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1 Qui sont les jeunes européens prêts à s’engager dans la radicalisation ? Revue multidisciplinaire de leurs profils psychologiques et sociaux. 1 (French Version – « Who are the European youths willing to engage in radicalisation ? A multidisciplinary review of their psychological and social profiles ») Nicolas Campelo 1,2,3 , Alice Oppetit 1 , Françoise Neau 3 , David Cohen 1,4 , Guillaume Bronsard 5 1 Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France 2 ARTEMIS, Atelier de Recherche, Traitement et Médiation Interculturelle et Sociale, Paris, France; 3 Laboratoire PCPP- EA 4056, Institut de Psychologie, Université Paris V René Descartes SPC, France ; 4 Institut des Systèmes Intelligents et de Robotiques, Université Pierre et Marie Curie, Paris, France; 5 CMPPD, Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône (45 avenue du Prado, 13006 Marseille) et Laboratoire de Santé Publique, EA3279, Aix Marseille Université (27 bd Jean Moulin, 13005 Marseille) et EA 7479 (SPURBO, 22 avenue Camille Desmoulins, 29200 Brest) Correspondence to: Nicolas Campelo, [email protected] 1 Pour citer cet article, veuillez utiliser la référence de la version anglaise. To cite this article, please use the original english version reference. DOI : https://doi.org/10.1016/j.eurpsy.2018.03.001

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Qui sont les jeunes européens prêts à s’engager dans la

radicalisation ? Revue multidisciplinaire de leurs profils

psychologiques et sociaux.1

(French Version – « Who are the European youths willing to engage in radicalisation ? A

multidisciplinary review of their psychological and social profiles »)

Nicolas Campelo1,2,3, Alice Oppetit1, Françoise Neau3, David Cohen1,4, Guillaume Bronsard5

1 Service de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France 2 ARTEMIS, Atelier de Recherche, Traitement et Médiation Interculturelle et Sociale, Paris, France; 3 Laboratoire PCPP- EA 4056, Institut de Psychologie, Université Paris V René Descartes SPC, France ; 4 Institut des Systèmes Intelligents et de Robotiques, Université Pierre et Marie Curie, Paris, France; 5 CMPPD, Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône (45 avenue du Prado, 13006 Marseille) et Laboratoire de Santé Publique, EA3279, Aix Marseille Université (27 bd Jean Moulin, 13005 Marseille) et EA 7479 (SPURBO, 22 avenue Camille Desmoulins, 29200 Brest) Correspondence to: Nicolas Campelo, [email protected]

1 Pour citer cet article, veuillez utiliser la référence de la version anglaise. To cite this article, please use the original english version reference. DOI : https://doi.org/10.1016/j.eurpsy.2018.03.001

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RÉSUMÉ

Contexte : Un nouveau modèle de radicalisation est apparu dans les pays occidentaux depuis les années 2010. Les groupes radicaux sont plus petits, moins hiérarchisés et composés en grande partie de jeunes « terroristes-maison ». Le but de cette revue est de mieux comprendre les profils des adolescents et jeunes adultes européens ayant rejoint la cause islamiste radicale et de définir le rôle de la psychiatrie face à ce phénomène. Méthodes : Nous avons effectué une recherche systématique dans différentes bases de données entre janvier 2010 et juillet 2017 et nous avons examiné les études les plus pertinentes, présentant des données empiriques auprès d’une population d’adolescents et/ou de jeunes adultes européens concernés par un processus de radicalisation. Résultats : Au total, ont été examinées 22 études qualitatives et quantitatives. Les troubles psychotiques sont rares parmi les jeunes radicalisés. Néanmoins, ces derniers montrent de nombreux facteurs de risque en commun avec les psychopathologies de l’adolescence. Nous avons élaboré un modèle à trois niveaux des facteurs de risque du phénomène de radicalisation chez les jeunes européens : (1) les facteurs de risque individuels concernent divers vulnérabilités psychologiques telles que les expériences d’abandon précoce ou le sentiment d’injustice et d’insécurité identitaire ; (2) les facteurs de risque micro-environnementaux prennent en compte les dysfonctionnements familiaux ainsi que la fréquentation d’individus radicalisés ; (3) enfin, les facteurs de risque sociétaux intègrent les événements géopolitiques et les transformations sociales, tel que l’anomie, concept développé par Durkheim. Certains facteurs systémiques sont également à prendre en compte puisqu’il y a une rencontre spécifique entre les recruteurs et les individus. Les recruteurs utilisent des techniques sectaires afin d’isoler et de déshumaniser le sujet tout en lui offrant un nouveau modèle sociétal. Conclusion : Nous retrouvons de nombreuses similitudes entre les manifestations psychopathologiques de l’adolescence et les mécanismes en jeu lors du processus de radicalisation. Par conséquent, et malgré le faible taux de pathologies mentales confirmées, les professionnels de la santé mentale ont un rôle à jouer dans la compréhension et le traitement de l’engagement radical chez les jeunes européens. Les études empiriques sont limitées. La recherche devrait poursuivre en ce sens (notamment chez les femmes et les communautés non-musulmanes) afin de mieux comprendre le phénomène et proposer des recommandations plus fines pour la prévention et le traitement auprès de ces jeunes. Mots-clés : radicalisation, terrorisme, extrémisme violent, contexte social, adolescence

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INTRODUCTION

La menace terroriste en Europe atteint des niveaux alarmants [1, 2]. Le

terrorisme est défini par l’utilisation d’une violence intentionnelle et

indiscriminée afin de semer la terreur, ou la peur, dans un but politique,

religieux ou social [3]. Quant au concept de radicalisation, il se distingue par

l’apport d’une dimension temporelle : il s’agit d’un « processus » qui peut

mener à des actions terroristes. Pour Khosrokhavar, la radicalisation est un

« processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente

d’action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique social

ou religieux qui conteste l’ordre établi sur le plan politique, social ou culturel. »

[4]. Au-delà de l’appareil répressif et sécuritaire, de nombreux professionnels

et chercheurs des milieux de l’anthropologie, des sciences politiques, de la

sociologie, de la psychologie et de la psychiatrie sont concernés par la

compréhension du terrorisme et de la radicalisation.

La recherche sur le terrorisme s’est intéressée aux liens avec

l’islamisme, la religion musulmane, la délinquance et l’immigration. Sageman,

psychiatre travaillant pour la CIA, a démontré que les terroristes sont instruits

et appartiennent en majorité aux classes aisées ou moyennes [5]. De

nombreuses revues de la littérature ont confirmé qu’il n’y a pas une voie

prédéfinie menant à la radicalisation : les individus radicalisés sont issus de

différents milieux socio-culturels, ont différentes origines, différentes

croyances familiales, différents statuts sociaux et différents genres [6-9]. Le

modèle pyramidal de la radicalisation a été largement répandu dans l’étude

du terrorisme. Ce modèle se centre sur l’idée que, d’étape en étape, seuls

certains individus sont susceptibles d’atteindre le haut de la pyramide et

commettre un acte violent en conséquence [10-14].

Néanmoins, plusieurs auteurs ont souligné la différence entre les

individus radicalisés qui commettent des actes violents au sein d’un groupe

radical (après un processus de maturation à l’image du modèle pyramidal) et

les « loups solitaires », agissant de façon isolée, qui se radicalisent plus

rapidement et pour lesquels le modèle pyramidal ne s’appliquerait pas [7, 15,

16]. Ces derniers représentent une minorité des individus impliqués dans des

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activités terroristes et sont plus susceptibles de présenter une pathologie

psychiatrique [7]. Sageman, quant à lui, n’a pas relevé d‘indicateurs de

maladies mentales parmi les terroristes qu’il a étudiés *5+. On peut se

demander pourquoi certains individus sont plus susceptibles que d’autres de

s’engager dans un processus de radicalisation et d’aller d’étape en étape

jusqu’à commettre un acte violent. Certains auteurs ont suggéré différents

facteurs de prédisposition comme les tendances dépressives ou les pensées

suicidaires [17-19]. Les sentiments d’injustice et d’humiliation ont également

été mis en avant *20+. D’autres insistent sur les notions d’identité et

d’appartenance, rappelant que faire partie d’un groupe radical et se joindre à

une cause commune donne un sentiment réconfortant de « quête d’idéal »

autour d’un dévouement qui donne une sensation de pouvoir [8, 21, 22]. Des

moments de « fragilités existentielles » ont également été relevés comme des

éléments de vulnérabilité pouvant encourager l’engagement radical *23+.

Moghaddam a souligné l’importance du groupe radical sur l’individu,

notamment l’influence considérable du leader durant le processus de

radicalisation [13]. Les revues de la littérature suggèrent que les différents

contextes environnementaux, politiques, religieux, sociaux et culturels jouent

un rôle important, rendant difficile la comparaison du phénomène de

radicalisation d’un contexte à un autre [8, 14].

Les études mentionnées précédemment sont centrées sur les

mouvements terroristes des années 1990 (c.-à-d. Al-Qaida [5, 22] et le

terrorisme dans le contexte du conflit israélo-palestinien [17, 20]) caractérisés

par l’attaque d’un pays étranger ou pris dans une logique de libération

nationale. La compréhension des actes terroristes a été modifiée ces dernières

années en Europe par l’apparition de ce que certains sociologues ont pu

appelé des « terroristes-maison ». Ce sont principalement des individus qui

sont nés et ont été élevés dans une société occidentale et qui adoptent

l’idéologie de l’islamisme radical violent. Les méthodes de recrutement et de

passage à l’acte ont changé, donnant lieu à de nouveaux modèles de

radicalisation. Différents politologues, sociologues et gouvernements ont fait

ce constat. D’après Sageman, l’utilisation de plus en plus importante

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d’internet par les mouvements jihadistes depuis les années 2000 a provoqué

un changement organisationnel : les groupes radicaux sont aujourd’hui moins

organisés et moins centralisés par rapport aux anciennes organisations

hiérarchisées type Al-QaÏda. Khosrokhavar s’accorde également à dire qu’un

nouveau modèle de radicalisation est apparu dans les pays occidentaux depuis

les années 2010, différent du modèle hiérarchique précédent. Ce nouveau

modèle possède les caractéristiques suivantes : des groupes plus petits (en

moyenne trois individus), plus discrets (moins prosélytes), plus jeunes, et

composés en partie d’individus plus fragiles influencés par des recruteurs.

