirct ses propres salarieacutes pour contribuer au deacuteveloppement continu des actifs incorporels En effet LuxSCS y contribuait du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

219 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument de la Commission selon lequel la contribution financiegravere de LuxSCS au deacuteveloppement des actifs incorporels aurait eacuteteacute quant agrave elle purement artificielle car le financement du deacuteveloppement des actifs incorporels provenait des comptes de LuxOpCo ce qui aurait signifieacute que LuxOpCo aurait exerceacute toutes les fonctions attribueacutees par lrsquoARC agrave LuxSCS

220 En effet lrsquoorigine du capital utiliseacute par LuxSCS pour reacutepondre aux obligations financiegraveres lui incombant en vertu de lrsquoARC et donc le fait que ce capital provenait du paiement de la redevance par LuxOpCo nrsquoest pas pertinente Les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoexigent pas que le capital investi provienne drsquoune source preacutecise Il nrsquoest pas exclu que ce capital trouve son origine dans une redevance telle que celle en cause ou provienne drsquoune autre source de revenus telle que par exemple un precirct

221 En tout eacutetat de cause il est constant que LuxSCS disposait outre les revenus tireacutes de la redevance drsquoun capital propre Or ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg crsquoest gracircce agrave son capital propre que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo En 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait drsquoailleurs largement infeacuterieur aux paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC

222 En troisiegraveme lieu le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoappreacuteciation de la Commission opeacutereacutee notamment aux consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo (voir notamment consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee)

223 Srsquoagissant de la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo il y a lieu de souligner que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoutilisent pas ces termes Seule lrsquoexpression laquo actifs uniques et de valeur raquo est utiliseacutee agrave plusieurs reprises notamment dans les sections relatives agrave la MTMN et agrave la meacutethode du partage des beacuteneacutefices le plus souvent pour faire reacutefeacuterence agrave des actifs incorporels (deacuteveloppement ou proprieacuteteacute) (voir par exemple points 18 319 343 et 626 desdites lignes)

224 En revanche ce nrsquoest que dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE qui ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece qursquoil est clairement question de fonctions ou de contributions laquo uniques et de valeur raquo et qursquoune distinction est opeacutereacutee entre drsquoune part les laquo fonctions uniques et de valeur raquo et drsquoautre part les laquo fonctions de routine raquo Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus agrave leur point 617 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 contiennent une deacutefinition de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo En revanche si les auteurs des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 utilisent souvent la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo ils ne fournissent aucune deacutefinition agrave cet eacutegard

225 Les parties principales ont preacuteciseacute ce qursquoelles entendaient par les expressions laquo fonctions de routine raquo ou laquo fonctions courantes raquo Lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg a releveacute qursquoune entiteacute exerce des laquo fonctions de routine raquo lorsqursquoelle exerce des fonctions usuelles agrave savoir des fonctions que

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drsquoautres entreprises pourraient exercer eacutegalement Il srsquoagit donc en substance de fonctions pour lesquelles on peut facilement trouver des comparables Amazon a quant agrave elle souligneacute lors de lrsquoaudience que la notion de laquo fonction de routine raquo ne voulait pas dire que les fonctions en question nrsquoavaient pas de valeur mais qursquoelles pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) et reacutemuneacutereacutees La Commission nrsquoa pas remis en cause cette compreacutehension Il ressort du point 14 (note en bas de page no 18) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 que drsquoapregraves la Commission le terme laquo courantes raquo renvoie agrave des fonctions qui ne sont pas uniques et pour lesquelles il existe des eacuteleacutements de comparaison sur le marcheacute libre De maniegravere similaire au point 17 (note en bas de page no 21) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-81617 la Commission oppose les fonctions laquo courantes raquo agrave celles qui laquo ne sont pas uniques et de valeur raquo

226 En lrsquoespegravece il nrsquoy a pas lieu de deacuteterminer si sur la base des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 il eacutetait deacutejagrave loisible pour la Commission de veacuterifier le caractegravere de pleine concurrence drsquoun prix en opeacuterant avec la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo car cette notion aurait deacutejagrave eacuteteacute drsquoapplication agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquoappliquaient et ce mecircme si elles ne faisaient pas eacutetat de cette notion expresseacutement ou si ce nrsquoest qursquoagrave partir de lrsquoadoption des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 que le critegravere lieacute aux laquo fonctions uniques et de valeur raquo pouvait ecirctre pris en compte agrave cet effet

227 En effet et en tout eacutetat de cause les parties principales nrsquoont pas remis en cause la pertinence de ce critegravere mais srsquoaccordent agrave mettre ce critegravere au cœur de leurs arguments comme eacutetant un paramegravetre pertinent pour juger de leur situation Agrave cet eacutegard il convient de relever que tout comme crsquoest le cas de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo (voir point 176 ci-dessus) les parties nrsquoont pas pris le soin de deacutefinir les termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo

228 Srsquoagissant de la signification des termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo agrave lrsquoinstar de ce qui a eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus et compte tenu de lrsquoacception de ces termes retenue par les parties (voir point 225 ci-dessus) il convient de retenir aux fins de la preacutesente affaire que la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que si le fait de deacutesigner une certaine fonction drsquolaquo unique raquo exclut que la mecircme fonction puisse ecirctre qualifieacutee comme eacutetant laquo de routine raquo ou encore laquo courante raquo le mecircme raisonnement ne saurait srsquoappliquer pour ce qui est de la notion de laquo fonction de valeur raquo Il existe eacutegalement des laquo fonctions de routine raquo ou laquo courantes raquo qui permettent de geacuteneacuterer des recettes importantes et qui meacuteritent de ce fait drsquoecirctre qualifieacutees de laquo fonctions de valeur raquo

229 En lrsquoespegravece drsquoune part ainsi qursquoexposeacute au point 191 ci-dessus il nrsquoest pas contesteacute que les actifs incorporels faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence eacutetaient uniques et de valeur

230 Drsquoautre part LuxSCS a non seulement exploiteacute mais eacutegalement contribueacute financiegraverement au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur dont elle eacutetait le titulaire En conseacutequence il deacutecoule de ce qui vient drsquoecirctre indiqueacute aux points 203 agrave 211 ci-dessus que toutes les fonctions de LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels auraient ducirc ecirctre consideacutereacutees par la Commission comme eacutetant uniques et de valeur Lrsquoaffirmation faite au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS aurait exerceacute des laquo fonctions uniques et de valeur raquo nrsquoest donc pas justifieacutee et doit de ce fait ecirctre eacutecarteacutee En conseacutequence compte tenu des fonctions et des actifs de LuxSCS la conclusion de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester ne convainc pas

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ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS

231 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font en substance valoir que LuxSCS supportait les risques lieacutes aux actifs incorporels en tant que tels tandis que LuxOpCo ne supportait que les risques lieacutes agrave ses activiteacutes de deacutetaillant LuxSCS aurait en outre assumeacute des risques financiers en lien avec les actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

232 La Commission conteste ces arguments

233 Elle soutient en particulier que ni les deacutecisions du geacuterant unique de LuxSCS ni les comptes rendus des assembleacutees geacuteneacuterales de LuxSCS ne mentionnent de deacutecisions critiques ayant trait agrave la gestion des risques En reacutealiteacute LuxSCS nrsquoaurait eu ni la capaciteacute financiegravere ni la capaciteacute opeacuterationnelle drsquoassumer ces risques LuxSCS nrsquoaurait pu supporter les coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC que gracircce au financement perccedilu annuellement par le biais des redevances payeacutees par LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence de sorte que le capital de LuxSCS nrsquoaurait jamais eacuteteacute exposeacute au risque Qui plus est LuxSCS aurait beacuteneacuteficieacute drsquoune capitalisation initiale importante de la part de sa socieacuteteacute megravere laquelle a couvert le paiement drsquoentreacutee En toute hypothegravese LuxSCS aurait en vertu de lrsquoaccord de licence transfeacutereacute les risques financiers agrave LuxOpCo Degraves lors les risques retenus par LuxSCS seraient theacuteoriques dans la mesure ougrave LuxSCS avait la possibiliteacute de reacutesilier lrsquoaccord de licence et drsquoaccorder une licence agrave une autre partie lieacutee ou indeacutependante Les risques financiers de LuxSCS auraient eacuteteacute theacuteoriques eacutegalement parce que sa participation financiegravere agrave lrsquoARC eacutetait financeacutee par la redevance payeacutee par LuxOpCo et que le montant des paiements au titre de lrsquoARC eacutetait correacuteleacute aux recettes de LuxOpCo

234 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever drsquoembleacutee que dans la mesure ougrave LuxSCS avait obtenu la pleine proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels conformeacutement au point 31 de lrsquoaccord de cession conclu

1eravec ATI le janvier 2005 elle supportait la totaliteacute des risques lieacutes agrave lrsquoexistence des actifs incorporels en tant que tels Il srsquoagissait par exemple de risques tels que la contestation par un tiers ou la deacutecheacuteance des actifs incorporels Cela est la conseacutequence logique du fait que LuxSCS eacutetait proprieacutetaire de ces actifs Du point de vue de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 LuxSCS assumait eacutegalement les risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels par les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9

235 Dans la mesure ougrave elle avait durant la peacuteriode consideacutereacutee une licence sur lrsquoautre partie des actifs incorporels viseacutes au point 31 de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 ainsi qursquoaux points 61 et 62 de lrsquoARC LuxSCS supportait des risques financiers en lien avec ces actifs utiliseacutes du fait de sa participation agrave lrsquoARC Plus preacuteciseacutement la reacutepartition des coucircts entre les parties agrave lrsquoARC eacutetait preacutevue conformeacutement aux points 4 et 5 de lrsquoARC En vertu de ces points de lrsquoARC LuxSCS avait lrsquoobligation de supporter les coucircts lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels Si la reacutepartition des coucircts eacutetait fonction de la part des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe par comparaison aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes au niveau mondial les coucircts en tant que tels eacutetaient totalement indeacutependants du niveau des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que si les coucircts lieacutes au deacuteveloppement eacutetaient plus eacuteleveacutes que la redevance verseacutee par LuxOpCo crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc supporter les conseacutequences financiegraveres reacutesultant de cet eacutecart Ainsi dans le cas ougrave LuxOpCo aurait enregistreacute des pertes ou des beacuteneacutefices faibles la redevance nrsquoaurait pas suffi pas agrave couvrir les coucircts fixes supporteacutes par LuxSCS agrave savoir essentiellement les paiements au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC En drsquoautres termes LuxSCS risquait de ne pas avoir de revenus suffisants pour effectuer les paiements drsquoentreacutee et de reacutepartition des coucircts preacutevus par lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC

236 Srsquoagissant de ces risques financiers il convient de souligner que en deacutepit drsquoune affirmation non eacutetayeacutee faite par elle lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas eacutetabli que lrsquoobligation de LuxSCS drsquoeffectuer les paiements dus au titre de lrsquoARC eacutetait effectivement exactement correacuteleacutee au versement par LuxOpCo du montant de la redevance Au contraire et ainsi que lrsquoa drsquoailleurs releveacute la Commission elle-mecircme au

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consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee les montants perccedilus par LuxSCS au titre de la redevance ne correspondaient pas directement aux montants dus par LuxSCS au titre de lrsquoARC Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoentreacutee et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

237 Toujours srsquoagissant des risques financiers supporteacutes par LuxSCS la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer que cette socieacuteteacute ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave ce capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo

238 Enfin il est vrai que selon les points 23 et 92 de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels En effet drsquoune part selon les termes du point 23 dudit accord LuxOpCo eacutetait tenue de prendre toutes les mesures neacutecessaires pour proteacuteger les droits de LuxSCS sur les actifs incorporels et drsquoautre part en vertu du point 92 de ce mecircme accord LuxOpCo avait lrsquoobligation de preacutevenir et de traduire en justice agrave ses propres frais toute utilisation non autoriseacutee des actifs incorporels LuxOpCo assumait donc les risques lieacutes agrave la protection des actifs incorporels

239 Il nrsquoen demeure pas moins que les autres risques lieacutes aux actifs incorporels eacutetaient supporteacutes par LuxSCS du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

240 En effet il ne ressort pas des dispositions de lrsquoaccord de licence que LuxSCS ait transfeacutereacute agrave LuxOpCo des risques autres que ceux deacutecoulant des points 23 et 92 dudit accord agrave savoir ceux relatifs agrave lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels Ainsi contrairement agrave ce que suggegravere la Commission lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause sur le transfert en tant que tel de lrsquoensemble des risques lieacutes aux actifs incorporels de LuxSCS agrave LuxOpCo En particulier lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause relative au transfert des risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels

241 Nrsquoeacutetant pas eacutetayeacutee par les dispositions de lrsquoaccord de licence la conclusion exprimeacutee par la Commission notamment au consideacuterant 438 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS a transfeacutereacute agrave LuxOpCo les risques en lien avec la mise au point la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels la proprieacuteteacute intellectuelle ne saurait donc ecirctre retenue

242 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont fondeacutes agrave affirmer que LuxSCS supportait les risques lieacutes agrave la proprieacuteteacute et au deacuteveloppement des actifs incorporels utiliseacutes pour exploiter les activiteacutes europeacuteennes y compris les risques financiers lieacutes agrave lrsquoexploitation de ces actifs incorporels tandis que LuxOpCo ne supportait essentiellement que les risques lieacutes agrave ses propres activiteacutes de deacutetaillant et en particulier les risques lieacutes aux ventes et aux services de place de marcheacute

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester

243 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 162 agrave 242 ci-dessus il y a lieu drsquoopeacuterer deux constats

244 En premier lieu lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS effectueacutee par la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee La Commission a sous-estimeacute les fonctions de LuxSCS En ce qui concerne les actifs incorporels la Commission a notamment neacutegligeacute de prendre en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS mettait agrave disposition des actifs incorporels qui nrsquoavaient pas de comparables sur le marcheacute et qui eacutetaient donc uniques et de valeur Selon les lignes

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directrices de lrsquoOCDE dans leur version pertinente en lrsquoespegravece cet eacuteleacutement suffisait en principe pour pouvoir conclure que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie la moins complexe et donc la partie agrave tester

245 En tout eacutetat de cause srsquoil y avait lieu de consideacuterer ainsi que la Commission le fait valoir que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc prendre en compte des laquo fonctions uniques et de valeur raquo force est de constater que la Commission a ignoreacute la circonstance que LuxSCS exploitait bel et bien les actifs incorporels dans le cadre de la transaction controcircleacutee examineacutee La mise agrave disposition des actifs incorporels ayant une valeur de pointe correspondait au fait drsquoexercer une fonction unique et de valeur dans le cadre de lrsquoaccord de licence (la transaction controcircleacutee) Ainsi qursquoil reacutesulte des points 203 agrave 242 ci-dessus LuxSCS a exerceacute une seacuterie de fonctions dans le cadre de la transaction controcircleacutee autres que le fait de mettre agrave la disposition de LuxOpCo les actifs incorporels La Commission a neacutegligeacute ces fonctions qui pouvaient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques et de valeur

246 La Commission nrsquoa pas non plus ducircment pris en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS assumait la totaliteacute des risques lieacutes agrave ces actifs et agrave leur deacuteveloppement dans le cadre de lrsquoaccord de licence et ce indeacutependamment de la question de savoir si LuxSCS eacutetait elle-mecircme controcircleacutee par les entiteacutes ameacutericaines et si crsquoest LuxSCS qui deacuteveloppait techniquement les actifs incorporels ou si LuxSCS contribuant financiegraverement les deacuteveloppements de la proprieacuteteacute intellectuelle eacutetaient les reacutesultats des efforts techniques des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Ce faisant la Commission a minimiseacute eacutegalement la description des risques assumeacutes par LuxSCS

247 Dans ces conditions il ne saurait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de ne pas avoir choisi LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester

248 En second lieu en toute hypothegravese mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels et non une socieacuteteacute ayant exerceacute des fonctions actives en rapport avec ceux-ci force est de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS aurait ducirc ecirctre retenue en tant que partie agrave tester

249 En effet il y a lieu de rappeler que de maniegravere geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave laquelle la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable et pour laquelle les eacuteleacutements de comparaison les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutes

250 En lrsquoespegravece force est de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute qursquoil eacutetait davantage facile de trouver des entreprises comparables agrave LuxSCS que des entreprises comparables agrave LuxOpCo ni le fait que retenir LuxSCS en tant qursquoentiteacute agrave tester aurait permis drsquoobtenir des donneacutees de comparaison davantage fiables

251 Ainsi qursquoil reacutesulte du consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc admettre lorsqursquoelle a chercheacute la marge approprieacutee pour la redevance qursquoil nrsquoy avait pas de comparables pour LuxSCS

252 Il srsquoensuit qursquoil y a lieu drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon laquelle la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN Cela eacutetant les consideacuterations preacuteceacutedentes sont suffisantes pour accueillir lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne le constat principal de la Commission visant lrsquoexistence de lrsquoavantage et ce sans qursquoil soit besoin de proceacuteder agrave une analyse fonctionnelle de LuxOpCo ni de la question de savoir si la Commission eacutetait fondeacutee agrave eacutecarter la CUP

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253 Cependant dans un souci drsquoexhaustiviteacute il y a lieu de relever que les appreacuteciations de la Commission concernant lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE doivent eacutegalement ecirctre eacutecarteacutees pour des motifs autres que ceux lieacutes aux choix de la partie agrave tester et agrave lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS tels qursquoils viennent drsquoecirctre exposeacutes Ainsi mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la conclusion non justifieacutee de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute la partie agrave tester lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon devrait ecirctre accueillie par ailleurs et ce pour les motifs suivants

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester

254 Aux consideacuterants 550 agrave 560 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a chercheacute agrave opeacuterer sa propre application de la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester Au terme de son analyse au consideacuterant 559 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence devait ecirctre eacutegale agrave la somme de deux composantes agrave savoir drsquoune part des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels sans marge et drsquoautre part des coucircts geacuteneacuteraux drsquoexploitation supporteacutes directement par LuxSCS pour assurer les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels (ci-apregraves les laquo coucircts de maintien raquo) majoreacutes de 5 (ci-apregraves la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo) Il importe agrave cet eacutegard de relever que la reacutemuneacuteration de LuxSCS correspond en reacutealiteacute agrave la redevance qui selon la Commission aurait ducirc ecirctre perccedilue par LuxSCS aupregraves de LuxOpCo

255 Par le deuxiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen et par la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par le quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter que LuxSCS pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de la meacutethode MTMN (quod non) la Commission aurait commis drsquoautres erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN En effet le calcul effectueacute par la Commission pour deacuteterminer la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS agrave savoir la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS ne saurait convaincre

256 Il convient drsquoaborder cette argumentation en tenant compte des deux composantes distingueacutees par la Commission (voir point 254 ci-dessus)

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)

257 Srsquoagissant de la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen que la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS devrait refleacuteter non seulement les coucircts de deacuteveloppement mais eacutegalement la valeur des actifs incorporels Cette valeur serait deacutecorreacuteleacutee de ces coucircts et donc des paiements opeacutereacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC Au point 73 de la requecircte et aux points 32 et suivants de la reacuteplique dans lrsquoaffaire T-31818 Amazon invoque en substance le mecircme grief De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee qui seraient la contrepartie de la mise agrave disposition par LuxSCS des actifs incorporels par lrsquoaccord de licence auraient ducirc ecirctre inclus dans les coucircts auxquels une marge est appliqueacutee

258 La Commission reacutefute ces arguments

259 Elle soutient que lrsquoobjectif drsquoun accord de reacutepartition des coucircts tel que lrsquoARC reacuteside dans le partage des coucircts lieacutes agrave la mise au point des actifs incorporels et non dans lrsquoobtention drsquoun beacuteneacutefice drsquoexploitation sur les activiteacutes europeacuteennes Ainsi ATI et A 9 ne devraient obtenir aucune part des beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales en Europe en dehors du remboursement des coucircts drsquoentreacutee et au titre de lrsquoARC Ce serait donc agrave bon droit que la deacutecision attaqueacutee a deacutetermineacute la reacutemuneacuteration de LuxSCS comme

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comprenant un remboursement des paiements drsquoentreacutee et des coucircts de deacuteveloppement de lrsquoARC La Commission rappelle dans ce contexte que selon elle la raison de lrsquoexistence de LuxSCS eacutetait purement fiscale Lrsquoaccord de licence nrsquoaurait pas eacuteteacute directement conclu entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo mais entre LuxSCS et LuxOpCo afin drsquoeacuteviter que les redevances ne soient soumises agrave lrsquoimpocirct aux Eacutetats-Unis Si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute ATI et A 9 auraient conclu un accord de reacutepartition des coucircts avec LuxOpCo (et non un accord de licence) de sorte que seule LuxOpCo aurait ducirc srsquoacquitter des paiements De plus lrsquoactiviteacute de LuxSCS se serait limiteacutee agrave la simple deacutetention des actifs incorporels LuxSCS nrsquoaurait pas exerceacute elle-mecircme directement des fonctions de deacuteveloppement de la proprieacuteteacute intellectuelle et nrsquoaurait donc pas ducirc percevoir de reacutemuneacuterations agrave ce titre Elle nrsquoaurait joueacute aucun rocircle dans lrsquoutilisation ou le deacuteveloppement des actifs incorporels ni nrsquoaurait exerceacute aucun controcircle sur ces fonctions de deacuteveloppement et sur les risques affeacuterents Selon la Commission il ne fallait donc pas appliquer de marge aux coucircts drsquoentreacutee et aux coucircts de lrsquoARC dans la mesure ougrave il ne srsquoagit que de coucircts reacutepercuteacutes par LuxSCS agrave LuxOpCo et ougrave LuxSCS nrsquoexerce aucune fonction en lien avec les actifs incorporels Au contraire la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter le fait que les fonctions et les risques attribueacutes agrave LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient en fait supporteacutes par LuxOpCo En tout eacutetat de cause la Commission nrsquoaurait pas ignoreacute dans son analyse fonctionnelle le fait que LuxSCS eacutetait le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels

260 Agrave titre liminaire il convient de relever que lrsquoexercice consistant agrave examiner si une redevance telle que celle en cause en lrsquoespegravece correspond agrave un reacutesultat de marcheacute preacutesuppose selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de se rattacher agrave la valeur des actifs incorporels et non aux coucircts de deacuteveloppement et de mise au point de ceux-ci En effet il ressort du point 627 desdites lignes que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre ces coucircts et la valeur des actifs incorporels En particulier la valeur eacutequitable effective drsquoun bien incorporel nrsquoest souvent pas mesurable en fonction des deacutepenses encourues pour la mise au point et la preacuteservation du bien incorporel Ainsi qursquoil reacutesulte du point 62 desdites lignes les laquo biens incorporels raquo peuvent avoir une valeur consideacuterable mecircme srsquoils nrsquoont pas de valeur comptable dans le bilan de la socieacuteteacute Enfin ainsi qursquoil reacutesulte respectivement des points 122 et 627 desdites lignes il srsquoagit agrave cet eacutegard de ce qursquoil est convenu drsquoappeler la laquo valeur marchande raquo ou laquo valeur veacutenale raquo Par ailleurs il y a lieu de souligner que cette valeur peut ecirctre sujette agrave des fluctuations dans le temps

261 En lrsquoespegravece se pose la question de savoir si la premiegravere composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS telle que calculeacutee par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee agrave savoir premiegraverement le paiement drsquoentreacutee sans marge et deuxiegravemement les paiements au titre de lrsquoARC toujours sans marge reflegravete effectivement la valeur des actifs incorporels donneacutes en licence agrave LuxOpCo

262 En premier lieu il peut certes ecirctre consideacutereacute que le paiement drsquoentreacutee qui a eacuteteacute verseacute par LuxSCS aux entiteacutes ameacutericaines en contrepartie du transfert de proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels preacuteexistants et drsquoune licence sur le reste des actifs incorporels preacuteexistants (voir point 4 ci-dessus) reflegravete bien la valeur des actifs incorporels au moment de la conclusion de lrsquoaccord drsquoentreacutee soit en 2005

263 En effet si le montant du paiement drsquoentreacutee ne constitue pas un prix qui a eacuteteacute neacutegocieacute librement sur le marcheacute il srsquoagit ainsi qursquoAmazon lrsquoindique au point 73 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 du prix verseacute en contrepartie de lrsquoacquisition des actifs incorporels preacuteexistant en 2005 Un tel versement agrave la diffeacuterence des coucircts de deacuteveloppement est susceptible de refleacuteter la valeur des actifs incorporels faisant lrsquoobjet du transfert de proprieacuteteacute agrave savoir les actifs incorporels preacuteexistant en 2005

264 Neacuteanmoins il convient de souligner que ainsi que cela a eacuteteacute affirmeacute notamment par le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans ecirctre contredit sur ce point par la Commission durant la peacuteriode consideacutereacutee les actifs incorporels ont gagneacute en valeur de maniegravere significative gracircce agrave lrsquoinnovation permanente dans la technologie deacuteveloppeacutee notamment par les entiteacutes ameacutericaines par Amazon US ainsi que gracircce au

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deacuteveloppement de la notorieacuteteacute de la marque Amazon et donc des actifs incorporels lieacutes au marketing en Europe et dans le monde La simple addition des coucircts de deacuteveloppement sans marge (paiements au titre de lrsquoARC) au prix payeacute pour lrsquoobtention des actifs incorporels preacuteexistants (paiement drsquoentreacutee) opeacutereacutee par la Commission au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee ne prend pas en compte le fait que en lrsquoespegravece la valeur des actifs incorporels preacuteexistants a augmenteacute pendant la peacuteriode consideacutereacutee dans la mesure ougrave ces actifs ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes au fur et agrave mesure par les entiteacutes ameacutericaines et remplaceacutes pour partie La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee invoqueacutee par la Commission qui peut ecirctre accepteacutee comme eacutetant leur valeur initiale des actifs incorporels en 2005 ne reflegravete donc pas la valeur veacutenale desdits actifs incorporels pendant la totaliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee

265 Qui plus est crsquoest agrave tort que la Commission a consideacutereacute que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee pourraient ecirctre reacutepercuteacutes agrave LuxOpCo sans application drsquoune marge Lrsquoabsence de marge ne reflegravete pas ce que des parties indeacutependantes auraient accepteacute dans le cadre drsquoune transaction libre sur le marcheacute et constitue donc une erreur dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS En effet il est raisonnable de consideacuterer et il ressort par ailleurs notamment du point 614 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les parties indeacutependantes agissant sur le marcheacute cherchent agrave tirer des profits de la mise agrave disposition de leurs actifs De ce fait lrsquoapplication drsquoune marge dans le cadre du calcul drsquoune reacutemuneacuteration telle que celle en cause apparaicirct comme une situation courante sur le marcheacute Or ainsi que le fait valoir Amazon au point 98 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 si la Commission avait examineacute les options qui srsquooffraient agrave LuxSCS ainsi que le preacuteconise ledit point 614 elle aurait pu constater qursquoil existait de nombreux opeacuterateurs drsquoactiviteacute de commerce en ligne en Europe de sorte que LuxSCS aurait pu valoriser les actifs incorporels au-delagrave de leurs seuls coucircts de deacuteveloppement

266 Ensuite en second lieu srsquoagissant des paiements au titre de lrsquoARC il convient de relever que ainsi qursquoil a eacuteteacute exposeacute ci-dessus il ressort du point 627 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre les coucircts de deacuteveloppement et la valeur drsquoactifs incorporels La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC suggeacutereacutee par la Commission correspond uniquement au remboursement des coucircts que doit supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur des actifs incorporels ameacutelioreacutes Le seul remboursement des coucircts de deacuteveloppement sans qursquoune marge soit appliqueacutee relegraveve drsquoune approche qui ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute

267 Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que lrsquoobjet de la transaction controcircleacutee faisant lrsquoobjet de lrsquoexamen de la Commission est la licence des actifs incorporels donneacutee par LuxSCS agrave LuxOpCo eacutetant rappeleacute que LuxSCS eacutetait partie agrave lrsquoARC Il est constant qursquoATI et A 9 exerccedilaient des fonctions de mise au point drsquoune partie des actifs incorporels Toutefois lrsquoargument de la Commission selon lequel ATI et A 9 eacutetaient laquo reacutemuneacutereacutees raquo par les paiements au titre de lrsquoARC pour ces fonctions traduit une compreacutehension erroneacutee de lrsquoARC par la Commission Il ressort du point 43 de lrsquoARC que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient uniquement calculeacutes en tant que pourcentage des coucircts de deacuteveloppement engageacutes par les parties agrave lrsquoARC Certes la participation de LuxSCS aux coucircts de deacuteveloppement est proportionnelle aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par les entiteacutes deacutetenues par LuxSCS et ainsi par LuxOpCo par rapport aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par ATI et A 9 Il nrsquoen reste pas moins que les paiements au titre de lrsquoARC correspondent ainsi agrave une fraction des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels deacuteveloppeacutes dans le cadre de lrsquoARC et mis agrave disposition de LuxOpCo conformeacutement agrave lrsquoaccord de licence et qursquoils ne reflegravetent donc pas la valeur de marcheacute de ces actifs incorporels Or crsquoest cette valeur qursquoune redevance de pleine concurrence au titre de lrsquoaccord de licence devrait refleacuteter

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268 Au regard de ce qui preacutecegravede la circonstance que LuxSCS nrsquoait pas exerceacute les fonctions de deacuteveloppement directement elle-mecircme ne remet pas en cause le constat que le montant de la redevance verseacutee par LuxOpCO doit refleacuteter la valeur des actifs incorporels

269 Degraves lors il eacutetait inapproprieacute pour la Commission drsquoaffirmer que la reacutemuneacuteration de LuxSCS pouvait ecirctre calculeacutee sur la base drsquoune simple reacutepercussion des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels

270 La conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments de la Commission

271 Premiegraverement la Commission a fait valoir que LuxSCS ne serait qursquoun intermeacutediaire et qursquoelle nrsquoaurait fait que transmettre agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC pour transfeacuterer ensuite une partie de la redevance reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts La diffeacuterence entre les montants perccedilus au titre de la redevance et les paiements effectueacutes au titre de lrsquoARC a eacuteteacute attribueacutee agrave LuxSCS puis eacuteventuellement remonteacutee par ses associeacutes sans que LuxSCS ait exerceacute aucune fonction qui justifierait que ces montants lui fussent attribueacutes

272 Toutefois mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que LuxSCS nrsquoeacutetait qursquoun simple intermeacutediaire agrave savoir qursquoelle eacutetait interposeacutee entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 qui nrsquoavait pas exerceacute des fonctions de deacuteveloppement il nrsquoen reste pas moins que le montant de la redevance qursquoaurait ducirc payer LuxOpCo et ainsi la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter la valeur marchande des actifs incorporels mis agrave disposition en vertu de lrsquoaccord de licence Or la simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC invoqueacutee par la Commission ne correspond qursquoau remboursement des coucircts que devait supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur marchande desdits actifs incorporels

273 Si par les arguments mentionneacutes au point 271 ci-dessus la Commission entend faire valoir que la base imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute diminueacutee du fait de lrsquointerposition de LuxSCS entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 et de la conclusion de lrsquoaccord de licence avec LuxSCS ndash par opposition agrave la conclusion drsquoun accord de licence avec lesdites entiteacutes il y a lieu de relever que dans la deacutecision attaqueacutee la Commission ne srsquoest pas appuyeacutee sur un tel raisonnement pour deacutemontrer lrsquoexistence de lrsquoavantage en faveur de LuxOpCo

274 De plus il nrsquoest pas eacutetabli que si lrsquoaccord de licence avait eacuteteacute conclu par LuxOpCO directement avec les entiteacutes ameacutericaines sans que LuxSCS soit interposeacutee entre ces socieacuteteacutes le montant drsquoune redevance payeacutee auxdites entiteacutes aurait eacuteteacute diffeacuterent du montant de la redevance due agrave LuxSCS

275 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience selon lequel lrsquoARC aurait pu ecirctre directement conclu avec LuxOpCo

276 Agrave cet eacutegard il convient de relever que le raisonnement selon lequel si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute un accord de reacutepartition des coucircts aurait eacuteteacute conclu avec LuxOpCo est purement hypotheacutetique et relegraveve de fait du domaine de la speacuteculation

277 De plus dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas fondeacute son raisonnement sur le fait que LuxOpCo aurait pu ou aurait ducirc ecirctre directement partie agrave lrsquoARC En effet force est de constater que nulle part dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa remis en cause lrsquoexistence de LuxSCS en tant que telle pas moins que la validiteacute au regard du droit luxembourgeois du montage qui reacutesultait de la conclusion de lrsquoARC et de lrsquoaccord de licence au motif que ce montage aurait permis de diminuer la dette fiscale de LuxOpCo La Commission srsquoest en effet borneacutee agrave contester le montant de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS

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278 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience suivant lequel LuxSCS aurait eacuteteacute creacuteeacutee pour des raisons purement fiscales

279 Le simple fait qursquoune entiteacute appartenant agrave un groupe de socieacuteteacutes ait eacuteteacute creacuteeacutee seulement agrave des fins drsquooptimisation fiscale et qursquoelle perccediloive une redevance pour des actifs incorporels deacuteveloppeacutes au sein du groupe de socieacuteteacutes en question ne suffit pas en tant que tel pour conclure qursquoil y a eu un avantage fiscal au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE pour le deacutebiteur de la redevance et ne deacutemontre donc pas neacutecessairement lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat en faveur du deacutebiteur de la redevance

280 En lrsquoespegravece certes le traitement fiscal de LuxSCS variant entre le Luxembourg (LuxSCS eacutetait laquo fiscalement transparente raquo au Luxembourg) et les Eacutetats-Unis (LuxSCS eacutetait laquo non transparente fiscalement raquo aux Eacutetats-Unis) est ducirc agrave une laquo asymeacutetrie hybride raquo crsquoest-agrave-dire une diffeacuterence dans les reacuteglementations fiscales applicables au Luxembourg et aux Eacutetats-Unis srsquoagissant de lrsquoidentification du contribuable

281 Mais ainsi que lrsquoa releveacute la Commission elle-mecircme dans la note en bas de page no 16 qui accompagne le point 13 du meacutemoire en deacutefense de lrsquoaffaire T-81617 les conseacutequences de cette asymeacutetrie (la non-imposition des beacuteneacutefices) ne font pas lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee La question pertinente dans le cadre du preacutesent recours nrsquoest donc pas de savoir si la raison drsquoecirctre de LuxSCS est purement fiscale ni par ailleurs si les revenus qursquoelle a geacuteneacutereacutes ont effectivement eacuteteacute taxeacutes aux Eacutetats-Unis dans les mains de ses associeacutes mais celle de savoir si LuxOpCo a payeacute une redevance dont le montant a eacuteteacute sureacutevalueacute et si de ce fait la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et partant sa base imposable ont eacuteteacute artificiellement diminueacutees

282 Quatriegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoaffirmation faite par la Commission lors de lrsquoaudience agrave la supposer aveacutereacutee suivant laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute une socieacuteteacute laquo fictive raquo

283 Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que LuxSCS avait bel et bien une existence juridique ce que la Commission ne remet pas en cause LuxSCS eacutetait eacutetablie au Luxembourg et figurait dans le registre commercial du Grand-Ducheacute de Luxembourg en tant que socieacuteteacute luxembourgeoise

284 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de retenir que la conclusion figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle la premiegravere composante de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo aurait ducirc consister en une laquo refacturation des coucircts reacutepercuteacutes lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC (soit les coucircts drsquoentreacutee et lieacutes agrave lrsquoARC) raquo est entacheacutee drsquoerreur car une telle redevance ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute Cette erreur dans lrsquoapplication de la MTMN suffit eacutegalement pour consideacuterer que le constat principal de la Commission en ce qui concerne lrsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE ne peut ecirctre enteacuterineacute Cependant il convient de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties comme suit

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)

285 Srsquoagissant de la deuxiegraveme composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg considegravere que lrsquoappreacuteciation figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la thegravese selon laquelle laquo LuxSCS devrait ecirctre reacutemuneacutereacutee par une marge sur une base des coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo est erroneacutee Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg soutient que crsquoest agrave tort que la Commission fixe la marge de laquo pleine concurrence raquo agrave 5 des coucircts externes sur la base du rapport FCPT Plus preacuteciseacutement selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg la marge de 5 reacuteputeacutee ecirctre la marge de laquo pleine concurrence raquo est arbitraire tout comme lrsquoanalyse sommaire sur laquelle cette marge se fonde Le rapport FCPT reposerait quant agrave lui sur une analyse des pratiques observeacutees par les administrations fiscales des Eacutetats membres et non sur

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une analyse de la pratique luxembourgeoise relative agrave lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Sans compter le fait qursquoil nrsquoaurait aucune valeur en droit luxembourgeois et qursquoil aurait eacuteteacute adopteacute posteacuterieurement agrave la DFA en cause et nrsquoaurait donc pas eacuteteacute disponible agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoadoption de cette deacutecision le rapport FCPT se reacutefeacutererait agrave des marges observeacutees dans le cadre de transactions intragroupes et ne pourrait donc ecirctre utiliseacute comme base pour deacuteterminer une marge de pleine concurrence agrave savoir la marge correspondant agrave des conditions existant sur le marcheacute libre

286 La Commission conteste ces arguments

287 Elle souligne que la deuxiegraveme composante de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS en repreacutesente une part minime de sorte qursquoelle nrsquoa pas reacuteellement drsquoincidence sur la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission Selon elle il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire en lrsquoespegravece de faire une veacuteritable analyse de prix de transfert et de deacuteterminer quel aurait ducirc ecirctre le montant exact de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo En revanche le rapport FCPT pourrait ecirctre utiliseacute comme une laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo et permettrait de fixer le montant de transactions intragroupe agrave faible valeur pour lesquelles il serait trop coucircteux et fastidieux de reacutealiser une veacuteritable analyse de prix de transfert Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ferait partie du forum conjoint sur les prix de transfert et le rapport FCPT se fonderait eacutegalement sur la pratique luxembourgeoise Si les marges constateacutees dans le rapport FCPT ont eacuteteacute observeacutees pour des transactions intragroupe il srsquoagit selon la Commission des marges ndash geacuteneacuteralement accepteacutees par les administrations fiscales ndash en ce qursquoelles reflegravetent la rentabiliteacute drsquoentreprises dans des conditions de marcheacute Enfin la Commission indique que le rapport FCPT srsquoil date de 2010 se fonde sur des donneacutees relatives agrave la peacuteriode comprise entre 1999 et 2007 ajoutant que ces donneacutees peuvent ecirctre utiliseacutees dans la mesure ougrave la DFA en cause nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre qursquoagrave compter de 2006

288 Agrave titre liminaire ainsi qursquoexposeacute au point 254 ci-dessus la deuxiegraveme composante de la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission correspond agrave des coucircts qui pourraient ecirctre deacutesigneacutes comme des laquo coucircts de maintien raquo majoreacutes de 5 Ce rendement de 5 a eacuteteacute retenu par la Commission sur la base du rapport FCPT dans la mesure ougrave il srsquoagit du taux de rendement le plus souvent observeacute pour des prix de transfert relatif agrave des prestations de services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee

289 Ainsi que le soutiennent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapproche retenue par la Commission est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

290 Tout drsquoabord la Commission a elle-mecircme reconnu au consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee qursquoil nrsquoexistait pas de comparables pour eacutevaluer la reacutemuneacuteration de LuxSCS pour ses fonctions correspondant au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels

291 Or selon le point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lorsqursquoil srsquoagit drsquoappliquer la MTMN la laquo marge nette obtenue par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee [hellip] devrait theacuteoriquement ecirctre deacutetermineacutee par reacutefeacuterence agrave la marge nette que le mecircme contribuable reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre raquo Lrsquoabsence de comparable aurait ducirc conduire agrave ce que la Commission nrsquoappliquacirct pas la MTMN agrave LuxSCS

292 Certes lrsquoapproche retenue par la Commission visant agrave utiliser le rapport FCPT au lieu drsquoeffectuer sa propre recherche de comparabiliteacute ainsi que sa propre analyse des marges nettes comparables existant sur le marcheacute nrsquoest pas incompatible avec les regravegles drsquoapplication de la MTMN telles que celles-ci deacutecoulent des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet drsquoune part ainsi qursquoil ressort notamment des points 329 et 330 de ces lignes directrices il est notoire qursquoil est difficile de trouver des informations suffisamment preacutecises concernant les marges nettes existant sur le marcheacute libre ainsi que les paramegravetres utiliseacutes souvent sur le marcheacute libre comme indicateurs de beacuteneacutefices Drsquoautre part la forme et la nature des sources drsquoinformations utiliseacutees agrave cet effet nrsquoont en tant que telles aucune pertinence Srsquoil existe une publication portant sur les indicateurs de beacuteneacutefices ou sur les

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marges nettes observeacutes dans un certain domaine de lrsquoactiviteacute eacuteconomique cette publication peut en principe ecirctre utiliseacutee sans toutefois qursquoil doive srsquoagir agrave cet eacutegard neacutecessairement drsquoune laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo telle que celle dont fait eacutetat la Commission dans le cadre de son argumentaire mentionneacute au point 287 ci-dessus

293 Pourtant lrsquoutilisation drsquoun tel rapport ne saurait ecirctre retenue que si les donneacutees y figurant sont pertinentes et fiables En particulier le moins que lrsquoon puisse demander agrave un tel rapport est que les donneacutees qui y sont contenues aient trait agrave des transactions comparables agrave la transaction controcircleacutee ainsi qursquoagrave des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentiteacute testeacutee de maniegravere agrave ce que la comparaison soit effectivement fiable

294 En lrsquoespegravece force est de constater que la marge retenue par la Commission sur la base du rapport FCPT correspond agrave la marge geacuteneacuteralement observeacutee selon les auteurs de ce rapport pour certains laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo Or LuxSCS nrsquoa pas fourni de tels services Les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels ne sauraient en effet ecirctre assimileacutees agrave une prestation de service intragroupe laquo agrave faible valeur ajouteacutee raquo Il srsquoensuit que si en principe lrsquoutilisation du rapport FCPT ne soulegraveve pas de difficulteacutes drsquoordre meacutethodologique il nrsquoen demeure pas moins que les informations contenues dans ce rapport nrsquoavaient aucun lien avec les fonctions de LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

295 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 257 agrave 292 ci-dessus il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendant agrave faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS ce qui aurait eu un impact sur sa conclusion relative au fait de choisir LuxSCS en tant que partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN La Commission a eacutegalement commis une erreur dans la deacutetermination de la marge nette approprieacutee applicable agrave la transaction controcircleacutee en lrsquoespegravece

3) Conclusion sur le constat principal

296 Agrave lrsquoaune de ces diffeacuterentes consideacuterations il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage Drsquoune part la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue en tant que partie agrave tester Drsquoautre part le calcul de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo opeacutereacute par la Commission sur la base de la preacutemisse selon laquelle LuxSCS devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester est entacheacute de nombreuses erreurs et ne saurait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant suffisamment fiable ni comme permettant drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Dans la mesure ougrave la meacutethode de calcul retenue par la Commission doit ecirctre eacutecarteacutee cette meacutethode ne saurait fonder le constat de la Commission selon lequel la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS aurait ducirc ecirctre infeacuterieure agrave celle effectivement perccedilue en application de la DFA en cause pendant la peacuteriode contesteacutee Les eacuteleacutements contenus dans le constat principal de lrsquoavantage ne permettent donc pas drsquoeacutetablir que la charge fiscale de LuxOpCo a eacuteteacute artificiellement diminueacutee du fait drsquoune sureacutevaluation de la redevance

297 Par conseacutequent les premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche et la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que les deuxiegraveme et quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage dans le cadre de son constat principal doivent ecirctre accueillis sans qursquoil soit neacutecessaire drsquoexaminer les autres moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal

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3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage

298 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le raisonnement subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo

299 Afin drsquoexaminer en deacutetail ces moyens il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoexposeacute aux points 65 agrave 68 ci-dessus dans le cadre de son raisonnement subsidiaire relatif agrave lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a opeacutereacute trois constats selon lesquels la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause repose sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes

300 Tout drsquoabord par son premier constat subsidiaire (consideacuterants 565 agrave 569 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause Agrave cet eacutegard il importe de rappeler que les parties srsquoaccordent sur le fait que la meacutethode appliqueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 correspondait en reacutealiteacute agrave la MTMN En revanche contrairement agrave ce qui ressort du rapport sur les prix de transfert de 2003 lui-mecircme les auteurs de ce rapport nrsquoont pas choisi ni effectivement appliqueacute la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Amazon a confirmeacute dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause consistait dans un premier temps agrave calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en application de la MTMN et dans un second temps agrave attribuer la totaliteacute des beacuteneacutefices reacutesiduels agrave LuxSCS afin de la reacutemuneacuterer pour les actifs incorporels Par ailleurs le fait que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 ont en reacutealiteacute utiliseacute la MTMN et non la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle a eacuteteacute mentionneacute par la Commission au consideacuterant 540 de la deacutecision attaqueacutee

301 Agrave lrsquoappui de son premier constat subsidiaire la Commission a exposeacute que agrave supposer que LuxSCS ait exerceacute effectivement des fonctions uniques et de valeur ce qursquoelle conteste les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises ne pouvaient ignorer que LuxOpCo exerccedilait eacutegalement des fonctions uniques et de valeur en lien avec la proprieacuteteacute intellectuelle et avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et non des fonctions de gestion courante En conseacutequence la Commission a consideacutereacute que la meacutethode de deacutetermination retenue dans la DFA en cause ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec une analyse des contributions eacutetait davantage approprieacutee Or selon la Commission si cette derniegravere meacutethode avait eacuteteacute utiliseacutee la reacutemuneacuteration et par conseacutequent le revenu imposable de LuxOpCo auraient eacuteteacute plus importants

302 Ensuite dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 570 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a consideacutereacute que le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute dans la DFA en cause eacutetait erroneacute Plus speacutecifiquement elle a consideacutereacute que agrave supposer mecircme que lrsquoanalyse fonctionnelle contenue dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fucirct correcte en acceptant une marge sur les charges drsquoexploitation et non sur les coucircts totaux la DFA en cause avait reacuteduit de maniegravere inapproprieacutee le revenu imposable de LuxOpCo lui confeacuterant ainsi un avantage eacuteconomique

303 Enfin dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 574 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a conclu que en tout eacutetat de cause lrsquoinclusion drsquoun plafond dans la meacutethode de prix aux fins de deacuteterminer la base imposable de LuxOpCo telle qursquoavaliseacutee dans la deacutecision attaqueacutee nrsquoeacutetait pas approprieacutee ni justifieacutee eacuteconomiquement Selon la Commission dans la mesure ougrave elle avait abouti agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo pour les exercices fiscaux 2006 2007 2011 2012 et 2013 lrsquoinclusion drsquoun tel plafond avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave cette socieacuteteacute

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304 Il importe de relever que chacun des constats subsidiaires figurant aux titres 9221 agrave 9223 de la deacutecision attaqueacutee est indeacutependant lrsquoun de lrsquoautre Chacun est donc susceptible drsquoeacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage La Commission a confirmeacute tant dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que lors de lrsquoaudience que chacun des constats subsidiaires corroborait de maniegravere indeacutependante et autonome la constatation de lrsquoexistence drsquoun avantage

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires

305 Au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacuteciseacute que lrsquoappreacuteciation agrave laquelle elle avait proceacutedeacute dans le cadre de la section 922 relatif aux constatations subsidiaires de lrsquoavantage ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence laquo preacutecise raquo pour LuxOpCo mais agrave deacutemontrer que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo en avalisant des choix meacutethodologiques erroneacutes qui conduisaient agrave une diminution de son revenu imposable

306 Agrave cet eacutegard en compleacutement de ce qui a eacuteteacute exposeacute aux points 123 agrave 126 ci-dessus il importe de clarifier au regard du contenu de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le niveau de preuve qui pegravese sur la Commission dans le cadre de lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat dans le contexte drsquoun rescrit fiscal tel que la DFA en cause

307 Tout drsquoabord au point 152 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale (premier facteur de comparaison) correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute (deuxiegraveme facteur de comparaison) elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation

308 Il en deacutecoule que pour deacutemontrer qursquoune deacutecision fiscale anticipeacutee utiliseacutee pour calculer la reacutemuneacuteration drsquoune entreprise confegravere un avantage eacuteconomique la Commission doit eacutetablir que cette reacutemuneacuteration srsquoeacutecarte drsquoun reacutesultat de pleine concurrence dans des proportions telles qursquoelle ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une reacutemuneacuteration qui aurait eacuteteacute perccedilue sur le marcheacute dans des conditions de concurrence

309 Ensuite aux points 201 et 211 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques nrsquoaboutissait pas neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore fallait-il que la Commission deacutemontracirct que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle avait identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable Le Tribunal a ainsi conclu que le seul constat drsquoerreurs dans le choix ou lrsquoapplication de la meacutethode de deacutetermination des prix de transfert ne suffisait pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE

310 Il importe de relever agrave cet eacutegard que srsquoil appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que lrsquoerreur meacutethodologique a abouti agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la deacutecision fiscale anticipeacutee le Tribunal nrsquoa pas exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

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311 Une telle lecture de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) ressort de lrsquoutilisation de lrsquoexpression laquo en principe raquo aux points 201 et 211 ainsi que du point 212 de cet arrecirct dans lequel il est preacuteciseacute que dans cette affaire la Commission nrsquoavait invoqueacute aucun eacuteleacutement permettant de conclure sans que soit opeacutereacutee une comparaison avec le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode preacuteconiseacutee par elle que le choix de la meacutethode avaliseacutee dans la deacutecision fiscale anticipeacutee en cause aboutissait neacutecessairement agrave un reacutesultat trop bas

312 Compte tenu de ce qui preacutecegravede et en lrsquoabsence de comparaison dans la deacutecision attaqueacutee entre drsquoune part le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission et drsquoautre part le reacutesultat obtenu en application de la DFA en cause lrsquoapproche de la Commission exposeacutee au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee au terme de laquelle celle-ci se borne agrave identifier des erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert est en principe insuffisante pour eacutetablir qursquoil y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

313 Neacuteanmoins il y a lieu de veacuterifier si en deacutepit de lrsquoaffirmation contenue au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee le raisonnement subsidiaire de la Commission relatif agrave lrsquoavantage contient des eacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir que les erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert identifieacutees par la Commission ont abouti agrave une veacuteritable diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

314 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le premier constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9221 de la deacutecision attaqueacutee) En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoaffirmation selon laquelle la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission agrave savoir la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee Ils font valoir que crsquoest agrave tort que la Commission a conclu que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur Le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que la Commission nrsquoa drsquoailleurs pas chercheacute agrave appliquer elle-mecircme la meacutethode du partage des beacuteneacutefices

315 La Commission conteste ces arguments

316 Selon la Commission la deacutecision attaqueacutee a agrave bon droit releveacute des choix meacutethodologiques inadeacutequats srsquoagissant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause Elle est drsquoavis que mecircme si LuxSCS eacutetait consideacutereacutee comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels cela serait eacutegalement le cas de LuxOpCo de sorte qursquoune deacutetermination des prix de transfert fondeacutee sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices repreacutesenterait une meacutethode de prix de transfert plus approprieacutee et aboutirait agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo supeacuterieure agrave celle confirmeacutee par la DFA en cause

317 En lrsquoespegravece il convient de constater que aux consideacuterants 565 agrave 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la thegravese selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels le fait que LuxOpCo assumait eacutegalement de telles fonctions aurait signifieacute que en lrsquoespegravece la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre preacutefeacutereacutee agrave la meacutethode MTMN

318 Agrave cet eacutegard il importe de preacuteciser deux choses diffeacuterentes

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319 Premiegraverement la Commission a indiqueacute au consideacuterant 565 de la deacutecision attaqueacutee que loin drsquoexeacutecuter au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des fonctions de gestion laquo courantes raquo LuxOpCo assumait toute une seacuterie de fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et exerccedilait les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

320 Dans ce contexte il convient de souligner eacutegalement que la Commission nrsquoa pas constateacute que certaines des fonctions de LuxOpCo telles qursquoidentifieacutees dans le cadre de sa propre analyse fonctionnelle auraient pu ecirctre qualifieacutees de courantes ou de routine ni que de telles fonctions auraient ducirc en deacutepit de ce caractegravere de routine faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire

321 Deuxiegravemement au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que lrsquoapplication de lrsquoanalyse des contributions en lrsquoespegravece aurait conduit agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour toutes ses fonctions ainsi que tous ses actifs et risques tels qursquoanalyseacutes agrave la section 9212 de la deacutecision attaqueacutee et donc agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure agrave celle valideacutee dans la DFA en cause Ce faisant la Commission a consideacutereacute que le fait drsquoavaliser la MTMN dans la DFA en cause aurait entraicircneacute une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport agrave des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait les prix neacutegocieacutes sur le marcheacute En particulier ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 566 de la deacutecision attaqueacutee selon la Commission il nrsquoeacutetait pas approprieacute drsquoavaliser une meacutethode de fixation des prix de transfert preacutevoyant lrsquoimputation agrave LuxSCS de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel reacutealiseacute par LuxOpCo exceacutedant [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation

322 Par ailleurs il ressort du point 45 des reacuteponses de la Commission aux questions eacutecrites du Tribunal que selon elle la reacutemuneacuteration de LuxOpCo eacutetait laquo neacutecessairement raquo plus eacuteleveacutee avec lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions car cette meacutethode aurait permis de reacutemuneacuterer les fonctions uniques et de valeur de LuxOpCo

323 Crsquoest sur la base des consideacuterations figurant aux points 316 agrave 322 ci-dessus qursquoil convient drsquoexaminer les griefs du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

324 Ainsi qursquoil ressort du point 314 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent trois griefs lesquels tendent agrave contester premiegraverement lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur deuxiegravemement le constat selon lequel la DFA en cause avait erroneacutement avaliseacute lrsquoutilisation de la MTMN et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions devait ecirctre utiliseacutee dans le cas drsquoespegravece et troisiegravemement la conclusion selon laquelle lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait laquo neacutecessairement raquo abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo

325 Avant toute chose il convient de relever que le premier constat subsidiaire renvoie expresseacutement aux sections 92121 et 92122 92123 et 9214 de la deacutecision attaqueacutee dans lesquelles la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxOpCo et repose directement sur les constats contenus dans ces sections

326 Les constatations opeacutereacutees dans les sections 92121 et 92122 92123 et 92124 de la deacutecision attaqueacutee ainsi que le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur font lrsquoobjet du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen renvoyant aux deuxiegraveme et troisiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

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327 Il y a lieu drsquoexaminer conjointement lrsquoensemble des arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission et le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur

328 Tout drsquoabord selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo nrsquoavait pas de fonctions significatives relatives agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels en Europe mais eacutetait seulement en charge de lrsquoexploitation de lrsquoentreprise En effet lrsquoessentiel du deacuteveloppement de la gestion et de lrsquoameacutelioration des actifs incorporels aurait eu lieu aux Eacutetats-Unis

329 Ensuite le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir en substance que les fonctions de LuxOpCo en lien avec lrsquoactiviteacute commerciale du groupe Amazon en Europe constituaient des contributions de routine et non des contributions uniques et de valeur dans la mesure ougrave elles reposaient largement sur les actifs incorporels mis agrave disposition par LuxSCS Les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe se seraient limiteacutees ainsi agrave des fonctions de gestion

330 Enfin srsquoagissant des actifs et des risques assumeacutes par LuxOpCo Amazon soutient que les risques lieacutes aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo eacutetaient geacutereacutes et atteacutenueacutes par la technologie

331 La Commission conteste ces arguments

332 Tout drsquoabord elle fait valoir en substance que crsquoest LuxOpCo qui avec le soutien des socieacuteteacutes affilieacutees europeacuteennes a exerceacute toutes les fonctions pertinentes uniques et de valeur relatives aux trois composantes des actifs incorporels agrave savoir la technologie les donneacutees clients et le marketing

333 Ensuite elle fait valoir que les fonctions laquo humaines raquo nrsquoauraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie ni dans la fixation des prix ni dans les relations du groupe Amazon avec les vendeurs et les clients ni dans la gestion des stocks ni dans les deacutecisions concernant les stocks La Commission soutient que le fait que LuxOpCo utilisait les actifs incorporels dans le cadre de lrsquoexercice de ces fonctions ne signifiait pas que ces derniegraveres ne pouvaient pas ecirctre consideacutereacutees comme uniques et de valeur

334 Enfin en ce qui concerne les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxOpCo drsquoune part la Commission relegraveve que le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa formuleacute aucune critique directe agrave lrsquoencontre des consideacuterants de la deacutecision attaqueacutee portant sur ces deux eacuteleacutements et drsquoautre part elle conteste lrsquoargument drsquoAmazon selon lequel la technologie a permis de geacuterer les risques de LuxOpCo sans neacutecessiter la moindre intervention humaine

335 Agrave titre liminaire il importe de souligner que lrsquoexamen de la question de savoir si LuxOpCo exerccedilait effectivement des laquo fonctions uniques et de valeur raquo ainsi que la Commission le soutient ou bien seulement des laquo fonctions de routine raquo ainsi que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le font valoir doit ecirctre opeacutereacute au regard des notions qui ont eacuteteacute abordeacutees au point 227 ci-dessus La notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo bien qursquoelle ne soit pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquooppose agrave la notion de laquo fonctions de routine raquo lesquelles sont des fonctions qui peuvent ecirctre facilement eacutevalueacutees Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 228 ci-dessus la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes

336 Par ailleurs il convient eacutegalement de relever dans la mesure ougrave la Commission a essentiellement fondeacute son analyse fonctionnelle de LuxOpCo sur les deacuteclarations des employeacutes de cette derniegravere issues du contentieux porteacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (ci-apregraves les laquo teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon raquo) que dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que ces teacutemoignages datent de 2014 et portent sur les

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activiteacutes du groupe Amazon entre 2005 et 2014 de sorte que les autoriteacutes luxembourgeoises ne pouvaient en aucun cas avoir connaissance de ces informations au moment de lrsquooctroi de la DFA en cause

337 Il importe de relever agrave cet eacutegard tout drsquoabord que cet argument du Grand-Ducheacute prend le contre-pied de la position qursquoil a retenue dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal En effet srsquoagissant de la possibiliteacute de prendre en compte lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis et le rapport sur les prix de transfert de 2017 celui-ci a affirmeacute que pour deacuteterminer si LuxOpCo avait beacuteneacuteficieacute drsquoun avantage il eacutetait neacutecessaire drsquoexaminer quel aurait eacuteteacute lrsquoimpocirct qursquoelle aurait ducirc supporter en lrsquoabsence de la DFA en cause ce qui implique neacutecessairement de prendre en compte des informations posteacuterieures agrave lrsquooctroi de la DFA en cause

338 Certes dans lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669 points 247 et 250) le Tribunal a consideacutereacute que lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoun avantage confeacutereacute par un accord preacutealable sur les prix faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee devrait ecirctre fait au regard du contexte de lrsquoeacutepoque au cours de laquelle celui-ci a eacuteteacute conclu Toutefois le Tribunal a fondeacute ce constat sur le fait que dans cette affaire la mesure contesteacutee par la Commission eacutetait uniquement lrsquoaccord preacutealable sur les prix

339 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater que la mesure des autoriteacutes luxembourgeoises faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee est non seulement la DFA en cause laquelle a eacuteteacute adopteacutee en 2003 puis prorogeacutee en 2004 et en 2010 mais eacutegalement lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle de LuxOpCo fondeacutee sur ladite deacutecision de sorte que les informations relatives agrave la situation effective de LuxOpCo pendant la peacuteriode concerneacutee eacutetaient neacutecessairement des informations disponibles pour les autoriteacutes fiscales lorsqursquoelles ont adopteacute les mesures faisant lrsquoobjet de la deacutecision fiscale anticipeacutee

340 Il srsquoensuit que dans les circonstances de lrsquoespegravece il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir fondeacute son analyse sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon Il convient donc de prendre en compte ces eacuteleacutements aux fins drsquoappreacutecier les griefs formuleacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

341 De maniegravere geacuteneacuterale les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo avait exerceacute des fonctions significatives laquo uniques et de valeur raquo en ce qui concerne les actifs incorporels Selon la Commission tel aurait eacuteteacute le cas parce que LuxOpCo aurait eacuteteacute responsable pour les adaptations de la technologie aux speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen pour le deacuteveloppement des donneacutees clients et pour des activiteacutes en lien avec les actifs de marketing

342 Dans le cadre de la section 92121 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait eacuteteacute chargeacutee drsquoexercer des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels Ces fonctions incluaient selon elle la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la proprieacuteteacute intellectuelle de maniegravere geacuteneacuterale mais eacutegalement au niveau de chacune des trois composantes des actifs incorporels agrave savoir de la technologie des donneacutees clients et de la marque deacuteposeacutee au moyen drsquoinnovations technologiques et commerciales europeacuteennes indeacutependantes de la creacuteation et de la gestion des donneacutees clients ainsi que du deacuteveloppement et du maintien de la marque deacuteposeacutee Ainsi en substance selon la Commission LuxOpCo ne srsquoest pas contenteacutee drsquoexploiter la technologie pour geacuterer les sites europeacuteens mais aurait activement contribueacute agrave sa mise au point agrave son ameacutelioration et agrave sa gestion au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 449 450 et 465 de la deacutecision attaqueacutee)

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343 Premiegraverement la Commission a releveacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoune licence exclusive et irreacutevocable sur les actifs incorporels et ainsi du droit de continuer de mettre au point ameacuteliorer entretenir et proteacuteger ces actifs incorporels bien que LuxSCS restacirct proprieacutetaire des travaux deacuteriveacutes creacuteeacutes par LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

344 Deuxiegravemement la Commission a constateacute que de maniegravere geacuteneacuterale LuxOpCo aurait contribueacute agrave la mise au point agrave lrsquoentretien et agrave la gestion des actifs incorporels agrave travers le laquo EU IP Steering Committee raquo (comiteacute drsquoorganisation concernant la proprieacuteteacute intellectuelle dans lrsquoUnion) (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) Selon la Commission le EU IP Steering Committee eacutetait un forum au sein duquel les dirigeants de LuxOpCo et drsquoASE chargeacutes des activiteacutes commerciales et de la technologie se rencontraient pour discuter et recommander des actions concernant les actifs incorporels en Europe telles qursquoelles leur eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon Les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

345 Troisiegravemement la Commission a exposeacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de la technologie (consideacuterants 466 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute que certes la technologie mise agrave disposition de LuxOpCo par LuxSCS aurait eacuteteacute la laquo technologie existante drsquoAmazon US raquo telle que laquo deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis raquo (consideacuterants 456 et 461 de la deacutecision attaqueacutee) Toutefois selon elle plusieurs fonctions des logiciels drsquoAmazon utiliseacutes aux Eacutetats-Unis auraient ducirc ecirctre adapteacutees pour ecirctre deacuteployeacutees en Europe En particulier la Commission a exposeacute que pour mener agrave bien les activiteacutes commerciales europeacuteennes du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait mis au point ameacutelioreacute et geacutereacute cette technologie ameacutericaine avec le soutien de ses filiales pendant la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 456 agrave 460 de la deacutecision attaqueacutee) En outre LuxOpCo et ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient speacutecialement deacuteveloppeacute une technologie importante utiliseacutee pour les activiteacutes de vente au deacutetail et de services europeacuteennes Un exemple de ce type de technologie aurait eacuteteacute le laquo European Fulfilment Network raquo (reacuteseau de distribution europeacuteenne EFN) technologie qui avait permis de mutualiser les stocks du groupe Amazon situeacutes dans divers Eacutetats membres et drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens si bien que gracircce agrave cet outil les clients de tout pays de lrsquoUnion eacutetaient en mesure drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet national du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 462 et 463 de la deacutecision attaqueacutee)

346 Quatriegravemement en ce qui concerne les donneacutees clients la Commission a constateacute que mecircme si les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens eacutetaient la proprieacuteteacute leacutegale de LuxSCS LuxOpCo avait exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ces donneacutees au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute agrave cet eacutegard que LuxOpCo avait activement accumuleacute ces donneacutees agrave titre de service pour LuxSCS et devait en assurer lrsquoentretien et garantir le respect des lois applicables en matiegravere de protection des donneacutees

347 Cinquiegravemement en ce qui concerne la laquo marque deacuteposeacutee raquo (consideacuterants 469 agrave 470) agrave savoir les marques drsquoAmazon dans la mesure ougrave elles ont eacuteteacute deacuteposeacutees dans lrsquoUnion la Commission a releveacute que bien que cette marque fucirct bien reconnue et qursquoune forte identification drsquoune marque au niveau mondial fucirct un atout majeur pour attirer des clients la valeur de cette marque commerciale aurait eacuteteacute drsquoune importance secondaire pour la bonne mise en œuvre en Europe des trois piliers des activiteacutes du groupe Amazon agrave savoir lrsquoassortiment le prix et la faciliteacute drsquoutilisation (ci-apregraves les laquo trois piliers raquo) Compte tenu du fait que la marque et la reacuteputation du groupe Amazon se seraient appuyeacutees fortement sur la prestation constante par LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes drsquoun service hautement satisfaisant aux clients il conviendrait de conclure selon la Commission que en reacutealiteacute la valeur de la marque Amazon en Europe aurait eacuteteacute geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees

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europeacuteennes et non au niveau de LuxSCS (consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee) En outre les activiteacutes de marketing auraient eacuteteacute assureacutees par LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes sur la base drsquoun savoir-faire local (consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee)

348 Dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent chacun des cinq points de lrsquoanalyse de la Commission il convient drsquoexaminer seacutepareacutement les arguments relatifs agrave chacune de ces questions

349 Avant de proceacuteder agrave un tel examen il y a lieu de relever agrave titre liminaire que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas que LuxOpCo ait exerceacute certaines fonctions en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment la technologie mais contestent uniquement que LuxOpCo ait pris une part importante dans le deacuteveloppement des actifs incorporels et ainsi qursquoelle exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec ces actifs

350 En effet dans leurs eacutecritures le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon concegravedent que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement qursquoils deacutesignent comme eacutetant laquo minimales raquo ou encore qursquoelle a joueacute un rocircle qui serait toutefois laquo secondaire raquo dans la creacuteation de la valeur des actifs incorporels

351 Il en deacutecoule donc que mecircme selon les dires du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon LuxOpCo a bel et bien exerceacute des fonctions ne serait-ce que de nature secondaire en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

352 Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 343 ci-dessus aux fins de deacutemontrer lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels la Commission a insisteacute au consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee sur le fait que LuxOpCo avait laquo un droit de continuer agrave mettre au point agrave ameacuteliorer agrave entretenir [hellip] les actifs incorporels pour toute leur dureacutee drsquoutiliteacute raquo Dans ce contexte la Commission a affirmeacute au point 100 du meacutemoire en deacutefense preacutesenteacute dans lrsquoaffaire T-81617 que LuxOpCo avait un laquo droit exclusif de poursuivre la mise au point [drsquo]ameacuteliorer [et drsquo] entretenir les actifs incorporels raquo drsquoAmazon

353 Certes le terme laquo exclusive raquo a eacuteteacute utiliseacute au point 21 de lrsquoaccord de licence pour deacutecrire la licence conceacutedeacutee agrave LuxOpCo laquelle ne couvrait en tout eacutetat de cause que le territoire europeacuteen Ce point 21 sous a) se lit comme suit

laquo Concession de licence de proprieacuteteacute intellectuelle exclusive raquo

[LuxSCS] accorde irreacutevocablement agrave [LuxOpCo] en vertu de tous les droits de proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] sur ou comprenant la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] qursquoils existent actuellement ou agrave lrsquoavenir le droit unique et exclusif et la licence suivants sur la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] pendant la dureacutee [de lrsquoaccord de licence] [] raquo

354 Toutefois au vu des arrangements contractuels existant entre LuxSCS et les entiteacutes ameacutericaines il convient de constater que dans les faits LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute agrave deacutetenir le droit drsquoameacuteliorer et de mettre au point ces actifs incorporels

355 En effet les droits dont LuxOpCo beacuteneacuteficiait au regard du deacuteveloppement des actifs incorporels en vertu de lrsquoaccord de licence eacutetaient neacutecessairement non exclusifs dans la mesure ougrave les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper drsquoameacuteliorer et drsquoexploiter la technologie Le fait que les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer la technologie nrsquoest drsquoailleurs pas contesteacute par la Commission

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356 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que les droits que LuxOpCo avait obtenus en vertu de lrsquoaccord de licence nrsquoeacutetaient pas limiteacutes aux actifs incorporels existant au moment ougrave cet accord a eacuteteacute conclu mais couvraient eacutegalement tous les actifs incorporels futurs creacuteeacutes agrave la suite des efforts constants de deacuteveloppement drsquoentretien et drsquoameacutelioration reacutealiseacutes sous la direction des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Cela deacutemontre bien que LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute habiliteacutee agrave deacutevelopper et ameacuteliorer les actifs incorporels couverts par lrsquoaccord de licence

357 La Commission admet drsquoailleurs que les actifs tels que transfeacutereacutes agrave LuxSCS le 1er janvier 2005 au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee ont fait lrsquoobjet drsquoun laquo remplacement progressif raquo par des actifs incorporels deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes ulteacuterieurement au titre de lrsquoARC au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Elle reconnaicirct eacutegalement que la technologie deacutetenue par LuxSCS et donneacutee en licence agrave LuxOpCo eacutetait mise au point par les entiteacutes ameacutericaines en particulier ATI et A 9

358 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoun droit exclusif de poursuivre la mise au point des actifs incorporels Ce constat ne suffit neacuteanmoins pas agrave invalider le raisonnement de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions significatives voire des fonctions uniques et de valeur en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels En effet le fait pour LuxOpCo de ne pas avoir un droit exclusif drsquoutilisation sur les actifs incorporels ne joue ni en faveur ni en deacutefaveur de lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxOpCo aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur par rapport au deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

359 En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent que le EU IP Steering Committee ait eu le rocircle que la Commission lui a attribueacute (point 344 ci-dessus) Selon eux ce comiteacute nrsquoa pas pris de deacutecisions quant au deacuteveloppement ou agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels De plus non seulement la majoriteacute des participants audit comiteacute aurait releveacute du personnel ameacutericain mais dans les faits les deacutecisions du EU IP Steering Committee auraient eacuteteacute prises par des employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle

360 La Commission conteste ces arguments

361 Aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute que le EU IP Steering Committee a eacuteteacute creacuteeacute aux fins de fournir des orientations techniques et commerciales concernant la mise au point et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe La Commission a releveacute qursquoil ressortirait du laquo EU Policies and Procedures Manual raquo (manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion) drsquoune part que ce comiteacute se reacuteunissait notamment pour examiner le portefeuille de proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon ainsi que la strateacutegie commerciale de lrsquoentreprise dans la mesure ougrave elle avait trait agrave la mise au point et au deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle Drsquoautre part ce comiteacute aurait eacuteteacute composeacute notamment du vice-preacutesident des services pour lrsquoUnion du directeur juridique pour lrsquoUnion (employeacute par LuxOpCo) du conseiller du groupe Amazon en proprieacuteteacute intellectuelle et du vice-preacutesident chargeacute des activiteacutes europeacuteennes

362 Ensuite la Commission a indiqueacute que le fait qursquoil ne srsquoagissait que drsquoun organe consultatif ainsi qursquoAmazon lrsquoaurait expliqueacute lors de la proceacutedure administrative ne signifiait pas que ses recommandations nrsquoavaient pas drsquoincidence sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels Elle a releveacute que dans les faits le EU IP Steering Committee se reacuteunissait pour premiegraverement formuler des recommandations sur les demandes visant agrave proteacuteger les actifs incorporels (et ce faisant les droits exclusifs de LuxOpCo deacutecoulant de lrsquoaccord de licence conclu entre LuxSCS et LuxOpCo) deuxiegravemement examiner lrsquoeacutetat drsquoavancement des proceacutedures judiciaires en Europe

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concernant les actifs incorporels et troisiegravemement dispenser des formations aux salarieacutes europeacuteens en ce qui concerne lrsquoutilisation de la technologie et drsquoautres actifs incorporels (consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee)

363 Enfin en se fondant sur le teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis la Commission a conclu que le EU IP Steering Committee eacutetait un forum dans lequel les dirigeants de LuxOpCo se rencontraient pour discuter des actions concernant les actifs incorporels telles qursquoelles eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon et que les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 455 de la deacutecision attaqueacutee)

364 Force est de constater agrave la lecture des consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission est resteacutee en deacutefaut drsquoeacutetablir dans la deacutecision attaqueacutee que le EU IP Steering Committee prenait des deacutecisions significatives portant sur le deacuteveloppement ou lrsquoameacutelioration des actifs incorporels

365 Tout drsquoabord la Commission admet aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee que le rocircle du EU IP Steering Committee eacutetait limiteacute dans la mesure ougrave il se bornait agrave fournir des laquo orientations techniques et commerciales raquo et une laquo aide raquo agrave la prise de deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle deacutetenue par LuxSCS ou agrave la conclusion de plusieurs accords de licence avec des tiers

366 Il ressort drsquoailleurs du manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion du groupe Amazon que le EU IP Steering Committee ne disposait pas de pouvoirs de deacutecision en tant que tels mais constituait uniquement un organe destineacute agrave assister le deacuteveloppement et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe Cela est drsquoailleurs implicitement admis par la Commission au consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee lorsqursquoelle eacutevoque lrsquolaquo incidence raquo que les laquo recommandations raquo de ce comiteacute avaient sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels

367 Ensuite il ressort du consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee (voir point 362 ci-dessus) ainsi que du teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis auquel il est fait reacutefeacuterence au consideacuterant 455 de ladite deacutecision que dans la pratique le EU IP Steering Committee se limitait agrave examiner les questions lieacutees agrave la protection et au maintien des droits sur les actifs incorporels et que la question du deacuteveloppement ou des ameacuteliorations des actifs incorporels en tant que telle nrsquoy eacutetait pas discuteacutee

368 Enfin pour autant que le EU IP Steering Committee puisse avoir eacuteteacute un forum de discussion sur les ameacuteliorations et le deacuteveloppement des actifs incorporels force est de constater que les deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas adopteacutees par ce comiteacute mais en principe par les employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle Cette affirmation faite par le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas eacuteteacute contesteacutee par la Commission

369 Par ailleurs srsquoagissant de la composition dudit comiteacute contrairement agrave ce que la Commission fait valoir dans ses eacutecritures des employeacutes exerccedilant des fonctions de direction au sein des entiteacutes ameacutericaines et notamment le vice-preacutesident en charge de la proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon US assistaient au EU IP Steering Committee et en dirigeaient mecircme les reacuteunions

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370 Il deacutecoule de ce qui preacutecegravede que les constatations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne permettent pas de soutenir sa conclusion au point 455 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle les deacutecisions relatives agrave la mise au point et agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels eacutetaient adopteacutees par le personnel de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe

371 Tout au plus la Commission est parvenue agrave deacutemontrer que LuxOpCo exerccedilait des fonctions en lien avec la gestion et la protection des actifs incorporels et que les employeacutes de LuxOpCo deacutecidaient des mesures approprieacutees telles que par exemple le deacutepocirct drsquoun brevet sur la base des recommandations discuteacutees dans le cadre du EU IP Steering Committee

372 Il ressort de ce qui preacutecegravede que les alleacutegations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne suffisent pas agrave eacutetablir que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement des actifs incorporels qui pourraient ecirctre qualifieacutees drsquolaquo uniques et de valeur raquo

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie

373 Au consideacuterant 449 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a releveacute que les fonctions de LuxOpCo incluaient la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie

374 Au soutien de cette affirmation elle a tout drsquoabord indiqueacute au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee en substance que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis nrsquoavait pas pu ecirctre exploiteacutee telle quelle en Europe et que des adaptations avaient eacuteteacute neacutecessaires afin de reacutepondre aux besoins speacutecifiques europeacuteens Elle a exposeacute que le deacuteveloppement des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe exigeait une technologie speacutecifique (logiciels diffeacuterents adaptations locales)

375 Ensuite la Commission a souligneacute que LuxOpCo avait les ressources technologiques neacutecessaires pour mener des activiteacutes de recherche et deacuteveloppement Elle a notamment releveacute qursquoune soixantaine de personnes auraient exerceacute des tacircches agrave caractegravere technologique une eacutequipe de laquo localisation raquo et de traduction exerccedilait des fonctions drsquoadaptation des sites Internet europeacuteens aux preacutefeacuterences locales une dizaine de personnes suppleacutementaires auraient eacuteteacute employeacutees comme laquo Technical Program Manager raquo (gestionnaire de programme technique) dont le rocircle eacutetait de convertir dans des termes techniques les besoins en technologie identifieacutes par les eacutequipes locales chargeacutees de la vente au deacutetail Selon la Commission ce serait ce processus qui aurait permis que la technologie soit sans cesse deacuteveloppeacutee et adapteacutee en fonction du marcheacute local

376 Agrave cet eacutegard la Commission a certes reconnu au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les ressources techniques eacutetablies au sein de LuxOpCo eacutetaient limiteacutees Elle a toutefois souligneacute que en reacutealiteacute la valeur unique de la technologie aurait reacutesulteacute du savoir-faire local de la deacutefinition de nouveaux besoins de lrsquoentreprise et de leur traduction dans le projet de logiciel et non du codage en tant que tel

377 Enfin la Commission a indiqueacute que LuxOpCo a eacutegalement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de catalogues de technologie de traduction et drsquoadaptations locales Ces tacircches auraient eacuteteacute effectueacutees par drsquoanciennes eacutequipes des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes ou par de nouveaux recrutements En outre elle a releveacute que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes avaient eacutegalement joueacute un rocircle important dans le deacuteveloppement de nouvelles technologies speacutecifiques aux marcheacutes nationaux europeacuteens

378 La Commission a ajouteacute que en particulier LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN Cette technologie aurait reacutepondu agrave un besoin speacutecifique des activiteacutes europeacuteennes en permettant aux clients europeacuteens drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet europeacuteen du groupe Amazon

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379 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxOpCo nrsquoa exerceacute aucune fonction importante de deacuteveloppement drsquoameacutelioration ou drsquoentretien se rapportant aux actifs incorporels lieacutes agrave la technologie Ils reacutefutent notamment les affirmations de la Commission selon lesquelles LuxOpCo aurait joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN et font valoir que cette technologie bien que speacutecifique agrave lrsquoEurope aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et que LuxOpCo nrsquoaurait participeacute ni agrave sa conception ni agrave sa creacuteation

380 La Commission conteste ces arguments et maintient sa position exprimeacutee aux consideacuterants 456 agrave 465 de la deacutecision attaqueacutee telle qursquoexposeacutee aux points 373 agrave 378 ci-dessus

381 Agrave titre liminaire il importe de constater que contrairement agrave ce que suggegraverent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo eacutetait le principal deacuteveloppeur de la technologie que ce soit agrave lrsquoeacutechelle mondiale ou au seul niveau europeacuteen mais ainsi qursquoexposeacute aux consideacuterants 449 et 465 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo a activement contribueacute agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas non plus que la technologie a eacuteteacute deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis

382 Agrave cet eacutegard il est vrai que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les outils technologiques eacutetaient principalement deacuteveloppeacutes par les entiteacutes ameacutericaines et mis agrave disposition des activiteacutes europeacuteennes dans leur forme deacutefinitive Le logiciel utiliseacute par les diffeacuterents sites europeacuteens eacutetait drsquoailleurs commun

383 Drsquoune part il ressort du dossier que lrsquoessentiel des deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels et agrave la priorisation des projets agrave deacutevelopper y compris de la technologie speacutecifique agrave lrsquoEurope eacutetait deacutecideacute aux Eacutetats-Unis

384 Drsquoautre part il est constant que le nombre le plus important de techniciens et drsquoingeacutenieurs contribuant au deacuteveloppement de la technologie se situait aux Eacutetats-Unis Pas moins de [confidentiel] salarieacutes du groupe Amazon contribuaient au deacuteveloppement des actifs incorporels dont plus de [confidentiel] salarieacutes eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis pour des emplois lieacutes agrave la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas ces donneacutees En outre il ressort des piegraveces du dossier et notamment des diffeacuterents teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que les services centraux et des techniciens ameacutericains ont eacuteteacute en charge du deacuteveloppement des outils speacutecifiques au marcheacute europeacuteen

385 Ensuite en ce qui concerne la contribution de LuxOpCo en rapport avec le deacuteveloppement de la technologie il convient de relever les eacuteleacutements suivants

386 En premier lieu la Commission a correctement eacutetabli que des adaptations eacutetaient parfois neacutecessaires afin de mettre en œuvre la technologie en Europe

387 En effet bien que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le modegravele drsquoactiviteacute et la technologie sous-jacente soient les mecircmes aux Eacutetats-Unis qursquoen Europe il ressort des diffeacuterents teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon fournis par les parties et notamment du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que en raison des speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen par rapport au marcheacute ameacutericain la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis ne pouvait pas toujours ecirctre utiliseacutee telle quelle sur les sites Internet europeacuteens Ainsi outre lrsquoEFN technologie speacutecialement deacuteveloppeacutee pour les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon des adaptations ou laquo localisations raquo eacutetaient neacutecessaires Il ressort des piegraveces du dossier que ces adaptations incluaient notamment des efforts de traduction [confidentiel]

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388 En deuxiegraveme lieu il ressort des teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que bien qursquoune grande partie des adaptations de la technologie au marcheacute europeacuteen ait eacuteteacute effectueacutee aux Eacutetats-Unis notamment lorsqursquoil srsquoagissait du travail sur les logiciels LuxOpCo avait dans une certaine mesure contribueacute agrave ces adaptations

389 En effet ainsi que le confirme drsquoailleurs Amazon dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 agrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee tout au plus une soixantaine de personnes occupaient des postes lieacutes agrave la technologie au Luxembourg

390 Agrave cet eacutegard il ressort des piegraveces du dossier et notamment des teacutemoignages du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis et de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que au plus tard agrave partir de lrsquoanneacutee qui a suivi la restructuration de 2006 LuxOpCo a commenceacute agrave beacuteneacuteficier de ses propres techniciens Plus preacuteciseacutement LuxOpCo a employeacute au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des deacuteveloppeurs de logiciel (software developers) qui ont contribueacute au deacuteveloppement de programmes speacutecifiques pour les activiteacutes europeacuteennes et ont travailleacute sur les ajustements locaux

391 De mecircme il ressort du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que [confidentiel]

392 Dans ce contexte srsquoagissant de lrsquoeacutequipe de localisation et de traduction identifieacutee par la Commission au consideacuterant 459 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater qursquoil ressort des eacuteleacutements du dossier que cette eacutequipe eacutetait chargeacutee de lrsquoadaptation des sites Internet europeacuteens notamment de la traduction et qursquoelle avait contribueacute au deacuteveloppement de logiciels En effet il ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon [confidentiel] Toutefois mecircme si ces activiteacutes et cette derniegravere technologie avaient joueacute un rocircle important pour les activiteacutes commerciales de LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins qursquoelles occupaient une place mineure par rapport au reste de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

393 Ensuite srsquoagissant des activiteacutes de deacuteveloppement du catalogue identifieacutees par la Commission au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater que ainsi que le font valoir Amazon et le Grand-Ducheacute de Luxembourg lesdites activiteacutes ne comprenaient pas la conception des logiciels sous-tendant le catalogue celle-ci eacutetant effectueacutee aux Eacutetats-Unis Les activiteacutes lieacutees au catalogue deacuteveloppeacutees au Luxembourg [confidentiel] Le travail local sur le deacuteveloppement du catalogue [confidentiel]

394 Il ressort du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi si des opeacuterations sur les logiciels en lien avec le catalogue avaient pu ecirctre reacutealiseacutees par LuxOpCo ces opeacuterations restaient tregraves limiteacutees par rapport aux deacuteveloppements reacutealiseacutes par les services centraux du groupe Amazon

395 Il ressort de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a contribueacute au deacuteveloppement de la technologie en proceacutedant agrave certaines adaptations principalement lieacutees agrave la traduction et uniquement dans une moindre mesure au deacuteveloppement de certains logiciels et fonctionnaliteacutes En outre lrsquoessentiel du travail drsquoadaptation de la technologie aux activiteacutes europeacuteennes eacutetait largement deacutependant des services centraux du groupe Amazon Il srsquoensuit que les contributions de LuxOpCo au deacuteveloppement de la technologie nrsquoont pu jouer qursquoun rocircle mineur dans la creacuteation de la valeur de cette technologie Il en deacutecoule que si la Commission a correctement affirmeacute au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux il eacutetait erroneacute de donner une telle importance aux contributions de LuxOpCo auxdites adaptations et drsquoen tirer la conclusion que ces contributions eacutetaient uniques et de valeur

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396 En troisiegraveme lieu ainsi que la Commission lrsquoa releveacute aux consideacuterants 460 agrave 461 de la deacutecision attaqueacutee outre les adaptations effectueacutees localement par les eacutequipes luxembourgeoises LuxOpCo contribuait eacutegalement au deacuteveloppement de la technologie du fait de son implication dans le processus drsquoidentification des nouveaux besoins technologiques de lrsquoentreprise et de leur traduction dans des projets de logiciel

397 Agrave cet eacutegard LuxOpCo disposait de gestionnaires de programmes (technical program managers) dont la fonction eacutetait de traduire en termes techniques les besoins commerciaux afin qursquoun ingeacutenieur (software developer) puisse les coder (voir consideacuterant 460 de la deacutecision attaqueacutee) Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ne conteste drsquoailleurs pas que les speacutecifications fonctionnelles et techniques des outils et des adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux

398 Certes ainsi que la Commission lrsquoa souligneacute en substance au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee la deacutefinition des besoins commerciaux et la formulation de speacutecifications jouaient un rocircle important dans le deacuteveloppement de la technologie En effet il ressort des piegraveces du dossier que la valeur de la technologie du groupe Amazon repose sur la capaciteacute de cette technologie agrave servir les trois piliers du groupe Amazon agrave savoir les prix bas lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation (voir point 347 ci-dessus) et ainsi agrave reacutepondre aux besoins des clients Ainsi la valeur de la technologie drsquoAmazon reacuteside eacutegalement dans une certaine mesure dans lrsquoadaptation aux besoins locaux et notamment dans la capaciteacute des eacutequipes locales agrave formuler les speacutecifications pour obtenir les adaptations de la technologie aux besoins des consommateurs

399 Toutefois il importe de relever que ainsi que le soutient Amazon seule une douzaine de gestionnaires de programmes eacutetaient employeacutes au Luxembourg contre [confidentiel] aux Eacutetats-Unis et [confidentiel] de ces personnes employeacutees au Luxembourg ne lrsquoont eacuteteacute qursquoagrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee ([confidentiel])

400 De plus si LuxOpCo a identifieacute les besoins technologiques de lrsquoentreprise et les speacutecifications relatives agrave ces besoins la conception et la creacuteation de la technologie ont quant agrave elles eacuteteacute deacuteveloppeacutees aux Eacutetats-Unis Dans ce contexte contrairement agrave ce que la Commission semble suggeacuterer au point 103 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 les activiteacutes des entiteacutes ameacutericaines ne se limitaient pas agrave de simples activiteacutes de codage mais agrave de veacuteritables activiteacutes de deacuteveloppement

401 Enfin ainsi que le soutient Amazon lrsquoeacutecrasante majoriteacute des deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la technologie notamment en ce qui concerne lrsquoEurope eacutetaient prises par les entiteacutes ameacutericaines et non par LuxOpCo

402 Il en deacutecoule que la reacutealisation de ces deacuteveloppements et ameacuteliorations de la technologie aux fins drsquoameacuteliorer lrsquoexpeacuterience des clients reposait principalement sur le modegravele deacuteveloppeacute aux Eacutetats-Unis qui est le mecircme en Europe et aux Eacutetats-Unis et uniquement dans une moindre mesure sur les speacutecifications techniques qui pouvaient ecirctre formuleacutees par les eacutequipes locales

403 Il ressort de ce qui preacutecegravede que si la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques agrave lrsquoeacutechelle de la technologie faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence lesdites contributions restaient limiteacutees En outre dans la mesure ougrave avant 2006 ces fonctions eacutetaient deacutejagrave exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees il y a lieu de constater agrave lrsquoinstar de ce que fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg au point 109 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 que celles-ci ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques mais qursquoil srsquoagit de fonctions courantes

404 En quatriegraveme lieu la Commission a consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN la seule technologie proprement speacutecifique aux activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

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405 Ainsi que la Commission lrsquoa exposeacute au consideacuterant 463 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoEFN est une combinaison drsquoavanceacutees technologiques telles que lrsquointroduction de nouvelles fonctionnaliteacutes et drsquooptimisations logistiques

406 Il nrsquoest pas contesteacute que lrsquoEFN a joueacute un rocircle essentiel pour les activiteacutes commerciales de vente au deacutetail et de services europeacuteens Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee et qursquoAmazon lrsquoa elle-mecircme affirmeacute dans son meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) la creacuteation de lrsquoEFN visait agrave reacutesoudre le problegraveme que posait lrsquoexistence de sites Internet multiples associeacutes agrave des centres de traitement des commandes nationaux Cette technologie a permis drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens et la mutualisation des stocks donnant ainsi la possibiliteacute aux clients de toute lrsquoUnion drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet drsquoAmazon en Europe

407 Il ressort drsquoailleurs des teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon ainsi que du meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) par Amazon que lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteterminant afin de pouvoir lancer les activiteacutes dans deux nouveaux pays europeacuteens agrave savoir lrsquoEspagne et lrsquoItalie

408 Or il ressort du dossier que la Commission eacutetait effectivement en droit de consideacuterer que LuxOpCo eacutetait impliqueacutee dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN (voir point 404 ci-dessus)

409 En effet dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) Amazon a elle-mecircme [confidentiel] Selon les termes de ce meacutemoire laquo AEHT raquo (crsquoest-agrave-dire Amazon Europe Holding Technology terme qui correspond agrave la deacutesignation officielle de LuxSCS) [confidentiel] Il convient de souligner agrave cet eacutegard qursquoaucune diffeacuterence nrsquoa eacuteteacute opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que dans cette proceacutedure le terme laquo AEHT raquo a eacuteteacute utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS Or srsquoagissant de la participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN il est clair qursquoAmazon faisait reacutefeacuterence agrave LuxOpCo et non agrave LuxSCS

410 Ce constat est drsquoailleurs corroboreacute par les teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et notamment de celui du vice-preacutesident directeur des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis lequel confirme que agrave lrsquoeacutepoque le chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo avait activement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la conceptualisation de lrsquoEFN

411 Neacuteanmoins il doit ecirctre preacuteciseacute qursquoil serait erroneacute de consideacuterer que LuxOpCo a pris en charge lrsquoensemble du processus de deacuteveloppement de lrsquoEFN

412 Drsquoune part il ressort du dossier que le siegravege ameacutericain a joueacute un rocircle deacutecisionnaire dans le lancement du projet de lrsquoEFN

413 Drsquoautre part ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et ainsi qursquoil ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et de lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis le deacuteveloppement de lrsquoEFN a eacuteteacute reacutealiseacute avec le soutien des entiteacutes ameacutericaines Plus particuliegraverement le travail en lien avec le deacuteveloppement des logiciels sous-tendant lrsquoEFN aurait eacuteteacute opeacutereacute par les techniciens des eacutequipes centrales et notamment sur la base des speacutecifications formuleacutees par les eacutequipes de LuxOpCo En outre la Commission ne conteste pas que drsquoun point de vue opeacuterationnel les deacutefinitions et les exigences de lrsquoentrepocirct sur lesquelles reposaient cet outil auraient eacutegalement eacuteteacute eacutetablies aux Eacutetats-Unis

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414 Bien que au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee la Commission expose que laquo lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteveloppeacute en Europe raquo sans autres preacutecisions la contribution des entiteacutes ameacutericaines nrsquoa toutefois pas eacuteteacute totalement ignoreacutee par la Commission Elle cite notamment agrave la note en bas de page no 481 de la deacutecision attaqueacutee un des teacutemoignages selon lequel la technologie aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee en Europe avec lrsquoaide des eacutequipes technologiques centrales

415 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que bien que lrsquoEFN ait reposeacute en grande partie sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis LuxOpCo a eacutegalement activement contribueacute au deacuteveloppement de cette technologie Or au regard de lrsquoimportance de cette technologie pour lrsquoexpansion des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon la Commission nrsquoa pas commis drsquoerreur en analysant ces contributions comme eacutetant uniques et de valeur Mecircme si LuxSCS eacutetait in fine le proprieacutetaire de cette technologie il nrsquoen reste pas moins que le deacuteveloppement de celle-ci a eacuteteacute eacutegalement le fruit des efforts de LuxOpCo

416 Il ressort donc des constatations opeacutereacutees aux points 386 agrave 415 ci-dessus que outre lrsquoEFN au deacuteveloppement duquel LuxOpCo a activement participeacute les adaptations les plus importantes de la technologie eacutetaient effectueacutees aux Eacutetats-Unis en dialogue avec les eacutequipes europeacuteennes qui formulaient leurs besoins et que en sus certaines adaptations mineures pouvaient ecirctre effectueacutees directement par les eacutequipes locales

417 Il deacutecoule de lrsquoensemble des consideacuterations qui preacutecegravedent que si la Commission a correctement consideacutereacute que du fait de sa participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN LuxOpCo a exerceacute des fonctions uniques et de valeur en lien avec la technologie pour le reste elle a exageacutereacute lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement de la technologie En effet outre le deacuteveloppement de lrsquoEFN les fonctions de LuxOpCo se limitaient principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques Degraves lors la conclusion opeacutereacutee au consideacuterant 465 de la deacutecision attaqueacutee et notamment lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo a proceacutedeacute agrave des ameacuteliorations importantes de la technologie ne peut donc ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute

418 Dans la mesure ougrave ce constat repose sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire drsquoexaminer en deacutetail les arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission aurait fait une utilisation erroneacutee des teacutemoignages notamment pour dire que la technologie eacutetait deacuteveloppeacutee en Europe (en particulier lrsquoEFN) alors qursquoelle lrsquoeacutetait aux Eacutetats-Unis En effet quand bien mecircme lrsquoanalyse de la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute les erreurs commises par la Commission ne sont pas de nature agrave remettre en cause le constat selon lequel LuxOpCo a effectivement contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment de lrsquoEFN

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)

419 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le bien-fondeacute du constat de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des donneacutees clients En substance ils font valoir que les donneacutees clients eacutetaient collecteacutees de maniegravere automatique agrave lrsquoaide de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et sans intervention des employeacutes de LuxOpCo

420 La Commission reacutefute ces arguments

421 Agrave titre liminaire il y a lieu de relever que les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo a activement contribueacute au deacuteveloppement de la base de donneacutees regroupant les informations sur les clients telles que par exemple les historiques de ventes Il srsquoagit donc de deacuteterminer si lrsquoaccumulation des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee ainsi que leur protection est attribuable agrave LuxOpCo

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422 Premiegraverement il importe de relever que ainsi que la Commission lrsquoa illustreacute dans le tableau 19 de la deacutecision attaqueacutee pendant la peacuteriode consideacutereacutee le deacutecompte de clients uniques par anneacutee a largement augmenteacute en passant de 17 millions de clients en 2006 agrave plus de 60 millions en 2014

423 Deuxiegravemement agrave lrsquoinstar de la Commission il importe de constater que les donneacutees clients sont un actif cleacute pour un acteur du commerce eacutelectronique tel que le groupe Amazon notamment en ce qui concerne le marketing En effet certains outils notamment lrsquoutilisation de la technologie des recommandations et des similariteacutes sont tributaires des donneacutees clients Les donneacutees clients constituent ainsi un actif incorporel unique et de valeur

424 Troisiegravemement il est constant que LuxOpCo est lrsquoentiteacute qui a collecteacute les donneacutees clients et qursquoelle est en outre chargeacutee du respect de la reacuteglementation applicable agrave ces donneacutees Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent drsquoailleurs pas lrsquoaffirmation figurant au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo a accumuleacute les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens agrave titre de service pour LuxSCS

425 Certes il est important de relever agrave lrsquoinstar drsquoAmazon que la collecte des donneacutees clients eacutetait automatiseacutee et que crsquoest au moyen de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et fournie par LuxSCS agrave LuxOpCo que cette derniegravere pouvait recueillir les donneacutees des clients

426 Toutefois ainsi que la Commission le souligne au point 107 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 crsquoest LuxOpCo qui contribuait activement agrave lrsquoaccumulation des donneacutees clients par la mise en œuvre des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon (voir point 347 ci-dessus) permettant drsquoattirer les clients sur ses sites Internet et de collecter davantage de donneacutees clients En effet la collecte des donneacutees clients est neacutecessairement fonction de lrsquoattrait des sites Internet du groupe Amazon pour les clients Or lrsquoaugmentation de la freacutequentation des sites Internet europeacuteens et ainsi des donneacutees clients collecteacutees eacutetait elle-mecircme lieacutee agrave la mise en œuvre des trois piliers susmentionneacutes agrave savoir le prix lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation par LuxOpCo Srsquoil nrsquoest pas contestable que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis jouait un rocircle essentiel dans la bonne mise en œuvre de ces trois piliers il nrsquoen reste pas moins que LuxOpCo avait joueacute un rocircle actif et critique en rapport avec lrsquoaccumulation de nouvelles donneacutees clients et avait ainsi contribueacute au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur

427 Par ailleurs il convient de relever que la Commission a correctement consideacutereacute au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo devait assurer lrsquoentretien des donneacutees clients et assurer le respect des lois applicables en matiegravere de protection de donneacutees Si le fait de proteacuteger la base de donneacutees des clients est une activiteacute importante pour un modegravele commercial qui srsquoattache agrave la vente au deacutetail et agrave des services fournis notamment agrave des consommateurs finaux et ce pour les raisons exposeacutees par la Commission au consideacuterant 466 de la deacutecision attaqueacutee il srsquoagit neacuteanmoins drsquoune activiteacute habituelle pour tout preneur de licence travaillant avec ce type de base de donneacutees

428 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient drsquoenteacuteriner les constats de la Commission opeacutereacutes aux consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee au moins en ce que LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec lrsquoameacutelioration des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que en accumulant les donneacutees clients lesquelles ont eacuteteacute multiplieacutees par trois entre 2006 et 2014 ainsi qursquoil ressort du point 422 ci-dessus LuxOpCo a contribueacute agrave la valeur de cet actif incorporel lequel constitue un actif incorporel unique et de valeur LuxOpCo a ainsi exerceacute des fonctions uniques et de valeur

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

429 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle la valeur de laquo la marque raquo Amazon est geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

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430 La Commission conteste ces arguments

431 Premiegraverement il y a lieu de souligner que ainsi que lrsquoa implicitement admis la Commission aux consideacuterants 469 et 471 de la deacutecision attaqueacutee la marque Amazon est bien reconnue et beacuteneacuteficie drsquoune forte identification au niveau mondial ce qui eacutetait un atout majeur pour attirer des clients Il convient de constater que cette reacuteputation eacutetait preacuteexistante agrave la creacuteation de LuxOpCo Toutefois le constat de la Commission formuleacute aux consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee selon lequel la marque commerciale nrsquoest pas lrsquoeacuteleacutement central du modegravele du groupe Amazon la strateacutegie commerciale dudit groupe eacutetant focaliseacutee sur les trois piliers (prix faciliteacute drsquoutilisation catalogue de produits) doit ecirctre enteacuterineacute En effet la valeur de la marque deacuteposeacutee en Europe est eacutegalement fonction de la capaciteacute agrave fournir un assortiment de qualiteacute des prix avantageux et une grande faciliteacute drsquoutilisation Amazon souligne drsquoailleurs elle-mecircme que la valeur des actifs incorporels de marketing du groupe Amazon en Europe deacutepend de la satisfaction des clients

432 Deuxiegravemement il y a lieu de constater que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la technologie joue un rocircle important si ce nrsquoest deacuteterminant dans le deacuteveloppement de la marque commerciale drsquoAmazon En effet drsquoune part la technologie est centrale dans la mise en œuvre des trois piliers La satisfaction des clients est ainsi en grande partie tributaire de la technologie Drsquoautre part la technologie joue un rocircle crucial dans le marketing et permet de maximiser la possibiliteacute que le nom laquo Amazon raquo apparaisse dans les recherches des potentiels clients Il est constant que cette technologie est deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

433 Neacuteanmoins la seule technologie ne suffit pas agrave la mise en œuvre des trois piliers En effet ces derniers ont eacuteteacute eacutegalement mis en œuvre par LuxOpCo du fait de la prise de deacutecisions strateacutegiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

434 Il convient agrave cet eacutegard de relever qursquoil ressort de son meacutemoire post procegraves que dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (voir point 14 ci-dessus) Amazon a en substance fait valoir que [confidentiel]

435 En particulier Amazon a affirmeacute dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) qursquo[confidentiel] et dans le cadre drsquoune section consacreacutee aux actifs incorporels de marketing qursquo[confidentiel]

436 Dans son avis la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) a drsquoailleurs conclu que laquo AEHT raquo assumait la seule responsabiliteacute de maintenir et de deacutevelopper les actifs incorporels lieacutes au marketing et qursquoelle payait par le biais du partage des coucircts les ameacuteliorations technologiques neacutecessaires agrave maintenir la valeur de ces actifs incorporels Certes dans le meacutemoire post procegraves et dans lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis Amazon et cette derniegravere se reacutefegraverent agrave laquo AEHT raquo Neacuteanmoins dans la mesure ougrave aucune diffeacuterence nrsquoest opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que le terme laquo AEHT raquo est utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS il convient de comprendre dans ce contexte preacutecis que laquo AEHT raquo vise LuxOpCo et non LuxSCS En effet il ressort du dossier que LuxSCS nrsquoa pas exerceacute de telles fonctions

437 Par ailleurs il importe de relever que ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon ne contestent lrsquoaffirmation opeacutereacutee au consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle en Europe crsquoeacutetait LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees qui assuraient le marketing en ligne du groupe Amazon en srsquoappuyant sur leur savoir-faire local

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438 Dans ces conditions srsquoil est vrai que la marque Amazon beacuteneacuteficiait en Europe drsquoune renommeacutee eacutetablie anteacuterieurement agrave la creacuteation de LuxOpCo et qursquoelle beacuteneacuteficiait de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il y a lieu de conclure que crsquoest agrave bon droit que la Commission a eacutetabli que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee le maintien et le deacuteveloppement de la valeur de la marque eacutetaient agrave tout le moins en partie geacuteneacutereacutes au niveau de LuxOpCo et des entiteacutes europeacuteennes

439 Il y a drsquoailleurs lieu de relever agrave cet eacutegard agrave lrsquoinstar de la Commission qursquoAmazon eacutetait connue comme vendeur de livres et de meacutedias lorsqursquoelle est entreacutee sur le marcheacute europeacuteen et que les eacutequipes locales ont ducirc fournir des efforts consideacuterables pour faire eacutevoluer la reacuteputation de la marque en ce qui concerne drsquoautres cateacutegories de produits

440 En conseacutequence il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations de la Commission contenues aux consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des constatations opeacutereacutees aux points 433 agrave 438 ci-dessus que LuxOpCo contribuait au deacuteveloppement de la valeur de la marque et des actifs de marketing et exerccedilait de ce fait des fonctions de valeur En revanche rien ne permet de consideacuterer que ces fonctions avaient un caractegravere unique Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de consideacuterer que la Commission a correctement conclu que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels pour chacune de ses trois composantes En ce qui concerne le deacuteveloppement de la technologie la contribution de LuxOpCo se reacutesumait principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques En revanche la participation de LuxOpCo au deacuteveloppement de lrsquoEFN peut ecirctre assimileacutee agrave une fonction unique et de valeur En outre LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaccumulation des donneacutees clients notamment par la mise en œuvre des trois piliers et a ainsi activement contribueacute au deacuteveloppement de cet actif unique et de valeur En ce qui concerne les actifs de marketing LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaugmentation de la reacuteputation de la marque Amazon en Europe et a ainsi exerceacute des fonctions de valeur Il ne ressort toutefois pas du dossier que ces derniegraveres fonctions puissent ecirctre qualifieacutees drsquouniques

441 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement affirmeacute aux consideacuterants 414 et 415 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoadministration luxembourgeoise aurait ducirc prendre en compte le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels En revanche toutes les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas uniques et de valeur

442 Il importe drsquoailleurs agrave cet eacutegard de constater que ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte si ce nrsquoest au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause tout du moins au moment de la mise en œuvre annuelle de celle-ci En effet tout changement de situation ce qui inclut lrsquoexercice de fonctions suppleacutementaires aurait ducirc ecirctre pris en compte

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

443 Srsquoagissant des fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe dans la deacutecision attaqueacutee la Commission a en substance mis en exergue le fait que tant selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 que dans les faits LuxOpCo jouait le rocircle de siegravege social europeacuteen et eacutetait lrsquoentreprise en charge desdites activiteacutes Ce serait donc LuxOpCo qui aurait ducirc prendre et qui prenait les deacutecisions strateacutegiques relatives aux opeacuterations commerciales du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 473 agrave 478 de la deacutecision attaqueacutee)

444 Plus particuliegraverement la Commission a constateacute que LuxOpCo exerccedilait toutes les fonctions strateacutegiques lieacutees aux activiteacutes de vente au deacutetail et des services en ligne du groupe Amazon au cours de la peacuteriode consideacutereacutee et qursquoelle prenait toutes les deacutecisions strateacutegiques concernant les articles et la

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fixation des prix enregistrait les ventes et agissait en tant que partie contractante agrave lrsquoeacutegard des consommateurs Elle absorbait ainsi les coucircts correspondants et supportait les risques lieacutes aux ventes et aux stocks (consideacuterant 475 de la deacutecision attaqueacutee)

445 La Commission a ainsi consideacutereacute que LuxOpCo prenait en toute indeacutependance toutes les deacutecisions pertinentes concernant chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 478 de la deacutecision attaqueacutee)

446 Les parties srsquoaccordent sur le fait que LuxOpCo exerccedilait des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services Il nrsquoest pas non plus contesteacute que LuxOpCo occupait les fonctions de siegravege des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

447 Neacuteanmoins le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes Selon eux les activiteacutes de LuxOpCo reposaient largement sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et srsquoapparentaient agrave des fonctions de gestion des activiteacutes europeacuteennes ou des fonctions de soutien commercial courantes lesquelles geacuteneacuteraient peu de valeur ajouteacutee

448 Plus particuliegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que les fonctions humaines auraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie dans le cadre des activiteacutes commerciales du groupe Amazon et que les prix eacutetaient fixeacutes de maniegravere automatique Ils ajoutent qursquoil eacutetait impossible que des individus fixent activement le prix des millions drsquoarticles disponibles sur les sites du groupe Amazon que les relations avec les vendeurs et les clients eacutetaient presque inteacutegralement automatiseacutees que dans les centres de traitement des commandes la localisation des stocks et lrsquoordre de collecte des achats eacutetaient des fonctions deacutefinies par des technologies et les employeacutes des centres nrsquoavaient qursquoagrave suivre les instructions donneacutees par la technologie et que les deacutecisions concernant lrsquoinventaire (deacutecisions drsquoachat lieu de stockage etc) eacutetaient automatiseacutees alors que les employeacutes devaient uniquement exeacutecuter les indications fournies sur la base de la technologie

449 Il convient donc drsquoexaminer si la Commission a consideacutereacute agrave juste titre que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes et prenait des deacutecisions strateacutegiques en lien avec chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon de sorte qursquoelle ne pouvait ecirctre assimileacutee agrave une entreprise exerccedilant de simples fonctions de gestion

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

450 La Commission a constateacute au consideacuterant 479 de la deacutecision attaqueacutee que le deacuteveloppement et le maintien du plus large assortiment possible eacutetaient cruciaux pour le succegraves du groupe Amazon en Europe Elle a ajouteacute que la deacutecision quant aux cateacutegories de produits agrave vendre eacutetait prise sur la base de la connaissance du marcheacute Elle aurait donc requis une intervention humaine la seule technologie nrsquoeacutetant pas suffisante

451 En particulier la Commission a releveacute drsquoune part que LuxOpCo avait pu srsquoappuyer sur un nombre important de salarieacutes employeacutes par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lesquels seraient intervenus pour constituer lrsquoassortiment en Europe et eacutelargir les gammes de nouvelles familles de produits disponibles sur la base de leur connaissance du marcheacute des produits et des consommateurs locaux (correspondant ainsi agrave leur laquo savoir-faire local raquo) (consideacuterants 470 agrave 482 de la deacutecision attaqueacutee) Drsquoautre part LuxOpCo aurait joueacute un rocircle deacuteterminant dans lrsquoacquisition drsquoacteurs locaux lrsquoeacutetablissement de partenariats avec les fournisseurs et lrsquoeacutetablissement de programmes de tiers pour le deacuteveloppement de MarketPlace (consideacuterants 483 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

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452 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause la constatation drsquoordre geacuteneacuteral figurant au consideacuterant 483 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle Amazon constitue son assortiment en rachetant drsquoautres deacutetaillants preacutesents sur le marcheacute en concluant des partenariats avec des fournisseurs et en eacutetablissant des programmes de tiers tels que MarketPlace

453 Il ressort drsquoailleurs du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que le travail des recruteurs locaux eacutetait crucial pour permettre le lancement de nouveaux produits sur les sites Internet

454 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas non plus le fait que crsquoest LuxOpCo avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes qui a assumeacute ces activiteacutes laquo geacuteneacuterales raquo du groupe Amazon a proceacutedeacute aux acquisitions de certaines entreprises de vente au deacutetail europeacuteennes a conclu des partenariats avec des fournisseurs europeacuteens en deacutefinissant des strateacutegies et de bonnes pratiques en vue de la seacutelection et du lancement de nouvelles familles de produits et a mecircme eacutetabli les clauses contractuelles standards pour les fournisseurs (voir consideacuterant 485 de la deacutecision attaqueacutee)

455 Il deacutecoule drsquoailleurs du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi mecircme si LuxOpCo ne deacutecidait pas de maniegravere totalement autonome des cateacutegories de produits elle avait un rocircle significatif dans le lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits Il ressort agrave cet eacutegard du teacutemoignage de lrsquoancien chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo que dans le cadre du lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits celui-ci eacutetait [confidentiel]

456 La restructuration de 2006 a ainsi permis une gestion davantage autonome des activiteacutes europeacuteennes

457 Il convient de conclure que la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo prenait des deacutecisions importantes lieacutees agrave lrsquoassortiment et que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour mettre en œuvre en Europe ce pilier de la strateacutegie du groupe Amazon

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)

458 Srsquoagissant des prix la Commission a affirmeacute que si la fixation des prix eacutetait automatiseacutee et reposait sur lrsquoutilisation drsquoun algorithme il ne srsquoagissait que drsquoun outil permettant de mettre en œuvre une politique de tarification donneacutee qui eacutetait deacutefinie par LuxOpCo en Europe

459 En particulier la Commission a releveacute que sans le concours individuel fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pas fonctionneacute efficacement En Europe crsquoest LuxOpCo qui srsquoen serait chargeacute avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

460 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent ces affirmations Ils font notamment valoir que les activiteacutes commerciales de LuxOpCo reposent en grande partie sur lrsquoautomatisation et que la participation des salarieacutes de LuxOpCo eacutetait minimale notamment en ce qui concerne les prix

461 Certes il nrsquoest pas discutable que ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans la technologie les activiteacutes de LuxOpCo auraient eacuteteacute bien moindres

462 Neacuteanmoins il convient de constater que ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 168 de la deacutecision attaqueacutee jusqursquoen 2009 le groupe Amazon utilisait essentiellement la tarification manuelle Ce nrsquoest qursquoagrave partir de 2009 que les prix eacutetaient fixeacutes agrave partir drsquoun algorithme Agrave cet eacutegard la Commission a donc correctement constateacute que lrsquoalgorithme ne se suffisait pas agrave lui-mecircme srsquoagissant de la fixation des prix et qursquoil permettait de mettre en œuvre la politique de tarification deacutefinie en Europe par LuxOpCo (voir consideacuterant 490 de la deacutecision attaqueacutee)

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463 Tout drsquoabord ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 491 de la deacutecision attaqueacutee sans le concours individuel de LuxOpCo fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pu fonctionner efficacement

464 Ensuite ainsi que la Commission lrsquoa identifieacute au consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee il ressort du manuel des proceacutedures et des politiques pour lrsquoUnion du groupe Amazon que la fixation des prix eacutetait eacutetablie au Luxembourg par un comiteacute de fixation des prix de deacutetail dans lrsquoUnion se composant des cadres dirigeants de LuxOpCo Ce comiteacute eacutetait seul compeacutetent pour la fixation drsquoorientations en matiegravere de prix pour les produits que le groupe Amazon proposait sur ses sites Internet europeacuteens Le rocircle de LuxOpCo dans la deacutetermination des politiques de prix est eacutegalement confirmeacute par les teacutemoignages des salarieacutes de LuxOpCo

465 En outre il nrsquoest pas contesteacute que LuxOpCo employait un tarifeur europeacuteen lequel devait approuver les prix en particulier lorsqursquoils srsquoeacutecartaient de ceux fixeacutes par lrsquoalgorithme ni qursquoune eacutequipe eacutetait chargeacutee de veiller agrave [confidentiel] au niveau mondial Cette eacutequipe installeacutee au Luxembourg au sein de LuxOpCo suivait les prix [confidentiel] et examinait les prix proposeacutes agrave lrsquoeacutechelle mondiale y compris aux Eacutetats-Unis (voir consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee)

466 Enfin le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause de maniegravere eacutetayeacutee le fait que LuxOpCo a ducirc deacutevelopper toute une strateacutegie particuliegravere pour geacuteneacuterer des recettes et pour se distinguer de ses concurrents Agrave cet eacutegard lrsquoinfluence de LuxOpCo et de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes sur les deacutecisions en matiegravere de fixation des prix se refleacutetait dans des promotions qui eacutetaient applicables agrave certains articles vendus sur les sites Internet dans lrsquoUnion (voir consideacuterant 493 de la deacutecision attaqueacutee) Il nrsquoest pas contesteacute que au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoactiviteacute en Allemagne le site laquo Amazonde raquo avait mecircme inventeacute la laquo garantie du prix bas raquo afin drsquoencourager un retour drsquoinformation sur les prix de la part des clients en contrepartie drsquoune remise sur leurs achats et que au Royaume-Uni certains types de promotions sur les prix freacutequents sur le marcheacute comme les [confidentiel] ont rendu lrsquoexercice drsquoune concurrence [confidentiel] plus ardu [confidentiel] Srsquoagissant de la vente de livres en France et en Allemagne LuxOpCo a mis en place un systegraveme drsquoexpeacutedition gratuite Agrave cet eacutegard il srsquoagit drsquoexemples de deacutecisions de fixation de prix en rapport avec les concurrents sur le marcheacute et partant de deacutecisions strateacutegiques propres agrave un deacutetaillant

467 Au vu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de conclure que LuxOpCo a adopteacute des deacutecisions strateacutegiques en ce qui concerne la fixation des prix et a ainsi exerceacute des fonctions importantes Srsquoil est vrai que la tarification des prix eacutetait tributaire de la technologie du groupe Amazon il nrsquoen reste pas moins que lrsquointervention des collaborateurs de LuxOpCo eacutetait eacutegalement cruciale

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

468 Srsquoagissant de la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo la Commission a constateacute que LuxOpCo eacutetait chargeacutee drsquoassurer la faciliteacute drsquoutilisation de lrsquooffre de vente au deacutetail et de place de marcheacute du groupe Amazon en Europe Plus preacuteciseacutement LuxOpCo aurait compteacute une eacutequipe dite eacutequipe laquo Localisation et traduction raquo censeacutee veacuterifier et adapter la traduction automatique et permettre notamment la mise en commun des diffeacuterents catalogues europeacuteens afin de creacuteer et de geacuterer lrsquoEFN (consideacuterant 495 de la deacutecision attaqueacutee) Ce serait LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees qui auraient deacutetenu et deacuteveloppeacute le savoir-faire par rapport agrave la logistique locale notamment pour lrsquoenvoi drsquoarticles (consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

469 Selon la Commission la technologie est un preacutealable agrave la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo notamment agrave la traduction des catalogues drsquoarticles europeacuteens agrave la livraison et au service drsquoassistance pour les clients (voir consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) Le personnel de LuxOpCo aurait joueacute un rocircle tant au niveau des catalogues drsquoarticles qursquoen ce qui concerne la livraison des produits et le service drsquoassistance pour les clients Agrave cet eacutegard le savoir-faire aurait appartenu agrave LuxOpCo et aux socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes (voir consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

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470 Ces eacuteleacutements ne sont au demeurant pas contesteacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon de maniegravere eacutetayeacutee et il convient de les enteacuteriner

471 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a pris des deacutecisions strateacutegiques en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et eacutetait ainsi le principal responsable de la mise œuvre des trois piliers de la strateacutegie dudit groupe pour cette zone geacuteographique La Commission a donc correctement consideacutereacute que en deacutepit de lrsquoimportance de la technologie LuxOpCo avait eacutegalement joueacute un rocircle essentiel dans lrsquoexploitation et lrsquoexpansion de ces activiteacutes de vente au deacutetail et places de marcheacute et ainsi qursquoelle avait exerceacute des fonctions de valeur Toutefois il ne ressort pas du dossier que de telles fonctions revecirctaient un caractegravere unique

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)

472 Srsquoagissant des actifs utiliseacutes par LuxOpCo la Commission a releveacute au consideacuterant 500 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo avait utiliseacute des laquo actifs importants raquo pour assumer les fonctions deacutecrites dans les sections 92121 (fonctions en lien avec les actifs incorporels) et 92122 (fonctions exerceacutees dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de service) de sa deacutecision

473 Drsquoune part la Commission a constateacute au consideacuterant 501 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo posseacutedait et geacuterait lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoassortiment (sur la peacuteriode consideacutereacutee les stocks repreacutesentaient [confidentiel] milliards drsquoeuros) et qursquoelle deacutetenait la totaliteacute des parts drsquoASE drsquoAMEU et des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees auxquelles elle consentait des financements

474 Drsquoautre part la Commission a affirmeacute que la structure de coucircts de LuxOpCo deacutemontrait que des actifs importants auraient eacuteteacute utiliseacutes pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point et lrsquoameacutelioration des actifs incorporels dans lrsquoexercice de ses fonctions (consideacuterant 502 de la deacutecision attaqueacutee) En particulier en ce qui concerne la marque deacuteposeacutee LuxOpCo aurait supporteacute des coucircts de marketing direct eacuteleveacutes (par exemple les coucircts lieacutes aux promotions) (consideacuterants 503 agrave 504 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence la Commission a estimeacute que en lrsquoabsence de tout remboursement identifiable de la part de LuxOpCo ces coucircts devraient ecirctre consideacutereacutes comme effectivement supporteacutes par LuxOpCo

475 La Commission a ainsi conclu que LuxOpCo avait supporteacute les coucircts correspondant agrave lrsquoexploitation eacuteconomique des actifs incorporels ainsi qursquoagrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ceux-ci Selon la Commission la totaliteacute de ces coucircts ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant des frais supporteacutes au nom de LuxSCS (consideacuterant 505 de la deacutecision attaqueacutee)

476 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon au demeurant ne contestent pas ces constatations de maniegravere eacutetayeacutee sauf en ce qui concerne le fait que LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels Agrave cet eacutegard il suffit de renvoyer au point 235 ci-dessus Agrave lrsquoexception de lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations faites par la Commission aux consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee

477 Srsquoagissant des risques assumeacutes par LuxOpCo la Commission a estimeacute aux consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee que cette socieacuteteacute supportait tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits drsquoune part les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels Drsquoautre part LuxOpCo aurait controcircleacute et geacutereacute tous les risques commerciaux et entrepreneuriaux correspondants lieacutes aux activiteacutes de vente au deacutetail et de service exerceacutees par le groupe Amazon en Europe parmi lesquels le risque de creacutedit le risque lieacute aux

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collections le risque de gestion des stocks le risque du marcheacute le risque de perte ou encore les risques lieacutes au maintien drsquoune main drsquoœuvre capable de vendre des articles et de fournir des services de maniegravere efficiente et dans les deacutelais requis

478 La Commission a ensuite eacutecarteacute lrsquoaffirmation drsquoAmazon formuleacutee lors de la proceacutedure administrative selon laquelle LuxOpCo srsquoeacutetait appuyeacutee en grande partie sur la technologie pour geacuterer et supporter les risques (consideacuterants 506 et 508 de la deacutecision attaqueacutee)

479 Tout drsquoabord selon la Commission mecircme si la technologie permettait de minimiser les risques LuxOpCo supportait lesdits risques du fait de son rocircle de siegravege europeacuteen et de ses activiteacutes de vente au deacutetail et de service (consideacuterants 509 et 510 de la deacutecision attaqueacutee) Elle relegraveve que mecircme si LuxOpCo comptait sur la technologie aux fins de la gestion des risques commerciaux cela ne deacutecoulait que drsquoune deacutecision strateacutegique de sa part (consideacuterant 511 de la deacutecision attaqueacutee)

480 En outre il ne serait pas eacutetabli que ce soit dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 ou dans un autre document que les risques strateacutegiques financiers et opeacuterationnels auxquels LuxOpCo devait faire face dans le cadre de ses opeacuterations journaliegraveres auraient eacuteteacute geacutereacutes par une politique de groupe en matiegravere de gestion des risques (consideacuterant 512 de la deacutecision attaqueacutee) Au contraire les risques tels que la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique auraient eacuteteacute geacutereacutes au niveau local avec LuxOpCo comme principal responsable en Europe (consideacuterants 513 agrave 515 de la deacutecision attaqueacutee)

481 Les parties sont en deacutesaccord en ce qui concerne le point de savoir quelle entiteacute assumait effectivement les risques lieacutes aux actifs incorporels et plus particuliegraverement sur la question de savoir si LuxOpCo a mobiliseacute des actifs pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg une partie des risques et des fonctions identifieacutes par la Commission auraient eacuteteacute assumeacutee par les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees et non par LuxOpCo

482 Srsquoagissant des risques lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels affirmer agrave lrsquoinstar de ce qursquoa deacuteclareacute la Commission au consideacuterant 507 de deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo supportait ces risques tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits ne saurait convaincre

483 Ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave juste titre au point 104 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 srsquoil est vrai que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS avait transfeacutereacute un certain nombre de risques lieacutes agrave lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales agrave LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins que LuxSCS qui eacutetait le proprieacutetaire leacutegal du droit drsquoexploiter des actifs incorporels pendant la peacuteriode consideacutereacutee supportait toujours les risques lieacutes aux actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

484 Ce constat nrsquoest pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee par la Commission Srsquoagissant de la capaciteacute financiegravere de LuxSCS drsquoassumer les risques srsquoils se mateacuterialisaient la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer son affirmation selon laquelle LuxSCS ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave son capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoachat et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

485 Dans ces conditions il y a lieu de retenir que LuxOpCo supportait tout au plus une partie des risques lieacutes agrave lrsquoexistence agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels

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486 En revanche srsquoagissant des autres risques dont il est fait eacutetat aux consideacuterants 507 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir les risques propres agrave une activiteacute de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas de maniegravere eacutetayeacutee que LuxOpCo supportait ces risques tels que le risque relatif agrave la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique en tant que telle (voir consideacuterant 514 de ladite deacutecision) et les risques relatifs agrave la deacutetention des stocks invendus en Europe agrave lrsquoheacutebergement des serveurs et agrave la maintenance des centres drsquoappels aux creacuteances douteuses et agrave lrsquoinaccomplissement ou lrsquoinexeacutecution des contrats conclus avec les clients En particulier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la technologie permettait de minimiser les risques de LuxOpCo en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales et notamment les risques drsquoinventaire force est de constater agrave lrsquoinstar de ce que la Commission a releveacute au consideacuterant 510 de la deacutecision attaqueacutee que la technologie nrsquoa pas totalement supprimeacute ces risques Il y a donc lieu drsquoenteacuteriner les affirmations de la Commission

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

487 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de constater que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo effectueacutee par la Commission ne saurait convaincre dans son inteacutegraliteacute

488 Premiegraverement au regard des informations recueillies par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee telles qursquoexposeacutees dans cette derniegravere et dont une partie a eacuteteacute enteacuterineacutee ci-dessus il nrsquoeacutetait pas exclu de pouvoir consideacuterer que LuxOpCo exerccedilait effectivement certaines fonctions uniques et de valeur en ce qui concerne les actifs incorporels Cela vaut pour ce qui est du deacuteveloppement de lrsquoEFN et de lrsquoaccumulation des donneacutees clients Pour le surplus srsquoagissant des actifs de marketing si les fonctions de LuxOpCo sont de valeur il nrsquoest pas eacutetabli que de telles fonctions puissent ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques

489 Deuxiegravemement lrsquoanalyse des fonctions de LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne et en tant que prestataire de services peut ecirctre enteacuterineacutee pour lrsquoessentiel Agrave cet eacutegard contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo ne se limitait pas agrave exercer de simples fonctions de laquo gestion raquo mais agissait comme un deacutetaillant en ligne et supportait les risques inheacuterents agrave ces activiteacutes De telles fonctions eacutetaient effectivement laquo de valeur raquo car il srsquoagissait drsquoactiviteacutes susceptibles de contribuer de maniegravere significative au chiffre drsquoaffaires de LuxOpCo et donc au modegravele commercial du groupe Amazon Toutefois de telles fonctions ne sauraient ecirctre qualifieacutees drsquouniques En effet dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont indiqueacute qursquoune entreprise pouvait ecirctre consideacutereacutee comme une entiteacute exerccedilant des fonctions de routine (par opposition agrave une entiteacute exerccedilant des fonctions uniques et de valeur) lorsque ces fonctions pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) (voir point 225 ci-dessus) il suffit de relever que le rapport [confidentiel] qui a eacuteteacute eacutevoqueacute par les parties principales porte sur des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et aborde la question de la reacutemuneacuteration observeacutee sur le marcheacute pour de tels deacutetaillants

490 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de constater que si la Commission a pu valablement consideacuterer que certaines fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur sa thegravese visant agrave affirmer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec ses activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur ne saurait convaincre en totaliteacute Si la Commission a correctement constateacute que LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles retenues aux fins de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir de simples fonctions de laquo gestion raquo elle a erroneacutement retenu que les fonctions de LuxOpCo relatives agrave son activiteacute de deacutetaillant eacutetaient uniques et de valeur

491 Cette conclusion nrsquoest remise en cause par aucun des autres arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg ou drsquoAmazon

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492 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que le fait que les fonctions de LuxOpCo eacutetaient exerceacutees avant la restructuration de 2006 par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et que celles-ci eacutetaient reacutemuneacutereacutees aux coucircts majoreacutes deacutemontre que les fonctions de LuxOpCo ne sont que des fonctions courantes Il suffit agrave cet eacutegard de relever que la restructuration de 2006 avait preacuteciseacutement pour objet de creacuteer un siegravege pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe en attribuant agrave LuxOpCo des fonctions bien plus importantes que celles des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

493 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg reproche agrave la Commission drsquoavoir attribueacute agrave LuxOpCo les fonctions exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes Il suffit de constater agrave cet eacutegard que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes agissaient en tant que prestataires de services aupregraves de LuxOpCo et eacutetaient drsquoailleurs reacutemuneacutereacutees comme tels Les fonctions qursquoelles exerccedilaient lrsquoeacutetaient donc pour le compte et aux risques de LuxOpCo La Commission pouvait donc attribuer ces fonctions agrave LuxOpCo

2) Sur le choix de la meacutethode

494 Ainsi qursquoexposeacute au point 317 ci-dessus la Commission a consideacutereacute en substance qursquoil eacutetait erroneacute drsquoavoir utiliseacute la MTMN pour deacuteterminer le montant de la redevance et la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre utiliseacutee

495 Plus preacuteciseacutement au consideacuterant 567 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que lorsque les deux parties agrave la transaction intragroupe apportent des contributions uniques et de valeur agrave ladite transaction la meacutethode du partage des beacuteneacutefices est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une meacutethode plus approprieacutee pour ce qui est des prix de transfert dans la mesure ougrave en pareil cas des parties indeacutependantes devraient normalement se reacutepartir les beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par cette transaction proportionnellement agrave leurs contributions respectives

496 Dans ce contexte la Commission a preacuteciseacute en renvoyant au consideacuterant 256 de la deacutecision attaqueacutee que les lignes directrices de lrsquoOCDE distinguaient entre deux meacutethodes de partage des beacuteneacutefices agrave savoir lrsquoanalyse des contributions et lrsquoanalyse reacutesiduelle Srsquoagissant de lrsquoanalyse reacutesiduelle la Commission a preacuteciseacute que celle-ci srsquoappliquait dans le cas ougrave une partie eacutetait reacutemuneacutereacutee pour ses fonctions courantes en plus de la reacutemuneacuteration qursquoelle percevait pour les contributions uniques et de valeur qursquoelle apportait agrave la transaction Srsquoagissant de lrsquoanalyse des contributions la Commission a preacuteciseacute que celle-ci consistait agrave reacutepartir les beacuteneacutefices combineacutes sur la base de la valeur relative des fonctions exerceacutees (compte tenu des actifs qursquoelles employaient et des risques qursquoelles assumaient) par chacune des parties aux transactions intragroupe

497 La Commission a ajouteacute que lorsque les deux parties agrave la transaction controcircleacutee apportaient des contributions uniques et de valeur et qursquoil nrsquoexistait pas de transactions moins complexes dont le prix devait ecirctre eacutetabli seacutepareacutement il eacutetait plus approprieacute drsquoappliquer lrsquoanalyse des contributions aux fins de lrsquoimputation des beacuteneacutefices combineacutes Lrsquoanalyse reacutesiduelle aurait eacuteteacute approprieacutee lorsqursquoil aurait existeacute des transactions moins complexes

498 Sur la base de ces observations la Commission a conclu que du fait que LuxSCS et LuxOpCo eacutetaient toutes deux consideacutereacutees comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels il convenait de preacutefeacuterer lrsquoanalyse des contributions agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle

499 Les parties au litige srsquoopposent quant agrave la question de savoir si la Commission avait raison de consideacuterer que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee en lrsquoespegravece et par conseacutequent que le choix de la MTMN nrsquoaurait pas ducirc ecirctre avaliseacute dans la DFA en cause

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500 Avant toute chose il importe de rappeler srsquoagissant du choix de la meacutethode de prix de transfert en tant que tel que ainsi qursquoexposeacute au point 202 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) les diffeacuterentes meacutethodes de fixation des prix de transfert srsquoefforcent drsquoatteindre des niveaux de beacuteneacutefices refleacutetant des prix de transfert de pleine concurrence et qursquoil ne peut ecirctre conclu par principe qursquoune meacutethode ne permet pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

501 En outre dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune mesure au regard du principe de pleine concurrence la Commission est libre drsquoutiliser une autre meacutethode que celle avaliseacutee par les autoriteacutes fiscales nationales Il ressort du point 154 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) que srsquoil ne peut ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir retenu une meacutethode de deacutetermination des prix de transfert qursquoelle considegravere approprieacutee dans le cas drsquoespegravece afin drsquoexaminer le niveau des prix de transfert pour une transaction ou pour plusieurs transactions eacutetroitement lieacutees faisant partie de la mesure contesteacutee il incombe neacuteanmoins agrave celle-ci de justifier son choix meacutethodologique

502 En lrsquoespegravece du fait de lrsquoexistence de certaines fonctions uniques et de valeur tant dans le chef de LuxSCS que de LuxOpCo il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir consideacutereacute que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avait pu apparaicirctre de maniegravere geacuteneacuterale approprieacutee pour examiner la transaction controcircleacutee

503 Neacuteanmoins la conclusion de la Commission visant agrave retenir lrsquoanalyse des contributions ne saurait convaincre En effet agrave cet eacutegard ainsi qursquoil ressort implicitement mais neacutecessairement des consideacuterants 256 567 et 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission est partie du constat que la circonstance que les parties agrave la transaction controcircleacutee exerccedilaient des fonctions uniques et de valeur ainsi que des fonctions de routine appelait une application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle alors que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions nrsquoaurait eacuteteacute adapteacutee que lorsque les entreprises concerneacutees exerccedilaient uniquement des fonctions uniques et de valeur Or ainsi qursquoil ressort des points 488 et 489 ci-dessus si la Commission avait raison de consideacuterer que certaines des fonctions de LuxOpCo en rapport avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur elle a erroneacutement consideacutereacute que les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur De plus elle nrsquoa pas non plus eacutetabli qursquoil nrsquoy avait pas de comparables aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo ni que la reacutemuneacuteration de ces fonctions nrsquoaurait pu ecirctre eacutetablie seacutepareacutement

504 De plus il reacutesulte implicitement mais neacutecessairement des points 36 et 38 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que le choix de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices y compris dans la variante de lrsquoanalyse des contributions deacutepend de maniegravere deacutecisive du fait drsquoavoir identifieacute des donneacutees externes provenant drsquoentreprises indeacutependantes pour deacuteterminer la valeur de la contribution de chaque entreprise associeacutee aux transactions Or la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave identifier si de telles donneacutees fiables eacutetaient disponibles pour pouvoir conclure que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions pouvait ecirctre choisie en lrsquoespegravece

505 En outre la Commission nrsquoa pas justifieacute en quoi les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels eacutetaient telles que crsquoeacutetait lrsquoanalyse des contributions qui aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece et ce par opposition agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle (voir consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee)

506 Il en deacutecoule que lorsqursquoelle a eacutecarteacute la meacutethode du partage de beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle et a choisi la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission nrsquoa pas ducircment justifieacute son choix meacutethodologique et nrsquoa donc pas satisfait aux exigences exposeacutees au point 501 ci-dessus

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507 Dans la mesure ougrave la Commission a fondeacute son premier constat subsidiaire sur le fait que seule lrsquoanalyse des contributions aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece lrsquoerreur constateacutee au point 506 ci-dessus vicie le raisonnement de la Commission relatif agrave la deacutemonstration de lrsquoexistence de lrsquoavantage

508 Le Tribunal estime neacuteanmoins neacutecessaire de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties requeacuterantes visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)

509 Ainsi qursquoexposeacute ci-dessus au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee cela aurait neacutecessairement abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante pour LuxOpCo La Commission a ainsi consideacutereacute que en avalisant la meacutethode de calcul de la redevance proposeacutee par Amazon aboutissant agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave cette derniegravere La Commission a neacuteanmoins preacuteciseacute au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee qursquoelle nrsquoavait pas chercheacute agrave eacutetablir quelle aurait eacuteteacute preacuteciseacutement la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo

510 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que ainsi que releveacute aux points 317 agrave 320 ci-dessus lrsquoerreur identifieacutee par la Commission ne repose pas sur le constat que certaines fonctions de LuxOpCo y compris des fonctions de routine ou courantes nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration En revanche la Commission est partie du postulat que LuxOpCo assumait une seacuterie de fonctions de LuxOpCo uniques et de valeur et que partant la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

511 Les parties srsquoopposent sur la question de savoir si la Commission est parvenue sur le fondement du constat mentionneacute au point 509 ci-dessus agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo

512 Pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission devait deacutemontrer que LuxOpCo aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration plus importante si la meacutethode de partage des beacuteneacutefices lui avait eacuteteacute appliqueacutee par rapport agrave ce qursquoelle avait effectivement perccedilu en application de la DFA en cause

513 Ainsi qursquoexposeacute au point 310 ci-dessus il appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable sans qursquoil soit exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

514 Les mecircmes consideacuterations doivent srsquoappliquer lorsque la Commission considegravere avoir identifieacute une erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle En effet il nrsquoest pas exclu que en deacutepit drsquoune erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle la reacutemuneacuteration calculeacutee ne srsquoeacutecarte pas du reacutesultat de pleine concurrence qui aurait pu ecirctre deacutetermineacute si les fonctions avaient eacuteteacute correctement prises en compte Dans ce contexte il y a lieu de relever que si certaines fonctions nrsquoont pas eacuteteacute correctement identifieacutees et nrsquoont pas eacuteteacute prises en compte dans le cadre du calcul de la reacutemuneacuteration il est probable que ces fonctions auraient ducirc faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration et que du fait de lrsquoabsence de la prise en compte de ces fonctions suppleacutementaires la reacutemuneacuteration de lrsquoentreprise en cause aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee Neacuteanmoins la

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Commission ne saurait aboutir agrave de telles conclusions sans examiner de maniegravere concregravete si dans le cas drsquoespegravece et au regard des speacutecificiteacutes de la transaction en cause lrsquoerreur identifieacutee dans lrsquoanalyse fonctionnelle aurait pu aboutir agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

515 Enfin lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une entreprise inteacutegreacutee la Commission doit comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale concerneacutee avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (voir en ce sens arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149) Lorsqursquoelle identifie des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle sur laquelle repose une mesure fiscale telle la DFA en cause il y a lieu pour la Commission de comparer la charge fiscale de lrsquoentreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale en question drsquoune part agrave la charge fiscale drsquoune entreprise active sur le marcheacute exerccedilant des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentreprise inteacutegreacutee telles qursquoidentifieacutees par la Commission drsquoautre part Il y a lieu de souligner agrave cet eacutegard qursquoune telle comparaison nrsquoimplique pas que la Commission doive neacutecessairement reacutealiser une toute nouvelle analyse ayant le mecircme niveau de deacutetail que celle effectueacutee par lrsquoEacutetat membre aux fins de lrsquoadoption de la mesure fiscale en question Pourtant mecircme si elle ne doit pas proceacuteder agrave une telle analyse la Commission est tenue drsquoidentifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements concrets permettant de constater avec certitude que la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions de la socieacuteteacute telles qursquoidentifieacutees par la Commission eacutetait forceacutement plus importante que la reacutemuneacuteration perccedilue en application de la mesure fiscale en question

516 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 515 ci-dessus la Commission aurait ducirc comparer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue en application de la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause avec la reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait ducirc ecirctre perccedilue au regard des fonctions de LuxOpCo que la Commission avait identifieacutees elle-mecircme dans sa propre analyse fonctionnelle Agrave deacutefaut drsquoune veacuteritable application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc identifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements permettant de conclure que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la DFA en cause eacutetait neacutecessairement infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration qursquoune socieacuteteacute opeacuterant sur le marcheacute libre aurait perccedilue si cette socieacuteteacute avait eu des fonctions comparables agrave celles identifieacutees par la Commission dans son analyse fonctionnelle Plus preacuteciseacutement si elle consideacuterait que lrsquoanalyse des contributions eacutetait la meacutethode de calcul approprieacutee au lieu de se borner agrave de simples preacutesomptions non veacuterifieacutees du reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc rechercher si sur le marcheacute libre la prise en compte de fonctions et de risques comparables agrave ceux qui incombaient agrave LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee (notamment ses fonctions et ses risques de deacutetaillant en ligne) se traduisait effectivement dans une part de beacuteneacutefices (pour un deacutetaillant en ligne comparable agrave LuxOpCo) qui aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave celle agrave laquelle LuxOpCO avait droit en vertu de la meacutethode de calcul viseacutee dans la DFA en cause Si la Commission nrsquoavait certes pas agrave indiquer de chiffres preacutecis elle eacutetait agrave tout le moins tenue de donner des indices veacuterifiables agrave cet eacutegard

517 En lrsquoespegravece dans la deacutecision attaqueacutee la Commission srsquoest borneacutee agrave constater que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute utiliseacutee LuxOpCo aurait perccedilu une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee sans chercher agrave faire application de cette meacutethode Or la Commission ne peut preacutesumer quel serait le reacutesultat en application drsquoune certaine meacutethode ni quelle reacutemuneacuteration aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave une certaine fonction En revanche ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute aux points 515 et 516 ci-dessus elle doit eacutetablir que la reacutemuneacuteration avaliseacutee dans la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave lrsquoapproximation fiable drsquoune reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait eacuteteacute obtenue en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions

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518 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave examiner quelle eacutetait la bonne cleacute de reacutepartition des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo qui aurait convenu si ces parties avaient eacuteteacute des entreprises indeacutependantes ni mecircme agrave identifier des eacuteleacutements concrets permettant de deacuteterminer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels ou lrsquoexercice des fonctions de siegravege aurait donneacute droit agrave une part plus importante des beacuteneacutefices par rapport agrave la part des beacuteneacutefices effectivement obtenue en application de la DFA en cause

519 De plus il convient de rappeler que mecircme si les contributions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels (contribution au deacuteveloppement drsquoune petite partie de la technologie contribution agrave lrsquoexpansion de la base de donneacutees clients et agrave la valorisation de la marque) et avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales sont bien reacuteelles aucun des eacuteleacutements contenus dans la deacutecision attaqueacutee ne permet de mesurer lrsquoapport de ces fonctions par rapport aux fonctions de LuxSCS (mise agrave disposition de la technologie laquelle joue un rocircle crucial pour lrsquoexploitation des activiteacutes du groupe Amazon et la geacuteneacuteration des beacuteneacutefices) Ainsi sans analyse approfondie il nrsquoest pas possible de preacutejuger dans quelle mesure les contributions de LuxOpCo lui donneraient une part plus importante des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe que celle obtenue en application de la DFA en cause

520 Dans ces conditions il convient de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage mais tout au plus la probabiliteacute de lrsquoexistence drsquoun avantage

521 Certes ainsi que la Commission lrsquoa eacutevoqueacute lors de lrsquoaudience le fait que certains actifs soient transmis gratuitement sans que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA ne prenne en compte ces fonctions est de nature agrave deacutemontrer que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est infeacuterieure agrave ce qursquoune entreprise indeacutependante aurait perccedilu dans des conditions de marcheacute Neacuteanmoins force est de constater que la deacutecision attaqueacutee ne contient pas un tel raisonnement

522 Certes il nrsquoest pas exclu que si LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles qui ont eacuteteacute prises en compte aux fins du calcul de sa reacutemuneacuteration telle qursquoavaliseacutee dans la DFA en cause LuxOpCo aurait eu droit agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire Neacuteanmoins le raisonnement de la Commission tel qursquoexposeacute dans la deacutecision attaqueacutee reste theacuteorique et nrsquoest pas suffisant pour eacutetablir que LuxOpCo a effectivement perccedilu un avantage du fait de lrsquoapplication de la meacutethode de calcul de sa reacutemuneacuteration qui a eacuteteacute avaliseacutee par la DFA en cause

523 Certes la Commission a affirmeacute dans ses reacuteponses aux questions du Tribunal et lors de lrsquoaudience que en application de la DFA en cause LuxOpCo nrsquoa perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS et que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions lui avait eacuteteacute appliqueacutee en tenant compte de ses fonctions uniques et de valeur elle aurait neacutecessairement perccedilu une part plus importante de ces beacuteneacutefices combineacutes

524 Neacuteanmoins premiegraverement il importe de relever que lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo nrsquoaurait perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes nrsquoapparaicirct pas dans la partie de la deacutecision attaqueacutee relative au premier constat subsidiaire ni mecircme dans toute la deacutecision attaqueacutee Ce chiffre peut tout au plus ecirctre calculeacute sur la base des diffeacuterentes donneacutees chiffreacutees contenues dans la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il importe de relever que ce chiffre drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS correspond aux beacuteneacutefices drsquoexploitation de LuxOpCo apregraves deacuteduction de la redevance verseacutee agrave LuxSCS en application de la DFA en cause

525 Deuxiegravemement la Commission nrsquoapporte aucun eacuteleacutement concret dans la deacutecision attaqueacutee de nature agrave eacutetablir que le fait qursquoenviron 80 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS eacutetaient attribueacutes agrave LuxSCS afin de reacutemuneacuterer sa contribution agrave savoir la mise agrave disposition des actifs incorporels nrsquoest pas de pleine concurrence ni que lrsquoattribution drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes ne constitue pas une reacutemuneacuteration suffisante au regard des contributions effectueacutees par LuxOpCo

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526 Troisiegravemement ainsi qursquoAmazon lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave LuxOpCo en sus de la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN En effet le constat selon lequel la meacutethode de la reacuteparation des beacuteneacutefices avec analyse des contributions devait ecirctre appliqueacutee implique drsquoeacutecarter la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul Or il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

527 Drsquoune part il importe de relever que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait preacutesenteacute agrave la Commission un rapport concernant le taux de marge pour des entreprises effectuant des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne agrave savoir le rapport [confidentiel] Le taux de marge pour les activiteacutes de vente au deacutetail en ligne en moyenne eacutetait de 05 des coucircts totaux des deacutetaillants en ligne Sans qursquoil soit besoin de veacuterifier si au regard de cet eacuteleacutement Amazon eacutetait en droit drsquoaffirmer comme elle lrsquoa fait lors de lrsquoaudience que ce taux aurait deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans la peacuteriode consideacutereacutee aurait eacuteteacute laquo confortable raquo force est de constater que au regard dudit rapport la Commission aurait ducirc approfondir son examen quant agrave la question de savoir si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo correspondait agrave un reacutesultat de pleine concurrence pour ses fonctions de deacutetaillant en ligne Sans un tel examen il nrsquoest pas certain que lrsquoon puisse affirmer que LuxOpCo aurait pu recevoir une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour ses fonctions lieacutees aux activiteacutes commerciales

528 Drsquoautre part agrave lrsquoeacutechelle des activiteacutes de deacuteveloppement effectueacutees par le groupe Amazon les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels notamment en ce qui concerne la technologie restaient limiteacutees Il nrsquoest donc pas eacutevident que ces fonctions eacutetaient telles que la part des beacuteneacutefices attribuables agrave LuxOpCo aurait ducirc ecirctre supeacuterieure agrave 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo

529 En conseacutequence en lrsquoabsence drsquoeacuteleacutements sur la cleacute de reacutepartition qui aurait ducirc ecirctre retenue il nrsquoest pas possible drsquoidentifier lrsquoordre de grandeur de la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait ducirc percevoir dans des conditions de pleine concurrence ni a fortiori de deacuteterminer si cette reacutemuneacuteration est infeacuterieure ou supeacuterieure agrave celle obtenue en application de la DFA en cause

530 Il en deacutecoule que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus importante Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la DFA en cause a confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo En effet outre le fait que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave deacuteterminer quelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifieacutees par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle le premier constat subsidiaire ne contient pas drsquoeacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir agrave suffisance de droit que les erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle ainsi que lrsquoerreur meacutethodologique identifieacutee par la Commission relative au choix de la meacutethode en tant que telle ont effectivement abouti agrave une reacuteduction de la charge fiscale de LuxOpCo

531 Aucun des autres arguments exposeacutes par la Commission ne saurait remettre ces constats en question

532 Premiegraverement certes ainsi que lrsquoa exposeacute la Commission lors de lrsquoaudience il y a une diffeacuterence entre la deacutemonstration de lrsquoavantage et la quantification de lrsquoavantage Ainsi il nrsquoest pas exclu qursquoil soit possible de deacutemontrer qursquoune erreur meacutethodologique aboutit neacutecessairement agrave une reacutemuneacuteration infeacuterieure sans que ne soit quantifieacutee cette reacuteduction de reacutemuneacuteration Neacuteanmoins ainsi que constateacute au point 529 ci-dessus dans le cas drsquoespegravece la deacutecision attaqueacutee ne contient pas drsquoeacuteleacutements de nature agrave deacutemontrer que lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions en lieu et place de la MTMN aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee

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533 Deuxiegravemement certes ainsi que la Commission lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne nient pas que si LuxOpCo avait effectueacute des deacuteveloppements substantiels des actifs incorporels cela aurait ducirc mener agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

534 Neacuteanmoins ainsi que Amazon lrsquoa affirmeacute lors de lrsquoaudience et ainsi qursquoexposeacute au point 526 ci-dessus la thegravese de la Commission ne revient pas agrave consideacuterer qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire agrave celle calculeacutee en application de la DFA en cause aurait ducirc ecirctre calculeacutee En effet la Commission a consideacutereacute que la meacutethode des contributions avec analyse reacutesiduelle nrsquoeacutetait pas approprieacutee en lrsquoespegravece Il en deacutecoule que la thegravese de la Commission se limite agrave faire valoir que si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avait eacuteteacute calculeacutee en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices selon lrsquoanalyse des contributions cela aurait abouti agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee que celle obtenue en application de la MTMN Dans la mesure ougrave lrsquoanalyse des contributions impliquerait de ne pas prendre en compte la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec analyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

535 Troisiegravemement lrsquoargument de la Commission exposeacute dans ses eacutecritures selon lequel lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee de LuxOpCo dans la mesure ougrave cela aurait conduit agrave un partage du beacuteneacutefice reacutesiduel entre LuxOpCo et LuxSCS plutocirct qursquoagrave lrsquoattribution de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel agrave LuxSCS ainsi que lrsquoargument selon lequel il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire drsquoappliquer la meacutethode du partage des beacuteneacutefices pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage car cette meacutethode consiste agrave partager le beacuteneacutefice reacutesiduel doivent ecirctre eacutecarteacutes

536 En effet force est de constater qursquoune telle reacutepartition du beacuteneacutefice reacutesiduel nrsquoest pertinente que dans le cadre de lrsquoutilisation de lrsquoanalyse reacutesiduelle Or il ressort clairement de la deacutecision attaqueacutee et notamment de ses consideacuterants 567 et 568 que la Commission a consideacutereacute que seule lrsquoanalyse de contributions et non lrsquoanalyse reacutesiduelle pouvait valablement ecirctre utiliseacutee en lrsquoespegravece aux fins de lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Or ainsi qursquoexposeacute au point 534 ci-dessus lrsquoanalyse des contributions consiste agrave reacutepartir directement les beacuteneacutefices combineacutes entre les diffeacuterentes parties agrave la transaction et ne tient pas compte de la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee pour LuxOpCo Il ne peut donc ecirctre preacutesumeacute que lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

537 Il deacutecoule donc de lrsquoensemble de ce qui preacutecegravede que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave deacutemontrer dans le cadre de son premier constat subsidiaire que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo

538 Il convient donc drsquoaccueillir les moyens et arguments tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

539 Dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et en particulier au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que mecircme si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient accepteacute agrave bon droit la preacutesomption selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et mecircme si elles avaient ensuite consideacutereacute agrave bon droit que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que des fonctions de gestion courantes le choix drsquoun indicateur de beacuteneacutefice fondeacute sur les charges drsquoexploitation dans la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause nrsquoeacutetait pas approprieacute Il reacutesulte des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient pris en compte comme indicateur du niveau de beacuteneacutefice dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN les coucircts totaux de

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LuxOpCo comme cela aurait eacuteteacute fait dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacutee que celle retenue dans la DFA en cause En conseacutequence la base imposable de cette socieacuteteacute aurait eacuteteacute eacutegalement plus eacuteleveacutee

540 Agrave lrsquoappui de son deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage la Commission a rappeleacute le fait que la meacutethode avaliseacutee par la DFA en cause retenait les charges drsquoexploitation en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice alors que le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur lequel se fondait la demande de DFA aurait utiliseacute les coucircts totaux en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice Ensuite la Commission a indiqueacute que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait reconnu qursquoil y avait une incoheacuterence entre la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause et la meacutethode proposeacutee par le rapport sur les prix de transfert de 2003 Agrave cet eacutegard Amazon se serait borneacutee agrave affirmer que cette incoheacuterence nrsquoavait pas drsquoincidence sur le reacutesultat dans la mesure ougrave les coucircts drsquoexploitation repreacutesentaient la part la plus importante des coucircts totaux des entreprises comparables examineacutees dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 (consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee) En reacuteponse agrave ces arguments la Commission a exposeacute drsquoune part que le choix drsquoentreprises comparables qui avaient de faibles coucircts de marchandises alors que ces coucircts repreacutesentaient la majeure partie des coucircts de LuxOpCo aurait laquo deacutenot[eacute] raquo un mauvais choix des entreprises comparables Drsquoautre part la Commission a releveacute que plusieurs des entreprises comparables retenues pour lrsquoanalyse de comparabiliteacute auraient des coucircts importants de marchandises de matiegraveres premiegraveres et de consommables (consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee)

541 La Commission a conclu que les coucircts totaux constituant une base plus importante que les charges drsquoexploitation le revenu imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacute si les coucircts totaux avaient eacuteteacute conserveacutes ndash agrave lrsquoinstar de ce que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait ndash en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice (consideacuterant 574 de la deacutecision attaqueacutee) Pour illustrer ce constat dans le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a compareacute le beacuteneacutefice imposable de LuxOpCo en application de la DFA en cause avec le beacuteneacutefice de LuxOpCo agrave [confidentiel] des coucircts totaux et en lrsquoabsence de plafond Selon ce tableau pour les anneacutees 2006 agrave 2013 le premier srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros alors que le second srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros

542 En premier lieu il y a lieu de relever que lors de lrsquoaudience la Commission a indiqueacute que dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire tel que figurant aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee elle nrsquoaurait laquo jamais dit raquo que les coucircts totaux eacutetaient les plus adapteacutes En revanche elle aurait simplement affirmeacute que les charges drsquoexploitation nrsquoeacutetaient pas un indicateur de beacuteneacutefice approprieacute aux fins de la deacutetermination de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo Du reste la Commission nrsquoaurait fait que simplement appliquer la logique dont auraient fait preuve les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 En drsquoautres termes elle aurait appliqueacute les coucircts totaux pour deacuteterminer la reacutemuneacuteration de la pleine concurrence pour LuxOpCo pour la seule raison que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait cela

543 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil a eacuteteacute indiqueacute au point 125 ci-dessus crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne la deacutemonstration des conditions de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE En particulier la Commission doit deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de lrsquoentreprise dont elle considegravere qursquoelle serait la beacuteneacuteficiaire drsquoune aide drsquoEacutetat Cet avantage doit ecirctre un avantage reacuteel

544 Pour rappel en lrsquoespegravece la question concernant lrsquoexistence drsquoun avantage implique un examen du point de savoir si la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS telle que viseacutee dans la formule de calcul valideacutee par la DFA en cause eacutetait de pleine concurrence ou non Agrave cet eacutegard la Commission a identifieacute des erreurs dans lrsquoapplication de la MTMN proposeacutee par Amazon et valideacutee dans la DFA en cause Plus preacuteciseacutement la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

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545 Or ainsi que cela a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (voir point 123 ci-dessus) De plus ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat (voir point 125 ci-dessus)

546 Il srsquoensuit en lrsquoespegravece que la Commission eacutetait tenue de deacutemontrer que lrsquoerreur dans le choix de lrsquoindicateur identifieacutee par elle avait abouti non seulement agrave un reacutesultat diffeacuterent mais agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la DFA en cause Cela impliquait de reacutepondre agrave la question de savoir quel indicateur de niveau de beacuteneacutefice aurait eacuteteacute effectivement approprieacute

547 Compte tenu de lrsquointerpreacutetation que la Commission a donneacutee lors de lrsquoaudience des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle elle aurait utiliseacute les coucircts totaux non au motif qursquoils auraient constitueacute un indicateur du niveau de beacuteneacutefice approprieacute mais seulement aux fins de transposer la laquo logique raquo sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003 (voir point 542 ci-dessus) il y a lieu de constater que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave eacutetablir qursquoelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence ni a fortiori si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait perccedilue dans des conditions de pleine concurrence

548 Il en deacutecoule que par le deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

549 Dans un souci drsquoexhaustiviteacute et en second lieu il convient de relever que mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee la Commission avait en reacutealiteacute consideacutereacute que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur du niveau de beacuteneacutefice (par opposition agrave une simple transposition ndash deacutepourvue de toute utiliteacute ndash de la logique sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003) les consideacuterations eacutetayant le deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et la conclusion exposeacutee par la Commission au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee ne sauraient prospeacuterer

550 En effet agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler et de souligner agrave la fois que ainsi qursquoelle lrsquoa releveacute au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a fondeacute son deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage ndash et donc identifieacute que le choix des coucircts drsquoexploitation constituait une erreur meacutethodologique ndash sur la thegravese selon laquelle LuxSCS aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur alors que LuxOpCo nrsquoaurait exerceacute que des laquo fonctions de gestion courantes raquo La preacutemisse des autoriteacutes fiscales luxembourgeoises telle qursquoaccepteacutee par la Commission au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee eacutetait donc celle de dire que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que les fonctions limiteacutees drsquoune socieacuteteacute de gestion

551 Or il ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les coucircts totaux constituaient lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour reacutemuneacuterer une socieacuteteacute de gestion Du fait que lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute de gestion srsquoapparente agrave lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute qui fournit des services et dont la valeur est deacuteconnecteacutee du volume de ventes et du volume drsquoachats de matiegraveres premiegraveres en tant que tels il eacutetait envisageable selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de retenir les charges drsquoexploitation drsquoune telle entreprise pour deacutefinir lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute et non les coucircts totaux

552 En lrsquoespegravece premiegraverement lorsqursquoelle srsquoest reacutefeacutereacutee aux consideacuterants 572 et 573 de la deacutecision attaqueacutee aux coucircts totaux ndash par opposition aux coucircts drsquoexploitation ndash pour calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la Commission srsquoest en reacutealiteacute deacutepartie de la preacutemisse qursquoelle srsquoeacutetait fixeacutee elle-mecircme au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee

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553 En effet contrairement agrave lrsquoapproche mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo serait consideacutereacutee comme eacutetant une socieacuteteacute laquo ayant des fonctions de gestion raquo les appreacuteciations contenues au consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee reposent sur lrsquoideacutee que LuxOpCo serait une laquo entreprise de vente au deacutetail raquo Agrave y regarder de plus pregraves le choix de coucircts totaux a eacuteteacute preacutefeacutereacute par la Commission puisque LuxOpCo aurait eacuteteacute un deacutetaillant et non parce qursquoelle aurait eacuteteacute une laquo socieacuteteacute ayant des fonctions de gestion raquo Au regard de la preacutemisse mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc chercher agrave eacutetablir lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice drsquoune socieacuteteacute de gestion et non celui drsquoune entreprise qui deacuteployait des activiteacutes de deacutetaillant

554 Deuxiegravemement ainsi qursquoil ressort du point 551 ci-dessus selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de maniegravere geacuteneacuterale en ce qui concerne les socieacuteteacutes de gestion il nrsquoest pas certain que les coucircts totaux constituent un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute

555 Certes il ne saurait ecirctre exclu drsquoembleacutee que srsquoagissant drsquoune socieacuteteacute de gestion particuliegravere pour des raisons speacutecifiques propres agrave cette socieacuteteacute lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour cette derniegravere soit effectivement les coucircts totaux La Commission nrsquoa toutefois pas expliqueacute la raison qui aurait pu justifier le choix des coucircts totaux comme eacutetant un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute dans le cas particulier de LuxOpCo en tant que socieacuteteacute de gestion

556 Troisiegravemement srsquoil y avait lieu drsquoaccepter le choix des coucircts totaux comme eacutetant lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice le mieux adapteacute agrave la situation de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant (voir le consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee) force est de constater que la Commission nrsquoa aucunement analyseacute la probleacutematique du choix de lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute pour LuxOpCo dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute (marketplace) pour des vendeurs tiers De plus en ce qui concerne les ventes propres la Commission nrsquoa pas examineacute dans quelle mesure les coucircts totaux auraient eacuteteacute un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour lrsquoactiviteacute de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant en ligne

557 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que dans sa reacuteponse agrave une question eacutecrite du Tribunal la Commission a indiqueacute que lrsquoutilisation drsquoune marge sur les coucircts drsquoexploitation ndash et non des coucircts totaux ndash comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour des activiteacutes de distribution est permise lorsque la partie testeacutee intervient en tant qursquointermeacutediaire et ne risque pas ses fonds propres du fait notamment de lrsquoachat des biens revendus Agrave cet eacutegard la Commission srsquoest fondeacutee sur les paragraphes 2101 et 2102 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 qui ne sont toutefois pas pertinentes en lrsquoespegravece

558 Srsquoil y avait lieu drsquoaccepter qursquoune telle preacuteconisation ressortait deacutejagrave des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et eacutetait pertinente en lrsquoespegravece il y a lieu de constater que dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute du point de vue des vendeurs tiers LuxOpCo nrsquoavait que le rocircle drsquoun intermeacutediaire entre les vendeurs tiers et les consommateurs et qursquoelle nrsquoa pas risqueacute ses propres fonds en rapport avec les ventes reacutealiseacutees par les vendeurs tiers

559 Enfin srsquoil y avait lieu drsquoadmettre que la Commission eacutetait fondeacutee agrave consideacuterer que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur pour LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne compte tenu du fait que cette socieacuteteacute utilisait la technologie pour les activiteacutes de vente au deacutetail et en particulier celle relative agrave la fixation automatique des prix le choix des coucircts totaux comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour LuxOpCo aurait rendu neacutecessaire des ajustements agrave la baisse du taux agrave appliquer afin de prendre en compte les diffeacuterences mateacuterielles entre la structure de coucircts de LuxOpCo et la structure de coucircts des deacutetaillants traditionnels

560 La Commission nrsquoa quant agrave elle pas envisageacute et encore moins effectueacute de tels ajustements

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561 En second lieu selon le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la marge de [confidentiel] sur les coucircts totaux de LuxOpCo se serait eacuteleveacutee agrave un montant compris entre deux et trois milliards drsquoeuros

562 Lors de lrsquoaudience Amazon a affirmeacute sans ecirctre contredite sur ce point par la Commission que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee par la Commission serait supeacuterieure aux laquo beacuteneacutefices totaux raquo geacuteneacutereacutes dans lrsquoUnion lesquels srsquoeacutelegraveveraient selon elle agrave un montant compris entre un milliard et 15 milliard drsquoeuros La reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire eacutequivaudrait agrave deux fois la valeur de tous les beacuteneacutefices du groupe Amazon obtenus en Europe et ne serait de ce fait pas reacutealiste Il importe neacuteanmoins de relever que ainsi qursquoil ressort de lrsquoannexe C1 dans lrsquoaffaire T-31818 agrave laquelle Amazon a renvoyeacute lors de lrsquoaudience le chiffre compris entre 1 et 15 milliard drsquoeuros ne correspond pas au seul beacuteneacutefice comptable de LuxOpCo sur la peacuteriode consideacutereacutee mais au beacuteneacutefice consolideacute de LuxSCS et de LuxOpCo et fait ainsi deacuteduction des montants verseacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee

563 En tout eacutetat de cause il ressort drsquoune comparaison entre la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application drsquoun taux de [confidentiel] des coucircts totaux pour chaque anneacutee de la peacuteriode consideacutereacutee telle que figurant agrave la derniegravere ligne du tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee et le reacutesultat drsquoexploitation (beacuteneacutefice opeacuterationnel) de LuxOpCo pour les mecircmes anneacutees tel qursquoidentifieacute par la Commission agrave la huitiegraveme ligne du tableau 2 de la deacutecision attaqueacutee que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage serait supeacuterieure agrave son beacuteneacutefice drsquoexploitation pour les anneacutees 2012 et 2013 Or un tel reacutesultat srsquoeacutecarte manifestement drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

