RDV info n°4 - WordPress.com · 2017. 7. 25. · RDV info n°4 Grenoble, le 23/07/2017 Le mot du...

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Retrouvez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/pg/cirdv/posts/?ref= page_internal De gauche à droite : Clotilde Ohouochi, Jean-Jacques GUIGON, Michel Dubois, André Prochasson et Mohamed Amara « POURQUOI, MOI, FRANÇAIS, SUIS-JE CONCERNÉ ? » Réunion publique du 11 mai 2017 à Lyon RDV info n°4 Grenoble, le 23/07/2017 Le mot du Président Chers lecteurs, notre nouvelle publication, plus qu’un compte-rendu fidèle de la belle réunion publique de CI-RDV à Lyon ce 11 mai 2017, est l’occasion de nous réinterroger, en conscience : « Pourquoi, moi, français, suis-je concerné ? ». La réponse ne figure-t-elle pas dans la conclusion de la troisième intervenante : « Notre action à CI-RDV consiste à nous battre, à notre modeste niveau, pour attirer l’attention des Africains et des Français, sur le nécessaire changement de paradigme, dans les relations entre la France et le Continent africain. Cela pour l’intérêt des deux parties. » En bref, CI-RDV, lanceur d’alerte… avant qu’il ne soit trop tard ! Nous vous souhaite une bonne lecture et un bel été.

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  • Retrouvez-nous sur Facebook :

    https://www.facebook.com/pg/cirdv/posts/?ref=page_internal

    De gauche à droite : Clotilde Ohouochi, Jean-Jacques GUIGON, Michel Dubois,

    André Prochasson et Mohamed Amara

    « POURQUOI, MOI, FRANÇAIS, SUIS-JE CONCERNÉ ? »

    Réunion publique du 11 mai 2017 à Lyon

    RDV info n°4

    Grenoble, le 23/07/2017

    Le mot du Président

    Chers lecteurs, notre nouvelle publication, plus qu’un compte-rendu fidèle de la belle réunion publique de CI-RDV à Lyon ce 11 mai 2017, est l’occasion de nous réinterroger, en conscience : « Pourquoi, moi, français, suis-je concerné ? ». La réponse ne figure-t-elle pas dans la conclusion de la troisième intervenante : « Notre action à CI-RDV consiste à nous battre, à notre modeste niveau, pour attirer l’attention des Africains et des Français, sur le nécessaire changement de paradigme, dans les relations entre la France et le Continent africain. Cela pour l’intérêt des deux parties. » En bref, CI-RDV, lanceur d’alerte… avant qu’il ne soit trop tard !

    Nous vous souhaite une bonne lecture et un bel été.

  • Ouverture par Michel Dubois

    Bonsoir. Nous sommes heureux de vous accueillir si nombreux et si divers.

    Les initiateurs de cette soirée ont en commun d'avoir avec les habitants de la Côte d’Ivoire, des attaches fortes pour des raisons familiales, affectives, ou encore syndicales.

    Après avoir été un protectorat français, la Côte d’Ivoire est devenue en 1893, une colonie française. Elle acquit son indépen-dance le 7 août 1960. Mais de quelle indépendance parle-t-on ? Économique ? Politique et militaire ?

    Depuis le décès en 1993 du président Félix Houphouët-Boigny, ce pays a connu plusieurs tentatives de déstabilisation, dont la dernière aboutit en 2011 à la crise postélectorale qui installa Alassane Ouattara à la présidence.

    Les médias ont joué un rôle très important dans la façon dont les Français ont perçu et continuent à percevoir la réalité de la Côte d’Ivoire.

    Depuis plusieurs mois, ces médias n’en parlent plus, sauf pour, occasionnellement, souligner son taux de croissance, son dynamisme économique et une prétendue réconciliation entre les acteurs.

    Or, les informations dont nous disposons, nous apprennent que cette description ne reflète qu'une partie de la réalité. Ce soir, nous vous invitons à prendre connaissance de témoignages reflétant une autre réalité que celle décrite par les médias.

    André PROCHASSON, président de l'association « Côte d'Ivoire : Rechercher et Dire la Vérité », nous relatera comment, en tant que citoyen français, il a pris conscience de la réalité et devint co-fondateur de CI-RDV, association qu’il présentera brièvement.

    Puis, Jean-Jacques GUIGON, ancien Conseiller Confédéral de la CGT en charge de l’Afrique subsaharienne, nous exposera la réalité économique et syndicale vécue par les milieux populaires de Côte d’Ivoire. Clotilde OHOUOCHI, ancienne ministre de 2000 à 2005, puis conseillère du président Laurent GBAGBO, réfugiée politique en France, nous parlera de la situation politique actuelle, de l'émigration, et

    du processus de réconciliation.

    Enfin, Mohamed AMARA, Malien, sociologue, chercheur au centre Max Weber à Lyon, élargira notre réflexion à l'ensemble de la situation en Afrique de l'Ouest et subsaharienne.

    La synthèse reviendra à Alain LONGOMOZINO, qui clôturera cette soirée.

    Avant de donner la parole aux intervenants, je me permets de vous signaler que notre association n'a recours à aucune subvention. C'est pourquoi nous faisons appel à votre générosité pour couvrir les frais de cette soirée (location de la salle, communication, etc.)

    Pour recevoir les informations de l'association, vous pourrez laisser vos coordonnées sur les feuilles prévues à cet effet.

    Nous vous proposons aussi plusieurs ouvrages que les auteurs se feront un plaisir de vous dédicacer : • « Le Mali Rêvé » de Mohamed AMARA ;

    • « On ira jusqu'au bout » de Clotilde OHOUOCHI.

    Également, « France – Côte d'Ivoire : une histoire tronquée » de Fanny PIGEAUD, journaliste française. Le verre de l'amitié clôturera cette soirée.

  • Intervention d’André Prochasson

    Merci Michel. Bonsoir à toutes et à tous. Merci aux initiateurs et organisateurs de cette soirée, merci à vous, Mesdames, Messieurs, d’avoir répondu nombreux à notre invitation, une invitation à discuter sur notre questionnement de ce soir : « Pourquoi, moi, Français, suis-je concerné » par la Côte d’Ivoire, et plus largement l’Afrique ?