Même si le nombre d’individus radicalisés demeure faible par rapport à la

population générale, il a considérablement augmenté depuis 2014 sous

l’influence de la propagande de l’État islamique. En juillet 2014, en France, le

ministère de l’Intérieur dénombrait 899 citoyens français qui, soit avaient

rejoint l’État islamique en Syrie ou étaient en passe de le faire, soit étaient

revenus de Syrie, soit avaient exprimé leur intention de rejoindre l’État

islamique. On a pu noter une hausse de 58% en six mois, entre janvier et

juillet 2014 [24]. En août 2016, 364 mineurs ont été signalés auprès des

autorités judiciaires françaises par la police en raison de leurs objectifs et de

signaux alarmants laissant entrevoir un processus de radicalisation [25].

La littérature disponible au sujet du terrorisme et de la radicalisation

s'est fortement concentrée sur les adultes et a peu exploré la question des

adolescents radicalisés. Cependant, depuis 2010, il apparait que les individus

radicalisés en Europe sont plus jeunes qu'auparavant (souvent âgés de moins

de vingt ans) et que le nombre de jeunes femmes concernées est plus

important [4]. Comment ces jeunes ont-ils pu troquer une appartenance

symbolique à un pays européen et à leur environnement, en faveur d’une

organisation qui leur était préalablement étrangère et qui préconise la haine

et la destruction du milieu dans lequel ils ont grandi ? Nous avons formulé

l'hypothèse qu'il existe des similitudes entre les mécanismes qui entrent en

jeu lors du processus de radicalisation et les manifestations

psychopathologiques de l'adolescence : l'attrait vers un ailleurs idéalisé et le

rejet de leur affiliation symbolique pourrait prendre son sens au regard des

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enjeux de séparation et d’individuation spécifiques au processus adolescent et

à l'entrée dans l'âge adulte.

Dans cette revue de la littérature systématique, nous nous sommes

centrés sur la compréhension des profils des adolescents et jeunes adultes

européens qui ont embrassé la cause de l'islamisme radical depuis le début

des années 2010. Plusieurs organisations ont noté que les profils des

personnes radicalisées ont changé en Europe depuis 2010, c’est pourquoi ce

nouveau contexte mérite d'être étudié. Nous avons recherché des données

pertinentes issues de moteurs de recherche médicaux et psychologiques et

nous avons obtenu des articles de différents domaines : psychologie,

sociologie, science de l’éducation, médecine et anthropologie. Nous avons

opté pour une revue multidisciplinaire après avoir constaté, lors des débats

scientifiques, que chaque chercheur a tendance à limiter l’analyse du

phénomène à son champ de connaissances, ce qui nous offre un panorama

incomplet. Le but de cette approche large est de faire un inventaire plus

complet dans le but de revenir ensuite à une approche psychiatrique ou

psychologique plus spécifique.

Méthodes

Nous avons fait des recherches dans les bases de données de Pub Med,

PsycINFO et Psychology and Behavioral Sciences Collection entre janvier 2010

et juillet 2017. Nous avons retenu tous les articles contenant les termes

suivants : Radicali* or Terror* or Violent Protest (résumé) AND Adolescen* or

Juvenil* or Teen* or Youth or Young People or Young Person (tout le texte). En

outre, nous avons examiné en détail les bases de données françaises issues de

la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les

dérives sectaires) dans le but d’identifier des articles français pertinents à

propos de la radicalisation. De par son expérience concernant les phénomènes

d’emprises sectaires, la MIVILUDES a été l’une des premières organisations

gouvernementales chargées d’étudier la radicalisation en France et elle a donc

eu un rôle pionnier dans ce champ de recherches.

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Figure 1. Organigramme PRISMA de la revue de la littérature

Pour sélectionner les articles pertinents, nous avons utilisé les critères

suivants : (i) la population étudiée concerne des adolescents et/ou des jeunes

adultes : sujets entre 12 et 25 ans au moment de leur radicalisation ; (ii) les

sujets habitent dans un pays d’Europe occidentale : le centre International

pour l’étude de la radicalisation et des violences politiques (International

Center for the Study of Radicalisation and Political Violence, en anglais) a

démontré que la majorité des jeunes ayant rejoint la Syrie ou l’Irak depuis

2013 étaient originaires de la Belgique, du Danemark, de la France, de

l’Allemagne, des Pays-Bas ou de la Grande Bretagne (26) ; (iii) l’article porte

sur le phénomène de radicalisation au sens large ; (iv) l’article comporte des

données empiriques et non pas simplement la formulation d’hypothèses ou

d’opinions théoriques ; (v) l’étude est récente et correspond à la période du

contexte choisi (2010 – 2017). L’organigramme PRISMA (Figure 1) montre le

nombre d’archives identifiées, inclues ou exclues, ainsi que les raisons de ces

exclusions à travers les différentes phases du processus de sélection. Parmi les

études choisies, deux co-auteurs (NC et AO) ont sélectionné les informations

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pertinentes indépendamment : auteurs (année), conception des études,

nombre d’individus, tranches d’âge, répartition par genre, pays, critères de

radicalisation, caractéristiques de l’échantillon, outils d’évaluation utilisés et

principaux résultats.

RÉSULTATS

Au total, nous avons obtenu 22 publications. Leurs principales

caractéristiques sont résumées dans le Tableau 1 en annexe. Comme prévu,

ces publications sont issues de différents domaines (notamment, psychologie,

médecine, sociologie et anthropologie) et utilisent différentes méthodologies

(qualitatives et quantitatives). Parmi les 22 articles, 20 concernent la

radicalisation en rapport avec l’Islam. Les 2 restants concernent des affiliations

à une idéologie ou un groupe extrémiste sans spécificité religieuse ni lien avec

l’Islam. Concernant les échantillons intéressants, le Tableau 1 fait la différence

entre les études sur les terroristes ou les individus engagés dans des actions

violentes (n=4), sur les individus qui tentent de rejoindre l’État islamique ou

qui présentent une idéologie extrémiste (n=5), sur l’adhérence aux opinions

radicales dans des échantillons issus de la population générale (n=7), sur des

apports théoriques basés sur l’examen de quelques cas isolés (n=6). Pour avoir

un aperçu de la complexité du phénomène de la radicalisation, nous avons

décidé de présenter les principaux résultats de cette revue en suivant 4 axes :

(1) les différentes catégorisations et profils proposés ; (2) les facteurs de

risque individuels; (3) les facteurs de risque micro-environnementaux; et (4)

les facteurs de risque macro-environnementaux sociétaux et culturels.

Catégories et typologies existantes

Plusieurs auteurs ont proposé différentes formes de catégorisations

afin de mieux saisir ce phénomène et identifier les sous-groupes et les profils

intéressants parmi les jeunes radicalisés. Ces différentes catégorisations sont

présentées dans la Tableau 2. De par la grande variabilité des méthodologies,

des approches (criminologique, sociologique, anthropologique) et des

populations à partir desquelles elles sont développées, ces catégorisations ne

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sont pas comparables. Néanmoins, elles illustrent la complexité des profils de

ces individus radicalisés. Par exemple, la catégorisation habituelle utilisée par

les spécialistes en droit afin de décrire les terroristes, distinguant deux

principaux profils (les « loups solitaires » et les terroristes appartenant à un

groupe (16)), ne semble pas correspondre aux cas des jeunes européens

radicalisés vus en prison, à partir desquels certains auteurs ont pu extraire de

3 à 4 profils (voir Tableau 2). De plus, il semble important de souligner que ces

catégorisations ne permettent pas de faire de lien avec les catégorisations

actuelles des troubles mentaux (DSM-5, par exemple).

Table 2. Catégorisations et typologies existantes concernant les jeunes radicalisés

Auteur (année) Population étudiée Catégorisation proposée / Typologie

Bazex & Mensat 2016 [33]

Expertise judiciaire de 12 individus revenus de zone de guerre irako-syrienne. Age : 21-27, Hommes uniquement.

3 Profils : 1. Délinquant ambitieux 2. Converti Prêcheur 3. Criminel en réseau

Bazex & Bénézech 2017 [27]

112 individus considérés comme radicalisés par le personnel pénitentiaire. Age : moyenne = 30 ans, 96% d’hommes

4 Profils : 1. Délinquant ambitieux 2. Criminel prosélyte 3. Personne en situation de précarité 4. Maladie mentale grave

Bouzar 2016 [30]

809 jeunes dont la famille a signalé la radicalisation musulmane et l’intention de rejoindre l’EI. Age : 12 à 30. Majorité de filles (60%)

8 Motifs d’engagement : 1. Lancelot 2. Zeus 3. Sauveur 4. Daeshland 5. "Mère Thérèsa" 6. La belle au bois dormant 7. Forteresse 8. Para-suicidaire

Khosrokhavar 2015 [37]

Considérations théoriques et observations à propos du phénomène de la radicalisation chez les jeunes européens

3 profils sociologiques : 1. Jeunes désaffiliés et vivant dans des conditions sociales marginales 2. Jeunes issus des classes moyennes 3. Jeunes filles

Ludot et al. 2016 [32]

2 cas rapportés d’adolescents radicalisés n’étant pas issus de familles musulmanes. Le jeune homme a 14 ans et la jeune fille 15.

