RAPPORT DE PHASE 4: SUISSE - oecd.org · Ce rapport de Phase 4 sur la Suisse par le Groupe de...
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RAPPORT DE PHASE 4:
SUISSE
LA CONVENTION DE L'OCDE SUR LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
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Ce document et toute carte quil peut comprendre sont sans prjudice du statut de tout territoire, de la
souverainet sexerant sur ce dernier, du trac des frontires et limites internationales, et du nom de tout
territoire, ville ou rgion.
Ce rapport de Phase 4 sur la Suisse par le Groupe de travail de lOCDE sur la corruption value et fait des recommandations sur la mise en uvre par la Suisse de la Convention de lOCDE sur la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commerciales internationales et la Recommandation de 2009 du Conseil visant renforcer la lutte contre la corruption dagents publics trangers dans les transactions commerciales internationales. Il a t adopt par le Groupe de travail de lOCDE sur la corruption le 15 mars 2018.
Le rapport fait partie de la quatrime phase de lexercice de suivi men par le Groupe de travail, qui a dbut en 2016. La Phase 4 examine les difficults particulires que les pays rencontrent pour rprimer linfraction de corruption transnationale, ainsi que les rsultats obtenus. Elle porte sur des aspects tels que la dtection, laction rpressive, la responsabilit des entreprises, la coopration internationale, ainsi que sur les questions souleves lors des valuations prcdentes et toujours en suspens.
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Table des matires
RSUM ................................................................................................................................................ 4
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 6
A. LA DTECTION DE LINFRACTION DE CORRUPTION TRANSNATIONALE ....... 14
A1. Protection des lanceurs d'alerte ................................................................................................... 15 A2. Auto-dnonciation ....................................................................................................................... 18 A3. Mesures prventives anti-blanchiment ........................................................................................ 19 A4. Dtection via les autorits fdrales et cantonales ...................................................................... 23 A5. Les autorits trangres ............................................................................................................... 24 A6. Mdias ......................................................................................................................................... 24
B. ACTIONS RPRESSIVES ENGAGES EN CAS DINFRACTION DE CORRUPTION TRANSNATIONALE ......................................................................................................................... 26
B1. Infraction de corruption transnationale ....................................................................................... 26 B2. Enquter et poursuivre: l'organisation institutionnelle ................................................................ 28 B3. Corruption transnationale: mener des enqutes et poursuivre ..................................................... 34 B4. Affaires juges et recours aux procdures dites "spciales" ....................................................... 39 B5. Les sanctions ............................................................................................................................... 43 B6. La coopration internationale ...................................................................................................... 54
C. LA RESPONSABILIT DES PERSONNES MORALES .................................................... 60
C1. La responsabilit des personnes morales..................................................................................... 60 C2. La mobilisation du secteur priv ................................................................................................. 67
D. QUESTIONS DIVERSES ........................................................................................................ 69
D1. Normes comptables ..................................................................................................................... 69 D2. Mesures fiscales .......................................................................................................................... 71 D3. Avantages publics ....................................................................................................................... 73 D4. Aide publique au dveloppement ................................................................................................ 74
CONCLUSION .................................................................................................................................... 77
ANNEXE 1 : SUISSE: ETAT DES LIEUX DE LA MISE EN UVRE DEPUIS LA PHASE 3 85
ANNEXE 2 : PRESENTATION SYNTHETIQUE DES SANCTIONS PRONONCES DANS LES
AFFAIRES DE CORRUPTION TRANSNATIONALE JUGES DEPUIS LA PHASE 3 .......... 90
ANNEXE 3: PRSENTATION DES PROCDURES DITES "SPCIALES" ............................ 92
ANNEXE 4 : DISPOSITIONS LGALES PERTINENTES .......................................................... 93
ANNEXE 5 : RECOMMANDATION DE PHASE 3 DU GROUPE DE TRAVAIL ET SUIVI
ECRIT ................................................................................................................................................ 107
ANNEXE 6 : LISTE DES PARTICIPANTS LA VISITE SUR PLACE .................................. 111
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RSUM
Ce rapport de Phase 4 du Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption dans les transactions
commerciales internationales value et formule des recommandations sur la mise en uvre par la Suisse
de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics trangers dans les transactions
commerciales internationales. Le rapport dtaille les ralisations et les dfis particuliers de la Suisse cet
gard, notamment en ce qui concerne la mise en uvre des mesures de lutte contre la corruption
transnationale, ainsi que les progrs raliss par la Suisse depuis son valuation de Phase 3 en dcembre
2011.
Depuis cette dernire valuation, la Suisse peut se targuer d'une augmentation significative du nombre de
poursuites et condamnations pour corruption transnationale: six personnes physiques et cinq personnes
morales ont t condamnes dans cinq affaires. Un grand nombre d'affaires de corruption transnationale
taient en cours d'instruction au moment de la rdaction de ce rapport. Le Groupe de travail souhaite
souligner en particulier l'action rpressive significative du Ministre Public de la Confdration qui
produit ses effets tant au niveau national quinternational. Malgr ce constat, il est attendu que la Suisse
accentue ses efforts de mise en uvre de l'infraction de corruption transnationale. Le Groupe de travail y
attachera un intrt particulier dans un contexte o plusieurs dcisions de justice pourraient avoir favoris
une interprtation restrictive de cette infraction ainsi que la responsabilit des personnes morales. En ce
qui concerne les affaires conclues, le Groupe de travail regrette que les sanctions imposes ne soient pas
effectives, proportionnes et dissuasives comme le prvoit la Convention, notamment l'gard des
personnes morales, ce qui est de nature altrer l'effet dissuasif de ces condamnations. Enfin, faire mieux
connatre l'action rpressive des autorits et la rendre plus prvisible et transparente devrait passer par
une plus grande publicit donne aux affaires conclues, en permettant d'en publier le contenu le plus
largement possible. Ceci est d'autant plus important que la grande majorit des affaires de corruption
transnationale conclues ce jour l'a t hors des tribunaux, en ayant recours des procdures
n'impliquant pas ncessairement l'intervention d'un juge. Le Groupe de travail se flicite galement de la
politique volontariste de la Suisse en matire de saisies et confiscation et d'une pratique ancre en la
matire qui produit des rsultats. Il souligne en outre la participation active de la Suisse l'entraide
judiciaire et au recours des pratiques, telles que lentraide dynamique, mme de rendre cette dernire
plus performante. Ainsi, il soutient une rvision de la loi suisse sur lentraide judiciaire en cours afin de
formaliser lentraide dynamique et de favoriser une coopration internationale plus prompte et efficace.
En matire de dtection, le Groupe de travail souhaite saluer et voir perptuer le rle cl jou par le
MROS, la Cellule de renseignement financier suisse en matire de dtection de la corruption
transnationale. Il note que les avocats, les notaires, les comptables et les rviseurs ne sont pas en mesure
de contribuer cette dtection, n'tant pas associs la lutte contre le blanchiment de capitaux comme le
prvoient les standards internationaux. Enfin, le Groupe de travail regrette l'absence d'un cadre lgal et
institutionnel visant la protection des lanceurs dalerte dans le secteur priv et appelle une rforme en la
matire dans les meilleurs dlais.
Le rapport et ses recommandations refltent les conclusions d'experts de l'Autriche et de la Belgique et
ont t adopts par le Groupe de travail [le 15 mars 2018]. Le rapport se fonde sur la lgislation, les
donnes et autres documents fournis par la Suisse et les recherches effectues par l'quipe d'valuation.
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Le rapport s'appuie galement sur les informations obtenues par l'quipe d'valuation lors de sa visite sur
place Berne en septembre 2017, au cours de laquelle lquipe dvaluation a rencontr des
reprsentants de la Confdration et des administrations cantonales, du secteur priv, des mdias, de la
socit civile ainsi que des parlementaires et des universitaires. La Suisse prsentera un rapport oral au
Groupe de travail dans un an (mars 2019) portant sur l'adoption d'une lgislation approprie destine
protger contre toute action discriminatoire ou disciplinaire les employs du secteur priv qui signalent
des soupons de corruption dagents public trangers (recommandations 1(a)). Dans les deux ans (mars
2020), la Suisse prsentera un rapport crit au Groupe de travail sur la mise en uvre de toutes les
recommandations et sur ses efforts de mise en uvre de la Convention.
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INTRODUCTION
1. En mars 2018, le Groupe de travail de lOCDE sur la corruption dans les transactions commerciales internationales (le Groupe de travail) a finalis la quatrime valuation de la mise en uvre par la Suisse
de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics trangers dans les transactions
commerciales internationales (la Convention) et la Recommandation de 2009 visant renforcer la lutte
contre la corruption d'agents publics trangers dans les transactions commerciales internationales (la
Recommandation de 2009) et les instruments affrents.
1. valuations prcdentes de la Suisse par le Groupe de
travail
2. Le suivi de la mise en uvre et de l'application de la Convention et des instruments connexes par les membres du Groupe
de travail se fait par tapes successives au moyen d'un systme
rigoureux d'examen par les pairs. Le processus de suivi est soumis
des principes spcifiques convenus. Le processus est obligatoire pour
toutes les Parties et prvoit des visites sur place ( partir de la Phase
2), y compris des runions avec des acteurs non gouvernementaux.
Le pays valu n'a pas le droit d'opposer son veto au rapport final ni
aux recommandations. Tous les rapports d'valuation et les
recommandations du Groupe de travail de l'OCDE sur la corruption sont systmatiquement publis sur le
site Internet de l'OCDE. La dernire valuation complte de la Suisse - Phase 3 - remonte dcembre
2011. Le Groupe de travail a valu la mise en uvre des recommandations de la Phase 3 en 2014. Lors
de cette valuation, le Groupe de travail a conclu que dix recommandations ont t mises en uvre, sept
partiellement mises en uvre et trois non mises en uvre (cf. Figure 1 et Annexe 1).