564 Il reacutesulte de ce qui preacutecegravede que lrsquoapplication du taux de [confidentiel] aux coucircts totaux de LuxOpCo sur laquelle repose le deuxiegraveme constat subsidiaire ne produit pas de reacutesultats fiables pour le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour lrsquointeacutegraliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee Il ne srsquoagit donc pas drsquoun reacutesultat correspondant agrave une reacutemuneacuteration de pleine concurrence si bien qursquoil doit ecirctre conclu que ce calcul opeacutereacute par la Commission dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire ne permet pas de deacutemontrer que LuxOpCo aurait obtenu un avantage du fait du choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

565 Par conseacutequent il y a lieu drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon qui visent agrave remettre en cause le bien-fondeacute du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

566 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le troisiegraveme constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9223 de la deacutecision attaqueacutee)

567 Pour rappel ainsi qursquoexposeacute au point 68 ci-dessus dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission a consideacutereacute en substance que lrsquoinclusion drsquoun plafond en vertu duquel la reacutemuneacuteration de LuxOpCo ne pouvait exceacuteder 055 de ses ventes annuelles dans la meacutethode de fixation des prix de transfert nrsquoeacutetait pas approprieacutee et confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo en ce qursquoelle aurait conduit agrave une diminution de son revenu imposable

568 Plus preacuteciseacutement la Commission a constateacute que au cours des exercices fiscaux de 2006 de 2007 de 2011 de 2012 et de 2013 lrsquoadministration fiscale avait accepteacute des deacuteclarations fiscales dans lesquelles le revenu imposable de LuxOpCo eacutetait deacutetermineacute par le plafond de 055 de ses ventes annuelles (consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee)

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569 La Commission a exposeacute que ni le rapport sur les prix de transfert de 2003 ni les analyses ex post ni encore les arguments exposeacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lors de la proceacutedure administrative ne justifiaient lrsquoinclusion de ce plafond (consideacuterants 576 et 577 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ajouteacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave lrsquoapplication erroneacutee de la marge aux charges drsquoexploitation et ne saurait de ce fait se situer dans un intervalle de pleine concurrence

570 Selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission a erroneacutement consideacutereacute que lrsquoinclusion du plafond confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

571 Drsquoune part ils font valoir que lrsquoinclusion du plafond aurait pour objectif de contraindre LuxOpCo agrave fonctionner de maniegravere efficace et agrave reacuteduire ses coucircts Drsquoautre part ils soulignent que en tout eacutetat de cause lrsquoapplication du plafond nrsquoa jamais pousseacute la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en dehors de lrsquointervalle de pleine concurrence ainsi que le deacutemontrerait le rapport sur les prix transfert de 2017

572 La Commission conteste ces arguments

573 Elle fait valoir agrave cet eacutegard que le meacutecanisme de plancher et de plafond nrsquoest pas preacutevu par les lignes directrices de lrsquoOCDE et ne trouve aucune justification du point de vue des prix de transfert En outre elle ajoute que contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapplication drsquoun tel meacutecanisme nrsquoest pas justifieacutee par lrsquoobjectif de garantir une reacutemuneacuteration faible et stable agrave LuxOpCo dans la mesure ougrave lrsquoobjectif mecircme de la MTMN est preacuteciseacutement de garantir une telle reacutemuneacuteration agrave la partie agrave laquelle elle est appliqueacutee

574 Avant toute chose il importe de constater que ainsi que lrsquoa drsquoailleurs confirmeacute la Commission dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal le troisiegraveme constat subsidiaire est indeacutependant et autonome par rapport au deuxiegraveme constat subsidiaire En effet comme cela ressort de la derniegravere phrase du consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee dans le cadre de ce troisiegraveme constat la Commission part de la preacutemisse que les coucircts drsquoexploitation pouvaient ecirctre utiliseacutes en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice

575 Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute agrave juste titre dans la deacutecision attaqueacutee et dans ses eacutecritures le meacutecanisme du plancher et de plafond ne trouve aucune justification ou rationaliteacute eacuteconomique Il est difficilement concevable que dans des conditions de marcheacute une entreprise accepte que sa reacutemuneacuteration soit plafonneacutee agrave un pourcentage de ses ventes annuelles En outre la MTMN permet de garantir une reacutemuneacuteration faible mais stable sans qursquoun meacutecanisme de plancher et de plafond soit neacutecessaire Un tel meacutecanisme nrsquoest pas non plus preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet la MTMN implique seulement drsquoidentifier un indicateur de beacuteneacutefice et un taux de marge

576 La Commission a donc correctement consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun tel plafond constituait une erreur meacutethodologique

577 Neacuteanmoins ce seul constat ne suffit pas agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

578 En effet force est de constater que pour chaque anneacutee drsquoapplication de la DFA en cause mecircme apregraves application du meacutecanisme de plafond la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est resteacutee dans lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute sur la base du rapport sur les prix de transfert de 2003 soit entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation La Commission ne conteste drsquoailleurs pas ce constat

579 Or ainsi que la Commission lrsquoa drsquoailleurs elle-mecircme expliqueacute lors de lrsquoaudience degraves lors que la reacutemuneacuteration se situe dans lrsquointervalle interquartile elle doit en principe ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant de pleine concurrence

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580 Certes la Commission a preacuteciseacute qursquoune telle conclusion ne pouvait ecirctre opeacutereacutee lorsque les entreprises comparables sur la base desquelles cet intervalle avait eacuteteacute calculeacute nrsquoavaient pas eacuteteacute correctement seacutelectionneacutees

581 Toutefois dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas remis en cause lrsquointervalle de pleine concurrence ni le choix des entreprises comparables sur la base duquel a eacuteteacute calculeacute cet intervalle

582 En effet au consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a reprocheacute aux autoriteacutes luxembourgeoises drsquoavoir accepteacute que le revenu imposable de LuxOpCo soit deacutetermineacute par lrsquoapplication du plafond laquo au lieu de srsquoeacutetablir agrave [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation raquo Force est donc de constater que dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission ne remet pas en cause le taux de rendement sur le fondement duquel celui-ci est appliqueacute mais seulement le plafond en tant que tel

583 De plus drsquoune part il ne ressort pas des consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission ait contesteacute lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 lequel se situe entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation En effet si la Commission a releveacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont fait valoir lors de la proceacutedure administrative que le revenu imposable de LuxOpCo nrsquoeacutetait jamais sorti de lrsquointervalle de pleine concurrence elle nrsquoa pas contesteacute lrsquointervalle en tant que tel mais srsquoest borneacutee agrave affirmer que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave celle identifieacutee dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi que constateacute au point 574 ci-dessus le deuxiegraveme et le troisiegraveme constat subsidiaire sont autonomes et indeacutependants

584 Drsquoautre part dans les consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas non plus remis en cause le choix des entreprises comparables utiliseacutees dans le calcul de lrsquointervalle de pleine concurrence Le consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee dans lequel la Commission a eacutevoqueacute une erreur dans le choix des entreprises comparables relegraveve du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi qursquoexposeacute au point 574 ci-dessus le troisiegraveme constat subsidiaire eacutetait autonome et indeacutependant des autres constats

585 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de retenir que aussi inapproprieacute que le meacutecanisme de plafond puisse ecirctre et bien qursquoil ne soit pas preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que ce meacutecanisme avait eu une incidence sur le caractegravere de pleine concurrence de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS

586 En conseacutequence le seul constat selon lequel le plafond a eacuteteacute appliqueacute pour les anneacutees 2006 2007 2011 2012 et 2013 ne suffit pas agrave eacutetablir que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue pour ces anneacutees ne correspondait pas agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

587 De fait la Commission a releveacute tout au plus une erreur meacutethodologique dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo sans ecirctre parvenue agrave deacutemontrer que cette erreur avait eu pour incidence de diminuer artificiellement la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans des proportions telles que ce niveau de reacutemuneacuteration nrsquoaurait pu ecirctre observeacute dans des conditions de marcheacute

588 Dans ces circonstances il convient de constater que par le troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo

589 Partant il convient drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le troisiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

590 Il deacutecoule donc de tout ce qui preacutecegravede que par aucun des constats exposeacutes dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoest parvenue agrave deacutemontrer agrave suffisance de droit lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Degraves lors il y a lieu drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee dans son ensemble sans qursquoil soit besoin drsquoexaminer les autres moyens et arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et par Amazon

Sur les deacutepens

591 Aux termes de lrsquoarticle 134 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure toute partie qui succombe est condamneacutee aux deacutepens srsquoil est conclu en ce sens La Commission ayant succombeacute il convient de la condamner agrave supporter ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon conformeacutement aux conclusions de ces derniers

592 Conformeacutement agrave lrsquoarticle 138 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure lrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

deacuteclare et arrecircte

1) Les affaires T-81617 et T-31818 sont jointes aux fins du preacutesent arrecirct

2) La deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon est annuleacutee

3) La Commission europeacuteenne supportera ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoAmazoncom Inc et drsquoAmazon EU Sagraverl

4) LrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Van der Woude Tomljenović Marcoulli

Ainsi prononceacute en audience publique agrave Luxembourg le 12 mai 2021

Le greffier Le preacutesident E Coulon M van der Woude

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

Table des matiegraveres

I Anteacuteceacutedents du litige 2

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause 3

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission 4

C Sur la deacutecision attaqueacutee 5

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique 5

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon 5

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause 6

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable 7

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert 8

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause 8

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage 9

1) Sur le constat principal de lrsquoavantage 10

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage 11

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure 12

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide 12

II Proceacutedure et conclusions des parties 12

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617 12

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 12

2 Sur lrsquointervention 13

3 Sur les demandes de traitement confidentiel 13

4 Sur les conclusions des parties 13

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818 14

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 14

2 Sur les demandes de traitement confidentiel 14

3 Sur les conclusions des parties 14

C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure 15

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

III En droit 15

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance 15

B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes 16

1 Observations preacuteliminaires 17

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales 17

b) Sur la charge de la preuve 19

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal 19

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage 20

a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage 21

b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage 22

1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN 23

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee 24

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester 25

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS 27

ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS 36

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester 37

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester 39

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC) 39

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien) 43

3) Conclusion sur le constat principal 45

3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage 46

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires 47

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 48

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo 49

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 51

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee) 53

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) 54

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie 56

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) 61

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 62

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 64

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee) 65

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee) 66

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 67

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse

attaqueacutee) 68

attaqueacutee 68

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo 70

2) Sur le choix de la meacutethode 71

des contributions) 73

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 77

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 81

Sur les deacutepens 84

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  • Arrecirct du Tribunal (septiegraveme chambre eacutelargie)
    • Arrecirct
    • I Anteacuteceacutedents du litige
      • A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause
      • B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission
      • C Sur la deacutecision attaqueacutee
        • 1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique
          • a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon
          • b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause
          • c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable
          • d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert
            • 2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause
              • a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage
                • 1) Sur le constat principal de lrsquoavantage
                • 2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage
                  • b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure
                  • c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide
                    • II Proceacutedure et conclusions des parties
                      • A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑81617
                        • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                        • 2 Sur lrsquointervention
                        • 3 Sur les demandes de traitement confidentiel
                        • 4 Sur les conclusions des parties
                          • B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑31818
                            • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                            • 2 Sur les demandes de traitement confidentiel
                            • 3 Sur les conclusions des parties
                              • C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure
                                • III En droit
                                  • A Sur la jonction des affaires T‑81617 et T‑31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance
                                  • B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes
                                    • 1 Observations preacuteliminaires
                                      • a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales
                                      • b) Sur la charge de la preuve
                                      • c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal
                                        • 2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage
                                          • a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage
                                          • b) Sur le bien‑fondeacute des moyens et arguments du Grand‑Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage
                                            • 1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN
                                            • 2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee
                                              • i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester
                                                • ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS
                                                • ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS
                                                • ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester
                                                  • ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester
                                                    • ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)
                                                    • ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)
                                                        • 3) Conclusion sur le constat principal
                                                            • 3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                              • a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires
                                                              • b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                • 1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo
                                                                  • i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie
                                                                    • ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                      • ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                        • ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                          • v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo
                                                                            • 2) Sur le choix de la meacutethode
                                                                            • 3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)
                                                                              • c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                              • d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                                • Sur les deacutepens

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LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

composeacute de M M van der Woude preacutesident Mmes V Tomljenović (rapporteure) et A Marcoulli juges

greffier Mme S Spyropoulos administratrice

vu la phase eacutecrite de la proceacutedure et agrave la suite de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020

rend le preacutesent

Arrecirct

I Anteacuteceacutedents du litige

1 Amazoncom Inc dont le siegravege social est eacutetabli aux Eacutetats-Unis et les entreprises qui sont placeacutees sous son controcircle (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble le laquo groupe Amazon raquo) exercent des activiteacutes en ligne et notamment des opeacuterations de vente au deacutetail en ligne et de fourniture de divers services en ligne Agrave cette fin le groupe Amazon gegravere plusieurs sites Internet en diffeacuterentes langues de lrsquoUnion europeacuteenne parmi lesquels amazonde amazonfr amazonit et amazones

2 Avant mai 2006 les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon eacutetaient geacutereacutees agrave partir des Eacutetats-Unis En particulier les activiteacutes de vente au deacutetail et de services sur les sites Internet europeacuteens eacutetaient exploiteacutees par deux entiteacutes eacutetablies aux Eacutetats-Unis agrave savoir Amazoncom International Sales Inc (ci-apregraves laquo AIS raquo) et Amazon International Marketplace (ci-apregraves laquo AIM raquo) ainsi que par drsquoautres eacutetablies en France en Allemagne et au Royaume-Uni

3 En 2003 une restructuration des activiteacutes du groupe Amazon en Europe a eacuteteacute planifieacutee Cette restructuration qui a effectivement eacuteteacute mise en œuvre en 2006 (ci-apregraves la laquo restructuration de 2006 raquo) eacutetait articuleacutee autour de la creacuteation de deux socieacuteteacutes eacutetablies agrave Luxembourg (Luxembourg) Plus preacuteciseacutement il srsquoagissait drsquoune part drsquoAmazon Europe Holding Technologies SCS (ci-apregraves laquo LuxSCS raquo) une socieacuteteacute en commandite simple luxembourgeoise dont les associeacutes eacutetaient des entreprises ameacutericaines et drsquoautre part drsquoAmazon EU Sagraverl (ci-apregraves laquo LuxOpCo raquo) qui comme LuxSCS avait son siegravege social agrave Luxembourg

4 LuxSCS a dans un premier temps conclu plusieurs accords avec certaines entiteacutes du groupe Amazon eacutetablies aux Eacutetats-Unis agrave savoir

ndash des accords de licence et de cession pour les droits de proprieacuteteacute intellectuelle preacuteexistants (License and Assignment Agreements For Preexisting Intellectual Property ci-apregraves deacutenommeacutes ensemble lrsquolaquo accord drsquoentreacutee raquo) avec Amazon Technologies Inc (ci-apregraves laquo ATI raquo) entiteacute du groupe Amazon eacutetablie aux Eacutetats-Unis

ndash un accord de reacutepartition des coucircts (ci-apregraves lrsquolaquo ARC raquo) conclu en 2005 avec ATI et A 9com Inc (ci-apregraves laquo A 9 raquo) une entiteacute du groupe Amazon eacutetablie aux Eacutetats-Unis En vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC LuxSCS a obtenu le droit drsquoexploiter certains droits de proprieacuteteacute intellectuelle et les laquo travaux deacuteriveacutes raquo de ceux-ci qui eacutetaient deacutetenus et mis au point par A 9 et ATI Les actifs incorporels viseacutes par lrsquoARC comportaient essentiellement trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle agrave savoir la technologie les donneacutees clients et les marques En vertu de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS pouvait eacutegalement conceacuteder les actifs incorporels en

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sous-licence notamment dans le but drsquoexploiter les sites Internet europeacuteens En contrepartie de ces droits LuxSCS devait verser des paiements drsquoentreacutee et sa quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

5 Dans un deuxiegraveme temps LuxSCS a conclu avec LuxOpCo un accord de licence qui a pris effet le 30 avril 2006 portant sur les actifs incorporels susmentionneacutes (ci-apregraves lrsquolaquo accord de licence raquo) En vertu de celui-ci LuxOpCo a obtenu le droit drsquoutiliser les actifs incorporels en eacutechange du paiement drsquoune redevance agrave LuxSCS (ci-apregraves la laquo redevance raquo)

6 Enfin LuxSCS a conclu un accord de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle avec Amazoncouk Ltd Amazonfr SARL et Amazonde GmbH en vertu duquel LuxSCS a reccedilu certaines marques et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens

7 En 2014 le groupe Amazon a fait lrsquoobjet drsquoune deuxiegraveme restructuration et lrsquoarrangement contractuel existant entre LuxSCS et LuxOpCo nrsquoa plus eacuteteacute drsquoapplication

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause

8 En preacuteparation de la restructuration de 2006 Amazoncom et un conseiller fiscal ont par lettres des 23 et 31 octobre 2003 demandeacute agrave lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise lrsquoadoption drsquoune deacutecision fiscale anticipative confirmant le traitement reacuteserveacute agrave LuxOpCo et agrave LuxSCS aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes

9 Par sa lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom a demandeacute que soit approuveacute le calcul du taux de la redevance que LuxOpCo eacutetait censeacutee verser agrave LuxSCS agrave partir du 30 avril 2006 Cette demande drsquoAmazoncom srsquoappuyait sur un rapport de prix de transfert preacutepareacute par ses conseillers fiscaux (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2003 raquo) Les auteurs de ce rapport proposaient en substance une meacutethode de fixation des prix de transfert qui selon eux permettait de deacuteterminer la dette de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes dont LuxOpCo devait srsquoacquitter au Luxembourg Plus particuliegraverement par la lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom avait demandeacute confirmation sur le fait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle due par LuxOpCo agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence telle que cette meacutethode ressortait du rapport sur les prix de transfert de 2003 procurait agrave LuxOpCo un laquo beacuteneacutefice approprieacute et acceptable raquo au regard de la politique en matiegravere de prix de transfert et de lrsquoarticle 56 et de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la loi du 4 deacutecembre 1967 concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee (ci-apregraves la laquo LIR raquo) La meacutethode de calcul de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 eacutetait deacutecrite comme suit

laquo 1) calculer et attribuer agrave LuxOpCo le laquo rendement de LuxOpCo raquo drsquoun montant eacutegal au montant le plus faible entre a) [confidentiel] 1 du total des charges drsquoexploitation supporteacutees par LuxOpCo pour lrsquoUnion europeacuteenne au cours de lrsquoanneacutee consideacutereacutee et b) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne attribuable aux sites web europeacuteens au cours de cette mecircme anneacutee

2) la redevance de licence est eacutegale au reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne moins le rendement de LuxOpCo sans pouvoir ecirctre infeacuterieure agrave zeacutero

3) le taux de redevance pour lrsquoanneacutee est eacutegal agrave la redevance de licence diviseacutee par le chiffre drsquoaffaires total reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne pour lrsquoanneacutee

4) nonobstant ce qui preacutecegravede le montant du rendement de LuxOpCo nrsquoest quelle que soit lrsquoanneacutee pas infeacuterieur agrave 045 ni supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

1 Donneacutees confidentielles occulteacutees

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5 a) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est infeacuterieur agrave 045 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 045 du chiffre drsquoaffaires ou du reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

b) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne raquo

10 Par la lettre du 31 octobre 2003 reacutedigeacutee par un autre conseiller fiscal Amazoncom a demandeacute confirmation du traitement fiscal reacuteserveacute agrave LuxSCS agrave ses associeacutes eacutetablis aux Eacutetats-Unis et aux dividendes perccedilus par LuxOpCo dans le cadre de cette structure Il eacutetait expliqueacute dans la lettre que LuxSCS en tant que socieacuteteacute en commandite simple nrsquoavait pas une personnaliteacute fiscale distincte de celle de ses associeacutes et que en conseacutequence elle nrsquoeacutetait assujettie ni agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ni agrave lrsquoimpocirct sur la fortune au Luxembourg

11 Le 6 novembre 2003 lrsquoAdministration des contributions directes du Grand-Ducheacute de Luxembourg (ci-apregraves lrsquolaquo administration fiscale luxembourgeoise raquo ou les laquo autoriteacutes fiscales luxembourgeoises raquo) a adresseacute agrave Amazoncom une lettre (ci-apregraves la laquo DFA en cause raquo) qui se lit pour partie comme suit

laquo [hellip] Monsieur

Apregraves avoir pris connaissance de la lettre du 31 octobre 2003 que [votre conseiller fiscal] mrsquoa adresseacutee ainsi que de votre lettre du 23 octobre 2003 exposant votre position agrave lrsquoeacutegard du traitement fiscal au Luxembourg dans la perspective de vos futures activiteacutes jrsquoai le plaisir de vous informer que je peux approuver le contenu des deux lettres [hellip] raquo

12 Agrave la demande drsquoAmazoncom lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise a prorogeacute la validiteacute de la DFA en cause en 2010 et lrsquoa effectivement appliqueacutee jusqursquoen juin 2014 lorsque la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute modifieacutee Ainsi la DFA en cause a eacuteteacute appliqueacutee de 2006 agrave 2014 (ci-apregraves la laquo peacuteriode consideacutereacutee raquo)

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission

13 Le 24 juin 2014 la Commission europeacuteenne a demandeacute au Grand-Ducheacute de Luxembourg de lui fournir des informations sur les deacutecisions fiscales anticipatives accordeacutees au groupe Amazon Le 7 octobre 2014 elle a publieacute la deacutecision drsquoouverture drsquoune proceacutedure formelle drsquoexamen au sens de lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE

14 Dans le cadre de lrsquoenquecircte ainsi entameacutee la Commission a demandeacute divers renseignements au Grand-Ducheacute de Luxembourg et agrave Amazoncom Parmi les reacuteponses aux demandes de renseignements Amazoncom a preacutesenteacute une copie drsquoun avis de la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) du 23 mars 2017 (ci-apregraves lrsquolaquo avis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis raquo) qui avait eacuteteacute rendu dans le cadre drsquoun recours formeacute par lrsquoInternal Revenue Service (agence de collecte fiscale du gouvernement feacutedeacuteral Eacutetats-Unis IRS) au sujet du montant des paiements lieacutes aux accords mentionneacutes au point 4 ci-dessus

15 De plus Amazoncom a preacutesenteacute agrave la Commission un nouveau rapport sur les prix de transfert reacutedigeacute par un conseiller fiscal dont lrsquoobjectif eacutetait de veacuterifier a posteriori si la redevance verseacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS conformeacutement agrave la DFA en cause eacutetait conforme au principe de pleine concurrence (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2017 raquo)

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C Sur la deacutecision attaqueacutee

16 Le 4 octobre 2017 la Commission a adopteacute la deacutecision (UE) 2018859 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1 ci-apregraves la laquo deacutecision attaqueacutee raquo)

17 Lrsquoarticle 1er de cette deacutecision se lit en partie comme suit

18 laquo La [DFA en cause] par laquelle le Grand-Ducheacute de Luxembourg a avaliseacute une meacutethode de fixation des prix de transfert [hellip] permettant agrave [LuxOpCo] de deacuteterminer sa dette drsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes au Luxembourg de 2006 agrave 2014 drsquoune part et lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes fondeacutee sur ladite deacutecision drsquoautre part constituent une aide drsquoEacutetat [hellip] raquo

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique

19 Dans la section 2 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Contexte factuel et juridique raquo la Commission a opeacutereacute notamment une preacutesentation du groupe Amazon de la DFA en cause ainsi que du cadre juridique national applicable et des orientations sur les prix de transfert

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon

20 Srsquoagissant de la preacutesentation du groupe Amazon la Commission a deacutecrit les activiteacutes du groupe Amazon de vente au deacutetail et de services ainsi que la composition dudit groupe dans la mesure ougrave cela eacutetait pertinent pour la deacutecision attaqueacutee

21 Pour la peacuteriode consideacutereacutee la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute scheacutematiseacutee par la Commission comme suit

22 Premiegraverement srsquoagissant de LuxSCS la Commission a releveacute que cette socieacuteteacute nrsquoavait aucune preacutesence physique ni aucun salarieacute au Luxembourg Selon la Commission au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxSCS intervenait uniquement en tant que socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe dont LuxOpCo eacutetait responsable en qualiteacute drsquoopeacuterateur principal Elle a indiqueacute toutefois que LuxSCS avait consenti eacutegalement des precircts intragroupes agrave plusieurs entiteacutes du groupe Amazon La Commission a preacuteciseacute en outre que LuxSCS eacutetait partie agrave plusieurs accords intragroupe conclus avec ATI A 9 et LuxOpCo (voir points 3 et 5 ci-dessus)

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23 Deuxiegravemement srsquoagissant de LuxOpCo la Commission a mis un accent particulier sur le fait que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo eacutetait une filiale agrave part entiegravere de LuxSCS

24 Selon la Commission agrave compter de la restructuration de 2006 des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon LuxOpCo remplissait les fonctions de siegravege social du groupe Amazon en Europe et eacutetait lrsquoopeacuterateur principal des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne et de services du groupe Amazon en Europe reacutealiseacutees par le canal des sites Internet europeacuteens La Commission a indiqueacute que en cette qualiteacute LuxOpCo avait ducirc geacuterer la prise de deacutecisions relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services meneacutees par lrsquointermeacutediaire des sites Internet europeacuteens ainsi que les principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail En outre en sa qualiteacute de vendeur officiel des stocks du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait eacuteteacute eacutegalement responsable de la gestion des stocks sur les sites Internet europeacuteens Elle aurait eacuteteacute proprieacutetaire desdits stocks et en aurait assumeacute les risques et les pertes La Commission a preacuteciseacute par ailleurs que LuxOpCo avait enregistreacute dans ses comptes le chiffre drsquoaffaires geacuteneacutereacute aussi bien par les ventes de produits que par le traitement de commandes Enfin LuxOpCo aurait eacutegalement exerceacute des fonctions de gestion de la treacutesorerie des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

25 Ensuite la Commission a indiqueacute que LuxOpCo avait deacutetenu des participations dans Amazon Services Europe (ci-apregraves laquo ASE raquo) et Amazon Media Europe (ci-apregraves laquo AMEU raquo) deux entiteacutes du groupe Amazon reacutesidentes au Luxembourg ainsi que dans les filiales drsquoAmazoncom constitueacutees au Royaume-Uni en France et en Allemagne (ci-apregraves les laquo socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes raquo) qui auraient fourni divers services intragroupe agrave lrsquoappui des activiteacutes de LuxOpCo Durant la peacuteriode consideacutereacutee ASE aurait geacutereacute le service du groupe Amazon pour les vendeurs tiers dans lrsquoUnion deacutenommeacute laquo MarketPlace raquo AMEU aurait geacutereacute quant agrave elle les laquo activiteacutes numeacuteriques raquo du groupe Amazon dans lrsquoUnion telles que par exemple la vente de MP3 et de livres numeacuteriques Les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient fourni quant agrave elles des services pour lrsquoexploitation des sites Internet europeacuteens

26 De plus la Commission a releveacute que pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo constituait avec ASE et AMEU lesquelles eacutetaient reacutesidentes au Luxembourg un groupe fiscal au regard du droit fiscal luxembourgeois au sein duquel LuxOpCo jouait le rocircle de socieacuteteacute inteacutegrante Ces trois entiteacutes auraient donc constitueacute un seul et mecircme contribuable

27 Enfin outre lrsquoaccord de licence conclu par LuxOpCo avec LuxSCS la Commission a deacutecrit de maniegravere deacutetailleacutee certains autres accords intragroupe auxquels LuxOpCo eacutetait partie pendant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir certains accords de prestation de services conclus le 1er mai 2006 avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et des accords de licence sur la proprieacuteteacute intellectuelle conclus le 30 avril 2006 avec ASE et AMEU en vertu desquels des sous-licences non exclusives sur les actifs incorporels auraient eacuteteacute accordeacutees agrave ces deux entiteacutes

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause

28 Apregraves avoir examineacute la structure du groupe Amazon la Commission a deacutecrit la DFA en cause

29 Agrave cet eacutegard premiegraverement elle a fait eacutetat des lettres des 23 et 31 octobre 2003 mentionneacutees aux points 8 agrave 10 ci-dessus

30 Deuxiegravemement la Commission a expliqueacute le contenu du rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base duquel a eacuteteacute proposeacutee la meacutethode de deacutetermination du montant de la redevance

31 Tout drsquoabord la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 fournissait une analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo aux termes de laquelle il eacutetait indiqueacute que les activiteacutes principales de LuxSCS se seraient limiteacutees agrave celles drsquoune socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels et drsquoun participant au deacuteveloppement constant des actifs incorporels dans le cadre de lrsquoARC LuxOpCo aurait

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eacuteteacute deacutecrite dans ce rapport comme geacuterant la prise de deacutecisions strateacutegiques relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services des sites Internet europeacuteens ainsi que des principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail

32 Ensuite la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 comportait une section relative agrave la seacutelection de la meacutethode de fixation des prix de transfert la plus approprieacutee pour deacuteterminer la conformiteacute du taux de redevance avec le principe de pleine concurrence Deux meacutethodes auraient eacuteteacute examineacutees dans le rapport lrsquoune fondeacutee sur la meacutethode du prix comparable sur le marcheacute libre (ci-apregraves la laquo meacutethode CUP raquo) et lrsquoautre sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels

33 Drsquoune part en application de la meacutethode CUP un intervalle de pleine concurrence pour le taux de redevance de 106 agrave 136 aurait eacuteteacute calculeacute dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base drsquoune comparaison avec un certain accord conclu par Amazoncom avec un deacutetaillant des Eacutetats-Unis agrave savoir lrsquoaccord [confidentiel]

34 Drsquoautre part en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels le rapport sur le prix de transfert de 2003 aurait contenu une estimation du rendement associeacute aux laquo fonctions courantes de LuxOpCo dans son rocircle de socieacuteteacute drsquoexploitation europeacuteenne raquo sur la base de la marge sur les coucircts supporteacutes par LuxOpCo Pour ce faire il aurait eacuteteacute consideacutereacute que la laquo marge nette sur coucircts raquo (net cost plus mark up) aurait eacuteteacute lrsquoindicateur de beacuteneacutefice permettant de deacuteterminer la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions preacutevues de LuxOpCo Il aurait eacuteteacute proposeacute drsquoappliquer une marge de [confidentiel] sur les charges drsquoexploitation corrigeacutees de LuxOpCo La Commission a fait observer que selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 la diffeacuterence entre ce rendement et le reacutesultat drsquoexploitation de LuxOpCo aurait correspondu au beacuteneacutefice reacutesiduel qui aurait eacuteteacute entiegraverement imputable agrave lrsquoutilisation des actifs incorporels donneacutes en licence par LuxSCS La Commission a eacutegalement preacuteciseacute que sur la base de ce calcul les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient conclu qursquoun taux de redevance compris entre 101 et 123 du chiffre drsquoaffaires net de LuxOpCo aurait satisfait au critegravere de pleine concurrence conformeacutement aux lignes directrices de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE)

35 Enfin la Commission a indiqueacute que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient consideacutereacute que les reacutesultats eacutetaient convergents et avaient mentionneacute le fait que lrsquointervalle de pleine concurrence pour le taux de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS allait de 101 agrave 123 des ventes de LuxOpCo Les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient toutefois consideacutereacute que lrsquoanalyse du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels aurait eacuteteacute davantage fiable et qursquoil convenait donc de la retenir

36 Troisiegravemement dans une section 225 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Conseacutequences de la DFA en cause raquo la Commission a indiqueacute que par la DFA en cause lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise avait confirmeacute que la meacutethode de deacutetermination du taux de la redevance qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Elle a ajouteacute que pour remplir ses deacuteclarations fiscales annuelles LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable

37 Srsquoagissant du cadre juridique national applicable la Commission a citeacute lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Selon cette disposition laquo les distributions cacheacutees de beacuteneacutefices [eacutetaie]nt agrave comprendre dans le revenu imposable raquo et laquo il y a[vait] distribution cacheacutee de beacuteneacutefices notamment si un associeacute socieacutetaire ou inteacuteresseacute re[cevai]t directement ou indirectement des avantages drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune association dont normalement il nrsquoaurait pas beacuteneacuteficieacute srsquoil nrsquoavait pas eu cette qualiteacute raquo Dans ce

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contexte la Commission a exposeacute notamment que pendant la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR aurait eacuteteacute interpreacuteteacute par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise en ce sens qursquoil consacrait le laquo principe de pleine concurrence raquo en droit fiscal luxembourgeois

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert

38 Aux consideacuterants 244 agrave 249 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacutesenteacute le cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert Selon elle les laquo prix de transfert raquo tels que compris par lrsquoOCDE dans des lignes directrices publieacutees par cette organisation en 1995 en 2010 et en 2017 sont les prix auxquels une entreprise transfegravere des biens corporels actifs incorporels ou rend des services agrave des entreprises associeacutees En vertu du principe de pleine concurrence tel qursquoappliqueacute aux fins de lrsquoimposition des socieacuteteacutes les administrations fiscales nationales ne devraient accepter les prix de transfert convenus entre les entreprises associeacutees au sein drsquoun groupe pour leurs transactions intragroupe que srsquoils correspondent agrave ce qui aurait eacuteteacute convenu dans le cadre de transactions sur le marcheacute libre crsquoest-agrave-dire des transactions entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des circonstances comparables sur le marcheacute En outre la Commission a preacuteciseacute que le principe de pleine concurrence reposait sur lrsquoapproche de lrsquoentiteacute distincte selon laquelle agrave des fins fiscales les membres drsquoun groupe drsquoentreprises eacutetaient traiteacutes comme des entiteacutes distinctes

39 La Commission a eacutegalement releveacute que pour eacutetablir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe les lignes directrices de lrsquoOCDE (dans leurs versions de 1995 de 2010 et de 2017) eacutenumeacuteraient cinq meacutethodes Seules trois drsquoentre elles auraient eacuteteacute pertinentes dans le cadre de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la meacutethode CUP la meacutethode transactionnelle de la marge nette (ci-apregraves la laquo MTMN raquo) et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Aux consideacuterants 250 agrave 256 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a deacutecrit en quoi ces meacutethodes consistaient

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause

40 Au consideacuterant 154 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que la DFA en cause confirmait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle que LuxOpCo devait verser agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Au consideacuterant 155 de la deacutecision attaqueacutee elle a eacutegalement indiqueacute que LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause au cours de la peacuteriode consideacutereacutee afin de deacuteterminer le montant annuel ducirc au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes lorsqursquoelle avait rempli ses deacuteclarations fiscales annuelles au Luxembourg Ainsi qursquoil reacutesulte de maniegravere explicite de lrsquoarticle 1er

de la deacutecision attaqueacutee et malgreacute une certaine impreacutecision figurant aux consideacuterants 605 et 606 de cette deacutecision selon la Commission lrsquoaide drsquoEacutetat consistait donc en lrsquoespegravece dans la DFA en cause lue en lien avec lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo (par opposition agrave la DFA en cause en tant que telle)

41 La section 9 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Appreacuteciation de la mesure contesteacutee raquo eacutetait destineacutee agrave deacutemontrer que la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo prises ensemble constituaient effectivement une aide drsquoEacutetat

42 Pour ce faire apregraves avoir rappeleacute les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat preacutevues agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a releveacute que la premiegravere condition de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat selon laquelle il devait srsquoagir drsquoune intervention de lrsquoEacutetat ou de ressources drsquoEacutetat eacutetait remplie en lrsquoespegravece Agrave cet eacutegard elle a releveacute drsquoune part que la DFA en cause eacutetait imputable au Grand-Ducheacute de Luxembourg Drsquoautre part elle a consideacutereacute que la DFA en cause aurait entraicircneacute une reacuteduction de lrsquoimpocirct ducirc par LuxOpCo au Luxembourg par rapport agrave ce que devaient payer des

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socieacuteteacutes contribuables se trouvant dans une situation similaire La DFA en cause aurait donneacute donc lieu agrave une perte de ressources drsquoEacutetat degraves lors qursquoelle avait ameneacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave renoncer agrave une recette fiscale qursquoil aurait autrement eacuteteacute en droit de percevoir aupregraves de LuxOpCo

43 Srsquoagissant des deuxiegraveme et quatriegraveme conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a estimeacute drsquoune part que la DFA en cause devait ecirctre consideacutereacutee comme affectant les eacutechanges au sein de lrsquoUnion degraves lors que LuxOpCo avait fait partie du groupe Amazon exerccedilant ses activiteacutes dans plusieurs Eacutetats membres et qursquoelle exploitait des activiteacutes de vente au deacutetail par le canal des sites Internet de lrsquoUnion La Commission a ajouteacute que en accordant un laquo traitement fiscal favorable agrave Amazon raquo le Grand-Ducheacute de Luxembourg avait potentiellement deacutetourneacute des investissements drsquoEacutetats membres qui nrsquooffraient pas un traitement fiscal aussi favorable agrave des socieacuteteacutes appartenant agrave un groupe multinational Drsquoautre part la Commission a indiqueacute que dans la mesure ougrave la DFA en cause avait exoneacutereacute LuxOpCo de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle aurait normalement eacuteteacute tenue de payer cette deacutecision constituait une aide au fonctionnement Ainsi la DFA en cause en libeacuterant des ressources financiegraveres pour LuxOpCo que cette derniegravere aurait pu utiliser pour investir dans ses activiteacutes commerciales aurait fausseacute la concurrence sur le marcheacute

44 Srsquoagissant de la troisiegraveme condition drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a exposeacute que lorsqursquoune DFA avalisait un reacutesultat qui ne refleacutetait pas de maniegravere fiable le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en appliquant normalement le reacutegime de droit commun sans justification une telle deacutecision procurait un avantage seacutelectif agrave son destinataire dans la mesure ougrave ce traitement seacutelectif entraicircnait une diminution de lrsquoimpocirct ducirc par le contribuable par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire La Commission a eacutegalement consideacutereacute que en lrsquoespegravece la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage seacutelectif agrave LuxOpCo en reacuteduisant lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle devait payer au Luxembourg

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage

45 Dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Avantage raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la DFA en cause confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

46 Agrave titre liminaire la Commission a rappeleacute que srsquoagissant de mesures fiscales un avantage au sens de lrsquoarticle 107 TFUE pouvait ecirctre procureacute agrave un contribuable du fait drsquoune reacuteduction de sa base imposable ou du montant de lrsquoimpocirct ducirc par celui-ci Elle a rappeleacute au consideacuterant 402 de la deacutecision attaqueacutee que selon la jurisprudence de la Cour pour examiner si la deacutetermination de revenus imposables procurait un avantage au beacuteneacuteficiaire il y avait lieu de comparer ledit reacutegime agrave celui de droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence En conseacutequence selon la Commission une laquo [deacutecision fiscale anticipative] permettant agrave un contribuable drsquoutiliser dans des transactions intragroupe des prix de transfert qui ne refl[eacutetai]ent pas les prix [qui auraient eacuteteacute] pratiqueacutes dans des conditions de libre concurrence entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des conditions comparables selon le principe de pleine concurrence procur[ait] un avantage agrave ce contribuable en ce qursquoelle deacutebouch[ait] sur une reacuteduction de ses revenus imposables et partant de sa base imposable dans le cadre du systegraveme commun de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes raquo

47 Au regard de ces appreacuteciations la Commission a conclu au consideacuterant 406 de la deacutecision attaqueacutee que pour eacutetablir que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo elle devait deacutemontrer que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause produisait un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute ce qui avait eu pour effet de reacuteduire la base imposable de LuxOpCo aux fins du calcul de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes Selon la Commission la DFA en cause avait produit un tel reacutesultat

48 Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires

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1) Sur le constat principal de lrsquoavantage

49 Dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Premier constat de lrsquoexistence de lrsquoavantage eacuteconomique raquo la Commission a estimeacute que en approuvant une meacutethode de fixation des prix de transfert qui attribuait une reacutemuneacuteration agrave LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites laquo courantes raquo et qui attribuait la totaliteacute du beacuteneacutefice geacuteneacutereacute par LuxOpCo au-delagrave de cette reacutemuneacuteration agrave LuxSCS sous la forme drsquoune redevance la DFA avait produit un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

50 En substance par son constat principal la Commission a consideacutereacute que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS retenue par les auteurs du rapport de prix de transfert de 2003 et en fin de compte par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise eacutetait erroneacutee et ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Au contraire lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc conclure que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels pour lesquels elle ne deacutetenait que le titre de proprieacuteteacute leacutegale

51 Aux fins de sa deacutemonstration la Commission a examineacute les fonctions exerceacutees les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxSCS et par LuxOpCo

52 Ensuite ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 519 de la deacutecision attaqueacutee sur la base de son analyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS la Commission a examineacute le choix de la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee en lrsquoespegravece

53 Srsquoagissant de la meacutethode CUP la Commission a estimeacute aux termes drsquoune analyse fondeacutee sur cinq critegraveres de comparabiliteacute qui auraient eacuteteacute eacutenonceacutes dans les lignes directrices de lrsquoOCDE que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeacutenonceacutee dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 avait donneacute lieu agrave un reacutesultat exageacutereacute qui avait exposeacute LuxOpCo au risque de subir des pertes

54 Selon la Commission en lrsquoespegravece crsquoest la MTMN qui aurait eacuteteacute la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee pour eacutevaluer la redevance due par LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence Elle a consideacutereacute que la partie exerccedilant des fonctions uniques et de valeur eacutetait LuxOpCo et non LuxSCS En conseacutequence la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN aurait ducirc ecirctre LuxSCS et non LuxOpCo

55 Enfin dans la section 9214 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre application de la MTMN en lrsquoespegravece

56 Selon elle crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester Lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazoncom selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait une laquo contribution unique raquo pour laquelle LuxSCS aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration composeacutee de pratiquement tous les beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales de LuxOpCo Agrave cet eacutegard la Commission a notamment renvoyeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo (section 921 de la deacutecision attaqueacutee)

57 Srsquoagissant du choix de lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice la Commission a estimeacute que LuxSCS nrsquoenregistrant aucune vente et nrsquoassumant aucun risque lieacute aux actifs incorporels lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice pertinent aurait ducirc ecirctre une marge sur les coucircts totaux consideacutereacutes (consideacuterant 550 de la deacutecision attaqueacutee)

58 En ce qui concerne la base de coucircts agrave laquelle une marge devait ecirctre appliqueacutee en lrsquoespegravece la Commission a consideacutereacute en substance que LuxSCS nrsquoaurait exerceacute qursquoune fonction drsquointermeacutediaire en transmettant agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC et en transfeacuterant une partie des redevances (la redevance de licence) reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts (consideacuterant 551 de la deacutecision attaqueacutee)

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59 Compte tenu de ces appreacuteciations au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc avoir deux composantes La premiegravere composante aurait ducirc selon la Commission correspondre agrave la refacturation agrave LuxOpCo des coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC auxquels aucune marge nrsquoaurait ducirc ecirctre appliqueacutee La deuxiegraveme composante aurait ducirc consister selon la Commission en une marge sur une base de coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels dans la mesure ougrave ces coucircts repreacutesentaient en reacutealiteacute des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration aurait garanti selon la Commission un reacutesultat dans des conditions de pleine concurrence car il aurait refleacuteteacute correctement les contributions de LuxSCS agrave lrsquoaccord de licence

60 Srsquoagissant de la deacutetermination de la marge approprieacutee la Commission a releveacute que si un tel exercice exigeait normalement une analyse de comparabiliteacute il nrsquoaurait pas eacuteteacute possible en lrsquoespegravece drsquoeffectuer une analyse fiable

61 En lieu et place drsquoune analyse de comparabiliteacute la Commission a estimeacute qursquoelle pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de 2010 du forum conjoint sur les prix de transfert (ci-apregraves le laquo rapport FCPT raquo) Le forum conjoint sur les prix de transfert est un groupe drsquoexperts constitueacute par la Commission en 2002 et destineacute agrave lrsquoassister sur des questions lieacutees aux prix de transfert Selon ledit rapport une marge pour les laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo comprise entre 3 et 10 aurait eacuteteacute observeacutee par les administrations fiscales des Eacutetats membres participant au forum conjoint sur les prix de transfert La marge la plus souvent observeacutee en pratique aurait eacuteteacute de 5 sur les coucircts des laquo prestations de tels services raquo En conseacutequence la Commission a estimeacute utile drsquoappliquer une telle marge aux coucircts externes supporteacutes par LuxSCS pour la conservation de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels

62 En conclusion de son premier constat de lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a indiqueacute que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS en vertu de lrsquoaccord de licence aurait ducirc ecirctre eacutegale agrave la somme des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par cette socieacuteteacute sans marge majoreacutee de tous les coucircts pertinents supporteacutes directement par LuxSCS auxquels une marge de 5 devait ecirctre appliqueacutee dans la mesure ougrave ces coucircts correspondaient agrave des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration correspondait agrave ce qursquoune partie indeacutependante dans une situation similaire agrave LuxOpCo aurait eacuteteacute disposeacutee agrave payer pour les droits et obligations assumeacutes en vertu de lrsquoaccord de licence En outre selon la Commission ce niveau de reacutemuneacuteration aurait eacuteteacute suffisant pour permettre agrave LuxSCS de couvrir ses obligations de paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC (consideacuterants 559 et 560 de la deacutecision attaqueacutee)

63 Or selon la Commission dans la mesure ougrave le niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS calculeacute par la Commission aurait eacuteteacute infeacuterieur au niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS reacutesultant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause ladite deacutecision aurait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo sous la forme drsquoune reacuteduction de sa base imposable aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes par rapport au chiffre drsquoaffaires des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable correspondait agrave des prix neacutegocieacutes selon le principe de pleine concurrence (consideacuterant 561 de la deacutecision attaqueacutee)

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage

64 Dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Constatation subsidiaire de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique raquo la Commission a exposeacute sa constatation subsidiaire de lrsquoavantage selon laquelle agrave supposer mecircme que lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise ait eu raison drsquoaccepter lrsquoanalyse des fonctions de LuxSCS effectueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la meacutethode de fixation des prix de transfert approuveacutee par la DFA en cause aurait eacuteteacute en tout eacutetat de

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cause fondeacutee sur des choix meacutethodologiques inapproprieacutes qui auraient produit un reacutesultat srsquoeacutecartant drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute Elle a preacuteciseacute que son raisonnement suivi dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence exacte pour LuxOpCo mais qursquoil visait davantage agrave deacutemontrer que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique eacutetant donneacute que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacute reposait sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes qui auraient conduit agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport aux entreprises dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait des prix neacutegocieacutes sur le marcheacute dans des conditions de pleine concurrence

65 Dans ce cadre la Commission a opeacutereacute trois constats subsidiaires distincts

66 Dans le cadre de son premier constat subsidiaire la Commission a affirmeacute que LuxOpCo avait eacuteteacute agrave tort consideacutereacutee comme exerccedilant uniquement des fonctions de gestion laquo courantes raquo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

67 Dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission a retenu que le choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur des beacuteneacutefices eacutetait erroneacute

68 Dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage la Commission a consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun plafond de 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion nrsquoeacutetait pas approprieacutee

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure

69 Dans la section 93 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Seacutelectiviteacute raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la mesure en cause eacutetait seacutelective

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide

70 Dans la section 95 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide raquo la Commission a constateacute que tout traitement fiscal favorable accordeacute agrave LuxOpCo avait eacutegalement profiteacute au groupe Amazon tout entier en lui fournissant des ressources suppleacutementaires de sorte que le groupe devait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant une entiteacute unique beacuteneacuteficiaire de la mesure drsquoaide en cause

71 Dans la section 10 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Reacutecupeacuteration raquo la Commission a affirmeacute que la mesure drsquoaide ayant eacuteteacute octroyeacutee chaque anneacutee ougrave la deacuteclaration annuelle de lrsquoimpocirct de LuxOpCo avait eacuteteacute accepteacutee par les autoriteacutes fiscales le groupe Amazon ne pouvait se preacutevaloir des regravegles de prescription afin de srsquoopposer agrave la reacutecupeacuteration de lrsquoaide Aux consideacuterants 639 agrave 645 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute la meacutethode de reacutecupeacuteration

II Proceacutedure et conclusions des parties

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617

72 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 14 deacutecembre 2017 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a introduit le recours dans lrsquoaffaire T-81617

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

73 Par deacutecision du 12 avril 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-81617 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure du Tribunal

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74 Par acte deacuteposeacute au greffe le 11 mai 2018 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute que lrsquoaffaire T-81617 soit jugeacutee par la septiegraveme chambre du Tribunal dans sa formation de jugement eacutelargie

75 En application de lrsquoarticle 28 paragraphe 5 du regraveglement de proceacutedure lrsquoaffaire T-81617 a eacuteteacute renvoyeacutee devant la septiegraveme chambre eacutelargie

76 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 21 juin 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur lrsquointervention

77 Par acte deacuteposeacute au greffe du Tribunal le 16 avril 2018 lrsquoIrlande a demandeacute agrave intervenir dans lrsquoaffaire T-81617 au soutien des conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

78 Par ordonnance du 29 mai 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a fait droit agrave la demande en intervention de lrsquoIrlande

3 Sur les demandes de traitement confidentiel

79 Par acte deacuteposeacute le 14 mai 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande de certaines donneacutees mentionneacutees dans la requecircte dans certaines des annexes de cette derniegravere ainsi que dans le meacutemoire en deacutefense

80 Par acte deacuteposeacute le 6 juin 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la reacuteplique

81 Par acte deacuteposeacute le 13 septembre 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la duplique

82 Agrave la suite de son admission en tant qursquointervenante lrsquoIrlande a reccedilu uniquement des versions non confidentielles des piegraveces de proceacutedure viseacutees par les demandes de traitement confidentiel du Grand-Ducheacute de Luxembourg formuleacutees agrave son eacutegard et nrsquoa souleveacute aucune objection agrave lrsquoencontre desdites demandes

4 Sur les conclusions des parties

83 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

ndash condamner la Commission aux deacutepens

84 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours comme non fondeacute

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ndash condamner le Grand-Ducheacute de Luxembourg aux deacutepens

85 LrsquoIrlande conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee en tout ou partie conformeacutement aux conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818

86 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 22 mai 2018 Amazon EU Sagraverl et Amazoncom (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble laquo Amazon raquo) ont introduit le recours dans lrsquoaffaire T-31818

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

87 Par deacutecision du 9 juillet 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-31818 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure

88 Sur proposition de la septiegraveme chambre du Tribunal le Tribunal a deacutecideacute le 11 juillet 2018 en application de lrsquoarticle 28 du regraveglement de proceacutedure de renvoyer lrsquoaffaire T-31818 devant une formation de jugement eacutelargie

89 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 19 juillet 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur les demandes de traitement confidentiel

90 Par acte deacuteposeacute au greffe le 12 juillet 2018 Amazon a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard du public drsquoune partie de la requecircte ainsi que de certaines piegraveces annexeacutees agrave celle-ci

3 Sur les conclusions des parties

91 Amazon conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler les articles 1er agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler les articles 2 agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash condamner la Commission aux deacutepens

92 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours

ndash condamner Amazon aux deacutepens dans lrsquoaffaire T-31818

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C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure

93 Par actes deacuteposeacutes au greffe du Tribunal les 7 aoucirct 2018 et 25 avril 2019 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

94 Par actes deacuteposeacutes au greffe les 10 aoucirct 2018 et 21 mai 2019 Amazon a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

95 Par deacutecision du 14 septembre 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de ne pas joindre agrave ce stade de la proceacutedure les affaires T-81617 et T-31818

96 Par ordonnance du 3 octobre 2019 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de joindre les affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure

97 Sur proposition de la juge rapporteure le Tribunal a deacutecideacute drsquoouvrir la phase orale de la proceacutedure et dans le cadre des mesures drsquoorganisation de la proceacutedure preacutevues agrave lrsquoarticle 89 du regraveglement de proceacutedure a demandeacute aux parties de reacutepondre agrave des questions eacutecrites Les parties ont reacutepondu agrave cette mesure drsquoorganisation de la proceacutedure dans le deacutelai imparti

98 Les parties ont eacuteteacute entendues en leurs plaidoiries et en leurs reacuteponses aux questions orales poseacutees par le Tribunal lors de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020 En outre les parties ont eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience sur une jonction eacuteventuelle des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance ce dont le Tribunal a pris acte dans le procegraves-verbal de lrsquoaudience Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ainsi que lrsquoIrlande ont indiqueacute qursquoelles nrsquoavaient pas drsquoobjections agrave une telle jonction La Commission a preacuteciseacute qursquoelle nrsquoeacutetait pas favorable agrave une eacuteventuelle jonction des affaires aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

III En droit

99 Les recours introduits dans les affaires T-81617 et T-31818 tendent agrave lrsquoannulation de la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle qualifie la DFA en cause ainsi que sa mise en œuvre annuelle drsquoaide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE et en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration des sommes qui nrsquoauraient pas eacuteteacute collecteacutees par le Grand-Ducheacute de Luxembourg aupregraves de LuxOpCo au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

100 En vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutefeacutereacute la deacutecision sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance qui relevait de sa compeacutetence agrave la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal

101 Les parties ayant eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience agrave lrsquoeacutegard drsquoune jonction eacuteventuelle il y a lieu de joindre aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance les affaires T-81617 et T-31818 pour cause de connexiteacute

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B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes

102 Agrave lrsquoappui de leurs recours le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent respectivement cinq et neuf moyens lesquels se recoupent en majeure partie Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande se prononce sur quatre des cinq moyens avanceacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En substance les moyens du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon peuvent ecirctre preacutesenteacutes de la maniegravere suivante

103 En premier lieu dans le cadre du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que des premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent en substance le constat principal de la Commission quant agrave lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

104 En deuxiegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats subsidiaires de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

105 En troisiegraveme lieu dans le cadre du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et des sixiegraveme et septiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats principaux et subsidiaires de la Commission portant sur la seacutelectiviteacute de la DFA en cause

106 En quatriegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que la Commission a violeacute la compeacutetence exclusive des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe

107 En cinquiegraveme lieu dans le cadre du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et dans le cadre du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a violeacute leurs droits de la deacutefense

108 En sixiegraveme lieu dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen ainsi que du premier grief de la deuxiegraveme branche du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 telles qursquoutiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee soient pertinentes en lrsquoespegravece

109 En septiegraveme lieu dans le cadre du cinquiegraveme moyen invoqueacute au soutien des conclusions preacutesenteacutees agrave titre subsidiaire dans lrsquoaffaire T-81617 et du neuviegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question le bien-fondeacute du raisonnement de la Commission visant la reacutecupeacuteration de lrsquoaide ordonneacutee par cette institution

110 Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande invoque premiegraverement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas eacutetabli lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo deuxiegravemement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas prouveacute la seacutelectiviteacute de la mesure troisiegravemement la violation des articles 4 et 5 TUE en ce que la Commission a proceacutedeacute agrave une harmonisation fiscale deacuteguiseacutee et quatriegravemement la violation du principe de seacutecuriteacute juridique en ce que la deacutecision attaqueacutee ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

111 Afin de reacutepondre de maniegravere utile aux moyens des parties principales ainsi qursquoaux arguments souleveacutes par lrsquoIrlande dans le cadre de son meacutemoire en intervention il y a lieu drsquoabord drsquoexposer certaines questions de droit qui sont drsquoapplication pour tous les griefs et moyens invoqueacutes par les parties (points 112 agrave 129 ci-apregraves)

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1 Observations preacuteliminaires

112 Selon une jurisprudence constante mecircme si la fiscaliteacute directe relegraveve en lrsquoeacutetat actuel du deacuteveloppement du droit de lrsquoUnion de la compeacutetence des Eacutetats membres ces derniers doivent neacuteanmoins exercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (voir arrecirct du 12 juillet 2012 CommissionEspagne C-26909 EUC2012439 point 47 et jurisprudence citeacutee) Ainsi les interventions des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe quand bien mecircme elles porteraient sur des questions qui nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune harmonisation dans lrsquoUnion ne sont pas exclues du champ drsquoapplication de la reacuteglementation relative au controcircle des aides drsquoEacutetat (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 142)

113 Il en deacutecoule que la Commission peut qualifier une mesure fiscale drsquoaide drsquoEacutetat pour autant que les conditions drsquoune telle qualification soient reacuteunies (voir en ce sens arrecircts du 2 juillet 1974 ItalieCommission 17373 EUC197471 point 28 et du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission C-18203 et C-21703 EUC2006416 point 81) En effet les Eacutetats membres doivent exercer leur compeacutetence en matiegravere fiscale en conformiteacute avec le droit de lrsquoUnion (arrecirct du 3 juin 2010 CommissionEspagne C-48708 EUC2010310 point 37) Par conseacutequent ils doivent srsquoabstenir de prendre dans ce contexte toute mesure susceptible de constituer une aide drsquoEacutetat incompatible avec le marcheacute inteacuterieur (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 143)

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales

114 Une mesure par laquelle les autoriteacutes publiques accordent agrave certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui bien que ne comportant pas un transfert de ressources drsquoEacutetat place les beacuteneacuteficiaires dans une situation financiegravere plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecirct du 15 mars 1994 Banco Exterior de Espantildea C-38792 EUC1994100 point 14 voir eacutegalement arrecircts du 8 septembre 2011 Paint Graphos ea C-7808 agrave C-8008 EUC2011550 point 46 et jurisprudence citeacutee et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 145 et jurisprudence citeacutee)

115 Dans le cas des mesures fiscales lrsquoexistence mecircme drsquoun avantage ne peut ecirctre eacutetablie que par rapport agrave une imposition dite laquo normale raquo (arrecirct du 6 septembre 2006 PortugalCommission C-8803 EUC2006511 point 56) Partant une telle mesure confegravere un avantage eacuteconomique agrave son beacuteneacuteficiaire degraves lors qursquoelle allegravege les charges qui normalement gregravevent le budget drsquoune entreprise et qui de ce fait sans ecirctre une subvention au sens strict du mot est de mecircme nature et a des effets identiques (arrecircts du 9 octobre 2014 Ministerio de Defensa et Navantia C-52213 EUC20142262 point 22 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 146)

116 En conseacutequence afin de deacuteterminer srsquoil existe un avantage fiscal il convient de comparer la situation du beacuteneacuteficiaire reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure en cause avec celle de celui-ci en lrsquoabsence de la mesure en cause (voir en ce sens arrecirct du 26 avril 2018 Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La ManchaCommission C-9117 P et C-9217 P non publieacute EUC2018284 point 114) et en application des regravegles normales drsquoimposition (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 147)

117 Dans le contexte de la deacutetermination de la situation fiscale drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee qui fait partie drsquoun groupe drsquoentreprises il y a lieu de relever drsquoembleacutee que les prix des transactions intragroupe effectueacutees par celle-ci nrsquoont pas eacuteteacute deacutetermineacutes dans des conditions de marcheacute En effet ces prix sont

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convenus entre socieacuteteacutes appartenant au mecircme groupe de sorte qursquoils ne sont pas soumis aux forces du marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 148)

118 Or lorsque le droit fiscal national nrsquoopegravere pas de distinction entre les entreprises inteacutegreacutees et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ce droit entend imposer le beacuteneacutefice reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee comme srsquoil reacutesultait de transactions effectueacutees agrave des prix de marcheacute Dans ces conditions il convient de constater que lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une telle entreprise inteacutegreacutee la Commission peut comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149)

119 Par ailleurs ces conclusions sont corroboreacutees par lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) qui concernait le droit fiscal belge lequel preacutevoyait que les socieacuteteacutes inteacutegreacutees et les socieacuteteacutes autonomes soient traiteacutees dans les mecircmes conditions En effet la Cour a reconnu au point 95 de cet arrecirct la neacutecessiteacute de comparer un reacutegime drsquoaides deacuterogatoire agrave celui de laquo droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence raquo (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 150)

120 Dans ce cadre si par le biais de la mesure fiscale octroyeacutee agrave une socieacuteteacute inteacutegreacutee les autoriteacutes nationales ont accepteacute un certain niveau de prix drsquoune transaction intragroupe lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE permet agrave la Commission de controcircler si ce niveau de prix correspond agrave celui qui aurait eacuteteacute pratiqueacute dans des conditions de marcheacute afin de veacuterifier srsquoil en reacutesulte un alleacutegement des charges grevant normalement le budget de lrsquoentreprise en cause lui confeacuterant ainsi un avantage au sens dudit article

121 Il convient en outre de preacuteciser que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 152)

122 Mecircme si la Commission ne saurait ecirctre formellement lieacutee par les lignes directrices de lrsquoOCDE il nrsquoen demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux reacutealiseacutes par des groupes drsquoexperts qursquoelles reflegravetent le consensus atteint agrave lrsquoeacutechelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qursquoelles revecirctent de ce fait une importance pratique certaine dans lrsquointerpreacutetation des questions relatives aux prix de transfert (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 155)

123 Dans ce contexte il y a lieu de relever que si la Commission deacutetecte une erreur meacutethodologique dans la mesure fiscale soumise agrave lrsquoexamen il ne saurait ecirctre conclu que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques aboutit neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore faut-il que la Commission deacutemontre que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipative concerneacutee ne permettent pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles ont abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable par rapport agrave la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national agrave une entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable agrave celle de la socieacuteteacute concerneacutee et exerccedilant ses activiteacutes

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dans des conditions de marcheacute Ainsi le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 201)

124 En effet ainsi que lrsquoa releveacute en substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg selon une jurisprudence constante lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE deacutefinit une mesure drsquoallegravegement des charges pesant normalement sur une entreprise en fonction de ses effets (voir arrecirct du 22 deacutecembre 2008 British AggregatesCommission C-48706 P EUC2008757 point 85 et jurisprudence citeacutee) Lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat ne saurait ecirctre ni preacutesumeacutee ni deacuteduite drsquoune erreur de calcul sans incidence sur le reacutesultat

b) Sur la charge de la preuve

125 Il importe de rappeler que dans le cadre du controcircle des aides drsquoEacutetat il appartient en principe agrave la Commission de rapporter dans la deacutecision attaqueacutee la preuve de lrsquoexistence drsquoune telle aide (voir en ce sens arrecircts du 12 septembre 2007 Olympiaki Aeroporia YpiresiesCommission T-6803 EUT2007253 point 34 et du 25 juin 2015 SACE et Sace BTCommission T-30513 EUT2015435 point 95) Dans ce contexte la Commission est tenue de conduire la proceacutedure drsquoexamen des mesures en cause de maniegravere diligente et impartiale afin de disposer lors de lrsquoadoption drsquoune deacutecision finale eacutetablissant lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoincompatibiliteacute ou lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoaide des eacuteleacutements les plus complets et fiables possibles (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 194 voir eacutegalement en ce sens arrecircts du 2 septembre 2010 CommissionScott C-29007 P EUC2010480 point 90 et du 3 avril 2014 FranceCommission C-55912 P EUC2014217 point 63)

126 Il en deacutecoule que dans la deacutecision attaqueacutee il incombait agrave la Commission de deacutemontrer que les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE eacutetaient reacuteunies Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que srsquoil est constant que lrsquoEacutetat membre dispose drsquoune marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapprobation des prix de transfert cette marge drsquoappreacuteciation ne saurait toutefois conduire agrave priver la Commission de sa compeacutetence pour controcircler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas agrave lrsquooctroi drsquoun avantage seacutelectif au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Dans ce contexte la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de veacuterifier si un prix de transfert avaliseacute par un Eacutetat membre correspond agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute et si lrsquoeacutecart eacuteventuellement constateacute dans le cadre de cet examen ne va pas au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 196)

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal

127 Srsquoagissant de lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal en lrsquoespegravece il convient de relever que ainsi qursquoil reacutesulte de lrsquoarticle 263 TFUE lrsquoobjet du recours en annulation est le controcircle de la leacutegaliteacute des actes adopteacutes par les institutions de lrsquoUnion qui y sont eacutenumeacutereacutees Degraves lors lrsquoanalyse des moyens souleveacutes dans le cadre drsquoun tel recours nrsquoa ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complegravete de lrsquoaffaire dans le cadre drsquoune proceacutedure administrative (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 197 voir eacutegalement en ce sens arrecirct du 2 septembre 2010 CommissionDeutsche Post C-39908 P EUC2010481 point 84)

128 Srsquoagissant du domaine des aides drsquoEacutetat il y a lieu de rappeler que la notion drsquoaide drsquoEacutetat telle qursquoelle est deacutefinie dans le traiteacute FUE preacutesente un caractegravere juridique et doit ecirctre interpreacuteteacutee sur la base drsquoeacuteleacutements objectifs Pour cette raison le juge de lrsquoUnion doit en principe et compte tenu tant des eacuteleacutements concrets du litige qui lui est soumis que du caractegravere technique ou complexe des appreacuteciations porteacutees par la Commission exercer un entier controcircle en ce qui concerne la question de savoir si une

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mesure entre dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecircts du 4 septembre 2014 SNCM et FranceCorsica Ferries France C-53312 P et C-53612 P EUC20142142 point 15 du 30 novembre 2016 CommissionFrance et Orange C-48615 P EUC2016912 point 87 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 198)

129 Quant agrave la question de savoir si une meacutethode de deacutetermination drsquoun prix de transfert drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee est conforme au principe de pleine concurrence il convient de rappeler ainsi qursquoil a eacuteteacute deacutejagrave indiqueacute ci-dessus que lorsqursquoelle utilise cet outil dans le cadre de son appreacuteciation au titre de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission doit tenir compte de sa nature approximative Le controcircle du Tribunal tend donc agrave veacuterifier que les erreurs identifieacutees dans la deacutecision attaqueacutee sur la base desquelles la Commission a fondeacute la constatation drsquoun avantage vont au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave lrsquoapplication drsquoune meacutethode destineacutee agrave obtenir une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 199)

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage

130 Ainsi qursquoexposeacute au point 103 ci-dessus par la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par les premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la Commission a violeacute lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE lorsqursquoelle a conclu agrave lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage figurant dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee) Plus preacuteciseacutement par ces moyens et arguments le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent agrave contester le raisonnement de la Commission figurant aux consideacuterants 394 395 et 401 agrave 579 de la deacutecision attaqueacutee et selon lequel la mise en œuvre de la DFA en cause pendant la peacuteriode consideacutereacutee aurait abouti agrave une diminution de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et ainsi de sa charge fiscale par rapport agrave celle qursquoelle aurait ducirc percevoir en lrsquoabsence de ladite deacutecision si elle avait eacuteteacute traiteacutee comme toute autre socieacuteteacute contribuable se trouvant dans une situation comparable Par leurs arguments souleveacutes quant au constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon visent agrave remettre en cause notamment la constatation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN Ils visent eacutegalement agrave contester lrsquoexactitude de lrsquoapplication de la MTMN agrave LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

131 Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 110 ci-dessus dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande argumente au soutien du premier moyen invoqueacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg

132 Dans ce cadre lrsquoIrlande prend position sur de nombreuses questions de droit souleveacutees par lrsquointerpreacutetation de la notion de laquo principe de pleine concurrence raquo tel qursquoappliqueacute par la Commission en lrsquoespegravece ainsi que dans certaines affaires drsquoaides drsquoEacutetat reacutecentes en matiegravere fiscale En particulier lrsquoIrlande fait valoir que la jurisprudence du juge de lrsquoUnion agrave savoir lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) laquo ne dit pas que les Eacutetats membres sont obligeacutes drsquoappliquer le [principe de pleine concurrence] raquo Selon cet Eacutetat membre ladite jurisprudence ne donne pas non plus de fondement agrave lrsquoobligation imposeacutee au Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence (dans la version deacutefendue par la Commission) dans le droit national luxembourgeois Enfin lrsquoIrlande soutient que dans lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) la Cour nrsquoa pas identifieacute de principe de pleine concurrence propre au droit de lrsquoUnion indeacutependamment de ce que preacutevoit le droit national

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a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage

133 La Commission excipe de lrsquoirrecevabiliteacute des arguments souleveacutes par lrsquoIrlande agrave lrsquoappui du premier moyen avanceacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En effet selon elle les arguments de lrsquoIrlande tendent agrave faire valoir qursquoelle aurait retenu une interpreacutetation erroneacutee de la notion drsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE en utilisant un critegravere inapproprieacute agrave savoir un principe de pleine concurrence laquo sui generis raquo alors que en reacutealiteacute par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg eacutenoncerait plutocirct que la Commission aurait proceacutedeacute agrave une application erroneacutee du principe de pleine concurrence

134 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que si lrsquoarticle 40 troisiegraveme alineacutea du statut de la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne et les articles 142 paragraphe 3 et 145 paragraphe 2 sous b) du regraveglement de proceacutedure du Tribunal ne srsquoopposent pas agrave ce qursquoun intervenant preacutesente des arguments nouveaux ou diffeacuterents de ceux de la partie qursquoil soutient sous peine de voir son intervention limiteacutee agrave reacutepeacuteter les arguments avanceacutes dans la requecircte il ne saurait ecirctre admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de deacuteformer le cadre du litige deacutefini par la requecircte en soulevant des moyens nouveaux (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 44 et jurisprudence citeacutee)

135 En drsquoautres termes ces dispositions confegraverent agrave la partie intervenante le droit drsquoexposer de maniegravere autonome non seulement des arguments mais aussi des moyens pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions drsquoune des parties principales et ne soient pas drsquoune nature totalement eacutetrangegravere aux consideacuterations qui fondent le litige tel qursquoil a eacuteteacute constitueacute entre la partie requeacuterante et la partie deacutefenderesse ce qui aboutirait agrave en alteacuterer lrsquoobjet (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 45 et jurisprudence citeacutee)

136 En lrsquoespegravece il convient de constater que par ses arguments lrsquoIrlande vise en substance le fondement juridique invoqueacute par la Commission quant agrave lrsquoobligation imposeacutee au Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence LrsquoIrlande remet en cause donc les sources de droit de ce principe tel qursquoappliqueacute par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee De surcroicirct les arguments de lrsquoIrlande ont trait agrave lrsquointerpreacutetation du contenu de ce principe et non agrave son application par lrsquointermeacutediaire drsquoune meacutethode de deacutetermination de prix de transfert

137 Or il est constant que le principe de pleine concurrence tel qursquoapplicable en lrsquoespegravece peut ecirctre tireacute de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee Cet eacuteleacutement ressort notamment du consideacuterant 241 de la deacutecision attaqueacutee sans que cette conclusion ait eacuteteacute remise en cause par les parties Le premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas trait agrave la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe ni agrave des questions drsquointerpreacutetation de ce principe De fait par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg invoque lrsquoexistence de preacutetendues erreurs dans lrsquoapplication par la Commission de certaines meacutethodes de deacutetermination de prix de transfert dans le cadre de son raisonnement concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sachant que ces meacutethodes permettent de constater en fin de compte si une redevance correspond agrave un reacutesultat de pleine concurrence

138 Il srsquoensuit que les arguments souleveacutes par lrsquoIrlande au soutien du premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg sont eacutetrangers aux consideacuterations qui fondent son premier moyen De ce fait ils doivent ecirctre rejeteacutes comme eacutetant irrecevables

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b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage

139 En compleacutement des eacuteleacutements exposeacutes au point 130 ci-dessus il y a lieu de relever que dans le cadre de la premiegravere branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du premier moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en cause le bien-fondeacute du refus de la Commission drsquoappliquer la meacutethode CUP dans le cadre drsquoune analyse ex post sur la base des accords comparables preacutesenteacutes agrave la Commission par Amazoncom

140 Dans le cadre des premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que lrsquoanalyse fonctionnelle meneacutee par la Commission dans le cadre de son application de la MTMN est erroneacutee en ce qursquoelle a conclu que LuxSCS eacutetait la partie la moins complexe et que lrsquoapplication de la MTMN par la Commission reposait sur des choix meacutethodologiques erroneacutes

141 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a opeacutereacute dans son analyse principale une seacutelection arbitraire et partiale parmi les teacutemoignages issus de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus

142 Dans le cadre de la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que de la sixiegraveme branche du deuxiegraveme moyen et du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon affirment que le reacutesultat obtenu par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee srsquoeacutecarte drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

143 Ainsi en substance les arguments invoqueacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre du constat principal de lrsquoavantage tendent agrave contester drsquoune part le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP et drsquoautre part lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par la Commission

144 Srsquoagissant des arguments tendant agrave contester le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP il convient de relever qursquoil est constant que la DFA en cause nrsquoa pas fait application de cette meacutethode En effet quand bien mecircme cette meacutethode aurait eacuteteacute examineacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fourni aux autoriteacutes fiscales agrave lrsquoappui de la demande de DFA elle nrsquoa pas eacuteteacute retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 par laquelle Amazon a solliciteacute lrsquoapprobation de la meacutethode de calcul de la redevance (voir point 9 ci-dessus) Ainsi qursquoil ressort en particulier du consideacuterant 542 de la deacutecision attaqueacutee dans son analyse visant agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission srsquoest uniquement fondeacutee sur la MTMN En revanche les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP (consideacuterants 521 agrave 538 de la deacutecision attaqueacutee) ne sont pas de nature agrave deacutemontrer lrsquoexistence de la premiegravere condition de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Compte tenu du fait que crsquoest agrave la Commission de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage (voir points 125 agrave 126 ci-dessus) et vu le fait que les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP ne tendent pas agrave une telle deacutemonstration il nrsquoest pas utile drsquoaborder les arguments et les moyens des parties requeacuterantes concernant la meacutethode CUP

145 Srsquoagissant des arguments visant agrave contester le bien-fondeacute des appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par cette institution (voir points 146 agrave 297 ci-apregraves) il y aura lieu premiegraverement de relever quelle est la version pertinente des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert (voir points 146 agrave 155 ci-apregraves) Deuxiegravemement il conviendra de veacuterifier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont en droit de soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee qui aurait invalideacute son constat principal relatif agrave lrsquoavantage (voir points 156 agrave 297 ci-apregraves)

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1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN

146 Afin de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee appliqueacute une seacuterie drsquoorientations de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans diffeacuterentes versions de celles-ci

147 Dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche de son deuxiegraveme moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait en substance valoir que en lrsquoespegravece crsquoest le contexte eacuteconomique et le cadre reacuteglementaire tels qursquoils preacutevalaient en 2003 qui doivent ecirctre pris en compte Sans compter le fait que au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause en 2003 tout comme au moment de sa derniegravere prorogation en 2010 les lignes directrices de lrsquoOCDE ne constituaient que des orientations indicatives pour les autoriteacutes luxembourgeoises deacutepourvues de toute force contraignante pour ces derniegraveres les seules lignes directrices de lrsquoOCDE qui auraient eacuteteacute disponibles au moment de lrsquoadoption de la DFA eacutetaient les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Dans la deacutecision attaqueacutee la Commission se serait toutefois reacutefeacutereacutee aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ce qui eacutequivaudrait agrave une application ratione temporis inapproprieacutee du cadre de reacutefeacuterence lequel devrait ecirctre deacutetermineacute sur la base des faits et des meacutethodes de calcul de prix qui existaient agrave la date de lrsquoadoption des mesures en cause

148 Amazon ajoute que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ont apporteacute plusieurs modifications importantes par rapport agrave leur version de 1995 telles que lrsquointroduction de la meacutethode drsquoanalyse des fonctions laquo Deacuteveloppement ameacutelioration entretien protection et exploitation raquo (Development Enhancement Maintenance Protection and Exploitation ci-apregraves les laquo fonctions DEMPE raquo) Amazon conteste en particulier la pertinence de lrsquoapplication par la Commission de cette meacutethode dans la mesure ougrave elle ne serait apparue que posteacuterieurement agrave la date de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE

149 La Commission conteste ces arguments

150 Elle indique drsquoabord que la deacutecision attaqueacutee nrsquoapplique pas les lignes directrices de lrsquoOCDE comme si elles constituaient des normes contraignantes mais comme srsquoil srsquoagissait drsquoun outil lrsquoaidant agrave appliquer le critegravere eacutetabli par la Cour au point 95 de lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) Selon la Commission contrairement agrave ce que le Grand-Ducheacute de Luxembourg semble avancer lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise srsquoest reacuteguliegraverement fondeacutee sur ces lignes directrices pour interpreacuteter le principe de pleine concurrence de sorte que les principes de lrsquoOCDE demeurent pertinents en lrsquoespegravece

151 La Commission ajoute ensuite que toutes les constatations formuleacutees dans la deacutecision attaqueacutee reposent sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et que les reacutefeacuterences aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 et de 2017 ne sont eacutevoqueacutees que lorsque ces versions ulteacuterieures clarifient les lignes directrices dans leur version de 1995 sans pour autant modifier ces derniegraveres

152 En lrsquoespegravece il reacutesulte drsquoun certain nombre de notes en bas de page de la deacutecision attaqueacutee que la Commission a fondeacute ne serait-ce que partiellement ses appreacuteciations relatives agrave lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE non seulement sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 mais eacutegalement sur lesdites lignes dans leurs versions de 2010 et de 2017 Srsquoagissant des versions des lignes directrices de lrsquoOCDE de 1995 de 2010 et de 2017 il y a lieu de constater que celles-ci divergent sur plusieurs points et ce dans une mesure diffeacuterente Ces diffeacuterences vont de simples preacutecisions nrsquoayant aucune incidence sur la substance des versions anteacuterieures agrave des ampliations ineacutedites agrave savoir des preacuteconisations qui nrsquoeacutetaient pas contenues y compris de maniegravere implicite dans les versions anteacuterieures Une des ampliations ineacutedites des lignes directrices de lrsquoOCDE

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qui nrsquoest apparue que dans la version de 2017 est la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE (voir point 148 ci-dessus) Dans le cadre du constat principal de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique la Commission srsquoest axeacutee notamment sur cette meacutethode drsquoanalyse

153 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil ressort de lrsquoarticle 1er et ndash de maniegravere implicite ndash notamment des consideacuterants 394 et 620 de la deacutecision attaqueacutee la mesure en cause telle qursquoidentifieacutee par la Commission est la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation ulteacuterieure des deacuteclarations annuelles agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes de LuxOpCo fondeacutees sur ladite deacutecision Pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo a effectueacute ses deacuteclarations fiscales sur la base de la meacutethode de calcul avaliseacutee dans la DFA en cause et ladite deacutecision a eacuteteacute prorogeacutee en 2006 et en 2010

154 Compte tenu de ces eacuteleacutements il y a lieu de constater que la Commission pouvait fonder ses appreacuteciations concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sur les orientations ndash qui ne sont drsquoailleurs qursquoun outil non contraignant ndash qui reacutesultaient des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En revanche dans la mesure ougrave la Commission srsquoest fondeacutee sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 cette derniegravere version nrsquoest pas pertinente agrave moins qursquoil ne srsquoagisse que drsquoune clarification utile sans autre ampliation des orientations deacutejagrave deacutegageacutees en 1995 Du reste du fait qursquoelles ont eacuteteacute publieacutees apregraves la peacuteriode consideacutereacutee et dans la mesure ougrave les preacuteconisations y figurant ont largement eacutevolueacute par rapport aux orientations de 1995 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece

155 En ce qui concerne en particulier la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE celle-ci ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant pertinente drsquoun point de vue temporel en lrsquoespegravece car elle constitue un outil qui nrsquoa eacuteteacute eacutelaboreacute que dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee

156 Ainsi qursquoexposeacute au point 9 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent toute une seacuterie drsquoappreacuteciations de la Commission lieacutees agrave lrsquoapplication de la MTMN dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage

157 Pour rappel la MTMN est une meacutethode indirecte de deacutetermination des prix de transfert Ainsi que deacutecrit au point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 cette meacutethode consiste agrave deacuteterminer agrave partir drsquoune base approprieacutee le beacuteneacutefice net que reacutealise un contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee ou au titre de transactions controcircleacutees qui sont eacutetroitement lieacutees ou continues Afin de deacuteterminer cette base approprieacutee il y a lieu de choisir un indicateur de niveau de beacuteneacutefice tel que les coucircts les ventes ou les actifs Lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net obtenu par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee doit ecirctre deacutetermineacute par reacutefeacuterence agrave lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net que le mecircme contribuable ou une entreprise indeacutependante reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre

158 Ainsi qursquoil ressort du point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la MTMN implique drsquoidentifier une partie agrave la transaction pour laquelle un indicateur de niveau de beacuteneacutefice est testeacute par exemple une marge sur coucircts Cette partie est deacutesigneacutee comme eacutetant la laquo partie agrave tester raquo Il srsquoagit de la partie dont la marge dite de laquo pleine concurrence raquo doit ecirctre deacutetermineacutee En regravegle geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave qui une meacutethode de prix de transfert peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable possible et pour laquelle les comparables les plus fiables possibles peuvent ecirctre trouveacutes

159 Le choix de la partie agrave tester se fait sur la base drsquoune analyse fonctionnelle des parties agrave la transaction intragroupe Selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans leur version de 1995 la partie agrave tester sera le plus souvent celle dont lrsquoanalyse fonctionnelle est la

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moins complexe Selon une compreacutehension existant deacutejagrave agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de 1995 srsquoappliquaient lrsquoanalyse fonctionnelle implique le plus souvent drsquoexaminer les fonctions exerceacutees par une entiteacute les actifs deacutetenus et les risques assumeacutes

160 En outre il y a lieu de relever que la MTMN est consideacutereacutee comme une meacutethode approprieacutee pour tester la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de la partie qui nrsquoapporte aucune contribution unique ou de valeur en lien avec la transaction qui fait lrsquoobjet de lrsquoanalyse des prix de transfert

161 En lrsquoespegravece le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas en tant que tel le choix par la Commission de la MTMN En revanche ils contestent uniquement le fait que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeffectueacutee par la Commission ait eacuteteacute correcte Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission et le choix de LuxSCS en tant que partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN deuxiegravemement le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS agrave savoir le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice et du taux de marge retenu par la Commission en application de la MTMN et troisiegravemement la fiabiliteacute du reacutesultat obtenu

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester

162 Les consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir ceux portant sur le constat principal de lrsquoavantage tendent agrave deacutemontrer pour lrsquoessentiel que en lrsquoespegravece les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester puisque celle-ci serait au regard de lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission la partie la laquo moins complexe raquo Il reacutesulte eacutegalement de ces consideacuterants que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient fait une application de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration deacutetermineacutee en application de la DFA en cause Selon la Commission en conseacutequence lrsquoapplication de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester aurait abouti agrave une moindre redevance pour LuxSCS et ainsi agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

163 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission Ils font notamment valoir que les fonctions de LuxSCS ainsi que les actifs mobiliseacutes et les risques assumeacutes par celle-ci ont eacuteteacute minimiseacutes par la Commission Selon eux LuxSCS deacutetenait les actifs incorporels et exerccedilait des fonctions uniques et de valeur et ne pouvait de ce fait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN opeacutereacutee par la Commission

164 Dans ce contexte il y a lieu de souligner que par leur argumentation concernant le constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause le bien-fondeacute du choix opeacutereacute par la Commission de la MTMN comme eacutetant la meacutethode approprieacutee pour la deacutetermination du caractegravere de pleine concurrence de la redevance Lorsqursquoils remettent en cause les appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS figurant dans la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent donc en substance agrave contester lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee par les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises comme eacutetant la partie la laquo moins complexe raquo et donc la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN

165 Pour reacutepondre agrave ces arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission nrsquoaurait pas eacuteteacute en droit de conclure que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il nrsquoest pas neacutecessaire de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo En revanche dans la mesure ougrave la Commission a chercheacute agrave appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il suffit

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de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS telle que cette analyse ressort de la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee et si au regard de cette analyse il eacutetait possible drsquoappliquer de maniegravere suffisamment fiable la MTMN agrave LuxSCS

166 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler agrave titre liminaire que selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la partie agrave laquelle la MTMN est appliqueacutee laquo devra ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo que cela laquo impliquera souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels uniques et de valeur raquo et que laquo [t]outefois le choix pourra ecirctre limiteacute par lrsquoinsuffisance de donneacutees disponibles raquo Selon ce point en drsquoautres termes si en regravegle geacuteneacuterale lrsquoentiteacute pour laquelle il existe le plus drsquoeacuteleacutements fiables aux fins de lrsquoidentification de comparables est souvent lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo la finaliteacute de lrsquoapplication de la MTMN nrsquoest pas forceacutement de faire deacutependre cette application de lrsquoidentification de lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo En revanche ce qui importe dans lrsquoapplication de cette meacutethode crsquoest drsquoavoir identifieacute la partie pour laquelle les donneacutees les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutees drsquoune part et la question de savoir si la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de maniegravere fiable agrave cette partie drsquoautre part

167 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 166 ci-dessus et ainsi qursquoil reacutesulte en particulier des points 326 328 329 334 et 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquoapplication de la MTMN implique neacutecessairement de trouver des donneacutees fiables pour la comparaison avec la partie agrave tester Ainsi lrsquointeacutegraliteacute des appreacuteciations concernant lrsquoanalyse fonctionnelle lrsquoexamen des fonctions les consideacuterations concernant des actifs et des risques assumeacutes ainsi que toutes les consideacuterations concernant le caractegravere laquo unique et de valeur raquo des actifs mis en œuvre ne sont que des critegraveres agrave prendre en compte dans le choix de la partie agrave tester afin de srsquoassurer drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable

168 Crsquoest agrave la lumiegravere de ces consideacuterations qursquoil convient drsquoexaminer les griefs tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS opeacutereacutee par la Commission ainsi que sa conclusion selon laquelle cette entiteacute devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester

169 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que dans la section 92111 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 419 agrave 429 de cette deacutecision) la Commission a deacutecrit les fonctions exerceacutees par LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee

170 En substance ainsi que reacutesumeacute au consideacuterant 418 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoanalyse de la Commission repose sur les trois affirmations principales suivantes Tout drsquoabord celle-ci a consideacutereacute que LuxSCS nrsquoavait pas exerceacute de fonctions laquo actives raquo lieacutees agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels qursquoelle nrsquoy eacutetait pas habiliteacutee du fait de la licence exclusive conceacutedeacutee agrave LuxOpCo et qursquoelle nrsquoen avait pas non plus la capaciteacute Ensuite la Commission a indiqueacute que selon elle LuxSCS nrsquoavait pas utiliseacute drsquoactifs lieacutes agrave ces actifs incorporels mais avait simplement deacutetenu passivement la proprieacuteteacute desdits actifs et une licence sur ces derniers en vertu de lrsquoARC Enfin elle a releveacute que LuxSCS nrsquoavait assumeacute ni controcircleacute les risques lieacutes agrave ces activiteacutes pas plus qursquoelle nrsquoavait eu la capaciteacute opeacuterationnelle et financiegravere de le faire

171 Au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee les seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa laquo proprieacuteteacute leacutegale raquo des actifs incorporels bien que mecircme ces fonctions aient eacuteteacute exerceacutees sous le controcircle de LuxOpCo De fait ainsi qursquoil ressort des consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee LuxSCS se serait borneacutee agrave deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels

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172 Ensuite dans la section 92112 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Actifs utiliseacutes par LuxSCS raquo et en particulier au consideacuterant 430 de cette deacutecision la Commission a en substance agrave nouveau rappeleacute que LuxSCS nrsquoeacutetait que le deacutetenteur passif des actifs incorporels Au consideacuterant 431 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a contesteacute le fait que LuxSCS aurait utiliseacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo Au consideacuterant 432 de la deacutecision attaqueacutee elle a reacuteiteacutereacute son avis selon lequel en tout eacutetat de cause LuxSCS nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoutiliser effectivement les actifs incorporels

173 Enfin dans la section 92113 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 436 agrave 446 de cette deacutecision) intituleacutee laquo Risques assumeacutes par LuxSCS raquo la Commission a analyseacute les risques encourus par LuxSCS dans la mesure ougrave ces risques eacutetaient pertinents dans le cadre de lrsquoaccord de licence Au consideacuterant 446 de ladite deacutecision elle a conclu agrave cet eacutegard que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant effectivement assumeacute les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration agrave la gestion et agrave lrsquoexploitation des actifs incorporels drsquoAmazon et qursquoelle nrsquoavait pas la capaciteacute financiegravere drsquoassumer de tels risques

174 De plus dans la section 92141 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo La partie testeacutee devrait ecirctre LuxSCS raquo la Commission a affirmeacute en substance qursquoil convenait drsquoeacuteviter de confondre la complexiteacute des actifs deacutetenus et la complexiteacute des fonctions exerceacutees par les parties agrave la transaction intragroupe concerneacutee (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ensuite soutenu que rien ne permettrait drsquoaffirmer qursquoune socieacuteteacute lieacutee appartenant agrave un groupe qui cegravede sous licence un actif incorporel agrave une autre socieacuteteacute du groupe exerce des fonctions plus complexes que cette socieacuteteacute du simple fait qursquoelle deacutetient la proprieacuteteacute leacutegale drsquoun actif complexe (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence selon elle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait en soi une laquo contribution unique raquo Elle aurait ducirc plutocirct exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS exerccedilait des laquo fonctions uniques et de valeur raquo (consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee) Enfin selon la Commission bien que LuxSCS fucirct le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels au cours de la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoanalyse fonctionnelle effectueacutee agrave la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee deacutemontrerait que cette socieacuteteacute nrsquoa exerceacute aucune fonction laquo active raquo et essentielle en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration lrsquoentretien ou lrsquoexploitation de ceux-ci (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee)

175 Les appreacuteciations de la Commission relatives aux fonctions de LuxSCS se recoupent pour une grande partie avec celles relatives aux actifs utiliseacutes par LuxSCS Il en est de mecircme srsquoagissant des arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre de ces appreacuteciations Il convient donc drsquoanalyser conjointement ces arguments puis ceux relatifs aux risques assumeacutes par LuxSCS afin drsquoexaminer si la Commission a correctement consideacutereacute que cette derniegravere devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS

176 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les affirmations de la Commission concernant les fonctions de LuxSCS En revanche srsquoagissant des actifs incorporels de LuxSCS ils srsquoaccordent agrave consideacuterer que ces derniers eacutetaient laquo uniques et de valeur raquo sans toutefois prendre le soin de deacutefinir ces termes

177 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon reprochent agrave la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 disposaient que la partie deacutetenant les actifs incorporels ne serait geacuteneacuteralement pas la partie testeacutee pour lrsquoapplication de la MTMN Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon insistent sur le fait que LuxSCS deacutetenait des actifs incorporels uniques et de valeur La technologie mise agrave disposition par LuxSCS aurait joueacute un rocircle central dans le deacuteveloppement des activiteacutes du groupe Amazon en Europe Ces actifs incorporels auraient eacuteteacute indispensables pour toutes les activiteacutes du groupe Amazon

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en Europe En outre le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que par lrsquooctroi drsquoune licence sur les actifs incorporels agrave LuxOpCo LuxSCS a fait beacuteneacuteficier LuxOpCo des activiteacutes de deacuteveloppement reacutealiseacutees par ATI et A 9 aux Eacutetats-Unis et lui a permis drsquoexploiter de maniegravere optimale ces actifs Par conseacutequent LuxOpCo devrait reacutemuneacuterer LuxSCS non seulement pour ses contributions mais eacutegalement indirectement les entiteacutes ameacutericaines du groupe Amazon pour leurs contributions

178 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent la position de la Commission consistant agrave distinguer entre des fonctions dites laquo actives raquo et des fonctions dites laquo passives raquo et agrave ne retenir que ces derniegraveres aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle Ils reprochent agrave la Commission dans ce contexte eacutegalement de ne pas avoir pris en compte dans lrsquoanalyse des fonctions le fait que LuxSCS ait mis les actifs incorporels agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee Amazon ajoute que la mise agrave disposition des actifs incorporels par lrsquooctroi agrave LuxOpCo drsquoune licence constitue une exploitation de ces actifs par LuxSCS comme le preacuteconise le point 632 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

179 Troisiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxSCS a contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission exerceacute des fonctions uniques et de valeur Dans ce contexte ils indiquent notamment que au travers de sa participation agrave lrsquoARC LuxSCS contribuait au deacuteveloppement continu des actifs incorporels et ce quand bien mecircme elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes Toujours selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les contributions des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 agrave savoir le deacuteveloppement et les ameacuteliorations continues de la proprieacuteteacute intellectuelle doivent ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS ou consideacutereacutees comme faisant partie des contributions de LuxSCS Selon eux LuxSCS aurait ainsi exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo qui justifieraient de la consideacuterer comme la partie la plus complexe agrave la transaction Amazon fait valoir en outre que le fait que LuxSCS ait eu ou non la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule et sans accorder de licence sur les actifs incorporels agrave une autre entiteacute serait sans pertinence pour appreacutecier le caractegravere unique de ses fonctions

180 La Commission conteste ces arguments

181 La Commission insiste sur le fait que LuxSCS nrsquoait fait que deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels et qursquoelle ne les ait pas effectivement utiliseacutes La simple proprieacuteteacute drsquoun actif incorporel unique et de valeur ne suffirait pas agrave consideacuterer que cette entiteacute est complexe En lrsquoespegravece elle ne suffirait pas non plus agrave justifier lrsquoattribution agrave LuxSCS de la quasi-totaliteacute des beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par LuxOpCo quand bien mecircme aucune des activiteacutes de LuxOpCo ne pourrait ecirctre exerceacutee sans accegraves aux actifs incorporels Apregraves la conclusion de lrsquoaccord de licence LuxSCS nrsquoaurait plus eacuteteacute habiliteacutee agrave utiliser les actifs pas plus qursquoelle nrsquoen aurait eu la capaciteacute Ce serait uniquement LuxOpCo qui aurait utiliseacute les actifs incorporels dans le cadre de ses activiteacutes commerciales Dans ce contexte la Commission rappelle eacutegalement que LuxSCS ne disposait pas de salarieacutes et nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoexercer les fonctions en lien avec le deacuteveloppement lrsquoameacutelioration et lrsquoexploitation des actifs incorporels

182 Qui plus est selon la Commission le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon se reacutefegraverent agrave tort aux contributions des entiteacutes du groupe Amazon situeacutees aux Eacutetats-Unis (voir point 179 ci-dessus) dans la mesure ougrave ces derniegraveres ne sont pas concerneacutees par lrsquoaccord de licence et agissent indeacutependamment de LuxSCS Toute fonction eacuteventuelle de ces entiteacutes en rapport avec les actifs incorporels la circonstance que Amazoncom orientait LuxSCS ou LuxOpCo ou encore les caracteacuteristiques de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC seraient donc deacutenueacutees de pertinence pour lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS Les fonctions de deacuteveloppement opeacutereacutees par ATI et A 9 ne pourraient donc ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS dans la mesure ougrave les diffeacuterentes parties agrave lrsquoARC agissent pour leur compte et agrave leurs risques La Commission fait valoir que en tout eacutetat de cause lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC fixaient deacutejagrave la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions exerceacutees par ATI et A 9 en lien avec les actifs incorporels Toute

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autre transaction intragroupe entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels dont ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon nrsquoauraient en tout eacutetat de cause deacutemontreacute lrsquoexistence ne saurait justifier le versement des beacuteneacutefices reacutesiduels de LuxOpCo agrave LuxSCS

183 Agrave cet eacutegard en premier lieu il importe de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 166 ci-dessus selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquolaquo entreprise associeacutee agrave laquelle la meacutethode transactionnelle de la marge nette est appliqueacutee devrait ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo et cela laquo impliquera[it] souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui [serait] la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne posseacutede[rait] pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo La notion drsquolaquo actifs uniques raquo ou laquo de valeur raquo nrsquoest pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

184 Il deacutecoule du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que ces lignes preacuteconisaient de ne pas retenir la partie deacutetenant des actifs uniques et de valeur comme eacutetant la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN mais de lui preacutefeacuterer une autre entiteacute partie agrave la transaction controcircleacutee La logique sous-jacente audit point 343 est celle suivant laquelle en geacuteneacuteral il est davantage compliqueacute de pouvoir trouver des comparables fiables afin drsquoexaminer la partie agrave la transaction controcircleacutee qui possegravede des actifs incorporels uniques et de valeur Cette compreacutehension ressortait eacutegalement du point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Selon ce point en preacutesence de biens incorporels de grande valeur il pouvait ecirctre difficile drsquoidentifier des transactions comparables entre entreprises indeacutependantes Il ressort de ce mecircme point que lrsquoidentification de comparables serait plus difficile du fait de la simple possession drsquoactifs incorporels uniques ou de valeur Il convient de relever que le point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 repose sur la preacutemisse selon laquelle un actif incorporel peut ecirctre reacuteputeacute comme eacutetant laquo unique raquo quand il nrsquoy a pas de comparable pour cet actif Un actif incorporel est laquo de valeur raquo quand il permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Par ailleurs il convient de constater que cette compreacutehension correspond agrave la deacutefinition de la notion qui figure au point 617 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 Il reacutesulte de ce point que les laquo actifs incorporels uniques et de valeur raquo sont ceux premiegraverement qui ne sont pas comparables aux actifs incorporels utiliseacutes par les parties agrave des transactions potentiellement comparables et deuxiegravemement dont lrsquoutilisation dans les affaires opeacuterations devrait produire des beacuteneacutefices eacuteconomiques futurs plus importants que ceux que lrsquoon pourrait atteindre en lrsquoabsence desdits actifs incorporels

185 En lrsquoespegravece premiegraverement il est constant que LuxSCS deacutetenait les droits sur les actifs incorporels du groupe Amazon en Europe et qursquoelle mettait ces actifs agrave disposition de LuxOpCo en vertu de lrsquoaccord de licence

186 Agrave cet eacutegard il convient de relever en compleacutement des eacuteleacutements indiqueacutes aux points 4 et 5 ci-dessus que en vertu de lrsquoaccord de cession conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 lequel est une des composantes de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer la proprieacuteteacute drsquoune partie de ces actifs (voir points 31 et 32 dudit accord) agrave savoir notamment et essentiellement les noms de domaines Internet en Europe tels que amazoncouk amazonfr et amazonde

187 Ensuite en vertu de lrsquoaccord de licence conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 LuxSCS a reccedilu le droit drsquoutiliser en Europe la majeure partie des actifs incorporels du groupe Amazon preacuteexistant en 2005 agrave savoir la technologie les inventions les brevets les marques les droits lieacutes aux clients etc sans que ce droit de licence de LuxSCS ait eacuteteacute un droit exclusif

188 De plus en vertu du point 62 sous a) et du point 63 sous a) de lrsquoARC LuxSCS deacutetenait une licence non exclusive sur la proprieacuteteacute intellectuelle de A 9 et drsquoATI deacuteveloppeacutee apregraves 2005 ainsi que la proprieacuteteacute des droits deacuteriveacutes deacuteveloppeacutee apregraves 2005 agrave partir des actifs incorporels dont LuxSCS est le titulaire leacutegal

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189 Enfin LuxSCS a eacutegalement conclu des accords de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle (Intellectual Property Assignment and License Agreement) avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes en vertu desquels elle a reccedilu les marques deacuteposeacutees et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens que celles-ci deacutetenaient

190 Ainsi les actifs incorporels sur lesquels LuxSCS deacutetenait des droits incluaient les trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle suivantes la technologie les actifs incorporels lieacutes au marketing et les donneacutees clients La technologie comprenait un eacuteventail complet englobant tous les aspects de lrsquoactiviteacute du groupe Amazon et notamment les technologies pour la plateforme logicielle de ce groupe lrsquoapparence du site le catalogue le traitement des commandes la logistique les fonctionnaliteacutes de recherche et de navigation le service clientegravele et les fonctionnaliteacutes de personnalisation

191 Deuxiegravemement il y a lieu de relever que si la Commission soutient que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas de laquo fonctions uniques et de valeur raquo en lien avec les actifs incorporels elle ne conteste pas le caractegravere laquo unique et de valeur des actifs incorporels raquo deacutetenus par LuxSCS et mis agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee

192 En particulier la Commission nrsquoa pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la technologie eacutetait unique car il nrsquoy avait pas de comparables et selon laquelle elle jouait un rocircle essentiel dans les diffeacuterents aspects des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et permettait donc de geacuteneacuterer des recettes importantes De plus il y a lieu de relever que nrsquoest pas remis en question ainsi que le soutient Amazon le fait que les activiteacutes commerciales du groupe nrsquoauraient pu acqueacuterir une telle envergure et obtenir un tel succegraves en Europe ndash comme drsquoailleurs dans drsquoautres reacutegions du monde ndash sans la technologie Est convaincante eacutegalement lrsquoalleacutegation du Grand-Ducheacute de Luxembourg suivant laquelle pendant la peacuteriode consideacutereacutee le groupe Amazon srsquoest appuyeacute sur sa technologie qui eacutetait laquo au cœur d[e son] ldquobusiness modelrdquoraquo (modegravele drsquoentreprise) en tant que diffeacuterentiateur concurrentiel en ce sens que crsquoest preacuteciseacutement cette technologie qui a constitueacute le contributeur unique et preacutecieux qui a permis (et permet encore) au groupe Amazon de continuer agrave ecirctre compeacutetitif dans un environnement hautement concurrentiel caracteacuteriseacute par des marges eacutetroites Il ressort par ailleurs du consideacuterant 338 de la deacutecision attaqueacutee que mecircme une partie des concurrents du groupe Amazon admettent que en raison drsquoune strateacutegie laquo tregraves agressive drsquoinvestissement dans la technologie raquo la plateforme de vente au deacutetail du groupe Amazon laquo constitue aujourdrsquohui un avantage concurrentiel difficile agrave eacutegaler raquo En ce qui concerne la technologie il srsquoagissait donc drsquoun actif pour lequel il nrsquoavait pas de comparable

193 Agrave cet eacutegard et par ailleurs il convient de souligner qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire drsquoexaminer les arguments de la Commission tendant agrave faire valoir que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour exploiter les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et que les fonctions humaines reacutealiseacutees par les employeacutes de LuxOpCo eacutetaient eacutegalement importantes En effet ces arguments agrave les supposer fondeacutes ne remettent pas en cause le constat selon lequel la technologie jouait un rocircle essentiel dans les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et constituait ainsi un actif unique et de valeur

194 Srsquoagissant des marques enregistreacutees en Europe il y a lieu de constater que agrave la date agrave laquelle LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer ces actifs qui beacuteneacuteficiaient deacutejagrave de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il ne ressort pas des eacuteleacutements du dossier qursquoil existait des actifs comparables sur le marcheacute europeacuteen Il convient donc de consideacuterer que les marques en question eacutetaient uniques Il est constant que leur utilisation a permis de geacuteneacuterer des recettes importantes en Europe Ces marques eacutetaient donc eacutegalement laquo de valeur raquo En ce qui concerne les donneacutees clients celles-ci nrsquoavaient pas non plus de comparables et elles permettaient de geacuteneacuterer des beacuteneacutefices importants Il y a donc lieu de consideacuterer que ces actifs incorporels eacutetaient eacutegalement uniques et de valeur

195 Dans ces conditions compte tenu du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et au vu du fait que les actifs incorporels du groupe Amazon et notamment la technologie constituaient des actifs uniques et de valeur mis en œuvre par LuxSCS dans le cadre de la transaction

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controcircleacutee il ne pouvait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de choisir une socieacuteteacute autre que LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester Par ailleurs si ainsi que lrsquoa suggeacutereacute la Commission agrave la note en bas de page no 681 de la deacutecision attaqueacutee selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 un deacutetenteur passif ne peut ecirctre la partie la plus complexe et peut donc ecirctre la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN force est de constater que cela nrsquoeacutetait pas le cas dans la peacuteriode consideacutereacutee laquelle doit ecirctre examineacutee en lrsquoespegravece au regard des seules lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

196 Au point 83 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 la Commission semble vouloir insister sur le fait que selon le point 343 des principes de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 ce nrsquoest que laquo souvent raquo que le choix de la partie agrave tester impliquera de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la laquo moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo sans toutefois qursquoil srsquoagisse drsquoune regravegle absolue agrave cet eacutegard Dans la mesure ougrave la Commission entend affirmer que la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoest pas une regravegle absolue mais une regravegle qui peut ecirctre eacutecarteacutee si des circonstances particuliegraveres tenant agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee le justifient force est de constater qursquoelle nrsquoa pas expliqueacute dans la deacutecision attaqueacutee en quoi cette preacuteconisation devait en lrsquoespegravece ecirctre eacutecarteacutee La Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc se deacutepartir de la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 en raison drsquoune particulariteacute propre agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

197 En deuxiegraveme lieu et en tout eacutetat de cause il y a lieu de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que outre des fonctions de maintien de sa proprieacuteteacute intellectuelle LuxSCS nrsquoexerccedilait aucune fonction laquo active et critique raquo en lien avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee) ou laquo aucune fonction active et essentielle raquo en rapport avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 548 de ladite deacutecision) ou encore laquo aucune fonction accroissant la valeur des actifs incorporels raquo (voir le consideacuterant 526 de la mecircme deacutecision)

198 Premiegraverement srsquoagissant de la distinction opeacutereacutee par la Commission entre la deacutetention dite laquo passive raquo (consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee) et la deacutetention laquo active raquo des actifs incorporels ainsi qursquoentre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee) il convient de constater agrave lrsquoinstar du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon que les lignes directrices de lrsquoOCDE pertinentes en lrsquoespegravece ne preacutevoient pas une telle distinction

199 En effet les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 se bornent agrave indiquer en leur point 120 que en geacuteneacuteral lorsqursquoil y a lieu de deacuteterminer le caractegravere de pleine concurrence drsquoune reacutemuneacuteration eacutetablie dans le cadre drsquoune transaction controcircleacutee il convient drsquoexaminer si cette reacutemuneacuteration correspond laquo aux fonctions assumeacutees par chaque entreprise raquo et de laquo comparer les fonctions exerceacutees par les parties raquo

200 Certes il nrsquoest pas exclu que le point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 puisse ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le terme laquo exerceacutees raquo renvoie agrave des fonctions dites laquo actives raquo

201 Toutefois il ne deacutecoule pas clairement du point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que seules des fonctions laquo actives raquo pouvaient ecirctre prises en compte aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle des parties agrave la transaction Il ne reacutesulte pas non plus de ce point qursquoune entiteacute ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo assumant raquo ou laquo exerccedilant raquo des fonctions lorsqursquoelle deacutetient certains actifs et se borne agrave financer par exemple leur mise au point ou leurs ameacuteliorations

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202 De plus il y a lieu de souligner que selon le point 122 des lignes directrices de lrsquoOCDE il peut ecirctre laquo inteacuteressant et utile lorsque lrsquoon identifie et lrsquoon compare les fonctions exerceacutees de prendre en compte les actifs qui sont ou seront mis en œuvre raquo et qursquolaquo il convient agrave cet eacutegard drsquoenvisager le type drsquoactifs utiliseacutes (usines eacutequipements eacuteleacutements incorporels etc) et les caracteacuteristiques de ces actifs (acircge valeur marchande localisation existence de droits de proprieacuteteacute industrielle etc) raquo En drsquoautres termes il est preacuteconiseacute de prendre en compte le fait qursquoune socieacuteteacute mette agrave disposition des actifs dans le cadre de la transaction controcircleacutee pour lrsquoexamen des fonctions exerceacutees Il en deacutecoule donc que contrairement agrave ce qursquoaffirme la Commission la mise agrave disposition drsquoactifs incorporels devait ecirctre prise en compte pour examiner les fonctions exerceacutees ou assumeacutees par une partie agrave une transaction intragroupe sans qursquoune distinction entre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo soit pertinente

203 Deuxiegravemement agrave supposer que la Commission pucirct effectivement opeacuterer une distinction entre les fonctions laquo passives raquo et laquo actives raquo elle a erroneacutement conclu ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee que LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels qursquoelle srsquoeacutetait borneacutee agrave maintenir les actifs incorporels et qursquoaucune autre fonction active ne pouvait lui ecirctre attribueacutee

204 Drsquoune part la Commission a omis de prendre en compte le fait que LuxSCS a bel et bien exploiteacute lesdits actifs en les mettant agrave disposition agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement drsquoune redevance par le biais de lrsquoaccord de licence

205 En effet il est constant que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS a donneacute en licence agrave LuxOpCo lrsquoensemble des actifs incorporels drsquoAmazon sur le territoire europeacuteen Cet accord portait non seulement sur lrsquointeacutegraliteacute des actifs incorporels viseacutes dans lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC mais eacutegalement sur les actifs incorporels et notamment les marques qursquoelle avait reccedilus en 2006 aupregraves des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees ainsi que les droits deacuteriveacutes qui en deacutecoulaient Or le fait de donner en licence les actifs incorporels agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement de la redevance constitue une exploitation de ces actifs ce qui eacutequivaut agrave exercer une fonction active

206 Cette exploitation correspond agrave une utilisation des actifs incorporels au sens de lrsquoutilisation par LuxSCS dont la preacutetendue absence est deacuteploreacutee par la Commission aux consideacuterants 430 agrave 432 de la deacutecision attaqueacutee

207 Lrsquoexploitation des actifs incorporels par LuxSCS par lrsquointermeacutediaire de leur mise agrave disposition agrave LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence satisfait eacutegalement au critegravere qui a eacuteteacute suggeacutereacute par la Commission au point 83 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 Selon ce critegravere la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 telle que mentionneacutee aux points 183 et 184 ci-dessus aurait eacuteteacute creacuteeacutee par les auteurs desdites lignes directrices laquo en partant du postulat que la partie agrave une transaction controcircleacutee qui deacutetient des actifs incorporels de valeur est [hellip] celle qui les utilise [hellip] dans le cadre de lrsquoexercice de fonctions actives en rapport avec cette transaction raquo Agrave cet eacutegard sans qursquoil soit besoin drsquoeacutetablir si la Commission est fondeacutee agrave consideacuterer qursquoil y a lieu drsquointerpreacuteter ledit point comme srsquoil requeacuterait une certaine utilisation des actifs incorporels force est de constater que le fait de mettre les actifs incorporels de LuxSCS agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence constitue une utilisation au sens retenu par la Commission

208 Drsquoautre part il y a lieu de relever que LuxSCS a contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par le biais de sa participation financiegravere au titre de lrsquoARC Dans ce contexte il convient de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute agrave la derniegravere phrase du deuxiegraveme tiret du point 4 ci-dessus LuxSCS devait verser une quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

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209 Agrave cet eacutegard il convient de souligner qursquoil ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que la participation financiegravere agrave un accord de reacutepartition des coucircts ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une veacuteritable participation au deacuteveloppement des actifs faisant lrsquoobjet drsquoun tel accord Au contraire il deacutecoule du point 815 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans la version de 1995 lequel indique srsquoagissant des accords de reacutepartition des coucircts qursquolaquo [i]l nrsquoest probablement pas facile de deacuteterminer la valeur relative de la contribution de chaque participant sauf lorsque toutes les contributions sont inteacutegralement verseacutees en numeacuteraire raquo qursquoune contribution financiegravere agrave un tel accord de reacutepartition des coucircts peut bel et bien ecirctre une contribution valide et de valeur et ce donc sans eacutegard agrave la question de savoir si lrsquoentiteacute ayant fourni la contribution financiegravere apporte eacutegalement des contributions drsquoune autre nature En effet dans certains cas il nrsquoest pas exclu que la contribution financiegravere agrave une transaction intragroupe puisse ecirctre le moteur unique du succegraves (commercial) de la transaction

210 De surcroicirct en application du point 63 sous b) et du point 64 de lrsquoARC en contrepartie de sa participation aux coucircts LuxSCS devenait coproprieacutetaire avec A 9 drsquoune partie des actifs incorporels qui eacutetaient constamment deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes aux Eacutetats-Unis Ces deacuteveloppements et ameacuteliorations eacutetaient mis agrave disposition par LuxSCS agrave LuxOpCo constamment au titre de lrsquoaccord de licence de telle maniegravere qursquoil est permis de consideacuterer que du point de vue de LuxOpCo elles eacutetaient imputables agrave LuxSCS et non aux entiteacutes ameacutericaines Dans le cadre de lrsquoaccord de licence les reacutesultats des deacuteveloppements et des ameacuteliorations des actifs incorporels sont attribueacutes agrave LuxSCS

211 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee que les laquo seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo Drsquoune part le critegravere utiliseacute par la Commission et visant la distinction entre des fonctions actives et passives nrsquoest pas pertinent Drsquoautre part mecircme srsquoil y avait lieu de retenir ce critegravere il y a lieu de constater que LuxSCS a mis agrave disposition de LuxOpCo les actifs incorporels et a contribueacute agrave leur deacuteveloppement de par sa contribution financiegravere agrave lrsquoARC Ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte par la Commission dans son analyse fonctionnelle de LuxSCS ainsi qursquoaux fins du choix de la partie agrave tester

212 Cette conclusion nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments invoqueacutes par la Commission

213 Premiegraverement lrsquoappreacuteciation faite par la Commission aux consideacuterants 420 et 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS laquo ne pouvait [hellip] exercer aucune fonction active et critique en rapport avec [la] mise au point [lrsquo] ameacutelioration [la] gestion ou [lrsquo]exploitation [des actifs incorporels] raquo car LuxSCS laquo nrsquoeacutetait plus habiliteacutee agrave exploiter eacuteconomiquement les actifs incorporels dans le cadre des activiteacutes europeacuteennes [du groupe] Amazon raquo ne saurait prospeacuterer

214 En effet la Commission a fondeacute ce constat sur lrsquoaffirmation reacuteiteacutereacutee agrave plusieurs reprises dans la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo avait reccedilu de LuxSCS une licence laquo irreacutevocable raquo et laquo exclusive raquo (voir par exemple consideacuterants 116 419 431 438 442 et 450 de la deacutecision attaqueacutee) ce qui aurait priveacute LuxSCS de toute possibiliteacute drsquoexploiter les actifs incorporels

215 Agrave cet eacutegard il suffit de rappeler que le fait de donner en licence constitue deacutejagrave une exploitation

216 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoappreacuteciation faite par la Commission au consideacuterant 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS nrsquoaurait pas la capaciteacute drsquoexercer des fonctions car elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes

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217 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission le fait que LuxSCS ait ou non eu la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule est deacutenueacute de pertinence pour appreacutecier les fonctions de LuxSCS en lien avec lrsquoexploitation des actifs incorporels En effet ainsi qursquoexposeacute au point 204 ci-dessus LuxSCS a effectivement exploiteacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo

218 En outre contrairement agrave ce que fait valoir la Commission il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire que LuxSCS eucirct ses propres salarieacutes pour contribuer au deacuteveloppement continu des actifs incorporels En effet LuxSCS y contribuait du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

219 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument de la Commission selon lequel la contribution financiegravere de LuxSCS au deacuteveloppement des actifs incorporels aurait eacuteteacute quant agrave elle purement artificielle car le financement du deacuteveloppement des actifs incorporels provenait des comptes de LuxOpCo ce qui aurait signifieacute que LuxOpCo aurait exerceacute toutes les fonctions attribueacutees par lrsquoARC agrave LuxSCS

220 En effet lrsquoorigine du capital utiliseacute par LuxSCS pour reacutepondre aux obligations financiegraveres lui incombant en vertu de lrsquoARC et donc le fait que ce capital provenait du paiement de la redevance par LuxOpCo nrsquoest pas pertinente Les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoexigent pas que le capital investi provienne drsquoune source preacutecise Il nrsquoest pas exclu que ce capital trouve son origine dans une redevance telle que celle en cause ou provienne drsquoune autre source de revenus telle que par exemple un precirct

221 En tout eacutetat de cause il est constant que LuxSCS disposait outre les revenus tireacutes de la redevance drsquoun capital propre Or ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg crsquoest gracircce agrave son capital propre que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo En 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait drsquoailleurs largement infeacuterieur aux paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC

222 En troisiegraveme lieu le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoappreacuteciation de la Commission opeacutereacutee notamment aux consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo (voir notamment consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee)

223 Srsquoagissant de la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo il y a lieu de souligner que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoutilisent pas ces termes Seule lrsquoexpression laquo actifs uniques et de valeur raquo est utiliseacutee agrave plusieurs reprises notamment dans les sections relatives agrave la MTMN et agrave la meacutethode du partage des beacuteneacutefices le plus souvent pour faire reacutefeacuterence agrave des actifs incorporels (deacuteveloppement ou proprieacuteteacute) (voir par exemple points 18 319 343 et 626 desdites lignes)

224 En revanche ce nrsquoest que dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE qui ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece qursquoil est clairement question de fonctions ou de contributions laquo uniques et de valeur raquo et qursquoune distinction est opeacutereacutee entre drsquoune part les laquo fonctions uniques et de valeur raquo et drsquoautre part les laquo fonctions de routine raquo Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus agrave leur point 617 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 contiennent une deacutefinition de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo En revanche si les auteurs des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 utilisent souvent la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo ils ne fournissent aucune deacutefinition agrave cet eacutegard

225 Les parties principales ont preacuteciseacute ce qursquoelles entendaient par les expressions laquo fonctions de routine raquo ou laquo fonctions courantes raquo Lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg a releveacute qursquoune entiteacute exerce des laquo fonctions de routine raquo lorsqursquoelle exerce des fonctions usuelles agrave savoir des fonctions que

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drsquoautres entreprises pourraient exercer eacutegalement Il srsquoagit donc en substance de fonctions pour lesquelles on peut facilement trouver des comparables Amazon a quant agrave elle souligneacute lors de lrsquoaudience que la notion de laquo fonction de routine raquo ne voulait pas dire que les fonctions en question nrsquoavaient pas de valeur mais qursquoelles pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) et reacutemuneacutereacutees La Commission nrsquoa pas remis en cause cette compreacutehension Il ressort du point 14 (note en bas de page no 18) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 que drsquoapregraves la Commission le terme laquo courantes raquo renvoie agrave des fonctions qui ne sont pas uniques et pour lesquelles il existe des eacuteleacutements de comparaison sur le marcheacute libre De maniegravere similaire au point 17 (note en bas de page no 21) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-81617 la Commission oppose les fonctions laquo courantes raquo agrave celles qui laquo ne sont pas uniques et de valeur raquo

226 En lrsquoespegravece il nrsquoy a pas lieu de deacuteterminer si sur la base des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 il eacutetait deacutejagrave loisible pour la Commission de veacuterifier le caractegravere de pleine concurrence drsquoun prix en opeacuterant avec la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo car cette notion aurait deacutejagrave eacuteteacute drsquoapplication agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquoappliquaient et ce mecircme si elles ne faisaient pas eacutetat de cette notion expresseacutement ou si ce nrsquoest qursquoagrave partir de lrsquoadoption des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 que le critegravere lieacute aux laquo fonctions uniques et de valeur raquo pouvait ecirctre pris en compte agrave cet effet

227 En effet et en tout eacutetat de cause les parties principales nrsquoont pas remis en cause la pertinence de ce critegravere mais srsquoaccordent agrave mettre ce critegravere au cœur de leurs arguments comme eacutetant un paramegravetre pertinent pour juger de leur situation Agrave cet eacutegard il convient de relever que tout comme crsquoest le cas de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo (voir point 176 ci-dessus) les parties nrsquoont pas pris le soin de deacutefinir les termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo

228 Srsquoagissant de la signification des termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo agrave lrsquoinstar de ce qui a eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus et compte tenu de lrsquoacception de ces termes retenue par les parties (voir point 225 ci-dessus) il convient de retenir aux fins de la preacutesente affaire que la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que si le fait de deacutesigner une certaine fonction drsquolaquo unique raquo exclut que la mecircme fonction puisse ecirctre qualifieacutee comme eacutetant laquo de routine raquo ou encore laquo courante raquo le mecircme raisonnement ne saurait srsquoappliquer pour ce qui est de la notion de laquo fonction de valeur raquo Il existe eacutegalement des laquo fonctions de routine raquo ou laquo courantes raquo qui permettent de geacuteneacuterer des recettes importantes et qui meacuteritent de ce fait drsquoecirctre qualifieacutees de laquo fonctions de valeur raquo

229 En lrsquoespegravece drsquoune part ainsi qursquoexposeacute au point 191 ci-dessus il nrsquoest pas contesteacute que les actifs incorporels faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence eacutetaient uniques et de valeur

230 Drsquoautre part LuxSCS a non seulement exploiteacute mais eacutegalement contribueacute financiegraverement au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur dont elle eacutetait le titulaire En conseacutequence il deacutecoule de ce qui vient drsquoecirctre indiqueacute aux points 203 agrave 211 ci-dessus que toutes les fonctions de LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels auraient ducirc ecirctre consideacutereacutees par la Commission comme eacutetant uniques et de valeur Lrsquoaffirmation faite au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS aurait exerceacute des laquo fonctions uniques et de valeur raquo nrsquoest donc pas justifieacutee et doit de ce fait ecirctre eacutecarteacutee En conseacutequence compte tenu des fonctions et des actifs de LuxSCS la conclusion de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester ne convainc pas

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ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS

231 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font en substance valoir que LuxSCS supportait les risques lieacutes aux actifs incorporels en tant que tels tandis que LuxOpCo ne supportait que les risques lieacutes agrave ses activiteacutes de deacutetaillant LuxSCS aurait en outre assumeacute des risques financiers en lien avec les actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

232 La Commission conteste ces arguments

233 Elle soutient en particulier que ni les deacutecisions du geacuterant unique de LuxSCS ni les comptes rendus des assembleacutees geacuteneacuterales de LuxSCS ne mentionnent de deacutecisions critiques ayant trait agrave la gestion des risques En reacutealiteacute LuxSCS nrsquoaurait eu ni la capaciteacute financiegravere ni la capaciteacute opeacuterationnelle drsquoassumer ces risques LuxSCS nrsquoaurait pu supporter les coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC que gracircce au financement perccedilu annuellement par le biais des redevances payeacutees par LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence de sorte que le capital de LuxSCS nrsquoaurait jamais eacuteteacute exposeacute au risque Qui plus est LuxSCS aurait beacuteneacuteficieacute drsquoune capitalisation initiale importante de la part de sa socieacuteteacute megravere laquelle a couvert le paiement drsquoentreacutee En toute hypothegravese LuxSCS aurait en vertu de lrsquoaccord de licence transfeacutereacute les risques financiers agrave LuxOpCo Degraves lors les risques retenus par LuxSCS seraient theacuteoriques dans la mesure ougrave LuxSCS avait la possibiliteacute de reacutesilier lrsquoaccord de licence et drsquoaccorder une licence agrave une autre partie lieacutee ou indeacutependante Les risques financiers de LuxSCS auraient eacuteteacute theacuteoriques eacutegalement parce que sa participation financiegravere agrave lrsquoARC eacutetait financeacutee par la redevance payeacutee par LuxOpCo et que le montant des paiements au titre de lrsquoARC eacutetait correacuteleacute aux recettes de LuxOpCo

234 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever drsquoembleacutee que dans la mesure ougrave LuxSCS avait obtenu la pleine proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels conformeacutement au point 31 de lrsquoaccord de cession conclu

1eravec ATI le janvier 2005 elle supportait la totaliteacute des risques lieacutes agrave lrsquoexistence des actifs incorporels en tant que tels Il srsquoagissait par exemple de risques tels que la contestation par un tiers ou la deacutecheacuteance des actifs incorporels Cela est la conseacutequence logique du fait que LuxSCS eacutetait proprieacutetaire de ces actifs Du point de vue de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 LuxSCS assumait eacutegalement les risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels par les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9

235 Dans la mesure ougrave elle avait durant la peacuteriode consideacutereacutee une licence sur lrsquoautre partie des actifs incorporels viseacutes au point 31 de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 ainsi qursquoaux points 61 et 62 de lrsquoARC LuxSCS supportait des risques financiers en lien avec ces actifs utiliseacutes du fait de sa participation agrave lrsquoARC Plus preacuteciseacutement la reacutepartition des coucircts entre les parties agrave lrsquoARC eacutetait preacutevue conformeacutement aux points 4 et 5 de lrsquoARC En vertu de ces points de lrsquoARC LuxSCS avait lrsquoobligation de supporter les coucircts lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels Si la reacutepartition des coucircts eacutetait fonction de la part des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe par comparaison aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes au niveau mondial les coucircts en tant que tels eacutetaient totalement indeacutependants du niveau des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que si les coucircts lieacutes au deacuteveloppement eacutetaient plus eacuteleveacutes que la redevance verseacutee par LuxOpCo crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc supporter les conseacutequences financiegraveres reacutesultant de cet eacutecart Ainsi dans le cas ougrave LuxOpCo aurait enregistreacute des pertes ou des beacuteneacutefices faibles la redevance nrsquoaurait pas suffi pas agrave couvrir les coucircts fixes supporteacutes par LuxSCS agrave savoir essentiellement les paiements au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC En drsquoautres termes LuxSCS risquait de ne pas avoir de revenus suffisants pour effectuer les paiements drsquoentreacutee et de reacutepartition des coucircts preacutevus par lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC

236 Srsquoagissant de ces risques financiers il convient de souligner que en deacutepit drsquoune affirmation non eacutetayeacutee faite par elle lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas eacutetabli que lrsquoobligation de LuxSCS drsquoeffectuer les paiements dus au titre de lrsquoARC eacutetait effectivement exactement correacuteleacutee au versement par LuxOpCo du montant de la redevance Au contraire et ainsi que lrsquoa drsquoailleurs releveacute la Commission elle-mecircme au

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consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee les montants perccedilus par LuxSCS au titre de la redevance ne correspondaient pas directement aux montants dus par LuxSCS au titre de lrsquoARC Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoentreacutee et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

237 Toujours srsquoagissant des risques financiers supporteacutes par LuxSCS la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer que cette socieacuteteacute ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave ce capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo

238 Enfin il est vrai que selon les points 23 et 92 de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels En effet drsquoune part selon les termes du point 23 dudit accord LuxOpCo eacutetait tenue de prendre toutes les mesures neacutecessaires pour proteacuteger les droits de LuxSCS sur les actifs incorporels et drsquoautre part en vertu du point 92 de ce mecircme accord LuxOpCo avait lrsquoobligation de preacutevenir et de traduire en justice agrave ses propres frais toute utilisation non autoriseacutee des actifs incorporels LuxOpCo assumait donc les risques lieacutes agrave la protection des actifs incorporels

239 Il nrsquoen demeure pas moins que les autres risques lieacutes aux actifs incorporels eacutetaient supporteacutes par LuxSCS du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

240 En effet il ne ressort pas des dispositions de lrsquoaccord de licence que LuxSCS ait transfeacutereacute agrave LuxOpCo des risques autres que ceux deacutecoulant des points 23 et 92 dudit accord agrave savoir ceux relatifs agrave lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels Ainsi contrairement agrave ce que suggegravere la Commission lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause sur le transfert en tant que tel de lrsquoensemble des risques lieacutes aux actifs incorporels de LuxSCS agrave LuxOpCo En particulier lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause relative au transfert des risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels

241 Nrsquoeacutetant pas eacutetayeacutee par les dispositions de lrsquoaccord de licence la conclusion exprimeacutee par la Commission notamment au consideacuterant 438 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS a transfeacutereacute agrave LuxOpCo les risques en lien avec la mise au point la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels la proprieacuteteacute intellectuelle ne saurait donc ecirctre retenue

242 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont fondeacutes agrave affirmer que LuxSCS supportait les risques lieacutes agrave la proprieacuteteacute et au deacuteveloppement des actifs incorporels utiliseacutes pour exploiter les activiteacutes europeacuteennes y compris les risques financiers lieacutes agrave lrsquoexploitation de ces actifs incorporels tandis que LuxOpCo ne supportait essentiellement que les risques lieacutes agrave ses propres activiteacutes de deacutetaillant et en particulier les risques lieacutes aux ventes et aux services de place de marcheacute

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester

243 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 162 agrave 242 ci-dessus il y a lieu drsquoopeacuterer deux constats

244 En premier lieu lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS effectueacutee par la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee La Commission a sous-estimeacute les fonctions de LuxSCS En ce qui concerne les actifs incorporels la Commission a notamment neacutegligeacute de prendre en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS mettait agrave disposition des actifs incorporels qui nrsquoavaient pas de comparables sur le marcheacute et qui eacutetaient donc uniques et de valeur Selon les lignes

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directrices de lrsquoOCDE dans leur version pertinente en lrsquoespegravece cet eacuteleacutement suffisait en principe pour pouvoir conclure que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie la moins complexe et donc la partie agrave tester

245 En tout eacutetat de cause srsquoil y avait lieu de consideacuterer ainsi que la Commission le fait valoir que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc prendre en compte des laquo fonctions uniques et de valeur raquo force est de constater que la Commission a ignoreacute la circonstance que LuxSCS exploitait bel et bien les actifs incorporels dans le cadre de la transaction controcircleacutee examineacutee La mise agrave disposition des actifs incorporels ayant une valeur de pointe correspondait au fait drsquoexercer une fonction unique et de valeur dans le cadre de lrsquoaccord de licence (la transaction controcircleacutee) Ainsi qursquoil reacutesulte des points 203 agrave 242 ci-dessus LuxSCS a exerceacute une seacuterie de fonctions dans le cadre de la transaction controcircleacutee autres que le fait de mettre agrave la disposition de LuxOpCo les actifs incorporels La Commission a neacutegligeacute ces fonctions qui pouvaient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques et de valeur

246 La Commission nrsquoa pas non plus ducircment pris en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS assumait la totaliteacute des risques lieacutes agrave ces actifs et agrave leur deacuteveloppement dans le cadre de lrsquoaccord de licence et ce indeacutependamment de la question de savoir si LuxSCS eacutetait elle-mecircme controcircleacutee par les entiteacutes ameacutericaines et si crsquoest LuxSCS qui deacuteveloppait techniquement les actifs incorporels ou si LuxSCS contribuant financiegraverement les deacuteveloppements de la proprieacuteteacute intellectuelle eacutetaient les reacutesultats des efforts techniques des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Ce faisant la Commission a minimiseacute eacutegalement la description des risques assumeacutes par LuxSCS

247 Dans ces conditions il ne saurait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de ne pas avoir choisi LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester

248 En second lieu en toute hypothegravese mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels et non une socieacuteteacute ayant exerceacute des fonctions actives en rapport avec ceux-ci force est de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS aurait ducirc ecirctre retenue en tant que partie agrave tester

249 En effet il y a lieu de rappeler que de maniegravere geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave laquelle la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable et pour laquelle les eacuteleacutements de comparaison les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutes

250 En lrsquoespegravece force est de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute qursquoil eacutetait davantage facile de trouver des entreprises comparables agrave LuxSCS que des entreprises comparables agrave LuxOpCo ni le fait que retenir LuxSCS en tant qursquoentiteacute agrave tester aurait permis drsquoobtenir des donneacutees de comparaison davantage fiables

251 Ainsi qursquoil reacutesulte du consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc admettre lorsqursquoelle a chercheacute la marge approprieacutee pour la redevance qursquoil nrsquoy avait pas de comparables pour LuxSCS

252 Il srsquoensuit qursquoil y a lieu drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon laquelle la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN Cela eacutetant les consideacuterations preacuteceacutedentes sont suffisantes pour accueillir lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne le constat principal de la Commission visant lrsquoexistence de lrsquoavantage et ce sans qursquoil soit besoin de proceacuteder agrave une analyse fonctionnelle de LuxOpCo ni de la question de savoir si la Commission eacutetait fondeacutee agrave eacutecarter la CUP

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253 Cependant dans un souci drsquoexhaustiviteacute il y a lieu de relever que les appreacuteciations de la Commission concernant lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE doivent eacutegalement ecirctre eacutecarteacutees pour des motifs autres que ceux lieacutes aux choix de la partie agrave tester et agrave lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS tels qursquoils viennent drsquoecirctre exposeacutes Ainsi mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la conclusion non justifieacutee de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute la partie agrave tester lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon devrait ecirctre accueillie par ailleurs et ce pour les motifs suivants

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester

254 Aux consideacuterants 550 agrave 560 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a chercheacute agrave opeacuterer sa propre application de la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester Au terme de son analyse au consideacuterant 559 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence devait ecirctre eacutegale agrave la somme de deux composantes agrave savoir drsquoune part des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels sans marge et drsquoautre part des coucircts geacuteneacuteraux drsquoexploitation supporteacutes directement par LuxSCS pour assurer les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels (ci-apregraves les laquo coucircts de maintien raquo) majoreacutes de 5 (ci-apregraves la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo) Il importe agrave cet eacutegard de relever que la reacutemuneacuteration de LuxSCS correspond en reacutealiteacute agrave la redevance qui selon la Commission aurait ducirc ecirctre perccedilue par LuxSCS aupregraves de LuxOpCo

255 Par le deuxiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen et par la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par le quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter que LuxSCS pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de la meacutethode MTMN (quod non) la Commission aurait commis drsquoautres erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN En effet le calcul effectueacute par la Commission pour deacuteterminer la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS agrave savoir la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS ne saurait convaincre

256 Il convient drsquoaborder cette argumentation en tenant compte des deux composantes distingueacutees par la Commission (voir point 254 ci-dessus)

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)

257 Srsquoagissant de la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen que la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS devrait refleacuteter non seulement les coucircts de deacuteveloppement mais eacutegalement la valeur des actifs incorporels Cette valeur serait deacutecorreacuteleacutee de ces coucircts et donc des paiements opeacutereacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC Au point 73 de la requecircte et aux points 32 et suivants de la reacuteplique dans lrsquoaffaire T-31818 Amazon invoque en substance le mecircme grief De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee qui seraient la contrepartie de la mise agrave disposition par LuxSCS des actifs incorporels par lrsquoaccord de licence auraient ducirc ecirctre inclus dans les coucircts auxquels une marge est appliqueacutee

258 La Commission reacutefute ces arguments

259 Elle soutient que lrsquoobjectif drsquoun accord de reacutepartition des coucircts tel que lrsquoARC reacuteside dans le partage des coucircts lieacutes agrave la mise au point des actifs incorporels et non dans lrsquoobtention drsquoun beacuteneacutefice drsquoexploitation sur les activiteacutes europeacuteennes Ainsi ATI et A 9 ne devraient obtenir aucune part des beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales en Europe en dehors du remboursement des coucircts drsquoentreacutee et au titre de lrsquoARC Ce serait donc agrave bon droit que la deacutecision attaqueacutee a deacutetermineacute la reacutemuneacuteration de LuxSCS comme

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comprenant un remboursement des paiements drsquoentreacutee et des coucircts de deacuteveloppement de lrsquoARC La Commission rappelle dans ce contexte que selon elle la raison de lrsquoexistence de LuxSCS eacutetait purement fiscale Lrsquoaccord de licence nrsquoaurait pas eacuteteacute directement conclu entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo mais entre LuxSCS et LuxOpCo afin drsquoeacuteviter que les redevances ne soient soumises agrave lrsquoimpocirct aux Eacutetats-Unis Si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute ATI et A 9 auraient conclu un accord de reacutepartition des coucircts avec LuxOpCo (et non un accord de licence) de sorte que seule LuxOpCo aurait ducirc srsquoacquitter des paiements De plus lrsquoactiviteacute de LuxSCS se serait limiteacutee agrave la simple deacutetention des actifs incorporels LuxSCS nrsquoaurait pas exerceacute elle-mecircme directement des fonctions de deacuteveloppement de la proprieacuteteacute intellectuelle et nrsquoaurait donc pas ducirc percevoir de reacutemuneacuterations agrave ce titre Elle nrsquoaurait joueacute aucun rocircle dans lrsquoutilisation ou le deacuteveloppement des actifs incorporels ni nrsquoaurait exerceacute aucun controcircle sur ces fonctions de deacuteveloppement et sur les risques affeacuterents Selon la Commission il ne fallait donc pas appliquer de marge aux coucircts drsquoentreacutee et aux coucircts de lrsquoARC dans la mesure ougrave il ne srsquoagit que de coucircts reacutepercuteacutes par LuxSCS agrave LuxOpCo et ougrave LuxSCS nrsquoexerce aucune fonction en lien avec les actifs incorporels Au contraire la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter le fait que les fonctions et les risques attribueacutes agrave LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient en fait supporteacutes par LuxOpCo En tout eacutetat de cause la Commission nrsquoaurait pas ignoreacute dans son analyse fonctionnelle le fait que LuxSCS eacutetait le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels

260 Agrave titre liminaire il convient de relever que lrsquoexercice consistant agrave examiner si une redevance telle que celle en cause en lrsquoespegravece correspond agrave un reacutesultat de marcheacute preacutesuppose selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de se rattacher agrave la valeur des actifs incorporels et non aux coucircts de deacuteveloppement et de mise au point de ceux-ci En effet il ressort du point 627 desdites lignes que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre ces coucircts et la valeur des actifs incorporels En particulier la valeur eacutequitable effective drsquoun bien incorporel nrsquoest souvent pas mesurable en fonction des deacutepenses encourues pour la mise au point et la preacuteservation du bien incorporel Ainsi qursquoil reacutesulte du point 62 desdites lignes les laquo biens incorporels raquo peuvent avoir une valeur consideacuterable mecircme srsquoils nrsquoont pas de valeur comptable dans le bilan de la socieacuteteacute Enfin ainsi qursquoil reacutesulte respectivement des points 122 et 627 desdites lignes il srsquoagit agrave cet eacutegard de ce qursquoil est convenu drsquoappeler la laquo valeur marchande raquo ou laquo valeur veacutenale raquo Par ailleurs il y a lieu de souligner que cette valeur peut ecirctre sujette agrave des fluctuations dans le temps

261 En lrsquoespegravece se pose la question de savoir si la premiegravere composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS telle que calculeacutee par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee agrave savoir premiegraverement le paiement drsquoentreacutee sans marge et deuxiegravemement les paiements au titre de lrsquoARC toujours sans marge reflegravete effectivement la valeur des actifs incorporels donneacutes en licence agrave LuxOpCo

262 En premier lieu il peut certes ecirctre consideacutereacute que le paiement drsquoentreacutee qui a eacuteteacute verseacute par LuxSCS aux entiteacutes ameacutericaines en contrepartie du transfert de proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels preacuteexistants et drsquoune licence sur le reste des actifs incorporels preacuteexistants (voir point 4 ci-dessus) reflegravete bien la valeur des actifs incorporels au moment de la conclusion de lrsquoaccord drsquoentreacutee soit en 2005

263 En effet si le montant du paiement drsquoentreacutee ne constitue pas un prix qui a eacuteteacute neacutegocieacute librement sur le marcheacute il srsquoagit ainsi qursquoAmazon lrsquoindique au point 73 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 du prix verseacute en contrepartie de lrsquoacquisition des actifs incorporels preacuteexistant en 2005 Un tel versement agrave la diffeacuterence des coucircts de deacuteveloppement est susceptible de refleacuteter la valeur des actifs incorporels faisant lrsquoobjet du transfert de proprieacuteteacute agrave savoir les actifs incorporels preacuteexistant en 2005

264 Neacuteanmoins il convient de souligner que ainsi que cela a eacuteteacute affirmeacute notamment par le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans ecirctre contredit sur ce point par la Commission durant la peacuteriode consideacutereacutee les actifs incorporels ont gagneacute en valeur de maniegravere significative gracircce agrave lrsquoinnovation permanente dans la technologie deacuteveloppeacutee notamment par les entiteacutes ameacutericaines par Amazon US ainsi que gracircce au

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deacuteveloppement de la notorieacuteteacute de la marque Amazon et donc des actifs incorporels lieacutes au marketing en Europe et dans le monde La simple addition des coucircts de deacuteveloppement sans marge (paiements au titre de lrsquoARC) au prix payeacute pour lrsquoobtention des actifs incorporels preacuteexistants (paiement drsquoentreacutee) opeacutereacutee par la Commission au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee ne prend pas en compte le fait que en lrsquoespegravece la valeur des actifs incorporels preacuteexistants a augmenteacute pendant la peacuteriode consideacutereacutee dans la mesure ougrave ces actifs ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes au fur et agrave mesure par les entiteacutes ameacutericaines et remplaceacutes pour partie La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee invoqueacutee par la Commission qui peut ecirctre accepteacutee comme eacutetant leur valeur initiale des actifs incorporels en 2005 ne reflegravete donc pas la valeur veacutenale desdits actifs incorporels pendant la totaliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee

265 Qui plus est crsquoest agrave tort que la Commission a consideacutereacute que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee pourraient ecirctre reacutepercuteacutes agrave LuxOpCo sans application drsquoune marge Lrsquoabsence de marge ne reflegravete pas ce que des parties indeacutependantes auraient accepteacute dans le cadre drsquoune transaction libre sur le marcheacute et constitue donc une erreur dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS En effet il est raisonnable de consideacuterer et il ressort par ailleurs notamment du point 614 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les parties indeacutependantes agissant sur le marcheacute cherchent agrave tirer des profits de la mise agrave disposition de leurs actifs De ce fait lrsquoapplication drsquoune marge dans le cadre du calcul drsquoune reacutemuneacuteration telle que celle en cause apparaicirct comme une situation courante sur le marcheacute Or ainsi que le fait valoir Amazon au point 98 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 si la Commission avait examineacute les options qui srsquooffraient agrave LuxSCS ainsi que le preacuteconise ledit point 614 elle aurait pu constater qursquoil existait de nombreux opeacuterateurs drsquoactiviteacute de commerce en ligne en Europe de sorte que LuxSCS aurait pu valoriser les actifs incorporels au-delagrave de leurs seuls coucircts de deacuteveloppement

266 Ensuite en second lieu srsquoagissant des paiements au titre de lrsquoARC il convient de relever que ainsi qursquoil a eacuteteacute exposeacute ci-dessus il ressort du point 627 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre les coucircts de deacuteveloppement et la valeur drsquoactifs incorporels La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC suggeacutereacutee par la Commission correspond uniquement au remboursement des coucircts que doit supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur des actifs incorporels ameacutelioreacutes Le seul remboursement des coucircts de deacuteveloppement sans qursquoune marge soit appliqueacutee relegraveve drsquoune approche qui ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute

267 Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que lrsquoobjet de la transaction controcircleacutee faisant lrsquoobjet de lrsquoexamen de la Commission est la licence des actifs incorporels donneacutee par LuxSCS agrave LuxOpCo eacutetant rappeleacute que LuxSCS eacutetait partie agrave lrsquoARC Il est constant qursquoATI et A 9 exerccedilaient des fonctions de mise au point drsquoune partie des actifs incorporels Toutefois lrsquoargument de la Commission selon lequel ATI et A 9 eacutetaient laquo reacutemuneacutereacutees raquo par les paiements au titre de lrsquoARC pour ces fonctions traduit une compreacutehension erroneacutee de lrsquoARC par la Commission Il ressort du point 43 de lrsquoARC que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient uniquement calculeacutes en tant que pourcentage des coucircts de deacuteveloppement engageacutes par les parties agrave lrsquoARC Certes la participation de LuxSCS aux coucircts de deacuteveloppement est proportionnelle aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par les entiteacutes deacutetenues par LuxSCS et ainsi par LuxOpCo par rapport aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par ATI et A 9 Il nrsquoen reste pas moins que les paiements au titre de lrsquoARC correspondent ainsi agrave une fraction des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels deacuteveloppeacutes dans le cadre de lrsquoARC et mis agrave disposition de LuxOpCo conformeacutement agrave lrsquoaccord de licence et qursquoils ne reflegravetent donc pas la valeur de marcheacute de ces actifs incorporels Or crsquoest cette valeur qursquoune redevance de pleine concurrence au titre de lrsquoaccord de licence devrait refleacuteter

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268 Au regard de ce qui preacutecegravede la circonstance que LuxSCS nrsquoait pas exerceacute les fonctions de deacuteveloppement directement elle-mecircme ne remet pas en cause le constat que le montant de la redevance verseacutee par LuxOpCO doit refleacuteter la valeur des actifs incorporels

269 Degraves lors il eacutetait inapproprieacute pour la Commission drsquoaffirmer que la reacutemuneacuteration de LuxSCS pouvait ecirctre calculeacutee sur la base drsquoune simple reacutepercussion des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels

270 La conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments de la Commission

271 Premiegraverement la Commission a fait valoir que LuxSCS ne serait qursquoun intermeacutediaire et qursquoelle nrsquoaurait fait que transmettre agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC pour transfeacuterer ensuite une partie de la redevance reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts La diffeacuterence entre les montants perccedilus au titre de la redevance et les paiements effectueacutes au titre de lrsquoARC a eacuteteacute attribueacutee agrave LuxSCS puis eacuteventuellement remonteacutee par ses associeacutes sans que LuxSCS ait exerceacute aucune fonction qui justifierait que ces montants lui fussent attribueacutes

272 Toutefois mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que LuxSCS nrsquoeacutetait qursquoun simple intermeacutediaire agrave savoir qursquoelle eacutetait interposeacutee entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 qui nrsquoavait pas exerceacute des fonctions de deacuteveloppement il nrsquoen reste pas moins que le montant de la redevance qursquoaurait ducirc payer LuxOpCo et ainsi la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter la valeur marchande des actifs incorporels mis agrave disposition en vertu de lrsquoaccord de licence Or la simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC invoqueacutee par la Commission ne correspond qursquoau remboursement des coucircts que devait supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur marchande desdits actifs incorporels

273 Si par les arguments mentionneacutes au point 271 ci-dessus la Commission entend faire valoir que la base imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute diminueacutee du fait de lrsquointerposition de LuxSCS entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 et de la conclusion de lrsquoaccord de licence avec LuxSCS ndash par opposition agrave la conclusion drsquoun accord de licence avec lesdites entiteacutes il y a lieu de relever que dans la deacutecision attaqueacutee la Commission ne srsquoest pas appuyeacutee sur un tel raisonnement pour deacutemontrer lrsquoexistence de lrsquoavantage en faveur de LuxOpCo

274 De plus il nrsquoest pas eacutetabli que si lrsquoaccord de licence avait eacuteteacute conclu par LuxOpCO directement avec les entiteacutes ameacutericaines sans que LuxSCS soit interposeacutee entre ces socieacuteteacutes le montant drsquoune redevance payeacutee auxdites entiteacutes aurait eacuteteacute diffeacuterent du montant de la redevance due agrave LuxSCS

275 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience selon lequel lrsquoARC aurait pu ecirctre directement conclu avec LuxOpCo

276 Agrave cet eacutegard il convient de relever que le raisonnement selon lequel si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute un accord de reacutepartition des coucircts aurait eacuteteacute conclu avec LuxOpCo est purement hypotheacutetique et relegraveve de fait du domaine de la speacuteculation

277 De plus dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas fondeacute son raisonnement sur le fait que LuxOpCo aurait pu ou aurait ducirc ecirctre directement partie agrave lrsquoARC En effet force est de constater que nulle part dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa remis en cause lrsquoexistence de LuxSCS en tant que telle pas moins que la validiteacute au regard du droit luxembourgeois du montage qui reacutesultait de la conclusion de lrsquoARC et de lrsquoaccord de licence au motif que ce montage aurait permis de diminuer la dette fiscale de LuxOpCo La Commission srsquoest en effet borneacutee agrave contester le montant de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS

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278 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience suivant lequel LuxSCS aurait eacuteteacute creacuteeacutee pour des raisons purement fiscales

279 Le simple fait qursquoune entiteacute appartenant agrave un groupe de socieacuteteacutes ait eacuteteacute creacuteeacutee seulement agrave des fins drsquooptimisation fiscale et qursquoelle perccediloive une redevance pour des actifs incorporels deacuteveloppeacutes au sein du groupe de socieacuteteacutes en question ne suffit pas en tant que tel pour conclure qursquoil y a eu un avantage fiscal au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE pour le deacutebiteur de la redevance et ne deacutemontre donc pas neacutecessairement lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat en faveur du deacutebiteur de la redevance

280 En lrsquoespegravece certes le traitement fiscal de LuxSCS variant entre le Luxembourg (LuxSCS eacutetait laquo fiscalement transparente raquo au Luxembourg) et les Eacutetats-Unis (LuxSCS eacutetait laquo non transparente fiscalement raquo aux Eacutetats-Unis) est ducirc agrave une laquo asymeacutetrie hybride raquo crsquoest-agrave-dire une diffeacuterence dans les reacuteglementations fiscales applicables au Luxembourg et aux Eacutetats-Unis srsquoagissant de lrsquoidentification du contribuable

281 Mais ainsi que lrsquoa releveacute la Commission elle-mecircme dans la note en bas de page no 16 qui accompagne le point 13 du meacutemoire en deacutefense de lrsquoaffaire T-81617 les conseacutequences de cette asymeacutetrie (la non-imposition des beacuteneacutefices) ne font pas lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee La question pertinente dans le cadre du preacutesent recours nrsquoest donc pas de savoir si la raison drsquoecirctre de LuxSCS est purement fiscale ni par ailleurs si les revenus qursquoelle a geacuteneacutereacutes ont effectivement eacuteteacute taxeacutes aux Eacutetats-Unis dans les mains de ses associeacutes mais celle de savoir si LuxOpCo a payeacute une redevance dont le montant a eacuteteacute sureacutevalueacute et si de ce fait la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et partant sa base imposable ont eacuteteacute artificiellement diminueacutees

282 Quatriegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoaffirmation faite par la Commission lors de lrsquoaudience agrave la supposer aveacutereacutee suivant laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute une socieacuteteacute laquo fictive raquo

283 Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que LuxSCS avait bel et bien une existence juridique ce que la Commission ne remet pas en cause LuxSCS eacutetait eacutetablie au Luxembourg et figurait dans le registre commercial du Grand-Ducheacute de Luxembourg en tant que socieacuteteacute luxembourgeoise

284 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de retenir que la conclusion figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle la premiegravere composante de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo aurait ducirc consister en une laquo refacturation des coucircts reacutepercuteacutes lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC (soit les coucircts drsquoentreacutee et lieacutes agrave lrsquoARC) raquo est entacheacutee drsquoerreur car une telle redevance ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute Cette erreur dans lrsquoapplication de la MTMN suffit eacutegalement pour consideacuterer que le constat principal de la Commission en ce qui concerne lrsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE ne peut ecirctre enteacuterineacute Cependant il convient de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties comme suit

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)

285 Srsquoagissant de la deuxiegraveme composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg considegravere que lrsquoappreacuteciation figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la thegravese selon laquelle laquo LuxSCS devrait ecirctre reacutemuneacutereacutee par une marge sur une base des coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo est erroneacutee Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg soutient que crsquoest agrave tort que la Commission fixe la marge de laquo pleine concurrence raquo agrave 5 des coucircts externes sur la base du rapport FCPT Plus preacuteciseacutement selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg la marge de 5 reacuteputeacutee ecirctre la marge de laquo pleine concurrence raquo est arbitraire tout comme lrsquoanalyse sommaire sur laquelle cette marge se fonde Le rapport FCPT reposerait quant agrave lui sur une analyse des pratiques observeacutees par les administrations fiscales des Eacutetats membres et non sur

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une analyse de la pratique luxembourgeoise relative agrave lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Sans compter le fait qursquoil nrsquoaurait aucune valeur en droit luxembourgeois et qursquoil aurait eacuteteacute adopteacute posteacuterieurement agrave la DFA en cause et nrsquoaurait donc pas eacuteteacute disponible agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoadoption de cette deacutecision le rapport FCPT se reacutefeacutererait agrave des marges observeacutees dans le cadre de transactions intragroupes et ne pourrait donc ecirctre utiliseacute comme base pour deacuteterminer une marge de pleine concurrence agrave savoir la marge correspondant agrave des conditions existant sur le marcheacute libre

286 La Commission conteste ces arguments

287 Elle souligne que la deuxiegraveme composante de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS en repreacutesente une part minime de sorte qursquoelle nrsquoa pas reacuteellement drsquoincidence sur la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission Selon elle il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire en lrsquoespegravece de faire une veacuteritable analyse de prix de transfert et de deacuteterminer quel aurait ducirc ecirctre le montant exact de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo En revanche le rapport FCPT pourrait ecirctre utiliseacute comme une laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo et permettrait de fixer le montant de transactions intragroupe agrave faible valeur pour lesquelles il serait trop coucircteux et fastidieux de reacutealiser une veacuteritable analyse de prix de transfert Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ferait partie du forum conjoint sur les prix de transfert et le rapport FCPT se fonderait eacutegalement sur la pratique luxembourgeoise Si les marges constateacutees dans le rapport FCPT ont eacuteteacute observeacutees pour des transactions intragroupe il srsquoagit selon la Commission des marges ndash geacuteneacuteralement accepteacutees par les administrations fiscales ndash en ce qursquoelles reflegravetent la rentabiliteacute drsquoentreprises dans des conditions de marcheacute Enfin la Commission indique que le rapport FCPT srsquoil date de 2010 se fonde sur des donneacutees relatives agrave la peacuteriode comprise entre 1999 et 2007 ajoutant que ces donneacutees peuvent ecirctre utiliseacutees dans la mesure ougrave la DFA en cause nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre qursquoagrave compter de 2006

288 Agrave titre liminaire ainsi qursquoexposeacute au point 254 ci-dessus la deuxiegraveme composante de la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission correspond agrave des coucircts qui pourraient ecirctre deacutesigneacutes comme des laquo coucircts de maintien raquo majoreacutes de 5 Ce rendement de 5 a eacuteteacute retenu par la Commission sur la base du rapport FCPT dans la mesure ougrave il srsquoagit du taux de rendement le plus souvent observeacute pour des prix de transfert relatif agrave des prestations de services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee

289 Ainsi que le soutiennent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapproche retenue par la Commission est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

290 Tout drsquoabord la Commission a elle-mecircme reconnu au consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee qursquoil nrsquoexistait pas de comparables pour eacutevaluer la reacutemuneacuteration de LuxSCS pour ses fonctions correspondant au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels

291 Or selon le point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lorsqursquoil srsquoagit drsquoappliquer la MTMN la laquo marge nette obtenue par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee [hellip] devrait theacuteoriquement ecirctre deacutetermineacutee par reacutefeacuterence agrave la marge nette que le mecircme contribuable reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre raquo Lrsquoabsence de comparable aurait ducirc conduire agrave ce que la Commission nrsquoappliquacirct pas la MTMN agrave LuxSCS

292 Certes lrsquoapproche retenue par la Commission visant agrave utiliser le rapport FCPT au lieu drsquoeffectuer sa propre recherche de comparabiliteacute ainsi que sa propre analyse des marges nettes comparables existant sur le marcheacute nrsquoest pas incompatible avec les regravegles drsquoapplication de la MTMN telles que celles-ci deacutecoulent des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet drsquoune part ainsi qursquoil ressort notamment des points 329 et 330 de ces lignes directrices il est notoire qursquoil est difficile de trouver des informations suffisamment preacutecises concernant les marges nettes existant sur le marcheacute libre ainsi que les paramegravetres utiliseacutes souvent sur le marcheacute libre comme indicateurs de beacuteneacutefices Drsquoautre part la forme et la nature des sources drsquoinformations utiliseacutees agrave cet effet nrsquoont en tant que telles aucune pertinence Srsquoil existe une publication portant sur les indicateurs de beacuteneacutefices ou sur les

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marges nettes observeacutes dans un certain domaine de lrsquoactiviteacute eacuteconomique cette publication peut en principe ecirctre utiliseacutee sans toutefois qursquoil doive srsquoagir agrave cet eacutegard neacutecessairement drsquoune laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo telle que celle dont fait eacutetat la Commission dans le cadre de son argumentaire mentionneacute au point 287 ci-dessus

293 Pourtant lrsquoutilisation drsquoun tel rapport ne saurait ecirctre retenue que si les donneacutees y figurant sont pertinentes et fiables En particulier le moins que lrsquoon puisse demander agrave un tel rapport est que les donneacutees qui y sont contenues aient trait agrave des transactions comparables agrave la transaction controcircleacutee ainsi qursquoagrave des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentiteacute testeacutee de maniegravere agrave ce que la comparaison soit effectivement fiable

294 En lrsquoespegravece force est de constater que la marge retenue par la Commission sur la base du rapport FCPT correspond agrave la marge geacuteneacuteralement observeacutee selon les auteurs de ce rapport pour certains laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo Or LuxSCS nrsquoa pas fourni de tels services Les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels ne sauraient en effet ecirctre assimileacutees agrave une prestation de service intragroupe laquo agrave faible valeur ajouteacutee raquo Il srsquoensuit que si en principe lrsquoutilisation du rapport FCPT ne soulegraveve pas de difficulteacutes drsquoordre meacutethodologique il nrsquoen demeure pas moins que les informations contenues dans ce rapport nrsquoavaient aucun lien avec les fonctions de LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

295 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 257 agrave 292 ci-dessus il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendant agrave faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS ce qui aurait eu un impact sur sa conclusion relative au fait de choisir LuxSCS en tant que partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN La Commission a eacutegalement commis une erreur dans la deacutetermination de la marge nette approprieacutee applicable agrave la transaction controcircleacutee en lrsquoespegravece

3) Conclusion sur le constat principal

296 Agrave lrsquoaune de ces diffeacuterentes consideacuterations il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage Drsquoune part la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue en tant que partie agrave tester Drsquoautre part le calcul de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo opeacutereacute par la Commission sur la base de la preacutemisse selon laquelle LuxSCS devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester est entacheacute de nombreuses erreurs et ne saurait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant suffisamment fiable ni comme permettant drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Dans la mesure ougrave la meacutethode de calcul retenue par la Commission doit ecirctre eacutecarteacutee cette meacutethode ne saurait fonder le constat de la Commission selon lequel la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS aurait ducirc ecirctre infeacuterieure agrave celle effectivement perccedilue en application de la DFA en cause pendant la peacuteriode contesteacutee Les eacuteleacutements contenus dans le constat principal de lrsquoavantage ne permettent donc pas drsquoeacutetablir que la charge fiscale de LuxOpCo a eacuteteacute artificiellement diminueacutee du fait drsquoune sureacutevaluation de la redevance

297 Par conseacutequent les premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche et la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que les deuxiegraveme et quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage dans le cadre de son constat principal doivent ecirctre accueillis sans qursquoil soit neacutecessaire drsquoexaminer les autres moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal

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3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage

298 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le raisonnement subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo

299 Afin drsquoexaminer en deacutetail ces moyens il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoexposeacute aux points 65 agrave 68 ci-dessus dans le cadre de son raisonnement subsidiaire relatif agrave lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a opeacutereacute trois constats selon lesquels la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause repose sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes

300 Tout drsquoabord par son premier constat subsidiaire (consideacuterants 565 agrave 569 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause Agrave cet eacutegard il importe de rappeler que les parties srsquoaccordent sur le fait que la meacutethode appliqueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 correspondait en reacutealiteacute agrave la MTMN En revanche contrairement agrave ce qui ressort du rapport sur les prix de transfert de 2003 lui-mecircme les auteurs de ce rapport nrsquoont pas choisi ni effectivement appliqueacute la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Amazon a confirmeacute dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause consistait dans un premier temps agrave calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en application de la MTMN et dans un second temps agrave attribuer la totaliteacute des beacuteneacutefices reacutesiduels agrave LuxSCS afin de la reacutemuneacuterer pour les actifs incorporels Par ailleurs le fait que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 ont en reacutealiteacute utiliseacute la MTMN et non la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle a eacuteteacute mentionneacute par la Commission au consideacuterant 540 de la deacutecision attaqueacutee

301 Agrave lrsquoappui de son premier constat subsidiaire la Commission a exposeacute que agrave supposer que LuxSCS ait exerceacute effectivement des fonctions uniques et de valeur ce qursquoelle conteste les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises ne pouvaient ignorer que LuxOpCo exerccedilait eacutegalement des fonctions uniques et de valeur en lien avec la proprieacuteteacute intellectuelle et avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et non des fonctions de gestion courante En conseacutequence la Commission a consideacutereacute que la meacutethode de deacutetermination retenue dans la DFA en cause ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec une analyse des contributions eacutetait davantage approprieacutee Or selon la Commission si cette derniegravere meacutethode avait eacuteteacute utiliseacutee la reacutemuneacuteration et par conseacutequent le revenu imposable de LuxOpCo auraient eacuteteacute plus importants

302 Ensuite dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 570 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a consideacutereacute que le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute dans la DFA en cause eacutetait erroneacute Plus speacutecifiquement elle a consideacutereacute que agrave supposer mecircme que lrsquoanalyse fonctionnelle contenue dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fucirct correcte en acceptant une marge sur les charges drsquoexploitation et non sur les coucircts totaux la DFA en cause avait reacuteduit de maniegravere inapproprieacutee le revenu imposable de LuxOpCo lui confeacuterant ainsi un avantage eacuteconomique

303 Enfin dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 574 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a conclu que en tout eacutetat de cause lrsquoinclusion drsquoun plafond dans la meacutethode de prix aux fins de deacuteterminer la base imposable de LuxOpCo telle qursquoavaliseacutee dans la deacutecision attaqueacutee nrsquoeacutetait pas approprieacutee ni justifieacutee eacuteconomiquement Selon la Commission dans la mesure ougrave elle avait abouti agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo pour les exercices fiscaux 2006 2007 2011 2012 et 2013 lrsquoinclusion drsquoun tel plafond avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave cette socieacuteteacute

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304 Il importe de relever que chacun des constats subsidiaires figurant aux titres 9221 agrave 9223 de la deacutecision attaqueacutee est indeacutependant lrsquoun de lrsquoautre Chacun est donc susceptible drsquoeacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage La Commission a confirmeacute tant dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que lors de lrsquoaudience que chacun des constats subsidiaires corroborait de maniegravere indeacutependante et autonome la constatation de lrsquoexistence drsquoun avantage

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires

305 Au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacuteciseacute que lrsquoappreacuteciation agrave laquelle elle avait proceacutedeacute dans le cadre de la section 922 relatif aux constatations subsidiaires de lrsquoavantage ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence laquo preacutecise raquo pour LuxOpCo mais agrave deacutemontrer que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo en avalisant des choix meacutethodologiques erroneacutes qui conduisaient agrave une diminution de son revenu imposable

306 Agrave cet eacutegard en compleacutement de ce qui a eacuteteacute exposeacute aux points 123 agrave 126 ci-dessus il importe de clarifier au regard du contenu de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le niveau de preuve qui pegravese sur la Commission dans le cadre de lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat dans le contexte drsquoun rescrit fiscal tel que la DFA en cause

307 Tout drsquoabord au point 152 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale (premier facteur de comparaison) correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute (deuxiegraveme facteur de comparaison) elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation

308 Il en deacutecoule que pour deacutemontrer qursquoune deacutecision fiscale anticipeacutee utiliseacutee pour calculer la reacutemuneacuteration drsquoune entreprise confegravere un avantage eacuteconomique la Commission doit eacutetablir que cette reacutemuneacuteration srsquoeacutecarte drsquoun reacutesultat de pleine concurrence dans des proportions telles qursquoelle ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une reacutemuneacuteration qui aurait eacuteteacute perccedilue sur le marcheacute dans des conditions de concurrence

309 Ensuite aux points 201 et 211 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques nrsquoaboutissait pas neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore fallait-il que la Commission deacutemontracirct que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle avait identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable Le Tribunal a ainsi conclu que le seul constat drsquoerreurs dans le choix ou lrsquoapplication de la meacutethode de deacutetermination des prix de transfert ne suffisait pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE

310 Il importe de relever agrave cet eacutegard que srsquoil appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que lrsquoerreur meacutethodologique a abouti agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la deacutecision fiscale anticipeacutee le Tribunal nrsquoa pas exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

