Rapport etude raphael salle

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La caserne de Bonne, quels enseignements tirer du premier éco-quartier de France ? UEL 322 B Rapport d’études Villes et Territoires Raphaël SALLE Sous la direction de Anne JAUREGUIBERRY et Anne-Marie CHATELET Mai 2013

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La caserne de Bonne, quels enseignements tirer du premier éco-quartier de France ?

UEL 322 B Rapport d’études Villes et Territoires

Raphaël SALLESous la direction de Anne JAUREGUIBERRY et Anne-Marie CHATELETMai 2013

SOMMAIRE

INTRODUCTION.......................................................

PARTIE I LE PROJET DE BONNE........................................

I. ContexteII. Ambitions programmatiques.....................................

PARTIE II la démarche de projet et ses acteurs.....................

I. De la ZAC au programme ambitieux d’un éco-quartier

1. Phase programmatique2. Phase opérationnelle3. La démarche environnementale..................................

a. Cahier des recommandations accessibilité et haute qualité environnementale b. Charte d’objectifsc. Lauréat Grand Prix National EcoQuartier, 2009

PARTIE III Enseignements: considérer les échecs comme des leçons.............................................................

I. Une démarche de projet qui se veut reproductible. II. Les limites de ce consensus 1. Contraintes architecturales 2. Le marché immobilierIII. Les conséquences.............................................. 1. Défauts de conception 2. Défauts de réglages et de maintenance 3. Comportement des usagers

CONCLUSION.........................................................

BIBLIOGRAPHIE......................................................

ANNEXE.............................................................

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L’éco-quartier de la Caserne de Bonne reçoit en 2009 le premier prix du Grand Prix National des Eco-quartiers de France. Un long processus est à l’origine de cette récompense. Une démarche de projet très itérative a amené la municipalité à revoir les objectifs de ce projet qui devait à la base n’être qu’une ZAC. La machine est lancée et le nouveau quartier de bonne doit devenir un projet d’exemplarité à l’échelle nationale et internationale. Aujourd’hui, les premiers retours d’expérience alimentent de nombreuses critiques. Ainsi, le monde publie le 10 novembre 2011 un article nommé « A Grenoble, les ratés du premier éco-quartier de France ». Libération publie cinq mois plus tard « A Grenoble, la caserne de Bonne n’a pas que du bon ». Si de Bonne fait parler c’est avant tout car c’est le premier projet de cette nature qui voit le jour en France. Ce rapport d’étude a pour objectif de comprendre ce qui fait les réussites et les échecs de ce projet, en toute impartialité, c’est un travail d’investigation s’appuyant sur des ouvrages, études et articles existants. Nous pouvons nous poser la question de savoir quels enseignements pouvons nous tirer de ce projet à la fois très récent et qui fait pourtant déjà partie du passé ?Dans une première partie nous présenterons de manière succincte le projet, ses ambitions et son contexte général. Dans une seconde partie il s’agira d’exposer la démarche de projet et ses acteurs. Enfin nous mettrons en exergue les échecs du projet.

INTRODUCTION

Depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979 les préoccupations environnementales prennent de plus en plus de place dans les débats et politiques publics. L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et la rareté des ressources en énergie fossiles nous positionnent face à un double problème: la dégradation de notre environnement et de ses écosystèmes mais aussi l’augmentation fulgurante des prix de l’énergie. Cela, dans des agglomérations qui ont hérité d’un parc énergivore et dans une société consommatrice de déplacements motorisés. L’habitat est le troisième secteur émetteur de CO2 et consommateur de 2/3 de la production d’énergie. Il est potentiellement le levier d’action principal pour réduire ces dépenses et promouvoir les économies d’énergies. C’est en ce sens que les législateurs nationaux et internationaux ont produit des textes desquels découlent des règlementations en la matière. Les lois Grenelle I et II sont les plus récentes et constituent un véritable pas en avant dans la maîtrise de l’énergie de tous les domaines concernés. La France s’est positionnée sur le facteur 4 et souhaite diviser ses consommations en énergie par 4 d‘ici à 2050. Pour ce faire les politiques sont mobilisées sur plusieurs domaines et notamment celui de la construction, elles ont induites les notions de hautes performances énergétiques et de bâtiments basse consommation.

