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Dossier pédagogique des Equipes Populaires Bimestriel n°171 • Novembre - Décembre 2015 Bureau de dépôt : 5000 Namur mail. N° d’agréation : P 204078 -Photo : Demolder Jeunes: L’autoNoMie eN suRsis

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  • Dossier pédagogique des Equipes PopulairesBimestriel n°171 • Novembre - Décembre 2015

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    Jeunes:L’autonomie en sursis

  • La vie des jeunes n’est pas un long fleuve tranquille.On dit souvent que l’adolescence est une période dif-ficile, mais la transition vers l’autonomie l’est toutautant. Les raisons de cette fragilité sont multiples :difficulté d’évaluer le coût de la vie, influence gran-dissante de la pub et des copains quand celle desparents diminue, omniprésence d’une société où ilfaut consommer pour exister. Mais aussi difficulté deplus en plus grande de se forger une place sur le mar-ché de l’emploi, qui représente pourtant la principaleporte d’accès à l’autonomie.

    Comme le montre l’article en page 3, le contextefamilial dans lequel les jeunes ont grandi influencel’âge où ils quittent le toit familial mais aussi lamanière dont ils vont gérer tant bien que mal leurautonomie. Car avant cette étape, les jeunes souf-frent souvent de la situation sociale, de l’effiloche-ment, voire de la rupture des relations familiales, eten sont les témoins impuissants.

    Dans ce cas-là, difficile de se projeter dans l’avenir.D’autant que, comme l’explique Pierre Doyen dans larevue Politique n°68 (janvier-février 2011), “les jeuness’interrogent sur le rôle des décideurs politiques etportent à leur encontre un regard sans concession. Ilsconstatent que les choix posés par les décideursn’améliorent pas leur situation. Les jeunes s’interro-gent sur leurs chances, leur avenir, en particulier surl’accès à l’emploi, qui leur semble compromis”.

    Dans son interview en page 10, Christophe Cocu, pré-sident de la CCOJ, fait part de son inquiétude face autrès long parcours que le jeune doit effectuer pour serendre intéressant auprès des employeurs : étudespoussées, stage gratuit, service civil ou bénévolat,jobs étudiants et intérim en pleine expansion (voirarticle pages 8-9), tout cela entrecoupé de périodesd’inactivité et de stages d’attente, retardent et com-pliquent l’autonomisation des jeunes.

    Quitter le domicile familial n’est pas une sinécure nonplus, même pour les jeunes qui ont la chance debénéficier d’un emploi. Le “parcours du jeune loca-taire” décrit en page 14 montre que, plus qu’unchoix, la colocation devient de plus en plus un pas-sage obligé au vu du coût des loyers. Et que la discri-mination anti-jeunes est toujours bien vivace dans lesecteur du logement !

    Les jeunes sont en effet de plus en plus perçuscomme un “risque à gérer”. Changer le regard que lesadultes portent sur les jeunes, et soutenir les projetsqu’ils mettent en place, c’est vital pour une sociétéqui veut sortir du marasme. Il y a urgence à prendredes mesures politiques qui permettent aux jeunes devivre cette période de leur vie comme une chanceplutôt que comme un risque. Car il est difficile d’êtreheureux et confiants dans l’avenir lorsqu’on est ensursis…

    Monique Van Dieren

    Les jeunes, un risque à gérer ? 

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    La famille,une précieuse boîte à outils

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    Y a-t-il un lien entre lecontexte familial danslequel les enfants ontvécu et la capacité qu’ilsont à gérer leur argent unefois devenus majeurs ?telle était la question cen-trale de l’enquête réaliséepar Jan Velghe, expert àl’ABReoC (1). La réponseest sans conteste posi-tive. Mais des nuancess’imposent.

    De manière générale, l’étude montre que 81% desjeunes de 18 à 27 ans estiment que leurs parentssavaient bien gérer leur argent, et 78% estiment quec’est à la maison qu’ils ont appris à gérer leur argent.

    Mais selon l’auteur, passer son enfance dans unefamille pauvre et un quartier pauvre augmente lerisque d’avoir des problèmes financiers à l’âge adulte.Est-ce pour autant dû au caractère héréditaire dumodèle familial ? L’étude identifie plusieurs explica-tions possibles qui se cumulent. Celle de l’âge de l’acquisition de l’autonomie, notam-ment. Dans les familles dont les revenus sont moinsélevés, les jeunes font moins souvent de longuesétudes et sont davantage poussés à être rapidementautonomes. A la fin des études, quel que soit leniveau, c’est d’ailleurs le souhait de la majorité desjeunes. Mais cela signifie qu’ils doivent être capablesd’acquérir l’autonomie et les capacités de gestionfinancière plus rapidement que ceux qui restent pluslongtemps chez leurs parents.

    Les parents représentent en effet un filet qui protègeles jeunes en phase d’expérimentation de l’autono-mie. Et dans une famille aisée, un jeune pourra fairedes bêtises sans que cela ait de graves consé-quences, ce qui n’est pas le cas pour les familles quin’ont pas les moyens d’y faire face (endettement,amendes…).

    L’étude montre également que dans les groupessociaux supérieurs, les jeunes déclarent plus fré-

    quemment parler d’argent avec leurs parents. Dansles groupes sociaux inférieurs, de nombreux jeunesdisent ne jamais recevoir d’informations sur la gestionde l’argent.

    Autre influence, celle du divorce des parents.Paradoxalement, on y parle moins des questions d’ar-gent. Et les parents sont moins souvent considéréscomme un bon exemple en matière de gestiond‘argent. Les enfants de parents divorcés disent avoirune moins bonne estimation de leurs revenus etdépenses, épargnent moins et font plus facilementdes emprunts formels (crédit) ou informels. Ils sontdonc plus souvent confrontés à des problèmes finan-ciers. L’éclatement des familles devenant de plus enplus fréquent, les raisons de ce phénomène auraientle mérite d’être approfondies.

    Jeunes… et parents

    Un autre constat interpellant concernant la corrélationentre les antécédents familiaux et la situation socio-économique des jeunes, ce sont les difficultés finan-cières des jeunes parents (moins de 27 ans) qui ont,comme leurs propres parents, un statut socio-écono-mique défavorable. On peut faire l’hypothèse que,quittant le nid familial plus tôt, ils deviennent plusrapidement parents que les autres jeunes. Ce groupede “jeunes parents” est également confronté à l’im-pact que les enfants ont sur le budget de ces jeunescouples, et sont donc encore plus vulnérables face àun imprévu.

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  • L’enquête montre également que les jeunes qui fontpartie de familles ayant une situation socio-écono-mique précaire disposent (ou ont disposé) de moinsd’outils qui peuvent s’avérer utiles pour apprendre àgérer l’argent : disposer d’argent de poche, avoir desjobs étudiants, effectuer des petits travaux, vivre enkot… Ils sont donc moins bien préparés à l’autonomiefinancière en tant que jeunes adultes.

    Le modèle des parents…

    Mais le milieu socio-économique ne détermine heu-reusement pas à lui seul la manière dont les jeunesparviennent ou non à gérer leur budget. Et dans cedomaine, ce n’est pas tant ce que les parents DISENTmais ce qu’ils FONT qui compte !Difficile d’interdire aux jeunes de boire ou de fumer siles parents sont eux-mêmes accros ! De même pourla gestion financière, difficile de convaincre sonenfant d’épargner et d’être raisonnable dans sesdépenses si ses parents ne le sont pas.Avec la difficulté supplémentaire que, bien souvent,les jeunes adultes prennent le confort de leurs aînéscomme référence et “veulent aller trop vite”, ce quiles pousse parfois à des dépenses inconsidérées oumal calculées. Par exemple, à faire un crédit pour unenouvelle voiture alors que leurs revenus sont encore

    très aléatoires et que, dans ce cas, il est sans doutepréférable de se contenter d’une voiture d’occasion.

    … mais pas que !

    L’enquête révèle également que lorsque le parcoursscolaire est court, l’influence de l’environnement exté-rieur (médias, pub, amis…) prend plus rapidement lepas sur celle des parents.Selon une enquête réalisée par la SOFRES en France (2),56% des jeunes disent chercher des avis ou des conseilsvia les réseaux sociaux, et 43% y donnent leur avis.Volonté d’indépendance vis-à-vis de leurs parents ? Oubesoin d’anonymat en cas de situation difficile ?L’influence grandissante des réseaux sociaux pour l’ap-prentissage des questions financières peut être inté-ressante à condition que les jeunes soient suffisam-ment curieux pour croiser leurs informations et conti-nuent à en discuter avec leur famille ou leurs pairs.

    La plus grosse difficulté pour les jeunes est de passerd’une situation où leurs dépenses personnelles sontquasi exclusivement axées sur les loisirs et les plaisirs(sorties, gsm, vêtements…) à une situation où ils doi-vent progressivement ou brutalement intégrer lesdépenses nécessaires (loyer, alimentation…).