    Pour ce faire, j’évoquerai ma démarche personnelle, puis la finalité de « Côte d'Ivoire : Rechercher et Dire la Vérité », enfin, je vous présenterai brièvement notre jeune association.

    « Pourquoi, moi, Français, me suis-je un beau jour senti concerné par la Côte d’Ivoire ? »

    Je vais peut-être vous surprendre par cet « aveu » : en 2011, comme beaucoup de Français, je pensais que Laurent Gbagbo était un « dictateur ».

    Comme vous, peut-être, j’étais pris dans un tourbillon professionnel, politique, municipal… donc je n’avais absolument pas le temps d’approfondir les gros titres des médias !

    Comme vous peut-être, mais beaucoup plus que d’autres, en 1992, il y a 25 ans déjà… j’avais été meurtri par le siège de Sarajevo !

    Ces images vous parlent certainement…

    Près de 1300 jours de siège… sous le regard de l’ONU, impuissante à protéger les populations… nous disait-on !

    Le paroxysme de l’horreur fut atteint le 11 juillet 1995 avec la chute de Srebrenica : plus de 8000 morts et disparus, en 8 jours !

    Aussi, chers amis, vous comprenez pourquoi, le 4 avril 2011, quand l’armée française intervient en Côte d’Ivoire, je me dis « enfin la communauté internationale prend ses responsabilités et chasse un dictateur » !

    Replaçons-nous dans le contexte.

    Par exemple, au matin du 5 avril 2011, L’Express.fr écrit :

    Les troupes françaises ont été autorisées à participer à des actions armées à Abidjan, suite à une demande expresse du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour "mettre hors d'état de nuire les armes lourdes qui sont utilisées contre les populations civiles et les Casques bleus".

  • Il a fallu que j’attende début 2014 pour ouvrir les yeux !

    Une amie ivoirienne m’expliquera comment son neveu, qui était gendarme, a été abattu par des éléments des forces pro-Ouattara, et cela, un an après la crise postélectorale !

    Mon deuxième « électrochoc » surviendra peu après, à Grenoble, lorsqu’une ancienne ministre et conseillère du Président Gbagbo présentera un livre de témoignage et d’analyse, « On ira jusqu’au bout » !

    Son auteure est à nos côtés ce soir… et je tiens à saluer en votre nom à tous, Madame Clotilde Ohouochi, sans qui nous ne serions pas ensemble ce soir !

    Quelles furent les motivations qui conduisirent à la création de l’association ?

    À la suite de ces deux rencontres, avec quelques amis, nous entreprenons un travail de documentation.

    Bien que plus tout à fait naïfs… plusieurs d’entre nous éprouvons alors la même « sidération » :

    • « sidération » d’apprendre les multiples tentatives de coup d’État, avec la complicité de la France, depuis l’élection en 2000 du Président Laurent Gbagbo, ainsi que l’étendue des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés par la rébellion lorsque, en 2002, elle envahit la moitié nord du pays

    • « sidération » d’apprendre qu’en 2003, les « accords de Linas-Marcoussis » obligèrent le Président Laurent Gbagbo à intégrer dans son gouvernent les principaux chefs de la rébellion

    • le comble de l’arrogance revint à Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères, lors de la ratification de ces accords : il a purement et simplement insulté le Président de la République de Côte d’Ivoire, notamment par ces paroles peu diplomatiques, lui tournant alors les talons avec le plus grand mépris !

    • « sidération » encore d’apprendre que, lors des élections présidentielles de novembre 2010, flanqué des Ambassadeurs des États-Unis et de France et au siège électoral d’Alassane Ouattara à Abidjan, avant d’être exfiltré vers Paris, le président de la « Commission électorale indépendante », la CEI,

    Youssouf Bakayoko est contraint de déclarer, la victoire d’Alassane Ouattara, sur la base de résultats frauduleux.

    Ces résultats seront rejetés par le Conseil Constitutionnel, en raison de l’ampleur des fraudes électorales dument constatées, tels que des bureaux de vote avec100% voire plus de 100% des inscrits en faveur de

    Ouattara, et qu’en conséquence, cette institution, la plus élevée dans une démocratie, proclame Laurent Gbagbo élu Président de la République de Côte d’Ivoire avec 54,45%, contre 48,55% à Alassane Ouattara,

  • • « sidération » toujours d’apprendre que, dans une volonté d’apaisement et de respect de la démocratie, le Président Gbagbo propose le recomptage des voix, mais que, dans une volonté frénétique d’en découdre, le Président Sarkozy ordonne à l’armée française d’intervenir en soutien à la rébellion, et de pilonner la résidence présidentielle, et cela, avec le plein accord de notre Assemblée Nationale,

    une intervention jusqu’à l’arrestation du Président Gbagbo le 11 avril 2011, dans des conditions les plus avilissantes pour le Président et la Première Dame d’un État souverain, avec des images qui firent le tour du monde, telles un avertissement aux chefs d’États indociles…

    car la finalité était bien d’imposer à Abidjan un pouvoir docile à la France, en la personne d’Alassane Ouattara, ami personnel de Nicolas Sarkozy ;

    • « sidération » enfin de prendre conscience de l’étendue des crimes commis au cours de ce « coup d’État électoral », et pire encore, durant toute l’année 2011, par les forces de la rébellion incorporées dans « l’armée officielle ».

    La création de notre association

    Alors qu’approchait à la Cour Pénale Internationale, l’ouverture du procès à l’encontre du Président Gbagbo et de son ancien ministre, Charles Blé Goudé, nous mesurions chaque jour davantage combien était grande l’ignorance de nos compatriotes, combien était partielle et partiale l’information par nos médias, et combien était vide le dossier d’accusation.

    C’est pourquoi, au début de l’année 2016, à Grenoble, avec quelques amis, nous avons créé « CI-RDV » « Côte d'Ivoire : Rechercher et Dire la Vérité », un nom qui traduit bien une volonté de savoir et de faire savoir « ce que la France a fait en notre nom » !

    Association 1901, indépendante de tout parti politique, CI-RDV s’adresse en priorité aux Français désireux de connaître la Vérité, la vérité sur les évènements qui ont frappé la Côte d’Ivoire, qui ont conduit Laurent Gbagbo à la CPI, et qui ont conduit des centaines d’ivoiriens dans les prisons et des milliers en exil, mais également sur les chemins de l’émigration dite « économique ».