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311 Une telle lecture de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) ressort de lrsquoutilisation de lrsquoexpression laquo en principe raquo aux points 201 et 211 ainsi que du point 212 de cet arrecirct dans lequel il est preacuteciseacute que dans cette affaire la Commission nrsquoavait invoqueacute aucun eacuteleacutement permettant de conclure sans que soit opeacutereacutee une comparaison avec le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode preacuteconiseacutee par elle que le choix de la meacutethode avaliseacutee dans la deacutecision fiscale anticipeacutee en cause aboutissait neacutecessairement agrave un reacutesultat trop bas

312 Compte tenu de ce qui preacutecegravede et en lrsquoabsence de comparaison dans la deacutecision attaqueacutee entre drsquoune part le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission et drsquoautre part le reacutesultat obtenu en application de la DFA en cause lrsquoapproche de la Commission exposeacutee au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee au terme de laquelle celle-ci se borne agrave identifier des erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert est en principe insuffisante pour eacutetablir qursquoil y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

313 Neacuteanmoins il y a lieu de veacuterifier si en deacutepit de lrsquoaffirmation contenue au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee le raisonnement subsidiaire de la Commission relatif agrave lrsquoavantage contient des eacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir que les erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert identifieacutees par la Commission ont abouti agrave une veacuteritable diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

314 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le premier constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9221 de la deacutecision attaqueacutee) En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoaffirmation selon laquelle la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission agrave savoir la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee Ils font valoir que crsquoest agrave tort que la Commission a conclu que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur Le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que la Commission nrsquoa drsquoailleurs pas chercheacute agrave appliquer elle-mecircme la meacutethode du partage des beacuteneacutefices

315 La Commission conteste ces arguments

316 Selon la Commission la deacutecision attaqueacutee a agrave bon droit releveacute des choix meacutethodologiques inadeacutequats srsquoagissant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause Elle est drsquoavis que mecircme si LuxSCS eacutetait consideacutereacutee comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels cela serait eacutegalement le cas de LuxOpCo de sorte qursquoune deacutetermination des prix de transfert fondeacutee sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices repreacutesenterait une meacutethode de prix de transfert plus approprieacutee et aboutirait agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo supeacuterieure agrave celle confirmeacutee par la DFA en cause

317 En lrsquoespegravece il convient de constater que aux consideacuterants 565 agrave 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la thegravese selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels le fait que LuxOpCo assumait eacutegalement de telles fonctions aurait signifieacute que en lrsquoespegravece la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre preacutefeacutereacutee agrave la meacutethode MTMN

318 Agrave cet eacutegard il importe de preacuteciser deux choses diffeacuterentes

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319 Premiegraverement la Commission a indiqueacute au consideacuterant 565 de la deacutecision attaqueacutee que loin drsquoexeacutecuter au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des fonctions de gestion laquo courantes raquo LuxOpCo assumait toute une seacuterie de fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et exerccedilait les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

320 Dans ce contexte il convient de souligner eacutegalement que la Commission nrsquoa pas constateacute que certaines des fonctions de LuxOpCo telles qursquoidentifieacutees dans le cadre de sa propre analyse fonctionnelle auraient pu ecirctre qualifieacutees de courantes ou de routine ni que de telles fonctions auraient ducirc en deacutepit de ce caractegravere de routine faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire

321 Deuxiegravemement au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que lrsquoapplication de lrsquoanalyse des contributions en lrsquoespegravece aurait conduit agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour toutes ses fonctions ainsi que tous ses actifs et risques tels qursquoanalyseacutes agrave la section 9212 de la deacutecision attaqueacutee et donc agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure agrave celle valideacutee dans la DFA en cause Ce faisant la Commission a consideacutereacute que le fait drsquoavaliser la MTMN dans la DFA en cause aurait entraicircneacute une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport agrave des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait les prix neacutegocieacutes sur le marcheacute En particulier ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 566 de la deacutecision attaqueacutee selon la Commission il nrsquoeacutetait pas approprieacute drsquoavaliser une meacutethode de fixation des prix de transfert preacutevoyant lrsquoimputation agrave LuxSCS de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel reacutealiseacute par LuxOpCo exceacutedant [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation

322 Par ailleurs il ressort du point 45 des reacuteponses de la Commission aux questions eacutecrites du Tribunal que selon elle la reacutemuneacuteration de LuxOpCo eacutetait laquo neacutecessairement raquo plus eacuteleveacutee avec lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions car cette meacutethode aurait permis de reacutemuneacuterer les fonctions uniques et de valeur de LuxOpCo

323 Crsquoest sur la base des consideacuterations figurant aux points 316 agrave 322 ci-dessus qursquoil convient drsquoexaminer les griefs du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

324 Ainsi qursquoil ressort du point 314 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent trois griefs lesquels tendent agrave contester premiegraverement lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur deuxiegravemement le constat selon lequel la DFA en cause avait erroneacutement avaliseacute lrsquoutilisation de la MTMN et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions devait ecirctre utiliseacutee dans le cas drsquoespegravece et troisiegravemement la conclusion selon laquelle lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait laquo neacutecessairement raquo abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo

325 Avant toute chose il convient de relever que le premier constat subsidiaire renvoie expresseacutement aux sections 92121 et 92122 92123 et 9214 de la deacutecision attaqueacutee dans lesquelles la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxOpCo et repose directement sur les constats contenus dans ces sections

326 Les constatations opeacutereacutees dans les sections 92121 et 92122 92123 et 92124 de la deacutecision attaqueacutee ainsi que le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur font lrsquoobjet du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen renvoyant aux deuxiegraveme et troisiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

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327 Il y a lieu drsquoexaminer conjointement lrsquoensemble des arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission et le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur

328 Tout drsquoabord selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo nrsquoavait pas de fonctions significatives relatives agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels en Europe mais eacutetait seulement en charge de lrsquoexploitation de lrsquoentreprise En effet lrsquoessentiel du deacuteveloppement de la gestion et de lrsquoameacutelioration des actifs incorporels aurait eu lieu aux Eacutetats-Unis

329 Ensuite le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir en substance que les fonctions de LuxOpCo en lien avec lrsquoactiviteacute commerciale du groupe Amazon en Europe constituaient des contributions de routine et non des contributions uniques et de valeur dans la mesure ougrave elles reposaient largement sur les actifs incorporels mis agrave disposition par LuxSCS Les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe se seraient limiteacutees ainsi agrave des fonctions de gestion

330 Enfin srsquoagissant des actifs et des risques assumeacutes par LuxOpCo Amazon soutient que les risques lieacutes aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo eacutetaient geacutereacutes et atteacutenueacutes par la technologie

331 La Commission conteste ces arguments

332 Tout drsquoabord elle fait valoir en substance que crsquoest LuxOpCo qui avec le soutien des socieacuteteacutes affilieacutees europeacuteennes a exerceacute toutes les fonctions pertinentes uniques et de valeur relatives aux trois composantes des actifs incorporels agrave savoir la technologie les donneacutees clients et le marketing

333 Ensuite elle fait valoir que les fonctions laquo humaines raquo nrsquoauraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie ni dans la fixation des prix ni dans les relations du groupe Amazon avec les vendeurs et les clients ni dans la gestion des stocks ni dans les deacutecisions concernant les stocks La Commission soutient que le fait que LuxOpCo utilisait les actifs incorporels dans le cadre de lrsquoexercice de ces fonctions ne signifiait pas que ces derniegraveres ne pouvaient pas ecirctre consideacutereacutees comme uniques et de valeur

334 Enfin en ce qui concerne les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxOpCo drsquoune part la Commission relegraveve que le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa formuleacute aucune critique directe agrave lrsquoencontre des consideacuterants de la deacutecision attaqueacutee portant sur ces deux eacuteleacutements et drsquoautre part elle conteste lrsquoargument drsquoAmazon selon lequel la technologie a permis de geacuterer les risques de LuxOpCo sans neacutecessiter la moindre intervention humaine

335 Agrave titre liminaire il importe de souligner que lrsquoexamen de la question de savoir si LuxOpCo exerccedilait effectivement des laquo fonctions uniques et de valeur raquo ainsi que la Commission le soutient ou bien seulement des laquo fonctions de routine raquo ainsi que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le font valoir doit ecirctre opeacutereacute au regard des notions qui ont eacuteteacute abordeacutees au point 227 ci-dessus La notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo bien qursquoelle ne soit pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquooppose agrave la notion de laquo fonctions de routine raquo lesquelles sont des fonctions qui peuvent ecirctre facilement eacutevalueacutees Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 228 ci-dessus la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes

336 Par ailleurs il convient eacutegalement de relever dans la mesure ougrave la Commission a essentiellement fondeacute son analyse fonctionnelle de LuxOpCo sur les deacuteclarations des employeacutes de cette derniegravere issues du contentieux porteacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (ci-apregraves les laquo teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon raquo) que dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que ces teacutemoignages datent de 2014 et portent sur les

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activiteacutes du groupe Amazon entre 2005 et 2014 de sorte que les autoriteacutes luxembourgeoises ne pouvaient en aucun cas avoir connaissance de ces informations au moment de lrsquooctroi de la DFA en cause

337 Il importe de relever agrave cet eacutegard tout drsquoabord que cet argument du Grand-Ducheacute prend le contre-pied de la position qursquoil a retenue dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal En effet srsquoagissant de la possibiliteacute de prendre en compte lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis et le rapport sur les prix de transfert de 2017 celui-ci a affirmeacute que pour deacuteterminer si LuxOpCo avait beacuteneacuteficieacute drsquoun avantage il eacutetait neacutecessaire drsquoexaminer quel aurait eacuteteacute lrsquoimpocirct qursquoelle aurait ducirc supporter en lrsquoabsence de la DFA en cause ce qui implique neacutecessairement de prendre en compte des informations posteacuterieures agrave lrsquooctroi de la DFA en cause

338 Certes dans lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669 points 247 et 250) le Tribunal a consideacutereacute que lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoun avantage confeacutereacute par un accord preacutealable sur les prix faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee devrait ecirctre fait au regard du contexte de lrsquoeacutepoque au cours de laquelle celui-ci a eacuteteacute conclu Toutefois le Tribunal a fondeacute ce constat sur le fait que dans cette affaire la mesure contesteacutee par la Commission eacutetait uniquement lrsquoaccord preacutealable sur les prix

339 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater que la mesure des autoriteacutes luxembourgeoises faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee est non seulement la DFA en cause laquelle a eacuteteacute adopteacutee en 2003 puis prorogeacutee en 2004 et en 2010 mais eacutegalement lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle de LuxOpCo fondeacutee sur ladite deacutecision de sorte que les informations relatives agrave la situation effective de LuxOpCo pendant la peacuteriode concerneacutee eacutetaient neacutecessairement des informations disponibles pour les autoriteacutes fiscales lorsqursquoelles ont adopteacute les mesures faisant lrsquoobjet de la deacutecision fiscale anticipeacutee

340 Il srsquoensuit que dans les circonstances de lrsquoespegravece il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir fondeacute son analyse sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon Il convient donc de prendre en compte ces eacuteleacutements aux fins drsquoappreacutecier les griefs formuleacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

341 De maniegravere geacuteneacuterale les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo avait exerceacute des fonctions significatives laquo uniques et de valeur raquo en ce qui concerne les actifs incorporels Selon la Commission tel aurait eacuteteacute le cas parce que LuxOpCo aurait eacuteteacute responsable pour les adaptations de la technologie aux speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen pour le deacuteveloppement des donneacutees clients et pour des activiteacutes en lien avec les actifs de marketing

342 Dans le cadre de la section 92121 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait eacuteteacute chargeacutee drsquoexercer des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels Ces fonctions incluaient selon elle la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la proprieacuteteacute intellectuelle de maniegravere geacuteneacuterale mais eacutegalement au niveau de chacune des trois composantes des actifs incorporels agrave savoir de la technologie des donneacutees clients et de la marque deacuteposeacutee au moyen drsquoinnovations technologiques et commerciales europeacuteennes indeacutependantes de la creacuteation et de la gestion des donneacutees clients ainsi que du deacuteveloppement et du maintien de la marque deacuteposeacutee Ainsi en substance selon la Commission LuxOpCo ne srsquoest pas contenteacutee drsquoexploiter la technologie pour geacuterer les sites europeacuteens mais aurait activement contribueacute agrave sa mise au point agrave son ameacutelioration et agrave sa gestion au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 449 450 et 465 de la deacutecision attaqueacutee)

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343 Premiegraverement la Commission a releveacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoune licence exclusive et irreacutevocable sur les actifs incorporels et ainsi du droit de continuer de mettre au point ameacuteliorer entretenir et proteacuteger ces actifs incorporels bien que LuxSCS restacirct proprieacutetaire des travaux deacuteriveacutes creacuteeacutes par LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

344 Deuxiegravemement la Commission a constateacute que de maniegravere geacuteneacuterale LuxOpCo aurait contribueacute agrave la mise au point agrave lrsquoentretien et agrave la gestion des actifs incorporels agrave travers le laquo EU IP Steering Committee raquo (comiteacute drsquoorganisation concernant la proprieacuteteacute intellectuelle dans lrsquoUnion) (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) Selon la Commission le EU IP Steering Committee eacutetait un forum au sein duquel les dirigeants de LuxOpCo et drsquoASE chargeacutes des activiteacutes commerciales et de la technologie se rencontraient pour discuter et recommander des actions concernant les actifs incorporels en Europe telles qursquoelles leur eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon Les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

345 Troisiegravemement la Commission a exposeacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de la technologie (consideacuterants 466 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute que certes la technologie mise agrave disposition de LuxOpCo par LuxSCS aurait eacuteteacute la laquo technologie existante drsquoAmazon US raquo telle que laquo deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis raquo (consideacuterants 456 et 461 de la deacutecision attaqueacutee) Toutefois selon elle plusieurs fonctions des logiciels drsquoAmazon utiliseacutes aux Eacutetats-Unis auraient ducirc ecirctre adapteacutees pour ecirctre deacuteployeacutees en Europe En particulier la Commission a exposeacute que pour mener agrave bien les activiteacutes commerciales europeacuteennes du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait mis au point ameacutelioreacute et geacutereacute cette technologie ameacutericaine avec le soutien de ses filiales pendant la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 456 agrave 460 de la deacutecision attaqueacutee) En outre LuxOpCo et ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient speacutecialement deacuteveloppeacute une technologie importante utiliseacutee pour les activiteacutes de vente au deacutetail et de services europeacuteennes Un exemple de ce type de technologie aurait eacuteteacute le laquo European Fulfilment Network raquo (reacuteseau de distribution europeacuteenne EFN) technologie qui avait permis de mutualiser les stocks du groupe Amazon situeacutes dans divers Eacutetats membres et drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens si bien que gracircce agrave cet outil les clients de tout pays de lrsquoUnion eacutetaient en mesure drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet national du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 462 et 463 de la deacutecision attaqueacutee)

346 Quatriegravemement en ce qui concerne les donneacutees clients la Commission a constateacute que mecircme si les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens eacutetaient la proprieacuteteacute leacutegale de LuxSCS LuxOpCo avait exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ces donneacutees au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute agrave cet eacutegard que LuxOpCo avait activement accumuleacute ces donneacutees agrave titre de service pour LuxSCS et devait en assurer lrsquoentretien et garantir le respect des lois applicables en matiegravere de protection des donneacutees

347 Cinquiegravemement en ce qui concerne la laquo marque deacuteposeacutee raquo (consideacuterants 469 agrave 470) agrave savoir les marques drsquoAmazon dans la mesure ougrave elles ont eacuteteacute deacuteposeacutees dans lrsquoUnion la Commission a releveacute que bien que cette marque fucirct bien reconnue et qursquoune forte identification drsquoune marque au niveau mondial fucirct un atout majeur pour attirer des clients la valeur de cette marque commerciale aurait eacuteteacute drsquoune importance secondaire pour la bonne mise en œuvre en Europe des trois piliers des activiteacutes du groupe Amazon agrave savoir lrsquoassortiment le prix et la faciliteacute drsquoutilisation (ci-apregraves les laquo trois piliers raquo) Compte tenu du fait que la marque et la reacuteputation du groupe Amazon se seraient appuyeacutees fortement sur la prestation constante par LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes drsquoun service hautement satisfaisant aux clients il conviendrait de conclure selon la Commission que en reacutealiteacute la valeur de la marque Amazon en Europe aurait eacuteteacute geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees

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europeacuteennes et non au niveau de LuxSCS (consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee) En outre les activiteacutes de marketing auraient eacuteteacute assureacutees par LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes sur la base drsquoun savoir-faire local (consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee)

348 Dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent chacun des cinq points de lrsquoanalyse de la Commission il convient drsquoexaminer seacutepareacutement les arguments relatifs agrave chacune de ces questions

349 Avant de proceacuteder agrave un tel examen il y a lieu de relever agrave titre liminaire que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas que LuxOpCo ait exerceacute certaines fonctions en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment la technologie mais contestent uniquement que LuxOpCo ait pris une part importante dans le deacuteveloppement des actifs incorporels et ainsi qursquoelle exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec ces actifs

350 En effet dans leurs eacutecritures le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon concegravedent que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement qursquoils deacutesignent comme eacutetant laquo minimales raquo ou encore qursquoelle a joueacute un rocircle qui serait toutefois laquo secondaire raquo dans la creacuteation de la valeur des actifs incorporels

351 Il en deacutecoule donc que mecircme selon les dires du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon LuxOpCo a bel et bien exerceacute des fonctions ne serait-ce que de nature secondaire en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

352 Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 343 ci-dessus aux fins de deacutemontrer lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels la Commission a insisteacute au consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee sur le fait que LuxOpCo avait laquo un droit de continuer agrave mettre au point agrave ameacuteliorer agrave entretenir [hellip] les actifs incorporels pour toute leur dureacutee drsquoutiliteacute raquo Dans ce contexte la Commission a affirmeacute au point 100 du meacutemoire en deacutefense preacutesenteacute dans lrsquoaffaire T-81617 que LuxOpCo avait un laquo droit exclusif de poursuivre la mise au point [drsquo]ameacuteliorer [et drsquo] entretenir les actifs incorporels raquo drsquoAmazon

353 Certes le terme laquo exclusive raquo a eacuteteacute utiliseacute au point 21 de lrsquoaccord de licence pour deacutecrire la licence conceacutedeacutee agrave LuxOpCo laquelle ne couvrait en tout eacutetat de cause que le territoire europeacuteen Ce point 21 sous a) se lit comme suit

laquo Concession de licence de proprieacuteteacute intellectuelle exclusive raquo

[LuxSCS] accorde irreacutevocablement agrave [LuxOpCo] en vertu de tous les droits de proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] sur ou comprenant la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] qursquoils existent actuellement ou agrave lrsquoavenir le droit unique et exclusif et la licence suivants sur la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] pendant la dureacutee [de lrsquoaccord de licence] [] raquo

354 Toutefois au vu des arrangements contractuels existant entre LuxSCS et les entiteacutes ameacutericaines il convient de constater que dans les faits LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute agrave deacutetenir le droit drsquoameacuteliorer et de mettre au point ces actifs incorporels

355 En effet les droits dont LuxOpCo beacuteneacuteficiait au regard du deacuteveloppement des actifs incorporels en vertu de lrsquoaccord de licence eacutetaient neacutecessairement non exclusifs dans la mesure ougrave les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper drsquoameacuteliorer et drsquoexploiter la technologie Le fait que les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer la technologie nrsquoest drsquoailleurs pas contesteacute par la Commission

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356 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que les droits que LuxOpCo avait obtenus en vertu de lrsquoaccord de licence nrsquoeacutetaient pas limiteacutes aux actifs incorporels existant au moment ougrave cet accord a eacuteteacute conclu mais couvraient eacutegalement tous les actifs incorporels futurs creacuteeacutes agrave la suite des efforts constants de deacuteveloppement drsquoentretien et drsquoameacutelioration reacutealiseacutes sous la direction des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Cela deacutemontre bien que LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute habiliteacutee agrave deacutevelopper et ameacuteliorer les actifs incorporels couverts par lrsquoaccord de licence

357 La Commission admet drsquoailleurs que les actifs tels que transfeacutereacutes agrave LuxSCS le 1er janvier 2005 au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee ont fait lrsquoobjet drsquoun laquo remplacement progressif raquo par des actifs incorporels deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes ulteacuterieurement au titre de lrsquoARC au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Elle reconnaicirct eacutegalement que la technologie deacutetenue par LuxSCS et donneacutee en licence agrave LuxOpCo eacutetait mise au point par les entiteacutes ameacutericaines en particulier ATI et A 9

358 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoun droit exclusif de poursuivre la mise au point des actifs incorporels Ce constat ne suffit neacuteanmoins pas agrave invalider le raisonnement de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions significatives voire des fonctions uniques et de valeur en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels En effet le fait pour LuxOpCo de ne pas avoir un droit exclusif drsquoutilisation sur les actifs incorporels ne joue ni en faveur ni en deacutefaveur de lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxOpCo aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur par rapport au deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

359 En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent que le EU IP Steering Committee ait eu le rocircle que la Commission lui a attribueacute (point 344 ci-dessus) Selon eux ce comiteacute nrsquoa pas pris de deacutecisions quant au deacuteveloppement ou agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels De plus non seulement la majoriteacute des participants audit comiteacute aurait releveacute du personnel ameacutericain mais dans les faits les deacutecisions du EU IP Steering Committee auraient eacuteteacute prises par des employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle

360 La Commission conteste ces arguments

361 Aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute que le EU IP Steering Committee a eacuteteacute creacuteeacute aux fins de fournir des orientations techniques et commerciales concernant la mise au point et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe La Commission a releveacute qursquoil ressortirait du laquo EU Policies and Procedures Manual raquo (manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion) drsquoune part que ce comiteacute se reacuteunissait notamment pour examiner le portefeuille de proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon ainsi que la strateacutegie commerciale de lrsquoentreprise dans la mesure ougrave elle avait trait agrave la mise au point et au deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle Drsquoautre part ce comiteacute aurait eacuteteacute composeacute notamment du vice-preacutesident des services pour lrsquoUnion du directeur juridique pour lrsquoUnion (employeacute par LuxOpCo) du conseiller du groupe Amazon en proprieacuteteacute intellectuelle et du vice-preacutesident chargeacute des activiteacutes europeacuteennes

362 Ensuite la Commission a indiqueacute que le fait qursquoil ne srsquoagissait que drsquoun organe consultatif ainsi qursquoAmazon lrsquoaurait expliqueacute lors de la proceacutedure administrative ne signifiait pas que ses recommandations nrsquoavaient pas drsquoincidence sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels Elle a releveacute que dans les faits le EU IP Steering Committee se reacuteunissait pour premiegraverement formuler des recommandations sur les demandes visant agrave proteacuteger les actifs incorporels (et ce faisant les droits exclusifs de LuxOpCo deacutecoulant de lrsquoaccord de licence conclu entre LuxSCS et LuxOpCo) deuxiegravemement examiner lrsquoeacutetat drsquoavancement des proceacutedures judiciaires en Europe

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concernant les actifs incorporels et troisiegravemement dispenser des formations aux salarieacutes europeacuteens en ce qui concerne lrsquoutilisation de la technologie et drsquoautres actifs incorporels (consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee)

363 Enfin en se fondant sur le teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis la Commission a conclu que le EU IP Steering Committee eacutetait un forum dans lequel les dirigeants de LuxOpCo se rencontraient pour discuter des actions concernant les actifs incorporels telles qursquoelles eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon et que les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 455 de la deacutecision attaqueacutee)

364 Force est de constater agrave la lecture des consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission est resteacutee en deacutefaut drsquoeacutetablir dans la deacutecision attaqueacutee que le EU IP Steering Committee prenait des deacutecisions significatives portant sur le deacuteveloppement ou lrsquoameacutelioration des actifs incorporels

365 Tout drsquoabord la Commission admet aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee que le rocircle du EU IP Steering Committee eacutetait limiteacute dans la mesure ougrave il se bornait agrave fournir des laquo orientations techniques et commerciales raquo et une laquo aide raquo agrave la prise de deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle deacutetenue par LuxSCS ou agrave la conclusion de plusieurs accords de licence avec des tiers

366 Il ressort drsquoailleurs du manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion du groupe Amazon que le EU IP Steering Committee ne disposait pas de pouvoirs de deacutecision en tant que tels mais constituait uniquement un organe destineacute agrave assister le deacuteveloppement et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe Cela est drsquoailleurs implicitement admis par la Commission au consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee lorsqursquoelle eacutevoque lrsquolaquo incidence raquo que les laquo recommandations raquo de ce comiteacute avaient sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels

367 Ensuite il ressort du consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee (voir point 362 ci-dessus) ainsi que du teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis auquel il est fait reacutefeacuterence au consideacuterant 455 de ladite deacutecision que dans la pratique le EU IP Steering Committee se limitait agrave examiner les questions lieacutees agrave la protection et au maintien des droits sur les actifs incorporels et que la question du deacuteveloppement ou des ameacuteliorations des actifs incorporels en tant que telle nrsquoy eacutetait pas discuteacutee

368 Enfin pour autant que le EU IP Steering Committee puisse avoir eacuteteacute un forum de discussion sur les ameacuteliorations et le deacuteveloppement des actifs incorporels force est de constater que les deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas adopteacutees par ce comiteacute mais en principe par les employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle Cette affirmation faite par le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas eacuteteacute contesteacutee par la Commission

369 Par ailleurs srsquoagissant de la composition dudit comiteacute contrairement agrave ce que la Commission fait valoir dans ses eacutecritures des employeacutes exerccedilant des fonctions de direction au sein des entiteacutes ameacutericaines et notamment le vice-preacutesident en charge de la proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon US assistaient au EU IP Steering Committee et en dirigeaient mecircme les reacuteunions

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370 Il deacutecoule de ce qui preacutecegravede que les constatations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne permettent pas de soutenir sa conclusion au point 455 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle les deacutecisions relatives agrave la mise au point et agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels eacutetaient adopteacutees par le personnel de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe

371 Tout au plus la Commission est parvenue agrave deacutemontrer que LuxOpCo exerccedilait des fonctions en lien avec la gestion et la protection des actifs incorporels et que les employeacutes de LuxOpCo deacutecidaient des mesures approprieacutees telles que par exemple le deacutepocirct drsquoun brevet sur la base des recommandations discuteacutees dans le cadre du EU IP Steering Committee

372 Il ressort de ce qui preacutecegravede que les alleacutegations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne suffisent pas agrave eacutetablir que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement des actifs incorporels qui pourraient ecirctre qualifieacutees drsquolaquo uniques et de valeur raquo

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie

373 Au consideacuterant 449 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a releveacute que les fonctions de LuxOpCo incluaient la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie

374 Au soutien de cette affirmation elle a tout drsquoabord indiqueacute au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee en substance que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis nrsquoavait pas pu ecirctre exploiteacutee telle quelle en Europe et que des adaptations avaient eacuteteacute neacutecessaires afin de reacutepondre aux besoins speacutecifiques europeacuteens Elle a exposeacute que le deacuteveloppement des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe exigeait une technologie speacutecifique (logiciels diffeacuterents adaptations locales)

375 Ensuite la Commission a souligneacute que LuxOpCo avait les ressources technologiques neacutecessaires pour mener des activiteacutes de recherche et deacuteveloppement Elle a notamment releveacute qursquoune soixantaine de personnes auraient exerceacute des tacircches agrave caractegravere technologique une eacutequipe de laquo localisation raquo et de traduction exerccedilait des fonctions drsquoadaptation des sites Internet europeacuteens aux preacutefeacuterences locales une dizaine de personnes suppleacutementaires auraient eacuteteacute employeacutees comme laquo Technical Program Manager raquo (gestionnaire de programme technique) dont le rocircle eacutetait de convertir dans des termes techniques les besoins en technologie identifieacutes par les eacutequipes locales chargeacutees de la vente au deacutetail Selon la Commission ce serait ce processus qui aurait permis que la technologie soit sans cesse deacuteveloppeacutee et adapteacutee en fonction du marcheacute local

376 Agrave cet eacutegard la Commission a certes reconnu au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les ressources techniques eacutetablies au sein de LuxOpCo eacutetaient limiteacutees Elle a toutefois souligneacute que en reacutealiteacute la valeur unique de la technologie aurait reacutesulteacute du savoir-faire local de la deacutefinition de nouveaux besoins de lrsquoentreprise et de leur traduction dans le projet de logiciel et non du codage en tant que tel

377 Enfin la Commission a indiqueacute que LuxOpCo a eacutegalement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de catalogues de technologie de traduction et drsquoadaptations locales Ces tacircches auraient eacuteteacute effectueacutees par drsquoanciennes eacutequipes des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes ou par de nouveaux recrutements En outre elle a releveacute que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes avaient eacutegalement joueacute un rocircle important dans le deacuteveloppement de nouvelles technologies speacutecifiques aux marcheacutes nationaux europeacuteens

378 La Commission a ajouteacute que en particulier LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN Cette technologie aurait reacutepondu agrave un besoin speacutecifique des activiteacutes europeacuteennes en permettant aux clients europeacuteens drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet europeacuteen du groupe Amazon

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379 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxOpCo nrsquoa exerceacute aucune fonction importante de deacuteveloppement drsquoameacutelioration ou drsquoentretien se rapportant aux actifs incorporels lieacutes agrave la technologie Ils reacutefutent notamment les affirmations de la Commission selon lesquelles LuxOpCo aurait joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN et font valoir que cette technologie bien que speacutecifique agrave lrsquoEurope aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et que LuxOpCo nrsquoaurait participeacute ni agrave sa conception ni agrave sa creacuteation

380 La Commission conteste ces arguments et maintient sa position exprimeacutee aux consideacuterants 456 agrave 465 de la deacutecision attaqueacutee telle qursquoexposeacutee aux points 373 agrave 378 ci-dessus

381 Agrave titre liminaire il importe de constater que contrairement agrave ce que suggegraverent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo eacutetait le principal deacuteveloppeur de la technologie que ce soit agrave lrsquoeacutechelle mondiale ou au seul niveau europeacuteen mais ainsi qursquoexposeacute aux consideacuterants 449 et 465 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo a activement contribueacute agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas non plus que la technologie a eacuteteacute deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis

382 Agrave cet eacutegard il est vrai que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les outils technologiques eacutetaient principalement deacuteveloppeacutes par les entiteacutes ameacutericaines et mis agrave disposition des activiteacutes europeacuteennes dans leur forme deacutefinitive Le logiciel utiliseacute par les diffeacuterents sites europeacuteens eacutetait drsquoailleurs commun

383 Drsquoune part il ressort du dossier que lrsquoessentiel des deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels et agrave la priorisation des projets agrave deacutevelopper y compris de la technologie speacutecifique agrave lrsquoEurope eacutetait deacutecideacute aux Eacutetats-Unis

384 Drsquoautre part il est constant que le nombre le plus important de techniciens et drsquoingeacutenieurs contribuant au deacuteveloppement de la technologie se situait aux Eacutetats-Unis Pas moins de [confidentiel] salarieacutes du groupe Amazon contribuaient au deacuteveloppement des actifs incorporels dont plus de [confidentiel] salarieacutes eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis pour des emplois lieacutes agrave la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas ces donneacutees En outre il ressort des piegraveces du dossier et notamment des diffeacuterents teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que les services centraux et des techniciens ameacutericains ont eacuteteacute en charge du deacuteveloppement des outils speacutecifiques au marcheacute europeacuteen

385 Ensuite en ce qui concerne la contribution de LuxOpCo en rapport avec le deacuteveloppement de la technologie il convient de relever les eacuteleacutements suivants

386 En premier lieu la Commission a correctement eacutetabli que des adaptations eacutetaient parfois neacutecessaires afin de mettre en œuvre la technologie en Europe

387 En effet bien que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le modegravele drsquoactiviteacute et la technologie sous-jacente soient les mecircmes aux Eacutetats-Unis qursquoen Europe il ressort des diffeacuterents teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon fournis par les parties et notamment du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que en raison des speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen par rapport au marcheacute ameacutericain la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis ne pouvait pas toujours ecirctre utiliseacutee telle quelle sur les sites Internet europeacuteens Ainsi outre lrsquoEFN technologie speacutecialement deacuteveloppeacutee pour les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon des adaptations ou laquo localisations raquo eacutetaient neacutecessaires Il ressort des piegraveces du dossier que ces adaptations incluaient notamment des efforts de traduction [confidentiel]

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388 En deuxiegraveme lieu il ressort des teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que bien qursquoune grande partie des adaptations de la technologie au marcheacute europeacuteen ait eacuteteacute effectueacutee aux Eacutetats-Unis notamment lorsqursquoil srsquoagissait du travail sur les logiciels LuxOpCo avait dans une certaine mesure contribueacute agrave ces adaptations

389 En effet ainsi que le confirme drsquoailleurs Amazon dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 agrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee tout au plus une soixantaine de personnes occupaient des postes lieacutes agrave la technologie au Luxembourg

390 Agrave cet eacutegard il ressort des piegraveces du dossier et notamment des teacutemoignages du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis et de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que au plus tard agrave partir de lrsquoanneacutee qui a suivi la restructuration de 2006 LuxOpCo a commenceacute agrave beacuteneacuteficier de ses propres techniciens Plus preacuteciseacutement LuxOpCo a employeacute au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des deacuteveloppeurs de logiciel (software developers) qui ont contribueacute au deacuteveloppement de programmes speacutecifiques pour les activiteacutes europeacuteennes et ont travailleacute sur les ajustements locaux

391 De mecircme il ressort du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que [confidentiel]

392 Dans ce contexte srsquoagissant de lrsquoeacutequipe de localisation et de traduction identifieacutee par la Commission au consideacuterant 459 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater qursquoil ressort des eacuteleacutements du dossier que cette eacutequipe eacutetait chargeacutee de lrsquoadaptation des sites Internet europeacuteens notamment de la traduction et qursquoelle avait contribueacute au deacuteveloppement de logiciels En effet il ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon [confidentiel] Toutefois mecircme si ces activiteacutes et cette derniegravere technologie avaient joueacute un rocircle important pour les activiteacutes commerciales de LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins qursquoelles occupaient une place mineure par rapport au reste de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

393 Ensuite srsquoagissant des activiteacutes de deacuteveloppement du catalogue identifieacutees par la Commission au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater que ainsi que le font valoir Amazon et le Grand-Ducheacute de Luxembourg lesdites activiteacutes ne comprenaient pas la conception des logiciels sous-tendant le catalogue celle-ci eacutetant effectueacutee aux Eacutetats-Unis Les activiteacutes lieacutees au catalogue deacuteveloppeacutees au Luxembourg [confidentiel] Le travail local sur le deacuteveloppement du catalogue [confidentiel]

394 Il ressort du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi si des opeacuterations sur les logiciels en lien avec le catalogue avaient pu ecirctre reacutealiseacutees par LuxOpCo ces opeacuterations restaient tregraves limiteacutees par rapport aux deacuteveloppements reacutealiseacutes par les services centraux du groupe Amazon

395 Il ressort de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a contribueacute au deacuteveloppement de la technologie en proceacutedant agrave certaines adaptations principalement lieacutees agrave la traduction et uniquement dans une moindre mesure au deacuteveloppement de certains logiciels et fonctionnaliteacutes En outre lrsquoessentiel du travail drsquoadaptation de la technologie aux activiteacutes europeacuteennes eacutetait largement deacutependant des services centraux du groupe Amazon Il srsquoensuit que les contributions de LuxOpCo au deacuteveloppement de la technologie nrsquoont pu jouer qursquoun rocircle mineur dans la creacuteation de la valeur de cette technologie Il en deacutecoule que si la Commission a correctement affirmeacute au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux il eacutetait erroneacute de donner une telle importance aux contributions de LuxOpCo auxdites adaptations et drsquoen tirer la conclusion que ces contributions eacutetaient uniques et de valeur

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396 En troisiegraveme lieu ainsi que la Commission lrsquoa releveacute aux consideacuterants 460 agrave 461 de la deacutecision attaqueacutee outre les adaptations effectueacutees localement par les eacutequipes luxembourgeoises LuxOpCo contribuait eacutegalement au deacuteveloppement de la technologie du fait de son implication dans le processus drsquoidentification des nouveaux besoins technologiques de lrsquoentreprise et de leur traduction dans des projets de logiciel

397 Agrave cet eacutegard LuxOpCo disposait de gestionnaires de programmes (technical program managers) dont la fonction eacutetait de traduire en termes techniques les besoins commerciaux afin qursquoun ingeacutenieur (software developer) puisse les coder (voir consideacuterant 460 de la deacutecision attaqueacutee) Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ne conteste drsquoailleurs pas que les speacutecifications fonctionnelles et techniques des outils et des adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux

398 Certes ainsi que la Commission lrsquoa souligneacute en substance au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee la deacutefinition des besoins commerciaux et la formulation de speacutecifications jouaient un rocircle important dans le deacuteveloppement de la technologie En effet il ressort des piegraveces du dossier que la valeur de la technologie du groupe Amazon repose sur la capaciteacute de cette technologie agrave servir les trois piliers du groupe Amazon agrave savoir les prix bas lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation (voir point 347 ci-dessus) et ainsi agrave reacutepondre aux besoins des clients Ainsi la valeur de la technologie drsquoAmazon reacuteside eacutegalement dans une certaine mesure dans lrsquoadaptation aux besoins locaux et notamment dans la capaciteacute des eacutequipes locales agrave formuler les speacutecifications pour obtenir les adaptations de la technologie aux besoins des consommateurs

399 Toutefois il importe de relever que ainsi que le soutient Amazon seule une douzaine de gestionnaires de programmes eacutetaient employeacutes au Luxembourg contre [confidentiel] aux Eacutetats-Unis et [confidentiel] de ces personnes employeacutees au Luxembourg ne lrsquoont eacuteteacute qursquoagrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee ([confidentiel])

400 De plus si LuxOpCo a identifieacute les besoins technologiques de lrsquoentreprise et les speacutecifications relatives agrave ces besoins la conception et la creacuteation de la technologie ont quant agrave elles eacuteteacute deacuteveloppeacutees aux Eacutetats-Unis Dans ce contexte contrairement agrave ce que la Commission semble suggeacuterer au point 103 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 les activiteacutes des entiteacutes ameacutericaines ne se limitaient pas agrave de simples activiteacutes de codage mais agrave de veacuteritables activiteacutes de deacuteveloppement

401 Enfin ainsi que le soutient Amazon lrsquoeacutecrasante majoriteacute des deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la technologie notamment en ce qui concerne lrsquoEurope eacutetaient prises par les entiteacutes ameacutericaines et non par LuxOpCo

402 Il en deacutecoule que la reacutealisation de ces deacuteveloppements et ameacuteliorations de la technologie aux fins drsquoameacuteliorer lrsquoexpeacuterience des clients reposait principalement sur le modegravele deacuteveloppeacute aux Eacutetats-Unis qui est le mecircme en Europe et aux Eacutetats-Unis et uniquement dans une moindre mesure sur les speacutecifications techniques qui pouvaient ecirctre formuleacutees par les eacutequipes locales

403 Il ressort de ce qui preacutecegravede que si la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques agrave lrsquoeacutechelle de la technologie faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence lesdites contributions restaient limiteacutees En outre dans la mesure ougrave avant 2006 ces fonctions eacutetaient deacutejagrave exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees il y a lieu de constater agrave lrsquoinstar de ce que fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg au point 109 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 que celles-ci ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques mais qursquoil srsquoagit de fonctions courantes

404 En quatriegraveme lieu la Commission a consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN la seule technologie proprement speacutecifique aux activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

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405 Ainsi que la Commission lrsquoa exposeacute au consideacuterant 463 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoEFN est une combinaison drsquoavanceacutees technologiques telles que lrsquointroduction de nouvelles fonctionnaliteacutes et drsquooptimisations logistiques

406 Il nrsquoest pas contesteacute que lrsquoEFN a joueacute un rocircle essentiel pour les activiteacutes commerciales de vente au deacutetail et de services europeacuteens Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee et qursquoAmazon lrsquoa elle-mecircme affirmeacute dans son meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) la creacuteation de lrsquoEFN visait agrave reacutesoudre le problegraveme que posait lrsquoexistence de sites Internet multiples associeacutes agrave des centres de traitement des commandes nationaux Cette technologie a permis drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens et la mutualisation des stocks donnant ainsi la possibiliteacute aux clients de toute lrsquoUnion drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet drsquoAmazon en Europe

407 Il ressort drsquoailleurs des teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon ainsi que du meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) par Amazon que lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteterminant afin de pouvoir lancer les activiteacutes dans deux nouveaux pays europeacuteens agrave savoir lrsquoEspagne et lrsquoItalie

408 Or il ressort du dossier que la Commission eacutetait effectivement en droit de consideacuterer que LuxOpCo eacutetait impliqueacutee dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN (voir point 404 ci-dessus)

409 En effet dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) Amazon a elle-mecircme [confidentiel] Selon les termes de ce meacutemoire laquo AEHT raquo (crsquoest-agrave-dire Amazon Europe Holding Technology terme qui correspond agrave la deacutesignation officielle de LuxSCS) [confidentiel] Il convient de souligner agrave cet eacutegard qursquoaucune diffeacuterence nrsquoa eacuteteacute opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que dans cette proceacutedure le terme laquo AEHT raquo a eacuteteacute utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS Or srsquoagissant de la participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN il est clair qursquoAmazon faisait reacutefeacuterence agrave LuxOpCo et non agrave LuxSCS

410 Ce constat est drsquoailleurs corroboreacute par les teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et notamment de celui du vice-preacutesident directeur des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis lequel confirme que agrave lrsquoeacutepoque le chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo avait activement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la conceptualisation de lrsquoEFN

411 Neacuteanmoins il doit ecirctre preacuteciseacute qursquoil serait erroneacute de consideacuterer que LuxOpCo a pris en charge lrsquoensemble du processus de deacuteveloppement de lrsquoEFN

412 Drsquoune part il ressort du dossier que le siegravege ameacutericain a joueacute un rocircle deacutecisionnaire dans le lancement du projet de lrsquoEFN

413 Drsquoautre part ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et ainsi qursquoil ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et de lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis le deacuteveloppement de lrsquoEFN a eacuteteacute reacutealiseacute avec le soutien des entiteacutes ameacutericaines Plus particuliegraverement le travail en lien avec le deacuteveloppement des logiciels sous-tendant lrsquoEFN aurait eacuteteacute opeacutereacute par les techniciens des eacutequipes centrales et notamment sur la base des speacutecifications formuleacutees par les eacutequipes de LuxOpCo En outre la Commission ne conteste pas que drsquoun point de vue opeacuterationnel les deacutefinitions et les exigences de lrsquoentrepocirct sur lesquelles reposaient cet outil auraient eacutegalement eacuteteacute eacutetablies aux Eacutetats-Unis

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414 Bien que au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee la Commission expose que laquo lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteveloppeacute en Europe raquo sans autres preacutecisions la contribution des entiteacutes ameacutericaines nrsquoa toutefois pas eacuteteacute totalement ignoreacutee par la Commission Elle cite notamment agrave la note en bas de page no 481 de la deacutecision attaqueacutee un des teacutemoignages selon lequel la technologie aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee en Europe avec lrsquoaide des eacutequipes technologiques centrales

415 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que bien que lrsquoEFN ait reposeacute en grande partie sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis LuxOpCo a eacutegalement activement contribueacute au deacuteveloppement de cette technologie Or au regard de lrsquoimportance de cette technologie pour lrsquoexpansion des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon la Commission nrsquoa pas commis drsquoerreur en analysant ces contributions comme eacutetant uniques et de valeur Mecircme si LuxSCS eacutetait in fine le proprieacutetaire de cette technologie il nrsquoen reste pas moins que le deacuteveloppement de celle-ci a eacuteteacute eacutegalement le fruit des efforts de LuxOpCo

416 Il ressort donc des constatations opeacutereacutees aux points 386 agrave 415 ci-dessus que outre lrsquoEFN au deacuteveloppement duquel LuxOpCo a activement participeacute les adaptations les plus importantes de la technologie eacutetaient effectueacutees aux Eacutetats-Unis en dialogue avec les eacutequipes europeacuteennes qui formulaient leurs besoins et que en sus certaines adaptations mineures pouvaient ecirctre effectueacutees directement par les eacutequipes locales

417 Il deacutecoule de lrsquoensemble des consideacuterations qui preacutecegravedent que si la Commission a correctement consideacutereacute que du fait de sa participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN LuxOpCo a exerceacute des fonctions uniques et de valeur en lien avec la technologie pour le reste elle a exageacutereacute lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement de la technologie En effet outre le deacuteveloppement de lrsquoEFN les fonctions de LuxOpCo se limitaient principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques Degraves lors la conclusion opeacutereacutee au consideacuterant 465 de la deacutecision attaqueacutee et notamment lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo a proceacutedeacute agrave des ameacuteliorations importantes de la technologie ne peut donc ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute

418 Dans la mesure ougrave ce constat repose sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire drsquoexaminer en deacutetail les arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission aurait fait une utilisation erroneacutee des teacutemoignages notamment pour dire que la technologie eacutetait deacuteveloppeacutee en Europe (en particulier lrsquoEFN) alors qursquoelle lrsquoeacutetait aux Eacutetats-Unis En effet quand bien mecircme lrsquoanalyse de la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute les erreurs commises par la Commission ne sont pas de nature agrave remettre en cause le constat selon lequel LuxOpCo a effectivement contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment de lrsquoEFN

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)

419 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le bien-fondeacute du constat de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des donneacutees clients En substance ils font valoir que les donneacutees clients eacutetaient collecteacutees de maniegravere automatique agrave lrsquoaide de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et sans intervention des employeacutes de LuxOpCo

420 La Commission reacutefute ces arguments

421 Agrave titre liminaire il y a lieu de relever que les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo a activement contribueacute au deacuteveloppement de la base de donneacutees regroupant les informations sur les clients telles que par exemple les historiques de ventes Il srsquoagit donc de deacuteterminer si lrsquoaccumulation des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee ainsi que leur protection est attribuable agrave LuxOpCo

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422 Premiegraverement il importe de relever que ainsi que la Commission lrsquoa illustreacute dans le tableau 19 de la deacutecision attaqueacutee pendant la peacuteriode consideacutereacutee le deacutecompte de clients uniques par anneacutee a largement augmenteacute en passant de 17 millions de clients en 2006 agrave plus de 60 millions en 2014

423 Deuxiegravemement agrave lrsquoinstar de la Commission il importe de constater que les donneacutees clients sont un actif cleacute pour un acteur du commerce eacutelectronique tel que le groupe Amazon notamment en ce qui concerne le marketing En effet certains outils notamment lrsquoutilisation de la technologie des recommandations et des similariteacutes sont tributaires des donneacutees clients Les donneacutees clients constituent ainsi un actif incorporel unique et de valeur

424 Troisiegravemement il est constant que LuxOpCo est lrsquoentiteacute qui a collecteacute les donneacutees clients et qursquoelle est en outre chargeacutee du respect de la reacuteglementation applicable agrave ces donneacutees Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent drsquoailleurs pas lrsquoaffirmation figurant au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo a accumuleacute les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens agrave titre de service pour LuxSCS

425 Certes il est important de relever agrave lrsquoinstar drsquoAmazon que la collecte des donneacutees clients eacutetait automatiseacutee et que crsquoest au moyen de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et fournie par LuxSCS agrave LuxOpCo que cette derniegravere pouvait recueillir les donneacutees des clients

426 Toutefois ainsi que la Commission le souligne au point 107 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 crsquoest LuxOpCo qui contribuait activement agrave lrsquoaccumulation des donneacutees clients par la mise en œuvre des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon (voir point 347 ci-dessus) permettant drsquoattirer les clients sur ses sites Internet et de collecter davantage de donneacutees clients En effet la collecte des donneacutees clients est neacutecessairement fonction de lrsquoattrait des sites Internet du groupe Amazon pour les clients Or lrsquoaugmentation de la freacutequentation des sites Internet europeacuteens et ainsi des donneacutees clients collecteacutees eacutetait elle-mecircme lieacutee agrave la mise en œuvre des trois piliers susmentionneacutes agrave savoir le prix lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation par LuxOpCo Srsquoil nrsquoest pas contestable que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis jouait un rocircle essentiel dans la bonne mise en œuvre de ces trois piliers il nrsquoen reste pas moins que LuxOpCo avait joueacute un rocircle actif et critique en rapport avec lrsquoaccumulation de nouvelles donneacutees clients et avait ainsi contribueacute au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur

427 Par ailleurs il convient de relever que la Commission a correctement consideacutereacute au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo devait assurer lrsquoentretien des donneacutees clients et assurer le respect des lois applicables en matiegravere de protection de donneacutees Si le fait de proteacuteger la base de donneacutees des clients est une activiteacute importante pour un modegravele commercial qui srsquoattache agrave la vente au deacutetail et agrave des services fournis notamment agrave des consommateurs finaux et ce pour les raisons exposeacutees par la Commission au consideacuterant 466 de la deacutecision attaqueacutee il srsquoagit neacuteanmoins drsquoune activiteacute habituelle pour tout preneur de licence travaillant avec ce type de base de donneacutees

428 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient drsquoenteacuteriner les constats de la Commission opeacutereacutes aux consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee au moins en ce que LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec lrsquoameacutelioration des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que en accumulant les donneacutees clients lesquelles ont eacuteteacute multiplieacutees par trois entre 2006 et 2014 ainsi qursquoil ressort du point 422 ci-dessus LuxOpCo a contribueacute agrave la valeur de cet actif incorporel lequel constitue un actif incorporel unique et de valeur LuxOpCo a ainsi exerceacute des fonctions uniques et de valeur

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

429 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle la valeur de laquo la marque raquo Amazon est geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

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430 La Commission conteste ces arguments

431 Premiegraverement il y a lieu de souligner que ainsi que lrsquoa implicitement admis la Commission aux consideacuterants 469 et 471 de la deacutecision attaqueacutee la marque Amazon est bien reconnue et beacuteneacuteficie drsquoune forte identification au niveau mondial ce qui eacutetait un atout majeur pour attirer des clients Il convient de constater que cette reacuteputation eacutetait preacuteexistante agrave la creacuteation de LuxOpCo Toutefois le constat de la Commission formuleacute aux consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee selon lequel la marque commerciale nrsquoest pas lrsquoeacuteleacutement central du modegravele du groupe Amazon la strateacutegie commerciale dudit groupe eacutetant focaliseacutee sur les trois piliers (prix faciliteacute drsquoutilisation catalogue de produits) doit ecirctre enteacuterineacute En effet la valeur de la marque deacuteposeacutee en Europe est eacutegalement fonction de la capaciteacute agrave fournir un assortiment de qualiteacute des prix avantageux et une grande faciliteacute drsquoutilisation Amazon souligne drsquoailleurs elle-mecircme que la valeur des actifs incorporels de marketing du groupe Amazon en Europe deacutepend de la satisfaction des clients

432 Deuxiegravemement il y a lieu de constater que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la technologie joue un rocircle important si ce nrsquoest deacuteterminant dans le deacuteveloppement de la marque commerciale drsquoAmazon En effet drsquoune part la technologie est centrale dans la mise en œuvre des trois piliers La satisfaction des clients est ainsi en grande partie tributaire de la technologie Drsquoautre part la technologie joue un rocircle crucial dans le marketing et permet de maximiser la possibiliteacute que le nom laquo Amazon raquo apparaisse dans les recherches des potentiels clients Il est constant que cette technologie est deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

433 Neacuteanmoins la seule technologie ne suffit pas agrave la mise en œuvre des trois piliers En effet ces derniers ont eacuteteacute eacutegalement mis en œuvre par LuxOpCo du fait de la prise de deacutecisions strateacutegiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

434 Il convient agrave cet eacutegard de relever qursquoil ressort de son meacutemoire post procegraves que dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (voir point 14 ci-dessus) Amazon a en substance fait valoir que [confidentiel]

435 En particulier Amazon a affirmeacute dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) qursquo[confidentiel] et dans le cadre drsquoune section consacreacutee aux actifs incorporels de marketing qursquo[confidentiel]

436 Dans son avis la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) a drsquoailleurs conclu que laquo AEHT raquo assumait la seule responsabiliteacute de maintenir et de deacutevelopper les actifs incorporels lieacutes au marketing et qursquoelle payait par le biais du partage des coucircts les ameacuteliorations technologiques neacutecessaires agrave maintenir la valeur de ces actifs incorporels Certes dans le meacutemoire post procegraves et dans lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis Amazon et cette derniegravere se reacutefegraverent agrave laquo AEHT raquo Neacuteanmoins dans la mesure ougrave aucune diffeacuterence nrsquoest opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que le terme laquo AEHT raquo est utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS il convient de comprendre dans ce contexte preacutecis que laquo AEHT raquo vise LuxOpCo et non LuxSCS En effet il ressort du dossier que LuxSCS nrsquoa pas exerceacute de telles fonctions

437 Par ailleurs il importe de relever que ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon ne contestent lrsquoaffirmation opeacutereacutee au consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle en Europe crsquoeacutetait LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees qui assuraient le marketing en ligne du groupe Amazon en srsquoappuyant sur leur savoir-faire local

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438 Dans ces conditions srsquoil est vrai que la marque Amazon beacuteneacuteficiait en Europe drsquoune renommeacutee eacutetablie anteacuterieurement agrave la creacuteation de LuxOpCo et qursquoelle beacuteneacuteficiait de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il y a lieu de conclure que crsquoest agrave bon droit que la Commission a eacutetabli que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee le maintien et le deacuteveloppement de la valeur de la marque eacutetaient agrave tout le moins en partie geacuteneacutereacutes au niveau de LuxOpCo et des entiteacutes europeacuteennes

439 Il y a drsquoailleurs lieu de relever agrave cet eacutegard agrave lrsquoinstar de la Commission qursquoAmazon eacutetait connue comme vendeur de livres et de meacutedias lorsqursquoelle est entreacutee sur le marcheacute europeacuteen et que les eacutequipes locales ont ducirc fournir des efforts consideacuterables pour faire eacutevoluer la reacuteputation de la marque en ce qui concerne drsquoautres cateacutegories de produits

440 En conseacutequence il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations de la Commission contenues aux consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des constatations opeacutereacutees aux points 433 agrave 438 ci-dessus que LuxOpCo contribuait au deacuteveloppement de la valeur de la marque et des actifs de marketing et exerccedilait de ce fait des fonctions de valeur En revanche rien ne permet de consideacuterer que ces fonctions avaient un caractegravere unique Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de consideacuterer que la Commission a correctement conclu que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels pour chacune de ses trois composantes En ce qui concerne le deacuteveloppement de la technologie la contribution de LuxOpCo se reacutesumait principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques En revanche la participation de LuxOpCo au deacuteveloppement de lrsquoEFN peut ecirctre assimileacutee agrave une fonction unique et de valeur En outre LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaccumulation des donneacutees clients notamment par la mise en œuvre des trois piliers et a ainsi activement contribueacute au deacuteveloppement de cet actif unique et de valeur En ce qui concerne les actifs de marketing LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaugmentation de la reacuteputation de la marque Amazon en Europe et a ainsi exerceacute des fonctions de valeur Il ne ressort toutefois pas du dossier que ces derniegraveres fonctions puissent ecirctre qualifieacutees drsquouniques

441 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement affirmeacute aux consideacuterants 414 et 415 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoadministration luxembourgeoise aurait ducirc prendre en compte le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels En revanche toutes les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas uniques et de valeur

442 Il importe drsquoailleurs agrave cet eacutegard de constater que ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte si ce nrsquoest au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause tout du moins au moment de la mise en œuvre annuelle de celle-ci En effet tout changement de situation ce qui inclut lrsquoexercice de fonctions suppleacutementaires aurait ducirc ecirctre pris en compte

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

443 Srsquoagissant des fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe dans la deacutecision attaqueacutee la Commission a en substance mis en exergue le fait que tant selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 que dans les faits LuxOpCo jouait le rocircle de siegravege social europeacuteen et eacutetait lrsquoentreprise en charge desdites activiteacutes Ce serait donc LuxOpCo qui aurait ducirc prendre et qui prenait les deacutecisions strateacutegiques relatives aux opeacuterations commerciales du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 473 agrave 478 de la deacutecision attaqueacutee)

444 Plus particuliegraverement la Commission a constateacute que LuxOpCo exerccedilait toutes les fonctions strateacutegiques lieacutees aux activiteacutes de vente au deacutetail et des services en ligne du groupe Amazon au cours de la peacuteriode consideacutereacutee et qursquoelle prenait toutes les deacutecisions strateacutegiques concernant les articles et la

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fixation des prix enregistrait les ventes et agissait en tant que partie contractante agrave lrsquoeacutegard des consommateurs Elle absorbait ainsi les coucircts correspondants et supportait les risques lieacutes aux ventes et aux stocks (consideacuterant 475 de la deacutecision attaqueacutee)

445 La Commission a ainsi consideacutereacute que LuxOpCo prenait en toute indeacutependance toutes les deacutecisions pertinentes concernant chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 478 de la deacutecision attaqueacutee)

446 Les parties srsquoaccordent sur le fait que LuxOpCo exerccedilait des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services Il nrsquoest pas non plus contesteacute que LuxOpCo occupait les fonctions de siegravege des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

447 Neacuteanmoins le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes Selon eux les activiteacutes de LuxOpCo reposaient largement sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et srsquoapparentaient agrave des fonctions de gestion des activiteacutes europeacuteennes ou des fonctions de soutien commercial courantes lesquelles geacuteneacuteraient peu de valeur ajouteacutee

448 Plus particuliegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que les fonctions humaines auraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie dans le cadre des activiteacutes commerciales du groupe Amazon et que les prix eacutetaient fixeacutes de maniegravere automatique Ils ajoutent qursquoil eacutetait impossible que des individus fixent activement le prix des millions drsquoarticles disponibles sur les sites du groupe Amazon que les relations avec les vendeurs et les clients eacutetaient presque inteacutegralement automatiseacutees que dans les centres de traitement des commandes la localisation des stocks et lrsquoordre de collecte des achats eacutetaient des fonctions deacutefinies par des technologies et les employeacutes des centres nrsquoavaient qursquoagrave suivre les instructions donneacutees par la technologie et que les deacutecisions concernant lrsquoinventaire (deacutecisions drsquoachat lieu de stockage etc) eacutetaient automatiseacutees alors que les employeacutes devaient uniquement exeacutecuter les indications fournies sur la base de la technologie

449 Il convient donc drsquoexaminer si la Commission a consideacutereacute agrave juste titre que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes et prenait des deacutecisions strateacutegiques en lien avec chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon de sorte qursquoelle ne pouvait ecirctre assimileacutee agrave une entreprise exerccedilant de simples fonctions de gestion

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

450 La Commission a constateacute au consideacuterant 479 de la deacutecision attaqueacutee que le deacuteveloppement et le maintien du plus large assortiment possible eacutetaient cruciaux pour le succegraves du groupe Amazon en Europe Elle a ajouteacute que la deacutecision quant aux cateacutegories de produits agrave vendre eacutetait prise sur la base de la connaissance du marcheacute Elle aurait donc requis une intervention humaine la seule technologie nrsquoeacutetant pas suffisante

451 En particulier la Commission a releveacute drsquoune part que LuxOpCo avait pu srsquoappuyer sur un nombre important de salarieacutes employeacutes par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lesquels seraient intervenus pour constituer lrsquoassortiment en Europe et eacutelargir les gammes de nouvelles familles de produits disponibles sur la base de leur connaissance du marcheacute des produits et des consommateurs locaux (correspondant ainsi agrave leur laquo savoir-faire local raquo) (consideacuterants 470 agrave 482 de la deacutecision attaqueacutee) Drsquoautre part LuxOpCo aurait joueacute un rocircle deacuteterminant dans lrsquoacquisition drsquoacteurs locaux lrsquoeacutetablissement de partenariats avec les fournisseurs et lrsquoeacutetablissement de programmes de tiers pour le deacuteveloppement de MarketPlace (consideacuterants 483 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

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452 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause la constatation drsquoordre geacuteneacuteral figurant au consideacuterant 483 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle Amazon constitue son assortiment en rachetant drsquoautres deacutetaillants preacutesents sur le marcheacute en concluant des partenariats avec des fournisseurs et en eacutetablissant des programmes de tiers tels que MarketPlace

453 Il ressort drsquoailleurs du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que le travail des recruteurs locaux eacutetait crucial pour permettre le lancement de nouveaux produits sur les sites Internet

454 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas non plus le fait que crsquoest LuxOpCo avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes qui a assumeacute ces activiteacutes laquo geacuteneacuterales raquo du groupe Amazon a proceacutedeacute aux acquisitions de certaines entreprises de vente au deacutetail europeacuteennes a conclu des partenariats avec des fournisseurs europeacuteens en deacutefinissant des strateacutegies et de bonnes pratiques en vue de la seacutelection et du lancement de nouvelles familles de produits et a mecircme eacutetabli les clauses contractuelles standards pour les fournisseurs (voir consideacuterant 485 de la deacutecision attaqueacutee)

455 Il deacutecoule drsquoailleurs du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi mecircme si LuxOpCo ne deacutecidait pas de maniegravere totalement autonome des cateacutegories de produits elle avait un rocircle significatif dans le lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits Il ressort agrave cet eacutegard du teacutemoignage de lrsquoancien chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo que dans le cadre du lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits celui-ci eacutetait [confidentiel]

456 La restructuration de 2006 a ainsi permis une gestion davantage autonome des activiteacutes europeacuteennes

457 Il convient de conclure que la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo prenait des deacutecisions importantes lieacutees agrave lrsquoassortiment et que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour mettre en œuvre en Europe ce pilier de la strateacutegie du groupe Amazon

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)

458 Srsquoagissant des prix la Commission a affirmeacute que si la fixation des prix eacutetait automatiseacutee et reposait sur lrsquoutilisation drsquoun algorithme il ne srsquoagissait que drsquoun outil permettant de mettre en œuvre une politique de tarification donneacutee qui eacutetait deacutefinie par LuxOpCo en Europe

459 En particulier la Commission a releveacute que sans le concours individuel fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pas fonctionneacute efficacement En Europe crsquoest LuxOpCo qui srsquoen serait chargeacute avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

460 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent ces affirmations Ils font notamment valoir que les activiteacutes commerciales de LuxOpCo reposent en grande partie sur lrsquoautomatisation et que la participation des salarieacutes de LuxOpCo eacutetait minimale notamment en ce qui concerne les prix

461 Certes il nrsquoest pas discutable que ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans la technologie les activiteacutes de LuxOpCo auraient eacuteteacute bien moindres

462 Neacuteanmoins il convient de constater que ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 168 de la deacutecision attaqueacutee jusqursquoen 2009 le groupe Amazon utilisait essentiellement la tarification manuelle Ce nrsquoest qursquoagrave partir de 2009 que les prix eacutetaient fixeacutes agrave partir drsquoun algorithme Agrave cet eacutegard la Commission a donc correctement constateacute que lrsquoalgorithme ne se suffisait pas agrave lui-mecircme srsquoagissant de la fixation des prix et qursquoil permettait de mettre en œuvre la politique de tarification deacutefinie en Europe par LuxOpCo (voir consideacuterant 490 de la deacutecision attaqueacutee)

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463 Tout drsquoabord ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 491 de la deacutecision attaqueacutee sans le concours individuel de LuxOpCo fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pu fonctionner efficacement

464 Ensuite ainsi que la Commission lrsquoa identifieacute au consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee il ressort du manuel des proceacutedures et des politiques pour lrsquoUnion du groupe Amazon que la fixation des prix eacutetait eacutetablie au Luxembourg par un comiteacute de fixation des prix de deacutetail dans lrsquoUnion se composant des cadres dirigeants de LuxOpCo Ce comiteacute eacutetait seul compeacutetent pour la fixation drsquoorientations en matiegravere de prix pour les produits que le groupe Amazon proposait sur ses sites Internet europeacuteens Le rocircle de LuxOpCo dans la deacutetermination des politiques de prix est eacutegalement confirmeacute par les teacutemoignages des salarieacutes de LuxOpCo

465 En outre il nrsquoest pas contesteacute que LuxOpCo employait un tarifeur europeacuteen lequel devait approuver les prix en particulier lorsqursquoils srsquoeacutecartaient de ceux fixeacutes par lrsquoalgorithme ni qursquoune eacutequipe eacutetait chargeacutee de veiller agrave [confidentiel] au niveau mondial Cette eacutequipe installeacutee au Luxembourg au sein de LuxOpCo suivait les prix [confidentiel] et examinait les prix proposeacutes agrave lrsquoeacutechelle mondiale y compris aux Eacutetats-Unis (voir consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee)

466 Enfin le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause de maniegravere eacutetayeacutee le fait que LuxOpCo a ducirc deacutevelopper toute une strateacutegie particuliegravere pour geacuteneacuterer des recettes et pour se distinguer de ses concurrents Agrave cet eacutegard lrsquoinfluence de LuxOpCo et de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes sur les deacutecisions en matiegravere de fixation des prix se refleacutetait dans des promotions qui eacutetaient applicables agrave certains articles vendus sur les sites Internet dans lrsquoUnion (voir consideacuterant 493 de la deacutecision attaqueacutee) Il nrsquoest pas contesteacute que au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoactiviteacute en Allemagne le site laquo Amazonde raquo avait mecircme inventeacute la laquo garantie du prix bas raquo afin drsquoencourager un retour drsquoinformation sur les prix de la part des clients en contrepartie drsquoune remise sur leurs achats et que au Royaume-Uni certains types de promotions sur les prix freacutequents sur le marcheacute comme les [confidentiel] ont rendu lrsquoexercice drsquoune concurrence [confidentiel] plus ardu [confidentiel] Srsquoagissant de la vente de livres en France et en Allemagne LuxOpCo a mis en place un systegraveme drsquoexpeacutedition gratuite Agrave cet eacutegard il srsquoagit drsquoexemples de deacutecisions de fixation de prix en rapport avec les concurrents sur le marcheacute et partant de deacutecisions strateacutegiques propres agrave un deacutetaillant

467 Au vu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de conclure que LuxOpCo a adopteacute des deacutecisions strateacutegiques en ce qui concerne la fixation des prix et a ainsi exerceacute des fonctions importantes Srsquoil est vrai que la tarification des prix eacutetait tributaire de la technologie du groupe Amazon il nrsquoen reste pas moins que lrsquointervention des collaborateurs de LuxOpCo eacutetait eacutegalement cruciale

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

468 Srsquoagissant de la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo la Commission a constateacute que LuxOpCo eacutetait chargeacutee drsquoassurer la faciliteacute drsquoutilisation de lrsquooffre de vente au deacutetail et de place de marcheacute du groupe Amazon en Europe Plus preacuteciseacutement LuxOpCo aurait compteacute une eacutequipe dite eacutequipe laquo Localisation et traduction raquo censeacutee veacuterifier et adapter la traduction automatique et permettre notamment la mise en commun des diffeacuterents catalogues europeacuteens afin de creacuteer et de geacuterer lrsquoEFN (consideacuterant 495 de la deacutecision attaqueacutee) Ce serait LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees qui auraient deacutetenu et deacuteveloppeacute le savoir-faire par rapport agrave la logistique locale notamment pour lrsquoenvoi drsquoarticles (consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

469 Selon la Commission la technologie est un preacutealable agrave la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo notamment agrave la traduction des catalogues drsquoarticles europeacuteens agrave la livraison et au service drsquoassistance pour les clients (voir consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) Le personnel de LuxOpCo aurait joueacute un rocircle tant au niveau des catalogues drsquoarticles qursquoen ce qui concerne la livraison des produits et le service drsquoassistance pour les clients Agrave cet eacutegard le savoir-faire aurait appartenu agrave LuxOpCo et aux socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes (voir consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

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470 Ces eacuteleacutements ne sont au demeurant pas contesteacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon de maniegravere eacutetayeacutee et il convient de les enteacuteriner

471 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a pris des deacutecisions strateacutegiques en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et eacutetait ainsi le principal responsable de la mise œuvre des trois piliers de la strateacutegie dudit groupe pour cette zone geacuteographique La Commission a donc correctement consideacutereacute que en deacutepit de lrsquoimportance de la technologie LuxOpCo avait eacutegalement joueacute un rocircle essentiel dans lrsquoexploitation et lrsquoexpansion de ces activiteacutes de vente au deacutetail et places de marcheacute et ainsi qursquoelle avait exerceacute des fonctions de valeur Toutefois il ne ressort pas du dossier que de telles fonctions revecirctaient un caractegravere unique

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)

472 Srsquoagissant des actifs utiliseacutes par LuxOpCo la Commission a releveacute au consideacuterant 500 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo avait utiliseacute des laquo actifs importants raquo pour assumer les fonctions deacutecrites dans les sections 92121 (fonctions en lien avec les actifs incorporels) et 92122 (fonctions exerceacutees dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de service) de sa deacutecision

473 Drsquoune part la Commission a constateacute au consideacuterant 501 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo posseacutedait et geacuterait lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoassortiment (sur la peacuteriode consideacutereacutee les stocks repreacutesentaient [confidentiel] milliards drsquoeuros) et qursquoelle deacutetenait la totaliteacute des parts drsquoASE drsquoAMEU et des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees auxquelles elle consentait des financements

474 Drsquoautre part la Commission a affirmeacute que la structure de coucircts de LuxOpCo deacutemontrait que des actifs importants auraient eacuteteacute utiliseacutes pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point et lrsquoameacutelioration des actifs incorporels dans lrsquoexercice de ses fonctions (consideacuterant 502 de la deacutecision attaqueacutee) En particulier en ce qui concerne la marque deacuteposeacutee LuxOpCo aurait supporteacute des coucircts de marketing direct eacuteleveacutes (par exemple les coucircts lieacutes aux promotions) (consideacuterants 503 agrave 504 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence la Commission a estimeacute que en lrsquoabsence de tout remboursement identifiable de la part de LuxOpCo ces coucircts devraient ecirctre consideacutereacutes comme effectivement supporteacutes par LuxOpCo

475 La Commission a ainsi conclu que LuxOpCo avait supporteacute les coucircts correspondant agrave lrsquoexploitation eacuteconomique des actifs incorporels ainsi qursquoagrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ceux-ci Selon la Commission la totaliteacute de ces coucircts ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant des frais supporteacutes au nom de LuxSCS (consideacuterant 505 de la deacutecision attaqueacutee)

476 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon au demeurant ne contestent pas ces constatations de maniegravere eacutetayeacutee sauf en ce qui concerne le fait que LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels Agrave cet eacutegard il suffit de renvoyer au point 235 ci-dessus Agrave lrsquoexception de lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations faites par la Commission aux consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee

477 Srsquoagissant des risques assumeacutes par LuxOpCo la Commission a estimeacute aux consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee que cette socieacuteteacute supportait tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits drsquoune part les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels Drsquoautre part LuxOpCo aurait controcircleacute et geacutereacute tous les risques commerciaux et entrepreneuriaux correspondants lieacutes aux activiteacutes de vente au deacutetail et de service exerceacutees par le groupe Amazon en Europe parmi lesquels le risque de creacutedit le risque lieacute aux

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collections le risque de gestion des stocks le risque du marcheacute le risque de perte ou encore les risques lieacutes au maintien drsquoune main drsquoœuvre capable de vendre des articles et de fournir des services de maniegravere efficiente et dans les deacutelais requis

478 La Commission a ensuite eacutecarteacute lrsquoaffirmation drsquoAmazon formuleacutee lors de la proceacutedure administrative selon laquelle LuxOpCo srsquoeacutetait appuyeacutee en grande partie sur la technologie pour geacuterer et supporter les risques (consideacuterants 506 et 508 de la deacutecision attaqueacutee)

479 Tout drsquoabord selon la Commission mecircme si la technologie permettait de minimiser les risques LuxOpCo supportait lesdits risques du fait de son rocircle de siegravege europeacuteen et de ses activiteacutes de vente au deacutetail et de service (consideacuterants 509 et 510 de la deacutecision attaqueacutee) Elle relegraveve que mecircme si LuxOpCo comptait sur la technologie aux fins de la gestion des risques commerciaux cela ne deacutecoulait que drsquoune deacutecision strateacutegique de sa part (consideacuterant 511 de la deacutecision attaqueacutee)

480 En outre il ne serait pas eacutetabli que ce soit dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 ou dans un autre document que les risques strateacutegiques financiers et opeacuterationnels auxquels LuxOpCo devait faire face dans le cadre de ses opeacuterations journaliegraveres auraient eacuteteacute geacutereacutes par une politique de groupe en matiegravere de gestion des risques (consideacuterant 512 de la deacutecision attaqueacutee) Au contraire les risques tels que la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique auraient eacuteteacute geacutereacutes au niveau local avec LuxOpCo comme principal responsable en Europe (consideacuterants 513 agrave 515 de la deacutecision attaqueacutee)

481 Les parties sont en deacutesaccord en ce qui concerne le point de savoir quelle entiteacute assumait effectivement les risques lieacutes aux actifs incorporels et plus particuliegraverement sur la question de savoir si LuxOpCo a mobiliseacute des actifs pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg une partie des risques et des fonctions identifieacutes par la Commission auraient eacuteteacute assumeacutee par les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees et non par LuxOpCo

482 Srsquoagissant des risques lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels affirmer agrave lrsquoinstar de ce qursquoa deacuteclareacute la Commission au consideacuterant 507 de deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo supportait ces risques tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits ne saurait convaincre

483 Ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave juste titre au point 104 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 srsquoil est vrai que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS avait transfeacutereacute un certain nombre de risques lieacutes agrave lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales agrave LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins que LuxSCS qui eacutetait le proprieacutetaire leacutegal du droit drsquoexploiter des actifs incorporels pendant la peacuteriode consideacutereacutee supportait toujours les risques lieacutes aux actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

484 Ce constat nrsquoest pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee par la Commission Srsquoagissant de la capaciteacute financiegravere de LuxSCS drsquoassumer les risques srsquoils se mateacuterialisaient la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer son affirmation selon laquelle LuxSCS ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave son capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoachat et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

485 Dans ces conditions il y a lieu de retenir que LuxOpCo supportait tout au plus une partie des risques lieacutes agrave lrsquoexistence agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels

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486 En revanche srsquoagissant des autres risques dont il est fait eacutetat aux consideacuterants 507 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir les risques propres agrave une activiteacute de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas de maniegravere eacutetayeacutee que LuxOpCo supportait ces risques tels que le risque relatif agrave la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique en tant que telle (voir consideacuterant 514 de ladite deacutecision) et les risques relatifs agrave la deacutetention des stocks invendus en Europe agrave lrsquoheacutebergement des serveurs et agrave la maintenance des centres drsquoappels aux creacuteances douteuses et agrave lrsquoinaccomplissement ou lrsquoinexeacutecution des contrats conclus avec les clients En particulier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la technologie permettait de minimiser les risques de LuxOpCo en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales et notamment les risques drsquoinventaire force est de constater agrave lrsquoinstar de ce que la Commission a releveacute au consideacuterant 510 de la deacutecision attaqueacutee que la technologie nrsquoa pas totalement supprimeacute ces risques Il y a donc lieu drsquoenteacuteriner les affirmations de la Commission

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

487 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de constater que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo effectueacutee par la Commission ne saurait convaincre dans son inteacutegraliteacute

488 Premiegraverement au regard des informations recueillies par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee telles qursquoexposeacutees dans cette derniegravere et dont une partie a eacuteteacute enteacuterineacutee ci-dessus il nrsquoeacutetait pas exclu de pouvoir consideacuterer que LuxOpCo exerccedilait effectivement certaines fonctions uniques et de valeur en ce qui concerne les actifs incorporels Cela vaut pour ce qui est du deacuteveloppement de lrsquoEFN et de lrsquoaccumulation des donneacutees clients Pour le surplus srsquoagissant des actifs de marketing si les fonctions de LuxOpCo sont de valeur il nrsquoest pas eacutetabli que de telles fonctions puissent ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques

489 Deuxiegravemement lrsquoanalyse des fonctions de LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne et en tant que prestataire de services peut ecirctre enteacuterineacutee pour lrsquoessentiel Agrave cet eacutegard contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo ne se limitait pas agrave exercer de simples fonctions de laquo gestion raquo mais agissait comme un deacutetaillant en ligne et supportait les risques inheacuterents agrave ces activiteacutes De telles fonctions eacutetaient effectivement laquo de valeur raquo car il srsquoagissait drsquoactiviteacutes susceptibles de contribuer de maniegravere significative au chiffre drsquoaffaires de LuxOpCo et donc au modegravele commercial du groupe Amazon Toutefois de telles fonctions ne sauraient ecirctre qualifieacutees drsquouniques En effet dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont indiqueacute qursquoune entreprise pouvait ecirctre consideacutereacutee comme une entiteacute exerccedilant des fonctions de routine (par opposition agrave une entiteacute exerccedilant des fonctions uniques et de valeur) lorsque ces fonctions pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) (voir point 225 ci-dessus) il suffit de relever que le rapport [confidentiel] qui a eacuteteacute eacutevoqueacute par les parties principales porte sur des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et aborde la question de la reacutemuneacuteration observeacutee sur le marcheacute pour de tels deacutetaillants

490 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de constater que si la Commission a pu valablement consideacuterer que certaines fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur sa thegravese visant agrave affirmer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec ses activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur ne saurait convaincre en totaliteacute Si la Commission a correctement constateacute que LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles retenues aux fins de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir de simples fonctions de laquo gestion raquo elle a erroneacutement retenu que les fonctions de LuxOpCo relatives agrave son activiteacute de deacutetaillant eacutetaient uniques et de valeur

491 Cette conclusion nrsquoest remise en cause par aucun des autres arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg ou drsquoAmazon

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492 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que le fait que les fonctions de LuxOpCo eacutetaient exerceacutees avant la restructuration de 2006 par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et que celles-ci eacutetaient reacutemuneacutereacutees aux coucircts majoreacutes deacutemontre que les fonctions de LuxOpCo ne sont que des fonctions courantes Il suffit agrave cet eacutegard de relever que la restructuration de 2006 avait preacuteciseacutement pour objet de creacuteer un siegravege pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe en attribuant agrave LuxOpCo des fonctions bien plus importantes que celles des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

493 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg reproche agrave la Commission drsquoavoir attribueacute agrave LuxOpCo les fonctions exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes Il suffit de constater agrave cet eacutegard que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes agissaient en tant que prestataires de services aupregraves de LuxOpCo et eacutetaient drsquoailleurs reacutemuneacutereacutees comme tels Les fonctions qursquoelles exerccedilaient lrsquoeacutetaient donc pour le compte et aux risques de LuxOpCo La Commission pouvait donc attribuer ces fonctions agrave LuxOpCo

2) Sur le choix de la meacutethode

494 Ainsi qursquoexposeacute au point 317 ci-dessus la Commission a consideacutereacute en substance qursquoil eacutetait erroneacute drsquoavoir utiliseacute la MTMN pour deacuteterminer le montant de la redevance et la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre utiliseacutee

495 Plus preacuteciseacutement au consideacuterant 567 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que lorsque les deux parties agrave la transaction intragroupe apportent des contributions uniques et de valeur agrave ladite transaction la meacutethode du partage des beacuteneacutefices est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une meacutethode plus approprieacutee pour ce qui est des prix de transfert dans la mesure ougrave en pareil cas des parties indeacutependantes devraient normalement se reacutepartir les beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par cette transaction proportionnellement agrave leurs contributions respectives

496 Dans ce contexte la Commission a preacuteciseacute en renvoyant au consideacuterant 256 de la deacutecision attaqueacutee que les lignes directrices de lrsquoOCDE distinguaient entre deux meacutethodes de partage des beacuteneacutefices agrave savoir lrsquoanalyse des contributions et lrsquoanalyse reacutesiduelle Srsquoagissant de lrsquoanalyse reacutesiduelle la Commission a preacuteciseacute que celle-ci srsquoappliquait dans le cas ougrave une partie eacutetait reacutemuneacutereacutee pour ses fonctions courantes en plus de la reacutemuneacuteration qursquoelle percevait pour les contributions uniques et de valeur qursquoelle apportait agrave la transaction Srsquoagissant de lrsquoanalyse des contributions la Commission a preacuteciseacute que celle-ci consistait agrave reacutepartir les beacuteneacutefices combineacutes sur la base de la valeur relative des fonctions exerceacutees (compte tenu des actifs qursquoelles employaient et des risques qursquoelles assumaient) par chacune des parties aux transactions intragroupe

497 La Commission a ajouteacute que lorsque les deux parties agrave la transaction controcircleacutee apportaient des contributions uniques et de valeur et qursquoil nrsquoexistait pas de transactions moins complexes dont le prix devait ecirctre eacutetabli seacutepareacutement il eacutetait plus approprieacute drsquoappliquer lrsquoanalyse des contributions aux fins de lrsquoimputation des beacuteneacutefices combineacutes Lrsquoanalyse reacutesiduelle aurait eacuteteacute approprieacutee lorsqursquoil aurait existeacute des transactions moins complexes

498 Sur la base de ces observations la Commission a conclu que du fait que LuxSCS et LuxOpCo eacutetaient toutes deux consideacutereacutees comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels il convenait de preacutefeacuterer lrsquoanalyse des contributions agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle

499 Les parties au litige srsquoopposent quant agrave la question de savoir si la Commission avait raison de consideacuterer que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee en lrsquoespegravece et par conseacutequent que le choix de la MTMN nrsquoaurait pas ducirc ecirctre avaliseacute dans la DFA en cause

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500 Avant toute chose il importe de rappeler srsquoagissant du choix de la meacutethode de prix de transfert en tant que tel que ainsi qursquoexposeacute au point 202 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) les diffeacuterentes meacutethodes de fixation des prix de transfert srsquoefforcent drsquoatteindre des niveaux de beacuteneacutefices refleacutetant des prix de transfert de pleine concurrence et qursquoil ne peut ecirctre conclu par principe qursquoune meacutethode ne permet pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

501 En outre dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune mesure au regard du principe de pleine concurrence la Commission est libre drsquoutiliser une autre meacutethode que celle avaliseacutee par les autoriteacutes fiscales nationales Il ressort du point 154 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) que srsquoil ne peut ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir retenu une meacutethode de deacutetermination des prix de transfert qursquoelle considegravere approprieacutee dans le cas drsquoespegravece afin drsquoexaminer le niveau des prix de transfert pour une transaction ou pour plusieurs transactions eacutetroitement lieacutees faisant partie de la mesure contesteacutee il incombe neacuteanmoins agrave celle-ci de justifier son choix meacutethodologique

502 En lrsquoespegravece du fait de lrsquoexistence de certaines fonctions uniques et de valeur tant dans le chef de LuxSCS que de LuxOpCo il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir consideacutereacute que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avait pu apparaicirctre de maniegravere geacuteneacuterale approprieacutee pour examiner la transaction controcircleacutee

503 Neacuteanmoins la conclusion de la Commission visant agrave retenir lrsquoanalyse des contributions ne saurait convaincre En effet agrave cet eacutegard ainsi qursquoil ressort implicitement mais neacutecessairement des consideacuterants 256 567 et 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission est partie du constat que la circonstance que les parties agrave la transaction controcircleacutee exerccedilaient des fonctions uniques et de valeur ainsi que des fonctions de routine appelait une application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle alors que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions nrsquoaurait eacuteteacute adapteacutee que lorsque les entreprises concerneacutees exerccedilaient uniquement des fonctions uniques et de valeur Or ainsi qursquoil ressort des points 488 et 489 ci-dessus si la Commission avait raison de consideacuterer que certaines des fonctions de LuxOpCo en rapport avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur elle a erroneacutement consideacutereacute que les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur De plus elle nrsquoa pas non plus eacutetabli qursquoil nrsquoy avait pas de comparables aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo ni que la reacutemuneacuteration de ces fonctions nrsquoaurait pu ecirctre eacutetablie seacutepareacutement

504 De plus il reacutesulte implicitement mais neacutecessairement des points 36 et 38 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que le choix de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices y compris dans la variante de lrsquoanalyse des contributions deacutepend de maniegravere deacutecisive du fait drsquoavoir identifieacute des donneacutees externes provenant drsquoentreprises indeacutependantes pour deacuteterminer la valeur de la contribution de chaque entreprise associeacutee aux transactions Or la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave identifier si de telles donneacutees fiables eacutetaient disponibles pour pouvoir conclure que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions pouvait ecirctre choisie en lrsquoespegravece

505 En outre la Commission nrsquoa pas justifieacute en quoi les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels eacutetaient telles que crsquoeacutetait lrsquoanalyse des contributions qui aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece et ce par opposition agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle (voir consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee)

506 Il en deacutecoule que lorsqursquoelle a eacutecarteacute la meacutethode du partage de beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle et a choisi la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission nrsquoa pas ducircment justifieacute son choix meacutethodologique et nrsquoa donc pas satisfait aux exigences exposeacutees au point 501 ci-dessus

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507 Dans la mesure ougrave la Commission a fondeacute son premier constat subsidiaire sur le fait que seule lrsquoanalyse des contributions aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece lrsquoerreur constateacutee au point 506 ci-dessus vicie le raisonnement de la Commission relatif agrave la deacutemonstration de lrsquoexistence de lrsquoavantage

508 Le Tribunal estime neacuteanmoins neacutecessaire de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties requeacuterantes visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)

509 Ainsi qursquoexposeacute ci-dessus au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee cela aurait neacutecessairement abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante pour LuxOpCo La Commission a ainsi consideacutereacute que en avalisant la meacutethode de calcul de la redevance proposeacutee par Amazon aboutissant agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave cette derniegravere La Commission a neacuteanmoins preacuteciseacute au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee qursquoelle nrsquoavait pas chercheacute agrave eacutetablir quelle aurait eacuteteacute preacuteciseacutement la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo

510 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que ainsi que releveacute aux points 317 agrave 320 ci-dessus lrsquoerreur identifieacutee par la Commission ne repose pas sur le constat que certaines fonctions de LuxOpCo y compris des fonctions de routine ou courantes nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration En revanche la Commission est partie du postulat que LuxOpCo assumait une seacuterie de fonctions de LuxOpCo uniques et de valeur et que partant la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

511 Les parties srsquoopposent sur la question de savoir si la Commission est parvenue sur le fondement du constat mentionneacute au point 509 ci-dessus agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo

512 Pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission devait deacutemontrer que LuxOpCo aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration plus importante si la meacutethode de partage des beacuteneacutefices lui avait eacuteteacute appliqueacutee par rapport agrave ce qursquoelle avait effectivement perccedilu en application de la DFA en cause

513 Ainsi qursquoexposeacute au point 310 ci-dessus il appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable sans qursquoil soit exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

514 Les mecircmes consideacuterations doivent srsquoappliquer lorsque la Commission considegravere avoir identifieacute une erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle En effet il nrsquoest pas exclu que en deacutepit drsquoune erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle la reacutemuneacuteration calculeacutee ne srsquoeacutecarte pas du reacutesultat de pleine concurrence qui aurait pu ecirctre deacutetermineacute si les fonctions avaient eacuteteacute correctement prises en compte Dans ce contexte il y a lieu de relever que si certaines fonctions nrsquoont pas eacuteteacute correctement identifieacutees et nrsquoont pas eacuteteacute prises en compte dans le cadre du calcul de la reacutemuneacuteration il est probable que ces fonctions auraient ducirc faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration et que du fait de lrsquoabsence de la prise en compte de ces fonctions suppleacutementaires la reacutemuneacuteration de lrsquoentreprise en cause aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee Neacuteanmoins la

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Commission ne saurait aboutir agrave de telles conclusions sans examiner de maniegravere concregravete si dans le cas drsquoespegravece et au regard des speacutecificiteacutes de la transaction en cause lrsquoerreur identifieacutee dans lrsquoanalyse fonctionnelle aurait pu aboutir agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

515 Enfin lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une entreprise inteacutegreacutee la Commission doit comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale concerneacutee avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (voir en ce sens arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149) Lorsqursquoelle identifie des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle sur laquelle repose une mesure fiscale telle la DFA en cause il y a lieu pour la Commission de comparer la charge fiscale de lrsquoentreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale en question drsquoune part agrave la charge fiscale drsquoune entreprise active sur le marcheacute exerccedilant des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentreprise inteacutegreacutee telles qursquoidentifieacutees par la Commission drsquoautre part Il y a lieu de souligner agrave cet eacutegard qursquoune telle comparaison nrsquoimplique pas que la Commission doive neacutecessairement reacutealiser une toute nouvelle analyse ayant le mecircme niveau de deacutetail que celle effectueacutee par lrsquoEacutetat membre aux fins de lrsquoadoption de la mesure fiscale en question Pourtant mecircme si elle ne doit pas proceacuteder agrave une telle analyse la Commission est tenue drsquoidentifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements concrets permettant de constater avec certitude que la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions de la socieacuteteacute telles qursquoidentifieacutees par la Commission eacutetait forceacutement plus importante que la reacutemuneacuteration perccedilue en application de la mesure fiscale en question

516 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 515 ci-dessus la Commission aurait ducirc comparer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue en application de la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause avec la reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait ducirc ecirctre perccedilue au regard des fonctions de LuxOpCo que la Commission avait identifieacutees elle-mecircme dans sa propre analyse fonctionnelle Agrave deacutefaut drsquoune veacuteritable application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc identifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements permettant de conclure que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la DFA en cause eacutetait neacutecessairement infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration qursquoune socieacuteteacute opeacuterant sur le marcheacute libre aurait perccedilue si cette socieacuteteacute avait eu des fonctions comparables agrave celles identifieacutees par la Commission dans son analyse fonctionnelle Plus preacuteciseacutement si elle consideacuterait que lrsquoanalyse des contributions eacutetait la meacutethode de calcul approprieacutee au lieu de se borner agrave de simples preacutesomptions non veacuterifieacutees du reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc rechercher si sur le marcheacute libre la prise en compte de fonctions et de risques comparables agrave ceux qui incombaient agrave LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee (notamment ses fonctions et ses risques de deacutetaillant en ligne) se traduisait effectivement dans une part de beacuteneacutefices (pour un deacutetaillant en ligne comparable agrave LuxOpCo) qui aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave celle agrave laquelle LuxOpCO avait droit en vertu de la meacutethode de calcul viseacutee dans la DFA en cause Si la Commission nrsquoavait certes pas agrave indiquer de chiffres preacutecis elle eacutetait agrave tout le moins tenue de donner des indices veacuterifiables agrave cet eacutegard

517 En lrsquoespegravece dans la deacutecision attaqueacutee la Commission srsquoest borneacutee agrave constater que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute utiliseacutee LuxOpCo aurait perccedilu une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee sans chercher agrave faire application de cette meacutethode Or la Commission ne peut preacutesumer quel serait le reacutesultat en application drsquoune certaine meacutethode ni quelle reacutemuneacuteration aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave une certaine fonction En revanche ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute aux points 515 et 516 ci-dessus elle doit eacutetablir que la reacutemuneacuteration avaliseacutee dans la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave lrsquoapproximation fiable drsquoune reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait eacuteteacute obtenue en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions

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518 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave examiner quelle eacutetait la bonne cleacute de reacutepartition des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo qui aurait convenu si ces parties avaient eacuteteacute des entreprises indeacutependantes ni mecircme agrave identifier des eacuteleacutements concrets permettant de deacuteterminer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels ou lrsquoexercice des fonctions de siegravege aurait donneacute droit agrave une part plus importante des beacuteneacutefices par rapport agrave la part des beacuteneacutefices effectivement obtenue en application de la DFA en cause

519 De plus il convient de rappeler que mecircme si les contributions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels (contribution au deacuteveloppement drsquoune petite partie de la technologie contribution agrave lrsquoexpansion de la base de donneacutees clients et agrave la valorisation de la marque) et avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales sont bien reacuteelles aucun des eacuteleacutements contenus dans la deacutecision attaqueacutee ne permet de mesurer lrsquoapport de ces fonctions par rapport aux fonctions de LuxSCS (mise agrave disposition de la technologie laquelle joue un rocircle crucial pour lrsquoexploitation des activiteacutes du groupe Amazon et la geacuteneacuteration des beacuteneacutefices) Ainsi sans analyse approfondie il nrsquoest pas possible de preacutejuger dans quelle mesure les contributions de LuxOpCo lui donneraient une part plus importante des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe que celle obtenue en application de la DFA en cause

520 Dans ces conditions il convient de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage mais tout au plus la probabiliteacute de lrsquoexistence drsquoun avantage

521 Certes ainsi que la Commission lrsquoa eacutevoqueacute lors de lrsquoaudience le fait que certains actifs soient transmis gratuitement sans que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA ne prenne en compte ces fonctions est de nature agrave deacutemontrer que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est infeacuterieure agrave ce qursquoune entreprise indeacutependante aurait perccedilu dans des conditions de marcheacute Neacuteanmoins force est de constater que la deacutecision attaqueacutee ne contient pas un tel raisonnement

522 Certes il nrsquoest pas exclu que si LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles qui ont eacuteteacute prises en compte aux fins du calcul de sa reacutemuneacuteration telle qursquoavaliseacutee dans la DFA en cause LuxOpCo aurait eu droit agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire Neacuteanmoins le raisonnement de la Commission tel qursquoexposeacute dans la deacutecision attaqueacutee reste theacuteorique et nrsquoest pas suffisant pour eacutetablir que LuxOpCo a effectivement perccedilu un avantage du fait de lrsquoapplication de la meacutethode de calcul de sa reacutemuneacuteration qui a eacuteteacute avaliseacutee par la DFA en cause

523 Certes la Commission a affirmeacute dans ses reacuteponses aux questions du Tribunal et lors de lrsquoaudience que en application de la DFA en cause LuxOpCo nrsquoa perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS et que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions lui avait eacuteteacute appliqueacutee en tenant compte de ses fonctions uniques et de valeur elle aurait neacutecessairement perccedilu une part plus importante de ces beacuteneacutefices combineacutes

524 Neacuteanmoins premiegraverement il importe de relever que lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo nrsquoaurait perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes nrsquoapparaicirct pas dans la partie de la deacutecision attaqueacutee relative au premier constat subsidiaire ni mecircme dans toute la deacutecision attaqueacutee Ce chiffre peut tout au plus ecirctre calculeacute sur la base des diffeacuterentes donneacutees chiffreacutees contenues dans la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il importe de relever que ce chiffre drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS correspond aux beacuteneacutefices drsquoexploitation de LuxOpCo apregraves deacuteduction de la redevance verseacutee agrave LuxSCS en application de la DFA en cause

525 Deuxiegravemement la Commission nrsquoapporte aucun eacuteleacutement concret dans la deacutecision attaqueacutee de nature agrave eacutetablir que le fait qursquoenviron 80 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS eacutetaient attribueacutes agrave LuxSCS afin de reacutemuneacuterer sa contribution agrave savoir la mise agrave disposition des actifs incorporels nrsquoest pas de pleine concurrence ni que lrsquoattribution drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes ne constitue pas une reacutemuneacuteration suffisante au regard des contributions effectueacutees par LuxOpCo

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526 Troisiegravemement ainsi qursquoAmazon lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave LuxOpCo en sus de la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN En effet le constat selon lequel la meacutethode de la reacuteparation des beacuteneacutefices avec analyse des contributions devait ecirctre appliqueacutee implique drsquoeacutecarter la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul Or il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

527 Drsquoune part il importe de relever que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait preacutesenteacute agrave la Commission un rapport concernant le taux de marge pour des entreprises effectuant des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne agrave savoir le rapport [confidentiel] Le taux de marge pour les activiteacutes de vente au deacutetail en ligne en moyenne eacutetait de 05 des coucircts totaux des deacutetaillants en ligne Sans qursquoil soit besoin de veacuterifier si au regard de cet eacuteleacutement Amazon eacutetait en droit drsquoaffirmer comme elle lrsquoa fait lors de lrsquoaudience que ce taux aurait deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans la peacuteriode consideacutereacutee aurait eacuteteacute laquo confortable raquo force est de constater que au regard dudit rapport la Commission aurait ducirc approfondir son examen quant agrave la question de savoir si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo correspondait agrave un reacutesultat de pleine concurrence pour ses fonctions de deacutetaillant en ligne Sans un tel examen il nrsquoest pas certain que lrsquoon puisse affirmer que LuxOpCo aurait pu recevoir une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour ses fonctions lieacutees aux activiteacutes commerciales

528 Drsquoautre part agrave lrsquoeacutechelle des activiteacutes de deacuteveloppement effectueacutees par le groupe Amazon les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels notamment en ce qui concerne la technologie restaient limiteacutees Il nrsquoest donc pas eacutevident que ces fonctions eacutetaient telles que la part des beacuteneacutefices attribuables agrave LuxOpCo aurait ducirc ecirctre supeacuterieure agrave 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo

529 En conseacutequence en lrsquoabsence drsquoeacuteleacutements sur la cleacute de reacutepartition qui aurait ducirc ecirctre retenue il nrsquoest pas possible drsquoidentifier lrsquoordre de grandeur de la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait ducirc percevoir dans des conditions de pleine concurrence ni a fortiori de deacuteterminer si cette reacutemuneacuteration est infeacuterieure ou supeacuterieure agrave celle obtenue en application de la DFA en cause

530 Il en deacutecoule que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus importante Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la DFA en cause a confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo En effet outre le fait que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave deacuteterminer quelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifieacutees par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle le premier constat subsidiaire ne contient pas drsquoeacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir agrave suffisance de droit que les erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle ainsi que lrsquoerreur meacutethodologique identifieacutee par la Commission relative au choix de la meacutethode en tant que telle ont effectivement abouti agrave une reacuteduction de la charge fiscale de LuxOpCo

531 Aucun des autres arguments exposeacutes par la Commission ne saurait remettre ces constats en question

532 Premiegraverement certes ainsi que lrsquoa exposeacute la Commission lors de lrsquoaudience il y a une diffeacuterence entre la deacutemonstration de lrsquoavantage et la quantification de lrsquoavantage Ainsi il nrsquoest pas exclu qursquoil soit possible de deacutemontrer qursquoune erreur meacutethodologique aboutit neacutecessairement agrave une reacutemuneacuteration infeacuterieure sans que ne soit quantifieacutee cette reacuteduction de reacutemuneacuteration Neacuteanmoins ainsi que constateacute au point 529 ci-dessus dans le cas drsquoespegravece la deacutecision attaqueacutee ne contient pas drsquoeacuteleacutements de nature agrave deacutemontrer que lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions en lieu et place de la MTMN aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee

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533 Deuxiegravemement certes ainsi que la Commission lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne nient pas que si LuxOpCo avait effectueacute des deacuteveloppements substantiels des actifs incorporels cela aurait ducirc mener agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

534 Neacuteanmoins ainsi que Amazon lrsquoa affirmeacute lors de lrsquoaudience et ainsi qursquoexposeacute au point 526 ci-dessus la thegravese de la Commission ne revient pas agrave consideacuterer qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire agrave celle calculeacutee en application de la DFA en cause aurait ducirc ecirctre calculeacutee En effet la Commission a consideacutereacute que la meacutethode des contributions avec analyse reacutesiduelle nrsquoeacutetait pas approprieacutee en lrsquoespegravece Il en deacutecoule que la thegravese de la Commission se limite agrave faire valoir que si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avait eacuteteacute calculeacutee en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices selon lrsquoanalyse des contributions cela aurait abouti agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee que celle obtenue en application de la MTMN Dans la mesure ougrave lrsquoanalyse des contributions impliquerait de ne pas prendre en compte la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec analyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

535 Troisiegravemement lrsquoargument de la Commission exposeacute dans ses eacutecritures selon lequel lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee de LuxOpCo dans la mesure ougrave cela aurait conduit agrave un partage du beacuteneacutefice reacutesiduel entre LuxOpCo et LuxSCS plutocirct qursquoagrave lrsquoattribution de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel agrave LuxSCS ainsi que lrsquoargument selon lequel il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire drsquoappliquer la meacutethode du partage des beacuteneacutefices pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage car cette meacutethode consiste agrave partager le beacuteneacutefice reacutesiduel doivent ecirctre eacutecarteacutes

536 En effet force est de constater qursquoune telle reacutepartition du beacuteneacutefice reacutesiduel nrsquoest pertinente que dans le cadre de lrsquoutilisation de lrsquoanalyse reacutesiduelle Or il ressort clairement de la deacutecision attaqueacutee et notamment de ses consideacuterants 567 et 568 que la Commission a consideacutereacute que seule lrsquoanalyse de contributions et non lrsquoanalyse reacutesiduelle pouvait valablement ecirctre utiliseacutee en lrsquoespegravece aux fins de lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Or ainsi qursquoexposeacute au point 534 ci-dessus lrsquoanalyse des contributions consiste agrave reacutepartir directement les beacuteneacutefices combineacutes entre les diffeacuterentes parties agrave la transaction et ne tient pas compte de la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee pour LuxOpCo Il ne peut donc ecirctre preacutesumeacute que lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

537 Il deacutecoule donc de lrsquoensemble de ce qui preacutecegravede que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave deacutemontrer dans le cadre de son premier constat subsidiaire que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo

538 Il convient donc drsquoaccueillir les moyens et arguments tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

539 Dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et en particulier au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que mecircme si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient accepteacute agrave bon droit la preacutesomption selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et mecircme si elles avaient ensuite consideacutereacute agrave bon droit que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que des fonctions de gestion courantes le choix drsquoun indicateur de beacuteneacutefice fondeacute sur les charges drsquoexploitation dans la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause nrsquoeacutetait pas approprieacute Il reacutesulte des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient pris en compte comme indicateur du niveau de beacuteneacutefice dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN les coucircts totaux de

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LuxOpCo comme cela aurait eacuteteacute fait dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacutee que celle retenue dans la DFA en cause En conseacutequence la base imposable de cette socieacuteteacute aurait eacuteteacute eacutegalement plus eacuteleveacutee

540 Agrave lrsquoappui de son deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage la Commission a rappeleacute le fait que la meacutethode avaliseacutee par la DFA en cause retenait les charges drsquoexploitation en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice alors que le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur lequel se fondait la demande de DFA aurait utiliseacute les coucircts totaux en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice Ensuite la Commission a indiqueacute que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait reconnu qursquoil y avait une incoheacuterence entre la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause et la meacutethode proposeacutee par le rapport sur les prix de transfert de 2003 Agrave cet eacutegard Amazon se serait borneacutee agrave affirmer que cette incoheacuterence nrsquoavait pas drsquoincidence sur le reacutesultat dans la mesure ougrave les coucircts drsquoexploitation repreacutesentaient la part la plus importante des coucircts totaux des entreprises comparables examineacutees dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 (consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee) En reacuteponse agrave ces arguments la Commission a exposeacute drsquoune part que le choix drsquoentreprises comparables qui avaient de faibles coucircts de marchandises alors que ces coucircts repreacutesentaient la majeure partie des coucircts de LuxOpCo aurait laquo deacutenot[eacute] raquo un mauvais choix des entreprises comparables Drsquoautre part la Commission a releveacute que plusieurs des entreprises comparables retenues pour lrsquoanalyse de comparabiliteacute auraient des coucircts importants de marchandises de matiegraveres premiegraveres et de consommables (consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee)

541 La Commission a conclu que les coucircts totaux constituant une base plus importante que les charges drsquoexploitation le revenu imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacute si les coucircts totaux avaient eacuteteacute conserveacutes ndash agrave lrsquoinstar de ce que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait ndash en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice (consideacuterant 574 de la deacutecision attaqueacutee) Pour illustrer ce constat dans le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a compareacute le beacuteneacutefice imposable de LuxOpCo en application de la DFA en cause avec le beacuteneacutefice de LuxOpCo agrave [confidentiel] des coucircts totaux et en lrsquoabsence de plafond Selon ce tableau pour les anneacutees 2006 agrave 2013 le premier srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros alors que le second srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros

542 En premier lieu il y a lieu de relever que lors de lrsquoaudience la Commission a indiqueacute que dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire tel que figurant aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee elle nrsquoaurait laquo jamais dit raquo que les coucircts totaux eacutetaient les plus adapteacutes En revanche elle aurait simplement affirmeacute que les charges drsquoexploitation nrsquoeacutetaient pas un indicateur de beacuteneacutefice approprieacute aux fins de la deacutetermination de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo Du reste la Commission nrsquoaurait fait que simplement appliquer la logique dont auraient fait preuve les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 En drsquoautres termes elle aurait appliqueacute les coucircts totaux pour deacuteterminer la reacutemuneacuteration de la pleine concurrence pour LuxOpCo pour la seule raison que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait cela

543 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil a eacuteteacute indiqueacute au point 125 ci-dessus crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne la deacutemonstration des conditions de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE En particulier la Commission doit deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de lrsquoentreprise dont elle considegravere qursquoelle serait la beacuteneacuteficiaire drsquoune aide drsquoEacutetat Cet avantage doit ecirctre un avantage reacuteel

544 Pour rappel en lrsquoespegravece la question concernant lrsquoexistence drsquoun avantage implique un examen du point de savoir si la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS telle que viseacutee dans la formule de calcul valideacutee par la DFA en cause eacutetait de pleine concurrence ou non Agrave cet eacutegard la Commission a identifieacute des erreurs dans lrsquoapplication de la MTMN proposeacutee par Amazon et valideacutee dans la DFA en cause Plus preacuteciseacutement la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

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545 Or ainsi que cela a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (voir point 123 ci-dessus) De plus ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat (voir point 125 ci-dessus)

546 Il srsquoensuit en lrsquoespegravece que la Commission eacutetait tenue de deacutemontrer que lrsquoerreur dans le choix de lrsquoindicateur identifieacutee par elle avait abouti non seulement agrave un reacutesultat diffeacuterent mais agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la DFA en cause Cela impliquait de reacutepondre agrave la question de savoir quel indicateur de niveau de beacuteneacutefice aurait eacuteteacute effectivement approprieacute

547 Compte tenu de lrsquointerpreacutetation que la Commission a donneacutee lors de lrsquoaudience des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle elle aurait utiliseacute les coucircts totaux non au motif qursquoils auraient constitueacute un indicateur du niveau de beacuteneacutefice approprieacute mais seulement aux fins de transposer la laquo logique raquo sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003 (voir point 542 ci-dessus) il y a lieu de constater que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave eacutetablir qursquoelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence ni a fortiori si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait perccedilue dans des conditions de pleine concurrence

548 Il en deacutecoule que par le deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

549 Dans un souci drsquoexhaustiviteacute et en second lieu il convient de relever que mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee la Commission avait en reacutealiteacute consideacutereacute que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur du niveau de beacuteneacutefice (par opposition agrave une simple transposition ndash deacutepourvue de toute utiliteacute ndash de la logique sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003) les consideacuterations eacutetayant le deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et la conclusion exposeacutee par la Commission au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee ne sauraient prospeacuterer

550 En effet agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler et de souligner agrave la fois que ainsi qursquoelle lrsquoa releveacute au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a fondeacute son deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage ndash et donc identifieacute que le choix des coucircts drsquoexploitation constituait une erreur meacutethodologique ndash sur la thegravese selon laquelle LuxSCS aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur alors que LuxOpCo nrsquoaurait exerceacute que des laquo fonctions de gestion courantes raquo La preacutemisse des autoriteacutes fiscales luxembourgeoises telle qursquoaccepteacutee par la Commission au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee eacutetait donc celle de dire que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que les fonctions limiteacutees drsquoune socieacuteteacute de gestion

551 Or il ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les coucircts totaux constituaient lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour reacutemuneacuterer une socieacuteteacute de gestion Du fait que lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute de gestion srsquoapparente agrave lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute qui fournit des services et dont la valeur est deacuteconnecteacutee du volume de ventes et du volume drsquoachats de matiegraveres premiegraveres en tant que tels il eacutetait envisageable selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de retenir les charges drsquoexploitation drsquoune telle entreprise pour deacutefinir lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute et non les coucircts totaux

552 En lrsquoespegravece premiegraverement lorsqursquoelle srsquoest reacutefeacutereacutee aux consideacuterants 572 et 573 de la deacutecision attaqueacutee aux coucircts totaux ndash par opposition aux coucircts drsquoexploitation ndash pour calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la Commission srsquoest en reacutealiteacute deacutepartie de la preacutemisse qursquoelle srsquoeacutetait fixeacutee elle-mecircme au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee

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553 En effet contrairement agrave lrsquoapproche mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo serait consideacutereacutee comme eacutetant une socieacuteteacute laquo ayant des fonctions de gestion raquo les appreacuteciations contenues au consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee reposent sur lrsquoideacutee que LuxOpCo serait une laquo entreprise de vente au deacutetail raquo Agrave y regarder de plus pregraves le choix de coucircts totaux a eacuteteacute preacutefeacutereacute par la Commission puisque LuxOpCo aurait eacuteteacute un deacutetaillant et non parce qursquoelle aurait eacuteteacute une laquo socieacuteteacute ayant des fonctions de gestion raquo Au regard de la preacutemisse mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc chercher agrave eacutetablir lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice drsquoune socieacuteteacute de gestion et non celui drsquoune entreprise qui deacuteployait des activiteacutes de deacutetaillant

554 Deuxiegravemement ainsi qursquoil ressort du point 551 ci-dessus selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de maniegravere geacuteneacuterale en ce qui concerne les socieacuteteacutes de gestion il nrsquoest pas certain que les coucircts totaux constituent un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute

555 Certes il ne saurait ecirctre exclu drsquoembleacutee que srsquoagissant drsquoune socieacuteteacute de gestion particuliegravere pour des raisons speacutecifiques propres agrave cette socieacuteteacute lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour cette derniegravere soit effectivement les coucircts totaux La Commission nrsquoa toutefois pas expliqueacute la raison qui aurait pu justifier le choix des coucircts totaux comme eacutetant un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute dans le cas particulier de LuxOpCo en tant que socieacuteteacute de gestion

556 Troisiegravemement srsquoil y avait lieu drsquoaccepter le choix des coucircts totaux comme eacutetant lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice le mieux adapteacute agrave la situation de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant (voir le consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee) force est de constater que la Commission nrsquoa aucunement analyseacute la probleacutematique du choix de lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute pour LuxOpCo dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute (marketplace) pour des vendeurs tiers De plus en ce qui concerne les ventes propres la Commission nrsquoa pas examineacute dans quelle mesure les coucircts totaux auraient eacuteteacute un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour lrsquoactiviteacute de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant en ligne

557 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que dans sa reacuteponse agrave une question eacutecrite du Tribunal la Commission a indiqueacute que lrsquoutilisation drsquoune marge sur les coucircts drsquoexploitation ndash et non des coucircts totaux ndash comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour des activiteacutes de distribution est permise lorsque la partie testeacutee intervient en tant qursquointermeacutediaire et ne risque pas ses fonds propres du fait notamment de lrsquoachat des biens revendus Agrave cet eacutegard la Commission srsquoest fondeacutee sur les paragraphes 2101 et 2102 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 qui ne sont toutefois pas pertinentes en lrsquoespegravece

558 Srsquoil y avait lieu drsquoaccepter qursquoune telle preacuteconisation ressortait deacutejagrave des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et eacutetait pertinente en lrsquoespegravece il y a lieu de constater que dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute du point de vue des vendeurs tiers LuxOpCo nrsquoavait que le rocircle drsquoun intermeacutediaire entre les vendeurs tiers et les consommateurs et qursquoelle nrsquoa pas risqueacute ses propres fonds en rapport avec les ventes reacutealiseacutees par les vendeurs tiers

559 Enfin srsquoil y avait lieu drsquoadmettre que la Commission eacutetait fondeacutee agrave consideacuterer que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur pour LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne compte tenu du fait que cette socieacuteteacute utilisait la technologie pour les activiteacutes de vente au deacutetail et en particulier celle relative agrave la fixation automatique des prix le choix des coucircts totaux comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour LuxOpCo aurait rendu neacutecessaire des ajustements agrave la baisse du taux agrave appliquer afin de prendre en compte les diffeacuterences mateacuterielles entre la structure de coucircts de LuxOpCo et la structure de coucircts des deacutetaillants traditionnels

560 La Commission nrsquoa quant agrave elle pas envisageacute et encore moins effectueacute de tels ajustements

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561 En second lieu selon le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la marge de [confidentiel] sur les coucircts totaux de LuxOpCo se serait eacuteleveacutee agrave un montant compris entre deux et trois milliards drsquoeuros

562 Lors de lrsquoaudience Amazon a affirmeacute sans ecirctre contredite sur ce point par la Commission que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee par la Commission serait supeacuterieure aux laquo beacuteneacutefices totaux raquo geacuteneacutereacutes dans lrsquoUnion lesquels srsquoeacutelegraveveraient selon elle agrave un montant compris entre un milliard et 15 milliard drsquoeuros La reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire eacutequivaudrait agrave deux fois la valeur de tous les beacuteneacutefices du groupe Amazon obtenus en Europe et ne serait de ce fait pas reacutealiste Il importe neacuteanmoins de relever que ainsi qursquoil ressort de lrsquoannexe C1 dans lrsquoaffaire T-31818 agrave laquelle Amazon a renvoyeacute lors de lrsquoaudience le chiffre compris entre 1 et 15 milliard drsquoeuros ne correspond pas au seul beacuteneacutefice comptable de LuxOpCo sur la peacuteriode consideacutereacutee mais au beacuteneacutefice consolideacute de LuxSCS et de LuxOpCo et fait ainsi deacuteduction des montants verseacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee

563 En tout eacutetat de cause il ressort drsquoune comparaison entre la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application drsquoun taux de [confidentiel] des coucircts totaux pour chaque anneacutee de la peacuteriode consideacutereacutee telle que figurant agrave la derniegravere ligne du tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee et le reacutesultat drsquoexploitation (beacuteneacutefice opeacuterationnel) de LuxOpCo pour les mecircmes anneacutees tel qursquoidentifieacute par la Commission agrave la huitiegraveme ligne du tableau 2 de la deacutecision attaqueacutee que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage serait supeacuterieure agrave son beacuteneacutefice drsquoexploitation pour les anneacutees 2012 et 2013 Or un tel reacutesultat srsquoeacutecarte manifestement drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

564 Il reacutesulte de ce qui preacutecegravede que lrsquoapplication du taux de [confidentiel] aux coucircts totaux de LuxOpCo sur laquelle repose le deuxiegraveme constat subsidiaire ne produit pas de reacutesultats fiables pour le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour lrsquointeacutegraliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee Il ne srsquoagit donc pas drsquoun reacutesultat correspondant agrave une reacutemuneacuteration de pleine concurrence si bien qursquoil doit ecirctre conclu que ce calcul opeacutereacute par la Commission dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire ne permet pas de deacutemontrer que LuxOpCo aurait obtenu un avantage du fait du choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

565 Par conseacutequent il y a lieu drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon qui visent agrave remettre en cause le bien-fondeacute du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

566 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le troisiegraveme constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9223 de la deacutecision attaqueacutee)

567 Pour rappel ainsi qursquoexposeacute au point 68 ci-dessus dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission a consideacutereacute en substance que lrsquoinclusion drsquoun plafond en vertu duquel la reacutemuneacuteration de LuxOpCo ne pouvait exceacuteder 055 de ses ventes annuelles dans la meacutethode de fixation des prix de transfert nrsquoeacutetait pas approprieacutee et confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo en ce qursquoelle aurait conduit agrave une diminution de son revenu imposable

568 Plus preacuteciseacutement la Commission a constateacute que au cours des exercices fiscaux de 2006 de 2007 de 2011 de 2012 et de 2013 lrsquoadministration fiscale avait accepteacute des deacuteclarations fiscales dans lesquelles le revenu imposable de LuxOpCo eacutetait deacutetermineacute par le plafond de 055 de ses ventes annuelles (consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee)

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569 La Commission a exposeacute que ni le rapport sur les prix de transfert de 2003 ni les analyses ex post ni encore les arguments exposeacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lors de la proceacutedure administrative ne justifiaient lrsquoinclusion de ce plafond (consideacuterants 576 et 577 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ajouteacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave lrsquoapplication erroneacutee de la marge aux charges drsquoexploitation et ne saurait de ce fait se situer dans un intervalle de pleine concurrence

570 Selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission a erroneacutement consideacutereacute que lrsquoinclusion du plafond confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

571 Drsquoune part ils font valoir que lrsquoinclusion du plafond aurait pour objectif de contraindre LuxOpCo agrave fonctionner de maniegravere efficace et agrave reacuteduire ses coucircts Drsquoautre part ils soulignent que en tout eacutetat de cause lrsquoapplication du plafond nrsquoa jamais pousseacute la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en dehors de lrsquointervalle de pleine concurrence ainsi que le deacutemontrerait le rapport sur les prix transfert de 2017

572 La Commission conteste ces arguments

573 Elle fait valoir agrave cet eacutegard que le meacutecanisme de plancher et de plafond nrsquoest pas preacutevu par les lignes directrices de lrsquoOCDE et ne trouve aucune justification du point de vue des prix de transfert En outre elle ajoute que contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapplication drsquoun tel meacutecanisme nrsquoest pas justifieacutee par lrsquoobjectif de garantir une reacutemuneacuteration faible et stable agrave LuxOpCo dans la mesure ougrave lrsquoobjectif mecircme de la MTMN est preacuteciseacutement de garantir une telle reacutemuneacuteration agrave la partie agrave laquelle elle est appliqueacutee

574 Avant toute chose il importe de constater que ainsi que lrsquoa drsquoailleurs confirmeacute la Commission dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal le troisiegraveme constat subsidiaire est indeacutependant et autonome par rapport au deuxiegraveme constat subsidiaire En effet comme cela ressort de la derniegravere phrase du consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee dans le cadre de ce troisiegraveme constat la Commission part de la preacutemisse que les coucircts drsquoexploitation pouvaient ecirctre utiliseacutes en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice

575 Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute agrave juste titre dans la deacutecision attaqueacutee et dans ses eacutecritures le meacutecanisme du plancher et de plafond ne trouve aucune justification ou rationaliteacute eacuteconomique Il est difficilement concevable que dans des conditions de marcheacute une entreprise accepte que sa reacutemuneacuteration soit plafonneacutee agrave un pourcentage de ses ventes annuelles En outre la MTMN permet de garantir une reacutemuneacuteration faible mais stable sans qursquoun meacutecanisme de plancher et de plafond soit neacutecessaire Un tel meacutecanisme nrsquoest pas non plus preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet la MTMN implique seulement drsquoidentifier un indicateur de beacuteneacutefice et un taux de marge

576 La Commission a donc correctement consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun tel plafond constituait une erreur meacutethodologique

577 Neacuteanmoins ce seul constat ne suffit pas agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

578 En effet force est de constater que pour chaque anneacutee drsquoapplication de la DFA en cause mecircme apregraves application du meacutecanisme de plafond la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est resteacutee dans lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute sur la base du rapport sur les prix de transfert de 2003 soit entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation La Commission ne conteste drsquoailleurs pas ce constat

579 Or ainsi que la Commission lrsquoa drsquoailleurs elle-mecircme expliqueacute lors de lrsquoaudience degraves lors que la reacutemuneacuteration se situe dans lrsquointervalle interquartile elle doit en principe ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant de pleine concurrence

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580 Certes la Commission a preacuteciseacute qursquoune telle conclusion ne pouvait ecirctre opeacutereacutee lorsque les entreprises comparables sur la base desquelles cet intervalle avait eacuteteacute calculeacute nrsquoavaient pas eacuteteacute correctement seacutelectionneacutees

581 Toutefois dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas remis en cause lrsquointervalle de pleine concurrence ni le choix des entreprises comparables sur la base duquel a eacuteteacute calculeacute cet intervalle

582 En effet au consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a reprocheacute aux autoriteacutes luxembourgeoises drsquoavoir accepteacute que le revenu imposable de LuxOpCo soit deacutetermineacute par lrsquoapplication du plafond laquo au lieu de srsquoeacutetablir agrave [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation raquo Force est donc de constater que dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission ne remet pas en cause le taux de rendement sur le fondement duquel celui-ci est appliqueacute mais seulement le plafond en tant que tel

583 De plus drsquoune part il ne ressort pas des consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission ait contesteacute lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 lequel se situe entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation En effet si la Commission a releveacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont fait valoir lors de la proceacutedure administrative que le revenu imposable de LuxOpCo nrsquoeacutetait jamais sorti de lrsquointervalle de pleine concurrence elle nrsquoa pas contesteacute lrsquointervalle en tant que tel mais srsquoest borneacutee agrave affirmer que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave celle identifieacutee dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi que constateacute au point 574 ci-dessus le deuxiegraveme et le troisiegraveme constat subsidiaire sont autonomes et indeacutependants

584 Drsquoautre part dans les consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas non plus remis en cause le choix des entreprises comparables utiliseacutees dans le calcul de lrsquointervalle de pleine concurrence Le consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee dans lequel la Commission a eacutevoqueacute une erreur dans le choix des entreprises comparables relegraveve du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi qursquoexposeacute au point 574 ci-dessus le troisiegraveme constat subsidiaire eacutetait autonome et indeacutependant des autres constats

585 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de retenir que aussi inapproprieacute que le meacutecanisme de plafond puisse ecirctre et bien qursquoil ne soit pas preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que ce meacutecanisme avait eu une incidence sur le caractegravere de pleine concurrence de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS

586 En conseacutequence le seul constat selon lequel le plafond a eacuteteacute appliqueacute pour les anneacutees 2006 2007 2011 2012 et 2013 ne suffit pas agrave eacutetablir que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue pour ces anneacutees ne correspondait pas agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

587 De fait la Commission a releveacute tout au plus une erreur meacutethodologique dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo sans ecirctre parvenue agrave deacutemontrer que cette erreur avait eu pour incidence de diminuer artificiellement la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans des proportions telles que ce niveau de reacutemuneacuteration nrsquoaurait pu ecirctre observeacute dans des conditions de marcheacute

588 Dans ces circonstances il convient de constater que par le troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo

589 Partant il convient drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le troisiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

590 Il deacutecoule donc de tout ce qui preacutecegravede que par aucun des constats exposeacutes dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoest parvenue agrave deacutemontrer agrave suffisance de droit lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Degraves lors il y a lieu drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee dans son ensemble sans qursquoil soit besoin drsquoexaminer les autres moyens et arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et par Amazon

Sur les deacutepens

591 Aux termes de lrsquoarticle 134 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure toute partie qui succombe est condamneacutee aux deacutepens srsquoil est conclu en ce sens La Commission ayant succombeacute il convient de la condamner agrave supporter ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon conformeacutement aux conclusions de ces derniers

592 Conformeacutement agrave lrsquoarticle 138 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure lrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

deacuteclare et arrecircte

1) Les affaires T-81617 et T-31818 sont jointes aux fins du preacutesent arrecirct

2) La deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon est annuleacutee

3) La Commission europeacuteenne supportera ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoAmazoncom Inc et drsquoAmazon EU Sagraverl

4) LrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Van der Woude Tomljenović Marcoulli

Ainsi prononceacute en audience publique agrave Luxembourg le 12 mai 2021

Le greffier Le preacutesident E Coulon M van der Woude

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

Table des matiegraveres

I Anteacuteceacutedents du litige 2

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause 3

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission 4

C Sur la deacutecision attaqueacutee 5

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique 5

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon 5

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause 6

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable 7

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert 8

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause 8

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage 9

1) Sur le constat principal de lrsquoavantage 10

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage 11

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure 12

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide 12

II Proceacutedure et conclusions des parties 12

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617 12

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 12

2 Sur lrsquointervention 13

3 Sur les demandes de traitement confidentiel 13

4 Sur les conclusions des parties 13

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818 14

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 14

2 Sur les demandes de traitement confidentiel 14

3 Sur les conclusions des parties 14

C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure 15

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

III En droit 15

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance 15

B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes 16

1 Observations preacuteliminaires 17

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales 17

b) Sur la charge de la preuve 19

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal 19

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage 20

a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage 21

b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage 22

1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN 23

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee 24

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester 25

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS 27

ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS 36

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester 37

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester 39

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC) 39

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien) 43

3) Conclusion sur le constat principal 45

3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage 46

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires 47

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 48

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo 49

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 51

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee) 53

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) 54

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie 56

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) 61

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 62

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 64

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee) 65

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee) 66

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 67

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse

attaqueacutee) 68

attaqueacutee 68

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo 70

2) Sur le choix de la meacutethode 71

des contributions) 73

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 77

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 81

Sur les deacutepens 84

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  • Arrecirct du Tribunal (septiegraveme chambre eacutelargie)
    • Arrecirct
    • I Anteacuteceacutedents du litige
      • A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause
      • B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission
      • C Sur la deacutecision attaqueacutee
        • 1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique
          • a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon
          • b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause
          • c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable
          • d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert
            • 2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause
              • a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage
                • 1) Sur le constat principal de lrsquoavantage
                • 2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage
                  • b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure
                  • c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide
                    • II Proceacutedure et conclusions des parties
                      • A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑81617
                        • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                        • 2 Sur lrsquointervention
                        • 3 Sur les demandes de traitement confidentiel
                        • 4 Sur les conclusions des parties
                          • B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑31818
                            • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                            • 2 Sur les demandes de traitement confidentiel
                            • 3 Sur les conclusions des parties
                              • C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure
                                • III En droit
                                  • A Sur la jonction des affaires T‑81617 et T‑31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance
                                  • B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes
                                    • 1 Observations preacuteliminaires
                                      • a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales
                                      • b) Sur la charge de la preuve
                                      • c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal
                                        • 2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage
                                          • a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage
                                          • b) Sur le bien‑fondeacute des moyens et arguments du Grand‑Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage
                                            • 1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN
                                            • 2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee
                                              • i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester
                                                • ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS
                                                • ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS
                                                • ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester
                                                  • ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester
                                                    • ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)
                                                    • ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)
                                                        • 3) Conclusion sur le constat principal
                                                            • 3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                              • a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires
                                                              • b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                • 1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo
                                                                  • i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie
                                                                    • ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                      • ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                        • ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                          • v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo
                                                                            • 2) Sur le choix de la meacutethode
                                                                            • 3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)
                                                                              • c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                              • d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                                • Sur les deacutepens

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sous-licence notamment dans le but drsquoexploiter les sites Internet europeacuteens En contrepartie de ces droits LuxSCS devait verser des paiements drsquoentreacutee et sa quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

5 Dans un deuxiegraveme temps LuxSCS a conclu avec LuxOpCo un accord de licence qui a pris effet le 30 avril 2006 portant sur les actifs incorporels susmentionneacutes (ci-apregraves lrsquolaquo accord de licence raquo) En vertu de celui-ci LuxOpCo a obtenu le droit drsquoutiliser les actifs incorporels en eacutechange du paiement drsquoune redevance agrave LuxSCS (ci-apregraves la laquo redevance raquo)

6 Enfin LuxSCS a conclu un accord de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle avec Amazoncouk Ltd Amazonfr SARL et Amazonde GmbH en vertu duquel LuxSCS a reccedilu certaines marques et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens

7 En 2014 le groupe Amazon a fait lrsquoobjet drsquoune deuxiegraveme restructuration et lrsquoarrangement contractuel existant entre LuxSCS et LuxOpCo nrsquoa plus eacuteteacute drsquoapplication

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause

8 En preacuteparation de la restructuration de 2006 Amazoncom et un conseiller fiscal ont par lettres des 23 et 31 octobre 2003 demandeacute agrave lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise lrsquoadoption drsquoune deacutecision fiscale anticipative confirmant le traitement reacuteserveacute agrave LuxOpCo et agrave LuxSCS aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes

9 Par sa lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom a demandeacute que soit approuveacute le calcul du taux de la redevance que LuxOpCo eacutetait censeacutee verser agrave LuxSCS agrave partir du 30 avril 2006 Cette demande drsquoAmazoncom srsquoappuyait sur un rapport de prix de transfert preacutepareacute par ses conseillers fiscaux (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2003 raquo) Les auteurs de ce rapport proposaient en substance une meacutethode de fixation des prix de transfert qui selon eux permettait de deacuteterminer la dette de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes dont LuxOpCo devait srsquoacquitter au Luxembourg Plus particuliegraverement par la lettre du 23 octobre 2003 Amazoncom avait demandeacute confirmation sur le fait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle due par LuxOpCo agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence telle que cette meacutethode ressortait du rapport sur les prix de transfert de 2003 procurait agrave LuxOpCo un laquo beacuteneacutefice approprieacute et acceptable raquo au regard de la politique en matiegravere de prix de transfert et de lrsquoarticle 56 et de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la loi du 4 deacutecembre 1967 concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee (ci-apregraves la laquo LIR raquo) La meacutethode de calcul de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 eacutetait deacutecrite comme suit

laquo 1) calculer et attribuer agrave LuxOpCo le laquo rendement de LuxOpCo raquo drsquoun montant eacutegal au montant le plus faible entre a) [confidentiel] 1 du total des charges drsquoexploitation supporteacutees par LuxOpCo pour lrsquoUnion europeacuteenne au cours de lrsquoanneacutee consideacutereacutee et b) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne attribuable aux sites web europeacuteens au cours de cette mecircme anneacutee

2) la redevance de licence est eacutegale au reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne moins le rendement de LuxOpCo sans pouvoir ecirctre infeacuterieure agrave zeacutero

3) le taux de redevance pour lrsquoanneacutee est eacutegal agrave la redevance de licence diviseacutee par le chiffre drsquoaffaires total reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne pour lrsquoanneacutee

4) nonobstant ce qui preacutecegravede le montant du rendement de LuxOpCo nrsquoest quelle que soit lrsquoanneacutee pas infeacuterieur agrave 045 ni supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

1 Donneacutees confidentielles occulteacutees

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5 a) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est infeacuterieur agrave 045 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 045 du chiffre drsquoaffaires ou du reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

b) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne raquo

10 Par la lettre du 31 octobre 2003 reacutedigeacutee par un autre conseiller fiscal Amazoncom a demandeacute confirmation du traitement fiscal reacuteserveacute agrave LuxSCS agrave ses associeacutes eacutetablis aux Eacutetats-Unis et aux dividendes perccedilus par LuxOpCo dans le cadre de cette structure Il eacutetait expliqueacute dans la lettre que LuxSCS en tant que socieacuteteacute en commandite simple nrsquoavait pas une personnaliteacute fiscale distincte de celle de ses associeacutes et que en conseacutequence elle nrsquoeacutetait assujettie ni agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ni agrave lrsquoimpocirct sur la fortune au Luxembourg

11 Le 6 novembre 2003 lrsquoAdministration des contributions directes du Grand-Ducheacute de Luxembourg (ci-apregraves lrsquolaquo administration fiscale luxembourgeoise raquo ou les laquo autoriteacutes fiscales luxembourgeoises raquo) a adresseacute agrave Amazoncom une lettre (ci-apregraves la laquo DFA en cause raquo) qui se lit pour partie comme suit

laquo [hellip] Monsieur

Apregraves avoir pris connaissance de la lettre du 31 octobre 2003 que [votre conseiller fiscal] mrsquoa adresseacutee ainsi que de votre lettre du 23 octobre 2003 exposant votre position agrave lrsquoeacutegard du traitement fiscal au Luxembourg dans la perspective de vos futures activiteacutes jrsquoai le plaisir de vous informer que je peux approuver le contenu des deux lettres [hellip] raquo

12 Agrave la demande drsquoAmazoncom lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise a prorogeacute la validiteacute de la DFA en cause en 2010 et lrsquoa effectivement appliqueacutee jusqursquoen juin 2014 lorsque la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute modifieacutee Ainsi la DFA en cause a eacuteteacute appliqueacutee de 2006 agrave 2014 (ci-apregraves la laquo peacuteriode consideacutereacutee raquo)

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission

13 Le 24 juin 2014 la Commission europeacuteenne a demandeacute au Grand-Ducheacute de Luxembourg de lui fournir des informations sur les deacutecisions fiscales anticipatives accordeacutees au groupe Amazon Le 7 octobre 2014 elle a publieacute la deacutecision drsquoouverture drsquoune proceacutedure formelle drsquoexamen au sens de lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE

14 Dans le cadre de lrsquoenquecircte ainsi entameacutee la Commission a demandeacute divers renseignements au Grand-Ducheacute de Luxembourg et agrave Amazoncom Parmi les reacuteponses aux demandes de renseignements Amazoncom a preacutesenteacute une copie drsquoun avis de la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) du 23 mars 2017 (ci-apregraves lrsquolaquo avis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis raquo) qui avait eacuteteacute rendu dans le cadre drsquoun recours formeacute par lrsquoInternal Revenue Service (agence de collecte fiscale du gouvernement feacutedeacuteral Eacutetats-Unis IRS) au sujet du montant des paiements lieacutes aux accords mentionneacutes au point 4 ci-dessus

15 De plus Amazoncom a preacutesenteacute agrave la Commission un nouveau rapport sur les prix de transfert reacutedigeacute par un conseiller fiscal dont lrsquoobjectif eacutetait de veacuterifier a posteriori si la redevance verseacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS conformeacutement agrave la DFA en cause eacutetait conforme au principe de pleine concurrence (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2017 raquo)

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C Sur la deacutecision attaqueacutee

16 Le 4 octobre 2017 la Commission a adopteacute la deacutecision (UE) 2018859 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1 ci-apregraves la laquo deacutecision attaqueacutee raquo)

17 Lrsquoarticle 1er de cette deacutecision se lit en partie comme suit

18 laquo La [DFA en cause] par laquelle le Grand-Ducheacute de Luxembourg a avaliseacute une meacutethode de fixation des prix de transfert [hellip] permettant agrave [LuxOpCo] de deacuteterminer sa dette drsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes au Luxembourg de 2006 agrave 2014 drsquoune part et lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes fondeacutee sur ladite deacutecision drsquoautre part constituent une aide drsquoEacutetat [hellip] raquo

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique

19 Dans la section 2 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Contexte factuel et juridique raquo la Commission a opeacutereacute notamment une preacutesentation du groupe Amazon de la DFA en cause ainsi que du cadre juridique national applicable et des orientations sur les prix de transfert

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon

20 Srsquoagissant de la preacutesentation du groupe Amazon la Commission a deacutecrit les activiteacutes du groupe Amazon de vente au deacutetail et de services ainsi que la composition dudit groupe dans la mesure ougrave cela eacutetait pertinent pour la deacutecision attaqueacutee

21 Pour la peacuteriode consideacutereacutee la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute scheacutematiseacutee par la Commission comme suit

22 Premiegraverement srsquoagissant de LuxSCS la Commission a releveacute que cette socieacuteteacute nrsquoavait aucune preacutesence physique ni aucun salarieacute au Luxembourg Selon la Commission au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxSCS intervenait uniquement en tant que socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe dont LuxOpCo eacutetait responsable en qualiteacute drsquoopeacuterateur principal Elle a indiqueacute toutefois que LuxSCS avait consenti eacutegalement des precircts intragroupes agrave plusieurs entiteacutes du groupe Amazon La Commission a preacuteciseacute en outre que LuxSCS eacutetait partie agrave plusieurs accords intragroupe conclus avec ATI A 9 et LuxOpCo (voir points 3 et 5 ci-dessus)

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23 Deuxiegravemement srsquoagissant de LuxOpCo la Commission a mis un accent particulier sur le fait que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo eacutetait une filiale agrave part entiegravere de LuxSCS

24 Selon la Commission agrave compter de la restructuration de 2006 des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon LuxOpCo remplissait les fonctions de siegravege social du groupe Amazon en Europe et eacutetait lrsquoopeacuterateur principal des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne et de services du groupe Amazon en Europe reacutealiseacutees par le canal des sites Internet europeacuteens La Commission a indiqueacute que en cette qualiteacute LuxOpCo avait ducirc geacuterer la prise de deacutecisions relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services meneacutees par lrsquointermeacutediaire des sites Internet europeacuteens ainsi que les principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail En outre en sa qualiteacute de vendeur officiel des stocks du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait eacuteteacute eacutegalement responsable de la gestion des stocks sur les sites Internet europeacuteens Elle aurait eacuteteacute proprieacutetaire desdits stocks et en aurait assumeacute les risques et les pertes La Commission a preacuteciseacute par ailleurs que LuxOpCo avait enregistreacute dans ses comptes le chiffre drsquoaffaires geacuteneacutereacute aussi bien par les ventes de produits que par le traitement de commandes Enfin LuxOpCo aurait eacutegalement exerceacute des fonctions de gestion de la treacutesorerie des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

25 Ensuite la Commission a indiqueacute que LuxOpCo avait deacutetenu des participations dans Amazon Services Europe (ci-apregraves laquo ASE raquo) et Amazon Media Europe (ci-apregraves laquo AMEU raquo) deux entiteacutes du groupe Amazon reacutesidentes au Luxembourg ainsi que dans les filiales drsquoAmazoncom constitueacutees au Royaume-Uni en France et en Allemagne (ci-apregraves les laquo socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes raquo) qui auraient fourni divers services intragroupe agrave lrsquoappui des activiteacutes de LuxOpCo Durant la peacuteriode consideacutereacutee ASE aurait geacutereacute le service du groupe Amazon pour les vendeurs tiers dans lrsquoUnion deacutenommeacute laquo MarketPlace raquo AMEU aurait geacutereacute quant agrave elle les laquo activiteacutes numeacuteriques raquo du groupe Amazon dans lrsquoUnion telles que par exemple la vente de MP3 et de livres numeacuteriques Les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient fourni quant agrave elles des services pour lrsquoexploitation des sites Internet europeacuteens

26 De plus la Commission a releveacute que pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo constituait avec ASE et AMEU lesquelles eacutetaient reacutesidentes au Luxembourg un groupe fiscal au regard du droit fiscal luxembourgeois au sein duquel LuxOpCo jouait le rocircle de socieacuteteacute inteacutegrante Ces trois entiteacutes auraient donc constitueacute un seul et mecircme contribuable

27 Enfin outre lrsquoaccord de licence conclu par LuxOpCo avec LuxSCS la Commission a deacutecrit de maniegravere deacutetailleacutee certains autres accords intragroupe auxquels LuxOpCo eacutetait partie pendant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir certains accords de prestation de services conclus le 1er mai 2006 avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et des accords de licence sur la proprieacuteteacute intellectuelle conclus le 30 avril 2006 avec ASE et AMEU en vertu desquels des sous-licences non exclusives sur les actifs incorporels auraient eacuteteacute accordeacutees agrave ces deux entiteacutes

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause

28 Apregraves avoir examineacute la structure du groupe Amazon la Commission a deacutecrit la DFA en cause

29 Agrave cet eacutegard premiegraverement elle a fait eacutetat des lettres des 23 et 31 octobre 2003 mentionneacutees aux points 8 agrave 10 ci-dessus

30 Deuxiegravemement la Commission a expliqueacute le contenu du rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base duquel a eacuteteacute proposeacutee la meacutethode de deacutetermination du montant de la redevance

31 Tout drsquoabord la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 fournissait une analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo aux termes de laquelle il eacutetait indiqueacute que les activiteacutes principales de LuxSCS se seraient limiteacutees agrave celles drsquoune socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels et drsquoun participant au deacuteveloppement constant des actifs incorporels dans le cadre de lrsquoARC LuxOpCo aurait

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eacuteteacute deacutecrite dans ce rapport comme geacuterant la prise de deacutecisions strateacutegiques relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services des sites Internet europeacuteens ainsi que des principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail

32 Ensuite la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 comportait une section relative agrave la seacutelection de la meacutethode de fixation des prix de transfert la plus approprieacutee pour deacuteterminer la conformiteacute du taux de redevance avec le principe de pleine concurrence Deux meacutethodes auraient eacuteteacute examineacutees dans le rapport lrsquoune fondeacutee sur la meacutethode du prix comparable sur le marcheacute libre (ci-apregraves la laquo meacutethode CUP raquo) et lrsquoautre sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels

33 Drsquoune part en application de la meacutethode CUP un intervalle de pleine concurrence pour le taux de redevance de 106 agrave 136 aurait eacuteteacute calculeacute dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base drsquoune comparaison avec un certain accord conclu par Amazoncom avec un deacutetaillant des Eacutetats-Unis agrave savoir lrsquoaccord [confidentiel]

34 Drsquoautre part en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels le rapport sur le prix de transfert de 2003 aurait contenu une estimation du rendement associeacute aux laquo fonctions courantes de LuxOpCo dans son rocircle de socieacuteteacute drsquoexploitation europeacuteenne raquo sur la base de la marge sur les coucircts supporteacutes par LuxOpCo Pour ce faire il aurait eacuteteacute consideacutereacute que la laquo marge nette sur coucircts raquo (net cost plus mark up) aurait eacuteteacute lrsquoindicateur de beacuteneacutefice permettant de deacuteterminer la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions preacutevues de LuxOpCo Il aurait eacuteteacute proposeacute drsquoappliquer une marge de [confidentiel] sur les charges drsquoexploitation corrigeacutees de LuxOpCo La Commission a fait observer que selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 la diffeacuterence entre ce rendement et le reacutesultat drsquoexploitation de LuxOpCo aurait correspondu au beacuteneacutefice reacutesiduel qui aurait eacuteteacute entiegraverement imputable agrave lrsquoutilisation des actifs incorporels donneacutes en licence par LuxSCS La Commission a eacutegalement preacuteciseacute que sur la base de ce calcul les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient conclu qursquoun taux de redevance compris entre 101 et 123 du chiffre drsquoaffaires net de LuxOpCo aurait satisfait au critegravere de pleine concurrence conformeacutement aux lignes directrices de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE)

35 Enfin la Commission a indiqueacute que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient consideacutereacute que les reacutesultats eacutetaient convergents et avaient mentionneacute le fait que lrsquointervalle de pleine concurrence pour le taux de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS allait de 101 agrave 123 des ventes de LuxOpCo Les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient toutefois consideacutereacute que lrsquoanalyse du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels aurait eacuteteacute davantage fiable et qursquoil convenait donc de la retenir

36 Troisiegravemement dans une section 225 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Conseacutequences de la DFA en cause raquo la Commission a indiqueacute que par la DFA en cause lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise avait confirmeacute que la meacutethode de deacutetermination du taux de la redevance qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Elle a ajouteacute que pour remplir ses deacuteclarations fiscales annuelles LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable

37 Srsquoagissant du cadre juridique national applicable la Commission a citeacute lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Selon cette disposition laquo les distributions cacheacutees de beacuteneacutefices [eacutetaie]nt agrave comprendre dans le revenu imposable raquo et laquo il y a[vait] distribution cacheacutee de beacuteneacutefices notamment si un associeacute socieacutetaire ou inteacuteresseacute re[cevai]t directement ou indirectement des avantages drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune association dont normalement il nrsquoaurait pas beacuteneacuteficieacute srsquoil nrsquoavait pas eu cette qualiteacute raquo Dans ce

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contexte la Commission a exposeacute notamment que pendant la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR aurait eacuteteacute interpreacuteteacute par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise en ce sens qursquoil consacrait le laquo principe de pleine concurrence raquo en droit fiscal luxembourgeois

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert

38 Aux consideacuterants 244 agrave 249 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacutesenteacute le cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert Selon elle les laquo prix de transfert raquo tels que compris par lrsquoOCDE dans des lignes directrices publieacutees par cette organisation en 1995 en 2010 et en 2017 sont les prix auxquels une entreprise transfegravere des biens corporels actifs incorporels ou rend des services agrave des entreprises associeacutees En vertu du principe de pleine concurrence tel qursquoappliqueacute aux fins de lrsquoimposition des socieacuteteacutes les administrations fiscales nationales ne devraient accepter les prix de transfert convenus entre les entreprises associeacutees au sein drsquoun groupe pour leurs transactions intragroupe que srsquoils correspondent agrave ce qui aurait eacuteteacute convenu dans le cadre de transactions sur le marcheacute libre crsquoest-agrave-dire des transactions entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des circonstances comparables sur le marcheacute En outre la Commission a preacuteciseacute que le principe de pleine concurrence reposait sur lrsquoapproche de lrsquoentiteacute distincte selon laquelle agrave des fins fiscales les membres drsquoun groupe drsquoentreprises eacutetaient traiteacutes comme des entiteacutes distinctes

39 La Commission a eacutegalement releveacute que pour eacutetablir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe les lignes directrices de lrsquoOCDE (dans leurs versions de 1995 de 2010 et de 2017) eacutenumeacuteraient cinq meacutethodes Seules trois drsquoentre elles auraient eacuteteacute pertinentes dans le cadre de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la meacutethode CUP la meacutethode transactionnelle de la marge nette (ci-apregraves la laquo MTMN raquo) et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Aux consideacuterants 250 agrave 256 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a deacutecrit en quoi ces meacutethodes consistaient

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause

40 Au consideacuterant 154 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que la DFA en cause confirmait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle que LuxOpCo devait verser agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Au consideacuterant 155 de la deacutecision attaqueacutee elle a eacutegalement indiqueacute que LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause au cours de la peacuteriode consideacutereacutee afin de deacuteterminer le montant annuel ducirc au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes lorsqursquoelle avait rempli ses deacuteclarations fiscales annuelles au Luxembourg Ainsi qursquoil reacutesulte de maniegravere explicite de lrsquoarticle 1er

de la deacutecision attaqueacutee et malgreacute une certaine impreacutecision figurant aux consideacuterants 605 et 606 de cette deacutecision selon la Commission lrsquoaide drsquoEacutetat consistait donc en lrsquoespegravece dans la DFA en cause lue en lien avec lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo (par opposition agrave la DFA en cause en tant que telle)

41 La section 9 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Appreacuteciation de la mesure contesteacutee raquo eacutetait destineacutee agrave deacutemontrer que la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo prises ensemble constituaient effectivement une aide drsquoEacutetat

42 Pour ce faire apregraves avoir rappeleacute les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat preacutevues agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a releveacute que la premiegravere condition de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat selon laquelle il devait srsquoagir drsquoune intervention de lrsquoEacutetat ou de ressources drsquoEacutetat eacutetait remplie en lrsquoespegravece Agrave cet eacutegard elle a releveacute drsquoune part que la DFA en cause eacutetait imputable au Grand-Ducheacute de Luxembourg Drsquoautre part elle a consideacutereacute que la DFA en cause aurait entraicircneacute une reacuteduction de lrsquoimpocirct ducirc par LuxOpCo au Luxembourg par rapport agrave ce que devaient payer des

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socieacuteteacutes contribuables se trouvant dans une situation similaire La DFA en cause aurait donneacute donc lieu agrave une perte de ressources drsquoEacutetat degraves lors qursquoelle avait ameneacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave renoncer agrave une recette fiscale qursquoil aurait autrement eacuteteacute en droit de percevoir aupregraves de LuxOpCo

43 Srsquoagissant des deuxiegraveme et quatriegraveme conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a estimeacute drsquoune part que la DFA en cause devait ecirctre consideacutereacutee comme affectant les eacutechanges au sein de lrsquoUnion degraves lors que LuxOpCo avait fait partie du groupe Amazon exerccedilant ses activiteacutes dans plusieurs Eacutetats membres et qursquoelle exploitait des activiteacutes de vente au deacutetail par le canal des sites Internet de lrsquoUnion La Commission a ajouteacute que en accordant un laquo traitement fiscal favorable agrave Amazon raquo le Grand-Ducheacute de Luxembourg avait potentiellement deacutetourneacute des investissements drsquoEacutetats membres qui nrsquooffraient pas un traitement fiscal aussi favorable agrave des socieacuteteacutes appartenant agrave un groupe multinational Drsquoautre part la Commission a indiqueacute que dans la mesure ougrave la DFA en cause avait exoneacutereacute LuxOpCo de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle aurait normalement eacuteteacute tenue de payer cette deacutecision constituait une aide au fonctionnement Ainsi la DFA en cause en libeacuterant des ressources financiegraveres pour LuxOpCo que cette derniegravere aurait pu utiliser pour investir dans ses activiteacutes commerciales aurait fausseacute la concurrence sur le marcheacute

44 Srsquoagissant de la troisiegraveme condition drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a exposeacute que lorsqursquoune DFA avalisait un reacutesultat qui ne refleacutetait pas de maniegravere fiable le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en appliquant normalement le reacutegime de droit commun sans justification une telle deacutecision procurait un avantage seacutelectif agrave son destinataire dans la mesure ougrave ce traitement seacutelectif entraicircnait une diminution de lrsquoimpocirct ducirc par le contribuable par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire La Commission a eacutegalement consideacutereacute que en lrsquoespegravece la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage seacutelectif agrave LuxOpCo en reacuteduisant lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle devait payer au Luxembourg

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage

45 Dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Avantage raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la DFA en cause confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

46 Agrave titre liminaire la Commission a rappeleacute que srsquoagissant de mesures fiscales un avantage au sens de lrsquoarticle 107 TFUE pouvait ecirctre procureacute agrave un contribuable du fait drsquoune reacuteduction de sa base imposable ou du montant de lrsquoimpocirct ducirc par celui-ci Elle a rappeleacute au consideacuterant 402 de la deacutecision attaqueacutee que selon la jurisprudence de la Cour pour examiner si la deacutetermination de revenus imposables procurait un avantage au beacuteneacuteficiaire il y avait lieu de comparer ledit reacutegime agrave celui de droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence En conseacutequence selon la Commission une laquo [deacutecision fiscale anticipative] permettant agrave un contribuable drsquoutiliser dans des transactions intragroupe des prix de transfert qui ne refl[eacutetai]ent pas les prix [qui auraient eacuteteacute] pratiqueacutes dans des conditions de libre concurrence entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des conditions comparables selon le principe de pleine concurrence procur[ait] un avantage agrave ce contribuable en ce qursquoelle deacutebouch[ait] sur une reacuteduction de ses revenus imposables et partant de sa base imposable dans le cadre du systegraveme commun de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes raquo

47 Au regard de ces appreacuteciations la Commission a conclu au consideacuterant 406 de la deacutecision attaqueacutee que pour eacutetablir que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo elle devait deacutemontrer que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause produisait un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute ce qui avait eu pour effet de reacuteduire la base imposable de LuxOpCo aux fins du calcul de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes Selon la Commission la DFA en cause avait produit un tel reacutesultat

48 Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires

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1) Sur le constat principal de lrsquoavantage

49 Dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Premier constat de lrsquoexistence de lrsquoavantage eacuteconomique raquo la Commission a estimeacute que en approuvant une meacutethode de fixation des prix de transfert qui attribuait une reacutemuneacuteration agrave LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites laquo courantes raquo et qui attribuait la totaliteacute du beacuteneacutefice geacuteneacutereacute par LuxOpCo au-delagrave de cette reacutemuneacuteration agrave LuxSCS sous la forme drsquoune redevance la DFA avait produit un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

50 En substance par son constat principal la Commission a consideacutereacute que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS retenue par les auteurs du rapport de prix de transfert de 2003 et en fin de compte par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise eacutetait erroneacutee et ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Au contraire lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc conclure que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels pour lesquels elle ne deacutetenait que le titre de proprieacuteteacute leacutegale

51 Aux fins de sa deacutemonstration la Commission a examineacute les fonctions exerceacutees les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxSCS et par LuxOpCo

52 Ensuite ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 519 de la deacutecision attaqueacutee sur la base de son analyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS la Commission a examineacute le choix de la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee en lrsquoespegravece

53 Srsquoagissant de la meacutethode CUP la Commission a estimeacute aux termes drsquoune analyse fondeacutee sur cinq critegraveres de comparabiliteacute qui auraient eacuteteacute eacutenonceacutes dans les lignes directrices de lrsquoOCDE que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeacutenonceacutee dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 avait donneacute lieu agrave un reacutesultat exageacutereacute qui avait exposeacute LuxOpCo au risque de subir des pertes

54 Selon la Commission en lrsquoespegravece crsquoest la MTMN qui aurait eacuteteacute la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee pour eacutevaluer la redevance due par LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence Elle a consideacutereacute que la partie exerccedilant des fonctions uniques et de valeur eacutetait LuxOpCo et non LuxSCS En conseacutequence la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN aurait ducirc ecirctre LuxSCS et non LuxOpCo

55 Enfin dans la section 9214 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre application de la MTMN en lrsquoespegravece

56 Selon elle crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester Lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazoncom selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait une laquo contribution unique raquo pour laquelle LuxSCS aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration composeacutee de pratiquement tous les beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales de LuxOpCo Agrave cet eacutegard la Commission a notamment renvoyeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo (section 921 de la deacutecision attaqueacutee)

57 Srsquoagissant du choix de lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice la Commission a estimeacute que LuxSCS nrsquoenregistrant aucune vente et nrsquoassumant aucun risque lieacute aux actifs incorporels lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice pertinent aurait ducirc ecirctre une marge sur les coucircts totaux consideacutereacutes (consideacuterant 550 de la deacutecision attaqueacutee)

58 En ce qui concerne la base de coucircts agrave laquelle une marge devait ecirctre appliqueacutee en lrsquoespegravece la Commission a consideacutereacute en substance que LuxSCS nrsquoaurait exerceacute qursquoune fonction drsquointermeacutediaire en transmettant agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC et en transfeacuterant une partie des redevances (la redevance de licence) reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts (consideacuterant 551 de la deacutecision attaqueacutee)

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59 Compte tenu de ces appreacuteciations au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc avoir deux composantes La premiegravere composante aurait ducirc selon la Commission correspondre agrave la refacturation agrave LuxOpCo des coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC auxquels aucune marge nrsquoaurait ducirc ecirctre appliqueacutee La deuxiegraveme composante aurait ducirc consister selon la Commission en une marge sur une base de coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels dans la mesure ougrave ces coucircts repreacutesentaient en reacutealiteacute des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration aurait garanti selon la Commission un reacutesultat dans des conditions de pleine concurrence car il aurait refleacuteteacute correctement les contributions de LuxSCS agrave lrsquoaccord de licence

60 Srsquoagissant de la deacutetermination de la marge approprieacutee la Commission a releveacute que si un tel exercice exigeait normalement une analyse de comparabiliteacute il nrsquoaurait pas eacuteteacute possible en lrsquoespegravece drsquoeffectuer une analyse fiable

61 En lieu et place drsquoune analyse de comparabiliteacute la Commission a estimeacute qursquoelle pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de 2010 du forum conjoint sur les prix de transfert (ci-apregraves le laquo rapport FCPT raquo) Le forum conjoint sur les prix de transfert est un groupe drsquoexperts constitueacute par la Commission en 2002 et destineacute agrave lrsquoassister sur des questions lieacutees aux prix de transfert Selon ledit rapport une marge pour les laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo comprise entre 3 et 10 aurait eacuteteacute observeacutee par les administrations fiscales des Eacutetats membres participant au forum conjoint sur les prix de transfert La marge la plus souvent observeacutee en pratique aurait eacuteteacute de 5 sur les coucircts des laquo prestations de tels services raquo En conseacutequence la Commission a estimeacute utile drsquoappliquer une telle marge aux coucircts externes supporteacutes par LuxSCS pour la conservation de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels

62 En conclusion de son premier constat de lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a indiqueacute que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS en vertu de lrsquoaccord de licence aurait ducirc ecirctre eacutegale agrave la somme des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par cette socieacuteteacute sans marge majoreacutee de tous les coucircts pertinents supporteacutes directement par LuxSCS auxquels une marge de 5 devait ecirctre appliqueacutee dans la mesure ougrave ces coucircts correspondaient agrave des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration correspondait agrave ce qursquoune partie indeacutependante dans une situation similaire agrave LuxOpCo aurait eacuteteacute disposeacutee agrave payer pour les droits et obligations assumeacutes en vertu de lrsquoaccord de licence En outre selon la Commission ce niveau de reacutemuneacuteration aurait eacuteteacute suffisant pour permettre agrave LuxSCS de couvrir ses obligations de paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC (consideacuterants 559 et 560 de la deacutecision attaqueacutee)

63 Or selon la Commission dans la mesure ougrave le niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS calculeacute par la Commission aurait eacuteteacute infeacuterieur au niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS reacutesultant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause ladite deacutecision aurait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo sous la forme drsquoune reacuteduction de sa base imposable aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes par rapport au chiffre drsquoaffaires des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable correspondait agrave des prix neacutegocieacutes selon le principe de pleine concurrence (consideacuterant 561 de la deacutecision attaqueacutee)

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage

64 Dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Constatation subsidiaire de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique raquo la Commission a exposeacute sa constatation subsidiaire de lrsquoavantage selon laquelle agrave supposer mecircme que lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise ait eu raison drsquoaccepter lrsquoanalyse des fonctions de LuxSCS effectueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la meacutethode de fixation des prix de transfert approuveacutee par la DFA en cause aurait eacuteteacute en tout eacutetat de

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cause fondeacutee sur des choix meacutethodologiques inapproprieacutes qui auraient produit un reacutesultat srsquoeacutecartant drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute Elle a preacuteciseacute que son raisonnement suivi dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence exacte pour LuxOpCo mais qursquoil visait davantage agrave deacutemontrer que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique eacutetant donneacute que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacute reposait sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes qui auraient conduit agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport aux entreprises dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait des prix neacutegocieacutes sur le marcheacute dans des conditions de pleine concurrence

65 Dans ce cadre la Commission a opeacutereacute trois constats subsidiaires distincts

66 Dans le cadre de son premier constat subsidiaire la Commission a affirmeacute que LuxOpCo avait eacuteteacute agrave tort consideacutereacutee comme exerccedilant uniquement des fonctions de gestion laquo courantes raquo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

67 Dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission a retenu que le choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur des beacuteneacutefices eacutetait erroneacute

68 Dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage la Commission a consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun plafond de 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion nrsquoeacutetait pas approprieacutee

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure

69 Dans la section 93 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Seacutelectiviteacute raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la mesure en cause eacutetait seacutelective

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide

70 Dans la section 95 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide raquo la Commission a constateacute que tout traitement fiscal favorable accordeacute agrave LuxOpCo avait eacutegalement profiteacute au groupe Amazon tout entier en lui fournissant des ressources suppleacutementaires de sorte que le groupe devait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant une entiteacute unique beacuteneacuteficiaire de la mesure drsquoaide en cause

71 Dans la section 10 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Reacutecupeacuteration raquo la Commission a affirmeacute que la mesure drsquoaide ayant eacuteteacute octroyeacutee chaque anneacutee ougrave la deacuteclaration annuelle de lrsquoimpocirct de LuxOpCo avait eacuteteacute accepteacutee par les autoriteacutes fiscales le groupe Amazon ne pouvait se preacutevaloir des regravegles de prescription afin de srsquoopposer agrave la reacutecupeacuteration de lrsquoaide Aux consideacuterants 639 agrave 645 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute la meacutethode de reacutecupeacuteration

II Proceacutedure et conclusions des parties

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617

72 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 14 deacutecembre 2017 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a introduit le recours dans lrsquoaffaire T-81617

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

73 Par deacutecision du 12 avril 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-81617 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure du Tribunal

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74 Par acte deacuteposeacute au greffe le 11 mai 2018 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute que lrsquoaffaire T-81617 soit jugeacutee par la septiegraveme chambre du Tribunal dans sa formation de jugement eacutelargie

75 En application de lrsquoarticle 28 paragraphe 5 du regraveglement de proceacutedure lrsquoaffaire T-81617 a eacuteteacute renvoyeacutee devant la septiegraveme chambre eacutelargie

76 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 21 juin 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur lrsquointervention

77 Par acte deacuteposeacute au greffe du Tribunal le 16 avril 2018 lrsquoIrlande a demandeacute agrave intervenir dans lrsquoaffaire T-81617 au soutien des conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

78 Par ordonnance du 29 mai 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a fait droit agrave la demande en intervention de lrsquoIrlande

3 Sur les demandes de traitement confidentiel

79 Par acte deacuteposeacute le 14 mai 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande de certaines donneacutees mentionneacutees dans la requecircte dans certaines des annexes de cette derniegravere ainsi que dans le meacutemoire en deacutefense

80 Par acte deacuteposeacute le 6 juin 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la reacuteplique

81 Par acte deacuteposeacute le 13 septembre 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la duplique

82 Agrave la suite de son admission en tant qursquointervenante lrsquoIrlande a reccedilu uniquement des versions non confidentielles des piegraveces de proceacutedure viseacutees par les demandes de traitement confidentiel du Grand-Ducheacute de Luxembourg formuleacutees agrave son eacutegard et nrsquoa souleveacute aucune objection agrave lrsquoencontre desdites demandes

4 Sur les conclusions des parties

83 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

ndash condamner la Commission aux deacutepens

84 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours comme non fondeacute

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ndash condamner le Grand-Ducheacute de Luxembourg aux deacutepens

85 LrsquoIrlande conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee en tout ou partie conformeacutement aux conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818

86 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 22 mai 2018 Amazon EU Sagraverl et Amazoncom (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble laquo Amazon raquo) ont introduit le recours dans lrsquoaffaire T-31818

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

87 Par deacutecision du 9 juillet 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-31818 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure

88 Sur proposition de la septiegraveme chambre du Tribunal le Tribunal a deacutecideacute le 11 juillet 2018 en application de lrsquoarticle 28 du regraveglement de proceacutedure de renvoyer lrsquoaffaire T-31818 devant une formation de jugement eacutelargie

89 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 19 juillet 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur les demandes de traitement confidentiel

90 Par acte deacuteposeacute au greffe le 12 juillet 2018 Amazon a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard du public drsquoune partie de la requecircte ainsi que de certaines piegraveces annexeacutees agrave celle-ci

3 Sur les conclusions des parties

91 Amazon conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler les articles 1er agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler les articles 2 agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash condamner la Commission aux deacutepens

92 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours

ndash condamner Amazon aux deacutepens dans lrsquoaffaire T-31818

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C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure

93 Par actes deacuteposeacutes au greffe du Tribunal les 7 aoucirct 2018 et 25 avril 2019 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

94 Par actes deacuteposeacutes au greffe les 10 aoucirct 2018 et 21 mai 2019 Amazon a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

95 Par deacutecision du 14 septembre 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de ne pas joindre agrave ce stade de la proceacutedure les affaires T-81617 et T-31818

96 Par ordonnance du 3 octobre 2019 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de joindre les affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure

97 Sur proposition de la juge rapporteure le Tribunal a deacutecideacute drsquoouvrir la phase orale de la proceacutedure et dans le cadre des mesures drsquoorganisation de la proceacutedure preacutevues agrave lrsquoarticle 89 du regraveglement de proceacutedure a demandeacute aux parties de reacutepondre agrave des questions eacutecrites Les parties ont reacutepondu agrave cette mesure drsquoorganisation de la proceacutedure dans le deacutelai imparti

98 Les parties ont eacuteteacute entendues en leurs plaidoiries et en leurs reacuteponses aux questions orales poseacutees par le Tribunal lors de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020 En outre les parties ont eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience sur une jonction eacuteventuelle des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance ce dont le Tribunal a pris acte dans le procegraves-verbal de lrsquoaudience Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ainsi que lrsquoIrlande ont indiqueacute qursquoelles nrsquoavaient pas drsquoobjections agrave une telle jonction La Commission a preacuteciseacute qursquoelle nrsquoeacutetait pas favorable agrave une eacuteventuelle jonction des affaires aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