    L’utilité de l’argent de poche

    Dans cette optique, l’argent de poche est utile pour ceque Jan Velghe appelle “le processus de socialisationfinancière”.L’argent de poche est une des sources possibles derevenus pour les enfants et les jeunes, à côté de celuiqui est reçu pour des occasions particulières, pourdes petits travaux rémunérés ou via un job étudiant. Le fait de donner de l’argent de poche (3/4 desjeunes de moins de 18 ans en reçoivent) ne suffit pasen soi pour apprendre la gestion budgétaire et l’auto-nomie financière, mais il constate que les parents quidonnent de l’argent de poche parlent de manière plussystématique des questions d’argent. Et par ailleurs,les jeunes qui reçoivent ou ont reçu de l’argent depoche s’organisent davantage pour gagner de l’argenteux-mêmes grâce à des petits travaux, et ils épar-

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    Les jeunes plus vulnérablesLa vulnérabilité des jeunes adultes apparaît clairement dans le rapportsur l’étude “Jeunes adultes et l’argent”, qui vient d’être réalisée par JanVelghe pour les organisations de consommateurs. Cette enquête a inter-rogé 1.500 jeunes adultes belges âgés de 18 à 27 ans au sujet de leurscompétences financières et leur comportement financier. Environ la moi-tié des jeunes adultes interrogés était encore financièrement dépen-dants de leurs parents, l’autre moitié était financièrement indépendante.Quelques conclusions intéressantes ressortent de cette étude :13% des jeunes adultes entre 18 et 27 ans qui se disent financièrementautonomes signalent des problèmes financiers : 19,5% des jeunesadultes bruxellois financièrement indépendants, 16% des jeunes adulteswallons financièrement indépendants et 9,8% des jeunes adultes fla-mands financièrement indépendants.Après une diminution des revenus suite à une perte d’emploi, une perted’allocation ou maladie, et des dépenses imprévues, les achats irréflé-chis sont la cause la plus importante des problèmes financiers chez lesjeunes financièrement autonomes de 18 à 27 ans. 20,4% des jeunes adultes belges financièrement autonomes de 18 à 27ans achètent régulièrement à crédit ; 36,7% achètent des produits dontils n’ont pas vraiment besoin. Les jeunes adultes bruxellois financière-ment indépendants (37,3%) achètent plus fréquemment à crédit, parrapport aux Wallons financièrement indépendants (24,1%) et Flamands(15,1%). Les jeunes adultes hommes ayant tout au plus un diplôme d’étudessecondaires courent un risque relativement élevé de problèmes quant àl’achat à crédit. Ce risque est encore plus important chez les jeunespères (18-27 ans) et chez les jeunes adultes sans diplôme secondaire.

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  • gnent plus fréquemment que les autres.

    de quoi parle-t-on en famille ?

    Même si la plupart des jeunes considèrent que lafamille reste la référence centrale pour apprendre àgérer son argent, cette question reste relativementpeu présente dans les discussions : dans moins d’unefamille sur trois, on parle “souvent” ou “tout le temps”d’argent. Certains sujets sont plus fréquemment abor-dés, tels que l’intérêt d’épargner ou le coût desachats. L’étude révèle cependant des lacunes dansl’information des jeunes, en particulier sur deuxpoints : la sous-estimation du coût de la vie et la sur-estimation du premier revenu.En effet, 32,6% des jeunes adultes financièrementautonomes estiment que le coût de la vie est beau-

    coup plus élevé qu’ils ne l’imaginaient (et 34% un peuplus élevé). Les postes les plus sous-estimés sont lanourriture, les charges, le remboursement du prêthypothécaire et les assurances. Les lacunes deconnaissances sur le coût de la vie sont plus mar-quées chez les jeunes Wallons (près de 40%, contre32% pour les Bruxellois et 28% pour les Flamands). Les parents parlent par ailleurs assez peu dessalaires et en particulier du niveau du premier salaire.Mauvaise surprise pour près d’un quart des jeunesadultes qui pensaient que leur premier revenu seraitplus élevé : 30% pour les jeunes Wallons, 25% pourles Bruxellois et 20% pour les Flamands.

    L’encadrement familial est également importantlorsque l’utilisation de l’argent dont dispose le jeunepose problème : usage de drogue, jeux d’argent en

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    Avoir 18 ans, c’est acquérir la majorité. Une étapeessentielle, juridiquement, car elle ouvre la porte à denouveaux droits mais aussi à de nouvelles obligations !Mais, au quotidien, quels sont les changements ?

    Une fois la majorité atteinte, il est possible de passer tous lescontrats courants : signer un bail pour se loger, acheter une voi-ture, prendre un crédit… Du côté de la banque, le majeurdevient totalement responsable de ses comptes.

    Le jeune majeur devient donc seul responsable de la gestion deson argent ! Mais il doit en assumer les conséquences… etnotamment payer ses dettes. S’il ne le fait pas, ses parents nepourront plus, en principe, être tenus pour responsables. En principe… car bien souvent, les créanciers exigent desparents qu’ils se portent caution pour leur enfant majeurlorsque celui-ci n’a pas suffisamment de revenus stables. Et les parents sont par ailleurs tenus par “l’obligation d’éduca-tion et d’entretien”, même après la majorité.

    L’aide financière au sein de la famille (1)

    Les parents, qu’ils soient mariés ou non, sont obligés d’héber-ger, d’entretenir, de surveiller, d’éduquer leur(s) enfant(s) et deleur donner une formation adéquate. Cela s’appelle l’obligationd’éducation et d’entretien. Cette obligation se poursuit au-delà de la majorité. En effet, lesparents restent redevables tant que la formation n’est pas ache-vée et ce jusqu’au moment où l’enfant est apte à subvenir lui-même à ses besoins, que ce soit en gagnant sa vie ou en obte-nant des revenus de remplacement (allocations de chômagenotamment). Le plus généralement, les parents remplissent leur obligationd’éducation et d’entretien en nature parce que leur enfant vitsous leur toit. Dans certains cas (par exemple lorsque l’enfant décide de quit-

    ter le toit familial), les parents, de bonne foi, verseront à leurenfant une contribution alimentaire. Dans certaines situations plus difficiles (par exemple lorsque lesparents mettent leur enfant à la porte à sa majorité), le jeunepeut être amené à demander une contribution alimentaire à sesparents. Dans la pratique, il est possible de négocier avec eux le verse-ment d’une contribution alimentaire et son montant.

    Si le jeune n’est pas parvenu à un accord à l’amiable avec sesparents sur l’attribution d’une aide financière ou si aucunenégociation avec eux n’est possible, il est nécessaire de s’adres-ser au Tribunal de la famille du domicile du mineur (si le mineurest concerné) ou du domicile du défendeur. Le rôle du juge sera alors de déterminer si, dans le cadre del’obligation d’éducation ou d’entretien, les parents sont tenusde verser une contribution alimentaire à leur enfant. Dans le cas où le jeune ne remplit pas les conditions pour l’ob-tenir, il est également possible d’introduire une demande d’obli-gation de secours.Toute personne qui se trouve dans le besoin est en effet endroit de réclamer une aide alimentaire à une personne qui a unlien de parenté spécifique avec elle. La loi crée une obligation de secours, notamment entre :

    - les parents et leurs enfants, petits-enfants et autres des-cendants ;

    - les enfants et leurs parents, grands-parents et autresascendants.

    Il est nécessaire de s’adresser au juge du Tribunal de la familleafin de contraindre ses parents ou l’un de ses parents à exécu-ter cette obligation de secours s’il n’est pas possible de l’obtenirpar voie amiable ou médiation.

    1. source : Prendre son autonomie, dossier édité par Infor-Jeunes, disponibleen version papier ou électronique (5 €).

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    Les obligations financières des parents

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    ligne, vol… Dans ce cas, il faut avoir le courage d’af-fronter les bonnes questions : A-t-il demandé plusavant de voler ? Les règles parentales sont-elles tropstrictes ? Ou trop laxistes ? Que veut-il acheter avecl’argent de son vol ? Le vol doit bien entendu êtresanctionné mais sans toutefois rompre le dialogue cardans ce cas, il risque de se reproduire (3).

    Rôle de l’école

    Un premier constat s’impose : la question de l’argentest plus souvent abordée dans les écoles flamandesque francophones. Mais son rôle est considérécomme très secondaire par rapport à celui de lafamille : seulement la moitié des jeunes se rappellentd’un moment en secondaire où le thème de l’argent aété abordé de manière explicite, et un sur dix cite “lesenseignants à l’école” comme source d’informationpertinente à ce sujet.Cependant, les écoles peuvent (devraient ?) jouer unrôle de deuxième ligne, notamment par une détectionplus rapide des comportements à risque et un enca-drement spécifique. A ce propos, le CEBUD (4) déclareque “les jeunes qui reçoivent peu ou pas de soutien àla maison ont besoin d’éducation financière à l’écolevia des activités interactives qui leur permettentd’exercer leurs aptitudes financières dans descontextes réalistes”.Certains évoquent dès à présent le souhait d’intégrercette dimension dans les futurs cours de citoyenneté.A suivre, donc...

    En conclusion, sans nier le rôle prépondérant de lafamille, nous soulignons l’importance de multiplier lessources d’information et de conseils pour ne pas lais-ser aux familles cette seule responsabilité et donnerun maximum de chances à tous les enfants. Car si l’information et les (bons) conseils sont laissésexclusivement aux parents, certains jeunes risquentd’arriver beaucoup moins outillés que d’autreslorsque, par choix ou non, ils devront voler de leurspropres ailes.

    Monique Van Dieren

    Allongement de la période de stage d’insertion socio-professionnelle pour certains, suppression des alloca-tions pour les jeunes de plus de 18 ans qui n’ont pasobtenu le diplôme de secondaire ou qui sortent desétudes après 25 ans, sans compter un enseignementprofondément inégalitaire et excluant : le démarragedans la vie professionnelle et l’autonomie deviennentde plus en plus utopiques pour de nombreux jeunes.

    en nombre croissant

    Les CPAS ressentent les effets de ces mesures, qui secumulent à un appauvrissement d’un nombre crois-sant de familles. Si auparavant la moyenne d’âge desbénéficiaires du revenu d’intégration sociale étaitassez élevée, on constate aujourd’hui que plus de30% des bénéficiaires ont moins de 25 ans.

    Quelles sont les raisons qui poussent ces jeunes àfrapper à la porte du CPAS ? Pour Philippe Defeyt,président du CPAS de Namur interrogé dans LeLigueur du 21 novembre 2013, on peut distinguerdeux profils de jeunes différents. Tout d’abord, lagrande majorité d’entre eux qui sont désargentés,sans soutien de l’entourage, issus de familles déglin-guées. Les parents eux-mêmes sont déjà aidés par leCPAS. Pour d’autres, la principale difficulté est lemanque d’argent mais ils ont du potentiel pour enta-mer ou poursuivre des études.

    En 2013, 12.000 jeunes poursuivaient des étudesgrâce à l’aide du CPAS. Interrogé par La LibreBelgique du 26 avril 2014, le président du SPPIntégration sociale, Julien Van Geertsom, s’en félicite :“Cette mesure reste un instrument puissant quiatteint son objectif. Face au risque évident de chô-mage de longue durée, qui éloigne une générationcomplète du marché du travail, les CPAS consacrentdes efforts importants pour améliorer l’intégrationprofessionnelle des jeunes.”

