Rapport des parlementaires bruxellois Jean-Claude Defossé ...Congrès démocratique des peuples...

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Rapport des parlementaires bruxellois Jean-Claude Defossé (Ecolo), Fatoumata Sidibé (FDF) et André du Bus (CDH) en mission d'observation non officielle à Silivri (Turquie), avec Mehmet Koksal (journaliste indépendant), pour suivre le procès des journalistes emprisonnés et poursuivis 21-24 avril 2013 Légende : Ceci n'est malheureusement pas une caricature ! Les photos étant interdites au tribunal, Jean-Claude Defossé a décidé de réaliser ce dessin de presse pour témoigner à partir de son champ de vision. Quel intérêt d'une telle mission pour les Belges ? La Turquie est un important partenaire de la Belgique, les deux pays entretiennent des relations de très longues dates. La Turquie est notre allié au sein de l'OTAN, elle est membre fondateur du Conseil de l'Europe et donc signataire de la Convention européenne des droits de l'homme et candidate à l'Union européenne. Par ailleurs, une importante communauté turque (Turcs et Belgo- Turcs) vit en Belgique et cette communauté est fortement présente et active en Région bruxelloise. 600.000 Belges ont passé leurs vacances en Turquie en 2012 (soit 1 Belge sur 20 !). Le Parlement francophone bruxellois ainsi que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont voté en 2012, dans le cadre des matières transférées, un nouvel accord de coopération avec la Turquie qui prévoit notamment en son article 18 un échange de journalistes entre la Turquie et la Belgique francophone. Récemment plusieurs ministres du gouvernement belge ont signé un Memorandum avec des ministres turcs en vue d'intensifier la collaboration entre les deux pays en matière de lutte antiterroriste, de justice et de coopération policière. Or, depuis des années de nombreuses organisations internationales (OSCE, UE) et non-gouvernementales (RSF, CPJ, HRW, Amnesty) dénoncent les atteintes à la liberté d'expression et à la liberté de presse en Turquie. Selon le Comité de protection des journalistes, la Turquie est le premier pays au monde (devant la Chine et l'Iran) qui compte le plus grand nombre de journalistes emprisonnés (68 à ce jour) sans compter les centaines d'autres qui sont poursuivis et en attente d'un jugement.

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Rapport des parlementaires bruxellois Jean-Claude Defossé (Ecolo), Fatoumata Sidibé (FDF) et André du Bus (CDH) en mission d'observation non officielle à Silivri (Turquie), avec Mehmet Koksal

(journaliste indépendant), pour suivre le procès des journalistes emprisonnés et poursuivis 21-24 avril 2013

Légende : Ceci n'est malheureusement pas une caricature ! Les photos étant interdites au tribunal, Jean-Claude Defossé a décidé de réaliser ce dessin de presse pour témoigner à partir de son champ de vision.

Quel intérêt d'une telle mission pour les Belges ? La Turquie est un important partenaire de la Belgique, les deux pays entretiennent des relations de très longues dates. La Turquie est notre allié au sein de l'OTAN, elle est membre fondateur du Conseil de l'Europe et donc signataire de la Convention européenne des droits de l'homme et candidate à l'Union européenne. Par ailleurs, une importante communauté turque (Turcs et Belgo-Turcs) vit en Belgique et cette communauté est fortement présente et active en Région bruxelloise. 600.000 Belges ont passé leurs vacances en Turquie en 2012 (soit 1 Belge sur 20 !). Le Parlement francophone bruxellois ainsi que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ont voté en 2012, dans le cadre des matières transférées, un nouvel accord de coopération avec la Turquie qui prévoit notamment en son article 18 un échange de journalistes entre la Turquie et la Belgique francophone. Récemment plusieurs ministres du gouvernement belge ont signé un Memorandum avec des ministres turcs en vue d'intensifier la collaboration entre les deux pays en matière de lutte antiterroriste, de justice et de coopération policière. Or, depuis des années de nombreuses organisations internationales (OSCE, UE) et non-gouvernementales (RSF, CPJ, HRW, Amnesty) dénoncent les atteintes à la liberté d'expression et à la liberté de presse en Turquie. Selon le Comité de protection des journalistes, la Turquie est le premier pays au monde (devant la Chine et l'Iran) qui compte le plus grand nombre de journalistes emprisonnés (68 à ce jour) sans compter les centaines d'autres qui sont poursuivis et en attente d'un jugement.

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Pourquoi cette mission d'observation non officielle ? Depuis près de deux ans, la Fédération européenne des journalistes (EFJ) a lancé, notamment grâce au travail de son vice-président belge Philippe Leruth, une campagne de soutiens aux journalistes incarcérés en Turquie. L'Association des Journalistes Professionnels (AJP) ainsi que son pendant flamand (VVJ) ont déjà demandé aux responsables politiques de notre pays de réagir face à cette situation inacceptable. A ce jour, seuls le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Sénat ont voté des résolutions demandant à nos gouvernements d'intervenir pour faire libérer ces journalistes. En cohérence avec la résolution votée, le député Jean-Claude Defossé a proposé de mettre sur pied une délégation officielle du Parlement de la FWB composée d'un parlementaire de chaque parti pour assister aux audiences à Silivri où 44 journalistes étaient appelés à comparaître. Dans le contexte des élections communales et donc des enjeux électoraux, les élus du PS et du cdH ont voté contre une telle délégation et le MR s'est abstenu faisant ainsi capoter la proposition. Jean-Claude Defossé a alors décidé de se rendre tout seul en compagnie du journaliste indépendant Mehmet Koksal (par ailleurs vice-président de l'AJP et co-coordinateur de la campagne européenne pour la libération des journalistes en Turquie pour la Fédération européenne des journalistes). Le sénateur André du Bus (cdH) s'y est joint, comme il s'y était engagé lors du vote de la résolution au Sénat, et la députée bruxelloise Fatoumata Sidibé (FDF) a souhaité également se joindre à la délégation belge non officielle. C'est donc une mission non officielle mais qui a voulu faire preuve de cohérence et de suivi à l'égard des textes votés dans les différents parlements.

Contexte de la mission : L'arrivée des parlementaires belges en Turquie le 21 avril 2013 survient à un moment de transition historique que s'apprête à franchir le pays. Pour la première fois de son histoire, le gouvernement turc a décidé d'entamer des négociations de paix avec Abdullah Öcalan (leader du PKK) en vue de trouver une solution pacifique à la question kurde (30 ans de conflit armé et plus de 40.000 morts). Mis sous pression par l'Union européenne (la Commission et le Parlement européen publient régulièrement un rapport de suivi mentionnant systématiquement les atteintes à la liberté de presse) et le Conseil de l'Europe (le pays est le champion du monde des condamnations à Strasbourg pour des cas de violation des droits de l'homme), le gouvernement turc a adopté un quatrième paquet de réformes qui pourrait notamment bénéficier aux journalistes détenus. Se présentant comme un modèle politique et économique au Moyen-Orient, la Turquie est en conflit ouvert avec le régime syrien de Bachar Al Assad, elle a besoin de pacifier ses rapports avec les Kurdes pour éviter une scission du pays.

Programme de la missionLundi 22 avrilRendez-vous au minibus en direction de Silivri mis à disposition par la Plate-forme pour la liberté des journalistes. Il s'agit d'une initiative du syndicat des journalistes de Turquie (TGS), du Conseil de la presse turque, de l'association des journalistes de Turquie (TGC), du syndicat des journalistes progressistes (CGS), de l'association des journalistes d'Izmir, d'Istanbul et d'Ankara. La plate-forme a une présidence tournante (le porte-parole actuel est Kaan Karcılıoğlu, dirigeant du Conseil de la presse), un pot commun pour financer des minibus d'observateurs pour suivre les procès des journalistes ou pour soutenir des projets spécifiques comme l'édition du Journal Deténu (Tutuklu Gazete). Ce journal est entièrement rédigé par les journalistes détenus toute tendance confondue, mise en page par le TGS et distribué comme supplément gratuit par plusieurs quotidiens nationaux.