III En droit

99 Les recours introduits dans les affaires T-81617 et T-31818 tendent agrave lrsquoannulation de la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle qualifie la DFA en cause ainsi que sa mise en œuvre annuelle drsquoaide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE et en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration des sommes qui nrsquoauraient pas eacuteteacute collecteacutees par le Grand-Ducheacute de Luxembourg aupregraves de LuxOpCo au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

100 En vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutefeacutereacute la deacutecision sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance qui relevait de sa compeacutetence agrave la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal

101 Les parties ayant eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience agrave lrsquoeacutegard drsquoune jonction eacuteventuelle il y a lieu de joindre aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance les affaires T-81617 et T-31818 pour cause de connexiteacute

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B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes

102 Agrave lrsquoappui de leurs recours le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent respectivement cinq et neuf moyens lesquels se recoupent en majeure partie Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande se prononce sur quatre des cinq moyens avanceacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En substance les moyens du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon peuvent ecirctre preacutesenteacutes de la maniegravere suivante

103 En premier lieu dans le cadre du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que des premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent en substance le constat principal de la Commission quant agrave lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

104 En deuxiegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats subsidiaires de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

105 En troisiegraveme lieu dans le cadre du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et des sixiegraveme et septiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats principaux et subsidiaires de la Commission portant sur la seacutelectiviteacute de la DFA en cause

106 En quatriegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que la Commission a violeacute la compeacutetence exclusive des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe

107 En cinquiegraveme lieu dans le cadre du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et dans le cadre du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a violeacute leurs droits de la deacutefense

108 En sixiegraveme lieu dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen ainsi que du premier grief de la deuxiegraveme branche du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 telles qursquoutiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee soient pertinentes en lrsquoespegravece

109 En septiegraveme lieu dans le cadre du cinquiegraveme moyen invoqueacute au soutien des conclusions preacutesenteacutees agrave titre subsidiaire dans lrsquoaffaire T-81617 et du neuviegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question le bien-fondeacute du raisonnement de la Commission visant la reacutecupeacuteration de lrsquoaide ordonneacutee par cette institution

110 Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande invoque premiegraverement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas eacutetabli lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo deuxiegravemement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas prouveacute la seacutelectiviteacute de la mesure troisiegravemement la violation des articles 4 et 5 TUE en ce que la Commission a proceacutedeacute agrave une harmonisation fiscale deacuteguiseacutee et quatriegravemement la violation du principe de seacutecuriteacute juridique en ce que la deacutecision attaqueacutee ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

111 Afin de reacutepondre de maniegravere utile aux moyens des parties principales ainsi qursquoaux arguments souleveacutes par lrsquoIrlande dans le cadre de son meacutemoire en intervention il y a lieu drsquoabord drsquoexposer certaines questions de droit qui sont drsquoapplication pour tous les griefs et moyens invoqueacutes par les parties (points 112 agrave 129 ci-apregraves)

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1 Observations preacuteliminaires

112 Selon une jurisprudence constante mecircme si la fiscaliteacute directe relegraveve en lrsquoeacutetat actuel du deacuteveloppement du droit de lrsquoUnion de la compeacutetence des Eacutetats membres ces derniers doivent neacuteanmoins exercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (voir arrecirct du 12 juillet 2012 CommissionEspagne C-26909 EUC2012439 point 47 et jurisprudence citeacutee) Ainsi les interventions des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe quand bien mecircme elles porteraient sur des questions qui nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune harmonisation dans lrsquoUnion ne sont pas exclues du champ drsquoapplication de la reacuteglementation relative au controcircle des aides drsquoEacutetat (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 142)

113 Il en deacutecoule que la Commission peut qualifier une mesure fiscale drsquoaide drsquoEacutetat pour autant que les conditions drsquoune telle qualification soient reacuteunies (voir en ce sens arrecircts du 2 juillet 1974 ItalieCommission 17373 EUC197471 point 28 et du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission C-18203 et C-21703 EUC2006416 point 81) En effet les Eacutetats membres doivent exercer leur compeacutetence en matiegravere fiscale en conformiteacute avec le droit de lrsquoUnion (arrecirct du 3 juin 2010 CommissionEspagne C-48708 EUC2010310 point 37) Par conseacutequent ils doivent srsquoabstenir de prendre dans ce contexte toute mesure susceptible de constituer une aide drsquoEacutetat incompatible avec le marcheacute inteacuterieur (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 143)

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales

114 Une mesure par laquelle les autoriteacutes publiques accordent agrave certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui bien que ne comportant pas un transfert de ressources drsquoEacutetat place les beacuteneacuteficiaires dans une situation financiegravere plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecirct du 15 mars 1994 Banco Exterior de Espantildea C-38792 EUC1994100 point 14 voir eacutegalement arrecircts du 8 septembre 2011 Paint Graphos ea C-7808 agrave C-8008 EUC2011550 point 46 et jurisprudence citeacutee et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 145 et jurisprudence citeacutee)

115 Dans le cas des mesures fiscales lrsquoexistence mecircme drsquoun avantage ne peut ecirctre eacutetablie que par rapport agrave une imposition dite laquo normale raquo (arrecirct du 6 septembre 2006 PortugalCommission C-8803 EUC2006511 point 56) Partant une telle mesure confegravere un avantage eacuteconomique agrave son beacuteneacuteficiaire degraves lors qursquoelle allegravege les charges qui normalement gregravevent le budget drsquoune entreprise et qui de ce fait sans ecirctre une subvention au sens strict du mot est de mecircme nature et a des effets identiques (arrecircts du 9 octobre 2014 Ministerio de Defensa et Navantia C-52213 EUC20142262 point 22 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 146)

116 En conseacutequence afin de deacuteterminer srsquoil existe un avantage fiscal il convient de comparer la situation du beacuteneacuteficiaire reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure en cause avec celle de celui-ci en lrsquoabsence de la mesure en cause (voir en ce sens arrecirct du 26 avril 2018 Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La ManchaCommission C-9117 P et C-9217 P non publieacute EUC2018284 point 114) et en application des regravegles normales drsquoimposition (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 147)

117 Dans le contexte de la deacutetermination de la situation fiscale drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee qui fait partie drsquoun groupe drsquoentreprises il y a lieu de relever drsquoembleacutee que les prix des transactions intragroupe effectueacutees par celle-ci nrsquoont pas eacuteteacute deacutetermineacutes dans des conditions de marcheacute En effet ces prix sont

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convenus entre socieacuteteacutes appartenant au mecircme groupe de sorte qursquoils ne sont pas soumis aux forces du marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 148)

118 Or lorsque le droit fiscal national nrsquoopegravere pas de distinction entre les entreprises inteacutegreacutees et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ce droit entend imposer le beacuteneacutefice reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee comme srsquoil reacutesultait de transactions effectueacutees agrave des prix de marcheacute Dans ces conditions il convient de constater que lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une telle entreprise inteacutegreacutee la Commission peut comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149)

119 Par ailleurs ces conclusions sont corroboreacutees par lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) qui concernait le droit fiscal belge lequel preacutevoyait que les socieacuteteacutes inteacutegreacutees et les socieacuteteacutes autonomes soient traiteacutees dans les mecircmes conditions En effet la Cour a reconnu au point 95 de cet arrecirct la neacutecessiteacute de comparer un reacutegime drsquoaides deacuterogatoire agrave celui de laquo droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence raquo (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 150)

120 Dans ce cadre si par le biais de la mesure fiscale octroyeacutee agrave une socieacuteteacute inteacutegreacutee les autoriteacutes nationales ont accepteacute un certain niveau de prix drsquoune transaction intragroupe lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE permet agrave la Commission de controcircler si ce niveau de prix correspond agrave celui qui aurait eacuteteacute pratiqueacute dans des conditions de marcheacute afin de veacuterifier srsquoil en reacutesulte un alleacutegement des charges grevant normalement le budget de lrsquoentreprise en cause lui confeacuterant ainsi un avantage au sens dudit article

121 Il convient en outre de preacuteciser que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 152)

122 Mecircme si la Commission ne saurait ecirctre formellement lieacutee par les lignes directrices de lrsquoOCDE il nrsquoen demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux reacutealiseacutes par des groupes drsquoexperts qursquoelles reflegravetent le consensus atteint agrave lrsquoeacutechelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qursquoelles revecirctent de ce fait une importance pratique certaine dans lrsquointerpreacutetation des questions relatives aux prix de transfert (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 155)

123 Dans ce contexte il y a lieu de relever que si la Commission deacutetecte une erreur meacutethodologique dans la mesure fiscale soumise agrave lrsquoexamen il ne saurait ecirctre conclu que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques aboutit neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore faut-il que la Commission deacutemontre que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipative concerneacutee ne permettent pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles ont abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable par rapport agrave la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national agrave une entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable agrave celle de la socieacuteteacute concerneacutee et exerccedilant ses activiteacutes

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dans des conditions de marcheacute Ainsi le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 201)

124 En effet ainsi que lrsquoa releveacute en substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg selon une jurisprudence constante lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE deacutefinit une mesure drsquoallegravegement des charges pesant normalement sur une entreprise en fonction de ses effets (voir arrecirct du 22 deacutecembre 2008 British AggregatesCommission C-48706 P EUC2008757 point 85 et jurisprudence citeacutee) Lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat ne saurait ecirctre ni preacutesumeacutee ni deacuteduite drsquoune erreur de calcul sans incidence sur le reacutesultat

b) Sur la charge de la preuve

125 Il importe de rappeler que dans le cadre du controcircle des aides drsquoEacutetat il appartient en principe agrave la Commission de rapporter dans la deacutecision attaqueacutee la preuve de lrsquoexistence drsquoune telle aide (voir en ce sens arrecircts du 12 septembre 2007 Olympiaki Aeroporia YpiresiesCommission T-6803 EUT2007253 point 34 et du 25 juin 2015 SACE et Sace BTCommission T-30513 EUT2015435 point 95) Dans ce contexte la Commission est tenue de conduire la proceacutedure drsquoexamen des mesures en cause de maniegravere diligente et impartiale afin de disposer lors de lrsquoadoption drsquoune deacutecision finale eacutetablissant lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoincompatibiliteacute ou lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoaide des eacuteleacutements les plus complets et fiables possibles (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 194 voir eacutegalement en ce sens arrecircts du 2 septembre 2010 CommissionScott C-29007 P EUC2010480 point 90 et du 3 avril 2014 FranceCommission C-55912 P EUC2014217 point 63)

126 Il en deacutecoule que dans la deacutecision attaqueacutee il incombait agrave la Commission de deacutemontrer que les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE eacutetaient reacuteunies Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que srsquoil est constant que lrsquoEacutetat membre dispose drsquoune marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapprobation des prix de transfert cette marge drsquoappreacuteciation ne saurait toutefois conduire agrave priver la Commission de sa compeacutetence pour controcircler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas agrave lrsquooctroi drsquoun avantage seacutelectif au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Dans ce contexte la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de veacuterifier si un prix de transfert avaliseacute par un Eacutetat membre correspond agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute et si lrsquoeacutecart eacuteventuellement constateacute dans le cadre de cet examen ne va pas au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 196)

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal

127 Srsquoagissant de lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal en lrsquoespegravece il convient de relever que ainsi qursquoil reacutesulte de lrsquoarticle 263 TFUE lrsquoobjet du recours en annulation est le controcircle de la leacutegaliteacute des actes adopteacutes par les institutions de lrsquoUnion qui y sont eacutenumeacutereacutees Degraves lors lrsquoanalyse des moyens souleveacutes dans le cadre drsquoun tel recours nrsquoa ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complegravete de lrsquoaffaire dans le cadre drsquoune proceacutedure administrative (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 197 voir eacutegalement en ce sens arrecirct du 2 septembre 2010 CommissionDeutsche Post C-39908 P EUC2010481 point 84)

128 Srsquoagissant du domaine des aides drsquoEacutetat il y a lieu de rappeler que la notion drsquoaide drsquoEacutetat telle qursquoelle est deacutefinie dans le traiteacute FUE preacutesente un caractegravere juridique et doit ecirctre interpreacuteteacutee sur la base drsquoeacuteleacutements objectifs Pour cette raison le juge de lrsquoUnion doit en principe et compte tenu tant des eacuteleacutements concrets du litige qui lui est soumis que du caractegravere technique ou complexe des appreacuteciations porteacutees par la Commission exercer un entier controcircle en ce qui concerne la question de savoir si une

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mesure entre dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecircts du 4 septembre 2014 SNCM et FranceCorsica Ferries France C-53312 P et C-53612 P EUC20142142 point 15 du 30 novembre 2016 CommissionFrance et Orange C-48615 P EUC2016912 point 87 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 198)

129 Quant agrave la question de savoir si une meacutethode de deacutetermination drsquoun prix de transfert drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee est conforme au principe de pleine concurrence il convient de rappeler ainsi qursquoil a eacuteteacute deacutejagrave indiqueacute ci-dessus que lorsqursquoelle utilise cet outil dans le cadre de son appreacuteciation au titre de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission doit tenir compte de sa nature approximative Le controcircle du Tribunal tend donc agrave veacuterifier que les erreurs identifieacutees dans la deacutecision attaqueacutee sur la base desquelles la Commission a fondeacute la constatation drsquoun avantage vont au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave lrsquoapplication drsquoune meacutethode destineacutee agrave obtenir une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 199)

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage

130 Ainsi qursquoexposeacute au point 103 ci-dessus par la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par les premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la Commission a violeacute lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE lorsqursquoelle a conclu agrave lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage figurant dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee) Plus preacuteciseacutement par ces moyens et arguments le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent agrave contester le raisonnement de la Commission figurant aux consideacuterants 394 395 et 401 agrave 579 de la deacutecision attaqueacutee et selon lequel la mise en œuvre de la DFA en cause pendant la peacuteriode consideacutereacutee aurait abouti agrave une diminution de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et ainsi de sa charge fiscale par rapport agrave celle qursquoelle aurait ducirc percevoir en lrsquoabsence de ladite deacutecision si elle avait eacuteteacute traiteacutee comme toute autre socieacuteteacute contribuable se trouvant dans une situation comparable Par leurs arguments souleveacutes quant au constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon visent agrave remettre en cause notamment la constatation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN Ils visent eacutegalement agrave contester lrsquoexactitude de lrsquoapplication de la MTMN agrave LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

131 Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 110 ci-dessus dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande argumente au soutien du premier moyen invoqueacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg

132 Dans ce cadre lrsquoIrlande prend position sur de nombreuses questions de droit souleveacutees par lrsquointerpreacutetation de la notion de laquo principe de pleine concurrence raquo tel qursquoappliqueacute par la Commission en lrsquoespegravece ainsi que dans certaines affaires drsquoaides drsquoEacutetat reacutecentes en matiegravere fiscale En particulier lrsquoIrlande fait valoir que la jurisprudence du juge de lrsquoUnion agrave savoir lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) laquo ne dit pas que les Eacutetats membres sont obligeacutes drsquoappliquer le [principe de pleine concurrence] raquo Selon cet Eacutetat membre ladite jurisprudence ne donne pas non plus de fondement agrave lrsquoobligation imposeacutee au Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence (dans la version deacutefendue par la Commission) dans le droit national luxembourgeois Enfin lrsquoIrlande soutient que dans lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) la Cour nrsquoa pas identifieacute de principe de pleine concurrence propre au droit de lrsquoUnion indeacutependamment de ce que preacutevoit le droit national

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a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage

133 La Commission excipe de lrsquoirrecevabiliteacute des arguments souleveacutes par lrsquoIrlande agrave lrsquoappui du premier moyen avanceacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En effet selon elle les arguments de lrsquoIrlande tendent agrave faire valoir qursquoelle aurait retenu une interpreacutetation erroneacutee de la notion drsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE en utilisant un critegravere inapproprieacute agrave savoir un principe de pleine concurrence laquo sui generis raquo alors que en reacutealiteacute par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg eacutenoncerait plutocirct que la Commission aurait proceacutedeacute agrave une application erroneacutee du principe de pleine concurrence

134 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que si lrsquoarticle 40 troisiegraveme alineacutea du statut de la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne et les articles 142 paragraphe 3 et 145 paragraphe 2 sous b) du regraveglement de proceacutedure du Tribunal ne srsquoopposent pas agrave ce qursquoun intervenant preacutesente des arguments nouveaux ou diffeacuterents de ceux de la partie qursquoil soutient sous peine de voir son intervention limiteacutee agrave reacutepeacuteter les arguments avanceacutes dans la requecircte il ne saurait ecirctre admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de deacuteformer le cadre du litige deacutefini par la requecircte en soulevant des moyens nouveaux (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 44 et jurisprudence citeacutee)

135 En drsquoautres termes ces dispositions confegraverent agrave la partie intervenante le droit drsquoexposer de maniegravere autonome non seulement des arguments mais aussi des moyens pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions drsquoune des parties principales et ne soient pas drsquoune nature totalement eacutetrangegravere aux consideacuterations qui fondent le litige tel qursquoil a eacuteteacute constitueacute entre la partie requeacuterante et la partie deacutefenderesse ce qui aboutirait agrave en alteacuterer lrsquoobjet (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 45 et jurisprudence citeacutee)

136 En lrsquoespegravece il convient de constater que par ses arguments lrsquoIrlande vise en substance le fondement juridique invoqueacute par la Commission quant agrave lrsquoobligation imposeacutee au Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence LrsquoIrlande remet en cause donc les sources de droit de ce principe tel qursquoappliqueacute par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee De surcroicirct les arguments de lrsquoIrlande ont trait agrave lrsquointerpreacutetation du contenu de ce principe et non agrave son application par lrsquointermeacutediaire drsquoune meacutethode de deacutetermination de prix de transfert

137 Or il est constant que le principe de pleine concurrence tel qursquoapplicable en lrsquoespegravece peut ecirctre tireacute de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee Cet eacuteleacutement ressort notamment du consideacuterant 241 de la deacutecision attaqueacutee sans que cette conclusion ait eacuteteacute remise en cause par les parties Le premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas trait agrave la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe ni agrave des questions drsquointerpreacutetation de ce principe De fait par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg invoque lrsquoexistence de preacutetendues erreurs dans lrsquoapplication par la Commission de certaines meacutethodes de deacutetermination de prix de transfert dans le cadre de son raisonnement concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sachant que ces meacutethodes permettent de constater en fin de compte si une redevance correspond agrave un reacutesultat de pleine concurrence

138 Il srsquoensuit que les arguments souleveacutes par lrsquoIrlande au soutien du premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg sont eacutetrangers aux consideacuterations qui fondent son premier moyen De ce fait ils doivent ecirctre rejeteacutes comme eacutetant irrecevables

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b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage

139 En compleacutement des eacuteleacutements exposeacutes au point 130 ci-dessus il y a lieu de relever que dans le cadre de la premiegravere branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du premier moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en cause le bien-fondeacute du refus de la Commission drsquoappliquer la meacutethode CUP dans le cadre drsquoune analyse ex post sur la base des accords comparables preacutesenteacutes agrave la Commission par Amazoncom

140 Dans le cadre des premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que lrsquoanalyse fonctionnelle meneacutee par la Commission dans le cadre de son application de la MTMN est erroneacutee en ce qursquoelle a conclu que LuxSCS eacutetait la partie la moins complexe et que lrsquoapplication de la MTMN par la Commission reposait sur des choix meacutethodologiques erroneacutes

141 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a opeacutereacute dans son analyse principale une seacutelection arbitraire et partiale parmi les teacutemoignages issus de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus

142 Dans le cadre de la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que de la sixiegraveme branche du deuxiegraveme moyen et du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon affirment que le reacutesultat obtenu par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee srsquoeacutecarte drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

143 Ainsi en substance les arguments invoqueacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre du constat principal de lrsquoavantage tendent agrave contester drsquoune part le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP et drsquoautre part lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par la Commission

144 Srsquoagissant des arguments tendant agrave contester le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP il convient de relever qursquoil est constant que la DFA en cause nrsquoa pas fait application de cette meacutethode En effet quand bien mecircme cette meacutethode aurait eacuteteacute examineacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fourni aux autoriteacutes fiscales agrave lrsquoappui de la demande de DFA elle nrsquoa pas eacuteteacute retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 par laquelle Amazon a solliciteacute lrsquoapprobation de la meacutethode de calcul de la redevance (voir point 9 ci-dessus) Ainsi qursquoil ressort en particulier du consideacuterant 542 de la deacutecision attaqueacutee dans son analyse visant agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission srsquoest uniquement fondeacutee sur la MTMN En revanche les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP (consideacuterants 521 agrave 538 de la deacutecision attaqueacutee) ne sont pas de nature agrave deacutemontrer lrsquoexistence de la premiegravere condition de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Compte tenu du fait que crsquoest agrave la Commission de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage (voir points 125 agrave 126 ci-dessus) et vu le fait que les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP ne tendent pas agrave une telle deacutemonstration il nrsquoest pas utile drsquoaborder les arguments et les moyens des parties requeacuterantes concernant la meacutethode CUP

145 Srsquoagissant des arguments visant agrave contester le bien-fondeacute des appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par cette institution (voir points 146 agrave 297 ci-apregraves) il y aura lieu premiegraverement de relever quelle est la version pertinente des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert (voir points 146 agrave 155 ci-apregraves) Deuxiegravemement il conviendra de veacuterifier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont en droit de soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee qui aurait invalideacute son constat principal relatif agrave lrsquoavantage (voir points 156 agrave 297 ci-apregraves)

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1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN

146 Afin de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee appliqueacute une seacuterie drsquoorientations de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans diffeacuterentes versions de celles-ci

147 Dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche de son deuxiegraveme moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait en substance valoir que en lrsquoespegravece crsquoest le contexte eacuteconomique et le cadre reacuteglementaire tels qursquoils preacutevalaient en 2003 qui doivent ecirctre pris en compte Sans compter le fait que au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause en 2003 tout comme au moment de sa derniegravere prorogation en 2010 les lignes directrices de lrsquoOCDE ne constituaient que des orientations indicatives pour les autoriteacutes luxembourgeoises deacutepourvues de toute force contraignante pour ces derniegraveres les seules lignes directrices de lrsquoOCDE qui auraient eacuteteacute disponibles au moment de lrsquoadoption de la DFA eacutetaient les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Dans la deacutecision attaqueacutee la Commission se serait toutefois reacutefeacutereacutee aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ce qui eacutequivaudrait agrave une application ratione temporis inapproprieacutee du cadre de reacutefeacuterence lequel devrait ecirctre deacutetermineacute sur la base des faits et des meacutethodes de calcul de prix qui existaient agrave la date de lrsquoadoption des mesures en cause

148 Amazon ajoute que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ont apporteacute plusieurs modifications importantes par rapport agrave leur version de 1995 telles que lrsquointroduction de la meacutethode drsquoanalyse des fonctions laquo Deacuteveloppement ameacutelioration entretien protection et exploitation raquo (Development Enhancement Maintenance Protection and Exploitation ci-apregraves les laquo fonctions DEMPE raquo) Amazon conteste en particulier la pertinence de lrsquoapplication par la Commission de cette meacutethode dans la mesure ougrave elle ne serait apparue que posteacuterieurement agrave la date de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE

149 La Commission conteste ces arguments

150 Elle indique drsquoabord que la deacutecision attaqueacutee nrsquoapplique pas les lignes directrices de lrsquoOCDE comme si elles constituaient des normes contraignantes mais comme srsquoil srsquoagissait drsquoun outil lrsquoaidant agrave appliquer le critegravere eacutetabli par la Cour au point 95 de lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) Selon la Commission contrairement agrave ce que le Grand-Ducheacute de Luxembourg semble avancer lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise srsquoest reacuteguliegraverement fondeacutee sur ces lignes directrices pour interpreacuteter le principe de pleine concurrence de sorte que les principes de lrsquoOCDE demeurent pertinents en lrsquoespegravece

151 La Commission ajoute ensuite que toutes les constatations formuleacutees dans la deacutecision attaqueacutee reposent sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et que les reacutefeacuterences aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 et de 2017 ne sont eacutevoqueacutees que lorsque ces versions ulteacuterieures clarifient les lignes directrices dans leur version de 1995 sans pour autant modifier ces derniegraveres

152 En lrsquoespegravece il reacutesulte drsquoun certain nombre de notes en bas de page de la deacutecision attaqueacutee que la Commission a fondeacute ne serait-ce que partiellement ses appreacuteciations relatives agrave lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE non seulement sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 mais eacutegalement sur lesdites lignes dans leurs versions de 2010 et de 2017 Srsquoagissant des versions des lignes directrices de lrsquoOCDE de 1995 de 2010 et de 2017 il y a lieu de constater que celles-ci divergent sur plusieurs points et ce dans une mesure diffeacuterente Ces diffeacuterences vont de simples preacutecisions nrsquoayant aucune incidence sur la substance des versions anteacuterieures agrave des ampliations ineacutedites agrave savoir des preacuteconisations qui nrsquoeacutetaient pas contenues y compris de maniegravere implicite dans les versions anteacuterieures Une des ampliations ineacutedites des lignes directrices de lrsquoOCDE

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qui nrsquoest apparue que dans la version de 2017 est la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE (voir point 148 ci-dessus) Dans le cadre du constat principal de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique la Commission srsquoest axeacutee notamment sur cette meacutethode drsquoanalyse

153 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil ressort de lrsquoarticle 1er et ndash de maniegravere implicite ndash notamment des consideacuterants 394 et 620 de la deacutecision attaqueacutee la mesure en cause telle qursquoidentifieacutee par la Commission est la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation ulteacuterieure des deacuteclarations annuelles agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes de LuxOpCo fondeacutees sur ladite deacutecision Pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo a effectueacute ses deacuteclarations fiscales sur la base de la meacutethode de calcul avaliseacutee dans la DFA en cause et ladite deacutecision a eacuteteacute prorogeacutee en 2006 et en 2010

154 Compte tenu de ces eacuteleacutements il y a lieu de constater que la Commission pouvait fonder ses appreacuteciations concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sur les orientations ndash qui ne sont drsquoailleurs qursquoun outil non contraignant ndash qui reacutesultaient des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En revanche dans la mesure ougrave la Commission srsquoest fondeacutee sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 cette derniegravere version nrsquoest pas pertinente agrave moins qursquoil ne srsquoagisse que drsquoune clarification utile sans autre ampliation des orientations deacutejagrave deacutegageacutees en 1995 Du reste du fait qursquoelles ont eacuteteacute publieacutees apregraves la peacuteriode consideacutereacutee et dans la mesure ougrave les preacuteconisations y figurant ont largement eacutevolueacute par rapport aux orientations de 1995 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece

155 En ce qui concerne en particulier la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE celle-ci ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant pertinente drsquoun point de vue temporel en lrsquoespegravece car elle constitue un outil qui nrsquoa eacuteteacute eacutelaboreacute que dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee

156 Ainsi qursquoexposeacute au point 9 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent toute une seacuterie drsquoappreacuteciations de la Commission lieacutees agrave lrsquoapplication de la MTMN dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage

157 Pour rappel la MTMN est une meacutethode indirecte de deacutetermination des prix de transfert Ainsi que deacutecrit au point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 cette meacutethode consiste agrave deacuteterminer agrave partir drsquoune base approprieacutee le beacuteneacutefice net que reacutealise un contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee ou au titre de transactions controcircleacutees qui sont eacutetroitement lieacutees ou continues Afin de deacuteterminer cette base approprieacutee il y a lieu de choisir un indicateur de niveau de beacuteneacutefice tel que les coucircts les ventes ou les actifs Lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net obtenu par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee doit ecirctre deacutetermineacute par reacutefeacuterence agrave lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net que le mecircme contribuable ou une entreprise indeacutependante reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre

158 Ainsi qursquoil ressort du point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la MTMN implique drsquoidentifier une partie agrave la transaction pour laquelle un indicateur de niveau de beacuteneacutefice est testeacute par exemple une marge sur coucircts Cette partie est deacutesigneacutee comme eacutetant la laquo partie agrave tester raquo Il srsquoagit de la partie dont la marge dite de laquo pleine concurrence raquo doit ecirctre deacutetermineacutee En regravegle geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave qui une meacutethode de prix de transfert peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable possible et pour laquelle les comparables les plus fiables possibles peuvent ecirctre trouveacutes

159 Le choix de la partie agrave tester se fait sur la base drsquoune analyse fonctionnelle des parties agrave la transaction intragroupe Selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans leur version de 1995 la partie agrave tester sera le plus souvent celle dont lrsquoanalyse fonctionnelle est la

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moins complexe Selon une compreacutehension existant deacutejagrave agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de 1995 srsquoappliquaient lrsquoanalyse fonctionnelle implique le plus souvent drsquoexaminer les fonctions exerceacutees par une entiteacute les actifs deacutetenus et les risques assumeacutes

160 En outre il y a lieu de relever que la MTMN est consideacutereacutee comme une meacutethode approprieacutee pour tester la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de la partie qui nrsquoapporte aucune contribution unique ou de valeur en lien avec la transaction qui fait lrsquoobjet de lrsquoanalyse des prix de transfert

161 En lrsquoespegravece le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas en tant que tel le choix par la Commission de la MTMN En revanche ils contestent uniquement le fait que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeffectueacutee par la Commission ait eacuteteacute correcte Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission et le choix de LuxSCS en tant que partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN deuxiegravemement le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS agrave savoir le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice et du taux de marge retenu par la Commission en application de la MTMN et troisiegravemement la fiabiliteacute du reacutesultat obtenu

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester

162 Les consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir ceux portant sur le constat principal de lrsquoavantage tendent agrave deacutemontrer pour lrsquoessentiel que en lrsquoespegravece les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester puisque celle-ci serait au regard de lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission la partie la laquo moins complexe raquo Il reacutesulte eacutegalement de ces consideacuterants que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient fait une application de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration deacutetermineacutee en application de la DFA en cause Selon la Commission en conseacutequence lrsquoapplication de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester aurait abouti agrave une moindre redevance pour LuxSCS et ainsi agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

163 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission Ils font notamment valoir que les fonctions de LuxSCS ainsi que les actifs mobiliseacutes et les risques assumeacutes par celle-ci ont eacuteteacute minimiseacutes par la Commission Selon eux LuxSCS deacutetenait les actifs incorporels et exerccedilait des fonctions uniques et de valeur et ne pouvait de ce fait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN opeacutereacutee par la Commission

164 Dans ce contexte il y a lieu de souligner que par leur argumentation concernant le constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause le bien-fondeacute du choix opeacutereacute par la Commission de la MTMN comme eacutetant la meacutethode approprieacutee pour la deacutetermination du caractegravere de pleine concurrence de la redevance Lorsqursquoils remettent en cause les appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS figurant dans la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent donc en substance agrave contester lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee par les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises comme eacutetant la partie la laquo moins complexe raquo et donc la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN

165 Pour reacutepondre agrave ces arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission nrsquoaurait pas eacuteteacute en droit de conclure que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il nrsquoest pas neacutecessaire de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo En revanche dans la mesure ougrave la Commission a chercheacute agrave appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il suffit

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de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS telle que cette analyse ressort de la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee et si au regard de cette analyse il eacutetait possible drsquoappliquer de maniegravere suffisamment fiable la MTMN agrave LuxSCS

166 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler agrave titre liminaire que selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la partie agrave laquelle la MTMN est appliqueacutee laquo devra ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo que cela laquo impliquera souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels uniques et de valeur raquo et que laquo [t]outefois le choix pourra ecirctre limiteacute par lrsquoinsuffisance de donneacutees disponibles raquo Selon ce point en drsquoautres termes si en regravegle geacuteneacuterale lrsquoentiteacute pour laquelle il existe le plus drsquoeacuteleacutements fiables aux fins de lrsquoidentification de comparables est souvent lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo la finaliteacute de lrsquoapplication de la MTMN nrsquoest pas forceacutement de faire deacutependre cette application de lrsquoidentification de lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo En revanche ce qui importe dans lrsquoapplication de cette meacutethode crsquoest drsquoavoir identifieacute la partie pour laquelle les donneacutees les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutees drsquoune part et la question de savoir si la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de maniegravere fiable agrave cette partie drsquoautre part

167 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 166 ci-dessus et ainsi qursquoil reacutesulte en particulier des points 326 328 329 334 et 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquoapplication de la MTMN implique neacutecessairement de trouver des donneacutees fiables pour la comparaison avec la partie agrave tester Ainsi lrsquointeacutegraliteacute des appreacuteciations concernant lrsquoanalyse fonctionnelle lrsquoexamen des fonctions les consideacuterations concernant des actifs et des risques assumeacutes ainsi que toutes les consideacuterations concernant le caractegravere laquo unique et de valeur raquo des actifs mis en œuvre ne sont que des critegraveres agrave prendre en compte dans le choix de la partie agrave tester afin de srsquoassurer drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable

168 Crsquoest agrave la lumiegravere de ces consideacuterations qursquoil convient drsquoexaminer les griefs tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS opeacutereacutee par la Commission ainsi que sa conclusion selon laquelle cette entiteacute devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester

169 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que dans la section 92111 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 419 agrave 429 de cette deacutecision) la Commission a deacutecrit les fonctions exerceacutees par LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee

170 En substance ainsi que reacutesumeacute au consideacuterant 418 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoanalyse de la Commission repose sur les trois affirmations principales suivantes Tout drsquoabord celle-ci a consideacutereacute que LuxSCS nrsquoavait pas exerceacute de fonctions laquo actives raquo lieacutees agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels qursquoelle nrsquoy eacutetait pas habiliteacutee du fait de la licence exclusive conceacutedeacutee agrave LuxOpCo et qursquoelle nrsquoen avait pas non plus la capaciteacute Ensuite la Commission a indiqueacute que selon elle LuxSCS nrsquoavait pas utiliseacute drsquoactifs lieacutes agrave ces actifs incorporels mais avait simplement deacutetenu passivement la proprieacuteteacute desdits actifs et une licence sur ces derniers en vertu de lrsquoARC Enfin elle a releveacute que LuxSCS nrsquoavait assumeacute ni controcircleacute les risques lieacutes agrave ces activiteacutes pas plus qursquoelle nrsquoavait eu la capaciteacute opeacuterationnelle et financiegravere de le faire

171 Au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee les seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa laquo proprieacuteteacute leacutegale raquo des actifs incorporels bien que mecircme ces fonctions aient eacuteteacute exerceacutees sous le controcircle de LuxOpCo De fait ainsi qursquoil ressort des consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee LuxSCS se serait borneacutee agrave deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels

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172 Ensuite dans la section 92112 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Actifs utiliseacutes par LuxSCS raquo et en particulier au consideacuterant 430 de cette deacutecision la Commission a en substance agrave nouveau rappeleacute que LuxSCS nrsquoeacutetait que le deacutetenteur passif des actifs incorporels Au consideacuterant 431 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a contesteacute le fait que LuxSCS aurait utiliseacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo Au consideacuterant 432 de la deacutecision attaqueacutee elle a reacuteiteacutereacute son avis selon lequel en tout eacutetat de cause LuxSCS nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoutiliser effectivement les actifs incorporels

173 Enfin dans la section 92113 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 436 agrave 446 de cette deacutecision) intituleacutee laquo Risques assumeacutes par LuxSCS raquo la Commission a analyseacute les risques encourus par LuxSCS dans la mesure ougrave ces risques eacutetaient pertinents dans le cadre de lrsquoaccord de licence Au consideacuterant 446 de ladite deacutecision elle a conclu agrave cet eacutegard que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant effectivement assumeacute les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration agrave la gestion et agrave lrsquoexploitation des actifs incorporels drsquoAmazon et qursquoelle nrsquoavait pas la capaciteacute financiegravere drsquoassumer de tels risques

174 De plus dans la section 92141 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo La partie testeacutee devrait ecirctre LuxSCS raquo la Commission a affirmeacute en substance qursquoil convenait drsquoeacuteviter de confondre la complexiteacute des actifs deacutetenus et la complexiteacute des fonctions exerceacutees par les parties agrave la transaction intragroupe concerneacutee (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ensuite soutenu que rien ne permettrait drsquoaffirmer qursquoune socieacuteteacute lieacutee appartenant agrave un groupe qui cegravede sous licence un actif incorporel agrave une autre socieacuteteacute du groupe exerce des fonctions plus complexes que cette socieacuteteacute du simple fait qursquoelle deacutetient la proprieacuteteacute leacutegale drsquoun actif complexe (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence selon elle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait en soi une laquo contribution unique raquo Elle aurait ducirc plutocirct exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS exerccedilait des laquo fonctions uniques et de valeur raquo (consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee) Enfin selon la Commission bien que LuxSCS fucirct le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels au cours de la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoanalyse fonctionnelle effectueacutee agrave la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee deacutemontrerait que cette socieacuteteacute nrsquoa exerceacute aucune fonction laquo active raquo et essentielle en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration lrsquoentretien ou lrsquoexploitation de ceux-ci (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee)

175 Les appreacuteciations de la Commission relatives aux fonctions de LuxSCS se recoupent pour une grande partie avec celles relatives aux actifs utiliseacutes par LuxSCS Il en est de mecircme srsquoagissant des arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre de ces appreacuteciations Il convient donc drsquoanalyser conjointement ces arguments puis ceux relatifs aux risques assumeacutes par LuxSCS afin drsquoexaminer si la Commission a correctement consideacutereacute que cette derniegravere devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS

176 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les affirmations de la Commission concernant les fonctions de LuxSCS En revanche srsquoagissant des actifs incorporels de LuxSCS ils srsquoaccordent agrave consideacuterer que ces derniers eacutetaient laquo uniques et de valeur raquo sans toutefois prendre le soin de deacutefinir ces termes

177 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon reprochent agrave la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 disposaient que la partie deacutetenant les actifs incorporels ne serait geacuteneacuteralement pas la partie testeacutee pour lrsquoapplication de la MTMN Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon insistent sur le fait que LuxSCS deacutetenait des actifs incorporels uniques et de valeur La technologie mise agrave disposition par LuxSCS aurait joueacute un rocircle central dans le deacuteveloppement des activiteacutes du groupe Amazon en Europe Ces actifs incorporels auraient eacuteteacute indispensables pour toutes les activiteacutes du groupe Amazon

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en Europe En outre le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que par lrsquooctroi drsquoune licence sur les actifs incorporels agrave LuxOpCo LuxSCS a fait beacuteneacuteficier LuxOpCo des activiteacutes de deacuteveloppement reacutealiseacutees par ATI et A 9 aux Eacutetats-Unis et lui a permis drsquoexploiter de maniegravere optimale ces actifs Par conseacutequent LuxOpCo devrait reacutemuneacuterer LuxSCS non seulement pour ses contributions mais eacutegalement indirectement les entiteacutes ameacutericaines du groupe Amazon pour leurs contributions

178 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent la position de la Commission consistant agrave distinguer entre des fonctions dites laquo actives raquo et des fonctions dites laquo passives raquo et agrave ne retenir que ces derniegraveres aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle Ils reprochent agrave la Commission dans ce contexte eacutegalement de ne pas avoir pris en compte dans lrsquoanalyse des fonctions le fait que LuxSCS ait mis les actifs incorporels agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee Amazon ajoute que la mise agrave disposition des actifs incorporels par lrsquooctroi agrave LuxOpCo drsquoune licence constitue une exploitation de ces actifs par LuxSCS comme le preacuteconise le point 632 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

179 Troisiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxSCS a contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission exerceacute des fonctions uniques et de valeur Dans ce contexte ils indiquent notamment que au travers de sa participation agrave lrsquoARC LuxSCS contribuait au deacuteveloppement continu des actifs incorporels et ce quand bien mecircme elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes Toujours selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les contributions des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 agrave savoir le deacuteveloppement et les ameacuteliorations continues de la proprieacuteteacute intellectuelle doivent ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS ou consideacutereacutees comme faisant partie des contributions de LuxSCS Selon eux LuxSCS aurait ainsi exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo qui justifieraient de la consideacuterer comme la partie la plus complexe agrave la transaction Amazon fait valoir en outre que le fait que LuxSCS ait eu ou non la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule et sans accorder de licence sur les actifs incorporels agrave une autre entiteacute serait sans pertinence pour appreacutecier le caractegravere unique de ses fonctions

180 La Commission conteste ces arguments

181 La Commission insiste sur le fait que LuxSCS nrsquoait fait que deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels et qursquoelle ne les ait pas effectivement utiliseacutes La simple proprieacuteteacute drsquoun actif incorporel unique et de valeur ne suffirait pas agrave consideacuterer que cette entiteacute est complexe En lrsquoespegravece elle ne suffirait pas non plus agrave justifier lrsquoattribution agrave LuxSCS de la quasi-totaliteacute des beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par LuxOpCo quand bien mecircme aucune des activiteacutes de LuxOpCo ne pourrait ecirctre exerceacutee sans accegraves aux actifs incorporels Apregraves la conclusion de lrsquoaccord de licence LuxSCS nrsquoaurait plus eacuteteacute habiliteacutee agrave utiliser les actifs pas plus qursquoelle nrsquoen aurait eu la capaciteacute Ce serait uniquement LuxOpCo qui aurait utiliseacute les actifs incorporels dans le cadre de ses activiteacutes commerciales Dans ce contexte la Commission rappelle eacutegalement que LuxSCS ne disposait pas de salarieacutes et nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoexercer les fonctions en lien avec le deacuteveloppement lrsquoameacutelioration et lrsquoexploitation des actifs incorporels

182 Qui plus est selon la Commission le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon se reacutefegraverent agrave tort aux contributions des entiteacutes du groupe Amazon situeacutees aux Eacutetats-Unis (voir point 179 ci-dessus) dans la mesure ougrave ces derniegraveres ne sont pas concerneacutees par lrsquoaccord de licence et agissent indeacutependamment de LuxSCS Toute fonction eacuteventuelle de ces entiteacutes en rapport avec les actifs incorporels la circonstance que Amazoncom orientait LuxSCS ou LuxOpCo ou encore les caracteacuteristiques de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC seraient donc deacutenueacutees de pertinence pour lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS Les fonctions de deacuteveloppement opeacutereacutees par ATI et A 9 ne pourraient donc ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS dans la mesure ougrave les diffeacuterentes parties agrave lrsquoARC agissent pour leur compte et agrave leurs risques La Commission fait valoir que en tout eacutetat de cause lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC fixaient deacutejagrave la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions exerceacutees par ATI et A 9 en lien avec les actifs incorporels Toute

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autre transaction intragroupe entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels dont ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon nrsquoauraient en tout eacutetat de cause deacutemontreacute lrsquoexistence ne saurait justifier le versement des beacuteneacutefices reacutesiduels de LuxOpCo agrave LuxSCS

183 Agrave cet eacutegard en premier lieu il importe de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 166 ci-dessus selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquolaquo entreprise associeacutee agrave laquelle la meacutethode transactionnelle de la marge nette est appliqueacutee devrait ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo et cela laquo impliquera[it] souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui [serait] la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne posseacutede[rait] pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo La notion drsquolaquo actifs uniques raquo ou laquo de valeur raquo nrsquoest pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

184 Il deacutecoule du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que ces lignes preacuteconisaient de ne pas retenir la partie deacutetenant des actifs uniques et de valeur comme eacutetant la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN mais de lui preacutefeacuterer une autre entiteacute partie agrave la transaction controcircleacutee La logique sous-jacente audit point 343 est celle suivant laquelle en geacuteneacuteral il est davantage compliqueacute de pouvoir trouver des comparables fiables afin drsquoexaminer la partie agrave la transaction controcircleacutee qui possegravede des actifs incorporels uniques et de valeur Cette compreacutehension ressortait eacutegalement du point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Selon ce point en preacutesence de biens incorporels de grande valeur il pouvait ecirctre difficile drsquoidentifier des transactions comparables entre entreprises indeacutependantes Il ressort de ce mecircme point que lrsquoidentification de comparables serait plus difficile du fait de la simple possession drsquoactifs incorporels uniques ou de valeur Il convient de relever que le point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 repose sur la preacutemisse selon laquelle un actif incorporel peut ecirctre reacuteputeacute comme eacutetant laquo unique raquo quand il nrsquoy a pas de comparable pour cet actif Un actif incorporel est laquo de valeur raquo quand il permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Par ailleurs il convient de constater que cette compreacutehension correspond agrave la deacutefinition de la notion qui figure au point 617 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 Il reacutesulte de ce point que les laquo actifs incorporels uniques et de valeur raquo sont ceux premiegraverement qui ne sont pas comparables aux actifs incorporels utiliseacutes par les parties agrave des transactions potentiellement comparables et deuxiegravemement dont lrsquoutilisation dans les affaires opeacuterations devrait produire des beacuteneacutefices eacuteconomiques futurs plus importants que ceux que lrsquoon pourrait atteindre en lrsquoabsence desdits actifs incorporels

185 En lrsquoespegravece premiegraverement il est constant que LuxSCS deacutetenait les droits sur les actifs incorporels du groupe Amazon en Europe et qursquoelle mettait ces actifs agrave disposition de LuxOpCo en vertu de lrsquoaccord de licence

186 Agrave cet eacutegard il convient de relever en compleacutement des eacuteleacutements indiqueacutes aux points 4 et 5 ci-dessus que en vertu de lrsquoaccord de cession conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 lequel est une des composantes de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer la proprieacuteteacute drsquoune partie de ces actifs (voir points 31 et 32 dudit accord) agrave savoir notamment et essentiellement les noms de domaines Internet en Europe tels que amazoncouk amazonfr et amazonde

187 Ensuite en vertu de lrsquoaccord de licence conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 LuxSCS a reccedilu le droit drsquoutiliser en Europe la majeure partie des actifs incorporels du groupe Amazon preacuteexistant en 2005 agrave savoir la technologie les inventions les brevets les marques les droits lieacutes aux clients etc sans que ce droit de licence de LuxSCS ait eacuteteacute un droit exclusif

188 De plus en vertu du point 62 sous a) et du point 63 sous a) de lrsquoARC LuxSCS deacutetenait une licence non exclusive sur la proprieacuteteacute intellectuelle de A 9 et drsquoATI deacuteveloppeacutee apregraves 2005 ainsi que la proprieacuteteacute des droits deacuteriveacutes deacuteveloppeacutee apregraves 2005 agrave partir des actifs incorporels dont LuxSCS est le titulaire leacutegal

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189 Enfin LuxSCS a eacutegalement conclu des accords de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle (Intellectual Property Assignment and License Agreement) avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes en vertu desquels elle a reccedilu les marques deacuteposeacutees et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens que celles-ci deacutetenaient

190 Ainsi les actifs incorporels sur lesquels LuxSCS deacutetenait des droits incluaient les trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle suivantes la technologie les actifs incorporels lieacutes au marketing et les donneacutees clients La technologie comprenait un eacuteventail complet englobant tous les aspects de lrsquoactiviteacute du groupe Amazon et notamment les technologies pour la plateforme logicielle de ce groupe lrsquoapparence du site le catalogue le traitement des commandes la logistique les fonctionnaliteacutes de recherche et de navigation le service clientegravele et les fonctionnaliteacutes de personnalisation

191 Deuxiegravemement il y a lieu de relever que si la Commission soutient que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas de laquo fonctions uniques et de valeur raquo en lien avec les actifs incorporels elle ne conteste pas le caractegravere laquo unique et de valeur des actifs incorporels raquo deacutetenus par LuxSCS et mis agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee

192 En particulier la Commission nrsquoa pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la technologie eacutetait unique car il nrsquoy avait pas de comparables et selon laquelle elle jouait un rocircle essentiel dans les diffeacuterents aspects des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et permettait donc de geacuteneacuterer des recettes importantes De plus il y a lieu de relever que nrsquoest pas remis en question ainsi que le soutient Amazon le fait que les activiteacutes commerciales du groupe nrsquoauraient pu acqueacuterir une telle envergure et obtenir un tel succegraves en Europe ndash comme drsquoailleurs dans drsquoautres reacutegions du monde ndash sans la technologie Est convaincante eacutegalement lrsquoalleacutegation du Grand-Ducheacute de Luxembourg suivant laquelle pendant la peacuteriode consideacutereacutee le groupe Amazon srsquoest appuyeacute sur sa technologie qui eacutetait laquo au cœur d[e son] ldquobusiness modelrdquoraquo (modegravele drsquoentreprise) en tant que diffeacuterentiateur concurrentiel en ce sens que crsquoest preacuteciseacutement cette technologie qui a constitueacute le contributeur unique et preacutecieux qui a permis (et permet encore) au groupe Amazon de continuer agrave ecirctre compeacutetitif dans un environnement hautement concurrentiel caracteacuteriseacute par des marges eacutetroites Il ressort par ailleurs du consideacuterant 338 de la deacutecision attaqueacutee que mecircme une partie des concurrents du groupe Amazon admettent que en raison drsquoune strateacutegie laquo tregraves agressive drsquoinvestissement dans la technologie raquo la plateforme de vente au deacutetail du groupe Amazon laquo constitue aujourdrsquohui un avantage concurrentiel difficile agrave eacutegaler raquo En ce qui concerne la technologie il srsquoagissait donc drsquoun actif pour lequel il nrsquoavait pas de comparable

193 Agrave cet eacutegard et par ailleurs il convient de souligner qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire drsquoexaminer les arguments de la Commission tendant agrave faire valoir que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour exploiter les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et que les fonctions humaines reacutealiseacutees par les employeacutes de LuxOpCo eacutetaient eacutegalement importantes En effet ces arguments agrave les supposer fondeacutes ne remettent pas en cause le constat selon lequel la technologie jouait un rocircle essentiel dans les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et constituait ainsi un actif unique et de valeur

194 Srsquoagissant des marques enregistreacutees en Europe il y a lieu de constater que agrave la date agrave laquelle LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer ces actifs qui beacuteneacuteficiaient deacutejagrave de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il ne ressort pas des eacuteleacutements du dossier qursquoil existait des actifs comparables sur le marcheacute europeacuteen Il convient donc de consideacuterer que les marques en question eacutetaient uniques Il est constant que leur utilisation a permis de geacuteneacuterer des recettes importantes en Europe Ces marques eacutetaient donc eacutegalement laquo de valeur raquo En ce qui concerne les donneacutees clients celles-ci nrsquoavaient pas non plus de comparables et elles permettaient de geacuteneacuterer des beacuteneacutefices importants Il y a donc lieu de consideacuterer que ces actifs incorporels eacutetaient eacutegalement uniques et de valeur

195 Dans ces conditions compte tenu du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et au vu du fait que les actifs incorporels du groupe Amazon et notamment la technologie constituaient des actifs uniques et de valeur mis en œuvre par LuxSCS dans le cadre de la transaction

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controcircleacutee il ne pouvait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de choisir une socieacuteteacute autre que LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester Par ailleurs si ainsi que lrsquoa suggeacutereacute la Commission agrave la note en bas de page no 681 de la deacutecision attaqueacutee selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 un deacutetenteur passif ne peut ecirctre la partie la plus complexe et peut donc ecirctre la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN force est de constater que cela nrsquoeacutetait pas le cas dans la peacuteriode consideacutereacutee laquelle doit ecirctre examineacutee en lrsquoespegravece au regard des seules lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

196 Au point 83 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 la Commission semble vouloir insister sur le fait que selon le point 343 des principes de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 ce nrsquoest que laquo souvent raquo que le choix de la partie agrave tester impliquera de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la laquo moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo sans toutefois qursquoil srsquoagisse drsquoune regravegle absolue agrave cet eacutegard Dans la mesure ougrave la Commission entend affirmer que la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoest pas une regravegle absolue mais une regravegle qui peut ecirctre eacutecarteacutee si des circonstances particuliegraveres tenant agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee le justifient force est de constater qursquoelle nrsquoa pas expliqueacute dans la deacutecision attaqueacutee en quoi cette preacuteconisation devait en lrsquoespegravece ecirctre eacutecarteacutee La Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc se deacutepartir de la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 en raison drsquoune particulariteacute propre agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

197 En deuxiegraveme lieu et en tout eacutetat de cause il y a lieu de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que outre des fonctions de maintien de sa proprieacuteteacute intellectuelle LuxSCS nrsquoexerccedilait aucune fonction laquo active et critique raquo en lien avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee) ou laquo aucune fonction active et essentielle raquo en rapport avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 548 de ladite deacutecision) ou encore laquo aucune fonction accroissant la valeur des actifs incorporels raquo (voir le consideacuterant 526 de la mecircme deacutecision)

198 Premiegraverement srsquoagissant de la distinction opeacutereacutee par la Commission entre la deacutetention dite laquo passive raquo (consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee) et la deacutetention laquo active raquo des actifs incorporels ainsi qursquoentre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee) il convient de constater agrave lrsquoinstar du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon que les lignes directrices de lrsquoOCDE pertinentes en lrsquoespegravece ne preacutevoient pas une telle distinction

199 En effet les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 se bornent agrave indiquer en leur point 120 que en geacuteneacuteral lorsqursquoil y a lieu de deacuteterminer le caractegravere de pleine concurrence drsquoune reacutemuneacuteration eacutetablie dans le cadre drsquoune transaction controcircleacutee il convient drsquoexaminer si cette reacutemuneacuteration correspond laquo aux fonctions assumeacutees par chaque entreprise raquo et de laquo comparer les fonctions exerceacutees par les parties raquo

200 Certes il nrsquoest pas exclu que le point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 puisse ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le terme laquo exerceacutees raquo renvoie agrave des fonctions dites laquo actives raquo

201 Toutefois il ne deacutecoule pas clairement du point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que seules des fonctions laquo actives raquo pouvaient ecirctre prises en compte aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle des parties agrave la transaction Il ne reacutesulte pas non plus de ce point qursquoune entiteacute ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo assumant raquo ou laquo exerccedilant raquo des fonctions lorsqursquoelle deacutetient certains actifs et se borne agrave financer par exemple leur mise au point ou leurs ameacuteliorations

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202 De plus il y a lieu de souligner que selon le point 122 des lignes directrices de lrsquoOCDE il peut ecirctre laquo inteacuteressant et utile lorsque lrsquoon identifie et lrsquoon compare les fonctions exerceacutees de prendre en compte les actifs qui sont ou seront mis en œuvre raquo et qursquolaquo il convient agrave cet eacutegard drsquoenvisager le type drsquoactifs utiliseacutes (usines eacutequipements eacuteleacutements incorporels etc) et les caracteacuteristiques de ces actifs (acircge valeur marchande localisation existence de droits de proprieacuteteacute industrielle etc) raquo En drsquoautres termes il est preacuteconiseacute de prendre en compte le fait qursquoune socieacuteteacute mette agrave disposition des actifs dans le cadre de la transaction controcircleacutee pour lrsquoexamen des fonctions exerceacutees Il en deacutecoule donc que contrairement agrave ce qursquoaffirme la Commission la mise agrave disposition drsquoactifs incorporels devait ecirctre prise en compte pour examiner les fonctions exerceacutees ou assumeacutees par une partie agrave une transaction intragroupe sans qursquoune distinction entre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo soit pertinente

203 Deuxiegravemement agrave supposer que la Commission pucirct effectivement opeacuterer une distinction entre les fonctions laquo passives raquo et laquo actives raquo elle a erroneacutement conclu ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee que LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels qursquoelle srsquoeacutetait borneacutee agrave maintenir les actifs incorporels et qursquoaucune autre fonction active ne pouvait lui ecirctre attribueacutee

204 Drsquoune part la Commission a omis de prendre en compte le fait que LuxSCS a bel et bien exploiteacute lesdits actifs en les mettant agrave disposition agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement drsquoune redevance par le biais de lrsquoaccord de licence

205 En effet il est constant que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS a donneacute en licence agrave LuxOpCo lrsquoensemble des actifs incorporels drsquoAmazon sur le territoire europeacuteen Cet accord portait non seulement sur lrsquointeacutegraliteacute des actifs incorporels viseacutes dans lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC mais eacutegalement sur les actifs incorporels et notamment les marques qursquoelle avait reccedilus en 2006 aupregraves des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees ainsi que les droits deacuteriveacutes qui en deacutecoulaient Or le fait de donner en licence les actifs incorporels agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement de la redevance constitue une exploitation de ces actifs ce qui eacutequivaut agrave exercer une fonction active

206 Cette exploitation correspond agrave une utilisation des actifs incorporels au sens de lrsquoutilisation par LuxSCS dont la preacutetendue absence est deacuteploreacutee par la Commission aux consideacuterants 430 agrave 432 de la deacutecision attaqueacutee

207 Lrsquoexploitation des actifs incorporels par LuxSCS par lrsquointermeacutediaire de leur mise agrave disposition agrave LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence satisfait eacutegalement au critegravere qui a eacuteteacute suggeacutereacute par la Commission au point 83 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 Selon ce critegravere la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 telle que mentionneacutee aux points 183 et 184 ci-dessus aurait eacuteteacute creacuteeacutee par les auteurs desdites lignes directrices laquo en partant du postulat que la partie agrave une transaction controcircleacutee qui deacutetient des actifs incorporels de valeur est [hellip] celle qui les utilise [hellip] dans le cadre de lrsquoexercice de fonctions actives en rapport avec cette transaction raquo Agrave cet eacutegard sans qursquoil soit besoin drsquoeacutetablir si la Commission est fondeacutee agrave consideacuterer qursquoil y a lieu drsquointerpreacuteter ledit point comme srsquoil requeacuterait une certaine utilisation des actifs incorporels force est de constater que le fait de mettre les actifs incorporels de LuxSCS agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence constitue une utilisation au sens retenu par la Commission

208 Drsquoautre part il y a lieu de relever que LuxSCS a contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par le biais de sa participation financiegravere au titre de lrsquoARC Dans ce contexte il convient de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute agrave la derniegravere phrase du deuxiegraveme tiret du point 4 ci-dessus LuxSCS devait verser une quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

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209 Agrave cet eacutegard il convient de souligner qursquoil ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que la participation financiegravere agrave un accord de reacutepartition des coucircts ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une veacuteritable participation au deacuteveloppement des actifs faisant lrsquoobjet drsquoun tel accord Au contraire il deacutecoule du point 815 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans la version de 1995 lequel indique srsquoagissant des accords de reacutepartition des coucircts qursquolaquo [i]l nrsquoest probablement pas facile de deacuteterminer la valeur relative de la contribution de chaque participant sauf lorsque toutes les contributions sont inteacutegralement verseacutees en numeacuteraire raquo qursquoune contribution financiegravere agrave un tel accord de reacutepartition des coucircts peut bel et bien ecirctre une contribution valide et de valeur et ce donc sans eacutegard agrave la question de savoir si lrsquoentiteacute ayant fourni la contribution financiegravere apporte eacutegalement des contributions drsquoune autre nature En effet dans certains cas il nrsquoest pas exclu que la contribution financiegravere agrave une transaction intragroupe puisse ecirctre le moteur unique du succegraves (commercial) de la transaction

210 De surcroicirct en application du point 63 sous b) et du point 64 de lrsquoARC en contrepartie de sa participation aux coucircts LuxSCS devenait coproprieacutetaire avec A 9 drsquoune partie des actifs incorporels qui eacutetaient constamment deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes aux Eacutetats-Unis Ces deacuteveloppements et ameacuteliorations eacutetaient mis agrave disposition par LuxSCS agrave LuxOpCo constamment au titre de lrsquoaccord de licence de telle maniegravere qursquoil est permis de consideacuterer que du point de vue de LuxOpCo elles eacutetaient imputables agrave LuxSCS et non aux entiteacutes ameacutericaines Dans le cadre de lrsquoaccord de licence les reacutesultats des deacuteveloppements et des ameacuteliorations des actifs incorporels sont attribueacutes agrave LuxSCS

211 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee que les laquo seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo Drsquoune part le critegravere utiliseacute par la Commission et visant la distinction entre des fonctions actives et passives nrsquoest pas pertinent Drsquoautre part mecircme srsquoil y avait lieu de retenir ce critegravere il y a lieu de constater que LuxSCS a mis agrave disposition de LuxOpCo les actifs incorporels et a contribueacute agrave leur deacuteveloppement de par sa contribution financiegravere agrave lrsquoARC Ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte par la Commission dans son analyse fonctionnelle de LuxSCS ainsi qursquoaux fins du choix de la partie agrave tester

212 Cette conclusion nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments invoqueacutes par la Commission

213 Premiegraverement lrsquoappreacuteciation faite par la Commission aux consideacuterants 420 et 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS laquo ne pouvait [hellip] exercer aucune fonction active et critique en rapport avec [la] mise au point [lrsquo] ameacutelioration [la] gestion ou [lrsquo]exploitation [des actifs incorporels] raquo car LuxSCS laquo nrsquoeacutetait plus habiliteacutee agrave exploiter eacuteconomiquement les actifs incorporels dans le cadre des activiteacutes europeacuteennes [du groupe] Amazon raquo ne saurait prospeacuterer

214 En effet la Commission a fondeacute ce constat sur lrsquoaffirmation reacuteiteacutereacutee agrave plusieurs reprises dans la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo avait reccedilu de LuxSCS une licence laquo irreacutevocable raquo et laquo exclusive raquo (voir par exemple consideacuterants 116 419 431 438 442 et 450 de la deacutecision attaqueacutee) ce qui aurait priveacute LuxSCS de toute possibiliteacute drsquoexploiter les actifs incorporels

215 Agrave cet eacutegard il suffit de rappeler que le fait de donner en licence constitue deacutejagrave une exploitation

216 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoappreacuteciation faite par la Commission au consideacuterant 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS nrsquoaurait pas la capaciteacute drsquoexercer des fonctions car elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes

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217 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission le fait que LuxSCS ait ou non eu la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule est deacutenueacute de pertinence pour appreacutecier les fonctions de LuxSCS en lien avec lrsquoexploitation des actifs incorporels En effet ainsi qursquoexposeacute au point 204 ci-dessus LuxSCS a effectivement exploiteacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo

218 En outre contrairement agrave ce que fait valoir la Commission il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire que LuxSCS eucirct ses propres salarieacutes pour contribuer au deacuteveloppement continu des actifs incorporels En effet LuxSCS y contribuait du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

219 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument de la Commission selon lequel la contribution financiegravere de LuxSCS au deacuteveloppement des actifs incorporels aurait eacuteteacute quant agrave elle purement artificielle car le financement du deacuteveloppement des actifs incorporels provenait des comptes de LuxOpCo ce qui aurait signifieacute que LuxOpCo aurait exerceacute toutes les fonctions attribueacutees par lrsquoARC agrave LuxSCS

220 En effet lrsquoorigine du capital utiliseacute par LuxSCS pour reacutepondre aux obligations financiegraveres lui incombant en vertu de lrsquoARC et donc le fait que ce capital provenait du paiement de la redevance par LuxOpCo nrsquoest pas pertinente Les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoexigent pas que le capital investi provienne drsquoune source preacutecise Il nrsquoest pas exclu que ce capital trouve son origine dans une redevance telle que celle en cause ou provienne drsquoune autre source de revenus telle que par exemple un precirct

221 En tout eacutetat de cause il est constant que LuxSCS disposait outre les revenus tireacutes de la redevance drsquoun capital propre Or ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg crsquoest gracircce agrave son capital propre que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo En 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait drsquoailleurs largement infeacuterieur aux paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC

222 En troisiegraveme lieu le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoappreacuteciation de la Commission opeacutereacutee notamment aux consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo (voir notamment consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee)

223 Srsquoagissant de la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo il y a lieu de souligner que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoutilisent pas ces termes Seule lrsquoexpression laquo actifs uniques et de valeur raquo est utiliseacutee agrave plusieurs reprises notamment dans les sections relatives agrave la MTMN et agrave la meacutethode du partage des beacuteneacutefices le plus souvent pour faire reacutefeacuterence agrave des actifs incorporels (deacuteveloppement ou proprieacuteteacute) (voir par exemple points 18 319 343 et 626 desdites lignes)

224 En revanche ce nrsquoest que dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE qui ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece qursquoil est clairement question de fonctions ou de contributions laquo uniques et de valeur raquo et qursquoune distinction est opeacutereacutee entre drsquoune part les laquo fonctions uniques et de valeur raquo et drsquoautre part les laquo fonctions de routine raquo Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus agrave leur point 617 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 contiennent une deacutefinition de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo En revanche si les auteurs des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 utilisent souvent la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo ils ne fournissent aucune deacutefinition agrave cet eacutegard

225 Les parties principales ont preacuteciseacute ce qursquoelles entendaient par les expressions laquo fonctions de routine raquo ou laquo fonctions courantes raquo Lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg a releveacute qursquoune entiteacute exerce des laquo fonctions de routine raquo lorsqursquoelle exerce des fonctions usuelles agrave savoir des fonctions que

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drsquoautres entreprises pourraient exercer eacutegalement Il srsquoagit donc en substance de fonctions pour lesquelles on peut facilement trouver des comparables Amazon a quant agrave elle souligneacute lors de lrsquoaudience que la notion de laquo fonction de routine raquo ne voulait pas dire que les fonctions en question nrsquoavaient pas de valeur mais qursquoelles pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) et reacutemuneacutereacutees La Commission nrsquoa pas remis en cause cette compreacutehension Il ressort du point 14 (note en bas de page no 18) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 que drsquoapregraves la Commission le terme laquo courantes raquo renvoie agrave des fonctions qui ne sont pas uniques et pour lesquelles il existe des eacuteleacutements de comparaison sur le marcheacute libre De maniegravere similaire au point 17 (note en bas de page no 21) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-81617 la Commission oppose les fonctions laquo courantes raquo agrave celles qui laquo ne sont pas uniques et de valeur raquo

226 En lrsquoespegravece il nrsquoy a pas lieu de deacuteterminer si sur la base des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 il eacutetait deacutejagrave loisible pour la Commission de veacuterifier le caractegravere de pleine concurrence drsquoun prix en opeacuterant avec la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo car cette notion aurait deacutejagrave eacuteteacute drsquoapplication agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquoappliquaient et ce mecircme si elles ne faisaient pas eacutetat de cette notion expresseacutement ou si ce nrsquoest qursquoagrave partir de lrsquoadoption des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 que le critegravere lieacute aux laquo fonctions uniques et de valeur raquo pouvait ecirctre pris en compte agrave cet effet

227 En effet et en tout eacutetat de cause les parties principales nrsquoont pas remis en cause la pertinence de ce critegravere mais srsquoaccordent agrave mettre ce critegravere au cœur de leurs arguments comme eacutetant un paramegravetre pertinent pour juger de leur situation Agrave cet eacutegard il convient de relever que tout comme crsquoest le cas de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo (voir point 176 ci-dessus) les parties nrsquoont pas pris le soin de deacutefinir les termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo

228 Srsquoagissant de la signification des termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo agrave lrsquoinstar de ce qui a eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus et compte tenu de lrsquoacception de ces termes retenue par les parties (voir point 225 ci-dessus) il convient de retenir aux fins de la preacutesente affaire que la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que si le fait de deacutesigner une certaine fonction drsquolaquo unique raquo exclut que la mecircme fonction puisse ecirctre qualifieacutee comme eacutetant laquo de routine raquo ou encore laquo courante raquo le mecircme raisonnement ne saurait srsquoappliquer pour ce qui est de la notion de laquo fonction de valeur raquo Il existe eacutegalement des laquo fonctions de routine raquo ou laquo courantes raquo qui permettent de geacuteneacuterer des recettes importantes et qui meacuteritent de ce fait drsquoecirctre qualifieacutees de laquo fonctions de valeur raquo

229 En lrsquoespegravece drsquoune part ainsi qursquoexposeacute au point 191 ci-dessus il nrsquoest pas contesteacute que les actifs incorporels faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence eacutetaient uniques et de valeur

230 Drsquoautre part LuxSCS a non seulement exploiteacute mais eacutegalement contribueacute financiegraverement au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur dont elle eacutetait le titulaire En conseacutequence il deacutecoule de ce qui vient drsquoecirctre indiqueacute aux points 203 agrave 211 ci-dessus que toutes les fonctions de LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels auraient ducirc ecirctre consideacutereacutees par la Commission comme eacutetant uniques et de valeur Lrsquoaffirmation faite au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS aurait exerceacute des laquo fonctions uniques et de valeur raquo nrsquoest donc pas justifieacutee et doit de ce fait ecirctre eacutecarteacutee En conseacutequence compte tenu des fonctions et des actifs de LuxSCS la conclusion de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester ne convainc pas

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ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS

231 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font en substance valoir que LuxSCS supportait les risques lieacutes aux actifs incorporels en tant que tels tandis que LuxOpCo ne supportait que les risques lieacutes agrave ses activiteacutes de deacutetaillant LuxSCS aurait en outre assumeacute des risques financiers en lien avec les actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

232 La Commission conteste ces arguments

233 Elle soutient en particulier que ni les deacutecisions du geacuterant unique de LuxSCS ni les comptes rendus des assembleacutees geacuteneacuterales de LuxSCS ne mentionnent de deacutecisions critiques ayant trait agrave la gestion des risques En reacutealiteacute LuxSCS nrsquoaurait eu ni la capaciteacute financiegravere ni la capaciteacute opeacuterationnelle drsquoassumer ces risques LuxSCS nrsquoaurait pu supporter les coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC que gracircce au financement perccedilu annuellement par le biais des redevances payeacutees par LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence de sorte que le capital de LuxSCS nrsquoaurait jamais eacuteteacute exposeacute au risque Qui plus est LuxSCS aurait beacuteneacuteficieacute drsquoune capitalisation initiale importante de la part de sa socieacuteteacute megravere laquelle a couvert le paiement drsquoentreacutee En toute hypothegravese LuxSCS aurait en vertu de lrsquoaccord de licence transfeacutereacute les risques financiers agrave LuxOpCo Degraves lors les risques retenus par LuxSCS seraient theacuteoriques dans la mesure ougrave LuxSCS avait la possibiliteacute de reacutesilier lrsquoaccord de licence et drsquoaccorder une licence agrave une autre partie lieacutee ou indeacutependante Les risques financiers de LuxSCS auraient eacuteteacute theacuteoriques eacutegalement parce que sa participation financiegravere agrave lrsquoARC eacutetait financeacutee par la redevance payeacutee par LuxOpCo et que le montant des paiements au titre de lrsquoARC eacutetait correacuteleacute aux recettes de LuxOpCo

234 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever drsquoembleacutee que dans la mesure ougrave LuxSCS avait obtenu la pleine proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels conformeacutement au point 31 de lrsquoaccord de cession conclu

1eravec ATI le janvier 2005 elle supportait la totaliteacute des risques lieacutes agrave lrsquoexistence des actifs incorporels en tant que tels Il srsquoagissait par exemple de risques tels que la contestation par un tiers ou la deacutecheacuteance des actifs incorporels Cela est la conseacutequence logique du fait que LuxSCS eacutetait proprieacutetaire de ces actifs Du point de vue de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 LuxSCS assumait eacutegalement les risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels par les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9

235 Dans la mesure ougrave elle avait durant la peacuteriode consideacutereacutee une licence sur lrsquoautre partie des actifs incorporels viseacutes au point 31 de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 ainsi qursquoaux points 61 et 62 de lrsquoARC LuxSCS supportait des risques financiers en lien avec ces actifs utiliseacutes du fait de sa participation agrave lrsquoARC Plus preacuteciseacutement la reacutepartition des coucircts entre les parties agrave lrsquoARC eacutetait preacutevue conformeacutement aux points 4 et 5 de lrsquoARC En vertu de ces points de lrsquoARC LuxSCS avait lrsquoobligation de supporter les coucircts lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels Si la reacutepartition des coucircts eacutetait fonction de la part des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe par comparaison aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes au niveau mondial les coucircts en tant que tels eacutetaient totalement indeacutependants du niveau des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que si les coucircts lieacutes au deacuteveloppement eacutetaient plus eacuteleveacutes que la redevance verseacutee par LuxOpCo crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc supporter les conseacutequences financiegraveres reacutesultant de cet eacutecart Ainsi dans le cas ougrave LuxOpCo aurait enregistreacute des pertes ou des beacuteneacutefices faibles la redevance nrsquoaurait pas suffi pas agrave couvrir les coucircts fixes supporteacutes par LuxSCS agrave savoir essentiellement les paiements au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC En drsquoautres termes LuxSCS risquait de ne pas avoir de revenus suffisants pour effectuer les paiements drsquoentreacutee et de reacutepartition des coucircts preacutevus par lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC

236 Srsquoagissant de ces risques financiers il convient de souligner que en deacutepit drsquoune affirmation non eacutetayeacutee faite par elle lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas eacutetabli que lrsquoobligation de LuxSCS drsquoeffectuer les paiements dus au titre de lrsquoARC eacutetait effectivement exactement correacuteleacutee au versement par LuxOpCo du montant de la redevance Au contraire et ainsi que lrsquoa drsquoailleurs releveacute la Commission elle-mecircme au

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consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee les montants perccedilus par LuxSCS au titre de la redevance ne correspondaient pas directement aux montants dus par LuxSCS au titre de lrsquoARC Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoentreacutee et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

237 Toujours srsquoagissant des risques financiers supporteacutes par LuxSCS la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer que cette socieacuteteacute ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave ce capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo

238 Enfin il est vrai que selon les points 23 et 92 de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels En effet drsquoune part selon les termes du point 23 dudit accord LuxOpCo eacutetait tenue de prendre toutes les mesures neacutecessaires pour proteacuteger les droits de LuxSCS sur les actifs incorporels et drsquoautre part en vertu du point 92 de ce mecircme accord LuxOpCo avait lrsquoobligation de preacutevenir et de traduire en justice agrave ses propres frais toute utilisation non autoriseacutee des actifs incorporels LuxOpCo assumait donc les risques lieacutes agrave la protection des actifs incorporels

239 Il nrsquoen demeure pas moins que les autres risques lieacutes aux actifs incorporels eacutetaient supporteacutes par LuxSCS du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

240 En effet il ne ressort pas des dispositions de lrsquoaccord de licence que LuxSCS ait transfeacutereacute agrave LuxOpCo des risques autres que ceux deacutecoulant des points 23 et 92 dudit accord agrave savoir ceux relatifs agrave lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels Ainsi contrairement agrave ce que suggegravere la Commission lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause sur le transfert en tant que tel de lrsquoensemble des risques lieacutes aux actifs incorporels de LuxSCS agrave LuxOpCo En particulier lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause relative au transfert des risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels

241 Nrsquoeacutetant pas eacutetayeacutee par les dispositions de lrsquoaccord de licence la conclusion exprimeacutee par la Commission notamment au consideacuterant 438 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS a transfeacutereacute agrave LuxOpCo les risques en lien avec la mise au point la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels la proprieacuteteacute intellectuelle ne saurait donc ecirctre retenue

242 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont fondeacutes agrave affirmer que LuxSCS supportait les risques lieacutes agrave la proprieacuteteacute et au deacuteveloppement des actifs incorporels utiliseacutes pour exploiter les activiteacutes europeacuteennes y compris les risques financiers lieacutes agrave lrsquoexploitation de ces actifs incorporels tandis que LuxOpCo ne supportait essentiellement que les risques lieacutes agrave ses propres activiteacutes de deacutetaillant et en particulier les risques lieacutes aux ventes et aux services de place de marcheacute

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester

243 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 162 agrave 242 ci-dessus il y a lieu drsquoopeacuterer deux constats

244 En premier lieu lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS effectueacutee par la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee La Commission a sous-estimeacute les fonctions de LuxSCS En ce qui concerne les actifs incorporels la Commission a notamment neacutegligeacute de prendre en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS mettait agrave disposition des actifs incorporels qui nrsquoavaient pas de comparables sur le marcheacute et qui eacutetaient donc uniques et de valeur Selon les lignes

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directrices de lrsquoOCDE dans leur version pertinente en lrsquoespegravece cet eacuteleacutement suffisait en principe pour pouvoir conclure que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie la moins complexe et donc la partie agrave tester

245 En tout eacutetat de cause srsquoil y avait lieu de consideacuterer ainsi que la Commission le fait valoir que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc prendre en compte des laquo fonctions uniques et de valeur raquo force est de constater que la Commission a ignoreacute la circonstance que LuxSCS exploitait bel et bien les actifs incorporels dans le cadre de la transaction controcircleacutee examineacutee La mise agrave disposition des actifs incorporels ayant une valeur de pointe correspondait au fait drsquoexercer une fonction unique et de valeur dans le cadre de lrsquoaccord de licence (la transaction controcircleacutee) Ainsi qursquoil reacutesulte des points 203 agrave 242 ci-dessus LuxSCS a exerceacute une seacuterie de fonctions dans le cadre de la transaction controcircleacutee autres que le fait de mettre agrave la disposition de LuxOpCo les actifs incorporels La Commission a neacutegligeacute ces fonctions qui pouvaient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques et de valeur

246 La Commission nrsquoa pas non plus ducircment pris en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS assumait la totaliteacute des risques lieacutes agrave ces actifs et agrave leur deacuteveloppement dans le cadre de lrsquoaccord de licence et ce indeacutependamment de la question de savoir si LuxSCS eacutetait elle-mecircme controcircleacutee par les entiteacutes ameacutericaines et si crsquoest LuxSCS qui deacuteveloppait techniquement les actifs incorporels ou si LuxSCS contribuant financiegraverement les deacuteveloppements de la proprieacuteteacute intellectuelle eacutetaient les reacutesultats des efforts techniques des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Ce faisant la Commission a minimiseacute eacutegalement la description des risques assumeacutes par LuxSCS

247 Dans ces conditions il ne saurait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de ne pas avoir choisi LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester

248 En second lieu en toute hypothegravese mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels et non une socieacuteteacute ayant exerceacute des fonctions actives en rapport avec ceux-ci force est de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS aurait ducirc ecirctre retenue en tant que partie agrave tester

249 En effet il y a lieu de rappeler que de maniegravere geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave laquelle la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable et pour laquelle les eacuteleacutements de comparaison les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutes

250 En lrsquoespegravece force est de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute qursquoil eacutetait davantage facile de trouver des entreprises comparables agrave LuxSCS que des entreprises comparables agrave LuxOpCo ni le fait que retenir LuxSCS en tant qursquoentiteacute agrave tester aurait permis drsquoobtenir des donneacutees de comparaison davantage fiables

251 Ainsi qursquoil reacutesulte du consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc admettre lorsqursquoelle a chercheacute la marge approprieacutee pour la redevance qursquoil nrsquoy avait pas de comparables pour LuxSCS

252 Il srsquoensuit qursquoil y a lieu drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon laquelle la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN Cela eacutetant les consideacuterations preacuteceacutedentes sont suffisantes pour accueillir lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne le constat principal de la Commission visant lrsquoexistence de lrsquoavantage et ce sans qursquoil soit besoin de proceacuteder agrave une analyse fonctionnelle de LuxOpCo ni de la question de savoir si la Commission eacutetait fondeacutee agrave eacutecarter la CUP

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253 Cependant dans un souci drsquoexhaustiviteacute il y a lieu de relever que les appreacuteciations de la Commission concernant lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE doivent eacutegalement ecirctre eacutecarteacutees pour des motifs autres que ceux lieacutes aux choix de la partie agrave tester et agrave lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS tels qursquoils viennent drsquoecirctre exposeacutes Ainsi mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la conclusion non justifieacutee de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute la partie agrave tester lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon devrait ecirctre accueillie par ailleurs et ce pour les motifs suivants

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester

254 Aux consideacuterants 550 agrave 560 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a chercheacute agrave opeacuterer sa propre application de la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester Au terme de son analyse au consideacuterant 559 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence devait ecirctre eacutegale agrave la somme de deux composantes agrave savoir drsquoune part des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels sans marge et drsquoautre part des coucircts geacuteneacuteraux drsquoexploitation supporteacutes directement par LuxSCS pour assurer les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels (ci-apregraves les laquo coucircts de maintien raquo) majoreacutes de 5 (ci-apregraves la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo) Il importe agrave cet eacutegard de relever que la reacutemuneacuteration de LuxSCS correspond en reacutealiteacute agrave la redevance qui selon la Commission aurait ducirc ecirctre perccedilue par LuxSCS aupregraves de LuxOpCo

255 Par le deuxiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen et par la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par le quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter que LuxSCS pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de la meacutethode MTMN (quod non) la Commission aurait commis drsquoautres erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN En effet le calcul effectueacute par la Commission pour deacuteterminer la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS agrave savoir la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS ne saurait convaincre

256 Il convient drsquoaborder cette argumentation en tenant compte des deux composantes distingueacutees par la Commission (voir point 254 ci-dessus)

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)

257 Srsquoagissant de la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen que la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS devrait refleacuteter non seulement les coucircts de deacuteveloppement mais eacutegalement la valeur des actifs incorporels Cette valeur serait deacutecorreacuteleacutee de ces coucircts et donc des paiements opeacutereacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC Au point 73 de la requecircte et aux points 32 et suivants de la reacuteplique dans lrsquoaffaire T-31818 Amazon invoque en substance le mecircme grief De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee qui seraient la contrepartie de la mise agrave disposition par LuxSCS des actifs incorporels par lrsquoaccord de licence auraient ducirc ecirctre inclus dans les coucircts auxquels une marge est appliqueacutee

258 La Commission reacutefute ces arguments

259 Elle soutient que lrsquoobjectif drsquoun accord de reacutepartition des coucircts tel que lrsquoARC reacuteside dans le partage des coucircts lieacutes agrave la mise au point des actifs incorporels et non dans lrsquoobtention drsquoun beacuteneacutefice drsquoexploitation sur les activiteacutes europeacuteennes Ainsi ATI et A 9 ne devraient obtenir aucune part des beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales en Europe en dehors du remboursement des coucircts drsquoentreacutee et au titre de lrsquoARC Ce serait donc agrave bon droit que la deacutecision attaqueacutee a deacutetermineacute la reacutemuneacuteration de LuxSCS comme

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comprenant un remboursement des paiements drsquoentreacutee et des coucircts de deacuteveloppement de lrsquoARC La Commission rappelle dans ce contexte que selon elle la raison de lrsquoexistence de LuxSCS eacutetait purement fiscale Lrsquoaccord de licence nrsquoaurait pas eacuteteacute directement conclu entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo mais entre LuxSCS et LuxOpCo afin drsquoeacuteviter que les redevances ne soient soumises agrave lrsquoimpocirct aux Eacutetats-Unis Si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute ATI et A 9 auraient conclu un accord de reacutepartition des coucircts avec LuxOpCo (et non un accord de licence) de sorte que seule LuxOpCo aurait ducirc srsquoacquitter des paiements De plus lrsquoactiviteacute de LuxSCS se serait limiteacutee agrave la simple deacutetention des actifs incorporels LuxSCS nrsquoaurait pas exerceacute elle-mecircme directement des fonctions de deacuteveloppement de la proprieacuteteacute intellectuelle et nrsquoaurait donc pas ducirc percevoir de reacutemuneacuterations agrave ce titre Elle nrsquoaurait joueacute aucun rocircle dans lrsquoutilisation ou le deacuteveloppement des actifs incorporels ni nrsquoaurait exerceacute aucun controcircle sur ces fonctions de deacuteveloppement et sur les risques affeacuterents Selon la Commission il ne fallait donc pas appliquer de marge aux coucircts drsquoentreacutee et aux coucircts de lrsquoARC dans la mesure ougrave il ne srsquoagit que de coucircts reacutepercuteacutes par LuxSCS agrave LuxOpCo et ougrave LuxSCS nrsquoexerce aucune fonction en lien avec les actifs incorporels Au contraire la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter le fait que les fonctions et les risques attribueacutes agrave LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient en fait supporteacutes par LuxOpCo En tout eacutetat de cause la Commission nrsquoaurait pas ignoreacute dans son analyse fonctionnelle le fait que LuxSCS eacutetait le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels

260 Agrave titre liminaire il convient de relever que lrsquoexercice consistant agrave examiner si une redevance telle que celle en cause en lrsquoespegravece correspond agrave un reacutesultat de marcheacute preacutesuppose selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de se rattacher agrave la valeur des actifs incorporels et non aux coucircts de deacuteveloppement et de mise au point de ceux-ci En effet il ressort du point 627 desdites lignes que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre ces coucircts et la valeur des actifs incorporels En particulier la valeur eacutequitable effective drsquoun bien incorporel nrsquoest souvent pas mesurable en fonction des deacutepenses encourues pour la mise au point et la preacuteservation du bien incorporel Ainsi qursquoil reacutesulte du point 62 desdites lignes les laquo biens incorporels raquo peuvent avoir une valeur consideacuterable mecircme srsquoils nrsquoont pas de valeur comptable dans le bilan de la socieacuteteacute Enfin ainsi qursquoil reacutesulte respectivement des points 122 et 627 desdites lignes il srsquoagit agrave cet eacutegard de ce qursquoil est convenu drsquoappeler la laquo valeur marchande raquo ou laquo valeur veacutenale raquo Par ailleurs il y a lieu de souligner que cette valeur peut ecirctre sujette agrave des fluctuations dans le temps

261 En lrsquoespegravece se pose la question de savoir si la premiegravere composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS telle que calculeacutee par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee agrave savoir premiegraverement le paiement drsquoentreacutee sans marge et deuxiegravemement les paiements au titre de lrsquoARC toujours sans marge reflegravete effectivement la valeur des actifs incorporels donneacutes en licence agrave LuxOpCo

262 En premier lieu il peut certes ecirctre consideacutereacute que le paiement drsquoentreacutee qui a eacuteteacute verseacute par LuxSCS aux entiteacutes ameacutericaines en contrepartie du transfert de proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels preacuteexistants et drsquoune licence sur le reste des actifs incorporels preacuteexistants (voir point 4 ci-dessus) reflegravete bien la valeur des actifs incorporels au moment de la conclusion de lrsquoaccord drsquoentreacutee soit en 2005

263 En effet si le montant du paiement drsquoentreacutee ne constitue pas un prix qui a eacuteteacute neacutegocieacute librement sur le marcheacute il srsquoagit ainsi qursquoAmazon lrsquoindique au point 73 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 du prix verseacute en contrepartie de lrsquoacquisition des actifs incorporels preacuteexistant en 2005 Un tel versement agrave la diffeacuterence des coucircts de deacuteveloppement est susceptible de refleacuteter la valeur des actifs incorporels faisant lrsquoobjet du transfert de proprieacuteteacute agrave savoir les actifs incorporels preacuteexistant en 2005

264 Neacuteanmoins il convient de souligner que ainsi que cela a eacuteteacute affirmeacute notamment par le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans ecirctre contredit sur ce point par la Commission durant la peacuteriode consideacutereacutee les actifs incorporels ont gagneacute en valeur de maniegravere significative gracircce agrave lrsquoinnovation permanente dans la technologie deacuteveloppeacutee notamment par les entiteacutes ameacutericaines par Amazon US ainsi que gracircce au

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deacuteveloppement de la notorieacuteteacute de la marque Amazon et donc des actifs incorporels lieacutes au marketing en Europe et dans le monde La simple addition des coucircts de deacuteveloppement sans marge (paiements au titre de lrsquoARC) au prix payeacute pour lrsquoobtention des actifs incorporels preacuteexistants (paiement drsquoentreacutee) opeacutereacutee par la Commission au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee ne prend pas en compte le fait que en lrsquoespegravece la valeur des actifs incorporels preacuteexistants a augmenteacute pendant la peacuteriode consideacutereacutee dans la mesure ougrave ces actifs ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes au fur et agrave mesure par les entiteacutes ameacutericaines et remplaceacutes pour partie La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee invoqueacutee par la Commission qui peut ecirctre accepteacutee comme eacutetant leur valeur initiale des actifs incorporels en 2005 ne reflegravete donc pas la valeur veacutenale desdits actifs incorporels pendant la totaliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee

265 Qui plus est crsquoest agrave tort que la Commission a consideacutereacute que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee pourraient ecirctre reacutepercuteacutes agrave LuxOpCo sans application drsquoune marge Lrsquoabsence de marge ne reflegravete pas ce que des parties indeacutependantes auraient accepteacute dans le cadre drsquoune transaction libre sur le marcheacute et constitue donc une erreur dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS En effet il est raisonnable de consideacuterer et il ressort par ailleurs notamment du point 614 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les parties indeacutependantes agissant sur le marcheacute cherchent agrave tirer des profits de la mise agrave disposition de leurs actifs De ce fait lrsquoapplication drsquoune marge dans le cadre du calcul drsquoune reacutemuneacuteration telle que celle en cause apparaicirct comme une situation courante sur le marcheacute Or ainsi que le fait valoir Amazon au point 98 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 si la Commission avait examineacute les options qui srsquooffraient agrave LuxSCS ainsi que le preacuteconise ledit point 614 elle aurait pu constater qursquoil existait de nombreux opeacuterateurs drsquoactiviteacute de commerce en ligne en Europe de sorte que LuxSCS aurait pu valoriser les actifs incorporels au-delagrave de leurs seuls coucircts de deacuteveloppement

266 Ensuite en second lieu srsquoagissant des paiements au titre de lrsquoARC il convient de relever que ainsi qursquoil a eacuteteacute exposeacute ci-dessus il ressort du point 627 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre les coucircts de deacuteveloppement et la valeur drsquoactifs incorporels La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC suggeacutereacutee par la Commission correspond uniquement au remboursement des coucircts que doit supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur des actifs incorporels ameacutelioreacutes Le seul remboursement des coucircts de deacuteveloppement sans qursquoune marge soit appliqueacutee relegraveve drsquoune approche qui ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute

267 Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que lrsquoobjet de la transaction controcircleacutee faisant lrsquoobjet de lrsquoexamen de la Commission est la licence des actifs incorporels donneacutee par LuxSCS agrave LuxOpCo eacutetant rappeleacute que LuxSCS eacutetait partie agrave lrsquoARC Il est constant qursquoATI et A 9 exerccedilaient des fonctions de mise au point drsquoune partie des actifs incorporels Toutefois lrsquoargument de la Commission selon lequel ATI et A 9 eacutetaient laquo reacutemuneacutereacutees raquo par les paiements au titre de lrsquoARC pour ces fonctions traduit une compreacutehension erroneacutee de lrsquoARC par la Commission Il ressort du point 43 de lrsquoARC que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient uniquement calculeacutes en tant que pourcentage des coucircts de deacuteveloppement engageacutes par les parties agrave lrsquoARC Certes la participation de LuxSCS aux coucircts de deacuteveloppement est proportionnelle aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par les entiteacutes deacutetenues par LuxSCS et ainsi par LuxOpCo par rapport aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par ATI et A 9 Il nrsquoen reste pas moins que les paiements au titre de lrsquoARC correspondent ainsi agrave une fraction des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels deacuteveloppeacutes dans le cadre de lrsquoARC et mis agrave disposition de LuxOpCo conformeacutement agrave lrsquoaccord de licence et qursquoils ne reflegravetent donc pas la valeur de marcheacute de ces actifs incorporels Or crsquoest cette valeur qursquoune redevance de pleine concurrence au titre de lrsquoaccord de licence devrait refleacuteter

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268 Au regard de ce qui preacutecegravede la circonstance que LuxSCS nrsquoait pas exerceacute les fonctions de deacuteveloppement directement elle-mecircme ne remet pas en cause le constat que le montant de la redevance verseacutee par LuxOpCO doit refleacuteter la valeur des actifs incorporels

269 Degraves lors il eacutetait inapproprieacute pour la Commission drsquoaffirmer que la reacutemuneacuteration de LuxSCS pouvait ecirctre calculeacutee sur la base drsquoune simple reacutepercussion des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels

270 La conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments de la Commission

271 Premiegraverement la Commission a fait valoir que LuxSCS ne serait qursquoun intermeacutediaire et qursquoelle nrsquoaurait fait que transmettre agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC pour transfeacuterer ensuite une partie de la redevance reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts La diffeacuterence entre les montants perccedilus au titre de la redevance et les paiements effectueacutes au titre de lrsquoARC a eacuteteacute attribueacutee agrave LuxSCS puis eacuteventuellement remonteacutee par ses associeacutes sans que LuxSCS ait exerceacute aucune fonction qui justifierait que ces montants lui fussent attribueacutes

272 Toutefois mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que LuxSCS nrsquoeacutetait qursquoun simple intermeacutediaire agrave savoir qursquoelle eacutetait interposeacutee entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 qui nrsquoavait pas exerceacute des fonctions de deacuteveloppement il nrsquoen reste pas moins que le montant de la redevance qursquoaurait ducirc payer LuxOpCo et ainsi la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter la valeur marchande des actifs incorporels mis agrave disposition en vertu de lrsquoaccord de licence Or la simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC invoqueacutee par la Commission ne correspond qursquoau remboursement des coucircts que devait supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur marchande desdits actifs incorporels

273 Si par les arguments mentionneacutes au point 271 ci-dessus la Commission entend faire valoir que la base imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute diminueacutee du fait de lrsquointerposition de LuxSCS entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 et de la conclusion de lrsquoaccord de licence avec LuxSCS ndash par opposition agrave la conclusion drsquoun accord de licence avec lesdites entiteacutes il y a lieu de relever que dans la deacutecision attaqueacutee la Commission ne srsquoest pas appuyeacutee sur un tel raisonnement pour deacutemontrer lrsquoexistence de lrsquoavantage en faveur de LuxOpCo

274 De plus il nrsquoest pas eacutetabli que si lrsquoaccord de licence avait eacuteteacute conclu par LuxOpCO directement avec les entiteacutes ameacutericaines sans que LuxSCS soit interposeacutee entre ces socieacuteteacutes le montant drsquoune redevance payeacutee auxdites entiteacutes aurait eacuteteacute diffeacuterent du montant de la redevance due agrave LuxSCS

275 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience selon lequel lrsquoARC aurait pu ecirctre directement conclu avec LuxOpCo

276 Agrave cet eacutegard il convient de relever que le raisonnement selon lequel si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute un accord de reacutepartition des coucircts aurait eacuteteacute conclu avec LuxOpCo est purement hypotheacutetique et relegraveve de fait du domaine de la speacuteculation

277 De plus dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas fondeacute son raisonnement sur le fait que LuxOpCo aurait pu ou aurait ducirc ecirctre directement partie agrave lrsquoARC En effet force est de constater que nulle part dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa remis en cause lrsquoexistence de LuxSCS en tant que telle pas moins que la validiteacute au regard du droit luxembourgeois du montage qui reacutesultait de la conclusion de lrsquoARC et de lrsquoaccord de licence au motif que ce montage aurait permis de diminuer la dette fiscale de LuxOpCo La Commission srsquoest en effet borneacutee agrave contester le montant de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS

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278 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience suivant lequel LuxSCS aurait eacuteteacute creacuteeacutee pour des raisons purement fiscales

279 Le simple fait qursquoune entiteacute appartenant agrave un groupe de socieacuteteacutes ait eacuteteacute creacuteeacutee seulement agrave des fins drsquooptimisation fiscale et qursquoelle perccediloive une redevance pour des actifs incorporels deacuteveloppeacutes au sein du groupe de socieacuteteacutes en question ne suffit pas en tant que tel pour conclure qursquoil y a eu un avantage fiscal au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE pour le deacutebiteur de la redevance et ne deacutemontre donc pas neacutecessairement lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat en faveur du deacutebiteur de la redevance

280 En lrsquoespegravece certes le traitement fiscal de LuxSCS variant entre le Luxembourg (LuxSCS eacutetait laquo fiscalement transparente raquo au Luxembourg) et les Eacutetats-Unis (LuxSCS eacutetait laquo non transparente fiscalement raquo aux Eacutetats-Unis) est ducirc agrave une laquo asymeacutetrie hybride raquo crsquoest-agrave-dire une diffeacuterence dans les reacuteglementations fiscales applicables au Luxembourg et aux Eacutetats-Unis srsquoagissant de lrsquoidentification du contribuable

281 Mais ainsi que lrsquoa releveacute la Commission elle-mecircme dans la note en bas de page no 16 qui accompagne le point 13 du meacutemoire en deacutefense de lrsquoaffaire T-81617 les conseacutequences de cette asymeacutetrie (la non-imposition des beacuteneacutefices) ne font pas lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee La question pertinente dans le cadre du preacutesent recours nrsquoest donc pas de savoir si la raison drsquoecirctre de LuxSCS est purement fiscale ni par ailleurs si les revenus qursquoelle a geacuteneacutereacutes ont effectivement eacuteteacute taxeacutes aux Eacutetats-Unis dans les mains de ses associeacutes mais celle de savoir si LuxOpCo a payeacute une redevance dont le montant a eacuteteacute sureacutevalueacute et si de ce fait la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et partant sa base imposable ont eacuteteacute artificiellement diminueacutees

282 Quatriegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoaffirmation faite par la Commission lors de lrsquoaudience agrave la supposer aveacutereacutee suivant laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute une socieacuteteacute laquo fictive raquo

283 Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que LuxSCS avait bel et bien une existence juridique ce que la Commission ne remet pas en cause LuxSCS eacutetait eacutetablie au Luxembourg et figurait dans le registre commercial du Grand-Ducheacute de Luxembourg en tant que socieacuteteacute luxembourgeoise

284 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de retenir que la conclusion figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle la premiegravere composante de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo aurait ducirc consister en une laquo refacturation des coucircts reacutepercuteacutes lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC (soit les coucircts drsquoentreacutee et lieacutes agrave lrsquoARC) raquo est entacheacutee drsquoerreur car une telle redevance ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute Cette erreur dans lrsquoapplication de la MTMN suffit eacutegalement pour consideacuterer que le constat principal de la Commission en ce qui concerne lrsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE ne peut ecirctre enteacuterineacute Cependant il convient de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties comme suit

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)

285 Srsquoagissant de la deuxiegraveme composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg considegravere que lrsquoappreacuteciation figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la thegravese selon laquelle laquo LuxSCS devrait ecirctre reacutemuneacutereacutee par une marge sur une base des coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo est erroneacutee Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg soutient que crsquoest agrave tort que la Commission fixe la marge de laquo pleine concurrence raquo agrave 5 des coucircts externes sur la base du rapport FCPT Plus preacuteciseacutement selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg la marge de 5 reacuteputeacutee ecirctre la marge de laquo pleine concurrence raquo est arbitraire tout comme lrsquoanalyse sommaire sur laquelle cette marge se fonde Le rapport FCPT reposerait quant agrave lui sur une analyse des pratiques observeacutees par les administrations fiscales des Eacutetats membres et non sur

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une analyse de la pratique luxembourgeoise relative agrave lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Sans compter le fait qursquoil nrsquoaurait aucune valeur en droit luxembourgeois et qursquoil aurait eacuteteacute adopteacute posteacuterieurement agrave la DFA en cause et nrsquoaurait donc pas eacuteteacute disponible agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoadoption de cette deacutecision le rapport FCPT se reacutefeacutererait agrave des marges observeacutees dans le cadre de transactions intragroupes et ne pourrait donc ecirctre utiliseacute comme base pour deacuteterminer une marge de pleine concurrence agrave savoir la marge correspondant agrave des conditions existant sur le marcheacute libre

286 La Commission conteste ces arguments

287 Elle souligne que la deuxiegraveme composante de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS en repreacutesente une part minime de sorte qursquoelle nrsquoa pas reacuteellement drsquoincidence sur la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission Selon elle il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire en lrsquoespegravece de faire une veacuteritable analyse de prix de transfert et de deacuteterminer quel aurait ducirc ecirctre le montant exact de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo En revanche le rapport FCPT pourrait ecirctre utiliseacute comme une laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo et permettrait de fixer le montant de transactions intragroupe agrave faible valeur pour lesquelles il serait trop coucircteux et fastidieux de reacutealiser une veacuteritable analyse de prix de transfert Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ferait partie du forum conjoint sur les prix de transfert et le rapport FCPT se fonderait eacutegalement sur la pratique luxembourgeoise Si les marges constateacutees dans le rapport FCPT ont eacuteteacute observeacutees pour des transactions intragroupe il srsquoagit selon la Commission des marges ndash geacuteneacuteralement accepteacutees par les administrations fiscales ndash en ce qursquoelles reflegravetent la rentabiliteacute drsquoentreprises dans des conditions de marcheacute Enfin la Commission indique que le rapport FCPT srsquoil date de 2010 se fonde sur des donneacutees relatives agrave la peacuteriode comprise entre 1999 et 2007 ajoutant que ces donneacutees peuvent ecirctre utiliseacutees dans la mesure ougrave la DFA en cause nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre qursquoagrave compter de 2006

288 Agrave titre liminaire ainsi qursquoexposeacute au point 254 ci-dessus la deuxiegraveme composante de la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission correspond agrave des coucircts qui pourraient ecirctre deacutesigneacutes comme des laquo coucircts de maintien raquo majoreacutes de 5 Ce rendement de 5 a eacuteteacute retenu par la Commission sur la base du rapport FCPT dans la mesure ougrave il srsquoagit du taux de rendement le plus souvent observeacute pour des prix de transfert relatif agrave des prestations de services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee

289 Ainsi que le soutiennent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapproche retenue par la Commission est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

290 Tout drsquoabord la Commission a elle-mecircme reconnu au consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee qursquoil nrsquoexistait pas de comparables pour eacutevaluer la reacutemuneacuteration de LuxSCS pour ses fonctions correspondant au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels

291 Or selon le point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lorsqursquoil srsquoagit drsquoappliquer la MTMN la laquo marge nette obtenue par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee [hellip] devrait theacuteoriquement ecirctre deacutetermineacutee par reacutefeacuterence agrave la marge nette que le mecircme contribuable reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre raquo Lrsquoabsence de comparable aurait ducirc conduire agrave ce que la Commission nrsquoappliquacirct pas la MTMN agrave LuxSCS

292 Certes lrsquoapproche retenue par la Commission visant agrave utiliser le rapport FCPT au lieu drsquoeffectuer sa propre recherche de comparabiliteacute ainsi que sa propre analyse des marges nettes comparables existant sur le marcheacute nrsquoest pas incompatible avec les regravegles drsquoapplication de la MTMN telles que celles-ci deacutecoulent des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet drsquoune part ainsi qursquoil ressort notamment des points 329 et 330 de ces lignes directrices il est notoire qursquoil est difficile de trouver des informations suffisamment preacutecises concernant les marges nettes existant sur le marcheacute libre ainsi que les paramegravetres utiliseacutes souvent sur le marcheacute libre comme indicateurs de beacuteneacutefices Drsquoautre part la forme et la nature des sources drsquoinformations utiliseacutees agrave cet effet nrsquoont en tant que telles aucune pertinence Srsquoil existe une publication portant sur les indicateurs de beacuteneacutefices ou sur les

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marges nettes observeacutes dans un certain domaine de lrsquoactiviteacute eacuteconomique cette publication peut en principe ecirctre utiliseacutee sans toutefois qursquoil doive srsquoagir agrave cet eacutegard neacutecessairement drsquoune laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo telle que celle dont fait eacutetat la Commission dans le cadre de son argumentaire mentionneacute au point 287 ci-dessus

293 Pourtant lrsquoutilisation drsquoun tel rapport ne saurait ecirctre retenue que si les donneacutees y figurant sont pertinentes et fiables En particulier le moins que lrsquoon puisse demander agrave un tel rapport est que les donneacutees qui y sont contenues aient trait agrave des transactions comparables agrave la transaction controcircleacutee ainsi qursquoagrave des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentiteacute testeacutee de maniegravere agrave ce que la comparaison soit effectivement fiable

294 En lrsquoespegravece force est de constater que la marge retenue par la Commission sur la base du rapport FCPT correspond agrave la marge geacuteneacuteralement observeacutee selon les auteurs de ce rapport pour certains laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo Or LuxSCS nrsquoa pas fourni de tels services Les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels ne sauraient en effet ecirctre assimileacutees agrave une prestation de service intragroupe laquo agrave faible valeur ajouteacutee raquo Il srsquoensuit que si en principe lrsquoutilisation du rapport FCPT ne soulegraveve pas de difficulteacutes drsquoordre meacutethodologique il nrsquoen demeure pas moins que les informations contenues dans ce rapport nrsquoavaient aucun lien avec les fonctions de LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

295 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 257 agrave 292 ci-dessus il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendant agrave faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS ce qui aurait eu un impact sur sa conclusion relative au fait de choisir LuxSCS en tant que partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN La Commission a eacutegalement commis une erreur dans la deacutetermination de la marge nette approprieacutee applicable agrave la transaction controcircleacutee en lrsquoespegravece

3) Conclusion sur le constat principal

296 Agrave lrsquoaune de ces diffeacuterentes consideacuterations il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage Drsquoune part la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue en tant que partie agrave tester Drsquoautre part le calcul de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo opeacutereacute par la Commission sur la base de la preacutemisse selon laquelle LuxSCS devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester est entacheacute de nombreuses erreurs et ne saurait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant suffisamment fiable ni comme permettant drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Dans la mesure ougrave la meacutethode de calcul retenue par la Commission doit ecirctre eacutecarteacutee cette meacutethode ne saurait fonder le constat de la Commission selon lequel la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS aurait ducirc ecirctre infeacuterieure agrave celle effectivement perccedilue en application de la DFA en cause pendant la peacuteriode contesteacutee Les eacuteleacutements contenus dans le constat principal de lrsquoavantage ne permettent donc pas drsquoeacutetablir que la charge fiscale de LuxOpCo a eacuteteacute artificiellement diminueacutee du fait drsquoune sureacutevaluation de la redevance

297 Par conseacutequent les premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche et la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que les deuxiegraveme et quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage dans le cadre de son constat principal doivent ecirctre accueillis sans qursquoil soit neacutecessaire drsquoexaminer les autres moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal

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3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage

298 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le raisonnement subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo

299 Afin drsquoexaminer en deacutetail ces moyens il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoexposeacute aux points 65 agrave 68 ci-dessus dans le cadre de son raisonnement subsidiaire relatif agrave lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a opeacutereacute trois constats selon lesquels la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause repose sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes

300 Tout drsquoabord par son premier constat subsidiaire (consideacuterants 565 agrave 569 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause Agrave cet eacutegard il importe de rappeler que les parties srsquoaccordent sur le fait que la meacutethode appliqueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 correspondait en reacutealiteacute agrave la MTMN En revanche contrairement agrave ce qui ressort du rapport sur les prix de transfert de 2003 lui-mecircme les auteurs de ce rapport nrsquoont pas choisi ni effectivement appliqueacute la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Amazon a confirmeacute dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause consistait dans un premier temps agrave calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en application de la MTMN et dans un second temps agrave attribuer la totaliteacute des beacuteneacutefices reacutesiduels agrave LuxSCS afin de la reacutemuneacuterer pour les actifs incorporels Par ailleurs le fait que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 ont en reacutealiteacute utiliseacute la MTMN et non la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle a eacuteteacute mentionneacute par la Commission au consideacuterant 540 de la deacutecision attaqueacutee

301 Agrave lrsquoappui de son premier constat subsidiaire la Commission a exposeacute que agrave supposer que LuxSCS ait exerceacute effectivement des fonctions uniques et de valeur ce qursquoelle conteste les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises ne pouvaient ignorer que LuxOpCo exerccedilait eacutegalement des fonctions uniques et de valeur en lien avec la proprieacuteteacute intellectuelle et avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et non des fonctions de gestion courante En conseacutequence la Commission a consideacutereacute que la meacutethode de deacutetermination retenue dans la DFA en cause ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec une analyse des contributions eacutetait davantage approprieacutee Or selon la Commission si cette derniegravere meacutethode avait eacuteteacute utiliseacutee la reacutemuneacuteration et par conseacutequent le revenu imposable de LuxOpCo auraient eacuteteacute plus importants

302 Ensuite dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 570 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a consideacutereacute que le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute dans la DFA en cause eacutetait erroneacute Plus speacutecifiquement elle a consideacutereacute que agrave supposer mecircme que lrsquoanalyse fonctionnelle contenue dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fucirct correcte en acceptant une marge sur les charges drsquoexploitation et non sur les coucircts totaux la DFA en cause avait reacuteduit de maniegravere inapproprieacutee le revenu imposable de LuxOpCo lui confeacuterant ainsi un avantage eacuteconomique

303 Enfin dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 574 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a conclu que en tout eacutetat de cause lrsquoinclusion drsquoun plafond dans la meacutethode de prix aux fins de deacuteterminer la base imposable de LuxOpCo telle qursquoavaliseacutee dans la deacutecision attaqueacutee nrsquoeacutetait pas approprieacutee ni justifieacutee eacuteconomiquement Selon la Commission dans la mesure ougrave elle avait abouti agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo pour les exercices fiscaux 2006 2007 2011 2012 et 2013 lrsquoinclusion drsquoun tel plafond avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave cette socieacuteteacute

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304 Il importe de relever que chacun des constats subsidiaires figurant aux titres 9221 agrave 9223 de la deacutecision attaqueacutee est indeacutependant lrsquoun de lrsquoautre Chacun est donc susceptible drsquoeacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage La Commission a confirmeacute tant dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que lors de lrsquoaudience que chacun des constats subsidiaires corroborait de maniegravere indeacutependante et autonome la constatation de lrsquoexistence drsquoun avantage

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires

305 Au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacuteciseacute que lrsquoappreacuteciation agrave laquelle elle avait proceacutedeacute dans le cadre de la section 922 relatif aux constatations subsidiaires de lrsquoavantage ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence laquo preacutecise raquo pour LuxOpCo mais agrave deacutemontrer que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo en avalisant des choix meacutethodologiques erroneacutes qui conduisaient agrave une diminution de son revenu imposable

306 Agrave cet eacutegard en compleacutement de ce qui a eacuteteacute exposeacute aux points 123 agrave 126 ci-dessus il importe de clarifier au regard du contenu de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le niveau de preuve qui pegravese sur la Commission dans le cadre de lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat dans le contexte drsquoun rescrit fiscal tel que la DFA en cause

307 Tout drsquoabord au point 152 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale (premier facteur de comparaison) correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute (deuxiegraveme facteur de comparaison) elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation

308 Il en deacutecoule que pour deacutemontrer qursquoune deacutecision fiscale anticipeacutee utiliseacutee pour calculer la reacutemuneacuteration drsquoune entreprise confegravere un avantage eacuteconomique la Commission doit eacutetablir que cette reacutemuneacuteration srsquoeacutecarte drsquoun reacutesultat de pleine concurrence dans des proportions telles qursquoelle ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une reacutemuneacuteration qui aurait eacuteteacute perccedilue sur le marcheacute dans des conditions de concurrence

309 Ensuite aux points 201 et 211 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques nrsquoaboutissait pas neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore fallait-il que la Commission deacutemontracirct que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle avait identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable Le Tribunal a ainsi conclu que le seul constat drsquoerreurs dans le choix ou lrsquoapplication de la meacutethode de deacutetermination des prix de transfert ne suffisait pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE

310 Il importe de relever agrave cet eacutegard que srsquoil appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que lrsquoerreur meacutethodologique a abouti agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la deacutecision fiscale anticipeacutee le Tribunal nrsquoa pas exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

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311 Une telle lecture de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) ressort de lrsquoutilisation de lrsquoexpression laquo en principe raquo aux points 201 et 211 ainsi que du point 212 de cet arrecirct dans lequel il est preacuteciseacute que dans cette affaire la Commission nrsquoavait invoqueacute aucun eacuteleacutement permettant de conclure sans que soit opeacutereacutee une comparaison avec le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode preacuteconiseacutee par elle que le choix de la meacutethode avaliseacutee dans la deacutecision fiscale anticipeacutee en cause aboutissait neacutecessairement agrave un reacutesultat trop bas

312 Compte tenu de ce qui preacutecegravede et en lrsquoabsence de comparaison dans la deacutecision attaqueacutee entre drsquoune part le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission et drsquoautre part le reacutesultat obtenu en application de la DFA en cause lrsquoapproche de la Commission exposeacutee au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee au terme de laquelle celle-ci se borne agrave identifier des erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert est en principe insuffisante pour eacutetablir qursquoil y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

313 Neacuteanmoins il y a lieu de veacuterifier si en deacutepit de lrsquoaffirmation contenue au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee le raisonnement subsidiaire de la Commission relatif agrave lrsquoavantage contient des eacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir que les erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert identifieacutees par la Commission ont abouti agrave une veacuteritable diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

314 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le premier constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9221 de la deacutecision attaqueacutee) En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoaffirmation selon laquelle la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission agrave savoir la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee Ils font valoir que crsquoest agrave tort que la Commission a conclu que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur Le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que la Commission nrsquoa drsquoailleurs pas chercheacute agrave appliquer elle-mecircme la meacutethode du partage des beacuteneacutefices

315 La Commission conteste ces arguments

316 Selon la Commission la deacutecision attaqueacutee a agrave bon droit releveacute des choix meacutethodologiques inadeacutequats srsquoagissant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause Elle est drsquoavis que mecircme si LuxSCS eacutetait consideacutereacutee comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels cela serait eacutegalement le cas de LuxOpCo de sorte qursquoune deacutetermination des prix de transfert fondeacutee sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices repreacutesenterait une meacutethode de prix de transfert plus approprieacutee et aboutirait agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo supeacuterieure agrave celle confirmeacutee par la DFA en cause

317 En lrsquoespegravece il convient de constater que aux consideacuterants 565 agrave 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la thegravese selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels le fait que LuxOpCo assumait eacutegalement de telles fonctions aurait signifieacute que en lrsquoespegravece la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre preacutefeacutereacutee agrave la meacutethode MTMN

318 Agrave cet eacutegard il importe de preacuteciser deux choses diffeacuterentes

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319 Premiegraverement la Commission a indiqueacute au consideacuterant 565 de la deacutecision attaqueacutee que loin drsquoexeacutecuter au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des fonctions de gestion laquo courantes raquo LuxOpCo assumait toute une seacuterie de fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et exerccedilait les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

320 Dans ce contexte il convient de souligner eacutegalement que la Commission nrsquoa pas constateacute que certaines des fonctions de LuxOpCo telles qursquoidentifieacutees dans le cadre de sa propre analyse fonctionnelle auraient pu ecirctre qualifieacutees de courantes ou de routine ni que de telles fonctions auraient ducirc en deacutepit de ce caractegravere de routine faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire

321 Deuxiegravemement au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que lrsquoapplication de lrsquoanalyse des contributions en lrsquoespegravece aurait conduit agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour toutes ses fonctions ainsi que tous ses actifs et risques tels qursquoanalyseacutes agrave la section 9212 de la deacutecision attaqueacutee et donc agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure agrave celle valideacutee dans la DFA en cause Ce faisant la Commission a consideacutereacute que le fait drsquoavaliser la MTMN dans la DFA en cause aurait entraicircneacute une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport agrave des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait les prix neacutegocieacutes sur le marcheacute En particulier ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 566 de la deacutecision attaqueacutee selon la Commission il nrsquoeacutetait pas approprieacute drsquoavaliser une meacutethode de fixation des prix de transfert preacutevoyant lrsquoimputation agrave LuxSCS de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel reacutealiseacute par LuxOpCo exceacutedant [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation

322 Par ailleurs il ressort du point 45 des reacuteponses de la Commission aux questions eacutecrites du Tribunal que selon elle la reacutemuneacuteration de LuxOpCo eacutetait laquo neacutecessairement raquo plus eacuteleveacutee avec lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions car cette meacutethode aurait permis de reacutemuneacuterer les fonctions uniques et de valeur de LuxOpCo

323 Crsquoest sur la base des consideacuterations figurant aux points 316 agrave 322 ci-dessus qursquoil convient drsquoexaminer les griefs du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

324 Ainsi qursquoil ressort du point 314 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent trois griefs lesquels tendent agrave contester premiegraverement lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur deuxiegravemement le constat selon lequel la DFA en cause avait erroneacutement avaliseacute lrsquoutilisation de la MTMN et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions devait ecirctre utiliseacutee dans le cas drsquoespegravece et troisiegravemement la conclusion selon laquelle lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait laquo neacutecessairement raquo abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo

325 Avant toute chose il convient de relever que le premier constat subsidiaire renvoie expresseacutement aux sections 92121 et 92122 92123 et 9214 de la deacutecision attaqueacutee dans lesquelles la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxOpCo et repose directement sur les constats contenus dans ces sections

326 Les constatations opeacutereacutees dans les sections 92121 et 92122 92123 et 92124 de la deacutecision attaqueacutee ainsi que le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur font lrsquoobjet du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen renvoyant aux deuxiegraveme et troisiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

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327 Il y a lieu drsquoexaminer conjointement lrsquoensemble des arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission et le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur

328 Tout drsquoabord selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo nrsquoavait pas de fonctions significatives relatives agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels en Europe mais eacutetait seulement en charge de lrsquoexploitation de lrsquoentreprise En effet lrsquoessentiel du deacuteveloppement de la gestion et de lrsquoameacutelioration des actifs incorporels aurait eu lieu aux Eacutetats-Unis

329 Ensuite le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir en substance que les fonctions de LuxOpCo en lien avec lrsquoactiviteacute commerciale du groupe Amazon en Europe constituaient des contributions de routine et non des contributions uniques et de valeur dans la mesure ougrave elles reposaient largement sur les actifs incorporels mis agrave disposition par LuxSCS Les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe se seraient limiteacutees ainsi agrave des fonctions de gestion

330 Enfin srsquoagissant des actifs et des risques assumeacutes par LuxOpCo Amazon soutient que les risques lieacutes aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo eacutetaient geacutereacutes et atteacutenueacutes par la technologie

331 La Commission conteste ces arguments

332 Tout drsquoabord elle fait valoir en substance que crsquoest LuxOpCo qui avec le soutien des socieacuteteacutes affilieacutees europeacuteennes a exerceacute toutes les fonctions pertinentes uniques et de valeur relatives aux trois composantes des actifs incorporels agrave savoir la technologie les donneacutees clients et le marketing

333 Ensuite elle fait valoir que les fonctions laquo humaines raquo nrsquoauraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie ni dans la fixation des prix ni dans les relations du groupe Amazon avec les vendeurs et les clients ni dans la gestion des stocks ni dans les deacutecisions concernant les stocks La Commission soutient que le fait que LuxOpCo utilisait les actifs incorporels dans le cadre de lrsquoexercice de ces fonctions ne signifiait pas que ces derniegraveres ne pouvaient pas ecirctre consideacutereacutees comme uniques et de valeur

334 Enfin en ce qui concerne les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxOpCo drsquoune part la Commission relegraveve que le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa formuleacute aucune critique directe agrave lrsquoencontre des consideacuterants de la deacutecision attaqueacutee portant sur ces deux eacuteleacutements et drsquoautre part elle conteste lrsquoargument drsquoAmazon selon lequel la technologie a permis de geacuterer les risques de LuxOpCo sans neacutecessiter la moindre intervention humaine

335 Agrave titre liminaire il importe de souligner que lrsquoexamen de la question de savoir si LuxOpCo exerccedilait effectivement des laquo fonctions uniques et de valeur raquo ainsi que la Commission le soutient ou bien seulement des laquo fonctions de routine raquo ainsi que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le font valoir doit ecirctre opeacutereacute au regard des notions qui ont eacuteteacute abordeacutees au point 227 ci-dessus La notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo bien qursquoelle ne soit pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquooppose agrave la notion de laquo fonctions de routine raquo lesquelles sont des fonctions qui peuvent ecirctre facilement eacutevalueacutees Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 228 ci-dessus la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes

336 Par ailleurs il convient eacutegalement de relever dans la mesure ougrave la Commission a essentiellement fondeacute son analyse fonctionnelle de LuxOpCo sur les deacuteclarations des employeacutes de cette derniegravere issues du contentieux porteacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (ci-apregraves les laquo teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon raquo) que dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que ces teacutemoignages datent de 2014 et portent sur les

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activiteacutes du groupe Amazon entre 2005 et 2014 de sorte que les autoriteacutes luxembourgeoises ne pouvaient en aucun cas avoir connaissance de ces informations au moment de lrsquooctroi de la DFA en cause

337 Il importe de relever agrave cet eacutegard tout drsquoabord que cet argument du Grand-Ducheacute prend le contre-pied de la position qursquoil a retenue dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal En effet srsquoagissant de la possibiliteacute de prendre en compte lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis et le rapport sur les prix de transfert de 2017 celui-ci a affirmeacute que pour deacuteterminer si LuxOpCo avait beacuteneacuteficieacute drsquoun avantage il eacutetait neacutecessaire drsquoexaminer quel aurait eacuteteacute lrsquoimpocirct qursquoelle aurait ducirc supporter en lrsquoabsence de la DFA en cause ce qui implique neacutecessairement de prendre en compte des informations posteacuterieures agrave lrsquooctroi de la DFA en cause

338 Certes dans lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669 points 247 et 250) le Tribunal a consideacutereacute que lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoun avantage confeacutereacute par un accord preacutealable sur les prix faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee devrait ecirctre fait au regard du contexte de lrsquoeacutepoque au cours de laquelle celui-ci a eacuteteacute conclu Toutefois le Tribunal a fondeacute ce constat sur le fait que dans cette affaire la mesure contesteacutee par la Commission eacutetait uniquement lrsquoaccord preacutealable sur les prix

339 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater que la mesure des autoriteacutes luxembourgeoises faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee est non seulement la DFA en cause laquelle a eacuteteacute adopteacutee en 2003 puis prorogeacutee en 2004 et en 2010 mais eacutegalement lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle de LuxOpCo fondeacutee sur ladite deacutecision de sorte que les informations relatives agrave la situation effective de LuxOpCo pendant la peacuteriode concerneacutee eacutetaient neacutecessairement des informations disponibles pour les autoriteacutes fiscales lorsqursquoelles ont adopteacute les mesures faisant lrsquoobjet de la deacutecision fiscale anticipeacutee

340 Il srsquoensuit que dans les circonstances de lrsquoespegravece il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir fondeacute son analyse sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon Il convient donc de prendre en compte ces eacuteleacutements aux fins drsquoappreacutecier les griefs formuleacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

341 De maniegravere geacuteneacuterale les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo avait exerceacute des fonctions significatives laquo uniques et de valeur raquo en ce qui concerne les actifs incorporels Selon la Commission tel aurait eacuteteacute le cas parce que LuxOpCo aurait eacuteteacute responsable pour les adaptations de la technologie aux speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen pour le deacuteveloppement des donneacutees clients et pour des activiteacutes en lien avec les actifs de marketing

342 Dans le cadre de la section 92121 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait eacuteteacute chargeacutee drsquoexercer des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels Ces fonctions incluaient selon elle la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la proprieacuteteacute intellectuelle de maniegravere geacuteneacuterale mais eacutegalement au niveau de chacune des trois composantes des actifs incorporels agrave savoir de la technologie des donneacutees clients et de la marque deacuteposeacutee au moyen drsquoinnovations technologiques et commerciales europeacuteennes indeacutependantes de la creacuteation et de la gestion des donneacutees clients ainsi que du deacuteveloppement et du maintien de la marque deacuteposeacutee Ainsi en substance selon la Commission LuxOpCo ne srsquoest pas contenteacutee drsquoexploiter la technologie pour geacuterer les sites europeacuteens mais aurait activement contribueacute agrave sa mise au point agrave son ameacutelioration et agrave sa gestion au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 449 450 et 465 de la deacutecision attaqueacutee)

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343 Premiegraverement la Commission a releveacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoune licence exclusive et irreacutevocable sur les actifs incorporels et ainsi du droit de continuer de mettre au point ameacuteliorer entretenir et proteacuteger ces actifs incorporels bien que LuxSCS restacirct proprieacutetaire des travaux deacuteriveacutes creacuteeacutes par LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

344 Deuxiegravemement la Commission a constateacute que de maniegravere geacuteneacuterale LuxOpCo aurait contribueacute agrave la mise au point agrave lrsquoentretien et agrave la gestion des actifs incorporels agrave travers le laquo EU IP Steering Committee raquo (comiteacute drsquoorganisation concernant la proprieacuteteacute intellectuelle dans lrsquoUnion) (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) Selon la Commission le EU IP Steering Committee eacutetait un forum au sein duquel les dirigeants de LuxOpCo et drsquoASE chargeacutes des activiteacutes commerciales et de la technologie se rencontraient pour discuter et recommander des actions concernant les actifs incorporels en Europe telles qursquoelles leur eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon Les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

345 Troisiegravemement la Commission a exposeacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de la technologie (consideacuterants 466 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute que certes la technologie mise agrave disposition de LuxOpCo par LuxSCS aurait eacuteteacute la laquo technologie existante drsquoAmazon US raquo telle que laquo deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis raquo (consideacuterants 456 et 461 de la deacutecision attaqueacutee) Toutefois selon elle plusieurs fonctions des logiciels drsquoAmazon utiliseacutes aux Eacutetats-Unis auraient ducirc ecirctre adapteacutees pour ecirctre deacuteployeacutees en Europe En particulier la Commission a exposeacute que pour mener agrave bien les activiteacutes commerciales europeacuteennes du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait mis au point ameacutelioreacute et geacutereacute cette technologie ameacutericaine avec le soutien de ses filiales pendant la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 456 agrave 460 de la deacutecision attaqueacutee) En outre LuxOpCo et ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient speacutecialement deacuteveloppeacute une technologie importante utiliseacutee pour les activiteacutes de vente au deacutetail et de services europeacuteennes Un exemple de ce type de technologie aurait eacuteteacute le laquo European Fulfilment Network raquo (reacuteseau de distribution europeacuteenne EFN) technologie qui avait permis de mutualiser les stocks du groupe Amazon situeacutes dans divers Eacutetats membres et drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens si bien que gracircce agrave cet outil les clients de tout pays de lrsquoUnion eacutetaient en mesure drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet national du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 462 et 463 de la deacutecision attaqueacutee)

346 Quatriegravemement en ce qui concerne les donneacutees clients la Commission a constateacute que mecircme si les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens eacutetaient la proprieacuteteacute leacutegale de LuxSCS LuxOpCo avait exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ces donneacutees au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute agrave cet eacutegard que LuxOpCo avait activement accumuleacute ces donneacutees agrave titre de service pour LuxSCS et devait en assurer lrsquoentretien et garantir le respect des lois applicables en matiegravere de protection des donneacutees

347 Cinquiegravemement en ce qui concerne la laquo marque deacuteposeacutee raquo (consideacuterants 469 agrave 470) agrave savoir les marques drsquoAmazon dans la mesure ougrave elles ont eacuteteacute deacuteposeacutees dans lrsquoUnion la Commission a releveacute que bien que cette marque fucirct bien reconnue et qursquoune forte identification drsquoune marque au niveau mondial fucirct un atout majeur pour attirer des clients la valeur de cette marque commerciale aurait eacuteteacute drsquoune importance secondaire pour la bonne mise en œuvre en Europe des trois piliers des activiteacutes du groupe Amazon agrave savoir lrsquoassortiment le prix et la faciliteacute drsquoutilisation (ci-apregraves les laquo trois piliers raquo) Compte tenu du fait que la marque et la reacuteputation du groupe Amazon se seraient appuyeacutees fortement sur la prestation constante par LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes drsquoun service hautement satisfaisant aux clients il conviendrait de conclure selon la Commission que en reacutealiteacute la valeur de la marque Amazon en Europe aurait eacuteteacute geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees

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europeacuteennes et non au niveau de LuxSCS (consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee) En outre les activiteacutes de marketing auraient eacuteteacute assureacutees par LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes sur la base drsquoun savoir-faire local (consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee)

348 Dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent chacun des cinq points de lrsquoanalyse de la Commission il convient drsquoexaminer seacutepareacutement les arguments relatifs agrave chacune de ces questions

349 Avant de proceacuteder agrave un tel examen il y a lieu de relever agrave titre liminaire que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas que LuxOpCo ait exerceacute certaines fonctions en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment la technologie mais contestent uniquement que LuxOpCo ait pris une part importante dans le deacuteveloppement des actifs incorporels et ainsi qursquoelle exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec ces actifs

350 En effet dans leurs eacutecritures le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon concegravedent que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement qursquoils deacutesignent comme eacutetant laquo minimales raquo ou encore qursquoelle a joueacute un rocircle qui serait toutefois laquo secondaire raquo dans la creacuteation de la valeur des actifs incorporels

351 Il en deacutecoule donc que mecircme selon les dires du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon LuxOpCo a bel et bien exerceacute des fonctions ne serait-ce que de nature secondaire en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

352 Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 343 ci-dessus aux fins de deacutemontrer lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels la Commission a insisteacute au consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee sur le fait que LuxOpCo avait laquo un droit de continuer agrave mettre au point agrave ameacuteliorer agrave entretenir [hellip] les actifs incorporels pour toute leur dureacutee drsquoutiliteacute raquo Dans ce contexte la Commission a affirmeacute au point 100 du meacutemoire en deacutefense preacutesenteacute dans lrsquoaffaire T-81617 que LuxOpCo avait un laquo droit exclusif de poursuivre la mise au point [drsquo]ameacuteliorer [et drsquo] entretenir les actifs incorporels raquo drsquoAmazon

353 Certes le terme laquo exclusive raquo a eacuteteacute utiliseacute au point 21 de lrsquoaccord de licence pour deacutecrire la licence conceacutedeacutee agrave LuxOpCo laquelle ne couvrait en tout eacutetat de cause que le territoire europeacuteen Ce point 21 sous a) se lit comme suit

laquo Concession de licence de proprieacuteteacute intellectuelle exclusive raquo

[LuxSCS] accorde irreacutevocablement agrave [LuxOpCo] en vertu de tous les droits de proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] sur ou comprenant la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] qursquoils existent actuellement ou agrave lrsquoavenir le droit unique et exclusif et la licence suivants sur la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] pendant la dureacutee [de lrsquoaccord de licence] [] raquo

354 Toutefois au vu des arrangements contractuels existant entre LuxSCS et les entiteacutes ameacutericaines il convient de constater que dans les faits LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute agrave deacutetenir le droit drsquoameacuteliorer et de mettre au point ces actifs incorporels

355 En effet les droits dont LuxOpCo beacuteneacuteficiait au regard du deacuteveloppement des actifs incorporels en vertu de lrsquoaccord de licence eacutetaient neacutecessairement non exclusifs dans la mesure ougrave les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper drsquoameacuteliorer et drsquoexploiter la technologie Le fait que les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer la technologie nrsquoest drsquoailleurs pas contesteacute par la Commission

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356 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que les droits que LuxOpCo avait obtenus en vertu de lrsquoaccord de licence nrsquoeacutetaient pas limiteacutes aux actifs incorporels existant au moment ougrave cet accord a eacuteteacute conclu mais couvraient eacutegalement tous les actifs incorporels futurs creacuteeacutes agrave la suite des efforts constants de deacuteveloppement drsquoentretien et drsquoameacutelioration reacutealiseacutes sous la direction des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Cela deacutemontre bien que LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute habiliteacutee agrave deacutevelopper et ameacuteliorer les actifs incorporels couverts par lrsquoaccord de licence

357 La Commission admet drsquoailleurs que les actifs tels que transfeacutereacutes agrave LuxSCS le 1er janvier 2005 au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee ont fait lrsquoobjet drsquoun laquo remplacement progressif raquo par des actifs incorporels deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes ulteacuterieurement au titre de lrsquoARC au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Elle reconnaicirct eacutegalement que la technologie deacutetenue par LuxSCS et donneacutee en licence agrave LuxOpCo eacutetait mise au point par les entiteacutes ameacutericaines en particulier ATI et A 9

358 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoun droit exclusif de poursuivre la mise au point des actifs incorporels Ce constat ne suffit neacuteanmoins pas agrave invalider le raisonnement de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions significatives voire des fonctions uniques et de valeur en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels En effet le fait pour LuxOpCo de ne pas avoir un droit exclusif drsquoutilisation sur les actifs incorporels ne joue ni en faveur ni en deacutefaveur de lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxOpCo aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur par rapport au deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

359 En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent que le EU IP Steering Committee ait eu le rocircle que la Commission lui a attribueacute (point 344 ci-dessus) Selon eux ce comiteacute nrsquoa pas pris de deacutecisions quant au deacuteveloppement ou agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels De plus non seulement la majoriteacute des participants audit comiteacute aurait releveacute du personnel ameacutericain mais dans les faits les deacutecisions du EU IP Steering Committee auraient eacuteteacute prises par des employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle

360 La Commission conteste ces arguments

361 Aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute que le EU IP Steering Committee a eacuteteacute creacuteeacute aux fins de fournir des orientations techniques et commerciales concernant la mise au point et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe La Commission a releveacute qursquoil ressortirait du laquo EU Policies and Procedures Manual raquo (manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion) drsquoune part que ce comiteacute se reacuteunissait notamment pour examiner le portefeuille de proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon ainsi que la strateacutegie commerciale de lrsquoentreprise dans la mesure ougrave elle avait trait agrave la mise au point et au deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle Drsquoautre part ce comiteacute aurait eacuteteacute composeacute notamment du vice-preacutesident des services pour lrsquoUnion du directeur juridique pour lrsquoUnion (employeacute par LuxOpCo) du conseiller du groupe Amazon en proprieacuteteacute intellectuelle et du vice-preacutesident chargeacute des activiteacutes europeacuteennes

362 Ensuite la Commission a indiqueacute que le fait qursquoil ne srsquoagissait que drsquoun organe consultatif ainsi qursquoAmazon lrsquoaurait expliqueacute lors de la proceacutedure administrative ne signifiait pas que ses recommandations nrsquoavaient pas drsquoincidence sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels Elle a releveacute que dans les faits le EU IP Steering Committee se reacuteunissait pour premiegraverement formuler des recommandations sur les demandes visant agrave proteacuteger les actifs incorporels (et ce faisant les droits exclusifs de LuxOpCo deacutecoulant de lrsquoaccord de licence conclu entre LuxSCS et LuxOpCo) deuxiegravemement examiner lrsquoeacutetat drsquoavancement des proceacutedures judiciaires en Europe

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concernant les actifs incorporels et troisiegravemement dispenser des formations aux salarieacutes europeacuteens en ce qui concerne lrsquoutilisation de la technologie et drsquoautres actifs incorporels (consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee)

363 Enfin en se fondant sur le teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis la Commission a conclu que le EU IP Steering Committee eacutetait un forum dans lequel les dirigeants de LuxOpCo se rencontraient pour discuter des actions concernant les actifs incorporels telles qursquoelles eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon et que les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 455 de la deacutecision attaqueacutee)

364 Force est de constater agrave la lecture des consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission est resteacutee en deacutefaut drsquoeacutetablir dans la deacutecision attaqueacutee que le EU IP Steering Committee prenait des deacutecisions significatives portant sur le deacuteveloppement ou lrsquoameacutelioration des actifs incorporels

365 Tout drsquoabord la Commission admet aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee que le rocircle du EU IP Steering Committee eacutetait limiteacute dans la mesure ougrave il se bornait agrave fournir des laquo orientations techniques et commerciales raquo et une laquo aide raquo agrave la prise de deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle deacutetenue par LuxSCS ou agrave la conclusion de plusieurs accords de licence avec des tiers

366 Il ressort drsquoailleurs du manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion du groupe Amazon que le EU IP Steering Committee ne disposait pas de pouvoirs de deacutecision en tant que tels mais constituait uniquement un organe destineacute agrave assister le deacuteveloppement et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe Cela est drsquoailleurs implicitement admis par la Commission au consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee lorsqursquoelle eacutevoque lrsquolaquo incidence raquo que les laquo recommandations raquo de ce comiteacute avaient sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels

367 Ensuite il ressort du consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee (voir point 362 ci-dessus) ainsi que du teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis auquel il est fait reacutefeacuterence au consideacuterant 455 de ladite deacutecision que dans la pratique le EU IP Steering Committee se limitait agrave examiner les questions lieacutees agrave la protection et au maintien des droits sur les actifs incorporels et que la question du deacuteveloppement ou des ameacuteliorations des actifs incorporels en tant que telle nrsquoy eacutetait pas discuteacutee

368 Enfin pour autant que le EU IP Steering Committee puisse avoir eacuteteacute un forum de discussion sur les ameacuteliorations et le deacuteveloppement des actifs incorporels force est de constater que les deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas adopteacutees par ce comiteacute mais en principe par les employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle Cette affirmation faite par le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas eacuteteacute contesteacutee par la Commission

369 Par ailleurs srsquoagissant de la composition dudit comiteacute contrairement agrave ce que la Commission fait valoir dans ses eacutecritures des employeacutes exerccedilant des fonctions de direction au sein des entiteacutes ameacutericaines et notamment le vice-preacutesident en charge de la proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon US assistaient au EU IP Steering Committee et en dirigeaient mecircme les reacuteunions

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370 Il deacutecoule de ce qui preacutecegravede que les constatations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne permettent pas de soutenir sa conclusion au point 455 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle les deacutecisions relatives agrave la mise au point et agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels eacutetaient adopteacutees par le personnel de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe

371 Tout au plus la Commission est parvenue agrave deacutemontrer que LuxOpCo exerccedilait des fonctions en lien avec la gestion et la protection des actifs incorporels et que les employeacutes de LuxOpCo deacutecidaient des mesures approprieacutees telles que par exemple le deacutepocirct drsquoun brevet sur la base des recommandations discuteacutees dans le cadre du EU IP Steering Committee

372 Il ressort de ce qui preacutecegravede que les alleacutegations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne suffisent pas agrave eacutetablir que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement des actifs incorporels qui pourraient ecirctre qualifieacutees drsquolaquo uniques et de valeur raquo

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie

373 Au consideacuterant 449 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a releveacute que les fonctions de LuxOpCo incluaient la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie

374 Au soutien de cette affirmation elle a tout drsquoabord indiqueacute au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee en substance que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis nrsquoavait pas pu ecirctre exploiteacutee telle quelle en Europe et que des adaptations avaient eacuteteacute neacutecessaires afin de reacutepondre aux besoins speacutecifiques europeacuteens Elle a exposeacute que le deacuteveloppement des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe exigeait une technologie speacutecifique (logiciels diffeacuterents adaptations locales)

375 Ensuite la Commission a souligneacute que LuxOpCo avait les ressources technologiques neacutecessaires pour mener des activiteacutes de recherche et deacuteveloppement Elle a notamment releveacute qursquoune soixantaine de personnes auraient exerceacute des tacircches agrave caractegravere technologique une eacutequipe de laquo localisation raquo et de traduction exerccedilait des fonctions drsquoadaptation des sites Internet europeacuteens aux preacutefeacuterences locales une dizaine de personnes suppleacutementaires auraient eacuteteacute employeacutees comme laquo Technical Program Manager raquo (gestionnaire de programme technique) dont le rocircle eacutetait de convertir dans des termes techniques les besoins en technologie identifieacutes par les eacutequipes locales chargeacutees de la vente au deacutetail Selon la Commission ce serait ce processus qui aurait permis que la technologie soit sans cesse deacuteveloppeacutee et adapteacutee en fonction du marcheacute local

376 Agrave cet eacutegard la Commission a certes reconnu au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les ressources techniques eacutetablies au sein de LuxOpCo eacutetaient limiteacutees Elle a toutefois souligneacute que en reacutealiteacute la valeur unique de la technologie aurait reacutesulteacute du savoir-faire local de la deacutefinition de nouveaux besoins de lrsquoentreprise et de leur traduction dans le projet de logiciel et non du codage en tant que tel

377 Enfin la Commission a indiqueacute que LuxOpCo a eacutegalement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de catalogues de technologie de traduction et drsquoadaptations locales Ces tacircches auraient eacuteteacute effectueacutees par drsquoanciennes eacutequipes des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes ou par de nouveaux recrutements En outre elle a releveacute que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes avaient eacutegalement joueacute un rocircle important dans le deacuteveloppement de nouvelles technologies speacutecifiques aux marcheacutes nationaux europeacuteens

378 La Commission a ajouteacute que en particulier LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN Cette technologie aurait reacutepondu agrave un besoin speacutecifique des activiteacutes europeacuteennes en permettant aux clients europeacuteens drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet europeacuteen du groupe Amazon

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379 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxOpCo nrsquoa exerceacute aucune fonction importante de deacuteveloppement drsquoameacutelioration ou drsquoentretien se rapportant aux actifs incorporels lieacutes agrave la technologie Ils reacutefutent notamment les affirmations de la Commission selon lesquelles LuxOpCo aurait joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN et font valoir que cette technologie bien que speacutecifique agrave lrsquoEurope aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et que LuxOpCo nrsquoaurait participeacute ni agrave sa conception ni agrave sa creacuteation

380 La Commission conteste ces arguments et maintient sa position exprimeacutee aux consideacuterants 456 agrave 465 de la deacutecision attaqueacutee telle qursquoexposeacutee aux points 373 agrave 378 ci-dessus

381 Agrave titre liminaire il importe de constater que contrairement agrave ce que suggegraverent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo eacutetait le principal deacuteveloppeur de la technologie que ce soit agrave lrsquoeacutechelle mondiale ou au seul niveau europeacuteen mais ainsi qursquoexposeacute aux consideacuterants 449 et 465 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo a activement contribueacute agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas non plus que la technologie a eacuteteacute deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis

382 Agrave cet eacutegard il est vrai que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les outils technologiques eacutetaient principalement deacuteveloppeacutes par les entiteacutes ameacutericaines et mis agrave disposition des activiteacutes europeacuteennes dans leur forme deacutefinitive Le logiciel utiliseacute par les diffeacuterents sites europeacuteens eacutetait drsquoailleurs commun

383 Drsquoune part il ressort du dossier que lrsquoessentiel des deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels et agrave la priorisation des projets agrave deacutevelopper y compris de la technologie speacutecifique agrave lrsquoEurope eacutetait deacutecideacute aux Eacutetats-Unis

384 Drsquoautre part il est constant que le nombre le plus important de techniciens et drsquoingeacutenieurs contribuant au deacuteveloppement de la technologie se situait aux Eacutetats-Unis Pas moins de [confidentiel] salarieacutes du groupe Amazon contribuaient au deacuteveloppement des actifs incorporels dont plus de [confidentiel] salarieacutes eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis pour des emplois lieacutes agrave la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas ces donneacutees En outre il ressort des piegraveces du dossier et notamment des diffeacuterents teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que les services centraux et des techniciens ameacutericains ont eacuteteacute en charge du deacuteveloppement des outils speacutecifiques au marcheacute europeacuteen

385 Ensuite en ce qui concerne la contribution de LuxOpCo en rapport avec le deacuteveloppement de la technologie il convient de relever les eacuteleacutements suivants

386 En premier lieu la Commission a correctement eacutetabli que des adaptations eacutetaient parfois neacutecessaires afin de mettre en œuvre la technologie en Europe

387 En effet bien que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le modegravele drsquoactiviteacute et la technologie sous-jacente soient les mecircmes aux Eacutetats-Unis qursquoen Europe il ressort des diffeacuterents teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon fournis par les parties et notamment du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que en raison des speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen par rapport au marcheacute ameacutericain la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis ne pouvait pas toujours ecirctre utiliseacutee telle quelle sur les sites Internet europeacuteens Ainsi outre lrsquoEFN technologie speacutecialement deacuteveloppeacutee pour les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon des adaptations ou laquo localisations raquo eacutetaient neacutecessaires Il ressort des piegraveces du dossier que ces adaptations incluaient notamment des efforts de traduction [confidentiel]

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388 En deuxiegraveme lieu il ressort des teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que bien qursquoune grande partie des adaptations de la technologie au marcheacute europeacuteen ait eacuteteacute effectueacutee aux Eacutetats-Unis notamment lorsqursquoil srsquoagissait du travail sur les logiciels LuxOpCo avait dans une certaine mesure contribueacute agrave ces adaptations

389 En effet ainsi que le confirme drsquoailleurs Amazon dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 agrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee tout au plus une soixantaine de personnes occupaient des postes lieacutes agrave la technologie au Luxembourg

390 Agrave cet eacutegard il ressort des piegraveces du dossier et notamment des teacutemoignages du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis et de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que au plus tard agrave partir de lrsquoanneacutee qui a suivi la restructuration de 2006 LuxOpCo a commenceacute agrave beacuteneacuteficier de ses propres techniciens Plus preacuteciseacutement LuxOpCo a employeacute au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des deacuteveloppeurs de logiciel (software developers) qui ont contribueacute au deacuteveloppement de programmes speacutecifiques pour les activiteacutes europeacuteennes et ont travailleacute sur les ajustements locaux

391 De mecircme il ressort du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que [confidentiel]

392 Dans ce contexte srsquoagissant de lrsquoeacutequipe de localisation et de traduction identifieacutee par la Commission au consideacuterant 459 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater qursquoil ressort des eacuteleacutements du dossier que cette eacutequipe eacutetait chargeacutee de lrsquoadaptation des sites Internet europeacuteens notamment de la traduction et qursquoelle avait contribueacute au deacuteveloppement de logiciels En effet il ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon [confidentiel] Toutefois mecircme si ces activiteacutes et cette derniegravere technologie avaient joueacute un rocircle important pour les activiteacutes commerciales de LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins qursquoelles occupaient une place mineure par rapport au reste de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

393 Ensuite srsquoagissant des activiteacutes de deacuteveloppement du catalogue identifieacutees par la Commission au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater que ainsi que le font valoir Amazon et le Grand-Ducheacute de Luxembourg lesdites activiteacutes ne comprenaient pas la conception des logiciels sous-tendant le catalogue celle-ci eacutetant effectueacutee aux Eacutetats-Unis Les activiteacutes lieacutees au catalogue deacuteveloppeacutees au Luxembourg [confidentiel] Le travail local sur le deacuteveloppement du catalogue [confidentiel]

394 Il ressort du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi si des opeacuterations sur les logiciels en lien avec le catalogue avaient pu ecirctre reacutealiseacutees par LuxOpCo ces opeacuterations restaient tregraves limiteacutees par rapport aux deacuteveloppements reacutealiseacutes par les services centraux du groupe Amazon

395 Il ressort de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a contribueacute au deacuteveloppement de la technologie en proceacutedant agrave certaines adaptations principalement lieacutees agrave la traduction et uniquement dans une moindre mesure au deacuteveloppement de certains logiciels et fonctionnaliteacutes En outre lrsquoessentiel du travail drsquoadaptation de la technologie aux activiteacutes europeacuteennes eacutetait largement deacutependant des services centraux du groupe Amazon Il srsquoensuit que les contributions de LuxOpCo au deacuteveloppement de la technologie nrsquoont pu jouer qursquoun rocircle mineur dans la creacuteation de la valeur de cette technologie Il en deacutecoule que si la Commission a correctement affirmeacute au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux il eacutetait erroneacute de donner une telle importance aux contributions de LuxOpCo auxdites adaptations et drsquoen tirer la conclusion que ces contributions eacutetaient uniques et de valeur

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396 En troisiegraveme lieu ainsi que la Commission lrsquoa releveacute aux consideacuterants 460 agrave 461 de la deacutecision attaqueacutee outre les adaptations effectueacutees localement par les eacutequipes luxembourgeoises LuxOpCo contribuait eacutegalement au deacuteveloppement de la technologie du fait de son implication dans le processus drsquoidentification des nouveaux besoins technologiques de lrsquoentreprise et de leur traduction dans des projets de logiciel

397 Agrave cet eacutegard LuxOpCo disposait de gestionnaires de programmes (technical program managers) dont la fonction eacutetait de traduire en termes techniques les besoins commerciaux afin qursquoun ingeacutenieur (software developer) puisse les coder (voir consideacuterant 460 de la deacutecision attaqueacutee) Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ne conteste drsquoailleurs pas que les speacutecifications fonctionnelles et techniques des outils et des adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux

398 Certes ainsi que la Commission lrsquoa souligneacute en substance au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee la deacutefinition des besoins commerciaux et la formulation de speacutecifications jouaient un rocircle important dans le deacuteveloppement de la technologie En effet il ressort des piegraveces du dossier que la valeur de la technologie du groupe Amazon repose sur la capaciteacute de cette technologie agrave servir les trois piliers du groupe Amazon agrave savoir les prix bas lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation (voir point 347 ci-dessus) et ainsi agrave reacutepondre aux besoins des clients Ainsi la valeur de la technologie drsquoAmazon reacuteside eacutegalement dans une certaine mesure dans lrsquoadaptation aux besoins locaux et notamment dans la capaciteacute des eacutequipes locales agrave formuler les speacutecifications pour obtenir les adaptations de la technologie aux besoins des consommateurs

399 Toutefois il importe de relever que ainsi que le soutient Amazon seule une douzaine de gestionnaires de programmes eacutetaient employeacutes au Luxembourg contre [confidentiel] aux Eacutetats-Unis et [confidentiel] de ces personnes employeacutees au Luxembourg ne lrsquoont eacuteteacute qursquoagrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee ([confidentiel])

400 De plus si LuxOpCo a identifieacute les besoins technologiques de lrsquoentreprise et les speacutecifications relatives agrave ces besoins la conception et la creacuteation de la technologie ont quant agrave elles eacuteteacute deacuteveloppeacutees aux Eacutetats-Unis Dans ce contexte contrairement agrave ce que la Commission semble suggeacuterer au point 103 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 les activiteacutes des entiteacutes ameacutericaines ne se limitaient pas agrave de simples activiteacutes de codage mais agrave de veacuteritables activiteacutes de deacuteveloppement

401 Enfin ainsi que le soutient Amazon lrsquoeacutecrasante majoriteacute des deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la technologie notamment en ce qui concerne lrsquoEurope eacutetaient prises par les entiteacutes ameacutericaines et non par LuxOpCo

402 Il en deacutecoule que la reacutealisation de ces deacuteveloppements et ameacuteliorations de la technologie aux fins drsquoameacuteliorer lrsquoexpeacuterience des clients reposait principalement sur le modegravele deacuteveloppeacute aux Eacutetats-Unis qui est le mecircme en Europe et aux Eacutetats-Unis et uniquement dans une moindre mesure sur les speacutecifications techniques qui pouvaient ecirctre formuleacutees par les eacutequipes locales

403 Il ressort de ce qui preacutecegravede que si la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques agrave lrsquoeacutechelle de la technologie faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence lesdites contributions restaient limiteacutees En outre dans la mesure ougrave avant 2006 ces fonctions eacutetaient deacutejagrave exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees il y a lieu de constater agrave lrsquoinstar de ce que fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg au point 109 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 que celles-ci ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques mais qursquoil srsquoagit de fonctions courantes

404 En quatriegraveme lieu la Commission a consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN la seule technologie proprement speacutecifique aux activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

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405 Ainsi que la Commission lrsquoa exposeacute au consideacuterant 463 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoEFN est une combinaison drsquoavanceacutees technologiques telles que lrsquointroduction de nouvelles fonctionnaliteacutes et drsquooptimisations logistiques

406 Il nrsquoest pas contesteacute que lrsquoEFN a joueacute un rocircle essentiel pour les activiteacutes commerciales de vente au deacutetail et de services europeacuteens Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee et qursquoAmazon lrsquoa elle-mecircme affirmeacute dans son meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) la creacuteation de lrsquoEFN visait agrave reacutesoudre le problegraveme que posait lrsquoexistence de sites Internet multiples associeacutes agrave des centres de traitement des commandes nationaux Cette technologie a permis drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens et la mutualisation des stocks donnant ainsi la possibiliteacute aux clients de toute lrsquoUnion drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet drsquoAmazon en Europe

407 Il ressort drsquoailleurs des teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon ainsi que du meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) par Amazon que lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteterminant afin de pouvoir lancer les activiteacutes dans deux nouveaux pays europeacuteens agrave savoir lrsquoEspagne et lrsquoItalie

408 Or il ressort du dossier que la Commission eacutetait effectivement en droit de consideacuterer que LuxOpCo eacutetait impliqueacutee dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN (voir point 404 ci-dessus)

409 En effet dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) Amazon a elle-mecircme [confidentiel] Selon les termes de ce meacutemoire laquo AEHT raquo (crsquoest-agrave-dire Amazon Europe Holding Technology terme qui correspond agrave la deacutesignation officielle de LuxSCS) [confidentiel] Il convient de souligner agrave cet eacutegard qursquoaucune diffeacuterence nrsquoa eacuteteacute opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que dans cette proceacutedure le terme laquo AEHT raquo a eacuteteacute utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS Or srsquoagissant de la participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN il est clair qursquoAmazon faisait reacutefeacuterence agrave LuxOpCo et non agrave LuxSCS

410 Ce constat est drsquoailleurs corroboreacute par les teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et notamment de celui du vice-preacutesident directeur des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis lequel confirme que agrave lrsquoeacutepoque le chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo avait activement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la conceptualisation de lrsquoEFN

411 Neacuteanmoins il doit ecirctre preacuteciseacute qursquoil serait erroneacute de consideacuterer que LuxOpCo a pris en charge lrsquoensemble du processus de deacuteveloppement de lrsquoEFN

412 Drsquoune part il ressort du dossier que le siegravege ameacutericain a joueacute un rocircle deacutecisionnaire dans le lancement du projet de lrsquoEFN

413 Drsquoautre part ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et ainsi qursquoil ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et de lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis le deacuteveloppement de lrsquoEFN a eacuteteacute reacutealiseacute avec le soutien des entiteacutes ameacutericaines Plus particuliegraverement le travail en lien avec le deacuteveloppement des logiciels sous-tendant lrsquoEFN aurait eacuteteacute opeacutereacute par les techniciens des eacutequipes centrales et notamment sur la base des speacutecifications formuleacutees par les eacutequipes de LuxOpCo En outre la Commission ne conteste pas que drsquoun point de vue opeacuterationnel les deacutefinitions et les exigences de lrsquoentrepocirct sur lesquelles reposaient cet outil auraient eacutegalement eacuteteacute eacutetablies aux Eacutetats-Unis

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414 Bien que au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee la Commission expose que laquo lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteveloppeacute en Europe raquo sans autres preacutecisions la contribution des entiteacutes ameacutericaines nrsquoa toutefois pas eacuteteacute totalement ignoreacutee par la Commission Elle cite notamment agrave la note en bas de page no 481 de la deacutecision attaqueacutee un des teacutemoignages selon lequel la technologie aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee en Europe avec lrsquoaide des eacutequipes technologiques centrales

415 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que bien que lrsquoEFN ait reposeacute en grande partie sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis LuxOpCo a eacutegalement activement contribueacute au deacuteveloppement de cette technologie Or au regard de lrsquoimportance de cette technologie pour lrsquoexpansion des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon la Commission nrsquoa pas commis drsquoerreur en analysant ces contributions comme eacutetant uniques et de valeur Mecircme si LuxSCS eacutetait in fine le proprieacutetaire de cette technologie il nrsquoen reste pas moins que le deacuteveloppement de celle-ci a eacuteteacute eacutegalement le fruit des efforts de LuxOpCo

416 Il ressort donc des constatations opeacutereacutees aux points 386 agrave 415 ci-dessus que outre lrsquoEFN au deacuteveloppement duquel LuxOpCo a activement participeacute les adaptations les plus importantes de la technologie eacutetaient effectueacutees aux Eacutetats-Unis en dialogue avec les eacutequipes europeacuteennes qui formulaient leurs besoins et que en sus certaines adaptations mineures pouvaient ecirctre effectueacutees directement par les eacutequipes locales

417 Il deacutecoule de lrsquoensemble des consideacuterations qui preacutecegravedent que si la Commission a correctement consideacutereacute que du fait de sa participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN LuxOpCo a exerceacute des fonctions uniques et de valeur en lien avec la technologie pour le reste elle a exageacutereacute lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement de la technologie En effet outre le deacuteveloppement de lrsquoEFN les fonctions de LuxOpCo se limitaient principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques Degraves lors la conclusion opeacutereacutee au consideacuterant 465 de la deacutecision attaqueacutee et notamment lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo a proceacutedeacute agrave des ameacuteliorations importantes de la technologie ne peut donc ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute

418 Dans la mesure ougrave ce constat repose sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire drsquoexaminer en deacutetail les arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission aurait fait une utilisation erroneacutee des teacutemoignages notamment pour dire que la technologie eacutetait deacuteveloppeacutee en Europe (en particulier lrsquoEFN) alors qursquoelle lrsquoeacutetait aux Eacutetats-Unis En effet quand bien mecircme lrsquoanalyse de la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute les erreurs commises par la Commission ne sont pas de nature agrave remettre en cause le constat selon lequel LuxOpCo a effectivement contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment de lrsquoEFN

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)

419 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le bien-fondeacute du constat de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des donneacutees clients En substance ils font valoir que les donneacutees clients eacutetaient collecteacutees de maniegravere automatique agrave lrsquoaide de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et sans intervention des employeacutes de LuxOpCo

420 La Commission reacutefute ces arguments

421 Agrave titre liminaire il y a lieu de relever que les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo a activement contribueacute au deacuteveloppement de la base de donneacutees regroupant les informations sur les clients telles que par exemple les historiques de ventes Il srsquoagit donc de deacuteterminer si lrsquoaccumulation des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee ainsi que leur protection est attribuable agrave LuxOpCo

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422 Premiegraverement il importe de relever que ainsi que la Commission lrsquoa illustreacute dans le tableau 19 de la deacutecision attaqueacutee pendant la peacuteriode consideacutereacutee le deacutecompte de clients uniques par anneacutee a largement augmenteacute en passant de 17 millions de clients en 2006 agrave plus de 60 millions en 2014

423 Deuxiegravemement agrave lrsquoinstar de la Commission il importe de constater que les donneacutees clients sont un actif cleacute pour un acteur du commerce eacutelectronique tel que le groupe Amazon notamment en ce qui concerne le marketing En effet certains outils notamment lrsquoutilisation de la technologie des recommandations et des similariteacutes sont tributaires des donneacutees clients Les donneacutees clients constituent ainsi un actif incorporel unique et de valeur

424 Troisiegravemement il est constant que LuxOpCo est lrsquoentiteacute qui a collecteacute les donneacutees clients et qursquoelle est en outre chargeacutee du respect de la reacuteglementation applicable agrave ces donneacutees Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent drsquoailleurs pas lrsquoaffirmation figurant au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo a accumuleacute les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens agrave titre de service pour LuxSCS

425 Certes il est important de relever agrave lrsquoinstar drsquoAmazon que la collecte des donneacutees clients eacutetait automatiseacutee et que crsquoest au moyen de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et fournie par LuxSCS agrave LuxOpCo que cette derniegravere pouvait recueillir les donneacutees des clients

426 Toutefois ainsi que la Commission le souligne au point 107 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 crsquoest LuxOpCo qui contribuait activement agrave lrsquoaccumulation des donneacutees clients par la mise en œuvre des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon (voir point 347 ci-dessus) permettant drsquoattirer les clients sur ses sites Internet et de collecter davantage de donneacutees clients En effet la collecte des donneacutees clients est neacutecessairement fonction de lrsquoattrait des sites Internet du groupe Amazon pour les clients Or lrsquoaugmentation de la freacutequentation des sites Internet europeacuteens et ainsi des donneacutees clients collecteacutees eacutetait elle-mecircme lieacutee agrave la mise en œuvre des trois piliers susmentionneacutes agrave savoir le prix lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation par LuxOpCo Srsquoil nrsquoest pas contestable que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis jouait un rocircle essentiel dans la bonne mise en œuvre de ces trois piliers il nrsquoen reste pas moins que LuxOpCo avait joueacute un rocircle actif et critique en rapport avec lrsquoaccumulation de nouvelles donneacutees clients et avait ainsi contribueacute au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur

427 Par ailleurs il convient de relever que la Commission a correctement consideacutereacute au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo devait assurer lrsquoentretien des donneacutees clients et assurer le respect des lois applicables en matiegravere de protection de donneacutees Si le fait de proteacuteger la base de donneacutees des clients est une activiteacute importante pour un modegravele commercial qui srsquoattache agrave la vente au deacutetail et agrave des services fournis notamment agrave des consommateurs finaux et ce pour les raisons exposeacutees par la Commission au consideacuterant 466 de la deacutecision attaqueacutee il srsquoagit neacuteanmoins drsquoune activiteacute habituelle pour tout preneur de licence travaillant avec ce type de base de donneacutees

428 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient drsquoenteacuteriner les constats de la Commission opeacutereacutes aux consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee au moins en ce que LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec lrsquoameacutelioration des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que en accumulant les donneacutees clients lesquelles ont eacuteteacute multiplieacutees par trois entre 2006 et 2014 ainsi qursquoil ressort du point 422 ci-dessus LuxOpCo a contribueacute agrave la valeur de cet actif incorporel lequel constitue un actif incorporel unique et de valeur LuxOpCo a ainsi exerceacute des fonctions uniques et de valeur

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

429 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle la valeur de laquo la marque raquo Amazon est geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

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430 La Commission conteste ces arguments

431 Premiegraverement il y a lieu de souligner que ainsi que lrsquoa implicitement admis la Commission aux consideacuterants 469 et 471 de la deacutecision attaqueacutee la marque Amazon est bien reconnue et beacuteneacuteficie drsquoune forte identification au niveau mondial ce qui eacutetait un atout majeur pour attirer des clients Il convient de constater que cette reacuteputation eacutetait preacuteexistante agrave la creacuteation de LuxOpCo Toutefois le constat de la Commission formuleacute aux consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee selon lequel la marque commerciale nrsquoest pas lrsquoeacuteleacutement central du modegravele du groupe Amazon la strateacutegie commerciale dudit groupe eacutetant focaliseacutee sur les trois piliers (prix faciliteacute drsquoutilisation catalogue de produits) doit ecirctre enteacuterineacute En effet la valeur de la marque deacuteposeacutee en Europe est eacutegalement fonction de la capaciteacute agrave fournir un assortiment de qualiteacute des prix avantageux et une grande faciliteacute drsquoutilisation Amazon souligne drsquoailleurs elle-mecircme que la valeur des actifs incorporels de marketing du groupe Amazon en Europe deacutepend de la satisfaction des clients

432 Deuxiegravemement il y a lieu de constater que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la technologie joue un rocircle important si ce nrsquoest deacuteterminant dans le deacuteveloppement de la marque commerciale drsquoAmazon En effet drsquoune part la technologie est centrale dans la mise en œuvre des trois piliers La satisfaction des clients est ainsi en grande partie tributaire de la technologie Drsquoautre part la technologie joue un rocircle crucial dans le marketing et permet de maximiser la possibiliteacute que le nom laquo Amazon raquo apparaisse dans les recherches des potentiels clients Il est constant que cette technologie est deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

433 Neacuteanmoins la seule technologie ne suffit pas agrave la mise en œuvre des trois piliers En effet ces derniers ont eacuteteacute eacutegalement mis en œuvre par LuxOpCo du fait de la prise de deacutecisions strateacutegiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

434 Il convient agrave cet eacutegard de relever qursquoil ressort de son meacutemoire post procegraves que dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (voir point 14 ci-dessus) Amazon a en substance fait valoir que [confidentiel]

435 En particulier Amazon a affirmeacute dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) qursquo[confidentiel] et dans le cadre drsquoune section consacreacutee aux actifs incorporels de marketing qursquo[confidentiel]