Figure 1 - Mise en uvre des Recommandations de Phase 3 par la Suisse (2014)
Mises en uvre Partiellement
mises en uvre Non mises en
uvre
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
valuations prcdentes de la Suisse par le Groupe de travail
2000: Rapport de Phase 1
2005: Rapport de Phase 2
2007: Rapport de suivi de Phase 2
2011: Rapport de Phase 3
2014: Rapport de suivi de Phase 3
http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/conventioncontrelacorruption/2390244.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/conventioncontrelacorruption/38899282.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/conventioncontrelacorruption/38898809.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/SuissePhase3FR.pdfhttp://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/RapportSuiviEcritPhase3Suisse_FR.pdf
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2. Processus de Phase 4 et visite sur place
3. Les valuations de Phase 4 mettent laccent sur trois questions transversales essentielles: l'action rpressive, la dtection et la responsabilit des personnes morales. Ils traitent galement des progrs
accomplis dans la mise en uvre des recommandations en suspens des phases prcdentes, ainsi que des
questions souleves par les changements apports la lgislation nationale ou au cadre institutionnel.1
Lobjectif de la Phase 4 est la mise en uvre dune approche individualise, qui tienne compte du
contexte et des enjeux propres chaque pays ainsi que des rsultats obtenus. Pour cette raison, les
questions qui n'ont pas t juges problmatiques lors des phases d'valuations prcdentes ou qui ne
sont pas apparues comme telles dans le cadre de cette valuation n'apparaissent pas dans ce rapport.
4. L'quipe d'valuation de la Phase 4 de la Suisse tait compose d'examinateurs de l'Autriche et de la Belgique, ainsi que de membres de la Division anti-corruption de l'OCDE.
2 Conformment aux
procdures d'valuation de la Phase 4 du Groupe de travail, l'quipe d'valuation a effectu une visite sur
place Berne du 19 au 22 septembre 2017 suite aux rponses remises par les autorits suisses aux
Questionnaire de la Phase 4 et questions supplmentaires. L'quipe a rencontr des reprsentants du
secteur public suisse, notamment des autorits rpressives et judiciaires; le secteur priv, y compris les
organisations commerciales, les entreprises; les avocats et les rviseurs; et la socit civile, y compris les
organisations non gouvernementales, les universits et les mdias.3 L'quipe d'valuation exprime sa
reconnaissance aux participants pour leur ouverture lors des discussions. Elle remercie galement les
autorits suisses, en particulier le Secrtariat dtat lconomie (SECO) pour l'organisation de la visite
sur place. L'quipe souhaite galement saluer la grande disponibilit des reprsentants du Ministre
Public de la Confdration (MPC) lors de la visite sur place.
5. Ce rapport traite de la mise en uvre de la Convention et des instruments affrents par la Suisse qui consiste en un tat fdral compos de 26 cantons et appel officiellement Confdration suisse. Les
cantons sont considrs comme des collectivits souveraines et sont comptents pour toutes les affaires
qui ne sont pas de la comptence de la Confdration. Les comptences sont partages dans les domaines
de la police et de la justice, ainsi qu'en matire conomique et sociale. Les cantons sont comptents pour
appliquer non seulement leurs lois et rglements mais galement ceux de la Confdration (notamment le
Code des obligations et le Code pnal). L'une des difficults rencontres par les examinateurs lors de
cette valuation a t d'obtenir une information exhaustive relative l'action rpressive des cantons dans
les affaires de corruption transnationale. En effet, ceux-ci ne sont en effet pas assujettis une obligation
lgale de communiquer ces donnes la Confdration. Les autorits, avec l'appui de la Confrence
suisse des procureurs (CPS) ont mis la disposition des valuateurs des informations en provenance des
cantons de Genve, de Zurich et de Zoug, indiquant qu'aucun autre canton ne traitait de ces affaires (cf.
Section B.2). Cette information n'a pu tre vrifie. Les valuateurs remercient les reprsentants des
cantons de Berne, Genve, Neuchtel, Vaud, Zoug et Zurich pour leur participation la visite sur place.
1 Procdures d'valuation de Phase 4.
2 L'Autriche a t reprsente par Dr. Christian Manquet, Ministre de la Justice et Mme Silvia Thaller, Bureau
du Procureur. La Belgique a t reprsente par M. Philippe De Koster, Prsident de la Cellule de Traitement des
Informations Financires et M. Hugues Tasiaux, Chef de service, Office Central pour la Rpression de la
Corruption (Police Fdrale). L'OCDE a t reprsente par Mme Catherine Marty, Analyste Juridique et
Coordinatrice de la Phase 4 de la Suisse, Mme Leah Ambler, Analyste juridique et Mme Claire Leger, Analyste
juridique, toutes de la Division Anti-corruption, Direction des Affaires Financires et des Entreprises.
3 Cf. Annexe 2 pour une liste des participants.
file://main.oecd.org/sdataDAF/Data/DAF-AC/Phase%204/Switzerland/Phase%204%20Procedures/FINAL_Phase4_FR.pdf
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3. Contexte conomique et risques de corruption transnationale
6. Selon le Forum conomique Mondial, la Suisse est le pays le plus comptitif au monde et la Banque mondiale a class la Suisse au 31e rang sur 190 pays dans son rapport "Doing Business 2017". La
dmocratie directe de la Suisse et les conditions-cadre que ltat impose aux acteurs conomiques
contribuent la stabilit politique et une croissance conomique solide. La Suisse est classe parmi les
pays revenu lev par la Banque mondiale. Elle occupe la septime place au titre du revenu national
brut par habitant et la 20me au titre du revenu national brut total sur les 217 conomies figurant dans les
classements de la Banque mondiale. Le revenu par habitant de la Suisse est presque deux fois plus lev
que la moyenne des pays revenu lev et huit fois plus lev que la moyenne des 217 conomies
couvertes par les donnes de la Banque mondiale (cf. figure 2).
Figure 2. Revenu national par habitant: la Suisse, les pays revenu lev et moyenne mondiale (USD, 2016) [Source: Banque mondiale]
7. Les stocks dInvestissement direct ltranger (IDE) sortants de la Suisse en excluant les stocks des Entits vocation spciale rsidentes (EVS) slevaient 1 025 milliards USD fin 2015, soit 153 %
du PIB du pays, alors que la valeur moyenne mondiale et celle de lUE natteignent, respectivement, que
33 % et 60 % du PIB. Selon les statistiques de lOCDE relatives aux stocks dIDE sortants dtenus par la
Suisse fin 2015, en incluant les investissements des EVS rsidentes, les principaux pays de destination
taient les tats-Unis (18 %), le Luxembourg (12 %), les Pays-Bas (11 %), lIrlande (6 %) et le
Royaume-Uni (5 %). 99% des entreprises en Suisse sont des PME (dfinies en tant quentreprises
employant moins de 250 personnes). Prs de 70% des PME suisses ont des activits transfrontalires, en
tant quexportateurs, fournisseurs ou investisseurs.4 En 2014, les PME comptaient 68% des emplois en
Suisse. Au niveau international, les PME reprsentaient la trs grande majorit des entreprises actives en
2013.5
8. Lconomie suisse est une conomie d'envergure mondiale confronte plusieurs gards au risque de corruption transnationale. Elle est en particulier trs oriente vers les exportations. En 2015, celles-ci
reprsentaient 62.9 % du PIB, quand la moyenne tait de 31.3 % dans les conomies revenu lev. Les
4 Cf. Crdit Suisse (2014) ici.
5 Cf. "Structure des PME suisses en 2014", Office Fdral de la Statistique.
$81,240.00
$46,965.00
$10,302.00
$0.00
$10,000.00
$20,000.00
$30,000.00
$40,000.00
$50,000.00
$60,000.00
$70,000.00
$80,000.00
$90,000.00
Suisse Moyenne mondiale conomies revenu lev
http://francais.doingbusiness.org/https://www.s-ge.com/sites/default/files/cserver/company/downloads/credit-suisse-success-factors-swiss-smes.pdffile:///C:/Users/marty_c/AppData/Local/Microsoft/Windows/Temporary%20Internet%20Files/Content.IE5/J061AIDC/1662-1400-05.pdf
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grands marchs lexportation de la Suisse sont lUnion Europenne (avec 43.4 % des exportations
totales), suivie par les tats-Unis (10.6 %), Hong Kong (8.7 %) et lInde (7.4 %). La Suisse est un
membre fondateur de lAssociation europenne de libre-change.6 Les relations entre la Suisse et lUnion
europenne sont rgles par un ensemble d'accords ou darrangements bilatraux conclus au fil des ans
entre la Suisse et les Communauts europennes puis l'Union europenne.
Figure 3. Total des exportations: Suisse, pays revenu lev et moyenne mondiale (pourcentage du revenu national brut, 2015) [source: Banque mondiale]
9. La Suisse occupe une position de premier plan, parfois dominante, dans un certain nombre de secteurs conomiques qui jouent un rle dterminant dans son conomie tout en l'exposant des risques
de corruption transnationale relativement aigus. Tout d'abord, la place financire suisse revt une grande
importance pour lconomie nationale. En 2016, ce secteur a contribu hauteur de 9,1 % du PIB.7
Environ deux tiers des banques sont trangres ou oprent galement lchelle internationale, ce qui
met clairement en vidence la forte imbrication internationale de la place financire suisse.8 Elle se
caractrise par une grande diversit de prestataires de services financiers spcialiss. Un des points forts
comprend notamment la gestion de fortune (le volume de fonds privs transfrontaliers sous gestion
quivaut environ 26 % du march mondial de la gestion de fortune transfrontalire). De par son poids
conomique et financier et ses caractristiques propres, la place financire suisse prsente donc des
risques accrus d'utilisation des fins criminelles, notamment travers le blanchiment dargent, y compris
le blanchiment de la corruption transnationale. Ce constat est galement celui des autorits suisses. ce
sujet, le MPC a soulign quil conduisait, au 31 dcembre 2016, plus de 70 instructions pour blanchiment
dargent ayant pour infraction sous-jacente la corruption transnationale.