2 Profils : 1. Jeunes musulmans haïssant la société (importance du contexte géopolitique et social) 2. Jeunes convertis issus des classes moyennes qui se coupent de leur filiation d’origine (contexte géopolitique et social moins déterminant)

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Facteurs de risque individuels

Les troubles psychiatriques sont rares parmi les jeunes radicalisés. Les

individus présentant des troubles psychiatriques représentent une partie

minoritaire des personnes impliquées dans des activités terroristes. Bazex et

Bénézech ont montré que seuls 10% des individus sous main de justice et

suivis pour radicalisation présentent un trouble psychiatrique (27). Par

ailleurs, l’âge moyen de ces individus présentant des troubles psychiatriques

(34 ans) est le plus élevé parmi les 4 catégories proposées (voir table 2, (27)).

Quant au reste, ils remarquent divers troubles de la personnalité sans qu’un

diagnostic psychiatrique formel ne puisse être posé : antisociaux,

obsessionnels et histrioniques (notamment dans les comportements

prosélytes). Rolling corrobore ces résultats : elle rapporte uniquement 3

individus présentant une pathologie mentale parmi les 25 inclus dans son

étude (28), sachant que cette étude est basée sur une population jeune (13 à

20 ans) reçue en psychiatrie infantile et qui n’est donc pas forcément connue

de la justice pour radicalisation.

En revanche, plusieurs auteurs décrivent des vulnérabilités ou des fragilités

psychologiques. Plusieurs types de fragilités psychologiques ont été soulignés

comme des facteurs de risque pour la radicalisation des jeunes. Une

dimension dépressive est souvent signalée parmi les jeunes radicalisés, avec

un sentiment fréquent de désespoir qui ne peut être considéré comme un

épisode dépressif majeur (bien que le diagnostic psychiatrique ne soit pas

disponible dans la plupart des études). L’engagement radical peut être vu

comme un moyen de lutte contre la dépression [28, 29]. Benslama (28)

explique à ce sujet que la puissance de l’offre jihadiste procède d’une

« promesse exaltante » qui permet une « sédation de la douleur d’exister »

*29+. Plusieurs auteurs émettent l’hypothèse que l’idéologie radicale peut

souvent cacher une intentionnalité suicidaire. La notion de martyre peut être

attirante car elle donne un sens à des fragilités existentielles et aux envies

suicidaires. La question de l’intentionnalité suicidaire demeure cependant

complexe. Alors que certains auteurs insistent sur le fait que la promesse

d’une « vraie » vie dans l’au-delà donne à la mort un statut salvateur [4, 29],

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d’autres évoquent la préexistence d’une intention suicidaire chez quelques

sujets *30+. Certainement que le rapport à la mort est variable d’un sujet à

l’autre et s’intrique de façon complexe avec une idéologie radicale qui donne

à la mort une place centrale. Cela fait écho à la notion de « suicide altruiste »

par excès d’intégration de Durkheim *31+. En fin de compte, nous manquons

de preuves empiriques pour répondre à la problématique de l’intentionnalité

suicidaire chez les jeunes radicalisés.

Des conduites addictives préalables sont souvent signalées. La dépendance au

groupe radical peut agir comme un produit de substitution et remplacer une

précédente addiction : certains sujets ont déclaré que l’effet positif et

gratifiant de l’engagement religieux leur avait permis de se débarrasser d’une

addiction à une substance *7, 32+. L’engagement radical peut également être

perçu comme relevant de conduites à risques, avec tout l’attrait que cela

entraine chez les adolescents. Pour les jeunes radicalisés, aller en Syrie peut

représenter une quête initiatique [4, 33]. Les conduites addictives et à risques

ainsi que la recherche de sensations sont des troubles du comportement

communément repérés chez les adolescents délinquants *34+. L’engagement

radical canalise ces comportements en donnant au sujet un cadre solide au

sein du groupe. Enfin, sont souvent repérées des expériences d’abandon

précoces dans la plupart des trajectoires des jeunes radicalisés [33]. Une

structure familiale perçue comme fragile et des représentations parentales

douloureuses sont des facteurs de vulnérabilité pour la radicalisation des

jeunes [28, 33].

L’adolescence en soi est un facteur de risque. L’adolescence est une période

de changements et de réorganisation. Pour certains adolescents, le

détachement d’avec ses objets primaires, à savoir ses parents, et la recherche

d’une identité propre entraine parfois une perte de sécurité et des angoisses

d’abandon *28, 32+. Appartenir à une communauté radicale amène un

sentiment d’appartenance, une signification existentielle qui vient palier ces

angoisses [35]. En se basant sur la psychanalyse d’un sujet radicalisé et sur des

contenus de propagande djihadiste, Leuzinger-Bohleber affirme que les

pulsions prégénitales ravivées à l’adolescence, tel que la violence, sont

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assouvies et légitimées par l’organisation et offrent de surcroit un sentiment

de contrôle face aux angoisses de mort [36]. Par ailleurs, trouver un objet

d’amour en dehors du cercle familial est une autre grande difficulté de

l’adolescence, qui se trouve simplifiée au sein de l’organisation, avec la

garantie d’un mariage réussi *36+. La motivation face au mariage est plus

fréquemment retrouvée chez les jeunes filles que chez les garçons, ces

derniers étant généralement davantage attirés par la fascination exercée sur

eux par le combat armé [30, 37]. Les changements identificatoires durant

l’adolescence et la quête d’idéal offrent une réceptivité accrue aux idéologies

radicales *32+. C’est la raison pour laquelle le message envoyé par l’EI peut

devenir attirant pour certains adolescents. Ces caractéristiques adolescentes

du processus de radicalisation n’ont pas été mises en avant dans les

mouvements terroristes des années 1990 et 2000. Bazex et Bénézech ont

souligné un effet d’âge sur les motifs de judiciarisation de leur population : les

sujets radicalisés sous main de justice pour apologie ou actes terroristes sont

beaucoup plus jeunes que ceux condamnés pour des crimes de droit commun.

D’un côté, nous avons des jeunes qui se retrouvent sous main de justice pour

leur engagement radical et, de l’autre, des adultes condamnés qui, par

disponibilité, semblent rencontrer la radicalisation en prison. Ainsi, en prison,

les individus peuvent s’approprier l’engagement radical de différentes façons

et pour des raisons différentes [27].

Les enjeux identitaires ou l’insécurité identitaire (« personal uncertainty »)

sont d’autres facteurs de risque individuel de radicalisation. Les difficultés

identitaires et d’identification et les processus d’idéalisation jouent un rôle

majeur durant le processus adolescent. Pour plusieurs auteurs, ces enjeux

sont aussi centraux au sein du processus de radicalisation. La néo-identité

associée au groupe et à l’identité radicale peut offrir un sens nouveau et

rassurant à l’expérience des jeunes *32+. Pour certains jeunes apparait une

dimension d’affiliation imaginaire à des origines musulmanes déchues que le

sujet glorifie de nouveau par son engagement [29]. La radicalisation est

perçue comme un « acte de recouvrement d’identité » ou de « recouvrement

de la dignité perdue » *37+. Les membres s’identifient au leader dont la

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puissance et le prestige compensent les carences du narcissisme individuel [7].

Ces éléments rejoignent les théories du narcissisme et des idées de grandeurs

dans les groupes, qui mettent en avant le fait que la foule place la figure du

leader et de l’idéologie à la place de leur idéal du moi, sorte de protection

mégalomaniaque contre l’angoisse qui renforce les fantasmes d’immortalité

[38]. Ces fragilités identitaires et narcissiques peuvent aussi être retrouvées

chez des jeunes issus des classes moyennes dont le sentiment de

« victimisation » proviendrait de la souffrance de l’anonymat et du sentiment

de non-appartenance. Ces derniers pourraient donc également faire le choix

de l’engagement djihadiste dû à ces fragilités identitaires. Le fait que les

adolescents issus des classes moyennes et sans lien particulier avec l’islam

puissent faire ce choix-là souligne l’importance du processus adolescent dans

ce choix d’engagement radical *32+. Pour Doosje, « l’insécurité identitaire »

(« personal uncertainty ») est l’un des trois déterminants principaux qui

composent les systèmes de croyance radical, tout comme l’injustice perçue et

le sentiment de menace intergroupe *39+. Cette conclusion s’appuie sur la

théorie « Incertitude-Identité » de Hogg : plus les individus vivent leur

environnement de façon incertaine, plus ils sont enclins à s’identifier

massivement à des groupes [40], et plus les propriétés de ce groupe forment

une unité où les individus paraissent interchangeables, plus ce groupe réduit

efficacement l’incertitude *41+.

L’injustice perçue, ou le sentiment d’injustice, est un autre déterminant de la

radicalisation. Il est cité dans plusieurs études, quel que soit le vocabulaire ou

la méthodologie utilisés : « Injustice perçue » [39], « Oppression perçue » [14],

« Frustration » [27], « Désespoir », « Sentiment d’indignité » ou « Mépris

perçu » [37]. Tous ces termes illustrent un profond malaise du sujet, qui tente

de donner un sens à cette « faille existentielle ». Cette « injustice » est

souvent mise en avant par les radicalisés eux-mêmes afin de justifier leur

engagement et de désigner les coupables. Benslama explique également que

ce sentiment d’injustice, souvent provoqué par une expérience personnelle,

est recouvert par l’idéologie radicale qui donne ainsi à ce sentiment une

valeur plus forte et partageable à sa revendication et à son engagement [29].

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Par ailleurs les liens entre l’injustice perçue et la réalité d’une discrimination

socioéconomique sont développés ci-après (voir facteurs de risque macro-

environnementaux).

Plusieurs auteurs signalent l’importance d’un évènement déclencheur comme

facteur déterminant au passage à l’acte ou, tout du moins, à l’engagement

radical. La liste des éventuels événements déclencheurs repérés inclut un

traumatisme brutal concernant un être aimé (deuil, maladie, séparation, etc.)

[30, 42] ; une déception amoureuse [33] ; la visualisation d’une vidéo d’une

femme battue lui ayant rappelé sa mère [42] ; une vidéo ayant réactivé une

souffrance profonde liée à son histoire familiale [33], et une récente

expérience de discrimination ou la diffusion de vidéos violentes et

insoutenables [30].