Projet de réhabilitation du quartier de l’esplanade, Christian de Portzamparc, www.villedegrenoble.fr

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PARTIE I Le projet de bonne

I. Contexte

La ville de Grenoble, entourée des trois massifs de Belledone, de la Chartreuse et du Vercors a des possibilités d’extension urbaine limitées. C’est tout naturellement que les politiques urbaines ont choisi dès le début des années 2000 des orientations de densification urbaine, suivant le vieil adage du palimpseste. A l’échelle nationale la loi Solidarité et Renouvellement Urbain est approuvée le 13 décembre 2000. La municipalité et les documents d’urbanisme de Grenoble vont alors dans le sens d’un construire la ville sur la ville, dans un souci d’économie d’espace, via des leviers d’actions comme les fortes densités, la mixité sociale et fonctionnelle des espaces ainsi que le développement des modes doux.

Plusieurs grands projets émanent de cette période. En 2013 la ville de Grenoble est encore en chantier. Le projet de requalification de l’esplanade et de l’entrée nord, le développement de la presqu’île scientifique, le renouvellement des quais de l’Isère et la mise en service d’une quatrième ligne de tramway visent à faire de Grenoble une ville respectueuse de son environnement ainsi qu’un exemple à l’échelle nationale. Vasconi, de Portzamparc ou encore Michel Desvignes sont les grands noms de ces projets. La ville est un véritable laboratoire d’expériences urbaines suivant le leitmotiv du développement durable.Une troisième ligne de tramway est développée en 2006. Plus que ça, elle fait l’objet d’un contrat d’axe, nouveau modèle de compromis entre le syndicat mixte en charge des transports en commun et des pouvoirs publics en charge du logement. Cette opération va permettre de rénover la plupart des immeubles le long de cette nouvelle ligne de tramway. Cette expérience est aujourd’hui reprise avec la 5e ligne E, qui fait elle aussi l’objet d’un contrat d’axe. Cette fois-ci, dans une zone moins densément peuplée on propose de construire des logements neufs à mesure qu’on tire la ligne de transport en commun en site propre.

Plusieurs expérimentations sur des nouvelles formes de logements sont faites à Grenoble. Par exemple, la ZAC Vigny Musset cherche à mettre en avant l’habitat intermédiaire dans le sud de la ville.

vue aérienne de Grenoble et de l’ancienne caserne au premier plan

L’ancienne caserne militaire

Le site en chantier

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Il convient à priori de resituer l’éco-quartier de Bonne dans son contexte urbain.

Les friches militaires de Bonne sont la dernière réserve foncière de cette envergure que la ville a à sa disposition, pas moins de 8,5 hectares. Elles ont été construites en 1881 par la municipalité, ironie du sort puisqu’elle les rachètera en 2004 pour la somme de 6,7 millions d’euros.

Elles se situent à un emplacement stratégique dans le tissu urbain. Elles sont une véritable opportunité de couture entre le centre ville et les quartiers au delà des grands boulevards. Les grands boulevards représentent une réelle frontière entre le centre ville et les quartiers plus modernes du début du XX e siècle. Ils se situent sur l’ancien emplacement de la dernière enceinte militaire de la ville : l’enceinte Haxo, détruite en 1932. En ce sens ils étaient encore récemment une frontière physique dans le tissu urbain. Jusqu’en 2006 ils sont une autoroute urbaine, vecteurs de pollution et de trafic routier important, puis la troisième ligne de tramway y est implantée. Les grands boulevards vont alors changer de statut. La friche industrielle est bordée au nord par le quartier Championnet, qui est un quartier bien identifiable du centre ville. Même s’il le jouxte il a le statut d’un « village dans la ville », autonome et vivant, de nombreux commerces y sont implantés. A l’est, il est bordé par le quartier Hoche et son parc. Un ensemble d’habitations sociales qui a longtemps manqué d’entretien. Enfin, elle jouxte au sud les grands boulevards.