436 Dans son avis la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) a drsquoailleurs conclu que laquo AEHT raquo assumait la seule responsabiliteacute de maintenir et de deacutevelopper les actifs incorporels lieacutes au marketing et qursquoelle payait par le biais du partage des coucircts les ameacuteliorations technologiques neacutecessaires agrave maintenir la valeur de ces actifs incorporels Certes dans le meacutemoire post procegraves et dans lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis Amazon et cette derniegravere se reacutefegraverent agrave laquo AEHT raquo Neacuteanmoins dans la mesure ougrave aucune diffeacuterence nrsquoest opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que le terme laquo AEHT raquo est utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS il convient de comprendre dans ce contexte preacutecis que laquo AEHT raquo vise LuxOpCo et non LuxSCS En effet il ressort du dossier que LuxSCS nrsquoa pas exerceacute de telles fonctions

437 Par ailleurs il importe de relever que ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon ne contestent lrsquoaffirmation opeacutereacutee au consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle en Europe crsquoeacutetait LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees qui assuraient le marketing en ligne du groupe Amazon en srsquoappuyant sur leur savoir-faire local

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438 Dans ces conditions srsquoil est vrai que la marque Amazon beacuteneacuteficiait en Europe drsquoune renommeacutee eacutetablie anteacuterieurement agrave la creacuteation de LuxOpCo et qursquoelle beacuteneacuteficiait de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il y a lieu de conclure que crsquoest agrave bon droit que la Commission a eacutetabli que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee le maintien et le deacuteveloppement de la valeur de la marque eacutetaient agrave tout le moins en partie geacuteneacutereacutes au niveau de LuxOpCo et des entiteacutes europeacuteennes

439 Il y a drsquoailleurs lieu de relever agrave cet eacutegard agrave lrsquoinstar de la Commission qursquoAmazon eacutetait connue comme vendeur de livres et de meacutedias lorsqursquoelle est entreacutee sur le marcheacute europeacuteen et que les eacutequipes locales ont ducirc fournir des efforts consideacuterables pour faire eacutevoluer la reacuteputation de la marque en ce qui concerne drsquoautres cateacutegories de produits

440 En conseacutequence il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations de la Commission contenues aux consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des constatations opeacutereacutees aux points 433 agrave 438 ci-dessus que LuxOpCo contribuait au deacuteveloppement de la valeur de la marque et des actifs de marketing et exerccedilait de ce fait des fonctions de valeur En revanche rien ne permet de consideacuterer que ces fonctions avaient un caractegravere unique Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de consideacuterer que la Commission a correctement conclu que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels pour chacune de ses trois composantes En ce qui concerne le deacuteveloppement de la technologie la contribution de LuxOpCo se reacutesumait principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques En revanche la participation de LuxOpCo au deacuteveloppement de lrsquoEFN peut ecirctre assimileacutee agrave une fonction unique et de valeur En outre LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaccumulation des donneacutees clients notamment par la mise en œuvre des trois piliers et a ainsi activement contribueacute au deacuteveloppement de cet actif unique et de valeur En ce qui concerne les actifs de marketing LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaugmentation de la reacuteputation de la marque Amazon en Europe et a ainsi exerceacute des fonctions de valeur Il ne ressort toutefois pas du dossier que ces derniegraveres fonctions puissent ecirctre qualifieacutees drsquouniques

441 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement affirmeacute aux consideacuterants 414 et 415 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoadministration luxembourgeoise aurait ducirc prendre en compte le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels En revanche toutes les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas uniques et de valeur

442 Il importe drsquoailleurs agrave cet eacutegard de constater que ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte si ce nrsquoest au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause tout du moins au moment de la mise en œuvre annuelle de celle-ci En effet tout changement de situation ce qui inclut lrsquoexercice de fonctions suppleacutementaires aurait ducirc ecirctre pris en compte

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

443 Srsquoagissant des fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe dans la deacutecision attaqueacutee la Commission a en substance mis en exergue le fait que tant selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 que dans les faits LuxOpCo jouait le rocircle de siegravege social europeacuteen et eacutetait lrsquoentreprise en charge desdites activiteacutes Ce serait donc LuxOpCo qui aurait ducirc prendre et qui prenait les deacutecisions strateacutegiques relatives aux opeacuterations commerciales du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 473 agrave 478 de la deacutecision attaqueacutee)

444 Plus particuliegraverement la Commission a constateacute que LuxOpCo exerccedilait toutes les fonctions strateacutegiques lieacutees aux activiteacutes de vente au deacutetail et des services en ligne du groupe Amazon au cours de la peacuteriode consideacutereacutee et qursquoelle prenait toutes les deacutecisions strateacutegiques concernant les articles et la

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fixation des prix enregistrait les ventes et agissait en tant que partie contractante agrave lrsquoeacutegard des consommateurs Elle absorbait ainsi les coucircts correspondants et supportait les risques lieacutes aux ventes et aux stocks (consideacuterant 475 de la deacutecision attaqueacutee)

445 La Commission a ainsi consideacutereacute que LuxOpCo prenait en toute indeacutependance toutes les deacutecisions pertinentes concernant chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 478 de la deacutecision attaqueacutee)

446 Les parties srsquoaccordent sur le fait que LuxOpCo exerccedilait des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services Il nrsquoest pas non plus contesteacute que LuxOpCo occupait les fonctions de siegravege des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

447 Neacuteanmoins le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes Selon eux les activiteacutes de LuxOpCo reposaient largement sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et srsquoapparentaient agrave des fonctions de gestion des activiteacutes europeacuteennes ou des fonctions de soutien commercial courantes lesquelles geacuteneacuteraient peu de valeur ajouteacutee

448 Plus particuliegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que les fonctions humaines auraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie dans le cadre des activiteacutes commerciales du groupe Amazon et que les prix eacutetaient fixeacutes de maniegravere automatique Ils ajoutent qursquoil eacutetait impossible que des individus fixent activement le prix des millions drsquoarticles disponibles sur les sites du groupe Amazon que les relations avec les vendeurs et les clients eacutetaient presque inteacutegralement automatiseacutees que dans les centres de traitement des commandes la localisation des stocks et lrsquoordre de collecte des achats eacutetaient des fonctions deacutefinies par des technologies et les employeacutes des centres nrsquoavaient qursquoagrave suivre les instructions donneacutees par la technologie et que les deacutecisions concernant lrsquoinventaire (deacutecisions drsquoachat lieu de stockage etc) eacutetaient automatiseacutees alors que les employeacutes devaient uniquement exeacutecuter les indications fournies sur la base de la technologie

449 Il convient donc drsquoexaminer si la Commission a consideacutereacute agrave juste titre que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes et prenait des deacutecisions strateacutegiques en lien avec chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon de sorte qursquoelle ne pouvait ecirctre assimileacutee agrave une entreprise exerccedilant de simples fonctions de gestion

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

450 La Commission a constateacute au consideacuterant 479 de la deacutecision attaqueacutee que le deacuteveloppement et le maintien du plus large assortiment possible eacutetaient cruciaux pour le succegraves du groupe Amazon en Europe Elle a ajouteacute que la deacutecision quant aux cateacutegories de produits agrave vendre eacutetait prise sur la base de la connaissance du marcheacute Elle aurait donc requis une intervention humaine la seule technologie nrsquoeacutetant pas suffisante

451 En particulier la Commission a releveacute drsquoune part que LuxOpCo avait pu srsquoappuyer sur un nombre important de salarieacutes employeacutes par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lesquels seraient intervenus pour constituer lrsquoassortiment en Europe et eacutelargir les gammes de nouvelles familles de produits disponibles sur la base de leur connaissance du marcheacute des produits et des consommateurs locaux (correspondant ainsi agrave leur laquo savoir-faire local raquo) (consideacuterants 470 agrave 482 de la deacutecision attaqueacutee) Drsquoautre part LuxOpCo aurait joueacute un rocircle deacuteterminant dans lrsquoacquisition drsquoacteurs locaux lrsquoeacutetablissement de partenariats avec les fournisseurs et lrsquoeacutetablissement de programmes de tiers pour le deacuteveloppement de MarketPlace (consideacuterants 483 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

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452 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause la constatation drsquoordre geacuteneacuteral figurant au consideacuterant 483 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle Amazon constitue son assortiment en rachetant drsquoautres deacutetaillants preacutesents sur le marcheacute en concluant des partenariats avec des fournisseurs et en eacutetablissant des programmes de tiers tels que MarketPlace

453 Il ressort drsquoailleurs du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que le travail des recruteurs locaux eacutetait crucial pour permettre le lancement de nouveaux produits sur les sites Internet

454 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas non plus le fait que crsquoest LuxOpCo avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes qui a assumeacute ces activiteacutes laquo geacuteneacuterales raquo du groupe Amazon a proceacutedeacute aux acquisitions de certaines entreprises de vente au deacutetail europeacuteennes a conclu des partenariats avec des fournisseurs europeacuteens en deacutefinissant des strateacutegies et de bonnes pratiques en vue de la seacutelection et du lancement de nouvelles familles de produits et a mecircme eacutetabli les clauses contractuelles standards pour les fournisseurs (voir consideacuterant 485 de la deacutecision attaqueacutee)

455 Il deacutecoule drsquoailleurs du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi mecircme si LuxOpCo ne deacutecidait pas de maniegravere totalement autonome des cateacutegories de produits elle avait un rocircle significatif dans le lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits Il ressort agrave cet eacutegard du teacutemoignage de lrsquoancien chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo que dans le cadre du lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits celui-ci eacutetait [confidentiel]

456 La restructuration de 2006 a ainsi permis une gestion davantage autonome des activiteacutes europeacuteennes

457 Il convient de conclure que la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo prenait des deacutecisions importantes lieacutees agrave lrsquoassortiment et que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour mettre en œuvre en Europe ce pilier de la strateacutegie du groupe Amazon

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)

458 Srsquoagissant des prix la Commission a affirmeacute que si la fixation des prix eacutetait automatiseacutee et reposait sur lrsquoutilisation drsquoun algorithme il ne srsquoagissait que drsquoun outil permettant de mettre en œuvre une politique de tarification donneacutee qui eacutetait deacutefinie par LuxOpCo en Europe

459 En particulier la Commission a releveacute que sans le concours individuel fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pas fonctionneacute efficacement En Europe crsquoest LuxOpCo qui srsquoen serait chargeacute avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

460 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent ces affirmations Ils font notamment valoir que les activiteacutes commerciales de LuxOpCo reposent en grande partie sur lrsquoautomatisation et que la participation des salarieacutes de LuxOpCo eacutetait minimale notamment en ce qui concerne les prix

461 Certes il nrsquoest pas discutable que ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans la technologie les activiteacutes de LuxOpCo auraient eacuteteacute bien moindres

462 Neacuteanmoins il convient de constater que ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 168 de la deacutecision attaqueacutee jusqursquoen 2009 le groupe Amazon utilisait essentiellement la tarification manuelle Ce nrsquoest qursquoagrave partir de 2009 que les prix eacutetaient fixeacutes agrave partir drsquoun algorithme Agrave cet eacutegard la Commission a donc correctement constateacute que lrsquoalgorithme ne se suffisait pas agrave lui-mecircme srsquoagissant de la fixation des prix et qursquoil permettait de mettre en œuvre la politique de tarification deacutefinie en Europe par LuxOpCo (voir consideacuterant 490 de la deacutecision attaqueacutee)

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463 Tout drsquoabord ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 491 de la deacutecision attaqueacutee sans le concours individuel de LuxOpCo fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pu fonctionner efficacement

464 Ensuite ainsi que la Commission lrsquoa identifieacute au consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee il ressort du manuel des proceacutedures et des politiques pour lrsquoUnion du groupe Amazon que la fixation des prix eacutetait eacutetablie au Luxembourg par un comiteacute de fixation des prix de deacutetail dans lrsquoUnion se composant des cadres dirigeants de LuxOpCo Ce comiteacute eacutetait seul compeacutetent pour la fixation drsquoorientations en matiegravere de prix pour les produits que le groupe Amazon proposait sur ses sites Internet europeacuteens Le rocircle de LuxOpCo dans la deacutetermination des politiques de prix est eacutegalement confirmeacute par les teacutemoignages des salarieacutes de LuxOpCo

465 En outre il nrsquoest pas contesteacute que LuxOpCo employait un tarifeur europeacuteen lequel devait approuver les prix en particulier lorsqursquoils srsquoeacutecartaient de ceux fixeacutes par lrsquoalgorithme ni qursquoune eacutequipe eacutetait chargeacutee de veiller agrave [confidentiel] au niveau mondial Cette eacutequipe installeacutee au Luxembourg au sein de LuxOpCo suivait les prix [confidentiel] et examinait les prix proposeacutes agrave lrsquoeacutechelle mondiale y compris aux Eacutetats-Unis (voir consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee)

466 Enfin le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause de maniegravere eacutetayeacutee le fait que LuxOpCo a ducirc deacutevelopper toute une strateacutegie particuliegravere pour geacuteneacuterer des recettes et pour se distinguer de ses concurrents Agrave cet eacutegard lrsquoinfluence de LuxOpCo et de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes sur les deacutecisions en matiegravere de fixation des prix se refleacutetait dans des promotions qui eacutetaient applicables agrave certains articles vendus sur les sites Internet dans lrsquoUnion (voir consideacuterant 493 de la deacutecision attaqueacutee) Il nrsquoest pas contesteacute que au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoactiviteacute en Allemagne le site laquo Amazonde raquo avait mecircme inventeacute la laquo garantie du prix bas raquo afin drsquoencourager un retour drsquoinformation sur les prix de la part des clients en contrepartie drsquoune remise sur leurs achats et que au Royaume-Uni certains types de promotions sur les prix freacutequents sur le marcheacute comme les [confidentiel] ont rendu lrsquoexercice drsquoune concurrence [confidentiel] plus ardu [confidentiel] Srsquoagissant de la vente de livres en France et en Allemagne LuxOpCo a mis en place un systegraveme drsquoexpeacutedition gratuite Agrave cet eacutegard il srsquoagit drsquoexemples de deacutecisions de fixation de prix en rapport avec les concurrents sur le marcheacute et partant de deacutecisions strateacutegiques propres agrave un deacutetaillant

467 Au vu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de conclure que LuxOpCo a adopteacute des deacutecisions strateacutegiques en ce qui concerne la fixation des prix et a ainsi exerceacute des fonctions importantes Srsquoil est vrai que la tarification des prix eacutetait tributaire de la technologie du groupe Amazon il nrsquoen reste pas moins que lrsquointervention des collaborateurs de LuxOpCo eacutetait eacutegalement cruciale

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

468 Srsquoagissant de la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo la Commission a constateacute que LuxOpCo eacutetait chargeacutee drsquoassurer la faciliteacute drsquoutilisation de lrsquooffre de vente au deacutetail et de place de marcheacute du groupe Amazon en Europe Plus preacuteciseacutement LuxOpCo aurait compteacute une eacutequipe dite eacutequipe laquo Localisation et traduction raquo censeacutee veacuterifier et adapter la traduction automatique et permettre notamment la mise en commun des diffeacuterents catalogues europeacuteens afin de creacuteer et de geacuterer lrsquoEFN (consideacuterant 495 de la deacutecision attaqueacutee) Ce serait LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees qui auraient deacutetenu et deacuteveloppeacute le savoir-faire par rapport agrave la logistique locale notamment pour lrsquoenvoi drsquoarticles (consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

469 Selon la Commission la technologie est un preacutealable agrave la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo notamment agrave la traduction des catalogues drsquoarticles europeacuteens agrave la livraison et au service drsquoassistance pour les clients (voir consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) Le personnel de LuxOpCo aurait joueacute un rocircle tant au niveau des catalogues drsquoarticles qursquoen ce qui concerne la livraison des produits et le service drsquoassistance pour les clients Agrave cet eacutegard le savoir-faire aurait appartenu agrave LuxOpCo et aux socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes (voir consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

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470 Ces eacuteleacutements ne sont au demeurant pas contesteacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon de maniegravere eacutetayeacutee et il convient de les enteacuteriner

471 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a pris des deacutecisions strateacutegiques en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et eacutetait ainsi le principal responsable de la mise œuvre des trois piliers de la strateacutegie dudit groupe pour cette zone geacuteographique La Commission a donc correctement consideacutereacute que en deacutepit de lrsquoimportance de la technologie LuxOpCo avait eacutegalement joueacute un rocircle essentiel dans lrsquoexploitation et lrsquoexpansion de ces activiteacutes de vente au deacutetail et places de marcheacute et ainsi qursquoelle avait exerceacute des fonctions de valeur Toutefois il ne ressort pas du dossier que de telles fonctions revecirctaient un caractegravere unique

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)

472 Srsquoagissant des actifs utiliseacutes par LuxOpCo la Commission a releveacute au consideacuterant 500 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo avait utiliseacute des laquo actifs importants raquo pour assumer les fonctions deacutecrites dans les sections 92121 (fonctions en lien avec les actifs incorporels) et 92122 (fonctions exerceacutees dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de service) de sa deacutecision

473 Drsquoune part la Commission a constateacute au consideacuterant 501 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo posseacutedait et geacuterait lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoassortiment (sur la peacuteriode consideacutereacutee les stocks repreacutesentaient [confidentiel] milliards drsquoeuros) et qursquoelle deacutetenait la totaliteacute des parts drsquoASE drsquoAMEU et des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees auxquelles elle consentait des financements

474 Drsquoautre part la Commission a affirmeacute que la structure de coucircts de LuxOpCo deacutemontrait que des actifs importants auraient eacuteteacute utiliseacutes pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point et lrsquoameacutelioration des actifs incorporels dans lrsquoexercice de ses fonctions (consideacuterant 502 de la deacutecision attaqueacutee) En particulier en ce qui concerne la marque deacuteposeacutee LuxOpCo aurait supporteacute des coucircts de marketing direct eacuteleveacutes (par exemple les coucircts lieacutes aux promotions) (consideacuterants 503 agrave 504 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence la Commission a estimeacute que en lrsquoabsence de tout remboursement identifiable de la part de LuxOpCo ces coucircts devraient ecirctre consideacutereacutes comme effectivement supporteacutes par LuxOpCo

475 La Commission a ainsi conclu que LuxOpCo avait supporteacute les coucircts correspondant agrave lrsquoexploitation eacuteconomique des actifs incorporels ainsi qursquoagrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ceux-ci Selon la Commission la totaliteacute de ces coucircts ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant des frais supporteacutes au nom de LuxSCS (consideacuterant 505 de la deacutecision attaqueacutee)

476 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon au demeurant ne contestent pas ces constatations de maniegravere eacutetayeacutee sauf en ce qui concerne le fait que LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels Agrave cet eacutegard il suffit de renvoyer au point 235 ci-dessus Agrave lrsquoexception de lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations faites par la Commission aux consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee

477 Srsquoagissant des risques assumeacutes par LuxOpCo la Commission a estimeacute aux consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee que cette socieacuteteacute supportait tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits drsquoune part les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels Drsquoautre part LuxOpCo aurait controcircleacute et geacutereacute tous les risques commerciaux et entrepreneuriaux correspondants lieacutes aux activiteacutes de vente au deacutetail et de service exerceacutees par le groupe Amazon en Europe parmi lesquels le risque de creacutedit le risque lieacute aux

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collections le risque de gestion des stocks le risque du marcheacute le risque de perte ou encore les risques lieacutes au maintien drsquoune main drsquoœuvre capable de vendre des articles et de fournir des services de maniegravere efficiente et dans les deacutelais requis

478 La Commission a ensuite eacutecarteacute lrsquoaffirmation drsquoAmazon formuleacutee lors de la proceacutedure administrative selon laquelle LuxOpCo srsquoeacutetait appuyeacutee en grande partie sur la technologie pour geacuterer et supporter les risques (consideacuterants 506 et 508 de la deacutecision attaqueacutee)

479 Tout drsquoabord selon la Commission mecircme si la technologie permettait de minimiser les risques LuxOpCo supportait lesdits risques du fait de son rocircle de siegravege europeacuteen et de ses activiteacutes de vente au deacutetail et de service (consideacuterants 509 et 510 de la deacutecision attaqueacutee) Elle relegraveve que mecircme si LuxOpCo comptait sur la technologie aux fins de la gestion des risques commerciaux cela ne deacutecoulait que drsquoune deacutecision strateacutegique de sa part (consideacuterant 511 de la deacutecision attaqueacutee)

480 En outre il ne serait pas eacutetabli que ce soit dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 ou dans un autre document que les risques strateacutegiques financiers et opeacuterationnels auxquels LuxOpCo devait faire face dans le cadre de ses opeacuterations journaliegraveres auraient eacuteteacute geacutereacutes par une politique de groupe en matiegravere de gestion des risques (consideacuterant 512 de la deacutecision attaqueacutee) Au contraire les risques tels que la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique auraient eacuteteacute geacutereacutes au niveau local avec LuxOpCo comme principal responsable en Europe (consideacuterants 513 agrave 515 de la deacutecision attaqueacutee)

481 Les parties sont en deacutesaccord en ce qui concerne le point de savoir quelle entiteacute assumait effectivement les risques lieacutes aux actifs incorporels et plus particuliegraverement sur la question de savoir si LuxOpCo a mobiliseacute des actifs pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg une partie des risques et des fonctions identifieacutes par la Commission auraient eacuteteacute assumeacutee par les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees et non par LuxOpCo

482 Srsquoagissant des risques lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels affirmer agrave lrsquoinstar de ce qursquoa deacuteclareacute la Commission au consideacuterant 507 de deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo supportait ces risques tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits ne saurait convaincre

483 Ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave juste titre au point 104 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 srsquoil est vrai que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS avait transfeacutereacute un certain nombre de risques lieacutes agrave lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales agrave LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins que LuxSCS qui eacutetait le proprieacutetaire leacutegal du droit drsquoexploiter des actifs incorporels pendant la peacuteriode consideacutereacutee supportait toujours les risques lieacutes aux actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

484 Ce constat nrsquoest pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee par la Commission Srsquoagissant de la capaciteacute financiegravere de LuxSCS drsquoassumer les risques srsquoils se mateacuterialisaient la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer son affirmation selon laquelle LuxSCS ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave son capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoachat et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

485 Dans ces conditions il y a lieu de retenir que LuxOpCo supportait tout au plus une partie des risques lieacutes agrave lrsquoexistence agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels

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486 En revanche srsquoagissant des autres risques dont il est fait eacutetat aux consideacuterants 507 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir les risques propres agrave une activiteacute de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas de maniegravere eacutetayeacutee que LuxOpCo supportait ces risques tels que le risque relatif agrave la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique en tant que telle (voir consideacuterant 514 de ladite deacutecision) et les risques relatifs agrave la deacutetention des stocks invendus en Europe agrave lrsquoheacutebergement des serveurs et agrave la maintenance des centres drsquoappels aux creacuteances douteuses et agrave lrsquoinaccomplissement ou lrsquoinexeacutecution des contrats conclus avec les clients En particulier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la technologie permettait de minimiser les risques de LuxOpCo en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales et notamment les risques drsquoinventaire force est de constater agrave lrsquoinstar de ce que la Commission a releveacute au consideacuterant 510 de la deacutecision attaqueacutee que la technologie nrsquoa pas totalement supprimeacute ces risques Il y a donc lieu drsquoenteacuteriner les affirmations de la Commission

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

487 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de constater que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo effectueacutee par la Commission ne saurait convaincre dans son inteacutegraliteacute

488 Premiegraverement au regard des informations recueillies par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee telles qursquoexposeacutees dans cette derniegravere et dont une partie a eacuteteacute enteacuterineacutee ci-dessus il nrsquoeacutetait pas exclu de pouvoir consideacuterer que LuxOpCo exerccedilait effectivement certaines fonctions uniques et de valeur en ce qui concerne les actifs incorporels Cela vaut pour ce qui est du deacuteveloppement de lrsquoEFN et de lrsquoaccumulation des donneacutees clients Pour le surplus srsquoagissant des actifs de marketing si les fonctions de LuxOpCo sont de valeur il nrsquoest pas eacutetabli que de telles fonctions puissent ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques

489 Deuxiegravemement lrsquoanalyse des fonctions de LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne et en tant que prestataire de services peut ecirctre enteacuterineacutee pour lrsquoessentiel Agrave cet eacutegard contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo ne se limitait pas agrave exercer de simples fonctions de laquo gestion raquo mais agissait comme un deacutetaillant en ligne et supportait les risques inheacuterents agrave ces activiteacutes De telles fonctions eacutetaient effectivement laquo de valeur raquo car il srsquoagissait drsquoactiviteacutes susceptibles de contribuer de maniegravere significative au chiffre drsquoaffaires de LuxOpCo et donc au modegravele commercial du groupe Amazon Toutefois de telles fonctions ne sauraient ecirctre qualifieacutees drsquouniques En effet dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont indiqueacute qursquoune entreprise pouvait ecirctre consideacutereacutee comme une entiteacute exerccedilant des fonctions de routine (par opposition agrave une entiteacute exerccedilant des fonctions uniques et de valeur) lorsque ces fonctions pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) (voir point 225 ci-dessus) il suffit de relever que le rapport [confidentiel] qui a eacuteteacute eacutevoqueacute par les parties principales porte sur des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et aborde la question de la reacutemuneacuteration observeacutee sur le marcheacute pour de tels deacutetaillants

490 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de constater que si la Commission a pu valablement consideacuterer que certaines fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur sa thegravese visant agrave affirmer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec ses activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur ne saurait convaincre en totaliteacute Si la Commission a correctement constateacute que LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles retenues aux fins de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir de simples fonctions de laquo gestion raquo elle a erroneacutement retenu que les fonctions de LuxOpCo relatives agrave son activiteacute de deacutetaillant eacutetaient uniques et de valeur

491 Cette conclusion nrsquoest remise en cause par aucun des autres arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg ou drsquoAmazon

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492 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que le fait que les fonctions de LuxOpCo eacutetaient exerceacutees avant la restructuration de 2006 par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et que celles-ci eacutetaient reacutemuneacutereacutees aux coucircts majoreacutes deacutemontre que les fonctions de LuxOpCo ne sont que des fonctions courantes Il suffit agrave cet eacutegard de relever que la restructuration de 2006 avait preacuteciseacutement pour objet de creacuteer un siegravege pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe en attribuant agrave LuxOpCo des fonctions bien plus importantes que celles des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

493 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg reproche agrave la Commission drsquoavoir attribueacute agrave LuxOpCo les fonctions exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes Il suffit de constater agrave cet eacutegard que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes agissaient en tant que prestataires de services aupregraves de LuxOpCo et eacutetaient drsquoailleurs reacutemuneacutereacutees comme tels Les fonctions qursquoelles exerccedilaient lrsquoeacutetaient donc pour le compte et aux risques de LuxOpCo La Commission pouvait donc attribuer ces fonctions agrave LuxOpCo

2) Sur le choix de la meacutethode

494 Ainsi qursquoexposeacute au point 317 ci-dessus la Commission a consideacutereacute en substance qursquoil eacutetait erroneacute drsquoavoir utiliseacute la MTMN pour deacuteterminer le montant de la redevance et la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre utiliseacutee

495 Plus preacuteciseacutement au consideacuterant 567 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que lorsque les deux parties agrave la transaction intragroupe apportent des contributions uniques et de valeur agrave ladite transaction la meacutethode du partage des beacuteneacutefices est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une meacutethode plus approprieacutee pour ce qui est des prix de transfert dans la mesure ougrave en pareil cas des parties indeacutependantes devraient normalement se reacutepartir les beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par cette transaction proportionnellement agrave leurs contributions respectives

496 Dans ce contexte la Commission a preacuteciseacute en renvoyant au consideacuterant 256 de la deacutecision attaqueacutee que les lignes directrices de lrsquoOCDE distinguaient entre deux meacutethodes de partage des beacuteneacutefices agrave savoir lrsquoanalyse des contributions et lrsquoanalyse reacutesiduelle Srsquoagissant de lrsquoanalyse reacutesiduelle la Commission a preacuteciseacute que celle-ci srsquoappliquait dans le cas ougrave une partie eacutetait reacutemuneacutereacutee pour ses fonctions courantes en plus de la reacutemuneacuteration qursquoelle percevait pour les contributions uniques et de valeur qursquoelle apportait agrave la transaction Srsquoagissant de lrsquoanalyse des contributions la Commission a preacuteciseacute que celle-ci consistait agrave reacutepartir les beacuteneacutefices combineacutes sur la base de la valeur relative des fonctions exerceacutees (compte tenu des actifs qursquoelles employaient et des risques qursquoelles assumaient) par chacune des parties aux transactions intragroupe

497 La Commission a ajouteacute que lorsque les deux parties agrave la transaction controcircleacutee apportaient des contributions uniques et de valeur et qursquoil nrsquoexistait pas de transactions moins complexes dont le prix devait ecirctre eacutetabli seacutepareacutement il eacutetait plus approprieacute drsquoappliquer lrsquoanalyse des contributions aux fins de lrsquoimputation des beacuteneacutefices combineacutes Lrsquoanalyse reacutesiduelle aurait eacuteteacute approprieacutee lorsqursquoil aurait existeacute des transactions moins complexes

498 Sur la base de ces observations la Commission a conclu que du fait que LuxSCS et LuxOpCo eacutetaient toutes deux consideacutereacutees comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels il convenait de preacutefeacuterer lrsquoanalyse des contributions agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle

499 Les parties au litige srsquoopposent quant agrave la question de savoir si la Commission avait raison de consideacuterer que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee en lrsquoespegravece et par conseacutequent que le choix de la MTMN nrsquoaurait pas ducirc ecirctre avaliseacute dans la DFA en cause

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500 Avant toute chose il importe de rappeler srsquoagissant du choix de la meacutethode de prix de transfert en tant que tel que ainsi qursquoexposeacute au point 202 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) les diffeacuterentes meacutethodes de fixation des prix de transfert srsquoefforcent drsquoatteindre des niveaux de beacuteneacutefices refleacutetant des prix de transfert de pleine concurrence et qursquoil ne peut ecirctre conclu par principe qursquoune meacutethode ne permet pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

501 En outre dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune mesure au regard du principe de pleine concurrence la Commission est libre drsquoutiliser une autre meacutethode que celle avaliseacutee par les autoriteacutes fiscales nationales Il ressort du point 154 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) que srsquoil ne peut ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir retenu une meacutethode de deacutetermination des prix de transfert qursquoelle considegravere approprieacutee dans le cas drsquoespegravece afin drsquoexaminer le niveau des prix de transfert pour une transaction ou pour plusieurs transactions eacutetroitement lieacutees faisant partie de la mesure contesteacutee il incombe neacuteanmoins agrave celle-ci de justifier son choix meacutethodologique

502 En lrsquoespegravece du fait de lrsquoexistence de certaines fonctions uniques et de valeur tant dans le chef de LuxSCS que de LuxOpCo il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir consideacutereacute que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avait pu apparaicirctre de maniegravere geacuteneacuterale approprieacutee pour examiner la transaction controcircleacutee

503 Neacuteanmoins la conclusion de la Commission visant agrave retenir lrsquoanalyse des contributions ne saurait convaincre En effet agrave cet eacutegard ainsi qursquoil ressort implicitement mais neacutecessairement des consideacuterants 256 567 et 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission est partie du constat que la circonstance que les parties agrave la transaction controcircleacutee exerccedilaient des fonctions uniques et de valeur ainsi que des fonctions de routine appelait une application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle alors que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions nrsquoaurait eacuteteacute adapteacutee que lorsque les entreprises concerneacutees exerccedilaient uniquement des fonctions uniques et de valeur Or ainsi qursquoil ressort des points 488 et 489 ci-dessus si la Commission avait raison de consideacuterer que certaines des fonctions de LuxOpCo en rapport avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur elle a erroneacutement consideacutereacute que les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur De plus elle nrsquoa pas non plus eacutetabli qursquoil nrsquoy avait pas de comparables aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo ni que la reacutemuneacuteration de ces fonctions nrsquoaurait pu ecirctre eacutetablie seacutepareacutement

504 De plus il reacutesulte implicitement mais neacutecessairement des points 36 et 38 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que le choix de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices y compris dans la variante de lrsquoanalyse des contributions deacutepend de maniegravere deacutecisive du fait drsquoavoir identifieacute des donneacutees externes provenant drsquoentreprises indeacutependantes pour deacuteterminer la valeur de la contribution de chaque entreprise associeacutee aux transactions Or la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave identifier si de telles donneacutees fiables eacutetaient disponibles pour pouvoir conclure que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions pouvait ecirctre choisie en lrsquoespegravece

505 En outre la Commission nrsquoa pas justifieacute en quoi les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels eacutetaient telles que crsquoeacutetait lrsquoanalyse des contributions qui aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece et ce par opposition agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle (voir consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee)

506 Il en deacutecoule que lorsqursquoelle a eacutecarteacute la meacutethode du partage de beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle et a choisi la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission nrsquoa pas ducircment justifieacute son choix meacutethodologique et nrsquoa donc pas satisfait aux exigences exposeacutees au point 501 ci-dessus

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507 Dans la mesure ougrave la Commission a fondeacute son premier constat subsidiaire sur le fait que seule lrsquoanalyse des contributions aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece lrsquoerreur constateacutee au point 506 ci-dessus vicie le raisonnement de la Commission relatif agrave la deacutemonstration de lrsquoexistence de lrsquoavantage

508 Le Tribunal estime neacuteanmoins neacutecessaire de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties requeacuterantes visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)

509 Ainsi qursquoexposeacute ci-dessus au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee cela aurait neacutecessairement abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante pour LuxOpCo La Commission a ainsi consideacutereacute que en avalisant la meacutethode de calcul de la redevance proposeacutee par Amazon aboutissant agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave cette derniegravere La Commission a neacuteanmoins preacuteciseacute au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee qursquoelle nrsquoavait pas chercheacute agrave eacutetablir quelle aurait eacuteteacute preacuteciseacutement la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo

510 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que ainsi que releveacute aux points 317 agrave 320 ci-dessus lrsquoerreur identifieacutee par la Commission ne repose pas sur le constat que certaines fonctions de LuxOpCo y compris des fonctions de routine ou courantes nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration En revanche la Commission est partie du postulat que LuxOpCo assumait une seacuterie de fonctions de LuxOpCo uniques et de valeur et que partant la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

511 Les parties srsquoopposent sur la question de savoir si la Commission est parvenue sur le fondement du constat mentionneacute au point 509 ci-dessus agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo

512 Pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission devait deacutemontrer que LuxOpCo aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration plus importante si la meacutethode de partage des beacuteneacutefices lui avait eacuteteacute appliqueacutee par rapport agrave ce qursquoelle avait effectivement perccedilu en application de la DFA en cause

513 Ainsi qursquoexposeacute au point 310 ci-dessus il appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable sans qursquoil soit exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

514 Les mecircmes consideacuterations doivent srsquoappliquer lorsque la Commission considegravere avoir identifieacute une erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle En effet il nrsquoest pas exclu que en deacutepit drsquoune erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle la reacutemuneacuteration calculeacutee ne srsquoeacutecarte pas du reacutesultat de pleine concurrence qui aurait pu ecirctre deacutetermineacute si les fonctions avaient eacuteteacute correctement prises en compte Dans ce contexte il y a lieu de relever que si certaines fonctions nrsquoont pas eacuteteacute correctement identifieacutees et nrsquoont pas eacuteteacute prises en compte dans le cadre du calcul de la reacutemuneacuteration il est probable que ces fonctions auraient ducirc faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration et que du fait de lrsquoabsence de la prise en compte de ces fonctions suppleacutementaires la reacutemuneacuteration de lrsquoentreprise en cause aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee Neacuteanmoins la

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Commission ne saurait aboutir agrave de telles conclusions sans examiner de maniegravere concregravete si dans le cas drsquoespegravece et au regard des speacutecificiteacutes de la transaction en cause lrsquoerreur identifieacutee dans lrsquoanalyse fonctionnelle aurait pu aboutir agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

515 Enfin lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une entreprise inteacutegreacutee la Commission doit comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale concerneacutee avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (voir en ce sens arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149) Lorsqursquoelle identifie des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle sur laquelle repose une mesure fiscale telle la DFA en cause il y a lieu pour la Commission de comparer la charge fiscale de lrsquoentreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale en question drsquoune part agrave la charge fiscale drsquoune entreprise active sur le marcheacute exerccedilant des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentreprise inteacutegreacutee telles qursquoidentifieacutees par la Commission drsquoautre part Il y a lieu de souligner agrave cet eacutegard qursquoune telle comparaison nrsquoimplique pas que la Commission doive neacutecessairement reacutealiser une toute nouvelle analyse ayant le mecircme niveau de deacutetail que celle effectueacutee par lrsquoEacutetat membre aux fins de lrsquoadoption de la mesure fiscale en question Pourtant mecircme si elle ne doit pas proceacuteder agrave une telle analyse la Commission est tenue drsquoidentifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements concrets permettant de constater avec certitude que la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions de la socieacuteteacute telles qursquoidentifieacutees par la Commission eacutetait forceacutement plus importante que la reacutemuneacuteration perccedilue en application de la mesure fiscale en question

516 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 515 ci-dessus la Commission aurait ducirc comparer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue en application de la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause avec la reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait ducirc ecirctre perccedilue au regard des fonctions de LuxOpCo que la Commission avait identifieacutees elle-mecircme dans sa propre analyse fonctionnelle Agrave deacutefaut drsquoune veacuteritable application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc identifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements permettant de conclure que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la DFA en cause eacutetait neacutecessairement infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration qursquoune socieacuteteacute opeacuterant sur le marcheacute libre aurait perccedilue si cette socieacuteteacute avait eu des fonctions comparables agrave celles identifieacutees par la Commission dans son analyse fonctionnelle Plus preacuteciseacutement si elle consideacuterait que lrsquoanalyse des contributions eacutetait la meacutethode de calcul approprieacutee au lieu de se borner agrave de simples preacutesomptions non veacuterifieacutees du reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc rechercher si sur le marcheacute libre la prise en compte de fonctions et de risques comparables agrave ceux qui incombaient agrave LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee (notamment ses fonctions et ses risques de deacutetaillant en ligne) se traduisait effectivement dans une part de beacuteneacutefices (pour un deacutetaillant en ligne comparable agrave LuxOpCo) qui aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave celle agrave laquelle LuxOpCO avait droit en vertu de la meacutethode de calcul viseacutee dans la DFA en cause Si la Commission nrsquoavait certes pas agrave indiquer de chiffres preacutecis elle eacutetait agrave tout le moins tenue de donner des indices veacuterifiables agrave cet eacutegard

517 En lrsquoespegravece dans la deacutecision attaqueacutee la Commission srsquoest borneacutee agrave constater que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute utiliseacutee LuxOpCo aurait perccedilu une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee sans chercher agrave faire application de cette meacutethode Or la Commission ne peut preacutesumer quel serait le reacutesultat en application drsquoune certaine meacutethode ni quelle reacutemuneacuteration aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave une certaine fonction En revanche ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute aux points 515 et 516 ci-dessus elle doit eacutetablir que la reacutemuneacuteration avaliseacutee dans la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave lrsquoapproximation fiable drsquoune reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait eacuteteacute obtenue en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions

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518 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave examiner quelle eacutetait la bonne cleacute de reacutepartition des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo qui aurait convenu si ces parties avaient eacuteteacute des entreprises indeacutependantes ni mecircme agrave identifier des eacuteleacutements concrets permettant de deacuteterminer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels ou lrsquoexercice des fonctions de siegravege aurait donneacute droit agrave une part plus importante des beacuteneacutefices par rapport agrave la part des beacuteneacutefices effectivement obtenue en application de la DFA en cause

519 De plus il convient de rappeler que mecircme si les contributions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels (contribution au deacuteveloppement drsquoune petite partie de la technologie contribution agrave lrsquoexpansion de la base de donneacutees clients et agrave la valorisation de la marque) et avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales sont bien reacuteelles aucun des eacuteleacutements contenus dans la deacutecision attaqueacutee ne permet de mesurer lrsquoapport de ces fonctions par rapport aux fonctions de LuxSCS (mise agrave disposition de la technologie laquelle joue un rocircle crucial pour lrsquoexploitation des activiteacutes du groupe Amazon et la geacuteneacuteration des beacuteneacutefices) Ainsi sans analyse approfondie il nrsquoest pas possible de preacutejuger dans quelle mesure les contributions de LuxOpCo lui donneraient une part plus importante des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe que celle obtenue en application de la DFA en cause

520 Dans ces conditions il convient de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage mais tout au plus la probabiliteacute de lrsquoexistence drsquoun avantage

521 Certes ainsi que la Commission lrsquoa eacutevoqueacute lors de lrsquoaudience le fait que certains actifs soient transmis gratuitement sans que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA ne prenne en compte ces fonctions est de nature agrave deacutemontrer que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est infeacuterieure agrave ce qursquoune entreprise indeacutependante aurait perccedilu dans des conditions de marcheacute Neacuteanmoins force est de constater que la deacutecision attaqueacutee ne contient pas un tel raisonnement

522 Certes il nrsquoest pas exclu que si LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles qui ont eacuteteacute prises en compte aux fins du calcul de sa reacutemuneacuteration telle qursquoavaliseacutee dans la DFA en cause LuxOpCo aurait eu droit agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire Neacuteanmoins le raisonnement de la Commission tel qursquoexposeacute dans la deacutecision attaqueacutee reste theacuteorique et nrsquoest pas suffisant pour eacutetablir que LuxOpCo a effectivement perccedilu un avantage du fait de lrsquoapplication de la meacutethode de calcul de sa reacutemuneacuteration qui a eacuteteacute avaliseacutee par la DFA en cause

523 Certes la Commission a affirmeacute dans ses reacuteponses aux questions du Tribunal et lors de lrsquoaudience que en application de la DFA en cause LuxOpCo nrsquoa perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS et que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions lui avait eacuteteacute appliqueacutee en tenant compte de ses fonctions uniques et de valeur elle aurait neacutecessairement perccedilu une part plus importante de ces beacuteneacutefices combineacutes

524 Neacuteanmoins premiegraverement il importe de relever que lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo nrsquoaurait perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes nrsquoapparaicirct pas dans la partie de la deacutecision attaqueacutee relative au premier constat subsidiaire ni mecircme dans toute la deacutecision attaqueacutee Ce chiffre peut tout au plus ecirctre calculeacute sur la base des diffeacuterentes donneacutees chiffreacutees contenues dans la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il importe de relever que ce chiffre drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS correspond aux beacuteneacutefices drsquoexploitation de LuxOpCo apregraves deacuteduction de la redevance verseacutee agrave LuxSCS en application de la DFA en cause

525 Deuxiegravemement la Commission nrsquoapporte aucun eacuteleacutement concret dans la deacutecision attaqueacutee de nature agrave eacutetablir que le fait qursquoenviron 80 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS eacutetaient attribueacutes agrave LuxSCS afin de reacutemuneacuterer sa contribution agrave savoir la mise agrave disposition des actifs incorporels nrsquoest pas de pleine concurrence ni que lrsquoattribution drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes ne constitue pas une reacutemuneacuteration suffisante au regard des contributions effectueacutees par LuxOpCo

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526 Troisiegravemement ainsi qursquoAmazon lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave LuxOpCo en sus de la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN En effet le constat selon lequel la meacutethode de la reacuteparation des beacuteneacutefices avec analyse des contributions devait ecirctre appliqueacutee implique drsquoeacutecarter la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul Or il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

527 Drsquoune part il importe de relever que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait preacutesenteacute agrave la Commission un rapport concernant le taux de marge pour des entreprises effectuant des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne agrave savoir le rapport [confidentiel] Le taux de marge pour les activiteacutes de vente au deacutetail en ligne en moyenne eacutetait de 05 des coucircts totaux des deacutetaillants en ligne Sans qursquoil soit besoin de veacuterifier si au regard de cet eacuteleacutement Amazon eacutetait en droit drsquoaffirmer comme elle lrsquoa fait lors de lrsquoaudience que ce taux aurait deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans la peacuteriode consideacutereacutee aurait eacuteteacute laquo confortable raquo force est de constater que au regard dudit rapport la Commission aurait ducirc approfondir son examen quant agrave la question de savoir si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo correspondait agrave un reacutesultat de pleine concurrence pour ses fonctions de deacutetaillant en ligne Sans un tel examen il nrsquoest pas certain que lrsquoon puisse affirmer que LuxOpCo aurait pu recevoir une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour ses fonctions lieacutees aux activiteacutes commerciales

528 Drsquoautre part agrave lrsquoeacutechelle des activiteacutes de deacuteveloppement effectueacutees par le groupe Amazon les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels notamment en ce qui concerne la technologie restaient limiteacutees Il nrsquoest donc pas eacutevident que ces fonctions eacutetaient telles que la part des beacuteneacutefices attribuables agrave LuxOpCo aurait ducirc ecirctre supeacuterieure agrave 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo

529 En conseacutequence en lrsquoabsence drsquoeacuteleacutements sur la cleacute de reacutepartition qui aurait ducirc ecirctre retenue il nrsquoest pas possible drsquoidentifier lrsquoordre de grandeur de la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait ducirc percevoir dans des conditions de pleine concurrence ni a fortiori de deacuteterminer si cette reacutemuneacuteration est infeacuterieure ou supeacuterieure agrave celle obtenue en application de la DFA en cause

530 Il en deacutecoule que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus importante Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la DFA en cause a confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo En effet outre le fait que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave deacuteterminer quelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifieacutees par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle le premier constat subsidiaire ne contient pas drsquoeacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir agrave suffisance de droit que les erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle ainsi que lrsquoerreur meacutethodologique identifieacutee par la Commission relative au choix de la meacutethode en tant que telle ont effectivement abouti agrave une reacuteduction de la charge fiscale de LuxOpCo

531 Aucun des autres arguments exposeacutes par la Commission ne saurait remettre ces constats en question

532 Premiegraverement certes ainsi que lrsquoa exposeacute la Commission lors de lrsquoaudience il y a une diffeacuterence entre la deacutemonstration de lrsquoavantage et la quantification de lrsquoavantage Ainsi il nrsquoest pas exclu qursquoil soit possible de deacutemontrer qursquoune erreur meacutethodologique aboutit neacutecessairement agrave une reacutemuneacuteration infeacuterieure sans que ne soit quantifieacutee cette reacuteduction de reacutemuneacuteration Neacuteanmoins ainsi que constateacute au point 529 ci-dessus dans le cas drsquoespegravece la deacutecision attaqueacutee ne contient pas drsquoeacuteleacutements de nature agrave deacutemontrer que lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions en lieu et place de la MTMN aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee

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533 Deuxiegravemement certes ainsi que la Commission lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne nient pas que si LuxOpCo avait effectueacute des deacuteveloppements substantiels des actifs incorporels cela aurait ducirc mener agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

534 Neacuteanmoins ainsi que Amazon lrsquoa affirmeacute lors de lrsquoaudience et ainsi qursquoexposeacute au point 526 ci-dessus la thegravese de la Commission ne revient pas agrave consideacuterer qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire agrave celle calculeacutee en application de la DFA en cause aurait ducirc ecirctre calculeacutee En effet la Commission a consideacutereacute que la meacutethode des contributions avec analyse reacutesiduelle nrsquoeacutetait pas approprieacutee en lrsquoespegravece Il en deacutecoule que la thegravese de la Commission se limite agrave faire valoir que si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avait eacuteteacute calculeacutee en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices selon lrsquoanalyse des contributions cela aurait abouti agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee que celle obtenue en application de la MTMN Dans la mesure ougrave lrsquoanalyse des contributions impliquerait de ne pas prendre en compte la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec analyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

535 Troisiegravemement lrsquoargument de la Commission exposeacute dans ses eacutecritures selon lequel lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee de LuxOpCo dans la mesure ougrave cela aurait conduit agrave un partage du beacuteneacutefice reacutesiduel entre LuxOpCo et LuxSCS plutocirct qursquoagrave lrsquoattribution de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel agrave LuxSCS ainsi que lrsquoargument selon lequel il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire drsquoappliquer la meacutethode du partage des beacuteneacutefices pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage car cette meacutethode consiste agrave partager le beacuteneacutefice reacutesiduel doivent ecirctre eacutecarteacutes

536 En effet force est de constater qursquoune telle reacutepartition du beacuteneacutefice reacutesiduel nrsquoest pertinente que dans le cadre de lrsquoutilisation de lrsquoanalyse reacutesiduelle Or il ressort clairement de la deacutecision attaqueacutee et notamment de ses consideacuterants 567 et 568 que la Commission a consideacutereacute que seule lrsquoanalyse de contributions et non lrsquoanalyse reacutesiduelle pouvait valablement ecirctre utiliseacutee en lrsquoespegravece aux fins de lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Or ainsi qursquoexposeacute au point 534 ci-dessus lrsquoanalyse des contributions consiste agrave reacutepartir directement les beacuteneacutefices combineacutes entre les diffeacuterentes parties agrave la transaction et ne tient pas compte de la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee pour LuxOpCo Il ne peut donc ecirctre preacutesumeacute que lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

537 Il deacutecoule donc de lrsquoensemble de ce qui preacutecegravede que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave deacutemontrer dans le cadre de son premier constat subsidiaire que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo

538 Il convient donc drsquoaccueillir les moyens et arguments tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

539 Dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et en particulier au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que mecircme si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient accepteacute agrave bon droit la preacutesomption selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et mecircme si elles avaient ensuite consideacutereacute agrave bon droit que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que des fonctions de gestion courantes le choix drsquoun indicateur de beacuteneacutefice fondeacute sur les charges drsquoexploitation dans la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause nrsquoeacutetait pas approprieacute Il reacutesulte des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient pris en compte comme indicateur du niveau de beacuteneacutefice dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN les coucircts totaux de

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LuxOpCo comme cela aurait eacuteteacute fait dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacutee que celle retenue dans la DFA en cause En conseacutequence la base imposable de cette socieacuteteacute aurait eacuteteacute eacutegalement plus eacuteleveacutee

540 Agrave lrsquoappui de son deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage la Commission a rappeleacute le fait que la meacutethode avaliseacutee par la DFA en cause retenait les charges drsquoexploitation en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice alors que le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur lequel se fondait la demande de DFA aurait utiliseacute les coucircts totaux en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice Ensuite la Commission a indiqueacute que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait reconnu qursquoil y avait une incoheacuterence entre la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause et la meacutethode proposeacutee par le rapport sur les prix de transfert de 2003 Agrave cet eacutegard Amazon se serait borneacutee agrave affirmer que cette incoheacuterence nrsquoavait pas drsquoincidence sur le reacutesultat dans la mesure ougrave les coucircts drsquoexploitation repreacutesentaient la part la plus importante des coucircts totaux des entreprises comparables examineacutees dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 (consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee) En reacuteponse agrave ces arguments la Commission a exposeacute drsquoune part que le choix drsquoentreprises comparables qui avaient de faibles coucircts de marchandises alors que ces coucircts repreacutesentaient la majeure partie des coucircts de LuxOpCo aurait laquo deacutenot[eacute] raquo un mauvais choix des entreprises comparables Drsquoautre part la Commission a releveacute que plusieurs des entreprises comparables retenues pour lrsquoanalyse de comparabiliteacute auraient des coucircts importants de marchandises de matiegraveres premiegraveres et de consommables (consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee)

541 La Commission a conclu que les coucircts totaux constituant une base plus importante que les charges drsquoexploitation le revenu imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacute si les coucircts totaux avaient eacuteteacute conserveacutes ndash agrave lrsquoinstar de ce que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait ndash en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice (consideacuterant 574 de la deacutecision attaqueacutee) Pour illustrer ce constat dans le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a compareacute le beacuteneacutefice imposable de LuxOpCo en application de la DFA en cause avec le beacuteneacutefice de LuxOpCo agrave [confidentiel] des coucircts totaux et en lrsquoabsence de plafond Selon ce tableau pour les anneacutees 2006 agrave 2013 le premier srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros alors que le second srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros

542 En premier lieu il y a lieu de relever que lors de lrsquoaudience la Commission a indiqueacute que dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire tel que figurant aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee elle nrsquoaurait laquo jamais dit raquo que les coucircts totaux eacutetaient les plus adapteacutes En revanche elle aurait simplement affirmeacute que les charges drsquoexploitation nrsquoeacutetaient pas un indicateur de beacuteneacutefice approprieacute aux fins de la deacutetermination de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo Du reste la Commission nrsquoaurait fait que simplement appliquer la logique dont auraient fait preuve les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 En drsquoautres termes elle aurait appliqueacute les coucircts totaux pour deacuteterminer la reacutemuneacuteration de la pleine concurrence pour LuxOpCo pour la seule raison que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait cela

543 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil a eacuteteacute indiqueacute au point 125 ci-dessus crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne la deacutemonstration des conditions de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE En particulier la Commission doit deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de lrsquoentreprise dont elle considegravere qursquoelle serait la beacuteneacuteficiaire drsquoune aide drsquoEacutetat Cet avantage doit ecirctre un avantage reacuteel

544 Pour rappel en lrsquoespegravece la question concernant lrsquoexistence drsquoun avantage implique un examen du point de savoir si la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS telle que viseacutee dans la formule de calcul valideacutee par la DFA en cause eacutetait de pleine concurrence ou non Agrave cet eacutegard la Commission a identifieacute des erreurs dans lrsquoapplication de la MTMN proposeacutee par Amazon et valideacutee dans la DFA en cause Plus preacuteciseacutement la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

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545 Or ainsi que cela a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (voir point 123 ci-dessus) De plus ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat (voir point 125 ci-dessus)

546 Il srsquoensuit en lrsquoespegravece que la Commission eacutetait tenue de deacutemontrer que lrsquoerreur dans le choix de lrsquoindicateur identifieacutee par elle avait abouti non seulement agrave un reacutesultat diffeacuterent mais agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la DFA en cause Cela impliquait de reacutepondre agrave la question de savoir quel indicateur de niveau de beacuteneacutefice aurait eacuteteacute effectivement approprieacute

547 Compte tenu de lrsquointerpreacutetation que la Commission a donneacutee lors de lrsquoaudience des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle elle aurait utiliseacute les coucircts totaux non au motif qursquoils auraient constitueacute un indicateur du niveau de beacuteneacutefice approprieacute mais seulement aux fins de transposer la laquo logique raquo sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003 (voir point 542 ci-dessus) il y a lieu de constater que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave eacutetablir qursquoelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence ni a fortiori si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait perccedilue dans des conditions de pleine concurrence

548 Il en deacutecoule que par le deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

549 Dans un souci drsquoexhaustiviteacute et en second lieu il convient de relever que mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee la Commission avait en reacutealiteacute consideacutereacute que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur du niveau de beacuteneacutefice (par opposition agrave une simple transposition ndash deacutepourvue de toute utiliteacute ndash de la logique sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003) les consideacuterations eacutetayant le deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et la conclusion exposeacutee par la Commission au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee ne sauraient prospeacuterer

550 En effet agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler et de souligner agrave la fois que ainsi qursquoelle lrsquoa releveacute au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a fondeacute son deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage ndash et donc identifieacute que le choix des coucircts drsquoexploitation constituait une erreur meacutethodologique ndash sur la thegravese selon laquelle LuxSCS aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur alors que LuxOpCo nrsquoaurait exerceacute que des laquo fonctions de gestion courantes raquo La preacutemisse des autoriteacutes fiscales luxembourgeoises telle qursquoaccepteacutee par la Commission au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee eacutetait donc celle de dire que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que les fonctions limiteacutees drsquoune socieacuteteacute de gestion

551 Or il ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les coucircts totaux constituaient lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour reacutemuneacuterer une socieacuteteacute de gestion Du fait que lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute de gestion srsquoapparente agrave lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute qui fournit des services et dont la valeur est deacuteconnecteacutee du volume de ventes et du volume drsquoachats de matiegraveres premiegraveres en tant que tels il eacutetait envisageable selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de retenir les charges drsquoexploitation drsquoune telle entreprise pour deacutefinir lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute et non les coucircts totaux

552 En lrsquoespegravece premiegraverement lorsqursquoelle srsquoest reacutefeacutereacutee aux consideacuterants 572 et 573 de la deacutecision attaqueacutee aux coucircts totaux ndash par opposition aux coucircts drsquoexploitation ndash pour calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la Commission srsquoest en reacutealiteacute deacutepartie de la preacutemisse qursquoelle srsquoeacutetait fixeacutee elle-mecircme au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee

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553 En effet contrairement agrave lrsquoapproche mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo serait consideacutereacutee comme eacutetant une socieacuteteacute laquo ayant des fonctions de gestion raquo les appreacuteciations contenues au consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee reposent sur lrsquoideacutee que LuxOpCo serait une laquo entreprise de vente au deacutetail raquo Agrave y regarder de plus pregraves le choix de coucircts totaux a eacuteteacute preacutefeacutereacute par la Commission puisque LuxOpCo aurait eacuteteacute un deacutetaillant et non parce qursquoelle aurait eacuteteacute une laquo socieacuteteacute ayant des fonctions de gestion raquo Au regard de la preacutemisse mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc chercher agrave eacutetablir lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice drsquoune socieacuteteacute de gestion et non celui drsquoune entreprise qui deacuteployait des activiteacutes de deacutetaillant

554 Deuxiegravemement ainsi qursquoil ressort du point 551 ci-dessus selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de maniegravere geacuteneacuterale en ce qui concerne les socieacuteteacutes de gestion il nrsquoest pas certain que les coucircts totaux constituent un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute

555 Certes il ne saurait ecirctre exclu drsquoembleacutee que srsquoagissant drsquoune socieacuteteacute de gestion particuliegravere pour des raisons speacutecifiques propres agrave cette socieacuteteacute lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour cette derniegravere soit effectivement les coucircts totaux La Commission nrsquoa toutefois pas expliqueacute la raison qui aurait pu justifier le choix des coucircts totaux comme eacutetant un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute dans le cas particulier de LuxOpCo en tant que socieacuteteacute de gestion

556 Troisiegravemement srsquoil y avait lieu drsquoaccepter le choix des coucircts totaux comme eacutetant lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice le mieux adapteacute agrave la situation de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant (voir le consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee) force est de constater que la Commission nrsquoa aucunement analyseacute la probleacutematique du choix de lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute pour LuxOpCo dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute (marketplace) pour des vendeurs tiers De plus en ce qui concerne les ventes propres la Commission nrsquoa pas examineacute dans quelle mesure les coucircts totaux auraient eacuteteacute un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour lrsquoactiviteacute de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant en ligne

557 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que dans sa reacuteponse agrave une question eacutecrite du Tribunal la Commission a indiqueacute que lrsquoutilisation drsquoune marge sur les coucircts drsquoexploitation ndash et non des coucircts totaux ndash comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour des activiteacutes de distribution est permise lorsque la partie testeacutee intervient en tant qursquointermeacutediaire et ne risque pas ses fonds propres du fait notamment de lrsquoachat des biens revendus Agrave cet eacutegard la Commission srsquoest fondeacutee sur les paragraphes 2101 et 2102 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 qui ne sont toutefois pas pertinentes en lrsquoespegravece

558 Srsquoil y avait lieu drsquoaccepter qursquoune telle preacuteconisation ressortait deacutejagrave des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et eacutetait pertinente en lrsquoespegravece il y a lieu de constater que dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute du point de vue des vendeurs tiers LuxOpCo nrsquoavait que le rocircle drsquoun intermeacutediaire entre les vendeurs tiers et les consommateurs et qursquoelle nrsquoa pas risqueacute ses propres fonds en rapport avec les ventes reacutealiseacutees par les vendeurs tiers

559 Enfin srsquoil y avait lieu drsquoadmettre que la Commission eacutetait fondeacutee agrave consideacuterer que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur pour LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne compte tenu du fait que cette socieacuteteacute utilisait la technologie pour les activiteacutes de vente au deacutetail et en particulier celle relative agrave la fixation automatique des prix le choix des coucircts totaux comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour LuxOpCo aurait rendu neacutecessaire des ajustements agrave la baisse du taux agrave appliquer afin de prendre en compte les diffeacuterences mateacuterielles entre la structure de coucircts de LuxOpCo et la structure de coucircts des deacutetaillants traditionnels

560 La Commission nrsquoa quant agrave elle pas envisageacute et encore moins effectueacute de tels ajustements

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561 En second lieu selon le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la marge de [confidentiel] sur les coucircts totaux de LuxOpCo se serait eacuteleveacutee agrave un montant compris entre deux et trois milliards drsquoeuros

562 Lors de lrsquoaudience Amazon a affirmeacute sans ecirctre contredite sur ce point par la Commission que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee par la Commission serait supeacuterieure aux laquo beacuteneacutefices totaux raquo geacuteneacutereacutes dans lrsquoUnion lesquels srsquoeacutelegraveveraient selon elle agrave un montant compris entre un milliard et 15 milliard drsquoeuros La reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire eacutequivaudrait agrave deux fois la valeur de tous les beacuteneacutefices du groupe Amazon obtenus en Europe et ne serait de ce fait pas reacutealiste Il importe neacuteanmoins de relever que ainsi qursquoil ressort de lrsquoannexe C1 dans lrsquoaffaire T-31818 agrave laquelle Amazon a renvoyeacute lors de lrsquoaudience le chiffre compris entre 1 et 15 milliard drsquoeuros ne correspond pas au seul beacuteneacutefice comptable de LuxOpCo sur la peacuteriode consideacutereacutee mais au beacuteneacutefice consolideacute de LuxSCS et de LuxOpCo et fait ainsi deacuteduction des montants verseacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee

563 En tout eacutetat de cause il ressort drsquoune comparaison entre la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application drsquoun taux de [confidentiel] des coucircts totaux pour chaque anneacutee de la peacuteriode consideacutereacutee telle que figurant agrave la derniegravere ligne du tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee et le reacutesultat drsquoexploitation (beacuteneacutefice opeacuterationnel) de LuxOpCo pour les mecircmes anneacutees tel qursquoidentifieacute par la Commission agrave la huitiegraveme ligne du tableau 2 de la deacutecision attaqueacutee que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage serait supeacuterieure agrave son beacuteneacutefice drsquoexploitation pour les anneacutees 2012 et 2013 Or un tel reacutesultat srsquoeacutecarte manifestement drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

564 Il reacutesulte de ce qui preacutecegravede que lrsquoapplication du taux de [confidentiel] aux coucircts totaux de LuxOpCo sur laquelle repose le deuxiegraveme constat subsidiaire ne produit pas de reacutesultats fiables pour le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour lrsquointeacutegraliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee Il ne srsquoagit donc pas drsquoun reacutesultat correspondant agrave une reacutemuneacuteration de pleine concurrence si bien qursquoil doit ecirctre conclu que ce calcul opeacutereacute par la Commission dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire ne permet pas de deacutemontrer que LuxOpCo aurait obtenu un avantage du fait du choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

565 Par conseacutequent il y a lieu drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon qui visent agrave remettre en cause le bien-fondeacute du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

566 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le troisiegraveme constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9223 de la deacutecision attaqueacutee)

567 Pour rappel ainsi qursquoexposeacute au point 68 ci-dessus dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission a consideacutereacute en substance que lrsquoinclusion drsquoun plafond en vertu duquel la reacutemuneacuteration de LuxOpCo ne pouvait exceacuteder 055 de ses ventes annuelles dans la meacutethode de fixation des prix de transfert nrsquoeacutetait pas approprieacutee et confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo en ce qursquoelle aurait conduit agrave une diminution de son revenu imposable

568 Plus preacuteciseacutement la Commission a constateacute que au cours des exercices fiscaux de 2006 de 2007 de 2011 de 2012 et de 2013 lrsquoadministration fiscale avait accepteacute des deacuteclarations fiscales dans lesquelles le revenu imposable de LuxOpCo eacutetait deacutetermineacute par le plafond de 055 de ses ventes annuelles (consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee)

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569 La Commission a exposeacute que ni le rapport sur les prix de transfert de 2003 ni les analyses ex post ni encore les arguments exposeacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lors de la proceacutedure administrative ne justifiaient lrsquoinclusion de ce plafond (consideacuterants 576 et 577 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ajouteacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave lrsquoapplication erroneacutee de la marge aux charges drsquoexploitation et ne saurait de ce fait se situer dans un intervalle de pleine concurrence

570 Selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission a erroneacutement consideacutereacute que lrsquoinclusion du plafond confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

571 Drsquoune part ils font valoir que lrsquoinclusion du plafond aurait pour objectif de contraindre LuxOpCo agrave fonctionner de maniegravere efficace et agrave reacuteduire ses coucircts Drsquoautre part ils soulignent que en tout eacutetat de cause lrsquoapplication du plafond nrsquoa jamais pousseacute la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en dehors de lrsquointervalle de pleine concurrence ainsi que le deacutemontrerait le rapport sur les prix transfert de 2017

572 La Commission conteste ces arguments

573 Elle fait valoir agrave cet eacutegard que le meacutecanisme de plancher et de plafond nrsquoest pas preacutevu par les lignes directrices de lrsquoOCDE et ne trouve aucune justification du point de vue des prix de transfert En outre elle ajoute que contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapplication drsquoun tel meacutecanisme nrsquoest pas justifieacutee par lrsquoobjectif de garantir une reacutemuneacuteration faible et stable agrave LuxOpCo dans la mesure ougrave lrsquoobjectif mecircme de la MTMN est preacuteciseacutement de garantir une telle reacutemuneacuteration agrave la partie agrave laquelle elle est appliqueacutee

574 Avant toute chose il importe de constater que ainsi que lrsquoa drsquoailleurs confirmeacute la Commission dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal le troisiegraveme constat subsidiaire est indeacutependant et autonome par rapport au deuxiegraveme constat subsidiaire En effet comme cela ressort de la derniegravere phrase du consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee dans le cadre de ce troisiegraveme constat la Commission part de la preacutemisse que les coucircts drsquoexploitation pouvaient ecirctre utiliseacutes en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice

575 Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute agrave juste titre dans la deacutecision attaqueacutee et dans ses eacutecritures le meacutecanisme du plancher et de plafond ne trouve aucune justification ou rationaliteacute eacuteconomique Il est difficilement concevable que dans des conditions de marcheacute une entreprise accepte que sa reacutemuneacuteration soit plafonneacutee agrave un pourcentage de ses ventes annuelles En outre la MTMN permet de garantir une reacutemuneacuteration faible mais stable sans qursquoun meacutecanisme de plancher et de plafond soit neacutecessaire Un tel meacutecanisme nrsquoest pas non plus preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet la MTMN implique seulement drsquoidentifier un indicateur de beacuteneacutefice et un taux de marge

576 La Commission a donc correctement consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun tel plafond constituait une erreur meacutethodologique

577 Neacuteanmoins ce seul constat ne suffit pas agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

578 En effet force est de constater que pour chaque anneacutee drsquoapplication de la DFA en cause mecircme apregraves application du meacutecanisme de plafond la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est resteacutee dans lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute sur la base du rapport sur les prix de transfert de 2003 soit entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation La Commission ne conteste drsquoailleurs pas ce constat

579 Or ainsi que la Commission lrsquoa drsquoailleurs elle-mecircme expliqueacute lors de lrsquoaudience degraves lors que la reacutemuneacuteration se situe dans lrsquointervalle interquartile elle doit en principe ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant de pleine concurrence

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580 Certes la Commission a preacuteciseacute qursquoune telle conclusion ne pouvait ecirctre opeacutereacutee lorsque les entreprises comparables sur la base desquelles cet intervalle avait eacuteteacute calculeacute nrsquoavaient pas eacuteteacute correctement seacutelectionneacutees

581 Toutefois dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas remis en cause lrsquointervalle de pleine concurrence ni le choix des entreprises comparables sur la base duquel a eacuteteacute calculeacute cet intervalle

582 En effet au consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a reprocheacute aux autoriteacutes luxembourgeoises drsquoavoir accepteacute que le revenu imposable de LuxOpCo soit deacutetermineacute par lrsquoapplication du plafond laquo au lieu de srsquoeacutetablir agrave [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation raquo Force est donc de constater que dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission ne remet pas en cause le taux de rendement sur le fondement duquel celui-ci est appliqueacute mais seulement le plafond en tant que tel

583 De plus drsquoune part il ne ressort pas des consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission ait contesteacute lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 lequel se situe entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation En effet si la Commission a releveacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont fait valoir lors de la proceacutedure administrative que le revenu imposable de LuxOpCo nrsquoeacutetait jamais sorti de lrsquointervalle de pleine concurrence elle nrsquoa pas contesteacute lrsquointervalle en tant que tel mais srsquoest borneacutee agrave affirmer que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave celle identifieacutee dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi que constateacute au point 574 ci-dessus le deuxiegraveme et le troisiegraveme constat subsidiaire sont autonomes et indeacutependants

584 Drsquoautre part dans les consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas non plus remis en cause le choix des entreprises comparables utiliseacutees dans le calcul de lrsquointervalle de pleine concurrence Le consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee dans lequel la Commission a eacutevoqueacute une erreur dans le choix des entreprises comparables relegraveve du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi qursquoexposeacute au point 574 ci-dessus le troisiegraveme constat subsidiaire eacutetait autonome et indeacutependant des autres constats

585 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de retenir que aussi inapproprieacute que le meacutecanisme de plafond puisse ecirctre et bien qursquoil ne soit pas preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que ce meacutecanisme avait eu une incidence sur le caractegravere de pleine concurrence de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS

586 En conseacutequence le seul constat selon lequel le plafond a eacuteteacute appliqueacute pour les anneacutees 2006 2007 2011 2012 et 2013 ne suffit pas agrave eacutetablir que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue pour ces anneacutees ne correspondait pas agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

587 De fait la Commission a releveacute tout au plus une erreur meacutethodologique dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo sans ecirctre parvenue agrave deacutemontrer que cette erreur avait eu pour incidence de diminuer artificiellement la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans des proportions telles que ce niveau de reacutemuneacuteration nrsquoaurait pu ecirctre observeacute dans des conditions de marcheacute

588 Dans ces circonstances il convient de constater que par le troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo

589 Partant il convient drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le troisiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

590 Il deacutecoule donc de tout ce qui preacutecegravede que par aucun des constats exposeacutes dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoest parvenue agrave deacutemontrer agrave suffisance de droit lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Degraves lors il y a lieu drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee dans son ensemble sans qursquoil soit besoin drsquoexaminer les autres moyens et arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et par Amazon

Sur les deacutepens

591 Aux termes de lrsquoarticle 134 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure toute partie qui succombe est condamneacutee aux deacutepens srsquoil est conclu en ce sens La Commission ayant succombeacute il convient de la condamner agrave supporter ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon conformeacutement aux conclusions de ces derniers

592 Conformeacutement agrave lrsquoarticle 138 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure lrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

deacuteclare et arrecircte

1) Les affaires T-81617 et T-31818 sont jointes aux fins du preacutesent arrecirct

2) La deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon est annuleacutee

3) La Commission europeacuteenne supportera ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoAmazoncom Inc et drsquoAmazon EU Sagraverl

4) LrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Van der Woude Tomljenović Marcoulli

Ainsi prononceacute en audience publique agrave Luxembourg le 12 mai 2021

Le greffier Le preacutesident E Coulon M van der Woude

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

Table des matiegraveres

I Anteacuteceacutedents du litige 2

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause 3

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission 4

C Sur la deacutecision attaqueacutee 5

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique 5

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon 5

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause 6

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable 7

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert 8

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause 8

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage 9

1) Sur le constat principal de lrsquoavantage 10

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage 11

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure 12

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide 12

II Proceacutedure et conclusions des parties 12

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617 12

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 12

2 Sur lrsquointervention 13

3 Sur les demandes de traitement confidentiel 13

4 Sur les conclusions des parties 13

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818 14

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 14

2 Sur les demandes de traitement confidentiel 14

3 Sur les conclusions des parties 14

C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure 15

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

III En droit 15

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance 15

B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes 16

1 Observations preacuteliminaires 17

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales 17

b) Sur la charge de la preuve 19

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal 19

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage 20

a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage 21

b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage 22

1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN 23

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee 24

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester 25

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS 27

ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS 36

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester 37

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester 39

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC) 39

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien) 43

3) Conclusion sur le constat principal 45

3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage 46

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires 47

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 48

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo 49

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 51

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee) 53

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) 54

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie 56

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) 61

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 62

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 64

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee) 65

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee) 66

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 67

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse

attaqueacutee) 68

attaqueacutee 68

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo 70

2) Sur le choix de la meacutethode 71

des contributions) 73

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 77

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 81

Sur les deacutepens 84

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  • Arrecirct du Tribunal (septiegraveme chambre eacutelargie)
    • Arrecirct
    • I Anteacuteceacutedents du litige
      • A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause
      • B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission
      • C Sur la deacutecision attaqueacutee
        • 1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique
          • a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon
          • b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause
          • c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable
          • d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert
            • 2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause
              • a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage
                • 1) Sur le constat principal de lrsquoavantage
                • 2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage
                  • b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure
                  • c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide
                    • II Proceacutedure et conclusions des parties
                      • A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑81617
                        • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                        • 2 Sur lrsquointervention
                        • 3 Sur les demandes de traitement confidentiel
                        • 4 Sur les conclusions des parties
                          • B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑31818
                            • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                            • 2 Sur les demandes de traitement confidentiel
                            • 3 Sur les conclusions des parties
                              • C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure
                                • III En droit
                                  • A Sur la jonction des affaires T‑81617 et T‑31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance
                                  • B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes
                                    • 1 Observations preacuteliminaires
                                      • a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales
                                      • b) Sur la charge de la preuve
                                      • c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal
                                        • 2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage
                                          • a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage
                                          • b) Sur le bien‑fondeacute des moyens et arguments du Grand‑Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage
                                            • 1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN
                                            • 2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee
                                              • i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester
                                                • ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS
                                                • ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS
                                                • ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester
                                                  • ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester
                                                    • ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)
                                                    • ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)
                                                        • 3) Conclusion sur le constat principal
                                                            • 3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                              • a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires
                                                              • b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                • 1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo
                                                                  • i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie
                                                                    • ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                      • ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                        • ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                          • v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo
                                                                            • 2) Sur le choix de la meacutethode
                                                                            • 3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)
                                                                              • c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                              • d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                                • Sur les deacutepens

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5 a) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est infeacuterieur agrave 045 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 045 du chiffre drsquoaffaires ou du reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne

b) si le rendement de LuxOpCo deacutetermineacute agrave lrsquoeacutetape 1 est supeacuterieur agrave 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne le rendement de LuxOpCo est ajusteacute afin qursquoil soit eacutegal au montant le plus faible entre i) 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne et ii) le reacutesultat drsquoexploitation reacutealiseacute dans lrsquoUnion europeacuteenne raquo

10 Par la lettre du 31 octobre 2003 reacutedigeacutee par un autre conseiller fiscal Amazoncom a demandeacute confirmation du traitement fiscal reacuteserveacute agrave LuxSCS agrave ses associeacutes eacutetablis aux Eacutetats-Unis et aux dividendes perccedilus par LuxOpCo dans le cadre de cette structure Il eacutetait expliqueacute dans la lettre que LuxSCS en tant que socieacuteteacute en commandite simple nrsquoavait pas une personnaliteacute fiscale distincte de celle de ses associeacutes et que en conseacutequence elle nrsquoeacutetait assujettie ni agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ni agrave lrsquoimpocirct sur la fortune au Luxembourg

11 Le 6 novembre 2003 lrsquoAdministration des contributions directes du Grand-Ducheacute de Luxembourg (ci-apregraves lrsquolaquo administration fiscale luxembourgeoise raquo ou les laquo autoriteacutes fiscales luxembourgeoises raquo) a adresseacute agrave Amazoncom une lettre (ci-apregraves la laquo DFA en cause raquo) qui se lit pour partie comme suit

laquo [hellip] Monsieur

Apregraves avoir pris connaissance de la lettre du 31 octobre 2003 que [votre conseiller fiscal] mrsquoa adresseacutee ainsi que de votre lettre du 23 octobre 2003 exposant votre position agrave lrsquoeacutegard du traitement fiscal au Luxembourg dans la perspective de vos futures activiteacutes jrsquoai le plaisir de vous informer que je peux approuver le contenu des deux lettres [hellip] raquo

12 Agrave la demande drsquoAmazoncom lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise a prorogeacute la validiteacute de la DFA en cause en 2010 et lrsquoa effectivement appliqueacutee jusqursquoen juin 2014 lorsque la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute modifieacutee Ainsi la DFA en cause a eacuteteacute appliqueacutee de 2006 agrave 2014 (ci-apregraves la laquo peacuteriode consideacutereacutee raquo)

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission

13 Le 24 juin 2014 la Commission europeacuteenne a demandeacute au Grand-Ducheacute de Luxembourg de lui fournir des informations sur les deacutecisions fiscales anticipatives accordeacutees au groupe Amazon Le 7 octobre 2014 elle a publieacute la deacutecision drsquoouverture drsquoune proceacutedure formelle drsquoexamen au sens de lrsquoarticle 108 paragraphe 2 TFUE

14 Dans le cadre de lrsquoenquecircte ainsi entameacutee la Commission a demandeacute divers renseignements au Grand-Ducheacute de Luxembourg et agrave Amazoncom Parmi les reacuteponses aux demandes de renseignements Amazoncom a preacutesenteacute une copie drsquoun avis de la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) du 23 mars 2017 (ci-apregraves lrsquolaquo avis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis raquo) qui avait eacuteteacute rendu dans le cadre drsquoun recours formeacute par lrsquoInternal Revenue Service (agence de collecte fiscale du gouvernement feacutedeacuteral Eacutetats-Unis IRS) au sujet du montant des paiements lieacutes aux accords mentionneacutes au point 4 ci-dessus

15 De plus Amazoncom a preacutesenteacute agrave la Commission un nouveau rapport sur les prix de transfert reacutedigeacute par un conseiller fiscal dont lrsquoobjectif eacutetait de veacuterifier a posteriori si la redevance verseacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS conformeacutement agrave la DFA en cause eacutetait conforme au principe de pleine concurrence (ci-apregraves le laquo rapport sur les prix de transfert de 2017 raquo)

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C Sur la deacutecision attaqueacutee

16 Le 4 octobre 2017 la Commission a adopteacute la deacutecision (UE) 2018859 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1 ci-apregraves la laquo deacutecision attaqueacutee raquo)

17 Lrsquoarticle 1er de cette deacutecision se lit en partie comme suit

18 laquo La [DFA en cause] par laquelle le Grand-Ducheacute de Luxembourg a avaliseacute une meacutethode de fixation des prix de transfert [hellip] permettant agrave [LuxOpCo] de deacuteterminer sa dette drsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes au Luxembourg de 2006 agrave 2014 drsquoune part et lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes fondeacutee sur ladite deacutecision drsquoautre part constituent une aide drsquoEacutetat [hellip] raquo

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique

19 Dans la section 2 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Contexte factuel et juridique raquo la Commission a opeacutereacute notamment une preacutesentation du groupe Amazon de la DFA en cause ainsi que du cadre juridique national applicable et des orientations sur les prix de transfert

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon

20 Srsquoagissant de la preacutesentation du groupe Amazon la Commission a deacutecrit les activiteacutes du groupe Amazon de vente au deacutetail et de services ainsi que la composition dudit groupe dans la mesure ougrave cela eacutetait pertinent pour la deacutecision attaqueacutee

21 Pour la peacuteriode consideacutereacutee la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute scheacutematiseacutee par la Commission comme suit

22 Premiegraverement srsquoagissant de LuxSCS la Commission a releveacute que cette socieacuteteacute nrsquoavait aucune preacutesence physique ni aucun salarieacute au Luxembourg Selon la Commission au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxSCS intervenait uniquement en tant que socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe dont LuxOpCo eacutetait responsable en qualiteacute drsquoopeacuterateur principal Elle a indiqueacute toutefois que LuxSCS avait consenti eacutegalement des precircts intragroupes agrave plusieurs entiteacutes du groupe Amazon La Commission a preacuteciseacute en outre que LuxSCS eacutetait partie agrave plusieurs accords intragroupe conclus avec ATI A 9 et LuxOpCo (voir points 3 et 5 ci-dessus)

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23 Deuxiegravemement srsquoagissant de LuxOpCo la Commission a mis un accent particulier sur le fait que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo eacutetait une filiale agrave part entiegravere de LuxSCS

24 Selon la Commission agrave compter de la restructuration de 2006 des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon LuxOpCo remplissait les fonctions de siegravege social du groupe Amazon en Europe et eacutetait lrsquoopeacuterateur principal des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne et de services du groupe Amazon en Europe reacutealiseacutees par le canal des sites Internet europeacuteens La Commission a indiqueacute que en cette qualiteacute LuxOpCo avait ducirc geacuterer la prise de deacutecisions relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services meneacutees par lrsquointermeacutediaire des sites Internet europeacuteens ainsi que les principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail En outre en sa qualiteacute de vendeur officiel des stocks du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait eacuteteacute eacutegalement responsable de la gestion des stocks sur les sites Internet europeacuteens Elle aurait eacuteteacute proprieacutetaire desdits stocks et en aurait assumeacute les risques et les pertes La Commission a preacuteciseacute par ailleurs que LuxOpCo avait enregistreacute dans ses comptes le chiffre drsquoaffaires geacuteneacutereacute aussi bien par les ventes de produits que par le traitement de commandes Enfin LuxOpCo aurait eacutegalement exerceacute des fonctions de gestion de la treacutesorerie des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

25 Ensuite la Commission a indiqueacute que LuxOpCo avait deacutetenu des participations dans Amazon Services Europe (ci-apregraves laquo ASE raquo) et Amazon Media Europe (ci-apregraves laquo AMEU raquo) deux entiteacutes du groupe Amazon reacutesidentes au Luxembourg ainsi que dans les filiales drsquoAmazoncom constitueacutees au Royaume-Uni en France et en Allemagne (ci-apregraves les laquo socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes raquo) qui auraient fourni divers services intragroupe agrave lrsquoappui des activiteacutes de LuxOpCo Durant la peacuteriode consideacutereacutee ASE aurait geacutereacute le service du groupe Amazon pour les vendeurs tiers dans lrsquoUnion deacutenommeacute laquo MarketPlace raquo AMEU aurait geacutereacute quant agrave elle les laquo activiteacutes numeacuteriques raquo du groupe Amazon dans lrsquoUnion telles que par exemple la vente de MP3 et de livres numeacuteriques Les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient fourni quant agrave elles des services pour lrsquoexploitation des sites Internet europeacuteens

26 De plus la Commission a releveacute que pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo constituait avec ASE et AMEU lesquelles eacutetaient reacutesidentes au Luxembourg un groupe fiscal au regard du droit fiscal luxembourgeois au sein duquel LuxOpCo jouait le rocircle de socieacuteteacute inteacutegrante Ces trois entiteacutes auraient donc constitueacute un seul et mecircme contribuable

27 Enfin outre lrsquoaccord de licence conclu par LuxOpCo avec LuxSCS la Commission a deacutecrit de maniegravere deacutetailleacutee certains autres accords intragroupe auxquels LuxOpCo eacutetait partie pendant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir certains accords de prestation de services conclus le 1er mai 2006 avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et des accords de licence sur la proprieacuteteacute intellectuelle conclus le 30 avril 2006 avec ASE et AMEU en vertu desquels des sous-licences non exclusives sur les actifs incorporels auraient eacuteteacute accordeacutees agrave ces deux entiteacutes

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause

28 Apregraves avoir examineacute la structure du groupe Amazon la Commission a deacutecrit la DFA en cause

29 Agrave cet eacutegard premiegraverement elle a fait eacutetat des lettres des 23 et 31 octobre 2003 mentionneacutees aux points 8 agrave 10 ci-dessus

30 Deuxiegravemement la Commission a expliqueacute le contenu du rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base duquel a eacuteteacute proposeacutee la meacutethode de deacutetermination du montant de la redevance

31 Tout drsquoabord la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 fournissait une analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo aux termes de laquelle il eacutetait indiqueacute que les activiteacutes principales de LuxSCS se seraient limiteacutees agrave celles drsquoune socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels et drsquoun participant au deacuteveloppement constant des actifs incorporels dans le cadre de lrsquoARC LuxOpCo aurait

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eacuteteacute deacutecrite dans ce rapport comme geacuterant la prise de deacutecisions strateacutegiques relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services des sites Internet europeacuteens ainsi que des principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail

32 Ensuite la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 comportait une section relative agrave la seacutelection de la meacutethode de fixation des prix de transfert la plus approprieacutee pour deacuteterminer la conformiteacute du taux de redevance avec le principe de pleine concurrence Deux meacutethodes auraient eacuteteacute examineacutees dans le rapport lrsquoune fondeacutee sur la meacutethode du prix comparable sur le marcheacute libre (ci-apregraves la laquo meacutethode CUP raquo) et lrsquoautre sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels

33 Drsquoune part en application de la meacutethode CUP un intervalle de pleine concurrence pour le taux de redevance de 106 agrave 136 aurait eacuteteacute calculeacute dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base drsquoune comparaison avec un certain accord conclu par Amazoncom avec un deacutetaillant des Eacutetats-Unis agrave savoir lrsquoaccord [confidentiel]

34 Drsquoautre part en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels le rapport sur le prix de transfert de 2003 aurait contenu une estimation du rendement associeacute aux laquo fonctions courantes de LuxOpCo dans son rocircle de socieacuteteacute drsquoexploitation europeacuteenne raquo sur la base de la marge sur les coucircts supporteacutes par LuxOpCo Pour ce faire il aurait eacuteteacute consideacutereacute que la laquo marge nette sur coucircts raquo (net cost plus mark up) aurait eacuteteacute lrsquoindicateur de beacuteneacutefice permettant de deacuteterminer la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions preacutevues de LuxOpCo Il aurait eacuteteacute proposeacute drsquoappliquer une marge de [confidentiel] sur les charges drsquoexploitation corrigeacutees de LuxOpCo La Commission a fait observer que selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 la diffeacuterence entre ce rendement et le reacutesultat drsquoexploitation de LuxOpCo aurait correspondu au beacuteneacutefice reacutesiduel qui aurait eacuteteacute entiegraverement imputable agrave lrsquoutilisation des actifs incorporels donneacutes en licence par LuxSCS La Commission a eacutegalement preacuteciseacute que sur la base de ce calcul les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient conclu qursquoun taux de redevance compris entre 101 et 123 du chiffre drsquoaffaires net de LuxOpCo aurait satisfait au critegravere de pleine concurrence conformeacutement aux lignes directrices de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE)

35 Enfin la Commission a indiqueacute que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient consideacutereacute que les reacutesultats eacutetaient convergents et avaient mentionneacute le fait que lrsquointervalle de pleine concurrence pour le taux de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS allait de 101 agrave 123 des ventes de LuxOpCo Les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient toutefois consideacutereacute que lrsquoanalyse du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels aurait eacuteteacute davantage fiable et qursquoil convenait donc de la retenir

36 Troisiegravemement dans une section 225 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Conseacutequences de la DFA en cause raquo la Commission a indiqueacute que par la DFA en cause lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise avait confirmeacute que la meacutethode de deacutetermination du taux de la redevance qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Elle a ajouteacute que pour remplir ses deacuteclarations fiscales annuelles LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable

37 Srsquoagissant du cadre juridique national applicable la Commission a citeacute lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Selon cette disposition laquo les distributions cacheacutees de beacuteneacutefices [eacutetaie]nt agrave comprendre dans le revenu imposable raquo et laquo il y a[vait] distribution cacheacutee de beacuteneacutefices notamment si un associeacute socieacutetaire ou inteacuteresseacute re[cevai]t directement ou indirectement des avantages drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune association dont normalement il nrsquoaurait pas beacuteneacuteficieacute srsquoil nrsquoavait pas eu cette qualiteacute raquo Dans ce

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contexte la Commission a exposeacute notamment que pendant la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR aurait eacuteteacute interpreacuteteacute par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise en ce sens qursquoil consacrait le laquo principe de pleine concurrence raquo en droit fiscal luxembourgeois

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert

38 Aux consideacuterants 244 agrave 249 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacutesenteacute le cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert Selon elle les laquo prix de transfert raquo tels que compris par lrsquoOCDE dans des lignes directrices publieacutees par cette organisation en 1995 en 2010 et en 2017 sont les prix auxquels une entreprise transfegravere des biens corporels actifs incorporels ou rend des services agrave des entreprises associeacutees En vertu du principe de pleine concurrence tel qursquoappliqueacute aux fins de lrsquoimposition des socieacuteteacutes les administrations fiscales nationales ne devraient accepter les prix de transfert convenus entre les entreprises associeacutees au sein drsquoun groupe pour leurs transactions intragroupe que srsquoils correspondent agrave ce qui aurait eacuteteacute convenu dans le cadre de transactions sur le marcheacute libre crsquoest-agrave-dire des transactions entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des circonstances comparables sur le marcheacute En outre la Commission a preacuteciseacute que le principe de pleine concurrence reposait sur lrsquoapproche de lrsquoentiteacute distincte selon laquelle agrave des fins fiscales les membres drsquoun groupe drsquoentreprises eacutetaient traiteacutes comme des entiteacutes distinctes

39 La Commission a eacutegalement releveacute que pour eacutetablir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe les lignes directrices de lrsquoOCDE (dans leurs versions de 1995 de 2010 et de 2017) eacutenumeacuteraient cinq meacutethodes Seules trois drsquoentre elles auraient eacuteteacute pertinentes dans le cadre de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la meacutethode CUP la meacutethode transactionnelle de la marge nette (ci-apregraves la laquo MTMN raquo) et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Aux consideacuterants 250 agrave 256 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a deacutecrit en quoi ces meacutethodes consistaient

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause

40 Au consideacuterant 154 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que la DFA en cause confirmait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle que LuxOpCo devait verser agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Au consideacuterant 155 de la deacutecision attaqueacutee elle a eacutegalement indiqueacute que LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause au cours de la peacuteriode consideacutereacutee afin de deacuteterminer le montant annuel ducirc au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes lorsqursquoelle avait rempli ses deacuteclarations fiscales annuelles au Luxembourg Ainsi qursquoil reacutesulte de maniegravere explicite de lrsquoarticle 1er

de la deacutecision attaqueacutee et malgreacute une certaine impreacutecision figurant aux consideacuterants 605 et 606 de cette deacutecision selon la Commission lrsquoaide drsquoEacutetat consistait donc en lrsquoespegravece dans la DFA en cause lue en lien avec lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo (par opposition agrave la DFA en cause en tant que telle)

41 La section 9 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Appreacuteciation de la mesure contesteacutee raquo eacutetait destineacutee agrave deacutemontrer que la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo prises ensemble constituaient effectivement une aide drsquoEacutetat

42 Pour ce faire apregraves avoir rappeleacute les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat preacutevues agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a releveacute que la premiegravere condition de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat selon laquelle il devait srsquoagir drsquoune intervention de lrsquoEacutetat ou de ressources drsquoEacutetat eacutetait remplie en lrsquoespegravece Agrave cet eacutegard elle a releveacute drsquoune part que la DFA en cause eacutetait imputable au Grand-Ducheacute de Luxembourg Drsquoautre part elle a consideacutereacute que la DFA en cause aurait entraicircneacute une reacuteduction de lrsquoimpocirct ducirc par LuxOpCo au Luxembourg par rapport agrave ce que devaient payer des

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socieacuteteacutes contribuables se trouvant dans une situation similaire La DFA en cause aurait donneacute donc lieu agrave une perte de ressources drsquoEacutetat degraves lors qursquoelle avait ameneacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave renoncer agrave une recette fiscale qursquoil aurait autrement eacuteteacute en droit de percevoir aupregraves de LuxOpCo

43 Srsquoagissant des deuxiegraveme et quatriegraveme conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a estimeacute drsquoune part que la DFA en cause devait ecirctre consideacutereacutee comme affectant les eacutechanges au sein de lrsquoUnion degraves lors que LuxOpCo avait fait partie du groupe Amazon exerccedilant ses activiteacutes dans plusieurs Eacutetats membres et qursquoelle exploitait des activiteacutes de vente au deacutetail par le canal des sites Internet de lrsquoUnion La Commission a ajouteacute que en accordant un laquo traitement fiscal favorable agrave Amazon raquo le Grand-Ducheacute de Luxembourg avait potentiellement deacutetourneacute des investissements drsquoEacutetats membres qui nrsquooffraient pas un traitement fiscal aussi favorable agrave des socieacuteteacutes appartenant agrave un groupe multinational Drsquoautre part la Commission a indiqueacute que dans la mesure ougrave la DFA en cause avait exoneacutereacute LuxOpCo de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle aurait normalement eacuteteacute tenue de payer cette deacutecision constituait une aide au fonctionnement Ainsi la DFA en cause en libeacuterant des ressources financiegraveres pour LuxOpCo que cette derniegravere aurait pu utiliser pour investir dans ses activiteacutes commerciales aurait fausseacute la concurrence sur le marcheacute

44 Srsquoagissant de la troisiegraveme condition drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a exposeacute que lorsqursquoune DFA avalisait un reacutesultat qui ne refleacutetait pas de maniegravere fiable le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en appliquant normalement le reacutegime de droit commun sans justification une telle deacutecision procurait un avantage seacutelectif agrave son destinataire dans la mesure ougrave ce traitement seacutelectif entraicircnait une diminution de lrsquoimpocirct ducirc par le contribuable par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire La Commission a eacutegalement consideacutereacute que en lrsquoespegravece la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage seacutelectif agrave LuxOpCo en reacuteduisant lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle devait payer au Luxembourg

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage

45 Dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Avantage raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la DFA en cause confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

46 Agrave titre liminaire la Commission a rappeleacute que srsquoagissant de mesures fiscales un avantage au sens de lrsquoarticle 107 TFUE pouvait ecirctre procureacute agrave un contribuable du fait drsquoune reacuteduction de sa base imposable ou du montant de lrsquoimpocirct ducirc par celui-ci Elle a rappeleacute au consideacuterant 402 de la deacutecision attaqueacutee que selon la jurisprudence de la Cour pour examiner si la deacutetermination de revenus imposables procurait un avantage au beacuteneacuteficiaire il y avait lieu de comparer ledit reacutegime agrave celui de droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence En conseacutequence selon la Commission une laquo [deacutecision fiscale anticipative] permettant agrave un contribuable drsquoutiliser dans des transactions intragroupe des prix de transfert qui ne refl[eacutetai]ent pas les prix [qui auraient eacuteteacute] pratiqueacutes dans des conditions de libre concurrence entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des conditions comparables selon le principe de pleine concurrence procur[ait] un avantage agrave ce contribuable en ce qursquoelle deacutebouch[ait] sur une reacuteduction de ses revenus imposables et partant de sa base imposable dans le cadre du systegraveme commun de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes raquo

47 Au regard de ces appreacuteciations la Commission a conclu au consideacuterant 406 de la deacutecision attaqueacutee que pour eacutetablir que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo elle devait deacutemontrer que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause produisait un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute ce qui avait eu pour effet de reacuteduire la base imposable de LuxOpCo aux fins du calcul de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes Selon la Commission la DFA en cause avait produit un tel reacutesultat

48 Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires

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1) Sur le constat principal de lrsquoavantage

49 Dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Premier constat de lrsquoexistence de lrsquoavantage eacuteconomique raquo la Commission a estimeacute que en approuvant une meacutethode de fixation des prix de transfert qui attribuait une reacutemuneacuteration agrave LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites laquo courantes raquo et qui attribuait la totaliteacute du beacuteneacutefice geacuteneacutereacute par LuxOpCo au-delagrave de cette reacutemuneacuteration agrave LuxSCS sous la forme drsquoune redevance la DFA avait produit un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

50 En substance par son constat principal la Commission a consideacutereacute que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS retenue par les auteurs du rapport de prix de transfert de 2003 et en fin de compte par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise eacutetait erroneacutee et ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Au contraire lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc conclure que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels pour lesquels elle ne deacutetenait que le titre de proprieacuteteacute leacutegale

51 Aux fins de sa deacutemonstration la Commission a examineacute les fonctions exerceacutees les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxSCS et par LuxOpCo

52 Ensuite ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 519 de la deacutecision attaqueacutee sur la base de son analyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS la Commission a examineacute le choix de la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee en lrsquoespegravece

53 Srsquoagissant de la meacutethode CUP la Commission a estimeacute aux termes drsquoune analyse fondeacutee sur cinq critegraveres de comparabiliteacute qui auraient eacuteteacute eacutenonceacutes dans les lignes directrices de lrsquoOCDE que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeacutenonceacutee dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 avait donneacute lieu agrave un reacutesultat exageacutereacute qui avait exposeacute LuxOpCo au risque de subir des pertes

54 Selon la Commission en lrsquoespegravece crsquoest la MTMN qui aurait eacuteteacute la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee pour eacutevaluer la redevance due par LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence Elle a consideacutereacute que la partie exerccedilant des fonctions uniques et de valeur eacutetait LuxOpCo et non LuxSCS En conseacutequence la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN aurait ducirc ecirctre LuxSCS et non LuxOpCo

55 Enfin dans la section 9214 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre application de la MTMN en lrsquoespegravece

56 Selon elle crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester Lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazoncom selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait une laquo contribution unique raquo pour laquelle LuxSCS aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration composeacutee de pratiquement tous les beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales de LuxOpCo Agrave cet eacutegard la Commission a notamment renvoyeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo (section 921 de la deacutecision attaqueacutee)

57 Srsquoagissant du choix de lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice la Commission a estimeacute que LuxSCS nrsquoenregistrant aucune vente et nrsquoassumant aucun risque lieacute aux actifs incorporels lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice pertinent aurait ducirc ecirctre une marge sur les coucircts totaux consideacutereacutes (consideacuterant 550 de la deacutecision attaqueacutee)

58 En ce qui concerne la base de coucircts agrave laquelle une marge devait ecirctre appliqueacutee en lrsquoespegravece la Commission a consideacutereacute en substance que LuxSCS nrsquoaurait exerceacute qursquoune fonction drsquointermeacutediaire en transmettant agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC et en transfeacuterant une partie des redevances (la redevance de licence) reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts (consideacuterant 551 de la deacutecision attaqueacutee)

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59 Compte tenu de ces appreacuteciations au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc avoir deux composantes La premiegravere composante aurait ducirc selon la Commission correspondre agrave la refacturation agrave LuxOpCo des coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC auxquels aucune marge nrsquoaurait ducirc ecirctre appliqueacutee La deuxiegraveme composante aurait ducirc consister selon la Commission en une marge sur une base de coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels dans la mesure ougrave ces coucircts repreacutesentaient en reacutealiteacute des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration aurait garanti selon la Commission un reacutesultat dans des conditions de pleine concurrence car il aurait refleacuteteacute correctement les contributions de LuxSCS agrave lrsquoaccord de licence

60 Srsquoagissant de la deacutetermination de la marge approprieacutee la Commission a releveacute que si un tel exercice exigeait normalement une analyse de comparabiliteacute il nrsquoaurait pas eacuteteacute possible en lrsquoespegravece drsquoeffectuer une analyse fiable

61 En lieu et place drsquoune analyse de comparabiliteacute la Commission a estimeacute qursquoelle pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de 2010 du forum conjoint sur les prix de transfert (ci-apregraves le laquo rapport FCPT raquo) Le forum conjoint sur les prix de transfert est un groupe drsquoexperts constitueacute par la Commission en 2002 et destineacute agrave lrsquoassister sur des questions lieacutees aux prix de transfert Selon ledit rapport une marge pour les laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo comprise entre 3 et 10 aurait eacuteteacute observeacutee par les administrations fiscales des Eacutetats membres participant au forum conjoint sur les prix de transfert La marge la plus souvent observeacutee en pratique aurait eacuteteacute de 5 sur les coucircts des laquo prestations de tels services raquo En conseacutequence la Commission a estimeacute utile drsquoappliquer une telle marge aux coucircts externes supporteacutes par LuxSCS pour la conservation de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels

62 En conclusion de son premier constat de lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a indiqueacute que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS en vertu de lrsquoaccord de licence aurait ducirc ecirctre eacutegale agrave la somme des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par cette socieacuteteacute sans marge majoreacutee de tous les coucircts pertinents supporteacutes directement par LuxSCS auxquels une marge de 5 devait ecirctre appliqueacutee dans la mesure ougrave ces coucircts correspondaient agrave des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration correspondait agrave ce qursquoune partie indeacutependante dans une situation similaire agrave LuxOpCo aurait eacuteteacute disposeacutee agrave payer pour les droits et obligations assumeacutes en vertu de lrsquoaccord de licence En outre selon la Commission ce niveau de reacutemuneacuteration aurait eacuteteacute suffisant pour permettre agrave LuxSCS de couvrir ses obligations de paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC (consideacuterants 559 et 560 de la deacutecision attaqueacutee)

63 Or selon la Commission dans la mesure ougrave le niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS calculeacute par la Commission aurait eacuteteacute infeacuterieur au niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS reacutesultant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause ladite deacutecision aurait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo sous la forme drsquoune reacuteduction de sa base imposable aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes par rapport au chiffre drsquoaffaires des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable correspondait agrave des prix neacutegocieacutes selon le principe de pleine concurrence (consideacuterant 561 de la deacutecision attaqueacutee)

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage

64 Dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Constatation subsidiaire de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique raquo la Commission a exposeacute sa constatation subsidiaire de lrsquoavantage selon laquelle agrave supposer mecircme que lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise ait eu raison drsquoaccepter lrsquoanalyse des fonctions de LuxSCS effectueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la meacutethode de fixation des prix de transfert approuveacutee par la DFA en cause aurait eacuteteacute en tout eacutetat de

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cause fondeacutee sur des choix meacutethodologiques inapproprieacutes qui auraient produit un reacutesultat srsquoeacutecartant drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute Elle a preacuteciseacute que son raisonnement suivi dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence exacte pour LuxOpCo mais qursquoil visait davantage agrave deacutemontrer que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique eacutetant donneacute que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacute reposait sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes qui auraient conduit agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport aux entreprises dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait des prix neacutegocieacutes sur le marcheacute dans des conditions de pleine concurrence

65 Dans ce cadre la Commission a opeacutereacute trois constats subsidiaires distincts

66 Dans le cadre de son premier constat subsidiaire la Commission a affirmeacute que LuxOpCo avait eacuteteacute agrave tort consideacutereacutee comme exerccedilant uniquement des fonctions de gestion laquo courantes raquo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

67 Dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission a retenu que le choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur des beacuteneacutefices eacutetait erroneacute

68 Dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage la Commission a consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun plafond de 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion nrsquoeacutetait pas approprieacutee

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure

69 Dans la section 93 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Seacutelectiviteacute raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la mesure en cause eacutetait seacutelective

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide

70 Dans la section 95 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide raquo la Commission a constateacute que tout traitement fiscal favorable accordeacute agrave LuxOpCo avait eacutegalement profiteacute au groupe Amazon tout entier en lui fournissant des ressources suppleacutementaires de sorte que le groupe devait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant une entiteacute unique beacuteneacuteficiaire de la mesure drsquoaide en cause

71 Dans la section 10 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Reacutecupeacuteration raquo la Commission a affirmeacute que la mesure drsquoaide ayant eacuteteacute octroyeacutee chaque anneacutee ougrave la deacuteclaration annuelle de lrsquoimpocirct de LuxOpCo avait eacuteteacute accepteacutee par les autoriteacutes fiscales le groupe Amazon ne pouvait se preacutevaloir des regravegles de prescription afin de srsquoopposer agrave la reacutecupeacuteration de lrsquoaide Aux consideacuterants 639 agrave 645 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute la meacutethode de reacutecupeacuteration

II Proceacutedure et conclusions des parties

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617

72 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 14 deacutecembre 2017 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a introduit le recours dans lrsquoaffaire T-81617

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

73 Par deacutecision du 12 avril 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-81617 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure du Tribunal

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74 Par acte deacuteposeacute au greffe le 11 mai 2018 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute que lrsquoaffaire T-81617 soit jugeacutee par la septiegraveme chambre du Tribunal dans sa formation de jugement eacutelargie

75 En application de lrsquoarticle 28 paragraphe 5 du regraveglement de proceacutedure lrsquoaffaire T-81617 a eacuteteacute renvoyeacutee devant la septiegraveme chambre eacutelargie

76 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 21 juin 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur lrsquointervention

77 Par acte deacuteposeacute au greffe du Tribunal le 16 avril 2018 lrsquoIrlande a demandeacute agrave intervenir dans lrsquoaffaire T-81617 au soutien des conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

78 Par ordonnance du 29 mai 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a fait droit agrave la demande en intervention de lrsquoIrlande

3 Sur les demandes de traitement confidentiel

79 Par acte deacuteposeacute le 14 mai 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande de certaines donneacutees mentionneacutees dans la requecircte dans certaines des annexes de cette derniegravere ainsi que dans le meacutemoire en deacutefense

80 Par acte deacuteposeacute le 6 juin 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la reacuteplique

81 Par acte deacuteposeacute le 13 septembre 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la duplique

82 Agrave la suite de son admission en tant qursquointervenante lrsquoIrlande a reccedilu uniquement des versions non confidentielles des piegraveces de proceacutedure viseacutees par les demandes de traitement confidentiel du Grand-Ducheacute de Luxembourg formuleacutees agrave son eacutegard et nrsquoa souleveacute aucune objection agrave lrsquoencontre desdites demandes

4 Sur les conclusions des parties

83 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

ndash condamner la Commission aux deacutepens

84 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours comme non fondeacute

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ndash condamner le Grand-Ducheacute de Luxembourg aux deacutepens

85 LrsquoIrlande conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee en tout ou partie conformeacutement aux conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818

86 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 22 mai 2018 Amazon EU Sagraverl et Amazoncom (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble laquo Amazon raquo) ont introduit le recours dans lrsquoaffaire T-31818

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

87 Par deacutecision du 9 juillet 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-31818 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure

88 Sur proposition de la septiegraveme chambre du Tribunal le Tribunal a deacutecideacute le 11 juillet 2018 en application de lrsquoarticle 28 du regraveglement de proceacutedure de renvoyer lrsquoaffaire T-31818 devant une formation de jugement eacutelargie

89 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 19 juillet 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur les demandes de traitement confidentiel

90 Par acte deacuteposeacute au greffe le 12 juillet 2018 Amazon a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard du public drsquoune partie de la requecircte ainsi que de certaines piegraveces annexeacutees agrave celle-ci

3 Sur les conclusions des parties

91 Amazon conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler les articles 1er agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler les articles 2 agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash condamner la Commission aux deacutepens

92 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours

ndash condamner Amazon aux deacutepens dans lrsquoaffaire T-31818

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C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure

93 Par actes deacuteposeacutes au greffe du Tribunal les 7 aoucirct 2018 et 25 avril 2019 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

94 Par actes deacuteposeacutes au greffe les 10 aoucirct 2018 et 21 mai 2019 Amazon a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

95 Par deacutecision du 14 septembre 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de ne pas joindre agrave ce stade de la proceacutedure les affaires T-81617 et T-31818

96 Par ordonnance du 3 octobre 2019 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de joindre les affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure

97 Sur proposition de la juge rapporteure le Tribunal a deacutecideacute drsquoouvrir la phase orale de la proceacutedure et dans le cadre des mesures drsquoorganisation de la proceacutedure preacutevues agrave lrsquoarticle 89 du regraveglement de proceacutedure a demandeacute aux parties de reacutepondre agrave des questions eacutecrites Les parties ont reacutepondu agrave cette mesure drsquoorganisation de la proceacutedure dans le deacutelai imparti

98 Les parties ont eacuteteacute entendues en leurs plaidoiries et en leurs reacuteponses aux questions orales poseacutees par le Tribunal lors de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020 En outre les parties ont eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience sur une jonction eacuteventuelle des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance ce dont le Tribunal a pris acte dans le procegraves-verbal de lrsquoaudience Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ainsi que lrsquoIrlande ont indiqueacute qursquoelles nrsquoavaient pas drsquoobjections agrave une telle jonction La Commission a preacuteciseacute qursquoelle nrsquoeacutetait pas favorable agrave une eacuteventuelle jonction des affaires aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

III En droit

99 Les recours introduits dans les affaires T-81617 et T-31818 tendent agrave lrsquoannulation de la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle qualifie la DFA en cause ainsi que sa mise en œuvre annuelle drsquoaide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE et en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration des sommes qui nrsquoauraient pas eacuteteacute collecteacutees par le Grand-Ducheacute de Luxembourg aupregraves de LuxOpCo au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

100 En vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutefeacutereacute la deacutecision sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance qui relevait de sa compeacutetence agrave la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal

101 Les parties ayant eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience agrave lrsquoeacutegard drsquoune jonction eacuteventuelle il y a lieu de joindre aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance les affaires T-81617 et T-31818 pour cause de connexiteacute

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B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes

102 Agrave lrsquoappui de leurs recours le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent respectivement cinq et neuf moyens lesquels se recoupent en majeure partie Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande se prononce sur quatre des cinq moyens avanceacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En substance les moyens du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon peuvent ecirctre preacutesenteacutes de la maniegravere suivante

103 En premier lieu dans le cadre du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que des premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent en substance le constat principal de la Commission quant agrave lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

104 En deuxiegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats subsidiaires de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

105 En troisiegraveme lieu dans le cadre du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et des sixiegraveme et septiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats principaux et subsidiaires de la Commission portant sur la seacutelectiviteacute de la DFA en cause

106 En quatriegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que la Commission a violeacute la compeacutetence exclusive des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe

107 En cinquiegraveme lieu dans le cadre du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et dans le cadre du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a violeacute leurs droits de la deacutefense

108 En sixiegraveme lieu dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen ainsi que du premier grief de la deuxiegraveme branche du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 telles qursquoutiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee soient pertinentes en lrsquoespegravece

109 En septiegraveme lieu dans le cadre du cinquiegraveme moyen invoqueacute au soutien des conclusions preacutesenteacutees agrave titre subsidiaire dans lrsquoaffaire T-81617 et du neuviegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question le bien-fondeacute du raisonnement de la Commission visant la reacutecupeacuteration de lrsquoaide ordonneacutee par cette institution

110 Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande invoque premiegraverement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas eacutetabli lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo deuxiegravemement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas prouveacute la seacutelectiviteacute de la mesure troisiegravemement la violation des articles 4 et 5 TUE en ce que la Commission a proceacutedeacute agrave une harmonisation fiscale deacuteguiseacutee et quatriegravemement la violation du principe de seacutecuriteacute juridique en ce que la deacutecision attaqueacutee ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

111 Afin de reacutepondre de maniegravere utile aux moyens des parties principales ainsi qursquoaux arguments souleveacutes par lrsquoIrlande dans le cadre de son meacutemoire en intervention il y a lieu drsquoabord drsquoexposer certaines questions de droit qui sont drsquoapplication pour tous les griefs et moyens invoqueacutes par les parties (points 112 agrave 129 ci-apregraves)

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1 Observations preacuteliminaires

112 Selon une jurisprudence constante mecircme si la fiscaliteacute directe relegraveve en lrsquoeacutetat actuel du deacuteveloppement du droit de lrsquoUnion de la compeacutetence des Eacutetats membres ces derniers doivent neacuteanmoins exercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (voir arrecirct du 12 juillet 2012 CommissionEspagne C-26909 EUC2012439 point 47 et jurisprudence citeacutee) Ainsi les interventions des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe quand bien mecircme elles porteraient sur des questions qui nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune harmonisation dans lrsquoUnion ne sont pas exclues du champ drsquoapplication de la reacuteglementation relative au controcircle des aides drsquoEacutetat (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 142)

113 Il en deacutecoule que la Commission peut qualifier une mesure fiscale drsquoaide drsquoEacutetat pour autant que les conditions drsquoune telle qualification soient reacuteunies (voir en ce sens arrecircts du 2 juillet 1974 ItalieCommission 17373 EUC197471 point 28 et du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission C-18203 et C-21703 EUC2006416 point 81) En effet les Eacutetats membres doivent exercer leur compeacutetence en matiegravere fiscale en conformiteacute avec le droit de lrsquoUnion (arrecirct du 3 juin 2010 CommissionEspagne C-48708 EUC2010310 point 37) Par conseacutequent ils doivent srsquoabstenir de prendre dans ce contexte toute mesure susceptible de constituer une aide drsquoEacutetat incompatible avec le marcheacute inteacuterieur (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 143)

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales

114 Une mesure par laquelle les autoriteacutes publiques accordent agrave certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui bien que ne comportant pas un transfert de ressources drsquoEacutetat place les beacuteneacuteficiaires dans une situation financiegravere plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecirct du 15 mars 1994 Banco Exterior de Espantildea C-38792 EUC1994100 point 14 voir eacutegalement arrecircts du 8 septembre 2011 Paint Graphos ea C-7808 agrave C-8008 EUC2011550 point 46 et jurisprudence citeacutee et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 145 et jurisprudence citeacutee)

115 Dans le cas des mesures fiscales lrsquoexistence mecircme drsquoun avantage ne peut ecirctre eacutetablie que par rapport agrave une imposition dite laquo normale raquo (arrecirct du 6 septembre 2006 PortugalCommission C-8803 EUC2006511 point 56) Partant une telle mesure confegravere un avantage eacuteconomique agrave son beacuteneacuteficiaire degraves lors qursquoelle allegravege les charges qui normalement gregravevent le budget drsquoune entreprise et qui de ce fait sans ecirctre une subvention au sens strict du mot est de mecircme nature et a des effets identiques (arrecircts du 9 octobre 2014 Ministerio de Defensa et Navantia C-52213 EUC20142262 point 22 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 146)

116 En conseacutequence afin de deacuteterminer srsquoil existe un avantage fiscal il convient de comparer la situation du beacuteneacuteficiaire reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure en cause avec celle de celui-ci en lrsquoabsence de la mesure en cause (voir en ce sens arrecirct du 26 avril 2018 Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La ManchaCommission C-9117 P et C-9217 P non publieacute EUC2018284 point 114) et en application des regravegles normales drsquoimposition (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 147)

117 Dans le contexte de la deacutetermination de la situation fiscale drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee qui fait partie drsquoun groupe drsquoentreprises il y a lieu de relever drsquoembleacutee que les prix des transactions intragroupe effectueacutees par celle-ci nrsquoont pas eacuteteacute deacutetermineacutes dans des conditions de marcheacute En effet ces prix sont

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convenus entre socieacuteteacutes appartenant au mecircme groupe de sorte qursquoils ne sont pas soumis aux forces du marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 148)

118 Or lorsque le droit fiscal national nrsquoopegravere pas de distinction entre les entreprises inteacutegreacutees et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ce droit entend imposer le beacuteneacutefice reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee comme srsquoil reacutesultait de transactions effectueacutees agrave des prix de marcheacute Dans ces conditions il convient de constater que lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une telle entreprise inteacutegreacutee la Commission peut comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149)

119 Par ailleurs ces conclusions sont corroboreacutees par lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) qui concernait le droit fiscal belge lequel preacutevoyait que les socieacuteteacutes inteacutegreacutees et les socieacuteteacutes autonomes soient traiteacutees dans les mecircmes conditions En effet la Cour a reconnu au point 95 de cet arrecirct la neacutecessiteacute de comparer un reacutegime drsquoaides deacuterogatoire agrave celui de laquo droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence raquo (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 150)

120 Dans ce cadre si par le biais de la mesure fiscale octroyeacutee agrave une socieacuteteacute inteacutegreacutee les autoriteacutes nationales ont accepteacute un certain niveau de prix drsquoune transaction intragroupe lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE permet agrave la Commission de controcircler si ce niveau de prix correspond agrave celui qui aurait eacuteteacute pratiqueacute dans des conditions de marcheacute afin de veacuterifier srsquoil en reacutesulte un alleacutegement des charges grevant normalement le budget de lrsquoentreprise en cause lui confeacuterant ainsi un avantage au sens dudit article

121 Il convient en outre de preacuteciser que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 152)

122 Mecircme si la Commission ne saurait ecirctre formellement lieacutee par les lignes directrices de lrsquoOCDE il nrsquoen demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux reacutealiseacutes par des groupes drsquoexperts qursquoelles reflegravetent le consensus atteint agrave lrsquoeacutechelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qursquoelles revecirctent de ce fait une importance pratique certaine dans lrsquointerpreacutetation des questions relatives aux prix de transfert (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 155)

123 Dans ce contexte il y a lieu de relever que si la Commission deacutetecte une erreur meacutethodologique dans la mesure fiscale soumise agrave lrsquoexamen il ne saurait ecirctre conclu que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques aboutit neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore faut-il que la Commission deacutemontre que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipative concerneacutee ne permettent pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles ont abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable par rapport agrave la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national agrave une entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable agrave celle de la socieacuteteacute concerneacutee et exerccedilant ses activiteacutes

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dans des conditions de marcheacute Ainsi le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 201)

124 En effet ainsi que lrsquoa releveacute en substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg selon une jurisprudence constante lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE deacutefinit une mesure drsquoallegravegement des charges pesant normalement sur une entreprise en fonction de ses effets (voir arrecirct du 22 deacutecembre 2008 British AggregatesCommission C-48706 P EUC2008757 point 85 et jurisprudence citeacutee) Lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat ne saurait ecirctre ni preacutesumeacutee ni deacuteduite drsquoune erreur de calcul sans incidence sur le reacutesultat

b) Sur la charge de la preuve

125 Il importe de rappeler que dans le cadre du controcircle des aides drsquoEacutetat il appartient en principe agrave la Commission de rapporter dans la deacutecision attaqueacutee la preuve de lrsquoexistence drsquoune telle aide (voir en ce sens arrecircts du 12 septembre 2007 Olympiaki Aeroporia YpiresiesCommission T-6803 EUT2007253 point 34 et du 25 juin 2015 SACE et Sace BTCommission T-30513 EUT2015435 point 95) Dans ce contexte la Commission est tenue de conduire la proceacutedure drsquoexamen des mesures en cause de maniegravere diligente et impartiale afin de disposer lors de lrsquoadoption drsquoune deacutecision finale eacutetablissant lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoincompatibiliteacute ou lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoaide des eacuteleacutements les plus complets et fiables possibles (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 194 voir eacutegalement en ce sens arrecircts du 2 septembre 2010 CommissionScott C-29007 P EUC2010480 point 90 et du 3 avril 2014 FranceCommission C-55912 P EUC2014217 point 63)

126 Il en deacutecoule que dans la deacutecision attaqueacutee il incombait agrave la Commission de deacutemontrer que les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE eacutetaient reacuteunies Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que srsquoil est constant que lrsquoEacutetat membre dispose drsquoune marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapprobation des prix de transfert cette marge drsquoappreacuteciation ne saurait toutefois conduire agrave priver la Commission de sa compeacutetence pour controcircler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas agrave lrsquooctroi drsquoun avantage seacutelectif au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Dans ce contexte la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de veacuterifier si un prix de transfert avaliseacute par un Eacutetat membre correspond agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute et si lrsquoeacutecart eacuteventuellement constateacute dans le cadre de cet examen ne va pas au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 196)

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal

127 Srsquoagissant de lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal en lrsquoespegravece il convient de relever que ainsi qursquoil reacutesulte de lrsquoarticle 263 TFUE lrsquoobjet du recours en annulation est le controcircle de la leacutegaliteacute des actes adopteacutes par les institutions de lrsquoUnion qui y sont eacutenumeacutereacutees Degraves lors lrsquoanalyse des moyens souleveacutes dans le cadre drsquoun tel recours nrsquoa ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complegravete de lrsquoaffaire dans le cadre drsquoune proceacutedure administrative (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 197 voir eacutegalement en ce sens arrecirct du 2 septembre 2010 CommissionDeutsche Post C-39908 P EUC2010481 point 84)

128 Srsquoagissant du domaine des aides drsquoEacutetat il y a lieu de rappeler que la notion drsquoaide drsquoEacutetat telle qursquoelle est deacutefinie dans le traiteacute FUE preacutesente un caractegravere juridique et doit ecirctre interpreacuteteacutee sur la base drsquoeacuteleacutements objectifs Pour cette raison le juge de lrsquoUnion doit en principe et compte tenu tant des eacuteleacutements concrets du litige qui lui est soumis que du caractegravere technique ou complexe des appreacuteciations porteacutees par la Commission exercer un entier controcircle en ce qui concerne la question de savoir si une

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mesure entre dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecircts du 4 septembre 2014 SNCM et FranceCorsica Ferries France C-53312 P et C-53612 P EUC20142142 point 15 du 30 novembre 2016 CommissionFrance et Orange C-48615 P EUC2016912 point 87 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 198)

129 Quant agrave la question de savoir si une meacutethode de deacutetermination drsquoun prix de transfert drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee est conforme au principe de pleine concurrence il convient de rappeler ainsi qursquoil a eacuteteacute deacutejagrave indiqueacute ci-dessus que lorsqursquoelle utilise cet outil dans le cadre de son appreacuteciation au titre de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission doit tenir compte de sa nature approximative Le controcircle du Tribunal tend donc agrave veacuterifier que les erreurs identifieacutees dans la deacutecision attaqueacutee sur la base desquelles la Commission a fondeacute la constatation drsquoun avantage vont au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave lrsquoapplication drsquoune meacutethode destineacutee agrave obtenir une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 199)

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage

130 Ainsi qursquoexposeacute au point 103 ci-dessus par la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par les premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la Commission a violeacute lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE lorsqursquoelle a conclu agrave lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage figurant dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee) Plus preacuteciseacutement par ces moyens et arguments le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent agrave contester le raisonnement de la Commission figurant aux consideacuterants 394 395 et 401 agrave 579 de la deacutecision attaqueacutee et selon lequel la mise en œuvre de la DFA en cause pendant la peacuteriode consideacutereacutee aurait abouti agrave une diminution de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et ainsi de sa charge fiscale par rapport agrave celle qursquoelle aurait ducirc percevoir en lrsquoabsence de ladite deacutecision si elle avait eacuteteacute traiteacutee comme toute autre socieacuteteacute contribuable se trouvant dans une situation comparable Par leurs arguments souleveacutes quant au constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon visent agrave remettre en cause notamment la constatation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN Ils visent eacutegalement agrave contester lrsquoexactitude de lrsquoapplication de la MTMN agrave LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

131 Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 110 ci-dessus dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande argumente au soutien du premier moyen invoqueacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg

132 Dans ce cadre lrsquoIrlande prend position sur de nombreuses questions de droit souleveacutees par lrsquointerpreacutetation de la notion de laquo principe de pleine concurrence raquo tel qursquoappliqueacute par la Commission en lrsquoespegravece ainsi que dans certaines affaires drsquoaides drsquoEacutetat reacutecentes en matiegravere fiscale En particulier lrsquoIrlande fait valoir que la jurisprudence du juge de lrsquoUnion agrave savoir lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) laquo ne dit pas que les Eacutetats membres sont obligeacutes drsquoappliquer le [principe de pleine concurrence] raquo Selon cet Eacutetat membre ladite jurisprudence ne donne pas non plus de fondement agrave lrsquoobligation imposeacutee au Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence (dans la version deacutefendue par la Commission) dans le droit national luxembourgeois Enfin lrsquoIrlande soutient que dans lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) la Cour nrsquoa pas identifieacute de principe de pleine concurrence propre au droit de lrsquoUnion indeacutependamment de ce que preacutevoit le droit national

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a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage

133 La Commission excipe de lrsquoirrecevabiliteacute des arguments souleveacutes par lrsquoIrlande agrave lrsquoappui du premier moyen avanceacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En effet selon elle les arguments de lrsquoIrlande tendent agrave faire valoir qursquoelle aurait retenu une interpreacutetation erroneacutee de la notion drsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE en utilisant un critegravere inapproprieacute agrave savoir un principe de pleine concurrence laquo sui generis raquo alors que en reacutealiteacute par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg eacutenoncerait plutocirct que la Commission aurait proceacutedeacute agrave une application erroneacutee du principe de pleine concurrence

134 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que si lrsquoarticle 40 troisiegraveme alineacutea du statut de la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne et les articles 142 paragraphe 3 et 145 paragraphe 2 sous b) du regraveglement de proceacutedure du Tribunal ne srsquoopposent pas agrave ce qursquoun intervenant preacutesente des arguments nouveaux ou diffeacuterents de ceux de la partie qursquoil soutient sous peine de voir son intervention limiteacutee agrave reacutepeacuteter les arguments avanceacutes dans la requecircte il ne saurait ecirctre admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de deacuteformer le cadre du litige deacutefini par la requecircte en soulevant des moyens nouveaux (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 44 et jurisprudence citeacutee)

135 En drsquoautres termes ces dispositions confegraverent agrave la partie intervenante le droit drsquoexposer de maniegravere autonome non seulement des arguments mais aussi des moyens pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions drsquoune des parties principales et ne soient pas drsquoune nature totalement eacutetrangegravere aux consideacuterations qui fondent le litige tel qursquoil a eacuteteacute constitueacute entre la partie requeacuterante et la partie deacutefenderesse ce qui aboutirait agrave en alteacuterer lrsquoobjet (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 45 et jurisprudence citeacutee)

136 En lrsquoespegravece il convient de constater que par ses arguments lrsquoIrlande vise en substance le fondement juridique invoqueacute par la Commission quant agrave lrsquoobligation imposeacutee au Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence LrsquoIrlande remet en cause donc les sources de droit de ce principe tel qursquoappliqueacute par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee De surcroicirct les arguments de lrsquoIrlande ont trait agrave lrsquointerpreacutetation du contenu de ce principe et non agrave son application par lrsquointermeacutediaire drsquoune meacutethode de deacutetermination de prix de transfert

137 Or il est constant que le principe de pleine concurrence tel qursquoapplicable en lrsquoespegravece peut ecirctre tireacute de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee Cet eacuteleacutement ressort notamment du consideacuterant 241 de la deacutecision attaqueacutee sans que cette conclusion ait eacuteteacute remise en cause par les parties Le premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas trait agrave la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe ni agrave des questions drsquointerpreacutetation de ce principe De fait par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg invoque lrsquoexistence de preacutetendues erreurs dans lrsquoapplication par la Commission de certaines meacutethodes de deacutetermination de prix de transfert dans le cadre de son raisonnement concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sachant que ces meacutethodes permettent de constater en fin de compte si une redevance correspond agrave un reacutesultat de pleine concurrence

138 Il srsquoensuit que les arguments souleveacutes par lrsquoIrlande au soutien du premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg sont eacutetrangers aux consideacuterations qui fondent son premier moyen De ce fait ils doivent ecirctre rejeteacutes comme eacutetant irrecevables

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b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage

139 En compleacutement des eacuteleacutements exposeacutes au point 130 ci-dessus il y a lieu de relever que dans le cadre de la premiegravere branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du premier moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en cause le bien-fondeacute du refus de la Commission drsquoappliquer la meacutethode CUP dans le cadre drsquoune analyse ex post sur la base des accords comparables preacutesenteacutes agrave la Commission par Amazoncom

140 Dans le cadre des premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que lrsquoanalyse fonctionnelle meneacutee par la Commission dans le cadre de son application de la MTMN est erroneacutee en ce qursquoelle a conclu que LuxSCS eacutetait la partie la moins complexe et que lrsquoapplication de la MTMN par la Commission reposait sur des choix meacutethodologiques erroneacutes

141 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a opeacutereacute dans son analyse principale une seacutelection arbitraire et partiale parmi les teacutemoignages issus de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus

142 Dans le cadre de la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que de la sixiegraveme branche du deuxiegraveme moyen et du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon affirment que le reacutesultat obtenu par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee srsquoeacutecarte drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

143 Ainsi en substance les arguments invoqueacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre du constat principal de lrsquoavantage tendent agrave contester drsquoune part le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP et drsquoautre part lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par la Commission

144 Srsquoagissant des arguments tendant agrave contester le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP il convient de relever qursquoil est constant que la DFA en cause nrsquoa pas fait application de cette meacutethode En effet quand bien mecircme cette meacutethode aurait eacuteteacute examineacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fourni aux autoriteacutes fiscales agrave lrsquoappui de la demande de DFA elle nrsquoa pas eacuteteacute retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 par laquelle Amazon a solliciteacute lrsquoapprobation de la meacutethode de calcul de la redevance (voir point 9 ci-dessus) Ainsi qursquoil ressort en particulier du consideacuterant 542 de la deacutecision attaqueacutee dans son analyse visant agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission srsquoest uniquement fondeacutee sur la MTMN En revanche les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP (consideacuterants 521 agrave 538 de la deacutecision attaqueacutee) ne sont pas de nature agrave deacutemontrer lrsquoexistence de la premiegravere condition de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Compte tenu du fait que crsquoest agrave la Commission de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage (voir points 125 agrave 126 ci-dessus) et vu le fait que les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP ne tendent pas agrave une telle deacutemonstration il nrsquoest pas utile drsquoaborder les arguments et les moyens des parties requeacuterantes concernant la meacutethode CUP

145 Srsquoagissant des arguments visant agrave contester le bien-fondeacute des appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par cette institution (voir points 146 agrave 297 ci-apregraves) il y aura lieu premiegraverement de relever quelle est la version pertinente des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert (voir points 146 agrave 155 ci-apregraves) Deuxiegravemement il conviendra de veacuterifier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont en droit de soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee qui aurait invalideacute son constat principal relatif agrave lrsquoavantage (voir points 156 agrave 297 ci-apregraves)

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1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN

146 Afin de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee appliqueacute une seacuterie drsquoorientations de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans diffeacuterentes versions de celles-ci

147 Dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche de son deuxiegraveme moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait en substance valoir que en lrsquoespegravece crsquoest le contexte eacuteconomique et le cadre reacuteglementaire tels qursquoils preacutevalaient en 2003 qui doivent ecirctre pris en compte Sans compter le fait que au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause en 2003 tout comme au moment de sa derniegravere prorogation en 2010 les lignes directrices de lrsquoOCDE ne constituaient que des orientations indicatives pour les autoriteacutes luxembourgeoises deacutepourvues de toute force contraignante pour ces derniegraveres les seules lignes directrices de lrsquoOCDE qui auraient eacuteteacute disponibles au moment de lrsquoadoption de la DFA eacutetaient les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Dans la deacutecision attaqueacutee la Commission se serait toutefois reacutefeacutereacutee aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ce qui eacutequivaudrait agrave une application ratione temporis inapproprieacutee du cadre de reacutefeacuterence lequel devrait ecirctre deacutetermineacute sur la base des faits et des meacutethodes de calcul de prix qui existaient agrave la date de lrsquoadoption des mesures en cause

148 Amazon ajoute que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ont apporteacute plusieurs modifications importantes par rapport agrave leur version de 1995 telles que lrsquointroduction de la meacutethode drsquoanalyse des fonctions laquo Deacuteveloppement ameacutelioration entretien protection et exploitation raquo (Development Enhancement Maintenance Protection and Exploitation ci-apregraves les laquo fonctions DEMPE raquo) Amazon conteste en particulier la pertinence de lrsquoapplication par la Commission de cette meacutethode dans la mesure ougrave elle ne serait apparue que posteacuterieurement agrave la date de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE

149 La Commission conteste ces arguments

150 Elle indique drsquoabord que la deacutecision attaqueacutee nrsquoapplique pas les lignes directrices de lrsquoOCDE comme si elles constituaient des normes contraignantes mais comme srsquoil srsquoagissait drsquoun outil lrsquoaidant agrave appliquer le critegravere eacutetabli par la Cour au point 95 de lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) Selon la Commission contrairement agrave ce que le Grand-Ducheacute de Luxembourg semble avancer lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise srsquoest reacuteguliegraverement fondeacutee sur ces lignes directrices pour interpreacuteter le principe de pleine concurrence de sorte que les principes de lrsquoOCDE demeurent pertinents en lrsquoespegravece

151 La Commission ajoute ensuite que toutes les constatations formuleacutees dans la deacutecision attaqueacutee reposent sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et que les reacutefeacuterences aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 et de 2017 ne sont eacutevoqueacutees que lorsque ces versions ulteacuterieures clarifient les lignes directrices dans leur version de 1995 sans pour autant modifier ces derniegraveres

152 En lrsquoespegravece il reacutesulte drsquoun certain nombre de notes en bas de page de la deacutecision attaqueacutee que la Commission a fondeacute ne serait-ce que partiellement ses appreacuteciations relatives agrave lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE non seulement sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 mais eacutegalement sur lesdites lignes dans leurs versions de 2010 et de 2017 Srsquoagissant des versions des lignes directrices de lrsquoOCDE de 1995 de 2010 et de 2017 il y a lieu de constater que celles-ci divergent sur plusieurs points et ce dans une mesure diffeacuterente Ces diffeacuterences vont de simples preacutecisions nrsquoayant aucune incidence sur la substance des versions anteacuterieures agrave des ampliations ineacutedites agrave savoir des preacuteconisations qui nrsquoeacutetaient pas contenues y compris de maniegravere implicite dans les versions anteacuterieures Une des ampliations ineacutedites des lignes directrices de lrsquoOCDE

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qui nrsquoest apparue que dans la version de 2017 est la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE (voir point 148 ci-dessus) Dans le cadre du constat principal de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique la Commission srsquoest axeacutee notamment sur cette meacutethode drsquoanalyse

153 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil ressort de lrsquoarticle 1er et ndash de maniegravere implicite ndash notamment des consideacuterants 394 et 620 de la deacutecision attaqueacutee la mesure en cause telle qursquoidentifieacutee par la Commission est la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation ulteacuterieure des deacuteclarations annuelles agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes de LuxOpCo fondeacutees sur ladite deacutecision Pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo a effectueacute ses deacuteclarations fiscales sur la base de la meacutethode de calcul avaliseacutee dans la DFA en cause et ladite deacutecision a eacuteteacute prorogeacutee en 2006 et en 2010

154 Compte tenu de ces eacuteleacutements il y a lieu de constater que la Commission pouvait fonder ses appreacuteciations concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sur les orientations ndash qui ne sont drsquoailleurs qursquoun outil non contraignant ndash qui reacutesultaient des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En revanche dans la mesure ougrave la Commission srsquoest fondeacutee sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 cette derniegravere version nrsquoest pas pertinente agrave moins qursquoil ne srsquoagisse que drsquoune clarification utile sans autre ampliation des orientations deacutejagrave deacutegageacutees en 1995 Du reste du fait qursquoelles ont eacuteteacute publieacutees apregraves la peacuteriode consideacutereacutee et dans la mesure ougrave les preacuteconisations y figurant ont largement eacutevolueacute par rapport aux orientations de 1995 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece

155 En ce qui concerne en particulier la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE celle-ci ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant pertinente drsquoun point de vue temporel en lrsquoespegravece car elle constitue un outil qui nrsquoa eacuteteacute eacutelaboreacute que dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee

156 Ainsi qursquoexposeacute au point 9 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent toute une seacuterie drsquoappreacuteciations de la Commission lieacutees agrave lrsquoapplication de la MTMN dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage

157 Pour rappel la MTMN est une meacutethode indirecte de deacutetermination des prix de transfert Ainsi que deacutecrit au point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 cette meacutethode consiste agrave deacuteterminer agrave partir drsquoune base approprieacutee le beacuteneacutefice net que reacutealise un contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee ou au titre de transactions controcircleacutees qui sont eacutetroitement lieacutees ou continues Afin de deacuteterminer cette base approprieacutee il y a lieu de choisir un indicateur de niveau de beacuteneacutefice tel que les coucircts les ventes ou les actifs Lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net obtenu par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee doit ecirctre deacutetermineacute par reacutefeacuterence agrave lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net que le mecircme contribuable ou une entreprise indeacutependante reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre

158 Ainsi qursquoil ressort du point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la MTMN implique drsquoidentifier une partie agrave la transaction pour laquelle un indicateur de niveau de beacuteneacutefice est testeacute par exemple une marge sur coucircts Cette partie est deacutesigneacutee comme eacutetant la laquo partie agrave tester raquo Il srsquoagit de la partie dont la marge dite de laquo pleine concurrence raquo doit ecirctre deacutetermineacutee En regravegle geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave qui une meacutethode de prix de transfert peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable possible et pour laquelle les comparables les plus fiables possibles peuvent ecirctre trouveacutes

159 Le choix de la partie agrave tester se fait sur la base drsquoune analyse fonctionnelle des parties agrave la transaction intragroupe Selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans leur version de 1995 la partie agrave tester sera le plus souvent celle dont lrsquoanalyse fonctionnelle est la

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moins complexe Selon une compreacutehension existant deacutejagrave agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de 1995 srsquoappliquaient lrsquoanalyse fonctionnelle implique le plus souvent drsquoexaminer les fonctions exerceacutees par une entiteacute les actifs deacutetenus et les risques assumeacutes

160 En outre il y a lieu de relever que la MTMN est consideacutereacutee comme une meacutethode approprieacutee pour tester la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de la partie qui nrsquoapporte aucune contribution unique ou de valeur en lien avec la transaction qui fait lrsquoobjet de lrsquoanalyse des prix de transfert

161 En lrsquoespegravece le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas en tant que tel le choix par la Commission de la MTMN En revanche ils contestent uniquement le fait que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeffectueacutee par la Commission ait eacuteteacute correcte Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission et le choix de LuxSCS en tant que partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN deuxiegravemement le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS agrave savoir le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice et du taux de marge retenu par la Commission en application de la MTMN et troisiegravemement la fiabiliteacute du reacutesultat obtenu

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester

162 Les consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir ceux portant sur le constat principal de lrsquoavantage tendent agrave deacutemontrer pour lrsquoessentiel que en lrsquoespegravece les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester puisque celle-ci serait au regard de lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission la partie la laquo moins complexe raquo Il reacutesulte eacutegalement de ces consideacuterants que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient fait une application de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration deacutetermineacutee en application de la DFA en cause Selon la Commission en conseacutequence lrsquoapplication de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester aurait abouti agrave une moindre redevance pour LuxSCS et ainsi agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

163 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission Ils font notamment valoir que les fonctions de LuxSCS ainsi que les actifs mobiliseacutes et les risques assumeacutes par celle-ci ont eacuteteacute minimiseacutes par la Commission Selon eux LuxSCS deacutetenait les actifs incorporels et exerccedilait des fonctions uniques et de valeur et ne pouvait de ce fait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN opeacutereacutee par la Commission

164 Dans ce contexte il y a lieu de souligner que par leur argumentation concernant le constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause le bien-fondeacute du choix opeacutereacute par la Commission de la MTMN comme eacutetant la meacutethode approprieacutee pour la deacutetermination du caractegravere de pleine concurrence de la redevance Lorsqursquoils remettent en cause les appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS figurant dans la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent donc en substance agrave contester lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee par les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises comme eacutetant la partie la laquo moins complexe raquo et donc la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN

165 Pour reacutepondre agrave ces arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission nrsquoaurait pas eacuteteacute en droit de conclure que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il nrsquoest pas neacutecessaire de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo En revanche dans la mesure ougrave la Commission a chercheacute agrave appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il suffit

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de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS telle que cette analyse ressort de la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee et si au regard de cette analyse il eacutetait possible drsquoappliquer de maniegravere suffisamment fiable la MTMN agrave LuxSCS

166 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler agrave titre liminaire que selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la partie agrave laquelle la MTMN est appliqueacutee laquo devra ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo que cela laquo impliquera souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels uniques et de valeur raquo et que laquo [t]outefois le choix pourra ecirctre limiteacute par lrsquoinsuffisance de donneacutees disponibles raquo Selon ce point en drsquoautres termes si en regravegle geacuteneacuterale lrsquoentiteacute pour laquelle il existe le plus drsquoeacuteleacutements fiables aux fins de lrsquoidentification de comparables est souvent lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo la finaliteacute de lrsquoapplication de la MTMN nrsquoest pas forceacutement de faire deacutependre cette application de lrsquoidentification de lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo En revanche ce qui importe dans lrsquoapplication de cette meacutethode crsquoest drsquoavoir identifieacute la partie pour laquelle les donneacutees les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutees drsquoune part et la question de savoir si la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de maniegravere fiable agrave cette partie drsquoautre part

167 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 166 ci-dessus et ainsi qursquoil reacutesulte en particulier des points 326 328 329 334 et 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquoapplication de la MTMN implique neacutecessairement de trouver des donneacutees fiables pour la comparaison avec la partie agrave tester Ainsi lrsquointeacutegraliteacute des appreacuteciations concernant lrsquoanalyse fonctionnelle lrsquoexamen des fonctions les consideacuterations concernant des actifs et des risques assumeacutes ainsi que toutes les consideacuterations concernant le caractegravere laquo unique et de valeur raquo des actifs mis en œuvre ne sont que des critegraveres agrave prendre en compte dans le choix de la partie agrave tester afin de srsquoassurer drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable

168 Crsquoest agrave la lumiegravere de ces consideacuterations qursquoil convient drsquoexaminer les griefs tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS opeacutereacutee par la Commission ainsi que sa conclusion selon laquelle cette entiteacute devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester

169 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que dans la section 92111 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 419 agrave 429 de cette deacutecision) la Commission a deacutecrit les fonctions exerceacutees par LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee

170 En substance ainsi que reacutesumeacute au consideacuterant 418 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoanalyse de la Commission repose sur les trois affirmations principales suivantes Tout drsquoabord celle-ci a consideacutereacute que LuxSCS nrsquoavait pas exerceacute de fonctions laquo actives raquo lieacutees agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels qursquoelle nrsquoy eacutetait pas habiliteacutee du fait de la licence exclusive conceacutedeacutee agrave LuxOpCo et qursquoelle nrsquoen avait pas non plus la capaciteacute Ensuite la Commission a indiqueacute que selon elle LuxSCS nrsquoavait pas utiliseacute drsquoactifs lieacutes agrave ces actifs incorporels mais avait simplement deacutetenu passivement la proprieacuteteacute desdits actifs et une licence sur ces derniers en vertu de lrsquoARC Enfin elle a releveacute que LuxSCS nrsquoavait assumeacute ni controcircleacute les risques lieacutes agrave ces activiteacutes pas plus qursquoelle nrsquoavait eu la capaciteacute opeacuterationnelle et financiegravere de le faire

171 Au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee les seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa laquo proprieacuteteacute leacutegale raquo des actifs incorporels bien que mecircme ces fonctions aient eacuteteacute exerceacutees sous le controcircle de LuxOpCo De fait ainsi qursquoil ressort des consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee LuxSCS se serait borneacutee agrave deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels

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172 Ensuite dans la section 92112 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Actifs utiliseacutes par LuxSCS raquo et en particulier au consideacuterant 430 de cette deacutecision la Commission a en substance agrave nouveau rappeleacute que LuxSCS nrsquoeacutetait que le deacutetenteur passif des actifs incorporels Au consideacuterant 431 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a contesteacute le fait que LuxSCS aurait utiliseacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo Au consideacuterant 432 de la deacutecision attaqueacutee elle a reacuteiteacutereacute son avis selon lequel en tout eacutetat de cause LuxSCS nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoutiliser effectivement les actifs incorporels

173 Enfin dans la section 92113 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 436 agrave 446 de cette deacutecision) intituleacutee laquo Risques assumeacutes par LuxSCS raquo la Commission a analyseacute les risques encourus par LuxSCS dans la mesure ougrave ces risques eacutetaient pertinents dans le cadre de lrsquoaccord de licence Au consideacuterant 446 de ladite deacutecision elle a conclu agrave cet eacutegard que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant effectivement assumeacute les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration agrave la gestion et agrave lrsquoexploitation des actifs incorporels drsquoAmazon et qursquoelle nrsquoavait pas la capaciteacute financiegravere drsquoassumer de tels risques

174 De plus dans la section 92141 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo La partie testeacutee devrait ecirctre LuxSCS raquo la Commission a affirmeacute en substance qursquoil convenait drsquoeacuteviter de confondre la complexiteacute des actifs deacutetenus et la complexiteacute des fonctions exerceacutees par les parties agrave la transaction intragroupe concerneacutee (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ensuite soutenu que rien ne permettrait drsquoaffirmer qursquoune socieacuteteacute lieacutee appartenant agrave un groupe qui cegravede sous licence un actif incorporel agrave une autre socieacuteteacute du groupe exerce des fonctions plus complexes que cette socieacuteteacute du simple fait qursquoelle deacutetient la proprieacuteteacute leacutegale drsquoun actif complexe (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence selon elle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait en soi une laquo contribution unique raquo Elle aurait ducirc plutocirct exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS exerccedilait des laquo fonctions uniques et de valeur raquo (consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee) Enfin selon la Commission bien que LuxSCS fucirct le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels au cours de la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoanalyse fonctionnelle effectueacutee agrave la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee deacutemontrerait que cette socieacuteteacute nrsquoa exerceacute aucune fonction laquo active raquo et essentielle en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration lrsquoentretien ou lrsquoexploitation de ceux-ci (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee)

175 Les appreacuteciations de la Commission relatives aux fonctions de LuxSCS se recoupent pour une grande partie avec celles relatives aux actifs utiliseacutes par LuxSCS Il en est de mecircme srsquoagissant des arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre de ces appreacuteciations Il convient donc drsquoanalyser conjointement ces arguments puis ceux relatifs aux risques assumeacutes par LuxSCS afin drsquoexaminer si la Commission a correctement consideacutereacute que cette derniegravere devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS

176 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les affirmations de la Commission concernant les fonctions de LuxSCS En revanche srsquoagissant des actifs incorporels de LuxSCS ils srsquoaccordent agrave consideacuterer que ces derniers eacutetaient laquo uniques et de valeur raquo sans toutefois prendre le soin de deacutefinir ces termes

177 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon reprochent agrave la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 disposaient que la partie deacutetenant les actifs incorporels ne serait geacuteneacuteralement pas la partie testeacutee pour lrsquoapplication de la MTMN Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon insistent sur le fait que LuxSCS deacutetenait des actifs incorporels uniques et de valeur La technologie mise agrave disposition par LuxSCS aurait joueacute un rocircle central dans le deacuteveloppement des activiteacutes du groupe Amazon en Europe Ces actifs incorporels auraient eacuteteacute indispensables pour toutes les activiteacutes du groupe Amazon

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en Europe En outre le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que par lrsquooctroi drsquoune licence sur les actifs incorporels agrave LuxOpCo LuxSCS a fait beacuteneacuteficier LuxOpCo des activiteacutes de deacuteveloppement reacutealiseacutees par ATI et A 9 aux Eacutetats-Unis et lui a permis drsquoexploiter de maniegravere optimale ces actifs Par conseacutequent LuxOpCo devrait reacutemuneacuterer LuxSCS non seulement pour ses contributions mais eacutegalement indirectement les entiteacutes ameacutericaines du groupe Amazon pour leurs contributions

178 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent la position de la Commission consistant agrave distinguer entre des fonctions dites laquo actives raquo et des fonctions dites laquo passives raquo et agrave ne retenir que ces derniegraveres aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle Ils reprochent agrave la Commission dans ce contexte eacutegalement de ne pas avoir pris en compte dans lrsquoanalyse des fonctions le fait que LuxSCS ait mis les actifs incorporels agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee Amazon ajoute que la mise agrave disposition des actifs incorporels par lrsquooctroi agrave LuxOpCo drsquoune licence constitue une exploitation de ces actifs par LuxSCS comme le preacuteconise le point 632 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

179 Troisiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxSCS a contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission exerceacute des fonctions uniques et de valeur Dans ce contexte ils indiquent notamment que au travers de sa participation agrave lrsquoARC LuxSCS contribuait au deacuteveloppement continu des actifs incorporels et ce quand bien mecircme elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes Toujours selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les contributions des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 agrave savoir le deacuteveloppement et les ameacuteliorations continues de la proprieacuteteacute intellectuelle doivent ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS ou consideacutereacutees comme faisant partie des contributions de LuxSCS Selon eux LuxSCS aurait ainsi exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo qui justifieraient de la consideacuterer comme la partie la plus complexe agrave la transaction Amazon fait valoir en outre que le fait que LuxSCS ait eu ou non la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule et sans accorder de licence sur les actifs incorporels agrave une autre entiteacute serait sans pertinence pour appreacutecier le caractegravere unique de ses fonctions

180 La Commission conteste ces arguments

181 La Commission insiste sur le fait que LuxSCS nrsquoait fait que deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels et qursquoelle ne les ait pas effectivement utiliseacutes La simple proprieacuteteacute drsquoun actif incorporel unique et de valeur ne suffirait pas agrave consideacuterer que cette entiteacute est complexe En lrsquoespegravece elle ne suffirait pas non plus agrave justifier lrsquoattribution agrave LuxSCS de la quasi-totaliteacute des beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par LuxOpCo quand bien mecircme aucune des activiteacutes de LuxOpCo ne pourrait ecirctre exerceacutee sans accegraves aux actifs incorporels Apregraves la conclusion de lrsquoaccord de licence LuxSCS nrsquoaurait plus eacuteteacute habiliteacutee agrave utiliser les actifs pas plus qursquoelle nrsquoen aurait eu la capaciteacute Ce serait uniquement LuxOpCo qui aurait utiliseacute les actifs incorporels dans le cadre de ses activiteacutes commerciales Dans ce contexte la Commission rappelle eacutegalement que LuxSCS ne disposait pas de salarieacutes et nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoexercer les fonctions en lien avec le deacuteveloppement lrsquoameacutelioration et lrsquoexploitation des actifs incorporels

182 Qui plus est selon la Commission le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon se reacutefegraverent agrave tort aux contributions des entiteacutes du groupe Amazon situeacutees aux Eacutetats-Unis (voir point 179 ci-dessus) dans la mesure ougrave ces derniegraveres ne sont pas concerneacutees par lrsquoaccord de licence et agissent indeacutependamment de LuxSCS Toute fonction eacuteventuelle de ces entiteacutes en rapport avec les actifs incorporels la circonstance que Amazoncom orientait LuxSCS ou LuxOpCo ou encore les caracteacuteristiques de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC seraient donc deacutenueacutees de pertinence pour lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS Les fonctions de deacuteveloppement opeacutereacutees par ATI et A 9 ne pourraient donc ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS dans la mesure ougrave les diffeacuterentes parties agrave lrsquoARC agissent pour leur compte et agrave leurs risques La Commission fait valoir que en tout eacutetat de cause lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC fixaient deacutejagrave la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions exerceacutees par ATI et A 9 en lien avec les actifs incorporels Toute

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autre transaction intragroupe entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels dont ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon nrsquoauraient en tout eacutetat de cause deacutemontreacute lrsquoexistence ne saurait justifier le versement des beacuteneacutefices reacutesiduels de LuxOpCo agrave LuxSCS

183 Agrave cet eacutegard en premier lieu il importe de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 166 ci-dessus selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquolaquo entreprise associeacutee agrave laquelle la meacutethode transactionnelle de la marge nette est appliqueacutee devrait ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo et cela laquo impliquera[it] souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui [serait] la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne posseacutede[rait] pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo La notion drsquolaquo actifs uniques raquo ou laquo de valeur raquo nrsquoest pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

184 Il deacutecoule du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que ces lignes preacuteconisaient de ne pas retenir la partie deacutetenant des actifs uniques et de valeur comme eacutetant la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN mais de lui preacutefeacuterer une autre entiteacute partie agrave la transaction controcircleacutee La logique sous-jacente audit point 343 est celle suivant laquelle en geacuteneacuteral il est davantage compliqueacute de pouvoir trouver des comparables fiables afin drsquoexaminer la partie agrave la transaction controcircleacutee qui possegravede des actifs incorporels uniques et de valeur Cette compreacutehension ressortait eacutegalement du point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Selon ce point en preacutesence de biens incorporels de grande valeur il pouvait ecirctre difficile drsquoidentifier des transactions comparables entre entreprises indeacutependantes Il ressort de ce mecircme point que lrsquoidentification de comparables serait plus difficile du fait de la simple possession drsquoactifs incorporels uniques ou de valeur Il convient de relever que le point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 repose sur la preacutemisse selon laquelle un actif incorporel peut ecirctre reacuteputeacute comme eacutetant laquo unique raquo quand il nrsquoy a pas de comparable pour cet actif Un actif incorporel est laquo de valeur raquo quand il permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Par ailleurs il convient de constater que cette compreacutehension correspond agrave la deacutefinition de la notion qui figure au point 617 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 Il reacutesulte de ce point que les laquo actifs incorporels uniques et de valeur raquo sont ceux premiegraverement qui ne sont pas comparables aux actifs incorporels utiliseacutes par les parties agrave des transactions potentiellement comparables et deuxiegravemement dont lrsquoutilisation dans les affaires opeacuterations devrait produire des beacuteneacutefices eacuteconomiques futurs plus importants que ceux que lrsquoon pourrait atteindre en lrsquoabsence desdits actifs incorporels

185 En lrsquoespegravece premiegraverement il est constant que LuxSCS deacutetenait les droits sur les actifs incorporels du groupe Amazon en Europe et qursquoelle mettait ces actifs agrave disposition de LuxOpCo en vertu de lrsquoaccord de licence

186 Agrave cet eacutegard il convient de relever en compleacutement des eacuteleacutements indiqueacutes aux points 4 et 5 ci-dessus que en vertu de lrsquoaccord de cession conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 lequel est une des composantes de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer la proprieacuteteacute drsquoune partie de ces actifs (voir points 31 et 32 dudit accord) agrave savoir notamment et essentiellement les noms de domaines Internet en Europe tels que amazoncouk amazonfr et amazonde

187 Ensuite en vertu de lrsquoaccord de licence conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 LuxSCS a reccedilu le droit drsquoutiliser en Europe la majeure partie des actifs incorporels du groupe Amazon preacuteexistant en 2005 agrave savoir la technologie les inventions les brevets les marques les droits lieacutes aux clients etc sans que ce droit de licence de LuxSCS ait eacuteteacute un droit exclusif

188 De plus en vertu du point 62 sous a) et du point 63 sous a) de lrsquoARC LuxSCS deacutetenait une licence non exclusive sur la proprieacuteteacute intellectuelle de A 9 et drsquoATI deacuteveloppeacutee apregraves 2005 ainsi que la proprieacuteteacute des droits deacuteriveacutes deacuteveloppeacutee apregraves 2005 agrave partir des actifs incorporels dont LuxSCS est le titulaire leacutegal

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189 Enfin LuxSCS a eacutegalement conclu des accords de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle (Intellectual Property Assignment and License Agreement) avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes en vertu desquels elle a reccedilu les marques deacuteposeacutees et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens que celles-ci deacutetenaient

190 Ainsi les actifs incorporels sur lesquels LuxSCS deacutetenait des droits incluaient les trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle suivantes la technologie les actifs incorporels lieacutes au marketing et les donneacutees clients La technologie comprenait un eacuteventail complet englobant tous les aspects de lrsquoactiviteacute du groupe Amazon et notamment les technologies pour la plateforme logicielle de ce groupe lrsquoapparence du site le catalogue le traitement des commandes la logistique les fonctionnaliteacutes de recherche et de navigation le service clientegravele et les fonctionnaliteacutes de personnalisation

191 Deuxiegravemement il y a lieu de relever que si la Commission soutient que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas de laquo fonctions uniques et de valeur raquo en lien avec les actifs incorporels elle ne conteste pas le caractegravere laquo unique et de valeur des actifs incorporels raquo deacutetenus par LuxSCS et mis agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee

192 En particulier la Commission nrsquoa pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la technologie eacutetait unique car il nrsquoy avait pas de comparables et selon laquelle elle jouait un rocircle essentiel dans les diffeacuterents aspects des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et permettait donc de geacuteneacuterer des recettes importantes De plus il y a lieu de relever que nrsquoest pas remis en question ainsi que le soutient Amazon le fait que les activiteacutes commerciales du groupe nrsquoauraient pu acqueacuterir une telle envergure et obtenir un tel succegraves en Europe ndash comme drsquoailleurs dans drsquoautres reacutegions du monde ndash sans la technologie Est convaincante eacutegalement lrsquoalleacutegation du Grand-Ducheacute de Luxembourg suivant laquelle pendant la peacuteriode consideacutereacutee le groupe Amazon srsquoest appuyeacute sur sa technologie qui eacutetait laquo au cœur d[e son] ldquobusiness modelrdquoraquo (modegravele drsquoentreprise) en tant que diffeacuterentiateur concurrentiel en ce sens que crsquoest preacuteciseacutement cette technologie qui a constitueacute le contributeur unique et preacutecieux qui a permis (et permet encore) au groupe Amazon de continuer agrave ecirctre compeacutetitif dans un environnement hautement concurrentiel caracteacuteriseacute par des marges eacutetroites Il ressort par ailleurs du consideacuterant 338 de la deacutecision attaqueacutee que mecircme une partie des concurrents du groupe Amazon admettent que en raison drsquoune strateacutegie laquo tregraves agressive drsquoinvestissement dans la technologie raquo la plateforme de vente au deacutetail du groupe Amazon laquo constitue aujourdrsquohui un avantage concurrentiel difficile agrave eacutegaler raquo En ce qui concerne la technologie il srsquoagissait donc drsquoun actif pour lequel il nrsquoavait pas de comparable

193 Agrave cet eacutegard et par ailleurs il convient de souligner qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire drsquoexaminer les arguments de la Commission tendant agrave faire valoir que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour exploiter les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et que les fonctions humaines reacutealiseacutees par les employeacutes de LuxOpCo eacutetaient eacutegalement importantes En effet ces arguments agrave les supposer fondeacutes ne remettent pas en cause le constat selon lequel la technologie jouait un rocircle essentiel dans les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et constituait ainsi un actif unique et de valeur

194 Srsquoagissant des marques enregistreacutees en Europe il y a lieu de constater que agrave la date agrave laquelle LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer ces actifs qui beacuteneacuteficiaient deacutejagrave de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il ne ressort pas des eacuteleacutements du dossier qursquoil existait des actifs comparables sur le marcheacute europeacuteen Il convient donc de consideacuterer que les marques en question eacutetaient uniques Il est constant que leur utilisation a permis de geacuteneacuterer des recettes importantes en Europe Ces marques eacutetaient donc eacutegalement laquo de valeur raquo En ce qui concerne les donneacutees clients celles-ci nrsquoavaient pas non plus de comparables et elles permettaient de geacuteneacuterer des beacuteneacutefices importants Il y a donc lieu de consideacuterer que ces actifs incorporels eacutetaient eacutegalement uniques et de valeur

195 Dans ces conditions compte tenu du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et au vu du fait que les actifs incorporels du groupe Amazon et notamment la technologie constituaient des actifs uniques et de valeur mis en œuvre par LuxSCS dans le cadre de la transaction

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controcircleacutee il ne pouvait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de choisir une socieacuteteacute autre que LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester Par ailleurs si ainsi que lrsquoa suggeacutereacute la Commission agrave la note en bas de page no 681 de la deacutecision attaqueacutee selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 un deacutetenteur passif ne peut ecirctre la partie la plus complexe et peut donc ecirctre la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN force est de constater que cela nrsquoeacutetait pas le cas dans la peacuteriode consideacutereacutee laquelle doit ecirctre examineacutee en lrsquoespegravece au regard des seules lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

196 Au point 83 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 la Commission semble vouloir insister sur le fait que selon le point 343 des principes de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 ce nrsquoest que laquo souvent raquo que le choix de la partie agrave tester impliquera de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la laquo moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo sans toutefois qursquoil srsquoagisse drsquoune regravegle absolue agrave cet eacutegard Dans la mesure ougrave la Commission entend affirmer que la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoest pas une regravegle absolue mais une regravegle qui peut ecirctre eacutecarteacutee si des circonstances particuliegraveres tenant agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee le justifient force est de constater qursquoelle nrsquoa pas expliqueacute dans la deacutecision attaqueacutee en quoi cette preacuteconisation devait en lrsquoespegravece ecirctre eacutecarteacutee La Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc se deacutepartir de la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 en raison drsquoune particulariteacute propre agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

197 En deuxiegraveme lieu et en tout eacutetat de cause il y a lieu de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que outre des fonctions de maintien de sa proprieacuteteacute intellectuelle LuxSCS nrsquoexerccedilait aucune fonction laquo active et critique raquo en lien avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee) ou laquo aucune fonction active et essentielle raquo en rapport avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 548 de ladite deacutecision) ou encore laquo aucune fonction accroissant la valeur des actifs incorporels raquo (voir le consideacuterant 526 de la mecircme deacutecision)

198 Premiegraverement srsquoagissant de la distinction opeacutereacutee par la Commission entre la deacutetention dite laquo passive raquo (consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee) et la deacutetention laquo active raquo des actifs incorporels ainsi qursquoentre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee) il convient de constater agrave lrsquoinstar du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon que les lignes directrices de lrsquoOCDE pertinentes en lrsquoespegravece ne preacutevoient pas une telle distinction

199 En effet les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 se bornent agrave indiquer en leur point 120 que en geacuteneacuteral lorsqursquoil y a lieu de deacuteterminer le caractegravere de pleine concurrence drsquoune reacutemuneacuteration eacutetablie dans le cadre drsquoune transaction controcircleacutee il convient drsquoexaminer si cette reacutemuneacuteration correspond laquo aux fonctions assumeacutees par chaque entreprise raquo et de laquo comparer les fonctions exerceacutees par les parties raquo

200 Certes il nrsquoest pas exclu que le point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 puisse ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le terme laquo exerceacutees raquo renvoie agrave des fonctions dites laquo actives raquo

201 Toutefois il ne deacutecoule pas clairement du point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que seules des fonctions laquo actives raquo pouvaient ecirctre prises en compte aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle des parties agrave la transaction Il ne reacutesulte pas non plus de ce point qursquoune entiteacute ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo assumant raquo ou laquo exerccedilant raquo des fonctions lorsqursquoelle deacutetient certains actifs et se borne agrave financer par exemple leur mise au point ou leurs ameacuteliorations

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202 De plus il y a lieu de souligner que selon le point 122 des lignes directrices de lrsquoOCDE il peut ecirctre laquo inteacuteressant et utile lorsque lrsquoon identifie et lrsquoon compare les fonctions exerceacutees de prendre en compte les actifs qui sont ou seront mis en œuvre raquo et qursquolaquo il convient agrave cet eacutegard drsquoenvisager le type drsquoactifs utiliseacutes (usines eacutequipements eacuteleacutements incorporels etc) et les caracteacuteristiques de ces actifs (acircge valeur marchande localisation existence de droits de proprieacuteteacute industrielle etc) raquo En drsquoautres termes il est preacuteconiseacute de prendre en compte le fait qursquoune socieacuteteacute mette agrave disposition des actifs dans le cadre de la transaction controcircleacutee pour lrsquoexamen des fonctions exerceacutees Il en deacutecoule donc que contrairement agrave ce qursquoaffirme la Commission la mise agrave disposition drsquoactifs incorporels devait ecirctre prise en compte pour examiner les fonctions exerceacutees ou assumeacutees par une partie agrave une transaction intragroupe sans qursquoune distinction entre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo soit pertinente

203 Deuxiegravemement agrave supposer que la Commission pucirct effectivement opeacuterer une distinction entre les fonctions laquo passives raquo et laquo actives raquo elle a erroneacutement conclu ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee que LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels qursquoelle srsquoeacutetait borneacutee agrave maintenir les actifs incorporels et qursquoaucune autre fonction active ne pouvait lui ecirctre attribueacutee

204 Drsquoune part la Commission a omis de prendre en compte le fait que LuxSCS a bel et bien exploiteacute lesdits actifs en les mettant agrave disposition agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement drsquoune redevance par le biais de lrsquoaccord de licence