6 LAssociation europenne de libre-change (AELE) est une organisation intergouvernementale qui vise
promouvoir le libre-change et lintgration conomique au bnfice de ses quatre tats membres : lIslande, le
Liechtenstein, la Norvge et la Suisse.
7 Chiffres-cls relatifs la place financire suisse, octobre 2017.
8 Les donnes relatives au secteur bancaire dans ce paragraphe figurent au "Rapport sur lvaluation nationale des
risques de blanchiment dargent et de financement du terrorisme en Suisse" publi par le Groupe
interdpartemental de coordination sur la lutte contre le blanchiment dargent et le financement du terrorisme
(GCBF) en juin 2015. Il reconnat en sus que les menaces lies la corruption ltranger et lappartenance
une organisation criminelle prsentent une vulnrabilit accrue en raison de leur plus grande complexit, rendant
leur dtection et leur rpression plus difficiles.
62.9%
31.2% 29.4%
0.0%
10.0%
20.0%
30.0%
40.0%
50.0%
60.0%
70.0%
Suisse conomies revenu lev Moyenne mondiale
https://www.sif.admin.ch/sif/fr/home/dokumentation/publikationen/kennzahlen-finanzstandort-schweiz.htmlhttp://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/39966.pdfhttp://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/39966.pdf
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10. De nombreuses entreprises multinationales ont leur sige en Suisse et la Suisse a lun des taux les plus levs au monde dentreprises multinationales par habitant. Ces entreprises (dfinies en tant
quentreprises ayant un sige social en Suisse et en tant que filiales suisses dentreprises multinationales
trangres) reprsentent une part importante du PIB suisse (35%) et procurent du travail environ 25%
de la population active totale. De par leurs activits, elles sont exposes un risque accru et avr de
corruption dans les changes internationaux. Parmi celles-ci, certaines sont actives dans des secteurs trs
exposs la corruption transnationale: le secteur pharmaceutique qui reprsentait, en 2016, 12.2 % des
exportations mondiales de produits pharmaceutiques, plaant la Suisse parmi les grands pays
exportateurs internationaux du secteur et les changes de produits de base qui gnrent plus de 3% du
PIB suisse. Le ngoce effectu en Suisse concerne surtout des matires premires qui nentrent ni ne
sortent physiquement de Suisse.9 Les catgories de ngoce comprennent notamment les produits
agricoles, les pierres et mtaux et les produits nergtiques. lchelle mondiale, la Suisse abrite
quelques-unes des plus grandes entreprises de ngoce ainsi que de nombreuses entreprises de taille
moyenne. Environ un tiers du commerce mondial de ptrole se fait depuis la Suisse. Les risques de
corruption sont particulirement levs dans ce secteur du fait des acteurs impliqus (entreprises
publiques, agents publics trangers), des gains potentiels trs levs, de l'opacit entourant les ventes
elles-mmes et de l'absence de rglements spcifiques ou de normes internationales rgissant ces
transactions. Ces risques sont reconnus par les autorits suisses10
et ont t particulirement bien
identifis par Public Eye dans plusieurs de ses publications11
et largement relayes dans les mdias.12
Le
MPC a par ailleurs indiqu conduire plusieurs procdures pnales pour corruption transnationale dans ce
secteur. Ces affaires taient toujours en cours d'instruction au moment de la finalisation de ce rapport.
11. La Suisse hberge un grand nombre de "socits botes aux lettres" ou socits de domicile. La caractristique principale des socits de domicile est quelles nont pas dactivit oprationnelle: elles
nexercent pas dactivit de commerce ou de fabrication ou une autre activit exploite en la forme
commerciale. Les socits de domicile sont largement utilises des fins de gestion patrimoniale par une
clientle fortune. Entre 2004 et 2014, 38.1% des cas de corruption impliquaient des socits de
domicile.13
12. Certains des risques dcrits ci-dessus peuvent avoir une incidence sur la capacit de la Suisse mettre en uvre de manire satisfaisante certaines exigences de la Convention. Toute faiblesse du
systme suisse de lutte contre le blanchiment d'argent le rend vulnrable l'argent issu de la corruption et
prsent dans l'conomie. La capacit rpondre l'exigence de coopration internationale prsente
galement un dfi particulier compte tenu de l'importance de la place financire suisse et sa trs forte
sollicitation dans ce domaine. Les efforts que les autorits suisses ont dploys depuis la Phase 3 pour
mieux cerner les risques auxquels la Suisse est confronte en matire de criminalit financire et de
9 Selon lAssociation suisse du ngoce de matires premires et de transport maritime (STSA), les activits de
ngoce de produits de base rassemblent plus de 500 entreprises, qui emploient plus de 10 000 personnes,
essentiellement Genve, dans le canton de Zoug, et prs de Lugano.
10 Rapport de base; Matires premires (2013) et Rapport de ltat de la mise en uvre des recommandations
mises par le Conseil fdral (2015).
11 Cf. https://www.publiceye.ch/fr/themes-et-contexte/commerce-et-matieres-premieres/matieres-premieres/role-
de-la-suisse/
12 "Les accords secrets de Glencore au Congo", 6 novembre 2017 et "Une vido vole accuse Gunvor de
corruption au Congo", 12 septembre 2017.
13 Cf. le "Rapport sur lvaluation nationale des risques de blanchiment dargent et de financement du terrorisme
en Suisse" cit prcdemment.
https://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/30134.pdfhttp://www.news.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/40642.pdfhttps://www.24heures.ch/economie/Les-accords-secrets-de-Glencore-au-Congo/story/29379250https://www.letemps.ch/economie/2017/09/12/une-video-volee-accuse-gunvor-corruption-congo-1https://www.letemps.ch/economie/2017/09/12/une-video-volee-accuse-gunvor-corruption-congo-1
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corruption transnationale en particulier sont souligner.14
Fortes de ce constat, les autorits suisses
devraient engager des efforts supplmentaires en vue de traiter et mieux matriser ces risques. Comme
dmontr dans ce rapport, les autorits suisses devraient notamment s'engager dans une action rpressive
plus soutenue et prendre des mesures visant prvenir la corruption transnationale dans les secteurs
identifis les plus risque.15
4. Cas de corruption transnationale
13. Le rsultat des actions rpressives en Suisse depuis l'entre en vigueur de la Convention, aussi bien au niveau des cantons que de la Confdration se prsente comme suit: neuf personnes physiques (dont
3 pour complicit de corruption transnationale) et six personnes morales (dont 1 par procdure
simplifie, cf. Section B.4.) ont t condamnes pour des faits de corruption transnationale. Au moment
de la finalisation de ce rapport, une autre affaire juge l'issue d'une procdure simplifie (et impliquant
une personne morale) tait pendante.
Affaires juges depuis l'valuation de Phase 3
14. Au moment de lvaluation de Phase 3 adopte en dcembre 2011, trois condamnations pour corruption transnationale avaient t prononces contre des personnes physiques (une par la justice
cantonale et deux par les autorits fdrales) et une condamnation par le MPC d'une personne morale, la
filiale suisse du groupe Alstom. En septembre 2017, date de la visite sur place de l'valuation de Phase 4,
la Suisse tait en mesure de montrer un nombre suprieur de condamnations pour corruption
transnationale depuis la Phase 3, tant l'encontre des personnes physiques (+6) que morales (+5) dans
cinq affaires. Les affaires juges par recours aux ordonnances pnales et la procdure simplifie depuis
la Phase 3 sont reprises l'Annexe 1 du prsent rapport.
Procdures ouvertes au moment de la Phase 4
15. En ce qui concerne le MPC, 28 enqutes pour faits de corruption transnationale et de blanchiment de cette infraction taient en cours au 31 dcembre 2012; 33 au 31 dcembre 2013 et 39 au 31 dcembre
2014. Les autorits indiquent qu' partir de 2015, les procdures de corruption transnationale et de
blanchiment du produit de cette infraction ont t diffrenties. Elles dnombraient un total de 138
procdures (58 pour des faits de corruption transnationale et 80 pour blanchiment du produit de cette
infraction) en 2015 et de 137 procdures (65 et 72 respectivement) en 2016. Genve, du 1er janvier
2011 au 31 dcembre 2016, 21 procdures pnales relatives des faits de corruption transnationale ont
t ouvertes dont la plupart taient encore en cours d'instruction au moment de la rdaction de ce rapport.
Zrich, entre 2012 et 2014, 2 procdures contre 3 personnes physiques ont t ouvertes, dont l'une a
t classe. Dans le canton de Zoug, entre 2009 et 2013, une procdure a t mene contre deux
14
Le Groupe de travail interdpartemental pour la lutte contre la corruption (GTID) a notamment poursuivi ses
efforts dinformation et de sensibilisation sur la question des risques de corruption active et passive ltranger et
organis des ateliers traitant de la lutte contre la corruption dans des industries spcifiques en Suisse (en 2010 dans
lindustrie de la dfense, en 2011 dans le ngoce des matires premires et en 2017 dans le ngoce de larmement).
15 Ceci concerne notamment le secteur des ngoces des matires premires qui devrait faire l'objet d'une rgulation
adapte et contraignante. Le risque reprsent par les socits de domicile devrait faire l'objet d'une vigilance
encore accrue. Au moment de la finalisation de ce rapport les autorits suisses ont indiqu quune tude
approfondie sur lvaluation des risques lis aux personnes morales et aux trusts a t adopt fin 2017. Les
valuateurs nen ont pas pris connaissance. Enfin, certaines professions qui chappent encore en Suisse la
rglementation anti-blanchiment quand elles conduisent certaines activits pourtant couvertes par les standards du
Groupe d'action financire (GAFI) devraient tre rglementes de manire approprie (cf. Section A.3.).
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12
personnes physiques et classe. Il s'agit des seules informations rendues disponibles au niveau des
cantons, les autorits prcisant qu'elles sont exhaustives.