Enfin, plusieurs auteurs ont décrit des mécanismes psychopathologiques à

l’œuvre durant le processus de radicalisation. L’idée ici est d’expliquer les

mécanismes psychologiques en jeux une fois que l’individu s’est, d’ores et

déjà, engagé dans un processus de radicalisation. Tout d’abord, le mécanisme

de projection est souvent repéré : L’idéologie radicale offre au sujet, par sa

vision manichéenne, la possibilité de trouver une figure de responsable. C’est

à travers cette désignation que le mal est projeté en cet autre extérieur

permettant de ne penser aucun mal en soi. L’acte violent se trouve ainsi

justifié puisqu’il permet la destruction du mauvais et offre ainsi la possibilité

d’apaiser la culpabilité du sujet par ce qui est désigné comme un acte de

purification *43+. Ces mécanismes psychiques s’apparentent à ceux que l’on

voit à l’œuvre dans les fonctionnements paranoïaques sans que l’on puisse

pour autant y voir la présence d’une pathologie psychiatrique ou même d’un

trouble de la personnalité spécifique *7, 27, 29+. S’ajoute à cela un mécanisme

de clivage fonctionnel mis en avant par plusieurs auteurs. C’est par ce

mécanisme que ces individus peuvent mettre de côté les valeurs morales

qu’ils avaient dans le passé et écarter plusieurs éléments fondateurs de leur

fonctionnement psychiques qui pourraient rentrer en contradiction avec leur

engagement radical [15, 30, 43]. Plusieurs auteurs ont également constaté la

récurrence de comportements obsessionnels compulsifs chez les jeunes

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radicalisés [29, 30]. Ces symptômes, qui se manifestent beaucoup autour des

rituels, du lavage, et des habitudes religieuses rigoristes qui rythment le

quotidien, ont souvent une fonction de « purification », de cadre rassurant et

de contenant idéologique aux angoisses. L’engagement radical peut ainsi

apaiser des symptômes d’anxiété préexistants en offrant un cadre rassurant.

Pour Khosrokhavar et Ludot, les djihadistes actuels, issus des classes

moyennes européennes, souffrent d’un manque d’autorité et ont besoin

d’une normativité autoritaire qui leur montre les règles à suivre *32, 37+. Ces

éléments montrent l’importance du groupe radical qui accueille les candidats

à la radicalisation et soulignent de façon plus large l’importance du micro-

environnement lors du processus de radicalisation.

Facteurs de risque micro-environnementaux (famille et environnement

proche).

La fragilité et les dysfonctionnements du groupe familial sont des facteurs de

risque de radicalisation. Les études qui se sont intéressées aux familles des

jeunes radicalisés rapportent la récurrence de carences affectives, de

traumatismes et/ou de conflits durant l’enfance et l’adolescence de ces sujets

[4, 28, 33]. Dans leur étude, incluant 112 individus placés sous main de justice

pour radicalisation, Bazex et Bénézech constatent une grande proportion

d’individus ayant vécu « une enfance marquée par des difficultés parentales

importantes, un père souvent absent et une mère dont l’intégrité est souvent

attaquée (dépression, tentative de suicide, handicap) » [27]. Pour eux, cela

contribue à une plus grande inconsistance des processus d’identification et

amène une détresse identificatoire et une quête de repères soutenue par des

processus adhésifs et dépendants (à mettre en lien avec les enjeux identitaires

et la « personal uncertainty » de Hogg évoqué ci-avant). Parmi les membres

du Hofstadgroup, une organisation terroriste néerlandaise, Schuurman a

découvert qu’un des facteurs de risque qui a rendu le discours du groupe

radical particulièrement efficace est l’isolement du sujet et l’absence d’un

discours alternatif soutenu par l’environnement familial *42+. L’absence d’une

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réponse correctrice parentale aux positions radicales du jeune a également

été constatée par Van San et al. auprès de 16 adolescents qui ont publié leurs

idées radicales (islamistes et d’extrême droite) sur internet |44]. Ils décrivent

des parents permissifs qui n’offrent aucune réponse, ou une réponse

éducative trop faible, aux opinions radicales de leur enfant.

On constate souvent dans le parcours des jeunes radicalisés une amitié

ou de l’admiration envers un membre du groupe radical. Cela parait logique

dans les études se centrant sur les cas les plus extrêmes observés dans des

contextes judiciaires. La plupart des individus radicalisés avaient un modèle à

suivre, une figure inspiratrice dans le groupe radical ayant permis l’initiation

au processus de radicalisation. Schuurman souligne ce constat pour des

individus issus du groupe « Hofstadgroup », aux Pays-Bas, et cela a été

confirmé par Bazex en ce qui concerne les jeunes Français radicalisés de

retour des zones de guerres irako-syrienne [33, 42].

De nombreux auteurs évoquent des similitudes entre les mouvements

radicaux djihadistes et les phénomènes d’emprise sectaire, notamment autour

des techniques d’emprise et des méthodes de recrutement. En se basant sur

sa connaissance des méthodes sectaires, Dayan a décrit des mécanismes

communs tel que la gratification narcissique, la dette morale, les menaces

réelles ou imaginaires et la mise à l’écart progressive des réseaux

familiaux/amicaux [43]. Rolling et Corduan distinguent deux phases dans le

processus de radicalisation des jeunes qu’ils ont suivis dans des services de

psychiatrie de l’adolescent : une première phase durant laquelle l’engagement

radical a une fonction d’apaisement des souffrances psychiques préalables, et

une seconde phase pendant laquelle l’endoctrinement idéologique mène à

l’effacement du sujet au profit du groupe *28+. Bouzar a étudié la façon dont

les jeunes ont pu être endoctrinés sur internet. Elle explique que les

« recruteurs » des groupes radicaux adaptent leurs outils de propagande à la

« sensibilité » et aux particularités du jeune qu’ils ont en face *30, 45+. Les

jeunes sont soumis à des pressions psychologiques de la part des recruteurs

afin d’adopter l’idéologie radicale et rompre avec leurs amis et leur famille

[46]. Bazex et Bénézech ont souligné, dans les catégorisations qu’ils ont

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élaborées, qu’il y a, parmi les individus radicalisés en prison, des personnalités

plus charismatiques qui adoptent des comportements particulièrement

prosélytes et manipulateurs : « le criminel en réseau prosélyte » [27]. Des

individus radicalisés avec d’autres profils (« délinquants ambitieux » ;

« personne en situation de précarité ») sont plus susceptibles d’être

endoctrinés par ces « criminels en réseau prosélyte ». Khosrokhavar a

également constaté une forme de dissymétrie relationnelle entre d’un côté

l’individu charismatique, figure de leader, qui exerce son influence, et de

l’autre côté des individus plus fragiles qui en sont les destinataires *4+.

Le groupe radical est également à l’origine d’un processus de déshumanisation

du sujet. Il s’agit d’un processus-clé afin de comprendre comment des

individus souvent dénués de pathologie psychiatrique, voire perçus comme

« normaux », peuvent s’engager dans des activités terroristes. Bazex et

Bénézech expliquent que pour un certain nombre d’individus sous main de

justice suivis pour radicalisation, le groupe et l’idéologie vient légitimer une

violence préexistante [27]. La violence et les pulsions agressives et

destructrices, qui dominent la vie fantasmatique de ces individus trouvent une

voie de justification et d’expression idéale dans la projection à l’extérieur.

Dayan souligne l’importance du « contrat narcissique » entre l’individu et le

groupe : le groupe offre une place et un rôle au sujet en échange de quoi il se

doit de répéter les mêmes énoncés et garantir la permanence de cette

transmission [43]. Khosrokhavar a étudié le cas des jeunes européens qui

souhaitaient aller se rendre sur le territoire djihadiste irako-syrien [4]. Il

explique que cette perspective de voyage initiatique amène une nouvelle

forme de radicalisation plus portée par des préoccupations humanitaires,

ludiques ou fondamentalistes que part un réel radicalisme violent. Il qualifie

ces jeunes de « pré-radicalisés » et explique qu’au contacte du groupe cruel,

une fois en zone de guerre, ils apprennent à devenir insensibles à la

souffrance des autres et se « sur-radicalisent » devenant de « vrais

jihadistes ». Bouzar identifie quatre étapes utilisées par les recruteurs dans le

but de « déshumaniser » les sujets : (i) isolation de l’individu de son

environnement ; (ii) destruction de l’individu au profit du groupe ; (iii)

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adhésion à l’idéologie de l’État islamique ; (iv) déshumanisation du sujet et de

ses futures victimes [46]. Cette dernière étape de déshumanisation et les

mécanismes qui la sous-tendent, n’est pas sans rappeler les travaux de

Bandura sur la déshumanisation de l’autre chez des individus pourtant

pourvus d’une « Agentivité Morale » (“Moral Agency”). Il explique que le

« désengagement » moral d’un individu par rapport à ses actes peut passer

par un ensemble de restructurations cognitives : un langage qui justifie ou

rend acceptable ; des comparaisons avantageuses ; le reniement de repères

moraux personnels par déplacement de responsabilité ; le mépris ou la

minimisation des effets dommageables de ses actes ; l’attribution de la

responsabilité aux victimes qui s’en trouvent ainsi déshumanisées » *47+. Ces

mécanismes sont décrits de façon similaire par Zagury [15] et Bouzar [46]

lorsqu’ils explorent le lien entre les « recruteurs » et les jeunes exposés aux

théories radicales.