    CI-RDV s’est donc donné pour but d’informer les Français sur les relations de la France avec la Côte d’Ivoire, et plus largement avec les pays africains.

    Rechercher la vérité nécessite un gros travail de documentation et de suivi de l’actualité, tel que le procès à la CPI ou encore, la situation des prisonniers politiques dont Jean-Jacques GUIGON nous parlera.

    Dire la vérité nécessite un gros travail d’information et de communication, tel que notre page Facebook ou des réunions publiques, à Lille et Grenoble en 2016, ce soir à Lyon…

    Nous avons également commencé à publier des dossiers thématiques, ou encore commencé à agir en partenariat avec des associations aux finalités proches des nôtres.

    CI-RDV grandit doucement avec des adhérents et sympathisants, à Grenoble, Lille, Mâcon, Lyon, et bientôt dans d’autres villes de France…

    Et pour conclure ?

    La vérité est en train de s’imposer, doucement...

    En effet, à La Haye, le procès à l’encontre du Président Gbagbo a commencé depuis plus d’une année, et l’accusation se montre si peu crédible qu’elle fait réagir même des médias jusqu’à présent hostiles.

    Sauf à commettre une erreur judiciaire digne de l’Affaire Dreyfus, la libération de l’illustre-accusé-ivoirien apparaît inévitable, ce qui, par contrecoup – nous l’espérons vivement – ouvrirait les geôles de plusieurs centaines de prisonniers politiques en Côte d’Ivoire.

  • Par ses réformes structurelles, politiques, économiques et sociales, par la diversification des partenaires commerciaux, Laurent Gbagbo a bousculé des habitudes, des intérêts et la « tutelle » de la France en Afrique.

    Notre réflexion a l’ambition d’embrasser le projet de tous ceux qui pensent, en Afrique comme en France, que les relations entre l’ancienne puissance coloniale et les pays africains, francophones notamment, doivent être refondées.

    Pour apaiser durablement les relations avec l’Afrique, nous pensons à une réelle politique de partenariats privilégiés, à un nouveau paradigme fondé sur le « juste échange » entre la France et plus encore l’Europe avec les pays d’Afrique.

    Cette perspective à long terme est porteuse d’espoir.

    Ceci n’est concevable que dans « LA SOUVERAINETÉ, LA DIGNITÉ ET LA LIBERTÉ » de la Côte d’Ivoire et des pays africains.

    Ceci n’est concevable que dans la Vérité et la Justice.

    « Un jour viendra où la Vérité triomphera. » (1)

    Je vous remercie.

    Photos : captures d’écran des documentaires « Spécial Investigation » et « Laurent Gbagbo dans le tourbillon du Golfe de Guinée 1 » : https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=UC0c0YMBUHU

    (1) Le Gri-Gri International - vidéos « où étiez-vous le 11 avril 2011 » : https://www.youtube.com/watch?v=_5VZsaTknDI

    Intervention de Jean-Jacques GUIGON

    Mesdames et Messieurs,

    Je voudrais tout d’abord remercier André Prochasson qui vient de s’exprimer à l’instant, le remercier de m’avoir invité, d’avoir invité la CGT à cette importante initiative lyonnaise, et de me permettre ainsi de prononcer quelques phrases devant vous.

    Première question légitime de votre part me concernant : pourquoi la CGT est intervenante ici à cette table ronde ?

    Conseiller confédéral en charge de l’Afrique subsaharienne pendant 17 ans, je me suis rendu plus de 100 fois dans cette région du monde, dont au moins une quinzaine de fois en Côte d’Ivoire.

    Je me suis donc rendu dans des démocraties, des « démocratures » et des dictatures.

    Mais jamais ne je crois, jamais ne je suis sûr, j’ai constaté un tel écart entre d’une part ce que je vois sur place en proximité avec les gens, avec des syndicalistes certes mais bien au-delà, et d’autre part ce que nous dit le monde politique français de presque tous bords, ce que nous dit le monde économique, le monde médiatique et ce,

    dans un presque unanimisme bêlant, mensonger, tant coupable qu’intéressé.

    Pourquoi la CGT ici ?

    Parce que l’Organisation de la Société Civile organisatrice de notre rencontre de ce soir s’appelle « Côte d’Ivoire : Rechercher et Dire la Vérité », CI-RDV. Elle fait appel à la réflexion de tout un chacun, à l’intelligence de tout un chacun, et non à un suivisme facile et béat. Cela donne forcément envie car il n’y a rien de pire que les soi-disant évidences que l’on veut trop souvent nous imposer.

  • CI-RDV nous interpelle et nous bouscule, n’apporte pas sa vérité sur un plateau, mais nous invite à cheminer vers la vérité sociale et politique ivoirienne. Elle se bat pour une information sourcée et référencée précisément et intellectuellement.

    Sans faire individuellement et collectivement cet effort de réflexion et de recherches, ce n’est pas facile de connaître, puis éventuellement de porter et de témoigner de ce qui se passe vraiment en Côte d’Ivoire. André l’a si bien illustré et démontré à l’instant.

    Pas facile de déconstruire une légende-propagande tant nous avons parfois l’impression d’être isolé, tant nous ramons à contrecourant de presque toute une presse française engluée dans le portage de ses certitudes fautives.

    Vraiment pas facile tant nous allons à contrecourant d’un monde politique français allant du Front National à François Hollande et Manuel Valls (Henri Emmanuelli récemment décédé en était une exception de marque), en passant par « Les Républicains » et par un Nicolas Sarkozy et François Fillon coupables du pire concernant la Côte d’Ivoire. Ils ne se sont pas contentés eux de bombarder des mensonges.

    Tous les précédemment nommés et beaucoup d’autres, Emmanuel Macron n’étant pas le dernier, encensent le Président Ouattara, marionnette de la Françafrique et des multinationales, et tous nous cachent autant qu’ils le peuvent la vérité sur

    une Côte d’Ivoire qui souffre bien plus qu’on ne pourrait et ne saurait l’imaginer.

    Pourquoi la CGT ici, à cette table ronde ?

    Parce que simplement pour la CGT j’ai cherché la vérité ou du moins j’ai essayé très, très modestement de m’en rapprocher en creusant sous le vernis Ouattara. Et je l’ai effectivement trouvée en partie sous de multiples visages, dans de multiples témoignages et en de multiples occasions.