16. Larticle 1(4)(a) de la Convention dfinit un agent public tranger comme, entre autres, un agent dune organisation internationale publique. La Suisse accueille actuellement 25 organisations
internationales publiques.16
La question (non aborde dans les phases dvaluation prcdentes) de la
comptence de la Suisse poursuivre les affaires de corruption active dagents publics des organisations
internationales sigeant en Suisse a t pose lors de la visite sur place. En effet, la forte prsence
dorganisations internationales en Suisse prsente un risque particulier de corruption. Les autorits ont
t unanimes pour reconnatre leur comptence en la matire. Les reprsentants du MPC ont fait
rfrence deux affaires en cours de corruption transnationale visant des agents d'organisations
internationales bases en Suisse.
Classements et non-entres en matire
17. Il nest pas possible de connatre le nombre exact de classements et de non-entres en matire lchelle du pays tout entier, la Suisse ne centralisant pas ce type dinformation. Zrich, l'une des deux
procdures ouvertes entre 2012 et 2014 a t classe en 2014 par manque de rponse une demande
dentraide. Dans le canton de Zoug, la seule procdure ouverte entre 2009 et 2013 a t classe, la
contre-prestation nayant pas t dcouverte et dautre part, les circonstances fautives nayant pas pu tre
vrifies (cf. Section B.1.). Le nombre des classements d'affaires de corruption transnationale par le
MPC est comme suit: 2 (contre 3 personnes physiques) en 2012; 10 (contre 13 personnes physiques) en
2013; 4 (contre 3 personnes physiques) et 1 contre 1 personne morale en 2014; 3 (contre 3 personnes
physiques) et 1 (contre 1 personne morale) en 2015 et 4 (contre 4 personnes physiques) en 2016. Le
Groupe de travail note le nombre non ngligeable de classements d'affaires de corruption transnationale,
notamment par rapport au nombre d'enqutes en cours et d'enqutes conclues et s'inquite du fait que ce
nombre pourrait aller grandissant, suite une volution jurisprudentielle qui ne cre pas des conditions
favorables aux poursuites des personnes physiques et morales en Suisse (cf. Sections B.1 et C.1). Il
souligne par contre la bonne pratique du MPC qui consiste communiquer spontanment les
informations sur les affaires classes aux tats concerns (cf. Section B.6). Les autorits ont soulign
comme obstacles aux poursuites la difficult de dterminer et prouver le statut dagent public tranger
(notamment dans le contexte dactivits dployes dans le cadre de socits dont le statut tatique ntait
pas demble clair) et celle d'obtenir l'entraide judiciaire. Ont aussi t voques comme raisons de
classement des acquittements survenus l'tranger et l'application du principe de ne bis in idem.
D'ailleurs, dans l'affaire Odebrecht-CNO, la procdure diligente contre la socit Braskem a t classe
aprs que cette dernire a t appele rendre des comptes aux tats-Unis pour les paiements corruptifs
qui faisaient l'objet des investigations suisses. Les autorits suisses expliquent que l'augmentation du
nombre des dcisions de non-entre en matire (93 en 2015 et 158 en 2016) sexplique par lintroduction
d'un systme de gestion systmatique des dnonciations et plaintes de particuliers au sein du MPC (cf.
Section B.3.) et le plus grand formalisme qui en rsulte.
Abandon des poursuites au titre de la rparation (article 53 CP)
18. D'aprs le Questionnaire de Phase 4, le MPC a produit, entre 2010 et 2014, 7 procdures de classement en lien avec le complexe Alstom et 2 procdures en lien avec le complexe Siemens et en
application de l'article 53 CP. Dans toutes les procdures ont t acts des paiements compensatoires
ainsi que des mesures de confiscation. Deux affaires contre deux personnes morales ont t classes au
titre de l'article 53 CP depuis le Phase 3. Elles sont dtailles l'Annexe 1 du prsent rapport.
16
DFAE, Organisations internationales en Suisse.
https://www.dfae.admin.ch/eda/fr/dfae/politique-exterieure/organisations-internationales/organisations-internationales-suisse.html
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13
Commentaire
La Suisse peut se targuer d'une augmentation significative du nombre de poursuites et condamnations
de personnes physiques et morales pour corruption transnationale depuis la Phase 3. En particulier,
cinq personnes morales ont t condamnes ces quatre dernires annes et le nombre de procdures
ouvertes a augment de manire significative. Les examinateurs souhaitent notamment souligner
l'action rpressive plus soutenue du MPC en la matire qui commence produire des rsultats.
Les examinateurs estiment nanmoins que, bien que la Suisse ait ralis d'importants progrs, le
nombre total d'affaires finalises pourrait tre suprieur encore, eu gard la taille de l'conomie
suisse trs tourne vers l'export et les risques inhrents certains de ses secteurs d'activit. Ils
estiment que la Suisse devrait pouvoir dmontrer un niveau de mise en uvre suprieur, y compris
l'encontre des entreprises suisses qui sont prsentes dans des secteurs d'activit hautement exposs au
risque de corruption transnationale.
Les examinateurs recommandent que le Groupe de travail fasse un suivi des affaires de corruption
transnationale qui font l'objet de classements. Ils recommandent que la Suisse collecte des statistiques
exhaustives sur le nombre de ces affaires, aussi bien au niveau de la Confdration que des cantons.
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14
A. LA DTECTION DE LINFRACTION DE CORRUPTION
TRANSNATIONALE
19. Selon les autorits de poursuite suisses, la source la plus frquente dinformations lorigine de louverture de procdures pnales pour corruption internationale est la Cellule de renseignement
financier suisse, le Bureau de communication en matire de blanchiment dargent (MROS). La
seconde source est lentraide judiciaire internationale. Dans certains cas, des lments rcolts au
cours de procdures dj ouvertes permettent louverture de nouvelles affaires (affaires Construction
1 et Construction 2). Dans un seul des cas revus dans ce rapport, une socit sest auto-dnonce et
dans un autre c'est une socit suisse qui a port plainte contre une socit concurrente souponne
de verser des pots-de-vin. L'examen des sources de dtection (des affaires conclues au moment de la
rdaction de ce rapport) rvle qu'un nombre trop limit d'entre elles contribuent dtecter la
corruption transnationale, essentiellement par manque de cadre lgal (organisant la protection des
lanceurs d'alerte ou le devoir de signalement de certaines professions comme les avocats, rviseurs et
comptables) ou y contribuent de manire trop marginale (par rapport au potentiel de dtection que le
Groupe de travail leur reconnat dans les autres pays parties la Convention).
Figure 4: Sources de dtection des affaires de corruption transnationale conclues depuis la Phase
317
17
Est comptabilise ici l'Affaire des billets de banque non encore entre en force au moment de cette valuation.
MROS, 2
Entraide judiciaire ,
1
Auto-dnonciation
, 1
Affaires lies , 2
-
15
A1. Protection des lanceurs d'alerte
20. En Phase 2 et en Phase 3 (recommandation 11), le Groupe de travail a recommand la Suisse de mettre en uvre la Recommandation de 2009 (IX.iii). Au moment du suivi crit, un projet de loi tait en
discussion au Parlement. Faute de loi en vigueur, le Groupe de travail a considr cette recommandation
non mise en uvre. la date de la visite sur place, aucune affaire de corruption transnationale navait t
porte lattention des ministres publics cantonaux ou du MPC par un lanceur dalerte. Au moment de
la rdaction de ce rapport, les autorits ont signal l'existence en dcembre 2017 d'un signalement par un
agent du Dpartement fdral des affaires trangres (DFAE) via la ligne du Dpartement ddie aux
lanceurs d'alerte. Les autorits indiquent avoir communiqu ces informations au MPC.
21. Les lanceurs dalerte sont une source prcieuse dinformations en matire de corruption transnationale et pour les encourager se manifester, des protections efficaces doivent tre prvues par la
lgislation et offertes dans la pratique. La situation de la Suisse reste critique cet gard. Les
perspectives recueillies lors de la visite sur place ont fait en effet tat d'une mfiance quasi-unanime vis-
-vis des lanceurs dalerte en Suisse. Au-del des contraintes lgales revues ci-dessous, l'quipe
d'valuation a collect des opinions extrmement tranches sur le sujet qui dnotent des rsistances
culturelles fortes et trs ancres l'endroit de ceux qui signalent des soupons de faits rprhensibles. Les
journalistes ont voqu une culture du secret de nombreux chelons de la socit suisse qui demeure
trs forte et constitue un frein considrable au signalement. Les reprsentants de la socit civile
considrent pour leur part que la discrimination des lanceurs d'alerte est une ralit encore trop prsente
en Suisse.18
Les lanceurs d'alerte agissent donc dans des circonstances dfavorables, y compris dans un
contexte o le droit du travail se fonde sur un principe lgalement tabli de fidlit que l'employ doit
son employeur (principe qui, selon les autorits, est assorti dexceptions valides par la jurisprudence, en
cas de rvlation aux autorits ou au public). Dans les faits, les lanceurs dalerte s'exposent des
poursuites pnales conscutive un signalement comme le dmontre la jurisprudence dans plusieurs
affaires de rvlation de soupons de dlits financiers19
ou des mesures de rtorsion. En effet, dans
l'une des affaires de corruption transnationale (affaire de la socit ptrolire), des cadres de la socit,
ayant alert la direction de l'entreprise propos de versements suspects dans plusieurs pays trangers,
auraient t licencis ou carts (moyennant rmunration) suite leurs signalements. Le cabinet d'audit
en charge de la rvision des comptes de la socit relate dans un courrier adress aux Conseils
d'administration de celle-ci et de sa maison-mre (cette information a t publie dans la presse) les
agissements de "plusieurs lanceurs d'alerte dans et en dehors de la socit" et le fait que certains d'entre
eux aient quitt la socit suite leurs signalements. La direction naurait pris aucune mesure corrective
suite ces signalements. Les lanceurs dalerte auraient apport leur appui l'enqute mene par la suite
par le parquet de Genve. Cette affaire illustre le rle essentiel des lanceurs dalerte dans la dtection des
faits de corruption transnationale. Elle illustre par ailleurs le rle que jouent les rviseurs dans cette
mme dtection.