Facteurs de risque macro-environnementaux (environnement culturel et

social)

Les facteurs macro-environnementaux sont plus difficiles à repérer et leur lien

avec le phénomène de radicalisation est plus difficile à prouver. La

polarisation sociale est un de ces facteurs de risque mis en avant par la

littérature sur la radicalisation. Les conditions socioéconomiques inégales ou

discriminatoires sont signalées comme contribuant au phénomène de

radicalisation. Khosrokhavar explique que les conditions de vie ghettoïsées,

associées au sentiment de déshumanisation que ces sujets ressentent au

travers du mépris social, les amènent à la conviction désespérée d’être dans

une situation d’impasse *4+. Lorsque cette conviction n’est pas rattachée à une

idéologie, ces jeunes se tournent la plupart du temps vers la délinquance. Si

cette conviction trouve un support idéologique religieux, la « haine de la

société » se sacralise et le but n’est plus de s’en tirer individuellement mais de

« sauver l’islam ». Khosrokhavar relève les points communs de la plupart des

français qui ont commis des actes terroristes : ils sont issus d’une famille

désorganisée, ils ont des griefs contre la société, ils sont traversés par un

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sentiment d’injustice sociale et présentent un déni d’identité (ne se sentent ni

français, ni du pays de l’origine migratoire) *4+. Moyano a étudié l’importance

de l’identité religieuse chez des lycéens musulmans et chrétiens en Espagne. Il

a constaté une polarisation importante entre les deux groupes, pourtant issus

du même quartier et donc exposés au même niveau de précarité socio-

économique [14]. Face à la question de ce qui les définie le mieux, les

musulmans ont choisi l’identification à la religion (alors qu’ils pouvaient choisir

l’Espagne ou leur pays d’origine) tandis que les chrétiens choisissent leur pays.

De même, plusieurs auteurs Français font remarquer que les jeunes sous main

de justice suivis pour radicalisation ont souvent des difficultés d’intégration

sociale dans leur parcours de vie, notamment à l’école, avec des antécédents

d’exclusion *27, 33+.

Doosje et al. ont repérés que la perception d’une menace pour le groupe

d’appartenance est un des principaux contributeurs au maintien d’un système

de croyance radicale *39+. La perception d’une menace pour le groupe peut

prendre trois formes différentes : menace symbolique, menace réelle et

anxiété intergroupe. La menace symbolique fait référence à la menace de la

culture islamique. La menace réaliste fait référence à la menace du statut

économique de son groupe. Enfin, l’anxiété intergroupe est définie par la

crainte que l’on peut ressentir lorsqu’on doit interagir avec une personne d’un

autre groupe. Là encore, ces résultats soulignent le poids de la polarisation

des groupes et ses conséquences au niveau des sentiments d’oppression et

d’injustice perçue. Bhui défend l’utilisation d’une approche de santé publique

afin de comprendre et de prévenir la radicalisation violente, affirmant que les

approches anti-terroristes basées sur le système judiciaire ou sur la

criminologie ne permettent pas de prévenir la radicalisation puisqu’ils

interviennent après le passage à l’acte *48+. Ces actions coercitives auraient

même tendance à stigmatiser les communautés musulmanes et à affaiblir la

cohésion sociale alors qu’une meilleure cohésion sociale est associée à une

réduction de la violence, à une meilleure santé publique ainsi qu’à une société

plus égale et plus juste. Pour appuyer cette idée, Bhui et al. ont étudié les

facteurs de vulnérabilité et de résistance à la radicalisation violente lors de

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l’étude transversale d’un échantillon représentatif d’hommes et de femmes

ayant un héritage musulman, âgés de 18 à 45 ans et issus de deux quartiers

différents en Grande-Bretagne [49, 50]. Ils ont démontré que la sympathie

pour les manifestations violentes et pour les actes terroristes ne se retrouvait

que chez une très grande minorité de sujets. Pour les quelques sujets ayant

manifestés cette sympathie les facteurs déterminants étaient les suivants :

moins de 20 ans, étudiants à plein temps plutôt que travailleurs, sujets nés au

Royaume Uni plutôt que migrants, l’anglais est la langue prédominante au

foyer familial et de grands revenus (> 75000 livres par an). Les symptômes

d’anxiété et de dépression, les expériences de vie défavorables et

l’engagement politique n’ont présenté aucune corrélation. A l’inverse, la

résistance à la radicalisation, mesurée par la condamnation des

manifestations violentes et du terrorisme, a été associée à un plus grand

nombre de contacts sociaux, à moins de capital social, à l’indisponibilité au

travail (entretien du foyer ou handicap) et au fait de ne pas être né au

Royaume Uni *49, 50+. Là encore, la sympathie (qui n’équivaut pas pour autant

à un engagement radical) est plus importante chez les individus jeunes et nés

au Royaume Uni plutôt que chez les migrants [49, 50]. Dans une autre étude

transversale au Royaume-Uni, Coid et al. ont démontré que les hommes à

risque de dépression peuvent être attirés par des mouvances à forte identité

culturelle ou religieuse, qui peuvent avoir un effet de protection par rapport à

leurs fragilités individuelles [51]. Ces résultats peuvent sembler paradoxaux et

soulignent l’importance de la prise en compte des trois niveaux (macro, micro

et individuel) : certains facteurs peuvent aussi bien agir du côté de la

protection que de la vulnérabilité à un système radical.

Le lien entre fondamentalisme religieux et radicalisation est complexe.

Plusieurs auteurs mentionnent l’importance du religieux dans le processus de

radicalisation. Moyano a remarqué que l’identité religieuse des musulmans

était plus forte que l’identité chrétienne en Espagne *14+. Dayan a constaté

l’émergence récente de revendications identitaires religieuses fortes parmi les

jeunes français *43+. Coid a montré que l’affiliation à des mouvements à forte

identité culturelle et la pratique religieuse étaient protectrices face aux

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risques de dépression, mais également que l’extrémisme religieux pouvait

augmenté les comportements antisociaux, et éventuellement désigné les

cibles de violences éventuelles *51+. Benslama met l’accent sur l’importance

de l’histoire du monde arabe et de l’islam pour expliquer les discours des

fondamentalistes islamiques et l’apparition d’une nouvelle figure identitaire

qu’il appelle le « Surmusulman » [29]. Il la définie comme la « contrainte sous

laquelle un musulman est amené à surenchérir sur le musulman qu’il est par la

représentation d’un musulman qui doit être encore plus musulman ». Le sujet

est appelé à s’identifier au « musulman exemplaire, le Prophète et l’ancêtre »,

en partant de la croyance que « le bien a déjà eu lieu, la promesse a été

réalisée, il n’y a plus qu’à retourner au passé, en attendant la fin du monde,

ou mieux : la hâter » [29]. Benslama illustre ainsi la façon dont le

fondamentalisme religieux fournit une figure identitaire dans laquelle les

jeunes peuvent trouver un sens totalisant. Il est crucial de faire la différence

entre la religion musulmane et l’idéologie islamiste radicale. Certains

politologues ont par exemple affirmé que pour l’État Islamique, la religion est

davantage un moyen de justifier leurs actions plutôt qu’une cause à défendre,

à l’inverse d’autres formes de fondamentalisme religieux [52].

Le contexte géopolitique présente également une influence majeure sur le

phénomène de radicalisation. Plusieurs auteurs ont remarqué que la

proclamation d’un califat par l’EI, avec ce que cela comporte de

démonstration de puissance, a donné une légitimité supplémentaire à leur

idéologie radicale *4, 29, 30+. Contrairement au réseau d’Al-Qaeda, l’EI s’est

ancré dans un territoire et sa propagande décrit ce territoire comme un lieu

idyllique, une utopie communautaire où les « frères » musulmans sont tous

les bienvenus peu importe d’où ils viennent. Différents termes ont émergé,

véhiculant le message de la propagande idéologique associée à ce territoire :

la « Hijra » (émigration d’un musulman depuis un pays non-musulman vers un

pays musulman), les « Terres du Sham » (référence au territoire syrien

présente dans le Coran) ou « Oumma » (communauté mondiale des

musulmans). Les événements géopolitiques ont influencé sans aucun doute le

phénomène de la radicalisation, aussi bien lors de son essor en 2014, durant la

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proclamation du califat, que pendant sa perte d’intensité depuis les défaites

de l’EI en Syrie et en Irak en 2017.

Les changements sociétaux ont également un impact sur le processus de

radicalisation. D’après plusieurs auteurs, les mutations des sociétés modernes

peuvent favoriser l’apparition du phénomène de radicalisation. Khosrokhavar

utilise le terme d’« Anomie », en référence à Durkheim [53], pour expliquer

que l’effacement des valeurs morales, religieuses ou civiques des sociétés

modernes amène un sentiment d’irrésolution qui rend la jeunesse plus encline

à se tourner vers les fondamentalismes religieux et donc éventuellement

d’être tenté par l’engagement radical *4+. Ces considérations vont de pair avec

le concept plus actuel de « modernité liquide » (“liquid modernity”) de

Zygmunt Bauman *54+. Il évoque une modernité où l’individu n’est intégré que

par son acte de consommation. Statut social, identité ou réussite sont définis

en termes de choix individuels et peuvent fluctuer rapidement au gré des

exigences socioéconomiques. Cette « modernité liquide » amène une grande

liberté, mais également beaucoup d’incertitudes, de précarité et d’insécurité.

Khosrokhavar [37] ajoute que pour ces jeunes, qui souffrent de la

« déliquescence du politique » et de la « dispersion de l’autorité entre

plusieurs instances parentales », l’islamisme radical offre des normes

tangibles et rassurantes portées par une autorité univoque. Benslama aborde

également ce changement de modèle social [29]. Il explique que le modèle

traditionnel, dans lequel la filiation définit l’identité du sujet, est menacé par

un nouveau modèle social où chaque sujet doit forger sa place et son identité,

avec toutes les angoisses que cela peut générer. Certains individus sont armés

pour faire face à ce défi, mais ceux qui échouent peuvent être tentés par les

solutions plus faciles qu’offrent les idéologies radicales : attaquer la société

qui les a mis dans cette situation d’insécurité. Beaucoup d’individus radicalisés

affirment leur profonde conviction que l’idéologie radicale, en détruisant la

société existante, leur offre la possibilité d’un nouveau modèle sociétal

prometteur. Par ailleurs, la société tend à véhiculer toutes sortes de croyances

populaires, voir de conspirations, qui montreraient que des forces extérieurs

volent le pouvoir du peuple (le pouvoir financier par exemple). Les recruteurs

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de l’EI utilisent des théories du complot qui mettent à bas tous les

fondements en lesquels ces jeunes croyaient pour qu’une fois leur conception

du monde détruite, ils n’aient d’autre alternative que de rejoindre la

proposition radicale d’un monde nouveau *30, 45+.