    En responsabilité « Afrique » de la CGT jusqu’en l’an dernier et encore un peu cette année, (j’étais au Burkina Faso en mars, en Guinée il y a 10 jours et je pars au Congo après demain), ce « tout va bien sous le ciel ivoirien » je ne le connais que trop bien : croissance à presque deux chiffres, justice efficiente, paix retrouvée, embellie économique, modernisation, reconstruction, respect de l’opposition, régime démocratique, etc., etc. C’est cela la Côte d’Ivoire que l’on nous vend, que l’on nous offre sur papier glacé.

    Alors pourquoi, et là je passe du papier glacé à une vérité glaçante…, je passe du miracle au mirage, pourquoi au lieu de voir la diaspora ivoirienne se précipiter dans cet éden ouattariste, la Côte d’Ivoire se retrouve désormais, cette année, à la première place dans le classement des pays africains pourvoyeurs de migrants clandestins ? Pourquoi ? Pourquoi chers amis est-elle ainsi honteusement et silencieusement passée ces derniers mois de la quatrième à la très peu enviable première place, devant le Nigeria !?

    Rechercher et dire la vérité c’est être précis, je vais l’être.

    839 migrants ivoiriens se sont échoués en Italie du 1er janvier au 15 février dernier (statistiques les plus récentes à notre disposition) contre 332 en 2016 pour la même période.

    A ce terrible chiffre de 839, il ne faut jamais oublier de rajouter les 20% de celles et ceux qui meurent, qui disparaissent au cours de leurs voyages calvaires, dans le désert nigérien ou libyen ou alors noyés en Méditerranée.

    Et ces chiffres là, ce n’est pas la CGT, ou André qui les mettent en avant, c’est l’Organisation Internationale pour les Migrations (l’OIM).

    De même, c’est le PNUD (Programme des Nations Unis pour le Développement) qui fait de la Côte d’Ivoire l’un des plus mauvais élèves du monde en matière de développement humain (172ème place je crois). Système sanitaire malade, éducation en régression, l’illettrisme qui poursuit son chemin, l’analphabétisme qui crève le plafond. Mais qui le dit ? Qui l’écrit ?

    Croissance à deux chiffres ou presque, justice, paix, embellie économique, modernisation, reconstruction, respect de l’opposition, régime démocratique… On voit donc bien, en creusant un tout petit peu, que tout cela n’est essentiellement que de l’éthique en toc, qu’un plan de communication bien huilé, n’est qu’un masque, n’est qu’un nez plus Pinocchio que Cyrano, mais qui je le concède, arrive à abuser bien trop de monde encore, particulièrement en France, cet insupportable « Grand frère » qui défend l’indéfendable, qui supporte ou pire organise l’insupportable, et qui fait mine de confondre réel progrès économique et croissance ! C’est absurde et coupable. Je reviens maintenant à mon témoignage, à mon vécu personnel, à ce pourquoi j’ai été invité ce soir à participer à cette table ronde.

    Lorsque je me rends en Côte d’Ivoire, lorsque je pense à la Côte d’Ivoire, je vois très objectivement, très lucidement autre chose que cette belle image officielle.

  • Je vois une corruption qui tend à se généraliser, je vois le prix des logements quasi doubler, et le prix de l’électricité exploser.

    Je vois des visages

    Celui de Basile Mahan Gahé grand dirigeant syndical de la confédération DIGNITÉ torturé, emprisonné, décédé. C’était un ami… Je vois le visage de Félix Kra, autre grand dirigeant syndical dont la confédération on ne peut plus démocratique et représenta-tive la FESACI, a été piétinée par le pouvoir, et rendue du jour au lendemain illégitime et interdite par une inique décision d’injustice.

    Je vois le visage de David Samba infatigable militant des Droits Humains, porte drapeau du mouvement des « Indignés de Côte d’Ivoire », innocent de tout délit mais emprisonné. Il n’est comme d’autres, que le porte-parole courageux des plus humbles. Comme armes il n’a que ses mots, ses tripes et une voix juste, de plus en plus écoutée, une voix qui porte haut et loin, ce qui forcément dérange, ce qui est forcément insupportable à la caste dirigeante. David est sorti des locaux la DGSE pour rejoindre la sinistre Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, où j’ai pu aller le voir il y a quelques mois. Les 75 minutes que j’ai passées à ses côtés à l’intérieur de la prison ont été extrêmement riches et fortes ! Je lui parlai de lui, il me parlait de la loi Travail de France ! Je lui parlai de lui, il me parlait des autres, de toutes ces ivoiriennes et ivoiriens en souffrance !

    Je lui parlai de lui, de ce qu’il subissait injustement et sans avocat, de sa vie grillagée et amputée des siens, de sa vie emmurée parmi plus de 5000 autres prisonniers.

    Lui il avait le regard pétillant et l’esprit résolument tourné vers l’idéal pacifique et déterminé de son combat. Paradoxalement, je ne voyais pas son corps encagé, mais de lui je ne voyais qu’un esprit libre, optimiste et on ne peut plus déterminé.

    C’était le 14 octobre dernier, David Samba n’est toujours pas libéré.

    Je vois ces visages-là ainsi que beaucoup d’autres très connus, connus ou anonymes…

    Je vois également des lieux dans lesquels je me suis rendu : la prison de Boundiali au nord du pays, ses quatre murs hauts et sa petite cour enchâssée et écrasée de soleil. Il y avait là des ministres hagards et dépenaillés, des militants échoués et des truands violents.

    Je vois la sinistre MACA : 5400 détenus pour 1500 places dont bien évidemment des prisonniers d’opinions. Je vois le siège de la FESACI dont je parlais tout à l’heure, siège occupé, squattée depuis des années maintenant par les FRCI (Force Républicaine de Côte d’Ivoire) …

    Dire la vérité sur la Côte d’Ivoire du Président Ouattara, c’est simplement me concernant, dire et témoigner simplement de tout cela.