18
"Jugs dloyaux, ils sont traits de dlateurs, importuns, trans en justice ou congdis", Transparency
International Suisse " Whistleblowing", 2013.
19 Cf. l'affaire impliquant M. Falciani et le jugement du TPF du 27 novembre 2015 qui l'a dclar coupable de
service de renseignements conomiques aggrav et la condamn par contumace une peine privative de libert de
5 ans. D'autres dcisions de justice dmontrent notamment l'activisme du ministre public et de la Cour suprme
de Zurich qui ont prononc des condamnations pour violation du secret bancaire suite des signalements
d'infractions financires (cf. affaires Hildebrand et Elmer). Genve, un informaticien du bureau genevois du
cabinet davocats panamen Mossack Fonseca a t arrt en juin 2016 pour des rvlations en lien avec laffaire
dite des Panama Papers . Le MP de Genve a confirm avoir ouvert une procdure pnale pour soustraction de
donnes suite une plainte pnale dpose par Mossack Fonseca.
https://transparency.ch/wp-content/uploads/2017/08/Dossier_Whistleblowing_FR.pdfhttps://bstger.weblaw.ch/pdf/20151127_SK_2014_46.pdf
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16
Un cadre juridique de signalement insuffisant
22. Le cadre juridique de protection des lanceurs dalerte en Suisse demeure insuffisant. Dans le secteur public, il reste parfaire et gnraliser en vue d'une application sans rserve l'ensemble des
fonctionnaires suisses, au niveau fdral comme cantonal. Suite lentre en vigueur des modifications
portes la Loi sur le personnel de la Confdration (LPers, art. 22a) le 1er janvier 2011 et des
dispositions relatives au niveau cantonal,20
une obligation de dnoncer les crimes et dlits existe pour une
majorit des fonctionnaires suisses qui sont par ailleurs soumis au secret de fonction (art. 320 CP). Cette
obligation est accompagne dune interdiction gnrale de reprsailles (LPers, art. 22a(5)). Dans ce
contexte, le lanceur dalerte doit dnoncer directement au suprieur hirarchique, aux autorits de
poursuite pnale ou au Contrle fdral des finances (Organe de surveillance de ladministration). Dans
le cas o il subit un licenciement en raison de la dnonciation de bonne foi d'une irrgularit, la loi
prvoit la possibilit de la rintgration au poste ou son affectation un emploi raisonnablement exigible.
Par contre, la loi ne prvoit ni de remdes spcifiques pour ceux qui sont victimes de reprsailles autres
que le licenciement, ni de sanctions pour ceux qui ripostent. Selon les autorits suisses, il existerait des
directives sur la protection des lanceurs dalerte contre les formes de reprsailles telles que le
harclement. Lquipe dvaluation nen a pas pris connaissance. Dans le secteur public, des lanceurs
dalerte ont fait lobjet de poursuites pour violation de secret de fonction suite leurs signalements.21
La
menace relle de la responsabilit pnale a un effet dissuasif sur le signalement. Les autorits prcisent
qu'ils peuvent toutefois faire valoir leurs droits devant les instances judiciaires.22
Le Groupe de travail na
pas une vision complte de ltat actuel de la protection juridique accorde aux fonctionnaires cantonaux
qui signalent des faits de corruption transnationale.
23. La Suisse ne dispose d'aucune lgislation visant protger les lanceurs d'alerte dans le secteur priv. Les employs du secteur priv sont soumis plusieurs obligations juridiques de silence, notamment le
devoir de diligence et de fidlit (art. 321a(4) CO); le secret commercial (art. 162 CP) ; le secret
professionnel pour certaines professions (art. 321 CP); le secret bancaire opposable dans certaines
conditions (art. 47 LB) ; et le maintien du secret pour la profession comptable dite devoir de
discrtion (art. 730b(2) CO) (cf. Section D.1.). En principe, si l'employ souhaite faire un signalement,
celui-ci doit d'abord donner son employeur la possibilit de ragir ses informations et de rgler
l'affaire en interne. Si l'employ prend contact avec un organe ou une personne extrieur l'entreprise, il
n'est protg, selon la jurisprudence, que dans la situation suivante: lorsque les intrts des tiers ou
l'intrt gnral priment l'intrt lgitime de l'employeur et lorsque lautorit demeure inactive ou son
intervention ne peut pas tre obtenue en temps utile. Cette mme jurisprudence considre que le salari
doit aussi garder le secret sur des infractions pnales ou administratives commises par l'employeur,
20
Les cantons de Argovie, Ble-Ville et Ble-Campagne, Berne, Genve, Glaris, Jura, Neuchtel, Nidwald,
Obwald, Uri, Schaffhouse, Schwyz, St-Gall, Tessin, Thurgovie, Valais, Vaud, Zoug et Zurich ont inscrit dans leur
lgislation une obligation de dnoncer pour leurs agents.
21 Cf . Affaire Zopfi/Wyler et note 23.
22 titre dexemple, la Suisse a communiqu une dcision du Tribunal administratif fdral (Arrt du TAF du
19.10.2017 - A-7006/2015) qui entrine le licenciement dun ex-cadre de la Centrale de compensation, Genve.
Si le TAF a constat une protection juridique totale des lanceurs dalerte, une procdure pnale pour violation
du secret de fonction a nanmoins t ouverte (puis clture) lencontre du lanceur dalerte en raison de son
signalement dans cette affaire. Cette jurisprudence atteste qu'il appartient au lanceur dalerte de prouver quil a
subi un prjudice li son signalement.
-
17
moins qu'un intrt suprieur ne s'y oppose .23
Les examinateurs sont d'avis que ces critres manquent
de prcision, tant notamment laisss l'apprciation du juge et au cas par cas.
Un projet de loi limit
24. Un projet de loi (initi en 2013 puis remani) modifiant le Code des Obligations (CO) vise codifier la jurisprudence rfrence ci-dessus, en prvoyant que les signalements d' irrgularits dans le
secteur priv sont conformes au devoir de fidlit dans des circonstances restreintes. Notamment, un
signalement en interne lemployeur dans un premier temps, ensuite lautorit publique comptente en
cas dinaction de lemployeur, et enfin aux mdias ou aux organisations dont le domaine dactivit
statutaire couvre les faits signals dans le cas dune inaction des autorits comptentes. Les seules
protections proposes sont une exception au devoir de fidlit et une indemnisation quivalente 6 mois
de salaire maximum en cas de licenciement suite un signalement. Le projet de loi a par ailleurs une
porte limite: il ne prvoit pas d'exception la violation du secret professionnel (art. 321 CP). Au
moment de la visite sur place, les travaux relatifs la nouvelle version du projet de loi taient toujours en
cours, et une adoption du projet par le gouvernement prvue au premier trimestre 2018. Les
parlementaires prsents la visite sur place ont dit anticiper un refus de ce projet par le Conseil national
en raison dune forte rsistance l'gard des mesures de protection qu'il contient en matire de
licenciement abusif.
25. Le champ dapplication de la loi est limit, notamment quant labsence de cadre clairement dfini pour assurer la confidentialit des signalements et la protection de lidentit du lanceur dalerte (sous
rserve de l'application des rgles gnrales en vigueur); le manque de protection hors indemnisations
pour cong ou licenciement abusif; le non-renversement du fardeau de la preuve au dtriment de
lemployeur pour justifier le licenciement ou de toute autre mesure discriminatoire contre l'employ;
l'absence de sanctions pour ceux qui prennent des mesures de reprsaille contre les lanceurs dalerte et
l'absence de soustraction la responsabilit civile, administrative ou pnale en lien direct avec un
signalement. Enfin, tout employ dont le contrat ou le cadre de travail ne relve pas dun contrat de
travail au sens du CO serait exclu des protections proposes (dont les bnvoles, les retraits, les
autoentrepreneurs, etc.).
26. Les examinateurs ne disposent que d'informations trs parcellaires et disparates pour ce qui est du cadre de la protection des lanceurs d'alerte du secteur priv dans les cantons au moment de cette
valuation. Ils ont t informs par exemple de la cration d'un bureau de lutte contre la corruption
auprs de lOmbudsman dans le canton de Zurich. En novembre 2017, la Cour des comptes genevoise a
mis en place une plateforme numrique scurise pour recevoir des signalements et changer avec des
lanceurs dalerte dans lanonymat. Les autorits fdrales suisses ont indiqu que les cantons nont pas le
pouvoir de lgifrer en matire de protection des lanceurs dalerte dans le secteur priv.
Commentaire
Les examinateurs recommandent la Suisse dadopter, dans les meilleurs dlais, un cadre normatif
appropri destin indemniser et protger contre toute action discriminatoire ou disciplinaire les
employs du secteur priv qui signalent des soupons de corruption transnationale. En ce qui
concerne la protection en place dans le secteur public, les examinateurs recommandent la Suisse de
renforcer la protection en place au niveau fdral ; de mener des activits de sensibilisation
(notamment en cas de reprsailles ou d'agissements tels que lintimidation, les brimades ou le
23
ATF 127 III 310, cons. 5a ; S. 316.
http://relevancy.bger.ch/php/clir/http/index.php?highlight_docid=atf%3A%2F%2F127-III-310%3Ade&lang=de&type=show_document
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18
harclement) ; et de gnraliser le cadre juridique de cette protection en vue d'une application sans
rserve l'ensemble des fonctionnaires cantonaux. Enfin, les examinateurs recommandent que le
Groupe de travail fasse un suivi des poursuites intentes en Suisse contre les lanceurs d'alerte qui ont
signal des soupons de dlits financiers, y compris de corruption transnationale.
A2. Auto-dnonciation
27. Si le droit suisse ne contient pas de dispositions destines rcompenser les signalements spontans dirrgularits par les personnes morales de manire gnrale, une auto-dnonciation suivie d'une
coopration durant les poursuites peuvent tre prises en considration par les autorits pnales dans le
cadre de la fixation de la peine (articles 102(3), 47 et 48 CP). Conformment larticle 48(d) CP, le juge
attnue la peine si lauteur a manifest par des actes un repentir sincre, notamment sil a rpar le
dommage autant quon pouvait lattendre de lui (cf. Section B.3). En outre, une dnonciation spontane
implique une reconnaissance des faits et permet, par consquent, la personne morale de demander
lexcution dune procdure simplifie au ministre public (cf. Section B.4.b). Dans sa pratique, le MPC
prend en considration pour la fixation de la peine, les diffrentes attitudes rsultant dune coopration.