DISCUSSION

Un modèle à trois niveaux du processus de radicalisation chez les jeunes

européens

Pour résumer les principaux résultats de cette revue, nous proposons un

modèle sur trois niveaux qui illustre les différents facteurs de risque en jeu

dans le phénomène de radicalisation récent chez les jeunes européens. Ce

modèle est présenté dans la figure 2 et il suit la proposition de Doosje et al.

*55+. Cependant, il inclut plusieurs différences et met en avant l’idée que

certains facteurs sont interactifs entre un individu s’engageant dans la

radicalisation et un recruteur qui tente de favoriser ce processus. Tout comme

dans le modèle de Doosje et al., nous distinguons les facteurs individuels,

micro-environnementaux et macro-environnementaux (qui sont appelés

micro-, meso-, et macro-niveaux, respectivement, chez Doosje). Nous avons

préféré utiliser la distinction habituellement employée dans l’épidémiologie

des conduites à risque chez les enfants et les adolescents [56]. Le cercle rouge

inclut les différents facteurs montrant l’interaction entre le sujet et le système

radical, quel que soit le niveau : les mécanismes en jeu lors du processus de

radicalisation au niveau individuel, les similitudes avec les communautés

sectaires et l’utilisation de la déshumanisation afin de justifier l’usage de la

violence au niveau micro-environnemental, et la proposition d’un nouveau

modèle social au niveau macro-environnemental.

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Figure 2. Facteurs de risque du phénomène de radicalisation parmi les

jeunes européens : modèle sur trois niveaux

Est-il possible de formuler des recommandations ?

L’aspect multifactoriel et complexe du processus de radicalisation fait que les

propositions de prévention de ce phénomène sont variées. À partir des trois

niveaux précédemment décrits, nous avons synthétisé les différentes

recommandations qui ont été formulées aussi bien à l’intérieur qu’à

l’extérieur de la revue de la littérature dans le but de prévenir la radicalisation.

Au niveau individuel, nous n’avons que deux études empiriques

décrivant un programme de « déradicalisation » ou plutôt de traitement de la

radicalisation. La première se base sur une approche anthropologique qui a

étudié un grand nombre de jeunes français engagés dans un processus de

radicalisation [30]. Ils ont combiné un support socioéducatif, des thérapies

familiales et des groupes de « déradicalisation » qui aident les individus à

renouer avec un vécu émotionnel antérieur qui puisse les ancrer de nouveau

dans une histoire individuelle préalable à l’engagement radical *46+. À ce jour,

les données sur les résultats ne sont pas disponibles. La seconde étude se base

sur un programme néerlandais de prévention de la radicalisation, le

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programme DIAMANT *57+. L’essai consiste en trois modules (« Le Tournant »,

« Jugement Moral Interculturel » et « Gestion du Conflit Interculturel »)

réalisés sur une période de trois mois. Le but principal de DIAMANT est d’aider

les participants à trouver un travail, un stage ou une formation afin de réduire

le sentiment de frustration et d’exclusion sociale. Feddes et al. ont publié, à

partir de ce programme, une étude longitudinale montrant que l’amélioration

des capacités d’empathie et d’agentivité, ainsi que l’équilibrage de l’estime de

soi (ni trop forte, ni trop faible), permettent de prévenir le risque de

radicalisation violente [57]. En se basant sur leurs études de cas, Ludot et al.

insistent sur l’intérêt pour les psychologues et les psychiatres qui rencontrent

ces jeunes (i) d’analyser leur vulnérabilité psychologique à partir du contexte

politique, social et culturel. De plus (ii), elles préconisent de tenter de saisir la

façon dont ces jeunes négocient le signifiant « radicalisation », à savoir le sens

que leur engagement prend pour chacun d’eux *32+. Zagury insiste sur le fait

qu’il est important que les professionnels de santé mentale offrent à ces

jeunes un soutien psychologique sans jugement *15+. L’absence de jugement

de la part des professionnels est une condition nécessaire pour relancer leurs

processus psychiques et invite le jeune à lâcher peu à peu ses processus de

pensée mortifères. Il ajoute que ce n’est qu’à cette condition que le « travail

de dé-sidération » est possible. Bazex et Bénézech précisent qu’en ce qui

concerne la pratique des professionnels en prison, il est important de

professionnaliser la prise en compte des stratégies de dissimulation dû à la

difficulté de la tâche [27].

Au niveau du micro-environnement, Van San et al. avancent l’intérêt de

l’approche pédagogique et expliquent qu’un éducateur bienveillant qui

accompagne le jeune en lui fixant des limites, tout en lui offrant un discours

qui contrebalance les idéologies extrémistes, se révèlerait pertinent dans une

optique de prévention [44]. Khosrokhavar propose de constituer des groupes

d’imams, de responsables municipaux, d’agents de police, d’autorités de

quartier et de psychologues afin d’accompagner les jeunes ghettoïsés,

habitués à la violence, vers une vie différente [4]. Il ajoute que la répression

ne sera jamais suffisante pour combattre ces idéologies violentes et qu’une

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optique de prévention est essentielle. Leuzinger-Bohleber montre, à partir

d’une vignette clinique, le rôle déterminant de l’environnement scolaire sur le

processus de radicalisation : un jeune homme radicalisé pour lequel une scène

d’humiliation par un professeur, identifié comme une figure paternelle, a été

déterminante dans son mal-être [36]. Bien que le cas en soi illustre un

événement déclencheur, elle propose de mettre en place des groupes de

supervision pour les enseignants, les éducateurs et les assistants sociaux afin

d’accroitre leur prise de compte du phénomène de transfert. Cette

supervision renforcerait la capacité de ces professionnels à offrir à ces jeunes

un sentiment d’appartenance et un ancrage dans un groupe autre. Nous

pensons que la supervision et la formation ne devraient pas se limiter au

phénomène de transfert mais inclure également les phénomènes d’exclusion

sociale de tous types, y compris les premiers signes de radicalisation [58] et

l’influence des stéréotypes groupaux [59].

Au niveau macro-environnemental, Bhui et al. ont démontré qu’il existe des

facteurs de risques et de protection sur lesquels il est possible d’agir dans une

optique de prévention primaire du processus de radicalisation [49, 50]. Ils ont

proposé une approche globale, centrée sur l’inclusion/exclusion sociale,

l’identité culturelle, l’acculturation, la stigmatisation et l’engagement politique

*48+. La lutte contre l’émergence de la radicalisation inclut également la

prévention des principaux symptômes de la dépression et la promotion du

bien-être et du capital social. La lutte contre ces facteurs de risques sociétaux

serait dans tous les cas bénéfique à grande échelle puisque ces facteurs de

risque sont aussi ceux de la violence et de la mauvaise santé en générale.

Moyano propose l’hypothèse que la polarisation entre les groupes de

chrétiens et de musulmans est certainement « l’antichambre » de

l’engagement radical *14+. C’est pourquoi il insiste sur la nécessité de mener

une politique qui lutte contre ces polarisations groupales renforcées par les

inégalités socio-culturelles. Leuzinger-Bohleber insiste sur l’importance de

défendre la liberté d’expression et d’ouvrir le dialogue autour de sujets de

société tels que la migration, le traumatisme ou la sexualité afin de

contrebalancer l’idéologie radicale simpliste [36]. Khosrokhavar insiste sur le

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fait que le fondamentalisme islamiste non-violent (salafisme) est plutôt un

facteur de protection contre la violence radicale *4+. Ainsi, le maintient d’un

amalgame entre fondamentalisme et radicalisation augmenterait les

affiliations les plus radicales en réaction à cette confusion.

Implications pour la psychiatrie des adolescents

La revue de la littérature souligne le fait que le phénomène de radicalisation

ne peut être rattaché à une quelconque maladie mentale. Les individus

atteints de psychose sont l’exception plutôt que la règle. Ainsi, le traitement

psychiatrique qui en découle ne convient qu’à une minorité de situations et

n’est donc pas applicable de façon systématique. A cela s’ajoute l’absence

d’un profil psychiatrique spécifique au phénomène de radicalisation.

Cependant, la mise en avant de multiples vulnérabilités psychologiques ainsi

que leurs similitudes avec les mécanismes psychopathologiques propres à la

période adolescente (comme la suicidalité, les troubles du comportement et

les addictions etc.), invitent à penser un rôle essentiel de la psychiatrie de

l’adolescent en terme de prévention secondaire et tertiaire. Le récent rapport

qu’a publié la Fédération Française de Psychiatrie (FFP) sur le lien entre

radicalisation et psychiatrie, abonde également dans ce sens [60]. Les auteurs

expliquent les éléments suivants : (a) il y a une rencontre “d’un processus

banal d’adolescence en souffrance avec la puissance du religieux qui, en

abolissant le doute, réunit les conditions d’une réparation narcissique

efficiente” ; et (b) “Il ne s’agit pas d’une psychopathologie spécifique, mais

d’une forme spécifique d’expression d’une psychopathologie commune” de la

période adolescente. Par conséquent, les professionnels de la santé mentale

peuvent intervenir de deux façons face à la radicalisation *28, 32, 60+. D’abord

intervenir dans un premier temps d’évaluation du sujet qui permette de

donner du sens à un engagement radical qui peut varier d’un sujet à l’autre.

Les liens, mis jusque-là en avant, entre radicalisation et psychopathologie de

l’adolescence invitent à considérer ce phénomène à partir de regards de

psychiatres ou de psychologues connaisseurs de la clinique adolescente. Que

ce soit dans l’accompagnement du jeune ou dans le soutien aux équipes

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éducatives, cette mise en sens permet d’accueillir différemment le jeune et se

dégager de ce que d’autres peuvent placer sur son engagement radical.