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    Jeunesétudiantsau CPAS

    Les mesures prises en matièred’allocations sociales touchent

    de plein fouet les jeunes de 18 à25 ans. face à ce phénomène,

    de plus en plus de jeunes setournent vers les CPAS. Pourpouvoir survivre, tout simple-

    ment. ou parfois pour poursuivredes études. Le résultat ? Les

    avis sont mitigés.

    1. Association belge de recherche et d’expertise des organisations de consomma-teurs. Elle remplace le CRIOC depuis septembre 2015. L’étude Jeunes adultes etargent se base sur une enquête réalisée par Dedicated Research auprès d’unéchantillon de1.500 jeunes belges de 18 à 27 ans.2. Les jeunes et l’argent, enquête réalisée par la SOFRES pour Axa Banque, mars2015.3. Daniel Alhadeff, Attitudes des jeunes face à l’argent, Psychoscope, 11/2008.4. Centre de conseil et de recherche budgétaire.

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  • Les recherches montrent en effet que trois quarts desétudiants “boursiers” du CPAS proviennent d’une famillepauvre. “Une étude menée sur les étudiants qui reçoi-vent une aide sociale a mis en relief que le revenu d’inté-gration pouvait enrayer la spirale négative de la pau-vreté”, poursuit M. Van Geertsom.

    Les CPAS poussent-ils les jeunes aux études ? PourPhilippe Defeyt, “ce n’est pas nécessairement commecela que les choses se passent ! On essaie de trouverpour le jeune la meilleure solution qui n’est pas toujoursde faire des études. S’il n’a pas les acquis voulus, parexemple, dire oui à un projet d’études amènerait un nou-vel échec.Il est important de souligner qu’une partie importantedes jeunes ne va pas entamer des études, mais les pour-suivre. Un jeune de 18 ans qui n’a pas terminé le secon-

    daire, par exemple, va demander de l’achever. Enfin,soyons modestes : les CPAS n’ont pas les compétencesvoulues en matière d’orientation scolaire, d’accompagne-ment scolaire… Ils doivent s’entourer de conseillers com-pétents. Et quand le projet d’études est accepté, il y aobligatoirement un contrat pour tous les 18-25 ans quiarrivent au CPAS. Le contenu varie. Un jeune qui étudies’engage à suivre ses études, à faire ce qu’il faut pourles réussir, à rendre compte de ses progrès, en nousmontrant ses résultats de janvier, par exemple.”

    Le Collectif Solidarité contre l’exclusion (1) est quant à luitrès critique quant aux résultats de ce système pour laréussite des jeunes. Tout d’abord, l’aide est conditionnéepar deux éléments : le jeune doit apporter la preuve quele diplôme qu’il espère obtenir augmente ses chancesd’insertion socioprofessionnelle et qu’il a des aptitudesaux études. Ensuite, les CPAS orientent généralement lesjeunes dans les filières techniques et professionnelles,sans doute pour des raisons budgétaires mais aussidans une reproduction par les décideurs en charge del’octroi du RIS du stéréotype du “pauvre inapte au travailintellectuel”. Enfin, certains conseillers CPAS qui secroient experts dans l’orientation des jeunes sont igno-rants des réalités de l’enseignement et se substituent àl’école pour évaluer les efforts et les aptitudes du jeunede manière parfois bien plus sévère que ne le ferait unjury de l’enseignement.

    Monique Van Dieren

    (1) Ensemble n° 84, septembre 2014, édité par le Collectif Solidaritécontre l’exclusion.

    Quelles démarches ?Le jeune peut-il s’adresser au CPAS avant son départ ?

    Si ce dernier est toujours domicilié chez ses parents, c’est nor-malement à eux qu’il revient d’introduire une demande d’aideau CPAS pour les aider à faire face à son éducation, et cemême si son objectif est de partir. La législation ne donne pasde plafond de rémunération des parents. C’est souvent le mon-tant du revenu d’intégration qui servira de référence, sauf si lesparents peuvent justifier qu’ils sont dans une situation debesoin. Si le jeune introduit lui-même la demande, il sera tenu comptede sa situation présente et le CPAS enquêtera, entre autres, surla capacité financière, matérielle (par exemple logement troppetit), relationnelle (conflit grave), etc. à l’élever dignement etsur les motifs qui le poussent à vouloir partir. Le fait d’être déjà parti ne signifie pas toujours qu’il obtiendraplus facilement l’aide du CPAS. En effet, on pourrait considérer

    qu’il se place volontairement dans une situation d’insuffisancede ressources. L’aide du CPAS pourrait lui être refusée pour cemotif.

    Quelles aides du CPAS ?

    Si le demandeur remplit les conditions, le CPAS peut lui accor-der une aide financière, soit sous forme de revenu d’intégra-tion, soit sous forme d’aide sociale ; le CPAS peut aussi l’aiderà trouver un job ou encore à obtenir, après 3 mois de revenud’intégration sociale ou d’aide sociale équivalente, une inter-vention majorée auprès de la mutuelle.Si cette démarche semble difficile, le jeune peut demanderavec sa famille l’intervention d’un service de médiation. Si mal-gré cela, il n’arrive pas à un accord, il aura la possibilité des’adresser au Tribunal de la famille.

    source : Prendre son autonomie, dossier édité par Infor-Jeunes, disponibleen version papier ou électronique (5 €).

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    JoB etudiAnt :un phénomène en expansion

    De nombreux jeunes ont du mal à gérer leur budgetparce qu’ils n’ont aucune conscience du coût de lavie. Comment faire en sorte que le jeune adulte qui selance dans la vie le fasse en connaissance de cause ?

    Un job étudiant peut aider le jeune à devenir plus res-ponsable par rapport à ses dépenses. Selon l’étude« L’argent et les jeunes » menée par Jan Velghe (AB-REOC), “prester un job avant ses 18 ans a un effetpositif sur un éventail d’aptitudes financières : sur lecomportement d’épargne, sur les achats responsa-bles, sur l’aperçu des revenus et des dépenses…”. Ilest conseillé, comme pour l’argent de poche de discu-ter avec ses enfants de la réalité du monde du travailet de ses règles : expliquer l’intérêt d’un contrat, ladifférence entre un salaire brut et un salaire net…Mais aussi les différents postes d’une fiche de paie.Mais le job étudiant est aussi pour beaucoup d’entreeux une nécessité afin de pouvoir contribuer au coûtdes études qui sont parfois difficiles à supporter parles seuls parents.

    En 2014, on comptait plus de 460.000 jobistes enBelgique. Parmi lesquels 56% de femmes et 44%d’hommes (1). C’est un phénomène généralisé chez lesjeunes majeurs. En dessous de 18 ans, c’est un peuplus limité même s’il y a une grosse partie des jeunesqui commence à travailler vers 16-17 ans. Les sec-teurs les plus concernés sont ceux de l’automobile, del’horeca, du commerce de détail ainsi que les servicesadministratifs des grandes entreprises.

    des mesures assouplies

    Le recours à des étudiants par les employeurs est unphénomène qui ne cesse de s’accroître (2), en particu-lier depuis les réformes de 2012. On est passé de la

    possibilité de travailler 23 jours pendant les trois moisde l’été et 23 jours pendant le reste de l’année à unsystème de 50 jours de travail autorisé sur toute l’an-née, peu importe la période. S’il ne dépasse pas cesplafonds, l’étudiant jobiste ne paye pas d’impôt etbénéficie également d’une réduction des cotisationssociales. L’employeur, quant à lui, a droit à une baisseimportante des cotisations sociales qui passent de34% à 12,51%. (Voir encadré)

    “Cela parait intéressant pour l’étudiant mais en contre-partie celui-ci ne dispose pas de droits sociaux : s’il estmalade, il n’est pas payé alors que les travailleurs, eux,ont un salaire garanti. Par ailleurs, on ne tient pascompte des jobs étudiants dans la comptabilisation del’ouverture des droits au chômage.”, explique LudovicVoet, responsable national des jeunes - CSC. Avant laréforme de 2012, les cotisations ONSS des étudiantss’élevaient à 12.5% de leur salaire brut. Aujourd’hui, onest passé à 8,13%. Ce qui représente en 2013, uneperte de 8,27 millions d’euros pour la sécurité sociale (3).

    Selon les jeunes FGTB, de plus en plus de jeunes tra-vaillent sous un contrat d’étudiant. Il y a donc une ten-dance à favoriser l’embauche sous ce type de contratplutôt que sous contrat ordinaire. Toujours selon lesjeunes FGTB, en 2012 ce glissement était de 5% parrapport à 2011. Autres points négatifs de la législationen vigueur : la dégressivité salariale des jeunes demoins de 21 ans. Ce qui signifie qu’en dessous de cetâge, les étudiants jobistes recevront un salaire infé-rieur aux autres travailleurs occupant la même fonc-tion et la même classification. Et l’élargissement à 12mois (6 mois auparavant) de la durée maximale d’uncontrat d’étudiant chez le même employeur. Ce quicontribue à brouiller un peu plus la frontière entre letravail fixe et le travail étudiant censé être occasionnel.

    Le projet qui est sur la table du gouvernementaujourd’hui, prévoit 400 heures de travail autorisé surl’année. Et de raboter le nombre d’heures minimumde travail à une heure contre trois auparavant.Actuellement, même si on ne travaille que quelquesheures, celles-ci sont comptabilisées comme une jour-née de travail. Contre le régime actuel des 50 jours detravail maximum, avec le nouveau système, l’étudiantpourrait facilement travailler toute l’année. Admettonsque je travaille une heure tous les jours de l’année, jecomptabiliserais en tout 365 jours ! “Même si onreste sur la base minimale de 3 heures de travail quel’on peut assimiler à une demi-journée, on arrive à untotal dépassant les 100 jours de travail sur l’année !On est loin des 50 jours de travail actuels… C’est déjàplus conséquent que de travailler pendant un

    Sortir boire un verre avec des amis,aller au cinéma, s’acheter des vête-ments, payer ses études… pas simplede tout concilier quand on est étu-diant. d’autant plus dans le contexteéconomique actuel. C’est pourquoicertains d’entre eux optent pour unjob étudiant. Mais si celui-ci consti-tue une aubaine pour les jeunes, sondévéloppement n’est pas sans consé-quences sur le marché du travail.