Premirement, il diminuera la peine de la personne qui sauto-dnonce et qui rvle ainsi des faits
inconnus de lautorit. Cette situation est distinguer, y compris au niveau de la quotit de la peine, de
celle de la personne qui ne commence collaborer qu' partir du moment o les faits ont t dcouverts
par lautorit. Enfin, lattitude de la personne qui rpare le dommage constitue un lment positif
mritant galement dtre pris en considration. Ces circonstances attnuantes ne soulvent pas
d'objection de principe ds lors que leur application ne compromet pas le caractre proportionn, effectif
et dissuasif des sanctions, ce qui est le cas, dans l'affaire des billets de banque. La socit dans l'affaire
des billets de banque est la premire entreprise s'tre dnonce pour des faits de corruption
transnationale auprs des autorits suisses (cf. Sections B.3 et C.1).
28. Lors de la visite sur place, le MPC a dit encourager la dmarche de l'auto-dnonciation lors de confrences avec le secteur priv en mettant l'accent sur ses bnfices (en matire notamment de
rduction des peines). Aucune ligne directrice ou toute autre forme de communication n'a t mise
disposition des entreprises qui rendrait compte de la politique du MPC en la matire Celui-ci n'a pas
considr ncessaire une telle initiative et la considre ne relevant pas de son mandat. Au sein du MPC,
aucune ligne directrice n'a t adopte pour guider les procureurs dans la gestion de ce type de
poursuites. Ces affaires ont vocation tre traites par un groupe de procureurs, comme toutes les autres
affaires (cf. Section C1 et le rle du "Groupe 102"). Les reprsentants d'entreprise prsents la visite sur
place ne connaissaient pas l'affaire des billets de banque, ni le fait qu'il s'tait agi d'une auto-
dnonciation. Les reprsentants de la profession juridique rencontrs par l'quipe d'valuation ont
soulign l'absence de dispositions lgales en matire d'auto-dnonciation et la difficult de fait pour
l'entreprise qui s'auto-dnonce de ne pas s'auto-incriminer. D'aprs eux, l'une des craintes des entreprises
est le risque de louverture des procdures pnales ltranger suite une auto-dnonciation en Suisse.
Commentaire
La Suisse fait tat d'une premire affaire de corruption transnationale o une entreprise s'est auto-
dnonce auprs du MPC. Les examinateurs recommandent que le MPC labore un cadre clair et
transparent de l'auto-dnonciation par les personnes morales, qui traite les conditions de son
application, les procdures applicables, y compris des questions telles que la nature et le degr de
coopration attendus de l'entreprise; le bnfice ventuel accord sa coopration avec les autorits
de poursuite; et les poursuites des personnes physiques en rapport avec l'entreprise qui s'est auto-
dnonce. Le Groupe de travail devrait par ailleurs assurer le suivi des sanctions prises dans les
affaires de corruption transnationale rsultant d'une auto-dnonciation.
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19
A3. Mesures prventives anti-blanchiment
29. Comme indiqu prcdemment, la Suisse prsente des caractristiques propres qui l'exposent de manire singulire des risques de corruption transnationale, y compris de blanchiment de fonds gnrs
par la commission de cette infraction. Cette section du rapport analyse ainsi les diffrents aspects du
rgime suisse de lutte contre le blanchiment de capitaux (LBC) mme de contribuer la dtection de la
corruption transnationale. Il s'appuie en partie sur les conclusions du GAFI qui a valu les mesures
suisses de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme dans un rapport publi
en dcembre 2016.24
Pour ce qui est des poursuites des affaires de blanchiment ayant pour infraction
sous-jacente la corruption transnationale, il convient de noter que la MPC a ouvert de nombreuses
procdures et des condamnations ont t prononces25
, ce qui dmontre un certain activisme des autorits
en la matire.
Suivi des recommandations de Phase 3
30. Lors de la Phase 3, le Groupe de travail a formul deux recommandations la Suisse dans le cadre de la mise en uvre de l'article 7 de la Convention. La recommandation 4 a t juge mise en uvre lors
du suivi crit conduit en juin 2014.26
Le Groupe de travail a par ailleurs mis une recommandation
portant sur les statistiques affrentes aux affaires de blanchiment de capitaux (recommandation 5 - cf.
Annexe 1) qui a t juge non mise en uvre lors de ce mme suivi crit. En effet, en juin 2014 et en
matire dentraide judiciaire, la Suisse navait pas modifi son systme de collecte et de dissmination
des donnes statistiques. Dans le Questionnaire de Phase 4, les autorits ont indiqu que le systme de
collecte de donnes de lOffice Fdral de la Justice (OFJ) ne permet pas didentifier les demandes
dentraide actives ou passives relatives des faits de blanchiment dargent ayant la corruption dagents
publics trangers comme infraction pralable. Elles prcisent qu'au vu du nombre important de demandes
faites pour des soupons de blanchiment, une recherche manuelle serait trop fastidieuse. De plus, elles
rappellent la particularit du systme fdral suisse en ceci que les cantons peuvent traiter en contact
direct avec les autorits trangres. La recommandation 5 demeure non mise en uvre en ce qui
concerne les statistiques affrentes aux affaires de blanchiment de capitaux.
24
Rapport d'valuation mutuelle de la Suisse par le GAFI, dcembre 2016.
25 Pour exemple, le Tribunal pnal fdral a rendu, lencontre de six accuss, un jugement de condamnation dans
le contexte de la privatisation dune socit tatique houillre en Rpublique Tchque, en prononant notamment
des sanctions demprisonnement pour escroquerie, gestion dloyale aggrave, faux dans les titres et blanchiment
dargent aggrav (montant dpassant CHF 1 milliard, env. EUR 855 millions). Ce jugement a t confirm en
grande partie par le Tribunal fdral dans des arrts rendus le 22 dcembre 2017, qui a admis la comptence des
autorits de poursuite pnale suisses pour poursuivre les infractions dans ce contexte. Par ailleurs, toutes les
infractions ont t retenues ainsi que les crances compensatrices et les confiscations prononces sur les valeurs
patrimoniales squestres par le MPC plus de CHF 660 millions (env. EUR 519 millions). Enfin, la qualit de
lse a t reconnue la Rpublique tchque qui se verra attribuer une partie des avoirs saisis aprs fixation du
dommage par le Tribunal pnal fdral. Des peines allant jusqu cinq ans demprisonnement ont t prononces dans cette affaire.
26 Une modification du rgime de la prescription est entre en vigueur le 1er janvier 2014 : le dlai de prescription
des dlits graves (ceux pour lesquelles la peine maximale encourue est une peine privative de libert de 3 ans) est
pass de 7 10 ans. Mme si le dlai de prescription pour linfraction du blanchiment simple nest toujours pas le
mme que celui pour linfraction de corruption transnationale, le Groupe de travail a considr cette augmentation
comme satisfaisant les termes de cette recommandation.
http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/content/images/mer-suisse-2016.pdfhttps://www.bger.ch/files/live/sites/bger/files/pdf/de/6B_653_2014_2017_12_29_T_d_09_57_00.pdf
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20
Le rle avr du MROS dans la dtection de la corruption transnationale
31. La corruption fait partie des infractions pralables sur la base desquelles les oprations suspectes sont les plus communiques au MROS (les autorits prcisent qu'en 2015, les oprations suspectes lies
de possibles faits de corruption ont fait l'objet de 590 communications; 646 en 2016). Les cas suspects
concernent plus de 90% des situations de corruption transnationale. Aprs traitement par le MROS, les
cas sont transmis au MPC ou aux ministres publics cantonaux, le cas chant.
32. Le MPC est devenu le principal destinataire des cas de corruption transnationale traits par le MROS, en accord avec les dispositions du Code de procdure pnale (CPP) qui donne la comptence au
MPC pour les affaires qui se droulent de manire prpondrante ltranger (cf. Section B.2). Dans ce
contexte, le MPC a mis en place une nouvelle procdure en 2014 visant amliorer lutilisation des cas
analyss et transmis par le MROS. Tout nouveau cas transmis par ce dernier est trait par un organe
central (le ZEB) compos du Procureur Gnral et de ses supplants, de procureurs fdraux spcialiss
en matire de blanchiment, de corruption et de criminalit conomique internationale et de reprsentants
de la division entraide judiciaire du MPC. Les autorits rencontres lors de la visite sur place ont t
unanimes pour dire que les analyses du MROS sont de bonne qualit et les assistent dans lexercice de
leurs fonctions, soit en ajoutant des informations importantes des procdures en cours, soit en
dclenchant de nouvelles enqutes. D'aprs le MPC et le Ministre Public du canton de Genve, 60% des
procdures pnales ouvertes en 2016 pour corruption transnationale ou blanchiment dargent li cette
infraction l'ont t sur la base de communications du MROS.
33. Le MROS effectue en outre un travail soutenu de sensibilisation. Dans chacune des nombreuses confrences conduites par le MROS, des cas pratiques concernant principalement la corruption sont
prsents. Cest dans le cadre de cette sensibilisation que le MROS a publi en fvrier 2017 un recueil de
toutes les typologies publies depuis sa cration.27
Les autorits ont prcis que ce document est
largement utilis par les intermdiaires financiers pour les formations internes des collaborateurs. En ce
qui concerne les ressources alloues au MROS, les intermdiaires financiers rencontrs lors de la visite
sur place ont soulign le manque de moyens de ce dernier. Ce constat a t repris par certains
reprsentants de l'autorit judiciaire.28
Au moment de la rdaction de ce rapport, le MROS tait compos
de 25 personnes, ce qui ne semble pas en adquation avec la charge de travail de la Cellule de
renseignement financier suisse, ni l'importance de son rle dans le traitement des allgations de
corruption transnationale.