    C’est dire ce soir un mot sur ces organisations syndicales ivoiriennes en souffrance, en réelles difficultés et tutoyant en permanence nuages noirs, vraies menaces et dangers :

    DIGNITE et la FESACI que je viens de citer à l’instant sont à l’évidence les plus touchées. Deux grandes, belles et utiles confédérations syndicales. Lorsque je me rends en Côte d’Ivoire, c’est avec les dirigeants syndicaux, les militants, syndiqués et travailleurs que je passe évidemment le plus de temps. Mais je rencontre aussi des militants de la société civile, des journalistes, et des institutions telles le BIT ou des ambassadeurs (France, UE, Allemagne…) Les autres futurs intervenants à cette table ronde sont beaucoup mieux informés que moi pour parler de la politique ivoirienne et pour parler de cette inique et insupportable justice des

    vainqueurs. De cette sphère politique, je n’extrairai subjectivement, je le reconnais, qu’un seul nom, celui d’Assoa Adou, parce qu’avant d’être un grand dirigeant du FPI, responsable notamment des relations avec la Société Civile et les syndicats, il avait été un dirigeant « historique » du Syndicat National des Cadres de Santé de Côte

  • d’Ivoire, le SYNASS-CI. C’est ainsi une pensée d’un syndicaliste français à un ancien syndicaliste ivoirien. Monsieur Assoa Adou a toujours été, et il demeure un homme de paix et de dialogue.

    Exilé au Ghana au moment de la crise, il a entendu le Président Ouattara affirmer, je le cite : « Nous ne ménagerons aucun effort pour unir les filles et les fils du pays », je cite encore le Président : « J’encourage ceux encore en exil de rentrer au pays ». Assoa est donc rentré et de son pays, dès son retour, en passant à peine par la case famille et maison, il n’a connu depuis janvier 2015 que les locaux de la DST, la MACA et maintenant depuis bien trop longtemps le camp pénal de Bouaké au centre de la Côte d’Ivoire, loin de sa famille et de son avocat. Monsieur Assoa Adou a 71 ans, il est malade, épuisé et il subit depuis des mois la « torture blanche », sa cellule étant agressivement éclairée 24 heures sur 24. Du monde politique ivoirien je ne dirai que cela, et ne citerai que ce cas-là, j’imagine que les autres intervenants de cette table ronde y reviendront plus longuement et avec beaucoup plus de compétences et de légitimité que moi.

    Néanmoins, hors sphère politique, quoi que… je peux quant à moi parler, témoigner de ce défilé incessant de multinationales, de copains et de coquins portant haut leur carnet d’adresses et d’exigences dans les couloirs de la Présidence de la République ivoirienne.

    D’une Présidence qui fait le lit et apporte immenses profits à des Bouygues, Bolloré, Dreyfus, Engie, Gattaz, Total, Veolia, Vinci et autres amis du CAC 40. Présidence Ouattara qui ferme bien évidemment et coupablement les yeux sur leurs innombrables infractions au regard des normes internationales du travail.

    D’une même voix complice et coupable, les mondes politique, médiatique et économique consanguins nous abreuvent de promesses, de graphiques et de chiffres ivoiriens… de ponts, de ports et d’autoroutes, alors que j’entends là-bas surtout le cri de désespoir de petites gens paupérisées ! « On vit une bombe sociale » titrait un article de Libération sur la Côte d’Ivoire le 26 février dernier. Je ne peux que le confirmer.

    Je ne décris pas du Zola en disant cela. Je pense simplement par exemple à ce taximan surdiplômé qui me disait (je le cite) : « il y a une seule chose que Ouattara fait bien… c’est le mal, et je te promets, il le fait vraiment bien ! ». Que rajouter ?

    Je pense également à ce professeur de lettres en fin de carrière qui gagne 686 € par mois, qui avait fait grève avec ses collègues sans rien obtenir, et qui voit des militaires de Bouake tirer quelques salves menaçantes en l’air et avoir en quelques jours la promesse du Président Ouattara de l’octroi d’une prime pour chacun de 18.300€ ! (le SMIC non respecté est je le rappelle de 91€).

    Nous sommes bien là en prise avec le rapport 2016 de la Banque Mondiale qui affirme (je cite) : « Le principal défi de la Côte d’Ivoire est la croissance partagée ». Que l’on en est loin de cette croissance « partagée »…

    Il y a en Côte d’Ivoire comme partout…, plus que partout peut-être, ceux qui d’un côté se gavent, forts de leurs coupables alliés du Nord, de la France en particulier, et de l’autre, le plus grand nombre, ceux qui en bavent, qui ont souffert ou qui souffrent encore. Vous imaginez chers amis ainsi sans doute un peu mieux, quel est le réel mal-être et le réel mal-vivre des travailleuses et des travailleurs ivoiriens des secteurs formel et informel.

    Parler de la vie sociale m’amène à parler très rapidement de la CSCI, la Convention de la Société Civile Ivoirienne Là également, plus qu’une tentation, une vraie tentative par le pouvoir Ouattara de mettre en place une société civile ivoirienne docile, à l’échine courbée, redevable et à sa botte, j’ai failli dire à sa totale dévotion.

    Il s’en est fallu d’extrêmement peu, (j’étais présent, je peux donc en témoigner) que la manœuvre ne réussisse et que le Ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko ami personnel et intime de Manuel Valls, n’arrive par pressions et manœuvres à placer à la tête de la Convention de la Société Civile ivoirienne, vous savez qui ?... Son oncle Bakayoko. Version ivoirienne du peu reluisant Pénélopegate… Mais la manœuvre a échoué grâce à la mobilisation conjuguée des syndicalistes, des Chefferies traditionnelles, de l’église ivoirienne et autres organisations de la société civile ! Comme quoi chers amis de précieuses victoires sont possibles, y compris dans un rapport de force difficile. Aujourd’hui, même si c’est compliqué, la Convention sous la Présidence d’Hélène Gnonsahé est entre les mains de personnalités compétentes, honnêtes, courageuses, réellement indépendantes et dévouées.

    Madame la Ministre chère Clotilde, cher André, chers amis, soyez assurés et je vais vraiment terminer par-là, que la CGT au niveau qui est le sien, à la place syndicale qui est la sienne, continuera avec d’autres de plus en plus

  • L’Empire colonial français en Afrique en 1960

    nombreux je le crois, à faire connaître la vérité sur la Côte d’Ivoire. Elle continuera à contribuer à la construction d’une solidarité internationale, plus que jamais utile et nécessaire en premier lieu évidemment nous concernant pour le mouvement syndical, mais nous allons bien au-delà, je crois l’avoir démontré.