II. Ambitions programmatiques 1

Le programme, riche en mixité sociale et fonctionnelle comprend 850 logements, dont 35 % de locatif social, une résidence étudiante et un établissement pour personnes âgées. Un centre commercial d’une superficie d’environ 15.000 m2, 6.000 m2 de bureaux, une résidence hôtelière, un cinéma d’art et d’essai et une école élémentaire composée de 15 classes viennent compléter le projet. Deux tiers de la superficie disponible sont réservés à un parc urbain sur une superficie d’environ 5 hectares. De plus, chaque îlot d’habitation contient au centre un jardin collectif. En termes de performances énergétiques De Bonne est l’occasion de développer une nouvelle démarche constructive favorisant l’efficacité énergétique. L’isolation par l’extérieur doit répondre aux objectifs du confort d’hiver et d’été avec un travail particulier

Le quartier championnet

Les grands boulevards

Le parc Hoche

La ZAC de Bonne3

1 BOBROFF Jacotte La caserne de Bonne à Grenoble, Projet emblématique d’un développement durable à la française, p 26

sur les baies vitrées et la production in situ d’énergies (solaire thermique et cogénération). La gestion des énergies doit être exemplaire. La cogénération doit couvrir à 100% les besoins en électricité et le solaire thermique environ 50% des besoins en eau chaude sanitaire. Les bâtiments seront aussi équipés d’une ventilation double flux avec récupération de chaleur et d’équipements économes en électricité et en eau.

Ainsi, les consommations ne devraient pas excéder 2:

50kWh/m2/an pour le chauffage;17 kWh/m2/an pour l’eau chaude sanitaire;10 kWh/m2/an pour l’électricité des parties communes. Les transports constituent également un levier d’action important pour faire de ce projet un éco-quartier. La desserte proche du tramway favorise cette démarche. En outre, l’impact visuel de l’automobile est limité puisque des parkings souterrains sont réalisés sous les immeubles d’habitation, environ 1 place de stationnement par logement, ce qui est en dessous de la moyenne nationale. Le site est relié au réseau cyclable déjà omniprésent dans l’agglomération. En termes de formes urbaines on obtient un quartier densément construit sous forme d’îlots ouverts avec un parc central qui sert de poumon vert au projet.

Plan masse définitif du programme établi par la SEM SAGES en 2006

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2 www.debonne-grenoble.fr

PARTIE II la démarche de projet et ses acteurs

I. De la ZAC au programme ambitieux d’un éco-quartier

1. Phase programmatique

C’est au début des années 2000, sous le mandat du maire PS Michel Destot que la municipalité imagine un vaste projet qui serait exemplaire et représenterait une vitrine pour Grenoble. Dès 2002 Christian Devillers est nomméearchitecte-urbaniste en chef. C’est lui qui va porter l’idée d’une mixité fonctionnelle alors qu’à la base les services techniques projetaient un quartier à vocation résidentielle. Pierre Kermen, adjoint Vert à l’urbanisme et à l’environnement est en charge du projet dès 2001. Il entreprend d’inscrire le projet de ZAC au programme européen CONCERTO en 2003 afin de faire bénéficier à la caserne de nouvelles subventions. Il va pour ce faire solliciter la commune limitrophe d’Echirolles, une des trois communes communistes de l’agglomération qui avait déjà travaillé avec l’Europe sur un projet antérieur. Le projet va aussi être confiée à la Société d’Economie Mixte SAGES où la ville était bien sûr majoritaire. Un bureau d’étude local qui s’était déjà forgé une approche environnementale va lui être associé, ainsi que des villes étrangères « observatrices » et la communauté d’agglomération grenobloise. Lancé par la Commission européenne, CONCERTO a pour ambition de répondre aux défis du développement durable en développant des solutions innovantes à l’échelle européenne. Aujourd’hui, 46 communautés réparties en 18 projets s’investissent dans ce programme. Les critères de participation sont bien entendu la mise en œuvre de stratégies et d’actions concrètes qui sont à la fois durables et viables énergétiquement. Ainsi, en 2004 parmi 45 participants la ZAC de Bonne obtient le 5e place du classement et son inscription au programme CONCERTO. Il s’agit d’une réelle opportunité pour porter financièrement ce projet. Sur les huit millions d’Euros affectés au consortium, 2,7 millions furent réservés à l’agglomération grenobloise 3. Ainsi Kermen va porter le projet tout au long de son mandat en repoussant le

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curseur de ses exigences toujours plus loin. Les enjeux du projet sont alors revus à la hausse : - rééquilibrage entre centre et périphérie, mais dans des conditions de mixité sociale qui éviteraient une appropriation de ce quartier central par les seules catégories aisées ; - mixité générationnelle (résidences étudiantes et de troisième âge, logements de tailles diverses) ; - mixité fonctionnelle : outre les bureaux, création d’un nouveau centre commercial avec une trentaine de boutiques et des services, d’un hôtel et d’équipements culturels afin de dynamiser économiquement cette partie du centre ville, jusque là délaissée. On peut également citer un espace d’animation, un commerce solidaire et des services à vocation écologique ; - important programme environnemental mettant l’accent sur l’accessibilité, la mobilité douce, le développement durable, les économies d’énergie et l’introduction d’énergies alternatives.