Rencontre avec le journaliste Nazim Alpman (éditorialiste Birgün, producteur de documentaire historico-politique, tendance socialiste) :

- son commentaire sur l'état de la presse : environ 5 millions de tirage pour les quotidiens turcs, chiffre stagnant pour une croissance démographique réelle, 90 % des titres font la promotion du pouvoir, pression économique, politique et judiciaire forte envers les journaliste, le pouvoir AKP a surtout peur pour l'image du pays à l'étranger, d'où l'intérêt d'une présence

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parlementaire belge à Silivri aujourd'hui. Avant son arrivée au pouvoir, Erdogan avait besoin de l'Europe mais maintenant il ne voit plus l'intérêt. "Du temps où il était maire d'Istanbul, Erdogan avait comparé la démocratie à un moyen de locomotion. Pour lui la démocratie était comme un tramway, on peut toujours le prendre pour faire un bout de trajet pour ensuite descendre du tram et continuer son chemin à l'aide d'un autre moyen". Le Premier ministre a fait beaucoup de rapprochements avec les Kurdes mais il ne respecte pas vraiment ses engagements car pour lui la religion est devenue le nouveau ciment de l'identité turque. On est peut-être au passage de « nous sommes tous des Turcs » à « nous sommes tous des musulmans ». - sa situation personnelle : il a passé plusieurs années en prison pour ses activités en tant que journaliste. Aujourd'hui, il réalise surtout des documentaires pour la télévision, il écrit des livres et il est éditorialiste pour le quotidien Birgün. Les collaborateurs de Birgün ne perçoivent pas de salaires car l'ensemble des revenus sert à payer les frais de justice ou les dommages et intérêts suite aux procès intentés envers les journalistes de la rédaction. Ce quotidien de gauche a un petit tirage (10.000 exemplaires), il est distribué dans les grands centres urbains et est la propriété des journalistes (pas de patron). Nazim Alpman a réalisé plusieurs reportages et documentaires sur la liberté de presse en Turquie, les journalistes assassinés durant les années 90 (le cas de Metin Göktepe), la répression contre le mouvement syndical lors du 1er mai, les pogroms antijuifs de 1934 en Thrace,... Son dernier livre parle des négociations autour de la question kurde en Turquie.

Arrivée à Silivri Nous observons des barbelés et des barrières nadars. Pour le personnel de la gigantesque prison, il y a des aires de jeu-détente, une mosquée, une école. Un curieux contraste se présente à nous car nous arrivons à l'heure de la récréation, les cris joyeux des enfants brisent ce paysage sinistre. On passe un premier contrôle d'identité, on constate des stations d'épuration d'eau, des bruits de racolage au sol par les pelles, l'odeur de l'herbe fraîche coupée, des camions avec lance eau. On se trouve dans une zone militarisée qui compte 11.000 détenus.Pour les visites familiales, le passage se fait par un contrôle d'accès par rétine avant de pouvoir passer les portes blindées et rencontrer les détenus. Une heure de visite par mois est autorisée pour les membres de la famille du premier degré.Brève rencontre avec Ahmet Shik, journaliste et photographe d'investigation, il a récemment passé 13 mois en détention préventive dans le cadre de l'affaire OdaTV pour un livre qui n'avait même pas encore publié. Rencontre avec Ercan Ipekçi, président du syndicat des journalistes de Turquie : Discussion sur le rôle de son organisation qui consiste à fournir une aide à la création de la plateforme de soutien, faire le suivi des conditions de détention des journalistes, coordination du programme d'adoption (environ 15 journalistes adoptés par les associations européennes de journalistes). Actuellement, il y a 58 journalistes en détention préventive et 10 déjà condamnés, soit un total de 68 journalistes détenus selon le syndicat. Les réquisitoires ne font mentions que des faits à caractère journalistique pour motiver des condamnations sur base des lois antiterroristes. Il précise que certains journalistes ont été condamnés à la détention à perpétuité. Le parquet s'appuie beaucoup sur des témoignages anonymes. Procès KCK Presse, au moment de l'entrée dans la salle d'audience, nous observons une forte présence des forces de l'ordre (gendarmes et autres), un escadron spéciale d'une quinzaine d'agents dans le style « robocop », des matraques, des boucliers, des bottes. Dans la salle, les collègues et les membres de la famille des journalistes détenus sont très émus, ils se font de nombreux signes de la main, un sas de gendarmes les sépare, plusieurs caméras surveillent le public, d'autres pointent sur les détenus. Aujourd'hui 44 journalistes sont appelés à comparaître, moments d'émotion intenses entre collègues libres et détenus avant le début de l'audience. Zéro sens de l'humain dans le dispositif. Beaucoup de femmes sont présentes parmi les suspects, les magistrats sont civils mais les tribunaux ont des pouvoirs spéciaux. Il y a trois juges et un procureur.

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Début de l'audience KCK : vérification des présences pour les suspects qui déclinent leurs identités en langue kurde, vérification des présences pour les avocats de la défense. Les avocats défendent l'ensemble des suspects à l'exception d'un correspondant de Vatan (quotidien) qui a son propre avocat. Poursuite de la lecture du réquisitoire du parquet effectuée, à notre grande surprise, par une journaliste speakerine de la télévision publique TRT. Les preuves du parquet s'appuient sur des "témoins anonymes", des écoutes téléphoniques, la présence des suspects à des événements publics (conférence, meeting, fête,...) et des publications assimilés à de la propagande en faveur du PKK. Les pages du réquisitoire lues par la speakerine se rapportent aux relations du comptable d'Azadiya Welad (quotidien en langue kurde) qui entretenait des relations téléphoniques avec des dirigeants du Congrès démocratique des peuples (DTK). Le parquet tente de prouver ses collusions avec cette organisation suspectée de faire la propagande du PKK. 10h25, arrivée de Sema Tuncer (députée kurde du BDP au Parlement turc) pour suivre les débats. 10h40, arrivée de Levent Tuzel (député turc indépendant au Parlement turc) pour suivre les débats. 11h20 le juge décide de faire une pause de 15 minutes. Rencontre avec le députée turc Levent Tuzel (indépendant) : il suit régulièrement ce procès qu'il qualifie de procès politique. Il insiste sur le fait que l'ensemble des acteurs (journalistes, académiciens, écrivains, artistes,...) qui sont actifs dans le suivi des demandes des populations kurdes sont régulièrement mis sous pression par les autorités turques. Il précise que c'est surtout les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme basée à Strasbourg qui ont poussé le gouvernement turc à adopter le quatrième paquet des réformes judiciaires (récemment voté au Parlement turc et en cours de ratification par le président Gül). La principale modification qui concerne les journalistes détenus se réfère à l'ajout de 'ceux qui n'ont pas concrètement participé à des faits de violence ne peuvent pas être poursuivis sur base des lois antiterroristes'. Levent Tuzel veut voir si le tribunal va déjà appliquer le contenu du paquet. Il critique aussi l'interprétation trop large de la notion de terrorisme. Les journalistes et les Kurdes ne représentent qu'une partie du problème car toute forme de contestation de l'AKP est sujette à une criminalisation potentielle. A l'heure actuelle, 8 députés (5 BDP, 2 CHP et 1 MHP) sont en prison. Tous ont été élus en prison parce qu'ils sont en détention préventive (donc présumés innocents), ils n'ont pas pu prêter serment mais ils perçoivent leurs salaires de député (reconnaissance indirecte de leur légitimité). En cas de condamnation, ils perdront leurs statuts de député. Rencontre avec les parents (maman et papa) du journaliste kurde Omer Celik détenu depuis 17 mois : ils nous expliquent que leur fils était parti à Van suite à un tremblement de terre pour couvrir l'événement pour son journal, il a notamment écrit des articles pour dénoncer le détournement de l'aide officielle destinée aux rescapés au profit des proches et des sympathisants de l'AKP. Deux ou trois jours plus tard à son retour à Istanbul, il a été arrêté pour propagande en faveur d'une organisation terroriste. Ils estiment que leur fils n'est pas un terroriste, qu'il est poursuivi parce qu'il est d'origine kurde. Ils viennent à chaque audience du procès pour parler même brièvement avec leur fils, ils lisent les lettres qu'Omer Celik leur envoie de la prison et ils lui rendent visite chaque mois pendant une heure. Leur fils est détenu en compagnie de deux autres journalistes kurdes dans la même cellule à la prison de Kandira.