L’autre rôle du professionnel de psychiatrie de l’adolescent peut être celui

d’accompagner l’effort de sortie de radicalisation. Connaisseur des

particularités cliniques de la prise en charge des adolescents et des jeunes

adultes, le psychiatre ou le psychologue peut proposer des dispositifs

thérapeutiques adaptés qui sont « susceptibles de “réhumaniser” le

fonctionnement du sujet en réduisant les facteurs qui ont induit sa régression

narcissique, la rupture de ses liens et sa ré-affiliation dans le processus de

radicalisation » [60]. Nous pensons que cette appréhension dynamique du

psychisme adolescent offre une voie de sortie à l’impasse de l’engagement

radical pour un certain nombre de sujets encore jeunes, dont la

déshumanisation et la dilution au sein du groupe radical n’est pas encore trop

engagée.

Limites et recherches futures

La radicalisation et le terrorisme sont des problématiques majeures de notre

société. Cet article constitue la première revue de la littérature systématique

multidisciplinaire se concentrant sur la radicalisation des jeunes européens

dans le courant des années 2010. Nous avons souhaité y inclure aussi bien les

études qualitatives que quantitatives. La difficulté à mettre en avant un

facteur explicatif déterminant nous a mené à une multitude de facteurs de

vulnérabilité aspécifiques dont le maniement est rendu difficile dans une

optique de prévention. C’est pourquoi nous pensons que cette vision plus

large à trois niveaux peut s’avérer utile dans la compréhension et

l’appréhension d’un phénomène apparu soudainement et encore méconnu.

Même si l’ouverture multidisciplinaire est nécessairement affaiblissante sur le

plan de la consistance théorique, elle nous a semblé nécessaire pour offrir un

propos compréhensible par les différentes disciplines qui seront amenées à

travailler ensemble autour d’un sujet aussi important. Par ailleurs, le fait qu’il

n’y ait pas de facteur explicatif est certainement en lien avec le fait que l’on

soit face à un épiphénomène dont l’apparition soudaine s’inscrit dans un

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29

enchevêtrement complexe de facteurs contextuels. C’est ce contexte à un

moment précis qui semble offrir un contenant et une coloration aux

manifestations les plus graves de troubles et d’impasses chez des adolescents

qui grandissent avec leur temps. Après tout, l’une des particularités des

troubles de l’adolescence consiste à se manifester dans le champ social *61+.

Toutefois, cette revue de la littérature présente plusieurs biais en raison de la

complexité du phénomène et de la diversité des populations étudiées. En

premier lieu, il y a peu d’études empiriques sur le sujet, et les critères

d’inclusion des populations sont très variables (voir table 1). La plupart des

études sont qualitatives, avec un petit nombre de sujets. Cela soulève des

questions quant à la représentativité de certaines études ou la généralisation

de certains résultats en dehors du contexte spécifique dans lequel les études

ont été réalisées. Deuxièmement, beaucoup d’études se sont centrées sur des

sujets qui ont commis des actes violents et qui ont un historique judiciaire, ce

qui n’est pas représentatif de la population radicalisée en général.

Troisièmement, la plupart des sujets inclus dans les études sont des hommes

(à l’exception notable de *28, 30+), alors que l’on sait que le nombre de jeunes

femmes radicalisées est important. Des recherches futures sont nécessaires

pour élargir le spectre des sujets en y incluant les jeunes femmes radicalisées

ainsi que les sujets radicalisés n’ayant jamais commis d’actes violents. Enfin,

bien que notre but était de nous concentrer sur les jeunes individus, beaucoup

d’études choisies incluaient également des adultes de plus de 25 ans, ce qui

questionne la généralisation des résultats.

Il est également important de mener des recherches plus empiriques en

utilisant des approches multidisciplinaires. Différentes échelles ont été

établies dans le but d’évaluer la sympathie pour les mouvements radicaux en

population générale (Syfor *49+, RIS *62+, et l’échelle de Doosje *39+), mais

aucune d’entre elles n’a été validée. Il serait utile que les professionnels de

terrain qui ont rencontré des jeunes radicalisés développent une grille

d'évaluation spécifiquement conçue pour les personnes perçues comme étant

à risque par les institutions de santé, judiciaires et pénitentiaires. Il est

primordial de développer des outils spécifiques afin d’étudier le phénomène

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et d’évaluer les programmes destinés à prévenir ou traiter la radicalisation

dans le but de lutter contre ce phénomène.

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Annexes

Table 1. Caractéristiques des études inclues dans la revue

Auteur (année) Conception de l’étude N Age Genre Pays * Critères de radicalisation

Caractéristiques de l’échantillon

Outils d’évaluation Principaux résultats

ÉTUDES SE CENTRANT SUR DES TERRORISTES OU DES INDIVIDUS IMPLIQUES DANS DES ACTIONS VIOLENTES

Bazex & Mensat 2016 [33]

Profils psychologiques { partir de l’expertise judiciaire d’individus revenus de zone de guerre irako-syrienne

12 21-27 H (100%) Fra Partis sur zone de guerre irako-syrienne pour rejoindre l’EI.

Rencontre dans le cadre d’un suivi judiciaire suite à leur retour de zone de guerre irako-syrienne

Expertise médico-légale et outils psychologiques.

Différentes informations cliniques (absence d’environnement familial structurant, intégration sociale difficile, importance d’une figure de mentor, l’engagement religieux s’effectue hors de la famille) et 3 profils.

Bazex & Bénézech 2017 [27]

Profils psychologiques basés sur l’expertise judiciaire d’individus sous main de justice et repérés comme radicalisés.

112 Moyenne d’âge de 30 ans

H (96%) et F (4%)

Fra Perçus comme radicalisés par l’équipe d’experts du service pénitentiaire.

14.3% sont condamnés pour « apologie du terrorisme », 10.7% pour « actes de terrorisme » et 75% pour des délits de droit commun.

Expertise médico-légale et outils psychologiques.

Bénéfices de l’engagement radical, récurrence de certaines caractéristiques psychologiques (dimensions psychopathologiques et facteurs de vulnérabilité) et 4 profils avec une minorité (10%) de personnes atteintes de maladies mentales.

Bhui 2012 [48] Proposition d’une recherche de santé publique basée sur l’observation d’individus ayant commis des actes terroristes récemment

NA NA NA UK NA Individus ayant commis des attaques terroristes récemment.

Questionnaires Proposition d’une recherche de santé publique et de pratiques à adopter face à la radicalisation violente.

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Schuurman 2016 [42]

Revue de la littérature et analyse de données du « Hofstadgroup » issues de fichiers de la police néerlandaise et de 3 entretiens avec des membres du groupe.

3 NA H (100%) NL Membres du groupe terroriste « Hofstadgroup »

Variabilité des statuts socioéconomiques et des origines ethniques des membres du groupe.

Fichiers de police et trois entretiens semi-structurés avec d’anciens membres du groupe.

La plupart des raisons évoquées par les militants pour justifier les violences terroristes étaient principalement personnelles et moins liées à leurs convictions religieuses extrémistes.

ÉTUDES SE CENTRANT SUR DES INDIVIDUS AYANT EU L’INTENTION DE REJOINDRE L’ÉTAT ISLAMIQUE ET/OU PRÉSENTANT UNE IDÉOLOGIE EXTRÉMISTE

Bouzar 2014 [46] Observations et conclusions théoriques basées sur une recherche-action de lutte contre la radicalisation soutenue par le gouvernement français

160 15-28 NA Fra Ont essayé de rejoindre l’État islamique en zone de guerre irako-syrienne

La famille de l’individu radicalisé a contacté le CPDSI pour demander de l’aide

Anthropologie qualitative

Grande variabilité des profils ; description de méthodes sophistiquées et personnalisées de recrutement sur internet par l’EI ; description des différentes étapes dans le processus de radicalisation

Bouzar & Martin 2016 [30] Bouzar 2017 [45] (Même échantillon)

Observations et conclusions théoriques basées sur une recherche-action soutenue par le gouvernement français afin de lutter contre la radicalisation

809 12-30 H (40%) F (60%)

Fra Ont essayé de rejoindre l’État islamique en zone de guerre irako-syrienne

Individus pris en charge par le CPDSI après que la police et/ou les parents les ont empêché de rejoindre le territoire de l’EI

Anthropologie qualitative se centrant sur les motivations pour rejoindre l’EI

Description de 8 types de motifs pour l’engagement radical (Bouzar & Martin, 2016) Illustration de comment les recruteurs de l’EI s’adaptent au profil des candidats pour les « aider » à se décider à rejoindre l’EI (Bouzar, 2017)

Rolling & Corduan 2017 [28]

Conclusions théoriques basées sur les observations cliniques d’adolescents radicalisés suivis en psychiatrie de l’adolescent et en Maison des Adolescents

25 13-20 H (30%) F (70%)

Fra Perçus comme radicalisés par l’équipe de pédopsychiatrie qui les prend en charge

Individus principalement signalés par le personnel éducatif, la police ou la justice. Décrits comme se trouvant dans des étapes précoces du processus de radicalisation.

Approche qualitative basée sur du matériel clinique issu d’entretiens individuels et familiaux

L’adolescence est un facteur de vulnérabilité à la radicalisation. Fragilités dépressives et narcissiques ; possible PTSD, trouble conversif ou trouble psychotique. 2 phases dans le processus de radicalisation : 1- soulagement de la souffrance psychique, 2- endoctrinement (effacement de soi en faveur du groupe)

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Van San et al. 2013 [44]

Étude du rôle des travailleurs sociaux/enseignants et des difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils ont affaire à des jeunes aux idéaux extrêmes.

16 16-25 H (88%) F (12%)

NL Individus qui ont tenus des propos extrémistes sur des forums internet

Mouvements extrémistes de différents types (islam radical, droits des animaux, extrême droite)

Ethnographie qualitative

Tolérance concernant le discours radical dans l’environnement familial. Importance du support éducatif afin de fournir un contre-discours.