    Solidarité utile et nécessaire également contre les assauts incessants des insatiables gloutons de fric dont j’ai cité quelques noms et sigles tout à l’heure, qui sont déjà présents ou qui vont venir en masse en Côte d’Ivoire pour je cite « chasser en meutes » (dixit Pierre Gattaz Président du MEDEF).

    Et depuis 48 heures Marion Maréchal Le Pen a rejoint la meute… Solidarité utile et nécessaire aussi pour dénoncer sans relâche l’injustice des vainqueurs, les agissements coupables de dirigeants ivoiriens, manipulateurs de vérité, briseurs de droits acquis et de rêves, briseurs de jeunesse et de démocratie. Solidarité utile et nécessaire pour une paix véritable, pour la liberté et l’indispensable réconciliation en Côte d’Ivoire !

    Rechercher et dire la Vérité, partout et tout le temps !

    Je vous remercie !

    Intervention de Clotilde Ohouochi

    Au cours de mon intervention, me fondant sur mon parcours personnel, je relaterai la situation locale, celle des exilés et l'émigration des jeunes. J’analyserai la situation dans le contexte historique et politique, et j’évoquerai rapidement la question de la justice en Côte d’Ivoire et à la CPI.

    Tout d’abord, replaçons-nous dans le contexte historique de la période coloniale.

    En introduction, un bref rappel historique

    La Conférence de Berlin et le partage de l’Afrique (novembre 1884-février 1885) Avec l’abolition de la Traite négrière, l’Europe intensifie son intérêt pour l’Afrique à partir des années 1880 à la recherche de nouvelles sources économiques. La ruée vers les pays africains prend rapidement de l’ampleur. C’est le rush ou la course au clocher. Pour éviter les conflits, sur invitation du chancelier Otto von Bismarck, quatorze nations se rassemblent à Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, afin d’établir les règles du partage de l’Afrique et tracer de façon arbitraire les frontières.

    En l’espace de quelques années, l’Afrique subsaharienne est divisée entre les puissances occidentales.

    Lors du bouclage de ce document, le verdict est tombé : « Côte d'Ivoire: Condamnation de Assoa Adou à 4 ans de prison, la Défense dénonce la requalification des faits et annonce un pourvoir en cassation »

    cf. http://koaci.com/cote-divoire-condamnation-assoa-adou-prison-defense-denonce-requalification-faits-annonce-pourvoir-cassation-111268.html

  • Une décolonisation imparfaite et inachevée Après 1945, alors que les puissances euro-péennes ont perdu beaucoup de prestige, les colonies s'engagent dans un processus de décolonisation par lequel l'Afrique se libère de la domination des pays européens.

    Dans quelles mesures peut-on dire que la décolonisation africaine, surtout celle de l’Afrique francophone, s'est déroulée de façon imparfaite et inaboutie ? Face aux revendications d’indépendance totale, la métropole ne propose que des avancées bien insuffisantes. La France crée l'Union française en 1946 puis la Communauté franco-africaine, mais n'envisage pas l’indépendance véritable. En 1960 les territoires de l'AEF et de l'AOF sont finalement indépendants. Mais dans la plupart de ces territoires, l'indépendance est octroyée sans violence après négociations et dans le cadre d'accords. Ces accords ressemblent fort à des marchés de dupes. La France part sans véritablement partir : raisons politiques écono-miques, géostratégiques.

    Exemple. Le 24 avril 1961 les gouvernements de France et de Côte d'Ivoire concluaient un « traité et des accords de coopération et de défense ». Bien que la rédaction de ces accords s'efforce d'établir une sorte d'égalité confortée par d'apparentes clauses de réciprocité entre les deux partenaires, il est évident que ces accords touchant l'ensemble de l'activité du nouvel état indépendant, attachent d'une manière presque

    exclusive l'avenir de la Côte d'Ivoire à son ancien colonisateur. Il en a d'ailleurs été de même pour l'ensemble de l'ancienne « Afrique occidentale et centrale française ». Les domaines traités dans ces accords concernent les échanges, la monnaie, la justice, l'enseignement supérieur, secondaire, primaire et technique, la poste, l'aviation civile, la marine marchande, les matières premières et produits stratégiques. En définitive, la France est partie, sans être partie. Mais si la plupart de ces accords ont connu au fil des années de nombreuses modifications, si certains ont été déclarés périmés ou sont tombés en désuétude, les « Accords militaires ou de Défense » et leurs annexes ont subsisté pour l'essentiel de leurs clauses. Ils officialisent la présence des troupes françaises en Côte d'Ivoire. L'article 1 de « l'Accord d'assistance militaire technique » précise que cet accord a été conclu « à la demande de la République de la Côte d'Ivoire » (!) L'article 3 stipule que pour assurer la "standardisation des armements" la Côte d'Ivoire s'adresse "en priorité " à la France pour l'entretien, le renouvellement des matériels et des équipements de manière si possible "gratuite". Évidemment, quand Laurent Gbagbo s’adresse à la Russie pour équiper l’armée de l’air en MIG 24, il commet un crime de lèse-majesté. C’est tout naturellement que ces aéronefs sont détruits par l’armée française lors de la crise du bombarde-ment de Bouaké en novembre 2004.

    I – Laurent Gbagbo, un chef d’État atypique dans le système françafricain

    Un chef d’État atypique Né et ayant grandi dans la Côte d’Ivoire néo-coloniale d’Houphouët-Boigny, Laurent Gbagbo constate l’existence et la mise en œuvre persistante de ce système. Il va dès lors se consacrer à s’y opposer. Il abandonne ses études de Lettres Classiques, grec et latin, pour entreprendre des études d’Histoire. La science historique va lui fournir les instruments de son combat politique. Il va créer un parti politique, d’obédience socialiste, qui sera l’outil par lequel il va conquérir le pouvoir d’État. Une fois au pouvoir, il déroule son programme de gouvernement dont les trois piliers sont l’Assurance Maladie Universelle (AMU), l’école gratuite, et la Décentralisation. C’est la Refondation.

    La politique de la Refondation ou la réaffirmation de la souveraineté de la Côte d’Ivoire La diversification des partenaires commerciaux de la Côte d’Ivoire, les réformes structurelles, politiques, économiques et sociales entreprises indépendamment des injonctions françaises en sont quelques éléments d’illustration.