Rencontre avec Sebahat Tuncel et Mulkiye Birtane (deux députées kurdes du BDP au Parlement turc), discussions sur les négociations en cours entre le gouvernement et le PKK : le désarmement et le retrait du PKK est en cours mais il faut aussi que le gouvernement turc fasse des pas en direction de la partie adverse pour aboutir à une solution définitive de la question kurde. La libération des détenus dans l'affaire KCK sera déjà un premier geste bienvenu. Elles estiment que l'Union européenne doit également jouer son rôle en retirant le PKK de la liste des organisations terroristes pour enlever un argument majeur du gouvernement turc et faciliter la réconciliation. Interviews des députés belges par la presse locale. La députée Sebahat Tuncel explique qu'elle a participé à deux reprises à des conférences au Parlement européen basé à Bruxelles mais qu'elle ne peut dorénavant plus quitter la Turquie suite à une condamnation judiciaire récente lui interdisant de voyager.

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Dîner express dans la cafétéria de la prison mise à disposition du public, on remarque que même les gobelets portent le sceau du ministère de la Justice ainsi que l'inscription « prison à ciel ouvert de Silivri ». Quelques interviews sont accordées à des journalistes locaux pendant le repas. Un intérêt particulier pour Fatoumata Sidibé par une journaliste locale.

Rencontre avec Johann Bihr et Erol Önderoglu de Reporters Sans Frontières. Discussion sur l'index annuel de RSF sur la liberté de presse dans le monde et son impact au niveau local turc. Erol Önderoglu (RSF) explique la recette du succès d'un tel index mondial : même critères pour tous les pays, comptage systématique, suivi de l'évolution, concurrence entre les pays au sein du classement et effet de comparaison (aucun pays n'aime se trouver proche des ennemis traditionnels de la liberté de presse).

Point de presse devant la salle des audiences : expressions du soutien des organisations de journalistes turcs et étrangers (RSF, FEJ, DJU) et des députés belges et kurdes pour la liberté de presse et la liberté d'expression. André du Bus rappelle à cette occasion les résolutions votées au Sénat belge qui invite le gouvernement belge à demander aux autres dirigeants européens d'intensifier les pressions sur la Turquie en vue de garantir le respect de la liberté de presse. Fatoumata Sidibé précise qu'ils sont venus, ont vu et vont rapporter à Bruxelles le scandale qui est en cours envers les journalistes dans ce pays. Jean-Claude Defossé a répété qu'il n'était pas question d'accepter ces pressions envers la liberté de presse et la liberté d'expression dans un pays qui se situe à la porte de l'Europe et qui est candidate à l'Union européenne.

En plein milieu des prises de parole devant les caméras, les gendarmes veulent interdire l'action. On assiste à quelques moments d'excitation entre policiers et journalistes couvrant l'événement puis une médiation tendue des députés et des journalistes pour pouvoir terminer le point de presse sans incident. Jean-Claude Defossé demande aux journalistes de filmer le comportement hostile des gendarmes.

Ercan Ipekçi (TGS) fait remarquer que les juges à Silivri commencent toujours les audiences en précisant bien que les audiences ne se déroulent pas dans l'enceinte d'une prison, qu'une séparation au fil barbelé existe et que les audiences sont dotées d'une porte d'accès différente de celle du centre de détention et qu'on ne peut dès lors pas dire que les audiences se déroulent à la prison de Silivri. L'incident avec les gendarmes (pas de compétence du juge sur l'espace public) et les gobelets de la cantine prouvent, si besoin en était, que les audiences ont bel et bien lieu dans une prison.

Passage vers les audiences dans l'affaire Ergenekon (selon le parquet, Ergenekon est une organisation secrète rassemblant des militaires, des journalistes, des professeurs, des maffieux,... de tendance kémaliste ou nationaliste qui organisaient des attentats ou élaboraient des plans en vue de commettre des attentats dans le but de faire un coup d'Etat contre l'AKP).

Observation : 52 gendarmes chargés de la surveillance dans la salle, ce sont tous de très jeunes types. Le juge donne une heure au suspect Sedat Peker (homme d'affaires maffieux) pour se défendre, il est accusé d'avoir créé un site internet "ozturkler.com" qui avait pour but de diffuser des informations dans le but de favoriser les objectifs d'Ergenekon. Deux écrans géants dans la salle, l'un sur le suspect et l'autre sur le décompte de son temps de parole. On dirait qu'il pleurniche pour se défendre. Dans la salle, certains suspects sont escortés par les gendarmes d'autres pas. Procès très suivi vu le nombre du public dans la salle mais peu de journalistes de grands médias. A la cantine du procès, un observateur explique que les preuves du parquet sont trop vagues et contiennent d'importantes lacunes, ce qui donne l'impression que l'objectif du tribunal consiste surtout à donner corps à l'hypothèse de l'existence de ce réseau très complexe.

Retour à Istanbul, rédaction du rapport provisoire de la journée.

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Mardi 23 avrilVisite de la rédaction d'Özgür Gündem (un des principaux quotidiens kurdes en langue turque, tendance BDP). Journal kurde de référence, tirage quotidien de 25.000 exemplaires, 72 membres de la rédaction tués depuis la fondation du journal en 1989. Rencontre avec Oguz Birinci (rédacteur-en-chef des pages politiques) : historique de l'évolution de la question kurde, période 84-90 guerre intense entre le PKK et l'Etat turc, période d'après 1990 assouplissement de la répression, le droit de manifester sans être tué semble acquis, le nombre de manifestants explose. D'où l'idée de créer Özgür Gündem afin d'être le porte voix de ces manifestants qui réclament des droits fondamentaux. Le journal a été créé en 89 d'abord comme hebdomadaire et il est devenu un quotidien en 1992. Régulièrement censuré, plusieurs fois contraints à la fermeture, le journal a paru sous différent nom pour continuer à paraître.

Il n'y a que deux ans qu'ils ont pu reprendre leur nom originel. La question kurde, vu sa mobilisation populaire, est devenu la principale question qui concerne toutes les populations du pays. Sur 75 millions de citoyens de Turquie environ un tiers (25 millions) sont des Kurdes, dont dix millions sont mobilisés pour la cause kurde. Istanbul compte par exemple environ cinq millions de Kurdes et le parti BDP a recueilli 600.000 voix à Istanbul lors des dernières élections. Le reste vit surtout dans la région du Kurdistan turc mais il existe aussi de fortes concentrations de Kurdes dans plusieurs provinces un peu partout en Turquie. Les revendications des Kurdes ? Seize régions autonomes dans une République vraiment démocratique avec des droits égaux pour tous. Demandes pressantes : autoriser l'enseignement en langue maternelle kurde, création des parlements régionaux. Le Parlement turc compte actuellement 550 députés dont environ 150 sont d'origine kurde, l'AKP compte par exemple 70 députés kurdes, il y a aussi des députés kurdes chez les républicains du CHP et même chez les nationalistes du MHP. Des associations kurdes ont mis sur pied un Parlement régional officieux du Kurdistan turc. Aujourd'hui, Özgür Gündem compte neuf journalistes en détention dans le cadre du procès que nous avons suivi à Silivri.