Le rgime de lutte contre le blanchiment de capitaux de nature contribuer la dtection de la
corruption transnationale malgr des lacunes
34. Tout intermdiaire financier suisse a lobligation dinformer immdiatement le MROS sil sait ou prsume, sur la base de soupons fonds , que les valeurs patrimoniales impliques dans la relation
daffaires rpondent au moins lun des critres numrs dans la loi anti-blanchiment (LBA), y compris
si elles proviennent d'une infraction sous-jacente au blanchiment de capitaux (art. 9 al. 1 let. A. LBA).
Outre lobligation prcite, le droit suisse prvoit par ailleurs un droit de communiquer les indices
fondant le soupon (art. 305ter al. 2 CP). Le MROS est charg de recevoir les dclarations dopration
suspecte (DOS) mises par les intermdiaires financiers. Lorsque lanalyse dune DOS lexige, le MROS
est autoris demander des informations supplmentaires lintermdiaire financier auteur de la
communication et tout autre intermdiaire financier qui, selon lanalyse, prend part ou a pris part la
27
Typologies MROS 19982015, fvrier 2017.
28 La presse l'illustre galement; Blanchiment: les graves lacunes de la Suisse, le 12 fvrier 2015.
https://www.fedpol.admin.ch/dam/data/fedpol/kriminalitaet/geldwaescherei/typologie-mros-f.pdfhttp://www.bilan.ch/jean-philippe-buchs/redaction-bilan/blanchiment-graves-lacunes-de-suisse
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transaction ou relation daffaires en question (Article 11a, al. 2, LBA). Par contre, comme l'a galement
soulign le GAFI, le MROS ne peut sadresser aux intermdiaires financiers suisses sur la base dune
information reue dun homologue tranger.29
Cela a pour consquence que des informations importantes
reues de l'tranger par le MROS ne peuvent tre utilises en Suisse des fins d'enqutes et de
poursuites. De plus, lobligation de notifier au client lexistence dune information mise par une autorit
pnale trangre dans le cadre dune demande dentraide judiciaire internationale peut conduire
lintermdiaire financier informer son client de lexistence de poursuites ouvertes contre lui ltranger
et indirectement rvler la communication de soupon effectue en Suisse (ce qui peut obliger
l'intermdiaire financier aller l'encontre de ses obligations en matire de confidentialit et de "tipping-
off" par ailleurs clairement tablies en droit suisse). S'il est vrai que le nombre de DOS enregistre une
croissance soutenue ces dernires annes la suite notamment dactions de sensibilisation des entits
dclarantes menes par les autorits suisses,30
le constat a t fait par le GAFI que les intermdiaires
financiers devraient accentuer leur mobilisation pour dclarer les oprations suspectes. De plus, ces
dernires tendent le plus souvent tre faites en raction des sources externes dinformation, comme
les mdias, principalement en prsence dun soupon fond de blanchiment de capitaux. Lors de la visite
sur place, certaines autorits de poursuite ont regrett que cette transmission tardive limite de fait
l'efficacit des enqutes et des mesures de saisie ou de confiscation. La FINMA avait fait un constat
similaire en avril 2016.31
35. Un cueil important du rgime de lutte contre le blanchiment a trait au champ des activits relevant de lintermdiation financire au sens de la LBA. En effet, la LBA vise les activits qui donnent au
professionnel impliqu un pouvoir de disposition sur, ou de participation , des valeurs patrimoniales
(art. 7 OBA et art. 2 al. 3 LBA). Aussi, les avocats, notaires et fiduciaires ne sont donc pas viss par la
LBA lorsque leurs interventions se limitent la prparation des transactions de leurs clients, sans
participer la prparation ou lexcution du volet financier de ces transactions. Cela signifie en
particulier que les actes relatifs la cration de socits, personnes morales et constructions juridiques
dans lesquelles ils peuvent tre impliqus sans formellement prparer ou tre partie des transactions
financires, ne tombent pas dans le champ dapplication de la LBA. Cette restriction est dimportance,
notamment au regard des activits des avocats et des fiduciaires dans des montages de structures
juridiques complexes, impliquant notamment les socits de domicile, instrument avr des schmas de
corruption transnationale (cf. infra).32
Les activits d'audit et de contrle des comptes des rviseurs ne
29
Le MROS peut demander des renseignements tout intermdiaire financier au nom dune Cellule de
renseignement financier trangre, mais uniquement si lintermdiaire financier a pralablement fait une
dclaration dopration suspecte ou sil prsente un lien avec une dclaration reue par le MROS. Une rvision
lgislative de la LBA visant remdier cet tat de fait tait en cours au moment de la rdaction de ce rapport.
30 Cf. Rapport Annuel 2016 du MROS: au cours des trois dernires annes, le MROS a dispens plus de 150
confrences et formations.
31 Le directeur de la FINMA fait le constat suivant: "Il convient de porter un regard critique sur le systme de
communication des soupons tel quil existe actuellement. Le moment auquel les banques sont censes
communiquer les cas suspects aux autorits pnales comptentes joue un rle important [].Lexprience montre
que les banques ne communiquent gnralement des soupons quune fois que les relations avec les clients se sont
explicitement rvles problmatiques, par exemple dans les mdias. Les communications de soupons devraient
davantage maner des banques elles-mmes, et non rsulter dinformations dlivres par les mdias. [] Une
approche plus courageuse et plus systmatique dans le systme de communication permettrait de lutter plus
efficacement contre le blanchiment dargent. "Confrence de presse annuelle du 7 avril 2016".
32 Pour illustration du rle des avocats: "Anticorruption: "Je commencerais dans le quartier des avocats
Genve", 4 dcembre 2017.
https://www.bj.admin.ch/dam/data/bj/sicherheit/gesetzgebung/terrorismus-europarat/vorentw-f.pdfhttps://www.bj.admin.ch/dam/data/bj/sicherheit/gesetzgebung/terrorismus-europarat/vorentw-f.pdfhttps://www.fedpol.admin.ch/dam/data/fedpol/kriminalitaet/geldwaescherei/jabe/jb-mros-2016-f.pdffile:///C:/Users/marty_c/AppData/Local/Microsoft/Windows/Temporary%20Internet%20Files/Content.IE5/AB0R4SOI/20160407%20rf%20bnm%20jmk%202016%20DE.pdfhttps://www.rts.ch/info/monde/9130691-anti-corruption-je-commencerais-dans-le-quartier-des-avocats-a-geneve-.htmlhttps://www.rts.ch/info/monde/9130691-anti-corruption-je-commencerais-dans-le-quartier-des-avocats-a-geneve-.html
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constituent pas de l'intermdiation financire non plus, ce qui les soustrait toute obligation dans le cadre
de la LBA (cf. Section D.1. du rapport).33
36. Depuis 2011, plusieurs dossiers de corruption transnationale relays mdiatiquement ont impliqu des institutions financires suisses. Ainsi, dans les deux dossiers Petrobras et 1MDB, ce sont au total 24
banques tablies en Suisses qui ont fait lobjet denqutes. La FINMA a ouvert depuis 2016 dans ces
affaires 11 procdures d'enforcement34
contre des intermdiaires financiers, dont 8 ont t depuis lors
cltures, et 7 procdures contre des collaborateurs responsables, dont l'une tait galement close au
moment de la finalisation de ce rapport. Ces procdures ont men des sanctions (confiscation des gains,
le "name and shaming", la restriction d'activits voire la cessation d'activits, respectivement pour la
personne physique, l'interdiction d'exercer de plusieurs annes).
37. Malgr ce constat globalement positif, les conditions ne soient pas runies en Suisse pour plus et mieux dtecter encore les soupons de corruption transnationale. En effet, la contribution des
intermdiaires financiers la dtection et la communication des soupons n'est pas optimale. Cela a t
soulign par le GAFI dans son travail rcent d'valuation (conduite entre octobre 2015 et octobre 2016).
D'autres voix se sont leves galement pour souligner les dfis de la mise en uvre des obligations anti-
blanchiment en Suisse et le manque de rsultats probants. titre d'illustration, le directeur de la FINMA
exprimait officiellement ses rserves en avril 2016 quant la lenteur et l'attentisme des banques suisses
et des intermdiaires financiers ragir en cas de soupon de blanchiment et en appelait repenser le
systme de communication des soupons.35
Un rapport des Nations-Unies publi en septembre 2017
prcisait que "de lavis dun grand nombre dexperts, le systme suisse de notification par les banques ne
fonctionne tout simplement pas".36
Les reprsentants de la socit civile rencontrs par l'quipe
d'valuation lors de la visite sur place ont galement mis de srieuses rserves quant lefficacit et la
crdibilit du dispositif suisse de lutte contre le blanchiment dargent. Les autorits signalent mettre en
33
Au moment de la finalisation de ce rapport les autorits suisses ont indiqu quune rvision lgislative tait en
cours visant assujettir la LBA les activits de conseil lors de la cration de socits offshore. Un projet sera
soumis consultation publique en juin 2018. Il nest pas possible pour lquipe dvaluation dvaluer si ce projet
sera en mesure de rpondre aux proccupations identifies dans ce rapport quant lapplication de la LBA aux
professions non financires.
34 lissue de la procdure denforcement, les mesures ordonnes peuvent inclure, ventuellement de manire
cumulative, une injonction de rtablissement de lordre lgal, la dsignation dun charg denqute qui aura pour
mission sur place de suivre la mise en uvre de linjonction, une dcision en constatation, des limitations
lactivit, la confiscation des gains, linterdiction dexercer, le retrait dautorisation, la liquidation, ou la
publication dune dcision. Il nest pas prvu de sanctions pcuniaires. Dans son rapport d'valuation, le GAFI
dtaille les forces et les faiblesses du systme de supervision et de contrle du respect des obligations de la LBC
en Suisse. Bien que lorganisation des contrles favorise dans lensemble un processus continu de surveillance des
institutions financires et des professions non financires, le GAFI souligne un rgime de sanctions pour
manquements graves aux obligations de LBC insuffisant et parfaire. Par ailleurs, en rponse aux critiques du
GAFI sur le nombre insuffisant des missions de contrle approfondi conduites, la FINMA indique avoir entam en
2017 une intensification de ces contrles.