ÉTUDES SE CENTRANT SUR L’ADHÉRENCE A LA RADICALISATION DANS DES ÉCHANTILLONS DE POPULATION GÉNÉRALE

Bhui 2014a [49] Évaluation de la vulnérabilité à la radicalisation violente et enquête sur le rôle des causes précédemment rapportées (mauvaise état de santé, anxiété, dépression, événements de vie adverses, pauvreté, migration, facteurs sociopolitiques, etc.)

608 18-45 H (56%) F (44%)

UK Sympathie pour les manifestations violentes et pour le terrorisme en tant que facteur favorisant l’engagement radical

Origines pakistanaises et Bengalis, héritage musulman, 2 villes : Est londonien et Bardford (Diversification des statuts socioéconomiques et de l’intégration culturelle avec la société)

Questionnaire mesurant la sympathie envers la radicalisation violente et le terrorisme (SyfoR). 16 items, échelle de Likert avec des scores allant de -3 à +3

La sympathie est rare parmi les hommes et les femmes, âgés de 18 à 45 ans, ayant un héritage musulman et issu de deux villes anglaises. La sympathie est plus susceptible d’être exprimée par les jeunes de moins de 20 ans, les étudiants à temps plein plutôt que les travailleurs, ceux nés au Royaume Uni, ceux parlant l’anglais { la maison.

Bhui 2014b [50] (Même échantillon)

Évaluation de la vulnérabilité à la radicalisation violente et enquête sur le rôle de la dépression, de l’adversité psychologique et des liens sociaux limités dans la protection ou la vulnérabilité face au processus de radicalisation.

608 18-45 H (56%) F (44%)

UK Sympathie pour les manifestations violentes et pour le terrorisme en tant que facteur favorisant l’engagement radical

Origines pakistanaises et Bengalis, héritage musulman, 2 villes : Est londonien et Bardford (Diversification des statuts socioéconomiques et de l’intégration culturelle avec la société)

Questionnaire mesurant la sympathie envers la radicalisation violente et le terrorisme (SyfoR). 16 items, échelle de Likert avec des scores allant de -3 à +3

La sympathie pour les manifestations violentes et pour le terrorisme est associée à la dépression. La résistance à la radicalisation est associée à un plus grand nombre de contacts sociaux, moins de capital social, une indisponibilité au travail, et le fait de ne pas être né au Royaume Uni.

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Moyano 2014 [14]

Évaluation de l’activisme religieux et politique ainsi que l’appétence aux croyances radicales auprès d’un échantillon de jeunes musulmans et chrétiens issus d’un quartier marginal d’une ville du sud de l’Espagne.

115 13-17 H (54%) F (46%)

Esp Fort taux d'activisme et de radicalisme religieux et politique

Étudiants musulmans et chrétiens fréquentant un lycée dans un quartier marginal du sud de l'Espagne

Échelles d'intention d'activisme et de radicalisme (Moskalenko & McCauley, 2009). 2 échelles composées de 4 items chacune, échelle de Likert avec des scores allant de 1 à 7

Différences au niveau de l'identité religieuse et nationale entre musulmans et chrétiens. Les musulmans présentent des niveaux d'extrémisme religieux plus importants. L'oppression perçue et l'idéologie partagée à l'intérieur du groupe semblent être des facteurs favorisant l’intentionnalité radicale dans le groupe musulman où prévaut l'identité religieuse.

Coid 2016 [51] Étude transversale évaluant les opinions extrémistes parmi les hommes au Royaume Uni

3679 18-34 H (100%) UK Opinions extrémistes (positions pro ou anti-britanniques)

Population générale Questionnaire d’opinions extrémistes ainsi que le soutien aux britanniques et à la guerre en Afghanistan. 6 items, 3 réponses possibles : « Oui », « Non » ou « Ne sait pas ».

Les hommes enclins à la dépression peuvent se sentir protégés par une identité culturelle ou religieuse forte ; le comportement antisocial s’accroit avec l’extrémisme ; la religion est protectrice mais peut mener à des fins violentes si elle prend un tournant radical.

Dhami & Murray 2016 [35]

Analyse qualitative et exploratoire de la perception d’avantages et d’inconvénients dans le fait de visiter un site internet extrémiste violent, de rejoindre un groupe extrémiste violent et d’abandonner le groupe en question.

57 Moyenne d’âge 22

ans (Ecart-Type=

2.9)

H (100%) UK Perceptions des bénéfices apportés par le fait de visiter un site internet extrémiste violent et rejoindre un groupe extrémiste violent.

Jeunes hommes recrutés via des universités au Royaume Uni

Auto-Questionnaire demandant d’imaginer les avantages et les inconvénients du fait de rejoindre un groupe extrémiste violent, etc.

Bénéfices de l’engagement extrémiste : acquisition de connaissances, faire partie d’un groupe/semblables, lutte contre l’ennemi/pour la bonne cause. Inconvénients de l’engagement extrémiste : être exposé à du matériel/émotions négatives, opinions et comportements violents/criminels, avoir des ennuis avec la justice

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Doosje et al. 2013 [39]

Focus sur le processus de radicalisation avec l’hypothèse qu’il est sous-tendu par trois facteurs principaux : insécurité personnelle, injustice perçue et menace de groupe ressentie

131 Moyenne : 17.3 ans

(Ecart-type=2.2)

[12-21]

H (61%) F (39%)

NL Évaluation d’un système de croyances radicales

131 jeunes musulmans. La plupart (95,5%) étaient des lycéens. Ils se définissaient tous eux-mêmes comme des musulmans.

Questionnaire mesurant 12 variables de prédiction. 87 items, échelle de Likert avec des scores allant de 1 à 5.

L’insécurité personnelle, l’injustice perçue et la menace de groupe sont des facteurs déterminants à la mise en place et au maintien d’un système de croyance radicale. Ce système favorise les passages à l’acte violent.

Feddes et al 2015 [57]

Résultats quantitatifs d’une évaluation longitudinale d’un dispositif de prévention de la radicalisation violente en travaillant sur la résilience des sujets (Diamant ; SIPI, 2010)

46 14-23 H (77%) F (23%)

NL Décrits comme “possiblement vulnérables à la radicalisation” par un centre communautaire ou un lycée

Origines migratoires : Maroc (85%), Turquie (11%), Suriname (1%), Pakistan (1%).

Questionnaire mesurant 10 variables d’intérêt. 37 items, échelle de Likert avec des scores allant de 1 à 5.

Les résultats suggèrent qu’une intervention destinée à valoriser les individus tout en renforçant leur empathie s’avère efficace au moment de prévenir voir traiter la radicalisation violente.

ÉTUDES SE CENTRANT SUR DES ASPECTS THÉORIQUES BASES SUR DES RAPPORTS DE CAS ISOLES OU DE PETITES SÉRIES

Benslama 2016 [29]

Propositions théoriques basées sur des soins psychologiques et des observations cliniques de patients radicalisés, ainsi que les connaissances sur les fondamentalistes islamistes

NA NA NA Fra NA NA Méthode psychanalytique

Même si les radicalisés ne sont pas mentalement malades ils ont des vulnérabilités, et la radicalisation devrait être considérée comme une tentative d’apaisement. Les changements de modèles sociétaux et les spécificités des fondamentalismes islamiques laissent apparaitre une figure imaginaire appelée le « Surmusulman », qui explique en partie l’importance du phénomène de radicalisation.

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Dayan 2015 [43] Conclusions théoriques basées sur des observations psychologiques de terroristes français récents et du phénomène de radicalisation dans la société française

NA NA NA Fra NA NA Méthode psychanalytique

Description du processus de déshumanisation et de l’importance du groupe et de la psychologie collective.

Khosrokhavar 2014 [4]

Considérations théoriques et observations du phénomène de radicalisation à partir d’un point de vue sociologique

NA NA NA UE NA Travail effectué principalement avec des individus radicalisés emprisonnés

Approche sociologique

Description d’un nouveau modèle européen de radicalisation « introvertie » : groupes plus petits, moins prosélytes (plus discrets) et plus grande fragilité psychologique parmi leurs membres. Beaucoup d’autres éléments, c’est un ouvrage très complet.

Khosrokhavar 2015 [37]

Considérations théoriques et observations du phénomène de radicalisation chez les jeunes français à partir d’un point de vue sociologique

NA NA NA UE NA Travail effectué principalement à partir de cas de jeunes français qui se sont radicalisés depuis 2014

Approche sociologique

Distinction lors du processus de radicalisation entre les individus européens radicalisés issus des classes moyennes, les individus européens radicalisés issus de milieux ghettoïsées et les jeunes filles européennes radicalisées.

Leuzinger-Bohleber 2016 [36]

Cas unique 1 28 H All Individu ayant rejoint un groupe radical violent de jeunes d’extrême droite

Après avoir subi l’humiliation d’un professeur, il a perdu tout intérêt pour l’école et a rejoint le groupe radical

Méthode psychanalytique

Importance des problèmes de l’adolescence dans le processus de radicalisation. Besoin de sensibiliser les professionnels qui s’occupent des adolescents afin qu’ils puissent les accompagner dans leur recherche d’appartenance.

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Ludot et al. 2016 [32]

Deux illustrations cliniques

2 14-15 H (50%) et F

(50%)

Fra Conversion à l’islam et éléments de réalité qui permettent d’objectiver le processus de radicalisation

Adolescents ayant des difficultés antérieures plus « communes » pour leur âge et un dysfonctionnement familial

Matériel clinique issu de suivis en psychiatrie de l’adolescence

Importance de comprendre la façon dont chaque adolescent se saisie de son engagement radical. Similitudes avec les problématiques plus habituelles de la psychopathologie adolescente

UE : Union Européenne ; Fra : France ; All : Allemagne ; NL : Pays-Bas ; Esp : Espagne ; UK : Royaume Uni ; EI : État islamique