  • mois ! On souhaite modifier le système existant sousprétexte que les jeunes risquent de dépasser le pla-fond des 50 jours. Mais seulement 2% des jeunesjobistes dépassent ce quota ! Il n’y a donc pas denécessité de changer le système. Surtout qu’au-delàde la limite des 50 jours de travail, ils peuvent conti-nuer à travailler mais ils doivent être engagés dansles conditions d’un employé ou d’un ouvrier”, constateLudovic Voet, responsable national des jeunes - CSC.

    intérim, ennemi des travailleurs ?

    Ludovic Voet pointe aussi du doigt le problème du tra-vail intérimaire dans le cadre d’un job étudiant : “Deplus en plus de jobs étudiants passent par l’intérim.C’est un vrai problème. Tout d’abord par rapport à cequ’induit le travail intérimaire à savoir que les contratspeuvent concerner des délais très courts : on ne saitpas ce qu’on va faire le lendemain. Pour certains étu-diants, ça peut paraitre intéressant parce qu’on peutchanger de jour en jour de contrat. Travailler sous cetype de régime pendant les vacances, ça peut êtrepositif mais la contrepartie négative, c’est qu’on n’estpas sûr de trouver non plus un job si on a besoin detravailler un mois. Un autre problème, c’est que l’inté-rim favorise la concurrence entre les travailleurs aumême titre que le contrat étudiant d’ailleurs. Toute unesérie d’employeurs (surtout dans le commerce) font

    appel aux étudiants en dehors de la période scolaire.Et pas uniquement le week-end ! Ce qui engendre uneconcurrence accrue avec les travailleurs qui ont déjàpour certains des contrats mi-temps et qui souhaite-raient obtenir un temps plein par exemple. Aujourd’hui,l’employeur peut appeler un jeune pour minimum 3heures de travail. Dans le projet de loi du gouverne-ment, il est prévu de passer à une heure ! Vous imagi-nez si on compte par exemple le temps de trajet moyend’une heure aller et une heure retour. Ce n’est pas trèsavantageux ! ça fait cher payer pour une heure de tra-vail ! Transformer les 50 jours en 400 heures, ça ne vapas permettre aux jeunes jobistes de travailler plusd’heures, ça va surtout permettre de flexibiliser un peuplus l’utilisation des jeunes par les entreprises.”

    Les syndicats ne sont pas contre les jobs étudiantsmais ils expliquent qu’il faut être attentif à ce qu’ilsrecouvrent : Les jeunes ont recours aux jobs étudiantsparce qu’il y a un besoin financier et pas forcémentpour financer des loisirs. Ils servent également àfinancer leurs études. Si les étudiants doivent travail-ler pour financer leurs études, c’est qu’il y a dès lorsun problème d’accès aux études supérieures. Il fau-drait donc veiller à ce que les études soient plusaccessibles financièrement. On estime qu’il faut pré-voir entre 6.000 à 10.000 euros par an, l’investisse-ment dans une année académique, précise LudovicVoet. Et il ajoute : “Nous ne sommes pas contre le jobétudiant mais pour autant qu’il s’inscrive dans uncadre défini. Ce n’est pas un problème que les étu-diants travaillent en été, parce qu’ils remplacent enquelque sorte les travailleurs qui partent en congéspayés. Pendant ces congés, les entreprises continuentde tourner, il y a donc un besoin de main-d’œuvre. Sile job étudiant répond à des besoins bien réels, il fautveiller à ce qu’il ne remplace pas l’emploi fixe.”

    Claudia Benedetto

    1. Office national de sécurité sociale.2. Site des Jeunes FGTB : www. jeunes-fgtb.be 3. Site des Jeunes FGTB : www. jeunes-fgtb.be

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    Un étudiant peut travailler un nombre de joursillimité sur l’année. Il n’y a pas d’interdiction nide limite imposée par la loi. Par contre, commele travail étudiant a des conséquences sur lescotisations sociales, les impôts et les allocationsfamiliales, il faut quand même être attentif à cer-taines règles !

    Les cotisations sociales et la durée descontratsLes employeurs et les étudiants peuvent bénéfi-cier de réductions de cotisations sociales pourdes contrats à durée limitée. Ce type de contratcouvre, par année civile, maximum 50 jours(changement au 1er janvier 2012).

    Pour bénéficier de réductions de cotisationssociales, les employeurs engagent pour 50 joursmaximum. Il n’y a plus de distinction entre deuxpériodes de 23 jours, vacances d’été et pendantl’année.Conseil : Il est préférable pour un étudiant detravailler sans ces réductions : il n’est pascoincé par une limite de jours et obtient davan-tage de droits !

    Les impôtsIl existe des plafonds à ne pas dépasser pourrester à charge des parents lorsqu’on travaillesous contrat étudiant. Ils sont fixés en fonctionde la situation familiale. Voici les plafonds de

    revenus au 1er janvier 2010 :- Dans le cas d’un couple marié : le plafond est

    fixé à 5.897 € brut par an. - Dans le cas d’un parent isolé : le plafond est

    fixé à 7.460 € brut par an. - Dans le cas d’un enfant handicapé d’un parent

    isolé : le plafond est fixé à 8.835 € brut par an.

    Les allocations familialesLes étudiants de moins de 18 ans gardent impé-rativement le droit aux allocations familiales.Les étudiants qui ont entre 18 et 25 ans gardentleur droit s’ils travaillent moins de 240 h par tri-mestre le 1er, le 2ème et le 4ème trimestre.

    Plus d’infos sur le site des jeunes-CsC :www.jobetudiant.be

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015

    Combien de jours de travail par an ?

    cc. F

    likr

  • Contrastes : Le contexte socio-économique et lesmesures d’austérité de ces deux dernières législa-tures sont particulièrement défavorables pour lesjeunes. Quelles sont les principales difficultés ren-contrées en termes d’accès à l’emploi ?

    Ce qui est très clair, c’est qu’il y a une évolutionnégative. Différents points permettent de l’affirmer. Lepremier, c’est en tant qu’employeur, quand je recrute,je n’ai que des bons candidats au chômage ou enstage d’attente depuis 9 mois voire plus. Je ne com-prends pas comment des jeunes qui ont un si bon pro-fil ne trouvent pas d’emploi. Ce n’était pas le casavant. Cela montre bien que l’emploi se raréfie.

    Un autre signe, c’est celui du développement du béné-volat dans le but de valoriser une expérience profes-sionnelle. Je suis président francophone de la Plate-forme pour le volontariat et je le constate de plus enplus souvent. Notre crainte, c’est que le volontariatsoit détourné de son but premier.

    Dans la même veine, le « service citoyen » est typique-ment ce qu’on dénonce comme du sous-emploi, sansstatut, mal payé. C’est positif pour les associations quien bénéficient, mais on est en train d’installer un longparcours du jeune qui, pour se rendre intéressantauprès d’un employeur, doit d’abord faire des étudespoussées, des stages gratuits, un service civil ou dubénévolat, une période de chômage avant de décro-cher un emploi.Les jeunes rentrent donc sur le marché du travail deplus en plus tard. Avant, un jeune pouvait espérertrouver un emploi vers 23-24 ans, maintenant c’estplutôt 27 ans.

    Que pensez-vous des mesures d’exclusion del’accès aux allocations d’attente pour les jeunes deplus de 18 ans qui n’ont pas le diplôme de secon-daire ou ceux qui terminent leurs études après 25ans ?

    Parmi les OJ, il y a des organisations de jeunessesyndicales et politiques qui sont actives sur ces enjeuxet cette problématique est également traitée par le

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    focus sur Relie-f et la CCoJRelie-F est une des cinq fédérations des organisations de jeunesse.Sa finalité est d’accompagner les jeunes à devenir des CRACS  :citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires.Ses axes de travail sont le soutien aux organisations de jeunesse(OJ) qui en sont membres (1) et leur mise en réseau, l’informationpour les personnes et les associations qui encadrent les jeunes,leur soutien pédagogique, méthodologique et administratif des OJ(dossiers de reconnaissance…).Relie-F soutient aussi des projets à destination des organisationsmembres ou qui impliquent minimum trois membres du réseauRelie-F.En termes de communication, Relie-F édite une revue d’informationet un site internet. Un site commun à toutes les fédérations des OJa également été créé : www.organisationsdejeunesse.beRelie-F assure également la représentation des OJ au niveau poli-tique au nom des OJ, de manière à leur laisser un maximum detemps pour leurs missions premières de contacts avec les jeunes.

    La Commission consultative des organisations de jeunesse (CCOJ)est quant à elle un organe qui a pour mission de représenter lescinq fédérations auprès de la ministre. Les cinq fédérations quireprésentent l’ensemble des OJ sont : Relie-F, la COJ (Coordinationdes OJ), le CJC (Conseil de la jeunesse catholique), Pro-jeunesse(fédération socialiste) et Jeunes et libres (fédération libérale).Elle remet des avis sur tout ce qui concerne les OJ et leur agrément,ainsi que sur les questions qui touchent la jeunesse en général.

    (1) Les organisations membres de Relie-F sont : Arc-en-Ciel, Asmae, BAO-Jeunesse, CEF, CHEFF, COALA, Coordination-CRH,écolo j, Empreintes, FCJMP, FEF, Jeunes cdH, Jeunes FDF, Quinoa, SPJ, SVI,UEJB, YFU.

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - novembre - décembre 2015

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    Pour Christophe Cocu, directeur de Relie-f et prési-dent de la CCoJ, une série de mesures liées àl’accès à l’emploi et au logement freinent la quêted’autonomie des jeunes. Mais nombre d’entre euxexpérimentent et exercent leur indépendance enprenant des responsabilités dans des projetscitoyens. une manière de casser l’image déformée

    que la société se fait de la jeunesse.

    L’engagement des jeunes ne faiblit pas

  • Conseil de la jeunesse. Mon sentiment, ce qui pose leplus problème, c’est la limite d’âge à 25 ans pour ter-miner ses études, faute de quoi on n’a pas le droitaux allocations d’attente. De très nombreux jeunessont concernés. Il suffit d’avoir raté une annéed’étude, d’avoir changé d’orientation ou de faire unespécialisation pour être dans le cas. C’est réellementproblématique.