    Laurent Gbagbo, c’est le vilain petit canard dont la présence incongrue dans le système trouble la quiétude des gardiens du temple qui redoutent de voir l’édifice s’effondrer.

    La France fera tout son possible pour faire échouer ce programme d’indépendance réelle.

    Mais, malgré les relations extrêmement difficiles qu'il entretenait avec les différentes autorités qui se sont succédé à la tête de l'État français, et en dépit de la politique de diversification de partenariats qu'il a entreprise, Laurent Gbagbo a,

  • tout le long de sa gouvernance, su préserver les intérêts de Paris. On ne peut dire d'une telle personnalité qu'elle est animée de sentiments anti-français. Le fondement de la lutte de Laurent Gbagbo et des panafricanistes en général, porte, exclusivement, sur la construction d’une Afrique libre mais ouverte sur l’extérieur, en tant que partenaire à part entière, respectée et considérée. Une Afrique qui sort, définitivement, du bourbier de la dégradation dans lequel elle est délibérément maintenue, pour s’élever vers la prospérité et l’estime humaine. Afin que les jeunes générations, prises dans la trappe infernale de la précarité, ne soient plus condamnées à aller mourir, par grappes entières, sur les rivages abrupts des espoirs brisés de l’eldorado européen. Ou dans les conflits fratricides qui endeuillent le continent. Tel est le sens profond du combat que mènent les partisans des thèses panafricanistes ou, précisément, néo-panafricanistes tels que Laurent Gbagbo. Cette espèce de dirigeant politique africain, indocile, ne plaît pas à la France. Laurent Gbagbo comme ses devanciers dans le combat de la souveraineté et de la dignité de l’Afrique va connaître la prison, l’humiliation puis la déportation à La Haye. Comme Almamy Samory

    Touré, Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Patrice Emeri Lumumba, Thomas Isidore Noël Sankara…

    La CPI, outil politique au service des grandes puissances ? Le procès de Laurent Gbagbo présente toutes les caractéristiques du procès politique.

    Malgré l’insuffisance de preuves et les opinions dissidentes de certains magistrats de la Cour, Laurent Gbagbo est toujours maintenu dans les liens de la détention à Scheveningen en Hollande.

    De toutes les façons, qu’on ne s’y trompe pas : le procès de Laurent Gbagbo est, aussi, celui de la CPI qui joue sa crédibilité déjà fortement entamée par sa propension à s'acharner uniquement sur les chefs d'états et hommes politiques africains. On voit bien, au cours de ce procès, que les critiques de partialité et de justice des vainqueurs formulées à son encontre se confirment. On voit bien que cette juridiction internationale est, comme bon nombre d'africains le pensent, l’outil politique dont se servent les grandes puissances pour régler des comptes aux dirigeants des états pauvres, notamment, africains qui ont l'audace de leur tenir tête. C’est ce qui amène l’Union Africaine à demander un retrait global des pays africains du Traité de Rome créant la CPI.

    II - Alassane Ouattara, le président ciselé selon les critères françafricains, protection et promotion des intérêts français

    Croissance économique, mais à qui profite-t-elle ? Les armes se sont tues dans le pays voici maintenant six années. Les rebelles sont mis au pouvoir par la volonté de la communauté internationale nonobstant la constitution ivoirienne.

    Le pouvoir dictatorial installé, englué dans son esprit de "rattrapage", déroule sa politique d’extraversion sans se soucier de nombre d’Ivoiriens qui croupissent dans la misère. La réconciliation nationale est en panne sèche. L’argent ne circule pas, l’emploi fait défaut malgré les grands travaux conduits à coup de milliards grâce aux dettes renouvelées. La pauvreté grandit, la misère est rampante et atteint tous les milieux. Des promesses d’émergence économique rapide sont faites au peuple ivoirien indifférent.

    Comment expliquer cette situation, alors que selon les autorités ivoiriennes et leurs thuriféraires, le taux de croissance est estimé à plus de 7,5 % depuis 2012, année d’atteinte du point d’achèvement de l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) qui s’est soldé par un effacement de 24% de la dette extérieure de la Côte d’Ivoire, soit 3 109,3 millions de dollars, c’est-à-dire environ 2 000 milliards de FCFA ?

    Musèlement de l’opposition significative Les libertés individuelles et collectives obtenues de haute lutte par Laurent Gbagbo quand il était dans l’opposition à Houphouët-Boigny et à Konan Bédié, sont, aujourd’hui, gravement remises en cause. Depuis une semaine [début mai 2017], les journalistes battent le pavé parce que le gouvernement est revenu sur la dépénalisation des délits de presse, loi de la presse prise sous Laurent Gbagbo. Des centaines de prisonniers politiques Toujours plus de 300 détenus d’opinion. Et 228 prisonniers « fantômes » majoritairement passés par le 10e Cabinet du juge Koné Mamadou et dont on ne sait s’ils sont encore vivants. Les violations des droits de l’homme restent flagrantes en Côte d’Ivoire. Une justice des vainqueurs ? Le monde entier qui suit le procès de Laurent Gbagbo avec un grand intérêt, commence à se rendre compte de l’injustice évidente qui lui est faite. D’autant que les autres protagonistes de la crise postélectorale, les pro-Ouattara, qui ont, également, été, gravement, mis en cause dans les tueries par les enquêtes de la Cour pénale internationale (CPI), des ONG internationales comme Amnesty international, Human Rights

  • Watch, et aussi de la Commission nationale d’enquête diligentée par M. Ouattara lui-même, n’ont pas encore été présentés devant les tribunaux et ont, au contraire, connu des promotions. La CPI les protège-t-elle ? On est tenté de répondre par l’affirmative tant la preuve d'une collusion entre l’ex-procureur, l’argentin Luis Moreno-Ocampo avec les autorités d’Abidjan semble manifeste. On se souvient de la fameuse lettre de félicitations qu’il a adressée à Monsieur Guillaume Soro, ancien secrétaire général de la rébellion des Forces nouvelles lorsque celui-ci s’est hissé au perchoir. On est donc fondé à s’interroger sur ce que recherche le procureur d’une juridiction internationale, chargée, de surcroît, de juger les auteurs des crimes commis au cours de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, en flirtant avec l’un de ceux sur lesquels pèsent de lourds soupçons de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ?