205 En effet il est constant que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS a donneacute en licence agrave LuxOpCo lrsquoensemble des actifs incorporels drsquoAmazon sur le territoire europeacuteen Cet accord portait non seulement sur lrsquointeacutegraliteacute des actifs incorporels viseacutes dans lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC mais eacutegalement sur les actifs incorporels et notamment les marques qursquoelle avait reccedilus en 2006 aupregraves des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees ainsi que les droits deacuteriveacutes qui en deacutecoulaient Or le fait de donner en licence les actifs incorporels agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement de la redevance constitue une exploitation de ces actifs ce qui eacutequivaut agrave exercer une fonction active

206 Cette exploitation correspond agrave une utilisation des actifs incorporels au sens de lrsquoutilisation par LuxSCS dont la preacutetendue absence est deacuteploreacutee par la Commission aux consideacuterants 430 agrave 432 de la deacutecision attaqueacutee

207 Lrsquoexploitation des actifs incorporels par LuxSCS par lrsquointermeacutediaire de leur mise agrave disposition agrave LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence satisfait eacutegalement au critegravere qui a eacuteteacute suggeacutereacute par la Commission au point 83 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 Selon ce critegravere la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 telle que mentionneacutee aux points 183 et 184 ci-dessus aurait eacuteteacute creacuteeacutee par les auteurs desdites lignes directrices laquo en partant du postulat que la partie agrave une transaction controcircleacutee qui deacutetient des actifs incorporels de valeur est [hellip] celle qui les utilise [hellip] dans le cadre de lrsquoexercice de fonctions actives en rapport avec cette transaction raquo Agrave cet eacutegard sans qursquoil soit besoin drsquoeacutetablir si la Commission est fondeacutee agrave consideacuterer qursquoil y a lieu drsquointerpreacuteter ledit point comme srsquoil requeacuterait une certaine utilisation des actifs incorporels force est de constater que le fait de mettre les actifs incorporels de LuxSCS agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence constitue une utilisation au sens retenu par la Commission

208 Drsquoautre part il y a lieu de relever que LuxSCS a contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par le biais de sa participation financiegravere au titre de lrsquoARC Dans ce contexte il convient de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute agrave la derniegravere phrase du deuxiegraveme tiret du point 4 ci-dessus LuxSCS devait verser une quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

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209 Agrave cet eacutegard il convient de souligner qursquoil ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que la participation financiegravere agrave un accord de reacutepartition des coucircts ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une veacuteritable participation au deacuteveloppement des actifs faisant lrsquoobjet drsquoun tel accord Au contraire il deacutecoule du point 815 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans la version de 1995 lequel indique srsquoagissant des accords de reacutepartition des coucircts qursquolaquo [i]l nrsquoest probablement pas facile de deacuteterminer la valeur relative de la contribution de chaque participant sauf lorsque toutes les contributions sont inteacutegralement verseacutees en numeacuteraire raquo qursquoune contribution financiegravere agrave un tel accord de reacutepartition des coucircts peut bel et bien ecirctre une contribution valide et de valeur et ce donc sans eacutegard agrave la question de savoir si lrsquoentiteacute ayant fourni la contribution financiegravere apporte eacutegalement des contributions drsquoune autre nature En effet dans certains cas il nrsquoest pas exclu que la contribution financiegravere agrave une transaction intragroupe puisse ecirctre le moteur unique du succegraves (commercial) de la transaction

210 De surcroicirct en application du point 63 sous b) et du point 64 de lrsquoARC en contrepartie de sa participation aux coucircts LuxSCS devenait coproprieacutetaire avec A 9 drsquoune partie des actifs incorporels qui eacutetaient constamment deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes aux Eacutetats-Unis Ces deacuteveloppements et ameacuteliorations eacutetaient mis agrave disposition par LuxSCS agrave LuxOpCo constamment au titre de lrsquoaccord de licence de telle maniegravere qursquoil est permis de consideacuterer que du point de vue de LuxOpCo elles eacutetaient imputables agrave LuxSCS et non aux entiteacutes ameacutericaines Dans le cadre de lrsquoaccord de licence les reacutesultats des deacuteveloppements et des ameacuteliorations des actifs incorporels sont attribueacutes agrave LuxSCS

211 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee que les laquo seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo Drsquoune part le critegravere utiliseacute par la Commission et visant la distinction entre des fonctions actives et passives nrsquoest pas pertinent Drsquoautre part mecircme srsquoil y avait lieu de retenir ce critegravere il y a lieu de constater que LuxSCS a mis agrave disposition de LuxOpCo les actifs incorporels et a contribueacute agrave leur deacuteveloppement de par sa contribution financiegravere agrave lrsquoARC Ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte par la Commission dans son analyse fonctionnelle de LuxSCS ainsi qursquoaux fins du choix de la partie agrave tester

212 Cette conclusion nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments invoqueacutes par la Commission

213 Premiegraverement lrsquoappreacuteciation faite par la Commission aux consideacuterants 420 et 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS laquo ne pouvait [hellip] exercer aucune fonction active et critique en rapport avec [la] mise au point [lrsquo] ameacutelioration [la] gestion ou [lrsquo]exploitation [des actifs incorporels] raquo car LuxSCS laquo nrsquoeacutetait plus habiliteacutee agrave exploiter eacuteconomiquement les actifs incorporels dans le cadre des activiteacutes europeacuteennes [du groupe] Amazon raquo ne saurait prospeacuterer

214 En effet la Commission a fondeacute ce constat sur lrsquoaffirmation reacuteiteacutereacutee agrave plusieurs reprises dans la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo avait reccedilu de LuxSCS une licence laquo irreacutevocable raquo et laquo exclusive raquo (voir par exemple consideacuterants 116 419 431 438 442 et 450 de la deacutecision attaqueacutee) ce qui aurait priveacute LuxSCS de toute possibiliteacute drsquoexploiter les actifs incorporels

215 Agrave cet eacutegard il suffit de rappeler que le fait de donner en licence constitue deacutejagrave une exploitation

216 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoappreacuteciation faite par la Commission au consideacuterant 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS nrsquoaurait pas la capaciteacute drsquoexercer des fonctions car elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes

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217 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission le fait que LuxSCS ait ou non eu la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule est deacutenueacute de pertinence pour appreacutecier les fonctions de LuxSCS en lien avec lrsquoexploitation des actifs incorporels En effet ainsi qursquoexposeacute au point 204 ci-dessus LuxSCS a effectivement exploiteacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo

218 En outre contrairement agrave ce que fait valoir la Commission il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire que LuxSCS eucirct ses propres salarieacutes pour contribuer au deacuteveloppement continu des actifs incorporels En effet LuxSCS y contribuait du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

219 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument de la Commission selon lequel la contribution financiegravere de LuxSCS au deacuteveloppement des actifs incorporels aurait eacuteteacute quant agrave elle purement artificielle car le financement du deacuteveloppement des actifs incorporels provenait des comptes de LuxOpCo ce qui aurait signifieacute que LuxOpCo aurait exerceacute toutes les fonctions attribueacutees par lrsquoARC agrave LuxSCS

220 En effet lrsquoorigine du capital utiliseacute par LuxSCS pour reacutepondre aux obligations financiegraveres lui incombant en vertu de lrsquoARC et donc le fait que ce capital provenait du paiement de la redevance par LuxOpCo nrsquoest pas pertinente Les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoexigent pas que le capital investi provienne drsquoune source preacutecise Il nrsquoest pas exclu que ce capital trouve son origine dans une redevance telle que celle en cause ou provienne drsquoune autre source de revenus telle que par exemple un precirct

221 En tout eacutetat de cause il est constant que LuxSCS disposait outre les revenus tireacutes de la redevance drsquoun capital propre Or ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg crsquoest gracircce agrave son capital propre que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo En 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait drsquoailleurs largement infeacuterieur aux paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC

222 En troisiegraveme lieu le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoappreacuteciation de la Commission opeacutereacutee notamment aux consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo (voir notamment consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee)

223 Srsquoagissant de la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo il y a lieu de souligner que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoutilisent pas ces termes Seule lrsquoexpression laquo actifs uniques et de valeur raquo est utiliseacutee agrave plusieurs reprises notamment dans les sections relatives agrave la MTMN et agrave la meacutethode du partage des beacuteneacutefices le plus souvent pour faire reacutefeacuterence agrave des actifs incorporels (deacuteveloppement ou proprieacuteteacute) (voir par exemple points 18 319 343 et 626 desdites lignes)

224 En revanche ce nrsquoest que dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE qui ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece qursquoil est clairement question de fonctions ou de contributions laquo uniques et de valeur raquo et qursquoune distinction est opeacutereacutee entre drsquoune part les laquo fonctions uniques et de valeur raquo et drsquoautre part les laquo fonctions de routine raquo Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus agrave leur point 617 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 contiennent une deacutefinition de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo En revanche si les auteurs des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 utilisent souvent la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo ils ne fournissent aucune deacutefinition agrave cet eacutegard

225 Les parties principales ont preacuteciseacute ce qursquoelles entendaient par les expressions laquo fonctions de routine raquo ou laquo fonctions courantes raquo Lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg a releveacute qursquoune entiteacute exerce des laquo fonctions de routine raquo lorsqursquoelle exerce des fonctions usuelles agrave savoir des fonctions que

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drsquoautres entreprises pourraient exercer eacutegalement Il srsquoagit donc en substance de fonctions pour lesquelles on peut facilement trouver des comparables Amazon a quant agrave elle souligneacute lors de lrsquoaudience que la notion de laquo fonction de routine raquo ne voulait pas dire que les fonctions en question nrsquoavaient pas de valeur mais qursquoelles pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) et reacutemuneacutereacutees La Commission nrsquoa pas remis en cause cette compreacutehension Il ressort du point 14 (note en bas de page no 18) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 que drsquoapregraves la Commission le terme laquo courantes raquo renvoie agrave des fonctions qui ne sont pas uniques et pour lesquelles il existe des eacuteleacutements de comparaison sur le marcheacute libre De maniegravere similaire au point 17 (note en bas de page no 21) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-81617 la Commission oppose les fonctions laquo courantes raquo agrave celles qui laquo ne sont pas uniques et de valeur raquo

226 En lrsquoespegravece il nrsquoy a pas lieu de deacuteterminer si sur la base des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 il eacutetait deacutejagrave loisible pour la Commission de veacuterifier le caractegravere de pleine concurrence drsquoun prix en opeacuterant avec la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo car cette notion aurait deacutejagrave eacuteteacute drsquoapplication agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquoappliquaient et ce mecircme si elles ne faisaient pas eacutetat de cette notion expresseacutement ou si ce nrsquoest qursquoagrave partir de lrsquoadoption des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 que le critegravere lieacute aux laquo fonctions uniques et de valeur raquo pouvait ecirctre pris en compte agrave cet effet

227 En effet et en tout eacutetat de cause les parties principales nrsquoont pas remis en cause la pertinence de ce critegravere mais srsquoaccordent agrave mettre ce critegravere au cœur de leurs arguments comme eacutetant un paramegravetre pertinent pour juger de leur situation Agrave cet eacutegard il convient de relever que tout comme crsquoest le cas de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo (voir point 176 ci-dessus) les parties nrsquoont pas pris le soin de deacutefinir les termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo

228 Srsquoagissant de la signification des termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo agrave lrsquoinstar de ce qui a eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus et compte tenu de lrsquoacception de ces termes retenue par les parties (voir point 225 ci-dessus) il convient de retenir aux fins de la preacutesente affaire que la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que si le fait de deacutesigner une certaine fonction drsquolaquo unique raquo exclut que la mecircme fonction puisse ecirctre qualifieacutee comme eacutetant laquo de routine raquo ou encore laquo courante raquo le mecircme raisonnement ne saurait srsquoappliquer pour ce qui est de la notion de laquo fonction de valeur raquo Il existe eacutegalement des laquo fonctions de routine raquo ou laquo courantes raquo qui permettent de geacuteneacuterer des recettes importantes et qui meacuteritent de ce fait drsquoecirctre qualifieacutees de laquo fonctions de valeur raquo

229 En lrsquoespegravece drsquoune part ainsi qursquoexposeacute au point 191 ci-dessus il nrsquoest pas contesteacute que les actifs incorporels faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence eacutetaient uniques et de valeur

230 Drsquoautre part LuxSCS a non seulement exploiteacute mais eacutegalement contribueacute financiegraverement au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur dont elle eacutetait le titulaire En conseacutequence il deacutecoule de ce qui vient drsquoecirctre indiqueacute aux points 203 agrave 211 ci-dessus que toutes les fonctions de LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels auraient ducirc ecirctre consideacutereacutees par la Commission comme eacutetant uniques et de valeur Lrsquoaffirmation faite au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS aurait exerceacute des laquo fonctions uniques et de valeur raquo nrsquoest donc pas justifieacutee et doit de ce fait ecirctre eacutecarteacutee En conseacutequence compte tenu des fonctions et des actifs de LuxSCS la conclusion de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester ne convainc pas

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ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS

231 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font en substance valoir que LuxSCS supportait les risques lieacutes aux actifs incorporels en tant que tels tandis que LuxOpCo ne supportait que les risques lieacutes agrave ses activiteacutes de deacutetaillant LuxSCS aurait en outre assumeacute des risques financiers en lien avec les actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

232 La Commission conteste ces arguments

233 Elle soutient en particulier que ni les deacutecisions du geacuterant unique de LuxSCS ni les comptes rendus des assembleacutees geacuteneacuterales de LuxSCS ne mentionnent de deacutecisions critiques ayant trait agrave la gestion des risques En reacutealiteacute LuxSCS nrsquoaurait eu ni la capaciteacute financiegravere ni la capaciteacute opeacuterationnelle drsquoassumer ces risques LuxSCS nrsquoaurait pu supporter les coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC que gracircce au financement perccedilu annuellement par le biais des redevances payeacutees par LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence de sorte que le capital de LuxSCS nrsquoaurait jamais eacuteteacute exposeacute au risque Qui plus est LuxSCS aurait beacuteneacuteficieacute drsquoune capitalisation initiale importante de la part de sa socieacuteteacute megravere laquelle a couvert le paiement drsquoentreacutee En toute hypothegravese LuxSCS aurait en vertu de lrsquoaccord de licence transfeacutereacute les risques financiers agrave LuxOpCo Degraves lors les risques retenus par LuxSCS seraient theacuteoriques dans la mesure ougrave LuxSCS avait la possibiliteacute de reacutesilier lrsquoaccord de licence et drsquoaccorder une licence agrave une autre partie lieacutee ou indeacutependante Les risques financiers de LuxSCS auraient eacuteteacute theacuteoriques eacutegalement parce que sa participation financiegravere agrave lrsquoARC eacutetait financeacutee par la redevance payeacutee par LuxOpCo et que le montant des paiements au titre de lrsquoARC eacutetait correacuteleacute aux recettes de LuxOpCo

234 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever drsquoembleacutee que dans la mesure ougrave LuxSCS avait obtenu la pleine proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels conformeacutement au point 31 de lrsquoaccord de cession conclu

1eravec ATI le janvier 2005 elle supportait la totaliteacute des risques lieacutes agrave lrsquoexistence des actifs incorporels en tant que tels Il srsquoagissait par exemple de risques tels que la contestation par un tiers ou la deacutecheacuteance des actifs incorporels Cela est la conseacutequence logique du fait que LuxSCS eacutetait proprieacutetaire de ces actifs Du point de vue de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 LuxSCS assumait eacutegalement les risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels par les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9

235 Dans la mesure ougrave elle avait durant la peacuteriode consideacutereacutee une licence sur lrsquoautre partie des actifs incorporels viseacutes au point 31 de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 ainsi qursquoaux points 61 et 62 de lrsquoARC LuxSCS supportait des risques financiers en lien avec ces actifs utiliseacutes du fait de sa participation agrave lrsquoARC Plus preacuteciseacutement la reacutepartition des coucircts entre les parties agrave lrsquoARC eacutetait preacutevue conformeacutement aux points 4 et 5 de lrsquoARC En vertu de ces points de lrsquoARC LuxSCS avait lrsquoobligation de supporter les coucircts lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels Si la reacutepartition des coucircts eacutetait fonction de la part des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe par comparaison aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes au niveau mondial les coucircts en tant que tels eacutetaient totalement indeacutependants du niveau des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que si les coucircts lieacutes au deacuteveloppement eacutetaient plus eacuteleveacutes que la redevance verseacutee par LuxOpCo crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc supporter les conseacutequences financiegraveres reacutesultant de cet eacutecart Ainsi dans le cas ougrave LuxOpCo aurait enregistreacute des pertes ou des beacuteneacutefices faibles la redevance nrsquoaurait pas suffi pas agrave couvrir les coucircts fixes supporteacutes par LuxSCS agrave savoir essentiellement les paiements au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC En drsquoautres termes LuxSCS risquait de ne pas avoir de revenus suffisants pour effectuer les paiements drsquoentreacutee et de reacutepartition des coucircts preacutevus par lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC

236 Srsquoagissant de ces risques financiers il convient de souligner que en deacutepit drsquoune affirmation non eacutetayeacutee faite par elle lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas eacutetabli que lrsquoobligation de LuxSCS drsquoeffectuer les paiements dus au titre de lrsquoARC eacutetait effectivement exactement correacuteleacutee au versement par LuxOpCo du montant de la redevance Au contraire et ainsi que lrsquoa drsquoailleurs releveacute la Commission elle-mecircme au

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consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee les montants perccedilus par LuxSCS au titre de la redevance ne correspondaient pas directement aux montants dus par LuxSCS au titre de lrsquoARC Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoentreacutee et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

237 Toujours srsquoagissant des risques financiers supporteacutes par LuxSCS la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer que cette socieacuteteacute ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave ce capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo

238 Enfin il est vrai que selon les points 23 et 92 de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels En effet drsquoune part selon les termes du point 23 dudit accord LuxOpCo eacutetait tenue de prendre toutes les mesures neacutecessaires pour proteacuteger les droits de LuxSCS sur les actifs incorporels et drsquoautre part en vertu du point 92 de ce mecircme accord LuxOpCo avait lrsquoobligation de preacutevenir et de traduire en justice agrave ses propres frais toute utilisation non autoriseacutee des actifs incorporels LuxOpCo assumait donc les risques lieacutes agrave la protection des actifs incorporels

239 Il nrsquoen demeure pas moins que les autres risques lieacutes aux actifs incorporels eacutetaient supporteacutes par LuxSCS du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

240 En effet il ne ressort pas des dispositions de lrsquoaccord de licence que LuxSCS ait transfeacutereacute agrave LuxOpCo des risques autres que ceux deacutecoulant des points 23 et 92 dudit accord agrave savoir ceux relatifs agrave lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels Ainsi contrairement agrave ce que suggegravere la Commission lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause sur le transfert en tant que tel de lrsquoensemble des risques lieacutes aux actifs incorporels de LuxSCS agrave LuxOpCo En particulier lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause relative au transfert des risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels

241 Nrsquoeacutetant pas eacutetayeacutee par les dispositions de lrsquoaccord de licence la conclusion exprimeacutee par la Commission notamment au consideacuterant 438 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS a transfeacutereacute agrave LuxOpCo les risques en lien avec la mise au point la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels la proprieacuteteacute intellectuelle ne saurait donc ecirctre retenue

242 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont fondeacutes agrave affirmer que LuxSCS supportait les risques lieacutes agrave la proprieacuteteacute et au deacuteveloppement des actifs incorporels utiliseacutes pour exploiter les activiteacutes europeacuteennes y compris les risques financiers lieacutes agrave lrsquoexploitation de ces actifs incorporels tandis que LuxOpCo ne supportait essentiellement que les risques lieacutes agrave ses propres activiteacutes de deacutetaillant et en particulier les risques lieacutes aux ventes et aux services de place de marcheacute

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester

243 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 162 agrave 242 ci-dessus il y a lieu drsquoopeacuterer deux constats

244 En premier lieu lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS effectueacutee par la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee La Commission a sous-estimeacute les fonctions de LuxSCS En ce qui concerne les actifs incorporels la Commission a notamment neacutegligeacute de prendre en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS mettait agrave disposition des actifs incorporels qui nrsquoavaient pas de comparables sur le marcheacute et qui eacutetaient donc uniques et de valeur Selon les lignes

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directrices de lrsquoOCDE dans leur version pertinente en lrsquoespegravece cet eacuteleacutement suffisait en principe pour pouvoir conclure que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie la moins complexe et donc la partie agrave tester

245 En tout eacutetat de cause srsquoil y avait lieu de consideacuterer ainsi que la Commission le fait valoir que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc prendre en compte des laquo fonctions uniques et de valeur raquo force est de constater que la Commission a ignoreacute la circonstance que LuxSCS exploitait bel et bien les actifs incorporels dans le cadre de la transaction controcircleacutee examineacutee La mise agrave disposition des actifs incorporels ayant une valeur de pointe correspondait au fait drsquoexercer une fonction unique et de valeur dans le cadre de lrsquoaccord de licence (la transaction controcircleacutee) Ainsi qursquoil reacutesulte des points 203 agrave 242 ci-dessus LuxSCS a exerceacute une seacuterie de fonctions dans le cadre de la transaction controcircleacutee autres que le fait de mettre agrave la disposition de LuxOpCo les actifs incorporels La Commission a neacutegligeacute ces fonctions qui pouvaient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques et de valeur

246 La Commission nrsquoa pas non plus ducircment pris en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS assumait la totaliteacute des risques lieacutes agrave ces actifs et agrave leur deacuteveloppement dans le cadre de lrsquoaccord de licence et ce indeacutependamment de la question de savoir si LuxSCS eacutetait elle-mecircme controcircleacutee par les entiteacutes ameacutericaines et si crsquoest LuxSCS qui deacuteveloppait techniquement les actifs incorporels ou si LuxSCS contribuant financiegraverement les deacuteveloppements de la proprieacuteteacute intellectuelle eacutetaient les reacutesultats des efforts techniques des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Ce faisant la Commission a minimiseacute eacutegalement la description des risques assumeacutes par LuxSCS

247 Dans ces conditions il ne saurait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de ne pas avoir choisi LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester

248 En second lieu en toute hypothegravese mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels et non une socieacuteteacute ayant exerceacute des fonctions actives en rapport avec ceux-ci force est de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS aurait ducirc ecirctre retenue en tant que partie agrave tester

249 En effet il y a lieu de rappeler que de maniegravere geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave laquelle la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable et pour laquelle les eacuteleacutements de comparaison les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutes

250 En lrsquoespegravece force est de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute qursquoil eacutetait davantage facile de trouver des entreprises comparables agrave LuxSCS que des entreprises comparables agrave LuxOpCo ni le fait que retenir LuxSCS en tant qursquoentiteacute agrave tester aurait permis drsquoobtenir des donneacutees de comparaison davantage fiables

251 Ainsi qursquoil reacutesulte du consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc admettre lorsqursquoelle a chercheacute la marge approprieacutee pour la redevance qursquoil nrsquoy avait pas de comparables pour LuxSCS

252 Il srsquoensuit qursquoil y a lieu drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon laquelle la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN Cela eacutetant les consideacuterations preacuteceacutedentes sont suffisantes pour accueillir lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne le constat principal de la Commission visant lrsquoexistence de lrsquoavantage et ce sans qursquoil soit besoin de proceacuteder agrave une analyse fonctionnelle de LuxOpCo ni de la question de savoir si la Commission eacutetait fondeacutee agrave eacutecarter la CUP

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253 Cependant dans un souci drsquoexhaustiviteacute il y a lieu de relever que les appreacuteciations de la Commission concernant lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE doivent eacutegalement ecirctre eacutecarteacutees pour des motifs autres que ceux lieacutes aux choix de la partie agrave tester et agrave lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS tels qursquoils viennent drsquoecirctre exposeacutes Ainsi mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la conclusion non justifieacutee de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute la partie agrave tester lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon devrait ecirctre accueillie par ailleurs et ce pour les motifs suivants

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester

254 Aux consideacuterants 550 agrave 560 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a chercheacute agrave opeacuterer sa propre application de la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester Au terme de son analyse au consideacuterant 559 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence devait ecirctre eacutegale agrave la somme de deux composantes agrave savoir drsquoune part des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels sans marge et drsquoautre part des coucircts geacuteneacuteraux drsquoexploitation supporteacutes directement par LuxSCS pour assurer les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels (ci-apregraves les laquo coucircts de maintien raquo) majoreacutes de 5 (ci-apregraves la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo) Il importe agrave cet eacutegard de relever que la reacutemuneacuteration de LuxSCS correspond en reacutealiteacute agrave la redevance qui selon la Commission aurait ducirc ecirctre perccedilue par LuxSCS aupregraves de LuxOpCo

255 Par le deuxiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen et par la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par le quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter que LuxSCS pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de la meacutethode MTMN (quod non) la Commission aurait commis drsquoautres erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN En effet le calcul effectueacute par la Commission pour deacuteterminer la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS agrave savoir la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS ne saurait convaincre

256 Il convient drsquoaborder cette argumentation en tenant compte des deux composantes distingueacutees par la Commission (voir point 254 ci-dessus)

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)

257 Srsquoagissant de la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen que la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS devrait refleacuteter non seulement les coucircts de deacuteveloppement mais eacutegalement la valeur des actifs incorporels Cette valeur serait deacutecorreacuteleacutee de ces coucircts et donc des paiements opeacutereacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC Au point 73 de la requecircte et aux points 32 et suivants de la reacuteplique dans lrsquoaffaire T-31818 Amazon invoque en substance le mecircme grief De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee qui seraient la contrepartie de la mise agrave disposition par LuxSCS des actifs incorporels par lrsquoaccord de licence auraient ducirc ecirctre inclus dans les coucircts auxquels une marge est appliqueacutee

258 La Commission reacutefute ces arguments

259 Elle soutient que lrsquoobjectif drsquoun accord de reacutepartition des coucircts tel que lrsquoARC reacuteside dans le partage des coucircts lieacutes agrave la mise au point des actifs incorporels et non dans lrsquoobtention drsquoun beacuteneacutefice drsquoexploitation sur les activiteacutes europeacuteennes Ainsi ATI et A 9 ne devraient obtenir aucune part des beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales en Europe en dehors du remboursement des coucircts drsquoentreacutee et au titre de lrsquoARC Ce serait donc agrave bon droit que la deacutecision attaqueacutee a deacutetermineacute la reacutemuneacuteration de LuxSCS comme

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comprenant un remboursement des paiements drsquoentreacutee et des coucircts de deacuteveloppement de lrsquoARC La Commission rappelle dans ce contexte que selon elle la raison de lrsquoexistence de LuxSCS eacutetait purement fiscale Lrsquoaccord de licence nrsquoaurait pas eacuteteacute directement conclu entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo mais entre LuxSCS et LuxOpCo afin drsquoeacuteviter que les redevances ne soient soumises agrave lrsquoimpocirct aux Eacutetats-Unis Si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute ATI et A 9 auraient conclu un accord de reacutepartition des coucircts avec LuxOpCo (et non un accord de licence) de sorte que seule LuxOpCo aurait ducirc srsquoacquitter des paiements De plus lrsquoactiviteacute de LuxSCS se serait limiteacutee agrave la simple deacutetention des actifs incorporels LuxSCS nrsquoaurait pas exerceacute elle-mecircme directement des fonctions de deacuteveloppement de la proprieacuteteacute intellectuelle et nrsquoaurait donc pas ducirc percevoir de reacutemuneacuterations agrave ce titre Elle nrsquoaurait joueacute aucun rocircle dans lrsquoutilisation ou le deacuteveloppement des actifs incorporels ni nrsquoaurait exerceacute aucun controcircle sur ces fonctions de deacuteveloppement et sur les risques affeacuterents Selon la Commission il ne fallait donc pas appliquer de marge aux coucircts drsquoentreacutee et aux coucircts de lrsquoARC dans la mesure ougrave il ne srsquoagit que de coucircts reacutepercuteacutes par LuxSCS agrave LuxOpCo et ougrave LuxSCS nrsquoexerce aucune fonction en lien avec les actifs incorporels Au contraire la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter le fait que les fonctions et les risques attribueacutes agrave LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient en fait supporteacutes par LuxOpCo En tout eacutetat de cause la Commission nrsquoaurait pas ignoreacute dans son analyse fonctionnelle le fait que LuxSCS eacutetait le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels

260 Agrave titre liminaire il convient de relever que lrsquoexercice consistant agrave examiner si une redevance telle que celle en cause en lrsquoespegravece correspond agrave un reacutesultat de marcheacute preacutesuppose selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de se rattacher agrave la valeur des actifs incorporels et non aux coucircts de deacuteveloppement et de mise au point de ceux-ci En effet il ressort du point 627 desdites lignes que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre ces coucircts et la valeur des actifs incorporels En particulier la valeur eacutequitable effective drsquoun bien incorporel nrsquoest souvent pas mesurable en fonction des deacutepenses encourues pour la mise au point et la preacuteservation du bien incorporel Ainsi qursquoil reacutesulte du point 62 desdites lignes les laquo biens incorporels raquo peuvent avoir une valeur consideacuterable mecircme srsquoils nrsquoont pas de valeur comptable dans le bilan de la socieacuteteacute Enfin ainsi qursquoil reacutesulte respectivement des points 122 et 627 desdites lignes il srsquoagit agrave cet eacutegard de ce qursquoil est convenu drsquoappeler la laquo valeur marchande raquo ou laquo valeur veacutenale raquo Par ailleurs il y a lieu de souligner que cette valeur peut ecirctre sujette agrave des fluctuations dans le temps

261 En lrsquoespegravece se pose la question de savoir si la premiegravere composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS telle que calculeacutee par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee agrave savoir premiegraverement le paiement drsquoentreacutee sans marge et deuxiegravemement les paiements au titre de lrsquoARC toujours sans marge reflegravete effectivement la valeur des actifs incorporels donneacutes en licence agrave LuxOpCo

262 En premier lieu il peut certes ecirctre consideacutereacute que le paiement drsquoentreacutee qui a eacuteteacute verseacute par LuxSCS aux entiteacutes ameacutericaines en contrepartie du transfert de proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels preacuteexistants et drsquoune licence sur le reste des actifs incorporels preacuteexistants (voir point 4 ci-dessus) reflegravete bien la valeur des actifs incorporels au moment de la conclusion de lrsquoaccord drsquoentreacutee soit en 2005

263 En effet si le montant du paiement drsquoentreacutee ne constitue pas un prix qui a eacuteteacute neacutegocieacute librement sur le marcheacute il srsquoagit ainsi qursquoAmazon lrsquoindique au point 73 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 du prix verseacute en contrepartie de lrsquoacquisition des actifs incorporels preacuteexistant en 2005 Un tel versement agrave la diffeacuterence des coucircts de deacuteveloppement est susceptible de refleacuteter la valeur des actifs incorporels faisant lrsquoobjet du transfert de proprieacuteteacute agrave savoir les actifs incorporels preacuteexistant en 2005

264 Neacuteanmoins il convient de souligner que ainsi que cela a eacuteteacute affirmeacute notamment par le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans ecirctre contredit sur ce point par la Commission durant la peacuteriode consideacutereacutee les actifs incorporels ont gagneacute en valeur de maniegravere significative gracircce agrave lrsquoinnovation permanente dans la technologie deacuteveloppeacutee notamment par les entiteacutes ameacutericaines par Amazon US ainsi que gracircce au

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deacuteveloppement de la notorieacuteteacute de la marque Amazon et donc des actifs incorporels lieacutes au marketing en Europe et dans le monde La simple addition des coucircts de deacuteveloppement sans marge (paiements au titre de lrsquoARC) au prix payeacute pour lrsquoobtention des actifs incorporels preacuteexistants (paiement drsquoentreacutee) opeacutereacutee par la Commission au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee ne prend pas en compte le fait que en lrsquoespegravece la valeur des actifs incorporels preacuteexistants a augmenteacute pendant la peacuteriode consideacutereacutee dans la mesure ougrave ces actifs ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes au fur et agrave mesure par les entiteacutes ameacutericaines et remplaceacutes pour partie La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee invoqueacutee par la Commission qui peut ecirctre accepteacutee comme eacutetant leur valeur initiale des actifs incorporels en 2005 ne reflegravete donc pas la valeur veacutenale desdits actifs incorporels pendant la totaliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee

265 Qui plus est crsquoest agrave tort que la Commission a consideacutereacute que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee pourraient ecirctre reacutepercuteacutes agrave LuxOpCo sans application drsquoune marge Lrsquoabsence de marge ne reflegravete pas ce que des parties indeacutependantes auraient accepteacute dans le cadre drsquoune transaction libre sur le marcheacute et constitue donc une erreur dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS En effet il est raisonnable de consideacuterer et il ressort par ailleurs notamment du point 614 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les parties indeacutependantes agissant sur le marcheacute cherchent agrave tirer des profits de la mise agrave disposition de leurs actifs De ce fait lrsquoapplication drsquoune marge dans le cadre du calcul drsquoune reacutemuneacuteration telle que celle en cause apparaicirct comme une situation courante sur le marcheacute Or ainsi que le fait valoir Amazon au point 98 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 si la Commission avait examineacute les options qui srsquooffraient agrave LuxSCS ainsi que le preacuteconise ledit point 614 elle aurait pu constater qursquoil existait de nombreux opeacuterateurs drsquoactiviteacute de commerce en ligne en Europe de sorte que LuxSCS aurait pu valoriser les actifs incorporels au-delagrave de leurs seuls coucircts de deacuteveloppement

266 Ensuite en second lieu srsquoagissant des paiements au titre de lrsquoARC il convient de relever que ainsi qursquoil a eacuteteacute exposeacute ci-dessus il ressort du point 627 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre les coucircts de deacuteveloppement et la valeur drsquoactifs incorporels La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC suggeacutereacutee par la Commission correspond uniquement au remboursement des coucircts que doit supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur des actifs incorporels ameacutelioreacutes Le seul remboursement des coucircts de deacuteveloppement sans qursquoune marge soit appliqueacutee relegraveve drsquoune approche qui ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute

267 Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que lrsquoobjet de la transaction controcircleacutee faisant lrsquoobjet de lrsquoexamen de la Commission est la licence des actifs incorporels donneacutee par LuxSCS agrave LuxOpCo eacutetant rappeleacute que LuxSCS eacutetait partie agrave lrsquoARC Il est constant qursquoATI et A 9 exerccedilaient des fonctions de mise au point drsquoune partie des actifs incorporels Toutefois lrsquoargument de la Commission selon lequel ATI et A 9 eacutetaient laquo reacutemuneacutereacutees raquo par les paiements au titre de lrsquoARC pour ces fonctions traduit une compreacutehension erroneacutee de lrsquoARC par la Commission Il ressort du point 43 de lrsquoARC que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient uniquement calculeacutes en tant que pourcentage des coucircts de deacuteveloppement engageacutes par les parties agrave lrsquoARC Certes la participation de LuxSCS aux coucircts de deacuteveloppement est proportionnelle aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par les entiteacutes deacutetenues par LuxSCS et ainsi par LuxOpCo par rapport aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par ATI et A 9 Il nrsquoen reste pas moins que les paiements au titre de lrsquoARC correspondent ainsi agrave une fraction des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels deacuteveloppeacutes dans le cadre de lrsquoARC et mis agrave disposition de LuxOpCo conformeacutement agrave lrsquoaccord de licence et qursquoils ne reflegravetent donc pas la valeur de marcheacute de ces actifs incorporels Or crsquoest cette valeur qursquoune redevance de pleine concurrence au titre de lrsquoaccord de licence devrait refleacuteter

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268 Au regard de ce qui preacutecegravede la circonstance que LuxSCS nrsquoait pas exerceacute les fonctions de deacuteveloppement directement elle-mecircme ne remet pas en cause le constat que le montant de la redevance verseacutee par LuxOpCO doit refleacuteter la valeur des actifs incorporels

269 Degraves lors il eacutetait inapproprieacute pour la Commission drsquoaffirmer que la reacutemuneacuteration de LuxSCS pouvait ecirctre calculeacutee sur la base drsquoune simple reacutepercussion des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels

270 La conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments de la Commission

271 Premiegraverement la Commission a fait valoir que LuxSCS ne serait qursquoun intermeacutediaire et qursquoelle nrsquoaurait fait que transmettre agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC pour transfeacuterer ensuite une partie de la redevance reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts La diffeacuterence entre les montants perccedilus au titre de la redevance et les paiements effectueacutes au titre de lrsquoARC a eacuteteacute attribueacutee agrave LuxSCS puis eacuteventuellement remonteacutee par ses associeacutes sans que LuxSCS ait exerceacute aucune fonction qui justifierait que ces montants lui fussent attribueacutes

272 Toutefois mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que LuxSCS nrsquoeacutetait qursquoun simple intermeacutediaire agrave savoir qursquoelle eacutetait interposeacutee entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 qui nrsquoavait pas exerceacute des fonctions de deacuteveloppement il nrsquoen reste pas moins que le montant de la redevance qursquoaurait ducirc payer LuxOpCo et ainsi la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter la valeur marchande des actifs incorporels mis agrave disposition en vertu de lrsquoaccord de licence Or la simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC invoqueacutee par la Commission ne correspond qursquoau remboursement des coucircts que devait supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur marchande desdits actifs incorporels

273 Si par les arguments mentionneacutes au point 271 ci-dessus la Commission entend faire valoir que la base imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute diminueacutee du fait de lrsquointerposition de LuxSCS entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 et de la conclusion de lrsquoaccord de licence avec LuxSCS ndash par opposition agrave la conclusion drsquoun accord de licence avec lesdites entiteacutes il y a lieu de relever que dans la deacutecision attaqueacutee la Commission ne srsquoest pas appuyeacutee sur un tel raisonnement pour deacutemontrer lrsquoexistence de lrsquoavantage en faveur de LuxOpCo

274 De plus il nrsquoest pas eacutetabli que si lrsquoaccord de licence avait eacuteteacute conclu par LuxOpCO directement avec les entiteacutes ameacutericaines sans que LuxSCS soit interposeacutee entre ces socieacuteteacutes le montant drsquoune redevance payeacutee auxdites entiteacutes aurait eacuteteacute diffeacuterent du montant de la redevance due agrave LuxSCS

275 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience selon lequel lrsquoARC aurait pu ecirctre directement conclu avec LuxOpCo

276 Agrave cet eacutegard il convient de relever que le raisonnement selon lequel si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute un accord de reacutepartition des coucircts aurait eacuteteacute conclu avec LuxOpCo est purement hypotheacutetique et relegraveve de fait du domaine de la speacuteculation

277 De plus dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas fondeacute son raisonnement sur le fait que LuxOpCo aurait pu ou aurait ducirc ecirctre directement partie agrave lrsquoARC En effet force est de constater que nulle part dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa remis en cause lrsquoexistence de LuxSCS en tant que telle pas moins que la validiteacute au regard du droit luxembourgeois du montage qui reacutesultait de la conclusion de lrsquoARC et de lrsquoaccord de licence au motif que ce montage aurait permis de diminuer la dette fiscale de LuxOpCo La Commission srsquoest en effet borneacutee agrave contester le montant de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS

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278 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience suivant lequel LuxSCS aurait eacuteteacute creacuteeacutee pour des raisons purement fiscales

279 Le simple fait qursquoune entiteacute appartenant agrave un groupe de socieacuteteacutes ait eacuteteacute creacuteeacutee seulement agrave des fins drsquooptimisation fiscale et qursquoelle perccediloive une redevance pour des actifs incorporels deacuteveloppeacutes au sein du groupe de socieacuteteacutes en question ne suffit pas en tant que tel pour conclure qursquoil y a eu un avantage fiscal au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE pour le deacutebiteur de la redevance et ne deacutemontre donc pas neacutecessairement lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat en faveur du deacutebiteur de la redevance

280 En lrsquoespegravece certes le traitement fiscal de LuxSCS variant entre le Luxembourg (LuxSCS eacutetait laquo fiscalement transparente raquo au Luxembourg) et les Eacutetats-Unis (LuxSCS eacutetait laquo non transparente fiscalement raquo aux Eacutetats-Unis) est ducirc agrave une laquo asymeacutetrie hybride raquo crsquoest-agrave-dire une diffeacuterence dans les reacuteglementations fiscales applicables au Luxembourg et aux Eacutetats-Unis srsquoagissant de lrsquoidentification du contribuable

281 Mais ainsi que lrsquoa releveacute la Commission elle-mecircme dans la note en bas de page no 16 qui accompagne le point 13 du meacutemoire en deacutefense de lrsquoaffaire T-81617 les conseacutequences de cette asymeacutetrie (la non-imposition des beacuteneacutefices) ne font pas lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee La question pertinente dans le cadre du preacutesent recours nrsquoest donc pas de savoir si la raison drsquoecirctre de LuxSCS est purement fiscale ni par ailleurs si les revenus qursquoelle a geacuteneacutereacutes ont effectivement eacuteteacute taxeacutes aux Eacutetats-Unis dans les mains de ses associeacutes mais celle de savoir si LuxOpCo a payeacute une redevance dont le montant a eacuteteacute sureacutevalueacute et si de ce fait la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et partant sa base imposable ont eacuteteacute artificiellement diminueacutees

282 Quatriegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoaffirmation faite par la Commission lors de lrsquoaudience agrave la supposer aveacutereacutee suivant laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute une socieacuteteacute laquo fictive raquo

283 Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que LuxSCS avait bel et bien une existence juridique ce que la Commission ne remet pas en cause LuxSCS eacutetait eacutetablie au Luxembourg et figurait dans le registre commercial du Grand-Ducheacute de Luxembourg en tant que socieacuteteacute luxembourgeoise

284 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de retenir que la conclusion figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle la premiegravere composante de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo aurait ducirc consister en une laquo refacturation des coucircts reacutepercuteacutes lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC (soit les coucircts drsquoentreacutee et lieacutes agrave lrsquoARC) raquo est entacheacutee drsquoerreur car une telle redevance ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute Cette erreur dans lrsquoapplication de la MTMN suffit eacutegalement pour consideacuterer que le constat principal de la Commission en ce qui concerne lrsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE ne peut ecirctre enteacuterineacute Cependant il convient de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties comme suit

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)

285 Srsquoagissant de la deuxiegraveme composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg considegravere que lrsquoappreacuteciation figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la thegravese selon laquelle laquo LuxSCS devrait ecirctre reacutemuneacutereacutee par une marge sur une base des coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo est erroneacutee Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg soutient que crsquoest agrave tort que la Commission fixe la marge de laquo pleine concurrence raquo agrave 5 des coucircts externes sur la base du rapport FCPT Plus preacuteciseacutement selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg la marge de 5 reacuteputeacutee ecirctre la marge de laquo pleine concurrence raquo est arbitraire tout comme lrsquoanalyse sommaire sur laquelle cette marge se fonde Le rapport FCPT reposerait quant agrave lui sur une analyse des pratiques observeacutees par les administrations fiscales des Eacutetats membres et non sur

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une analyse de la pratique luxembourgeoise relative agrave lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Sans compter le fait qursquoil nrsquoaurait aucune valeur en droit luxembourgeois et qursquoil aurait eacuteteacute adopteacute posteacuterieurement agrave la DFA en cause et nrsquoaurait donc pas eacuteteacute disponible agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoadoption de cette deacutecision le rapport FCPT se reacutefeacutererait agrave des marges observeacutees dans le cadre de transactions intragroupes et ne pourrait donc ecirctre utiliseacute comme base pour deacuteterminer une marge de pleine concurrence agrave savoir la marge correspondant agrave des conditions existant sur le marcheacute libre

286 La Commission conteste ces arguments

287 Elle souligne que la deuxiegraveme composante de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS en repreacutesente une part minime de sorte qursquoelle nrsquoa pas reacuteellement drsquoincidence sur la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission Selon elle il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire en lrsquoespegravece de faire une veacuteritable analyse de prix de transfert et de deacuteterminer quel aurait ducirc ecirctre le montant exact de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo En revanche le rapport FCPT pourrait ecirctre utiliseacute comme une laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo et permettrait de fixer le montant de transactions intragroupe agrave faible valeur pour lesquelles il serait trop coucircteux et fastidieux de reacutealiser une veacuteritable analyse de prix de transfert Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ferait partie du forum conjoint sur les prix de transfert et le rapport FCPT se fonderait eacutegalement sur la pratique luxembourgeoise Si les marges constateacutees dans le rapport FCPT ont eacuteteacute observeacutees pour des transactions intragroupe il srsquoagit selon la Commission des marges ndash geacuteneacuteralement accepteacutees par les administrations fiscales ndash en ce qursquoelles reflegravetent la rentabiliteacute drsquoentreprises dans des conditions de marcheacute Enfin la Commission indique que le rapport FCPT srsquoil date de 2010 se fonde sur des donneacutees relatives agrave la peacuteriode comprise entre 1999 et 2007 ajoutant que ces donneacutees peuvent ecirctre utiliseacutees dans la mesure ougrave la DFA en cause nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre qursquoagrave compter de 2006

288 Agrave titre liminaire ainsi qursquoexposeacute au point 254 ci-dessus la deuxiegraveme composante de la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission correspond agrave des coucircts qui pourraient ecirctre deacutesigneacutes comme des laquo coucircts de maintien raquo majoreacutes de 5 Ce rendement de 5 a eacuteteacute retenu par la Commission sur la base du rapport FCPT dans la mesure ougrave il srsquoagit du taux de rendement le plus souvent observeacute pour des prix de transfert relatif agrave des prestations de services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee

289 Ainsi que le soutiennent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapproche retenue par la Commission est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

290 Tout drsquoabord la Commission a elle-mecircme reconnu au consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee qursquoil nrsquoexistait pas de comparables pour eacutevaluer la reacutemuneacuteration de LuxSCS pour ses fonctions correspondant au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels

291 Or selon le point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lorsqursquoil srsquoagit drsquoappliquer la MTMN la laquo marge nette obtenue par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee [hellip] devrait theacuteoriquement ecirctre deacutetermineacutee par reacutefeacuterence agrave la marge nette que le mecircme contribuable reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre raquo Lrsquoabsence de comparable aurait ducirc conduire agrave ce que la Commission nrsquoappliquacirct pas la MTMN agrave LuxSCS

292 Certes lrsquoapproche retenue par la Commission visant agrave utiliser le rapport FCPT au lieu drsquoeffectuer sa propre recherche de comparabiliteacute ainsi que sa propre analyse des marges nettes comparables existant sur le marcheacute nrsquoest pas incompatible avec les regravegles drsquoapplication de la MTMN telles que celles-ci deacutecoulent des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet drsquoune part ainsi qursquoil ressort notamment des points 329 et 330 de ces lignes directrices il est notoire qursquoil est difficile de trouver des informations suffisamment preacutecises concernant les marges nettes existant sur le marcheacute libre ainsi que les paramegravetres utiliseacutes souvent sur le marcheacute libre comme indicateurs de beacuteneacutefices Drsquoautre part la forme et la nature des sources drsquoinformations utiliseacutees agrave cet effet nrsquoont en tant que telles aucune pertinence Srsquoil existe une publication portant sur les indicateurs de beacuteneacutefices ou sur les

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marges nettes observeacutes dans un certain domaine de lrsquoactiviteacute eacuteconomique cette publication peut en principe ecirctre utiliseacutee sans toutefois qursquoil doive srsquoagir agrave cet eacutegard neacutecessairement drsquoune laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo telle que celle dont fait eacutetat la Commission dans le cadre de son argumentaire mentionneacute au point 287 ci-dessus

293 Pourtant lrsquoutilisation drsquoun tel rapport ne saurait ecirctre retenue que si les donneacutees y figurant sont pertinentes et fiables En particulier le moins que lrsquoon puisse demander agrave un tel rapport est que les donneacutees qui y sont contenues aient trait agrave des transactions comparables agrave la transaction controcircleacutee ainsi qursquoagrave des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentiteacute testeacutee de maniegravere agrave ce que la comparaison soit effectivement fiable

294 En lrsquoespegravece force est de constater que la marge retenue par la Commission sur la base du rapport FCPT correspond agrave la marge geacuteneacuteralement observeacutee selon les auteurs de ce rapport pour certains laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo Or LuxSCS nrsquoa pas fourni de tels services Les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels ne sauraient en effet ecirctre assimileacutees agrave une prestation de service intragroupe laquo agrave faible valeur ajouteacutee raquo Il srsquoensuit que si en principe lrsquoutilisation du rapport FCPT ne soulegraveve pas de difficulteacutes drsquoordre meacutethodologique il nrsquoen demeure pas moins que les informations contenues dans ce rapport nrsquoavaient aucun lien avec les fonctions de LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

295 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 257 agrave 292 ci-dessus il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendant agrave faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS ce qui aurait eu un impact sur sa conclusion relative au fait de choisir LuxSCS en tant que partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN La Commission a eacutegalement commis une erreur dans la deacutetermination de la marge nette approprieacutee applicable agrave la transaction controcircleacutee en lrsquoespegravece

3) Conclusion sur le constat principal

296 Agrave lrsquoaune de ces diffeacuterentes consideacuterations il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage Drsquoune part la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue en tant que partie agrave tester Drsquoautre part le calcul de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo opeacutereacute par la Commission sur la base de la preacutemisse selon laquelle LuxSCS devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester est entacheacute de nombreuses erreurs et ne saurait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant suffisamment fiable ni comme permettant drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Dans la mesure ougrave la meacutethode de calcul retenue par la Commission doit ecirctre eacutecarteacutee cette meacutethode ne saurait fonder le constat de la Commission selon lequel la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS aurait ducirc ecirctre infeacuterieure agrave celle effectivement perccedilue en application de la DFA en cause pendant la peacuteriode contesteacutee Les eacuteleacutements contenus dans le constat principal de lrsquoavantage ne permettent donc pas drsquoeacutetablir que la charge fiscale de LuxOpCo a eacuteteacute artificiellement diminueacutee du fait drsquoune sureacutevaluation de la redevance

297 Par conseacutequent les premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche et la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que les deuxiegraveme et quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage dans le cadre de son constat principal doivent ecirctre accueillis sans qursquoil soit neacutecessaire drsquoexaminer les autres moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal

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3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage

298 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le raisonnement subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo

299 Afin drsquoexaminer en deacutetail ces moyens il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoexposeacute aux points 65 agrave 68 ci-dessus dans le cadre de son raisonnement subsidiaire relatif agrave lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a opeacutereacute trois constats selon lesquels la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause repose sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes

300 Tout drsquoabord par son premier constat subsidiaire (consideacuterants 565 agrave 569 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause Agrave cet eacutegard il importe de rappeler que les parties srsquoaccordent sur le fait que la meacutethode appliqueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 correspondait en reacutealiteacute agrave la MTMN En revanche contrairement agrave ce qui ressort du rapport sur les prix de transfert de 2003 lui-mecircme les auteurs de ce rapport nrsquoont pas choisi ni effectivement appliqueacute la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Amazon a confirmeacute dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause consistait dans un premier temps agrave calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en application de la MTMN et dans un second temps agrave attribuer la totaliteacute des beacuteneacutefices reacutesiduels agrave LuxSCS afin de la reacutemuneacuterer pour les actifs incorporels Par ailleurs le fait que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 ont en reacutealiteacute utiliseacute la MTMN et non la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle a eacuteteacute mentionneacute par la Commission au consideacuterant 540 de la deacutecision attaqueacutee

301 Agrave lrsquoappui de son premier constat subsidiaire la Commission a exposeacute que agrave supposer que LuxSCS ait exerceacute effectivement des fonctions uniques et de valeur ce qursquoelle conteste les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises ne pouvaient ignorer que LuxOpCo exerccedilait eacutegalement des fonctions uniques et de valeur en lien avec la proprieacuteteacute intellectuelle et avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et non des fonctions de gestion courante En conseacutequence la Commission a consideacutereacute que la meacutethode de deacutetermination retenue dans la DFA en cause ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec une analyse des contributions eacutetait davantage approprieacutee Or selon la Commission si cette derniegravere meacutethode avait eacuteteacute utiliseacutee la reacutemuneacuteration et par conseacutequent le revenu imposable de LuxOpCo auraient eacuteteacute plus importants

302 Ensuite dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 570 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a consideacutereacute que le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute dans la DFA en cause eacutetait erroneacute Plus speacutecifiquement elle a consideacutereacute que agrave supposer mecircme que lrsquoanalyse fonctionnelle contenue dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fucirct correcte en acceptant une marge sur les charges drsquoexploitation et non sur les coucircts totaux la DFA en cause avait reacuteduit de maniegravere inapproprieacutee le revenu imposable de LuxOpCo lui confeacuterant ainsi un avantage eacuteconomique

303 Enfin dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 574 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a conclu que en tout eacutetat de cause lrsquoinclusion drsquoun plafond dans la meacutethode de prix aux fins de deacuteterminer la base imposable de LuxOpCo telle qursquoavaliseacutee dans la deacutecision attaqueacutee nrsquoeacutetait pas approprieacutee ni justifieacutee eacuteconomiquement Selon la Commission dans la mesure ougrave elle avait abouti agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo pour les exercices fiscaux 2006 2007 2011 2012 et 2013 lrsquoinclusion drsquoun tel plafond avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave cette socieacuteteacute

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304 Il importe de relever que chacun des constats subsidiaires figurant aux titres 9221 agrave 9223 de la deacutecision attaqueacutee est indeacutependant lrsquoun de lrsquoautre Chacun est donc susceptible drsquoeacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage La Commission a confirmeacute tant dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que lors de lrsquoaudience que chacun des constats subsidiaires corroborait de maniegravere indeacutependante et autonome la constatation de lrsquoexistence drsquoun avantage

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires

305 Au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacuteciseacute que lrsquoappreacuteciation agrave laquelle elle avait proceacutedeacute dans le cadre de la section 922 relatif aux constatations subsidiaires de lrsquoavantage ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence laquo preacutecise raquo pour LuxOpCo mais agrave deacutemontrer que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo en avalisant des choix meacutethodologiques erroneacutes qui conduisaient agrave une diminution de son revenu imposable

306 Agrave cet eacutegard en compleacutement de ce qui a eacuteteacute exposeacute aux points 123 agrave 126 ci-dessus il importe de clarifier au regard du contenu de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le niveau de preuve qui pegravese sur la Commission dans le cadre de lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat dans le contexte drsquoun rescrit fiscal tel que la DFA en cause

307 Tout drsquoabord au point 152 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale (premier facteur de comparaison) correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute (deuxiegraveme facteur de comparaison) elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation

308 Il en deacutecoule que pour deacutemontrer qursquoune deacutecision fiscale anticipeacutee utiliseacutee pour calculer la reacutemuneacuteration drsquoune entreprise confegravere un avantage eacuteconomique la Commission doit eacutetablir que cette reacutemuneacuteration srsquoeacutecarte drsquoun reacutesultat de pleine concurrence dans des proportions telles qursquoelle ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une reacutemuneacuteration qui aurait eacuteteacute perccedilue sur le marcheacute dans des conditions de concurrence

309 Ensuite aux points 201 et 211 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques nrsquoaboutissait pas neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore fallait-il que la Commission deacutemontracirct que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle avait identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable Le Tribunal a ainsi conclu que le seul constat drsquoerreurs dans le choix ou lrsquoapplication de la meacutethode de deacutetermination des prix de transfert ne suffisait pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE

310 Il importe de relever agrave cet eacutegard que srsquoil appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que lrsquoerreur meacutethodologique a abouti agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la deacutecision fiscale anticipeacutee le Tribunal nrsquoa pas exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

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311 Une telle lecture de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) ressort de lrsquoutilisation de lrsquoexpression laquo en principe raquo aux points 201 et 211 ainsi que du point 212 de cet arrecirct dans lequel il est preacuteciseacute que dans cette affaire la Commission nrsquoavait invoqueacute aucun eacuteleacutement permettant de conclure sans que soit opeacutereacutee une comparaison avec le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode preacuteconiseacutee par elle que le choix de la meacutethode avaliseacutee dans la deacutecision fiscale anticipeacutee en cause aboutissait neacutecessairement agrave un reacutesultat trop bas

312 Compte tenu de ce qui preacutecegravede et en lrsquoabsence de comparaison dans la deacutecision attaqueacutee entre drsquoune part le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission et drsquoautre part le reacutesultat obtenu en application de la DFA en cause lrsquoapproche de la Commission exposeacutee au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee au terme de laquelle celle-ci se borne agrave identifier des erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert est en principe insuffisante pour eacutetablir qursquoil y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

313 Neacuteanmoins il y a lieu de veacuterifier si en deacutepit de lrsquoaffirmation contenue au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee le raisonnement subsidiaire de la Commission relatif agrave lrsquoavantage contient des eacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir que les erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert identifieacutees par la Commission ont abouti agrave une veacuteritable diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

314 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le premier constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9221 de la deacutecision attaqueacutee) En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoaffirmation selon laquelle la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission agrave savoir la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee Ils font valoir que crsquoest agrave tort que la Commission a conclu que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur Le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que la Commission nrsquoa drsquoailleurs pas chercheacute agrave appliquer elle-mecircme la meacutethode du partage des beacuteneacutefices

315 La Commission conteste ces arguments

316 Selon la Commission la deacutecision attaqueacutee a agrave bon droit releveacute des choix meacutethodologiques inadeacutequats srsquoagissant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause Elle est drsquoavis que mecircme si LuxSCS eacutetait consideacutereacutee comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels cela serait eacutegalement le cas de LuxOpCo de sorte qursquoune deacutetermination des prix de transfert fondeacutee sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices repreacutesenterait une meacutethode de prix de transfert plus approprieacutee et aboutirait agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo supeacuterieure agrave celle confirmeacutee par la DFA en cause

317 En lrsquoespegravece il convient de constater que aux consideacuterants 565 agrave 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la thegravese selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels le fait que LuxOpCo assumait eacutegalement de telles fonctions aurait signifieacute que en lrsquoespegravece la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre preacutefeacutereacutee agrave la meacutethode MTMN

318 Agrave cet eacutegard il importe de preacuteciser deux choses diffeacuterentes

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319 Premiegraverement la Commission a indiqueacute au consideacuterant 565 de la deacutecision attaqueacutee que loin drsquoexeacutecuter au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des fonctions de gestion laquo courantes raquo LuxOpCo assumait toute une seacuterie de fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et exerccedilait les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

320 Dans ce contexte il convient de souligner eacutegalement que la Commission nrsquoa pas constateacute que certaines des fonctions de LuxOpCo telles qursquoidentifieacutees dans le cadre de sa propre analyse fonctionnelle auraient pu ecirctre qualifieacutees de courantes ou de routine ni que de telles fonctions auraient ducirc en deacutepit de ce caractegravere de routine faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire

321 Deuxiegravemement au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que lrsquoapplication de lrsquoanalyse des contributions en lrsquoespegravece aurait conduit agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour toutes ses fonctions ainsi que tous ses actifs et risques tels qursquoanalyseacutes agrave la section 9212 de la deacutecision attaqueacutee et donc agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure agrave celle valideacutee dans la DFA en cause Ce faisant la Commission a consideacutereacute que le fait drsquoavaliser la MTMN dans la DFA en cause aurait entraicircneacute une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport agrave des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait les prix neacutegocieacutes sur le marcheacute En particulier ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 566 de la deacutecision attaqueacutee selon la Commission il nrsquoeacutetait pas approprieacute drsquoavaliser une meacutethode de fixation des prix de transfert preacutevoyant lrsquoimputation agrave LuxSCS de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel reacutealiseacute par LuxOpCo exceacutedant [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation

322 Par ailleurs il ressort du point 45 des reacuteponses de la Commission aux questions eacutecrites du Tribunal que selon elle la reacutemuneacuteration de LuxOpCo eacutetait laquo neacutecessairement raquo plus eacuteleveacutee avec lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions car cette meacutethode aurait permis de reacutemuneacuterer les fonctions uniques et de valeur de LuxOpCo

323 Crsquoest sur la base des consideacuterations figurant aux points 316 agrave 322 ci-dessus qursquoil convient drsquoexaminer les griefs du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

324 Ainsi qursquoil ressort du point 314 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent trois griefs lesquels tendent agrave contester premiegraverement lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur deuxiegravemement le constat selon lequel la DFA en cause avait erroneacutement avaliseacute lrsquoutilisation de la MTMN et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions devait ecirctre utiliseacutee dans le cas drsquoespegravece et troisiegravemement la conclusion selon laquelle lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait laquo neacutecessairement raquo abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo

325 Avant toute chose il convient de relever que le premier constat subsidiaire renvoie expresseacutement aux sections 92121 et 92122 92123 et 9214 de la deacutecision attaqueacutee dans lesquelles la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxOpCo et repose directement sur les constats contenus dans ces sections

326 Les constatations opeacutereacutees dans les sections 92121 et 92122 92123 et 92124 de la deacutecision attaqueacutee ainsi que le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur font lrsquoobjet du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen renvoyant aux deuxiegraveme et troisiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

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327 Il y a lieu drsquoexaminer conjointement lrsquoensemble des arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission et le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur

328 Tout drsquoabord selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo nrsquoavait pas de fonctions significatives relatives agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels en Europe mais eacutetait seulement en charge de lrsquoexploitation de lrsquoentreprise En effet lrsquoessentiel du deacuteveloppement de la gestion et de lrsquoameacutelioration des actifs incorporels aurait eu lieu aux Eacutetats-Unis

329 Ensuite le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir en substance que les fonctions de LuxOpCo en lien avec lrsquoactiviteacute commerciale du groupe Amazon en Europe constituaient des contributions de routine et non des contributions uniques et de valeur dans la mesure ougrave elles reposaient largement sur les actifs incorporels mis agrave disposition par LuxSCS Les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe se seraient limiteacutees ainsi agrave des fonctions de gestion

330 Enfin srsquoagissant des actifs et des risques assumeacutes par LuxOpCo Amazon soutient que les risques lieacutes aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo eacutetaient geacutereacutes et atteacutenueacutes par la technologie

331 La Commission conteste ces arguments

332 Tout drsquoabord elle fait valoir en substance que crsquoest LuxOpCo qui avec le soutien des socieacuteteacutes affilieacutees europeacuteennes a exerceacute toutes les fonctions pertinentes uniques et de valeur relatives aux trois composantes des actifs incorporels agrave savoir la technologie les donneacutees clients et le marketing

333 Ensuite elle fait valoir que les fonctions laquo humaines raquo nrsquoauraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie ni dans la fixation des prix ni dans les relations du groupe Amazon avec les vendeurs et les clients ni dans la gestion des stocks ni dans les deacutecisions concernant les stocks La Commission soutient que le fait que LuxOpCo utilisait les actifs incorporels dans le cadre de lrsquoexercice de ces fonctions ne signifiait pas que ces derniegraveres ne pouvaient pas ecirctre consideacutereacutees comme uniques et de valeur

334 Enfin en ce qui concerne les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxOpCo drsquoune part la Commission relegraveve que le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa formuleacute aucune critique directe agrave lrsquoencontre des consideacuterants de la deacutecision attaqueacutee portant sur ces deux eacuteleacutements et drsquoautre part elle conteste lrsquoargument drsquoAmazon selon lequel la technologie a permis de geacuterer les risques de LuxOpCo sans neacutecessiter la moindre intervention humaine

335 Agrave titre liminaire il importe de souligner que lrsquoexamen de la question de savoir si LuxOpCo exerccedilait effectivement des laquo fonctions uniques et de valeur raquo ainsi que la Commission le soutient ou bien seulement des laquo fonctions de routine raquo ainsi que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le font valoir doit ecirctre opeacutereacute au regard des notions qui ont eacuteteacute abordeacutees au point 227 ci-dessus La notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo bien qursquoelle ne soit pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquooppose agrave la notion de laquo fonctions de routine raquo lesquelles sont des fonctions qui peuvent ecirctre facilement eacutevalueacutees Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 228 ci-dessus la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes

336 Par ailleurs il convient eacutegalement de relever dans la mesure ougrave la Commission a essentiellement fondeacute son analyse fonctionnelle de LuxOpCo sur les deacuteclarations des employeacutes de cette derniegravere issues du contentieux porteacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (ci-apregraves les laquo teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon raquo) que dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que ces teacutemoignages datent de 2014 et portent sur les

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activiteacutes du groupe Amazon entre 2005 et 2014 de sorte que les autoriteacutes luxembourgeoises ne pouvaient en aucun cas avoir connaissance de ces informations au moment de lrsquooctroi de la DFA en cause

337 Il importe de relever agrave cet eacutegard tout drsquoabord que cet argument du Grand-Ducheacute prend le contre-pied de la position qursquoil a retenue dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal En effet srsquoagissant de la possibiliteacute de prendre en compte lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis et le rapport sur les prix de transfert de 2017 celui-ci a affirmeacute que pour deacuteterminer si LuxOpCo avait beacuteneacuteficieacute drsquoun avantage il eacutetait neacutecessaire drsquoexaminer quel aurait eacuteteacute lrsquoimpocirct qursquoelle aurait ducirc supporter en lrsquoabsence de la DFA en cause ce qui implique neacutecessairement de prendre en compte des informations posteacuterieures agrave lrsquooctroi de la DFA en cause

338 Certes dans lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669 points 247 et 250) le Tribunal a consideacutereacute que lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoun avantage confeacutereacute par un accord preacutealable sur les prix faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee devrait ecirctre fait au regard du contexte de lrsquoeacutepoque au cours de laquelle celui-ci a eacuteteacute conclu Toutefois le Tribunal a fondeacute ce constat sur le fait que dans cette affaire la mesure contesteacutee par la Commission eacutetait uniquement lrsquoaccord preacutealable sur les prix

339 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater que la mesure des autoriteacutes luxembourgeoises faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee est non seulement la DFA en cause laquelle a eacuteteacute adopteacutee en 2003 puis prorogeacutee en 2004 et en 2010 mais eacutegalement lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle de LuxOpCo fondeacutee sur ladite deacutecision de sorte que les informations relatives agrave la situation effective de LuxOpCo pendant la peacuteriode concerneacutee eacutetaient neacutecessairement des informations disponibles pour les autoriteacutes fiscales lorsqursquoelles ont adopteacute les mesures faisant lrsquoobjet de la deacutecision fiscale anticipeacutee

340 Il srsquoensuit que dans les circonstances de lrsquoespegravece il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir fondeacute son analyse sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon Il convient donc de prendre en compte ces eacuteleacutements aux fins drsquoappreacutecier les griefs formuleacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

341 De maniegravere geacuteneacuterale les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo avait exerceacute des fonctions significatives laquo uniques et de valeur raquo en ce qui concerne les actifs incorporels Selon la Commission tel aurait eacuteteacute le cas parce que LuxOpCo aurait eacuteteacute responsable pour les adaptations de la technologie aux speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen pour le deacuteveloppement des donneacutees clients et pour des activiteacutes en lien avec les actifs de marketing

342 Dans le cadre de la section 92121 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait eacuteteacute chargeacutee drsquoexercer des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels Ces fonctions incluaient selon elle la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la proprieacuteteacute intellectuelle de maniegravere geacuteneacuterale mais eacutegalement au niveau de chacune des trois composantes des actifs incorporels agrave savoir de la technologie des donneacutees clients et de la marque deacuteposeacutee au moyen drsquoinnovations technologiques et commerciales europeacuteennes indeacutependantes de la creacuteation et de la gestion des donneacutees clients ainsi que du deacuteveloppement et du maintien de la marque deacuteposeacutee Ainsi en substance selon la Commission LuxOpCo ne srsquoest pas contenteacutee drsquoexploiter la technologie pour geacuterer les sites europeacuteens mais aurait activement contribueacute agrave sa mise au point agrave son ameacutelioration et agrave sa gestion au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 449 450 et 465 de la deacutecision attaqueacutee)

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343 Premiegraverement la Commission a releveacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoune licence exclusive et irreacutevocable sur les actifs incorporels et ainsi du droit de continuer de mettre au point ameacuteliorer entretenir et proteacuteger ces actifs incorporels bien que LuxSCS restacirct proprieacutetaire des travaux deacuteriveacutes creacuteeacutes par LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

344 Deuxiegravemement la Commission a constateacute que de maniegravere geacuteneacuterale LuxOpCo aurait contribueacute agrave la mise au point agrave lrsquoentretien et agrave la gestion des actifs incorporels agrave travers le laquo EU IP Steering Committee raquo (comiteacute drsquoorganisation concernant la proprieacuteteacute intellectuelle dans lrsquoUnion) (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) Selon la Commission le EU IP Steering Committee eacutetait un forum au sein duquel les dirigeants de LuxOpCo et drsquoASE chargeacutes des activiteacutes commerciales et de la technologie se rencontraient pour discuter et recommander des actions concernant les actifs incorporels en Europe telles qursquoelles leur eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon Les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

345 Troisiegravemement la Commission a exposeacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de la technologie (consideacuterants 466 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute que certes la technologie mise agrave disposition de LuxOpCo par LuxSCS aurait eacuteteacute la laquo technologie existante drsquoAmazon US raquo telle que laquo deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis raquo (consideacuterants 456 et 461 de la deacutecision attaqueacutee) Toutefois selon elle plusieurs fonctions des logiciels drsquoAmazon utiliseacutes aux Eacutetats-Unis auraient ducirc ecirctre adapteacutees pour ecirctre deacuteployeacutees en Europe En particulier la Commission a exposeacute que pour mener agrave bien les activiteacutes commerciales europeacuteennes du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait mis au point ameacutelioreacute et geacutereacute cette technologie ameacutericaine avec le soutien de ses filiales pendant la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 456 agrave 460 de la deacutecision attaqueacutee) En outre LuxOpCo et ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient speacutecialement deacuteveloppeacute une technologie importante utiliseacutee pour les activiteacutes de vente au deacutetail et de services europeacuteennes Un exemple de ce type de technologie aurait eacuteteacute le laquo European Fulfilment Network raquo (reacuteseau de distribution europeacuteenne EFN) technologie qui avait permis de mutualiser les stocks du groupe Amazon situeacutes dans divers Eacutetats membres et drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens si bien que gracircce agrave cet outil les clients de tout pays de lrsquoUnion eacutetaient en mesure drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet national du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 462 et 463 de la deacutecision attaqueacutee)

346 Quatriegravemement en ce qui concerne les donneacutees clients la Commission a constateacute que mecircme si les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens eacutetaient la proprieacuteteacute leacutegale de LuxSCS LuxOpCo avait exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ces donneacutees au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute agrave cet eacutegard que LuxOpCo avait activement accumuleacute ces donneacutees agrave titre de service pour LuxSCS et devait en assurer lrsquoentretien et garantir le respect des lois applicables en matiegravere de protection des donneacutees

347 Cinquiegravemement en ce qui concerne la laquo marque deacuteposeacutee raquo (consideacuterants 469 agrave 470) agrave savoir les marques drsquoAmazon dans la mesure ougrave elles ont eacuteteacute deacuteposeacutees dans lrsquoUnion la Commission a releveacute que bien que cette marque fucirct bien reconnue et qursquoune forte identification drsquoune marque au niveau mondial fucirct un atout majeur pour attirer des clients la valeur de cette marque commerciale aurait eacuteteacute drsquoune importance secondaire pour la bonne mise en œuvre en Europe des trois piliers des activiteacutes du groupe Amazon agrave savoir lrsquoassortiment le prix et la faciliteacute drsquoutilisation (ci-apregraves les laquo trois piliers raquo) Compte tenu du fait que la marque et la reacuteputation du groupe Amazon se seraient appuyeacutees fortement sur la prestation constante par LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes drsquoun service hautement satisfaisant aux clients il conviendrait de conclure selon la Commission que en reacutealiteacute la valeur de la marque Amazon en Europe aurait eacuteteacute geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees

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europeacuteennes et non au niveau de LuxSCS (consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee) En outre les activiteacutes de marketing auraient eacuteteacute assureacutees par LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes sur la base drsquoun savoir-faire local (consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee)

348 Dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent chacun des cinq points de lrsquoanalyse de la Commission il convient drsquoexaminer seacutepareacutement les arguments relatifs agrave chacune de ces questions

349 Avant de proceacuteder agrave un tel examen il y a lieu de relever agrave titre liminaire que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas que LuxOpCo ait exerceacute certaines fonctions en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment la technologie mais contestent uniquement que LuxOpCo ait pris une part importante dans le deacuteveloppement des actifs incorporels et ainsi qursquoelle exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec ces actifs

350 En effet dans leurs eacutecritures le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon concegravedent que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement qursquoils deacutesignent comme eacutetant laquo minimales raquo ou encore qursquoelle a joueacute un rocircle qui serait toutefois laquo secondaire raquo dans la creacuteation de la valeur des actifs incorporels

351 Il en deacutecoule donc que mecircme selon les dires du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon LuxOpCo a bel et bien exerceacute des fonctions ne serait-ce que de nature secondaire en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

352 Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 343 ci-dessus aux fins de deacutemontrer lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels la Commission a insisteacute au consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee sur le fait que LuxOpCo avait laquo un droit de continuer agrave mettre au point agrave ameacuteliorer agrave entretenir [hellip] les actifs incorporels pour toute leur dureacutee drsquoutiliteacute raquo Dans ce contexte la Commission a affirmeacute au point 100 du meacutemoire en deacutefense preacutesenteacute dans lrsquoaffaire T-81617 que LuxOpCo avait un laquo droit exclusif de poursuivre la mise au point [drsquo]ameacuteliorer [et drsquo] entretenir les actifs incorporels raquo drsquoAmazon

353 Certes le terme laquo exclusive raquo a eacuteteacute utiliseacute au point 21 de lrsquoaccord de licence pour deacutecrire la licence conceacutedeacutee agrave LuxOpCo laquelle ne couvrait en tout eacutetat de cause que le territoire europeacuteen Ce point 21 sous a) se lit comme suit

laquo Concession de licence de proprieacuteteacute intellectuelle exclusive raquo

[LuxSCS] accorde irreacutevocablement agrave [LuxOpCo] en vertu de tous les droits de proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] sur ou comprenant la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] qursquoils existent actuellement ou agrave lrsquoavenir le droit unique et exclusif et la licence suivants sur la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] pendant la dureacutee [de lrsquoaccord de licence] [] raquo

354 Toutefois au vu des arrangements contractuels existant entre LuxSCS et les entiteacutes ameacutericaines il convient de constater que dans les faits LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute agrave deacutetenir le droit drsquoameacuteliorer et de mettre au point ces actifs incorporels

355 En effet les droits dont LuxOpCo beacuteneacuteficiait au regard du deacuteveloppement des actifs incorporels en vertu de lrsquoaccord de licence eacutetaient neacutecessairement non exclusifs dans la mesure ougrave les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper drsquoameacuteliorer et drsquoexploiter la technologie Le fait que les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer la technologie nrsquoest drsquoailleurs pas contesteacute par la Commission

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356 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que les droits que LuxOpCo avait obtenus en vertu de lrsquoaccord de licence nrsquoeacutetaient pas limiteacutes aux actifs incorporels existant au moment ougrave cet accord a eacuteteacute conclu mais couvraient eacutegalement tous les actifs incorporels futurs creacuteeacutes agrave la suite des efforts constants de deacuteveloppement drsquoentretien et drsquoameacutelioration reacutealiseacutes sous la direction des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Cela deacutemontre bien que LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute habiliteacutee agrave deacutevelopper et ameacuteliorer les actifs incorporels couverts par lrsquoaccord de licence

357 La Commission admet drsquoailleurs que les actifs tels que transfeacutereacutes agrave LuxSCS le 1er janvier 2005 au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee ont fait lrsquoobjet drsquoun laquo remplacement progressif raquo par des actifs incorporels deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes ulteacuterieurement au titre de lrsquoARC au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Elle reconnaicirct eacutegalement que la technologie deacutetenue par LuxSCS et donneacutee en licence agrave LuxOpCo eacutetait mise au point par les entiteacutes ameacutericaines en particulier ATI et A 9

358 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoun droit exclusif de poursuivre la mise au point des actifs incorporels Ce constat ne suffit neacuteanmoins pas agrave invalider le raisonnement de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions significatives voire des fonctions uniques et de valeur en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels En effet le fait pour LuxOpCo de ne pas avoir un droit exclusif drsquoutilisation sur les actifs incorporels ne joue ni en faveur ni en deacutefaveur de lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxOpCo aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur par rapport au deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

359 En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent que le EU IP Steering Committee ait eu le rocircle que la Commission lui a attribueacute (point 344 ci-dessus) Selon eux ce comiteacute nrsquoa pas pris de deacutecisions quant au deacuteveloppement ou agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels De plus non seulement la majoriteacute des participants audit comiteacute aurait releveacute du personnel ameacutericain mais dans les faits les deacutecisions du EU IP Steering Committee auraient eacuteteacute prises par des employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle

360 La Commission conteste ces arguments

361 Aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute que le EU IP Steering Committee a eacuteteacute creacuteeacute aux fins de fournir des orientations techniques et commerciales concernant la mise au point et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe La Commission a releveacute qursquoil ressortirait du laquo EU Policies and Procedures Manual raquo (manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion) drsquoune part que ce comiteacute se reacuteunissait notamment pour examiner le portefeuille de proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon ainsi que la strateacutegie commerciale de lrsquoentreprise dans la mesure ougrave elle avait trait agrave la mise au point et au deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle Drsquoautre part ce comiteacute aurait eacuteteacute composeacute notamment du vice-preacutesident des services pour lrsquoUnion du directeur juridique pour lrsquoUnion (employeacute par LuxOpCo) du conseiller du groupe Amazon en proprieacuteteacute intellectuelle et du vice-preacutesident chargeacute des activiteacutes europeacuteennes

362 Ensuite la Commission a indiqueacute que le fait qursquoil ne srsquoagissait que drsquoun organe consultatif ainsi qursquoAmazon lrsquoaurait expliqueacute lors de la proceacutedure administrative ne signifiait pas que ses recommandations nrsquoavaient pas drsquoincidence sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels Elle a releveacute que dans les faits le EU IP Steering Committee se reacuteunissait pour premiegraverement formuler des recommandations sur les demandes visant agrave proteacuteger les actifs incorporels (et ce faisant les droits exclusifs de LuxOpCo deacutecoulant de lrsquoaccord de licence conclu entre LuxSCS et LuxOpCo) deuxiegravemement examiner lrsquoeacutetat drsquoavancement des proceacutedures judiciaires en Europe

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concernant les actifs incorporels et troisiegravemement dispenser des formations aux salarieacutes europeacuteens en ce qui concerne lrsquoutilisation de la technologie et drsquoautres actifs incorporels (consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee)

363 Enfin en se fondant sur le teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis la Commission a conclu que le EU IP Steering Committee eacutetait un forum dans lequel les dirigeants de LuxOpCo se rencontraient pour discuter des actions concernant les actifs incorporels telles qursquoelles eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon et que les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 455 de la deacutecision attaqueacutee)

364 Force est de constater agrave la lecture des consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission est resteacutee en deacutefaut drsquoeacutetablir dans la deacutecision attaqueacutee que le EU IP Steering Committee prenait des deacutecisions significatives portant sur le deacuteveloppement ou lrsquoameacutelioration des actifs incorporels

365 Tout drsquoabord la Commission admet aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee que le rocircle du EU IP Steering Committee eacutetait limiteacute dans la mesure ougrave il se bornait agrave fournir des laquo orientations techniques et commerciales raquo et une laquo aide raquo agrave la prise de deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle deacutetenue par LuxSCS ou agrave la conclusion de plusieurs accords de licence avec des tiers

366 Il ressort drsquoailleurs du manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion du groupe Amazon que le EU IP Steering Committee ne disposait pas de pouvoirs de deacutecision en tant que tels mais constituait uniquement un organe destineacute agrave assister le deacuteveloppement et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe Cela est drsquoailleurs implicitement admis par la Commission au consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee lorsqursquoelle eacutevoque lrsquolaquo incidence raquo que les laquo recommandations raquo de ce comiteacute avaient sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels

367 Ensuite il ressort du consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee (voir point 362 ci-dessus) ainsi que du teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis auquel il est fait reacutefeacuterence au consideacuterant 455 de ladite deacutecision que dans la pratique le EU IP Steering Committee se limitait agrave examiner les questions lieacutees agrave la protection et au maintien des droits sur les actifs incorporels et que la question du deacuteveloppement ou des ameacuteliorations des actifs incorporels en tant que telle nrsquoy eacutetait pas discuteacutee

368 Enfin pour autant que le EU IP Steering Committee puisse avoir eacuteteacute un forum de discussion sur les ameacuteliorations et le deacuteveloppement des actifs incorporels force est de constater que les deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas adopteacutees par ce comiteacute mais en principe par les employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle Cette affirmation faite par le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas eacuteteacute contesteacutee par la Commission

369 Par ailleurs srsquoagissant de la composition dudit comiteacute contrairement agrave ce que la Commission fait valoir dans ses eacutecritures des employeacutes exerccedilant des fonctions de direction au sein des entiteacutes ameacutericaines et notamment le vice-preacutesident en charge de la proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon US assistaient au EU IP Steering Committee et en dirigeaient mecircme les reacuteunions

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370 Il deacutecoule de ce qui preacutecegravede que les constatations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne permettent pas de soutenir sa conclusion au point 455 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle les deacutecisions relatives agrave la mise au point et agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels eacutetaient adopteacutees par le personnel de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe

371 Tout au plus la Commission est parvenue agrave deacutemontrer que LuxOpCo exerccedilait des fonctions en lien avec la gestion et la protection des actifs incorporels et que les employeacutes de LuxOpCo deacutecidaient des mesures approprieacutees telles que par exemple le deacutepocirct drsquoun brevet sur la base des recommandations discuteacutees dans le cadre du EU IP Steering Committee

372 Il ressort de ce qui preacutecegravede que les alleacutegations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne suffisent pas agrave eacutetablir que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement des actifs incorporels qui pourraient ecirctre qualifieacutees drsquolaquo uniques et de valeur raquo

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie

373 Au consideacuterant 449 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a releveacute que les fonctions de LuxOpCo incluaient la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie

374 Au soutien de cette affirmation elle a tout drsquoabord indiqueacute au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee en substance que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis nrsquoavait pas pu ecirctre exploiteacutee telle quelle en Europe et que des adaptations avaient eacuteteacute neacutecessaires afin de reacutepondre aux besoins speacutecifiques europeacuteens Elle a exposeacute que le deacuteveloppement des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe exigeait une technologie speacutecifique (logiciels diffeacuterents adaptations locales)

375 Ensuite la Commission a souligneacute que LuxOpCo avait les ressources technologiques neacutecessaires pour mener des activiteacutes de recherche et deacuteveloppement Elle a notamment releveacute qursquoune soixantaine de personnes auraient exerceacute des tacircches agrave caractegravere technologique une eacutequipe de laquo localisation raquo et de traduction exerccedilait des fonctions drsquoadaptation des sites Internet europeacuteens aux preacutefeacuterences locales une dizaine de personnes suppleacutementaires auraient eacuteteacute employeacutees comme laquo Technical Program Manager raquo (gestionnaire de programme technique) dont le rocircle eacutetait de convertir dans des termes techniques les besoins en technologie identifieacutes par les eacutequipes locales chargeacutees de la vente au deacutetail Selon la Commission ce serait ce processus qui aurait permis que la technologie soit sans cesse deacuteveloppeacutee et adapteacutee en fonction du marcheacute local

376 Agrave cet eacutegard la Commission a certes reconnu au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les ressources techniques eacutetablies au sein de LuxOpCo eacutetaient limiteacutees Elle a toutefois souligneacute que en reacutealiteacute la valeur unique de la technologie aurait reacutesulteacute du savoir-faire local de la deacutefinition de nouveaux besoins de lrsquoentreprise et de leur traduction dans le projet de logiciel et non du codage en tant que tel

377 Enfin la Commission a indiqueacute que LuxOpCo a eacutegalement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de catalogues de technologie de traduction et drsquoadaptations locales Ces tacircches auraient eacuteteacute effectueacutees par drsquoanciennes eacutequipes des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes ou par de nouveaux recrutements En outre elle a releveacute que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes avaient eacutegalement joueacute un rocircle important dans le deacuteveloppement de nouvelles technologies speacutecifiques aux marcheacutes nationaux europeacuteens

378 La Commission a ajouteacute que en particulier LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN Cette technologie aurait reacutepondu agrave un besoin speacutecifique des activiteacutes europeacuteennes en permettant aux clients europeacuteens drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet europeacuteen du groupe Amazon

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379 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxOpCo nrsquoa exerceacute aucune fonction importante de deacuteveloppement drsquoameacutelioration ou drsquoentretien se rapportant aux actifs incorporels lieacutes agrave la technologie Ils reacutefutent notamment les affirmations de la Commission selon lesquelles LuxOpCo aurait joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN et font valoir que cette technologie bien que speacutecifique agrave lrsquoEurope aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et que LuxOpCo nrsquoaurait participeacute ni agrave sa conception ni agrave sa creacuteation

380 La Commission conteste ces arguments et maintient sa position exprimeacutee aux consideacuterants 456 agrave 465 de la deacutecision attaqueacutee telle qursquoexposeacutee aux points 373 agrave 378 ci-dessus

381 Agrave titre liminaire il importe de constater que contrairement agrave ce que suggegraverent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo eacutetait le principal deacuteveloppeur de la technologie que ce soit agrave lrsquoeacutechelle mondiale ou au seul niveau europeacuteen mais ainsi qursquoexposeacute aux consideacuterants 449 et 465 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo a activement contribueacute agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas non plus que la technologie a eacuteteacute deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis

382 Agrave cet eacutegard il est vrai que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les outils technologiques eacutetaient principalement deacuteveloppeacutes par les entiteacutes ameacutericaines et mis agrave disposition des activiteacutes europeacuteennes dans leur forme deacutefinitive Le logiciel utiliseacute par les diffeacuterents sites europeacuteens eacutetait drsquoailleurs commun

383 Drsquoune part il ressort du dossier que lrsquoessentiel des deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels et agrave la priorisation des projets agrave deacutevelopper y compris de la technologie speacutecifique agrave lrsquoEurope eacutetait deacutecideacute aux Eacutetats-Unis

384 Drsquoautre part il est constant que le nombre le plus important de techniciens et drsquoingeacutenieurs contribuant au deacuteveloppement de la technologie se situait aux Eacutetats-Unis Pas moins de [confidentiel] salarieacutes du groupe Amazon contribuaient au deacuteveloppement des actifs incorporels dont plus de [confidentiel] salarieacutes eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis pour des emplois lieacutes agrave la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas ces donneacutees En outre il ressort des piegraveces du dossier et notamment des diffeacuterents teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que les services centraux et des techniciens ameacutericains ont eacuteteacute en charge du deacuteveloppement des outils speacutecifiques au marcheacute europeacuteen

385 Ensuite en ce qui concerne la contribution de LuxOpCo en rapport avec le deacuteveloppement de la technologie il convient de relever les eacuteleacutements suivants

386 En premier lieu la Commission a correctement eacutetabli que des adaptations eacutetaient parfois neacutecessaires afin de mettre en œuvre la technologie en Europe

387 En effet bien que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le modegravele drsquoactiviteacute et la technologie sous-jacente soient les mecircmes aux Eacutetats-Unis qursquoen Europe il ressort des diffeacuterents teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon fournis par les parties et notamment du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que en raison des speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen par rapport au marcheacute ameacutericain la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis ne pouvait pas toujours ecirctre utiliseacutee telle quelle sur les sites Internet europeacuteens Ainsi outre lrsquoEFN technologie speacutecialement deacuteveloppeacutee pour les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon des adaptations ou laquo localisations raquo eacutetaient neacutecessaires Il ressort des piegraveces du dossier que ces adaptations incluaient notamment des efforts de traduction [confidentiel]

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388 En deuxiegraveme lieu il ressort des teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que bien qursquoune grande partie des adaptations de la technologie au marcheacute europeacuteen ait eacuteteacute effectueacutee aux Eacutetats-Unis notamment lorsqursquoil srsquoagissait du travail sur les logiciels LuxOpCo avait dans une certaine mesure contribueacute agrave ces adaptations

389 En effet ainsi que le confirme drsquoailleurs Amazon dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 agrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee tout au plus une soixantaine de personnes occupaient des postes lieacutes agrave la technologie au Luxembourg

390 Agrave cet eacutegard il ressort des piegraveces du dossier et notamment des teacutemoignages du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis et de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que au plus tard agrave partir de lrsquoanneacutee qui a suivi la restructuration de 2006 LuxOpCo a commenceacute agrave beacuteneacuteficier de ses propres techniciens Plus preacuteciseacutement LuxOpCo a employeacute au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des deacuteveloppeurs de logiciel (software developers) qui ont contribueacute au deacuteveloppement de programmes speacutecifiques pour les activiteacutes europeacuteennes et ont travailleacute sur les ajustements locaux

391 De mecircme il ressort du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que [confidentiel]

392 Dans ce contexte srsquoagissant de lrsquoeacutequipe de localisation et de traduction identifieacutee par la Commission au consideacuterant 459 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater qursquoil ressort des eacuteleacutements du dossier que cette eacutequipe eacutetait chargeacutee de lrsquoadaptation des sites Internet europeacuteens notamment de la traduction et qursquoelle avait contribueacute au deacuteveloppement de logiciels En effet il ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon [confidentiel] Toutefois mecircme si ces activiteacutes et cette derniegravere technologie avaient joueacute un rocircle important pour les activiteacutes commerciales de LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins qursquoelles occupaient une place mineure par rapport au reste de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

393 Ensuite srsquoagissant des activiteacutes de deacuteveloppement du catalogue identifieacutees par la Commission au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater que ainsi que le font valoir Amazon et le Grand-Ducheacute de Luxembourg lesdites activiteacutes ne comprenaient pas la conception des logiciels sous-tendant le catalogue celle-ci eacutetant effectueacutee aux Eacutetats-Unis Les activiteacutes lieacutees au catalogue deacuteveloppeacutees au Luxembourg [confidentiel] Le travail local sur le deacuteveloppement du catalogue [confidentiel]

394 Il ressort du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi si des opeacuterations sur les logiciels en lien avec le catalogue avaient pu ecirctre reacutealiseacutees par LuxOpCo ces opeacuterations restaient tregraves limiteacutees par rapport aux deacuteveloppements reacutealiseacutes par les services centraux du groupe Amazon

395 Il ressort de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a contribueacute au deacuteveloppement de la technologie en proceacutedant agrave certaines adaptations principalement lieacutees agrave la traduction et uniquement dans une moindre mesure au deacuteveloppement de certains logiciels et fonctionnaliteacutes En outre lrsquoessentiel du travail drsquoadaptation de la technologie aux activiteacutes europeacuteennes eacutetait largement deacutependant des services centraux du groupe Amazon Il srsquoensuit que les contributions de LuxOpCo au deacuteveloppement de la technologie nrsquoont pu jouer qursquoun rocircle mineur dans la creacuteation de la valeur de cette technologie Il en deacutecoule que si la Commission a correctement affirmeacute au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux il eacutetait erroneacute de donner une telle importance aux contributions de LuxOpCo auxdites adaptations et drsquoen tirer la conclusion que ces contributions eacutetaient uniques et de valeur

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396 En troisiegraveme lieu ainsi que la Commission lrsquoa releveacute aux consideacuterants 460 agrave 461 de la deacutecision attaqueacutee outre les adaptations effectueacutees localement par les eacutequipes luxembourgeoises LuxOpCo contribuait eacutegalement au deacuteveloppement de la technologie du fait de son implication dans le processus drsquoidentification des nouveaux besoins technologiques de lrsquoentreprise et de leur traduction dans des projets de logiciel

397 Agrave cet eacutegard LuxOpCo disposait de gestionnaires de programmes (technical program managers) dont la fonction eacutetait de traduire en termes techniques les besoins commerciaux afin qursquoun ingeacutenieur (software developer) puisse les coder (voir consideacuterant 460 de la deacutecision attaqueacutee) Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ne conteste drsquoailleurs pas que les speacutecifications fonctionnelles et techniques des outils et des adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux

398 Certes ainsi que la Commission lrsquoa souligneacute en substance au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee la deacutefinition des besoins commerciaux et la formulation de speacutecifications jouaient un rocircle important dans le deacuteveloppement de la technologie En effet il ressort des piegraveces du dossier que la valeur de la technologie du groupe Amazon repose sur la capaciteacute de cette technologie agrave servir les trois piliers du groupe Amazon agrave savoir les prix bas lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation (voir point 347 ci-dessus) et ainsi agrave reacutepondre aux besoins des clients Ainsi la valeur de la technologie drsquoAmazon reacuteside eacutegalement dans une certaine mesure dans lrsquoadaptation aux besoins locaux et notamment dans la capaciteacute des eacutequipes locales agrave formuler les speacutecifications pour obtenir les adaptations de la technologie aux besoins des consommateurs

399 Toutefois il importe de relever que ainsi que le soutient Amazon seule une douzaine de gestionnaires de programmes eacutetaient employeacutes au Luxembourg contre [confidentiel] aux Eacutetats-Unis et [confidentiel] de ces personnes employeacutees au Luxembourg ne lrsquoont eacuteteacute qursquoagrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee ([confidentiel])

400 De plus si LuxOpCo a identifieacute les besoins technologiques de lrsquoentreprise et les speacutecifications relatives agrave ces besoins la conception et la creacuteation de la technologie ont quant agrave elles eacuteteacute deacuteveloppeacutees aux Eacutetats-Unis Dans ce contexte contrairement agrave ce que la Commission semble suggeacuterer au point 103 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 les activiteacutes des entiteacutes ameacutericaines ne se limitaient pas agrave de simples activiteacutes de codage mais agrave de veacuteritables activiteacutes de deacuteveloppement

401 Enfin ainsi que le soutient Amazon lrsquoeacutecrasante majoriteacute des deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la technologie notamment en ce qui concerne lrsquoEurope eacutetaient prises par les entiteacutes ameacutericaines et non par LuxOpCo

402 Il en deacutecoule que la reacutealisation de ces deacuteveloppements et ameacuteliorations de la technologie aux fins drsquoameacuteliorer lrsquoexpeacuterience des clients reposait principalement sur le modegravele deacuteveloppeacute aux Eacutetats-Unis qui est le mecircme en Europe et aux Eacutetats-Unis et uniquement dans une moindre mesure sur les speacutecifications techniques qui pouvaient ecirctre formuleacutees par les eacutequipes locales

403 Il ressort de ce qui preacutecegravede que si la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques agrave lrsquoeacutechelle de la technologie faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence lesdites contributions restaient limiteacutees En outre dans la mesure ougrave avant 2006 ces fonctions eacutetaient deacutejagrave exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees il y a lieu de constater agrave lrsquoinstar de ce que fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg au point 109 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 que celles-ci ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques mais qursquoil srsquoagit de fonctions courantes

404 En quatriegraveme lieu la Commission a consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN la seule technologie proprement speacutecifique aux activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

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405 Ainsi que la Commission lrsquoa exposeacute au consideacuterant 463 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoEFN est une combinaison drsquoavanceacutees technologiques telles que lrsquointroduction de nouvelles fonctionnaliteacutes et drsquooptimisations logistiques

406 Il nrsquoest pas contesteacute que lrsquoEFN a joueacute un rocircle essentiel pour les activiteacutes commerciales de vente au deacutetail et de services europeacuteens Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee et qursquoAmazon lrsquoa elle-mecircme affirmeacute dans son meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) la creacuteation de lrsquoEFN visait agrave reacutesoudre le problegraveme que posait lrsquoexistence de sites Internet multiples associeacutes agrave des centres de traitement des commandes nationaux Cette technologie a permis drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens et la mutualisation des stocks donnant ainsi la possibiliteacute aux clients de toute lrsquoUnion drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet drsquoAmazon en Europe

407 Il ressort drsquoailleurs des teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon ainsi que du meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) par Amazon que lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteterminant afin de pouvoir lancer les activiteacutes dans deux nouveaux pays europeacuteens agrave savoir lrsquoEspagne et lrsquoItalie

408 Or il ressort du dossier que la Commission eacutetait effectivement en droit de consideacuterer que LuxOpCo eacutetait impliqueacutee dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN (voir point 404 ci-dessus)

409 En effet dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) Amazon a elle-mecircme [confidentiel] Selon les termes de ce meacutemoire laquo AEHT raquo (crsquoest-agrave-dire Amazon Europe Holding Technology terme qui correspond agrave la deacutesignation officielle de LuxSCS) [confidentiel] Il convient de souligner agrave cet eacutegard qursquoaucune diffeacuterence nrsquoa eacuteteacute opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que dans cette proceacutedure le terme laquo AEHT raquo a eacuteteacute utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS Or srsquoagissant de la participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN il est clair qursquoAmazon faisait reacutefeacuterence agrave LuxOpCo et non agrave LuxSCS

410 Ce constat est drsquoailleurs corroboreacute par les teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et notamment de celui du vice-preacutesident directeur des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis lequel confirme que agrave lrsquoeacutepoque le chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo avait activement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la conceptualisation de lrsquoEFN

411 Neacuteanmoins il doit ecirctre preacuteciseacute qursquoil serait erroneacute de consideacuterer que LuxOpCo a pris en charge lrsquoensemble du processus de deacuteveloppement de lrsquoEFN

412 Drsquoune part il ressort du dossier que le siegravege ameacutericain a joueacute un rocircle deacutecisionnaire dans le lancement du projet de lrsquoEFN

413 Drsquoautre part ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et ainsi qursquoil ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et de lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis le deacuteveloppement de lrsquoEFN a eacuteteacute reacutealiseacute avec le soutien des entiteacutes ameacutericaines Plus particuliegraverement le travail en lien avec le deacuteveloppement des logiciels sous-tendant lrsquoEFN aurait eacuteteacute opeacutereacute par les techniciens des eacutequipes centrales et notamment sur la base des speacutecifications formuleacutees par les eacutequipes de LuxOpCo En outre la Commission ne conteste pas que drsquoun point de vue opeacuterationnel les deacutefinitions et les exigences de lrsquoentrepocirct sur lesquelles reposaient cet outil auraient eacutegalement eacuteteacute eacutetablies aux Eacutetats-Unis

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414 Bien que au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee la Commission expose que laquo lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteveloppeacute en Europe raquo sans autres preacutecisions la contribution des entiteacutes ameacutericaines nrsquoa toutefois pas eacuteteacute totalement ignoreacutee par la Commission Elle cite notamment agrave la note en bas de page no 481 de la deacutecision attaqueacutee un des teacutemoignages selon lequel la technologie aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee en Europe avec lrsquoaide des eacutequipes technologiques centrales

415 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que bien que lrsquoEFN ait reposeacute en grande partie sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis LuxOpCo a eacutegalement activement contribueacute au deacuteveloppement de cette technologie Or au regard de lrsquoimportance de cette technologie pour lrsquoexpansion des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon la Commission nrsquoa pas commis drsquoerreur en analysant ces contributions comme eacutetant uniques et de valeur Mecircme si LuxSCS eacutetait in fine le proprieacutetaire de cette technologie il nrsquoen reste pas moins que le deacuteveloppement de celle-ci a eacuteteacute eacutegalement le fruit des efforts de LuxOpCo

416 Il ressort donc des constatations opeacutereacutees aux points 386 agrave 415 ci-dessus que outre lrsquoEFN au deacuteveloppement duquel LuxOpCo a activement participeacute les adaptations les plus importantes de la technologie eacutetaient effectueacutees aux Eacutetats-Unis en dialogue avec les eacutequipes europeacuteennes qui formulaient leurs besoins et que en sus certaines adaptations mineures pouvaient ecirctre effectueacutees directement par les eacutequipes locales

417 Il deacutecoule de lrsquoensemble des consideacuterations qui preacutecegravedent que si la Commission a correctement consideacutereacute que du fait de sa participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN LuxOpCo a exerceacute des fonctions uniques et de valeur en lien avec la technologie pour le reste elle a exageacutereacute lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement de la technologie En effet outre le deacuteveloppement de lrsquoEFN les fonctions de LuxOpCo se limitaient principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques Degraves lors la conclusion opeacutereacutee au consideacuterant 465 de la deacutecision attaqueacutee et notamment lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo a proceacutedeacute agrave des ameacuteliorations importantes de la technologie ne peut donc ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute

418 Dans la mesure ougrave ce constat repose sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire drsquoexaminer en deacutetail les arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission aurait fait une utilisation erroneacutee des teacutemoignages notamment pour dire que la technologie eacutetait deacuteveloppeacutee en Europe (en particulier lrsquoEFN) alors qursquoelle lrsquoeacutetait aux Eacutetats-Unis En effet quand bien mecircme lrsquoanalyse de la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute les erreurs commises par la Commission ne sont pas de nature agrave remettre en cause le constat selon lequel LuxOpCo a effectivement contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment de lrsquoEFN

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)

419 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le bien-fondeacute du constat de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des donneacutees clients En substance ils font valoir que les donneacutees clients eacutetaient collecteacutees de maniegravere automatique agrave lrsquoaide de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et sans intervention des employeacutes de LuxOpCo

420 La Commission reacutefute ces arguments

421 Agrave titre liminaire il y a lieu de relever que les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo a activement contribueacute au deacuteveloppement de la base de donneacutees regroupant les informations sur les clients telles que par exemple les historiques de ventes Il srsquoagit donc de deacuteterminer si lrsquoaccumulation des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee ainsi que leur protection est attribuable agrave LuxOpCo

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422 Premiegraverement il importe de relever que ainsi que la Commission lrsquoa illustreacute dans le tableau 19 de la deacutecision attaqueacutee pendant la peacuteriode consideacutereacutee le deacutecompte de clients uniques par anneacutee a largement augmenteacute en passant de 17 millions de clients en 2006 agrave plus de 60 millions en 2014

423 Deuxiegravemement agrave lrsquoinstar de la Commission il importe de constater que les donneacutees clients sont un actif cleacute pour un acteur du commerce eacutelectronique tel que le groupe Amazon notamment en ce qui concerne le marketing En effet certains outils notamment lrsquoutilisation de la technologie des recommandations et des similariteacutes sont tributaires des donneacutees clients Les donneacutees clients constituent ainsi un actif incorporel unique et de valeur

424 Troisiegravemement il est constant que LuxOpCo est lrsquoentiteacute qui a collecteacute les donneacutees clients et qursquoelle est en outre chargeacutee du respect de la reacuteglementation applicable agrave ces donneacutees Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent drsquoailleurs pas lrsquoaffirmation figurant au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo a accumuleacute les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens agrave titre de service pour LuxSCS

425 Certes il est important de relever agrave lrsquoinstar drsquoAmazon que la collecte des donneacutees clients eacutetait automatiseacutee et que crsquoest au moyen de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et fournie par LuxSCS agrave LuxOpCo que cette derniegravere pouvait recueillir les donneacutees des clients

426 Toutefois ainsi que la Commission le souligne au point 107 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 crsquoest LuxOpCo qui contribuait activement agrave lrsquoaccumulation des donneacutees clients par la mise en œuvre des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon (voir point 347 ci-dessus) permettant drsquoattirer les clients sur ses sites Internet et de collecter davantage de donneacutees clients En effet la collecte des donneacutees clients est neacutecessairement fonction de lrsquoattrait des sites Internet du groupe Amazon pour les clients Or lrsquoaugmentation de la freacutequentation des sites Internet europeacuteens et ainsi des donneacutees clients collecteacutees eacutetait elle-mecircme lieacutee agrave la mise en œuvre des trois piliers susmentionneacutes agrave savoir le prix lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation par LuxOpCo Srsquoil nrsquoest pas contestable que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis jouait un rocircle essentiel dans la bonne mise en œuvre de ces trois piliers il nrsquoen reste pas moins que LuxOpCo avait joueacute un rocircle actif et critique en rapport avec lrsquoaccumulation de nouvelles donneacutees clients et avait ainsi contribueacute au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur

427 Par ailleurs il convient de relever que la Commission a correctement consideacutereacute au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo devait assurer lrsquoentretien des donneacutees clients et assurer le respect des lois applicables en matiegravere de protection de donneacutees Si le fait de proteacuteger la base de donneacutees des clients est une activiteacute importante pour un modegravele commercial qui srsquoattache agrave la vente au deacutetail et agrave des services fournis notamment agrave des consommateurs finaux et ce pour les raisons exposeacutees par la Commission au consideacuterant 466 de la deacutecision attaqueacutee il srsquoagit neacuteanmoins drsquoune activiteacute habituelle pour tout preneur de licence travaillant avec ce type de base de donneacutees

428 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient drsquoenteacuteriner les constats de la Commission opeacutereacutes aux consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee au moins en ce que LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec lrsquoameacutelioration des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que en accumulant les donneacutees clients lesquelles ont eacuteteacute multiplieacutees par trois entre 2006 et 2014 ainsi qursquoil ressort du point 422 ci-dessus LuxOpCo a contribueacute agrave la valeur de cet actif incorporel lequel constitue un actif incorporel unique et de valeur LuxOpCo a ainsi exerceacute des fonctions uniques et de valeur

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

429 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle la valeur de laquo la marque raquo Amazon est geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

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430 La Commission conteste ces arguments

431 Premiegraverement il y a lieu de souligner que ainsi que lrsquoa implicitement admis la Commission aux consideacuterants 469 et 471 de la deacutecision attaqueacutee la marque Amazon est bien reconnue et beacuteneacuteficie drsquoune forte identification au niveau mondial ce qui eacutetait un atout majeur pour attirer des clients Il convient de constater que cette reacuteputation eacutetait preacuteexistante agrave la creacuteation de LuxOpCo Toutefois le constat de la Commission formuleacute aux consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee selon lequel la marque commerciale nrsquoest pas lrsquoeacuteleacutement central du modegravele du groupe Amazon la strateacutegie commerciale dudit groupe eacutetant focaliseacutee sur les trois piliers (prix faciliteacute drsquoutilisation catalogue de produits) doit ecirctre enteacuterineacute En effet la valeur de la marque deacuteposeacutee en Europe est eacutegalement fonction de la capaciteacute agrave fournir un assortiment de qualiteacute des prix avantageux et une grande faciliteacute drsquoutilisation Amazon souligne drsquoailleurs elle-mecircme que la valeur des actifs incorporels de marketing du groupe Amazon en Europe deacutepend de la satisfaction des clients

432 Deuxiegravemement il y a lieu de constater que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la technologie joue un rocircle important si ce nrsquoest deacuteterminant dans le deacuteveloppement de la marque commerciale drsquoAmazon En effet drsquoune part la technologie est centrale dans la mise en œuvre des trois piliers La satisfaction des clients est ainsi en grande partie tributaire de la technologie Drsquoautre part la technologie joue un rocircle crucial dans le marketing et permet de maximiser la possibiliteacute que le nom laquo Amazon raquo apparaisse dans les recherches des potentiels clients Il est constant que cette technologie est deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

433 Neacuteanmoins la seule technologie ne suffit pas agrave la mise en œuvre des trois piliers En effet ces derniers ont eacuteteacute eacutegalement mis en œuvre par LuxOpCo du fait de la prise de deacutecisions strateacutegiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

434 Il convient agrave cet eacutegard de relever qursquoil ressort de son meacutemoire post procegraves que dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (voir point 14 ci-dessus) Amazon a en substance fait valoir que [confidentiel]

435 En particulier Amazon a affirmeacute dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) qursquo[confidentiel] et dans le cadre drsquoune section consacreacutee aux actifs incorporels de marketing qursquo[confidentiel]

436 Dans son avis la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) a drsquoailleurs conclu que laquo AEHT raquo assumait la seule responsabiliteacute de maintenir et de deacutevelopper les actifs incorporels lieacutes au marketing et qursquoelle payait par le biais du partage des coucircts les ameacuteliorations technologiques neacutecessaires agrave maintenir la valeur de ces actifs incorporels Certes dans le meacutemoire post procegraves et dans lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis Amazon et cette derniegravere se reacutefegraverent agrave laquo AEHT raquo Neacuteanmoins dans la mesure ougrave aucune diffeacuterence nrsquoest opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que le terme laquo AEHT raquo est utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS il convient de comprendre dans ce contexte preacutecis que laquo AEHT raquo vise LuxOpCo et non LuxSCS En effet il ressort du dossier que LuxSCS nrsquoa pas exerceacute de telles fonctions

437 Par ailleurs il importe de relever que ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon ne contestent lrsquoaffirmation opeacutereacutee au consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle en Europe crsquoeacutetait LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees qui assuraient le marketing en ligne du groupe Amazon en srsquoappuyant sur leur savoir-faire local

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438 Dans ces conditions srsquoil est vrai que la marque Amazon beacuteneacuteficiait en Europe drsquoune renommeacutee eacutetablie anteacuterieurement agrave la creacuteation de LuxOpCo et qursquoelle beacuteneacuteficiait de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il y a lieu de conclure que crsquoest agrave bon droit que la Commission a eacutetabli que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee le maintien et le deacuteveloppement de la valeur de la marque eacutetaient agrave tout le moins en partie geacuteneacutereacutes au niveau de LuxOpCo et des entiteacutes europeacuteennes

439 Il y a drsquoailleurs lieu de relever agrave cet eacutegard agrave lrsquoinstar de la Commission qursquoAmazon eacutetait connue comme vendeur de livres et de meacutedias lorsqursquoelle est entreacutee sur le marcheacute europeacuteen et que les eacutequipes locales ont ducirc fournir des efforts consideacuterables pour faire eacutevoluer la reacuteputation de la marque en ce qui concerne drsquoautres cateacutegories de produits

440 En conseacutequence il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations de la Commission contenues aux consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des constatations opeacutereacutees aux points 433 agrave 438 ci-dessus que LuxOpCo contribuait au deacuteveloppement de la valeur de la marque et des actifs de marketing et exerccedilait de ce fait des fonctions de valeur En revanche rien ne permet de consideacuterer que ces fonctions avaient un caractegravere unique Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de consideacuterer que la Commission a correctement conclu que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels pour chacune de ses trois composantes En ce qui concerne le deacuteveloppement de la technologie la contribution de LuxOpCo se reacutesumait principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques En revanche la participation de LuxOpCo au deacuteveloppement de lrsquoEFN peut ecirctre assimileacutee agrave une fonction unique et de valeur En outre LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaccumulation des donneacutees clients notamment par la mise en œuvre des trois piliers et a ainsi activement contribueacute au deacuteveloppement de cet actif unique et de valeur En ce qui concerne les actifs de marketing LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaugmentation de la reacuteputation de la marque Amazon en Europe et a ainsi exerceacute des fonctions de valeur Il ne ressort toutefois pas du dossier que ces derniegraveres fonctions puissent ecirctre qualifieacutees drsquouniques

441 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement affirmeacute aux consideacuterants 414 et 415 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoadministration luxembourgeoise aurait ducirc prendre en compte le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels En revanche toutes les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas uniques et de valeur

442 Il importe drsquoailleurs agrave cet eacutegard de constater que ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte si ce nrsquoest au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause tout du moins au moment de la mise en œuvre annuelle de celle-ci En effet tout changement de situation ce qui inclut lrsquoexercice de fonctions suppleacutementaires aurait ducirc ecirctre pris en compte

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

443 Srsquoagissant des fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe dans la deacutecision attaqueacutee la Commission a en substance mis en exergue le fait que tant selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 que dans les faits LuxOpCo jouait le rocircle de siegravege social europeacuteen et eacutetait lrsquoentreprise en charge desdites activiteacutes Ce serait donc LuxOpCo qui aurait ducirc prendre et qui prenait les deacutecisions strateacutegiques relatives aux opeacuterations commerciales du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 473 agrave 478 de la deacutecision attaqueacutee)

444 Plus particuliegraverement la Commission a constateacute que LuxOpCo exerccedilait toutes les fonctions strateacutegiques lieacutees aux activiteacutes de vente au deacutetail et des services en ligne du groupe Amazon au cours de la peacuteriode consideacutereacutee et qursquoelle prenait toutes les deacutecisions strateacutegiques concernant les articles et la

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fixation des prix enregistrait les ventes et agissait en tant que partie contractante agrave lrsquoeacutegard des consommateurs Elle absorbait ainsi les coucircts correspondants et supportait les risques lieacutes aux ventes et aux stocks (consideacuterant 475 de la deacutecision attaqueacutee)

445 La Commission a ainsi consideacutereacute que LuxOpCo prenait en toute indeacutependance toutes les deacutecisions pertinentes concernant chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 478 de la deacutecision attaqueacutee)

446 Les parties srsquoaccordent sur le fait que LuxOpCo exerccedilait des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services Il nrsquoest pas non plus contesteacute que LuxOpCo occupait les fonctions de siegravege des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

447 Neacuteanmoins le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes Selon eux les activiteacutes de LuxOpCo reposaient largement sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et srsquoapparentaient agrave des fonctions de gestion des activiteacutes europeacuteennes ou des fonctions de soutien commercial courantes lesquelles geacuteneacuteraient peu de valeur ajouteacutee

448 Plus particuliegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que les fonctions humaines auraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie dans le cadre des activiteacutes commerciales du groupe Amazon et que les prix eacutetaient fixeacutes de maniegravere automatique Ils ajoutent qursquoil eacutetait impossible que des individus fixent activement le prix des millions drsquoarticles disponibles sur les sites du groupe Amazon que les relations avec les vendeurs et les clients eacutetaient presque inteacutegralement automatiseacutees que dans les centres de traitement des commandes la localisation des stocks et lrsquoordre de collecte des achats eacutetaient des fonctions deacutefinies par des technologies et les employeacutes des centres nrsquoavaient qursquoagrave suivre les instructions donneacutees par la technologie et que les deacutecisions concernant lrsquoinventaire (deacutecisions drsquoachat lieu de stockage etc) eacutetaient automatiseacutees alors que les employeacutes devaient uniquement exeacutecuter les indications fournies sur la base de la technologie

449 Il convient donc drsquoexaminer si la Commission a consideacutereacute agrave juste titre que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes et prenait des deacutecisions strateacutegiques en lien avec chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon de sorte qursquoelle ne pouvait ecirctre assimileacutee agrave une entreprise exerccedilant de simples fonctions de gestion

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

450 La Commission a constateacute au consideacuterant 479 de la deacutecision attaqueacutee que le deacuteveloppement et le maintien du plus large assortiment possible eacutetaient cruciaux pour le succegraves du groupe Amazon en Europe Elle a ajouteacute que la deacutecision quant aux cateacutegories de produits agrave vendre eacutetait prise sur la base de la connaissance du marcheacute Elle aurait donc requis une intervention humaine la seule technologie nrsquoeacutetant pas suffisante

451 En particulier la Commission a releveacute drsquoune part que LuxOpCo avait pu srsquoappuyer sur un nombre important de salarieacutes employeacutes par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lesquels seraient intervenus pour constituer lrsquoassortiment en Europe et eacutelargir les gammes de nouvelles familles de produits disponibles sur la base de leur connaissance du marcheacute des produits et des consommateurs locaux (correspondant ainsi agrave leur laquo savoir-faire local raquo) (consideacuterants 470 agrave 482 de la deacutecision attaqueacutee) Drsquoautre part LuxOpCo aurait joueacute un rocircle deacuteterminant dans lrsquoacquisition drsquoacteurs locaux lrsquoeacutetablissement de partenariats avec les fournisseurs et lrsquoeacutetablissement de programmes de tiers pour le deacuteveloppement de MarketPlace (consideacuterants 483 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

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452 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause la constatation drsquoordre geacuteneacuteral figurant au consideacuterant 483 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle Amazon constitue son assortiment en rachetant drsquoautres deacutetaillants preacutesents sur le marcheacute en concluant des partenariats avec des fournisseurs et en eacutetablissant des programmes de tiers tels que MarketPlace

453 Il ressort drsquoailleurs du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que le travail des recruteurs locaux eacutetait crucial pour permettre le lancement de nouveaux produits sur les sites Internet

454 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas non plus le fait que crsquoest LuxOpCo avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes qui a assumeacute ces activiteacutes laquo geacuteneacuterales raquo du groupe Amazon a proceacutedeacute aux acquisitions de certaines entreprises de vente au deacutetail europeacuteennes a conclu des partenariats avec des fournisseurs europeacuteens en deacutefinissant des strateacutegies et de bonnes pratiques en vue de la seacutelection et du lancement de nouvelles familles de produits et a mecircme eacutetabli les clauses contractuelles standards pour les fournisseurs (voir consideacuterant 485 de la deacutecision attaqueacutee)

455 Il deacutecoule drsquoailleurs du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi mecircme si LuxOpCo ne deacutecidait pas de maniegravere totalement autonome des cateacutegories de produits elle avait un rocircle significatif dans le lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits Il ressort agrave cet eacutegard du teacutemoignage de lrsquoancien chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo que dans le cadre du lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits celui-ci eacutetait [confidentiel]

456 La restructuration de 2006 a ainsi permis une gestion davantage autonome des activiteacutes europeacuteennes

457 Il convient de conclure que la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo prenait des deacutecisions importantes lieacutees agrave lrsquoassortiment et que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour mettre en œuvre en Europe ce pilier de la strateacutegie du groupe Amazon

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)

458 Srsquoagissant des prix la Commission a affirmeacute que si la fixation des prix eacutetait automatiseacutee et reposait sur lrsquoutilisation drsquoun algorithme il ne srsquoagissait que drsquoun outil permettant de mettre en œuvre une politique de tarification donneacutee qui eacutetait deacutefinie par LuxOpCo en Europe

459 En particulier la Commission a releveacute que sans le concours individuel fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pas fonctionneacute efficacement En Europe crsquoest LuxOpCo qui srsquoen serait chargeacute avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

460 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent ces affirmations Ils font notamment valoir que les activiteacutes commerciales de LuxOpCo reposent en grande partie sur lrsquoautomatisation et que la participation des salarieacutes de LuxOpCo eacutetait minimale notamment en ce qui concerne les prix

461 Certes il nrsquoest pas discutable que ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans la technologie les activiteacutes de LuxOpCo auraient eacuteteacute bien moindres

462 Neacuteanmoins il convient de constater que ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 168 de la deacutecision attaqueacutee jusqursquoen 2009 le groupe Amazon utilisait essentiellement la tarification manuelle Ce nrsquoest qursquoagrave partir de 2009 que les prix eacutetaient fixeacutes agrave partir drsquoun algorithme Agrave cet eacutegard la Commission a donc correctement constateacute que lrsquoalgorithme ne se suffisait pas agrave lui-mecircme srsquoagissant de la fixation des prix et qursquoil permettait de mettre en œuvre la politique de tarification deacutefinie en Europe par LuxOpCo (voir consideacuterant 490 de la deacutecision attaqueacutee)

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463 Tout drsquoabord ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 491 de la deacutecision attaqueacutee sans le concours individuel de LuxOpCo fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pu fonctionner efficacement

464 Ensuite ainsi que la Commission lrsquoa identifieacute au consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee il ressort du manuel des proceacutedures et des politiques pour lrsquoUnion du groupe Amazon que la fixation des prix eacutetait eacutetablie au Luxembourg par un comiteacute de fixation des prix de deacutetail dans lrsquoUnion se composant des cadres dirigeants de LuxOpCo Ce comiteacute eacutetait seul compeacutetent pour la fixation drsquoorientations en matiegravere de prix pour les produits que le groupe Amazon proposait sur ses sites Internet europeacuteens Le rocircle de LuxOpCo dans la deacutetermination des politiques de prix est eacutegalement confirmeacute par les teacutemoignages des salarieacutes de LuxOpCo

465 En outre il nrsquoest pas contesteacute que LuxOpCo employait un tarifeur europeacuteen lequel devait approuver les prix en particulier lorsqursquoils srsquoeacutecartaient de ceux fixeacutes par lrsquoalgorithme ni qursquoune eacutequipe eacutetait chargeacutee de veiller agrave [confidentiel] au niveau mondial Cette eacutequipe installeacutee au Luxembourg au sein de LuxOpCo suivait les prix [confidentiel] et examinait les prix proposeacutes agrave lrsquoeacutechelle mondiale y compris aux Eacutetats-Unis (voir consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee)

466 Enfin le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause de maniegravere eacutetayeacutee le fait que LuxOpCo a ducirc deacutevelopper toute une strateacutegie particuliegravere pour geacuteneacuterer des recettes et pour se distinguer de ses concurrents Agrave cet eacutegard lrsquoinfluence de LuxOpCo et de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes sur les deacutecisions en matiegravere de fixation des prix se refleacutetait dans des promotions qui eacutetaient applicables agrave certains articles vendus sur les sites Internet dans lrsquoUnion (voir consideacuterant 493 de la deacutecision attaqueacutee) Il nrsquoest pas contesteacute que au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoactiviteacute en Allemagne le site laquo Amazonde raquo avait mecircme inventeacute la laquo garantie du prix bas raquo afin drsquoencourager un retour drsquoinformation sur les prix de la part des clients en contrepartie drsquoune remise sur leurs achats et que au Royaume-Uni certains types de promotions sur les prix freacutequents sur le marcheacute comme les [confidentiel] ont rendu lrsquoexercice drsquoune concurrence [confidentiel] plus ardu [confidentiel] Srsquoagissant de la vente de livres en France et en Allemagne LuxOpCo a mis en place un systegraveme drsquoexpeacutedition gratuite Agrave cet eacutegard il srsquoagit drsquoexemples de deacutecisions de fixation de prix en rapport avec les concurrents sur le marcheacute et partant de deacutecisions strateacutegiques propres agrave un deacutetaillant

467 Au vu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de conclure que LuxOpCo a adopteacute des deacutecisions strateacutegiques en ce qui concerne la fixation des prix et a ainsi exerceacute des fonctions importantes Srsquoil est vrai que la tarification des prix eacutetait tributaire de la technologie du groupe Amazon il nrsquoen reste pas moins que lrsquointervention des collaborateurs de LuxOpCo eacutetait eacutegalement cruciale

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

468 Srsquoagissant de la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo la Commission a constateacute que LuxOpCo eacutetait chargeacutee drsquoassurer la faciliteacute drsquoutilisation de lrsquooffre de vente au deacutetail et de place de marcheacute du groupe Amazon en Europe Plus preacuteciseacutement LuxOpCo aurait compteacute une eacutequipe dite eacutequipe laquo Localisation et traduction raquo censeacutee veacuterifier et adapter la traduction automatique et permettre notamment la mise en commun des diffeacuterents catalogues europeacuteens afin de creacuteer et de geacuterer lrsquoEFN (consideacuterant 495 de la deacutecision attaqueacutee) Ce serait LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees qui auraient deacutetenu et deacuteveloppeacute le savoir-faire par rapport agrave la logistique locale notamment pour lrsquoenvoi drsquoarticles (consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

469 Selon la Commission la technologie est un preacutealable agrave la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo notamment agrave la traduction des catalogues drsquoarticles europeacuteens agrave la livraison et au service drsquoassistance pour les clients (voir consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) Le personnel de LuxOpCo aurait joueacute un rocircle tant au niveau des catalogues drsquoarticles qursquoen ce qui concerne la livraison des produits et le service drsquoassistance pour les clients Agrave cet eacutegard le savoir-faire aurait appartenu agrave LuxOpCo et aux socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes (voir consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

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470 Ces eacuteleacutements ne sont au demeurant pas contesteacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon de maniegravere eacutetayeacutee et il convient de les enteacuteriner

471 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a pris des deacutecisions strateacutegiques en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et eacutetait ainsi le principal responsable de la mise œuvre des trois piliers de la strateacutegie dudit groupe pour cette zone geacuteographique La Commission a donc correctement consideacutereacute que en deacutepit de lrsquoimportance de la technologie LuxOpCo avait eacutegalement joueacute un rocircle essentiel dans lrsquoexploitation et lrsquoexpansion de ces activiteacutes de vente au deacutetail et places de marcheacute et ainsi qursquoelle avait exerceacute des fonctions de valeur Toutefois il ne ressort pas du dossier que de telles fonctions revecirctaient un caractegravere unique

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)

472 Srsquoagissant des actifs utiliseacutes par LuxOpCo la Commission a releveacute au consideacuterant 500 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo avait utiliseacute des laquo actifs importants raquo pour assumer les fonctions deacutecrites dans les sections 92121 (fonctions en lien avec les actifs incorporels) et 92122 (fonctions exerceacutees dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de service) de sa deacutecision

473 Drsquoune part la Commission a constateacute au consideacuterant 501 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo posseacutedait et geacuterait lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoassortiment (sur la peacuteriode consideacutereacutee les stocks repreacutesentaient [confidentiel] milliards drsquoeuros) et qursquoelle deacutetenait la totaliteacute des parts drsquoASE drsquoAMEU et des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees auxquelles elle consentait des financements

474 Drsquoautre part la Commission a affirmeacute que la structure de coucircts de LuxOpCo deacutemontrait que des actifs importants auraient eacuteteacute utiliseacutes pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point et lrsquoameacutelioration des actifs incorporels dans lrsquoexercice de ses fonctions (consideacuterant 502 de la deacutecision attaqueacutee) En particulier en ce qui concerne la marque deacuteposeacutee LuxOpCo aurait supporteacute des coucircts de marketing direct eacuteleveacutes (par exemple les coucircts lieacutes aux promotions) (consideacuterants 503 agrave 504 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence la Commission a estimeacute que en lrsquoabsence de tout remboursement identifiable de la part de LuxOpCo ces coucircts devraient ecirctre consideacutereacutes comme effectivement supporteacutes par LuxOpCo

475 La Commission a ainsi conclu que LuxOpCo avait supporteacute les coucircts correspondant agrave lrsquoexploitation eacuteconomique des actifs incorporels ainsi qursquoagrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ceux-ci Selon la Commission la totaliteacute de ces coucircts ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant des frais supporteacutes au nom de LuxSCS (consideacuterant 505 de la deacutecision attaqueacutee)

476 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon au demeurant ne contestent pas ces constatations de maniegravere eacutetayeacutee sauf en ce qui concerne le fait que LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels Agrave cet eacutegard il suffit de renvoyer au point 235 ci-dessus Agrave lrsquoexception de lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations faites par la Commission aux consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee

477 Srsquoagissant des risques assumeacutes par LuxOpCo la Commission a estimeacute aux consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee que cette socieacuteteacute supportait tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits drsquoune part les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels Drsquoautre part LuxOpCo aurait controcircleacute et geacutereacute tous les risques commerciaux et entrepreneuriaux correspondants lieacutes aux activiteacutes de vente au deacutetail et de service exerceacutees par le groupe Amazon en Europe parmi lesquels le risque de creacutedit le risque lieacute aux

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collections le risque de gestion des stocks le risque du marcheacute le risque de perte ou encore les risques lieacutes au maintien drsquoune main drsquoœuvre capable de vendre des articles et de fournir des services de maniegravere efficiente et dans les deacutelais requis

478 La Commission a ensuite eacutecarteacute lrsquoaffirmation drsquoAmazon formuleacutee lors de la proceacutedure administrative selon laquelle LuxOpCo srsquoeacutetait appuyeacutee en grande partie sur la technologie pour geacuterer et supporter les risques (consideacuterants 506 et 508 de la deacutecision attaqueacutee)

479 Tout drsquoabord selon la Commission mecircme si la technologie permettait de minimiser les risques LuxOpCo supportait lesdits risques du fait de son rocircle de siegravege europeacuteen et de ses activiteacutes de vente au deacutetail et de service (consideacuterants 509 et 510 de la deacutecision attaqueacutee) Elle relegraveve que mecircme si LuxOpCo comptait sur la technologie aux fins de la gestion des risques commerciaux cela ne deacutecoulait que drsquoune deacutecision strateacutegique de sa part (consideacuterant 511 de la deacutecision attaqueacutee)

480 En outre il ne serait pas eacutetabli que ce soit dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 ou dans un autre document que les risques strateacutegiques financiers et opeacuterationnels auxquels LuxOpCo devait faire face dans le cadre de ses opeacuterations journaliegraveres auraient eacuteteacute geacutereacutes par une politique de groupe en matiegravere de gestion des risques (consideacuterant 512 de la deacutecision attaqueacutee) Au contraire les risques tels que la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique auraient eacuteteacute geacutereacutes au niveau local avec LuxOpCo comme principal responsable en Europe (consideacuterants 513 agrave 515 de la deacutecision attaqueacutee)

481 Les parties sont en deacutesaccord en ce qui concerne le point de savoir quelle entiteacute assumait effectivement les risques lieacutes aux actifs incorporels et plus particuliegraverement sur la question de savoir si LuxOpCo a mobiliseacute des actifs pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg une partie des risques et des fonctions identifieacutes par la Commission auraient eacuteteacute assumeacutee par les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees et non par LuxOpCo

482 Srsquoagissant des risques lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels affirmer agrave lrsquoinstar de ce qursquoa deacuteclareacute la Commission au consideacuterant 507 de deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo supportait ces risques tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits ne saurait convaincre

483 Ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave juste titre au point 104 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 srsquoil est vrai que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS avait transfeacutereacute un certain nombre de risques lieacutes agrave lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales agrave LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins que LuxSCS qui eacutetait le proprieacutetaire leacutegal du droit drsquoexploiter des actifs incorporels pendant la peacuteriode consideacutereacutee supportait toujours les risques lieacutes aux actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

484 Ce constat nrsquoest pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee par la Commission Srsquoagissant de la capaciteacute financiegravere de LuxSCS drsquoassumer les risques srsquoils se mateacuterialisaient la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer son affirmation selon laquelle LuxSCS ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave son capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoachat et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

485 Dans ces conditions il y a lieu de retenir que LuxOpCo supportait tout au plus une partie des risques lieacutes agrave lrsquoexistence agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels

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486 En revanche srsquoagissant des autres risques dont il est fait eacutetat aux consideacuterants 507 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir les risques propres agrave une activiteacute de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas de maniegravere eacutetayeacutee que LuxOpCo supportait ces risques tels que le risque relatif agrave la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique en tant que telle (voir consideacuterant 514 de ladite deacutecision) et les risques relatifs agrave la deacutetention des stocks invendus en Europe agrave lrsquoheacutebergement des serveurs et agrave la maintenance des centres drsquoappels aux creacuteances douteuses et agrave lrsquoinaccomplissement ou lrsquoinexeacutecution des contrats conclus avec les clients En particulier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la technologie permettait de minimiser les risques de LuxOpCo en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales et notamment les risques drsquoinventaire force est de constater agrave lrsquoinstar de ce que la Commission a releveacute au consideacuterant 510 de la deacutecision attaqueacutee que la technologie nrsquoa pas totalement supprimeacute ces risques Il y a donc lieu drsquoenteacuteriner les affirmations de la Commission

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

487 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de constater que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo effectueacutee par la Commission ne saurait convaincre dans son inteacutegraliteacute

488 Premiegraverement au regard des informations recueillies par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee telles qursquoexposeacutees dans cette derniegravere et dont une partie a eacuteteacute enteacuterineacutee ci-dessus il nrsquoeacutetait pas exclu de pouvoir consideacuterer que LuxOpCo exerccedilait effectivement certaines fonctions uniques et de valeur en ce qui concerne les actifs incorporels Cela vaut pour ce qui est du deacuteveloppement de lrsquoEFN et de lrsquoaccumulation des donneacutees clients Pour le surplus srsquoagissant des actifs de marketing si les fonctions de LuxOpCo sont de valeur il nrsquoest pas eacutetabli que de telles fonctions puissent ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques

489 Deuxiegravemement lrsquoanalyse des fonctions de LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne et en tant que prestataire de services peut ecirctre enteacuterineacutee pour lrsquoessentiel Agrave cet eacutegard contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo ne se limitait pas agrave exercer de simples fonctions de laquo gestion raquo mais agissait comme un deacutetaillant en ligne et supportait les risques inheacuterents agrave ces activiteacutes De telles fonctions eacutetaient effectivement laquo de valeur raquo car il srsquoagissait drsquoactiviteacutes susceptibles de contribuer de maniegravere significative au chiffre drsquoaffaires de LuxOpCo et donc au modegravele commercial du groupe Amazon Toutefois de telles fonctions ne sauraient ecirctre qualifieacutees drsquouniques En effet dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont indiqueacute qursquoune entreprise pouvait ecirctre consideacutereacutee comme une entiteacute exerccedilant des fonctions de routine (par opposition agrave une entiteacute exerccedilant des fonctions uniques et de valeur) lorsque ces fonctions pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) (voir point 225 ci-dessus) il suffit de relever que le rapport [confidentiel] qui a eacuteteacute eacutevoqueacute par les parties principales porte sur des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et aborde la question de la reacutemuneacuteration observeacutee sur le marcheacute pour de tels deacutetaillants

490 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de constater que si la Commission a pu valablement consideacuterer que certaines fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur sa thegravese visant agrave affirmer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec ses activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur ne saurait convaincre en totaliteacute Si la Commission a correctement constateacute que LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles retenues aux fins de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir de simples fonctions de laquo gestion raquo elle a erroneacutement retenu que les fonctions de LuxOpCo relatives agrave son activiteacute de deacutetaillant eacutetaient uniques et de valeur

491 Cette conclusion nrsquoest remise en cause par aucun des autres arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg ou drsquoAmazon

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492 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que le fait que les fonctions de LuxOpCo eacutetaient exerceacutees avant la restructuration de 2006 par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et que celles-ci eacutetaient reacutemuneacutereacutees aux coucircts majoreacutes deacutemontre que les fonctions de LuxOpCo ne sont que des fonctions courantes Il suffit agrave cet eacutegard de relever que la restructuration de 2006 avait preacuteciseacutement pour objet de creacuteer un siegravege pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe en attribuant agrave LuxOpCo des fonctions bien plus importantes que celles des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

493 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg reproche agrave la Commission drsquoavoir attribueacute agrave LuxOpCo les fonctions exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes Il suffit de constater agrave cet eacutegard que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes agissaient en tant que prestataires de services aupregraves de LuxOpCo et eacutetaient drsquoailleurs reacutemuneacutereacutees comme tels Les fonctions qursquoelles exerccedilaient lrsquoeacutetaient donc pour le compte et aux risques de LuxOpCo La Commission pouvait donc attribuer ces fonctions agrave LuxOpCo

2) Sur le choix de la meacutethode

494 Ainsi qursquoexposeacute au point 317 ci-dessus la Commission a consideacutereacute en substance qursquoil eacutetait erroneacute drsquoavoir utiliseacute la MTMN pour deacuteterminer le montant de la redevance et la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre utiliseacutee

495 Plus preacuteciseacutement au consideacuterant 567 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que lorsque les deux parties agrave la transaction intragroupe apportent des contributions uniques et de valeur agrave ladite transaction la meacutethode du partage des beacuteneacutefices est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une meacutethode plus approprieacutee pour ce qui est des prix de transfert dans la mesure ougrave en pareil cas des parties indeacutependantes devraient normalement se reacutepartir les beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par cette transaction proportionnellement agrave leurs contributions respectives

496 Dans ce contexte la Commission a preacuteciseacute en renvoyant au consideacuterant 256 de la deacutecision attaqueacutee que les lignes directrices de lrsquoOCDE distinguaient entre deux meacutethodes de partage des beacuteneacutefices agrave savoir lrsquoanalyse des contributions et lrsquoanalyse reacutesiduelle Srsquoagissant de lrsquoanalyse reacutesiduelle la Commission a preacuteciseacute que celle-ci srsquoappliquait dans le cas ougrave une partie eacutetait reacutemuneacutereacutee pour ses fonctions courantes en plus de la reacutemuneacuteration qursquoelle percevait pour les contributions uniques et de valeur qursquoelle apportait agrave la transaction Srsquoagissant de lrsquoanalyse des contributions la Commission a preacuteciseacute que celle-ci consistait agrave reacutepartir les beacuteneacutefices combineacutes sur la base de la valeur relative des fonctions exerceacutees (compte tenu des actifs qursquoelles employaient et des risques qursquoelles assumaient) par chacune des parties aux transactions intragroupe

497 La Commission a ajouteacute que lorsque les deux parties agrave la transaction controcircleacutee apportaient des contributions uniques et de valeur et qursquoil nrsquoexistait pas de transactions moins complexes dont le prix devait ecirctre eacutetabli seacutepareacutement il eacutetait plus approprieacute drsquoappliquer lrsquoanalyse des contributions aux fins de lrsquoimputation des beacuteneacutefices combineacutes Lrsquoanalyse reacutesiduelle aurait eacuteteacute approprieacutee lorsqursquoil aurait existeacute des transactions moins complexes

498 Sur la base de ces observations la Commission a conclu que du fait que LuxSCS et LuxOpCo eacutetaient toutes deux consideacutereacutees comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels il convenait de preacutefeacuterer lrsquoanalyse des contributions agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle

499 Les parties au litige srsquoopposent quant agrave la question de savoir si la Commission avait raison de consideacuterer que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee en lrsquoespegravece et par conseacutequent que le choix de la MTMN nrsquoaurait pas ducirc ecirctre avaliseacute dans la DFA en cause

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500 Avant toute chose il importe de rappeler srsquoagissant du choix de la meacutethode de prix de transfert en tant que tel que ainsi qursquoexposeacute au point 202 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) les diffeacuterentes meacutethodes de fixation des prix de transfert srsquoefforcent drsquoatteindre des niveaux de beacuteneacutefices refleacutetant des prix de transfert de pleine concurrence et qursquoil ne peut ecirctre conclu par principe qursquoune meacutethode ne permet pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

501 En outre dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune mesure au regard du principe de pleine concurrence la Commission est libre drsquoutiliser une autre meacutethode que celle avaliseacutee par les autoriteacutes fiscales nationales Il ressort du point 154 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) que srsquoil ne peut ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir retenu une meacutethode de deacutetermination des prix de transfert qursquoelle considegravere approprieacutee dans le cas drsquoespegravece afin drsquoexaminer le niveau des prix de transfert pour une transaction ou pour plusieurs transactions eacutetroitement lieacutees faisant partie de la mesure contesteacutee il incombe neacuteanmoins agrave celle-ci de justifier son choix meacutethodologique

502 En lrsquoespegravece du fait de lrsquoexistence de certaines fonctions uniques et de valeur tant dans le chef de LuxSCS que de LuxOpCo il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir consideacutereacute que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avait pu apparaicirctre de maniegravere geacuteneacuterale approprieacutee pour examiner la transaction controcircleacutee

503 Neacuteanmoins la conclusion de la Commission visant agrave retenir lrsquoanalyse des contributions ne saurait convaincre En effet agrave cet eacutegard ainsi qursquoil ressort implicitement mais neacutecessairement des consideacuterants 256 567 et 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission est partie du constat que la circonstance que les parties agrave la transaction controcircleacutee exerccedilaient des fonctions uniques et de valeur ainsi que des fonctions de routine appelait une application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle alors que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions nrsquoaurait eacuteteacute adapteacutee que lorsque les entreprises concerneacutees exerccedilaient uniquement des fonctions uniques et de valeur Or ainsi qursquoil ressort des points 488 et 489 ci-dessus si la Commission avait raison de consideacuterer que certaines des fonctions de LuxOpCo en rapport avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur elle a erroneacutement consideacutereacute que les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur De plus elle nrsquoa pas non plus eacutetabli qursquoil nrsquoy avait pas de comparables aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo ni que la reacutemuneacuteration de ces fonctions nrsquoaurait pu ecirctre eacutetablie seacutepareacutement

504 De plus il reacutesulte implicitement mais neacutecessairement des points 36 et 38 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que le choix de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices y compris dans la variante de lrsquoanalyse des contributions deacutepend de maniegravere deacutecisive du fait drsquoavoir identifieacute des donneacutees externes provenant drsquoentreprises indeacutependantes pour deacuteterminer la valeur de la contribution de chaque entreprise associeacutee aux transactions Or la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave identifier si de telles donneacutees fiables eacutetaient disponibles pour pouvoir conclure que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions pouvait ecirctre choisie en lrsquoespegravece

505 En outre la Commission nrsquoa pas justifieacute en quoi les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels eacutetaient telles que crsquoeacutetait lrsquoanalyse des contributions qui aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece et ce par opposition agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle (voir consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee)

506 Il en deacutecoule que lorsqursquoelle a eacutecarteacute la meacutethode du partage de beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle et a choisi la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission nrsquoa pas ducircment justifieacute son choix meacutethodologique et nrsquoa donc pas satisfait aux exigences exposeacutees au point 501 ci-dessus

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507 Dans la mesure ougrave la Commission a fondeacute son premier constat subsidiaire sur le fait que seule lrsquoanalyse des contributions aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece lrsquoerreur constateacutee au point 506 ci-dessus vicie le raisonnement de la Commission relatif agrave la deacutemonstration de lrsquoexistence de lrsquoavantage

508 Le Tribunal estime neacuteanmoins neacutecessaire de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties requeacuterantes visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)

509 Ainsi qursquoexposeacute ci-dessus au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee cela aurait neacutecessairement abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante pour LuxOpCo La Commission a ainsi consideacutereacute que en avalisant la meacutethode de calcul de la redevance proposeacutee par Amazon aboutissant agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave cette derniegravere La Commission a neacuteanmoins preacuteciseacute au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee qursquoelle nrsquoavait pas chercheacute agrave eacutetablir quelle aurait eacuteteacute preacuteciseacutement la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo

510 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que ainsi que releveacute aux points 317 agrave 320 ci-dessus lrsquoerreur identifieacutee par la Commission ne repose pas sur le constat que certaines fonctions de LuxOpCo y compris des fonctions de routine ou courantes nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration En revanche la Commission est partie du postulat que LuxOpCo assumait une seacuterie de fonctions de LuxOpCo uniques et de valeur et que partant la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

511 Les parties srsquoopposent sur la question de savoir si la Commission est parvenue sur le fondement du constat mentionneacute au point 509 ci-dessus agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo

512 Pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission devait deacutemontrer que LuxOpCo aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration plus importante si la meacutethode de partage des beacuteneacutefices lui avait eacuteteacute appliqueacutee par rapport agrave ce qursquoelle avait effectivement perccedilu en application de la DFA en cause

513 Ainsi qursquoexposeacute au point 310 ci-dessus il appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable sans qursquoil soit exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

514 Les mecircmes consideacuterations doivent srsquoappliquer lorsque la Commission considegravere avoir identifieacute une erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle En effet il nrsquoest pas exclu que en deacutepit drsquoune erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle la reacutemuneacuteration calculeacutee ne srsquoeacutecarte pas du reacutesultat de pleine concurrence qui aurait pu ecirctre deacutetermineacute si les fonctions avaient eacuteteacute correctement prises en compte Dans ce contexte il y a lieu de relever que si certaines fonctions nrsquoont pas eacuteteacute correctement identifieacutees et nrsquoont pas eacuteteacute prises en compte dans le cadre du calcul de la reacutemuneacuteration il est probable que ces fonctions auraient ducirc faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration et que du fait de lrsquoabsence de la prise en compte de ces fonctions suppleacutementaires la reacutemuneacuteration de lrsquoentreprise en cause aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee Neacuteanmoins la

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Commission ne saurait aboutir agrave de telles conclusions sans examiner de maniegravere concregravete si dans le cas drsquoespegravece et au regard des speacutecificiteacutes de la transaction en cause lrsquoerreur identifieacutee dans lrsquoanalyse fonctionnelle aurait pu aboutir agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

515 Enfin lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une entreprise inteacutegreacutee la Commission doit comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale concerneacutee avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (voir en ce sens arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149) Lorsqursquoelle identifie des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle sur laquelle repose une mesure fiscale telle la DFA en cause il y a lieu pour la Commission de comparer la charge fiscale de lrsquoentreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale en question drsquoune part agrave la charge fiscale drsquoune entreprise active sur le marcheacute exerccedilant des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentreprise inteacutegreacutee telles qursquoidentifieacutees par la Commission drsquoautre part Il y a lieu de souligner agrave cet eacutegard qursquoune telle comparaison nrsquoimplique pas que la Commission doive neacutecessairement reacutealiser une toute nouvelle analyse ayant le mecircme niveau de deacutetail que celle effectueacutee par lrsquoEacutetat membre aux fins de lrsquoadoption de la mesure fiscale en question Pourtant mecircme si elle ne doit pas proceacuteder agrave une telle analyse la Commission est tenue drsquoidentifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements concrets permettant de constater avec certitude que la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions de la socieacuteteacute telles qursquoidentifieacutees par la Commission eacutetait forceacutement plus importante que la reacutemuneacuteration perccedilue en application de la mesure fiscale en question

516 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 515 ci-dessus la Commission aurait ducirc comparer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue en application de la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause avec la reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait ducirc ecirctre perccedilue au regard des fonctions de LuxOpCo que la Commission avait identifieacutees elle-mecircme dans sa propre analyse fonctionnelle Agrave deacutefaut drsquoune veacuteritable application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc identifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements permettant de conclure que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la DFA en cause eacutetait neacutecessairement infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration qursquoune socieacuteteacute opeacuterant sur le marcheacute libre aurait perccedilue si cette socieacuteteacute avait eu des fonctions comparables agrave celles identifieacutees par la Commission dans son analyse fonctionnelle Plus preacuteciseacutement si elle consideacuterait que lrsquoanalyse des contributions eacutetait la meacutethode de calcul approprieacutee au lieu de se borner agrave de simples preacutesomptions non veacuterifieacutees du reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc rechercher si sur le marcheacute libre la prise en compte de fonctions et de risques comparables agrave ceux qui incombaient agrave LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee (notamment ses fonctions et ses risques de deacutetaillant en ligne) se traduisait effectivement dans une part de beacuteneacutefices (pour un deacutetaillant en ligne comparable agrave LuxOpCo) qui aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave celle agrave laquelle LuxOpCO avait droit en vertu de la meacutethode de calcul viseacutee dans la DFA en cause Si la Commission nrsquoavait certes pas agrave indiquer de chiffres preacutecis elle eacutetait agrave tout le moins tenue de donner des indices veacuterifiables agrave cet eacutegard

517 En lrsquoespegravece dans la deacutecision attaqueacutee la Commission srsquoest borneacutee agrave constater que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute utiliseacutee LuxOpCo aurait perccedilu une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee sans chercher agrave faire application de cette meacutethode Or la Commission ne peut preacutesumer quel serait le reacutesultat en application drsquoune certaine meacutethode ni quelle reacutemuneacuteration aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave une certaine fonction En revanche ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute aux points 515 et 516 ci-dessus elle doit eacutetablir que la reacutemuneacuteration avaliseacutee dans la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave lrsquoapproximation fiable drsquoune reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait eacuteteacute obtenue en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions

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518 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave examiner quelle eacutetait la bonne cleacute de reacutepartition des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo qui aurait convenu si ces parties avaient eacuteteacute des entreprises indeacutependantes ni mecircme agrave identifier des eacuteleacutements concrets permettant de deacuteterminer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels ou lrsquoexercice des fonctions de siegravege aurait donneacute droit agrave une part plus importante des beacuteneacutefices par rapport agrave la part des beacuteneacutefices effectivement obtenue en application de la DFA en cause

519 De plus il convient de rappeler que mecircme si les contributions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels (contribution au deacuteveloppement drsquoune petite partie de la technologie contribution agrave lrsquoexpansion de la base de donneacutees clients et agrave la valorisation de la marque) et avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales sont bien reacuteelles aucun des eacuteleacutements contenus dans la deacutecision attaqueacutee ne permet de mesurer lrsquoapport de ces fonctions par rapport aux fonctions de LuxSCS (mise agrave disposition de la technologie laquelle joue un rocircle crucial pour lrsquoexploitation des activiteacutes du groupe Amazon et la geacuteneacuteration des beacuteneacutefices) Ainsi sans analyse approfondie il nrsquoest pas possible de preacutejuger dans quelle mesure les contributions de LuxOpCo lui donneraient une part plus importante des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe que celle obtenue en application de la DFA en cause

520 Dans ces conditions il convient de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage mais tout au plus la probabiliteacute de lrsquoexistence drsquoun avantage

521 Certes ainsi que la Commission lrsquoa eacutevoqueacute lors de lrsquoaudience le fait que certains actifs soient transmis gratuitement sans que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA ne prenne en compte ces fonctions est de nature agrave deacutemontrer que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est infeacuterieure agrave ce qursquoune entreprise indeacutependante aurait perccedilu dans des conditions de marcheacute Neacuteanmoins force est de constater que la deacutecision attaqueacutee ne contient pas un tel raisonnement

522 Certes il nrsquoest pas exclu que si LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles qui ont eacuteteacute prises en compte aux fins du calcul de sa reacutemuneacuteration telle qursquoavaliseacutee dans la DFA en cause LuxOpCo aurait eu droit agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire Neacuteanmoins le raisonnement de la Commission tel qursquoexposeacute dans la deacutecision attaqueacutee reste theacuteorique et nrsquoest pas suffisant pour eacutetablir que LuxOpCo a effectivement perccedilu un avantage du fait de lrsquoapplication de la meacutethode de calcul de sa reacutemuneacuteration qui a eacuteteacute avaliseacutee par la DFA en cause

523 Certes la Commission a affirmeacute dans ses reacuteponses aux questions du Tribunal et lors de lrsquoaudience que en application de la DFA en cause LuxOpCo nrsquoa perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS et que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions lui avait eacuteteacute appliqueacutee en tenant compte de ses fonctions uniques et de valeur elle aurait neacutecessairement perccedilu une part plus importante de ces beacuteneacutefices combineacutes

524 Neacuteanmoins premiegraverement il importe de relever que lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo nrsquoaurait perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes nrsquoapparaicirct pas dans la partie de la deacutecision attaqueacutee relative au premier constat subsidiaire ni mecircme dans toute la deacutecision attaqueacutee Ce chiffre peut tout au plus ecirctre calculeacute sur la base des diffeacuterentes donneacutees chiffreacutees contenues dans la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il importe de relever que ce chiffre drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS correspond aux beacuteneacutefices drsquoexploitation de LuxOpCo apregraves deacuteduction de la redevance verseacutee agrave LuxSCS en application de la DFA en cause

525 Deuxiegravemement la Commission nrsquoapporte aucun eacuteleacutement concret dans la deacutecision attaqueacutee de nature agrave eacutetablir que le fait qursquoenviron 80 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS eacutetaient attribueacutes agrave LuxSCS afin de reacutemuneacuterer sa contribution agrave savoir la mise agrave disposition des actifs incorporels nrsquoest pas de pleine concurrence ni que lrsquoattribution drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes ne constitue pas une reacutemuneacuteration suffisante au regard des contributions effectueacutees par LuxOpCo

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526 Troisiegravemement ainsi qursquoAmazon lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave LuxOpCo en sus de la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN En effet le constat selon lequel la meacutethode de la reacuteparation des beacuteneacutefices avec analyse des contributions devait ecirctre appliqueacutee implique drsquoeacutecarter la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul Or il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

527 Drsquoune part il importe de relever que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait preacutesenteacute agrave la Commission un rapport concernant le taux de marge pour des entreprises effectuant des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne agrave savoir le rapport [confidentiel] Le taux de marge pour les activiteacutes de vente au deacutetail en ligne en moyenne eacutetait de 05 des coucircts totaux des deacutetaillants en ligne Sans qursquoil soit besoin de veacuterifier si au regard de cet eacuteleacutement Amazon eacutetait en droit drsquoaffirmer comme elle lrsquoa fait lors de lrsquoaudience que ce taux aurait deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans la peacuteriode consideacutereacutee aurait eacuteteacute laquo confortable raquo force est de constater que au regard dudit rapport la Commission aurait ducirc approfondir son examen quant agrave la question de savoir si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo correspondait agrave un reacutesultat de pleine concurrence pour ses fonctions de deacutetaillant en ligne Sans un tel examen il nrsquoest pas certain que lrsquoon puisse affirmer que LuxOpCo aurait pu recevoir une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour ses fonctions lieacutees aux activiteacutes commerciales

528 Drsquoautre part agrave lrsquoeacutechelle des activiteacutes de deacuteveloppement effectueacutees par le groupe Amazon les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels notamment en ce qui concerne la technologie restaient limiteacutees Il nrsquoest donc pas eacutevident que ces fonctions eacutetaient telles que la part des beacuteneacutefices attribuables agrave LuxOpCo aurait ducirc ecirctre supeacuterieure agrave 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo

529 En conseacutequence en lrsquoabsence drsquoeacuteleacutements sur la cleacute de reacutepartition qui aurait ducirc ecirctre retenue il nrsquoest pas possible drsquoidentifier lrsquoordre de grandeur de la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait ducirc percevoir dans des conditions de pleine concurrence ni a fortiori de deacuteterminer si cette reacutemuneacuteration est infeacuterieure ou supeacuterieure agrave celle obtenue en application de la DFA en cause

530 Il en deacutecoule que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus importante Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la DFA en cause a confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo En effet outre le fait que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave deacuteterminer quelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifieacutees par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle le premier constat subsidiaire ne contient pas drsquoeacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir agrave suffisance de droit que les erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle ainsi que lrsquoerreur meacutethodologique identifieacutee par la Commission relative au choix de la meacutethode en tant que telle ont effectivement abouti agrave une reacuteduction de la charge fiscale de LuxOpCo

531 Aucun des autres arguments exposeacutes par la Commission ne saurait remettre ces constats en question

532 Premiegraverement certes ainsi que lrsquoa exposeacute la Commission lors de lrsquoaudience il y a une diffeacuterence entre la deacutemonstration de lrsquoavantage et la quantification de lrsquoavantage Ainsi il nrsquoest pas exclu qursquoil soit possible de deacutemontrer qursquoune erreur meacutethodologique aboutit neacutecessairement agrave une reacutemuneacuteration infeacuterieure sans que ne soit quantifieacutee cette reacuteduction de reacutemuneacuteration Neacuteanmoins ainsi que constateacute au point 529 ci-dessus dans le cas drsquoespegravece la deacutecision attaqueacutee ne contient pas drsquoeacuteleacutements de nature agrave deacutemontrer que lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions en lieu et place de la MTMN aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee

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533 Deuxiegravemement certes ainsi que la Commission lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne nient pas que si LuxOpCo avait effectueacute des deacuteveloppements substantiels des actifs incorporels cela aurait ducirc mener agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

534 Neacuteanmoins ainsi que Amazon lrsquoa affirmeacute lors de lrsquoaudience et ainsi qursquoexposeacute au point 526 ci-dessus la thegravese de la Commission ne revient pas agrave consideacuterer qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire agrave celle calculeacutee en application de la DFA en cause aurait ducirc ecirctre calculeacutee En effet la Commission a consideacutereacute que la meacutethode des contributions avec analyse reacutesiduelle nrsquoeacutetait pas approprieacutee en lrsquoespegravece Il en deacutecoule que la thegravese de la Commission se limite agrave faire valoir que si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avait eacuteteacute calculeacutee en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices selon lrsquoanalyse des contributions cela aurait abouti agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee que celle obtenue en application de la MTMN Dans la mesure ougrave lrsquoanalyse des contributions impliquerait de ne pas prendre en compte la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec analyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

535 Troisiegravemement lrsquoargument de la Commission exposeacute dans ses eacutecritures selon lequel lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee de LuxOpCo dans la mesure ougrave cela aurait conduit agrave un partage du beacuteneacutefice reacutesiduel entre LuxOpCo et LuxSCS plutocirct qursquoagrave lrsquoattribution de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel agrave LuxSCS ainsi que lrsquoargument selon lequel il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire drsquoappliquer la meacutethode du partage des beacuteneacutefices pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage car cette meacutethode consiste agrave partager le beacuteneacutefice reacutesiduel doivent ecirctre eacutecarteacutes

536 En effet force est de constater qursquoune telle reacutepartition du beacuteneacutefice reacutesiduel nrsquoest pertinente que dans le cadre de lrsquoutilisation de lrsquoanalyse reacutesiduelle Or il ressort clairement de la deacutecision attaqueacutee et notamment de ses consideacuterants 567 et 568 que la Commission a consideacutereacute que seule lrsquoanalyse de contributions et non lrsquoanalyse reacutesiduelle pouvait valablement ecirctre utiliseacutee en lrsquoespegravece aux fins de lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Or ainsi qursquoexposeacute au point 534 ci-dessus lrsquoanalyse des contributions consiste agrave reacutepartir directement les beacuteneacutefices combineacutes entre les diffeacuterentes parties agrave la transaction et ne tient pas compte de la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee pour LuxOpCo Il ne peut donc ecirctre preacutesumeacute que lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

537 Il deacutecoule donc de lrsquoensemble de ce qui preacutecegravede que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave deacutemontrer dans le cadre de son premier constat subsidiaire que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo

538 Il convient donc drsquoaccueillir les moyens et arguments tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

539 Dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et en particulier au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que mecircme si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient accepteacute agrave bon droit la preacutesomption selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et mecircme si elles avaient ensuite consideacutereacute agrave bon droit que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que des fonctions de gestion courantes le choix drsquoun indicateur de beacuteneacutefice fondeacute sur les charges drsquoexploitation dans la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause nrsquoeacutetait pas approprieacute Il reacutesulte des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient pris en compte comme indicateur du niveau de beacuteneacutefice dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN les coucircts totaux de

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LuxOpCo comme cela aurait eacuteteacute fait dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacutee que celle retenue dans la DFA en cause En conseacutequence la base imposable de cette socieacuteteacute aurait eacuteteacute eacutegalement plus eacuteleveacutee

540 Agrave lrsquoappui de son deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage la Commission a rappeleacute le fait que la meacutethode avaliseacutee par la DFA en cause retenait les charges drsquoexploitation en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice alors que le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur lequel se fondait la demande de DFA aurait utiliseacute les coucircts totaux en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice Ensuite la Commission a indiqueacute que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait reconnu qursquoil y avait une incoheacuterence entre la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause et la meacutethode proposeacutee par le rapport sur les prix de transfert de 2003 Agrave cet eacutegard Amazon se serait borneacutee agrave affirmer que cette incoheacuterence nrsquoavait pas drsquoincidence sur le reacutesultat dans la mesure ougrave les coucircts drsquoexploitation repreacutesentaient la part la plus importante des coucircts totaux des entreprises comparables examineacutees dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 (consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee) En reacuteponse agrave ces arguments la Commission a exposeacute drsquoune part que le choix drsquoentreprises comparables qui avaient de faibles coucircts de marchandises alors que ces coucircts repreacutesentaient la majeure partie des coucircts de LuxOpCo aurait laquo deacutenot[eacute] raquo un mauvais choix des entreprises comparables Drsquoautre part la Commission a releveacute que plusieurs des entreprises comparables retenues pour lrsquoanalyse de comparabiliteacute auraient des coucircts importants de marchandises de matiegraveres premiegraveres et de consommables (consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee)

541 La Commission a conclu que les coucircts totaux constituant une base plus importante que les charges drsquoexploitation le revenu imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacute si les coucircts totaux avaient eacuteteacute conserveacutes ndash agrave lrsquoinstar de ce que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait ndash en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice (consideacuterant 574 de la deacutecision attaqueacutee) Pour illustrer ce constat dans le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a compareacute le beacuteneacutefice imposable de LuxOpCo en application de la DFA en cause avec le beacuteneacutefice de LuxOpCo agrave [confidentiel] des coucircts totaux et en lrsquoabsence de plafond Selon ce tableau pour les anneacutees 2006 agrave 2013 le premier srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros alors que le second srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros

542 En premier lieu il y a lieu de relever que lors de lrsquoaudience la Commission a indiqueacute que dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire tel que figurant aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee elle nrsquoaurait laquo jamais dit raquo que les coucircts totaux eacutetaient les plus adapteacutes En revanche elle aurait simplement affirmeacute que les charges drsquoexploitation nrsquoeacutetaient pas un indicateur de beacuteneacutefice approprieacute aux fins de la deacutetermination de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo Du reste la Commission nrsquoaurait fait que simplement appliquer la logique dont auraient fait preuve les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 En drsquoautres termes elle aurait appliqueacute les coucircts totaux pour deacuteterminer la reacutemuneacuteration de la pleine concurrence pour LuxOpCo pour la seule raison que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait cela

543 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil a eacuteteacute indiqueacute au point 125 ci-dessus crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne la deacutemonstration des conditions de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE En particulier la Commission doit deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de lrsquoentreprise dont elle considegravere qursquoelle serait la beacuteneacuteficiaire drsquoune aide drsquoEacutetat Cet avantage doit ecirctre un avantage reacuteel

544 Pour rappel en lrsquoespegravece la question concernant lrsquoexistence drsquoun avantage implique un examen du point de savoir si la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS telle que viseacutee dans la formule de calcul valideacutee par la DFA en cause eacutetait de pleine concurrence ou non Agrave cet eacutegard la Commission a identifieacute des erreurs dans lrsquoapplication de la MTMN proposeacutee par Amazon et valideacutee dans la DFA en cause Plus preacuteciseacutement la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

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545 Or ainsi que cela a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (voir point 123 ci-dessus) De plus ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat (voir point 125 ci-dessus)

546 Il srsquoensuit en lrsquoespegravece que la Commission eacutetait tenue de deacutemontrer que lrsquoerreur dans le choix de lrsquoindicateur identifieacutee par elle avait abouti non seulement agrave un reacutesultat diffeacuterent mais agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la DFA en cause Cela impliquait de reacutepondre agrave la question de savoir quel indicateur de niveau de beacuteneacutefice aurait eacuteteacute effectivement approprieacute

547 Compte tenu de lrsquointerpreacutetation que la Commission a donneacutee lors de lrsquoaudience des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle elle aurait utiliseacute les coucircts totaux non au motif qursquoils auraient constitueacute un indicateur du niveau de beacuteneacutefice approprieacute mais seulement aux fins de transposer la laquo logique raquo sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003 (voir point 542 ci-dessus) il y a lieu de constater que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave eacutetablir qursquoelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence ni a fortiori si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait perccedilue dans des conditions de pleine concurrence

548 Il en deacutecoule que par le deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

549 Dans un souci drsquoexhaustiviteacute et en second lieu il convient de relever que mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee la Commission avait en reacutealiteacute consideacutereacute que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur du niveau de beacuteneacutefice (par opposition agrave une simple transposition ndash deacutepourvue de toute utiliteacute ndash de la logique sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003) les consideacuterations eacutetayant le deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et la conclusion exposeacutee par la Commission au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee ne sauraient prospeacuterer

550 En effet agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler et de souligner agrave la fois que ainsi qursquoelle lrsquoa releveacute au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a fondeacute son deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage ndash et donc identifieacute que le choix des coucircts drsquoexploitation constituait une erreur meacutethodologique ndash sur la thegravese selon laquelle LuxSCS aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur alors que LuxOpCo nrsquoaurait exerceacute que des laquo fonctions de gestion courantes raquo La preacutemisse des autoriteacutes fiscales luxembourgeoises telle qursquoaccepteacutee par la Commission au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee eacutetait donc celle de dire que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que les fonctions limiteacutees drsquoune socieacuteteacute de gestion

551 Or il ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les coucircts totaux constituaient lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour reacutemuneacuterer une socieacuteteacute de gestion Du fait que lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute de gestion srsquoapparente agrave lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute qui fournit des services et dont la valeur est deacuteconnecteacutee du volume de ventes et du volume drsquoachats de matiegraveres premiegraveres en tant que tels il eacutetait envisageable selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de retenir les charges drsquoexploitation drsquoune telle entreprise pour deacutefinir lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute et non les coucircts totaux