    Et ces difficultés d’accès à un premier revenudécent ont des conséquences sur leur accès aulogement…

    Le fait que l’accès à l’emploi soit retardé, que lesallocations sociales deviennent de plus en plus res-trictives, cela a un impact sur tout le reste et en parti-culier sur le logement, puisque sans argent, on ne saitpas s’autonomiser. Donc on est contraint de resterchez Papa et Maman. Ou on choisit la colocation maisqui pose également des problèmes administratifs àcause du statut de cohabitant… et parfois de cohabi-tation.Un exemple très concret : je connais une jeune femmequi voulait s’installer chez ses grands-parents pourêtre plus proche de son travail. Ses grands-parentsont finalement refusé car ça avait trop d’impact surles taxes régionales et sur leurs revenus de remplace-ment.Cela n’a donc pas que des conséquences financières,mais aussi sur leurs relations familiales et sociales.

    Qu’est-ce que les jeunes disent ou ressentent parrapport au fait que l’enseignement est de plus enplus formaté pour répondre aux exigences dumarché du travail ?

    Il existe des organisations de jeunesse qui traitentspécifiquement ces questions (la FEF, notamment).De mon expérience, je constate que les études supé-rieures sont devenues la norme alors qu’auparavantc’était le secondaire supérieur. Les jeunes ont à monsens un réel intérêt pour les études et pour les forma-tions spécifiques qui leur ouvrent des possibilitésd’emploi.Mais il y a effectivement une très grosse tension entre“faire ce qu’on aime” et faire ce pour quoi on pourraitêtre engagé plus tard ! Avec une forte pression desemployeurs pour obtenir une meilleure adéquationentre ce qu’ils attendent et ce que sont en capacitéde donner les candidats qui sortent de l’école.Mon sentiment est que les entreprises ne veulent plusformer à leurs frais des personnes qu’elles veulentengager. Elles attendent de l’enseignement public destravailleurs formés “clé-sur-porte” pour pouvoir maxi-miser leurs profits.C’est en plein dans le principe de socialisation despertes pour pouvoir privatiser les profits !

    ça m’insupporte très fort et c’est aussi assez malperçu par les jeunes. Même s’ils reconnaissent quel’école sert à avoir un job par après, ce n’est pasnécessairement leur vision du rôle de l’école. Jepense qu’ils préfèrent malgré tout choisir des étudesqui leur plaisent que des études qu’ils feraient unique-ment pour avoir un job bien payé.

    A côté des jeunes qui sont intéressés par les étudeset qui ont les clés pour se lancer dans la vie profes-sionnelle, il y a aussi des jeunes en situation degrande précarité qui sont préoccupés par des enjeuxde survie, de se débrouiller pour trouver un boulotdéclaré ou non, de trouver des moyens de subsis-tance. Et qui ne sont donc pas dans de bonnes condi-tions pour pouvoir entamer ou poursuivre des études.

    Que pensent les jeunes de la tension entre unmodèle de société qui les pousse à une consomma-tion effrénée, et un avenir professionnel de plus enplus incertain ?

    Mon sentiment est mitigé car sur cette question dela consommation, il y a autant de réponses possiblesque de jeunes.Dans les organisations de jeunesse qui éveillent à laconscience critique sur notre modèle de production etde consommation et sur les enjeux Nord/Sud, lesjeunes traitent cette question de manière altermondia-liste et responsable, et s’engagent dans des projets.Par exemple, le boycott de certains produits.Beaucoup pensent que leur manière de consommer,c’est une forme de vote et de choix par rapport à lasociété dans laquelle ils veulent vivre.Mais il existe aussi beaucoup de jeunes qui ne sontpas conscients de ces enjeux et qui sont plus intéres-sés par leur identification et intégration à un groupe,ce qui les amène à consommer des marques, à ache-ter le dernier modèle de gsm… Comme je le disais, il ya autant de réponses que de jeunes, mais ces deuxcourants sont assez forts.

    Percevez-vous une évolution par rapport auregard que les adultes portent sur les jeunes ?

    On a réalisé une exposition sur l’historique du sec-teur de la jeunesse et de l’associatif, et dans nosrecherches, on s’est rendu compte que le regard surla jeunesse a vraiment évolué entre les années ’70 etmaintenant. La vision du jeune, porteur d’espoir pourla société de demain, perd petit à petit cette aura. Ilest de plus en plus perçu comme un risque à gérer :des consommateurs d’alcool, de drogue, porteurs deMST, qui n’ont aucune expérience…

    On met donc en place des politiques centrées sur l’oc-cupationnel et hypercadrées. Or, la révolte, dans le

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015 11

    L’engagement des jeunes ne faiblit pas

  • sens d’être en opposition, fait partie de la jeunesse etpermet aux jeunes de se construire. Et il y a très peud’espace qui est laissé pour que cette révolte puisses’exprimer de manière constructive. Il n’y a aucunevision positive de la jeunesse. Le seul endroit où ilssont valorisés positivement, c’est dans le sport.

    Cette évolution a-t-elle un impact sur la place desOJ dans le débat politique ?

    Le secteur jeunesse est un acteur reconnu par lespouvoirs publics, en tout cas par ceux qui s’en occu-pent et par sa ministre. Pour le reste, c’est plus diffi-cile.

    Par exemple, sur la proposition de loi visant à étendrel’euthanasie aux mineurs, aucun organe d’avis officielde la jeunesse n’a été consulté.Mais les organisations de jeunesse font elles-mêmesdu travail de lobbying et de réseautage sur les ques-tions qui leur sont spécifiques (santé, emploi, consom-mation…).

    Que signifie l’autonomie pour les jeunes ? Uneéchéance qui s’éloigne, voire un impossible rêve ?

    Je pense que l’autonomie passe par le fait de quit-ter la maison familiale. Et c’est rendu de plus en plusdifficile à cause des questions des revenus et de loge-ment. Mais par ailleurs, les jeunes sont toujours aussimotivés qu’avant de s’investir dans des projets aux-quels ils croient et d’exercer leur autonomie de cettefaçon. Les modes d’engagement ont changé, et ilssont multidimensionnels (dans le temps et dans lestypes de projets).

    Leur autonomie s’exprime dans le dynamisme qu’ilsmettent dans le soutien à des projets qui les tiennentà cœur et dans lesquels ils prennent des responsabili-tés. Par exemple dans l’accueil des demandeursd’asile, où l’envie s’est manifestée de mener uneaction citoyenne “pure” en dehors de toute structureinstitutionnelle ou même associative.

    Je constate que l’engagement des jeunes dans desprojets, des mouvements de jeunesse ou des centresde jeunes ne faiblit pas du tout, et c’est encoura-geant.

    Interview réalisée par Monique Van Dieren

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    En tant que président de la CCOJ, quels sont les dossiers chauds qui vous mobilisent actuellement ?

    Sur le plan administratif et financier, nous travaillons sur les reconnaissances quadriennales des OJ : Tous les quatre ans, l’en-semble des organisations de jeunesse sont visitées par la CCOJ pour qu’elle remette un avis sur leur dossier. C’est du boulot !

    Deux autres dossiers sont à suivre également, celui de la réforme du décret emploi, avec un cadastre de l’emploi qui devien-dra obligatoire, et celui de la régionalisation récente du fonds FESC. Nous sommes en effet concernés par le secteur “écolesdes devoirs”. Or, nous sommes absents des discussions.

    En termes plus politiques, l’évaluation du décret sur les OJ est prévue pour la mi-législature. Le principe d’une évaluation estpositif. Mais nous devons être très attentifs à maintenir ce qui constitue l’ADN du secteur, à savoir la liberté associative.Pour l’instant, le décret est extrêmement soutenant pour les OJ et reconnaît intrinsèquement la qualité de leur travail et onveut que ça continue. Par ailleurs, il a été évoqué l’idée de fusionner le décret OJ et celui des centres de jeunes. Pour l’ins-tant, ces deux secteurs sont sur la même longueur d’ondes sur 90% des dossiers, même si les thématiques et les typesd’action sont différents. Nous devrons être attentifs aux conséquences des éventuelles fusions ou rapprochements des troispôles de représentation des jeunes que sont : le CCOJ, le Conseil de la jeunesse et la CLCJ (Coordination des centres dejeunes).La crainte pourrait venir de la remise en cause du financement global du secteur, étant donné le contexte budgétaire actuel.

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    L’autonomie : Qu’est-ce que ça veut dire pour lesjeunes ?

    La parole des jeunes sur la question de l’autonomieest plurielle et multiple. S’il y a une conditioncommune à la jeunesse, c’est l’incertitude danslaquelle nous sommes plongés, cette incapacité à seprojeter dans une société soumise à la loi du profitimmédiat où les politiques à moyen et long terme sontabsentes et l’investissement dans le futur inexistant.Dans ce non-cadre, les désirs d’autonomie seconstruisent dans une démarche qui vise soit à sefaire accepter par le monde « tel qu’il marche » soit às’en émanciper, que ce soit vis-à-vis de l’Etat, dont onne voit que la main droite, que vis-à-vis des injonctionsau bonheur uniformisé du Marché. Les deuxdémarches s’entremêlent souvent. Pour se « libérer » du contrôle de la famille, beaucoupde jeunes sont obligés de faire appel au contrôle duCPAS et se retrouvent exclus du « rêve belge » : untravail qui te permet de rembourser le crédit voitureque tu es obligé d’avoir pour faire les allers-retoursentre ton travail et ta maison.

    Quelle est la situation des jeunes et leurs aspira-tions par rapport à l’emploi, au logement, aux alloca-tions sociales, etc. ?