2. Phase opérationnelle

En 2004 la ville de Grenoble décide de déléguer la maîtrise d’ouvrage à la SEM SAGES, qui sélectionne Loizzos Savva comme architecte en chef du projet (Aktis Architecture, Grenoble). Le président de la SEM est un élu grenoblois ce qui va faciliter le circuit décisionnel, en adéquation avec les objectifs de la municipalité. Dès lors, l’opération est censée répondre à une «haute qualité architecturale, environnementale et urbaine». Pour ce faire, les différents acteurs on pu s’appuyer sur des outils mis en place à cet effet et sur un management fort poussant à leur coopération autour du projet.

3 BOBROFF Jacotte La caserne de Bonne à Grenoble, Projet emblématique d’un développement durable à la française, p 35

3. La démarche environnementale

a. Cahier des recommandations accessibilité et haute qualité environnementale C’est la municipalité qui va demander à C.Devillers et au bureau d’études Betrec/Terre Eco de rédiger conjointement un document à vocation de prescriptions techniques et constructives pour répondre aux exigences de la réglementation HQE. b. Charte d’objectifs Betrec/Terre Eco va ensuite rédiger une charte d’objectif sur la base du document précédent que tous les promoteurs devront signer. Il est construit en collaboration avec chaque équipe et reprend cible par cible les procédés et matériaux constructifs pour chaque lot. Il a la particularité d’obliger les acquéreurs à fournir les informations servant au suivi et contrôle des objectifs après deux ans d’utilisation. La SEM SAGES et le programme Concerto vont ainsi programmer les objectifs suivants :« - une isolation des bâtiments par l’extérieur ;- des matériaux aux qualités environnementales ;- des doubles vitrages peu émissifs ;- une végétalisation des toitures terrasses ; - une conception intégrant le confort d’été ;- la co-génération gaz ;- l’énergie solaire pour l’ECS ;- une VMC à double flux avec récupération de chaleur ;- une gestion des déchets ménagers ainsi qu’un chantier à faibles nuisances. »

Le document va également induire la notion d’information aux usagers entrant dans les logements. Ce cahier des charges diffère de ceux plus classiques des ZAC puisqu’il va faire l’objet de révisions à tous les moments du projet. Il va induire des phases de négociation et de contractualisation entre les partenaires. Notamment sur la maîtrise des prix des logements, en échange d’avantages fonciers aux promoteurs, les prix de la moitié des logements sont encadrés.

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c. Lauréat Grand Prix National EcoQuartier, 2009

Le Grand Prix national EcoQuartier veut distinguer les quartiers durables exemplaires, répondant aux enjeux du développement durable et illustrant la vocation des lois Grenelle. Parmi les critères de sélection le projet doit s’inscrire à l’échelle des projets territoriaux environnants et s’appuyer sur les outils et documents de planification pré-existants. Le projet doit apporter des externalités positives dans le territoire dans lequel il est implanté mais aussi au delà.

On peut citer les éléments suivants dans la prise en compte de l’environnement :

- une gestion durable de l’eau; - un traitement optimum des déchets;- une biodiversité urbaine;- l’utilisation de modes de transports doux; - la production locale d’énergies renouvelables;- des formes urbaines denses; - une mixité sociale et fonctionnelle;- l’utilisation d’éco-matériaux.

Dans le cas de Grenoble, le jury et les ministres ont particulièrement apprécié la démarche de projet, et mis en exergue la gouvernance de projet ainsi que la concertation citoyenne et les actions participatives. En termes de qualité architecturale, les thématiques de la densité, des formes urbaines, de la biodiversité, de gestion des eaux pluviales et des déchets (notamment ceux du chantier) ont été étudiées. Enfin, la comission du Grand Prix a souligné les expérimentations antérieures du concept d’éco-quartier à Grenoble, et donc la dynamique urbaine de la ville. 4

4 BOBROFF Jacotte La caserne de Bonne à Grenoble, Projet emblématique d’un développement durable à la française, p 42

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PARTIE IIIEnseignements: considerer les échecs comme des leçons

En 2003 et tout au long de la conception du projet la France a encore beaucoup de retard comparée à d’autres pays européens. De plus, on ne pouvait prévoir que la réglementation énergétique évoluerait aussi vite. La RT 2000 a laissé place à la RT 2005 puis 2012. De même la labellisation a changée, le BBC de 2005, devenu obligatoire pour toutes les nouvelles constructions va peu à peu laisser place aux normes «passiv house», puis BEPOS (bâtiment à énergie positive) qui sont les évolutions à prévoir.