Rencontre avec Aris Nalci (journaliste arméno-turc qui travaille pour la chaîne privée IMC) : historique de la situation de la communauté arménienne en Turquie. Depuis ces cinq dernières années, une commémoration du génocide arménien est autorisée sur place Taksim. Auparavant, c'était impossible d'imaginer un tel événement en Turquie. Chaque année, le nombre de participants augmente et ce ne sont pas seulement des membres de la communauté arménienne qui y participent car des Turcs et des Kurdes s'y trouvent également. L'initiative d'une telle commémoration est d'ailleurs venue de plusieurs associations kurdes et turques, ce qui est logique car la communauté arménienne se profilant apolitique ne pouvait pas lancer une telle initiative. Aujourd'hui, on compte environ 45.000 de citoyens d'origine arménienne à Istanbul. Ils sont surtout préoccupés par le maintien des écoles et des églises arméniennes. Contrairement aux Kurdes, les Arméniens ont le droit d'enseignement en langue arménienne car c'est un droit acquis lors du Traité de Lausanne (1923) qui reconnaît 3 minorités (Orthodoxes grecs, les juifs et les Arméniens). Il n'est pas possible de créer de nouvelles écoles ou églises arméniennes mais les autorités turques accordent « le droit » de les fermer.

La religion des citoyens figure aussi sur leur carte d'identité (4 choix possibles : chrétien, juif, islam ou pas de mention). « Chrétien » englobe les orthodoxes grecs et les Arméniens. Cette mention est obligatoire pour pouvoir accéder aux écoles de la communauté. Il est possible de laisser la case vide suite à un jugement délivré par un tribunal mais l'administration semble récalcitrante à accéder aux demandes des non-croyants. L'identité religieuse est également reprise (non officiellement) dans les 2 premiers chiffres des numéros de série du passeport (31... pour les Arméniens ou 84..... pour les juifs). Dates importantes pour la communauté arménienne : 1915 (génocide), 1944 (loi sur le patrimoine des communautés qui est une opération de nationalisation des avoirs via l'impôt ou un travail forcé), 1955 (deuxième vague de mesures discriminatoires et qui visent les Arméniens).

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Objectif : transfert des avoirs des non musulmans vers les populations musulmanes. Possibilité d'échapper aux impôts à travers la conversion, c'est la promotion d'une politique d'assimilation. Quasi tous les dix ans la mesure revient, ce qui correspond à une durée suffisante pour oublier. Des députés kurdes qui siègent au Parlement turc ont reconnu le génocide arménien. Il remarque aussi un grand problème pour la liberté de presse car des journalistes sont maintenus de longues années en détention préventive en attendant l'acte d'accusation, il existe beaucoup de problèmes pour vérifier les accusations du parquet et même en cas d'erreur (le cas d'un journaliste qui a passé trois ans en prison pour avoir demandé l'heure à sa copine car le parquet a considéré qu'il s'agissait d'un message codé). La marge d'interprétation des juges est beaucoup trop grande et varie en fonction du moment. Assassinat de Hrant Dink, journaliste arméno-turc du quotidien Agos. Il a lui-même été poursuivi en 2006 en compagnie de Hrant Dink pour avoir écrit un article évoquant le génocide arménien, ce qui a été interprété comme une « insulte à l'identité turque ». Parmi les 550 députés au Parlement, il n'y en a aucun d'origine arménienne. C'est le cas depuis 1956. Pourtant les Arméniens de Turquie jouent et ont joué un rôle important au niveau politique et même linguistique en Turquie. Un ami d'Atatürk d'origine arménienne a dirigé l'organisme public de la langue turque.

Rencontre avec Guillaume Perrier (correspondant permanent du Monde à Istanbul). Il vient de publier avec Laure Marchand (correspondant permanent du Figaro à Istanbul) un livre La Turquie et le fantôme arménien (Actes Sud, mars 2013). Passage d'un Etat militaire à un Etat policier (les effectifs de la police ont été multipliés par 5). La question identitaire est centrale. On a l'impression que le pouvoir se sert de la justice pour régler ses comptes à l'égard des personnes dérangeants comme c'est le cas dans l'affaire KCK (Kurdes et pro-kurdes) et d'autres affaires qui concernent plus les Kémalistes. Le fond du problème reste identique : les institutions ne sont pas démocratiques. Discussion et éclairage sur le mouvement Gülen qui contrôle des médias, des écoles, des associations d'hommes d'affaires, des services de police et une partie de la justice. Manque de transparence sur son financement. Conflit récent en Gülen et Erdogan car ce dernier n'est pas assez démocratique mais les deux courants ont besoin l'un de l'autre pour rester au pouvoir. Pas vraiment d'alternative sérieuse et démocratique à ce pouvoir. Processus d'adhésion à l'Union européenne ? Qui aurait encore envie d'entrer dans l'Union européenne ?

Rencontre avec la rédaction de Bianet (réseau indépendant d'information). Emel Gulcan (rédactrice spécialisée sur la liberté de presse en Turquie) et Haluk Kalafat (rédacteur-en-chef) présentent la spécialité de cette « agence » fondée en 2000 qui travaille en publiant toujours ses sources d'information. Son financement s'appuie sur des fonds publics de l'agence de développement suédoise et des fonds européens. Le Premier ministre Erdogan a déjà tenté de criminaliser les associations qui bénéficient de fonds européens (des fonds allemands étaient particulièrement visés). Bianet ne fait pas « un journalisme de provocation » mais « un journalisme promoteur de la paix ». Depuis janvier 2012, publication d'une série sur les crimes commis envers les journalistes et les suites judiciaires.

Bianet publie également depuis 2001 un très intéressant rapport trimestriel sur la liberté de presse et la liberté d'expression dans le pays. Ce rapport se subdivise en plusieurs chapitres : crimes envers les journalistes et suites judiciaires, procès intentés envers les journalistes, attaques, menaces et intimidations des journalistes, évolution législative qui concerne la presse, les nouveaux cas de censure, suivi des recours introduits par des citoyens depuis la Turquie auprès de la Cour européenne des droits de l'homme qui concerne la presse. Les principales sources de Bianet sont les avocats, les correspondants judiciaires, les rapports officiels, les autres médias. D'après la rédaction de Bianet, il y a d'importantes réformes engagés pour répondre aux critères d'adhésion mais l'application de ces réformes n'est pas visible dans les faits. Peu de changement en réalité car difficulté de changer les mentalités. Il y a aussi des améliorations pour la situation des journalistes qui travaillent en Turquie car auparavant il y avait beaucoup d'assassinats de journalistes et donc peu étaient en prison. Aujourd'hui, les prisons sont pleines et les journalistes sont généralement

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arrêtés dans le cadre de rafles ou d'opération policière de grande envergure.