    Les perspectives économiques et sociales enEurope sont devenues très sombres depuis la crisefinancière de 2008. Environ 25% des jeuneseuropéens sont hors emploi, et pour ceux qui onttrouvé grâce aux yeux du marché du travail, lescontrats précaires sont la norme. En Wallonie, un tiersdes personnes étant au CPAS ont moins de 25 ans.Les jeunes sont une part importante de la population àavoir des difficultés financières. La garantie jeunessemise en place par la Commission européenne nousapparaît comme une énième politique d’activationdont la logique est la suivante : si les jeunes sont au

    chômage, c’est parcequ’ils ne sont pas«activés » ; ils sont donc« passifs » et non employables. Il faut un certain culotpour aller dire aux 60% de jeunes chômeurs espagnolsque leur avenir dépend uniquement de leur capacité àêtre employables. Cette année, à travers la campagnepour l’abrogation de l’article 63§2, nous avonsdénoncé le climat actuel de stigmatisation envers leschômeurs et les mesures du gouvernement quirenforcent les contrôles et les sanctions directes. Lesmesures prises par le gouvernement (allongement dustage d’attente, dégressivité des allocations dechômage, etc.) ont fragilisé des catégories de lapopulation qui l’étaient déjà : les femmes, les jeuneset les allocataires sociaux. Elles ont précipité lespersonnes les plus vulnérables dans la pauvreté,obligeant des familles entières à vivre dans desconditions non conformes à la dignité humaine. Leschiffres montrent que, déjà, près de la moitié desenfants belges ayant des parents au chômage viventen-dessous du seuil de pauvreté. En réduisant cesallocations, la situation risque de devenircatastrophique pour les jeunes et notre société. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas depaternalisme, mais de la garantie d’un revenu, que cesoit à travers des emplois durables, une sécuritésociale renforcée ou un revenu de base.

    Au sein de notre mouvement, certaines revendicationssemblent faire l’unanimité telles que la réductioncollective du temps de travail, la remise en question dumonde du travail et le lien à faire avec le bien-être,l’engagement sociopolitique, une plus juste répartitiondes richesses, un accès moins élitiste aux études, lagratuité des transports publics, etc.

    Comment s’adresser aux jeunes aujourd’hui : que fait-on comme militant à la JOC ?

    Nous discutons, partageons et réfléchissonsensemble sur les situations qui nous oppressent, maisil ne s’agit pas juste d’énoncer les injustices que nousvivons, nous essayons de lutter concrètement contre etproposons des alternatives ! Pour se faire entendre, on privilégie souvent l’actionsur le terrain à travers des actions directes nonviolentes, de la désobéissance civile et descampagnes de sensibilisation. Nous avons définiquatre thématiques prioritaires à développer : le genre,l’antiracisme, la répression et la question de ladémocratie.

    Propos recueillis par Audrey Dye

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015

    JoC : Pas de paternalisme,mais un revenu quigarantit l’autonomieLes JoC (jeunes organisés et com-batifs) sont un mouvement d’éduca-tion par l’action qui rassemble desjeunes de milieux populaires en lesorganisant afin qu’ils mènent desactions collectives de changement.nous avons demandé à emilie del-court ce que signifie “être auto-nome” pour un jeune.

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    Au mois de septembre dernier, Juliette, 24 ans,achève glorieusement son parcours et sa vie d’étu-diante en présentant son mémoire. Désormais munied’un diplôme de psychopédagogue, elle a la chancede décrocher bientôt un job dans une asbl. Ce n’estque temporaire : un contrat à durée déterminée dedouze mois pour un projet subventionné, sans garan-tie de continuité. Mais c’est un début et puisqu’elle aun salaire, Juliette a bien envie de prendre son essoret de s’installer avec son Roméo dans un logementbien à eux. Acheter, ils n’y pensent même pas. Semettre déjà un lourd crédit hypothécaire sur le dos lestentent peu et ils doutent qu’une banque leur accor-derait ce crédit. Ils pensent plutôt à louer un apparte-ment. De préférence en ville pour pouvoir profiter destransports en commun et ne pas s’imposer l’achatd’un véhicule.

    décrypter les annonces

    Oui mais quelle ville ? Le compagnon de Julietteenseigne dans trois écoles namuroises. L’asbl où tra-vaille Juliette siège à Charleroi. Après une étudeapprofondie des services TEC et SNCB selon leurshoraires respectifs, ils optent pour Namur et se met-tent en chasse. Sans se douter du parcours du com-battant qui les attend.

    Rapidement, notre jeune couple s’aperçoit qu’il n’estpas si facile de se faire une idée du logement mis enlocation sur base de l’annonce. Si certaines sont trèscomplètes, d’autres s’avèrent sibyllines. Le prix duloyer n’est pas toujours mentionné. Ou alors on neprécise pas ce que recouvrent les charges : entretiendes communs, forfait eau, énergie…? Par contre,d’autres indications laissent perplexes : « idéal pourcélibataire » veut-il dire que le logement est trop petitpour deux ou que le bailleur n’aime pas louer à descouples ? D’autres font froid dans le dos : « CPAS etchômeurs s’abstenir ». Sans être concernée, Juliettese dit que son statut actuel ne durera qu’un an. Etaprès ? Et si un jour… ? Dans une autre annonce, lebailleur exigeait le paiement dès l’entrée des six pre-miers mois de loyer ! (1)

    désolée, c’est loué !

    La question financière vient en deuxième place dansle rang des motifs de discrimination en matière d’ac-cès au logement. Parfois, il se révèle très nettementdès lecture de l’annonce, comme lorsqu’on exige plu-sieurs loyers d’avance ou la preuve d’un contrat àdurée indéterminée (ce que ni Juliette ni son compa-gnon ne possèdent). Parfois, comme le note le Centrepour l’égalité des chances, cela se fait de manièreplus subtile et il faut repérer des mots-clés, qui décou-ragent certains profils : « idéal pour célibataire » estpar exemple une façon d’écarter une mère célibataire

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    Se loger, le parcours du jeune combattant !Rester chez ses parents jusqu’à trenteans, qui en rêve ? L’autonomie passenaturellement par le fait d’avoir un« chez-soi ». Mais pour avoir un loge-ment, il s’avère qu’il vaut mieux avoir« bon teint », les poches pleines, unebonne expérience et… ne pas avoirl’air trop jeune. ou gare à la galère !

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - novembre - décembre 2015

  • avec un enfant. Un revenu unique paraît insuffisant àcertains bailleurs.

    Pour la même raison, une partie d’entre eux n’aimentpas louer à des jeunes. Ou alors ils exigent la cautiondes parents. Autre motif invoqué pour écarter lesjeunes : la crainte qu’ils n’entretiennent pas convena-blement le logement. Ou encore qu’ils se montrenttrop bruyants. En fait de discrimination, notre couplefera quelques découvertes amères. Non seulement ilssont jeunes et n’ont que des contrats de travail tem-poraire, mais le Roméo de Juliette ne s’appelle pasRoméo. Il s’appelle Djalil. Il a bien la chevelure noire

    du héros de Shakespeare mais elle est très frisée. Ilest certes né en Belgique mais son nom sonne étran-ger. Alors il arrive qu’après un entretien au téléphoneprometteur, lorsque la visite a lieu, le bailleur ou labailleuse s’exclame un peu vite, « désolée, c’est déjàloué » ou monte le prix, ou en rajoute aux conditions.La discrimination sur base de l’origine vient en tête dutiercé sombre dressé par le Centre pour l’égalité deschances dans son baromètre. Le Centre recommandede mener des actions d’information et de sensibilisa-tion auprès des bailleurs et des agences immobi-lières. Le gouvernement wallon a notamment prévudans sa déclaration de politique régionale de menerdes testings (ou contrôles mystères) pour découragerces pratiques trop courantes.

    un prêt pour la garantie locative ? on n’a pas ça madame !

    En même temps qu’ils poursuivent leurs recherches,Juliette et Djalil se demandent comment faire pourréunir la somme nécessaire au versement de lagarantie locative. S’ils peuvent y parvenir, ils nedevraient avancer « que » deux mois de loyer (ce quisignifie en payer trois le premier mois de location).L’air de rien, pour un loyer moyen wallon situé (selonles sources) entre 417 et 509 € (2), cela représente

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    on ne peut pas tout demander !

    Le Centre interfédéral pour l’Egalité des chancesest régulièrement interpellé par des candidats loca-taires qui se demandent si les multiples informa-tions exigées par certains bailleurs sont légales oupas. Certaines de ces exigences peuvent refléterdes pratiques discriminatoires : « Un bailleur quis’informe sur le lieu de naissance d’un candidat,son passé judiciaire, son état de santé, etc. pour-rait utiliser ces données pour écarter certains pro-fils de candidats ». Ce peut être aussi le fait de nepas accepter les revenus de remplacement. Aussi,puisque désormais les Régions sont compétentesen matière de bail de résidence principale, leCentre leur recommande-t-il d’organiser uneconcertation entre représentants des bailleurs etdes locataires et la Commission de la protection dela vie privée, pour inscrire dans la législation uneliste des informations légalement exigibles. Un for-mulaire-type existe déjà, à l’initiative de cetteCommission et du Centre.

    Quant à l’obligation d’affichage des loyers lors d’unemise en location, en vigueur depuis 2007, elle n’estpas suffisamment respectée et les communes semobilisent trop peu pour effectuer l’information et lecontrôle nécessaires. Or ce déficit d’information surle prix est aussi source de discrimination.

    Se loger, le parcours du jeune combattant !

    Van Dieren

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015

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    plus d’un mois de salaire. Mais le couple apprendqu’il est possible de demander à leur banque d’avan-cer la somme, qu’ils rembourseront en trois ans maxi-mum, par dépôts mensuels. Bizarrement, c’est alorstrois mois de garantie locative qu’ils devront assurerau lieu de deux. Mais c’est moins lourd pour le budgetmensuel. Juliette se rend donc auprès de sa banqueet là, surprise ! On lui répond que ce produit n’existepas. Elle peut prendre un prêt à tempérament si elleveut. Faisant la même démarche auprès de la sienne,Djalil s’entend dire qu’il devra débourser 250 € pourfrais de dossier.

    Créer un fonds des garanties locatives

    Le secteur bancaire n’a guère apprécié le dispositifinscrit dans la loi-programme de 2007 et l’a sapé. ABruxelles et en région namuroise, des militants des EPont testé leurs banques et vérifié cette attitude. Lavraie solution consisterait en la création d’un systèmemutualisé, un fonds des garanties locatives, universelet obligatoire (3). L’associatif le réclame depuis desannées. C’est dans les cartons des Régions wallonneet bruxelloise de cette législature, heureusement,mais rien n’est encore fait et notre couple candidatlocataire devra quémander le soutien des parentspour entrer dans son futur logement. Un coup dansl’aile du désir d’autonomie !