I. Une démarche de projet qui se veut reproductible. La ville de Grenoble a depuis le début du projet voulu faire de la ZAC de bonne un moyen de mettre en place de nouvelles formes de démarche de projet. Le premier enseignement à tirer de ce projet est celui d’une possible mutualisation des compétences et d’une mise en commun des savoirs.

- Association de la SEM à un bureau technique, ENERTECH qui aide la maîtrise d’œuvre à faire les bons choix et mesurer leurs effets (calculs et simulations thermiques dynamiques). Il s’agit d’outils encore rares à cette période. Ainsi chaque équipe a du fournir une première simulation thermique dans le permis de construire. Cependant, la Sem s’est rendu compte que les coûts liés à ces performances passaient de 80 à 120 E/m2. Il s’agissait de quelque chose de nouveau.

- Le champs de compétences de l’architecte s’est élargi. Ses relations avec les autres partenaires sont dorénavant plus fortes puisqu’il doit s’attacher à l’usage final du bâtiment et son evolution. Par exemple il a du gérer des complications techniques au sujet des parkings souterrains, la mauvaise qualité des sols avait mal été estimée ainsi que les coûts. Finalement il fut concédé qu’il n’y aurait qu’une place de parking par logement en accession au lieu de 1,2 et 0,8 pour les logements sociaux.

Ces aléas de chantiers ont fait grimper les coûts.

II. Les limites de ce consensus

1. Contraintes architecturales

Très directifs, les documents ont laissé peu de place à des formes innovantes qui auraient mené naturellement les bâtiments à la compacité. Les architectes ont du se soumettre à beaucoup de contraintes laissant peu de place à l’imagination. En découlent des différences fortes entre les bâtiments et l’image qu’ils véhiculent. Par exemple sur l’îlot B le bailleur social ACTIS a travaillé avec l’architecte Edouard François en lui laissant une marge de manœuvre plus importante. Il a pu expérimenter une forme nouvelle avec des coursives extérieures en bois. En comparaison les bâtiments de Bouygues immobiliers paraissent bien moins novateurs. ACTIS a des méthodes de travail déjà plus anciennes sur les préoccupations environnementales ainsi qu’un politique d’innovation. De plus le bailleur a su mettre en place un livret d’accueil aux usagers, une opération de sensibilisation que les promoteurs privés n’ont pas tous respecté.

2. Marché immobilier

L’adjoint à l’urbanisme considéra le projet comme une opportunité d’ouvrir le marché immobilier à d’autres grands groupes nationaux, pour créer une concurrence avec un marché local issu d’une longue tradition familiale. Les promoteurs attirés par cet effet d’aubaine sont alors prêts à se plier à des exigences de construction qu’ils ne connaissent que très mal. Le promoteur Nexity a fait l’objet d’un conflit important qui généra des retards sur la commercialisation des biens. Celui-ci eu recours à des pratiques de sous-traitance (entreprises polonaises) pour limiter ses coûts. Mal implanté dans la région il n’avait pas prévu les surcoûts comme ceux des sous-sols. De plus le promoteur va vendre des logements avant l’attribution du permis de construire sans respecter l’indexation de la charte. Selon Nexity sa profession n’était pas préparée à commercialiser des prestations aussi complexes.

III. Les consequences

Il fut très rapidement dévoilé que les objectifs assignés au projet n’ont pas été atteint l’année suivant la première occupation des lieux. Cette partie se base sur les campagnes de mesures qui ont été faites sur les huit bâtiments d’habitation entre le 15/05/2009 et le 14/05/2010 pour la première tranche, ainsi qu’entre le 01/01/2010 et le 31/12/2010 pour la seconde.

1. Défauts de conception5

L’objectif initial de 50 kWh/an/m shab pour le chauffage n’a pas été atteint.On a observé une surconsommation de 5 à 70%. Pour cause, on peut citer les mauvaises prévisions météorologiques (météo finalement plus clémente), la mauvaise perméabilité à l’air des enveloppes, les ponts thermiques mal gérés.