Haluk Kalafat évoque ensuite le cas de la journaliste Fusun Erdogan (collaboratrice de Bianet) qui est toujours en prison. Elle a pu prendre connaissance de son acte d'accusation un an et demi après son arrestation, jusque là il lui était interdit de consulter son dossier. Par ailleurs, la législation turque contient une disposition qui permet de soustraire indéfiniment l'acte d'accusation au détenu et à son avocat pour « garantir le secret de l'instruction ». Aujourd'hui, on assiste peut-être à une période de transition, un vent de pacification souffle sur le pays. Les négociations actuelles sont soumises à d'importantes pressions pour susciter l'échec. Si on passe ce cap, on sera à la deuxième étape qui consiste au désarmement et à la création d'espaces de négociations où les conflits resteront certes mais devront être résolus sans les armes.

Visite de la rédaction d'Etkin Haber et du journal Atilim (agence de presse, tendance extrême gauche). Rencontre avec la journaliste Arzu Demir et ses confrères. Tous sont inculpés et tous ont déjà une expérience en prison et une expérience de la torture durant les années 90. Un étudiant assiste également à la réunion, il a récemment été condamné à 26 années d'emprisonnement, il est en liberté conditionnelle et son affaire est actuellement en appel. Arzu Demir (suspect dans l'affaire KCK) explique que les autorités lui en veulent énormément d'avoir écrit des articles relatant les témoignages des victimes de viol et de torture effectué par un fonctionnaire de police très puissant à Istanbul. En 1996, alors qu'elle était étudiante, Arzu Demir ajoute qu'elle a été torturée à l'aide d'électrochocs transmis par câble sur le bout des doigts, des seins et sur la tête. Tout était fixé à l'aide de chiffon mouillé pour éviter les traces de brûlures, il y avait également des volontés d'attouchements sexuels envers ses connaissances. Elle pense qu'à travers ces méthodes, les autorités ont voulu lui faire peur pour qu'elle arrête de militer. Sa dernière détention en préventive date de 2012. Aujourd'hui, la torture n'est presque plus pratiquée mais les manifestations sont réprimées de manière très violente à l'aide de gaz lacrymogène et d'autopompe à eau. Ce qui fait dire à la rédaction que la violence a changé de lieu et que le pouvoir préfère maintenant utiliser une autre stratégie pour faire taire les manifestants. Il n'y a plus de violence physique mais les réquisitoires sont truffés de mensonges pour maintenir la pression sur les journalistes.

Mercredi 24 avril Participation à la manifestation organisée par IHD (association des droits de l'homme à Istanbul) pour commémorer le 98e anniversaire du génocide arménien que l'Etat turc continue de nier encore aujourd'hui. Rendez-vous à midi devant le musée des arts turco-islamiques (Türk-Islam eserler müzesi) située sur la place Sultanahmet. Ce musée est un lien symbolique car à l'époque de l'Empire ottoman c'était une prison où les dirigeants de l'époque ont enfermé les intellectuels arméniens avant le transfert vers la gare pour ensuite procéder à leur déportation en vue d'extermination. C'est pourquoi elle représente en quelque sorte le point de départ qui va conduire au génocide de 1915. Madame Umit Efe (présidente d'IHD) précise que le groupe a d'abord été se recueillir sur la tombe d'un ex-fonctionnaire turc de la province de Kütahya considéré aujourd'hui comme « un juste » pour avoir refusé d'appliquer les ordres de l'époque. Conversation avec des correspondants de presse française (RFI et AFP) qui couvrent l'événement.

Retour vers l'aéroport d'Istanbul. Fin de la mission

En guise de conclusionJean-Claude Defossé : « Après cette très (trop) brève mais très intense mission nous avons le sentiment d’avoir été utiles. Ne fût-ce que les regards et les remerciements des journalistes détenus que nous n’avons hélas pas pu approcher, car séparés de nous par des gendarmes, méritaient amplement le voyage. Ces malheureux ont pu avoir l’impression que le reste du monde se préoccupe de leur sort. Les très nombreux échos dans la presse turque de notre passage ainsi que les

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quelques articles ou dépêches d’agences en Belgique, nous ont persuadé de la nécessité de briser ce tabou sur la situation des journalistes qui constitue un vrai scandale aux portes de l’Europe. Pour nous, ce n’est que le début d’une action qui doit mobiliser plus largement le monde politique belge que nous estimons beaucoup trop frileux dans la défense des libertés en Turquie pour des raisons peu avouables. Nous pensons aussi (et cela est encore plus surprenant) que la presse belge et internationale n’en fait manifestement pas assez pour aider leurs confrères emprisonnés. Il y a une curieuse omerta de certains médias sur ce sujet que nous avons du mal à saisir. Nous sommes en effet convaincus que ce n’est qu’en multipliant des initiatives de toutes sortes et en évoquant ce sujet beaucoup plus dans les médias qu'on poussera la Turquie à respecter les droits l’homme comme elle est sensée le faire vu les nombreux engagements qu’elle a signés. Nous allons de notre côté continuer à proposer aux différentes assemblées belges (Chambre, PRB, PFB, PW et même Parlement flamand) de voter des résolutions visant à faire pression sur Ankara dans cette affaire. »

Fatoumata Sidibé : « Ce furent des moments très intenses et denses. Il y a une attente grande de la part de la communauté internationale, de l’Europe. Bruxelles est la capitale de l‘Europe et nous espérons que notre voix va se faire entendre, que nous allons porter la voix de ces sans-voix accusés ou condamnés pour avoir fait entendre leurs voix. La Turquie est championne du monde toute catégorie en matière d’atteinte à la liberté d’expression et à la presse. Il est de notre devoir de témoigner, dire ce que nous avons vu, entendu, de montrer notre indignation. Nous espérons que notre action va mobiliser d’autres parlementaires en Belgique et en Europe. Nous avons fait œuvre utile mais le combat continue. Il faut que ces journalistes, éditorialistes incarcérés ou en attente d’une condamnation ne soient pas condamnés aux oubliettes. Le silence qui entoure leur détention et leurs condamnation est pour eux un seconde condamnation. Ce n’est pas seulement l’injustice qui emprisonne, c’est aussi le silence et l’indifférence. »

André du Bus : « «Réflexions suite à une mission de trois jours en Turquie avec les députés Jean-Claude Defossé (Ecolo), Fatoumata Sidibé (FDF) et le journaliste indépendant Mehmet Koksal, sur les enjeux politiques liés au respect de la liberté de la presse, aux revendication kurdes et à la question de la reconnaissance du génocide arménien.

1. Impressions générales à propos d'Istanbul : Le touriste, l'étranger qui débarque aujourd'hui à Istanbul ne peut être que saisi par le caractère performant de la gestion de cette ville. M'y étant rendu déjà à deux reprises, en '77 et en '93, j'ai pu mesurer l'évolution dans trois domaines :

• La propreté : on ne relève aucune trace de saleté dans les rues, aucun papier, aucun sac en plastique, aucune canette, aucun mégot par terre, des poubelles enterrées, et, curiosité, peu de balayeurs, du moins visibles durant la journée.

• Les services des transports en commun (métro, tram, bus, bateaux) : on apprécie la rapidité du service liée à une fréquence soutenue, une facilité d'accès par l'intermodalité du système unique de paiement (puce) et la modernité du matériel roulant.

• La gestion chantiers : ceux-ci sont propres et bien isolés de la rue par des palissades en alu. De plus ils garantissent une information correcte et permanente par un affichage des plans, coupes et élévations des projets de construction/rénovation.

Par contre, la persistance d'un régime fort est perceptible à tous les coins de rue. La surveillance est assurée dans les lieux publics par des systèmes de caméras et par une police omniprésente. Les effectifs de la police ont été multipliés par 5 ces dix dernières années. Ce qui est manifeste au vu de l'âge particulièrement jeune des policiers. On s'en rendra compte au site de Silivri, la prison « à ciel ouvet », dans la Jandarmia, la police chargée de la surveillance des prisons. Incontestablement le passage d'un régime militaire à un régime policier n'est pas une formule creuse.