    La colocation : une bonne idée mais… 

    Une quinzaine de visites plus tard, Djalil et Juliette,n’ont toujours pas trouvé un appartementcorrespondant à leurs moyens et à leurs espérances,ils ont rencontré quelques bailleurs avenants maisaussi avalé quelques couleuvres. Un ami leur suggèrede jeter un œil sur les sites qui proposent deslogements en colocation. Il en existe plusieurs, dontInfor-Jeunes tient la liste (4). L’idée connaît déjà unfranc succès auprès des jeunes en particulier. Ilsseraient 13% à la pratiquer en Région bruxelloise. Onpartage une location à plusieurs, ce qui divise lemontant du loyer. D’autres objectifs peuvent ainsi êtrerencontrés : développer du lien, vivre un partage devaleurs, s’entraider entre générations… Une pratiqueintéressante donc. Mais qui nécessite de clarifier lesrelations tant envers le bailleur qu’entre les co-locataires eux-mêmes. Qui est responsable dans larelation contractuelle ? Qu’est-il prévu si un colocataires’en va ou éprouve des difficultés de paiement ? Autrerisque : celui d’y perdre un statut. Là encore, il y a unediscrimination entre travailleurs avec et sans emploi.Si vous en avez un, personne ne contrôle avec quivous vivez. Sinon, vous risquez de basculer dans lestatut de cohabitant. Ce que vous avez gagné enpartageant le loyer est perdu. Juliette et Djalil doivent ysonger vu leur situation professionnelle incertaine. Iciencore, les Régions ont désormais la compétence demener une réflexion et de prendre des mesures pour

    faire avancer cette nouvelle forme d’habiter. Il s’agit dedonner à la colocation une meilleure assise juridique,et d’étoffer la définition de ce qu’est un logement detelle sorte que la colocation soit reconnuedistinctement d’une cohabitation.

    encadrer les loyers pour lutter contreles discriminations

    On ne peut clôturer ce petit tour d’horizon sans évo-quer deux autres problématiques spécifiques auxjeunes, dont il faut se saisir. Tout d’abord le manquede kots sociaux pour étudiants. En 2014, il y enavait... un et un seul en Wallonie, à Mons. Depuis sep-tembre 2015, on en compte 49 aussi à Louvain-la-Neuve. C’est un frein important pour l’accès auxétudes universitaires. Une autre problématiqueconcerne les jeunes qui ont connu les institutionsd’aide à la jeunesse. Lorsqu’ils en sortent et doiventtrouver un logement, ils se trouvent le plus souventdémunis face à un secteur locatif guère régulé, dontles prix flambent. L’accompagnement dont ils bénéfi-ciaient disparaît en même temps. Autant dire qu’entermes d’aide à l’autonomie, le compte n’y est pas.

    Soutenir la prise d’autonomie des jeunes, tout commelutter contre les discriminations, passe par des déci-sions qui doivent contribuer à encadrer le secteurlocatif privé. Le centre pour l’égalité des chancesnous rejoint en ce sens puisqu’il recommande luiaussi d’instaurer des commissions paritaires locativesqui seraient chargées d’établir, dans un esprit deconcertation, des propositions pour un bail-type, desgrilles de loyers de référence et des procédures demédiation locative. Ces mesures, ainsi que le fondsdes garanties locatives et la colocation, sont en dis-cussion dans les Régions wallonne et bruxelloise etc’est de bon augure. Il convient d’encourager nos élusà concrétiser des avancées dans ce domaine. Nousdevons offrir aux jeunes générations autre chose queles fins de droit infligées par le gouvernement fédéral,qui obscurcissent leurs horizons, brisent la solidaritéet les renvoient à eux-mêmes.

    Christine Steinbach

    1. Ces exemples proviennent de témoignages de militants dumouvement et du baromètre de la diversité - logement, publié en2014 par le Centre interfédéral pour l’Egalité des chances et lalutte contre le racisme et les discriminations. Disponible en ligne. 2. Nicolas Bernard, Encadrement des loyers (grille de « réfé-rence » et taxation des loyers réels) : développements récents,Les Echos du Logement, mai 2014, pp8-9, édité par la Régionwallonne.3. Voir aussi Muriel Vanderborght et Christine Steinbach, « Desbalises pour un Fonds de garantie locative », Contrastes n°167,pp14-16, édité par les Equipes Populaires.4. Lire aussi dans la brochure « Prendre son autonomie », Lesdossiers Infor-Jeunes, 2015. Disponible en ligne.

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    Contrastes - Equipes Populaires - novembre - décembre 2015

  • L’autonomie à laquelle on pense est bien entendu sur-tout l’autonomie financière. C’est d’ailleurs la défini-tion qu’en donne Infor-Jeunes dans son étude « pren-dre son autonomie » : « devenir socialement auto-nome, c’est fonder un foyer distinct de celui de sesparents. Pour ce faire, le jeune doit prouver qu’il n’estplus à leur charge ».

    On trouve ici deux réalités parfois contradictoires : - avoir un foyer distinct, c’est-à-dire vivre séparé-

    ment de ses parents ;- avoir un revenu suffisant pour faire face aux

    dépenses.Autrement dit, ce n’est pas parce qu’on vit chez sesparents qu’on ne gagne pas sa vie et inversement.

    etre autonome, c’est acheter ce qu’onveut quand on veut…

    Les jeunes sont clairement une cible privilégiée dumarketing et de la publicité, mais pourquoi ? Si l’onaffine, on se rend compte que la publicité cherche àtoucher particulièrement les jeunes qui ont un revenuet une « oreille » pour la publicité. Il y a donc deux« moteurs » principaux dans les comportementsd’achat des jeunes : les influences (motivations) et lesmoyens (revenus) disponibles.

    Un des grands changements de notre société est lebasculement entre des sphères d’influence qui ser-vent de référence aux jeunes. Plus clairement, il sem-ble que les jeunes jusqu’à 15 ans sont principalementinfluencés par le modèle familial (ce que les parentsFONT et non pas DISENT), et en second lieu parl’école. Après 15 ans, on note un basculement : cesont dès lors les pairs (les copains) puis les médias etla publicité qui vont servir de référence au jeune. Lafamille, tout comme l’école, passe au second plan,même si la famille reste la référence de base (oncompare toujours par rapport à la famille, en respec-tant ou en rejetant ses habitudes et ses valeurs). L’influence des pairs et de la publicité est accentuéepar le fait que les jeunes sont en permanence« connectés » (grâce aux gsm, tablettes, etc.) : c’est unmatraquage constant et répété, toujours plus ciblé(grâce à leurs préférences personnelles qu’ils révèlenteux-mêmes en les utilisant).

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    en tant qu’adultes, le mieux qu’onpuisse souhaiter aux jeunes, à « nosjeunes  », c’est qu’ils deviennentautonomes. nous nous attendons àce que, pour elles et eux aussi, cesoit leur désir le plus ardent que depouvoir construire leur vie commeelles et ils l’entendent. Mais il nesuffit pas de savoir faire ses lacets(et se retrousser les manches) pours’y retrouver dans notre monde com-plexe à l’extrême et pouvoir prendreson envol !

    L’AutonoMie ?

    Mon pire rêve ou mon meilleurcauchemar…Au

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    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015

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    Il semble qu’il y ait aussi un lien fort entre le niveaud’éducation (et sa qualité) et la capacité du jeune àprendre de la distance ou non avec la publicité. Lapublicité, il faut apprendre à la décrypter pour pouvoirs’en détacher !

    La question des moyens est celle des moyens (argent)disponibles, et donc à la fois l’ampleur des moyens,mais aussi l’importance des charges à assumer. En conclusion, chez les jeunes « dépendants » n’ayantpas de frais à assumer, tout le revenu disponible peutêtre consacré aux loisirs ; mais si le jeune est auto-nome, sa priorité sera d’assumer ses frais. Selon une enquête de l’institut de gestion de créditIntrum Justitia, la Belgique ne dénote pas dans le pay-sage européen : trois jeunes Européens sur dix (15-24ans) affirment ne pas avoir assez d’argent pour menerune digne existence. En Belgique, 26% des jeunes seconsidèrent dans cette position (1).

    Dans une enquête réalisée par Jan Velghe auprès desjeunes adultes (18-27 ans) (2), l’auteur souligne l’émer-gence d’un phénomène propre à notre époque, qu’ilnomme la « premature affluence » (qu’on pourrait tra-duire par le confort financier prématuré). En Flandre, une étude a été réalisée pour évaluer lerevenu moyen des jeunes de 17 ans : il est estimé àenviron 2.500 € par an, et ¾ d’entre eux travaillentau moins occasionnellement. Cet argent est principa-lement consacré aux loisirs. Or il est rare qu’un pre-mier salaire permette de consacrer près de 200 € parmois pour les seuls loisirs ! Cette situation crée undéséquilibre au moment de l’autonomisation : leniveau de confort (notamment financier) du jeune vachuter brutalement, ce qui peut l’amener à repousserl’échéance de l’autonomisation s’il en a la possibilité,mais surtout peut l’entraîner vers des comportementsfinanciers à risque.

    etre autonome, c’est apprendre àgarder l’équilibre

    L’image qui vient en tête est celle de l’apprentissagedu vélo : on ne tient pas sur un vélo à l’arrêt, et le défiest donc de pouvoir garder l’équilibre tout en avan-çant ! Ce n’est pas parce qu’on s’écarte un peu quec’est grave, mais si on chute, il est possible qu’on aitplus de mal à repartir… Mais c’est évidemment plusfacile quand on a un bon vélo, voire des petites rouespour maintenir ou retrouver l’équilibre.L’étude s’est donc concentrée sur deux aspects : lesretards de paiement, autrement dit quand on quittetemporairement la route, et l’endettement, c’est-à-direl’accident.

    Pour ce qui est des retards de paiement, ils semblentêtre d’abord liés à un emprunt à la banque ou pourdes factures liées au logement (eau, gaz, électricité).