Au niveau de la ventilation l’encrassement plus rapide que prévu des filtres ou encore les défauts d’isolation des conduits sont en cause.

L’objectif d’atteindre seulement 17 kWh/an/m shab n’a pas été atteint pour l’eau chaude sanitaire. On a observé une variation de 14 à 33 kWh/an/m shab!

2. Défauts de réglages et de maintenance

Les sous-stations de chauffage ont été surdimensionnées. Et beaucoup d’équipement mal réglés. Par exemple toutes les pièces étaient équipées de thermostats, seulement ils n’étaient pas bridés, donc les habitants pouvaient augmenter la température. cela nous amène à la question des comportements.

3. Comportements des usagers.

C’est le facteur le plus difficile à appréhender. On observe que la température maximale de 19°c dans les logements en hiver n’est pas encore respectée. Pourtant les simulations se basent dessus. Olivier Sidler 6 fait un rappel historique interpellant: «En 1900 les médecins recommandent de ne pas se chauffer au-delà de 12°C pour éviter les maladies. En 1952 le livre Missenard précise que la température des chambres est de 16°C en journée et 14 la nuit ». Aujourd’hui on recommande 7 °C de plus, ce qui vient à se poser des questions sur nos habitudes et notre dépendance à un certain confort...

Source: www.edouardfrancois.com

Source: www.debonne-grenoble.fr

Source: www.debonne-grenoble.fr

Source: rapport ENERTECH 2011 85 Rapport de synthèse ENERTECH6 Document de présentation du 19 février 2013, Olivier SIDLER

Conclusion

Lors de la conception du projet seulement quelques éco-quartiers existaient en Europe (Malmo en Suède, Fribourg en Allemagne,etc). Mais en France il n’y en avait pas, et on ne connaissait pas nos capacités à en réaliser en termes d’économie de la construction, de marché immobilier et bien sûr de champs de connaissances environnementales dans les métiers de la conception.

En ce sens, ce projet a été un véritable levier d’action pour mettre en route le grand chantier que Grenoble connaît aujourd’hui mais aussi les évolutions à l’échelle nationale. Il a permi d’instaurer des logiques d’actions et de négociations entre les acteurs pour réaliser des projets exigeants en termes de performances énergétiques. La démarche grenobloise a montré qu’il était possible de fédérer les corps de métier de la construction autour d’un objectif commun.

On peut lui reprocher d’être un échec en termes d’atteinte des objectifs énergétiques annoncés ou encore au niveau d’une labelisation éco-quartier fondée sur des erreurs. Mais ce qu’il est important de retenir c’est la démarche de la ville qui a été exemplaire. Elle fut la première à se lancer dans une telle opération. Cela a impulsé d’autres projets similaires à travers la France et surtout permit de devancer la réglementation. En effet, la ZAC de Bonne peut être considérée comme un lieu d’observation unique pour tester la RT 2012.

La ZAC de Bonne est partie de zéro et se basait sur des réglementations HPE puis BBC pour obtenir le label. Il faut également souligner que le temps d’un projet est un temps long, mais parfois pas assez long pour anticiper tous les aléas. Alors oui, Grenoble a reçu le premier prix du Grand Prix National des Eco-quartiers de France et n’a pourtant pas atteint les objectifs du BBC. Mais ce n’est pas le résultat qui est primordial, mais bien la démarche et la volonté d’une municipalité qui a su innover qu’il convient de regarder de plus près, afin d’admettre que la ZAC de Bonne est bel et bien une réussite.

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Bibliographie

Documents d’urbanisme

- TERRE ECO, bureau d’études, Démarche Haute Qualité Environnementale Accessibilité Charte d’objectifs Juin 2009

Publications- BOBROFF (Jacotte) La caserne de Bonne à Grenoble, Projet emblématique d’un développement durable à la française, février 2011, PUCA, 81p. - BORLOO (Jean-Louis) et APPARU (Benoist) DOSSIER DE PRESSE,1ère Conférence nationale Ville durable Annonce par des résultats de l’appel à projets EcoQuartier et de la démarche EcoCité, novembre 2009, Paris, Musée du Quai Branly, MEEDDM