2. Evolution et perspectives politiques liées aux tensions multiples et croisées :

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1. A l'Est ou à l'Ouest ? Plutôt à l'Est et à l'Ouest ! Avec un taux de croissance supérieur à 8 % le pays est reconnu comme terrain d'investissement de prédilection pour les acteurs économiques européens tout comme pour les investisseurs ... russes, chinois et asiatiques en général. Ce qui explique l'évolution en demi-teinte de la candidature de la Turquie à l'UE. Ce n'est pas seulement en réponse aux freins actionnés par plusieurs pays européens à son adhésion à l'Union qu'Ankara s'est récemment rallié à l'Organisation de Shangaï qui regroupe les « Grands » du monde de l'Asie. C'est surtout un principe de réalité qui guide ce pays de plus de 75M° d'habitants à rejoindre les grands acteurs économiques du continent asiatique. Ankara fait clairement comprendre que le maintien de sa croissance n'est pas forcément tributaire de son adhésion à l'UE. « Cap à l'Est » lançait Guillaume Perrier dans un article récent du Monde consacré à la situation de la Turquie. En somme rien de vraiment neuf pour un pays qui a toujours joué le trait d'union entre les continents et donc assuré le rôle de carrefour des cultures et du négoce. Et si l'UE représentait, voici quelques années encore, un gage de stabilité et de croissance pour tous ses pays membres, la récente évolution économique et financière de l'Union n'offre plus le même degré d'attractivité pour un pays comme la Turquie qui bénéficie d'autres leviers de croissance.

2. De nombreuses déclarations d'intention sans réelle concrétisation. La situation des nombreux journalistes en détention préventive reste inacceptable au vu de leurs chefs d'accusation et du cynisme des tribunaux en place. Accusés de terrorisme pour délits de presse et d'opinion (le journaliste Ahmet Shik a fait 13 mois de préventive sur base d'une intention de publication d'un ouvrage ne faisant que compiler des faits précédemment médiatisés) et soumis à l'arbitraire d'un système judiciaire qui utilise sans vergogne les témoins anonymes, les journalistes mènent un combat qui n'est malheureusement pas nouveau. Seule et maigre consolation : l'évolution des formes de répression. D'un système qui pratiquait l'élimination sans vergogne (72 journalistes du quotidien Özgür Gündem, créé en 1989, ont été assassinés, le dernier en 2008), le pouvoir a mis en place des tribunaux d'exception donnant à ses juges le plus large pouvoir d'interprétation. Nous avons assisté ce lundi 22 avril à la reprise de l'audience concernant le jugement 44 journalistes, dont la plupart en détentive, pour faits qualifiés de terrorisme. En réalité des délits de presse liés à la défense de la cause kurde. En guise d'ouverture le président du tribunal invitait chacun à constater qu'en vertu du principe de séparation des tribunaux et des prisons, la tenue du procès se faisait bien dans un tribunal distinct de la prison. A ceci près que la porte latérale du tribunal donnait accès direct à l'enceinte de la prison et qu'un nouveau tribunal, plus spacieux était un voie d'achèvement juste en face. L'ensemble se tenait dans le vaste périmètre de 960.000m² de Silivri, petite cité consacrée à l'incarcération de 11.000 prisonniers. Sorte d'Alacatraz local duquel personne, à ce jour, n'a réussi à s'évader. Seul espace de liberté : le ciel, confirmé par les gobelets de la cafétaria du tribunal sur lesquels est inscrit « Silivri, la prison à ciel ouvert ». C'est le destin actuel de tous les journalistes qui prennent le risque de critiquer, de remettre en question le pouvoir en place. Et ce, alors que la Constitution, via son article 28, garantit que la presse est libre et ne doit pas être censurée. Par ailleurs, tous les observateurs attendent de voir si l'annonce de l'adoption du quatrième paquet de réformes judiciaires permettant de ne plus utiliser le qualificatif de terroriste comme chef d'accusation des délits de presse et d'opinion se traduira par la libération des journalistes indûment emprisonnés. A ce jour, ce paquet de réforme, sous le couvert d'une procédure -lente!- qui attend toujours la signature du Président, ne parvient pas à produire ses effets. Nombreux sont ceux qui attendent également les premières mesures de pacification suite aux déclarations du Premier ministre Erdogan qui, en réponse à l'ouverture faite par le leader historique kurde Oçalan, a laissé filtrer l'espoir d'un

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apaisement de la tension kurde. Pour de nombreux observateurs, un des effets de cette pacification tiendrait dans la levée des chefs d'inculpation des journalistes pro-kurdes. Beaucoup d'espoirs, beaucoup de perspectives donc. Mais force est de constater que ces déclaration ne se manifestent, à ce jour, par aucun fait objectif. En matière de respect des droits de l'homme et des valeurs de la démocratie, la réalité ne plaide toujours pas pour le pouvoir en place. Ce n'est pas pour rien que le dernier rapport de Reporter sans Frontières place la Turquie au 154ème rang mondial en terme de respect de la liberté de la presse. Ankara peut-elle continuer à maintenir une image internationale aussi ternie ? C'est la question à laquelle l'actualité donnera sans doute des éléments de réponse.

3. Religion vs laïcité : un enjeu d'Etat. Le premier ministre Erdogan n'a jamais caché l'inspiration religieuse de sa mission politique. Un enracinement religieux qui, d'abord, reste son vecteur de communication privilégié avec la population, et qui a ensuite, progressivement mais de façon déterminée et bien orchestrée, induit de nouveaux codes culturels et sociaux inspirés d'un islam sunnite modéré. Cette évolution conduit aujourd'hui à une ferveur religieuse qui confine à la pression socio-économique. A tel point que dans de nombreux quartiers commerciaux, il ne fait pas bon pour un commerçant d'être pointé du doigt comme mécréant par sa clientèle. C'est la garantie d'un chiffre d'affaires qui vire à la baisse. Et tout le monde, dès lors, de se retrouver à la mosquée. L'identité religieuse doit s'afficher. Partout, jusque sur la carte d'identité qui mentionne clairement « musulman », « chrétien » ou « juif ». Le « chrétien » intégrant les orthodoxes, les catholiques et donc les Arméniens. Et, selon Aris Nalci, journaliste arméno-turc de la chaîne privée IMC, il n'est pas aisé d'obtenir vierge de toute identité religieuse. Le passeport n'échappe pas à la règle puisque les n° commençant par 31 désignent les Arméniens tandis que les n° commençant par 89 désignent les Juifs ! La machine étatique est bien rodée pour imposer ce réflexe religieux à tous et en toutes circonstances, exceptés aux espaces et lieux publics. Digne héritier de quasi un siècle de laïcité de l'Etat, le port du foulard reste interdit au Parlement. Mais pour combien de temps encore ? Le PKK lorgne avec beaucoup d'envie sur ces parlements européens, berceau du monde judéo-chrétien, qui n'interdisent pas le port des signes religieux à ses parlementaires. Tout un symbole. La question pour les dirigeants du PKK reste de savoir comment utiliser au mieux les procédures démocratiques pour imposer un régime, dans les faits, chaque jour plus islamique. A titre d'exemple, les prêches du vendredi sont toutes sous le contrôle du Dianet qui fait partie des services du Premier ministre. La religion est directement liée au pouvoir et à l'identité. Finalement, comme le dit Guillaume Perrier, on ne peut être Turc sans être musulman. C'est dans cette affirmation identitaire qu'il faut comprendre l'impossibilité, pour le pouvoir, de reconnaître le génocide arménien. Parce que parler du génocide arménien reviendrait à reconnaître qu'une partie importante de la population actuelle a des racines arméniennes et donc non musulmanes. Ce qui reste aujourd'hui encore inacceptable, même si de plus en plus de voix s'élèvent à l'intérieur du pays pour lever cette chape de plomb identitaire. Dans cette perspective, l'espoir de voir les institutions devenir un jour pleinement démocratiques reste ténu. D'autant que les opposants restent eux aussi fortement ancrés dans des réflexes religieux. Aucune véritable alternative démocratique ne parvient à émerger dans ce contexte d'instrumentalisation des structures de l'Etat au service du pouvoir en place. Selon Nazim Alpman, éditorialiste de Birgün, le Premier Ministre Erdogan se sert de la démocratie comme d'un tramway. Il sert à franchir des étapes, mais on en descend quand on veut pour prendre un autre moyen de locomotion pour atteindre sa destination. Seule lueur d'espoir, une décentralisation potentielle du pouvoir, via une déclinaison fédéraliste, qui donnerait davantage de compétences aux communautés locales. Un de nos interlocuteurs évoquait la perspective de la création de 16 régions et d'autant de parlements. Mais cet interlocuteur semble bien seul à partager cette