552 En lrsquoespegravece premiegraverement lorsqursquoelle srsquoest reacutefeacutereacutee aux consideacuterants 572 et 573 de la deacutecision attaqueacutee aux coucircts totaux ndash par opposition aux coucircts drsquoexploitation ndash pour calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la Commission srsquoest en reacutealiteacute deacutepartie de la preacutemisse qursquoelle srsquoeacutetait fixeacutee elle-mecircme au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee

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553 En effet contrairement agrave lrsquoapproche mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo serait consideacutereacutee comme eacutetant une socieacuteteacute laquo ayant des fonctions de gestion raquo les appreacuteciations contenues au consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee reposent sur lrsquoideacutee que LuxOpCo serait une laquo entreprise de vente au deacutetail raquo Agrave y regarder de plus pregraves le choix de coucircts totaux a eacuteteacute preacutefeacutereacute par la Commission puisque LuxOpCo aurait eacuteteacute un deacutetaillant et non parce qursquoelle aurait eacuteteacute une laquo socieacuteteacute ayant des fonctions de gestion raquo Au regard de la preacutemisse mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc chercher agrave eacutetablir lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice drsquoune socieacuteteacute de gestion et non celui drsquoune entreprise qui deacuteployait des activiteacutes de deacutetaillant

554 Deuxiegravemement ainsi qursquoil ressort du point 551 ci-dessus selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de maniegravere geacuteneacuterale en ce qui concerne les socieacuteteacutes de gestion il nrsquoest pas certain que les coucircts totaux constituent un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute

555 Certes il ne saurait ecirctre exclu drsquoembleacutee que srsquoagissant drsquoune socieacuteteacute de gestion particuliegravere pour des raisons speacutecifiques propres agrave cette socieacuteteacute lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour cette derniegravere soit effectivement les coucircts totaux La Commission nrsquoa toutefois pas expliqueacute la raison qui aurait pu justifier le choix des coucircts totaux comme eacutetant un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute dans le cas particulier de LuxOpCo en tant que socieacuteteacute de gestion

556 Troisiegravemement srsquoil y avait lieu drsquoaccepter le choix des coucircts totaux comme eacutetant lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice le mieux adapteacute agrave la situation de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant (voir le consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee) force est de constater que la Commission nrsquoa aucunement analyseacute la probleacutematique du choix de lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute pour LuxOpCo dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute (marketplace) pour des vendeurs tiers De plus en ce qui concerne les ventes propres la Commission nrsquoa pas examineacute dans quelle mesure les coucircts totaux auraient eacuteteacute un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour lrsquoactiviteacute de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant en ligne

557 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que dans sa reacuteponse agrave une question eacutecrite du Tribunal la Commission a indiqueacute que lrsquoutilisation drsquoune marge sur les coucircts drsquoexploitation ndash et non des coucircts totaux ndash comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour des activiteacutes de distribution est permise lorsque la partie testeacutee intervient en tant qursquointermeacutediaire et ne risque pas ses fonds propres du fait notamment de lrsquoachat des biens revendus Agrave cet eacutegard la Commission srsquoest fondeacutee sur les paragraphes 2101 et 2102 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 qui ne sont toutefois pas pertinentes en lrsquoespegravece

558 Srsquoil y avait lieu drsquoaccepter qursquoune telle preacuteconisation ressortait deacutejagrave des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et eacutetait pertinente en lrsquoespegravece il y a lieu de constater que dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute du point de vue des vendeurs tiers LuxOpCo nrsquoavait que le rocircle drsquoun intermeacutediaire entre les vendeurs tiers et les consommateurs et qursquoelle nrsquoa pas risqueacute ses propres fonds en rapport avec les ventes reacutealiseacutees par les vendeurs tiers

559 Enfin srsquoil y avait lieu drsquoadmettre que la Commission eacutetait fondeacutee agrave consideacuterer que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur pour LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne compte tenu du fait que cette socieacuteteacute utilisait la technologie pour les activiteacutes de vente au deacutetail et en particulier celle relative agrave la fixation automatique des prix le choix des coucircts totaux comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour LuxOpCo aurait rendu neacutecessaire des ajustements agrave la baisse du taux agrave appliquer afin de prendre en compte les diffeacuterences mateacuterielles entre la structure de coucircts de LuxOpCo et la structure de coucircts des deacutetaillants traditionnels

560 La Commission nrsquoa quant agrave elle pas envisageacute et encore moins effectueacute de tels ajustements

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561 En second lieu selon le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la marge de [confidentiel] sur les coucircts totaux de LuxOpCo se serait eacuteleveacutee agrave un montant compris entre deux et trois milliards drsquoeuros

562 Lors de lrsquoaudience Amazon a affirmeacute sans ecirctre contredite sur ce point par la Commission que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee par la Commission serait supeacuterieure aux laquo beacuteneacutefices totaux raquo geacuteneacutereacutes dans lrsquoUnion lesquels srsquoeacutelegraveveraient selon elle agrave un montant compris entre un milliard et 15 milliard drsquoeuros La reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire eacutequivaudrait agrave deux fois la valeur de tous les beacuteneacutefices du groupe Amazon obtenus en Europe et ne serait de ce fait pas reacutealiste Il importe neacuteanmoins de relever que ainsi qursquoil ressort de lrsquoannexe C1 dans lrsquoaffaire T-31818 agrave laquelle Amazon a renvoyeacute lors de lrsquoaudience le chiffre compris entre 1 et 15 milliard drsquoeuros ne correspond pas au seul beacuteneacutefice comptable de LuxOpCo sur la peacuteriode consideacutereacutee mais au beacuteneacutefice consolideacute de LuxSCS et de LuxOpCo et fait ainsi deacuteduction des montants verseacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee

563 En tout eacutetat de cause il ressort drsquoune comparaison entre la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application drsquoun taux de [confidentiel] des coucircts totaux pour chaque anneacutee de la peacuteriode consideacutereacutee telle que figurant agrave la derniegravere ligne du tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee et le reacutesultat drsquoexploitation (beacuteneacutefice opeacuterationnel) de LuxOpCo pour les mecircmes anneacutees tel qursquoidentifieacute par la Commission agrave la huitiegraveme ligne du tableau 2 de la deacutecision attaqueacutee que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage serait supeacuterieure agrave son beacuteneacutefice drsquoexploitation pour les anneacutees 2012 et 2013 Or un tel reacutesultat srsquoeacutecarte manifestement drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

564 Il reacutesulte de ce qui preacutecegravede que lrsquoapplication du taux de [confidentiel] aux coucircts totaux de LuxOpCo sur laquelle repose le deuxiegraveme constat subsidiaire ne produit pas de reacutesultats fiables pour le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour lrsquointeacutegraliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee Il ne srsquoagit donc pas drsquoun reacutesultat correspondant agrave une reacutemuneacuteration de pleine concurrence si bien qursquoil doit ecirctre conclu que ce calcul opeacutereacute par la Commission dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire ne permet pas de deacutemontrer que LuxOpCo aurait obtenu un avantage du fait du choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

565 Par conseacutequent il y a lieu drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon qui visent agrave remettre en cause le bien-fondeacute du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

566 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le troisiegraveme constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9223 de la deacutecision attaqueacutee)

567 Pour rappel ainsi qursquoexposeacute au point 68 ci-dessus dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission a consideacutereacute en substance que lrsquoinclusion drsquoun plafond en vertu duquel la reacutemuneacuteration de LuxOpCo ne pouvait exceacuteder 055 de ses ventes annuelles dans la meacutethode de fixation des prix de transfert nrsquoeacutetait pas approprieacutee et confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo en ce qursquoelle aurait conduit agrave une diminution de son revenu imposable

568 Plus preacuteciseacutement la Commission a constateacute que au cours des exercices fiscaux de 2006 de 2007 de 2011 de 2012 et de 2013 lrsquoadministration fiscale avait accepteacute des deacuteclarations fiscales dans lesquelles le revenu imposable de LuxOpCo eacutetait deacutetermineacute par le plafond de 055 de ses ventes annuelles (consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee)

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569 La Commission a exposeacute que ni le rapport sur les prix de transfert de 2003 ni les analyses ex post ni encore les arguments exposeacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lors de la proceacutedure administrative ne justifiaient lrsquoinclusion de ce plafond (consideacuterants 576 et 577 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ajouteacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave lrsquoapplication erroneacutee de la marge aux charges drsquoexploitation et ne saurait de ce fait se situer dans un intervalle de pleine concurrence

570 Selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission a erroneacutement consideacutereacute que lrsquoinclusion du plafond confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

571 Drsquoune part ils font valoir que lrsquoinclusion du plafond aurait pour objectif de contraindre LuxOpCo agrave fonctionner de maniegravere efficace et agrave reacuteduire ses coucircts Drsquoautre part ils soulignent que en tout eacutetat de cause lrsquoapplication du plafond nrsquoa jamais pousseacute la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en dehors de lrsquointervalle de pleine concurrence ainsi que le deacutemontrerait le rapport sur les prix transfert de 2017

572 La Commission conteste ces arguments

573 Elle fait valoir agrave cet eacutegard que le meacutecanisme de plancher et de plafond nrsquoest pas preacutevu par les lignes directrices de lrsquoOCDE et ne trouve aucune justification du point de vue des prix de transfert En outre elle ajoute que contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapplication drsquoun tel meacutecanisme nrsquoest pas justifieacutee par lrsquoobjectif de garantir une reacutemuneacuteration faible et stable agrave LuxOpCo dans la mesure ougrave lrsquoobjectif mecircme de la MTMN est preacuteciseacutement de garantir une telle reacutemuneacuteration agrave la partie agrave laquelle elle est appliqueacutee

574 Avant toute chose il importe de constater que ainsi que lrsquoa drsquoailleurs confirmeacute la Commission dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal le troisiegraveme constat subsidiaire est indeacutependant et autonome par rapport au deuxiegraveme constat subsidiaire En effet comme cela ressort de la derniegravere phrase du consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee dans le cadre de ce troisiegraveme constat la Commission part de la preacutemisse que les coucircts drsquoexploitation pouvaient ecirctre utiliseacutes en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice

575 Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute agrave juste titre dans la deacutecision attaqueacutee et dans ses eacutecritures le meacutecanisme du plancher et de plafond ne trouve aucune justification ou rationaliteacute eacuteconomique Il est difficilement concevable que dans des conditions de marcheacute une entreprise accepte que sa reacutemuneacuteration soit plafonneacutee agrave un pourcentage de ses ventes annuelles En outre la MTMN permet de garantir une reacutemuneacuteration faible mais stable sans qursquoun meacutecanisme de plancher et de plafond soit neacutecessaire Un tel meacutecanisme nrsquoest pas non plus preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet la MTMN implique seulement drsquoidentifier un indicateur de beacuteneacutefice et un taux de marge

576 La Commission a donc correctement consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun tel plafond constituait une erreur meacutethodologique

577 Neacuteanmoins ce seul constat ne suffit pas agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

578 En effet force est de constater que pour chaque anneacutee drsquoapplication de la DFA en cause mecircme apregraves application du meacutecanisme de plafond la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est resteacutee dans lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute sur la base du rapport sur les prix de transfert de 2003 soit entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation La Commission ne conteste drsquoailleurs pas ce constat

579 Or ainsi que la Commission lrsquoa drsquoailleurs elle-mecircme expliqueacute lors de lrsquoaudience degraves lors que la reacutemuneacuteration se situe dans lrsquointervalle interquartile elle doit en principe ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant de pleine concurrence

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580 Certes la Commission a preacuteciseacute qursquoune telle conclusion ne pouvait ecirctre opeacutereacutee lorsque les entreprises comparables sur la base desquelles cet intervalle avait eacuteteacute calculeacute nrsquoavaient pas eacuteteacute correctement seacutelectionneacutees

581 Toutefois dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas remis en cause lrsquointervalle de pleine concurrence ni le choix des entreprises comparables sur la base duquel a eacuteteacute calculeacute cet intervalle

582 En effet au consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a reprocheacute aux autoriteacutes luxembourgeoises drsquoavoir accepteacute que le revenu imposable de LuxOpCo soit deacutetermineacute par lrsquoapplication du plafond laquo au lieu de srsquoeacutetablir agrave [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation raquo Force est donc de constater que dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission ne remet pas en cause le taux de rendement sur le fondement duquel celui-ci est appliqueacute mais seulement le plafond en tant que tel

583 De plus drsquoune part il ne ressort pas des consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission ait contesteacute lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 lequel se situe entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation En effet si la Commission a releveacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont fait valoir lors de la proceacutedure administrative que le revenu imposable de LuxOpCo nrsquoeacutetait jamais sorti de lrsquointervalle de pleine concurrence elle nrsquoa pas contesteacute lrsquointervalle en tant que tel mais srsquoest borneacutee agrave affirmer que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave celle identifieacutee dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi que constateacute au point 574 ci-dessus le deuxiegraveme et le troisiegraveme constat subsidiaire sont autonomes et indeacutependants

584 Drsquoautre part dans les consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas non plus remis en cause le choix des entreprises comparables utiliseacutees dans le calcul de lrsquointervalle de pleine concurrence Le consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee dans lequel la Commission a eacutevoqueacute une erreur dans le choix des entreprises comparables relegraveve du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi qursquoexposeacute au point 574 ci-dessus le troisiegraveme constat subsidiaire eacutetait autonome et indeacutependant des autres constats

585 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de retenir que aussi inapproprieacute que le meacutecanisme de plafond puisse ecirctre et bien qursquoil ne soit pas preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que ce meacutecanisme avait eu une incidence sur le caractegravere de pleine concurrence de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS

586 En conseacutequence le seul constat selon lequel le plafond a eacuteteacute appliqueacute pour les anneacutees 2006 2007 2011 2012 et 2013 ne suffit pas agrave eacutetablir que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue pour ces anneacutees ne correspondait pas agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

587 De fait la Commission a releveacute tout au plus une erreur meacutethodologique dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo sans ecirctre parvenue agrave deacutemontrer que cette erreur avait eu pour incidence de diminuer artificiellement la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans des proportions telles que ce niveau de reacutemuneacuteration nrsquoaurait pu ecirctre observeacute dans des conditions de marcheacute

588 Dans ces circonstances il convient de constater que par le troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo

589 Partant il convient drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le troisiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

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590 Il deacutecoule donc de tout ce qui preacutecegravede que par aucun des constats exposeacutes dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoest parvenue agrave deacutemontrer agrave suffisance de droit lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Degraves lors il y a lieu drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee dans son ensemble sans qursquoil soit besoin drsquoexaminer les autres moyens et arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et par Amazon

Sur les deacutepens

591 Aux termes de lrsquoarticle 134 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure toute partie qui succombe est condamneacutee aux deacutepens srsquoil est conclu en ce sens La Commission ayant succombeacute il convient de la condamner agrave supporter ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon conformeacutement aux conclusions de ces derniers

592 Conformeacutement agrave lrsquoarticle 138 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure lrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

deacuteclare et arrecircte

1) Les affaires T-81617 et T-31818 sont jointes aux fins du preacutesent arrecirct

2) La deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon est annuleacutee

3) La Commission europeacuteenne supportera ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoAmazoncom Inc et drsquoAmazon EU Sagraverl

4) LrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Van der Woude Tomljenović Marcoulli

Ainsi prononceacute en audience publique agrave Luxembourg le 12 mai 2021

Le greffier Le preacutesident E Coulon M van der Woude

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Table des matiegraveres

I Anteacuteceacutedents du litige 2

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause 3

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission 4

C Sur la deacutecision attaqueacutee 5

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique 5

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon 5

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause 6

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable 7

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert 8

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause 8

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage 9

1) Sur le constat principal de lrsquoavantage 10

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage 11

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure 12

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide 12

II Proceacutedure et conclusions des parties 12

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617 12

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 12

2 Sur lrsquointervention 13

3 Sur les demandes de traitement confidentiel 13

4 Sur les conclusions des parties 13

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818 14

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 14

2 Sur les demandes de traitement confidentiel 14

3 Sur les conclusions des parties 14

C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure 15

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III En droit 15

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance 15

B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes 16

1 Observations preacuteliminaires 17

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales 17

b) Sur la charge de la preuve 19

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal 19

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage 20

a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage 21

b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage 22

1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN 23

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee 24

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester 25

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS 27

ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS 36

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester 37

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester 39

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC) 39

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien) 43

3) Conclusion sur le constat principal 45

3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage 46

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires 47

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 48

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo 49

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 51

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee) 53

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) 54

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie 56

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) 61

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 62

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 64

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee) 65

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee) 66

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 67

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse

attaqueacutee) 68

attaqueacutee 68

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo 70

2) Sur le choix de la meacutethode 71

des contributions) 73

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 77

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 81

Sur les deacutepens 84

ECLIEUT2021252 87

  • Arrecirct du Tribunal (septiegraveme chambre eacutelargie)
    • Arrecirct
    • I Anteacuteceacutedents du litige
      • A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause
      • B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission
      • C Sur la deacutecision attaqueacutee
        • 1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique
          • a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon
          • b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause
          • c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable
          • d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert
            • 2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause
              • a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage
                • 1) Sur le constat principal de lrsquoavantage
                • 2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage
                  • b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure
                  • c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide
                    • II Proceacutedure et conclusions des parties
                      • A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑81617
                        • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                        • 2 Sur lrsquointervention
                        • 3 Sur les demandes de traitement confidentiel
                        • 4 Sur les conclusions des parties
                          • B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑31818
                            • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                            • 2 Sur les demandes de traitement confidentiel
                            • 3 Sur les conclusions des parties
                              • C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure
                                • III En droit
                                  • A Sur la jonction des affaires T‑81617 et T‑31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance
                                  • B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes
                                    • 1 Observations preacuteliminaires
                                      • a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales
                                      • b) Sur la charge de la preuve
                                      • c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal
                                        • 2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage
                                          • a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage
                                          • b) Sur le bien‑fondeacute des moyens et arguments du Grand‑Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage
                                            • 1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN
                                            • 2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee
                                              • i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester
                                                • ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS
                                                • ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS
                                                • ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester
                                                  • ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester
                                                    • ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)
                                                    • ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)
                                                        • 3) Conclusion sur le constat principal
                                                            • 3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                              • a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires
                                                              • b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                • 1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo
                                                                  • i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie
                                                                    • ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                      • ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                        • ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                          • v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo
                                                                            • 2) Sur le choix de la meacutethode
                                                                            • 3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)
                                                                              • c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                              • d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                                • Sur les deacutepens

ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

C Sur la deacutecision attaqueacutee

16 Le 4 octobre 2017 la Commission a adopteacute la deacutecision (UE) 2018859 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon (JO 2018 L 153 p 1 ci-apregraves la laquo deacutecision attaqueacutee raquo)

17 Lrsquoarticle 1er de cette deacutecision se lit en partie comme suit

18 laquo La [DFA en cause] par laquelle le Grand-Ducheacute de Luxembourg a avaliseacute une meacutethode de fixation des prix de transfert [hellip] permettant agrave [LuxOpCo] de deacuteterminer sa dette drsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes au Luxembourg de 2006 agrave 2014 drsquoune part et lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes fondeacutee sur ladite deacutecision drsquoautre part constituent une aide drsquoEacutetat [hellip] raquo

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique

19 Dans la section 2 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Contexte factuel et juridique raquo la Commission a opeacutereacute notamment une preacutesentation du groupe Amazon de la DFA en cause ainsi que du cadre juridique national applicable et des orientations sur les prix de transfert

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon

20 Srsquoagissant de la preacutesentation du groupe Amazon la Commission a deacutecrit les activiteacutes du groupe Amazon de vente au deacutetail et de services ainsi que la composition dudit groupe dans la mesure ougrave cela eacutetait pertinent pour la deacutecision attaqueacutee

21 Pour la peacuteriode consideacutereacutee la structure europeacuteenne du groupe Amazon a eacuteteacute scheacutematiseacutee par la Commission comme suit

22 Premiegraverement srsquoagissant de LuxSCS la Commission a releveacute que cette socieacuteteacute nrsquoavait aucune preacutesence physique ni aucun salarieacute au Luxembourg Selon la Commission au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxSCS intervenait uniquement en tant que socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe dont LuxOpCo eacutetait responsable en qualiteacute drsquoopeacuterateur principal Elle a indiqueacute toutefois que LuxSCS avait consenti eacutegalement des precircts intragroupes agrave plusieurs entiteacutes du groupe Amazon La Commission a preacuteciseacute en outre que LuxSCS eacutetait partie agrave plusieurs accords intragroupe conclus avec ATI A 9 et LuxOpCo (voir points 3 et 5 ci-dessus)

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

23 Deuxiegravemement srsquoagissant de LuxOpCo la Commission a mis un accent particulier sur le fait que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo eacutetait une filiale agrave part entiegravere de LuxSCS

24 Selon la Commission agrave compter de la restructuration de 2006 des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon LuxOpCo remplissait les fonctions de siegravege social du groupe Amazon en Europe et eacutetait lrsquoopeacuterateur principal des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne et de services du groupe Amazon en Europe reacutealiseacutees par le canal des sites Internet europeacuteens La Commission a indiqueacute que en cette qualiteacute LuxOpCo avait ducirc geacuterer la prise de deacutecisions relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services meneacutees par lrsquointermeacutediaire des sites Internet europeacuteens ainsi que les principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail En outre en sa qualiteacute de vendeur officiel des stocks du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait eacuteteacute eacutegalement responsable de la gestion des stocks sur les sites Internet europeacuteens Elle aurait eacuteteacute proprieacutetaire desdits stocks et en aurait assumeacute les risques et les pertes La Commission a preacuteciseacute par ailleurs que LuxOpCo avait enregistreacute dans ses comptes le chiffre drsquoaffaires geacuteneacutereacute aussi bien par les ventes de produits que par le traitement de commandes Enfin LuxOpCo aurait eacutegalement exerceacute des fonctions de gestion de la treacutesorerie des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

25 Ensuite la Commission a indiqueacute que LuxOpCo avait deacutetenu des participations dans Amazon Services Europe (ci-apregraves laquo ASE raquo) et Amazon Media Europe (ci-apregraves laquo AMEU raquo) deux entiteacutes du groupe Amazon reacutesidentes au Luxembourg ainsi que dans les filiales drsquoAmazoncom constitueacutees au Royaume-Uni en France et en Allemagne (ci-apregraves les laquo socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes raquo) qui auraient fourni divers services intragroupe agrave lrsquoappui des activiteacutes de LuxOpCo Durant la peacuteriode consideacutereacutee ASE aurait geacutereacute le service du groupe Amazon pour les vendeurs tiers dans lrsquoUnion deacutenommeacute laquo MarketPlace raquo AMEU aurait geacutereacute quant agrave elle les laquo activiteacutes numeacuteriques raquo du groupe Amazon dans lrsquoUnion telles que par exemple la vente de MP3 et de livres numeacuteriques Les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient fourni quant agrave elles des services pour lrsquoexploitation des sites Internet europeacuteens

26 De plus la Commission a releveacute que pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo constituait avec ASE et AMEU lesquelles eacutetaient reacutesidentes au Luxembourg un groupe fiscal au regard du droit fiscal luxembourgeois au sein duquel LuxOpCo jouait le rocircle de socieacuteteacute inteacutegrante Ces trois entiteacutes auraient donc constitueacute un seul et mecircme contribuable

27 Enfin outre lrsquoaccord de licence conclu par LuxOpCo avec LuxSCS la Commission a deacutecrit de maniegravere deacutetailleacutee certains autres accords intragroupe auxquels LuxOpCo eacutetait partie pendant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir certains accords de prestation de services conclus le 1er mai 2006 avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et des accords de licence sur la proprieacuteteacute intellectuelle conclus le 30 avril 2006 avec ASE et AMEU en vertu desquels des sous-licences non exclusives sur les actifs incorporels auraient eacuteteacute accordeacutees agrave ces deux entiteacutes

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause

28 Apregraves avoir examineacute la structure du groupe Amazon la Commission a deacutecrit la DFA en cause

29 Agrave cet eacutegard premiegraverement elle a fait eacutetat des lettres des 23 et 31 octobre 2003 mentionneacutees aux points 8 agrave 10 ci-dessus

30 Deuxiegravemement la Commission a expliqueacute le contenu du rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base duquel a eacuteteacute proposeacutee la meacutethode de deacutetermination du montant de la redevance

31 Tout drsquoabord la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 fournissait une analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo aux termes de laquelle il eacutetait indiqueacute que les activiteacutes principales de LuxSCS se seraient limiteacutees agrave celles drsquoune socieacuteteacute deacutetenant des actifs incorporels et drsquoun participant au deacuteveloppement constant des actifs incorporels dans le cadre de lrsquoARC LuxOpCo aurait

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ARREcircT DU 12 5 2021 ndash AFFAIRES T-81617 ET T-31818 LUXEMBOURG ET AMAZON COMMISSION

eacuteteacute deacutecrite dans ce rapport comme geacuterant la prise de deacutecisions strateacutegiques relatives aux activiteacutes de vente au deacutetail et de services des sites Internet europeacuteens ainsi que des principales composantes physiques des activiteacutes de vente au deacutetail

32 Ensuite la Commission a indiqueacute que le rapport sur les prix de transfert de 2003 comportait une section relative agrave la seacutelection de la meacutethode de fixation des prix de transfert la plus approprieacutee pour deacuteterminer la conformiteacute du taux de redevance avec le principe de pleine concurrence Deux meacutethodes auraient eacuteteacute examineacutees dans le rapport lrsquoune fondeacutee sur la meacutethode du prix comparable sur le marcheacute libre (ci-apregraves la laquo meacutethode CUP raquo) et lrsquoautre sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels

33 Drsquoune part en application de la meacutethode CUP un intervalle de pleine concurrence pour le taux de redevance de 106 agrave 136 aurait eacuteteacute calculeacute dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur la base drsquoune comparaison avec un certain accord conclu par Amazoncom avec un deacutetaillant des Eacutetats-Unis agrave savoir lrsquoaccord [confidentiel]

34 Drsquoautre part en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels le rapport sur le prix de transfert de 2003 aurait contenu une estimation du rendement associeacute aux laquo fonctions courantes de LuxOpCo dans son rocircle de socieacuteteacute drsquoexploitation europeacuteenne raquo sur la base de la marge sur les coucircts supporteacutes par LuxOpCo Pour ce faire il aurait eacuteteacute consideacutereacute que la laquo marge nette sur coucircts raquo (net cost plus mark up) aurait eacuteteacute lrsquoindicateur de beacuteneacutefice permettant de deacuteterminer la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions preacutevues de LuxOpCo Il aurait eacuteteacute proposeacute drsquoappliquer une marge de [confidentiel] sur les charges drsquoexploitation corrigeacutees de LuxOpCo La Commission a fait observer que selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 la diffeacuterence entre ce rendement et le reacutesultat drsquoexploitation de LuxOpCo aurait correspondu au beacuteneacutefice reacutesiduel qui aurait eacuteteacute entiegraverement imputable agrave lrsquoutilisation des actifs incorporels donneacutes en licence par LuxSCS La Commission a eacutegalement preacuteciseacute que sur la base de ce calcul les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient conclu qursquoun taux de redevance compris entre 101 et 123 du chiffre drsquoaffaires net de LuxOpCo aurait satisfait au critegravere de pleine concurrence conformeacutement aux lignes directrices de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de deacuteveloppement eacuteconomique (OCDE)

35 Enfin la Commission a indiqueacute que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 avaient consideacutereacute que les reacutesultats eacutetaient convergents et avaient mentionneacute le fait que lrsquointervalle de pleine concurrence pour le taux de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS allait de 101 agrave 123 des ventes de LuxOpCo Les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient toutefois consideacutereacute que lrsquoanalyse du partage des beacuteneacutefices reacutesiduels aurait eacuteteacute davantage fiable et qursquoil convenait donc de la retenir

36 Troisiegravemement dans une section 225 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Conseacutequences de la DFA en cause raquo la Commission a indiqueacute que par la DFA en cause lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise avait confirmeacute que la meacutethode de deacutetermination du taux de la redevance qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Elle a ajouteacute que pour remplir ses deacuteclarations fiscales annuelles LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable

37 Srsquoagissant du cadre juridique national applicable la Commission a citeacute lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Selon cette disposition laquo les distributions cacheacutees de beacuteneacutefices [eacutetaie]nt agrave comprendre dans le revenu imposable raquo et laquo il y a[vait] distribution cacheacutee de beacuteneacutefices notamment si un associeacute socieacutetaire ou inteacuteresseacute re[cevai]t directement ou indirectement des avantages drsquoune socieacuteteacute ou drsquoune association dont normalement il nrsquoaurait pas beacuteneacuteficieacute srsquoil nrsquoavait pas eu cette qualiteacute raquo Dans ce

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contexte la Commission a exposeacute notamment que pendant la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR aurait eacuteteacute interpreacuteteacute par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise en ce sens qursquoil consacrait le laquo principe de pleine concurrence raquo en droit fiscal luxembourgeois

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert

38 Aux consideacuterants 244 agrave 249 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacutesenteacute le cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert Selon elle les laquo prix de transfert raquo tels que compris par lrsquoOCDE dans des lignes directrices publieacutees par cette organisation en 1995 en 2010 et en 2017 sont les prix auxquels une entreprise transfegravere des biens corporels actifs incorporels ou rend des services agrave des entreprises associeacutees En vertu du principe de pleine concurrence tel qursquoappliqueacute aux fins de lrsquoimposition des socieacuteteacutes les administrations fiscales nationales ne devraient accepter les prix de transfert convenus entre les entreprises associeacutees au sein drsquoun groupe pour leurs transactions intragroupe que srsquoils correspondent agrave ce qui aurait eacuteteacute convenu dans le cadre de transactions sur le marcheacute libre crsquoest-agrave-dire des transactions entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des circonstances comparables sur le marcheacute En outre la Commission a preacuteciseacute que le principe de pleine concurrence reposait sur lrsquoapproche de lrsquoentiteacute distincte selon laquelle agrave des fins fiscales les membres drsquoun groupe drsquoentreprises eacutetaient traiteacutes comme des entiteacutes distinctes

39 La Commission a eacutegalement releveacute que pour eacutetablir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions intragroupe les lignes directrices de lrsquoOCDE (dans leurs versions de 1995 de 2010 et de 2017) eacutenumeacuteraient cinq meacutethodes Seules trois drsquoentre elles auraient eacuteteacute pertinentes dans le cadre de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la meacutethode CUP la meacutethode transactionnelle de la marge nette (ci-apregraves la laquo MTMN raquo) et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Aux consideacuterants 250 agrave 256 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a deacutecrit en quoi ces meacutethodes consistaient

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause

40 Au consideacuterant 154 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que la DFA en cause confirmait que la meacutethode de fixation des prix de transfert aux fins de la deacutetermination du taux de la redevance annuelle que LuxOpCo devait verser agrave LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence qui lui-mecircme avait deacutetermineacute le revenu annuel imposable de LuxOpCo au Luxembourg eacutetait conforme au principe de pleine concurrence Au consideacuterant 155 de la deacutecision attaqueacutee elle a eacutegalement indiqueacute que LuxOpCo srsquoeacutetait fondeacutee sur la DFA en cause au cours de la peacuteriode consideacutereacutee afin de deacuteterminer le montant annuel ducirc au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes lorsqursquoelle avait rempli ses deacuteclarations fiscales annuelles au Luxembourg Ainsi qursquoil reacutesulte de maniegravere explicite de lrsquoarticle 1er

de la deacutecision attaqueacutee et malgreacute une certaine impreacutecision figurant aux consideacuterants 605 et 606 de cette deacutecision selon la Commission lrsquoaide drsquoEacutetat consistait donc en lrsquoespegravece dans la DFA en cause lue en lien avec lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo (par opposition agrave la DFA en cause en tant que telle)

41 La section 9 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Appreacuteciation de la mesure contesteacutee raquo eacutetait destineacutee agrave deacutemontrer que la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation des deacuteclarations fiscales annuelles de LuxOpCo prises ensemble constituaient effectivement une aide drsquoEacutetat

42 Pour ce faire apregraves avoir rappeleacute les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat preacutevues agrave lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a releveacute que la premiegravere condition de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat selon laquelle il devait srsquoagir drsquoune intervention de lrsquoEacutetat ou de ressources drsquoEacutetat eacutetait remplie en lrsquoespegravece Agrave cet eacutegard elle a releveacute drsquoune part que la DFA en cause eacutetait imputable au Grand-Ducheacute de Luxembourg Drsquoautre part elle a consideacutereacute que la DFA en cause aurait entraicircneacute une reacuteduction de lrsquoimpocirct ducirc par LuxOpCo au Luxembourg par rapport agrave ce que devaient payer des

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socieacuteteacutes contribuables se trouvant dans une situation similaire La DFA en cause aurait donneacute donc lieu agrave une perte de ressources drsquoEacutetat degraves lors qursquoelle avait ameneacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave renoncer agrave une recette fiscale qursquoil aurait autrement eacuteteacute en droit de percevoir aupregraves de LuxOpCo

43 Srsquoagissant des deuxiegraveme et quatriegraveme conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a estimeacute drsquoune part que la DFA en cause devait ecirctre consideacutereacutee comme affectant les eacutechanges au sein de lrsquoUnion degraves lors que LuxOpCo avait fait partie du groupe Amazon exerccedilant ses activiteacutes dans plusieurs Eacutetats membres et qursquoelle exploitait des activiteacutes de vente au deacutetail par le canal des sites Internet de lrsquoUnion La Commission a ajouteacute que en accordant un laquo traitement fiscal favorable agrave Amazon raquo le Grand-Ducheacute de Luxembourg avait potentiellement deacutetourneacute des investissements drsquoEacutetats membres qui nrsquooffraient pas un traitement fiscal aussi favorable agrave des socieacuteteacutes appartenant agrave un groupe multinational Drsquoautre part la Commission a indiqueacute que dans la mesure ougrave la DFA en cause avait exoneacutereacute LuxOpCo de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle aurait normalement eacuteteacute tenue de payer cette deacutecision constituait une aide au fonctionnement Ainsi la DFA en cause en libeacuterant des ressources financiegraveres pour LuxOpCo que cette derniegravere aurait pu utiliser pour investir dans ses activiteacutes commerciales aurait fausseacute la concurrence sur le marcheacute

44 Srsquoagissant de la troisiegraveme condition drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat la Commission a exposeacute que lorsqursquoune DFA avalisait un reacutesultat qui ne refleacutetait pas de maniegravere fiable le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en appliquant normalement le reacutegime de droit commun sans justification une telle deacutecision procurait un avantage seacutelectif agrave son destinataire dans la mesure ougrave ce traitement seacutelectif entraicircnait une diminution de lrsquoimpocirct ducirc par le contribuable par comparaison avec les entreprises se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire La Commission a eacutegalement consideacutereacute que en lrsquoespegravece la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage seacutelectif agrave LuxOpCo en reacuteduisant lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes qursquoelle devait payer au Luxembourg

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage

45 Dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Avantage raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la DFA en cause confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

46 Agrave titre liminaire la Commission a rappeleacute que srsquoagissant de mesures fiscales un avantage au sens de lrsquoarticle 107 TFUE pouvait ecirctre procureacute agrave un contribuable du fait drsquoune reacuteduction de sa base imposable ou du montant de lrsquoimpocirct ducirc par celui-ci Elle a rappeleacute au consideacuterant 402 de la deacutecision attaqueacutee que selon la jurisprudence de la Cour pour examiner si la deacutetermination de revenus imposables procurait un avantage au beacuteneacuteficiaire il y avait lieu de comparer ledit reacutegime agrave celui de droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence En conseacutequence selon la Commission une laquo [deacutecision fiscale anticipative] permettant agrave un contribuable drsquoutiliser dans des transactions intragroupe des prix de transfert qui ne refl[eacutetai]ent pas les prix [qui auraient eacuteteacute] pratiqueacutes dans des conditions de libre concurrence entre des entreprises indeacutependantes neacutegociant dans des conditions comparables selon le principe de pleine concurrence procur[ait] un avantage agrave ce contribuable en ce qursquoelle deacutebouch[ait] sur une reacuteduction de ses revenus imposables et partant de sa base imposable dans le cadre du systegraveme commun de lrsquoimpocirct sur les socieacuteteacutes raquo

47 Au regard de ces appreacuteciations la Commission a conclu au consideacuterant 406 de la deacutecision attaqueacutee que pour eacutetablir que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo elle devait deacutemontrer que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause produisait un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute ce qui avait eu pour effet de reacuteduire la base imposable de LuxOpCo aux fins du calcul de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes Selon la Commission la DFA en cause avait produit un tel reacutesultat

48 Cette conclusion repose sur un constat principal et trois constats subsidiaires

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1) Sur le constat principal de lrsquoavantage

49 Dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Premier constat de lrsquoexistence de lrsquoavantage eacuteconomique raquo la Commission a estimeacute que en approuvant une meacutethode de fixation des prix de transfert qui attribuait une reacutemuneacuteration agrave LuxOpCo uniquement pour des fonctions dites laquo courantes raquo et qui attribuait la totaliteacute du beacuteneacutefice geacuteneacutereacute par LuxOpCo au-delagrave de cette reacutemuneacuteration agrave LuxSCS sous la forme drsquoune redevance la DFA avait produit un reacutesultat qui srsquoeacutecartait drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

50 En substance par son constat principal la Commission a consideacutereacute que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS retenue par les auteurs du rapport de prix de transfert de 2003 et en fin de compte par lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise eacutetait erroneacutee et ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Au contraire lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc conclure que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels pour lesquels elle ne deacutetenait que le titre de proprieacuteteacute leacutegale

51 Aux fins de sa deacutemonstration la Commission a examineacute les fonctions exerceacutees les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxSCS et par LuxOpCo

52 Ensuite ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 519 de la deacutecision attaqueacutee sur la base de son analyse fonctionnelle de LuxOpCo et de LuxSCS la Commission a examineacute le choix de la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee en lrsquoespegravece

53 Srsquoagissant de la meacutethode CUP la Commission a estimeacute aux termes drsquoune analyse fondeacutee sur cinq critegraveres de comparabiliteacute qui auraient eacuteteacute eacutenonceacutes dans les lignes directrices de lrsquoOCDE que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeacutenonceacutee dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 avait donneacute lieu agrave un reacutesultat exageacutereacute qui avait exposeacute LuxOpCo au risque de subir des pertes

54 Selon la Commission en lrsquoespegravece crsquoest la MTMN qui aurait eacuteteacute la meacutethode de prix de transfert la plus approprieacutee pour eacutevaluer la redevance due par LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence Elle a consideacutereacute que la partie exerccedilant des fonctions uniques et de valeur eacutetait LuxOpCo et non LuxSCS En conseacutequence la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN aurait ducirc ecirctre LuxSCS et non LuxOpCo

55 Enfin dans la section 9214 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre application de la MTMN en lrsquoespegravece

56 Selon elle crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester Lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazoncom selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait une laquo contribution unique raquo pour laquelle LuxSCS aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration composeacutee de pratiquement tous les beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales de LuxOpCo Agrave cet eacutegard la Commission a notamment renvoyeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxSCS et de LuxOpCo (section 921 de la deacutecision attaqueacutee)

57 Srsquoagissant du choix de lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice la Commission a estimeacute que LuxSCS nrsquoenregistrant aucune vente et nrsquoassumant aucun risque lieacute aux actifs incorporels lrsquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice pertinent aurait ducirc ecirctre une marge sur les coucircts totaux consideacutereacutes (consideacuterant 550 de la deacutecision attaqueacutee)

58 En ce qui concerne la base de coucircts agrave laquelle une marge devait ecirctre appliqueacutee en lrsquoespegravece la Commission a consideacutereacute en substance que LuxSCS nrsquoaurait exerceacute qursquoune fonction drsquointermeacutediaire en transmettant agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC et en transfeacuterant une partie des redevances (la redevance de licence) reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts (consideacuterant 551 de la deacutecision attaqueacutee)

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59 Compte tenu de ces appreacuteciations au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc avoir deux composantes La premiegravere composante aurait ducirc selon la Commission correspondre agrave la refacturation agrave LuxOpCo des coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC auxquels aucune marge nrsquoaurait ducirc ecirctre appliqueacutee La deuxiegraveme composante aurait ducirc consister selon la Commission en une marge sur une base de coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels dans la mesure ougrave ces coucircts repreacutesentaient en reacutealiteacute des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration aurait garanti selon la Commission un reacutesultat dans des conditions de pleine concurrence car il aurait refleacuteteacute correctement les contributions de LuxSCS agrave lrsquoaccord de licence

60 Srsquoagissant de la deacutetermination de la marge approprieacutee la Commission a releveacute que si un tel exercice exigeait normalement une analyse de comparabiliteacute il nrsquoaurait pas eacuteteacute possible en lrsquoespegravece drsquoeffectuer une analyse fiable

61 En lieu et place drsquoune analyse de comparabiliteacute la Commission a estimeacute qursquoelle pouvait se fonder sur les conclusions du rapport de 2010 du forum conjoint sur les prix de transfert (ci-apregraves le laquo rapport FCPT raquo) Le forum conjoint sur les prix de transfert est un groupe drsquoexperts constitueacute par la Commission en 2002 et destineacute agrave lrsquoassister sur des questions lieacutees aux prix de transfert Selon ledit rapport une marge pour les laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo comprise entre 3 et 10 aurait eacuteteacute observeacutee par les administrations fiscales des Eacutetats membres participant au forum conjoint sur les prix de transfert La marge la plus souvent observeacutee en pratique aurait eacuteteacute de 5 sur les coucircts des laquo prestations de tels services raquo En conseacutequence la Commission a estimeacute utile drsquoappliquer une telle marge aux coucircts externes supporteacutes par LuxSCS pour la conservation de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels

62 En conclusion de son premier constat de lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission a indiqueacute que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS en vertu de lrsquoaccord de licence aurait ducirc ecirctre eacutegale agrave la somme des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par cette socieacuteteacute sans marge majoreacutee de tous les coucircts pertinents supporteacutes directement par LuxSCS auxquels une marge de 5 devait ecirctre appliqueacutee dans la mesure ougrave ces coucircts correspondaient agrave des fonctions reacuteellement exerceacutees au nom de LuxSCS Ce niveau de reacutemuneacuteration correspondait agrave ce qursquoune partie indeacutependante dans une situation similaire agrave LuxOpCo aurait eacuteteacute disposeacutee agrave payer pour les droits et obligations assumeacutes en vertu de lrsquoaccord de licence En outre selon la Commission ce niveau de reacutemuneacuteration aurait eacuteteacute suffisant pour permettre agrave LuxSCS de couvrir ses obligations de paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC (consideacuterants 559 et 560 de la deacutecision attaqueacutee)

63 Or selon la Commission dans la mesure ougrave le niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS calculeacute par la Commission aurait eacuteteacute infeacuterieur au niveau de reacutemuneacuteration de LuxSCS reacutesultant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause ladite deacutecision aurait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo sous la forme drsquoune reacuteduction de sa base imposable aux fins de lrsquoimpocirct luxembourgeois sur le revenu des socieacuteteacutes par rapport au chiffre drsquoaffaires des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable correspondait agrave des prix neacutegocieacutes selon le principe de pleine concurrence (consideacuterant 561 de la deacutecision attaqueacutee)

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage

64 Dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Constatation subsidiaire de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique raquo la Commission a exposeacute sa constatation subsidiaire de lrsquoavantage selon laquelle agrave supposer mecircme que lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise ait eu raison drsquoaccepter lrsquoanalyse des fonctions de LuxSCS effectueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la meacutethode de fixation des prix de transfert approuveacutee par la DFA en cause aurait eacuteteacute en tout eacutetat de

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cause fondeacutee sur des choix meacutethodologiques inapproprieacutes qui auraient produit un reacutesultat srsquoeacutecartant drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute Elle a preacuteciseacute que son raisonnement suivi dans la section 922 de la deacutecision attaqueacutee ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence exacte pour LuxOpCo mais qursquoil visait davantage agrave deacutemontrer que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique eacutetant donneacute que la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacute reposait sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes qui auraient conduit agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport aux entreprises dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait des prix neacutegocieacutes sur le marcheacute dans des conditions de pleine concurrence

65 Dans ce cadre la Commission a opeacutereacute trois constats subsidiaires distincts

66 Dans le cadre de son premier constat subsidiaire la Commission a affirmeacute que LuxOpCo avait eacuteteacute agrave tort consideacutereacutee comme exerccedilant uniquement des fonctions de gestion laquo courantes raquo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

67 Dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission a retenu que le choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur des beacuteneacutefices eacutetait erroneacute

68 Dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage la Commission a consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun plafond de 055 du chiffre drsquoaffaires reacutealiseacute dans lrsquoUnion nrsquoeacutetait pas approprieacutee

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure

69 Dans la section 93 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Seacutelectiviteacute raquo la Commission a exposeacute les motifs pour lesquels elle avait consideacutereacute que la mesure en cause eacutetait seacutelective

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide

70 Dans la section 95 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide raquo la Commission a constateacute que tout traitement fiscal favorable accordeacute agrave LuxOpCo avait eacutegalement profiteacute au groupe Amazon tout entier en lui fournissant des ressources suppleacutementaires de sorte que le groupe devait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant une entiteacute unique beacuteneacuteficiaire de la mesure drsquoaide en cause

71 Dans la section 10 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Reacutecupeacuteration raquo la Commission a affirmeacute que la mesure drsquoaide ayant eacuteteacute octroyeacutee chaque anneacutee ougrave la deacuteclaration annuelle de lrsquoimpocirct de LuxOpCo avait eacuteteacute accepteacutee par les autoriteacutes fiscales le groupe Amazon ne pouvait se preacutevaloir des regravegles de prescription afin de srsquoopposer agrave la reacutecupeacuteration de lrsquoaide Aux consideacuterants 639 agrave 645 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute la meacutethode de reacutecupeacuteration

II Proceacutedure et conclusions des parties

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617

72 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 14 deacutecembre 2017 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a introduit le recours dans lrsquoaffaire T-81617

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

73 Par deacutecision du 12 avril 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-81617 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure du Tribunal

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74 Par acte deacuteposeacute au greffe le 11 mai 2018 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute que lrsquoaffaire T-81617 soit jugeacutee par la septiegraveme chambre du Tribunal dans sa formation de jugement eacutelargie

75 En application de lrsquoarticle 28 paragraphe 5 du regraveglement de proceacutedure lrsquoaffaire T-81617 a eacuteteacute renvoyeacutee devant la septiegraveme chambre eacutelargie

76 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 21 juin 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur lrsquointervention

77 Par acte deacuteposeacute au greffe du Tribunal le 16 avril 2018 lrsquoIrlande a demandeacute agrave intervenir dans lrsquoaffaire T-81617 au soutien des conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

78 Par ordonnance du 29 mai 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a fait droit agrave la demande en intervention de lrsquoIrlande

3 Sur les demandes de traitement confidentiel

79 Par acte deacuteposeacute le 14 mai 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande de certaines donneacutees mentionneacutees dans la requecircte dans certaines des annexes de cette derniegravere ainsi que dans le meacutemoire en deacutefense

80 Par acte deacuteposeacute le 6 juin 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la reacuteplique

81 Par acte deacuteposeacute le 13 septembre 2018 au greffe du Tribunal le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard de lrsquoIrlande drsquoune partie de la duplique

82 Agrave la suite de son admission en tant qursquointervenante lrsquoIrlande a reccedilu uniquement des versions non confidentielles des piegraveces de proceacutedure viseacutees par les demandes de traitement confidentiel du Grand-Ducheacute de Luxembourg formuleacutees agrave son eacutegard et nrsquoa souleveacute aucune objection agrave lrsquoencontre desdites demandes

4 Sur les conclusions des parties

83 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

ndash condamner la Commission aux deacutepens

84 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours comme non fondeacute

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ndash condamner le Grand-Ducheacute de Luxembourg aux deacutepens

85 LrsquoIrlande conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee en tout ou partie conformeacutement aux conclusions du Grand-Ducheacute de Luxembourg

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818

86 Par requecircte deacuteposeacutee au greffe du Tribunal le 22 mai 2018 Amazon EU Sagraverl et Amazoncom (ci-apregraves deacutenommeacutees ensemble laquo Amazon raquo) ont introduit le recours dans lrsquoaffaire T-31818

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

87 Par deacutecision du 9 juillet 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre du Tribunal a deacutecideacute drsquoaccorder agrave lrsquoaffaire T-31818 le traitement prioritaire en vertu de lrsquoarticle 67 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure

88 Sur proposition de la septiegraveme chambre du Tribunal le Tribunal a deacutecideacute le 11 juillet 2018 en application de lrsquoarticle 28 du regraveglement de proceacutedure de renvoyer lrsquoaffaire T-31818 devant une formation de jugement eacutelargie

89 Un membre de la septiegraveme chambre eacutelargie ayant eacuteteacute empecirccheacute de sieacuteger par deacutecision du 19 juillet 2018 le preacutesident du Tribunal a deacutesigneacute le vice-preacutesident du Tribunal pour compleacuteter la formation de jugement Agrave la suite de la nomination drsquoun membre de la formation de jugement le 6 octobre 2020 comme juge agrave la Cour le juge le moins ancien au sens de lrsquoarticle 8 du regraveglement de proceacutedure srsquoest abstenu de participer aux deacutelibeacuterations et le preacutesent arrecirct a eacuteteacute deacutelibeacutereacute par les trois juges dont il porte la signature conformeacutement agrave lrsquoarticle 22 dudit regraveglement

2 Sur les demandes de traitement confidentiel

90 Par acte deacuteposeacute au greffe le 12 juillet 2018 Amazon a demandeacute le traitement confidentiel agrave lrsquoeacutegard du public drsquoune partie de la requecircte ainsi que de certaines piegraveces annexeacutees agrave celle-ci

3 Sur les conclusions des parties

91 Amazon conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash annuler les articles 1er agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash agrave titre subsidiaire annuler les articles 2 agrave 4 de la deacutecision attaqueacutee

ndash condamner la Commission aux deacutepens

92 La Commission conclut agrave ce qursquoil plaise au Tribunal

ndash rejeter le recours

ndash condamner Amazon aux deacutepens dans lrsquoaffaire T-31818

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C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure

93 Par actes deacuteposeacutes au greffe du Tribunal les 7 aoucirct 2018 et 25 avril 2019 le Grand-Ducheacute de Luxembourg a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

94 Par actes deacuteposeacutes au greffe les 10 aoucirct 2018 et 21 mai 2019 Amazon a demandeacute la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure et de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

95 Par deacutecision du 14 septembre 2018 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de ne pas joindre agrave ce stade de la proceacutedure les affaires T-81617 et T-31818

96 Par ordonnance du 3 octobre 2019 le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutecideacute de joindre les affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la phase orale de la proceacutedure

97 Sur proposition de la juge rapporteure le Tribunal a deacutecideacute drsquoouvrir la phase orale de la proceacutedure et dans le cadre des mesures drsquoorganisation de la proceacutedure preacutevues agrave lrsquoarticle 89 du regraveglement de proceacutedure a demandeacute aux parties de reacutepondre agrave des questions eacutecrites Les parties ont reacutepondu agrave cette mesure drsquoorganisation de la proceacutedure dans le deacutelai imparti

98 Les parties ont eacuteteacute entendues en leurs plaidoiries et en leurs reacuteponses aux questions orales poseacutees par le Tribunal lors de lrsquoaudience des 5 et 6 mars 2020 En outre les parties ont eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience sur une jonction eacuteventuelle des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance ce dont le Tribunal a pris acte dans le procegraves-verbal de lrsquoaudience Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ainsi que lrsquoIrlande ont indiqueacute qursquoelles nrsquoavaient pas drsquoobjections agrave une telle jonction La Commission a preacuteciseacute qursquoelle nrsquoeacutetait pas favorable agrave une eacuteventuelle jonction des affaires aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

III En droit

99 Les recours introduits dans les affaires T-81617 et T-31818 tendent agrave lrsquoannulation de la deacutecision attaqueacutee en ce qursquoelle qualifie la DFA en cause ainsi que sa mise en œuvre annuelle drsquoaide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE et en ce qursquoelle ordonne la reacutecupeacuteration des sommes qui nrsquoauraient pas eacuteteacute collecteacutees par le Grand-Ducheacute de Luxembourg aupregraves de LuxOpCo au titre de lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance

100 En vertu de lrsquoarticle 19 paragraphe 2 du regraveglement de proceacutedure le preacutesident de la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal a deacutefeacutereacute la deacutecision sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance qui relevait de sa compeacutetence agrave la septiegraveme chambre eacutelargie du Tribunal

101 Les parties ayant eacuteteacute entendues lors de lrsquoaudience agrave lrsquoeacutegard drsquoune jonction eacuteventuelle il y a lieu de joindre aux fins de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance les affaires T-81617 et T-31818 pour cause de connexiteacute

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B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes

102 Agrave lrsquoappui de leurs recours le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent respectivement cinq et neuf moyens lesquels se recoupent en majeure partie Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande se prononce sur quatre des cinq moyens avanceacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En substance les moyens du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon peuvent ecirctre preacutesenteacutes de la maniegravere suivante

103 En premier lieu dans le cadre du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que des premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent en substance le constat principal de la Commission quant agrave lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

104 En deuxiegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats subsidiaires de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE

105 En troisiegraveme lieu dans le cadre du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et des sixiegraveme et septiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les constats principaux et subsidiaires de la Commission portant sur la seacutelectiviteacute de la DFA en cause

106 En quatriegraveme lieu dans le cadre du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que la Commission a violeacute la compeacutetence exclusive des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe

107 En cinquiegraveme lieu dans le cadre du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et dans le cadre du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a violeacute leurs droits de la deacutefense

108 En sixiegraveme lieu dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen ainsi que du premier grief de la deuxiegraveme branche du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du huitiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 telles qursquoutiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee soient pertinentes en lrsquoespegravece

109 En septiegraveme lieu dans le cadre du cinquiegraveme moyen invoqueacute au soutien des conclusions preacutesenteacutees agrave titre subsidiaire dans lrsquoaffaire T-81617 et du neuviegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question le bien-fondeacute du raisonnement de la Commission visant la reacutecupeacuteration de lrsquoaide ordonneacutee par cette institution

110 Dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande invoque premiegraverement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas eacutetabli lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo deuxiegravemement la violation de lrsquoarticle 107 TFUE en ce que la Commission nrsquoa pas prouveacute la seacutelectiviteacute de la mesure troisiegravemement la violation des articles 4 et 5 TUE en ce que la Commission a proceacutedeacute agrave une harmonisation fiscale deacuteguiseacutee et quatriegravemement la violation du principe de seacutecuriteacute juridique en ce que la deacutecision attaqueacutee ordonne la reacutecupeacuteration de lrsquoaide

111 Afin de reacutepondre de maniegravere utile aux moyens des parties principales ainsi qursquoaux arguments souleveacutes par lrsquoIrlande dans le cadre de son meacutemoire en intervention il y a lieu drsquoabord drsquoexposer certaines questions de droit qui sont drsquoapplication pour tous les griefs et moyens invoqueacutes par les parties (points 112 agrave 129 ci-apregraves)

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1 Observations preacuteliminaires

112 Selon une jurisprudence constante mecircme si la fiscaliteacute directe relegraveve en lrsquoeacutetat actuel du deacuteveloppement du droit de lrsquoUnion de la compeacutetence des Eacutetats membres ces derniers doivent neacuteanmoins exercer cette compeacutetence dans le respect du droit de lrsquoUnion (voir arrecirct du 12 juillet 2012 CommissionEspagne C-26909 EUC2012439 point 47 et jurisprudence citeacutee) Ainsi les interventions des Eacutetats membres en matiegravere de fiscaliteacute directe quand bien mecircme elles porteraient sur des questions qui nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune harmonisation dans lrsquoUnion ne sont pas exclues du champ drsquoapplication de la reacuteglementation relative au controcircle des aides drsquoEacutetat (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 142)

113 Il en deacutecoule que la Commission peut qualifier une mesure fiscale drsquoaide drsquoEacutetat pour autant que les conditions drsquoune telle qualification soient reacuteunies (voir en ce sens arrecircts du 2 juillet 1974 ItalieCommission 17373 EUC197471 point 28 et du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission C-18203 et C-21703 EUC2006416 point 81) En effet les Eacutetats membres doivent exercer leur compeacutetence en matiegravere fiscale en conformiteacute avec le droit de lrsquoUnion (arrecirct du 3 juin 2010 CommissionEspagne C-48708 EUC2010310 point 37) Par conseacutequent ils doivent srsquoabstenir de prendre dans ce contexte toute mesure susceptible de constituer une aide drsquoEacutetat incompatible avec le marcheacute inteacuterieur (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 143)

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales

114 Une mesure par laquelle les autoriteacutes publiques accordent agrave certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui bien que ne comportant pas un transfert de ressources drsquoEacutetat place les beacuteneacuteficiaires dans une situation financiegravere plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecirct du 15 mars 1994 Banco Exterior de Espantildea C-38792 EUC1994100 point 14 voir eacutegalement arrecircts du 8 septembre 2011 Paint Graphos ea C-7808 agrave C-8008 EUC2011550 point 46 et jurisprudence citeacutee et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 145 et jurisprudence citeacutee)

115 Dans le cas des mesures fiscales lrsquoexistence mecircme drsquoun avantage ne peut ecirctre eacutetablie que par rapport agrave une imposition dite laquo normale raquo (arrecirct du 6 septembre 2006 PortugalCommission C-8803 EUC2006511 point 56) Partant une telle mesure confegravere un avantage eacuteconomique agrave son beacuteneacuteficiaire degraves lors qursquoelle allegravege les charges qui normalement gregravevent le budget drsquoune entreprise et qui de ce fait sans ecirctre une subvention au sens strict du mot est de mecircme nature et a des effets identiques (arrecircts du 9 octobre 2014 Ministerio de Defensa et Navantia C-52213 EUC20142262 point 22 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 146)

116 En conseacutequence afin de deacuteterminer srsquoil existe un avantage fiscal il convient de comparer la situation du beacuteneacuteficiaire reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure en cause avec celle de celui-ci en lrsquoabsence de la mesure en cause (voir en ce sens arrecirct du 26 avril 2018 Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La ManchaCommission C-9117 P et C-9217 P non publieacute EUC2018284 point 114) et en application des regravegles normales drsquoimposition (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 147)

117 Dans le contexte de la deacutetermination de la situation fiscale drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee qui fait partie drsquoun groupe drsquoentreprises il y a lieu de relever drsquoembleacutee que les prix des transactions intragroupe effectueacutees par celle-ci nrsquoont pas eacuteteacute deacutetermineacutes dans des conditions de marcheacute En effet ces prix sont

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convenus entre socieacuteteacutes appartenant au mecircme groupe de sorte qursquoils ne sont pas soumis aux forces du marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 148)

118 Or lorsque le droit fiscal national nrsquoopegravere pas de distinction entre les entreprises inteacutegreacutees et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes ce droit entend imposer le beacuteneacutefice reacutesultant de lrsquoactiviteacute eacuteconomique drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee comme srsquoil reacutesultait de transactions effectueacutees agrave des prix de marcheacute Dans ces conditions il convient de constater que lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une telle entreprise inteacutegreacutee la Commission peut comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149)

119 Par ailleurs ces conclusions sont corroboreacutees par lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) qui concernait le droit fiscal belge lequel preacutevoyait que les socieacuteteacutes inteacutegreacutees et les socieacuteteacutes autonomes soient traiteacutees dans les mecircmes conditions En effet la Cour a reconnu au point 95 de cet arrecirct la neacutecessiteacute de comparer un reacutegime drsquoaides deacuterogatoire agrave celui de laquo droit commun fondeacute sur la diffeacuterence entre produits et charges pour une entreprise exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de libre concurrence raquo (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 150)

120 Dans ce cadre si par le biais de la mesure fiscale octroyeacutee agrave une socieacuteteacute inteacutegreacutee les autoriteacutes nationales ont accepteacute un certain niveau de prix drsquoune transaction intragroupe lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE permet agrave la Commission de controcircler si ce niveau de prix correspond agrave celui qui aurait eacuteteacute pratiqueacute dans des conditions de marcheacute afin de veacuterifier srsquoil en reacutesulte un alleacutegement des charges grevant normalement le budget de lrsquoentreprise en cause lui confeacuterant ainsi un avantage au sens dudit article

121 Il convient en outre de preacuteciser que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 152)

122 Mecircme si la Commission ne saurait ecirctre formellement lieacutee par les lignes directrices de lrsquoOCDE il nrsquoen demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux reacutealiseacutes par des groupes drsquoexperts qursquoelles reflegravetent le consensus atteint agrave lrsquoeacutechelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qursquoelles revecirctent de ce fait une importance pratique certaine dans lrsquointerpreacutetation des questions relatives aux prix de transfert (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 155)

123 Dans ce contexte il y a lieu de relever que si la Commission deacutetecte une erreur meacutethodologique dans la mesure fiscale soumise agrave lrsquoexamen il ne saurait ecirctre conclu que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques aboutit neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore faut-il que la Commission deacutemontre que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipative concerneacutee ne permettent pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles ont abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable par rapport agrave la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national agrave une entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable agrave celle de la socieacuteteacute concerneacutee et exerccedilant ses activiteacutes

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dans des conditions de marcheacute Ainsi le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 201)

124 En effet ainsi que lrsquoa releveacute en substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg selon une jurisprudence constante lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE deacutefinit une mesure drsquoallegravegement des charges pesant normalement sur une entreprise en fonction de ses effets (voir arrecirct du 22 deacutecembre 2008 British AggregatesCommission C-48706 P EUC2008757 point 85 et jurisprudence citeacutee) Lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat ne saurait ecirctre ni preacutesumeacutee ni deacuteduite drsquoune erreur de calcul sans incidence sur le reacutesultat

b) Sur la charge de la preuve

125 Il importe de rappeler que dans le cadre du controcircle des aides drsquoEacutetat il appartient en principe agrave la Commission de rapporter dans la deacutecision attaqueacutee la preuve de lrsquoexistence drsquoune telle aide (voir en ce sens arrecircts du 12 septembre 2007 Olympiaki Aeroporia YpiresiesCommission T-6803 EUT2007253 point 34 et du 25 juin 2015 SACE et Sace BTCommission T-30513 EUT2015435 point 95) Dans ce contexte la Commission est tenue de conduire la proceacutedure drsquoexamen des mesures en cause de maniegravere diligente et impartiale afin de disposer lors de lrsquoadoption drsquoune deacutecision finale eacutetablissant lrsquoexistence et le cas eacutecheacuteant lrsquoincompatibiliteacute ou lrsquoilleacutegaliteacute de lrsquoaide des eacuteleacutements les plus complets et fiables possibles (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 194 voir eacutegalement en ce sens arrecircts du 2 septembre 2010 CommissionScott C-29007 P EUC2010480 point 90 et du 3 avril 2014 FranceCommission C-55912 P EUC2014217 point 63)

126 Il en deacutecoule que dans la deacutecision attaqueacutee il incombait agrave la Commission de deacutemontrer que les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE eacutetaient reacuteunies Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que srsquoil est constant que lrsquoEacutetat membre dispose drsquoune marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapprobation des prix de transfert cette marge drsquoappreacuteciation ne saurait toutefois conduire agrave priver la Commission de sa compeacutetence pour controcircler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas agrave lrsquooctroi drsquoun avantage seacutelectif au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Dans ce contexte la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de veacuterifier si un prix de transfert avaliseacute par un Eacutetat membre correspond agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute et si lrsquoeacutecart eacuteventuellement constateacute dans le cadre de cet examen ne va pas au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 196)

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal

127 Srsquoagissant de lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal en lrsquoespegravece il convient de relever que ainsi qursquoil reacutesulte de lrsquoarticle 263 TFUE lrsquoobjet du recours en annulation est le controcircle de la leacutegaliteacute des actes adopteacutes par les institutions de lrsquoUnion qui y sont eacutenumeacutereacutees Degraves lors lrsquoanalyse des moyens souleveacutes dans le cadre drsquoun tel recours nrsquoa ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complegravete de lrsquoaffaire dans le cadre drsquoune proceacutedure administrative (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 197 voir eacutegalement en ce sens arrecirct du 2 septembre 2010 CommissionDeutsche Post C-39908 P EUC2010481 point 84)

128 Srsquoagissant du domaine des aides drsquoEacutetat il y a lieu de rappeler que la notion drsquoaide drsquoEacutetat telle qursquoelle est deacutefinie dans le traiteacute FUE preacutesente un caractegravere juridique et doit ecirctre interpreacuteteacutee sur la base drsquoeacuteleacutements objectifs Pour cette raison le juge de lrsquoUnion doit en principe et compte tenu tant des eacuteleacutements concrets du litige qui lui est soumis que du caractegravere technique ou complexe des appreacuteciations porteacutees par la Commission exercer un entier controcircle en ce qui concerne la question de savoir si une

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mesure entre dans le champ drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE (arrecircts du 4 septembre 2014 SNCM et FranceCorsica Ferries France C-53312 P et C-53612 P EUC20142142 point 15 du 30 novembre 2016 CommissionFrance et Orange C-48615 P EUC2016912 point 87 et du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 198)

129 Quant agrave la question de savoir si une meacutethode de deacutetermination drsquoun prix de transfert drsquoune socieacuteteacute inteacutegreacutee est conforme au principe de pleine concurrence il convient de rappeler ainsi qursquoil a eacuteteacute deacutejagrave indiqueacute ci-dessus que lorsqursquoelle utilise cet outil dans le cadre de son appreacuteciation au titre de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission doit tenir compte de sa nature approximative Le controcircle du Tribunal tend donc agrave veacuterifier que les erreurs identifieacutees dans la deacutecision attaqueacutee sur la base desquelles la Commission a fondeacute la constatation drsquoun avantage vont au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave lrsquoapplication drsquoune meacutethode destineacutee agrave obtenir une approximation fiable drsquoun reacutesultat fondeacute sur le marcheacute (arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 199)

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage

130 Ainsi qursquoexposeacute au point 103 ci-dessus par la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par les premier agrave quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la Commission a violeacute lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE lorsqursquoelle a conclu agrave lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage figurant dans la section 921 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee) Plus preacuteciseacutement par ces moyens et arguments le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent agrave contester le raisonnement de la Commission figurant aux consideacuterants 394 395 et 401 agrave 579 de la deacutecision attaqueacutee et selon lequel la mise en œuvre de la DFA en cause pendant la peacuteriode consideacutereacutee aurait abouti agrave une diminution de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et ainsi de sa charge fiscale par rapport agrave celle qursquoelle aurait ducirc percevoir en lrsquoabsence de ladite deacutecision si elle avait eacuteteacute traiteacutee comme toute autre socieacuteteacute contribuable se trouvant dans une situation comparable Par leurs arguments souleveacutes quant au constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon visent agrave remettre en cause notamment la constatation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN Ils visent eacutegalement agrave contester lrsquoexactitude de lrsquoapplication de la MTMN agrave LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

131 Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 110 ci-dessus dans son meacutemoire en intervention lrsquoIrlande argumente au soutien du premier moyen invoqueacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg

132 Dans ce cadre lrsquoIrlande prend position sur de nombreuses questions de droit souleveacutees par lrsquointerpreacutetation de la notion de laquo principe de pleine concurrence raquo tel qursquoappliqueacute par la Commission en lrsquoespegravece ainsi que dans certaines affaires drsquoaides drsquoEacutetat reacutecentes en matiegravere fiscale En particulier lrsquoIrlande fait valoir que la jurisprudence du juge de lrsquoUnion agrave savoir lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) laquo ne dit pas que les Eacutetats membres sont obligeacutes drsquoappliquer le [principe de pleine concurrence] raquo Selon cet Eacutetat membre ladite jurisprudence ne donne pas non plus de fondement agrave lrsquoobligation imposeacutee au Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence (dans la version deacutefendue par la Commission) dans le droit national luxembourgeois Enfin lrsquoIrlande soutient que dans lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) la Cour nrsquoa pas identifieacute de principe de pleine concurrence propre au droit de lrsquoUnion indeacutependamment de ce que preacutevoit le droit national

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a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage

133 La Commission excipe de lrsquoirrecevabiliteacute des arguments souleveacutes par lrsquoIrlande agrave lrsquoappui du premier moyen avanceacute par le Grand-Ducheacute de Luxembourg En effet selon elle les arguments de lrsquoIrlande tendent agrave faire valoir qursquoelle aurait retenu une interpreacutetation erroneacutee de la notion drsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE en utilisant un critegravere inapproprieacute agrave savoir un principe de pleine concurrence laquo sui generis raquo alors que en reacutealiteacute par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg eacutenoncerait plutocirct que la Commission aurait proceacutedeacute agrave une application erroneacutee du principe de pleine concurrence

134 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que si lrsquoarticle 40 troisiegraveme alineacutea du statut de la Cour de justice de lrsquoUnion europeacuteenne et les articles 142 paragraphe 3 et 145 paragraphe 2 sous b) du regraveglement de proceacutedure du Tribunal ne srsquoopposent pas agrave ce qursquoun intervenant preacutesente des arguments nouveaux ou diffeacuterents de ceux de la partie qursquoil soutient sous peine de voir son intervention limiteacutee agrave reacutepeacuteter les arguments avanceacutes dans la requecircte il ne saurait ecirctre admis que ces dispositions lui permettent de modifier ou de deacuteformer le cadre du litige deacutefini par la requecircte en soulevant des moyens nouveaux (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 44 et jurisprudence citeacutee)

135 En drsquoautres termes ces dispositions confegraverent agrave la partie intervenante le droit drsquoexposer de maniegravere autonome non seulement des arguments mais aussi des moyens pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions drsquoune des parties principales et ne soient pas drsquoune nature totalement eacutetrangegravere aux consideacuterations qui fondent le litige tel qursquoil a eacuteteacute constitueacute entre la partie requeacuterante et la partie deacutefenderesse ce qui aboutirait agrave en alteacuterer lrsquoobjet (voir arrecirct du 20 septembre 2019 Le Port de Bruxelles et Reacutegion de Bruxelles-CapitaleCommission T-67417 non publieacute EUT2019651 point 45 et jurisprudence citeacutee)

136 En lrsquoespegravece il convient de constater que par ses arguments lrsquoIrlande vise en substance le fondement juridique invoqueacute par la Commission quant agrave lrsquoobligation imposeacutee au Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoappliquer le principe de pleine concurrence LrsquoIrlande remet en cause donc les sources de droit de ce principe tel qursquoappliqueacute par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee De surcroicirct les arguments de lrsquoIrlande ont trait agrave lrsquointerpreacutetation du contenu de ce principe et non agrave son application par lrsquointermeacutediaire drsquoune meacutethode de deacutetermination de prix de transfert

137 Or il est constant que le principe de pleine concurrence tel qursquoapplicable en lrsquoespegravece peut ecirctre tireacute de lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR concernant lrsquoimpocirct sur le revenu telle que modifieacutee Cet eacuteleacutement ressort notamment du consideacuterant 241 de la deacutecision attaqueacutee sans que cette conclusion ait eacuteteacute remise en cause par les parties Le premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas trait agrave la question de savoir quelle est la source de droit dudit principe ni agrave des questions drsquointerpreacutetation de ce principe De fait par son premier moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg invoque lrsquoexistence de preacutetendues erreurs dans lrsquoapplication par la Commission de certaines meacutethodes de deacutetermination de prix de transfert dans le cadre de son raisonnement concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sachant que ces meacutethodes permettent de constater en fin de compte si une redevance correspond agrave un reacutesultat de pleine concurrence

138 Il srsquoensuit que les arguments souleveacutes par lrsquoIrlande au soutien du premier moyen du Grand-Ducheacute de Luxembourg sont eacutetrangers aux consideacuterations qui fondent son premier moyen De ce fait ils doivent ecirctre rejeteacutes comme eacutetant irrecevables

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b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage

139 En compleacutement des eacuteleacutements exposeacutes au point 130 ci-dessus il y a lieu de relever que dans le cadre de la premiegravere branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du premier moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en cause le bien-fondeacute du refus de la Commission drsquoappliquer la meacutethode CUP dans le cadre drsquoune analyse ex post sur la base des accords comparables preacutesenteacutes agrave la Commission par Amazoncom

140 Dans le cadre des premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que lrsquoanalyse fonctionnelle meneacutee par la Commission dans le cadre de son application de la MTMN est erroneacutee en ce qursquoelle a conclu que LuxSCS eacutetait la partie la moins complexe et que lrsquoapplication de la MTMN par la Commission reposait sur des choix meacutethodologiques erroneacutes

141 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que du troisiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que la Commission a opeacutereacute dans son analyse principale une seacutelection arbitraire et partiale parmi les teacutemoignages issus de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus

142 Dans le cadre de la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que de la sixiegraveme branche du deuxiegraveme moyen et du quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon affirment que le reacutesultat obtenu par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee srsquoeacutecarte drsquoune approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

143 Ainsi en substance les arguments invoqueacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre du constat principal de lrsquoavantage tendent agrave contester drsquoune part le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP et drsquoautre part lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par la Commission

144 Srsquoagissant des arguments tendant agrave contester le fait que la Commission ait eacutecarteacute lrsquoutilisation de la meacutethode CUP il convient de relever qursquoil est constant que la DFA en cause nrsquoa pas fait application de cette meacutethode En effet quand bien mecircme cette meacutethode aurait eacuteteacute examineacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fourni aux autoriteacutes fiscales agrave lrsquoappui de la demande de DFA elle nrsquoa pas eacuteteacute retenue dans la lettre du 23 octobre 2003 par laquelle Amazon a solliciteacute lrsquoapprobation de la meacutethode de calcul de la redevance (voir point 9 ci-dessus) Ainsi qursquoil ressort en particulier du consideacuterant 542 de la deacutecision attaqueacutee dans son analyse visant agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE la Commission srsquoest uniquement fondeacutee sur la MTMN En revanche les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP (consideacuterants 521 agrave 538 de la deacutecision attaqueacutee) ne sont pas de nature agrave deacutemontrer lrsquoexistence de la premiegravere condition de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Compte tenu du fait que crsquoest agrave la Commission de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage (voir points 125 agrave 126 ci-dessus) et vu le fait que les appreacuteciations de la Commission visant agrave eacutecarter lrsquoapplicabiliteacute de la meacutethode CUP ne tendent pas agrave une telle deacutemonstration il nrsquoest pas utile drsquoaborder les arguments et les moyens des parties requeacuterantes concernant la meacutethode CUP

145 Srsquoagissant des arguments visant agrave contester le bien-fondeacute des appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoapplication de la MTMN effectueacutee par cette institution (voir points 146 agrave 297 ci-apregraves) il y aura lieu premiegraverement de relever quelle est la version pertinente des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert (voir points 146 agrave 155 ci-apregraves) Deuxiegravemement il conviendra de veacuterifier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont en droit de soutenir que la Commission a commis des erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee qui aurait invalideacute son constat principal relatif agrave lrsquoavantage (voir points 156 agrave 297 ci-apregraves)

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1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN

146 Afin de deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a dans la section 92 de la deacutecision attaqueacutee appliqueacute une seacuterie drsquoorientations de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans diffeacuterentes versions de celles-ci

147 Dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche de son deuxiegraveme moyen le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait en substance valoir que en lrsquoespegravece crsquoest le contexte eacuteconomique et le cadre reacuteglementaire tels qursquoils preacutevalaient en 2003 qui doivent ecirctre pris en compte Sans compter le fait que au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause en 2003 tout comme au moment de sa derniegravere prorogation en 2010 les lignes directrices de lrsquoOCDE ne constituaient que des orientations indicatives pour les autoriteacutes luxembourgeoises deacutepourvues de toute force contraignante pour ces derniegraveres les seules lignes directrices de lrsquoOCDE qui auraient eacuteteacute disponibles au moment de lrsquoadoption de la DFA eacutetaient les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Dans la deacutecision attaqueacutee la Commission se serait toutefois reacutefeacutereacutee aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ce qui eacutequivaudrait agrave une application ratione temporis inapproprieacutee du cadre de reacutefeacuterence lequel devrait ecirctre deacutetermineacute sur la base des faits et des meacutethodes de calcul de prix qui existaient agrave la date de lrsquoadoption des mesures en cause

148 Amazon ajoute que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leurs versions de 2010 et de 2017 ont apporteacute plusieurs modifications importantes par rapport agrave leur version de 1995 telles que lrsquointroduction de la meacutethode drsquoanalyse des fonctions laquo Deacuteveloppement ameacutelioration entretien protection et exploitation raquo (Development Enhancement Maintenance Protection and Exploitation ci-apregraves les laquo fonctions DEMPE raquo) Amazon conteste en particulier la pertinence de lrsquoapplication par la Commission de cette meacutethode dans la mesure ougrave elle ne serait apparue que posteacuterieurement agrave la date de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE

149 La Commission conteste ces arguments

150 Elle indique drsquoabord que la deacutecision attaqueacutee nrsquoapplique pas les lignes directrices de lrsquoOCDE comme si elles constituaient des normes contraignantes mais comme srsquoil srsquoagissait drsquoun outil lrsquoaidant agrave appliquer le critegravere eacutetabli par la Cour au point 95 de lrsquoarrecirct du 22 juin 2006 Belgique et Forum 187Commission (C-18203 et C-21703 EUC2006416) Selon la Commission contrairement agrave ce que le Grand-Ducheacute de Luxembourg semble avancer lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise srsquoest reacuteguliegraverement fondeacutee sur ces lignes directrices pour interpreacuteter le principe de pleine concurrence de sorte que les principes de lrsquoOCDE demeurent pertinents en lrsquoespegravece

151 La Commission ajoute ensuite que toutes les constatations formuleacutees dans la deacutecision attaqueacutee reposent sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et que les reacutefeacuterences aux lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 et de 2017 ne sont eacutevoqueacutees que lorsque ces versions ulteacuterieures clarifient les lignes directrices dans leur version de 1995 sans pour autant modifier ces derniegraveres

152 En lrsquoespegravece il reacutesulte drsquoun certain nombre de notes en bas de page de la deacutecision attaqueacutee que la Commission a fondeacute ne serait-ce que partiellement ses appreacuteciations relatives agrave lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE non seulement sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 mais eacutegalement sur lesdites lignes dans leurs versions de 2010 et de 2017 Srsquoagissant des versions des lignes directrices de lrsquoOCDE de 1995 de 2010 et de 2017 il y a lieu de constater que celles-ci divergent sur plusieurs points et ce dans une mesure diffeacuterente Ces diffeacuterences vont de simples preacutecisions nrsquoayant aucune incidence sur la substance des versions anteacuterieures agrave des ampliations ineacutedites agrave savoir des preacuteconisations qui nrsquoeacutetaient pas contenues y compris de maniegravere implicite dans les versions anteacuterieures Une des ampliations ineacutedites des lignes directrices de lrsquoOCDE

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qui nrsquoest apparue que dans la version de 2017 est la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE (voir point 148 ci-dessus) Dans le cadre du constat principal de lrsquoexistence drsquoun avantage eacuteconomique la Commission srsquoest axeacutee notamment sur cette meacutethode drsquoanalyse

153 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil ressort de lrsquoarticle 1er et ndash de maniegravere implicite ndash notamment des consideacuterants 394 et 620 de la deacutecision attaqueacutee la mesure en cause telle qursquoidentifieacutee par la Commission est la DFA en cause ainsi que lrsquoacceptation ulteacuterieure des deacuteclarations annuelles agrave lrsquoimpocirct sur le revenu des socieacuteteacutes de LuxOpCo fondeacutees sur ladite deacutecision Pendant la peacuteriode consideacutereacutee LuxOpCo a effectueacute ses deacuteclarations fiscales sur la base de la meacutethode de calcul avaliseacutee dans la DFA en cause et ladite deacutecision a eacuteteacute prorogeacutee en 2006 et en 2010

154 Compte tenu de ces eacuteleacutements il y a lieu de constater que la Commission pouvait fonder ses appreacuteciations concernant lrsquoexistence drsquoun avantage sur les orientations ndash qui ne sont drsquoailleurs qursquoun outil non contraignant ndash qui reacutesultaient des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En revanche dans la mesure ougrave la Commission srsquoest fondeacutee sur les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 cette derniegravere version nrsquoest pas pertinente agrave moins qursquoil ne srsquoagisse que drsquoune clarification utile sans autre ampliation des orientations deacutejagrave deacutegageacutees en 1995 Du reste du fait qursquoelles ont eacuteteacute publieacutees apregraves la peacuteriode consideacutereacutee et dans la mesure ougrave les preacuteconisations y figurant ont largement eacutevolueacute par rapport aux orientations de 1995 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece

155 En ce qui concerne en particulier la meacutethode drsquoanalyse des fonctions DEMPE celle-ci ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant pertinente drsquoun point de vue temporel en lrsquoespegravece car elle constitue un outil qui nrsquoa eacuteteacute eacutelaboreacute que dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee

156 Ainsi qursquoexposeacute au point 9 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent toute une seacuterie drsquoappreacuteciations de la Commission lieacutees agrave lrsquoapplication de la MTMN dans le cadre du constat principal de lrsquoavantage

157 Pour rappel la MTMN est une meacutethode indirecte de deacutetermination des prix de transfert Ainsi que deacutecrit au point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 cette meacutethode consiste agrave deacuteterminer agrave partir drsquoune base approprieacutee le beacuteneacutefice net que reacutealise un contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee ou au titre de transactions controcircleacutees qui sont eacutetroitement lieacutees ou continues Afin de deacuteterminer cette base approprieacutee il y a lieu de choisir un indicateur de niveau de beacuteneacutefice tel que les coucircts les ventes ou les actifs Lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net obtenu par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee doit ecirctre deacutetermineacute par reacutefeacuterence agrave lrsquoindicateur du beacuteneacutefice net que le mecircme contribuable ou une entreprise indeacutependante reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre

158 Ainsi qursquoil ressort du point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la MTMN implique drsquoidentifier une partie agrave la transaction pour laquelle un indicateur de niveau de beacuteneacutefice est testeacute par exemple une marge sur coucircts Cette partie est deacutesigneacutee comme eacutetant la laquo partie agrave tester raquo Il srsquoagit de la partie dont la marge dite de laquo pleine concurrence raquo doit ecirctre deacutetermineacutee En regravegle geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave qui une meacutethode de prix de transfert peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable possible et pour laquelle les comparables les plus fiables possibles peuvent ecirctre trouveacutes

159 Le choix de la partie agrave tester se fait sur la base drsquoune analyse fonctionnelle des parties agrave la transaction intragroupe Selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE en matiegravere de prix de transfert dans leur version de 1995 la partie agrave tester sera le plus souvent celle dont lrsquoanalyse fonctionnelle est la

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moins complexe Selon une compreacutehension existant deacutejagrave agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de 1995 srsquoappliquaient lrsquoanalyse fonctionnelle implique le plus souvent drsquoexaminer les fonctions exerceacutees par une entiteacute les actifs deacutetenus et les risques assumeacutes

160 En outre il y a lieu de relever que la MTMN est consideacutereacutee comme une meacutethode approprieacutee pour tester la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de la partie qui nrsquoapporte aucune contribution unique ou de valeur en lien avec la transaction qui fait lrsquoobjet de lrsquoanalyse des prix de transfert

161 En lrsquoespegravece le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas en tant que tel le choix par la Commission de la MTMN En revanche ils contestent uniquement le fait que lrsquoapplication de cette meacutethode telle qursquoeffectueacutee par la Commission ait eacuteteacute correcte Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission et le choix de LuxSCS en tant que partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN deuxiegravemement le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS agrave savoir le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice et du taux de marge retenu par la Commission en application de la MTMN et troisiegravemement la fiabiliteacute du reacutesultat obtenu

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester

162 Les consideacuterants 409 agrave 561 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir ceux portant sur le constat principal de lrsquoavantage tendent agrave deacutemontrer pour lrsquoessentiel que en lrsquoespegravece les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester puisque celle-ci serait au regard de lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission la partie la laquo moins complexe raquo Il reacutesulte eacutegalement de ces consideacuterants que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient fait une application de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration deacutetermineacutee en application de la DFA en cause Selon la Commission en conseacutequence lrsquoapplication de la MTMN en retenant LuxSCS comme partie agrave tester aurait abouti agrave une moindre redevance pour LuxSCS et ainsi agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

163 Dans le cadre de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du deuxiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoanalyse fonctionnelle opeacutereacutee par la Commission Ils font notamment valoir que les fonctions de LuxSCS ainsi que les actifs mobiliseacutes et les risques assumeacutes par celle-ci ont eacuteteacute minimiseacutes par la Commission Selon eux LuxSCS deacutetenait les actifs incorporels et exerccedilait des fonctions uniques et de valeur et ne pouvait de ce fait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN opeacutereacutee par la Commission

164 Dans ce contexte il y a lieu de souligner que par leur argumentation concernant le constat principal de lrsquoavantage le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause le bien-fondeacute du choix opeacutereacute par la Commission de la MTMN comme eacutetant la meacutethode approprieacutee pour la deacutetermination du caractegravere de pleine concurrence de la redevance Lorsqursquoils remettent en cause les appreacuteciations de la Commission en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS figurant dans la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendent donc en substance agrave contester lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee par les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises comme eacutetant la partie la laquo moins complexe raquo et donc la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN

165 Pour reacutepondre agrave ces arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission nrsquoaurait pas eacuteteacute en droit de conclure que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il nrsquoest pas neacutecessaire de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo En revanche dans la mesure ougrave la Commission a chercheacute agrave appliquer la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester il suffit

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de veacuterifier le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS telle que cette analyse ressort de la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee et si au regard de cette analyse il eacutetait possible drsquoappliquer de maniegravere suffisamment fiable la MTMN agrave LuxSCS

166 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler agrave titre liminaire que selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la partie agrave laquelle la MTMN est appliqueacutee laquo devra ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo que cela laquo impliquera souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels uniques et de valeur raquo et que laquo [t]outefois le choix pourra ecirctre limiteacute par lrsquoinsuffisance de donneacutees disponibles raquo Selon ce point en drsquoautres termes si en regravegle geacuteneacuterale lrsquoentiteacute pour laquelle il existe le plus drsquoeacuteleacutements fiables aux fins de lrsquoidentification de comparables est souvent lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo la finaliteacute de lrsquoapplication de la MTMN nrsquoest pas forceacutement de faire deacutependre cette application de lrsquoidentification de lrsquoentiteacute la laquo moins complexe raquo En revanche ce qui importe dans lrsquoapplication de cette meacutethode crsquoest drsquoavoir identifieacute la partie pour laquelle les donneacutees les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutees drsquoune part et la question de savoir si la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de maniegravere fiable agrave cette partie drsquoautre part

167 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 166 ci-dessus et ainsi qursquoil reacutesulte en particulier des points 326 328 329 334 et 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquoapplication de la MTMN implique neacutecessairement de trouver des donneacutees fiables pour la comparaison avec la partie agrave tester Ainsi lrsquointeacutegraliteacute des appreacuteciations concernant lrsquoanalyse fonctionnelle lrsquoexamen des fonctions les consideacuterations concernant des actifs et des risques assumeacutes ainsi que toutes les consideacuterations concernant le caractegravere laquo unique et de valeur raquo des actifs mis en œuvre ne sont que des critegraveres agrave prendre en compte dans le choix de la partie agrave tester afin de srsquoassurer drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable

168 Crsquoest agrave la lumiegravere de ces consideacuterations qursquoil convient drsquoexaminer les griefs tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS opeacutereacutee par la Commission ainsi que sa conclusion selon laquelle cette entiteacute devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester

169 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que dans la section 92111 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 419 agrave 429 de cette deacutecision) la Commission a deacutecrit les fonctions exerceacutees par LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee

170 En substance ainsi que reacutesumeacute au consideacuterant 418 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoanalyse de la Commission repose sur les trois affirmations principales suivantes Tout drsquoabord celle-ci a consideacutereacute que LuxSCS nrsquoavait pas exerceacute de fonctions laquo actives raquo lieacutees agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels qursquoelle nrsquoy eacutetait pas habiliteacutee du fait de la licence exclusive conceacutedeacutee agrave LuxOpCo et qursquoelle nrsquoen avait pas non plus la capaciteacute Ensuite la Commission a indiqueacute que selon elle LuxSCS nrsquoavait pas utiliseacute drsquoactifs lieacutes agrave ces actifs incorporels mais avait simplement deacutetenu passivement la proprieacuteteacute desdits actifs et une licence sur ces derniers en vertu de lrsquoARC Enfin elle a releveacute que LuxSCS nrsquoavait assumeacute ni controcircleacute les risques lieacutes agrave ces activiteacutes pas plus qursquoelle nrsquoavait eu la capaciteacute opeacuterationnelle et financiegravere de le faire

171 Au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee les seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa laquo proprieacuteteacute leacutegale raquo des actifs incorporels bien que mecircme ces fonctions aient eacuteteacute exerceacutees sous le controcircle de LuxOpCo De fait ainsi qursquoil ressort des consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee LuxSCS se serait borneacutee agrave deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels

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172 Ensuite dans la section 92112 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo Actifs utiliseacutes par LuxSCS raquo et en particulier au consideacuterant 430 de cette deacutecision la Commission a en substance agrave nouveau rappeleacute que LuxSCS nrsquoeacutetait que le deacutetenteur passif des actifs incorporels Au consideacuterant 431 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a contesteacute le fait que LuxSCS aurait utiliseacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo Au consideacuterant 432 de la deacutecision attaqueacutee elle a reacuteiteacutereacute son avis selon lequel en tout eacutetat de cause LuxSCS nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoutiliser effectivement les actifs incorporels

173 Enfin dans la section 92113 de la deacutecision attaqueacutee (consideacuterants 436 agrave 446 de cette deacutecision) intituleacutee laquo Risques assumeacutes par LuxSCS raquo la Commission a analyseacute les risques encourus par LuxSCS dans la mesure ougrave ces risques eacutetaient pertinents dans le cadre de lrsquoaccord de licence Au consideacuterant 446 de ladite deacutecision elle a conclu agrave cet eacutegard que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant effectivement assumeacute les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration agrave la gestion et agrave lrsquoexploitation des actifs incorporels drsquoAmazon et qursquoelle nrsquoavait pas la capaciteacute financiegravere drsquoassumer de tels risques

174 De plus dans la section 92141 de la deacutecision attaqueacutee intituleacutee laquo La partie testeacutee devrait ecirctre LuxSCS raquo la Commission a affirmeacute en substance qursquoil convenait drsquoeacuteviter de confondre la complexiteacute des actifs deacutetenus et la complexiteacute des fonctions exerceacutees par les parties agrave la transaction intragroupe concerneacutee (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ensuite soutenu que rien ne permettrait drsquoaffirmer qursquoune socieacuteteacute lieacutee appartenant agrave un groupe qui cegravede sous licence un actif incorporel agrave une autre socieacuteteacute du groupe exerce des fonctions plus complexes que cette socieacuteteacute du simple fait qursquoelle deacutetient la proprieacuteteacute leacutegale drsquoun actif complexe (consideacuterant 546 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence selon elle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc rejeter lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la simple proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels constituait en soi une laquo contribution unique raquo Elle aurait ducirc plutocirct exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS exerccedilait des laquo fonctions uniques et de valeur raquo (consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee) Enfin selon la Commission bien que LuxSCS fucirct le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels au cours de la peacuteriode consideacutereacutee lrsquoanalyse fonctionnelle effectueacutee agrave la section 9211 de la deacutecision attaqueacutee deacutemontrerait que cette socieacuteteacute nrsquoa exerceacute aucune fonction laquo active raquo et essentielle en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration lrsquoentretien ou lrsquoexploitation de ceux-ci (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee)

175 Les appreacuteciations de la Commission relatives aux fonctions de LuxSCS se recoupent pour une grande partie avec celles relatives aux actifs utiliseacutes par LuxSCS Il en est de mecircme srsquoagissant des arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon agrave lrsquoencontre de ces appreacuteciations Il convient donc drsquoanalyser conjointement ces arguments puis ceux relatifs aux risques assumeacutes par LuxSCS afin drsquoexaminer si la Commission a correctement consideacutereacute que cette derniegravere devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS

176 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent les affirmations de la Commission concernant les fonctions de LuxSCS En revanche srsquoagissant des actifs incorporels de LuxSCS ils srsquoaccordent agrave consideacuterer que ces derniers eacutetaient laquo uniques et de valeur raquo sans toutefois prendre le soin de deacutefinir ces termes

177 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon reprochent agrave la Commission de ne pas avoir tenu compte du fait que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 disposaient que la partie deacutetenant les actifs incorporels ne serait geacuteneacuteralement pas la partie testeacutee pour lrsquoapplication de la MTMN Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon insistent sur le fait que LuxSCS deacutetenait des actifs incorporels uniques et de valeur La technologie mise agrave disposition par LuxSCS aurait joueacute un rocircle central dans le deacuteveloppement des activiteacutes du groupe Amazon en Europe Ces actifs incorporels auraient eacuteteacute indispensables pour toutes les activiteacutes du groupe Amazon

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en Europe En outre le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que par lrsquooctroi drsquoune licence sur les actifs incorporels agrave LuxOpCo LuxSCS a fait beacuteneacuteficier LuxOpCo des activiteacutes de deacuteveloppement reacutealiseacutees par ATI et A 9 aux Eacutetats-Unis et lui a permis drsquoexploiter de maniegravere optimale ces actifs Par conseacutequent LuxOpCo devrait reacutemuneacuterer LuxSCS non seulement pour ses contributions mais eacutegalement indirectement les entiteacutes ameacutericaines du groupe Amazon pour leurs contributions

178 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent la position de la Commission consistant agrave distinguer entre des fonctions dites laquo actives raquo et des fonctions dites laquo passives raquo et agrave ne retenir que ces derniegraveres aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle Ils reprochent agrave la Commission dans ce contexte eacutegalement de ne pas avoir pris en compte dans lrsquoanalyse des fonctions le fait que LuxSCS ait mis les actifs incorporels agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee Amazon ajoute que la mise agrave disposition des actifs incorporels par lrsquooctroi agrave LuxOpCo drsquoune licence constitue une exploitation de ces actifs par LuxSCS comme le preacuteconise le point 632 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017

179 Troisiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxSCS a contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission exerceacute des fonctions uniques et de valeur Dans ce contexte ils indiquent notamment que au travers de sa participation agrave lrsquoARC LuxSCS contribuait au deacuteveloppement continu des actifs incorporels et ce quand bien mecircme elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes Toujours selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les contributions des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 agrave savoir le deacuteveloppement et les ameacuteliorations continues de la proprieacuteteacute intellectuelle doivent ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS ou consideacutereacutees comme faisant partie des contributions de LuxSCS Selon eux LuxSCS aurait ainsi exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo qui justifieraient de la consideacuterer comme la partie la plus complexe agrave la transaction Amazon fait valoir en outre que le fait que LuxSCS ait eu ou non la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule et sans accorder de licence sur les actifs incorporels agrave une autre entiteacute serait sans pertinence pour appreacutecier le caractegravere unique de ses fonctions

180 La Commission conteste ces arguments

181 La Commission insiste sur le fait que LuxSCS nrsquoait fait que deacutetenir laquo passivement raquo les actifs incorporels et qursquoelle ne les ait pas effectivement utiliseacutes La simple proprieacuteteacute drsquoun actif incorporel unique et de valeur ne suffirait pas agrave consideacuterer que cette entiteacute est complexe En lrsquoespegravece elle ne suffirait pas non plus agrave justifier lrsquoattribution agrave LuxSCS de la quasi-totaliteacute des beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par LuxOpCo quand bien mecircme aucune des activiteacutes de LuxOpCo ne pourrait ecirctre exerceacutee sans accegraves aux actifs incorporels Apregraves la conclusion de lrsquoaccord de licence LuxSCS nrsquoaurait plus eacuteteacute habiliteacutee agrave utiliser les actifs pas plus qursquoelle nrsquoen aurait eu la capaciteacute Ce serait uniquement LuxOpCo qui aurait utiliseacute les actifs incorporels dans le cadre de ses activiteacutes commerciales Dans ce contexte la Commission rappelle eacutegalement que LuxSCS ne disposait pas de salarieacutes et nrsquoavait pas la capaciteacute drsquoexercer les fonctions en lien avec le deacuteveloppement lrsquoameacutelioration et lrsquoexploitation des actifs incorporels

182 Qui plus est selon la Commission le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon se reacutefegraverent agrave tort aux contributions des entiteacutes du groupe Amazon situeacutees aux Eacutetats-Unis (voir point 179 ci-dessus) dans la mesure ougrave ces derniegraveres ne sont pas concerneacutees par lrsquoaccord de licence et agissent indeacutependamment de LuxSCS Toute fonction eacuteventuelle de ces entiteacutes en rapport avec les actifs incorporels la circonstance que Amazoncom orientait LuxSCS ou LuxOpCo ou encore les caracteacuteristiques de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC seraient donc deacutenueacutees de pertinence pour lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS Les fonctions de deacuteveloppement opeacutereacutees par ATI et A 9 ne pourraient donc ecirctre attribueacutees agrave LuxSCS dans la mesure ougrave les diffeacuterentes parties agrave lrsquoARC agissent pour leur compte et agrave leurs risques La Commission fait valoir que en tout eacutetat de cause lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC fixaient deacutejagrave la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions exerceacutees par ATI et A 9 en lien avec les actifs incorporels Toute

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autre transaction intragroupe entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels dont ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon nrsquoauraient en tout eacutetat de cause deacutemontreacute lrsquoexistence ne saurait justifier le versement des beacuteneacutefices reacutesiduels de LuxOpCo agrave LuxSCS

183 Agrave cet eacutegard en premier lieu il importe de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 166 ci-dessus selon le point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lrsquolaquo entreprise associeacutee agrave laquelle la meacutethode transactionnelle de la marge nette est appliqueacutee devrait ecirctre lrsquoentreprise pour laquelle des donneacutees fiables sur les transactions les plus eacutetroitement comparables peuvent ecirctre identifieacutees raquo et cela laquo impliquera[it] souvent de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui [serait] la moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne posseacutede[rait] pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo La notion drsquolaquo actifs uniques raquo ou laquo de valeur raquo nrsquoest pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

184 Il deacutecoule du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que ces lignes preacuteconisaient de ne pas retenir la partie deacutetenant des actifs uniques et de valeur comme eacutetant la partie agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN mais de lui preacutefeacuterer une autre entiteacute partie agrave la transaction controcircleacutee La logique sous-jacente audit point 343 est celle suivant laquelle en geacuteneacuteral il est davantage compliqueacute de pouvoir trouver des comparables fiables afin drsquoexaminer la partie agrave la transaction controcircleacutee qui possegravede des actifs incorporels uniques et de valeur Cette compreacutehension ressortait eacutegalement du point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 Selon ce point en preacutesence de biens incorporels de grande valeur il pouvait ecirctre difficile drsquoidentifier des transactions comparables entre entreprises indeacutependantes Il ressort de ce mecircme point que lrsquoidentification de comparables serait plus difficile du fait de la simple possession drsquoactifs incorporels uniques ou de valeur Il convient de relever que le point 626 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 repose sur la preacutemisse selon laquelle un actif incorporel peut ecirctre reacuteputeacute comme eacutetant laquo unique raquo quand il nrsquoy a pas de comparable pour cet actif Un actif incorporel est laquo de valeur raquo quand il permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Par ailleurs il convient de constater que cette compreacutehension correspond agrave la deacutefinition de la notion qui figure au point 617 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 Il reacutesulte de ce point que les laquo actifs incorporels uniques et de valeur raquo sont ceux premiegraverement qui ne sont pas comparables aux actifs incorporels utiliseacutes par les parties agrave des transactions potentiellement comparables et deuxiegravemement dont lrsquoutilisation dans les affaires opeacuterations devrait produire des beacuteneacutefices eacuteconomiques futurs plus importants que ceux que lrsquoon pourrait atteindre en lrsquoabsence desdits actifs incorporels

185 En lrsquoespegravece premiegraverement il est constant que LuxSCS deacutetenait les droits sur les actifs incorporels du groupe Amazon en Europe et qursquoelle mettait ces actifs agrave disposition de LuxOpCo en vertu de lrsquoaccord de licence

186 Agrave cet eacutegard il convient de relever en compleacutement des eacuteleacutements indiqueacutes aux points 4 et 5 ci-dessus que en vertu de lrsquoaccord de cession conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 lequel est une des composantes de lrsquoaccord drsquoentreacutee LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer la proprieacuteteacute drsquoune partie de ces actifs (voir points 31 et 32 dudit accord) agrave savoir notamment et essentiellement les noms de domaines Internet en Europe tels que amazoncouk amazonfr et amazonde

187 Ensuite en vertu de lrsquoaccord de licence conclu entre ATI et LuxSCS le 1er janvier 2005 LuxSCS a reccedilu le droit drsquoutiliser en Europe la majeure partie des actifs incorporels du groupe Amazon preacuteexistant en 2005 agrave savoir la technologie les inventions les brevets les marques les droits lieacutes aux clients etc sans que ce droit de licence de LuxSCS ait eacuteteacute un droit exclusif

188 De plus en vertu du point 62 sous a) et du point 63 sous a) de lrsquoARC LuxSCS deacutetenait une licence non exclusive sur la proprieacuteteacute intellectuelle de A 9 et drsquoATI deacuteveloppeacutee apregraves 2005 ainsi que la proprieacuteteacute des droits deacuteriveacutes deacuteveloppeacutee apregraves 2005 agrave partir des actifs incorporels dont LuxSCS est le titulaire leacutegal

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189 Enfin LuxSCS a eacutegalement conclu des accords de licence et de cession de droits de proprieacuteteacute intellectuelle (Intellectual Property Assignment and License Agreement) avec les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes en vertu desquels elle a reccedilu les marques deacuteposeacutees et les droits de proprieacuteteacute intellectuelle sur les sites Internet europeacuteens que celles-ci deacutetenaient

190 Ainsi les actifs incorporels sur lesquels LuxSCS deacutetenait des droits incluaient les trois cateacutegories de proprieacuteteacute intellectuelle suivantes la technologie les actifs incorporels lieacutes au marketing et les donneacutees clients La technologie comprenait un eacuteventail complet englobant tous les aspects de lrsquoactiviteacute du groupe Amazon et notamment les technologies pour la plateforme logicielle de ce groupe lrsquoapparence du site le catalogue le traitement des commandes la logistique les fonctionnaliteacutes de recherche et de navigation le service clientegravele et les fonctionnaliteacutes de personnalisation

191 Deuxiegravemement il y a lieu de relever que si la Commission soutient que LuxSCS nrsquoexerccedilait pas de laquo fonctions uniques et de valeur raquo en lien avec les actifs incorporels elle ne conteste pas le caractegravere laquo unique et de valeur des actifs incorporels raquo deacutetenus par LuxSCS et mis agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee

192 En particulier la Commission nrsquoa pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee lrsquoaffirmation drsquoAmazon selon laquelle la technologie eacutetait unique car il nrsquoy avait pas de comparables et selon laquelle elle jouait un rocircle essentiel dans les diffeacuterents aspects des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et permettait donc de geacuteneacuterer des recettes importantes De plus il y a lieu de relever que nrsquoest pas remis en question ainsi que le soutient Amazon le fait que les activiteacutes commerciales du groupe nrsquoauraient pu acqueacuterir une telle envergure et obtenir un tel succegraves en Europe ndash comme drsquoailleurs dans drsquoautres reacutegions du monde ndash sans la technologie Est convaincante eacutegalement lrsquoalleacutegation du Grand-Ducheacute de Luxembourg suivant laquelle pendant la peacuteriode consideacutereacutee le groupe Amazon srsquoest appuyeacute sur sa technologie qui eacutetait laquo au cœur d[e son] ldquobusiness modelrdquoraquo (modegravele drsquoentreprise) en tant que diffeacuterentiateur concurrentiel en ce sens que crsquoest preacuteciseacutement cette technologie qui a constitueacute le contributeur unique et preacutecieux qui a permis (et permet encore) au groupe Amazon de continuer agrave ecirctre compeacutetitif dans un environnement hautement concurrentiel caracteacuteriseacute par des marges eacutetroites Il ressort par ailleurs du consideacuterant 338 de la deacutecision attaqueacutee que mecircme une partie des concurrents du groupe Amazon admettent que en raison drsquoune strateacutegie laquo tregraves agressive drsquoinvestissement dans la technologie raquo la plateforme de vente au deacutetail du groupe Amazon laquo constitue aujourdrsquohui un avantage concurrentiel difficile agrave eacutegaler raquo En ce qui concerne la technologie il srsquoagissait donc drsquoun actif pour lequel il nrsquoavait pas de comparable

193 Agrave cet eacutegard et par ailleurs il convient de souligner qursquoil nrsquoest pas neacutecessaire drsquoexaminer les arguments de la Commission tendant agrave faire valoir que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour exploiter les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et que les fonctions humaines reacutealiseacutees par les employeacutes de LuxOpCo eacutetaient eacutegalement importantes En effet ces arguments agrave les supposer fondeacutes ne remettent pas en cause le constat selon lequel la technologie jouait un rocircle essentiel dans les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et constituait ainsi un actif unique et de valeur

194 Srsquoagissant des marques enregistreacutees en Europe il y a lieu de constater que agrave la date agrave laquelle LuxSCS srsquoest vu transfeacuterer ces actifs qui beacuteneacuteficiaient deacutejagrave de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il ne ressort pas des eacuteleacutements du dossier qursquoil existait des actifs comparables sur le marcheacute europeacuteen Il convient donc de consideacuterer que les marques en question eacutetaient uniques Il est constant que leur utilisation a permis de geacuteneacuterer des recettes importantes en Europe Ces marques eacutetaient donc eacutegalement laquo de valeur raquo En ce qui concerne les donneacutees clients celles-ci nrsquoavaient pas non plus de comparables et elles permettaient de geacuteneacuterer des beacuteneacutefices importants Il y a donc lieu de consideacuterer que ces actifs incorporels eacutetaient eacutegalement uniques et de valeur

195 Dans ces conditions compte tenu du point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et au vu du fait que les actifs incorporels du groupe Amazon et notamment la technologie constituaient des actifs uniques et de valeur mis en œuvre par LuxSCS dans le cadre de la transaction

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controcircleacutee il ne pouvait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de choisir une socieacuteteacute autre que LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester Par ailleurs si ainsi que lrsquoa suggeacutereacute la Commission agrave la note en bas de page no 681 de la deacutecision attaqueacutee selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 un deacutetenteur passif ne peut ecirctre la partie la plus complexe et peut donc ecirctre la partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN force est de constater que cela nrsquoeacutetait pas le cas dans la peacuteriode consideacutereacutee laquelle doit ecirctre examineacutee en lrsquoespegravece au regard des seules lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995

196 Au point 83 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 la Commission semble vouloir insister sur le fait que selon le point 343 des principes de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 ce nrsquoest que laquo souvent raquo que le choix de la partie agrave tester impliquera de choisir lrsquoentreprise associeacutee qui est la laquo moins complexe des entreprises concerneacutees par la transaction et qui ne possegravede pas drsquoactifs incorporels de valeur ou des actifs uniques raquo sans toutefois qursquoil srsquoagisse drsquoune regravegle absolue agrave cet eacutegard Dans la mesure ougrave la Commission entend affirmer que la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoest pas une regravegle absolue mais une regravegle qui peut ecirctre eacutecarteacutee si des circonstances particuliegraveres tenant agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee le justifient force est de constater qursquoelle nrsquoa pas expliqueacute dans la deacutecision attaqueacutee en quoi cette preacuteconisation devait en lrsquoespegravece ecirctre eacutecarteacutee La Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc se deacutepartir de la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 en raison drsquoune particulariteacute propre agrave la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

197 En deuxiegraveme lieu et en tout eacutetat de cause il y a lieu de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que outre des fonctions de maintien de sa proprieacuteteacute intellectuelle LuxSCS nrsquoexerccedilait aucune fonction laquo active et critique raquo en lien avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee) ou laquo aucune fonction active et essentielle raquo en rapport avec les actifs incorporels (voir le consideacuterant 548 de ladite deacutecision) ou encore laquo aucune fonction accroissant la valeur des actifs incorporels raquo (voir le consideacuterant 526 de la mecircme deacutecision)

198 Premiegraverement srsquoagissant de la distinction opeacutereacutee par la Commission entre la deacutetention dite laquo passive raquo (consideacuterants 418 et 430 de la deacutecision attaqueacutee) et la deacutetention laquo active raquo des actifs incorporels ainsi qursquoentre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo (consideacuterant 548 de la deacutecision attaqueacutee) il convient de constater agrave lrsquoinstar du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon que les lignes directrices de lrsquoOCDE pertinentes en lrsquoespegravece ne preacutevoient pas une telle distinction

199 En effet les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 se bornent agrave indiquer en leur point 120 que en geacuteneacuteral lorsqursquoil y a lieu de deacuteterminer le caractegravere de pleine concurrence drsquoune reacutemuneacuteration eacutetablie dans le cadre drsquoune transaction controcircleacutee il convient drsquoexaminer si cette reacutemuneacuteration correspond laquo aux fonctions assumeacutees par chaque entreprise raquo et de laquo comparer les fonctions exerceacutees par les parties raquo

200 Certes il nrsquoest pas exclu que le point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 puisse ecirctre interpreacuteteacute en ce sens que le terme laquo exerceacutees raquo renvoie agrave des fonctions dites laquo actives raquo

201 Toutefois il ne deacutecoule pas clairement du point 120 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que seules des fonctions laquo actives raquo pouvaient ecirctre prises en compte aux fins de lrsquoanalyse fonctionnelle des parties agrave la transaction Il ne reacutesulte pas non plus de ce point qursquoune entiteacute ne peut ecirctre consideacutereacutee comme laquo assumant raquo ou laquo exerccedilant raquo des fonctions lorsqursquoelle deacutetient certains actifs et se borne agrave financer par exemple leur mise au point ou leurs ameacuteliorations

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202 De plus il y a lieu de souligner que selon le point 122 des lignes directrices de lrsquoOCDE il peut ecirctre laquo inteacuteressant et utile lorsque lrsquoon identifie et lrsquoon compare les fonctions exerceacutees de prendre en compte les actifs qui sont ou seront mis en œuvre raquo et qursquolaquo il convient agrave cet eacutegard drsquoenvisager le type drsquoactifs utiliseacutes (usines eacutequipements eacuteleacutements incorporels etc) et les caracteacuteristiques de ces actifs (acircge valeur marchande localisation existence de droits de proprieacuteteacute industrielle etc) raquo En drsquoautres termes il est preacuteconiseacute de prendre en compte le fait qursquoune socieacuteteacute mette agrave disposition des actifs dans le cadre de la transaction controcircleacutee pour lrsquoexamen des fonctions exerceacutees Il en deacutecoule donc que contrairement agrave ce qursquoaffirme la Commission la mise agrave disposition drsquoactifs incorporels devait ecirctre prise en compte pour examiner les fonctions exerceacutees ou assumeacutees par une partie agrave une transaction intragroupe sans qursquoune distinction entre des fonctions laquo actives raquo et laquo passives raquo soit pertinente

203 Deuxiegravemement agrave supposer que la Commission pucirct effectivement opeacuterer une distinction entre les fonctions laquo passives raquo et laquo actives raquo elle a erroneacutement conclu ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 420 de la deacutecision attaqueacutee que LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels qursquoelle srsquoeacutetait borneacutee agrave maintenir les actifs incorporels et qursquoaucune autre fonction active ne pouvait lui ecirctre attribueacutee

204 Drsquoune part la Commission a omis de prendre en compte le fait que LuxSCS a bel et bien exploiteacute lesdits actifs en les mettant agrave disposition agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement drsquoune redevance par le biais de lrsquoaccord de licence

205 En effet il est constant que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS a donneacute en licence agrave LuxOpCo lrsquoensemble des actifs incorporels drsquoAmazon sur le territoire europeacuteen Cet accord portait non seulement sur lrsquointeacutegraliteacute des actifs incorporels viseacutes dans lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC mais eacutegalement sur les actifs incorporels et notamment les marques qursquoelle avait reccedilus en 2006 aupregraves des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees ainsi que les droits deacuteriveacutes qui en deacutecoulaient Or le fait de donner en licence les actifs incorporels agrave LuxOpCo en contrepartie du paiement de la redevance constitue une exploitation de ces actifs ce qui eacutequivaut agrave exercer une fonction active

206 Cette exploitation correspond agrave une utilisation des actifs incorporels au sens de lrsquoutilisation par LuxSCS dont la preacutetendue absence est deacuteploreacutee par la Commission aux consideacuterants 430 agrave 432 de la deacutecision attaqueacutee

207 Lrsquoexploitation des actifs incorporels par LuxSCS par lrsquointermeacutediaire de leur mise agrave disposition agrave LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence satisfait eacutegalement au critegravere qui a eacuteteacute suggeacutereacute par la Commission au point 83 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 Selon ce critegravere la regravegle contenue au point 343 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 telle que mentionneacutee aux points 183 et 184 ci-dessus aurait eacuteteacute creacuteeacutee par les auteurs desdites lignes directrices laquo en partant du postulat que la partie agrave une transaction controcircleacutee qui deacutetient des actifs incorporels de valeur est [hellip] celle qui les utilise [hellip] dans le cadre de lrsquoexercice de fonctions actives en rapport avec cette transaction raquo Agrave cet eacutegard sans qursquoil soit besoin drsquoeacutetablir si la Commission est fondeacutee agrave consideacuterer qursquoil y a lieu drsquointerpreacuteter ledit point comme srsquoil requeacuterait une certaine utilisation des actifs incorporels force est de constater que le fait de mettre les actifs incorporels de LuxSCS agrave disposition de LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence constitue une utilisation au sens retenu par la Commission

208 Drsquoautre part il y a lieu de relever que LuxSCS a contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par le biais de sa participation financiegravere au titre de lrsquoARC Dans ce contexte il convient de rappeler que ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute agrave la derniegravere phrase du deuxiegraveme tiret du point 4 ci-dessus LuxSCS devait verser une quote-part annuelle aux coucircts lieacutes au programme de deacuteveloppement de lrsquoARC

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209 Agrave cet eacutegard il convient de souligner qursquoil ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que la participation financiegravere agrave un accord de reacutepartition des coucircts ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une veacuteritable participation au deacuteveloppement des actifs faisant lrsquoobjet drsquoun tel accord Au contraire il deacutecoule du point 815 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans la version de 1995 lequel indique srsquoagissant des accords de reacutepartition des coucircts qursquolaquo [i]l nrsquoest probablement pas facile de deacuteterminer la valeur relative de la contribution de chaque participant sauf lorsque toutes les contributions sont inteacutegralement verseacutees en numeacuteraire raquo qursquoune contribution financiegravere agrave un tel accord de reacutepartition des coucircts peut bel et bien ecirctre une contribution valide et de valeur et ce donc sans eacutegard agrave la question de savoir si lrsquoentiteacute ayant fourni la contribution financiegravere apporte eacutegalement des contributions drsquoune autre nature En effet dans certains cas il nrsquoest pas exclu que la contribution financiegravere agrave une transaction intragroupe puisse ecirctre le moteur unique du succegraves (commercial) de la transaction

210 De surcroicirct en application du point 63 sous b) et du point 64 de lrsquoARC en contrepartie de sa participation aux coucircts LuxSCS devenait coproprieacutetaire avec A 9 drsquoune partie des actifs incorporels qui eacutetaient constamment deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes aux Eacutetats-Unis Ces deacuteveloppements et ameacuteliorations eacutetaient mis agrave disposition par LuxSCS agrave LuxOpCo constamment au titre de lrsquoaccord de licence de telle maniegravere qursquoil est permis de consideacuterer que du point de vue de LuxOpCo elles eacutetaient imputables agrave LuxSCS et non aux entiteacutes ameacutericaines Dans le cadre de lrsquoaccord de licence les reacutesultats des deacuteveloppements et des ameacuteliorations des actifs incorporels sont attribueacutes agrave LuxSCS

211 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute au consideacuterant 429 de la deacutecision attaqueacutee que les laquo seules fonctions qui auraient pu effectivement ecirctre consideacutereacutees comme ayant eacuteteacute exerceacutees par LuxSCS eacutetaient des fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo Drsquoune part le critegravere utiliseacute par la Commission et visant la distinction entre des fonctions actives et passives nrsquoest pas pertinent Drsquoautre part mecircme srsquoil y avait lieu de retenir ce critegravere il y a lieu de constater que LuxSCS a mis agrave disposition de LuxOpCo les actifs incorporels et a contribueacute agrave leur deacuteveloppement de par sa contribution financiegravere agrave lrsquoARC Ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte par la Commission dans son analyse fonctionnelle de LuxSCS ainsi qursquoaux fins du choix de la partie agrave tester

212 Cette conclusion nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments invoqueacutes par la Commission

213 Premiegraverement lrsquoappreacuteciation faite par la Commission aux consideacuterants 420 et 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS laquo ne pouvait [hellip] exercer aucune fonction active et critique en rapport avec [la] mise au point [lrsquo] ameacutelioration [la] gestion ou [lrsquo]exploitation [des actifs incorporels] raquo car LuxSCS laquo nrsquoeacutetait plus habiliteacutee agrave exploiter eacuteconomiquement les actifs incorporels dans le cadre des activiteacutes europeacuteennes [du groupe] Amazon raquo ne saurait prospeacuterer

214 En effet la Commission a fondeacute ce constat sur lrsquoaffirmation reacuteiteacutereacutee agrave plusieurs reprises dans la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo avait reccedilu de LuxSCS une licence laquo irreacutevocable raquo et laquo exclusive raquo (voir par exemple consideacuterants 116 419 431 438 442 et 450 de la deacutecision attaqueacutee) ce qui aurait priveacute LuxSCS de toute possibiliteacute drsquoexploiter les actifs incorporels

215 Agrave cet eacutegard il suffit de rappeler que le fait de donner en licence constitue deacutejagrave une exploitation

216 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoappreacuteciation faite par la Commission au consideacuterant 421 de la deacutecision attaqueacutee et reacuteiteacutereacutee dans le cadre du preacutesent recours (voir point 181 ci-dessus) selon laquelle LuxSCS nrsquoaurait pas la capaciteacute drsquoexercer des fonctions car elle nrsquoaurait pas eu de salarieacutes

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217 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que contrairement agrave ce qursquoinvoque la Commission le fait que LuxSCS ait ou non eu la capaciteacute drsquoexploiter une entreprise de commerce eacutelectronique entiegraverement seule est deacutenueacute de pertinence pour appreacutecier les fonctions de LuxSCS en lien avec lrsquoexploitation des actifs incorporels En effet ainsi qursquoexposeacute au point 204 ci-dessus LuxSCS a effectivement exploiteacute les actifs incorporels en les ceacutedant sous licence agrave LuxOpCo

218 En outre contrairement agrave ce que fait valoir la Commission il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire que LuxSCS eucirct ses propres salarieacutes pour contribuer au deacuteveloppement continu des actifs incorporels En effet LuxSCS y contribuait du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

219 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 211 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument de la Commission selon lequel la contribution financiegravere de LuxSCS au deacuteveloppement des actifs incorporels aurait eacuteteacute quant agrave elle purement artificielle car le financement du deacuteveloppement des actifs incorporels provenait des comptes de LuxOpCo ce qui aurait signifieacute que LuxOpCo aurait exerceacute toutes les fonctions attribueacutees par lrsquoARC agrave LuxSCS

220 En effet lrsquoorigine du capital utiliseacute par LuxSCS pour reacutepondre aux obligations financiegraveres lui incombant en vertu de lrsquoARC et donc le fait que ce capital provenait du paiement de la redevance par LuxOpCo nrsquoest pas pertinente Les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoexigent pas que le capital investi provienne drsquoune source preacutecise Il nrsquoest pas exclu que ce capital trouve son origine dans une redevance telle que celle en cause ou provienne drsquoune autre source de revenus telle que par exemple un precirct

221 En tout eacutetat de cause il est constant que LuxSCS disposait outre les revenus tireacutes de la redevance drsquoun capital propre Or ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg crsquoest gracircce agrave son capital propre que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo En 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait drsquoailleurs largement infeacuterieur aux paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC

222 En troisiegraveme lieu le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoappreacuteciation de la Commission opeacutereacutee notamment aux consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme ayant exerceacute des fonctions laquo uniques et de valeur raquo (voir notamment consideacuterants 407 et 547 de la deacutecision attaqueacutee)

223 Srsquoagissant de la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo il y a lieu de souligner que les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 nrsquoutilisent pas ces termes Seule lrsquoexpression laquo actifs uniques et de valeur raquo est utiliseacutee agrave plusieurs reprises notamment dans les sections relatives agrave la MTMN et agrave la meacutethode du partage des beacuteneacutefices le plus souvent pour faire reacutefeacuterence agrave des actifs incorporels (deacuteveloppement ou proprieacuteteacute) (voir par exemple points 18 319 343 et 626 desdites lignes)

224 En revanche ce nrsquoest que dans la version de 2017 des lignes directrices de lrsquoOCDE qui ne sont pas pertinentes en lrsquoespegravece qursquoil est clairement question de fonctions ou de contributions laquo uniques et de valeur raquo et qursquoune distinction est opeacutereacutee entre drsquoune part les laquo fonctions uniques et de valeur raquo et drsquoautre part les laquo fonctions de routine raquo Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus agrave leur point 617 les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 contiennent une deacutefinition de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo En revanche si les auteurs des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 utilisent souvent la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo ils ne fournissent aucune deacutefinition agrave cet eacutegard

225 Les parties principales ont preacuteciseacute ce qursquoelles entendaient par les expressions laquo fonctions de routine raquo ou laquo fonctions courantes raquo Lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg a releveacute qursquoune entiteacute exerce des laquo fonctions de routine raquo lorsqursquoelle exerce des fonctions usuelles agrave savoir des fonctions que

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drsquoautres entreprises pourraient exercer eacutegalement Il srsquoagit donc en substance de fonctions pour lesquelles on peut facilement trouver des comparables Amazon a quant agrave elle souligneacute lors de lrsquoaudience que la notion de laquo fonction de routine raquo ne voulait pas dire que les fonctions en question nrsquoavaient pas de valeur mais qursquoelles pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) et reacutemuneacutereacutees La Commission nrsquoa pas remis en cause cette compreacutehension Il ressort du point 14 (note en bas de page no 18) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 que drsquoapregraves la Commission le terme laquo courantes raquo renvoie agrave des fonctions qui ne sont pas uniques et pour lesquelles il existe des eacuteleacutements de comparaison sur le marcheacute libre De maniegravere similaire au point 17 (note en bas de page no 21) du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-81617 la Commission oppose les fonctions laquo courantes raquo agrave celles qui laquo ne sont pas uniques et de valeur raquo

226 En lrsquoespegravece il nrsquoy a pas lieu de deacuteterminer si sur la base des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 il eacutetait deacutejagrave loisible pour la Commission de veacuterifier le caractegravere de pleine concurrence drsquoun prix en opeacuterant avec la notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo car cette notion aurait deacutejagrave eacuteteacute drsquoapplication agrave lrsquoeacutepoque agrave laquelle les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquoappliquaient et ce mecircme si elles ne faisaient pas eacutetat de cette notion expresseacutement ou si ce nrsquoest qursquoagrave partir de lrsquoadoption des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2017 que le critegravere lieacute aux laquo fonctions uniques et de valeur raquo pouvait ecirctre pris en compte agrave cet effet

227 En effet et en tout eacutetat de cause les parties principales nrsquoont pas remis en cause la pertinence de ce critegravere mais srsquoaccordent agrave mettre ce critegravere au cœur de leurs arguments comme eacutetant un paramegravetre pertinent pour juger de leur situation Agrave cet eacutegard il convient de relever que tout comme crsquoest le cas de la notion drsquolaquo actifs uniques et de valeur raquo (voir point 176 ci-dessus) les parties nrsquoont pas pris le soin de deacutefinir les termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo

228 Srsquoagissant de la signification des termes laquo fonctions uniques et de valeur raquo agrave lrsquoinstar de ce qui a eacuteteacute releveacute au point 184 ci-dessus et compte tenu de lrsquoacception de ces termes retenue par les parties (voir point 225 ci-dessus) il convient de retenir aux fins de la preacutesente affaire que la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que si le fait de deacutesigner une certaine fonction drsquolaquo unique raquo exclut que la mecircme fonction puisse ecirctre qualifieacutee comme eacutetant laquo de routine raquo ou encore laquo courante raquo le mecircme raisonnement ne saurait srsquoappliquer pour ce qui est de la notion de laquo fonction de valeur raquo Il existe eacutegalement des laquo fonctions de routine raquo ou laquo courantes raquo qui permettent de geacuteneacuterer des recettes importantes et qui meacuteritent de ce fait drsquoecirctre qualifieacutees de laquo fonctions de valeur raquo

229 En lrsquoespegravece drsquoune part ainsi qursquoexposeacute au point 191 ci-dessus il nrsquoest pas contesteacute que les actifs incorporels faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence eacutetaient uniques et de valeur

230 Drsquoautre part LuxSCS a non seulement exploiteacute mais eacutegalement contribueacute financiegraverement au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur dont elle eacutetait le titulaire En conseacutequence il deacutecoule de ce qui vient drsquoecirctre indiqueacute aux points 203 agrave 211 ci-dessus que toutes les fonctions de LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels auraient ducirc ecirctre consideacutereacutees par la Commission comme eacutetant uniques et de valeur Lrsquoaffirmation faite au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle lrsquoadministration fiscale luxembourgeoise aurait ducirc exiger une analyse fonctionnelle deacutemontrant que LuxSCS aurait exerceacute des laquo fonctions uniques et de valeur raquo nrsquoest donc pas justifieacutee et doit de ce fait ecirctre eacutecarteacutee En conseacutequence compte tenu des fonctions et des actifs de LuxSCS la conclusion de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait ducirc ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester ne convainc pas

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ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS

231 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font en substance valoir que LuxSCS supportait les risques lieacutes aux actifs incorporels en tant que tels tandis que LuxOpCo ne supportait que les risques lieacutes agrave ses activiteacutes de deacutetaillant LuxSCS aurait en outre assumeacute des risques financiers en lien avec les actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

232 La Commission conteste ces arguments

233 Elle soutient en particulier que ni les deacutecisions du geacuterant unique de LuxSCS ni les comptes rendus des assembleacutees geacuteneacuterales de LuxSCS ne mentionnent de deacutecisions critiques ayant trait agrave la gestion des risques En reacutealiteacute LuxSCS nrsquoaurait eu ni la capaciteacute financiegravere ni la capaciteacute opeacuterationnelle drsquoassumer ces risques LuxSCS nrsquoaurait pu supporter les coucircts lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC que gracircce au financement perccedilu annuellement par le biais des redevances payeacutees par LuxOpCo dans le cadre de lrsquoaccord de licence de sorte que le capital de LuxSCS nrsquoaurait jamais eacuteteacute exposeacute au risque Qui plus est LuxSCS aurait beacuteneacuteficieacute drsquoune capitalisation initiale importante de la part de sa socieacuteteacute megravere laquelle a couvert le paiement drsquoentreacutee En toute hypothegravese LuxSCS aurait en vertu de lrsquoaccord de licence transfeacutereacute les risques financiers agrave LuxOpCo Degraves lors les risques retenus par LuxSCS seraient theacuteoriques dans la mesure ougrave LuxSCS avait la possibiliteacute de reacutesilier lrsquoaccord de licence et drsquoaccorder une licence agrave une autre partie lieacutee ou indeacutependante Les risques financiers de LuxSCS auraient eacuteteacute theacuteoriques eacutegalement parce que sa participation financiegravere agrave lrsquoARC eacutetait financeacutee par la redevance payeacutee par LuxOpCo et que le montant des paiements au titre de lrsquoARC eacutetait correacuteleacute aux recettes de LuxOpCo

234 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever drsquoembleacutee que dans la mesure ougrave LuxSCS avait obtenu la pleine proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels conformeacutement au point 31 de lrsquoaccord de cession conclu

1eravec ATI le janvier 2005 elle supportait la totaliteacute des risques lieacutes agrave lrsquoexistence des actifs incorporels en tant que tels Il srsquoagissait par exemple de risques tels que la contestation par un tiers ou la deacutecheacuteance des actifs incorporels Cela est la conseacutequence logique du fait que LuxSCS eacutetait proprieacutetaire de ces actifs Du point de vue de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 LuxSCS assumait eacutegalement les risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels par les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9

235 Dans la mesure ougrave elle avait durant la peacuteriode consideacutereacutee une licence sur lrsquoautre partie des actifs incorporels viseacutes au point 31 de lrsquoaccord de licence conclu avec ATI le 1er janvier 2005 ainsi qursquoaux points 61 et 62 de lrsquoARC LuxSCS supportait des risques financiers en lien avec ces actifs utiliseacutes du fait de sa participation agrave lrsquoARC Plus preacuteciseacutement la reacutepartition des coucircts entre les parties agrave lrsquoARC eacutetait preacutevue conformeacutement aux points 4 et 5 de lrsquoARC En vertu de ces points de lrsquoARC LuxSCS avait lrsquoobligation de supporter les coucircts lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels Si la reacutepartition des coucircts eacutetait fonction de la part des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe par comparaison aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes au niveau mondial les coucircts en tant que tels eacutetaient totalement indeacutependants du niveau des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que si les coucircts lieacutes au deacuteveloppement eacutetaient plus eacuteleveacutes que la redevance verseacutee par LuxOpCo crsquoest LuxSCS qui aurait ducirc supporter les conseacutequences financiegraveres reacutesultant de cet eacutecart Ainsi dans le cas ougrave LuxOpCo aurait enregistreacute des pertes ou des beacuteneacutefices faibles la redevance nrsquoaurait pas suffi pas agrave couvrir les coucircts fixes supporteacutes par LuxSCS agrave savoir essentiellement les paiements au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC En drsquoautres termes LuxSCS risquait de ne pas avoir de revenus suffisants pour effectuer les paiements drsquoentreacutee et de reacutepartition des coucircts preacutevus par lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC

236 Srsquoagissant de ces risques financiers il convient de souligner que en deacutepit drsquoune affirmation non eacutetayeacutee faite par elle lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas eacutetabli que lrsquoobligation de LuxSCS drsquoeffectuer les paiements dus au titre de lrsquoARC eacutetait effectivement exactement correacuteleacutee au versement par LuxOpCo du montant de la redevance Au contraire et ainsi que lrsquoa drsquoailleurs releveacute la Commission elle-mecircme au

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consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee les montants perccedilus par LuxSCS au titre de la redevance ne correspondaient pas directement aux montants dus par LuxSCS au titre de lrsquoARC Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoentreacutee et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

237 Toujours srsquoagissant des risques financiers supporteacutes par LuxSCS la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer que cette socieacuteteacute ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave ce capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo

238 Enfin il est vrai que selon les points 23 et 92 de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels En effet drsquoune part selon les termes du point 23 dudit accord LuxOpCo eacutetait tenue de prendre toutes les mesures neacutecessaires pour proteacuteger les droits de LuxSCS sur les actifs incorporels et drsquoautre part en vertu du point 92 de ce mecircme accord LuxOpCo avait lrsquoobligation de preacutevenir et de traduire en justice agrave ses propres frais toute utilisation non autoriseacutee des actifs incorporels LuxOpCo assumait donc les risques lieacutes agrave la protection des actifs incorporels

239 Il nrsquoen demeure pas moins que les autres risques lieacutes aux actifs incorporels eacutetaient supporteacutes par LuxSCS du fait de sa participation financiegravere agrave lrsquoARC

240 En effet il ne ressort pas des dispositions de lrsquoaccord de licence que LuxSCS ait transfeacutereacute agrave LuxOpCo des risques autres que ceux deacutecoulant des points 23 et 92 dudit accord agrave savoir ceux relatifs agrave lrsquoobligation de proteacuteger les actifs incorporels Ainsi contrairement agrave ce que suggegravere la Commission lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause sur le transfert en tant que tel de lrsquoensemble des risques lieacutes aux actifs incorporels de LuxSCS agrave LuxOpCo En particulier lrsquoaccord de licence ne contient aucune clause relative au transfert des risques lieacutes au deacuteveloppement des actifs incorporels

241 Nrsquoeacutetant pas eacutetayeacutee par les dispositions de lrsquoaccord de licence la conclusion exprimeacutee par la Commission notamment au consideacuterant 438 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxSCS a transfeacutereacute agrave LuxOpCo les risques en lien avec la mise au point la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels la proprieacuteteacute intellectuelle ne saurait donc ecirctre retenue

242 Il ressort donc de ce qui preacutecegravede que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon sont fondeacutes agrave affirmer que LuxSCS supportait les risques lieacutes agrave la proprieacuteteacute et au deacuteveloppement des actifs incorporels utiliseacutes pour exploiter les activiteacutes europeacuteennes y compris les risques financiers lieacutes agrave lrsquoexploitation de ces actifs incorporels tandis que LuxOpCo ne supportait essentiellement que les risques lieacutes agrave ses propres activiteacutes de deacutetaillant et en particulier les risques lieacutes aux ventes et aux services de place de marcheacute

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester

243 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 162 agrave 242 ci-dessus il y a lieu drsquoopeacuterer deux constats

244 En premier lieu lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS effectueacutee par la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee La Commission a sous-estimeacute les fonctions de LuxSCS En ce qui concerne les actifs incorporels la Commission a notamment neacutegligeacute de prendre en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS mettait agrave disposition des actifs incorporels qui nrsquoavaient pas de comparables sur le marcheacute et qui eacutetaient donc uniques et de valeur Selon les lignes

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directrices de lrsquoOCDE dans leur version pertinente en lrsquoespegravece cet eacuteleacutement suffisait en principe pour pouvoir conclure que LuxSCS ne pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie la moins complexe et donc la partie agrave tester

245 En tout eacutetat de cause srsquoil y avait lieu de consideacuterer ainsi que la Commission le fait valoir que les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises auraient ducirc prendre en compte des laquo fonctions uniques et de valeur raquo force est de constater que la Commission a ignoreacute la circonstance que LuxSCS exploitait bel et bien les actifs incorporels dans le cadre de la transaction controcircleacutee examineacutee La mise agrave disposition des actifs incorporels ayant une valeur de pointe correspondait au fait drsquoexercer une fonction unique et de valeur dans le cadre de lrsquoaccord de licence (la transaction controcircleacutee) Ainsi qursquoil reacutesulte des points 203 agrave 242 ci-dessus LuxSCS a exerceacute une seacuterie de fonctions dans le cadre de la transaction controcircleacutee autres que le fait de mettre agrave la disposition de LuxOpCo les actifs incorporels La Commission a neacutegligeacute ces fonctions qui pouvaient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques et de valeur

246 La Commission nrsquoa pas non plus ducircment pris en compte le fait que tant selon les arrangements contractuels que dans les faits LuxSCS assumait la totaliteacute des risques lieacutes agrave ces actifs et agrave leur deacuteveloppement dans le cadre de lrsquoaccord de licence et ce indeacutependamment de la question de savoir si LuxSCS eacutetait elle-mecircme controcircleacutee par les entiteacutes ameacutericaines et si crsquoest LuxSCS qui deacuteveloppait techniquement les actifs incorporels ou si LuxSCS contribuant financiegraverement les deacuteveloppements de la proprieacuteteacute intellectuelle eacutetaient les reacutesultats des efforts techniques des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Ce faisant la Commission a minimiseacute eacutegalement la description des risques assumeacutes par LuxSCS

247 Dans ces conditions il ne saurait ecirctre reprocheacute aux autoriteacutes fiscales luxembourgeoises drsquoavoir consideacutereacute tout comme les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 qursquoil eacutetait correct selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de ne pas avoir choisi LuxSCS comme eacutetant la partie agrave tester

248 En second lieu en toute hypothegravese mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxSCS eacutetait un simple deacutetenteur passif des actifs incorporels et non une socieacuteteacute ayant exerceacute des fonctions actives en rapport avec ceux-ci force est de constater que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS aurait ducirc ecirctre retenue en tant que partie agrave tester

249 En effet il y a lieu de rappeler que de maniegravere geacuteneacuterale la partie agrave tester est celle agrave laquelle la MTMN peut ecirctre appliqueacutee de la maniegravere la plus fiable et pour laquelle les eacuteleacutements de comparaison les plus fiables peuvent ecirctre trouveacutes

250 En lrsquoespegravece force est de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute qursquoil eacutetait davantage facile de trouver des entreprises comparables agrave LuxSCS que des entreprises comparables agrave LuxOpCo ni le fait que retenir LuxSCS en tant qursquoentiteacute agrave tester aurait permis drsquoobtenir des donneacutees de comparaison davantage fiables

251 Ainsi qursquoil reacutesulte du consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc admettre lorsqursquoelle a chercheacute la marge approprieacutee pour la redevance qursquoil nrsquoy avait pas de comparables pour LuxSCS

252 Il srsquoensuit qursquoil y a lieu drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon laquelle la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue comme lrsquoentiteacute agrave tester aux fins de lrsquoapplication de la MTMN Cela eacutetant les consideacuterations preacuteceacutedentes sont suffisantes pour accueillir lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne le constat principal de la Commission visant lrsquoexistence de lrsquoavantage et ce sans qursquoil soit besoin de proceacuteder agrave une analyse fonctionnelle de LuxOpCo ni de la question de savoir si la Commission eacutetait fondeacutee agrave eacutecarter la CUP

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253 Cependant dans un souci drsquoexhaustiviteacute il y a lieu de relever que les appreacuteciations de la Commission concernant lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE doivent eacutegalement ecirctre eacutecarteacutees pour des motifs autres que ceux lieacutes aux choix de la partie agrave tester et agrave lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS tels qursquoils viennent drsquoecirctre exposeacutes Ainsi mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la conclusion non justifieacutee de la Commission selon laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute la partie agrave tester lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon devrait ecirctre accueillie par ailleurs et ce pour les motifs suivants

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester

254 Aux consideacuterants 550 agrave 560 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a chercheacute agrave opeacuterer sa propre application de la MTMN en retenant LuxSCS en tant que partie agrave tester Au terme de son analyse au consideacuterant 559 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS au titre de lrsquoaccord de licence devait ecirctre eacutegale agrave la somme de deux composantes agrave savoir drsquoune part des coucircts drsquoentreacutee et des coucircts au titre de lrsquoARC supporteacutes par LuxSCS en rapport avec les actifs incorporels sans marge et drsquoautre part des coucircts geacuteneacuteraux drsquoexploitation supporteacutes directement par LuxSCS pour assurer les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute leacutegale des actifs incorporels (ci-apregraves les laquo coucircts de maintien raquo) majoreacutes de 5 (ci-apregraves la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo) Il importe agrave cet eacutegard de relever que la reacutemuneacuteration de LuxSCS correspond en reacutealiteacute agrave la redevance qui selon la Commission aurait ducirc ecirctre perccedilue par LuxSCS aupregraves de LuxOpCo

255 Par le deuxiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen et par la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que par le quatriegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter que LuxSCS pouvait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant la partie agrave tester dans le cadre de la meacutethode MTMN (quod non) la Commission aurait commis drsquoautres erreurs lors de lrsquoapplication de la MTMN En effet le calcul effectueacute par la Commission pour deacuteterminer la laquo reacutemuneacuteration de pleine concurrence raquo pour LuxSCS agrave savoir la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS ne saurait convaincre

256 Il convient drsquoaborder cette argumentation en tenant compte des deux composantes distingueacutees par la Commission (voir point 254 ci-dessus)

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)

257 Srsquoagissant de la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir dans le cadre du premier grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen que la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS devrait refleacuteter non seulement les coucircts de deacuteveloppement mais eacutegalement la valeur des actifs incorporels Cette valeur serait deacutecorreacuteleacutee de ces coucircts et donc des paiements opeacutereacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC Au point 73 de la requecircte et aux points 32 et suivants de la reacuteplique dans lrsquoaffaire T-31818 Amazon invoque en substance le mecircme grief De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee qui seraient la contrepartie de la mise agrave disposition par LuxSCS des actifs incorporels par lrsquoaccord de licence auraient ducirc ecirctre inclus dans les coucircts auxquels une marge est appliqueacutee

258 La Commission reacutefute ces arguments

259 Elle soutient que lrsquoobjectif drsquoun accord de reacutepartition des coucircts tel que lrsquoARC reacuteside dans le partage des coucircts lieacutes agrave la mise au point des actifs incorporels et non dans lrsquoobtention drsquoun beacuteneacutefice drsquoexploitation sur les activiteacutes europeacuteennes Ainsi ATI et A 9 ne devraient obtenir aucune part des beacuteneacutefices tireacutes des activiteacutes commerciales en Europe en dehors du remboursement des coucircts drsquoentreacutee et au titre de lrsquoARC Ce serait donc agrave bon droit que la deacutecision attaqueacutee a deacutetermineacute la reacutemuneacuteration de LuxSCS comme

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comprenant un remboursement des paiements drsquoentreacutee et des coucircts de deacuteveloppement de lrsquoARC La Commission rappelle dans ce contexte que selon elle la raison de lrsquoexistence de LuxSCS eacutetait purement fiscale Lrsquoaccord de licence nrsquoaurait pas eacuteteacute directement conclu entre les entiteacutes ameacutericaines et LuxOpCo mais entre LuxSCS et LuxOpCo afin drsquoeacuteviter que les redevances ne soient soumises agrave lrsquoimpocirct aux Eacutetats-Unis Si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute ATI et A 9 auraient conclu un accord de reacutepartition des coucircts avec LuxOpCo (et non un accord de licence) de sorte que seule LuxOpCo aurait ducirc srsquoacquitter des paiements De plus lrsquoactiviteacute de LuxSCS se serait limiteacutee agrave la simple deacutetention des actifs incorporels LuxSCS nrsquoaurait pas exerceacute elle-mecircme directement des fonctions de deacuteveloppement de la proprieacuteteacute intellectuelle et nrsquoaurait donc pas ducirc percevoir de reacutemuneacuterations agrave ce titre Elle nrsquoaurait joueacute aucun rocircle dans lrsquoutilisation ou le deacuteveloppement des actifs incorporels ni nrsquoaurait exerceacute aucun controcircle sur ces fonctions de deacuteveloppement et sur les risques affeacuterents Selon la Commission il ne fallait donc pas appliquer de marge aux coucircts drsquoentreacutee et aux coucircts de lrsquoARC dans la mesure ougrave il ne srsquoagit que de coucircts reacutepercuteacutes par LuxSCS agrave LuxOpCo et ougrave LuxSCS nrsquoexerce aucune fonction en lien avec les actifs incorporels Au contraire la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter le fait que les fonctions et les risques attribueacutes agrave LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient en fait supporteacutes par LuxOpCo En tout eacutetat de cause la Commission nrsquoaurait pas ignoreacute dans son analyse fonctionnelle le fait que LuxSCS eacutetait le proprieacutetaire leacutegal des actifs incorporels

260 Agrave titre liminaire il convient de relever que lrsquoexercice consistant agrave examiner si une redevance telle que celle en cause en lrsquoespegravece correspond agrave un reacutesultat de marcheacute preacutesuppose selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de se rattacher agrave la valeur des actifs incorporels et non aux coucircts de deacuteveloppement et de mise au point de ceux-ci En effet il ressort du point 627 desdites lignes que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre ces coucircts et la valeur des actifs incorporels En particulier la valeur eacutequitable effective drsquoun bien incorporel nrsquoest souvent pas mesurable en fonction des deacutepenses encourues pour la mise au point et la preacuteservation du bien incorporel Ainsi qursquoil reacutesulte du point 62 desdites lignes les laquo biens incorporels raquo peuvent avoir une valeur consideacuterable mecircme srsquoils nrsquoont pas de valeur comptable dans le bilan de la socieacuteteacute Enfin ainsi qursquoil reacutesulte respectivement des points 122 et 627 desdites lignes il srsquoagit agrave cet eacutegard de ce qursquoil est convenu drsquoappeler la laquo valeur marchande raquo ou laquo valeur veacutenale raquo Par ailleurs il y a lieu de souligner que cette valeur peut ecirctre sujette agrave des fluctuations dans le temps

261 En lrsquoespegravece se pose la question de savoir si la premiegravere composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS telle que calculeacutee par la Commission dans la deacutecision attaqueacutee agrave savoir premiegraverement le paiement drsquoentreacutee sans marge et deuxiegravemement les paiements au titre de lrsquoARC toujours sans marge reflegravete effectivement la valeur des actifs incorporels donneacutes en licence agrave LuxOpCo

262 En premier lieu il peut certes ecirctre consideacutereacute que le paiement drsquoentreacutee qui a eacuteteacute verseacute par LuxSCS aux entiteacutes ameacutericaines en contrepartie du transfert de proprieacuteteacute drsquoune partie des actifs incorporels preacuteexistants et drsquoune licence sur le reste des actifs incorporels preacuteexistants (voir point 4 ci-dessus) reflegravete bien la valeur des actifs incorporels au moment de la conclusion de lrsquoaccord drsquoentreacutee soit en 2005

263 En effet si le montant du paiement drsquoentreacutee ne constitue pas un prix qui a eacuteteacute neacutegocieacute librement sur le marcheacute il srsquoagit ainsi qursquoAmazon lrsquoindique au point 73 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 du prix verseacute en contrepartie de lrsquoacquisition des actifs incorporels preacuteexistant en 2005 Un tel versement agrave la diffeacuterence des coucircts de deacuteveloppement est susceptible de refleacuteter la valeur des actifs incorporels faisant lrsquoobjet du transfert de proprieacuteteacute agrave savoir les actifs incorporels preacuteexistant en 2005

264 Neacuteanmoins il convient de souligner que ainsi que cela a eacuteteacute affirmeacute notamment par le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans ecirctre contredit sur ce point par la Commission durant la peacuteriode consideacutereacutee les actifs incorporels ont gagneacute en valeur de maniegravere significative gracircce agrave lrsquoinnovation permanente dans la technologie deacuteveloppeacutee notamment par les entiteacutes ameacutericaines par Amazon US ainsi que gracircce au

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deacuteveloppement de la notorieacuteteacute de la marque Amazon et donc des actifs incorporels lieacutes au marketing en Europe et dans le monde La simple addition des coucircts de deacuteveloppement sans marge (paiements au titre de lrsquoARC) au prix payeacute pour lrsquoobtention des actifs incorporels preacuteexistants (paiement drsquoentreacutee) opeacutereacutee par la Commission au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee ne prend pas en compte le fait que en lrsquoespegravece la valeur des actifs incorporels preacuteexistants a augmenteacute pendant la peacuteriode consideacutereacutee dans la mesure ougrave ces actifs ont eacuteteacute deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes au fur et agrave mesure par les entiteacutes ameacutericaines et remplaceacutes pour partie La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee invoqueacutee par la Commission qui peut ecirctre accepteacutee comme eacutetant leur valeur initiale des actifs incorporels en 2005 ne reflegravete donc pas la valeur veacutenale desdits actifs incorporels pendant la totaliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee

265 Qui plus est crsquoest agrave tort que la Commission a consideacutereacute que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee pourraient ecirctre reacutepercuteacutes agrave LuxOpCo sans application drsquoune marge Lrsquoabsence de marge ne reflegravete pas ce que des parties indeacutependantes auraient accepteacute dans le cadre drsquoune transaction libre sur le marcheacute et constitue donc une erreur dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxSCS En effet il est raisonnable de consideacuterer et il ressort par ailleurs notamment du point 614 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les parties indeacutependantes agissant sur le marcheacute cherchent agrave tirer des profits de la mise agrave disposition de leurs actifs De ce fait lrsquoapplication drsquoune marge dans le cadre du calcul drsquoune reacutemuneacuteration telle que celle en cause apparaicirct comme une situation courante sur le marcheacute Or ainsi que le fait valoir Amazon au point 98 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 si la Commission avait examineacute les options qui srsquooffraient agrave LuxSCS ainsi que le preacuteconise ledit point 614 elle aurait pu constater qursquoil existait de nombreux opeacuterateurs drsquoactiviteacute de commerce en ligne en Europe de sorte que LuxSCS aurait pu valoriser les actifs incorporels au-delagrave de leurs seuls coucircts de deacuteveloppement

266 Ensuite en second lieu srsquoagissant des paiements au titre de lrsquoARC il convient de relever que ainsi qursquoil a eacuteteacute exposeacute ci-dessus il ressort du point 627 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que si les coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels peuvent ecirctre pris en compte aux fins de la deacutetermination de la comparabiliteacute ou de la valeur relative de la contribution des diffeacuterentes parties agrave une transaction il nrsquoexiste pas de lien neacutecessaire entre les coucircts de deacuteveloppement et la valeur drsquoactifs incorporels La simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC suggeacutereacutee par la Commission correspond uniquement au remboursement des coucircts que doit supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur des actifs incorporels ameacutelioreacutes Le seul remboursement des coucircts de deacuteveloppement sans qursquoune marge soit appliqueacutee relegraveve drsquoune approche qui ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute

267 Dans ce contexte il y a lieu de rappeler que lrsquoobjet de la transaction controcircleacutee faisant lrsquoobjet de lrsquoexamen de la Commission est la licence des actifs incorporels donneacutee par LuxSCS agrave LuxOpCo eacutetant rappeleacute que LuxSCS eacutetait partie agrave lrsquoARC Il est constant qursquoATI et A 9 exerccedilaient des fonctions de mise au point drsquoune partie des actifs incorporels Toutefois lrsquoargument de la Commission selon lequel ATI et A 9 eacutetaient laquo reacutemuneacutereacutees raquo par les paiements au titre de lrsquoARC pour ces fonctions traduit une compreacutehension erroneacutee de lrsquoARC par la Commission Il ressort du point 43 de lrsquoARC que les paiements effectueacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC eacutetaient uniquement calculeacutes en tant que pourcentage des coucircts de deacuteveloppement engageacutes par les parties agrave lrsquoARC Certes la participation de LuxSCS aux coucircts de deacuteveloppement est proportionnelle aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par les entiteacutes deacutetenues par LuxSCS et ainsi par LuxOpCo par rapport aux beacuteneacutefices reacutealiseacutes par ATI et A 9 Il nrsquoen reste pas moins que les paiements au titre de lrsquoARC correspondent ainsi agrave une fraction des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels deacuteveloppeacutes dans le cadre de lrsquoARC et mis agrave disposition de LuxOpCo conformeacutement agrave lrsquoaccord de licence et qursquoils ne reflegravetent donc pas la valeur de marcheacute de ces actifs incorporels Or crsquoest cette valeur qursquoune redevance de pleine concurrence au titre de lrsquoaccord de licence devrait refleacuteter

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268 Au regard de ce qui preacutecegravede la circonstance que LuxSCS nrsquoait pas exerceacute les fonctions de deacuteveloppement directement elle-mecircme ne remet pas en cause le constat que le montant de la redevance verseacutee par LuxOpCO doit refleacuteter la valeur des actifs incorporels

269 Degraves lors il eacutetait inapproprieacute pour la Commission drsquoaffirmer que la reacutemuneacuteration de LuxSCS pouvait ecirctre calculeacutee sur la base drsquoune simple reacutepercussion des coucircts de deacuteveloppement des actifs incorporels

270 La conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par les autres arguments de la Commission

271 Premiegraverement la Commission a fait valoir que LuxSCS ne serait qursquoun intermeacutediaire et qursquoelle nrsquoaurait fait que transmettre agrave LuxOpCo les coucircts supporteacutes en relation avec lrsquoaccord drsquoentreacutee et lrsquoARC pour transfeacuterer ensuite une partie de la redevance reccedilue de LuxOpCo au titre de lrsquoaccord de licence agrave A 9 et agrave ATI agrave concurrence de ces coucircts La diffeacuterence entre les montants perccedilus au titre de la redevance et les paiements effectueacutes au titre de lrsquoARC a eacuteteacute attribueacutee agrave LuxSCS puis eacuteventuellement remonteacutee par ses associeacutes sans que LuxSCS ait exerceacute aucune fonction qui justifierait que ces montants lui fussent attribueacutes

272 Toutefois mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que LuxSCS nrsquoeacutetait qursquoun simple intermeacutediaire agrave savoir qursquoelle eacutetait interposeacutee entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 qui nrsquoavait pas exerceacute des fonctions de deacuteveloppement il nrsquoen reste pas moins que le montant de la redevance qursquoaurait ducirc payer LuxOpCo et ainsi la reacutemuneacuteration de LuxSCS aurait ducirc refleacuteter la valeur marchande des actifs incorporels mis agrave disposition en vertu de lrsquoaccord de licence Or la simple reacutepercussion du paiement au titre de lrsquoARC invoqueacutee par la Commission ne correspond qursquoau remboursement des coucircts que devait supporter LuxSCS aux fins du deacuteveloppement des actifs incorporels et ne reflegravete pas la valeur marchande desdits actifs incorporels

273 Si par les arguments mentionneacutes au point 271 ci-dessus la Commission entend faire valoir que la base imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute diminueacutee du fait de lrsquointerposition de LuxSCS entre LuxOpCo et les entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 et de la conclusion de lrsquoaccord de licence avec LuxSCS ndash par opposition agrave la conclusion drsquoun accord de licence avec lesdites entiteacutes il y a lieu de relever que dans la deacutecision attaqueacutee la Commission ne srsquoest pas appuyeacutee sur un tel raisonnement pour deacutemontrer lrsquoexistence de lrsquoavantage en faveur de LuxOpCo

274 De plus il nrsquoest pas eacutetabli que si lrsquoaccord de licence avait eacuteteacute conclu par LuxOpCO directement avec les entiteacutes ameacutericaines sans que LuxSCS soit interposeacutee entre ces socieacuteteacutes le montant drsquoune redevance payeacutee auxdites entiteacutes aurait eacuteteacute diffeacuterent du montant de la redevance due agrave LuxSCS

275 Deuxiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience selon lequel lrsquoARC aurait pu ecirctre directement conclu avec LuxOpCo

276 Agrave cet eacutegard il convient de relever que le raisonnement selon lequel si LuxSCS nrsquoavait pas existeacute un accord de reacutepartition des coucircts aurait eacuteteacute conclu avec LuxOpCo est purement hypotheacutetique et relegraveve de fait du domaine de la speacuteculation

277 De plus dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas fondeacute son raisonnement sur le fait que LuxOpCo aurait pu ou aurait ducirc ecirctre directement partie agrave lrsquoARC En effet force est de constater que nulle part dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa remis en cause lrsquoexistence de LuxSCS en tant que telle pas moins que la validiteacute au regard du droit luxembourgeois du montage qui reacutesultait de la conclusion de lrsquoARC et de lrsquoaccord de licence au motif que ce montage aurait permis de diminuer la dette fiscale de LuxOpCo La Commission srsquoest en effet borneacutee agrave contester le montant de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS

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278 Troisiegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoargument souleveacute par la Commission lors de lrsquoaudience suivant lequel LuxSCS aurait eacuteteacute creacuteeacutee pour des raisons purement fiscales

279 Le simple fait qursquoune entiteacute appartenant agrave un groupe de socieacuteteacutes ait eacuteteacute creacuteeacutee seulement agrave des fins drsquooptimisation fiscale et qursquoelle perccediloive une redevance pour des actifs incorporels deacuteveloppeacutes au sein du groupe de socieacuteteacutes en question ne suffit pas en tant que tel pour conclure qursquoil y a eu un avantage fiscal au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE pour le deacutebiteur de la redevance et ne deacutemontre donc pas neacutecessairement lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat en faveur du deacutebiteur de la redevance

280 En lrsquoespegravece certes le traitement fiscal de LuxSCS variant entre le Luxembourg (LuxSCS eacutetait laquo fiscalement transparente raquo au Luxembourg) et les Eacutetats-Unis (LuxSCS eacutetait laquo non transparente fiscalement raquo aux Eacutetats-Unis) est ducirc agrave une laquo asymeacutetrie hybride raquo crsquoest-agrave-dire une diffeacuterence dans les reacuteglementations fiscales applicables au Luxembourg et aux Eacutetats-Unis srsquoagissant de lrsquoidentification du contribuable

281 Mais ainsi que lrsquoa releveacute la Commission elle-mecircme dans la note en bas de page no 16 qui accompagne le point 13 du meacutemoire en deacutefense de lrsquoaffaire T-81617 les conseacutequences de cette asymeacutetrie (la non-imposition des beacuteneacutefices) ne font pas lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee La question pertinente dans le cadre du preacutesent recours nrsquoest donc pas de savoir si la raison drsquoecirctre de LuxSCS est purement fiscale ni par ailleurs si les revenus qursquoelle a geacuteneacutereacutes ont effectivement eacuteteacute taxeacutes aux Eacutetats-Unis dans les mains de ses associeacutes mais celle de savoir si LuxOpCo a payeacute une redevance dont le montant a eacuteteacute sureacutevalueacute et si de ce fait la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et partant sa base imposable ont eacuteteacute artificiellement diminueacutees

282 Quatriegravemement la conclusion mentionneacutee au point 269 ci-dessus nrsquoest pas remise en cause par lrsquoaffirmation faite par la Commission lors de lrsquoaudience agrave la supposer aveacutereacutee suivant laquelle LuxSCS aurait eacuteteacute une socieacuteteacute laquo fictive raquo

283 Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que LuxSCS avait bel et bien une existence juridique ce que la Commission ne remet pas en cause LuxSCS eacutetait eacutetablie au Luxembourg et figurait dans le registre commercial du Grand-Ducheacute de Luxembourg en tant que socieacuteteacute luxembourgeoise

284 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de retenir que la conclusion figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle la premiegravere composante de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo aurait ducirc consister en une laquo refacturation des coucircts reacutepercuteacutes lieacutes agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee et agrave lrsquoARC (soit les coucircts drsquoentreacutee et lieacutes agrave lrsquoARC) raquo est entacheacutee drsquoerreur car une telle redevance ne correspond pas agrave un reacutesultat de marcheacute Cette erreur dans lrsquoapplication de la MTMN suffit eacutegalement pour consideacuterer que le constat principal de la Commission en ce qui concerne lrsquoavantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE ne peut ecirctre enteacuterineacute Cependant il convient de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties comme suit

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)

285 Srsquoagissant de la deuxiegraveme composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (voir point 254 ci-dessus) le Grand-Ducheacute de Luxembourg considegravere que lrsquoappreacuteciation figurant au consideacuterant 555 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir la thegravese selon laquelle laquo LuxSCS devrait ecirctre reacutemuneacutereacutee par une marge sur une base des coucircts composeacutee uniquement des coucircts supporteacutes pour les services externes contracteacutes pour conserver sa proprieacuteteacute leacutegale sur les actifs incorporels raquo est erroneacutee Agrave cet eacutegard le Grand-Ducheacute de Luxembourg soutient que crsquoest agrave tort que la Commission fixe la marge de laquo pleine concurrence raquo agrave 5 des coucircts externes sur la base du rapport FCPT Plus preacuteciseacutement selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg la marge de 5 reacuteputeacutee ecirctre la marge de laquo pleine concurrence raquo est arbitraire tout comme lrsquoanalyse sommaire sur laquelle cette marge se fonde Le rapport FCPT reposerait quant agrave lui sur une analyse des pratiques observeacutees par les administrations fiscales des Eacutetats membres et non sur

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une analyse de la pratique luxembourgeoise relative agrave lrsquoarticle 164 paragraphe 3 de la LIR Sans compter le fait qursquoil nrsquoaurait aucune valeur en droit luxembourgeois et qursquoil aurait eacuteteacute adopteacute posteacuterieurement agrave la DFA en cause et nrsquoaurait donc pas eacuteteacute disponible agrave lrsquoeacutepoque de lrsquoadoption de cette deacutecision le rapport FCPT se reacutefeacutererait agrave des marges observeacutees dans le cadre de transactions intragroupes et ne pourrait donc ecirctre utiliseacute comme base pour deacuteterminer une marge de pleine concurrence agrave savoir la marge correspondant agrave des conditions existant sur le marcheacute libre

286 La Commission conteste ces arguments

287 Elle souligne que la deuxiegraveme composante de la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS en repreacutesente une part minime de sorte qursquoelle nrsquoa pas reacuteellement drsquoincidence sur la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission Selon elle il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire en lrsquoespegravece de faire une veacuteritable analyse de prix de transfert et de deacuteterminer quel aurait ducirc ecirctre le montant exact de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo En revanche le rapport FCPT pourrait ecirctre utiliseacute comme une laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo et permettrait de fixer le montant de transactions intragroupe agrave faible valeur pour lesquelles il serait trop coucircteux et fastidieux de reacutealiser une veacuteritable analyse de prix de transfert Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ferait partie du forum conjoint sur les prix de transfert et le rapport FCPT se fonderait eacutegalement sur la pratique luxembourgeoise Si les marges constateacutees dans le rapport FCPT ont eacuteteacute observeacutees pour des transactions intragroupe il srsquoagit selon la Commission des marges ndash geacuteneacuteralement accepteacutees par les administrations fiscales ndash en ce qursquoelles reflegravetent la rentabiliteacute drsquoentreprises dans des conditions de marcheacute Enfin la Commission indique que le rapport FCPT srsquoil date de 2010 se fonde sur des donneacutees relatives agrave la peacuteriode comprise entre 1999 et 2007 ajoutant que ces donneacutees peuvent ecirctre utiliseacutees dans la mesure ougrave la DFA en cause nrsquoa eacuteteacute mise en œuvre qursquoagrave compter de 2006

288 Agrave titre liminaire ainsi qursquoexposeacute au point 254 ci-dessus la deuxiegraveme composante de la laquo reacutemuneacuteration raquo de LuxSCS calculeacutee par la Commission correspond agrave des coucircts qui pourraient ecirctre deacutesigneacutes comme des laquo coucircts de maintien raquo majoreacutes de 5 Ce rendement de 5 a eacuteteacute retenu par la Commission sur la base du rapport FCPT dans la mesure ougrave il srsquoagit du taux de rendement le plus souvent observeacute pour des prix de transfert relatif agrave des prestations de services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee

289 Ainsi que le soutiennent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapproche retenue par la Commission est probleacutematique agrave plusieurs eacutegards

290 Tout drsquoabord la Commission a elle-mecircme reconnu au consideacuterant 557 de la deacutecision attaqueacutee qursquoil nrsquoexistait pas de comparables pour eacutevaluer la reacutemuneacuteration de LuxSCS pour ses fonctions correspondant au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels

291 Or selon le point 326 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 lorsqursquoil srsquoagit drsquoappliquer la MTMN la laquo marge nette obtenue par le contribuable au titre drsquoune transaction controcircleacutee [hellip] devrait theacuteoriquement ecirctre deacutetermineacutee par reacutefeacuterence agrave la marge nette que le mecircme contribuable reacutealise au titre de transactions comparables sur le marcheacute libre raquo Lrsquoabsence de comparable aurait ducirc conduire agrave ce que la Commission nrsquoappliquacirct pas la MTMN agrave LuxSCS