Rapport de synthèse et documents de travail- Rapport de synthèse GRENOBLE - ZAC de Bonne Evaluation par mesure des performances énergétiques des 8 bâtiments construits dans le cadre du programme européen Concerto, Enertech 2011.- Rapport de présentation : BUFFIERE (Jérôme), Agence Locale de l’Energie de l’Agglomération Grenobloise, Quartier De Bonne : Accueil des Habitants, Octobre 2008.- Rapport de présentation: SIDLER (Olivier), ENERTECH, PROJET CONCERTO Évaluation des performances des bâtiments de la ZAC de Bonne. Quelles leçons? Grenoble, Avril 2011. - Rapport de présentation : SIDLER (Olivier) ENERTECH, Amélioration des bilans énergétiques des bâtiments Expérience de la ZAC de Bonne à Grenoble (projet Européen Concerto), février 2013.

Articles- FRAPPAT (Sylvain), A Grenoble, les ratés du premier éco-quartier de France, Le Monde, novembre 2011.

Travaux universitaires- COUVREUR (Sophie), COTTRANT (Guillaume), CHABRIDON (Luc), WERNER (Guillaume), Le partisan, une opération basse consommation, un enjeu pour le logement locatif social, sous la direction de Gilles Debizet, Université Joseph Fourrier, Institut de Géographie Alpine, Grenoble, 2011.- NUSS (Hélène), Un quartier écologique des cultures et des usages, sous la direction de CHATELET Anne-Marie et DARIN Mikael, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Strasbourg, janvier 2013.

Divers- ZAC De Bonne, 1er Eco-Quartier de France, AKTIS Architecture, MEEDDM 2010Energies renouvelables et habitat durable pour la Ville de demain, CONCERTO/SESAC, programme 2005-2010- CACCIAL (Frédéric) et BARELLI (Jean-Jacques), SEM SAGES, De Bonne Livret d’accueil, juin 2011, 11p

Il n'existe pas de label écoquartier.

Le ministère de l'écologie promet

d'en élaborer à l'échéance de2012. A défaut, il a développé une

grille d'analyse permettant de

sélectionner et de mettre en

valeur les meilleurs projetsd'aménagement urbain durable à

l'échelle des quartiers.

Le site de l'ancienne caserne de

Bonne, à Grenoble, s'est ainsi vu

décerner par le ministère de

l'écologie, le " grand prix " desécoquartiers en 2009 au terme

d'un concours lancé dans le cadre

du grenelle de l'environnement :

160 dossiers déposés, 28 retenuspar le ministère. Un second

concours a été ouvert en 2011.

393 projets ont déjà été envoyés.

Le palmarès sera dévoilé le 30novembre.

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A Grenoble, les ratés du premier écoquartier français

Jardin de l'immeuble Henri-IV de l'écoquartier de Bonne, à Grenoble, mardi 8 novembre.

SYLVAIN FRAPPAT POUR " LE MONDE "

Grenoble CorrespondantPrimée en 2009 par le ministère de l'écologie, la ZAC de Bonne affiche des performancesénergétiques décevantes

deux pas des habitats high-tech et de leurs toitures végétales ouparsemées de panneaux photovoltaïques, les terrasses de certainscommerces se prolongent à fleur des plans d'eau et des espaces

de verdure gagnés par les couleurs de l'automne.

Nichée sur 8,5 hectares au coeur de Grenoble à l'emplacement d'uneancienne caserne militaire, la ZAC de Bonne, lancée en 2003, fut lepremier écoquartier à voir le jour en France. En 2009, le ministère del'environnement lui avait attribué le prix du meilleur écoquartier.

Mais, trois ans à peine après l'arrivée de ses premiers habitants, unrapport met sérieusement en cause le bilan énergétique de cette citémodèle.

Réalisée par le bureau d'études Enertech, spécialisé dans l'optimisationénergétique du bâtiment, l'étude a été menée au cours des deuxpremières années de vie au sein de 438 des 900 logements familiaux -dont 40 % en locatif social - qui composent ce concentré d'habitatséconomes. Les résultats sont très éloignés des ambitions énergétiquesaffichées par les concepteurs du projet.

L'enquête met en lumière des surconsommations de chauffage de 5 % à70 % supérieures à l'objectif assigné (42,5 kWh/m2/an), et unemésestimation des besoins globaux en la matière pouvant atteindre

LA MISE EN CHANTIERD'UN LABEL EN 2012

Journal Electronique http://www.lemonde.fr/journalelectronique/donnees/protege/20111110/...

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