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perspective. L'avenir apparaît donc bloqué ou suspendu à des ruptures inattendues. Une des questions posées par plusieurs journalistes est de savoir si l'évolution récente des rapports entre Erdogan et Oçalan à propos de la situation kurde constituera un élément déterminant de ces ruptures.

Conclusions de cette missionEn tant que parlementaire fédéral et bruxellois, plusieurs axes de réflexion s'imposent au retour de cette mission :Une meilleure compréhension de l'évolution du positionnement de la Turquie à l'égard de son

adhésion à l'UE. L'utilité de poursuivre les actions publiques en faveur de la libération des journalistes détenus pour

délits de presse. La question de l'instrumentalisation de la religion au service du pouvoir et ce, au détriment des

principes démocratiques qui visent la reconnaissance des individus dans leur diversité identitaire.

Le rôle des communautés turques à l'étranger qui, sous l'empreinte d'une religion elle-même sous le contrôle permanent de l'Etat, participent au lobby international de protection du pouvoir en place, en l'occurrence l'AKP.

La complexité et le caractère paradoxal d'une situation qui 1/ fait aujourd'hui d'Erdogan le personnage qui pourra donner des signaux d'apaisement sur plusieurs fronts : la question kurde et son corollaire, la liberté de la presse, et 2/ A Bruxelles et en contrepoint d'un islam radical prôné par l'Arabie Saoudite dans plusieurs mosquées bruxelloises, l'intérêt, dans les mosquées turques bruxelloises, d'une religion musulmane modérée car précisément sous le contrôle permanent de l'Etat turc.

La nécessité de poursuivre et d'amplifier les relations avec la Turquie qui apparaît comme un pays à la croisée des chemins et qui regorge de vitalité et de potentialités.»

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REVUE DE PRESSE sur la mission

Revue de presse (en langue française)

LE SOIR Procès de journalistes turcs: proches du PKK? Le Soir, 23 avr. 2013, Page 9

Une délégation non officielle de trois parlementaires belges, Jean-Claude Defossé (Ecolo), Fatoumata Sidibé (FDF) et André du Bus (CDH), s'est rendue en Turquie pour assister à la reprise des audiences de l'affaire «KCK Presse». Le journaliste indépendant Mehmet Koksal, vice-président de l'Association des Journalistes professionnels, a accompagné la mission belge ...

Une délégation non officielle de trois parlementaires belges, Jean-Claude Defossé (Ecolo), Fatoumata Sidibé (FDF) et André du Bus (CDH), s'est rendue en Turquie pour assister à la reprise des audiences de l'affaire «KCK Presse». Le journaliste indépendant Mehmet Koksal, vice-président de l'Association des Journalistes professionnels, a accompagné la mission belge sur le terrain. 44 journalistes – dont 24 détenus – sont jugés pour appartenance au PKK, une organisation clandestine militant pour une plus grande autonomie du Kurdistan, considérée comme terroriste par le gouvernement.

Les prévenus, pour la plupart employés par des médias kurdes comme l'agence de presse Dicle , les quotidiens Özgür Gündem et Azadiya Welat , sont accusés de liens avec l'Union des communautés kurdes (KCK), jugée comme la branche urbaine du PKK par les autorités turques. Les audiences ont lieu à l'intérieur de la gigantesque prison spéciale de Silivri, près d'Istanbul. A la stupeur des parlementaires belges, l'acte d'accusation a été lu par une journaliste vedette de la télévision publique turque. « C'est dire à quel point la télévision publique turque est aux mains du pouvoir en place », s'est insurgé Jean-Claude Defossé.

Le procès reprend à moment charnière, un mois après la déclaration d'Abdullar Oçalan, leader du PKK qui a affirmé vouloir en finir avec la lutte armée et souhaiter entrer dans un processus de négociation avec le pouvoir turc en échange d'une reconnaissance de la réalité kurde. Erdogan a répondu favorablement à cette première démarche. Reste à savoir si les déclarations du Premier ministre seront accompagnées d'actes concrets, mais beaucoup espèrent que la reprise des pourparlers entre le gouvernement et le PKK aboutira à la libération de plusieurs journalistes. Le gouvernement turc a par ailleurs adopté un quatrième paquet de réformes judiciaires grâce auquel les inculpés ont pu dès ce lundi, et ce pour la première fois, se défendre en langue maternelle kurde avec l'aide d'interprètes turcs, avec l'autorisation du magistrat de l'application de la nouvelle disposition.

De ce procès, André du Bus retire deux sentiments: « Une impression de violence dès le début de l'audience , explique-t-il. Une violence dans l'organisation même du système judiciaire: il y avait de nombreux gendarmes casqués, habillés de guêtres, parés de boucliers et munis de matraques longues d'un mètre. La deuxième impression est celle d'une forme de fragilité malgré tout. On a le sentiment d'assister à un jeu qu'il faut cependant prendre très au sérieux, mais dont les tendances peuvent s'inverser, et ce à n'importe quel moment. En assistant à la reprise de ce procès, nous avions tous l'impression d'assister à une sinistre farce, un jeu cousu de fil blanc dont il faut cependant se méfier. » Un jeu dont les règles peuvent changer du tout au tout, mais seulement avec le feu vert du pouvoir.

Sur les 44 journalistes, douze d'entre eux encourent jusqu'à 22 ans et demi de prison en tant que « dirigeants d'une organisation terroriste ». Les autres risquent jusqu'à quinze ans de prison pour «

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appartenance à une organisation terroriste ». Le procès s'est déroulé dans le calme, suivi par des dizaines de familles, des militants et organisations de la liberté de la presse ainsi que des journalistes européens venus soutenir leurs confrères. Interrogés par la presse locale, les journalistes étrangers n'ont pas pu donner de longues interviews, rapidement recadrés par la police qui veillait.

En Belgique, le Sénat et le parlement de la fédération Wallonie Bruxelles ont adopté des propositions de résolution pour exprimer l'inquiétude des parlementaires au sujet des atteintes à ces libertés fondamentales dans plusieurs pays candidats à l'adhésion, dont la Turquie. En cours depuis 2005, la procédure d'adhésion à l'Union européenne fait débat. Bruxelles refuse de considérer une date limite pour une adhésion définitive d'Ankara. Dans ces conditions, l'adhésion du pays à l'Union européenne reste aujourd'hui, et ce plus que jamais, incertaine.

Florence Delpit (st.)

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L'AVENIR Belgique-Turquie : Le procès de journalistes kurdes suivi par des parlementaires belges Phi. Le.

Trois parlementaires ont assisté hier à une audience du procès de 44 journalistes kurdes en Turquie. Pour exprimer leur inquiétude.