35 La Finma veut changer la culture de la lutte contre le blanchiment dargent, 17 avril 2016.
36 tude, fonde sur des travaux de recherche, sur les incidences des flux de fonds dorigine illicite et du non-
rapatriement des fonds dorigine illicite dans les pays dorigine sur la jouissance des droits de lhomme, notamment
des droits conomiques, sociaux et culturels - Rapport intermdiaire du Comit consultatif du Conseil des droits de
lhomme par Obiora Okafor et Jean Ziegler (Co-rapporteurs), septembre 2017. En outre, le Conseil fdral a ouvert
une consultation sur le projet de loi du DFF visant remdier aux recommandations formules par le Forum
mondial sur la transparence et lchange de renseignements des fins fiscales (cf. section D4). Ce projet contient
des mesures concernant la transparence des personnes morales. Lquipe dvaluation na pas pris connaissance
des dispositions prconises.
https://www.letemps.ch/economie/2016/04/07/finma-veut-changer-culture-lutte-contre-blanchiment-argenthttps://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/235/73/PDF/G1723573.pdf?OpenElementhttps://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/235/73/PDF/G1723573.pdf?OpenElementhttps://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/235/73/PDF/G1723573.pdf?OpenElementhttps://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-69518.html
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uvre des mesures d'amlioration.37
Les examinateurs appellent de leurs vux l'aboutissement de la
rforme lgislative en cours qui devrait contribuer renforcer ce dispositif.
Commentaire
Les examinateurs recommandent la Suisse de poursuivre leurs efforts visant modifier la LBA et
octroyer au MROS la comptence de sadresser un intermdiaire financier sur la base dune
demande ou dune information spontane dun homologue tranger, en toute circonstance.
En sus de ces rformes lgislatives, les examinateurs recommandent la Suisse, afin de renforcer la
dtection de la corruption transnationale, de prendre toute mesure approprie visant encourager les
intermdiaires financiers, en conformit avec la loi, accentuer leur mobilisation pour dclarer les
oprations suspectes , notamment en l'absence d'lments dclencheurs externes et de doter le MROS
de moyens (y compris en personnel) lui permettant d'accomplir pleinement son mandat et de
contribuer encore plus efficacement la lutte contre la corruption transnationale.
En matire de collecte et tenue de statistiques, les examinateurs recommandent que les autorits
suisses collectent des statistiques plus dtailles sur les demandes dentraide reues, envoyes et
rejetes concernant des faits de blanchiment ayant la corruption transnationale comme infraction
sous-jacente.
A4. Dtection via les autorits fdrales et cantonales
38. Depuis l'entre en vigueur de la Convention en Suisse, aucune affaire de corruption transnationale n'a t dtecte via des signalements du personnel fdral ou cantonal. En Phase 3, le Groupe de travail a
recommand aux autorits fdrales et cantonales d'informer leurs personnels de leurs obligations de
dnonciation de toute infraction de corruption. Lors du suivi crit, des efforts d'information et de
sensibilisation avaient t faits au niveau de la Confdration; ils taient encore trop timides au niveau
des cantons et la recommandation 10(c) a t juge partiellement mise en uvre. Depuis, les autorits
fdrales ont poursuivi leurs efforts de sensibilisation.38
Pour lutter contre la corruption, le DFAE a mis
en place diffrentes mesures institutionnelles. Il a notamment mis sur pied un organe centralis
(Compliance Office) charg de traiter les cas dinfractions et dirrgularits signals par des
collaborateurs/collaboratrices, des partenaires ou des tiers sur une bote e-mail ou par tlphone. En
matire de prvention, le Compliance Office apporte un soutien aux collaborateurs/collaboratrices
confronts des situations la limite de la lgalit et qui souhaitent un conseil sur les rgles en vigueur
et/ou les normes respecter. En outre, une information sur lannonce des infractions et des irrgularits
au Compliance Office du DFAE est donne tous les nouveaux ambassadeurs lors de leur affectation
un poste ltranger. cette occasion, les risques lis ltat de la corruption dans leur pays
daffectation sont galement abords. De plus, le SECO organise tous les ans en collaboration avec le
DFAE un module de formation sur la corruption transnationale pour les stagiaires diplomatiques suisse.
Depuis mai 2012, le DFAE dispose galement dun Mmorandum sur le rle du rseau diplomatique et
consulaire suisse dans le traitement des questions de corruption. Ce document a comme objectif
37
Au moment de la finalisation de ce rapport, les autorits ont indiqu que 23 des contrles sur place de la FINMA
en 2017 portaient sur le respect de l'obligation de communiquer au MROS. Elles prcisent que la FINMA a en outre
prononc des sanctions contre plusieurs intermdiaires financiers pour violation de l'obligation de communiquer et
procd des dnonciations pnales auprs du Dpartement fdral des Finances (DFF).
38 Y compris au sein du Secrtariat d'tat l'conomie (SECO), du Groupe de travail interdpartemental pour la
lutte contre la corruption (GTID), de l'Office fdral du personnel (OFPER), du Contrle fdral des finances
(CDF), de la Commission de la concurrence (COMCO), du MPC et des autorits fiscales.
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dexposer le cadre lgal (y compris la Convention de lOCDE), de donner un aperu des responsabilits
du rseau diplomatique et consulaire, de prciser linterprtation de certaines notion-cls et dindiquer les
services comptents pour traiter des affaires de corruption. Malgr ce dispositif complet et a priori bien
en place, aucun signalement de corruption transnationale n'a t opr via le DFAE depuis la Phase 3.
39. Le Groupe de travail d'valuation salue la mise disposition de deux nouvelles plateformes mme de faciliter les signalements de soupon de corruption transnationale. La Police Fdrale (Fedpol) a mis
en place en septembre 2015 une plateforme lectronique de signalement anonyme. Le public a t
inform de la disponibilit de cette plateforme par voie de communiqu de presse. Lors de la visite sur
place, un reprsentant de Fedpol a indiqu avoir enregistr 25 100 visiteurs et 188 signalements. Aucune
instruction na cependant t ouverte sur la base de ces signalements au cours des deux dernires annes
qui aurait trait des faits de corruption transnationale. Le 1er juin 2017, le Contrle fdral des finances
(CDF) a mis en service une nouvelle plateforme publique et disposition de tous les contribuables
(personnes physiques et morales). En cas de dlit avr lautorit pnale est saisie.
40. Cinq cantons indiquent avoir explicitement renforc leurs activits de sensibilisation (via des brochures, information, formations, etc.) concernant le droit et obligation de signaler des cas de
corruption. Le Groupe de travail dispose nanmoins d'un aperu que trs parcellaire des initiatives prises
au niveau cantonal.
Commentaire
Les examinateurs recommandent aux autorits fdrales et cantonales de poursuivre leurs activits de
sensibilisation de leurs personnels susceptibles de contribuer la dtection et au signalement dactes
de corruption dagents publics trangers, comme cela a t formul la recommandation 10(c) de
Phase 3 et d'envisager tout autre moyen visant mobiliser lesdites autorits.
A5. Les autorits trangres
41. Louverture denqutes sur la base d'informations fournies par des autorits rpressives trangres, dans le cadre de l'entraide judiciaire ou de communications informelles entre procureurs est relativement
rpandue en Suisse. En matire de corruption transnationale, une seule affaire conclue au moment de la
rdaction de ce rapport avait eu comme source de dtection une demande d'entraide (affaire des engrais).
Les autorits indiquent que plusieurs procdures qui taient en cours au moment de la finalisation de ce
rapport avaient pour origine une demande d'entraide.
Commentaire
Compte tenu de l'importance du rle de la Suisse dans le dploiement de l'entraide pnale (active
comme passive), les examinateurs recommandent que le Groupe de travail fasse le suivi de l'usage fait
par les autorits de poursuites suisses des demandes d'entraide pour dbuter des enqutes de
corruption transnationale en Suisse.
A6. Mdias
42. Le journalisme, y compris le journalisme d'investigation est une source essentielle et dterminante de dtection d'affaires de corruption transnationale. Prserver le rle des mdias dans la dtection des cas
de corruption va de pair avec un cadre juridique adapt, protgeant la libert, la pluralit et
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l'indpendance de la presse, y compris de ses sources.39
Un des outils utiliss par le Groupe de travail
pour suivre les efforts de mise en uvre de la Convention par les tats parties est la "Matrice". Elle
consiste en une compilation d'allgations de corruption transnationale prpare par le Secrtariat de
l'OCDE partir d'articles de presse. Elle est galement parfois utilise comme source de dtection par
lesdits tats, y compris en Suisse et selon les affirmations des autorits. Une seule affaire de corruption
transnationale conclue ce jour semble avoir eu pour source (directe) de dtection un article de presse
(affaire de la socit ptrolire). En sus et comme vu prcdemment (Section A.3. du rapport), la
publication d'informations dans la presse (principalement trangre) est souvent l'origine de
dclarations de soupons au MROS des intermdiaires financiers suisses40
, ce qui tmoigne de
l'importance des informations rvles par ce vecteur.
43. Si la Suisse peut se targuer d'une impressionnante libert de la presse,41 elle traverse nanmoins une priode de turbulences comme l'ont confirm les journalistes d'investigation rencontrs par l'quipe
d'valuation. Le journalisme suisse rencontre des difficults croissantes publier des informations
sensibles touchant aux intrts conomiques puissants. Ces difficults sont juges de nature rduire la
libert des journalistes de rvler des affaires de corruption transnationale ou en lien avec la criminalit
conomique.42
Les journalistes rencontrs ont notamment signal un "climat d'intimidation" les poussant
s'autocensurer, la difficult de protger leurs sources et d'enquter sur les sujets jugs sensibles. Enfin,