    Mais il y a un lien très clair avec le contexte : si lejeune a un bon niveau d’éducation ou pas (et doncpotentiellement un revenu élevé ou non), s’il a desenfants à charge ou non, et évidemment s’il a vécu unaccident de vie ou non. Ainsi, parmi les jeunes auto-nomes qui doivent boucler leur budget avec seule-ment un revenu de remplacement (chômage ou mala-die), 1 sur 3 a au minimum un retard de paiement. Parmi les raisons de l’emprunt, deux causes princi-pales s’imposent : les dépenses importantes (maison,voiture) et les achats impulsifs.

    L’origine des problèmes financiers à long terme sembleplus directement liée au niveau de revenu : selon JanVelghe, les problèmes financiers viennent d’abord del’endettement, ensuite du manque de revenus et deréserves financières. Que l’on soit autonome ou non,toute dépense imprévue peut faire basculer, qu’elle soitdue à un accident de vie (perte d’emploi, maladie, etc.)ou au besoin de s’offrir un petit extra, même minime.

    Et là encore, comme le montre l’article en page 3,l’éducation et le milieu sont déterminants : parmi lesjeunes qui font partie d’une famille dont le niveausocio-économique est élevé, 5% déclare avoir des pro-blèmes financiers, contre 20% issus de familles moinsfavorisées. On ne part pas tous avec le même vélo…

    etre autonome, c’est un rêve ou un cauchemar ?

    L’autonomie est pour certains un rêve qui paraît inac-cessible, pour d’autres une douche froide.Nous disions en introduction qu’être autonome, c’étaitavoir un lieu de vie distinct et pouvoir l’assumer. Selonl’enquête, en Belgique, 4 jeunes adultes sur 5 viventencore chez leurs parents. Ce n’est clairement pastoujours un choix, de rester comme de partir.

    Ce passage à l’autonomie est déterminant pour l’ave-nir des jeunes adultes et c’est en fait un moment oùse révèlent les vulnérabilités liées au profil (âge etniveau d’enseignement, milieu, importance des reve-nus, caractère et achats impulsifs, etc.).

    Après 15 ans, on estime que :- L’influence de l’école est quasi nulle (ce qui n’a

    pas été appris ne le sera plus) ;- Le milieu et les habitudes familiales restent essen-

    tiels ;- Les pairs et les médias/pub prennent une place pré-pondérante ; et plus vos compétences et celles devos parents sont faibles, plus vous êtes fragiles faceà l’influence des médias/pub, notamment du crédit ;

    - Votre caractère va également jouer : par exemple,on sait bien que deux frères qui ont pourtant apriori la même éducation, le même milieu, etc. ne

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    réagissent pas pareil au moment de faire des achats. Dans le« caractère », on peut notamment inclure les différences decapacité de gestion et la vision (à court ou long terme).

    La grosse différence tient plutôt à la façon dont les jeunes négo-cient la transition entre la dépendance et l’autonomie. Et ici,c’est le « filet » qui est déterminant : en effet, un comportement« à risque » ne deviendra problématique que si le jeune n’a pasde filet de sécurité derrière lui. Ce filet, c’est à la fois des res-sources financières (revenus mais aussi épargne, de lui-même etde ses proches, famille et amis) et des compétences (et notam-ment pour savoir où trouver les bonnes informations). Selon laprésence ou non et la qualité de ce « filet », les conséquencesseront plus ou moins graves et durables pour le jeune.

    L’autonomie, ou comment construire l’égalité ?

    Le passage à l’autonomie est clairement révélateur des inégali-tés, socio-économiques mais aussi culturelles. Et on voit quenombre des mythes qu’on peut avoir en tête sur les jeunes(dépensiers, imprévoyants, etc.) ne résistent pas à une étude cri-tique : c’est avant tout le manque de revenus et de « filet » quipeut mettre les jeunes en difficulté. Plus qu’une éducation financière ponctuelle, n’est-il pas tempsd’encadrer (et pourquoi pas interdire) la publicité qui lesmatraque, de façon de plus en plus pernicieuse ? Et surtout, surtout, d’offrir de meilleurs emplois et revenus deremplacement pour permettre à « nos jeunes » une véritableautonomie et au-delà, un épanouissement. Parce que si nousleur souhaitons l’autonomie, c’est pour qu’ils aient la capacitéde courir après leur(s) rêve(s) et, espérons-le, d’en réaliserquelques-uns…

    Audrey Dye

    1. Trois jeunes européens sur dix ne parviennent pas à boucler leurs fins demois, article du 14 novembre 2014, Intrum Justitia,http://www.intrum.com/be/fr/presse-publications/communique-de-presse/publi-cation-container/2014/11/trois-jeunes-europeens-sur-10-ne-parviennent-pas-a-boucler-leurs-fins-de-mois/2. Association de recherche pour les organisations de consommateurs, succé-dant au CRIOC.

    Le crédit, réponse à une société du “luxe décompléxé”Quelles sont les valeurs « majoritaires » que lesjeunes d’aujourd’hui souhaitent transmettreaux jeunes de demain en matière de gestionfinancière ? Le premier résultat qui surprend est que per-sonne, parmi les jeunes sondés de l’enquête del’ABREOC, n’a pointé le crédit comme un dan-ger contre lequel il faut mettre en garde lesfutures générations. Et si l’on estime que lasphère d’influence prioritaire lorsqu’on est unjeune adulte, après le bagage de la famille, estcelui des pairs et des médias, on pourraitpresque en conclure que le crédit est entrédans les mœurs. Mais il ne faut pas oublier que, depuis la crisede 1929, le crédit est présenté comme la solu-tion pour favoriser la consommation et fairefonctionner l’économie, et qu’il y a maintenantpresque trois générations qui vivent avec  ! Etcomme le dit Nadine Fraselle, Directrice de

    l’Observatoire du crédit et de l’endettement (1) : « consommer,c’est échanger, c’est communiquer, c’est interagir en société.Ne plus consommer correspond à une mort sociale  ». Il estdonc normal que la socialisation du jeune adulte passe aussipar la consommation dans une société comme la nôtre !

    Pourtant, seulement 26,9% des jeunes adultes belges sondésempruntent parfois de l’argent auprès de la famille ou desamis, et 18,8% auprès d’institutions, de banques ou de maga-sins. Tous les jeunes ne font donc pas appel au crédit à lamoindre dépense imprévue  : voilà un mythe (véhiculé pour-tant par la publicité) qui tombe.

    Le crédit touche particulièrement les adultes qui sont auto-nomes jeunes, et ici le lien avec le niveau d’éducation estimportant : ils ont des revenus faibles (n’ayant pas de diplômeou un diplôme faible) en comparaison des frais élevés et ilssont moins résistants aux appels du crédit (car plus sensiblesà l’influence des médias). Les revenus de base servent à couvrir les frais, mais il fautfaire appel au crédit pour le petit «  plus  » de confort. Et leniveau de confort souhaité est élevé dans cette société du«  luxe décomplexé  » : les jeunes ne souhaitent pas avoir unpeu de confort, mais arriver rapidement, voire instantané-ment, au niveau de confort qui est la «  norme  » dans leurmilieu, chez leurs parents ou chez leurs pairs.

    Le comportement face à l’épargne semble, lui, être plus direc-tement influencé par le niveau de revenus : c’est d’abord unequestion de pouvoir plus que de vouloir. L’influence du niveaude l’éducation est cependant prépondérante. Mais nous sommes loin du mythe des jeunes qui n’épargnentplus : 81,2% des jeunes sondés économisent, qu’ils soientautonomes ou non ! Et environ 2/3 des jeunes adultes finan-cièrement autonomes ont suffisamment d’épargne pour com-penser des dépenses inattendues ou compenser temporaire-ment une baisse de revenus.

    (1) Les jeunes et l’argent, extrait des actes du colloque “Les jeunes et laconsommation : le bien-être à quel prix ?” (2002) surhttp://www.reajc.be/fr/spip.php?article124

    jeunesContrastes - Equipes Populaires - Novembre - décembre 2015

    Van Dieren

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    3. LA fAMiLLe, une PRéCieuSe Boîte à outiLS

    Y a-t-il un lien entre le contexte familial dans lequel les enfants ont vécu et la capacité qu’ils ontà gérer leur argent une fois devenus majeurs ? Telle était la question centrale de l’enquête réal-isée par Jan Velghe, expert à l’ABREOC (1). La réponse est sans conteste positive. Mais desnuances s’imposent.

    6 JeuneS étudiAntS Au CPAS

    Les mesures prises en matière d’allocations sociales touchent de plein fouet les jeunes de 18 à25 ans. Face à ce phénomène, de plus en plus de jeunes se tournent vers lesCPAS. Pour pouvoir survivre, tout simplement. Ou parfois pour poursuivre desétudes. Le résultat ? Les avis sont mitigés.

    10 inteRView : ChRiStoPhe CoCu : L’engAgeMent deS JeuneS ne fAiBLit PAS

    Pour Christophe Cocu, directeur de Relie-F et président de la CCOJ, une sériede mesures liées à l’accès à l’emploi et au logement freinent la quête d’au-tonomie des jeunes. Mais nombre d’entre eux expérimentent et exercent leurindépendance en prenant des responsabilités dans des projets citoyens. Unemanière de casser l’image déformée que la société se fait de la jeunesse.

    14 Se LogeR, Le PARCouRS du Jeune CoMBAttAnt !

    Rester chez ses parents jusqu’à trente ans, qui en rêve ? L’autonomie passe naturellement par lefait d’avoir un « chez-soi ». Mais pour avoir un logement, il s’avère qu’il vaut mieux avoir « bonteint », les poches pleines, une bonne expérience et… ne pas avoir l’air trop jeune. Ou gare à lagalère !

    17 L’AutonoMie ? Mon PiRe RêVe ou Mon MeiLLeuR CAuCheMAR…

    En tant qu’adultes, le mieux qu’on puisse souhaiter aux jeunes, à « nos jeunes », c’est qu’ils devi-ennent autonomes. Nous nous attendons à ce que, pour elles et eux aussi, ce soit leur désir leplus ardent que de pouvoir construire leur vie comme elles et ils l’entendent. Mais il ne suffit pasde savoir faire ses lacets (et se retrousser les manches) pour s’y retrouver dans notre mondecomplexe à l’extrême et pouvoir prendre son envol !

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