Faute de délégation officielle du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est en délégation parlementaire informelle que le député bruxellois Écolo Jean-Claude Defossé, accompagné du sénateur cdH André du Bus et de la députée bruxelloise Fatoumata Sidibé (FDF) ont assisté hier à une audience du procès intenté à 44 journalistes kurdes, dont 26 détenus, poursuivis pour appartenance au KCK, l’organisation urbaine du PKK, le parti des travailleurs du Kurdistan.

Les surprises n’ont pas manqué aux élus belges, dans l’enceinte du tribunal, au cœur de la gigantesque prison de Silivri, à une centaine de kilomètres d’Istanbul. «Notamment quand ils ont vu que la lecture de l’acte d’accusation de plus de 800 pages a été faite par une… speakerine de la télévision turque, après une courte introduction du président», explique le journaliste indépendant Mehmet Koksal, vice-président de l’Association des Journalistes Professionnels, qui les accompagne.

«Nous sommes très inquiets par l’évolution de l’état de la liberté de presse et de la liberté d’expression en Turquie. Ce n’est pas en enfermant journalistes, députés, intellectuels et avocats que le gouvernement turc arrivera à convaincre l’opinion publique internationale de ses bonnes intentions.» a commenté Jean-Claude Defossé, l’ancien journaliste de la RTBF. «Il est préoccupant de constater le nombre de procès et d’affaires judiciaires envers un si grand nombre de journalistes en Turquie. Nous comptons bien faire un rapport sur ce mégaprocès», a complété la députée bruxelloise Fatoumata Sidibé (FDF).

Contacts

Dans une salle connexe, les trois parlementaires ont également suivi une audience du procès «Ergenekon», qui porte sur un prétendu projet de coup d’État militaire.

«Mais ils ont aussi discuté avec des journalistes inculpés, mais non détenus; des proches des journalistes poursuivis; et trois députés kurdes du Parlement turc, venus également assister au procès », ajoute Mehmet Koksal.

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«Notre objectif n’est pas de nous mêler des débats propres à la Turquie mais de rappeler que la liberté de presse fait partie des droits fondamentaux dans toute société démocratique. En tant que parlementaires belges, nous sommes parfois amenés à débattre sur des accords conclus par nos ministres avec les autorités turques», leur a expliqué le sénateur André du Bus (cdH). La Fédération Wallonie-Bruxelles a passé un accord de coopération avec la Turquie, qui prévoit notamment un échange de… journalistes. Et récemment encore, les ministres belges des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice, ont résolu, avec leurs homologues turcs, de renforcer la collaboration judiciaire entre nos deux pays.

Ce mardi est jour férié en Turquie; la délégation y poursuivra ses contacts, notamment en visitant un quotidien et une agence de presse.

Le procès «KCK», lui, reprendra mercredi. «Les observateurs espèrent de nombreuses libérations» signale Mehmet Koksal, «pour confirmer la reprise du dialogue entre les autorités turques et le PKK». La fin de semaine dira si cet optimisme se justifiait.

dépêche Belga publié sur 7sur7.behttp://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1619094/2013/04/22/Trois-parlementaires-belges-suivent-le-proces-de-44-journalistes-en-Turquie.dhtml

dépêche Belga publié sur RTBF.behttp://www.rtbf.be/info/monde/detail_trois-parlementaires-belges-suivent-le-mega-proces-de-44-journalistes-en-turquie?id=7978238

Reporters sans frontières (… ) Une délégation de députés belges composée de Jean-Claude Defossé (ECOLO), André du Bus de Warnaffe (CDH) et Fatoumata Sibidé (FDF), ainsi que le syndicaliste allemand Joachim Legatis (DJU), ont dénoncé le maintien en détention des prévenus et appelé la communauté internationale à faire pression sur les autorités turques. (…) http://fr.rsf.org/turquie-le-processus-de-paix-doit-passer-23-04-2013,44419.html

Reporters without Borders (RSF en anglais)(…) A delegation of Belgian parliamentarians, consisting of Jean-Claude Defossé (ECOLO), André du Bus de Warnaffe (CDH) and Fatoumata Sibidé (FDF), and the German trade unionist Joachim Legatis (DJU) condemned the defendants’ continuing detention and called on the international community to put pressure on the Turkish authorities. (…) http://en.rsf.org/turkey-media-freedom-is-essential-for-23-04-2013,44420.html

Firatnews (site kurde en anglais)(…) The hearing at Istanbul 15th High Criminal Court is also attended by Peace and Democracy Party (BDP) Istanbul deputy Sebahat Tuncel, Kars deputy Mülkiye Birtane and Istanbul independent deputy Levent Tüzel. It is also being followed by an international delegation including Belgian parliament senator Andre du Bus de Warnaffe, deputies Jean-Claude Defosse and Fatoumata Sidibe, Reporters Without Borders (RSF) member Johanr Bihr and Joachimm Legatis from the Union of German Journalists (DJU). (…) http://en.firatajans.com/news/news/new-hearing-of-kck-trial-against-journalists.htm

annonce sur le site de l'AJPhttp://www.ajp.be/actus/actus.php?id=693

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Revue de presse (en langue turque)

nouvel article-photo sur Bianet (agence de presse)http://www.bianet.org/bianet/insan-haklari/146122-iddianameyi-trt-spikeri-nin-okumasi-inanilmaz?bia_source=rss

nouvel article-photo sur Birgun (presse quotidienne)http://www.birgun.net/actuels_index.php?news_code=1366618507&year=2013&month=04&day=22+ http://www.birgun.net/actuel_index.php?news_code=1366706087&year=2013&month=04&day=23

article-photo sur Etha (agence de presse)interview avec JC Defosséhttp://www.etha.com.tr/Haber/2013/04/22/guncel/defosse-tutuklulara-ozgurluk/

article sur sendika.org http://www.sendika.org/2013/04/46-gazetecinin-yargilandigi-kck-basin-davasi-basladi/

photos sur l'agence Firatnewshttp://www.firatajans.com/gallery/tutuklu-gazetecilere-uluslararasi-destek

article-photo sur HaberFX (site d'info)http://www.haberfx.net/avrupali-gazeteciler-ve-vekiller-gazetecilerin-yargilanmasini-kinadi-haber-834615/

article-photo sur Sol (quotidien papier et site)http://haber.sol.org.tr/devlet-ve-siyaset/kck-basin-davasi-savci-kandilde-dedi-malatyadan-cikti-haberi-71827

article-photo sur Bianet (agence de presse)http://www.bianet.org/bianet/toplum/146043-gazetecilere-uluslararasi-destek

article-photo sur Birgun (presse quotidienne)http://www.birgun.net/mobile.php?news_code=1366618507&year=2013&month=04&day=22&action=online

article-photo sur Etkin (agence de presse à Istanbul) http://www.etha.com.tr/Haber/2013/04/22/guncel/tutuklu-gazetecilere-uluslararasi-destek/

article-photo sur Yuksekovahaberhttp://www.yuksekovahaber.com/haber/gazetecilere-uluslararasi-destek-99495.htm

article-photo ETHA (agence de presse)http://www.baskahaber.org/2013/04/kck-basn-davasnn-12-durusmas-baslad.html

article-photo sur Ülkedehaber (site web)http://www.ulkedehaber.com/haber/46-gazetecinin-yargilandigi-kck-basin-davasi-basladi-11631.html

article sur Newede Dersim (quotidien local)

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http://www.newededersim.com/news_detail.php?id=13469

article sur Kizilbayrak (site web)http://www.kizilbayrak.net/ana-sayfa/guendem/haber/kck-basin-davasinda-4-durusma/

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