    À l'ouverture du procès de Laurent Gbagbo, la procureure de la CPI avait assuré que ses services poursuivraient leur travail d'enquête sur les violences post-électorales de 2010-2011, y compris dans le camp Ouattara. On attend toujours. Un nombre important de réfugiés ivoiriens en Afrique et à travers le monde. D’une part, il faut savoir qu’en 2014, la Côte d’Ivoire occupe le 14ème rang mondial des nationalités comptant le plus de réfugiés, avec 809 312 réfugiés, soit 1,5% du total mondial établi à 52,9 millions réfugiés. À l’échelle du continent, elle est le 7ème pays, après la République Centrafricaine. En mai 2016, le nombre résiduel total de réfugiés ivoiriens dans la sous-région s’établit à 44 894 personnes. Ces réfugiés ivoiriens se trouvent pour la plupart au Libéria (21 235 personnes), au

    Ghana (11 423 personnes), en Guinée (7 389 personnes), au Togo (2 512 personnes), au Mali (1 022 personnes), au Cameroun (313 personnes), en Mauritanie (272 personnes), en Gambie (250 personnes), au Maroc (218 personnes), au Benin (180 personnes), au Niger (55 personnes) et au Burkina (10 personnes).

    La Côte d’ivoire, en tête des pays africains pourvoyeurs de migrants La Côte d'Ivoire occupe désormais la première place dans le classement des pays africains pourvoyeurs de migrants clandestins.

    Avec 839 migrants, la Côte d’ivoire est en tête des arrivées en Italie via la Méditerranée, du 1er janvier au 15 février 2017, contre 332 au cours de la même période en 2016, a indiqué l’Organisation Internationale pour la Migration.

    Mon pays passe ainsi de la quatrième à la première place de ce palmarès peu reluisant, loin devant la Guinée, le Nigeria, le Sénégal et la Gambie. Du jamais vu en Côte d'Ivoire ! Il est indéniable qu'il existe une corrélation entre migration clandestine et pauvreté dans les pays de départ. Qu'est-ce qui n'a alors pas marché en Côte d'Ivoire pour que le phénomène connaisse une telle ampleur, surtout que les autorités ne cessent de parler d'embellie économique soutenue par une croissance à deux chiffres ?

    La triste réalité, c'est que les tenants du pouvoir et leurs entourages immédiats sont les seuls à avoir accès à la manne. Au lieu de s'évertuer à organiser des campagnes publiques de sensibilisation (improductives, forcément) pour endiguer l'hémorragie des départs, le gouvernement gagnerait à rendre la croissance économique plus inclusive, par une meilleure redistribution de la richesse.

    III - Pour la réconciliation

    Au plan interne à la Côte d’Ivoire � La libération de Laurent Gbagbo et de tous les autres prisonniers d’opinion.

    � Mise en place de politiques de retour et de réinsertion des réfugiés : « Go and See »

    � Une redistribution de la richesse

    Au plan externe, un partenariat gagnant-gagnant avec la France La politique de « gros bâton » pratiquée par la France en Côte d’Ivoire, au printemps 2011, a, davantage, fragilisé le socle vermoulu et branlant sur lequel prennent appui les rapports de plus en

    plus tumultueux entre l’Afrique et l’ancienne métropole. Cette politique a engendré un profond sentiment de rejet, un véritable sentiment anti-français, élargissant le fossé entre les deux mondes.

    Pour éviter une situation dommageable aux deux parties, la France doit s’engager à mettre fin au système sulfureux de la Françafrique qui fait tant de mal aux peuples africains, abolir la honteuse pratique de colportage de mallettes entre les capitales africaines et Paris, entreprendre le rapatriement définitif de ses armées (au nom évocateur, par exemple Licorne), opter courageu-sement pour l’instauration d’un partenariat

  • gagnant-gagnant en lieu et place des contrats léonins que se taillent les entreprises françaises, abandonner l'humiliante politique d’ingérence dans les affaires domestiques des états africains, couper le cordon ombilical qui arrime artificiellement le franc CFA à l'Euro faisant de cette monnaie néocoloniale une ombre incongrue dans le système monétaire européen, etc. En un mot, respecter l’indépendance et la souveraineté des pays africains.

    Mais s'agissant d'une puissance moyenne comme la France, qui "pèse" dans les instances

    internationales comme l'ONU, grâce aux 14 ou 15 voix de l'Afrique qui lui sont acquises d'office, la France peut-elle se faire hara-kiri en accédant à ces revendications, somme toute, légitimes ?

    Peut-elle troquer ses intérêts économiques, politiques et géostratégiques contre des considé-rations philanthropiques ou solidaires ?

    Là réside toute la question.

    Conclusion : « la goutte d’eau, patiemment, finit par venir à bout de la roche la plus dure »

    Notre action à CIRDV consiste à nous battre, à notre modeste niveau, pour attirer l’attention des Africains et des Français, sur le nécessaire changement de paradigme, dans les relations entre la France et le Continent africain. Cela pour l’intérêt des deux parties.

    C’est un vrai combat de Don Quichotte contre les moulins à vent. Mais comme le dit un proverbe

    africain « la goutte d’eau, patiemment, finit par venir à bout de la roche la plus dure ». Retroussons courageusement nos manches et allons-y ensemble pour l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.

    Je vous remercie

    Exposé académique de Mohamed Amara et synthèse d’Alain Longomozino

    Mohamed Amara, sociologue malien, chercheur au centre Max Weber à Lyon, a élargi la réflexion à l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et subsaharienne. Dans son exposé académique de haut niveau, il a souligné, notamment, la responsabilité des Africains eux-mêmes dans les problèmes de développement qu'ils rencontrent.

    Après un débat nourri avec la salle, la synthèse est revenue à Alain Longomozino qui, avec maestria, tout en soulignant sa méconnaissance des problématiques abordées, a relevé les points saillants des exposés. A la grande satisfaction des intervenants et des organisateurs.

    Alors, des Français concernés ?

    Assurément !

    Les photos de la réunion, Pascal Schabantu. Infographie, CI-RDV.

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    email : [email protected] adresse postale : CI-RDV, c/o André Prochasson, 23 avenue de Valence, 38360, Sassenage, France.