292 Certes lrsquoapproche retenue par la Commission visant agrave utiliser le rapport FCPT au lieu drsquoeffectuer sa propre recherche de comparabiliteacute ainsi que sa propre analyse des marges nettes comparables existant sur le marcheacute nrsquoest pas incompatible avec les regravegles drsquoapplication de la MTMN telles que celles-ci deacutecoulent des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet drsquoune part ainsi qursquoil ressort notamment des points 329 et 330 de ces lignes directrices il est notoire qursquoil est difficile de trouver des informations suffisamment preacutecises concernant les marges nettes existant sur le marcheacute libre ainsi que les paramegravetres utiliseacutes souvent sur le marcheacute libre comme indicateurs de beacuteneacutefices Drsquoautre part la forme et la nature des sources drsquoinformations utiliseacutees agrave cet effet nrsquoont en tant que telles aucune pertinence Srsquoil existe une publication portant sur les indicateurs de beacuteneacutefices ou sur les

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marges nettes observeacutes dans un certain domaine de lrsquoactiviteacute eacuteconomique cette publication peut en principe ecirctre utiliseacutee sans toutefois qursquoil doive srsquoagir agrave cet eacutegard neacutecessairement drsquoune laquo sphegravere de seacutecuriteacute raquo telle que celle dont fait eacutetat la Commission dans le cadre de son argumentaire mentionneacute au point 287 ci-dessus

293 Pourtant lrsquoutilisation drsquoun tel rapport ne saurait ecirctre retenue que si les donneacutees y figurant sont pertinentes et fiables En particulier le moins que lrsquoon puisse demander agrave un tel rapport est que les donneacutees qui y sont contenues aient trait agrave des transactions comparables agrave la transaction controcircleacutee ainsi qursquoagrave des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentiteacute testeacutee de maniegravere agrave ce que la comparaison soit effectivement fiable

294 En lrsquoespegravece force est de constater que la marge retenue par la Commission sur la base du rapport FCPT correspond agrave la marge geacuteneacuteralement observeacutee selon les auteurs de ce rapport pour certains laquo services intragroupe agrave faible valeur ajouteacutee raquo Or LuxSCS nrsquoa pas fourni de tels services Les fonctions lieacutees au maintien de sa proprieacuteteacute sur les actifs incorporels ne sauraient en effet ecirctre assimileacutees agrave une prestation de service intragroupe laquo agrave faible valeur ajouteacutee raquo Il srsquoensuit que si en principe lrsquoutilisation du rapport FCPT ne soulegraveve pas de difficulteacutes drsquoordre meacutethodologique il nrsquoen demeure pas moins que les informations contenues dans ce rapport nrsquoavaient aucun lien avec les fonctions de LuxSCS dans le cadre de la transaction controcircleacutee concerneacutee en lrsquoespegravece agrave savoir lrsquoaccord de licence

295 Compte tenu des consideacuterations figurant aux points 257 agrave 292 ci-dessus il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation souleveacutee par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon tendant agrave faire valoir que la Commission a commis des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS ce qui aurait eu un impact sur sa conclusion relative au fait de choisir LuxSCS en tant que partie agrave tester dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN La Commission a eacutegalement commis une erreur dans la deacutetermination de la marge nette approprieacutee applicable agrave la transaction controcircleacutee en lrsquoespegravece

3) Conclusion sur le constat principal

296 Agrave lrsquoaune de ces diffeacuterentes consideacuterations il convient drsquoaccueillir lrsquoargumentation du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage Drsquoune part la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxSCS devait ecirctre retenue en tant que partie agrave tester Drsquoautre part le calcul de la laquo reacutemuneacuteration de LuxSCS raquo opeacutereacute par la Commission sur la base de la preacutemisse selon laquelle LuxSCS devait ecirctre lrsquoentiteacute agrave tester est entacheacute de nombreuses erreurs et ne saurait ecirctre consideacutereacute comme eacutetant suffisamment fiable ni comme permettant drsquoaboutir agrave un reacutesultat de pleine concurrence Dans la mesure ougrave la meacutethode de calcul retenue par la Commission doit ecirctre eacutecarteacutee cette meacutethode ne saurait fonder le constat de la Commission selon lequel la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS aurait ducirc ecirctre infeacuterieure agrave celle effectivement perccedilue en application de la DFA en cause pendant la peacuteriode contesteacutee Les eacuteleacutements contenus dans le constat principal de lrsquoavantage ne permettent donc pas drsquoeacutetablir que la charge fiscale de LuxOpCo a eacuteteacute artificiellement diminueacutee du fait drsquoune sureacutevaluation de la redevance

297 Par conseacutequent les premier et deuxiegraveme griefs de la deuxiegraveme branche et la troisiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 ainsi que les deuxiegraveme et quatriegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage dans le cadre de son constat principal doivent ecirctre accueillis sans qursquoil soit neacutecessaire drsquoexaminer les autres moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal

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3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage

298 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le raisonnement subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo

299 Afin drsquoexaminer en deacutetail ces moyens il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoexposeacute aux points 65 agrave 68 ci-dessus dans le cadre de son raisonnement subsidiaire relatif agrave lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission a opeacutereacute trois constats selon lesquels la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause repose sur trois choix meacutethodologiques erroneacutes

300 Tout drsquoabord par son premier constat subsidiaire (consideacuterants 565 agrave 569 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause Agrave cet eacutegard il importe de rappeler que les parties srsquoaccordent sur le fait que la meacutethode appliqueacutee dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 correspondait en reacutealiteacute agrave la MTMN En revanche contrairement agrave ce qui ressort du rapport sur les prix de transfert de 2003 lui-mecircme les auteurs de ce rapport nrsquoont pas choisi ni effectivement appliqueacute la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Amazon a confirmeacute dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que la meacutethode de prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause consistait dans un premier temps agrave calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en application de la MTMN et dans un second temps agrave attribuer la totaliteacute des beacuteneacutefices reacutesiduels agrave LuxSCS afin de la reacutemuneacuterer pour les actifs incorporels Par ailleurs le fait que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 ont en reacutealiteacute utiliseacute la MTMN et non la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle a eacuteteacute mentionneacute par la Commission au consideacuterant 540 de la deacutecision attaqueacutee

301 Agrave lrsquoappui de son premier constat subsidiaire la Commission a exposeacute que agrave supposer que LuxSCS ait exerceacute effectivement des fonctions uniques et de valeur ce qursquoelle conteste les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises ne pouvaient ignorer que LuxOpCo exerccedilait eacutegalement des fonctions uniques et de valeur en lien avec la proprieacuteteacute intellectuelle et avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et non des fonctions de gestion courante En conseacutequence la Commission a consideacutereacute que la meacutethode de deacutetermination retenue dans la DFA en cause ne permettait pas drsquoaboutir agrave un reacutesultat fiable et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec une analyse des contributions eacutetait davantage approprieacutee Or selon la Commission si cette derniegravere meacutethode avait eacuteteacute utiliseacutee la reacutemuneacuteration et par conseacutequent le revenu imposable de LuxOpCo auraient eacuteteacute plus importants

302 Ensuite dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 570 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a consideacutereacute que le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute dans la DFA en cause eacutetait erroneacute Plus speacutecifiquement elle a consideacutereacute que agrave supposer mecircme que lrsquoanalyse fonctionnelle contenue dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 fucirct correcte en acceptant une marge sur les charges drsquoexploitation et non sur les coucircts totaux la DFA en cause avait reacuteduit de maniegravere inapproprieacutee le revenu imposable de LuxOpCo lui confeacuterant ainsi un avantage eacuteconomique

303 Enfin dans le cadre de son troisiegraveme constat subsidiaire (consideacuterants 574 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee) la Commission a conclu que en tout eacutetat de cause lrsquoinclusion drsquoun plafond dans la meacutethode de prix aux fins de deacuteterminer la base imposable de LuxOpCo telle qursquoavaliseacutee dans la deacutecision attaqueacutee nrsquoeacutetait pas approprieacutee ni justifieacutee eacuteconomiquement Selon la Commission dans la mesure ougrave elle avait abouti agrave une diminution du revenu imposable de LuxOpCo pour les exercices fiscaux 2006 2007 2011 2012 et 2013 lrsquoinclusion drsquoun tel plafond avait confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave cette socieacuteteacute

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304 Il importe de relever que chacun des constats subsidiaires figurant aux titres 9221 agrave 9223 de la deacutecision attaqueacutee est indeacutependant lrsquoun de lrsquoautre Chacun est donc susceptible drsquoeacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage La Commission a confirmeacute tant dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites que lors de lrsquoaudience que chacun des constats subsidiaires corroborait de maniegravere indeacutependante et autonome la constatation de lrsquoexistence drsquoun avantage

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires

305 Au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a preacuteciseacute que lrsquoappreacuteciation agrave laquelle elle avait proceacutedeacute dans le cadre de la section 922 relatif aux constatations subsidiaires de lrsquoavantage ne visait pas agrave deacuteterminer une reacutemuneacuteration de pleine concurrence laquo preacutecise raquo pour LuxOpCo mais agrave deacutemontrer que la DFA en cause confeacuterait un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo en avalisant des choix meacutethodologiques erroneacutes qui conduisaient agrave une diminution de son revenu imposable

306 Agrave cet eacutegard en compleacutement de ce qui a eacuteteacute exposeacute aux points 123 agrave 126 ci-dessus il importe de clarifier au regard du contenu de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le niveau de preuve qui pegravese sur la Commission dans le cadre de lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat dans le contexte drsquoun rescrit fiscal tel que la DFA en cause

307 Tout drsquoabord au point 152 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que lorsque la Commission fait application du principe de pleine concurrence afin de controcircler si le beacuteneacutefice imposable drsquoune entreprise inteacutegreacutee en application drsquoune mesure fiscale (premier facteur de comparaison) correspond agrave une approximation fiable drsquoun beacuteneacutefice imposable deacutegageacute dans des conditions de marcheacute (deuxiegraveme facteur de comparaison) elle ne peut constater lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE qursquoagrave condition que lrsquoeacutecart entre les deux facteurs de comparaison aille au-delagrave des impreacutecisions inheacuterentes agrave la meacutethode appliqueacutee pour obtenir ladite approximation

308 Il en deacutecoule que pour deacutemontrer qursquoune deacutecision fiscale anticipeacutee utiliseacutee pour calculer la reacutemuneacuteration drsquoune entreprise confegravere un avantage eacuteconomique la Commission doit eacutetablir que cette reacutemuneacuteration srsquoeacutecarte drsquoun reacutesultat de pleine concurrence dans des proportions telles qursquoelle ne peut ecirctre consideacutereacutee comme une reacutemuneacuteration qui aurait eacuteteacute perccedilue sur le marcheacute dans des conditions de concurrence

309 Ensuite aux points 201 et 211 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) le Tribunal a preacuteciseacute que le seul non-respect de prescriptions meacutethodologiques nrsquoaboutissait pas neacutecessairement agrave une diminution de la charge fiscale Encore fallait-il que la Commission deacutemontracirct que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle avait identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable Le Tribunal a ainsi conclu que le seul constat drsquoerreurs dans le choix ou lrsquoapplication de la meacutethode de deacutetermination des prix de transfert ne suffisait pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE

310 Il importe de relever agrave cet eacutegard que srsquoil appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que lrsquoerreur meacutethodologique a abouti agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la deacutecision fiscale anticipeacutee le Tribunal nrsquoa pas exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

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311 Une telle lecture de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) ressort de lrsquoutilisation de lrsquoexpression laquo en principe raquo aux points 201 et 211 ainsi que du point 212 de cet arrecirct dans lequel il est preacuteciseacute que dans cette affaire la Commission nrsquoavait invoqueacute aucun eacuteleacutement permettant de conclure sans que soit opeacutereacutee une comparaison avec le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode preacuteconiseacutee par elle que le choix de la meacutethode avaliseacutee dans la deacutecision fiscale anticipeacutee en cause aboutissait neacutecessairement agrave un reacutesultat trop bas

312 Compte tenu de ce qui preacutecegravede et en lrsquoabsence de comparaison dans la deacutecision attaqueacutee entre drsquoune part le reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission et drsquoautre part le reacutesultat obtenu en application de la DFA en cause lrsquoapproche de la Commission exposeacutee au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee au terme de laquelle celle-ci se borne agrave identifier des erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert est en principe insuffisante pour eacutetablir qursquoil y a effectivement eu une diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

313 Neacuteanmoins il y a lieu de veacuterifier si en deacutepit de lrsquoaffirmation contenue au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee le raisonnement subsidiaire de la Commission relatif agrave lrsquoavantage contient des eacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir que les erreurs dans lrsquoanalyse des prix de transfert identifieacutees par la Commission ont abouti agrave une veacuteritable diminution de la charge fiscale de LuxOpCo

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

314 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le premier constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9221 de la deacutecision attaqueacutee) En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent lrsquoaffirmation selon laquelle la meacutethode de prix de transfert preacuteconiseacutee par la Commission agrave savoir la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee Ils font valoir que crsquoest agrave tort que la Commission a conclu que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur Le Grand-Ducheacute de Luxembourg souligne que la Commission nrsquoa drsquoailleurs pas chercheacute agrave appliquer elle-mecircme la meacutethode du partage des beacuteneacutefices

315 La Commission conteste ces arguments

316 Selon la Commission la deacutecision attaqueacutee a agrave bon droit releveacute des choix meacutethodologiques inadeacutequats srsquoagissant de la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee dans la DFA en cause Elle est drsquoavis que mecircme si LuxSCS eacutetait consideacutereacutee comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels cela serait eacutegalement le cas de LuxOpCo de sorte qursquoune deacutetermination des prix de transfert fondeacutee sur la meacutethode du partage des beacuteneacutefices repreacutesenterait une meacutethode de prix de transfert plus approprieacutee et aboutirait agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo supeacuterieure agrave celle confirmeacutee par la DFA en cause

317 En lrsquoespegravece il convient de constater que aux consideacuterants 565 agrave 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute en substance que mecircme srsquoil y avait lieu drsquoaccepter la thegravese selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels le fait que LuxOpCo assumait eacutegalement de telles fonctions aurait signifieacute que en lrsquoespegravece la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre preacutefeacutereacutee agrave la meacutethode MTMN

318 Agrave cet eacutegard il importe de preacuteciser deux choses diffeacuterentes

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319 Premiegraverement la Commission a indiqueacute au consideacuterant 565 de la deacutecision attaqueacutee que loin drsquoexeacutecuter au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des fonctions de gestion laquo courantes raquo LuxOpCo assumait toute une seacuterie de fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et exerccedilait les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

320 Dans ce contexte il convient de souligner eacutegalement que la Commission nrsquoa pas constateacute que certaines des fonctions de LuxOpCo telles qursquoidentifieacutees dans le cadre de sa propre analyse fonctionnelle auraient pu ecirctre qualifieacutees de courantes ou de routine ni que de telles fonctions auraient ducirc en deacutepit de ce caractegravere de routine faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire

321 Deuxiegravemement au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a conclu que lrsquoapplication de lrsquoanalyse des contributions en lrsquoespegravece aurait conduit agrave une reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour toutes ses fonctions ainsi que tous ses actifs et risques tels qursquoanalyseacutes agrave la section 9212 de la deacutecision attaqueacutee et donc agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure agrave celle valideacutee dans la DFA en cause Ce faisant la Commission a consideacutereacute que le fait drsquoavaliser la MTMN dans la DFA en cause aurait entraicircneacute une diminution du revenu imposable de LuxOpCo par rapport agrave des socieacuteteacutes dont le beacuteneacutefice imposable refleacutetait les prix neacutegocieacutes sur le marcheacute En particulier ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 566 de la deacutecision attaqueacutee selon la Commission il nrsquoeacutetait pas approprieacute drsquoavaliser une meacutethode de fixation des prix de transfert preacutevoyant lrsquoimputation agrave LuxSCS de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel reacutealiseacute par LuxOpCo exceacutedant [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation

322 Par ailleurs il ressort du point 45 des reacuteponses de la Commission aux questions eacutecrites du Tribunal que selon elle la reacutemuneacuteration de LuxOpCo eacutetait laquo neacutecessairement raquo plus eacuteleveacutee avec lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions car cette meacutethode aurait permis de reacutemuneacuterer les fonctions uniques et de valeur de LuxOpCo

323 Crsquoest sur la base des consideacuterations figurant aux points 316 agrave 322 ci-dessus qursquoil convient drsquoexaminer les griefs du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

324 Ainsi qursquoil ressort du point 314 ci-dessus le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soulegravevent trois griefs lesquels tendent agrave contester premiegraverement lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur deuxiegravemement le constat selon lequel la DFA en cause avait erroneacutement avaliseacute lrsquoutilisation de la MTMN et la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions devait ecirctre utiliseacutee dans le cas drsquoespegravece et troisiegravemement la conclusion selon laquelle lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait laquo neacutecessairement raquo abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante

1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo

325 Avant toute chose il convient de relever que le premier constat subsidiaire renvoie expresseacutement aux sections 92121 et 92122 92123 et 9214 de la deacutecision attaqueacutee dans lesquelles la Commission a proceacutedeacute agrave sa propre analyse fonctionnelle de LuxOpCo et repose directement sur les constats contenus dans ces sections

326 Les constatations opeacutereacutees dans les sections 92121 et 92122 92123 et 92124 de la deacutecision attaqueacutee ainsi que le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur font lrsquoobjet du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen renvoyant aux deuxiegraveme et troisiegraveme moyens dans lrsquoaffaire T-31818 tendant agrave contester lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission

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327 Il y a lieu drsquoexaminer conjointement lrsquoensemble des arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le bien-fondeacute de lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo opeacutereacutee par la Commission et le constat selon lequel LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur

328 Tout drsquoabord selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo nrsquoavait pas de fonctions significatives relatives agrave la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels en Europe mais eacutetait seulement en charge de lrsquoexploitation de lrsquoentreprise En effet lrsquoessentiel du deacuteveloppement de la gestion et de lrsquoameacutelioration des actifs incorporels aurait eu lieu aux Eacutetats-Unis

329 Ensuite le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir en substance que les fonctions de LuxOpCo en lien avec lrsquoactiviteacute commerciale du groupe Amazon en Europe constituaient des contributions de routine et non des contributions uniques et de valeur dans la mesure ougrave elles reposaient largement sur les actifs incorporels mis agrave disposition par LuxSCS Les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe se seraient limiteacutees ainsi agrave des fonctions de gestion

330 Enfin srsquoagissant des actifs et des risques assumeacutes par LuxOpCo Amazon soutient que les risques lieacutes aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo eacutetaient geacutereacutes et atteacutenueacutes par la technologie

331 La Commission conteste ces arguments

332 Tout drsquoabord elle fait valoir en substance que crsquoest LuxOpCo qui avec le soutien des socieacuteteacutes affilieacutees europeacuteennes a exerceacute toutes les fonctions pertinentes uniques et de valeur relatives aux trois composantes des actifs incorporels agrave savoir la technologie les donneacutees clients et le marketing

333 Ensuite elle fait valoir que les fonctions laquo humaines raquo nrsquoauraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie ni dans la fixation des prix ni dans les relations du groupe Amazon avec les vendeurs et les clients ni dans la gestion des stocks ni dans les deacutecisions concernant les stocks La Commission soutient que le fait que LuxOpCo utilisait les actifs incorporels dans le cadre de lrsquoexercice de ces fonctions ne signifiait pas que ces derniegraveres ne pouvaient pas ecirctre consideacutereacutees comme uniques et de valeur

334 Enfin en ce qui concerne les actifs utiliseacutes et les risques assumeacutes par LuxOpCo drsquoune part la Commission relegraveve que le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa formuleacute aucune critique directe agrave lrsquoencontre des consideacuterants de la deacutecision attaqueacutee portant sur ces deux eacuteleacutements et drsquoautre part elle conteste lrsquoargument drsquoAmazon selon lequel la technologie a permis de geacuterer les risques de LuxOpCo sans neacutecessiter la moindre intervention humaine

335 Agrave titre liminaire il importe de souligner que lrsquoexamen de la question de savoir si LuxOpCo exerccedilait effectivement des laquo fonctions uniques et de valeur raquo ainsi que la Commission le soutient ou bien seulement des laquo fonctions de routine raquo ainsi que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le font valoir doit ecirctre opeacutereacute au regard des notions qui ont eacuteteacute abordeacutees au point 227 ci-dessus La notion de laquo fonctions uniques et de valeur raquo bien qursquoelle ne soit pas expresseacutement expliciteacutee dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 srsquooppose agrave la notion de laquo fonctions de routine raquo lesquelles sont des fonctions qui peuvent ecirctre facilement eacutevalueacutees Ainsi qursquoil a eacuteteacute releveacute au point 228 ci-dessus la notion de laquo fonction unique raquo renvoie agrave la situation dans laquelle il nrsquoy a pas de comparable pour une certaine fonction La notion de laquo fonction de valeur raquo a trait notamment au fait que la fonction en cause permet de geacuteneacuterer des recettes importantes

336 Par ailleurs il convient eacutegalement de relever dans la mesure ougrave la Commission a essentiellement fondeacute son analyse fonctionnelle de LuxOpCo sur les deacuteclarations des employeacutes de cette derniegravere issues du contentieux porteacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (ci-apregraves les laquo teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon raquo) que dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 le Grand-Ducheacute de Luxembourg fait valoir que ces teacutemoignages datent de 2014 et portent sur les

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activiteacutes du groupe Amazon entre 2005 et 2014 de sorte que les autoriteacutes luxembourgeoises ne pouvaient en aucun cas avoir connaissance de ces informations au moment de lrsquooctroi de la DFA en cause

337 Il importe de relever agrave cet eacutegard tout drsquoabord que cet argument du Grand-Ducheacute prend le contre-pied de la position qursquoil a retenue dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal En effet srsquoagissant de la possibiliteacute de prendre en compte lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis et le rapport sur les prix de transfert de 2017 celui-ci a affirmeacute que pour deacuteterminer si LuxOpCo avait beacuteneacuteficieacute drsquoun avantage il eacutetait neacutecessaire drsquoexaminer quel aurait eacuteteacute lrsquoimpocirct qursquoelle aurait ducirc supporter en lrsquoabsence de la DFA en cause ce qui implique neacutecessairement de prendre en compte des informations posteacuterieures agrave lrsquooctroi de la DFA en cause

338 Certes dans lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669 points 247 et 250) le Tribunal a consideacutereacute que lrsquoexamen de lrsquoexistence drsquoun avantage confeacutereacute par un accord preacutealable sur les prix faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee devrait ecirctre fait au regard du contexte de lrsquoeacutepoque au cours de laquelle celui-ci a eacuteteacute conclu Toutefois le Tribunal a fondeacute ce constat sur le fait que dans cette affaire la mesure contesteacutee par la Commission eacutetait uniquement lrsquoaccord preacutealable sur les prix

339 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater que la mesure des autoriteacutes luxembourgeoises faisant lrsquoobjet de la deacutecision attaqueacutee est non seulement la DFA en cause laquelle a eacuteteacute adopteacutee en 2003 puis prorogeacutee en 2004 et en 2010 mais eacutegalement lrsquoacceptation ulteacuterieure de la deacuteclaration annuelle de LuxOpCo fondeacutee sur ladite deacutecision de sorte que les informations relatives agrave la situation effective de LuxOpCo pendant la peacuteriode concerneacutee eacutetaient neacutecessairement des informations disponibles pour les autoriteacutes fiscales lorsqursquoelles ont adopteacute les mesures faisant lrsquoobjet de la deacutecision fiscale anticipeacutee

340 Il srsquoensuit que dans les circonstances de lrsquoespegravece il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir fondeacute son analyse sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon Il convient donc de prendre en compte ces eacuteleacutements aux fins drsquoappreacutecier les griefs formuleacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon en ce qui concerne lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

341 De maniegravere geacuteneacuterale les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo avait exerceacute des fonctions significatives laquo uniques et de valeur raquo en ce qui concerne les actifs incorporels Selon la Commission tel aurait eacuteteacute le cas parce que LuxOpCo aurait eacuteteacute responsable pour les adaptations de la technologie aux speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen pour le deacuteveloppement des donneacutees clients et pour des activiteacutes en lien avec les actifs de marketing

342 Dans le cadre de la section 92121 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxOpCo avait eacuteteacute chargeacutee drsquoexercer des fonctions laquo uniques et de valeur raquo en rapport avec les actifs incorporels Ces fonctions incluaient selon elle la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la proprieacuteteacute intellectuelle de maniegravere geacuteneacuterale mais eacutegalement au niveau de chacune des trois composantes des actifs incorporels agrave savoir de la technologie des donneacutees clients et de la marque deacuteposeacutee au moyen drsquoinnovations technologiques et commerciales europeacuteennes indeacutependantes de la creacuteation et de la gestion des donneacutees clients ainsi que du deacuteveloppement et du maintien de la marque deacuteposeacutee Ainsi en substance selon la Commission LuxOpCo ne srsquoest pas contenteacutee drsquoexploiter la technologie pour geacuterer les sites europeacuteens mais aurait activement contribueacute agrave sa mise au point agrave son ameacutelioration et agrave sa gestion au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 449 450 et 465 de la deacutecision attaqueacutee)

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343 Premiegraverement la Commission a releveacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoune licence exclusive et irreacutevocable sur les actifs incorporels et ainsi du droit de continuer de mettre au point ameacuteliorer entretenir et proteacuteger ces actifs incorporels bien que LuxSCS restacirct proprieacutetaire des travaux deacuteriveacutes creacuteeacutes par LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

344 Deuxiegravemement la Commission a constateacute que de maniegravere geacuteneacuterale LuxOpCo aurait contribueacute agrave la mise au point agrave lrsquoentretien et agrave la gestion des actifs incorporels agrave travers le laquo EU IP Steering Committee raquo (comiteacute drsquoorganisation concernant la proprieacuteteacute intellectuelle dans lrsquoUnion) (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) Selon la Commission le EU IP Steering Committee eacutetait un forum au sein duquel les dirigeants de LuxOpCo et drsquoASE chargeacutes des activiteacutes commerciales et de la technologie se rencontraient pour discuter et recommander des actions concernant les actifs incorporels en Europe telles qursquoelles leur eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon Les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

345 Troisiegravemement la Commission a exposeacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de la technologie (consideacuterants 466 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute que certes la technologie mise agrave disposition de LuxOpCo par LuxSCS aurait eacuteteacute la laquo technologie existante drsquoAmazon US raquo telle que laquo deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis raquo (consideacuterants 456 et 461 de la deacutecision attaqueacutee) Toutefois selon elle plusieurs fonctions des logiciels drsquoAmazon utiliseacutes aux Eacutetats-Unis auraient ducirc ecirctre adapteacutees pour ecirctre deacuteployeacutees en Europe En particulier la Commission a exposeacute que pour mener agrave bien les activiteacutes commerciales europeacuteennes du groupe Amazon en Europe LuxOpCo aurait mis au point ameacutelioreacute et geacutereacute cette technologie ameacutericaine avec le soutien de ses filiales pendant la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 456 agrave 460 de la deacutecision attaqueacutee) En outre LuxOpCo et ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient speacutecialement deacuteveloppeacute une technologie importante utiliseacutee pour les activiteacutes de vente au deacutetail et de services europeacuteennes Un exemple de ce type de technologie aurait eacuteteacute le laquo European Fulfilment Network raquo (reacuteseau de distribution europeacuteenne EFN) technologie qui avait permis de mutualiser les stocks du groupe Amazon situeacutes dans divers Eacutetats membres et drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens si bien que gracircce agrave cet outil les clients de tout pays de lrsquoUnion eacutetaient en mesure drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet national du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 462 et 463 de la deacutecision attaqueacutee)

346 Quatriegravemement en ce qui concerne les donneacutees clients la Commission a constateacute que mecircme si les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens eacutetaient la proprieacuteteacute leacutegale de LuxSCS LuxOpCo avait exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ces donneacutees au cours de la peacuteriode consideacutereacutee (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a releveacute agrave cet eacutegard que LuxOpCo avait activement accumuleacute ces donneacutees agrave titre de service pour LuxSCS et devait en assurer lrsquoentretien et garantir le respect des lois applicables en matiegravere de protection des donneacutees

347 Cinquiegravemement en ce qui concerne la laquo marque deacuteposeacutee raquo (consideacuterants 469 agrave 470) agrave savoir les marques drsquoAmazon dans la mesure ougrave elles ont eacuteteacute deacuteposeacutees dans lrsquoUnion la Commission a releveacute que bien que cette marque fucirct bien reconnue et qursquoune forte identification drsquoune marque au niveau mondial fucirct un atout majeur pour attirer des clients la valeur de cette marque commerciale aurait eacuteteacute drsquoune importance secondaire pour la bonne mise en œuvre en Europe des trois piliers des activiteacutes du groupe Amazon agrave savoir lrsquoassortiment le prix et la faciliteacute drsquoutilisation (ci-apregraves les laquo trois piliers raquo) Compte tenu du fait que la marque et la reacuteputation du groupe Amazon se seraient appuyeacutees fortement sur la prestation constante par LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes drsquoun service hautement satisfaisant aux clients il conviendrait de conclure selon la Commission que en reacutealiteacute la valeur de la marque Amazon en Europe aurait eacuteteacute geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees

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europeacuteennes et non au niveau de LuxSCS (consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee) En outre les activiteacutes de marketing auraient eacuteteacute assureacutees par LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes sur la base drsquoun savoir-faire local (consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee)

348 Dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent chacun des cinq points de lrsquoanalyse de la Commission il convient drsquoexaminer seacutepareacutement les arguments relatifs agrave chacune de ces questions

349 Avant de proceacuteder agrave un tel examen il y a lieu de relever agrave titre liminaire que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas que LuxOpCo ait exerceacute certaines fonctions en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment la technologie mais contestent uniquement que LuxOpCo ait pris une part importante dans le deacuteveloppement des actifs incorporels et ainsi qursquoelle exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec ces actifs

350 En effet dans leurs eacutecritures le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon concegravedent que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement qursquoils deacutesignent comme eacutetant laquo minimales raquo ou encore qursquoelle a joueacute un rocircle qui serait toutefois laquo secondaire raquo dans la creacuteation de la valeur des actifs incorporels

351 Il en deacutecoule donc que mecircme selon les dires du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon LuxOpCo a bel et bien exerceacute des fonctions ne serait-ce que de nature secondaire en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)

352 Ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute au point 343 ci-dessus aux fins de deacutemontrer lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels la Commission a insisteacute au consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee sur le fait que LuxOpCo avait laquo un droit de continuer agrave mettre au point agrave ameacuteliorer agrave entretenir [hellip] les actifs incorporels pour toute leur dureacutee drsquoutiliteacute raquo Dans ce contexte la Commission a affirmeacute au point 100 du meacutemoire en deacutefense preacutesenteacute dans lrsquoaffaire T-81617 que LuxOpCo avait un laquo droit exclusif de poursuivre la mise au point [drsquo]ameacuteliorer [et drsquo] entretenir les actifs incorporels raquo drsquoAmazon

353 Certes le terme laquo exclusive raquo a eacuteteacute utiliseacute au point 21 de lrsquoaccord de licence pour deacutecrire la licence conceacutedeacutee agrave LuxOpCo laquelle ne couvrait en tout eacutetat de cause que le territoire europeacuteen Ce point 21 sous a) se lit comme suit

laquo Concession de licence de proprieacuteteacute intellectuelle exclusive raquo

[LuxSCS] accorde irreacutevocablement agrave [LuxOpCo] en vertu de tous les droits de proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] sur ou comprenant la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] qursquoils existent actuellement ou agrave lrsquoavenir le droit unique et exclusif et la licence suivants sur la proprieacuteteacute intellectuelle de [LuxSCS] pendant la dureacutee [de lrsquoaccord de licence] [] raquo

354 Toutefois au vu des arrangements contractuels existant entre LuxSCS et les entiteacutes ameacutericaines il convient de constater que dans les faits LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute agrave deacutetenir le droit drsquoameacuteliorer et de mettre au point ces actifs incorporels

355 En effet les droits dont LuxOpCo beacuteneacuteficiait au regard du deacuteveloppement des actifs incorporels en vertu de lrsquoaccord de licence eacutetaient neacutecessairement non exclusifs dans la mesure ougrave les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper drsquoameacuteliorer et drsquoexploiter la technologie Le fait que les autres parties agrave lrsquoARC agrave savoir ATI et A 9 avaient conserveacute le droit de deacutevelopper et drsquoameacuteliorer la technologie nrsquoest drsquoailleurs pas contesteacute par la Commission

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356 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que les droits que LuxOpCo avait obtenus en vertu de lrsquoaccord de licence nrsquoeacutetaient pas limiteacutes aux actifs incorporels existant au moment ougrave cet accord a eacuteteacute conclu mais couvraient eacutegalement tous les actifs incorporels futurs creacuteeacutes agrave la suite des efforts constants de deacuteveloppement drsquoentretien et drsquoameacutelioration reacutealiseacutes sous la direction des entiteacutes ameacutericaines ATI et A 9 Cela deacutemontre bien que LuxOpCo nrsquoeacutetait pas la seule entiteacute habiliteacutee agrave deacutevelopper et ameacuteliorer les actifs incorporels couverts par lrsquoaccord de licence

357 La Commission admet drsquoailleurs que les actifs tels que transfeacutereacutes agrave LuxSCS le 1er janvier 2005 au titre de lrsquoaccord drsquoentreacutee ont fait lrsquoobjet drsquoun laquo remplacement progressif raquo par des actifs incorporels deacuteveloppeacutes et ameacutelioreacutes ulteacuterieurement au titre de lrsquoARC au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Elle reconnaicirct eacutegalement que la technologie deacutetenue par LuxSCS et donneacutee en licence agrave LuxOpCo eacutetait mise au point par les entiteacutes ameacutericaines en particulier ATI et A 9

358 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que la Commission a erroneacutement consideacutereacute que LuxOpCo beacuteneacuteficiait drsquoun droit exclusif de poursuivre la mise au point des actifs incorporels Ce constat ne suffit neacuteanmoins pas agrave invalider le raisonnement de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions significatives voire des fonctions uniques et de valeur en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels En effet le fait pour LuxOpCo de ne pas avoir un droit exclusif drsquoutilisation sur les actifs incorporels ne joue ni en faveur ni en deacutefaveur de lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle LuxOpCo aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur par rapport au deacuteveloppement des actifs incorporels

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)

359 En substance le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent que le EU IP Steering Committee ait eu le rocircle que la Commission lui a attribueacute (point 344 ci-dessus) Selon eux ce comiteacute nrsquoa pas pris de deacutecisions quant au deacuteveloppement ou agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels De plus non seulement la majoriteacute des participants audit comiteacute aurait releveacute du personnel ameacutericain mais dans les faits les deacutecisions du EU IP Steering Committee auraient eacuteteacute prises par des employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle

360 La Commission conteste ces arguments

361 Aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a exposeacute que le EU IP Steering Committee a eacuteteacute creacuteeacute aux fins de fournir des orientations techniques et commerciales concernant la mise au point et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe La Commission a releveacute qursquoil ressortirait du laquo EU Policies and Procedures Manual raquo (manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion) drsquoune part que ce comiteacute se reacuteunissait notamment pour examiner le portefeuille de proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon ainsi que la strateacutegie commerciale de lrsquoentreprise dans la mesure ougrave elle avait trait agrave la mise au point et au deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle Drsquoautre part ce comiteacute aurait eacuteteacute composeacute notamment du vice-preacutesident des services pour lrsquoUnion du directeur juridique pour lrsquoUnion (employeacute par LuxOpCo) du conseiller du groupe Amazon en proprieacuteteacute intellectuelle et du vice-preacutesident chargeacute des activiteacutes europeacuteennes

362 Ensuite la Commission a indiqueacute que le fait qursquoil ne srsquoagissait que drsquoun organe consultatif ainsi qursquoAmazon lrsquoaurait expliqueacute lors de la proceacutedure administrative ne signifiait pas que ses recommandations nrsquoavaient pas drsquoincidence sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels Elle a releveacute que dans les faits le EU IP Steering Committee se reacuteunissait pour premiegraverement formuler des recommandations sur les demandes visant agrave proteacuteger les actifs incorporels (et ce faisant les droits exclusifs de LuxOpCo deacutecoulant de lrsquoaccord de licence conclu entre LuxSCS et LuxOpCo) deuxiegravemement examiner lrsquoeacutetat drsquoavancement des proceacutedures judiciaires en Europe

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concernant les actifs incorporels et troisiegravemement dispenser des formations aux salarieacutes europeacuteens en ce qui concerne lrsquoutilisation de la technologie et drsquoautres actifs incorporels (consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee)

363 Enfin en se fondant sur le teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis la Commission a conclu que le EU IP Steering Committee eacutetait un forum dans lequel les dirigeants de LuxOpCo se rencontraient pour discuter des actions concernant les actifs incorporels telles qursquoelles eacutetaient preacutesenteacutees par les juristes du groupe Amazon et que les deacutecisions effectives concernant la mise au point lrsquoameacutelioration la gestion et lrsquoexploitation des actifs incorporels eacutetaient alors prises par les membres de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 455 de la deacutecision attaqueacutee)

364 Force est de constater agrave la lecture des consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission est resteacutee en deacutefaut drsquoeacutetablir dans la deacutecision attaqueacutee que le EU IP Steering Committee prenait des deacutecisions significatives portant sur le deacuteveloppement ou lrsquoameacutelioration des actifs incorporels

365 Tout drsquoabord la Commission admet aux consideacuterants 452 et 453 de la deacutecision attaqueacutee que le rocircle du EU IP Steering Committee eacutetait limiteacute dans la mesure ougrave il se bornait agrave fournir des laquo orientations techniques et commerciales raquo et une laquo aide raquo agrave la prise de deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle deacutetenue par LuxSCS ou agrave la conclusion de plusieurs accords de licence avec des tiers

366 Il ressort drsquoailleurs du manuel des politiques et des proceacutedures pour lrsquoUnion du groupe Amazon que le EU IP Steering Committee ne disposait pas de pouvoirs de deacutecision en tant que tels mais constituait uniquement un organe destineacute agrave assister le deacuteveloppement et le deacuteploiement de la proprieacuteteacute intellectuelle en Europe Cela est drsquoailleurs implicitement admis par la Commission au consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee lorsqursquoelle eacutevoque lrsquolaquo incidence raquo que les laquo recommandations raquo de ce comiteacute avaient sur la mise au point lrsquoentretien et la gestion des actifs incorporels

367 Ensuite il ressort du consideacuterant 454 de la deacutecision attaqueacutee (voir point 362 ci-dessus) ainsi que du teacutemoignage du vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle employeacute aux Eacutetats-Unis auquel il est fait reacutefeacuterence au consideacuterant 455 de ladite deacutecision que dans la pratique le EU IP Steering Committee se limitait agrave examiner les questions lieacutees agrave la protection et au maintien des droits sur les actifs incorporels et que la question du deacuteveloppement ou des ameacuteliorations des actifs incorporels en tant que telle nrsquoy eacutetait pas discuteacutee

368 Enfin pour autant que le EU IP Steering Committee puisse avoir eacuteteacute un forum de discussion sur les ameacuteliorations et le deacuteveloppement des actifs incorporels force est de constater que les deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas adopteacutees par ce comiteacute mais en principe par les employeacutes du groupe Amazon aux Eacutetats-Unis et plus particuliegraverement par le vice-preacutesident chargeacute de la proprieacuteteacute intellectuelle Cette affirmation faite par le Grand-Ducheacute de Luxembourg nrsquoa pas eacuteteacute contesteacutee par la Commission

369 Par ailleurs srsquoagissant de la composition dudit comiteacute contrairement agrave ce que la Commission fait valoir dans ses eacutecritures des employeacutes exerccedilant des fonctions de direction au sein des entiteacutes ameacutericaines et notamment le vice-preacutesident en charge de la proprieacuteteacute intellectuelle drsquoAmazon US assistaient au EU IP Steering Committee et en dirigeaient mecircme les reacuteunions

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370 Il deacutecoule de ce qui preacutecegravede que les constatations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne permettent pas de soutenir sa conclusion au point 455 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle les deacutecisions relatives agrave la mise au point et agrave lrsquoameacutelioration des actifs incorporels eacutetaient adopteacutees par le personnel de LuxOpCo et drsquoASE faisant partie de ce comiteacute en leur qualiteacute de geacuterants deacutecideurs chargeacutes des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe

371 Tout au plus la Commission est parvenue agrave deacutemontrer que LuxOpCo exerccedilait des fonctions en lien avec la gestion et la protection des actifs incorporels et que les employeacutes de LuxOpCo deacutecidaient des mesures approprieacutees telles que par exemple le deacutepocirct drsquoun brevet sur la base des recommandations discuteacutees dans le cadre du EU IP Steering Committee

372 Il ressort de ce qui preacutecegravede que les alleacutegations de la Commission relatives au EU IP Steering Committee ne suffisent pas agrave eacutetablir que LuxOpCo a exerceacute des fonctions de deacuteveloppement des actifs incorporels qui pourraient ecirctre qualifieacutees drsquolaquo uniques et de valeur raquo

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie

373 Au consideacuterant 449 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a releveacute que les fonctions de LuxOpCo incluaient la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie

374 Au soutien de cette affirmation elle a tout drsquoabord indiqueacute au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee en substance que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis nrsquoavait pas pu ecirctre exploiteacutee telle quelle en Europe et que des adaptations avaient eacuteteacute neacutecessaires afin de reacutepondre aux besoins speacutecifiques europeacuteens Elle a exposeacute que le deacuteveloppement des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe exigeait une technologie speacutecifique (logiciels diffeacuterents adaptations locales)

375 Ensuite la Commission a souligneacute que LuxOpCo avait les ressources technologiques neacutecessaires pour mener des activiteacutes de recherche et deacuteveloppement Elle a notamment releveacute qursquoune soixantaine de personnes auraient exerceacute des tacircches agrave caractegravere technologique une eacutequipe de laquo localisation raquo et de traduction exerccedilait des fonctions drsquoadaptation des sites Internet europeacuteens aux preacutefeacuterences locales une dizaine de personnes suppleacutementaires auraient eacuteteacute employeacutees comme laquo Technical Program Manager raquo (gestionnaire de programme technique) dont le rocircle eacutetait de convertir dans des termes techniques les besoins en technologie identifieacutes par les eacutequipes locales chargeacutees de la vente au deacutetail Selon la Commission ce serait ce processus qui aurait permis que la technologie soit sans cesse deacuteveloppeacutee et adapteacutee en fonction du marcheacute local

376 Agrave cet eacutegard la Commission a certes reconnu au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les ressources techniques eacutetablies au sein de LuxOpCo eacutetaient limiteacutees Elle a toutefois souligneacute que en reacutealiteacute la valeur unique de la technologie aurait reacutesulteacute du savoir-faire local de la deacutefinition de nouveaux besoins de lrsquoentreprise et de leur traduction dans le projet de logiciel et non du codage en tant que tel

377 Enfin la Commission a indiqueacute que LuxOpCo a eacutegalement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration de catalogues de technologie de traduction et drsquoadaptations locales Ces tacircches auraient eacuteteacute effectueacutees par drsquoanciennes eacutequipes des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes ou par de nouveaux recrutements En outre elle a releveacute que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes avaient eacutegalement joueacute un rocircle important dans le deacuteveloppement de nouvelles technologies speacutecifiques aux marcheacutes nationaux europeacuteens

378 La Commission a ajouteacute que en particulier LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes auraient contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN Cette technologie aurait reacutepondu agrave un besoin speacutecifique des activiteacutes europeacuteennes en permettant aux clients europeacuteens drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet europeacuteen du groupe Amazon

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379 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que LuxOpCo nrsquoa exerceacute aucune fonction importante de deacuteveloppement drsquoameacutelioration ou drsquoentretien se rapportant aux actifs incorporels lieacutes agrave la technologie Ils reacutefutent notamment les affirmations de la Commission selon lesquelles LuxOpCo aurait joueacute un rocircle majeur dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN et font valoir que cette technologie bien que speacutecifique agrave lrsquoEurope aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et que LuxOpCo nrsquoaurait participeacute ni agrave sa conception ni agrave sa creacuteation

380 La Commission conteste ces arguments et maintient sa position exprimeacutee aux consideacuterants 456 agrave 465 de la deacutecision attaqueacutee telle qursquoexposeacutee aux points 373 agrave 378 ci-dessus

381 Agrave titre liminaire il importe de constater que contrairement agrave ce que suggegraverent le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo eacutetait le principal deacuteveloppeur de la technologie que ce soit agrave lrsquoeacutechelle mondiale ou au seul niveau europeacuteen mais ainsi qursquoexposeacute aux consideacuterants 449 et 465 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo a activement contribueacute agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas non plus que la technologie a eacuteteacute deacuteveloppeacutee en permanence aux Eacutetats-Unis

382 Agrave cet eacutegard il est vrai que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon les outils technologiques eacutetaient principalement deacuteveloppeacutes par les entiteacutes ameacutericaines et mis agrave disposition des activiteacutes europeacuteennes dans leur forme deacutefinitive Le logiciel utiliseacute par les diffeacuterents sites europeacuteens eacutetait drsquoailleurs commun

383 Drsquoune part il ressort du dossier que lrsquoessentiel des deacutecisions relatives au deacuteveloppement des actifs incorporels et agrave la priorisation des projets agrave deacutevelopper y compris de la technologie speacutecifique agrave lrsquoEurope eacutetait deacutecideacute aux Eacutetats-Unis

384 Drsquoautre part il est constant que le nombre le plus important de techniciens et drsquoingeacutenieurs contribuant au deacuteveloppement de la technologie se situait aux Eacutetats-Unis Pas moins de [confidentiel] salarieacutes du groupe Amazon contribuaient au deacuteveloppement des actifs incorporels dont plus de [confidentiel] salarieacutes eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis pour des emplois lieacutes agrave la technologie au cours de la peacuteriode consideacutereacutee La Commission ne conteste pas ces donneacutees En outre il ressort des piegraveces du dossier et notamment des diffeacuterents teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que les services centraux et des techniciens ameacutericains ont eacuteteacute en charge du deacuteveloppement des outils speacutecifiques au marcheacute europeacuteen

385 Ensuite en ce qui concerne la contribution de LuxOpCo en rapport avec le deacuteveloppement de la technologie il convient de relever les eacuteleacutements suivants

386 En premier lieu la Commission a correctement eacutetabli que des adaptations eacutetaient parfois neacutecessaires afin de mettre en œuvre la technologie en Europe

387 En effet bien que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon le modegravele drsquoactiviteacute et la technologie sous-jacente soient les mecircmes aux Eacutetats-Unis qursquoen Europe il ressort des diffeacuterents teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon fournis par les parties et notamment du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que en raison des speacutecificiteacutes du marcheacute europeacuteen par rapport au marcheacute ameacutericain la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis ne pouvait pas toujours ecirctre utiliseacutee telle quelle sur les sites Internet europeacuteens Ainsi outre lrsquoEFN technologie speacutecialement deacuteveloppeacutee pour les activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon des adaptations ou laquo localisations raquo eacutetaient neacutecessaires Il ressort des piegraveces du dossier que ces adaptations incluaient notamment des efforts de traduction [confidentiel]

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388 En deuxiegraveme lieu il ressort des teacutemoignages des salarieacutes du groupe Amazon que bien qursquoune grande partie des adaptations de la technologie au marcheacute europeacuteen ait eacuteteacute effectueacutee aux Eacutetats-Unis notamment lorsqursquoil srsquoagissait du travail sur les logiciels LuxOpCo avait dans une certaine mesure contribueacute agrave ces adaptations

389 En effet ainsi que le confirme drsquoailleurs Amazon dans la requecircte dans lrsquoaffaire T-31818 agrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee tout au plus une soixantaine de personnes occupaient des postes lieacutes agrave la technologie au Luxembourg

390 Agrave cet eacutegard il ressort des piegraveces du dossier et notamment des teacutemoignages du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis et de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que au plus tard agrave partir de lrsquoanneacutee qui a suivi la restructuration de 2006 LuxOpCo a commenceacute agrave beacuteneacuteficier de ses propres techniciens Plus preacuteciseacutement LuxOpCo a employeacute au cours de la peacuteriode consideacutereacutee des deacuteveloppeurs de logiciel (software developers) qui ont contribueacute au deacuteveloppement de programmes speacutecifiques pour les activiteacutes europeacuteennes et ont travailleacute sur les ajustements locaux

391 De mecircme il ressort du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que [confidentiel]

392 Dans ce contexte srsquoagissant de lrsquoeacutequipe de localisation et de traduction identifieacutee par la Commission au consideacuterant 459 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater qursquoil ressort des eacuteleacutements du dossier que cette eacutequipe eacutetait chargeacutee de lrsquoadaptation des sites Internet europeacuteens notamment de la traduction et qursquoelle avait contribueacute au deacuteveloppement de logiciels En effet il ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon [confidentiel] Toutefois mecircme si ces activiteacutes et cette derniegravere technologie avaient joueacute un rocircle important pour les activiteacutes commerciales de LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins qursquoelles occupaient une place mineure par rapport au reste de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

393 Ensuite srsquoagissant des activiteacutes de deacuteveloppement du catalogue identifieacutees par la Commission au consideacuterant 456 de la deacutecision attaqueacutee il convient de constater que ainsi que le font valoir Amazon et le Grand-Ducheacute de Luxembourg lesdites activiteacutes ne comprenaient pas la conception des logiciels sous-tendant le catalogue celle-ci eacutetant effectueacutee aux Eacutetats-Unis Les activiteacutes lieacutees au catalogue deacuteveloppeacutees au Luxembourg [confidentiel] Le travail local sur le deacuteveloppement du catalogue [confidentiel]

394 Il ressort du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi si des opeacuterations sur les logiciels en lien avec le catalogue avaient pu ecirctre reacutealiseacutees par LuxOpCo ces opeacuterations restaient tregraves limiteacutees par rapport aux deacuteveloppements reacutealiseacutes par les services centraux du groupe Amazon

395 Il ressort de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a contribueacute au deacuteveloppement de la technologie en proceacutedant agrave certaines adaptations principalement lieacutees agrave la traduction et uniquement dans une moindre mesure au deacuteveloppement de certains logiciels et fonctionnaliteacutes En outre lrsquoessentiel du travail drsquoadaptation de la technologie aux activiteacutes europeacuteennes eacutetait largement deacutependant des services centraux du groupe Amazon Il srsquoensuit que les contributions de LuxOpCo au deacuteveloppement de la technologie nrsquoont pu jouer qursquoun rocircle mineur dans la creacuteation de la valeur de cette technologie Il en deacutecoule que si la Commission a correctement affirmeacute au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee que les adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux il eacutetait erroneacute de donner une telle importance aux contributions de LuxOpCo auxdites adaptations et drsquoen tirer la conclusion que ces contributions eacutetaient uniques et de valeur

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396 En troisiegraveme lieu ainsi que la Commission lrsquoa releveacute aux consideacuterants 460 agrave 461 de la deacutecision attaqueacutee outre les adaptations effectueacutees localement par les eacutequipes luxembourgeoises LuxOpCo contribuait eacutegalement au deacuteveloppement de la technologie du fait de son implication dans le processus drsquoidentification des nouveaux besoins technologiques de lrsquoentreprise et de leur traduction dans des projets de logiciel

397 Agrave cet eacutegard LuxOpCo disposait de gestionnaires de programmes (technical program managers) dont la fonction eacutetait de traduire en termes techniques les besoins commerciaux afin qursquoun ingeacutenieur (software developer) puisse les coder (voir consideacuterant 460 de la deacutecision attaqueacutee) Le Grand-Ducheacute de Luxembourg ne conteste drsquoailleurs pas que les speacutecifications fonctionnelles et techniques des outils et des adaptations requises en Europe ont eacuteteacute eacutelaboreacutees agrave proximiteacute des marcheacutes locaux

398 Certes ainsi que la Commission lrsquoa souligneacute en substance au consideacuterant 461 de la deacutecision attaqueacutee la deacutefinition des besoins commerciaux et la formulation de speacutecifications jouaient un rocircle important dans le deacuteveloppement de la technologie En effet il ressort des piegraveces du dossier que la valeur de la technologie du groupe Amazon repose sur la capaciteacute de cette technologie agrave servir les trois piliers du groupe Amazon agrave savoir les prix bas lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation (voir point 347 ci-dessus) et ainsi agrave reacutepondre aux besoins des clients Ainsi la valeur de la technologie drsquoAmazon reacuteside eacutegalement dans une certaine mesure dans lrsquoadaptation aux besoins locaux et notamment dans la capaciteacute des eacutequipes locales agrave formuler les speacutecifications pour obtenir les adaptations de la technologie aux besoins des consommateurs

399 Toutefois il importe de relever que ainsi que le soutient Amazon seule une douzaine de gestionnaires de programmes eacutetaient employeacutes au Luxembourg contre [confidentiel] aux Eacutetats-Unis et [confidentiel] de ces personnes employeacutees au Luxembourg ne lrsquoont eacuteteacute qursquoagrave la fin de la peacuteriode consideacutereacutee ([confidentiel])

400 De plus si LuxOpCo a identifieacute les besoins technologiques de lrsquoentreprise et les speacutecifications relatives agrave ces besoins la conception et la creacuteation de la technologie ont quant agrave elles eacuteteacute deacuteveloppeacutees aux Eacutetats-Unis Dans ce contexte contrairement agrave ce que la Commission semble suggeacuterer au point 103 du meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 les activiteacutes des entiteacutes ameacutericaines ne se limitaient pas agrave de simples activiteacutes de codage mais agrave de veacuteritables activiteacutes de deacuteveloppement

401 Enfin ainsi que le soutient Amazon lrsquoeacutecrasante majoriteacute des deacutecisions strateacutegiques concernant la mise au point de la technologie notamment en ce qui concerne lrsquoEurope eacutetaient prises par les entiteacutes ameacutericaines et non par LuxOpCo

402 Il en deacutecoule que la reacutealisation de ces deacuteveloppements et ameacuteliorations de la technologie aux fins drsquoameacuteliorer lrsquoexpeacuterience des clients reposait principalement sur le modegravele deacuteveloppeacute aux Eacutetats-Unis qui est le mecircme en Europe et aux Eacutetats-Unis et uniquement dans une moindre mesure sur les speacutecifications techniques qui pouvaient ecirctre formuleacutees par les eacutequipes locales

403 Il ressort de ce qui preacutecegravede que si la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels par lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques agrave lrsquoeacutechelle de la technologie faisant lrsquoobjet de lrsquoaccord de licence lesdites contributions restaient limiteacutees En outre dans la mesure ougrave avant 2006 ces fonctions eacutetaient deacutejagrave exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees il y a lieu de constater agrave lrsquoinstar de ce que fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg au point 109 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 que celles-ci ne sauraient ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques mais qursquoil srsquoagit de fonctions courantes

404 En quatriegraveme lieu la Commission a consideacutereacute que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement de lrsquoEFN la seule technologie proprement speacutecifique aux activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

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405 Ainsi que la Commission lrsquoa exposeacute au consideacuterant 463 de la deacutecision attaqueacutee lrsquoEFN est une combinaison drsquoavanceacutees technologiques telles que lrsquointroduction de nouvelles fonctionnaliteacutes et drsquooptimisations logistiques

406 Il nrsquoest pas contesteacute que lrsquoEFN a joueacute un rocircle essentiel pour les activiteacutes commerciales de vente au deacutetail et de services europeacuteens Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee et qursquoAmazon lrsquoa elle-mecircme affirmeacute dans son meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) la creacuteation de lrsquoEFN visait agrave reacutesoudre le problegraveme que posait lrsquoexistence de sites Internet multiples associeacutes agrave des centres de traitement des commandes nationaux Cette technologie a permis drsquoassocier les centres de traitement des commandes europeacuteens et la mutualisation des stocks donnant ainsi la possibiliteacute aux clients de toute lrsquoUnion drsquoacheter des articles agrave partir de nrsquoimporte quel site Internet drsquoAmazon en Europe

407 Il ressort drsquoailleurs des teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon ainsi que du meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) par Amazon que lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteterminant afin de pouvoir lancer les activiteacutes dans deux nouveaux pays europeacuteens agrave savoir lrsquoEspagne et lrsquoItalie

408 Or il ressort du dossier que la Commission eacutetait effectivement en droit de consideacuterer que LuxOpCo eacutetait impliqueacutee dans le deacuteveloppement de lrsquoEFN (voir point 404 ci-dessus)

409 En effet dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) Amazon a elle-mecircme [confidentiel] Selon les termes de ce meacutemoire laquo AEHT raquo (crsquoest-agrave-dire Amazon Europe Holding Technology terme qui correspond agrave la deacutesignation officielle de LuxSCS) [confidentiel] Il convient de souligner agrave cet eacutegard qursquoaucune diffeacuterence nrsquoa eacuteteacute opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que dans cette proceacutedure le terme laquo AEHT raquo a eacuteteacute utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS Or srsquoagissant de la participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN il est clair qursquoAmazon faisait reacutefeacuterence agrave LuxOpCo et non agrave LuxSCS

410 Ce constat est drsquoailleurs corroboreacute par les teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et notamment de celui du vice-preacutesident directeur des activiteacutes de commerce en deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis lequel confirme que agrave lrsquoeacutepoque le chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo avait activement contribueacute agrave lrsquoeacutelaboration et agrave la conceptualisation de lrsquoEFN

411 Neacuteanmoins il doit ecirctre preacuteciseacute qursquoil serait erroneacute de consideacuterer que LuxOpCo a pris en charge lrsquoensemble du processus de deacuteveloppement de lrsquoEFN

412 Drsquoune part il ressort du dossier que le siegravege ameacutericain a joueacute un rocircle deacutecisionnaire dans le lancement du projet de lrsquoEFN

413 Drsquoautre part ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et ainsi qursquoil ressort des teacutemoignages des employeacutes du groupe Amazon et de lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis le deacuteveloppement de lrsquoEFN a eacuteteacute reacutealiseacute avec le soutien des entiteacutes ameacutericaines Plus particuliegraverement le travail en lien avec le deacuteveloppement des logiciels sous-tendant lrsquoEFN aurait eacuteteacute opeacutereacute par les techniciens des eacutequipes centrales et notamment sur la base des speacutecifications formuleacutees par les eacutequipes de LuxOpCo En outre la Commission ne conteste pas que drsquoun point de vue opeacuterationnel les deacutefinitions et les exigences de lrsquoentrepocirct sur lesquelles reposaient cet outil auraient eacutegalement eacuteteacute eacutetablies aux Eacutetats-Unis

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414 Bien que au consideacuterant 462 de la deacutecision attaqueacutee la Commission expose que laquo lrsquoEFN a eacuteteacute deacuteveloppeacute en Europe raquo sans autres preacutecisions la contribution des entiteacutes ameacutericaines nrsquoa toutefois pas eacuteteacute totalement ignoreacutee par la Commission Elle cite notamment agrave la note en bas de page no 481 de la deacutecision attaqueacutee un des teacutemoignages selon lequel la technologie aurait eacuteteacute deacuteveloppeacutee en Europe avec lrsquoaide des eacutequipes technologiques centrales

415 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que bien que lrsquoEFN ait reposeacute en grande partie sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis LuxOpCo a eacutegalement activement contribueacute au deacuteveloppement de cette technologie Or au regard de lrsquoimportance de cette technologie pour lrsquoexpansion des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon la Commission nrsquoa pas commis drsquoerreur en analysant ces contributions comme eacutetant uniques et de valeur Mecircme si LuxSCS eacutetait in fine le proprieacutetaire de cette technologie il nrsquoen reste pas moins que le deacuteveloppement de celle-ci a eacuteteacute eacutegalement le fruit des efforts de LuxOpCo

416 Il ressort donc des constatations opeacutereacutees aux points 386 agrave 415 ci-dessus que outre lrsquoEFN au deacuteveloppement duquel LuxOpCo a activement participeacute les adaptations les plus importantes de la technologie eacutetaient effectueacutees aux Eacutetats-Unis en dialogue avec les eacutequipes europeacuteennes qui formulaient leurs besoins et que en sus certaines adaptations mineures pouvaient ecirctre effectueacutees directement par les eacutequipes locales

417 Il deacutecoule de lrsquoensemble des consideacuterations qui preacutecegravedent que si la Commission a correctement consideacutereacute que du fait de sa participation au deacuteveloppement de lrsquoEFN LuxOpCo a exerceacute des fonctions uniques et de valeur en lien avec la technologie pour le reste elle a exageacutereacute lrsquoimportance des fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement de la technologie En effet outre le deacuteveloppement de lrsquoEFN les fonctions de LuxOpCo se limitaient principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques Degraves lors la conclusion opeacutereacutee au consideacuterant 465 de la deacutecision attaqueacutee et notamment lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo a proceacutedeacute agrave des ameacuteliorations importantes de la technologie ne peut donc ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute

418 Dans la mesure ougrave ce constat repose sur les teacutemoignages des employeacutes drsquoAmazon il nrsquoapparaicirct pas neacutecessaire drsquoexaminer en deacutetail les arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon selon lesquels la Commission aurait fait une utilisation erroneacutee des teacutemoignages notamment pour dire que la technologie eacutetait deacuteveloppeacutee en Europe (en particulier lrsquoEFN) alors qursquoelle lrsquoeacutetait aux Eacutetats-Unis En effet quand bien mecircme lrsquoanalyse de la Commission ne saurait ecirctre enteacuterineacutee dans son inteacutegraliteacute les erreurs commises par la Commission ne sont pas de nature agrave remettre en cause le constat selon lequel LuxOpCo a effectivement contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels et notamment de lrsquoEFN

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)

419 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le bien-fondeacute du constat de la Commission selon lequel LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des donneacutees clients En substance ils font valoir que les donneacutees clients eacutetaient collecteacutees de maniegravere automatique agrave lrsquoaide de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et sans intervention des employeacutes de LuxOpCo

420 La Commission reacutefute ces arguments

421 Agrave titre liminaire il y a lieu de relever que les parties srsquoopposent sur la question de savoir si LuxOpCo a activement contribueacute au deacuteveloppement de la base de donneacutees regroupant les informations sur les clients telles que par exemple les historiques de ventes Il srsquoagit donc de deacuteterminer si lrsquoaccumulation des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee ainsi que leur protection est attribuable agrave LuxOpCo

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422 Premiegraverement il importe de relever que ainsi que la Commission lrsquoa illustreacute dans le tableau 19 de la deacutecision attaqueacutee pendant la peacuteriode consideacutereacutee le deacutecompte de clients uniques par anneacutee a largement augmenteacute en passant de 17 millions de clients en 2006 agrave plus de 60 millions en 2014

423 Deuxiegravemement agrave lrsquoinstar de la Commission il importe de constater que les donneacutees clients sont un actif cleacute pour un acteur du commerce eacutelectronique tel que le groupe Amazon notamment en ce qui concerne le marketing En effet certains outils notamment lrsquoutilisation de la technologie des recommandations et des similariteacutes sont tributaires des donneacutees clients Les donneacutees clients constituent ainsi un actif incorporel unique et de valeur

424 Troisiegravemement il est constant que LuxOpCo est lrsquoentiteacute qui a collecteacute les donneacutees clients et qursquoelle est en outre chargeacutee du respect de la reacuteglementation applicable agrave ces donneacutees Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent drsquoailleurs pas lrsquoaffirmation figurant au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo a accumuleacute les donneacutees clients des sites Internet europeacuteens agrave titre de service pour LuxSCS

425 Certes il est important de relever agrave lrsquoinstar drsquoAmazon que la collecte des donneacutees clients eacutetait automatiseacutee et que crsquoest au moyen de la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et fournie par LuxSCS agrave LuxOpCo que cette derniegravere pouvait recueillir les donneacutees des clients

426 Toutefois ainsi que la Commission le souligne au point 107 de son meacutemoire en deacutefense dans lrsquoaffaire T-31818 crsquoest LuxOpCo qui contribuait activement agrave lrsquoaccumulation des donneacutees clients par la mise en œuvre des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon (voir point 347 ci-dessus) permettant drsquoattirer les clients sur ses sites Internet et de collecter davantage de donneacutees clients En effet la collecte des donneacutees clients est neacutecessairement fonction de lrsquoattrait des sites Internet du groupe Amazon pour les clients Or lrsquoaugmentation de la freacutequentation des sites Internet europeacuteens et ainsi des donneacutees clients collecteacutees eacutetait elle-mecircme lieacutee agrave la mise en œuvre des trois piliers susmentionneacutes agrave savoir le prix lrsquoassortiment et la faciliteacute drsquoutilisation par LuxOpCo Srsquoil nrsquoest pas contestable que la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis jouait un rocircle essentiel dans la bonne mise en œuvre de ces trois piliers il nrsquoen reste pas moins que LuxOpCo avait joueacute un rocircle actif et critique en rapport avec lrsquoaccumulation de nouvelles donneacutees clients et avait ainsi contribueacute au deacuteveloppement de ces actifs incorporels uniques et de valeur

427 Par ailleurs il convient de relever que la Commission a correctement consideacutereacute au consideacuterant 468 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo devait assurer lrsquoentretien des donneacutees clients et assurer le respect des lois applicables en matiegravere de protection de donneacutees Si le fait de proteacuteger la base de donneacutees des clients est une activiteacute importante pour un modegravele commercial qui srsquoattache agrave la vente au deacutetail et agrave des services fournis notamment agrave des consommateurs finaux et ce pour les raisons exposeacutees par la Commission au consideacuterant 466 de la deacutecision attaqueacutee il srsquoagit neacuteanmoins drsquoune activiteacute habituelle pour tout preneur de licence travaillant avec ce type de base de donneacutees

428 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient drsquoenteacuteriner les constats de la Commission opeacutereacutes aux consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee au moins en ce que LuxOpCo a exerceacute des fonctions actives et critiques en rapport avec lrsquoameacutelioration des donneacutees clients au cours de la peacuteriode consideacutereacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater que en accumulant les donneacutees clients lesquelles ont eacuteteacute multiplieacutees par trois entre 2006 et 2014 ainsi qursquoil ressort du point 422 ci-dessus LuxOpCo a contribueacute agrave la valeur de cet actif incorporel lequel constitue un actif incorporel unique et de valeur LuxOpCo a ainsi exerceacute des fonctions uniques et de valeur

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)

429 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon remettent en question lrsquoaffirmation de la Commission selon laquelle la valeur de laquo la marque raquo Amazon est geacuteneacutereacutee au niveau de LuxOpCo et des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

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430 La Commission conteste ces arguments

431 Premiegraverement il y a lieu de souligner que ainsi que lrsquoa implicitement admis la Commission aux consideacuterants 469 et 471 de la deacutecision attaqueacutee la marque Amazon est bien reconnue et beacuteneacuteficie drsquoune forte identification au niveau mondial ce qui eacutetait un atout majeur pour attirer des clients Il convient de constater que cette reacuteputation eacutetait preacuteexistante agrave la creacuteation de LuxOpCo Toutefois le constat de la Commission formuleacute aux consideacuterants 469 et 470 de la deacutecision attaqueacutee selon lequel la marque commerciale nrsquoest pas lrsquoeacuteleacutement central du modegravele du groupe Amazon la strateacutegie commerciale dudit groupe eacutetant focaliseacutee sur les trois piliers (prix faciliteacute drsquoutilisation catalogue de produits) doit ecirctre enteacuterineacute En effet la valeur de la marque deacuteposeacutee en Europe est eacutegalement fonction de la capaciteacute agrave fournir un assortiment de qualiteacute des prix avantageux et une grande faciliteacute drsquoutilisation Amazon souligne drsquoailleurs elle-mecircme que la valeur des actifs incorporels de marketing du groupe Amazon en Europe deacutepend de la satisfaction des clients

432 Deuxiegravemement il y a lieu de constater que ainsi que le font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la technologie joue un rocircle important si ce nrsquoest deacuteterminant dans le deacuteveloppement de la marque commerciale drsquoAmazon En effet drsquoune part la technologie est centrale dans la mise en œuvre des trois piliers La satisfaction des clients est ainsi en grande partie tributaire de la technologie Drsquoautre part la technologie joue un rocircle crucial dans le marketing et permet de maximiser la possibiliteacute que le nom laquo Amazon raquo apparaisse dans les recherches des potentiels clients Il est constant que cette technologie est deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis

433 Neacuteanmoins la seule technologie ne suffit pas agrave la mise en œuvre des trois piliers En effet ces derniers ont eacuteteacute eacutegalement mis en œuvre par LuxOpCo du fait de la prise de deacutecisions strateacutegiques neacutecessaires agrave lrsquoexercice des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe

434 Il convient agrave cet eacutegard de relever qursquoil ressort de son meacutemoire post procegraves que dans le cadre de la proceacutedure devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) (voir point 14 ci-dessus) Amazon a en substance fait valoir que [confidentiel]

435 En particulier Amazon a affirmeacute dans le meacutemoire post procegraves deacuteposeacute devant la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) qursquo[confidentiel] et dans le cadre drsquoune section consacreacutee aux actifs incorporels de marketing qursquo[confidentiel]

436 Dans son avis la United States Tax Court (Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis) a drsquoailleurs conclu que laquo AEHT raquo assumait la seule responsabiliteacute de maintenir et de deacutevelopper les actifs incorporels lieacutes au marketing et qursquoelle payait par le biais du partage des coucircts les ameacuteliorations technologiques neacutecessaires agrave maintenir la valeur de ces actifs incorporels Certes dans le meacutemoire post procegraves et dans lrsquoavis de la Cour fiscale feacutedeacuterale des Eacutetats-Unis Amazon et cette derniegravere se reacutefegraverent agrave laquo AEHT raquo Neacuteanmoins dans la mesure ougrave aucune diffeacuterence nrsquoest opeacutereacutee dans le cadre de la proceacutedure ameacutericaine mentionneacutee au point 14 ci-dessus entre les diffeacuterentes entiteacutes luxembourgeoises du groupe et que le terme laquo AEHT raquo est utiliseacute de maniegravere indiffeacuterencieacutee pour deacutesigner LuxOpCo ou LuxSCS il convient de comprendre dans ce contexte preacutecis que laquo AEHT raquo vise LuxOpCo et non LuxSCS En effet il ressort du dossier que LuxSCS nrsquoa pas exerceacute de telles fonctions

437 Par ailleurs il importe de relever que ni le Grand-Ducheacute de Luxembourg ni Amazon ne contestent lrsquoaffirmation opeacutereacutee au consideacuterant 472 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle en Europe crsquoeacutetait LuxOpCo et les socieacuteteacutes lieacutees qui assuraient le marketing en ligne du groupe Amazon en srsquoappuyant sur leur savoir-faire local

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438 Dans ces conditions srsquoil est vrai que la marque Amazon beacuteneacuteficiait en Europe drsquoune renommeacutee eacutetablie anteacuterieurement agrave la creacuteation de LuxOpCo et qursquoelle beacuteneacuteficiait de la renommeacutee internationale du groupe Amazon il y a lieu de conclure que crsquoest agrave bon droit que la Commission a eacutetabli que au cours de la peacuteriode consideacutereacutee le maintien et le deacuteveloppement de la valeur de la marque eacutetaient agrave tout le moins en partie geacuteneacutereacutes au niveau de LuxOpCo et des entiteacutes europeacuteennes

439 Il y a drsquoailleurs lieu de relever agrave cet eacutegard agrave lrsquoinstar de la Commission qursquoAmazon eacutetait connue comme vendeur de livres et de meacutedias lorsqursquoelle est entreacutee sur le marcheacute europeacuteen et que les eacutequipes locales ont ducirc fournir des efforts consideacuterables pour faire eacutevoluer la reacuteputation de la marque en ce qui concerne drsquoautres cateacutegories de produits

440 En conseacutequence il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations de la Commission contenues aux consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des constatations opeacutereacutees aux points 433 agrave 438 ci-dessus que LuxOpCo contribuait au deacuteveloppement de la valeur de la marque et des actifs de marketing et exerccedilait de ce fait des fonctions de valeur En revanche rien ne permet de consideacuterer que ces fonctions avaient un caractegravere unique Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de consideacuterer que la Commission a correctement conclu que LuxOpCo avait contribueacute au deacuteveloppement des actifs incorporels pour chacune de ses trois composantes En ce qui concerne le deacuteveloppement de la technologie la contribution de LuxOpCo se reacutesumait principalement agrave des adaptations et agrave lrsquoeacutelaboration de speacutecifications techniques En revanche la participation de LuxOpCo au deacuteveloppement de lrsquoEFN peut ecirctre assimileacutee agrave une fonction unique et de valeur En outre LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaccumulation des donneacutees clients notamment par la mise en œuvre des trois piliers et a ainsi activement contribueacute au deacuteveloppement de cet actif unique et de valeur En ce qui concerne les actifs de marketing LuxOpCo a joueacute un rocircle important dans lrsquoaugmentation de la reacuteputation de la marque Amazon en Europe et a ainsi exerceacute des fonctions de valeur Il ne ressort toutefois pas du dossier que ces derniegraveres fonctions puissent ecirctre qualifieacutees drsquouniques

441 Il y a donc lieu de conclure que la Commission a correctement affirmeacute aux consideacuterants 414 et 415 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoadministration luxembourgeoise aurait ducirc prendre en compte le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en lien avec les actifs incorporels En revanche toutes les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels nrsquoeacutetaient pas uniques et de valeur

442 Il importe drsquoailleurs agrave cet eacutegard de constater que ces fonctions auraient ducirc ecirctre prises en compte si ce nrsquoest au moment de lrsquoadoption de la DFA en cause tout du moins au moment de la mise en œuvre annuelle de celle-ci En effet tout changement de situation ce qui inclut lrsquoexercice de fonctions suppleacutementaires aurait ducirc ecirctre pris en compte

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

443 Srsquoagissant des fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe dans la deacutecision attaqueacutee la Commission a en substance mis en exergue le fait que tant selon le rapport sur les prix de transfert de 2003 que dans les faits LuxOpCo jouait le rocircle de siegravege social europeacuteen et eacutetait lrsquoentreprise en charge desdites activiteacutes Ce serait donc LuxOpCo qui aurait ducirc prendre et qui prenait les deacutecisions strateacutegiques relatives aux opeacuterations commerciales du groupe Amazon en Europe (consideacuterants 473 agrave 478 de la deacutecision attaqueacutee)

444 Plus particuliegraverement la Commission a constateacute que LuxOpCo exerccedilait toutes les fonctions strateacutegiques lieacutees aux activiteacutes de vente au deacutetail et des services en ligne du groupe Amazon au cours de la peacuteriode consideacutereacutee et qursquoelle prenait toutes les deacutecisions strateacutegiques concernant les articles et la

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fixation des prix enregistrait les ventes et agissait en tant que partie contractante agrave lrsquoeacutegard des consommateurs Elle absorbait ainsi les coucircts correspondants et supportait les risques lieacutes aux ventes et aux stocks (consideacuterant 475 de la deacutecision attaqueacutee)

445 La Commission a ainsi consideacutereacute que LuxOpCo prenait en toute indeacutependance toutes les deacutecisions pertinentes concernant chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon en Europe (consideacuterant 478 de la deacutecision attaqueacutee)

446 Les parties srsquoaccordent sur le fait que LuxOpCo exerccedilait des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services Il nrsquoest pas non plus contesteacute que LuxOpCo occupait les fonctions de siegravege des activiteacutes europeacuteennes du groupe Amazon

447 Neacuteanmoins le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le fait que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes Selon eux les activiteacutes de LuxOpCo reposaient largement sur la technologie deacuteveloppeacutee aux Eacutetats-Unis et srsquoapparentaient agrave des fonctions de gestion des activiteacutes europeacuteennes ou des fonctions de soutien commercial courantes lesquelles geacuteneacuteraient peu de valeur ajouteacutee

448 Plus particuliegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon soutiennent que les fonctions humaines auraient eacuteteacute remplaceacutees par la technologie dans le cadre des activiteacutes commerciales du groupe Amazon et que les prix eacutetaient fixeacutes de maniegravere automatique Ils ajoutent qursquoil eacutetait impossible que des individus fixent activement le prix des millions drsquoarticles disponibles sur les sites du groupe Amazon que les relations avec les vendeurs et les clients eacutetaient presque inteacutegralement automatiseacutees que dans les centres de traitement des commandes la localisation des stocks et lrsquoordre de collecte des achats eacutetaient des fonctions deacutefinies par des technologies et les employeacutes des centres nrsquoavaient qursquoagrave suivre les instructions donneacutees par la technologie et que les deacutecisions concernant lrsquoinventaire (deacutecisions drsquoachat lieu de stockage etc) eacutetaient automatiseacutees alors que les employeacutes devaient uniquement exeacutecuter les indications fournies sur la base de la technologie

449 Il convient donc drsquoexaminer si la Commission a consideacutereacute agrave juste titre que LuxOpCo exerccedilait des fonctions drsquoexploitation importantes et prenait des deacutecisions strateacutegiques en lien avec chacun des trois piliers de la strateacutegie du groupe Amazon de sorte qursquoelle ne pouvait ecirctre assimileacutee agrave une entreprise exerccedilant de simples fonctions de gestion

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

450 La Commission a constateacute au consideacuterant 479 de la deacutecision attaqueacutee que le deacuteveloppement et le maintien du plus large assortiment possible eacutetaient cruciaux pour le succegraves du groupe Amazon en Europe Elle a ajouteacute que la deacutecision quant aux cateacutegories de produits agrave vendre eacutetait prise sur la base de la connaissance du marcheacute Elle aurait donc requis une intervention humaine la seule technologie nrsquoeacutetant pas suffisante

451 En particulier la Commission a releveacute drsquoune part que LuxOpCo avait pu srsquoappuyer sur un nombre important de salarieacutes employeacutes par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lesquels seraient intervenus pour constituer lrsquoassortiment en Europe et eacutelargir les gammes de nouvelles familles de produits disponibles sur la base de leur connaissance du marcheacute des produits et des consommateurs locaux (correspondant ainsi agrave leur laquo savoir-faire local raquo) (consideacuterants 470 agrave 482 de la deacutecision attaqueacutee) Drsquoautre part LuxOpCo aurait joueacute un rocircle deacuteterminant dans lrsquoacquisition drsquoacteurs locaux lrsquoeacutetablissement de partenariats avec les fournisseurs et lrsquoeacutetablissement de programmes de tiers pour le deacuteveloppement de MarketPlace (consideacuterants 483 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)

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452 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause la constatation drsquoordre geacuteneacuteral figurant au consideacuterant 483 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle Amazon constitue son assortiment en rachetant drsquoautres deacutetaillants preacutesents sur le marcheacute en concluant des partenariats avec des fournisseurs et en eacutetablissant des programmes de tiers tels que MarketPlace

453 Il ressort drsquoailleurs du teacutemoignage de lrsquoancien responsable des programmes tiers en Europe (et notamment de MarketPlace) que le travail des recruteurs locaux eacutetait crucial pour permettre le lancement de nouveaux produits sur les sites Internet

454 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas non plus le fait que crsquoest LuxOpCo avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes qui a assumeacute ces activiteacutes laquo geacuteneacuterales raquo du groupe Amazon a proceacutedeacute aux acquisitions de certaines entreprises de vente au deacutetail europeacuteennes a conclu des partenariats avec des fournisseurs europeacuteens en deacutefinissant des strateacutegies et de bonnes pratiques en vue de la seacutelection et du lancement de nouvelles familles de produits et a mecircme eacutetabli les clauses contractuelles standards pour les fournisseurs (voir consideacuterant 485 de la deacutecision attaqueacutee)

455 Il deacutecoule drsquoailleurs du teacutemoignage du vice-preacutesident directeur responsable des activiteacutes de commerce au deacutetail agrave lrsquointernational employeacute aux Eacutetats-Unis que [confidentiel] Ainsi mecircme si LuxOpCo ne deacutecidait pas de maniegravere totalement autonome des cateacutegories de produits elle avait un rocircle significatif dans le lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits Il ressort agrave cet eacutegard du teacutemoignage de lrsquoancien chef des activiteacutes de commerce en deacutetail en Europe employeacute par LuxOpCo que dans le cadre du lancement drsquoune nouvelle cateacutegorie de produits celui-ci eacutetait [confidentiel]

456 La restructuration de 2006 a ainsi permis une gestion davantage autonome des activiteacutes europeacuteennes

457 Il convient de conclure que la Commission a correctement consideacutereacute que LuxOpCo prenait des deacutecisions importantes lieacutees agrave lrsquoassortiment et que la seule technologie nrsquoeacutetait pas suffisante pour mettre en œuvre en Europe ce pilier de la strateacutegie du groupe Amazon

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)

458 Srsquoagissant des prix la Commission a affirmeacute que si la fixation des prix eacutetait automatiseacutee et reposait sur lrsquoutilisation drsquoun algorithme il ne srsquoagissait que drsquoun outil permettant de mettre en œuvre une politique de tarification donneacutee qui eacutetait deacutefinie par LuxOpCo en Europe

459 En particulier la Commission a releveacute que sans le concours individuel fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pas fonctionneacute efficacement En Europe crsquoest LuxOpCo qui srsquoen serait chargeacute avec lrsquoappui de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

460 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent ces affirmations Ils font notamment valoir que les activiteacutes commerciales de LuxOpCo reposent en grande partie sur lrsquoautomatisation et que la participation des salarieacutes de LuxOpCo eacutetait minimale notamment en ce qui concerne les prix

461 Certes il nrsquoest pas discutable que ainsi que le fait valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg sans la technologie les activiteacutes de LuxOpCo auraient eacuteteacute bien moindres

462 Neacuteanmoins il convient de constater que ainsi qursquoil ressort du consideacuterant 168 de la deacutecision attaqueacutee jusqursquoen 2009 le groupe Amazon utilisait essentiellement la tarification manuelle Ce nrsquoest qursquoagrave partir de 2009 que les prix eacutetaient fixeacutes agrave partir drsquoun algorithme Agrave cet eacutegard la Commission a donc correctement constateacute que lrsquoalgorithme ne se suffisait pas agrave lui-mecircme srsquoagissant de la fixation des prix et qursquoil permettait de mettre en œuvre la politique de tarification deacutefinie en Europe par LuxOpCo (voir consideacuterant 490 de la deacutecision attaqueacutee)

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463 Tout drsquoabord ainsi que la Commission lrsquoa releveacute au consideacuterant 491 de la deacutecision attaqueacutee sans le concours individuel de LuxOpCo fondeacute sur la connaissance du marcheacute local des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes lrsquoalgorithme de calcul des prix nrsquoaurait pu fonctionner efficacement

464 Ensuite ainsi que la Commission lrsquoa identifieacute au consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee il ressort du manuel des proceacutedures et des politiques pour lrsquoUnion du groupe Amazon que la fixation des prix eacutetait eacutetablie au Luxembourg par un comiteacute de fixation des prix de deacutetail dans lrsquoUnion se composant des cadres dirigeants de LuxOpCo Ce comiteacute eacutetait seul compeacutetent pour la fixation drsquoorientations en matiegravere de prix pour les produits que le groupe Amazon proposait sur ses sites Internet europeacuteens Le rocircle de LuxOpCo dans la deacutetermination des politiques de prix est eacutegalement confirmeacute par les teacutemoignages des salarieacutes de LuxOpCo

465 En outre il nrsquoest pas contesteacute que LuxOpCo employait un tarifeur europeacuteen lequel devait approuver les prix en particulier lorsqursquoils srsquoeacutecartaient de ceux fixeacutes par lrsquoalgorithme ni qursquoune eacutequipe eacutetait chargeacutee de veiller agrave [confidentiel] au niveau mondial Cette eacutequipe installeacutee au Luxembourg au sein de LuxOpCo suivait les prix [confidentiel] et examinait les prix proposeacutes agrave lrsquoeacutechelle mondiale y compris aux Eacutetats-Unis (voir consideacuterant 492 de la deacutecision attaqueacutee)

466 Enfin le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne remettent pas en cause de maniegravere eacutetayeacutee le fait que LuxOpCo a ducirc deacutevelopper toute une strateacutegie particuliegravere pour geacuteneacuterer des recettes et pour se distinguer de ses concurrents Agrave cet eacutegard lrsquoinfluence de LuxOpCo et de ses socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes sur les deacutecisions en matiegravere de fixation des prix se refleacutetait dans des promotions qui eacutetaient applicables agrave certains articles vendus sur les sites Internet dans lrsquoUnion (voir consideacuterant 493 de la deacutecision attaqueacutee) Il nrsquoest pas contesteacute que au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoactiviteacute en Allemagne le site laquo Amazonde raquo avait mecircme inventeacute la laquo garantie du prix bas raquo afin drsquoencourager un retour drsquoinformation sur les prix de la part des clients en contrepartie drsquoune remise sur leurs achats et que au Royaume-Uni certains types de promotions sur les prix freacutequents sur le marcheacute comme les [confidentiel] ont rendu lrsquoexercice drsquoune concurrence [confidentiel] plus ardu [confidentiel] Srsquoagissant de la vente de livres en France et en Allemagne LuxOpCo a mis en place un systegraveme drsquoexpeacutedition gratuite Agrave cet eacutegard il srsquoagit drsquoexemples de deacutecisions de fixation de prix en rapport avec les concurrents sur le marcheacute et partant de deacutecisions strateacutegiques propres agrave un deacutetaillant

467 Au vu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de conclure que LuxOpCo a adopteacute des deacutecisions strateacutegiques en ce qui concerne la fixation des prix et a ainsi exerceacute des fonctions importantes Srsquoil est vrai que la tarification des prix eacutetait tributaire de la technologie du groupe Amazon il nrsquoen reste pas moins que lrsquointervention des collaborateurs de LuxOpCo eacutetait eacutegalement cruciale

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)

468 Srsquoagissant de la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo la Commission a constateacute que LuxOpCo eacutetait chargeacutee drsquoassurer la faciliteacute drsquoutilisation de lrsquooffre de vente au deacutetail et de place de marcheacute du groupe Amazon en Europe Plus preacuteciseacutement LuxOpCo aurait compteacute une eacutequipe dite eacutequipe laquo Localisation et traduction raquo censeacutee veacuterifier et adapter la traduction automatique et permettre notamment la mise en commun des diffeacuterents catalogues europeacuteens afin de creacuteer et de geacuterer lrsquoEFN (consideacuterant 495 de la deacutecision attaqueacutee) Ce serait LuxOpCo et les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees qui auraient deacutetenu et deacuteveloppeacute le savoir-faire par rapport agrave la logistique locale notamment pour lrsquoenvoi drsquoarticles (consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

469 Selon la Commission la technologie est un preacutealable agrave la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo notamment agrave la traduction des catalogues drsquoarticles europeacuteens agrave la livraison et au service drsquoassistance pour les clients (voir consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) Le personnel de LuxOpCo aurait joueacute un rocircle tant au niveau des catalogues drsquoarticles qursquoen ce qui concerne la livraison des produits et le service drsquoassistance pour les clients Agrave cet eacutegard le savoir-faire aurait appartenu agrave LuxOpCo et aux socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes (voir consideacuterant 496 de la deacutecision attaqueacutee)

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470 Ces eacuteleacutements ne sont au demeurant pas contesteacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon de maniegravere eacutetayeacutee et il convient de les enteacuteriner

471 Il deacutecoule donc de ce qui preacutecegravede que LuxOpCo a pris des deacutecisions strateacutegiques en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales du groupe Amazon en Europe et eacutetait ainsi le principal responsable de la mise œuvre des trois piliers de la strateacutegie dudit groupe pour cette zone geacuteographique La Commission a donc correctement consideacutereacute que en deacutepit de lrsquoimportance de la technologie LuxOpCo avait eacutegalement joueacute un rocircle essentiel dans lrsquoexploitation et lrsquoexpansion de ces activiteacutes de vente au deacutetail et places de marcheacute et ainsi qursquoelle avait exerceacute des fonctions de valeur Toutefois il ne ressort pas du dossier que de telles fonctions revecirctaient un caractegravere unique

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)

472 Srsquoagissant des actifs utiliseacutes par LuxOpCo la Commission a releveacute au consideacuterant 500 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo avait utiliseacute des laquo actifs importants raquo pour assumer les fonctions deacutecrites dans les sections 92121 (fonctions en lien avec les actifs incorporels) et 92122 (fonctions exerceacutees dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de service) de sa deacutecision

473 Drsquoune part la Commission a constateacute au consideacuterant 501 de la deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo posseacutedait et geacuterait lrsquointeacutegraliteacute de lrsquoassortiment (sur la peacuteriode consideacutereacutee les stocks repreacutesentaient [confidentiel] milliards drsquoeuros) et qursquoelle deacutetenait la totaliteacute des parts drsquoASE drsquoAMEU et des socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees auxquelles elle consentait des financements

474 Drsquoautre part la Commission a affirmeacute que la structure de coucircts de LuxOpCo deacutemontrait que des actifs importants auraient eacuteteacute utiliseacutes pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point et lrsquoameacutelioration des actifs incorporels dans lrsquoexercice de ses fonctions (consideacuterant 502 de la deacutecision attaqueacutee) En particulier en ce qui concerne la marque deacuteposeacutee LuxOpCo aurait supporteacute des coucircts de marketing direct eacuteleveacutes (par exemple les coucircts lieacutes aux promotions) (consideacuterants 503 agrave 504 de la deacutecision attaqueacutee) En conseacutequence la Commission a estimeacute que en lrsquoabsence de tout remboursement identifiable de la part de LuxOpCo ces coucircts devraient ecirctre consideacutereacutes comme effectivement supporteacutes par LuxOpCo

475 La Commission a ainsi conclu que LuxOpCo avait supporteacute les coucircts correspondant agrave lrsquoexploitation eacuteconomique des actifs incorporels ainsi qursquoagrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion de ceux-ci Selon la Commission la totaliteacute de ces coucircts ne saurait ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant des frais supporteacutes au nom de LuxSCS (consideacuterant 505 de la deacutecision attaqueacutee)

476 Le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon au demeurant ne contestent pas ces constatations de maniegravere eacutetayeacutee sauf en ce qui concerne le fait que LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels Agrave cet eacutegard il suffit de renvoyer au point 235 ci-dessus Agrave lrsquoexception de lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo aurait supporteacute les coucircts lieacutes agrave lrsquoARC et agrave lrsquoaccord drsquoentreacutee il y a lieu drsquoenteacuteriner les appreacuteciations faites par la Commission aux consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee

477 Srsquoagissant des risques assumeacutes par LuxOpCo la Commission a estimeacute aux consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee que cette socieacuteteacute supportait tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits drsquoune part les risques lieacutes agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels Drsquoautre part LuxOpCo aurait controcircleacute et geacutereacute tous les risques commerciaux et entrepreneuriaux correspondants lieacutes aux activiteacutes de vente au deacutetail et de service exerceacutees par le groupe Amazon en Europe parmi lesquels le risque de creacutedit le risque lieacute aux

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collections le risque de gestion des stocks le risque du marcheacute le risque de perte ou encore les risques lieacutes au maintien drsquoune main drsquoœuvre capable de vendre des articles et de fournir des services de maniegravere efficiente et dans les deacutelais requis

478 La Commission a ensuite eacutecarteacute lrsquoaffirmation drsquoAmazon formuleacutee lors de la proceacutedure administrative selon laquelle LuxOpCo srsquoeacutetait appuyeacutee en grande partie sur la technologie pour geacuterer et supporter les risques (consideacuterants 506 et 508 de la deacutecision attaqueacutee)

479 Tout drsquoabord selon la Commission mecircme si la technologie permettait de minimiser les risques LuxOpCo supportait lesdits risques du fait de son rocircle de siegravege europeacuteen et de ses activiteacutes de vente au deacutetail et de service (consideacuterants 509 et 510 de la deacutecision attaqueacutee) Elle relegraveve que mecircme si LuxOpCo comptait sur la technologie aux fins de la gestion des risques commerciaux cela ne deacutecoulait que drsquoune deacutecision strateacutegique de sa part (consideacuterant 511 de la deacutecision attaqueacutee)

480 En outre il ne serait pas eacutetabli que ce soit dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 ou dans un autre document que les risques strateacutegiques financiers et opeacuterationnels auxquels LuxOpCo devait faire face dans le cadre de ses opeacuterations journaliegraveres auraient eacuteteacute geacutereacutes par une politique de groupe en matiegravere de gestion des risques (consideacuterant 512 de la deacutecision attaqueacutee) Au contraire les risques tels que la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique auraient eacuteteacute geacutereacutes au niveau local avec LuxOpCo comme principal responsable en Europe (consideacuterants 513 agrave 515 de la deacutecision attaqueacutee)

481 Les parties sont en deacutesaccord en ce qui concerne le point de savoir quelle entiteacute assumait effectivement les risques lieacutes aux actifs incorporels et plus particuliegraverement sur la question de savoir si LuxOpCo a mobiliseacute des actifs pour absorber les coucircts lieacutes agrave la mise au point de la proprieacuteteacute intellectuelle De plus selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg une partie des risques et des fonctions identifieacutes par la Commission auraient eacuteteacute assumeacutee par les socieacuteteacutes europeacuteennes lieacutees et non par LuxOpCo

482 Srsquoagissant des risques lieacutes agrave la mise au point lrsquoameacutelioration et la gestion des actifs incorporels affirmer agrave lrsquoinstar de ce qursquoa deacuteclareacute la Commission au consideacuterant 507 de deacutecision attaqueacutee que LuxOpCo supportait ces risques tant selon les dispositions des accords conclus avec LuxSCS que dans les faits ne saurait convaincre

483 Ainsi que lrsquoa releveacute le Grand-Ducheacute de Luxembourg agrave juste titre au point 104 de la requecircte dans lrsquoaffaire T-81617 srsquoil est vrai que en vertu de lrsquoaccord de licence LuxSCS avait transfeacutereacute un certain nombre de risques lieacutes agrave lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales agrave LuxOpCo il nrsquoen reste pas moins que LuxSCS qui eacutetait le proprieacutetaire leacutegal du droit drsquoexploiter des actifs incorporels pendant la peacuteriode consideacutereacutee supportait toujours les risques lieacutes aux actifs incorporels puisqursquoelle devait honorer lrsquoobligation qui lui incombait en vertu de lrsquoaccord drsquoentreacutee et de lrsquoARC de payer les frais drsquoentreacutee et les frais au titre de lrsquoARC agrave ATI et agrave A 9

484 Ce constat nrsquoest pas contesteacute de maniegravere eacutetayeacutee par la Commission Srsquoagissant de la capaciteacute financiegravere de LuxSCS drsquoassumer les risques srsquoils se mateacuterialisaient la Commission nrsquoa pas eacuteteacute en mesure de deacutemontrer son affirmation selon laquelle LuxSCS ne disposait pas de fonds propres substantiels En ce qui concerne le capital initial de LuxSCS eacutecarteacute par la Commission au consideacuterant 445 de la deacutecision attaqueacutee comme eacutetant non pertinent il est constant que agrave tout le moins pour lrsquoanneacutee 2006 crsquoest gracircce agrave son capital que LuxSCS a pu absorber les pertes subies au cours de ses premiegraveres anneacutees drsquoexploitation sans intervention de LuxOpCo Ainsi en 2006 le montant de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS eacutetait largement infeacuterieur aux paiements drsquoachat et de partage des coucircts effectueacutes par LuxSCS

485 Dans ces conditions il y a lieu de retenir que LuxOpCo supportait tout au plus une partie des risques lieacutes agrave lrsquoexistence agrave la mise au point agrave lrsquoameacutelioration et agrave la gestion des actifs incorporels

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486 En revanche srsquoagissant des autres risques dont il est fait eacutetat aux consideacuterants 507 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee agrave savoir les risques propres agrave une activiteacute de deacutetaillant en ligne et de prestataire de services le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne contestent pas de maniegravere eacutetayeacutee que LuxOpCo supportait ces risques tels que le risque relatif agrave la perte drsquoactiviteacute eacuteconomique en tant que telle (voir consideacuterant 514 de ladite deacutecision) et les risques relatifs agrave la deacutetention des stocks invendus en Europe agrave lrsquoheacutebergement des serveurs et agrave la maintenance des centres drsquoappels aux creacuteances douteuses et agrave lrsquoinaccomplissement ou lrsquoinexeacutecution des contrats conclus avec les clients En particulier si le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que la technologie permettait de minimiser les risques de LuxOpCo en lien avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales et notamment les risques drsquoinventaire force est de constater agrave lrsquoinstar de ce que la Commission a releveacute au consideacuterant 510 de la deacutecision attaqueacutee que la technologie nrsquoa pas totalement supprimeacute ces risques Il y a donc lieu drsquoenteacuteriner les affirmations de la Commission

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo

487 Compte tenu de ce qui preacutecegravede il y a lieu de constater que lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo effectueacutee par la Commission ne saurait convaincre dans son inteacutegraliteacute

488 Premiegraverement au regard des informations recueillies par la Commission aux fins de lrsquoadoption de la deacutecision attaqueacutee telles qursquoexposeacutees dans cette derniegravere et dont une partie a eacuteteacute enteacuterineacutee ci-dessus il nrsquoeacutetait pas exclu de pouvoir consideacuterer que LuxOpCo exerccedilait effectivement certaines fonctions uniques et de valeur en ce qui concerne les actifs incorporels Cela vaut pour ce qui est du deacuteveloppement de lrsquoEFN et de lrsquoaccumulation des donneacutees clients Pour le surplus srsquoagissant des actifs de marketing si les fonctions de LuxOpCo sont de valeur il nrsquoest pas eacutetabli que de telles fonctions puissent ecirctre consideacutereacutees comme eacutetant uniques

489 Deuxiegravemement lrsquoanalyse des fonctions de LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne et en tant que prestataire de services peut ecirctre enteacuterineacutee pour lrsquoessentiel Agrave cet eacutegard contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon LuxOpCo ne se limitait pas agrave exercer de simples fonctions de laquo gestion raquo mais agissait comme un deacutetaillant en ligne et supportait les risques inheacuterents agrave ces activiteacutes De telles fonctions eacutetaient effectivement laquo de valeur raquo car il srsquoagissait drsquoactiviteacutes susceptibles de contribuer de maniegravere significative au chiffre drsquoaffaires de LuxOpCo et donc au modegravele commercial du groupe Amazon Toutefois de telles fonctions ne sauraient ecirctre qualifieacutees drsquouniques En effet dans la mesure ougrave le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont indiqueacute qursquoune entreprise pouvait ecirctre consideacutereacutee comme une entiteacute exerccedilant des fonctions de routine (par opposition agrave une entiteacute exerccedilant des fonctions uniques et de valeur) lorsque ces fonctions pouvaient facilement ecirctre eacutevalueacutees (en anglais laquo benchmarked raquo) (voir point 225 ci-dessus) il suffit de relever que le rapport [confidentiel] qui a eacuteteacute eacutevoqueacute par les parties principales porte sur des activiteacutes de deacutetaillant en ligne et aborde la question de la reacutemuneacuteration observeacutee sur le marcheacute pour de tels deacutetaillants

490 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de constater que si la Commission a pu valablement consideacuterer que certaines fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur sa thegravese visant agrave affirmer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec ses activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur ne saurait convaincre en totaliteacute Si la Commission a correctement constateacute que LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles retenues aux fins de lrsquoadoption de la DFA en cause agrave savoir de simples fonctions de laquo gestion raquo elle a erroneacutement retenu que les fonctions de LuxOpCo relatives agrave son activiteacute de deacutetaillant eacutetaient uniques et de valeur

491 Cette conclusion nrsquoest remise en cause par aucun des autres arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg ou drsquoAmazon

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492 Premiegraverement le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon font valoir que le fait que les fonctions de LuxOpCo eacutetaient exerceacutees avant la restructuration de 2006 par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes et que celles-ci eacutetaient reacutemuneacutereacutees aux coucircts majoreacutes deacutemontre que les fonctions de LuxOpCo ne sont que des fonctions courantes Il suffit agrave cet eacutegard de relever que la restructuration de 2006 avait preacuteciseacutement pour objet de creacuteer un siegravege pour les activiteacutes du groupe Amazon en Europe en attribuant agrave LuxOpCo des fonctions bien plus importantes que celles des socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes

493 Deuxiegravemement le Grand-Ducheacute de Luxembourg reproche agrave la Commission drsquoavoir attribueacute agrave LuxOpCo les fonctions exerceacutees par les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes Il suffit de constater agrave cet eacutegard que les socieacuteteacutes lieacutees europeacuteennes agissaient en tant que prestataires de services aupregraves de LuxOpCo et eacutetaient drsquoailleurs reacutemuneacutereacutees comme tels Les fonctions qursquoelles exerccedilaient lrsquoeacutetaient donc pour le compte et aux risques de LuxOpCo La Commission pouvait donc attribuer ces fonctions agrave LuxOpCo

2) Sur le choix de la meacutethode

494 Ainsi qursquoexposeacute au point 317 ci-dessus la Commission a consideacutereacute en substance qursquoil eacutetait erroneacute drsquoavoir utiliseacute la MTMN pour deacuteterminer le montant de la redevance et la reacutemuneacuteration de LuxOpCo et que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre utiliseacutee

495 Plus preacuteciseacutement au consideacuterant 567 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que lorsque les deux parties agrave la transaction intragroupe apportent des contributions uniques et de valeur agrave ladite transaction la meacutethode du partage des beacuteneacutefices est geacuteneacuteralement consideacutereacutee comme une meacutethode plus approprieacutee pour ce qui est des prix de transfert dans la mesure ougrave en pareil cas des parties indeacutependantes devraient normalement se reacutepartir les beacuteneacutefices geacuteneacutereacutes par cette transaction proportionnellement agrave leurs contributions respectives

496 Dans ce contexte la Commission a preacuteciseacute en renvoyant au consideacuterant 256 de la deacutecision attaqueacutee que les lignes directrices de lrsquoOCDE distinguaient entre deux meacutethodes de partage des beacuteneacutefices agrave savoir lrsquoanalyse des contributions et lrsquoanalyse reacutesiduelle Srsquoagissant de lrsquoanalyse reacutesiduelle la Commission a preacuteciseacute que celle-ci srsquoappliquait dans le cas ougrave une partie eacutetait reacutemuneacutereacutee pour ses fonctions courantes en plus de la reacutemuneacuteration qursquoelle percevait pour les contributions uniques et de valeur qursquoelle apportait agrave la transaction Srsquoagissant de lrsquoanalyse des contributions la Commission a preacuteciseacute que celle-ci consistait agrave reacutepartir les beacuteneacutefices combineacutes sur la base de la valeur relative des fonctions exerceacutees (compte tenu des actifs qursquoelles employaient et des risques qursquoelles assumaient) par chacune des parties aux transactions intragroupe

497 La Commission a ajouteacute que lorsque les deux parties agrave la transaction controcircleacutee apportaient des contributions uniques et de valeur et qursquoil nrsquoexistait pas de transactions moins complexes dont le prix devait ecirctre eacutetabli seacutepareacutement il eacutetait plus approprieacute drsquoappliquer lrsquoanalyse des contributions aux fins de lrsquoimputation des beacuteneacutefices combineacutes Lrsquoanalyse reacutesiduelle aurait eacuteteacute approprieacutee lorsqursquoil aurait existeacute des transactions moins complexes

498 Sur la base de ces observations la Commission a conclu que du fait que LuxSCS et LuxOpCo eacutetaient toutes deux consideacutereacutees comme exerccedilant des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels il convenait de preacutefeacuterer lrsquoanalyse des contributions agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle

499 Les parties au litige srsquoopposent quant agrave la question de savoir si la Commission avait raison de consideacuterer que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions eacutetait approprieacutee en lrsquoespegravece et par conseacutequent que le choix de la MTMN nrsquoaurait pas ducirc ecirctre avaliseacute dans la DFA en cause

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500 Avant toute chose il importe de rappeler srsquoagissant du choix de la meacutethode de prix de transfert en tant que tel que ainsi qursquoexposeacute au point 202 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) les diffeacuterentes meacutethodes de fixation des prix de transfert srsquoefforcent drsquoatteindre des niveaux de beacuteneacutefices refleacutetant des prix de transfert de pleine concurrence et qursquoil ne peut ecirctre conclu par principe qursquoune meacutethode ne permet pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de marcheacute

501 En outre dans le cadre de lrsquoexamen drsquoune mesure au regard du principe de pleine concurrence la Commission est libre drsquoutiliser une autre meacutethode que celle avaliseacutee par les autoriteacutes fiscales nationales Il ressort du point 154 de lrsquoarrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission (T-76015 et T-63616 EUT2019669) que srsquoil ne peut ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir retenu une meacutethode de deacutetermination des prix de transfert qursquoelle considegravere approprieacutee dans le cas drsquoespegravece afin drsquoexaminer le niveau des prix de transfert pour une transaction ou pour plusieurs transactions eacutetroitement lieacutees faisant partie de la mesure contesteacutee il incombe neacuteanmoins agrave celle-ci de justifier son choix meacutethodologique

502 En lrsquoespegravece du fait de lrsquoexistence de certaines fonctions uniques et de valeur tant dans le chef de LuxSCS que de LuxOpCo il ne saurait ecirctre reprocheacute agrave la Commission drsquoavoir consideacutereacute que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avait pu apparaicirctre de maniegravere geacuteneacuterale approprieacutee pour examiner la transaction controcircleacutee

503 Neacuteanmoins la conclusion de la Commission visant agrave retenir lrsquoanalyse des contributions ne saurait convaincre En effet agrave cet eacutegard ainsi qursquoil ressort implicitement mais neacutecessairement des consideacuterants 256 567 et 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission est partie du constat que la circonstance que les parties agrave la transaction controcircleacutee exerccedilaient des fonctions uniques et de valeur ainsi que des fonctions de routine appelait une application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle alors que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions nrsquoaurait eacuteteacute adapteacutee que lorsque les entreprises concerneacutees exerccedilaient uniquement des fonctions uniques et de valeur Or ainsi qursquoil ressort des points 488 et 489 ci-dessus si la Commission avait raison de consideacuterer que certaines des fonctions de LuxOpCo en rapport avec les actifs incorporels eacutetaient uniques et de valeur elle a erroneacutement consideacutereacute que les fonctions de LuxOpCo en lien avec les activiteacutes commerciales eacutetaient uniques et de valeur De plus elle nrsquoa pas non plus eacutetabli qursquoil nrsquoy avait pas de comparables aux activiteacutes commerciales de LuxOpCo ni que la reacutemuneacuteration de ces fonctions nrsquoaurait pu ecirctre eacutetablie seacutepareacutement

504 De plus il reacutesulte implicitement mais neacutecessairement des points 36 et 38 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que le choix de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices y compris dans la variante de lrsquoanalyse des contributions deacutepend de maniegravere deacutecisive du fait drsquoavoir identifieacute des donneacutees externes provenant drsquoentreprises indeacutependantes pour deacuteterminer la valeur de la contribution de chaque entreprise associeacutee aux transactions Or la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave identifier si de telles donneacutees fiables eacutetaient disponibles pour pouvoir conclure que la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions pouvait ecirctre choisie en lrsquoespegravece

505 En outre la Commission nrsquoa pas justifieacute en quoi les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels eacutetaient telles que crsquoeacutetait lrsquoanalyse des contributions qui aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece et ce par opposition agrave lrsquoanalyse reacutesiduelle (voir consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee)

506 Il en deacutecoule que lorsqursquoelle a eacutecarteacute la meacutethode du partage de beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse reacutesiduelle et a choisi la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission nrsquoa pas ducircment justifieacute son choix meacutethodologique et nrsquoa donc pas satisfait aux exigences exposeacutees au point 501 ci-dessus

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507 Dans la mesure ougrave la Commission a fondeacute son premier constat subsidiaire sur le fait que seule lrsquoanalyse des contributions aurait eacuteteacute la meacutethode approprieacutee en lrsquoespegravece lrsquoerreur constateacutee au point 506 ci-dessus vicie le raisonnement de la Commission relatif agrave la deacutemonstration de lrsquoexistence de lrsquoavantage

508 Le Tribunal estime neacuteanmoins neacutecessaire de poursuivre lrsquoexamen des arguments des parties requeacuterantes visant agrave faire valoir que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)

509 Ainsi qursquoexposeacute ci-dessus au consideacuterant 568 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a consideacutereacute que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee cela aurait neacutecessairement abouti agrave une reacutemuneacuteration plus importante pour LuxOpCo La Commission a ainsi consideacutereacute que en avalisant la meacutethode de calcul de la redevance proposeacutee par Amazon aboutissant agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave cette derniegravere La Commission a neacuteanmoins preacuteciseacute au consideacuterant 564 de la deacutecision attaqueacutee qursquoelle nrsquoavait pas chercheacute agrave eacutetablir quelle aurait eacuteteacute preacuteciseacutement la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo

510 Agrave cet eacutegard il convient de rappeler que ainsi que releveacute aux points 317 agrave 320 ci-dessus lrsquoerreur identifieacutee par la Commission ne repose pas sur le constat que certaines fonctions de LuxOpCo y compris des fonctions de routine ou courantes nrsquoont pas fait lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration En revanche la Commission est partie du postulat que LuxOpCo assumait une seacuterie de fonctions de LuxOpCo uniques et de valeur et que partant la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions aurait ducirc ecirctre appliqueacutee

511 Les parties srsquoopposent sur la question de savoir si la Commission est parvenue sur le fondement du constat mentionneacute au point 509 ci-dessus agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de LuxOpCo

512 Pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage la Commission devait deacutemontrer que LuxOpCo aurait ducirc percevoir une reacutemuneacuteration plus importante si la meacutethode de partage des beacuteneacutefices lui avait eacuteteacute appliqueacutee par rapport agrave ce qursquoelle avait effectivement perccedilu en application de la DFA en cause

513 Ainsi qursquoexposeacute au point 310 ci-dessus il appartient agrave la Commission de deacutemontrer de maniegravere concregravete que les erreurs meacutethodologiques qursquoelle a identifieacutees dans la deacutecision fiscale anticipeacutee ne permettaient pas drsquoaboutir agrave une approximation fiable drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelles avaient abouti agrave une reacuteduction du beacuteneacutefice imposable sans qursquoil soit exclu que dans certains cas une erreur meacutethodologique soit telle qursquoelle ne permette aucunement drsquoaboutir agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence et qursquoelle conduise neacutecessairement agrave une sous-eacutevaluation de la reacutemuneacuteration qui aurait ducirc ecirctre perccedilue dans des conditions de marcheacute

514 Les mecircmes consideacuterations doivent srsquoappliquer lorsque la Commission considegravere avoir identifieacute une erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle En effet il nrsquoest pas exclu que en deacutepit drsquoune erreur dans lrsquoanalyse fonctionnelle la reacutemuneacuteration calculeacutee ne srsquoeacutecarte pas du reacutesultat de pleine concurrence qui aurait pu ecirctre deacutetermineacute si les fonctions avaient eacuteteacute correctement prises en compte Dans ce contexte il y a lieu de relever que si certaines fonctions nrsquoont pas eacuteteacute correctement identifieacutees et nrsquoont pas eacuteteacute prises en compte dans le cadre du calcul de la reacutemuneacuteration il est probable que ces fonctions auraient ducirc faire lrsquoobjet drsquoune reacutemuneacuteration et que du fait de lrsquoabsence de la prise en compte de ces fonctions suppleacutementaires la reacutemuneacuteration de lrsquoentreprise en cause aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee Neacuteanmoins la

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Commission ne saurait aboutir agrave de telles conclusions sans examiner de maniegravere concregravete si dans le cas drsquoespegravece et au regard des speacutecificiteacutes de la transaction en cause lrsquoerreur identifieacutee dans lrsquoanalyse fonctionnelle aurait pu aboutir agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

515 Enfin lorsqursquoelle examine dans le cadre de la compeacutetence que lui confegravere lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE une mesure fiscale octroyeacutee agrave une entreprise inteacutegreacutee la Commission doit comparer la charge fiscale drsquoune telle entreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale concerneacutee avec la charge fiscale reacutesultant de lrsquoapplication des regravegles drsquoimposition normales du droit national drsquoune entreprise placeacutee dans une situation factuelle comparable exerccedilant ses activiteacutes dans des conditions de marcheacute (voir en ce sens arrecirct du 24 septembre 2019 Pays-Bas eaCommission T-76015 et T-63616 EUT2019669 point 149) Lorsqursquoelle identifie des erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle sur laquelle repose une mesure fiscale telle la DFA en cause il y a lieu pour la Commission de comparer la charge fiscale de lrsquoentreprise inteacutegreacutee reacutesultant de lrsquoapplication de la mesure fiscale en question drsquoune part agrave la charge fiscale drsquoune entreprise active sur le marcheacute exerccedilant des fonctions comparables agrave celles de lrsquoentreprise inteacutegreacutee telles qursquoidentifieacutees par la Commission drsquoautre part Il y a lieu de souligner agrave cet eacutegard qursquoune telle comparaison nrsquoimplique pas que la Commission doive neacutecessairement reacutealiser une toute nouvelle analyse ayant le mecircme niveau de deacutetail que celle effectueacutee par lrsquoEacutetat membre aux fins de lrsquoadoption de la mesure fiscale en question Pourtant mecircme si elle ne doit pas proceacuteder agrave une telle analyse la Commission est tenue drsquoidentifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements concrets permettant de constater avec certitude que la reacutemuneacuteration de pleine concurrence pour les fonctions de la socieacuteteacute telles qursquoidentifieacutees par la Commission eacutetait forceacutement plus importante que la reacutemuneacuteration perccedilue en application de la mesure fiscale en question

516 En conseacutequence de ce qui vient drsquoecirctre exposeacute au point 515 ci-dessus la Commission aurait ducirc comparer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue en application de la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause avec la reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait ducirc ecirctre perccedilue au regard des fonctions de LuxOpCo que la Commission avait identifieacutees elle-mecircme dans sa propre analyse fonctionnelle Agrave deacutefaut drsquoune veacuteritable application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc identifier agrave tout le moins un nombre drsquoeacuteleacutements permettant de conclure que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la DFA en cause eacutetait neacutecessairement infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration qursquoune socieacuteteacute opeacuterant sur le marcheacute libre aurait perccedilue si cette socieacuteteacute avait eu des fonctions comparables agrave celles identifieacutees par la Commission dans son analyse fonctionnelle Plus preacuteciseacutement si elle consideacuterait que lrsquoanalyse des contributions eacutetait la meacutethode de calcul approprieacutee au lieu de se borner agrave de simples preacutesomptions non veacuterifieacutees du reacutesultat qui aurait eacuteteacute obtenu en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions la Commission aurait ducirc rechercher si sur le marcheacute libre la prise en compte de fonctions et de risques comparables agrave ceux qui incombaient agrave LuxOpCo dans le cadre de la transaction controcircleacutee (notamment ses fonctions et ses risques de deacutetaillant en ligne) se traduisait effectivement dans une part de beacuteneacutefices (pour un deacutetaillant en ligne comparable agrave LuxOpCo) qui aurait eacuteteacute supeacuterieure agrave celle agrave laquelle LuxOpCO avait droit en vertu de la meacutethode de calcul viseacutee dans la DFA en cause Si la Commission nrsquoavait certes pas agrave indiquer de chiffres preacutecis elle eacutetait agrave tout le moins tenue de donner des indices veacuterifiables agrave cet eacutegard

517 En lrsquoespegravece dans la deacutecision attaqueacutee la Commission srsquoest borneacutee agrave constater que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute utiliseacutee LuxOpCo aurait perccedilu une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee sans chercher agrave faire application de cette meacutethode Or la Commission ne peut preacutesumer quel serait le reacutesultat en application drsquoune certaine meacutethode ni quelle reacutemuneacuteration aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave une certaine fonction En revanche ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute aux points 515 et 516 ci-dessus elle doit eacutetablir que la reacutemuneacuteration avaliseacutee dans la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave lrsquoapproximation fiable drsquoune reacutemuneacuteration de pleine concurrence qui aurait eacuteteacute obtenue en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions

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518 Agrave cet eacutegard il y a lieu de relever que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave examiner quelle eacutetait la bonne cleacute de reacutepartition des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo qui aurait convenu si ces parties avaient eacuteteacute des entreprises indeacutependantes ni mecircme agrave identifier des eacuteleacutements concrets permettant de deacuteterminer que les fonctions de LuxOpCo en lien avec le deacuteveloppement des actifs incorporels ou lrsquoexercice des fonctions de siegravege aurait donneacute droit agrave une part plus importante des beacuteneacutefices par rapport agrave la part des beacuteneacutefices effectivement obtenue en application de la DFA en cause

519 De plus il convient de rappeler que mecircme si les contributions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels (contribution au deacuteveloppement drsquoune petite partie de la technologie contribution agrave lrsquoexpansion de la base de donneacutees clients et agrave la valorisation de la marque) et avec lrsquoexploitation des activiteacutes commerciales sont bien reacuteelles aucun des eacuteleacutements contenus dans la deacutecision attaqueacutee ne permet de mesurer lrsquoapport de ces fonctions par rapport aux fonctions de LuxSCS (mise agrave disposition de la technologie laquelle joue un rocircle crucial pour lrsquoexploitation des activiteacutes du groupe Amazon et la geacuteneacuteration des beacuteneacutefices) Ainsi sans analyse approfondie il nrsquoest pas possible de preacutejuger dans quelle mesure les contributions de LuxOpCo lui donneraient une part plus importante des beacuteneacutefices reacutealiseacutes en Europe que celle obtenue en application de la DFA en cause

520 Dans ces conditions il convient de constater que la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage mais tout au plus la probabiliteacute de lrsquoexistence drsquoun avantage

521 Certes ainsi que la Commission lrsquoa eacutevoqueacute lors de lrsquoaudience le fait que certains actifs soient transmis gratuitement sans que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA ne prenne en compte ces fonctions est de nature agrave deacutemontrer que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est infeacuterieure agrave ce qursquoune entreprise indeacutependante aurait perccedilu dans des conditions de marcheacute Neacuteanmoins force est de constater que la deacutecision attaqueacutee ne contient pas un tel raisonnement

522 Certes il nrsquoest pas exclu que si LuxOpCo exerccedilait davantage de fonctions que celles qui ont eacuteteacute prises en compte aux fins du calcul de sa reacutemuneacuteration telle qursquoavaliseacutee dans la DFA en cause LuxOpCo aurait eu droit agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire Neacuteanmoins le raisonnement de la Commission tel qursquoexposeacute dans la deacutecision attaqueacutee reste theacuteorique et nrsquoest pas suffisant pour eacutetablir que LuxOpCo a effectivement perccedilu un avantage du fait de lrsquoapplication de la meacutethode de calcul de sa reacutemuneacuteration qui a eacuteteacute avaliseacutee par la DFA en cause

523 Certes la Commission a affirmeacute dans ses reacuteponses aux questions du Tribunal et lors de lrsquoaudience que en application de la DFA en cause LuxOpCo nrsquoa perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS et que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions lui avait eacuteteacute appliqueacutee en tenant compte de ses fonctions uniques et de valeur elle aurait neacutecessairement perccedilu une part plus importante de ces beacuteneacutefices combineacutes

524 Neacuteanmoins premiegraverement il importe de relever que lrsquoaffirmation selon laquelle LuxOpCo nrsquoaurait perccedilu qursquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes nrsquoapparaicirct pas dans la partie de la deacutecision attaqueacutee relative au premier constat subsidiaire ni mecircme dans toute la deacutecision attaqueacutee Ce chiffre peut tout au plus ecirctre calculeacute sur la base des diffeacuterentes donneacutees chiffreacutees contenues dans la deacutecision attaqueacutee Agrave cet eacutegard il importe de relever que ce chiffre drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS correspond aux beacuteneacutefices drsquoexploitation de LuxOpCo apregraves deacuteduction de la redevance verseacutee agrave LuxSCS en application de la DFA en cause

525 Deuxiegravemement la Commission nrsquoapporte aucun eacuteleacutement concret dans la deacutecision attaqueacutee de nature agrave eacutetablir que le fait qursquoenviron 80 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxOpCo et de LuxSCS eacutetaient attribueacutes agrave LuxSCS afin de reacutemuneacuterer sa contribution agrave savoir la mise agrave disposition des actifs incorporels nrsquoest pas de pleine concurrence ni que lrsquoattribution drsquoenviron 20 des beacuteneacutefices combineacutes ne constitue pas une reacutemuneacuteration suffisante au regard des contributions effectueacutees par LuxOpCo

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526 Troisiegravemement ainsi qursquoAmazon lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience la Commission nrsquoa pas affirmeacute dans la deacutecision attaqueacutee qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire aurait ducirc ecirctre attribueacutee agrave LuxOpCo en sus de la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN En effet le constat selon lequel la meacutethode de la reacuteparation des beacuteneacutefices avec analyse des contributions devait ecirctre appliqueacutee implique drsquoeacutecarter la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul Or il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

527 Drsquoune part il importe de relever que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait preacutesenteacute agrave la Commission un rapport concernant le taux de marge pour des entreprises effectuant des activiteacutes de vente au deacutetail en ligne agrave savoir le rapport [confidentiel] Le taux de marge pour les activiteacutes de vente au deacutetail en ligne en moyenne eacutetait de 05 des coucircts totaux des deacutetaillants en ligne Sans qursquoil soit besoin de veacuterifier si au regard de cet eacuteleacutement Amazon eacutetait en droit drsquoaffirmer comme elle lrsquoa fait lors de lrsquoaudience que ce taux aurait deacutemontreacute que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans la peacuteriode consideacutereacutee aurait eacuteteacute laquo confortable raquo force est de constater que au regard dudit rapport la Commission aurait ducirc approfondir son examen quant agrave la question de savoir si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo correspondait agrave un reacutesultat de pleine concurrence pour ses fonctions de deacutetaillant en ligne Sans un tel examen il nrsquoest pas certain que lrsquoon puisse affirmer que LuxOpCo aurait pu recevoir une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour ses fonctions lieacutees aux activiteacutes commerciales

528 Drsquoautre part agrave lrsquoeacutechelle des activiteacutes de deacuteveloppement effectueacutees par le groupe Amazon les fonctions de LuxOpCo en lien avec les actifs incorporels notamment en ce qui concerne la technologie restaient limiteacutees Il nrsquoest donc pas eacutevident que ces fonctions eacutetaient telles que la part des beacuteneacutefices attribuables agrave LuxOpCo aurait ducirc ecirctre supeacuterieure agrave 20 des beacuteneacutefices combineacutes de LuxSCS et de LuxOpCo

529 En conseacutequence en lrsquoabsence drsquoeacuteleacutements sur la cleacute de reacutepartition qui aurait ducirc ecirctre retenue il nrsquoest pas possible drsquoidentifier lrsquoordre de grandeur de la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait ducirc percevoir dans des conditions de pleine concurrence ni a fortiori de deacuteterminer si cette reacutemuneacuteration est infeacuterieure ou supeacuterieure agrave celle obtenue en application de la DFA en cause

530 Il en deacutecoule que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir que si la meacutethode du partage des beacuteneacutefices dans la variante de lrsquoanalyse des contributions avait eacuteteacute appliqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus importante Le premier constat subsidiaire ne permet donc pas de soutenir la conclusion selon laquelle la DFA en cause a confeacutereacute un avantage eacuteconomique agrave LuxOpCo En effet outre le fait que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave deacuteterminer quelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence de LuxOpCo au regard des fonctions identifieacutees par la Commission dans sa propre analyse fonctionnelle le premier constat subsidiaire ne contient pas drsquoeacuteleacutements concrets permettant drsquoeacutetablir agrave suffisance de droit que les erreurs dans lrsquoanalyse fonctionnelle ainsi que lrsquoerreur meacutethodologique identifieacutee par la Commission relative au choix de la meacutethode en tant que telle ont effectivement abouti agrave une reacuteduction de la charge fiscale de LuxOpCo

531 Aucun des autres arguments exposeacutes par la Commission ne saurait remettre ces constats en question

532 Premiegraverement certes ainsi que lrsquoa exposeacute la Commission lors de lrsquoaudience il y a une diffeacuterence entre la deacutemonstration de lrsquoavantage et la quantification de lrsquoavantage Ainsi il nrsquoest pas exclu qursquoil soit possible de deacutemontrer qursquoune erreur meacutethodologique aboutit neacutecessairement agrave une reacutemuneacuteration infeacuterieure sans que ne soit quantifieacutee cette reacuteduction de reacutemuneacuteration Neacuteanmoins ainsi que constateacute au point 529 ci-dessus dans le cas drsquoespegravece la deacutecision attaqueacutee ne contient pas drsquoeacuteleacutements de nature agrave deacutemontrer que lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices avec lrsquoanalyse des contributions en lieu et place de la MTMN aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee

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533 Deuxiegravemement certes ainsi que la Commission lrsquoa releveacute lors de lrsquoaudience le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ne nient pas que si LuxOpCo avait effectueacute des deacuteveloppements substantiels des actifs incorporels cela aurait ducirc mener agrave une reacutemuneacuteration suppleacutementaire

534 Neacuteanmoins ainsi que Amazon lrsquoa affirmeacute lors de lrsquoaudience et ainsi qursquoexposeacute au point 526 ci-dessus la thegravese de la Commission ne revient pas agrave consideacuterer qursquoune reacutemuneacuteration suppleacutementaire agrave celle calculeacutee en application de la DFA en cause aurait ducirc ecirctre calculeacutee En effet la Commission a consideacutereacute que la meacutethode des contributions avec analyse reacutesiduelle nrsquoeacutetait pas approprieacutee en lrsquoespegravece Il en deacutecoule que la thegravese de la Commission se limite agrave faire valoir que si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avait eacuteteacute calculeacutee en application de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices selon lrsquoanalyse des contributions cela aurait abouti agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee que celle obtenue en application de la MTMN Dans la mesure ougrave lrsquoanalyse des contributions impliquerait de ne pas prendre en compte la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee sur la base de lrsquoapplication de la MTMN et de proceacuteder agrave un tout nouveau calcul il nrsquoest pas exclu que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la meacutethode de reacutepartition des beacuteneacutefices avec analyse des contributions soit infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration calculeacutee en application de la MTMN telle qursquoavaliseacutee par la DFA en cause

535 Troisiegravemement lrsquoargument de la Commission exposeacute dans ses eacutecritures selon lequel lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration plus eacuteleveacutee de LuxOpCo dans la mesure ougrave cela aurait conduit agrave un partage du beacuteneacutefice reacutesiduel entre LuxOpCo et LuxSCS plutocirct qursquoagrave lrsquoattribution de lrsquointeacutegraliteacute du beacuteneacutefice reacutesiduel agrave LuxSCS ainsi que lrsquoargument selon lequel il nrsquoeacutetait pas neacutecessaire drsquoappliquer la meacutethode du partage des beacuteneacutefices pour eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage car cette meacutethode consiste agrave partager le beacuteneacutefice reacutesiduel doivent ecirctre eacutecarteacutes

536 En effet force est de constater qursquoune telle reacutepartition du beacuteneacutefice reacutesiduel nrsquoest pertinente que dans le cadre de lrsquoutilisation de lrsquoanalyse reacutesiduelle Or il ressort clairement de la deacutecision attaqueacutee et notamment de ses consideacuterants 567 et 568 que la Commission a consideacutereacute que seule lrsquoanalyse de contributions et non lrsquoanalyse reacutesiduelle pouvait valablement ecirctre utiliseacutee en lrsquoespegravece aux fins de lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices Or ainsi qursquoexposeacute au point 534 ci-dessus lrsquoanalyse des contributions consiste agrave reacutepartir directement les beacuteneacutefices combineacutes entre les diffeacuterentes parties agrave la transaction et ne tient pas compte de la reacutemuneacuteration initialement calculeacutee pour LuxOpCo Il ne peut donc ecirctre preacutesumeacute que lrsquoapplication de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices aurait neacutecessairement conduit agrave une reacutemuneacuteration supeacuterieure pour LuxOpCo

537 Il deacutecoule donc de lrsquoensemble de ce qui preacutecegravede que la Commission nrsquoest pas parvenue agrave deacutemontrer dans le cadre de son premier constat subsidiaire que la DFA en cause avait confeacutereacute un avantage agrave LuxOpCo

538 Il convient donc drsquoaccueillir les moyens et arguments tendant agrave contester le premier constat subsidiaire

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

539 Dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et en particulier au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a indiqueacute que mecircme si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient accepteacute agrave bon droit la preacutesomption selon laquelle LuxSCS exerccedilait des fonctions uniques et de valeur en rapport avec les actifs incorporels et mecircme si elles avaient ensuite consideacutereacute agrave bon droit que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que des fonctions de gestion courantes le choix drsquoun indicateur de beacuteneacutefice fondeacute sur les charges drsquoexploitation dans la meacutethode de fixation des prix de transfert avaliseacutee par la DFA en cause nrsquoeacutetait pas approprieacute Il reacutesulte des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee que selon la Commission si les autoriteacutes fiscales luxembourgeoises avaient pris en compte comme indicateur du niveau de beacuteneacutefice dans le cadre de lrsquoapplication de la MTMN les coucircts totaux de

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LuxOpCo comme cela aurait eacuteteacute fait dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacutee que celle retenue dans la DFA en cause En conseacutequence la base imposable de cette socieacuteteacute aurait eacuteteacute eacutegalement plus eacuteleveacutee

540 Agrave lrsquoappui de son deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage la Commission a rappeleacute le fait que la meacutethode avaliseacutee par la DFA en cause retenait les charges drsquoexploitation en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice alors que le rapport sur les prix de transfert de 2003 sur lequel se fondait la demande de DFA aurait utiliseacute les coucircts totaux en tant qursquoindicateur du niveau de beacuteneacutefice Ensuite la Commission a indiqueacute que lors de la proceacutedure administrative Amazon avait reconnu qursquoil y avait une incoheacuterence entre la meacutethode avaliseacutee dans la DFA en cause et la meacutethode proposeacutee par le rapport sur les prix de transfert de 2003 Agrave cet eacutegard Amazon se serait borneacutee agrave affirmer que cette incoheacuterence nrsquoavait pas drsquoincidence sur le reacutesultat dans la mesure ougrave les coucircts drsquoexploitation repreacutesentaient la part la plus importante des coucircts totaux des entreprises comparables examineacutees dans le rapport sur les prix de transfert de 2003 (consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee) En reacuteponse agrave ces arguments la Commission a exposeacute drsquoune part que le choix drsquoentreprises comparables qui avaient de faibles coucircts de marchandises alors que ces coucircts repreacutesentaient la majeure partie des coucircts de LuxOpCo aurait laquo deacutenot[eacute] raquo un mauvais choix des entreprises comparables Drsquoautre part la Commission a releveacute que plusieurs des entreprises comparables retenues pour lrsquoanalyse de comparabiliteacute auraient des coucircts importants de marchandises de matiegraveres premiegraveres et de consommables (consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee)

541 La Commission a conclu que les coucircts totaux constituant une base plus importante que les charges drsquoexploitation le revenu imposable de LuxOpCo aurait eacuteteacute plus eacuteleveacute si les coucircts totaux avaient eacuteteacute conserveacutes ndash agrave lrsquoinstar de ce que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait ndash en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice (consideacuterant 574 de la deacutecision attaqueacutee) Pour illustrer ce constat dans le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a compareacute le beacuteneacutefice imposable de LuxOpCo en application de la DFA en cause avec le beacuteneacutefice de LuxOpCo agrave [confidentiel] des coucircts totaux et en lrsquoabsence de plafond Selon ce tableau pour les anneacutees 2006 agrave 2013 le premier srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros alors que le second srsquoeacutelegraveverait agrave [confidentiel] millions drsquoeuros

542 En premier lieu il y a lieu de relever que lors de lrsquoaudience la Commission a indiqueacute que dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire tel que figurant aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee elle nrsquoaurait laquo jamais dit raquo que les coucircts totaux eacutetaient les plus adapteacutes En revanche elle aurait simplement affirmeacute que les charges drsquoexploitation nrsquoeacutetaient pas un indicateur de beacuteneacutefice approprieacute aux fins de la deacutetermination de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo Du reste la Commission nrsquoaurait fait que simplement appliquer la logique dont auraient fait preuve les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 En drsquoautres termes elle aurait appliqueacute les coucircts totaux pour deacuteterminer la reacutemuneacuteration de la pleine concurrence pour LuxOpCo pour la seule raison que les auteurs du rapport sur les prix de transfert de 2003 auraient fait cela

543 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que ainsi qursquoil a eacuteteacute indiqueacute au point 125 ci-dessus crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne la deacutemonstration des conditions de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE En particulier la Commission doit deacutemontrer lrsquoexistence drsquoun avantage en faveur de lrsquoentreprise dont elle considegravere qursquoelle serait la beacuteneacuteficiaire drsquoune aide drsquoEacutetat Cet avantage doit ecirctre un avantage reacuteel

544 Pour rappel en lrsquoespegravece la question concernant lrsquoexistence drsquoun avantage implique un examen du point de savoir si la redevance due par LuxOpCo agrave LuxSCS telle que viseacutee dans la formule de calcul valideacutee par la DFA en cause eacutetait de pleine concurrence ou non Agrave cet eacutegard la Commission a identifieacute des erreurs dans lrsquoapplication de la MTMN proposeacutee par Amazon et valideacutee dans la DFA en cause Plus preacuteciseacutement la Commission a identifieacute une erreur dans le choix de lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

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545 Or ainsi que cela a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute le seul constat drsquoune erreur meacutethodologique ne suffit pas en principe agrave lui seul agrave deacutemontrer qursquoun rescrit fiscal ait confeacutereacute un avantage agrave une certaine socieacuteteacute et partant agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat au sens de lrsquoarticle 107 TFUE (voir point 123 ci-dessus) De plus ainsi qursquoil a drsquoores et deacutejagrave eacuteteacute releveacute crsquoest agrave la Commission qursquoincombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions drsquoexistence drsquoune aide drsquoEacutetat (voir point 125 ci-dessus)

546 Il srsquoensuit en lrsquoespegravece que la Commission eacutetait tenue de deacutemontrer que lrsquoerreur dans le choix de lrsquoindicateur identifieacutee par elle avait abouti non seulement agrave un reacutesultat diffeacuterent mais agrave une diminution de la charge fiscale du beacuteneacuteficiaire de la DFA en cause Cela impliquait de reacutepondre agrave la question de savoir quel indicateur de niveau de beacuteneacutefice aurait eacuteteacute effectivement approprieacute

547 Compte tenu de lrsquointerpreacutetation que la Commission a donneacutee lors de lrsquoaudience des consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle elle aurait utiliseacute les coucircts totaux non au motif qursquoils auraient constitueacute un indicateur du niveau de beacuteneacutefice approprieacute mais seulement aux fins de transposer la laquo logique raquo sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003 (voir point 542 ci-dessus) il y a lieu de constater que la Commission nrsquoa pas chercheacute agrave eacutetablir qursquoelle aurait eacuteteacute la reacutemuneacuteration de pleine concurrence ni a fortiori si la reacutemuneacuteration de LuxOpCo avaliseacutee par la DFA en cause eacutetait infeacuterieure agrave la reacutemuneacuteration que LuxOpCo aurait perccedilue dans des conditions de pleine concurrence

548 Il en deacutecoule que par le deuxiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoest pas parvenue agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

549 Dans un souci drsquoexhaustiviteacute et en second lieu il convient de relever que mecircme srsquoil y avait lieu de consideacuterer que aux consideacuterants 569 agrave 574 de la deacutecision attaqueacutee la Commission avait en reacutealiteacute consideacutereacute que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur du niveau de beacuteneacutefice (par opposition agrave une simple transposition ndash deacutepourvue de toute utiliteacute ndash de la logique sous-jacente au rapport sur les prix de transfert de 2003) les consideacuterations eacutetayant le deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage et la conclusion exposeacutee par la Commission au consideacuterant 547 de la deacutecision attaqueacutee ne sauraient prospeacuterer

550 En effet agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler et de souligner agrave la fois que ainsi qursquoelle lrsquoa releveacute au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a fondeacute son deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage ndash et donc identifieacute que le choix des coucircts drsquoexploitation constituait une erreur meacutethodologique ndash sur la thegravese selon laquelle LuxSCS aurait exerceacute des fonctions uniques et de valeur alors que LuxOpCo nrsquoaurait exerceacute que des laquo fonctions de gestion courantes raquo La preacutemisse des autoriteacutes fiscales luxembourgeoises telle qursquoaccepteacutee par la Commission au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee eacutetait donc celle de dire que LuxOpCo nrsquoexerccedilait que les fonctions limiteacutees drsquoune socieacuteteacute de gestion

551 Or il ne ressort pas des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 que les coucircts totaux constituaient lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour reacutemuneacuterer une socieacuteteacute de gestion Du fait que lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute de gestion srsquoapparente agrave lrsquoactiviteacute drsquoune socieacuteteacute qui fournit des services et dont la valeur est deacuteconnecteacutee du volume de ventes et du volume drsquoachats de matiegraveres premiegraveres en tant que tels il eacutetait envisageable selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de retenir les charges drsquoexploitation drsquoune telle entreprise pour deacutefinir lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute et non les coucircts totaux

552 En lrsquoespegravece premiegraverement lorsqursquoelle srsquoest reacutefeacutereacutee aux consideacuterants 572 et 573 de la deacutecision attaqueacutee aux coucircts totaux ndash par opposition aux coucircts drsquoexploitation ndash pour calculer la reacutemuneacuteration de LuxOpCo la Commission srsquoest en reacutealiteacute deacutepartie de la preacutemisse qursquoelle srsquoeacutetait fixeacutee elle-mecircme au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee

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553 En effet contrairement agrave lrsquoapproche mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee selon laquelle LuxOpCo serait consideacutereacutee comme eacutetant une socieacuteteacute laquo ayant des fonctions de gestion raquo les appreacuteciations contenues au consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee reposent sur lrsquoideacutee que LuxOpCo serait une laquo entreprise de vente au deacutetail raquo Agrave y regarder de plus pregraves le choix de coucircts totaux a eacuteteacute preacutefeacutereacute par la Commission puisque LuxOpCo aurait eacuteteacute un deacutetaillant et non parce qursquoelle aurait eacuteteacute une laquo socieacuteteacute ayant des fonctions de gestion raquo Au regard de la preacutemisse mentionneacutee au consideacuterant 569 de la deacutecision attaqueacutee la Commission aurait ducirc chercher agrave eacutetablir lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice drsquoune socieacuteteacute de gestion et non celui drsquoune entreprise qui deacuteployait des activiteacutes de deacutetaillant

554 Deuxiegravemement ainsi qursquoil ressort du point 551 ci-dessus selon les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 de maniegravere geacuteneacuterale en ce qui concerne les socieacuteteacutes de gestion il nrsquoest pas certain que les coucircts totaux constituent un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute

555 Certes il ne saurait ecirctre exclu drsquoembleacutee que srsquoagissant drsquoune socieacuteteacute de gestion particuliegravere pour des raisons speacutecifiques propres agrave cette socieacuteteacute lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour cette derniegravere soit effectivement les coucircts totaux La Commission nrsquoa toutefois pas expliqueacute la raison qui aurait pu justifier le choix des coucircts totaux comme eacutetant un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute dans le cas particulier de LuxOpCo en tant que socieacuteteacute de gestion

556 Troisiegravemement srsquoil y avait lieu drsquoaccepter le choix des coucircts totaux comme eacutetant lrsquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice le mieux adapteacute agrave la situation de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant (voir le consideacuterant 572 de la deacutecision attaqueacutee) force est de constater que la Commission nrsquoa aucunement analyseacute la probleacutematique du choix de lrsquoindicateur de beacuteneacutefice approprieacute pour LuxOpCo dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute (marketplace) pour des vendeurs tiers De plus en ce qui concerne les ventes propres la Commission nrsquoa pas examineacute dans quelle mesure les coucircts totaux auraient eacuteteacute un indicateur de niveau de beacuteneacutefice approprieacute pour lrsquoactiviteacute de LuxOpCo dans sa qualiteacute de deacutetaillant en ligne

557 Agrave cet eacutegard il y a lieu de rappeler que dans sa reacuteponse agrave une question eacutecrite du Tribunal la Commission a indiqueacute que lrsquoutilisation drsquoune marge sur les coucircts drsquoexploitation ndash et non des coucircts totaux ndash comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour des activiteacutes de distribution est permise lorsque la partie testeacutee intervient en tant qursquointermeacutediaire et ne risque pas ses fonds propres du fait notamment de lrsquoachat des biens revendus Agrave cet eacutegard la Commission srsquoest fondeacutee sur les paragraphes 2101 et 2102 des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 2010 qui ne sont toutefois pas pertinentes en lrsquoespegravece

558 Srsquoil y avait lieu drsquoaccepter qursquoune telle preacuteconisation ressortait deacutejagrave des lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 et eacutetait pertinente en lrsquoespegravece il y a lieu de constater que dans sa qualiteacute drsquoorganisateur drsquoune place de marcheacute du point de vue des vendeurs tiers LuxOpCo nrsquoavait que le rocircle drsquoun intermeacutediaire entre les vendeurs tiers et les consommateurs et qursquoelle nrsquoa pas risqueacute ses propres fonds en rapport avec les ventes reacutealiseacutees par les vendeurs tiers

559 Enfin srsquoil y avait lieu drsquoadmettre que la Commission eacutetait fondeacutee agrave consideacuterer que les coucircts totaux eacutetaient le bon indicateur pour LuxOpCo en tant que deacutetaillant en ligne compte tenu du fait que cette socieacuteteacute utilisait la technologie pour les activiteacutes de vente au deacutetail et en particulier celle relative agrave la fixation automatique des prix le choix des coucircts totaux comme indicateur de niveau de beacuteneacutefice pour LuxOpCo aurait rendu neacutecessaire des ajustements agrave la baisse du taux agrave appliquer afin de prendre en compte les diffeacuterences mateacuterielles entre la structure de coucircts de LuxOpCo et la structure de coucircts des deacutetaillants traditionnels

560 La Commission nrsquoa quant agrave elle pas envisageacute et encore moins effectueacute de tels ajustements

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561 En second lieu selon le tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application de la marge de [confidentiel] sur les coucircts totaux de LuxOpCo se serait eacuteleveacutee agrave un montant compris entre deux et trois milliards drsquoeuros

562 Lors de lrsquoaudience Amazon a affirmeacute sans ecirctre contredite sur ce point par la Commission que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee par la Commission serait supeacuterieure aux laquo beacuteneacutefices totaux raquo geacuteneacutereacutes dans lrsquoUnion lesquels srsquoeacutelegraveveraient selon elle agrave un montant compris entre un milliard et 15 milliard drsquoeuros La reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire eacutequivaudrait agrave deux fois la valeur de tous les beacuteneacutefices du groupe Amazon obtenus en Europe et ne serait de ce fait pas reacutealiste Il importe neacuteanmoins de relever que ainsi qursquoil ressort de lrsquoannexe C1 dans lrsquoaffaire T-31818 agrave laquelle Amazon a renvoyeacute lors de lrsquoaudience le chiffre compris entre 1 et 15 milliard drsquoeuros ne correspond pas au seul beacuteneacutefice comptable de LuxOpCo sur la peacuteriode consideacutereacutee mais au beacuteneacutefice consolideacute de LuxSCS et de LuxOpCo et fait ainsi deacuteduction des montants verseacutes par LuxSCS au titre de lrsquoARC et de lrsquoaccord drsquoentreacutee

563 En tout eacutetat de cause il ressort drsquoune comparaison entre la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application drsquoun taux de [confidentiel] des coucircts totaux pour chaque anneacutee de la peacuteriode consideacutereacutee telle que figurant agrave la derniegravere ligne du tableau 20 de la deacutecision attaqueacutee et le reacutesultat drsquoexploitation (beacuteneacutefice opeacuterationnel) de LuxOpCo pour les mecircmes anneacutees tel qursquoidentifieacute par la Commission agrave la huitiegraveme ligne du tableau 2 de la deacutecision attaqueacutee que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo calculeacutee en application du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage serait supeacuterieure agrave son beacuteneacutefice drsquoexploitation pour les anneacutees 2012 et 2013 Or un tel reacutesultat srsquoeacutecarte manifestement drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

564 Il reacutesulte de ce qui preacutecegravede que lrsquoapplication du taux de [confidentiel] aux coucircts totaux de LuxOpCo sur laquelle repose le deuxiegraveme constat subsidiaire ne produit pas de reacutesultats fiables pour le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo pour lrsquointeacutegraliteacute de la peacuteriode consideacutereacutee Il ne srsquoagit donc pas drsquoun reacutesultat correspondant agrave une reacutemuneacuteration de pleine concurrence si bien qursquoil doit ecirctre conclu que ce calcul opeacutereacute par la Commission dans le cadre de son deuxiegraveme constat subsidiaire ne permet pas de deacutemontrer que LuxOpCo aurait obtenu un avantage du fait du choix des coucircts drsquoexploitation en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice avaliseacute par la DFA en cause

565 Par conseacutequent il y a lieu drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon qui visent agrave remettre en cause le bien-fondeacute du deuxiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage

566 Dans le cadre du troisiegraveme grief de la deuxiegraveme branche du premier moyen dans lrsquoaffaire T-81617 et du cinquiegraveme moyen dans lrsquoaffaire T-31818 le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon contestent le troisiegraveme constat subsidiaire de la Commission portant sur lrsquoexistence drsquoun avantage fiscal en faveur de LuxOpCo (section 9223 de la deacutecision attaqueacutee)

567 Pour rappel ainsi qursquoexposeacute au point 68 ci-dessus dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission a consideacutereacute en substance que lrsquoinclusion drsquoun plafond en vertu duquel la reacutemuneacuteration de LuxOpCo ne pouvait exceacuteder 055 de ses ventes annuelles dans la meacutethode de fixation des prix de transfert nrsquoeacutetait pas approprieacutee et confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo en ce qursquoelle aurait conduit agrave une diminution de son revenu imposable

568 Plus preacuteciseacutement la Commission a constateacute que au cours des exercices fiscaux de 2006 de 2007 de 2011 de 2012 et de 2013 lrsquoadministration fiscale avait accepteacute des deacuteclarations fiscales dans lesquelles le revenu imposable de LuxOpCo eacutetait deacutetermineacute par le plafond de 055 de ses ventes annuelles (consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee)

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569 La Commission a exposeacute que ni le rapport sur les prix de transfert de 2003 ni les analyses ex post ni encore les arguments exposeacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lors de la proceacutedure administrative ne justifiaient lrsquoinclusion de ce plafond (consideacuterants 576 et 577 de la deacutecision attaqueacutee) Elle a ajouteacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave lrsquoapplication erroneacutee de la marge aux charges drsquoexploitation et ne saurait de ce fait se situer dans un intervalle de pleine concurrence

570 Selon le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon la Commission a erroneacutement consideacutereacute que lrsquoinclusion du plafond confeacuterait un avantage agrave LuxOpCo

571 Drsquoune part ils font valoir que lrsquoinclusion du plafond aurait pour objectif de contraindre LuxOpCo agrave fonctionner de maniegravere efficace et agrave reacuteduire ses coucircts Drsquoautre part ils soulignent que en tout eacutetat de cause lrsquoapplication du plafond nrsquoa jamais pousseacute la reacutemuneacuteration de LuxOpCo en dehors de lrsquointervalle de pleine concurrence ainsi que le deacutemontrerait le rapport sur les prix transfert de 2017

572 La Commission conteste ces arguments

573 Elle fait valoir agrave cet eacutegard que le meacutecanisme de plancher et de plafond nrsquoest pas preacutevu par les lignes directrices de lrsquoOCDE et ne trouve aucune justification du point de vue des prix de transfert En outre elle ajoute que contrairement agrave ce que font valoir le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon lrsquoapplication drsquoun tel meacutecanisme nrsquoest pas justifieacutee par lrsquoobjectif de garantir une reacutemuneacuteration faible et stable agrave LuxOpCo dans la mesure ougrave lrsquoobjectif mecircme de la MTMN est preacuteciseacutement de garantir une telle reacutemuneacuteration agrave la partie agrave laquelle elle est appliqueacutee

574 Avant toute chose il importe de constater que ainsi que lrsquoa drsquoailleurs confirmeacute la Commission dans ses reacuteponses aux questions eacutecrites du Tribunal le troisiegraveme constat subsidiaire est indeacutependant et autonome par rapport au deuxiegraveme constat subsidiaire En effet comme cela ressort de la derniegravere phrase du consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee dans le cadre de ce troisiegraveme constat la Commission part de la preacutemisse que les coucircts drsquoexploitation pouvaient ecirctre utiliseacutes en tant qursquoindicateur de niveau de beacuteneacutefice

575 Ainsi que la Commission lrsquoa releveacute agrave juste titre dans la deacutecision attaqueacutee et dans ses eacutecritures le meacutecanisme du plancher et de plafond ne trouve aucune justification ou rationaliteacute eacuteconomique Il est difficilement concevable que dans des conditions de marcheacute une entreprise accepte que sa reacutemuneacuteration soit plafonneacutee agrave un pourcentage de ses ventes annuelles En outre la MTMN permet de garantir une reacutemuneacuteration faible mais stable sans qursquoun meacutecanisme de plancher et de plafond soit neacutecessaire Un tel meacutecanisme nrsquoest pas non plus preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 En effet la MTMN implique seulement drsquoidentifier un indicateur de beacuteneacutefice et un taux de marge

576 La Commission a donc correctement consideacutereacute que lrsquoinclusion drsquoun tel plafond constituait une erreur meacutethodologique

577 Neacuteanmoins ce seul constat ne suffit pas agrave eacutetablir lrsquoexistence drsquoun avantage

578 En effet force est de constater que pour chaque anneacutee drsquoapplication de la DFA en cause mecircme apregraves application du meacutecanisme de plafond la reacutemuneacuteration de LuxOpCo est resteacutee dans lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute sur la base du rapport sur les prix de transfert de 2003 soit entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation La Commission ne conteste drsquoailleurs pas ce constat

579 Or ainsi que la Commission lrsquoa drsquoailleurs elle-mecircme expliqueacute lors de lrsquoaudience degraves lors que la reacutemuneacuteration se situe dans lrsquointervalle interquartile elle doit en principe ecirctre consideacutereacutee comme eacutetant de pleine concurrence

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580 Certes la Commission a preacuteciseacute qursquoune telle conclusion ne pouvait ecirctre opeacutereacutee lorsque les entreprises comparables sur la base desquelles cet intervalle avait eacuteteacute calculeacute nrsquoavaient pas eacuteteacute correctement seacutelectionneacutees

581 Toutefois dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas remis en cause lrsquointervalle de pleine concurrence ni le choix des entreprises comparables sur la base duquel a eacuteteacute calculeacute cet intervalle

582 En effet au consideacuterant 575 de la deacutecision attaqueacutee la Commission a reprocheacute aux autoriteacutes luxembourgeoises drsquoavoir accepteacute que le revenu imposable de LuxOpCo soit deacutetermineacute par lrsquoapplication du plafond laquo au lieu de srsquoeacutetablir agrave [confidentiel] de ses charges drsquoexploitation raquo Force est donc de constater que dans le cadre du troisiegraveme constat subsidiaire la Commission ne remet pas en cause le taux de rendement sur le fondement duquel celui-ci est appliqueacute mais seulement le plafond en tant que tel

583 De plus drsquoune part il ne ressort pas des consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee que la Commission ait contesteacute lrsquointervalle de pleine concurrence calculeacute dans le rapport sur le prix de transfert de 2003 lequel se situe entre [confidentiel] et [confidentiel] des coucircts drsquoexploitation En effet si la Commission a releveacute au consideacuterant 577 de la deacutecision attaqueacutee que le Grand-Ducheacute de Luxembourg et Amazon ont fait valoir lors de la proceacutedure administrative que le revenu imposable de LuxOpCo nrsquoeacutetait jamais sorti de lrsquointervalle de pleine concurrence elle nrsquoa pas contesteacute lrsquointervalle en tant que tel mais srsquoest borneacutee agrave affirmer que lrsquoapplication du plafond avait constitueacute une reacuteduction suppleacutementaire agrave celle identifieacutee dans le cadre du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi que constateacute au point 574 ci-dessus le deuxiegraveme et le troisiegraveme constat subsidiaire sont autonomes et indeacutependants

584 Drsquoautre part dans les consideacuterants 575 agrave 578 de la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoa pas non plus remis en cause le choix des entreprises comparables utiliseacutees dans le calcul de lrsquointervalle de pleine concurrence Le consideacuterant 571 de la deacutecision attaqueacutee dans lequel la Commission a eacutevoqueacute une erreur dans le choix des entreprises comparables relegraveve du deuxiegraveme constat subsidiaire Or ainsi qursquoexposeacute au point 574 ci-dessus le troisiegraveme constat subsidiaire eacutetait autonome et indeacutependant des autres constats

585 Au regard de ce qui preacutecegravede il convient de retenir que aussi inapproprieacute que le meacutecanisme de plafond puisse ecirctre et bien qursquoil ne soit pas preacutevu dans les lignes directrices de lrsquoOCDE dans leur version de 1995 la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute que ce meacutecanisme avait eu une incidence sur le caractegravere de pleine concurrence de la redevance payeacutee par LuxOpCo agrave LuxSCS

586 En conseacutequence le seul constat selon lequel le plafond a eacuteteacute appliqueacute pour les anneacutees 2006 2007 2011 2012 et 2013 ne suffit pas agrave eacutetablir que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo obtenue pour ces anneacutees ne correspondait pas agrave une approximation drsquoun reacutesultat de pleine concurrence

587 De fait la Commission a releveacute tout au plus une erreur meacutethodologique dans le calcul de la reacutemuneacuteration de LuxOpCo sans ecirctre parvenue agrave deacutemontrer que cette erreur avait eu pour incidence de diminuer artificiellement la reacutemuneacuteration de LuxOpCo dans des proportions telles que ce niveau de reacutemuneacuteration nrsquoaurait pu ecirctre observeacute dans des conditions de marcheacute

588 Dans ces circonstances il convient de constater que par le troisiegraveme constat subsidiaire la Commission nrsquoa pas deacutemontreacute lrsquoexistence drsquoun avantage pour LuxOpCo

589 Partant il convient drsquoaccueillir les moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon tendant agrave contester le troisiegraveme constat subsidiaire de lrsquoavantage

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590 Il deacutecoule donc de tout ce qui preacutecegravede que par aucun des constats exposeacutes dans la deacutecision attaqueacutee la Commission nrsquoest parvenue agrave deacutemontrer agrave suffisance de droit lrsquoexistence drsquoun avantage au sens de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE Degraves lors il y a lieu drsquoannuler la deacutecision attaqueacutee dans son ensemble sans qursquoil soit besoin drsquoexaminer les autres moyens et arguments souleveacutes par le Grand-Ducheacute de Luxembourg et par Amazon

Sur les deacutepens

591 Aux termes de lrsquoarticle 134 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure toute partie qui succombe est condamneacutee aux deacutepens srsquoil est conclu en ce sens La Commission ayant succombeacute il convient de la condamner agrave supporter ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon conformeacutement aux conclusions de ces derniers

592 Conformeacutement agrave lrsquoarticle 138 paragraphe 1 du regraveglement de proceacutedure lrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Par ces motifs

LE TRIBUNAL (septiegraveme chambre eacutelargie)

deacuteclare et arrecircte

1) Les affaires T-81617 et T-31818 sont jointes aux fins du preacutesent arrecirct

2) La deacutecision (UE) 2018859 de la Commission du 4 octobre 2017 concernant lrsquoaide drsquoEacutetat SA38944 (2014C) (ex 2014NN) mise agrave exeacutecution par le Luxembourg en faveur drsquoAmazon est annuleacutee

3) La Commission europeacuteenne supportera ses propres deacutepens ainsi que ceux du Grand-Ducheacute de Luxembourg drsquoAmazoncom Inc et drsquoAmazon EU Sagraverl

4) LrsquoIrlande supportera ses propres deacutepens

Van der Woude Tomljenović Marcoulli

Ainsi prononceacute en audience publique agrave Luxembourg le 12 mai 2021

Le greffier Le preacutesident E Coulon M van der Woude

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Table des matiegraveres

I Anteacuteceacutedents du litige 2

A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause 3

B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission 4

C Sur la deacutecision attaqueacutee 5

1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique 5

a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon 5

b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause 6

c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable 7

d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert 8

2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause 8

a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage 9

1) Sur le constat principal de lrsquoavantage 10

2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage 11

b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure 12

c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide 12

II Proceacutedure et conclusions des parties 12

A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-81617 12

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 12

2 Sur lrsquointervention 13

3 Sur les demandes de traitement confidentiel 13

4 Sur les conclusions des parties 13

B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T-31818 14

1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire 14

2 Sur les demandes de traitement confidentiel 14

3 Sur les conclusions des parties 14

C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure 15

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III En droit 15

A Sur la jonction des affaires T-81617 et T-31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance 15

B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes 16

1 Observations preacuteliminaires 17

a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales 17

b) Sur la charge de la preuve 19

c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal 19

2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage 20

a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage 21

b) Sur le bien-fondeacute des moyens et arguments du Grand-Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage 22

1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN 23

2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee 24

i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester 25

ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS 27

ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS 36

ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester 37

ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester 39

ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC) 39

ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien) 43

3) Conclusion sur le constat principal 45

3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage 46

a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires 47

b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 48

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1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo 49

i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 51

ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee) 53

ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee) 54

ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie 56

ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee) 61

ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee) 62

ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 64

ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee) 65

ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee) 66

ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee) 67

iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision

iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision

3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse

attaqueacutee) 68

attaqueacutee 68

v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo 70

2) Sur le choix de la meacutethode 71

des contributions) 73

c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 77

d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage 81

Sur les deacutepens 84

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  • Arrecirct du Tribunal (septiegraveme chambre eacutelargie)
    • Arrecirct
    • I Anteacuteceacutedents du litige
      • A Sur la deacutecision fiscale anticipative (DFA) en cause
      • B Sur la proceacutedure administrative devant la Commission
      • C Sur la deacutecision attaqueacutee
        • 1 Sur la preacutesentation du contexte factuel et juridique
          • a) Sur la preacutesentation du groupe Amazon
          • b) Sur la preacutesentation de la DFA en cause
          • c) Sur la preacutesentation du cadre juridique national applicable
          • d) Sur la preacutesentation du cadre de lrsquoOCDE sur les prix de transfert
            • 2 Sur lrsquoappreacuteciation porteacutee sur la DFA en cause
              • a) Sur lrsquoanalyse de lrsquoexistence drsquoun avantage
                • 1) Sur le constat principal de lrsquoavantage
                • 2) Sur les constats subsidiaires de lrsquoavantage
                  • b) Sur la seacutelectiviteacute de la mesure
                  • c) Sur lrsquoidentification du beacuteneacuteficiaire de lrsquoaide
                    • II Proceacutedure et conclusions des parties
                      • A Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑81617
                        • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                        • 2 Sur lrsquointervention
                        • 3 Sur les demandes de traitement confidentiel
                        • 4 Sur les conclusions des parties
                          • B Sur la proceacutedure dans lrsquoaffaire T‑31818
                            • 1 Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire
                            • 2 Sur les demandes de traitement confidentiel
                            • 3 Sur les conclusions des parties
                              • C Sur la jonction des affaires et sur la phase orale de la proceacutedure
                                • III En droit
                                  • A Sur la jonction des affaires T‑81617 et T‑31818 au regard de la deacutecision mettant fin agrave lrsquoinstance
                                  • B Sur les moyens et les arguments invoqueacutes
                                    • 1 Observations preacuteliminaires
                                      • a) Sur la deacutetermination des conditions drsquoapplication de lrsquoarticle 107 paragraphe 1 TFUE dans le contexte des mesures fiscales nationales
                                      • b) Sur la charge de la preuve
                                      • c) Sur lrsquointensiteacute du controcircle agrave opeacuterer par le Tribunal
                                        • 2 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le constat principal de lrsquoavantage
                                          • a) Sur la recevabiliteacute de certains arguments de lrsquoIrlande en ce qui concerne lrsquoexistence drsquoun avantage
                                          • b) Sur le bien‑fondeacute des moyens et arguments du Grand‑Ducheacute de Luxembourg et drsquoAmazon visant le constat principal de lrsquoavantage
                                            • 1) Sur la pertinence dans le temps de certaines lignes directrices de lrsquoOCDE utiliseacutees par la Commission aux fins de lrsquoapplication de la MTMN
                                            • 2) Sur les preacutetendues erreurs commises par la Commission lors de lrsquoapplication de la MTMN dans la deacutecision attaqueacutee
                                              • i) Sur lrsquoanalyse fonctionnelle et le choix par la Commission de LuxSCS en tant que partie agrave tester
                                                • ndash Sur les fonctions et actifs de LuxSCS
                                                • ndash Sur les risques assumeacutes par LuxSCS
                                                • ndash Conclusion sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxSCS et lrsquoincidence de cette conclusion sur le choix de cette socieacuteteacute comme eacutetant la partie agrave tester
                                                  • ii) Sur la reacutemuneacuteration calculeacutee par la Commission pour LuxSCS en partant de la preacutemisse qursquoelle eacutetait la partie agrave tester
                                                    • ndash Sur la premiegravere composante de la redevance due agrave LuxSCS (coucircts drsquoentreacutee et coucircts de lrsquoARC)
                                                    • ndash Sur la seconde composante de la reacutemuneacuteration de LuxSCS (coucircts de maintien)
                                                        • 3) Conclusion sur le constat principal
                                                            • 3 Sur les moyens et arguments tendant agrave contester le raisonnement subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                              • a) Observations preacuteliminaires sur les trois constats subsidiaires
                                                              • b) Sur le premier constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                • 1) Sur lrsquoexercice par LuxOpCo de fonctions dites laquo uniques et de valeur raquo
                                                                  • i) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo en ce qui concerne les actifs incorporels (section 92121 et consideacuterants 449 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur la nature de la licence confeacutereacutee agrave LuxOpCo (consideacuterant 450 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur le EU IP Steering Committee (consideacuterants 452 agrave 455 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur les fonctions de LuxOpCo concernant le deacuteveloppement de la technologie
                                                                    • ndash Sur les donneacutees clients (consideacuterants 466 agrave 468 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                    • ndash Sur laquo la marque Amazon raquo (consideacuterants 469 agrave 472 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                      • ii) Sur les fonctions exerceacutees par LuxOpCo dans le cadre des activiteacutes de vente au deacutetail et de services du groupe Amazon en Europe (section 92122 et consideacuterants 473 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                        • ndash Sur lrsquoassortiment (consideacuterants 479 agrave 489 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur les prix (consideacuterants 490 agrave 493 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                        • ndash Sur la laquo faciliteacute drsquoutilisation raquo (consideacuterants 494 agrave 499 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iii) Sur les actifs utiliseacutes par LuxOpCo (consideacuterants 500 agrave 505 de la deacutecision attaqueacutee)
                                                                          • iv) Sur les risques assumeacutes par LuxOpCo (consideacuterants 506 agrave 517 de la deacutecision attaqueacutee
                                                                          • v) Conclusions sur lrsquoanalyse fonctionnelle de LuxOpCo
                                                                            • 2) Sur le choix de la meacutethode
                                                                            • 3) Sur la deacutemonstration que la reacutemuneacuteration de LuxOpCo aurait ducirc ecirctre plus eacuteleveacutee du fait de lrsquoutilisation de la meacutethode du partage des beacuteneacutefices (application de lrsquoanalyse des contributions)
                                                                              • c) Sur le deuxiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                              • d) Sur le troisiegraveme constat subsidiaire concernant lrsquoavantage
                                                                                • Sur les deacutepens